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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 20 novembre 1996

.1540

[Traduction]

Le coprésident (M. Duhamel): Mesdames et messieurs, merci d'être présents. Je vais vous expliquer comment nous procédons. Je dois aussi vous dire que nous serons probablement retardés cet après-midi. Cela nous arrive souvent et j'espère que vous serez patients, car nous avons vraiment besoin de votre témoignage.

Je m'appelle Ron Duhamel et je suis le président de ce comité. En fait, j'en suis le coprésident, avec l'honorable Michel Dupuy, qui est malheureusement absent aujourd'hui et qui m'a demandé de vous transmettre ses meilleurs voeux.

Je suis accompagné par des collègues: M. Grubel; M. Cullen; M. Penson; et M. Sauvageau, qui a été retardé par les travaux de la Chambre et qui se joindra à nous bientôt.

Voici comment nous procédons normalement. Nous vous invitons à faire une brève déclaration de cinq à sept minutes tout au plus. Après ces déclarations, les députés pourront vous poser des questions. Ensuite, si vous voulez ajouter quelque chose, vous pouvez le faire. C'est à vous d'en décider.

Voici maintenant la complication qui surgit cet après-midi: on nous a dit qu'il y aura un vote à la Chambre à 15 h 45. En fait, il semble qu'il pourrait avoir lieu un peu plus tard. J'hésite à attendre pour voir s'il aura lieu plus tôt ou plus tard, car nous avons de nombreux témoins à entendre et nous disposons de tellement peu de temps. Donc, avec votre indulgence, je crois que nous allons commencer.

[Français]

Nous allons entendre tout de suite les témoignages.

[Traduction]

Si nous devons nous interrompre - en fait, nous devrons indéniablement le faire - nous irons voter, après quoi nous reviendrons le plus vite possible.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Ne pourrions-nous pas nous jumeler par paires, de manière que...

Le coprésident (M. Duhamel): J'espère que quelqu'un, là haut, dans une des tours, étudie cette possibilité.

M. Grubel: Ce serait dommage que tous ces gens-là doivent nous attendre.

Le coprésident (M. Duhamel): Oui, ce serait tout à fait regrettable.

Ai-je nommé tous mes collègues? Il me semblait avoir vu un autre collègue se joindre à nous. M. Campbell est ici également.

M. Campbell (St. Paul's): Merci.

Le coprésident (M. Duhamel): Qui voudrait prendre la parole en premier? Voulez-vous commencer, monsieur?

M. John Kuhl (président, Comité sur le commerce et la réglementation, Conseil canadien de l'horticulture): Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je m'appelleJohn Kuhl. Je suis accompagné de Stephen Whitney, membre du personnel du Conseil canadien de l'horticulture.

J'espère que les membres du comité ont reçu copie de notre mémoire. Étant donné sa longueur et le peu de temps dont nous disposons, nous n'en aborderons que les principaux éléments.

Le Conseil canadien de l'horticulture est un organisme sans but lucratif dont l'adhésion est volontaire. Ses membres participent, sont affiliés ou sont associés à la production de fruits, de légumes et de cultures ornementales dans tout le Canada. La valeur de l'industrie s'élève à environ 2,4 milliards de dollars en recettes à la ferme. Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de présenter l'opinion que partagent nos divers membres aux comités dans le cadre de l'étude officielle de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

À l'heure actuelle, le Canada impose un certain nombre de règles antidumping sur les fruits et légumes frais importés. On applique ces règles à l'échelle nationale sur les pommes Red Delicious importées des États-Unis et à l'échelle régionale sur les oignons jaunes, la laitue et les pommes de terre importées des États-Unis en Colombie-Britannique.

Nous tenterons de répondre aux principales questions types liées à l'étude.

La première question est celle-ci: la loi répond-elle adéquatement aux besoins des entreprises qui font face à des importations faisant l'objet d'un dumping ou d'une subvention préjudiciable? La loi actuelle soulève quatre problèmes.

Premièrement, une société est une personne morale; un produit peut être cultivé par de nombreux producteurs, dans tout le pays. Par exemple, on compte des milliers de pomiculteurs qui exploitent des entreprises indépendantes et qui revêtent une importance commerciale dans cinq provinces. La façon de recueillir et de regrouper les données nécessaires est très difficile à coordonner.

Deuxièmement, dans le cas du secteur des fruits et légumes frais, une poursuite en justice exige beaucoup de temps et est très coûteuse. L'exécution d'un jugement favorable, même s'il corrige la situation à long terme, ne peut répondre aux besoins immédiats liés à des produits très périssables.

De plus, le délai pour obtenir une décision préliminaire est trop long. Une décision antidumping peut souvent entrer en vigueur une fois que la saison est terminée. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles ce secteur favorise un mécanisme de protection efficace, mais jusqu'à présent, le gouvernement n'a jugé bon que de permettre aux horticulteurs d'avoir accès à un retour au taux de droits NPF, qui est inefficace.

.1545

Troisièmement, les enquêtes concernant les droits compensateurs comportent les mêmes lacunes que les règles antidumping et ajoutent à la complexité. Il est très difficile pour le secteur de détecter et de documenter les subventions qui ont un effet de distorsion sur le commerce dans les pays étrangers, ce qu'il faut pourtant faire pour bien documenter une plainte.

Quatrièmement, ces deux mesures comportent une autre lacune importante, soit la capacité de protéger les producteurs contre l'importation préjudiciable de produits semi-transformés et finis. Les producteurs de produits primaires n'ont simplement pas le droit de porter plainte car ils ne sont pas considérés comme des producteurs d'un produit similaire.

Par exemple, si le produit portant préjudice est du concentré de jus de raisins pour la production de vin ou le produit fini en tant que tel, les producteurs de raisins canadiens ne peuvent porter plainte car les raisins ne sont pas considérés comme un produit semblable. Comme la plupart des raisins canadiens servent uniquement à la production de vin et que les producteurs de raisins peuvent subir un préjudice en raison de concentré de jus de raisins ou de vin importé faisant l'objet d'un dumping, il est difficile d'expliquer aux producteurs de raisins le jargon technique qui les empêche d'avoir accès aux droits antidumping ou compensateurs.

D'autres producteurs subissent le même sort, que ce soient les producteurs de pommes, de tomates ou de cerises. Ils ont tous fait face à ce problème au fil des ans. On doit résoudre la question.

La deuxième question est celle-ci: le système tient-il compte de l'incidence négative possible des droits antidumping et compensateurs sur les consommateurs et les industries en aval?

Dans le cas des produits frais qui sont vendus sur le marché sans transformation, nous croyons que le système actuel protège suffisamment les intérêts des consommateurs et des distributeurs.

Dans le cas des produits qui sont transformés, la question est un peu plus délicate, puisque la protection des produits primaires, sans une certaine reconnaissance de la nécessité d'une protection compensatrice pour ce qui est des produits en aval, déplace simplement le problème à un autre niveau.

La décision canadienne sur les cerises acides importées des États-Unis en est un exemple classique. La décision rendue en faveur des producteurs canadiens a été en fin de compte contournée puisque l'utilisateur final a importé de la garniture à tartes aux cerises en gros et des cerises surgelées séparément en gros, une sorte de cerise acide semi-transformée qui ne pouvait être incluse dans la décision. On peut alléguer que l'utilisateur final, c'est-à-dire le distributeur de garnitures à tartes en conserve ou le fabricant de tartes et de desserts aux cerises, peut avoir également été désavantagé par une forme de produit fabriqué reconnu par la loi et une autre qui est exemptée.

Par conséquent, on a laissé tomber la décision, mais le problème d'importation n'a pas disparu pour autant, et les producteurs de cerises canadiens n'ont pas obtenu réparation pour le préjudice subi. On doit régler cette question. À défaut de le faire, on demande aux producteurs de subventionner un autre niveau de l'industrie. De toute évidence, au fil du temps, les producteurs ne peuvent continuer ainsi, à moins que les gouvernements ne soient prêts à payer la note, scénario plus qu'improbable.

Il semble que nous soyons à de nombreuses années d'une résolution de ces iniquités, ce qui met un certain nombre de produits et industries en aval en péril. Pouvons-nous nous permettre d'attendre?

Troisième question: le système actuel est-il accessible à toutes les entreprises qui portent plainte?

Non, les producteurs de produits primaires ne peuvent déposer de grief contre des produits transformés.

Quatrième question: peut-on améliorer l'efficience du processus d'enquête?

Oui, on peut le faire, en exigeant moins de documents et en réduisant le délai prévu dans le cas d'une décision préliminaire. Il serait très utile pour ce secteur et pour les représentants du gouvernement que l'on puisse réduire la paperasse sans que l'on affecte la capacité de documenter et de faire valoir adéquatement les mérites d'une affaire.

La cinquième question est celle-ci: est-ce que les lois et procédures canadiennes sur le dumping devraient être semblables à celles des États-Unis?

