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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 12 mars 1997

.1534

[Traduction]

Le président (M. Michel Dupuy (Laval-Ouest, Lib.)): Chers collègues, nous avons le quorum et nous pouvons commencer notre réunion.

Avant d'accueillir les témoins que nous entendons aujourd'hui, je voudrais soulever un petit problème de conflit d'horaires et vous demander conseil à ce sujet. La semaine prochaine, le sous- comité doit normalement siéger à 15 h 30. On m'a toutefois informé que le Comité permanent des affaires étrangères de la Chambre tiendra une séance conjointe avec le Comité des relations étrangères du Sénat afin de rencontrer un groupe de parlementaires d'Irlande. On s'attend à ce que cette réunion dure environ une heure.

.1535

Nous sommes devant l'alternative suivante. Nous pouvons tenir notre réunion du sous-comité comme à l'habitude, en dépit de la réunion de notre comité principal - et nous avons d'ailleurs un programme très chargé pour cette réunion - , ou bien nous pouvons assister à la réunion du comité principal pendant une heure et revenir ensuite ici pour le temps qu'il resterait, c'est-à-dire une heure.

Je vais vous dire très franchement qu'à titre de président du sous-comité, je préférerais consacrer beaucoup de temps aux travaux du sous-comité, ce qui signifierait évidemment que nous n'assisterions pas à la réunion avec nos autres collègues. Je voudrais donc avoir votre avis là-dessus, maintenant que j'ai dit que je préférerais pour ma part que nous tenions notre réunion habituelle.

Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Excusez-moi, monsieur le président.

Le président: Je m'excuse; je répéterai très brièvement ce que j'ai dit. Nous avons malheureusement un conflit d'horaire la semaine prochaine. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre prévoit une séance conjointe d'une heure avec le Comité sénatorial permanent des Affaires étrangères, au cours de laquelle nous recevrons un groupe de parlementaires d'Irlande. Nous pourrions toujours assister à cette séance et tenir notre réunion habituelle pendant une heure seulement ou sinon nous excuser auprès de nos collègues du Comité permanent des affaires étrangères et tenir notre réunion du sous-comité comme à l'habitude. J'ai exprimé ma préférence pour la deuxième option puisque notre programme est chargé et que ce serait dommage de perdre une partie du temps dont nous disposons. Je vous invite à faire un commentaire. Je m'en tiendrai à votre préférence, à votre privilège.

M. Benoît Sauvageau: Quels représentants du gouvernement irlandais seront présents? Leur ministre des Affaires étrangères viendra-t-il?

Le président: Je ne le crois pas; je crois qu'il s'agit simplement d'un groupe de parlementaires du Parlement d'Irlande.

M. Benoît Sauvageau: Si les autres sous-comités se réunissent le mercredi après-midi, on a le même problème. Si tous les sous-comités privilégiaient la deuxième option, aucun membre ne participerait au grand comité.

Le président: Je ne me suis pas informé à cet égard, mais il semble que nous sommes les seuls à avoir ce conflit d'horaire.

M. Benoît Sauvageau: Je crois qu'il n'y a pas de problème à ce qu'on se réunisse ici mercredi après-midi de la semaine prochaine.

[Traduction]

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): C'est très bien. Occupons-nous des travaux du sous-comité.

Le président: Très bien.

Avez-vous un avis?

M. Herb Grubel (Capilano - Howe Sound, Réf.): J'estime que je ne peux pas parler au nom du membre en titre du comité. Je ne fais que le remplacer aujourd'hui.

Le président: Très bien. J'expliquerai moi-même la situation à M. Penson.

Comme trois membres du sous-comité ont accepté de tenir la réunion prévue, nous avons le quorum et nous pouvons donc prendre une décision. La réunion aura donc lieu comme à l'habitude.

Je m'excuse de cette brève digression auprès de nos témoins. La séance d'aujourd'hui est particulièrement intéressante, chers collègues, puisqu'elle porte sur le chapitre 20 du processus de règlement des différends. Nous accueillons Mme Cathy Beehan, du Secrétariat de l'ALENA. Vous avez déjà eu l'occasion de rencontrer le professeur Donald McRae, de l'Université d'Ottawa. Nous accueillons également M. Dan Daley, qui est avocat général à la Direction du droit commercial du ministère des Affaires étrangères et du commerce international.

.1540

Madame Beehan, vous avez la parole.

Mme Cathy Beehan (secrétaire canadienne, section canadienne, Secrétariat de l'ALENA): Bon après-midi et merci beaucoup.

[Français]

Monsieur le président, je voudrais vous remercier de m'avoir invitée à participer à la discussion du sous-comité sur le processus de résolution des différends du chapitre 20 de l'Accord de libre-échange nord-américain.

[Traduction]

Comme vous l'avez dit, je suis la secrétaire canadienne à la section canadienne du secrétariat de l'ALENA. Je précise dès le départ que mon mandat est uniquement d'administrer, conjointement avec mes homologues américains et mexicains, les dispositions de l'ALENA relatives au règlement des différends. Par conséquent, je me ferai un plaisir de vous expliquer comment s'appliquent les dispositions du chapitre 20 de l'ALENA et de vous donner des renseignements sur leur application à ce jour. Toutefois, je ne peux me prononcer sur le fond d'un différend quelconque et je dois même faire preuve de circonspection quant aux détails des dispositions relatives au règlement des différends, qui ont été établies par les parties à l'entente.

Je voudrais prendre quelques minutes au début de mon exposé pour vous parler des origines du secrétariat de l'ALENA.

En 1988, dans le cadre de l'Accord de libre-échange canado- américain, ou ALE, un secrétariat binational a été établi pour administrer les dispositions de cet accord relatives au règlement des différends. Le secrétariat binational comprenait deux bureaux appelés sections nationales, l'un à Ottawa et l'autre à Washington, D.C. Dans le cadre de l'ALENA, un secrétariat semblable a été établi et doté d'une section nationale dans chaque capitale. Le Canada et les États-Unis ont simplement rebaptisé leurs sections nationales existantes, qui sont devenues les sections canadienne et américaine, respectivement, du secrétariat de l'ALENA; quant au Mexique, il a établi sa propre section nationale à Mexico. Le secrétariat comprend donc ces trois bureaux ou sections nationales et il a le mandat d'administrer les dispositions de l'ALENA relatives au règlement des différends.

Je tiens à souligner que mon organisme est une instance indépendante créée par décret du conseil. De concert avec nos homologues américains et mexicains, nous sommes les administrateurs neutres du processus de règlement des différends de l'ALENA, et nous relevons de la Commission du libre-échange de l'ALENA. Si les membres du comité veulent de plus amples renseignements au sujet de la section canadienne du Secrétariat de l'ALENA, je pourrais leur faire parvenir un exemplaire des Perspectives ministérielles que nous avons soumis au Parlement.

Pour conclure cette introduction, et avant de commencer mon exposé sur le chapitre 20 concernant les mécanismes de l'ALENA pour le règlement des différends de gouvernement à gouvernement, je voudrais vous citer un passage du best-seller bien connu de Harvard Getting to Yes. À mon avis, ce passage définit bien le rôle du Secrétariat de l'ALENA, que je viens de décrire:

Tout comme on ne saurait parler de gagnant et de perdant au frisbee, on ne saurait en parler non plus au Secrétariat de l'ALENA. Si je peux me permettre de citer le même ouvrage, je dirais que le but de l'exercice est de «trouver un meilleur processus pour régler nos différends».

Au sujet du chapitre 20 consacré au processus de règlement des différends, je dirai qu'on y énonce les étapes nécessaires pour résoudre les différends de façon consensuelle, si tant est que cela est possible. On aura recours à la procédure arbitrale uniquement lorsque tous les moyens permettant une solution négociée auront été épuisés.

Quand a-t-on recours au chapitre 20? Le chapitre 20 s'applique, à certaines exceptions près, à tous les différends concernant l'interprétation et l'application de l'ALENA. Les différends qui relèvent à la fois de l'ALENA et de l'OMC peuvent être réglés aux termes de l'un ou de l'autre instrument à la discrétion de la partie plaignante. Une fois engagée la procédure de règlement des différends, l'instrument choisi sera utilisé à l'exclusion de l'autre instrument.

.1545

La procédure de règlement des différends commence par des consultations entre gouvernements. Toute partie qui estime avoir un intérêt substantiel à l'égard de la question en litige pourra participer aux consultations. Depuis 1994, il y a eu 12 demandes de consultation en vertu du chapitre 20. En outre, au moment de leur adhésion à l'ALENA, le Canada et les États-Unis ont convenu que certaines questions qui faisaient l'objet de consultations aux termes du chapitre 18 de l'ALE - le processus analogue de l'ALE - étaient désormais réputées être assujetties à l'ALENA.

Si les parties consultantes ne réussissent pas à résoudre leurs différends à la suite de consultations, l'une de ces parties pourra demander la convocation de la Commission, qui est composée des ministres du Commerce des trois parties. Si la Commission de l'ALENA ne parvient pas à résoudre le différend, toute partie consultante pourra demander que soit institué un groupe spécial arbitral. À ce moment-là, si une tierce partie estime avoir un intérêt substantiel à l'égard de la question en litige, elle sera en droit de se joindre à la procédure comme partie plaignante et elle aura tous les droits de participer au processus. Par ailleurs, une tierce partie pourra se joindre à la procédure comme partie participante seulement, ce qui limite sa participation au processus.

Jusqu'à maintenant, on a présenté à deux reprises une demande de constitution d'un groupe spécial arbitral. En juillet 1995, les États-Unis ont demandé que soit créé un groupe spécial arbitral pour résoudre le différend qui les opposait au Canada au sujet des tarifs imposés à certains produits agricoles américains. Il s'agit de ce qu'on appelle le différend sur les produits laitiers ou sur la gestion de l'offre. En janvier dernier, le Mexique a demandé la consultation d'un groupe spécial sur le sorgho.