Oui. En négociant un accord bilatéral avec les États-Unis, nous pourrions alors à tout le moins dire aux industries des deux pays qu'elles sont traitées exactement de la même façon.

La sixième question porte sur les opinions concernant les changements économiques entraînés par la mondialisation et le rôle de la LMSI.

Aux termes de nos accords commerciaux, le gouvernement canadien a réussi à améliorer l'accès aux marchés canadiens de produits horticoles importés. Toutefois, nos gouvernements fédéral et provinciaux n'ont pas eu autant de succès pour ce qui est de modifier un certain nombre d'instruments de politique intérieure à cause desquels il est difficile pour les producteurs canadiens d'être compétitifs.

Nous ne pouvons tout simplement pas continuer d'ouvrir nos marchés aux importations, tout en s'attendant à ce que les producteurs canadiens soient compétitifs, sans apporter d'autres rajustements, certainement pas face à une concurrence fondée sur le dumping ou les subventions. Tant que les deux paliers de gouvernement n'auront pas réussi à aligner davantage la politique intérieure sur la réalité du marché mondial, la LMSI doit être maintenue.

.1550

Nous nous préoccupons particulièrement de l'élimination graduelle des mesures antidumping dans l'accord de libre-échange entre le Canada et le Chili. Si c'est l'approche que le Canada entend adopter avec d'autres partenaires commerciaux, particulièrement en vertu de l'ALENA, nous sommes doublement préoccupés. Même si nous reconnaissons qu'à long terme, les mesures antidumping et compensatrices peuvent être éliminées graduellement, particulièrement dans les zones de libre-échange, on devrait attendre que les questions d'accès au marché soient réglées.

Quelles questions, selon vous, doivent être réglées en priorité? Nous en avons quatre, par ordre de priorité. La première est le maintien de la Loi sur les mesures spéciales d'importation comme principal mécanisme d'exonération commerciale. Deuxièmement, la résolution de la question du statut de producteur dans le cas des produits en aval par l'élargissement de la définition de «produit similaire». Troisièmement, l'allégement du fardeau administratif qui pèse sur les producteurs nationaux, les importateurs et les fournisseurs étrangers, et la réduction des délais prévus dans le cadre d'une décision préliminaire à 60 jours, au lieu de 90 jours, pour les produits très périssables. Quatrièmement, l'élaboration de lois et procédures similaires à celles des États-Unis.

Nous sommes heureux d'avoir eu la possibilité de présenter nos commentaires et nous sommes prêts à répondre à toute question que vous pourriez nous poser. Merci.

Le coprésident (M. Duhamel): Merci, monsieur.

Je donne maintenant la parole au représentant de l'Institut du vin canadien.

M. Roger Randolph (président, Institut du vin canadien): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné cet après-midi de mon collègue Don Jarvis, qui est notre avocat à Ottawa. Je vous demande de m'excuser, je suis un peu enrhumé.

Je vous remercie de nous donner l'occasion de prendre la parole à l'occasion de cette rencontre conjointe des sous-comités des affaires étrangères et du commerce international et des finances au sujet de cette très importante question.

Je tiens à préciser dès le départ que notre participation à cette table ronde ne s'inscrit pas dans une stratégie globale visant à obtenir un traitement préférentiel. Tout ce que nous recherchons, ce sont ces fameuses règles du jeu équitables pour tous.

Nous appuyons pleinement le principe que le ministre des Finances Paul Martin a énoncé plus tôt cette année: que le Canada doit accorder à son industrie la même protection que celle qu'accordent nos principaux partenaires commerciaux. Depuis 1989, avec la libéralisation du commerce, les autres pays du monde ont obtenu le traitement national pour leurs vins au Canada, tandis que les Canadiens n'ont pas obtenu la pareille pour leurs vins dans les marchés d'exportation. Ces proverbiales règles du jeu étaient plus équitables pour le vin avant l'ACCEU, l'ALENA, le GATT et l'OMC.

Il est essentiel, dans notre esprit, que le Canada emboîte le pas au ministre des Finances Paul Martin et qu'il protège ses industries contre les pratiques commerciales déloyales. Le maintien généralisé des droits compensateurs et des droits antidumping est un élément essentiel d'une telle politique commerciale proactive. En fait, l'Institut du vin canadien recommande que la Loi sur les mesures spéciales d'importation et son règlement connexe soient non seulement maintenus, mais soient modifiés afin d'assurer un meilleur équilibre.

Les établissements vinicoles du Canada mettent sur le marché des vins fabriqués à partir du pressage de raisins et de la fermentation du jus de raisins, mais certains établissements se spécialisent dans la vente de vins résultant du mélange et de l'embouteillage de vins en vrac. L'industrie suit les prescriptions rigoureuses de la réglementation fédérale et provinciale, et les règlements en question influent directement sur la structure de l'industrie, sur ses coûts de production, sur les prix du produit et sur la mise en marché.

La réputation des vins canadiens a grandi considérablement, tant au Canada qu'à l'étranger, depuis six ou sept ans, à la suite de dépenses et d'efforts considérables. Ce nouveau départ a fait naître des promesses d'avenir qui ne pourront être pleinement réalisées que dans un environnement commercial équitable. Je suis heureux de signaler qu'en 1996, les ventes ont décollé pour la première fois depuis au moins huit ou neuf ans.

L'industrie canadienne du vin compte 67 entreprises qui exploitent 77 établissements vinicoles dans tout le Canada, ont un chiffre d'affaires annuel total de plus de 550 millions de dollars en 1995 (dont les membres de l'Institut revendiquent plus de 89 p. 100), et assument une contribution fiscale de l'ordre de 385 millions de dollars. L'industrie fournit des emplois de qualité à plus de5 000 personnes.

Depuis 1989, on a accordé aux vins importés un traitement national en termes d'inscription au catalogue, de distribution et de marge bénéficiaire, tandis que le Canada n'a rien obtenu en retour à l'égard de ses vins dans les marchés d'exportation. L'Union européenne, au lieu de réduire ses subventions comme elle avait annoncé qu'elle le ferait, les a augmentées. D'après une étude effectuée en 1994 par le gouvernement de l'Ontario, l'Union a versé des subventions de plus de5 milliards de dollars à son industrie, à tous les niveaux. Cela n'inclut pas les subventions nationales payées par les États membres à leur secteur vinicole. On estime que ces dernières représentent un autre milliard de dollars.

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Depuis un certain nombre d'années, les États-Unis appuient leur industrie du vin avec des subventions à l'exportation valant des dizaines de millions de dollars, dont la majeure partie est dépensée au Canada, qui est leur plus important marché extérieur. Un groupe spécial du GATT a tranché en faveur du Canada, plutôt que des États-Unis, dans une affaire de pratiques d'établissement de prix, de distribution, et de règlements discriminatoires en matière d'importation et de fiscalité. On a essentiellement fait fi de la décision, en raison de prétendues lacunes constitutionnelles du côté des Américains.

Le marché intérieur de nos partenaires commerciaux est dominé par leurs propres vins: France, 98 p. 100; Italie, 98 p. 100; Californie, 92 p. 100; Espagne, 99 p. 100; Australie, 97 p. 100; et Nouvelle-Zélande, dont la taille de l'industrie est comparable à celle du Canada, 84 p. 100. À l'inverse, l'industrie canadienne possède seulement 40 p. 100 de son propre marché intérieur.

En fait de balance commerciale pour la seule Union européenne, en 1995, la valeur des exportations de vin du Canada représentait moins de 0,5 million de dollars, par rapport à des importations de 305 millions de dollars en provenance de l'Union européenne.

Une politique commerciale suppose bien des choses, mais pour nous, cela suppose qu'il faut protéger l'industrie canadienne contre les pratiques commerciales déloyales dans notre propre pays et qu'il faut ouvrir aux produits canadiens les marchés étrangers où l'on persiste à maintenir des barrières déloyales contre le commerce, à l'encontre de l'esprit et de la lettre de l'ACCEU, de l'ALENA et de l'OMC.

En conformité avec ces objectifs, le Canada devrait renforcer ses mesures d'exécution et d'administration de la législation existante, en l'occurrence pour contrer le dumping et les subventions, de façon généralisée, même dans les zones de libre-échange. À cet égard, l'Institut appuie la position prise par la Fédération canadienne de l'agriculture, qui réclame le maintien de cette loi dans le cadre de l'accord de libre-échange conclu entre le Canada et le Chili. Son élimination pourrait rendre l'industrie vinicole canadienne vulnérable aux vins subventionnés ou sous-évalués du Chili et créerait un précédent de très mauvais augure.

Le code des subventions et le code antidumping visent notamment à empêcher le dumping et l'utilisation de subventions à mauvais escient, d'une part, et à empêcher l'application de mesures compensatoires et antidumping en guise de tarifs, d'autre part. La Loi sur les mesures spéciales d'importation ne trouve pas le juste équilibre entre ces deux objectifs.

Les codes et le règlement de la LMSI obligent les autorités à déterminer si des facteurs autres que les subventions ou le dumping en rapport avec les biens dont il est question ont causé un préjudice ou un retard sensible ou menacent de le faire. Si, comme cela a effectivement été le cas, les industries canadiennes sont tenues de prouver qu'aucun facteur autre que les marchandises importées, dumpées ou subventionnées n'a causé le préjudice faisant l'objet de la plainte, la tâche devient quasiment impossible. Pour prouver qu'aucun facteur autre que la marchandise importée n'a causé le préjudice, il faut prouver qu'une chose ne s'est pas passée. Un avocat chevronné vous dira que cela est extrêmement difficile à faire.

Les exigences du code devraient être considérées comme des éléments pertinents de l'affaire et non pas comme une règle concernant le fardeau de la preuve pour la détermination du préjudice. Le principe le plus fondamental en ce qui a trait au fardeau de la preuve est que la personne qui allègue un fait doit le prouver. Par conséquent, une industrie nationale qui porte plainte dans le cas de marchandises subventionnées ou dumpées ayant causé un préjudice doit prouver ses dires. Elle doit prouver que les importations ont causé un préjudice.

En conséquence, nous exhortons le Parlement et le gouvernement à modifier la LMSI ou son règlement d'accompagnement de manière à stipuler que, pourvu que l'industrie nationale présente des éléments de preuve établissant un lien de cause à effet entre les marchandises importées et le préjudice causé à l'industrie nationale, la requête est légitime, et le fardeau de la preuve devrait plutôt être imposé aux représentants de l'importateur, qui seraient alors tenus de persuader les autorités qu'un ou des facteurs autres que les importations ont causé le préjudice qui fait l'objet de la plainte.

Par exemple, dans une affaire de droit antidumping, l'importateur pourrait soutenir en défense que la diminution des ventes ou de la rentabilité dont l'industrie nationale se plaint a été en fait causée par un facteur autre que la marchandise importée, par exemple une récession, qui a réduit la demande à l'égard de la marchandise produite au pays. Dans cet exemple, c'est l'importateur qui soutient qu'un autre facteur est à l'oeuvre et c'est donc lui qui devrait être tenu de prouver que cet autre facteur, nommément la récession, a bel et bien causé la baisse des ventes ou de la rentabilité.

Les représentants de l'industrie nationale en cause devraient seulement être tenus de prouver qu'il y a un lien de causalité entre l'importation des biens et le préjudice causé, dans notre exemple la baisse de la rentabilité ou des ventes. Si l'importateur soutient qu'une autre cause quelconque a causé le préjudice, il devrait être tenu de le prouver. D'après le principe du fardeau de la preuve, il lui incombe de prouver son allégation.

Nous sommes heureux de signaler que, d'après notre conseiller juridique, il est possible de modifier la LMSI et son règlement d'accompagnement pour atteindre cet objectif tout en respectant les obligations du Canada relativement à ces codes sous le régime de l'OMC. Il est important de signaler que cela réduira les difficultés considérables et injustes auxquelles font face les industries nationales dans les affaires de mesures compensatoires et antidumping et nous aidera considérablement à atteindre les objectifs du code antidumping et du code des subventions.

Merci.

.1600

Le coprésident (M. Duhamel): Merci, monsieur Randolph.

Je donne maintenant la parole à M. Moore, qui représente l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada.

M. James D. Moore (vice-président, Politique, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Monsieur le président, si vous le voulez bien, je vais commencer et je céderai ensuite la parole à l'un de mes collègues.

Je m'appelle Jim Moore. Je suis vice-président aux affaires politiques de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissez pas cette appellation, l'Alliance est le fruit de la fusion, survenue au début de l'année, de l'Association des manufacturiers canadiens et de l'Association des exportateurs canadiens. Nous comptons plus de 3 500 membres, essentiellement dans les secteurs productifs de l'économie.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de témoigner. Je voudrais vous présenter mes collègues. Dennis Martin est le gestionnaire des relations commerciales et de l'information sur le marché de la compagnie Dofasco; John Bailie est directeur des affaires gouvernementales de Kodak Canada et il est également vice-président du comité sur l'accès au marché et les douanes de l'Alliance; et enfin, Michael Flavell est associé principal au cabinet d'avocats Flavell, Kubrick& Lalonde.

L'Alliance a consacré beaucoup de temps à étudier la question à l'interne et a mis sur pied son propre groupe de travail pour essayer de concilier les divers intérêts et forces en jeu dans ce dossier. Le mémoire que nous avons rédigé et que nous vous avons remis représente un point de vue équilibré tenant compte de ces intérêts et porte plus particulièrement sur les procédures aux termes de la LMSI, la façon dont on pourrait les améliorer et le juste équilibre entre d'une part la protection des producteurs contre la concurrence étrangère déloyale et, d'autre part, la nécessité de s'assurer que l'on tient également compte des intérêts des consommateurs et des industries qui ont besoin d'intrants importés dans le cadre de leur production.

Vous avez reçu copie de notre mémoire. Je voudrais demander à John Bailie de vous en exposer les faits saillants qu'il nous semble important de vous signaler.

M. John Bailie (directeur des affaires gouvernementales, Kodak Canada Inc.; vice-président, Comité sur l'accès au marché et douanes, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Merci, Jim.

Je voudrais passer en revue les principaux éléments de notre mémoire.

En vue de préparer notre mémoire et notre comparution, l'Alliance a fait une évaluation de l'expérience de ses membres en ce qui a trait à la LMSI. Nous avons constaté que la loi actuelle a bien servi les producteurs canadiens, mais que des changements relativement mineurs pourraient la rendre plus efficace et établiraient un meilleur équilibre entre les producteurs canadiens qui font appel à des recours commerciaux et les autres fabricants qui sont touchés par la hausse des coûts résultant de l'imposition de droits antidumping et compensateurs.

Nous faisons les suggestions suivantes pour améliorer l'efficacité du processus d'enquête.

L'enquête du TCCE devrait commencer plus tôt. La durée des audiences du TCCE devrait être réduite par l'élimination du contre-interrogatoire et le recours aux mémoires écrits. Il y a également lieu d'encourager le recours aux engagements. Il devrait être possible de conclure un engagement en tout temps pendant les audiences du TCCE.

En discutant de la question de l'équilibre, le groupe de l'Alliance représentant les intérêts des fabricants et des consommateurs a soulevé trois problèmes d'ordre pratique qui méritent qu'on s'y attarde.

Premièrement, il y a la situation d'une pénurie démontrable, temporaire mais soutenue et spécifique de production canadienne d'un bien assujetti à une ordonnance d'antidumping ou de droit compensateur. Nous proposons que l'on mette en place un système de remise temporaire des droits antidumping ou compensateurs à l'égard de quantités spécifiques de produits spécifiques pour une courte période.

Le deuxième problème est celui des biens qui ne sont pas disponibles au Canada, mais qui tombent sous le coup d'une constatation de préjudice. Nous recommandons d'assouplir l'interprétation du réexamen en vertu de l'article 76 de manière à inclure la modification de la constatation de préjudice afin de prendre en considération des circonstances nouvelles ou changées ou encore de faits ou circonstances négligés.

Troisièmement, nous soulevons la question des marges de dumping exagérément élevées, habituellement sur la base d'une valeur calculée. Nous proposons de modifier les règles applicables au calcul de la valeur normale, dans le but de promouvoir l'utilisation du calcul prévu à l'article 15, soit le prix de biens similaires, par opposition à la méthode de calcul de la valeur prévue à l'article 19.

.1605

L'objectif de la LMSI étant d'imposer des droits seulement dans la mesure requise pour supprimer le préjudice, nous convenons que dans certaines circonstances, on devrait être autorisé, en vertu de l'article 45, à calculer un droit moindre. Toutefois, nous faisons une mise en garde: le Canada ne doit pas adopter une telle conduite tant que nos principaux partenaires commerciaux ne l'auront pas fait. Autrement, le Canada serait en position désavantageuse pour attirer des investissements étrangers.

Dans les années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la LMSI, le domaine du commerce international a vécu des changements profonds. Les diminutions des droits de douanes, ainsi que d'autres initiatives de libéralisation du commerce, ont considérablement augmenté le commerce extérieur du Canada en pourcentage du PIB. L'Accord de libre-échange canado-américain et l'ALENA ont amené une plus grande intégration et la rationalisation des installations de production en Amérique du Nord.

L'Alliance croit qu'il n'est pas nécessaire que les lois antidumping soient pareilles au Canada et aux États-Unis, mais qu'elles doivent être d'une efficacité comparable. Il est essentiel, pour avoir un secteur manufacturier florissant au Canada, que le coût des intrants soit concurrentiel et que la protection offerte par les recours commerciaux soit comparable à celle des États-Unis.

L'Alliance tient aussi à souligner l'importance qu'elle attache au travail continu de l'Organisation mondiale du commerce visant à promouvoir la limpidité et l'harmonisation mondiale des recours disponibles selon les lois sur le commerce international. Le Canada, en tant que nation qui dépend de plus en plus du commerce international pour son bien-être, a grandement intérêt à poursuivre ces objectifs.