Nous en sommes maintenant au stade du groupe spécial. Pour choisir un groupe spécial aux termes de l'article 2011 du chapitre 20, on a recours à un processus unique de sélection inverse. Aux termes de ce processus, chacune des parties choisira deux membres du groupe spécial qui sont des citoyens de l'autre partie contestante. Le cinquième membre, le président du groupe spécial, qui est choisi par les parties contestantes, peut être citoyen de l'un ou l'autre pays. Normalement, les membres sont choisis à partir d'une liste établie conformément aux dispositions de l'article 2009. Cela dit, cette liste n'a pas encore été établie. La sélection des membres d'un groupe spécial doit normalement se faire dans un délai de 30 à 40 jours, mais en l'absence d'une liste, il a fallu six mois aux parties pour choisir le groupe spécial chargé d'examiner le différend sur la gestion de l'offre.

Aux termes de l'article 2012, les gouvernements parties à l'ALENA ont négocié un modèle de règles de procédure pour les recours aux groupes spéciaux prévus par le chapitre 20, et ils sont arrivés à un accord à ce sujet. Je pense d'ailleurs que les membres du comité ont dû recevoir une documentation du Secrétariat de l'ALENA. Pour vous faciliter les choses, vous trouverez le modèle en question à l'onglet 11.

Selon ces règles de procédure, les parties peuvent soumettre une requête par écrit au groupe spécial. Celui-ci tiendra au minimum une audience dans la capitale de la partie intimée. Par exemple, dans le cas de la procédure relative à la gestion de l'offre, cette audience a eu lieu à Ottawa.

L'article 35 de ces règles de procédure dit ceci:

À l'étape du groupe spécial et avec le consentement des parties en litige, le groupe peut solliciter le concours technique d'un expert ou d'un organisme quelconque. De la même façon, toujours si les parties en litige y consentent, un groupe spécial peut obtenir de l'un ou l'autre comité d'examen scientifique, un rapport écrit sur certaines questions scientifiques comme celles qui concernent l'hygiène ou la sécurité du milieu.

.1550

Pour ce qui est de l'issue du processus, le groupe spécial doit présenter un premier rapport aux parties en litige, de préférence dans les quatre mois qui suivent l'introduction d'une requête en arbitrage. Dans le cas du seul groupe spécial constitué aux termes du chapitre 20 qui ait terminé ses travaux à ce jour - celui de la gestion de l'offre - , le rapport initial a été déposé environ 12 mois après la date de la demande de constitution d'un groupe spécial d'arbitrage.

Les parties en litige peuvent soumettre par écrit leurs commentaires au groupe spécial à la suite du dépôt du rapport initial. Le groupe en prend note et dépose un rapport final, idéalement dans les30 jours qui suivent le dépôt de son rapport initial, soit environ cinq mois après l'introduction de la requête. Dans le cas du groupe spécial sur la gestion de l'offre, le rapport final a été déposé environ quatre mois après le dépôt du rapport initial, soit 16 mois et demi après la date de dépôt de la requête en constitution d'un groupe d'arbitrage.

Vous constaterez que les délais mentionnés dans le cas de la procédure sur la gestion de l'offre sont plus longs que ceux que prévoit l'accord. Cet état de chose a été en partie dû au temps qu'il a fallu pour constituer le groupe spécial, mais également pour appliquer le modèle de règles de procédure relatif à la traduction. En vertu des règles de procédure, toute partie en cause peut demander la traduction des requêtes écrites et des rapports du groupe spécial. Ainsi, l'article 54 des règles de procédure précise que les délais applicables font l'objet des reports nécessaires pour permettre la traduction.

Sauf si la commission de l'ALENA en décide autrement, le rapport final du groupe spécial est rendu public 15 jours après son dépôt à la commission. Dans le cas du processus équivalent à l'ALE, - le chapitre 18 - cinq rapports de groupes spéciaux ont été déposés et tous ont été rendus publics. Dans le cas des procédures entamées aux termes de l'ALENA au sujet de la gestion de l'offre, le rapport final a été rendu public le lendemain de son dépôt à la commission avec l'accord des parties intéressées.

S'agissant de l'application du rapport final, le parties en litige en vertu de l'accord doivent s'entendre sur le règlement à apporter au différend après réception du rapport final. Le règlement doit normalement être conforme aux conclusions et aux recommandations éventuelles du groupe spécial. L'article 2018 porte que, dans toute la mesure du possible, le règlement doit être la non-application ou l'élimination d'une mesure non conforme.

Lorsqu'un groupe spécial signale qu'une mesure n'est pas conforme à l'ALENA et qu'aucun accord n'a pu être conclu pour régler le différend, la partie lésée peut suspendre l'application de certains avantages ayant un effet équivalent. En deux mots, cette disposition est un mécanisme de représailles. S'il y a effectivement recours à des représailles et si une partie estime que cette mesure est manifestement excessive, la mesure de représailles en question peut être examinée par un groupe spécial qui devra soumettre ses conclusions dans les 60 jours qui suivent sa constitution ou à toute autre échéance convenue par les parties en litige. Dans la réalité des choses, les parties s'emploient à arriver à un accord en se fondant sur le rapport du groupe spécial de manière à éviter ce genre de mesure de représailles. Ainsi, la disposition portant suspension des avantages n'a jamais été invoquée dans le cadre de l'ALE.

Pour conclure, comme j'avais commencé mon intervention en citant une anecdote américaine, j'aimerais la terminer par un proverbe espagnol qui dit, pour ceux d'entre vous qui ne comprendraient pas cette langue, «Tout le plaisir d'un différend, c'est de faire la paix». À l'ALENA, comme dans la vie, cela est bien vrai.

[Français]

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Je répondrai maintenant volontiers à vos questions.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, madame Beehan. Je cède maintenant la parole au professeur McRae.

M. Donald McRae (professeur de common law, Université d'Ottawa): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Monsieur le président, j'aimerais cet après-midi, faire valoir une ou deux choses qui découlent directement de ce que j'ai appris en siégeant à des groupes spéciaux constitués en vertu du chapitre 18 de l'ALE et du chapitre 20 de l'ALENA. J'ai en effet présidé le premier groupe d'arbitrage constitué en vertu du chapitre 18, en l'occurrence celui qui a examiné le dossier du saumon et du hareng. J'ai également fait partie d'un autre groupe spécial sur les intérêts non hypothécaires, constitué en vertu du chapitre 18, et d'un groupe spécial sur la gestion de l'offre, constitué en vertu du chapitre 20 de l'ALENA, celui précisément dont Mme Beehan vient de parler.

.1555

J'ai également siégé au groupe spécial constitué en vertu du chapitre 19 dans le dossier du bois tendre, et j'ai présidé le premier groupe d'arbitrage constitué dans le cadre de l'accord de libre échange États-Unis-Israël.

En guise d'introduction, je dirai qu'à mon avis, les procédures prévues aux termes des chapitres 18 et 20 donnent en général des résultats remarquablement bons. Les groupes spéciaux composés de ressortissants des deux États ont prouvé qu'ils pouvaient travailler de façon collégiale sans se polariser sur les positions nationales. Je pense que le système a produit de bons résultats, à la fois lorsque les groupes spéciaux étaient composés exclusivement de ressortissants des pays en cause, comme c'est le cas en vertu du chapitre 18, que lorsque le président n'était pas un ressortissant de l'un des deux pays en cause, comme le prévoit le chapitre 20.

Je pense qu'il importe également de bien se souvenir que les groupes spéciaux sont composés de membres dont la nomination se fait au cas par cas. La dynamique d'un groupe spécial ainsi constitué est légèrement différente de ce qui se produit dans le cas d'un tribunal dont les juges sont assurés de la permanence de leur poste.

Dans n'importe quel cas, un groupe spécial peut être composé de personnes qui ont déjà siégé à d'autres groupes spéciaux et de personnes dont c'est la première intervention dans ce genre de procédure.

Je pense que l'élément clé de cette procédure des groupes spéciaux se trouve précisément dans le fait qu'on nomme des gens qui peuvent fonctionner de façon efficace dans ce genre d'atmosphère. La réussite de la formule dépend en grande mesure de l'interaction entre les membres du groupe spécial, aussi bien au niveau personnel qu'au biveau professionnel.

Les membres des groupes spéciaux sont censés être des spécialistes du droit et de l'économie. En tant que professionnels, non seulement ils doivent respecter leur propre intégrité, mais ils ont également une responsabilité à l'endroit du processus de règlement des différends en tant que tels.

Selon ce que j'ai pu constater, les membres des groupes spéciaux l'admettent facilement. Ils savent que le processus produira les meilleurs résultats s'ils parviennent à travailler de façon solidaire et non pas chacun de façon autonome et à titre individuel. Ils savent que les meilleurs résultats se produisent lorsqu'il est possible d'arriver à l'unanimité au moment de la décision, et je pense que les groupes spéciaux travaillent de façon collégiale pour essayer d'atteindre cet objectif.

Ainsi, s'agissant du fonctionnement de ces groupes spéciaux, la nationalité n'a finalement aucune importance, de sorte que même si la formule de la sélection inverse est parfois préconisée et peut sembler politiquement séduisante, cela n'a, à mon avis, aucune incidence sur l'attitude des membres des groupes spéciaux.

J'aimerais également ajouter qu'à mon sens, un facteur tout à fait fondamental, favorable au bon fonctionnement des groupes spéciaux, est l'atmosphère propice créée par le Secrétariat de l'ALENA et le concours qu'il apporte à tout le processus. Un secrétariat peut jouer un rôle très important lorsqu'il s'agit de réunir cinq personnes qui n'ont peut-être pas eu précédemment beaucoup de contacts entre elles, en les faisant se sentir bien à l'aise et en créant un climat de confiance qui, sinon, risquerait de n'apparaître qu'après un laps de temps beaucoup plus long.

À cet égard, les membres des groupes spéciaux de l'ALENA ont été remarquablement bien servis. J'ai personnellement siégé ainsi avec des confrères qui avaient déjà une expérience nationale, nord- américaine et internationale, et tous s'accordent à dire que la qualité et le professionnalisme des services offerts par Cathy Beehan et ses collaborateurs sont ni plus ni moins sans égaux.

J'ai souvent travaillé avec le Secrétariat de l'ALENA à Washington, et, même si les ressources dont celui-ci dispose sont plus limitées, le niveau de professionnalisme qu'on y trouve, est également extrêmement élevé. Je n'ai pas pu travailler avec le secrétariat mexicain, mais je sais que tous les secrétariats travaillent ensemble, de sorte que ce que je viens de vous dire, vaut probablement aussi pour celui-là.

Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais aborder les thèmes de la confidentialité, des comités consultatifs d'experts et de scientifiques, des recommandations du rapport initial et du tribunal permanent. Je n'aurais peut-être pas le temps d'aborder tous ces thèmes aujourd'hui, mais je voudrais, du moins, faire des commentaires sur certains d'entre eux.

Commençons par la confidentialité. Je pense qu'elle est indispensable dans plusieurs domaines des différends commerciaux. Et bien sûr, lorsqu'il est question d'une procédure où interviennent les membres d'un groupe spécial, les problèmes de conflits d'intérêts sont particulièrement importants, et sont pris très au sérieux par les parties, par le secrétariat et par les membres du groupe spécial.

Mais je me demande si l'on n'a pas tendance à aller trop loin sur cette question de la confidentialité. Dans les différends portant sur la gestion de l'offre, on préserve la confidentialité de l'identité des membres du groupe spécial jusqu'à la présentation du rapport final. Les premières interventions des parties sont publiques, même si certains documents justificatifs ne le sont pas. L'audience se tient en privée, et sa transcription est confidentielle. Les plaidoyers écrits présentés après l'audience sont partiellement publics, mais les délibérations ultérieures sont confidentielles.

.1600

Il est, pour le moins, assez difficile de s'y retrouver entre ce qui confidentiel et ce qui ne l'est pas, et je pense que lorsque l'on amène la confidentialité à ce niveau de complexité sur des questions d'intérêt public, il se produit inévitablement ce qui s'est produit dans le cas de la gestion de l'offre, c'est-à-dire des fuites. On a appris par des fuites les noms des membres du groupe spécial, mais les exigences de confidentialité empêchaient ces membres de confirmer les dires de la presse.

La situation était d'autant plus confuse que la presse avait interverti les nationalités de deux membres du groupe spécial, mais les règles de confidentialité empêchaient les personnes en question de reconnaître qu'elles faisaient partie du groupe spécial et qu'il y avait eu une erreur dans l'indication de leur nationalité.

Il y a eu également des articles sur certains arguments écrits, mais par sur d'autres. Le rapport initial du groupe spécial a fait l'objet d'une suite, et tout le monde a pu en prendre connaissance.

Je me demande donc si ce souci excessif de confidentialité a véritablement servi l'objectif recherché et si, à long terme, il ne risque pas de porter préjudice à la crédibilité du processus des groupes spéciaux. À mon sens, la transparence doit être l'objectif de tous les mécanismes du commerce international, et elle doit prévaloir également dans la procédure de règlement des différends.

Évidemment, on ne peut pas raisonnablement s'attendre à ce que les parties empêchent toute forme de fuite. Dans les trois cas auxquels j'ai participé, le rapport initial a fait l'objet d'une fuite, mais je pense qu'on pourrait faire en sorte que les parties soient moins tentées par les fuites, et on favoriserait la transparence en abandonnant certaines règles sur la confidentialité. Il serait très simple, au départ, de divulguer la composition des groupes spéciaux.

On peut considérer le chapitre 19 comme un modèle. Aux termes de ce chapitre, les renseignements privatifs sont confidentiels, mais le reste est public. Je ne demande pas que le chapitre 20 reprenne minutieusement les principes du chapitre 19, mais ce dernier pourrait du moins servir de point de départ pour déterminer s'il n'y a pas un excès de confidentialité et un manque de transparence au chapitre 20.

Passons maintenant à la question des conseils d'experts et de scientifiques. Pour bien situer mon commentaire, j'insiste sur le fait que les groupes spéciaux s'occupent essentiellement de deux types de questions. Les premières sont des questions d'interprétation juridique au sens assez étroit; il s'agit de savoir, par exemple, si l'intérêt autre qu'hypothécaire fait partie du coût direct de traitement aux termes de l'article 304 de l'accord de libre-échange, comme on le demandait dans l'affaire des intérêts autres qu'hypothécaires; aussi, les accords négociés dans le cadre du GATT incorporent dans l'ALENA le processus de tarification aux termes de l'Uruguay Round, comme on le demandait dans l'affaire de la gestion de l'offre. Ce sont, à mon sens, des questions d'interprétation que les avocats sont particulièrement en mesure de traiter.

Mais les différends commerciaux soulèvent des questions qui, contrairement aux apparences, ne sont pas véritablement des questions juridiques d'interprétation et qui nécessitent l'application d'une norme beaucoup moins précise; c'est notamment le cas des exceptions aux obligations du GATT et de l'ALENA, comme les programmes de conservation et les mesures nécessaires à la protection de la vie ou de la santé des personnes, des animaux et des végétaux. C'est aussi le cas des questions fondées sur l'article 3 du GATT, où il s'agit de savoir si un produit particulier est un produit analogue ou non. Toutes ces questions font éventuellement appel à des considérations scientifiques, sociales, techniques ou autres.

.1605

C'est ce genre de questions qui étaient au coeur du différend sur le saumon et le hareng, et, dans une moindre mesure, du différend sur le lait UHT. On remarquera que ces deux décisions sont celles qui ont suscité le plus de critiques en ce qui concerne le chapitre 18.

Pour bien comprendre le problème, il faut le situer correctement, c'est-à-dire au confluent des règles commerciales et des règles environnementales. Peut-on s'attendre à ce qu'un groupe composé d'experts commerciaux ou d'avocats spécialisés en droit commercial se prononcent à bon escient sur l raison d'être ou les conséquences d'une mesure qui font appel à la notion de conservation? Ont-ils toutes les connaissances nécessaires?

Dans l'affaire du saumon et du hareng, soulevée dans le cadre de l'accord de libre-échange, les parties ont choisi des experts de la pêche pour composer le groupe spécial. On n'avait pas prévu d'experts dans d'autres domaines. Ils se sont simplement ajoutés au groupe.

Dans le cas de l'ALENA, comme l'a indiqué Mme Beehan, il est possible de faire appel à des commissions de révision composées de scientifiques et à des experts. Mais les dispositions de l'ALENA posent un problème: ces commissions dépendent de la décision des parties. Le groupe ne peut nommer des experts ou constituer un conseil consultatif scientifique que si les parties sont d'accord. Le groupe spécial a donc la grande responsabilité de déterminer si les parties vont accepter la constitution d'une telle commission.

À l'Organisation mondiale du commerce, si l'on en juge du moins par les premiers cas, les groupes spéciaux ne demandent pas, lorsque l'occasion se présente, la création de commissions.

J'estime que lorsqu'on soumet à un groupe spécial un problème qui ne soulève pas que des questions d'interprétation, les parties devraient automatiquement constituer un conseil consultatif d'experts ou de scientifiques, c'est-à-dire que, dans tous les cas où un groupe spécial va devoir se prononcer sur des questions scientifiques ou techniques, les parties devraient constituer d'emblée un tel organisme. Ce n'est pas au groupe spécial qu'il devrait incomber d'en prendre l'initiative.

Venons-en maintenant à la question du rapport initial dont parlait Mme Beehan. Le groupe spécial doit présenter un rapport initial indiquant les faits, les arguments et le sens de la décision. Les parties peuvent ensuite présenter des commentaires écrits sur ce rapport.

On peut s'interroger sur la nature de ces commentaires. Que peut-on y inclure à cette étape de la procédure? À l'étape du rapport initial, les parties ont-elles l'occasion de reformuler leur argumentation, de présenter de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments? Autrement dit, après avoir vu les arguments qui ont une chance de convaincre les membres du groupe spécial, les parties peuvent-elles présenter de nouveaux arguments, de nouveaux éléments de preuve ou soumettre de nouveaux documents à l'attention des membres du groupe spécial?

Évidemment, les règles de confidentialité empêchent d'analyser ce qui s'est passé dans les affaires fondées sur les chapitres 18 et 20, mais les parties peuvent s'occuper de cela elles-mêmes.

D'après le texte même du traité, les parties peuvent faire des commentaires de portée très vaste. L'ALENA prévoit qu'en réponse à ces commentaires, le groupe spécial peut solliciter le point de vue d'une partie, reconsidérer son rapport et entreprendre toute étude qu'il juge pertinente. À mon avis, on peut en déduire que les parties peuvent alors juger opportun de présenter de nouveaux arguments ou de nouvelles preuves. À quoi sert de tenir une audience, sinon à recueillir de nouveaux arguments ou de nouveaux éléments de preuve? Mais s'il est possible de présenter de nouveaux arguments ou de nouveaux éléments de preuve, peut-être faudrait-il limiter cette possibilité.

Il semble qu'on n'ait prévu qu'une période très courte après le rapport initial, ce qui ne devrait pas permettre de présenter de nouveaux arguments ou de nouveaux éléments de preuve très détaillés.

.1610

À mon sens, les parties devraient se pencher sur cette question. Sinon, un groupe spécial risque de se trouver dans l'obligation de décider qu'une partie a soulevé des questions irrecevables à cette étape de la procédure, mais il devra le faire sans pouvoir invoquer de critères précis.

Et si le groupe spécial ne rend pas cette décision, il risquera alors de se trouver confronté à de nouveaux arguments, à de nouveaux éléments de preuve et, finalement, à une nouvelle affaire.

Le rapport initial soulève une autre question dont je voudrais maintenant parler. Aux termes des dispositions actuelles de l'ALENA, le groupe spécial peut ne pas tenir compte des commentaires des parties et faire de ce rapport initial son rapport final. Évidemment, il est obligé de prendre les commentaires en considération, mais le rapport initial peut devenir le rapport final.

Dans la procédure correspondante de l'Organisation mondiale du commerce, qu'on appelle l'étape de la révision provisoire, une fois que le groupe spécial a reçu les commentaires des parties, il doit se prononcer à leur sujet dans son rapport final. À mon avis, une telle disposition favorise la transparence du processus; peut-être y aurait-il lieu de s'en inspirer dans le cadre de l'ALENA.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais encore aborder deux questions. La première concerne la nécessité des recommandations. Le groupe de travail rend des conclusions sur les faits et une décision sur la question posée, mais à moins que les parties ne s'y opposent, il peut également faire des recommandations concernant la façon de résoudre le différend.