L'Alliance appuie énergiquement les efforts du gouvernement visant à négocier l'élimination des recours commerciaux traditionnels dans le marché de l'Amérique du Nord.

Merci.

Le coprésident (M. Duhamel): Merci, monsieur.

Nous aurons le temps d'entendre les représentants du quatrième groupe qui comparaît aujourd'hui, nommément Westroc Industries Ltée.

Qui sera le porte-parole?

M. Brent Thomson (vice-président, Région centrale, et agent financier principal, Westroc Industries Ltée): C'est moi, monsieur le président.

Bon après-midi. Je m'appelle Brent Thomson et je représente Westroc Industries, fabricant canadien de placoplâtre qui possède six usines au Canada. Je suis accompagné de Rob Morrow et de Denis Gascon. Je vous remercie de nous donner cette occasion de participer à la discussion en table ronde.

Westroc vous a fait parvenir un mémoire écrit dans lequel nous énonçons nos recommandations et nous répondons aux questions soulevées par les sous-comités. Dans mon intervention d'aujourd'hui, je ferai ressortir et résumerai les trois domaines que Westroc considère les plus importants: la protection contre les pratiques commerciales déloyales, la procédure à suivre pour obtenir cette protection, et le processus de réexamen entourant l'expiration des droits antidumping.

L'intérêt manifesté par Westroc découle directement de notre expérience de 1992, qui a entraîné l'imposition de droits antidumping en janvier 1993. La protection antidumping était nécessaire et a été très avantageuse pour Westroc, dont la rentabilité et même la survie étaient menacées par les pratiques commerciales déloyales de concurrents américains à la fin des années 80 et au début des années 90.

Pour donner un résumé de notre point de vue, je prendrai comme point de départ l'une des questions posées par les sous-comités, la question numéro 8, à savoir: quel est d'après vous l'enjeu le plus important de la révision de la LMSI?

Nous avons répondu que les sous-comités doivent veiller à ce que la LMSI demeure un outil efficace de protection des industries canadiennes contre les pratiques commerciales déloyales et que la procédure suivie par le Tribunal canadien du commerce extérieur doit permettre aux producteurs canadiens comme aux importateurs et aux exportateurs de bien exposer leur cas au tribunal. Je fais remarquer que nous aurions pu ajouter «de la façon la plus expéditive possible».

Cette réponse peut être scindée en deux parties, la première portant sur la protection et la deuxième, sur la procédure. Je traiterai d'abord de la protection.

La protection contre les pratiques commerciales déloyales est d'une importance cruciale pour les producteurs canadiens, comme l'atteste notre propre expérience. À l'heure actuelle, on peut se prévaloir de cette protection si deux conditions sont remplies: il y a dumping de produits, et ce dumping cause un préjudice important aux producteurs canadiens. La détermination de l'existence d'un préjudice est fondée en fin de compte sur l'incidence des produits importés sur la rentabilité. Si le dumping provoque une baisse des profits, la survie ou l'avenir des producteurs canadiens peut être en jeu.

Si les producteurs canadiens sont affaiblis et, en fin de compte, forcés de fermer leurs portes, il est difficile de voir en quoi le Canada est gagnant. Le dumping peut entraîner une baisse temporaire des prix sur le marché, mais il ne faut pas perdre de vue que les exportateurs font du dumping, c'est-à-dire qu'ils vendent leurs marchandises à un prix inférieur à celui exigé sur leur propre marché intérieur, ou bien à un prix qui ne permet pas de réaliser un profit raisonnable.

Une telle situation ne peut s'éterniser. À long terme, en l'absence de producteurs nationaux, les prix devront probablement augmenter, il y aura probablement limitation de l'offre et il est improbable que des intérêts canadiens décident de s'attaquer de nouveau à ce marché, puisque tout investissement nécessaire serait très risqué en l'absence de moyens efficaces d'obtenir une protection contre les pratiques commerciales déloyales.

La protection contre le dumping met toujours en cause l'intérêt public et il y a des mécanismes adéquats permettant au TCCE d'en tenir compte. Il est tout à fait justifié de se préoccuper de l'intérêt public et les parties visées ont la possibilité de se faire entendre dans le cadre du processus.

La prise en compte de l'intérêt public ne signifie pas que l'on ne peut pas ou que l'on ne doit pas donner à l'industrie canadienne une protection efficace. Comme je l'ai dit, l'affaiblissement des producteurs canadiens n'est pas nécessairement avantageux pour les consommateurs. Il faut mettre dans la balance le court terme et le long terme et soigneusement peser le tout.

.1610

Il y a lieu de retenir deux autres points dans ce débat sur l'intérêt public. Premièrement, les exportateurs ne sont pas empêchés de vendre sur le marché canadien. On les oblige plutôt à le faire équitablement. Deuxièmement, Revenu Canada et le Tribunal canadien du commerce extérieur prennent bien soin de vérifier que les cas de dumping sont légitimes.

Par ailleurs, au sujet de la protection, je tiens à attirer l'attention sur les répercussions de la mondialisation. Les compagnies canadiennes comme Westroc ont élargi leurs horizons, et nous devons le faire de façon équitable. La mondialisation a également poussé des compagnies étrangères à chercher de nouveaux débouchés afin d'augmenter leurs profits. C'est une bonne chose, mais seulement si cette nouvelle concurrence se fait sur une base équitable.

En résumé, nous croyons que la protection actuelle est adéquate et qu'elle doit rester en place. Mais nous avons fait une recommandation portant sur le calcul des droits antidumping pour s'assurer que les exportateurs étrangers n'exportent pas leurs propres problèmes économiques ou financiers au Canada.

Passons maintenant à la deuxième partie de notre réponse, qui porte sur la procédure et notamment sur la procédure en vigueur au Tribunal canadien du commerce extérieur. Nous convenons que le tribunal doit veiller à ce que le processus soit complet, transparent et juste. Il faut toutefois mettre dans la balance le fait que l'avenir du producteur peut être en jeu et qu'un producteur peut être menacé pendant la durée même de la procédure. Nous avons fait des recommandations détaillées dans notre mémoire à ce sujet et en voici un résumé.

Dans le domaine de la procédure, tout devrait être clairement énoncé à l'avance et rigoureusement respecté. Les causes devraient être gagnées ou perdues en fonction des mérites du dossier et à la suite d'un débat contradictoire, et non pas grâce à des tactiques entourant le dépôt de la preuve ou la présentation de témoins, ou encore la non-divulgation de certains renseignements aux parties intéressées; aussi, étant donné l'importance de la question à résoudre, il n'y a pas de temps à perdre et la procédure doit être expéditive.

Je voudrais maintenant traiter du processus de réexamen des droits qui viennent à échéance. Tel qu'il est énoncé dans notre mémoire, nous croyons qu'il doit incomber aux exportateurs de démontrer qu'il n'y a pas lieu de faire un réexamen. En l'absence de changements notables et importants des circonstances, les producteurs canadiens doivent avoir la possibilité de tenter de faire reconduire les droits en présentant un dossier bien documenté pendant que les droits sont encore en place. À défaut de cela, les producteurs canadiens seraient obligés de subir un nouveau préjudice et de se relancer dans le même processus pour obtenir que l'on rétablisse une certaine protection.

Mes observations d'aujourd'hui sont fondées sur notre propre expérience et la protection contre le dumping a été avantageuse non seulement pour Westroc, mais aussi, nous en sommes convaincus, pour le Canada.

En terminant, je répète notre recommandation qui est de conserver la LMSI à titre d'outil efficace pour protéger les producteurs canadiens contre les pratiques commerciales déloyales, sous réserve d'apporter les modifications proposées.

Je remercie le sous-comité de m'avoir accordé de son temps.

Le coprésident (M. Duhamel): Je vous remercie tous pour vos présentations. Au lieu d'amorcer la discussion, car nous aurions à peine le temps d'effleurer la question, je vais lever temporairement la séance, pour que nous puissions aller voter. Nous espérons pouvoir revenir le plus vite possible. Je vous prie de rester. Merci.

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Le coprésident (M. Duhamel): Merci. Si certains parmi vous sont intéressés à devenir députés, il y aura des possibilités de ce côté-là. Nous pourrions en discuter. Je vous en décrirai tous les avantages et aussi les aspects plus difficiles.

Je voudrais, pour commencer, vous poser deux questions, auxquelles vous pourrez répondre, à votre gré. Vous voudrez peut-être simplement vous en remettre à d'autres pour le faire, c'est à vous d'en décider. Voici le dilemme dans lequel je me trouve, en supposant que j'aie raisonnablement bien compris les témoignages.

J'ai examiné les réponses à toutes les questions. J'ai lu les documents. À la question numéro un: tout juste ce qu'il faut, pas tout à fait suffisant, c'est trop, ce n'est pas assez - et je pourrais continuer de la sorte. Je ne me moque pas de vous, ni des autres témoins qui ont comparu. C'est un peu délicat, vous savez.

Quelqu'un peut-il me conseiller? Supposons que mon hypothèse de base soit valable. Si je prends toutes les questions que nous avons posées, plus un certain nombre d'autres points que vous avez soulevés, il y a quelques divergences. S'il y en a d'autres, disons, pour simplifier, que c'est à peu près cela. Certains disent qu'il faut faire des rajustements comme ceci, d'autres disent plutôt comme cela.

Si vous avez des idées là-dessus, j'aimerais les connaître, pour savoir comment mes collègues et moi-même pourrons aboutir à une conclusion utile permettant de répondre à vos divers besoins. Qui veut s'y attaquer en premier?

M. Bailie: Je m'en remets à mon collègue M. Martin, qui répondra au nom de l'Alliance.

M. Dennis Martin (Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui et aussi à d'autres audiences auxquelles j'ai assisté, je crois que le point de vue de l'Alliance est qu'il faut trouver un juste équilibre entre la protection du fabricant ou du producteur canadien et la protection du consommateur canadien de produits manufacturés.

D'autre part, si le Canada veut conserver ses emplois et maintenir un environnement favorable aux investissements et attirant pour les investisseurs, il faut un régime commercial qui assure la même protection que celle dont disposent les intervenants de nos principaux partenaires commerciaux dans le monde. À notre avis, il suffirait d'apporter des retouches à la LMSI pour maintenir la protection commerciale conférée actuellement par cette loi.

Le coprésident (M. Duhamel): D'autres interventions? Oui, monsieur Whitney.

M. Stephen Whitney (vice-président exécutif adjoint, Conseil canadien de l'horticulture): Monsieur le président, je ne discerne aucun problème particulier. Si l'on revient aux définitions originales dont on a parlé en ce qui a trait aux recours commerciaux, ces deux instruments sont en place justement pour offrir un recours lorsqu'un secteur subit un préjudice.

Il y a une définition de préjudice, etc. Les gens ont exposé des cas de ce genre, soit que des produits subventionnés sont vendus dans un pays, soit que les produits sont carrément dumpés. Si l'on revient aux éléments de base, je ne suis pas si sûr que nous soyons très éloignés de la solution, avec la législation que nous avons actuellement, mais il faut lui apporter certaines retouches pour s'assurer qu'elle accorde une protection suffisante lorsqu'un secteur subit un préjudice.

Si nous ne le faisons pas, nous nous retrouverons dans une situation où des groupes continueront de souffrir, sans avoir accès à un instrument quelconque. Je ne crois pas que ce soit ce que nous voulons tous. Mais je ne vois aucun dilemme quant à l'équilibre entre tout cela, pourvu que l'hypothèse fondamentale soit exacte, c'est-à-dire que vous voulez créer un mécanisme de recours dans le cadre de règles bien définies.

Le coprésident (M. Duhamel): Sommes-nous tous d'accord là-dessus? Bien. Oui, monsieur Thomson.

M. Thomson: Je suis d'accord. Il m'a semblé que tous les intervenants d'aujourd'hui étaient d'accord pour dire qu'il doit exister une protection contre les pratiques commerciales déloyales et, dans l'ensemble, les intervenants se sont dit satisfaits de la loi. Nous devons protéger l'investissement au Canada et c'est là un objectif sous-jacent.

La plupart des rajustements envisagés semblent tourner autour du processus et de la procédure; on propose de légères retouches ici et là, et peut-être l'échéancier et l'accès sont-ils aussi à revoir. Je crois donc que le comité peut tabler sur un consensus de la plupart des parties représentées aujourd'hui, ce qui devrait vous aider.

Le coprésident (M. Duhamel): Merci.

Y a-t-il d'autres commentaires, avant que j'invite mon collègue M. Grubel à faire une déclaration? Oui.

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M. Martin: Je voudrais revenir sur ce qu'a dit M. Thomson, avec qui je suis entièrement d'accord. Nous voulons un commerce équitable. Nous ne sommes pas contre la concurrence soulevée par des biens vendus dans le cadre d'un commerce équitable. Je ne crois pas qu'aucun fabricant au Canada soit contre l'importation de biens quelconques si le commerce est équitable.

Le coprésident (M. Duhamel): Très bien. Oui, monsieur Flavell.

M. C.J. Michael Flavell (associé principal, Flavell Kubrick & Lalonde): Je voudrais ajouter une nuance quelque peu différente à la position de l'Alliance, car nous avons dû trouver l'équilibre entre les intérêts de ceux que j'appellerais les producteurs et les intérêts des consommateurs/manufacturiers, et je crois qu'il faudra peut-être apporter des retouches pour faire pencher la balance de l'autre côté, c'est-à-dire pour protéger le consommateur/ manufacturier. Il faut protéger l'utilisateur d'intrants importés, tout au moins dans une certaine mesure, sans pour autant enlever toute protection aux producteurs canadiens. Autrement dit, je crois que vous devrez trouver le juste milieu entre protéger le producteur et ne pas causer un préjudice inutile aux groupes d'utilisateurs.

Le coprésident (M. Duhamel): Merci.

Monsieur Grubel, vouliez-vous réagir aux commentaires? Merci de m'avoir donné l'occasion d'amorcer la discussion. Je m'inquiétais au sujet de la deuxième sonnerie.

M. Grubel: Non. Je vous fais mes excuses pour le fait que mes collègues, de mèche avec les députés du Bloc, se sont livrés à des manoeuvres parlementaires que je trouve puériles, mais ainsi va la politique. Nous n'avons que très peu de temps.

Je vous ai entendu avec beaucoup d'intérêt dire que vous êtes tous en faveur de ce qui pourrait être une nouvelle initiative majeure: vous voulez que la LMSI protège votre secteur contre des politiques étrangères qui pourraient aller plus loin que les subventions et le dumping.

J'ai essayé de trouver un exemple. Disons que nous avons une certaine règle environnementale pour la pomiculture, tandis que les Américains n'ont pas cette règle. Si j'ai bien compris votre position, et vous me reprendrez si je me trompe, cette situation pourrait être interprétée comme donnant aux producteurs américains un avantage injuste.

Premièrement, je voudrais que vous me disiez si c'est bien le genre d'exemple que vous aviez en tête quand vous avez dit que vous vouliez une protection contre la concurrence étrangère injuste en raison d'autres facteurs que le dumping et les subventions.

Deuxièmement, je voudrais entendre... En fait, monsieur Thomson, il est tout à fait évident que cela ne s'applique pas au placoplâtre, mais que vouliez-vous dire quand vous avez affirmé dans votre présentation que vous aimeriez que l'on tienne compte de ces autres facteurs? Pouvez-vous nous en donner des exemples?

M. Randolph: Monsieur Grubel, je ne crois pas que nous ayons dit cela. Ce que nous disons, c'est que nous ne sommes absolument pas en faveur du «désarmement unilatéral», si je peux me permettre d'utiliser une expression qui a été lancée il y a quelques jours. Tout ce que nous voulons, ce sont des pratiques commerciales équitables. Et je ne pense pas que l'un ou l'autre d'entre nous ait évoqué des facteurs autres que le dumping et les subventions. Et je crois...

M. Grubel: J'ai pris cela en note. Je devrai peut-être lire le texte de votre mémoire, mais vous aimeriez que l'on tienne compte d'autres facteurs susceptibles de causer un préjudice.

M. Randolph: Non.

M. Grubel: Vous ai-je mal compris? Ma foi...

M. Randolph: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que le fardeau de la preuve, le principe fondamental du fardeau de la preuve est qu'il incombe à quiconque fait une allégation de la prouver.

Dans le passé, les industries canadiennes ont été tenues de prouver des allégations portant sur autre chose que le dumping et les subventions. Tout ce que nous disons, c'est que si nous avons prouvé qu'un produit importé a causé un préjudice et si les intérêts étrangers en cause rétorquent que le préjudice a été causé par autre chose que le dumping du produit en question au Canada, alors il leur incombe de prouver cette allégation.

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M. Grubel: Donnez-moi un exemple.

M. Randolph: L'exemple que j'ai donné dans ma présentation, si je peux le retrouver... Par exemple, dans une affaire de droit antidumping, quelqu'un pourrait soutenir en défense que la baisse de la rentabilité ou des ventes dont se plaint l'industrie canadienne a été causée en fait par quelque chose d'autre que l'importation des biens en question, par exemple une récession qui aurait réduit la demande de biens canadiens. Dans cet exemple, c'est l'importateur qui allègue qu'un quelconque autre facteur est en cause, et c'est donc à ce dernier, l'importateur, qu'il devrait incomber de prouver l'existence de cet autre facteur, nommément la récession, qui aurait fait baisser la rentabilité ou les ventes.

M. Grubel: Donc, si l'importateur dit «la raison pour laquelle nous avons réussi à vendre moins cher que vous, c'est que votre ministère de l'Environnement vous a imposé des coûts exagérés à cause d'une réglementation trop stricte», vous ne soutenez pas que cela devrait maintenant être admissible comme raison d'intervenir.