À mon avis, cette possibilité de faire des recommandations est incompatible avec le rôle d'adjudication du groupe spécial. Sa mission est de déterminer si les dispositions du traité ont été respectées ou non. Il n'a pas pour rôle d'intervenir en tant que médiateur dans le différend qui oppose les parties.

À mon avis, cette possibilité de recommandation tient au fait que le chapitre 18 de l'Accord de libre-échange n'a fait que reprendre les principes de la procédure de règlement des différends du GATT. Cette possibilité de faire des recommandations dont dispose le groupe de travail traduit bien l'ambiguïté du GATT et permet de se demander si le mécanisme de règlement des différends du GATT est une procédure de conciliation, et non d'adjudication.

Je pense que cette ambiguïté n'existe plus dans l'Organisation mondiale du commerce ni dans l'ALENA. Si elle était présente dans les premiers jours de l'Accord de libre-échange, elle n'existe plus dans l'ALENA.

On remarquera que si cette possibilité de recommandation existe dans les usages du GATT et de l'Organisation mondiale du commerce, ce n'est qu'une simple formalité. Après avoir rendu sa décision, le groupe de travail recommande simplement la suppression de la mesure contestée.

En outre, dans l'affaire de la gestion de l'offre, le mandat du groupe spécial ne comprenait pas la possibilité de faire des recommandations. Les parties voulaient que le groupe de travail se prononce en droit, et non pas qu'il propose des solutions pour résoudre le différend. À mon avis, c'est la meilleure formule.

Je trouve curieux que le groupe de travail doive se prononcer sur le plan juridique, et qu'ensuite, il recommande aux parties de régler le différend d'une façon qui n'est pas nécessairement conforme à sa décision au plan juridique. Je considère donc que le pouvoir de recommandation du groupe spécial constitué aux termes du chapitre 20 de l'ALENA est inutile et désuet.

Mon dernier commentaire concerne une question soulevée périodiquement à propos du chapitre 20, ainsi que du chapitre 19: y aurait-il lieu de remplacer les groupes spéciaux par un tribunal permanent?

À mon avis, la formule du tribunal permanent présente des avantages évidents. Elle permettrait d'éviter les délais de composition des groupes spéciaux dont a parlé Mme Beehan. Elle permettrait aussi d'éviter les pertes de temps qu'on a déplorées dans l'affaire de la gestion de l'offre, où il a fallu coordonner les emplois du temps de cinq personnes qui habitent sur des continents différents. En outre, cette formule atténuerait, sans l'éliminer entièrement la question des conflits d'intérêts.

.1615

Elle permettrait aussi d'assurer une acquisition régulière des connaissances chez les membres du tribunal et donnerait naissance à une forme de mémoire institutionnelle, en plus de celle que peut proposer un secrétariat.

Une telle formule a aussi ses inconvénients. Les gouvernements ne veulent pas nécessairement s'engager à recourir indéfiniment aux mêmes personnes. Ils le font lorsqu'ils inscrivent un nom sur la liste, mais ils ne sont pas obligés de recourir aux personnes dont le nom figure sur la liste. Les gouvernements veulent pouvoir choisir les membres du groupe au cas par cas. Peut-être voudront- ils aussi éviter le coût d'un tribunal permanent.

Mais surtout, à l'heure actuelle, il me semble superflu de créer un tribunal permanent de règlement des différends alors qu'il ne se présente qu'environ un cas par an; mais en réfléchissant à la question, j'estime que l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce propose une solution intermédiaire, puisque les membres de cet organe d'appel sont nommés pour un mandat fixe de quatre ans, pendant lesquels ils doivent se consacrer à plein temps aux différends qui peuvent se présenter.

Les délais impartis à l'organe d'appel sont très précis. Il a 60 jours pour rendre une décision à partir du dépôt de l'appel; ce délai peut être porté à 90 jours, mais lorsque l'organe d'appel ne siège pas, ses membres peuvent se livrer à d'autres activités, pourvu qu'elles ne les placent pas en situation de conflit d'intérêts. Je signale que cet organe d'appel est très occupé. Il a déjà rendu quatre décisions. Il est sur le point d'en rendre une cinquième, et il sera certainement saisi d'autres appels. À mon sens, il faudrait que le chapitre 20 suscite beaucoup plus de contestations pour justifier une formule différente de la formule actuelle des groupes spéciaux.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McRae.

Monsieur Daley, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Daniel D. Daley (avocat général délégué, Direction du droit commercial international, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président. Je n'ai plus grand-chose à dire, étant donné l'excellente qualité et la nature très complète des deux exposés précédents.

Je commencerai en confirmant à titre personnel ce qu'a dit M. McRae, à savoir que, sous la direction de Mme Beehan, la section canadienne du secrétariat donne l'image de l'excellence dans la résolution des différends ainsi que dans ses autres activités.

Je voudrais parler brièvement de certains défauts que M. McRae attribue au système actuel. Il est certain qu'à l'occasion du seul groupe spécial constitué en vertu du chapitre 20 qui ait terminé ses travaux, c'est-à-dire celui de la gestion de l'offre, le gouvernement canadien a pris conscience de certains problèmes de procédure.

Avec un groupe de fonctionnaires, nous sommes actuellement en train de tirer les leçons de l'expérience de la gestion de l'offre, de façon à proposer des améliorations concernant les règles de procédure ou concernant le chapitre proprement dit. En tout cas, ces propositions devront être acceptées par les deux partenaires du Canada au sein de l'ALENA.

Nous savons que le système n'est pas parfait. Les fonctionnaires canadiens sont bien conscients de la difficulté, pour les groupes spéciaux, de rendre une décision sur les questions de procédure qui ne sont abordées ni dans le chapitre 20 proprement dit ni dans le modèle de règles de procédure.

.1620

La formule proposée au chapitre 20 de l'ALENA diffère des formules de l'OMC et du GATT dans la mesure où le secrétariat n'est pas aussi actif. Je ne veux nullement lui faire de reproches, mais le rôle du secrétariat est beaucoup plus limité dans le mécanisme de règlement des différends de l'ALENA qu'il ne l'est dans le cadre de l'OMC.

Comme l'a signalé M. McRae, les membres des groupes spéciaux ont du mal à placer chaque différend dans une perspective institutionnelle. Il y a eu qu'un seul différend jusqu'à maintenant. Il est très difficile de dégager une jurisprudence en matière de procédure des quelques différends qui se sont présentés jusqu'à maintenant. Par ailleurs, si la fréquence de remplacement des membres des groupes spéciaux reste aussi élevée, il leur sera difficile de dégager une perspective précise sur ces questions de procédure.

C'est donc un facteur à prendre en compte si l'on veut réviser les règles de procédure du chapitre 20 de l'ALENA à la lumière de l'expérience de l'affaire sur la gestion de l'offre. Les témoignages des participants sont disponibles, et on devra tenir compte, en plus des autres sources, du témoignage de M. McRae pour réviser ces procédures.

Changeons de sujet; je voudrais maintenant parler de certains aspects du chapitre 20 de l'ALENA sur lesquels je voudrais faire valoir un point de vue personnel fondé sur l'expérience.

J'aimerais parler brièvement des avantages de l'ALENA en matière de prévention des différends. Au cours de cette réunion, nous avons parlé jusqu'à maintenant des procédures prévues à l'article 2006 en ce qui concerne la consultation par l'intermédiaire de la commission ou d'un groupe spécial. Mais en fait, il existe toute une gamme d'activités relevant de l'ALENA, essentiellement du chapitre 20, qui concernent la résolution des problèmes, réels ou prévisibles, par la consultation au niveau des fonctionnaires, de façon à éviter le recours à un mécanisme officiel de règlement des différends.

Ces activités sont menées par les institutions, c'est-à-dire les comités et les groupes de travail, qui existent dans le cadre de l'ALENA, et elles concernent le chapitre 18, qui impose aux signataires un certain nombre d'obligations en matière de transparence et de procédure.

En combinaison avec diverses autres dispositions de l'ALENA, le chapitre 18 oblige les parties à publier non seulement leur loi, mais également leurs directives, et à donner un préavis de leurs décisions, notamment dans le domaine des règles d'origine. Toutes ces dispositions visent à faire en sorte que les parties concernées soient informées des règles applicables et puissent s'organiser pour en tenir compte, et pour avoir l'occasion de se prononcer sur les changements apportés à ces règles avant qu'ils n'entrent en vigueur; en fait, tout doit fonctionner de façon à favoriser la liberté du commerce et de l'investissement.

.1625

Dans le cadre de l'ALENA, on a créé des organismes techniques très importants, comme le Comité du commerce des produits et le Groupe de travail sur les règles d'origine. Tous ces organismes visent à permettre à l'ALENA d'évoluer, ils permettent aux parties d'exprimer et de faire valoir leurs préoccupations; enfin, il s'agit de prévenir les différends. Et j'ai pu constater moi-même l'efficacité de ces organismes.

Par exemple, lors de ma première expérience, j'ai rédigé des arguments que j'ai présentés devant le Comité du commerce et des produits, croyant qu'en fait, je préparais l'argumentation qui allait servir devant un groupe spécial. À mon grand étonnement, lors de ma première intervention, la délégation de l'une des autres parties à l'ALENA, contre qui le Canada aurait dû porter plainte devant un groupe spécial, a réfléchi à nos arguments et s'est mise d'accord avec nous. Elle a essentiellement reconnu que le point de vue des fonctionnaires des États-Unis sur une question très importante concernant les drawbacks sur les droits et les reports, qui avaient des conséquences très importantes pour la politique industrielle canadienne... La délégation était bien d'accord avec nous et elle a fait modifier la politique américaine. Ce genre de chose se produit couramment.

Le fait que ces organismes soient très occupés et qu'ils n'aient eu jusqu'à maintenant que deux demandes de constitution de groupe spécial en vertu du chapitre 20 montre bien, à mon sens, que de façon générale, le système fonctionne très bien et que les parties signataires de l'ALENA ont intérêt à ce qu'il fonctionne de façon satisfaisante et équitable, comme il était censé le faire au départ.

Voilà ce que je voulais dire en ce qui concerne la prévention des différends au sein de l'ALENA.

Le président: Merci, monsieur Daley.

Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Bonjour, madame, bonjour, messieurs. Ma première question va s'adresser à vous, madame Beehan.