M. Randolph: Non. C'est à l'importateur qu'il incombe de prouver cette assertion.

M. Grubel: Disons qu'il l'a prouvée. Seriez-vous satisfait de cela?

M. Randolph: S'il prouve son allégation, c'est une situation sur laquelle je n'ai rien à dire.

M. Grubel: Bon. Dans ce cas, cela ne déclencherait pas automatiquement une intervention aux termes de la LMSI, si ce fait était avéré.

M. Randolph: S'il peut prouver son allégation, oui.

M. Grubel: Merci beaucoup. C'était une précision importante. Je vous avais mal compris.

Le coprésident (M. Duhamel): Avez-vous d'autres observations à faire, monsieur Grubel, au sujet des questions qui ont été soulevées, ou bien voulez-vous en profiter pour poser maintenant une autre question?

M. Grubel: Non.

Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Penson.

M. Penson (Peace River): Monsieur Kuhl, vous avez dit qu'il fallait résoudre toute question relative à l'accès au marché avant de mettre fin à de quelconques mesures antidumping. Que vouliez-vous dire par là?

M. Whitney: Je voudrais répondre à cela au nom de M. Kuhl.

En nous fondant sur ce que nous avons constaté dans le commerce horticole, nous vous avons présenté aujourd'hui un point de vue relativement équilibré. Nous représentons en effet des exportateurs et aussi des gens qui produisent ce que nous pourrions appeler des cultures vulnérables aux importations. Pour ce qui est de nos intérêts dans le secteur de l'exportation, pour les questions d'accès au marché, on pourrait évoquer des situations comme les licences exigées par le Royaume-Uni. Nos exportateurs doivent se procurer certaines licences pour exporter dans ce pays. Il y a par ailleurs des contingents tarifaires pour l'exportation de nos produits dans des pays comme le Mexique, et aussi des systèmes de licence.

D'autres questions n'ont pas été entièrement résolues au moment de notre entrée dans ces zones de commerce plus libre. On avait par exemple pris l'engagement, aux termes de l'ACCEU et de l'ALENA, non seulement de réduire graduellement les tarifs sur une certaine période, mais aussi de participer à d'autres efforts, de concert avec nos partenaires commerciaux, en vue d'harmoniser d'autres instruments, par exemple pour l'homologation des antiparasitaires, et aussi des questions techniques comme les résidus de pesticides. C'est dans ces domaines qu'il nous semble exister certaines difficultés, car il est plus difficile d'harmoniser ce genre d'instrument de politique intérieure, en vue de faciliter les échanges commerciaux.

Je vais donner l'exemple de l'homologation d'un antiparasitaire. En termes de production, les États-Unis en produisent à peu près dix fois plus que le Canada. Le ratio est habituellement de dix à un. Le marché pour l'homologation des produits est donc dix fois plus important aux États-Unis qu'au Canada. Il est extrêmement difficile de convaincre un fabricant qu'il y va de son intérêt d'homologuer un produit pour le marché canadien afin d'en faire l'épandage sur 300 acres d'épinard. C'est le même ratio pour d'autres denrées, qu'il s'agisse de pommes de terre ou de pommes.

En même temps, par ailleurs, si ces produits ne sont pas homologués et que nos producteurs n'y aient pas accès, non seulement ils sont défavorisés face à leurs concurrents, autant sur le marché intérieur que sur le marché d'exportation, mais en plus, si l'on se retrouve dans une situation où l'on ne possède pas les compétences techniques voulues, par exemple pour les résidus de pesticides à la grandeur de l'Amérique du Nord, cela peut devenir un véritable obstacle au commerce. C'est alors un problème d'accès. Les obstacles techniques peuvent limiter l'accès, mais il peut aussi y avoir d'autres instruments qui font obstacle, comme les systèmes de licence que j'ai mentionnés.

.1705

M. Penson: Mais vous ne proposez pas que l'on refuse l'accès.

M. Whitney: Non. Nous disons que si nous ne pouvons pas résoudre les problèmes d'accès dans l'immédiat, nous ne pouvons pas nous permettre de renoncer aux seuls autres outils que nous avons à notre disposition, par exemple la LMSI, un mécanisme de recours contre la concurrence déloyale, les subventions ou le dumping.

M. Penson: Mais dans le cadre des négociations qui ont abouti à l'ALENA et qui ont eu lieu au GATT, on s'est certainement attaqué à ce genre de problème. On n'a simplement pas réussi à s'entendre là-dessus. Envisagez-vous une amélioration quelconque à la prochaine ronde de négociations?

M. Whitney: Je ne peux que l'espérer.

M. Penson: Est-ce la position de votre secteur?

M. Whitney: Nous avons fait des demandes, nous avons déployé des efforts et nous avons travaillé avec les autorités pour essayer de progresser dans certains de ces dossiers, mais bien sûr, il faut être deux pour dialoguer. C'est déjà quelque chose d'obtenir de son propre gouvernement qu'il bouge dans certains de ces dossiers. Il y a la question que nous avons soulevée aujourd'hui, la définition de produit similaire. Pendant les négociations de la ronde de l'Uruguay, on nous a dit que le gouvernement canadien réclamait une définition plus large. Nos partenaires commerciaux n'étaient pas d'accord.

Nous devons réussir à négocier ces choses là. Sinon, certaines de nos industries seront mises en péril, non seulement le producteur primaire, mais aussi les industries en aval.

Le coprésident (M. Duhamel): Y a-t-il d'autres réactions à la question de M. Penson?

C'est tout pour l'instant, monsieur Penson?

M. Penson: Oui.

Le coprésident (M. Duhamel): Je veux revenir sur un commentaire que l'on a fait tout à l'heure. Je ne l'ai pas vu noir sur blanc, quoiqu'il en ait été question dans les journaux, sauf erreur, mais il semble que les mécanismes antidumping ne feront pas partie de l'Accord de libre-échange Canada-Chili.

Quelqu'un a dit que c'était préoccupant. Peut-être pourrions-nous en parler davantage. Par ailleurs, quelqu'un m'a demandé si cela n'offrait pas une occasion de mener une expérience, un projet-pilote, pour voir s'il y aurait peut-être des avantages imprévus, sans courir trop de risques. Pourrais-je obtenir des réactions à ce sujet?

M. Moore: Je voudrais commenter très brièvement. Quand cette proposition a été mise sur le tapis, dans les derniers jours des négociations, l'Alliance a fait, à deux jours d'avis, un sondage auprès de la plupart des secteurs les plus susceptibles d'être vulnérables pour voir si les intéressés donneraient leur appui, dans l'éventualité où nos négociateurs seraient d'accord avec une telle disposition dans l'entente. À ma surprise, je dois l'avouer, parmi ceux que nous avons pressentis - et je répète que c'était un sondage très bref, mené en très peu de temps - aucun secteur n'a donné son appui à cet objectif.

Le coprésident (M. Duhamel): Vous trouvez cela vraiment surprenant. C'est donc un fait acquis.

M. Moore: Personnellement, j'ai été étonné. Quant à savoir si cela aurait dû être inclus dans l'entente, on peut soutenir le pour et le contre. Mais d'après notre survol très rapide - et je dis bien très rapide, puisque nous n'avons pu communiquer avec tous les secteurs visés - nous n'avons trouvé aucun secteur industriel qui appuie les dispositions faisant partie de l'accord à cet égard.

Je ne dis pas que beaucoup de gens sont inquiets à ce sujet. J'espère qu'il n'y aura pas trop d'inquiétude, mais il est certain que cela tracasse considérablement les gens de l'horticulture, par exemple, avec lesquels nous avons communiqué, et d'autres secteurs qui pourraient en subir les conséquences.

Dennis, avez-vous des commentaires à faire là-dessus, pour le secteur de la sidérurgie?

M. Martin: Pour la sidérurgie, il n'y a vraiment aucun problème. Ce que je dirais là-dessus, et je crois que des membres de l'Alliance ont exprimé ce point de vue, c'est que nous devrions plutôt chercher à conclure cela avec les États-Unis, et non pas avec le Chili ou le Brésil. Nous devons compléter cet aspect avec les États-Unis.

Les parties qui étaient censées aboutir à une résolution en décembre 1995 n'y sont pas parvenues. Nous posons la question: pourquoi pas? Continuons et finissons le travail.

Le coprésident (M. Duhamel): Y a-t-il consensus là-dessus?

.1710

M. Moore: Oui. Parmi les membres de l'Alliance, il y a consensus là-dessus. C'est très décevant, mais malgré qu'on se soit entendu dans l'accord de libre-échange original et ensuite dans l'ALENA pour conclure une telle entente, les négociateurs n'ont abouti nulle part parce que Washington refuse de bouger face à cette proposition.

Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Whitney, je ne vous ai pas oublié.

Faut-il comprendre que les Américains n'en veulent peut-être pas?

M. Martin: Il semble qu'aux États-Unis, il ne s'exerce pas suffisamment de pressions politiques pour conclure l'affaire.

Le coprésident (M. Duhamel): Je vois. C'est une jolie façon de le dire.

Monsieur Whitney.

M. Martin: Je cherche un poste de politicien.

M. Whitney: Et l'on vient de dire qu'il pourrait y avoir des ouvertures.

Des voix: Oh, oh!

M. Whitney: Je peux vous assurer que l'absence, dans l'accord entre le Canada et le Chili, de mécanismes permettant de recourir à des mesures antidumping provoque de la nervosité dans notre industrie. Les produits horticoles sont bien sûr l'une des principales exportations du Chili au Canada. La plus grande partie de ces importations arrive pendant la saison morte. Je soupçonne qu'il y aura beaucoup de nervosité parmi les manufacturiers, les propriétaires de conserveries ou d'usines de congélation. Je signale notamment le cas de la pâte de tomate. C'est l'un des produits pour lesquels les tarifs douaniers ne baissent pas aussi rapidement que prévu, parce qu'il y a des préoccupations.

Si l'on replace cela dans le contexte de l'ALENA, de nombreux producteurs horticoles d'un bout à l'autre du Canada sont fort inquiets. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas préoccupés par ailleurs par les mesures commerciales qui ont pu être prises à notre encontre en direction sud. Je songe notamment aux pommes de terre, au début des années 80, et aux framboises par la suite sur la côte Ouest. Il semble qu'il y ait encore 332 enquêtes en cours au sud de la frontière, encore une fois sur les pommes de terre. Le commerce canado-américain des pommes de terre a toujours été un dossier plutôt épineux.

En même temps, nous soupçonnons qu'étant donné les préoccupations, tout au moins dans le secteur horticole aux États-Unis - surtout en Floride, en Californie, en Arizona et au Texas - relativement au commerce avec le Mexique, il faudra peut-être attendre un certain temps avant que le Congrès fasse preuve du moindre enthousiasme pour ce qui est de discuter de l'élimination graduelle d'un instrument comme celui-là. Cela donne un certain réconfort à certaines personnes dans notre secteur.

Le coprésident (M. Duhamel): Y a-t-il d'autres réactions ou commentaires?

Monsieur Thomson.

M. Thomson: Quoique la question que vous ayez posée concernant le Canada et le Chili ne semble pas toucher le secteur du placoplâtre, il y a lieu de garder à l'esprit certains éléments de base. Nous sommes en situation de mondialisation. Partout dans le monde, les compagnies cherchent à trouver des débouchés de plus en plus loin, pour faire grossir leur affaire; cela se fait parfois de façon équitable, et parfois d'une manière qui n'est pas équitable. Je pense qu'il ne faut pas perdre cela de vue.

Il y a aussi autre chose. Si le Canada commence à s'aventurer dans des situations où il n'y a pas de loi antidumping, il faut qu'il y ait un quelconque mécanisme de rechange pour garantir qu'il n'y aura pas de pratiques commerciales déloyales. Nous devons garder les yeux grand ouverts. Dans notre propre cas, tout a commencé au moment où l'industrie américaine était effectivement en faillite et les gens cherchaient donc à écouler leurs produits quelque part pour augmenter leurs liquidités. Je pense qu'il faut prendre en compte ces considérations. Je le répète, l'industrie du placoplâtre n'est pas nécessairement touchée directement par ces discussions, mais si l'on en revient aux éléments de base, cela pourra nous guider.

Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Randolph.

M. Randolph: Je voudrais appuyer ce que M. Whitney a dit et j'ajoute que le vin est l'un des principaux produits d'exportation du Chili et que le Canada est l'un des principaux marchés d'exportation pour ce vin. Cela nous rend très nerveux, nous aussi, et nous y voyons un message peu rassurant.

Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Grubel, si vous avez des questions, je vais vous donner la parole. Ensuite, je donnerai à nos invités l'occasion de faire une dernière déclaration.

M. Grubel: Je ne sais pas très bien quelle est votre position dans tout cela. D'une part, l'élimination de toute protection ressemblant à la LMSI pour les échanges bilatéraux avec le Chili, dans les deux sens, vous rend très nerveux. Pourtant, vous êtes disposés par ailleurs à appuyer une initiative visant à faire disparaître ces mêmes contraintes dans le cadre de l'ALENA. Ou bien ai-je encore mal compris ce que vous avez dit?

.1715

M. Whitney: Chose certaine, dans notre cas, nous ne sommes pas favorables à l'élimination de la LMSI comme instrument dans le cadre de l'ALENA. C'est pourquoi son élimination dans l'accord Canada-Chili nous inquiète tellement.

M. Grubel: Quelqu'un a-t-il dit cela?

M. Martin: Oui, l'Alliance qui représente les manufacturiers a dit qu'il fallait résoudre ce contentieux avec les États-Unis.

Le coprésident (M. Duhamel): Bon, mais quel contentieux? Assurons-nous qu'il n'y a aucun malentendu.

M. Martin: Il faut qu'il y ait une zone de libre-échange et que nous ne puissions pas nous attaquer sournoisement l'un l'autre à coup de dumping ou de droit compensateur. En fait, il s'agit surtout de dumping, mais c'est la même loi. L'Alliance, comme groupe, en est arrivée à la conclusion qu'il nous faut nous entendre là-dessus avant de commencer à faire affaire avec tout autre partenaire commercial.

Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Moore.

M. Moore: Il y a une raison à cela. À l'origine, l'accord de libre-échange a été conclu avec les États-Unis et l'intégration des économies des deux pays a été très poussée. Dans les deux économies, les coûts sont assez élevés. Ce sont des économies qui sont essentiellement sur un pied d'égalité, si l'on fait abstraction de la différence de taille. Nous devons avoir accès également aux États-Unis, sans être constamment menacés par des accusations de dumping portant sur l'acier ou le bois d'oeuvre. Mais quand il est question de pays autres que les États-Unis, on a généralement affaire à des économies qui sont beaucoup plus petites et qui, dans l'ensemble, ne sont pas aussi intégrées à celles du Canada et ne le seront jamais, pour des raisons géographiques ou d'avancement ou quoi que ce soit.

Étant donné les exceptions dont les autres secteurs vous ont parlé, je pense qu'il y a un assez bon consensus, en tout cas du côté des manufacturiers. Je pense que les manufacturiers qui font de la transformation de produits agricoles sont un peu inquiets, pour les raisons que vous ont expliquées les porte-parole des secteurs vinicole et horticole.

Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Martin.

M. Martin: Ne vous méprenez pas sur mes paroles. Je ne dis pas qu'il faut se débarrasser des lois antidumping au Canada et aux États-Unis sans s'entendre sur la façon de résoudre le problème, qu'il s'agisse d'une législation intégrée sur la concurrence... Le problème est de savoir comment résoudre la question dans le cadre de l'ALENA. Il ne s'agit pas seulement de se débarrasser des lois antidumping, un point c'est tout. Il faut également s'entendre sur d'autres mécanismes, qu'il s'agisse de la législation sur la concurrence ou de quoi que ce soit d'autre.

J'espère être bien clair. Il ne faut pas seulement se débarrasser des lois antidumping. Il faut mettre en place un autre mécanisme pour protéger les compagnies des trois pays.

M. Grubel: Je ne suis pas d'accord avec cela. M. Flavell connaît ce dossier. C'est ce qu'ils ont fait en Europe et vous voyez que nous en avons maintenant fait autant avec le Chili, et quand nous nous rencontrerons de nouveau dans dix ans, je suis certain qu'il s'avérera que cela n'a peut-être pas été tellement bon pour une compagnie ou une autre ou un secteur en particulier, mais que les résultats ont été merveilleux pour les consommateurs; et pour ma part, à titre de représentant du public, formé en majeure partie de consommateurs, c'est ce qui m'intéresse avant tout.

Mais je perçois une contradiction parmi vous, notamment dans le secteur du vin. D'une part, vous vous plaignez souvent du traitement des exportations de pommes de terre et tout cela. Somme toute, ne vous sentiriez-vous pas mieux si vous n'aviez pas cette menace? Dites-vous que vous voulez conserver cela parce que les producteurs de pommes de terre ne sont pas représentés ici, parce que certains autres secteurs qui ont été éprouvés par des mesures commerciales américaines ne sont pas bien représentés ici? Et s'ils étaient ici? Ne se regrouperaient-ils pas pour dire, eh bien, nous insistons pour qu'on les supprime, parce que nous en souffrons tout le temps? En fin de compte, ce serait préférable pour les consommateurs et d'autres.

M. Randolph: Monsieur Grubel, si nous avions ici des subventions du même ordre que celles qui existent en Europe, en Californie ou au Chili, nous nous en réjouirions peut-être. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Je vous rappelle simplement qu'en Europe, les producteurs touchent des subventions de 5 milliards de dollars par année de l'Union européenne, plus un milliard de dollars par année de leurs gouvernements nationaux.