D'abord, vous devez être très flattée des propos de vos deux collègues, propos qui sont soulignés dans l'introduction de votre mémoire. Je ne vous connais pas assez, malheureusement, pour renchérir dans le même sens. Cependant, je ne les mets pas en doute un seul instant.

Dans votre présentation, vous avez signalé quelques points. Il y a d'abord la neutralité du Secrétariat, qui ne doit pas être remise en question. Il n'y a pas de problème là.

Vous avez dit qu'il y avait eu 12 demandes en relation avec l'article 20 de l'ALENA depuis 1994, donc en trois ans. Cela me semble peu. Pouvez-vous me dire si c'est vraiment peu en vertu de cet article-là?

Vous avez aussi parlé dans votre présentation d'un délai de 16 mois entre le dépôt du rapport préliminaire et celui de la version finale. Ça me semble relativement long. Pensez-vous qu'il serait possible de le raccourcir?

Vous n'avez pas cependant, peut-être à cause de votre neutralité, fait des commentaires critiques desquels pourraient découler les améliorations que vous souhaiteriez nous voir recommander dans notre étude sur les différends commerciaux, en particulier dans le cas des chapitres 18 et 20 de l'ALENA.

Je serais curieux de savoir si les 12 demandes sont raisonnables, si les délais sont normaux, selon vous, et s'il y a des correctifs que vous souhaiteriez voir apporter en vous basant sur l'expérience que vous faites sur le terrain depuis quelques années.

.1630

Mme Beehan: Merci, monsieur Sauvageau.

[Traduction]

Je voudrais commencer par la deuxième et la troisième questions, quitte à les combiner.

En ce qui concerne le long délai nécessité par la résolution de l'affaire de la gestion de l'offre aux termes du chapitre 20, je vous dirai que les parties ont mis six mois à constituer le groupe spécial. Je pense que si les parties peuvent se mettre d'accord sur la liste consensuelle prévue au chapitre 20, ils éviteront à l'avenir une bonne partie des délais lorsqu'ils constitueront un groupe spécial. Si j'ai une recommandation à formuler, ce serait d'inviter les parties à se mettre d'accord sur une liste, conformément à ce que prévoit le chapitre 20.

Comme je l'ai indiqué, les autres délais dans les procédures prévues au chapitre 20 peuvent s'expliquer notamment par la nécessité de faire traduire les documents. Dans le cadre de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et compte tenu de notre expérience du bilinguisme et de la traduction vers le français, nous n'avons pas été retardés par la traduction. Cependant, c'était le premier recours à la procédure de règlement des différends où l'on a utilisé trois langues, et il a fallu plus de temps pour faire traduire les documents du rapport final. Avec l'expérience, il devrait être possible de faire des gains d'efficacité en matière de traduction. Mais je pense qu'en l'occurrence, le retard était dû pour l'essentiel au délai de six mois qu'a nécessité la constitution du groupe spécial.

En ce qui concerne votre première question sur les 12 demandes reçues depuis 1994, je dirai que nous n'avons guère de points de comparaison. Du temps de l'Accord de libre-échange avec les États- Unis, le Secrétariat binational n'avait pas de liste de consultation. Les dispositions ont été légèrement modifiées et lorsqu'on demande des consultations, notre service doit en être averti. Il n'y avait donc pas de liste préliminaire dans l'Accord de libre-échange. Je ne peux vous dire combien de consultations ont été demandées en deux ou trois ans. Mon collègue des Affaires étrangères a peut-être des détails à ce sujet.

Mais personnellement, je ne trouve pas abusif ce chiffre de 12 demandes de consultation concernant un nouvel accord tripartite portant sur des questions très compliquées. Comme l'a dit M. Daley, ce qui est révélateur c'est que, grâce à la transparence et aux mesures de prévention, il n'y ait eu que deux de ces 12 demandes qui se soient rendues jusqu'à l'étape du groupe spécial, et c'est précisément comme cela que l'accord est censé fonctionner.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: D'accord.

Le président: Je vous vous prierais de m'excuser si j'interromps votre période de questions. Je vous rends la parole dans une minute. Les points que vous avez soulevés soulèvent aussi d'autres questions.

[Traduction]

Pouvez-vous nous indiquer pourquoi les gouvernements concernés trouvent si difficile de dresser la liste prévue au chapitre 20? L'accord existe maintenant depuis plusieurs années. Pourquoi n'a-t- on jamais constitué cette liste?

Mme Beehan: Je ne connais pas les détails des discussions concernant la création de cette liste. Elle relève de la responsabilité des trois parties signataires. Je peux vous dire qu'en vertu du chapitre 18 de l'ancien Accord de libre-échange, on avait des listes nationales. Le Canada constituait sa propre liste de noms, et les États-Unis en faisaient autant.

.1635

Tout cela a été changé dans le cadre de l'ALENA, dont le chapitre 20 prévoit la constitution d'une liste unique, dite consensuelle. J'ai l'impression qu'on a du mal à parvenir à un consensus.

M. Daley voudra peut-être nous en dire davantage.

M. Daley: Monsieur le président, dans tout exercice trilatéral de ce genre, qui aura des conséquences importantes et pour lequel tout un éventail de facteurs sont en jeu, même pour la sélection de candidats représentant chaque partie, le processus sera certes quelque peu hésitant.

Par ailleurs, les parties savent qu'elles doivent se mettre à l'oeuvre. Elles comprennent très bien à quel point le fait de ne pas s'être entendues sur une liste de candidats peut retarder le règlement des conflits et elles s'efforcent donc de dresser cette liste.

Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a des complications, du moins du côté des États-Unis et du Canada, mais que nous nous efforçons maintenant de dresser la liste de candidats. Disons que, dans une telle situation, l'imminence d'un conflit particulier rend une entente au sujet de la liste encore plus nécessaire et plus difficile à obtenir vu les intérêts en jeu.

Nous avons besoin d'une période de calme dans nos relations pour travailler sans conflit à une entente au sujet d'une liste de candidats.

Depuis le début de 1995, à tout le moins, il n'y a pas vraiment eu de période sans conflit particulier à l'horizon. Lorsqu'un conflit important risque de surgir, il est encore plus difficile d'en arriver à une entente.

Le président: C'est une bonne explication partielle, mais lorsqu'un traité prévoit des engagements précis...

M. Daley: Certainement.

Le président: ... il est quelque peu étonnant que les parties en cause n'aient pas fait preuve de plus de diligence pour respecter leurs obligations. Je ne veux cependant pas m'attarder sur cette question.

Relativement à la traduction, je dois dire que les députés sont au courant des problèmes que cela peut causer. Tous les documents doivent-ils être traduits dans les trois langues? Si votre secrétariat recevait plus de fonds ou avait un personnel plus important et plus de traducteurs, cela atténuerait-il le problème de traduction?

Mme Beehan: En réponse à votre question, monsieur le président, je dirai qu'il y a certaines choses à faire. Tous les documents n'ont pas besoin d'être traduits dans les trois langues. Au début du processus de renvoi au comité en vertu du chapitre 20, les parties peuvent décider ou non de faire valoir leurs droits linguistiques.

Par exemple, si le prochain conflit touche le Canada et les États-Unis, mais pas le Mexique et si le Mexique ne tient pas à participer à l'examen, le processus pourrait se dérouler soit en anglais seulement, soit en français et en anglais. Si le conflit touche le Mexique et les États-Unis et que le Mexique se réserve le droit de tenir des audiences en espagnol et de faire traduire les documents et si le Canada n'y participe pas, le tout pourrait se dérouler uniquement en espagnol et en anglais.

.1640

C'est ce qui est arrivé pour le premier groupe d'arbitrage, qui a examiné un conflit entre le Canada et les États-Unis. Le Mexique a décidé de participer, et c'est la première fois qu'on a utilisé les trois langues en même temps. Si je ne m'abuse, même s'il n'y avait pas beaucoup de place dans la salle d'audience, avec les cabines pour le français, l'anglais et l'espagnol, le processus d'interprétation a très bien fonctionné.

Pour ce qui est de la traduction finale des documents, une part du travail revient aux parties elles-mêmes et une autre au secrétariat. Par exemple, les parties font traduire leurs propres mémoires. Le secrétariat s'occupe de traduire certains documents, y compris, par exemple, le rapport final. Nous n'avons pas de service de traduction au secrétariat. C'est une chose que nous devons confier à des sous-traitants.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Sauvageau, je vous rends la parole.

M. Benoît Sauvageau: J'ai oublié de vous poser une question, madame Beehan, mais j'y reviendrai un peu plus tard.

Monsieur McRae, vous avez parlé de la composition du panel. J'aimerais savoir si, d'après les critères actuels - M. Dupuy en a parlé un peu - , cela pose de réels problèmes auxquels on devrait se préparer à faire face, par exemple en ce qui concerne la nomination des Canadiens et des Américains si ce sont les deux pays concernés.

Vous aussi parlé de non-confidentialité après le fait. Actuellement, c'est confidentiel, mais vous avez parlé de la possibilité de rendre publics, si j'ai bien compris, les noms des personnes formant le panel.

J'y vois le problème suivant. Prenons comme exemple le secteur de l'agriculture. S'il s'agit d'un problème agricole, il pourrait arriver que les panélistes soient connus dans le monde agricole. Qu'advient-il par la suite de la problématique du lobbying pendant les six ou douze mois que peuvent durer les délibérations? Le fait que le panel soit confidentiel, si j'ai bien compris, pourrait protéger ses membres de ce point de vue.

J'aimerais aussi que vous complétiez votre idée sur la confidentialité du rapport préliminaire comparativement au rapport final. Jusqu'à maintenant, il est confidentiel. Vous avez aussi laissé entendre qu'on pourrait le rendre public. Si on le mettait à la disposition des parties, on reprendrait tout un nouveau débat. Et si c'était le cas, le rapport final ne serait jamais fini parce qu'on aurait une nouvelle donne. À quel moment en verrait-on la fin? Est-ce que j'ai bien compris votre pensée? Avez-vous vraiment dit que les noms des panélistes pouvaient ne plus être confidentiels et que le rapport aussi pouvait ne plus être confidentiel?

[Traduction]

M. McRae: Je ne voulais certes pas laisser entendre que nous devrions abandonner un système où nous nous préoccupons peut-être trop de confidentialité pour avoir un système entièrement public, mais prenons par exemple la question du nom des membres du groupe d'arbitrage. Ce que je veux, c'est notamment que l'on puisse parler de ces questions au grand jour. Si l'on veut que cela se fasse, il sera peut-être plus simple d'avoir un processus ouvert dès le départ.

Je conviens que la possibilité de lobbying pose un problème. Pour les groupes dont j'ai fait partie, même si les industries connaissaient d'avance le nom d'une bonne partie des membres du groupe, personne n'a exercé de pression sur moi et, à ma connaissance, aucune pression n'a été exercée sur les autres membres des groupes dont j'ai fait partie. J'ai donc l'impression que cela ne se produira peut-être pas.

.1645

Vu que l'on finit par savoir le nom des membres du groupe spécial même s'ils sont supposés rester confidentiels, s'il doit y avoir du lobbying, il y en aura malgré tout. Je ne suis pas certain que la possibilité de lobbying constitue un grave problème. D'une certaine façon, il se fait toujours du lobbying parce que, lorsqu'il y a un conflit, les journaux publient des articles sur les positions prises par l'industrie. Le public est donc toujours renseigné.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Pouvez-vous m'éclairer et me dire si aujourd'hui, quand quelqu'un est nommé membre d'un panel, il existe une règle ou une norme qui impose de tenir sa nomination confidentielle? Y en a-t-il une ou si c'est par convention qu'on tient habituellement les noms confidentiels? On ne les rend pas publics par habitude, mais on pourrait aussi... Y a-t-il une règle ou une norme qu'on doit suivre?

[Traduction]

M. McRae: Monsieur Daley pourra peut-être répondre à cette question.

M. Daley: En effet, les règles de procédure stipulent que l'identité des membres du groupe d'arbitrage doit rester confidentielle jusqu'à la publication du rapport final.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Vous, monsieur Daley, est-ce que vous prônez le maintien ou l'assouplissement de cette règle-là?

[Traduction]

M. Daley: J'ai noté ce qu'a dit le professeur McRae. Nous avons constaté que, même si la question de la gestion de l'offre était une question hautement politisée et très controversée, où les enjeux étaient énormes, elle n'était peut-être pas vraiment typique des conflits commerciaux. Ce conflit a retenu davantage l'intérêt des médias que les autres conflits.

Bien entendu, l'aspect confidentiel de la liste de membres en a souffert, ce qui a placé les membres du groupe d'arbitrage dans une situation quelque peu délicate et peut-être injuste. Il serait peut-être donc utile d'avoir un processus plus ouvert. Comme il n'y a pas vraiment de lobbying ou de contact direct de la part des industries touchées, par exemple, on pourrait dire que la règle de confidentialité n'est pas vraiment justifiée. C'est l'une des nombreuses questions qu'on est en train d'examiner.

[Français]

Le président: Vous pourriez peut-être garder votre question pour le deuxième tour, si nous en avons le temps.

M. Benoît Sauvageau: D'accord.

[Traduction]

Le président: Monsieur Grubel.

M. Herb Grubel: Merci, monsieur le président.

Comme vous le savez, je remplace un autre membre du comité aujourd'hui et pour être bien certain que j'ai compris vos témoignages, vous pourriez peut-être m'expliquer rapidement la raison d'être de ces audiences. A-t-on décidé de tenir ces audiences à cause de problèmes quelconques et sur l'initiative de qui a-t-on décidé de le faire. Quelle est la raison d'être de ces audiences?

Le président: Je peux répondre très rapidement. Le comité principal, c'est-à-dire le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce extérieur, a jugé que ce serait une bonne chose que plusieurs sous-comités se penchent sur des questions d'intérêt commun. Une de ces questions qui intéresse tout le monde est certainement celle des conflits commerciaux. Le comité principal a donc décidé de créer notre sous-comité et de lui confier un mandat, que nous vous fournirons volontiers si vous le désirez, et qui consiste à examiner la façon dont les conflits commerciaux peuvent découler d'ententes commerciales et comment ces conflits sont réglés grâce aux mécanismes de règlement des conflits. C'est donc essentiellement là-dessus que portent nos audiences.

.1650

Nous avons déjà obtenu des explications très complètes des fonctionnaires et de personnes qui se sont occupées personnellement de conflits commerciaux. Si c'est possible avant les élections, nous espérons pouvoir rédiger un rapport sur tout ce que nous avons entendu. Nous espérons être à ce moment-là en mesure de donner nos conclusions et de formuler certaines recommandations.

Si nous en avons le temps, je demanderai peut-être à M. Daley de nous faire part de ses autres idées sur la façon d'améliorer les mécanismes de règlement des conflits, parce que c'est surtout cela que notre comité étudie. Je serais ravi que nous puissions devenir ses alliés pour formuler des propositions utiles sur la façon d'améliorer le processus de règlement des conflits commerciaux.

M. Herb Grubel: Merci, monsieur le président.

C'est une perspective tout à fait différente de celle que j'avais au moment des audiences au sujet de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, puisque tout le monde savait à ce moment- là que certaines industries du Canada avaient exercé des pressions auprès du gouvernement pour qu'on examine la question et que certains ministères voulaient profiter de l'occasion pour discuter ouvertement de toutes ces questions. Autrement dit, je n'ai pas l'impression qu'il y a eu des problèmes évidents dans le cas de l'ALENA ou, d'ailleurs, de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

Vous avez un commentaire? Allez-y, je vous en prie.

M. Daley: Je tiens à signaler que, même si le système est essentiellement bon, il n'est pas parfait, et que nous travaillons à l'améliorer. Nous serions tout à fait ravis de l'aide du sous- comité, notamment.

M. Herb Grubel: Merci beaucoup. Étant donné les circonstances, je voudrais poser quelques questions à M. McRae.

D'abord, dans le cas des règles que vous voudriez modifier, avez-vous essayé de savoir pourquoi ces règles avaient été instaurées au départ? Qu'est-ce qui vous a mené à constater que les hypothèses sur lesquelles s'appuient ces règles sont fausses?

Deuxièmement, je voudrais savoir ce qu'il faudrait faire pour apporter les changements que vous recommandez. Faudrait-il entamer de nouvelles négociations sur l'ALENA et faudrait-il que les trois gouvernements s'entendent officiellement sur les changements à apporter à la procédure? Ou bien suffirait-il que les secrétariats s'entendent entre eux? Serait-il très difficile d'apporter ces changements?

M. McRae: Si je peux répondre d'abord à votre deuxième question, pour la plupart des changements que j'ai proposés, il suffirait que les parties s'entendent entre elles. On pourrait peut-être apporter les modifications nécessaires simplement en changeant les règles de procédure plutôt que le traité lui-même.

Quant à la raison des changements, cela dépend du changement en question. Dans le cas de la confidentialité, la raison d'être de cette stipulation est essentiellement bonne. Il s'agit simplement de savoir à quel point il faut assurer cette confidentialité et comment on peut en même temps avoir un processus ouvert. C'est une question dont on discute depuis assez longtemps dans le domaine du commerce. On a posé bien des questions au sujet de tout le secret qu'on maintient maintenant, et certains ont proposé un processus plus ouvert.

Dans le cas des conseils de scientifiques, c'est une question à laquelle les parties en cause devraient réfléchir parce que nous pouvons maintenant constater, vu ce qui se passe à l'Organisation mondiale du commerce, que les groupes d'arbitrage vont devoir examiner de plus en plus souvent des questions liées à l'environnement, à la santé et à d'autres domaines de ce genre. Comme l'a ditM. Daley, c'est une chose dont les parties devraient tenir compte dans leurs discussions parce que, sous certains aspects, la façon dont l'Organisation mondiale du commerce s'occupe de ces questions laisse à désirer.

Pour ce qui est des autres questions, par exemple la recommandation, j'ai l'impression que les parties font peut-être déjà maintenant ce que je proposais relativement à la recommandation.

Quant au rapport initial, les parties devraient préciser leurs intentions à ce sujet parce que le traité lui-même ne précise pas vraiment comment les parties doivent répondre au rapport initial.

.1655

M. Herb Grubel: Je pourrais peut-être vous expliquer exactement ce à quoi je songeais au sujet de la confidentialité. Deux possibilités me viennent à l'esprit quant à la raison d'être de cette prescription. Ce pourrait être de protéger les intérêts commerciaux des industries en cause, c'est-à-dire leurs intérêts de propriétaires, ou bien ce pourrait être pour éviter qu'il y ait trop de lobbying.

Je voudrais savoir s'il y a d'autres raisons pour lesquelles on aurait insisté sur la confidentialité en rédigeant le traité. On pourrait procéder différemment pour satisfaire à des besoins différents de confidentialité. Par exemple, on pourrait protéger la confidentialité commerciale d'une façon et empêcher que les membres des groupes d'arbitrage soient assujettis à des pressions excessives en disant simplement, par exemple: «Traitez ces gens comme s'ils étaient des juges et ne leur parlez pas.»

Je voudrais savoir s'il y avait au départ d'autres raisons que celles que j'ai mentionnées et si vous êtes d'accord pour dire qu'on pourrait satisfaire à ces besoins différents de façons différentes.

M. McRae: Je suis bien d'accord pour dire qu'il y a différentes façons de satisfaire à ces besoins. L'une des questions les plus importantes a trait aux besoins de confidentialité pour protéger les intérêts commerciaux.

Je peux peut-être vous dire que, aux termes du chapitre 19, on insiste sur la nécessité de protéger les renseignements confidentiels de nature commerciale au point que les parties en cause présentent deux versions des faits aux groupes d'arbitrage. Il y a une version confidentielle et une version publique. Les membres du groupe reçoivent donc une version confidentielle contenant tous les renseignements commerciaux et une version publique dans laquelle les renseignements commerciaux sont omis. C'est une façon de favoriser la transparence puisqu'on peut tenir une audience publique aux termes du chapitre 19 et ne parler que des renseignements qui ne sont pas confidentiels. On peut de cette façon préserver à la fois l'aspect confidentiel des renseignements et la transparence du processus.