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M. Grubel: Monsieur Randolph, je vous fais observer que la raison pour laquelle ces dossiers aboutissent devant des tribunaux, c'est que... Peut-être est-il parfaitement clair pour vous que ces subventions et ce dumping existent, mais voyez comment notre secteur du bois d'oeuvre réagit aux mêmes accusations. Il y a en ce moment même des discussions en table ronde aux États-Unis, à l'occasion desquelles des gens disent que notre secteur du bois d'oeuvre est subventionné à coup de milliards de dollars. Leur avez-vous posé la question?

C'est là l'un des problèmes. Le fait d'établir cela avec le genre de position que vous adoptez ne nous mène nulle part. C'est le consommateur qui en souffre à tout coup. C'est pourquoi en Europe, on a commencé à démanteler les régimes de ce genre et il en résulte...

Le coprésident (M. Duhamel): Une très, très brève déclaration. M. Whitney a été très généreux et patient, mais je sens que sa patience commence à être à bout, et il est plus fort que moi.

M. Grubel: Je vais m'arrêter.

M. Randolph: Je vous répondrai seulement, monsieur Grubel, que dans tout cela, nous n'avons absolument rien obtenu en retour. Les Européens étaient censés réduire leurs subventions en échange du traitement national qu'ils ont obtenu au Canada sur le plan de la politique de fixation des prix, de la distribution et de l'inscription au catalogue. Cela n'est jamais arrivé. Nous en revenons donc à notre position de base; nous ne nous plaignons pas, nous disons seulement que tout ce que nous voulons, ce sont des règles du jeu équitables pour tous, ce qui n'est assurément pas le cas en ce moment.

M. Grubel: C'est ce que disent aussi les gens du secteur du bois d'oeuvre et du...

M. Randolph: Je ne peux pas parler au nom de ces secteurs.

M. Grubel: Mais moi, je le peux.

Le coprésident (M. Duhamel): Bon, vous êtes donc d'accord.

Monsieur Whitney.

M. Whitney: Je voudrais faire une observation. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si vous réfléchissez à notre secteur, qui comprend les producteurs de fruits et de légumes d'un bout à l'autre du pays, et si vous prenez un dossier comme celui des pommes de terre, c'est un secteur qui est axé sur l'exportation dans l'Est et qui est vulnérable aux importations dans l'Ouest, et la boucle est bouclée. Voyez la production dans l'État de Washington; cet État produit à lui seul 75 millions de boisseaux de pommes. La récolte canadienne totale est de 25 millions de boisseaux. La production américaine de pommes de terre est au moins dix fois la production canadienne, et pourtant nous avons eu beaucoup de succès dans nos exportations de ce produit aux États-Unis.

Vous avez raison de dire que, dans notre secteur, nous voulons nous assurer que nous ne serons pas exposés inutilement au harcèlement, comme d'autres secteurs l'ont été dans le passé. Mais en même temps, toute la communauté de producteurs qui est chapeautée par le Conseil de l'horticulture continue d'appuyer le maintien d'un mécanisme qui lui offre un recours quelconque jusqu'à ce que, comme l'ont dit d'autres intervenants autour de la table, nous ayons réussi à accomplir quelques progrès pour ce qui est d'uniformiser les règles du jeu sur une base nord-américaine.

Ce qui nous fait monter la moutarde au nez, c'est que les gouvernements réussissent très bien à réduire les obstacles économiques et à modifier les mandats législatifs quand cela leur convient. Quand il s'agit d'apporter des modifications à d'autres instruments de politique intérieure, et je cite le cas des pesticides parce que c'est un dossier qui nous tracasse depuis 15 ans et qui continuera de nous tracasser, la réaction du gouvernement actuel, en ce moment précis, c'est de mettre en place un instrument qui va nous coûter 36 millions de dollars, alors qu'il en coûtait 14 millions auparavant. Le nombre de bureaucrates qui travaillent dans cette institution augmentera de 212 p. 100, et pendant ce temps là, on nous demande d'être compétitifs.

Quoi qu'il en soit, je sais que je suis en train de lancer des imprécations et je vais donc m'arrêter là.

Le coprésident (M. Duhamel): Vous voulez dire, monsieur Whitney, que cela déborde quelque peu du sujet?

M. Grubel: Mais moi, j'aime cela. Vous auriez dû placer le mot «libéral» dans votre envolée.

Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Grubel, je vous en prie, si vous continuez de la sorte, chacun saura que vous êtes réformiste.

Messieurs, je vous demanderais maintenant de récapituler très brièvement. Je vais commencer par ma droite. Monsieur Thomson, y a-t-il des points que vous n'avez pas eu l'occasion de soulever et que vous voudriez aborder maintenant, ou encore des précisions ou des points sur les «i».

M. Thomson: Je dirais non, dans l'ensemble. Je suis reconnaissant d'avoir eu l'occasion de participer à cet exercice. Je dirais seulement en terminant que j'ai bel et bien utilisé le mot «équilibre» à plusieurs reprises aujourd'hui, pendant le cours de ma présentation. Je crois qu'il faut trouver le juste équilibre entre le court terme, le moyen terme et le long terme. Des prix favorisant le consommateur à court terme ne lui sont pas nécessairement favorables à moyen terme et à long terme. À mon avis, c'est un dilemme qui se pose à tous les gouvernements en tout temps.

Manifestement, nous sommes fortement en faveur d'une protection contre les pratiques commerciales déloyales, et c'est là qu'est la clé, car je dis bien pratiques commerciales déloyales, et non pas saine concurrence.

Merci.

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Le coprésident (M. Duhamel): Monsieur Randolph.

M. Randolph: Je vais réitérer ce que j'ai dit tout à l'heure. Tout ce que nous voulons, c'est que le commerce soit équitable. Ce qui est bon pour l'un doit être bon pour l'autre.

Le coprésident (M. Duhamel): Et vice versa.

M. Randolph: En effet.

Le coprésident (M. Duhamel): Merci. C'étaient des résumés exemplaires. C'est incroyable.

Monsieur Moore, je vous mets au défi d'en faire autant.

M. Moore: Si je peux me permettre, monsieur le président, je voudrais demander à Dennis de dire un mot et peut-être à Michael aussi, ou bien à notre vice-président.

M. Bailie: Je vais tenter de résumer en ajoutant une préface, étant donné notre dernière discussion. Compte tenu de l'environnement extérieur au Canada, nous estimons qu'il est essentiel de maintenir la LMSI et de faire en sorte qu'elle reflète correctement les besoins de tous les Canadiens, producteurs, consommateurs et surtout les investisseurs, qui, en fin de compte, nous permettent à tous d'avoir un emploi.

Le coprésident (M. Duhamel): Merci. Monsieur Flavell.

M. Flavell: Je voudrais seulement ajouter que je crains que nos amis au sud n'acceptent pas de sitôt que l'on remplace la législation antidumping en Amérique du Nord par une loi sur la concurrence ou une autre mesure. J'espère me tromper, mais je crains que ce soit le cas.

Si tel est le cas, à court ou à moyen terme, nous devrons nous contenter d'une loi antidumping, à mon avis. Nous devrons nous assurer que, dans la mesure du possible, elle protège les producteurs canadiens sans causer de préjudice inutile aux utilisateurs. C'est le difficile équilibre dont parlait le ministre Martin dans les propos qu'on a cités au début et je crois qu'il convient de terminer là-dessus.

Le coprésident (M. Duhamel): Merci. Monsieur Whitney ou Monsieur Kuhl.

M. Kuhl: Je suis d'accord avec M. Randolph: ce que nous voulons, c'est l'équité. Nous avons donné l'ordre de nos priorités et le maintien de la LMSI est très important à nos yeux.

Tous les producteurs membres du Conseil canadien de l'horticulture sont également des consommateurs et pour que nous demeurions des consommateurs, nous devons continuer de produire. Pour que les consommateurs aient le choix d'acheter nos produits, nous devons être compétitifs. Nous vous souhaitons la sagesse de Salomon pour trouver les recommandations les plus justes, monsieur le président.

Le coprésident (M. Duhamel): Merci.

Je dis merci aux témoins et à tous les intervenants.

[Français]

Merci. J'ai beaucoup apprécié tant vos témoignages que cet échange d'information. Cela a été pour moi très, très utile.

[Traduction]

Je tiens à ajouter deux choses avant de mettre fin à la réunion. M. Grubel et moi-même avons réussi à conclure une entente. Nous avons décidé de rester jusqu'au bout afin de vous entendre et nous l'avons fait. Je remercie M. Grubel de sa collaboration. Juste au cas où quelqu'un dirait que je n'ai jamais travaillé en étroite collaboration avec un réformiste, ce sera la preuve que ce n'est pas vrai.

Deuxièmement, vous avez utilisé fréquemment le mot «équilibre» cet après-midi. Je veux seulement vous dire que ce mot est synonyme de «libéral».

Merci. La séance est levée.

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