Au chapitre 19, où il existe tout autant de possibilités de lobbying, l'identité des membres du groupe d'arbitrage n'est pas confidentielle. J'ai l'impression qu'en plus des facteurs que vous avez énumérés, il y a peut-être aussi le fait que le gouvernement lui-même ne tienne pas à rendre publiques certaines informations concernant des intérêts qui ne sont pas nécessairement d'ordre privé, commercial ou privatif. C'est peut-être une autre raison de garder un certain secret.

M. Herb Grubel: Je dois dire que, dans tous ces cas, je préférerais qu'on fonctionne au grand jour.

J'ai une dernière question. Quand vous avez parlé des connaissances d'ordre technique, vous vous en êtes tenus à la santé et à l'environnement. Vous n'avez pas une fois mentionné l'économie. À titre d'économiste, je suis très déçu.

Des voix: Oh, oh!

M. Herb Grubel: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président. Combien de temps nous reste-t-il? Je voudrais laisser un peu de temps à M. Daley pour qu'il puisse nous en dire davantage sur certaines de ses idées.

Le président: Nous terminons d'habitude vers 17 h 30.

M. Roy Cullen: Très bien.

M. Herb Grubel: Mais il y a un vote.

Le président: Bien sûr. Nous terminerons donc à 17 h 15.

M. Roy Cullen: Très bien. Merci.

Ma première question s'adresse au professeur McRae et à Mme Beehan et porte sur les groupes consultatifs techniques ou scientifiques. Je suis bien d'accord avec ce que vous avez dit, soit qu'on a souvent besoin d'experts de ce genre au sein de ces groupes parce que les questions liées aux obstacles non tarifaires, au commerce et à l'environnement ont souvent un caractère technique et scientifique.

Professeur McRae, si nous poursuivons votre ligne de pensée, selon laquelle un secrétariat de l'ALENA pourrait proposer certains appuis scientifiques et techniques, ne risquerait-on pas que quelqu'un s'y oppose sous prétexte que l'on a décidé d'avance ce que les membres du groupe pourraient juger approprié? À ce moment-là, comment pouvons-nous nous assurer que les groupes d'arbitrage ont accès aux connaissances scientifiques, techniques ou même économiques dont ils ont besoin?

M. McRae: À l'heure actuelle, un groupe d'arbitrage peut dire qu'il voudrait obtenir des renseignements de nature technique ou bien qu'il voudrait qu'on établisse un conseil de scientifiques, et ce serait ensuite les parties en cause qui décideraient de le faire ou non.

.1700

M. Roy Cullen: Mais vous avez dit qu'on aurait une certaine hésitation à le faire.

M. McRae: Je pense que les membres du groupe d'arbitrage hésiteraient peut-être à dire aux parties en cause qu'ils voudraient obtenir d'autres renseignements que ceux qu'on leur a déjà fournis. Dans le cas d'un tribunal, celui-ci accepte les arguments et les preuves présentés par les parties en cause. Dans le système de droit commun, le tribunal n'obtient pas lui-même ses propres renseignements. C'est aux parties à les lui fournir.

Selon un tel raisonnement, un groupe d'arbitrage hésiterait probablement à dire: «Nous ne sommes pas satisfaits des renseignements que nous ont fournis les parties en cause et nous voulons maintenant agir indépendamment en créant ce comité d'examens.» Selon moi, cela pourrait dissuader le groupe d'arbitrage de procéder de cette façon.

La possibilité que je proposais serait de reconnaître dès le départ que le groupe d'arbitrage étudiera des questions liées à l'environnement, à la santé...et je n'irais pas jusqu'à parler de l'économie, malheureusement. Ce pourrait être quelque chose de différent.

M. Roy Cullen: Félicitations.

M. McRae: De toutes façons, le groupe d'arbitrage examinerait des questions de ce genre et l'on créerait un conseil de scientifiques pour ce groupe. Le groupe d'arbitrage saurait donc dès le départ que cet organe existe.

Ce serait les parties en cause plutôt que le secrétariat qui devraient s'en occuper. Ce n'est pas normalement un rôle que joue le secrétariat. Il faudrait ensuite voir qui choisirait les membres de ce conseil.

C'est à cela que je songeais. Dès le départ, les parties en cause considéreraient que le groupe d'arbitrage a été créé de concert avec un conseil de scientifiques.

M. Roy Cullen: Très bien.

Relativement à la confidentialité, je voudrais revenir sur la question de M. Grubel. Je pense que la plupart des gens reconnaîtront que les renseignements de nature commerciale des industries doivent rester confidentiels. Pour ma part, je préférerais que les renseignements soient plus accessibles.

Vous avez parlé d'une autre catégorie. Ce n'est sans doute pas vous qui avez rédigé les traités, mais M. Daley pourra peut-être nous dire quelles sont les autres raisons d'être des dispositions de confidentialité, à part les renseignements de nature commerciale qui doivent maintenant rester confidentiels. Quelles sont ces raisons d'être?

M. Daley: Je pense que la règle de la confidentialité s'appuie sur trois raisons. Il y a, bien sûr, celle dont nous avons déjà parlé, soit que, pendant la négociation des règles de procédure, on semble avoir jugé bon de protéger les membres des groupes d'arbitrage contre le lobbying. Deuxièmement, il y a l'inclusion inévitable de documents confidentiels du gouvernement et, troisièmement, l'inclusion fréquente de documents confidentiels de nature commerciale.

Comme vous l'avez entendu dire, certains doutent maintenant de l'utilité de garder l'identité des membres du groupe d'arbitrage confidentielle jusqu'à la publication du rapport final, mais il resterait quand même nécessaire de respecter l'aspect confidentiel d'autres parties des délibérations.

M. Roy Cullen: Ce que je veux dire, c'est que nous pouvons tous parfois penser qu'il serait préférable de garder certaines choses secrètes, mais, à la fin du compte, et je pense que c'est de cela que nous parlons maintenant, il doit y avoir une raison de garder certaines choses confidentielles, à part l'impression que c'est peut-être une bonne chose.

Quant à divulguer le nom des membres des groupes d'arbitrage, je pense que le professeur McRae a dit que l'on connaît parfois leur identité avant qu'elle ne soit publiée de toute façon. Il a dit aussi qu'il n'avait pas lui-même constaté qu'on exerçait des pressions sur les membres de ces groupes d'arbitrage. N'y a-t-il pas moyen d'établir des règles disant qu'il est interdit d'exercer des pressions sur les membres d'un groupe d'arbitrage?

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M. Daley: Il existe, pour les membres des groupes d'arbitrage, un code de déontologie qui porte sur toutes sortes de questions.

M. Herb Grubel: De toute évidence, ils ne peuvent pas solliciter de l'argent.

M. Roy Cullen: En êtes-vous certain, professeur McRae? Je ne veux pas que cela dégénère en une comparaison entre les États-Unis et le Canada, mais on semble être très tolérants pour le lobbying aux États-Unis. Pouvez-vous vraiment affirmer de façon catégorique que l'industrie n'exerce pas de pressions auprès des membres du groupe d'arbitrage nommés par les États-Unis?

M. McRae: Ce que je peux affirmer de façon catégorique ne reflète que mon point de vue personnel. Je ne peux pas vraiment dire la même chose pour qui que ce soit d'autre, qu'il s'agisse de Canadiens ou d'Américains.

M. Roy Cullen: Vous nous avez donné l'impression que vous aviez discuté de cela avec d'autres membres des groupes d'arbitrage, peut-être en prenant un café, et que vous aviez eu l'impression qu'ils n'étaient pas...

M. McRae: J'ai eu l'impression que cela ne se faisait pas du tout. Je n'en ai pas vu la moindre indication. J'ai aussi l'impression que l'on discute beaucoup plus ouvertement de ces questions au Canada pendant que le groupe d'arbitrage siège qu'on ne le fait aux États-Unis. Ces questions revêtent plus d'importance pour le Canada que pour les États-Unis; j'ai donc l'impression qu'il est moins probable qu'on exerce de telles pressions aux États-Unis parce que ces questions ne revêtent pas autant d'importance pour le public. D'autre part, je ne peux pas vraiment l'affirmer pour le lobbying privé.

M. Roy Cullen: Vous ne pouvez donc pas le confirmer ou le nier de façon catégorique.

Pouvez-vous nous décrire le processus? Excusez-moi de poser cette question du point de vue d'un profane, mais tout d'abord, quand vous faites partie d'un tel groupe d'arbitrage, comme vous l'avez de toute évidence fait un certain nombre de fois, est-ce que cela représente un gros avantage financier sur le plan professionnel? Est-ce que vous pouvez faire fortune de cette façon?

M. McRae: Si vous posiez la question à un avocat en exercice, sa réponse serait beaucoup plus extrême que la mienne. Comme vous posez la question à un professeur, je vous répondrai que nous sommes effectivement payés. Cela représente 400 $ canadiens par jour, ce qui, apparemment, représente ce que les avocats en exercice peuvent gagner en beaucoup moins d'une journée. Ce n'est donc pas considéré comme étant bien payé du tout.

M. Roy Cullen: Ce n'est donc pas nécessairement une chose que vous tenez beaucoup à faire.

D'après votre expérience, les membres d'un groupe d'arbitrage, une fois qu'ils sont réunis, s'efforcent vraiment d'en arriver ensemble à la vérité. Je suppose que c'est ce que vous dites, mais pour reprendre l'exemple que j'ai donné tantôt, si j'étais membre du groupe nommé par les États-Unis et que la décision du groupe soit contraire aux intérêts américains, est-ce que j'aurais des chances d'être nommé de nouveau ou de voir encore mon nom sur la liste? Pouvez-vous répondre? C'est une question très simple.

M. McRae: Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai fait partie de groupes d'arbitrage qui ont jugé en faveur du Canada et que j'ai aussi fait partie de groupes qui ont jugé contre le Canada; que j'ai fait partie de groupes qui ont jugé pour les États-Unis et d'autres groupes qui ont jugé contre les États-Unis.

M. Roy Cullen: Et vous vous faites encore nommer.

M. McRae: Je ne serai peut-être pas nommé de nouveau. Je n'aurai peut-être plus cette chance, ou cette malchance, selon le point de vue de chacun.

M. Roy Cullen: Très bien.

Je voudrais laisser un peu de temps pour que M. Daley puisse nous en dire plus long sur les aspects du processus qu'il faudrait peut-être améliorer du point de vue du ministère.

Le président: Je pense que ce serait utile. Il nous reste environ cinq minutes avant que le timbre ne soit déclenché. La parole est à vous, monsieur Daley.

M. Daley: Je ne voudrais pas anticiper les événements en faisant des commentaires autres que très généraux. Cependant, pendant les travaux du groupe d'arbitrage sur la gestion de l'offre, le gouvernement du Canada a constaté des faiblesses importantes du côté de la procédure puisqu'on a semblé utiliser la procédure d'une façon quelque peu frustrante pour les représentants canadiens.

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Par la suite, on nous a proposé des changements qui pourraient être apportés à la procédure, mais en fin de compte, il faut s'assurer en même temps que toutes les parties au litige ont des chances équitables de faire valoir leurs points de vue, de faire entendre tous leurs arguments et d'avoir un débat complet de toutes les questions en jeu, et, d'autre part, que le tout se fait à un rythme raisonnable.

Si la procédure de l'ALENA ne peut pas garantir une rapidité raisonnable, dans bien des cas, comme vous le dira Mme Beehan, on peut toujours choisir de procéder autrement puisque, même si l'ALENA va plus loin que l'OMC à bien des égards, il y a certains points communs entre l'ALENA et l'accord de l'OMC. Un demandeur peut donc, dans une certaine mesure, choisir entre les deux procédures.

Nous avons aussi entendu dire que la procédure de l'OMC est très rapide. Par conséquent, si la procédure de l'ALENA n'est pas rapide elle aussi, on risque de négliger les organes de l'ALENA à l'avenir.

En outre, dans bien des cas où nous avons des enjeux importants, le conflit ne peut être réglé qu'au sein de l'ALENA ou bien nos intérêts ne peuvent être protégés que par l'ALENA et il est donc à notre avantage de nous assurer que le système fonctionne bien.

Il s'agit donc de déterminer dans quelle mesure on doit permettre la présentation de mémoires écrits. Quel doit être le rôle de l'audience? Le professeur McRae a parlé de la portée et du rôle des commentaires des parties au litige en réponse au rapport initial. Toutes ces questions aident à déterminer dans quelle mesure ont doit permettre la présentation d'arguments pour être justes envers les deux parties et permettre un examen complet, d'une part, tout en évitant, d'autre part, que l'examen ne s'éternise.

Ce sont ces compromis que l'on envisage à l'heure actuelle à la lumière de notre expérience du différend concernant la gestion de l'offre et aussi des procédures de l'OMC. En effet, nous savons déjà comment les choses se passent, ayant déjà été partie à plusieurs différends relevant de l'OMC.

Nous examinons deux tribunes, deux procédures, et nous essayons de déterminer quelle est la meilleure façon de les structurer.

Le président: Pourriez-vous aussi nous dire comment améliorer les mécanismes de prévention des différends.

Mme Beehan: Monsieur le président, puis-je intervenir pendant que M. Daley réfléchit à votre question?

Avant de laisser le chapitre 20 sur le processus de résolution des différends, compte tenu de vos questions et de votre intérêt au sujet de la confidentialité, je vous renvoie à un échange de correspondance sur le sujet qui est annexée aux règles de procédure dans la trousse que je vous ai fournie.

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Vous constaterez que l'on améliore la transparence dans certains domaines qui étaient passés sous silence dans l'ancien chapitre 18 de l'ALE, notamment les observations des parties qui, en vertu de ce processus, pourraient désormais être rendues publiques.

À titre de référence, cet échange de correspondance est important.

Le président: Merci beaucoup.

M. Daley: Ma première observation porte sur le chapitre 19 plutôt que sur le chapitre 20. Comme les membres du sous-comité qui siègent au comité principal le savent, dans le contexte de l'examen du projet de loi visant à mettre en oeuvre l'Accord de libre- échange entre le Canada et le Chili, le gouvernement du Canada a pour politique et objectif de supprimer l'application de recours commerciaux dans le domaine du libre-échange. Chose certaine, un élément très important du programme de travail de l'ALENA consiste à faire en sorte que le chapitre 19 donne les meilleurs résultats possibles jusqu'à ce qu'on n'ait plus besoin du chapitre 19, qui représente une réalisation importante, mais non l'objectif ultime.

Au sujet des autres éléments du programme de travail, il faut s'assurer que les comités et les groupes de travail sont actifs, qu'ils sont pris au sérieux par les trois parties en cause pour s'assurer que les irritants ne s'accumulent pas, qu'ils ne couvent pas pendant longtemps au point de devenir de véritables différends. D'après notre expérience, une fois engagées les consultations officielles aux termes de l'article 2006, les parties ont une mentalité axée sur le règlement du différend plutôt que sur la prévention du différend. Le véritable travail de prévention des différends a donc lieu à un niveau moins formel, un niveau inférieur, pourrait-on dire.

Ce système semble bien fonctionner. Il faut simplement s'assurer que les parties continuent de le prendre au sérieux, d'y consacrer les ressources nécessaires et de lui accorder une importance suffisante à l'ordre du jour de la politique commerciale.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

M. Benoît Sauvageau: J'aimerais adresser une question à Mme Beehan, monsieur le président.

Nous avons entendu tout à l'heure M. McRae nous parler de la possibilité de la création d'un tribunal permanent. Il a parlé des aspects positifs et des aspects négatifs de la création d'un tel tribunal. J'aimerais demander à Mme Beehan quelle serait sa perception de la création d'un tribunal permanent du genre présenté par M. McRae.

[Traduction]

Mme Beehan: J'ai uniquement travaillé avec ces groupes spéciaux pendant une période de cinq ans et, d'après mon expérience, tous les experts qui ont travaillé avec le chapitre 18, maintenant le chapitre 20, et tous ceux qui figurent sur notre longue liste pour le chapitre 19 ont apporté une contribution remarquable grâce à leurs efforts et à leur dévouement et ont produit des rapports et des décisions très valables.

Au sujet des arguments avancés par le professeur McRae en faveur d'un tribunal, je ne pense pas pouvoir les réfuter. À mon avis, c'est un choix très difficile à faire. Cela dit, il se peut fort bien que les coûts financiers et économiques que cela impliquerait fassent pencher lourdement la balance contre la création d'un tribunal permanent.

.1720

Je n'ai pas l'impression que la qualité des décisions et des rapports qui seraient produits au bout du compte serait supérieure à celle, excellente, que nous avons maintenant, ou encore que cela suffise pour justifier le coût accru d'un tel instrument.

M. Benoît Sauvageau: Merci.

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Monsieur Daley, je pense vous avoir entendu dire que le secrétariat de l'OMC était très militant. J'ai peut- être mal compris, mais pourriez-vous nous en dire un petit peu plus long. Si c'est effectivement ce que vous avez dit, qu'est-ce que cela signifie dans ce contexte? Pensez-vous qu'un certain niveau de «militantisme» est requis, ou doit-on faire la différence entre l'environnement de l'OMC et celui de l'ALENA.

M. Daley: Dans un accord trilatéral, j'espère, pour des raisons économiques, que nous n'aurons pas un secrétariat aussi imposant que celui qui existe à l'OMC. Étant donné que la fréquence des différends sera moindre, nous ne pourrons accumuler, sur les questions de procédure ou de fond, une expérience comparable à celle qui existe au sein de l'OMC, qui tire d'ailleurs partie de l'expérience du GATT.

Le secrétariat de l'OMC est militant en ce sens qu'il dispose un important service de recherche qui fournit une aide non négligeable aux membres des groupes spéciaux sur des questions de fond. En outre, il joue un rôle de premier plan dans la rédaction des rapports. Le secrétariat de l'ALENA n'a simplement pas été conçu de la même façon. Il offre un soutien administratif au sens strict.

Honnêtement, bien que le système de l'OMC comporte des avantages en raison de son ancienneté et de l'expérience accumulée sur les questions de fond et de procédure, on peut dire, à bien des égards, que le système de l'ALENA est préférable, car, dans le contexte des travaux de l'ALENA, on ne soupçonne jamais que c'est le secrétariat en fait qui rédige le rapport. Le rapport est strictement l'oeuvre des experts - et je ne veux pas laisser entendre par là que les membres des groupes spéciaux de l'OMC affectés au règlement des différends ne prennent pas leur travail au sérieux et n'assument pas au bout du compte la responsabilité du rapport.

Il va de soi que tout le bagage accumulé par le secrétariat de l'OMC est un atout formidable, mais il n'en demeure pas moins qu'à certains égards, il peut causer une certaine rigidité dans le système. Au sein de l'OMC, il existe, sur certaines questions, une mentalité qui, dans une certaine mesure, est institutionnalisée au secrétariat.

Voilà la différence entre les systèmes.

M. Roy Cullen: J'ai une dernière question. Au sujet de cette liste consensuelle, pourriez-vous nous dire précisément comment, idéalement, elle est censée fonctionner? Je suppose qu'il y a au Mexique, au Canada et aux États-Unis des personnes chargées de dresser cette liste. Combien de personnes y figureraient et à quel rythme changerait-elle? En cas de différend, des parties seraient- elles tenues de choisir des experts de la liste? En outre, cette liste est-elle fixe?

.1725

Je suis d'accord avec ce qu'a dit le président tout à l'heure: il est temps d'aller de l'avant, mais comment cela fonctionnerait- il dans un monde idéal.

M. Daley: L'article 2009 de l'ALENA précise les modalités de nomination et de reconduction d'une personne sur la liste. Chose plutôt gênante, l'article stipule que les parties dresseront avant le 1er janvier 1995 une liste d'au plus 30 personnes qui seront nommées par consensus pour une durée de trois ans, et qui pourront être nommées de nouveau.

Une autre disposition prévoit la possibilité de nommer des personnes ne figurant pas sur la liste, mais une telle nomination pourra faire l'objet, par toute partie contestante, d'une récusation sans motif. Manifestement, il est beaucoup plus simple de nommer une personne figurant sur la liste.

M. Roy Cullen: Merci.

Le président: Cette séance a été fascinante. La semaine prochaine, nous examinerons le chapitre 19 de l'ALENA, ce qui nous ramènera en terrain connu.

Dans l'intervalle, je vous remercie beaucoup, madame Beehan, monsieur McRae et monsieur Daley, de vos exposés très utiles. Nous en tiendrons compte dans notre rapport final.

La séance est levée.

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