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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 9 avril 1997

.1610

[Traduction]

Le président (M. Michel Dupuy (Laval-Ouest, Lib.)): Au nom du comité, je fais toutes mes excuses aux témoins. Nous étions à la Chambre, où notre devoir nous appelait. Étant donné que nous avons commencé en retard, je suggère qu'on aille tout de suite de l'avant.

Nous allons aujourd'hui entendre trois témoins qui vont nous parler du chapitre 11 portant sur le processus de règlement des différends.

[Français]

Nous recevons, de la firme d'avocats Thomas & Davies, M. Greg Tereposky; et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Direction du droit commercial, Mme Valerie Hughes, avocat général, et M. Matthew Kronby, conseiller juridique.

[Traduction]

Monsieur Tereposky, vous avez la parole.

M. Greg A. Tereposky (avocat, Thomas & Davis): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, membres du sous-comité, j'ai fait de mes notes un texte que j'ai remis au greffier; donc, ce que je vais faire, c'est vous parler de manière très générale du chapitre 11. Pour commencer, j'aimerais faire quelques observations préliminaires, après quoi je répondrai aux questions précises qui m'ont été posées.

Pour bien comprendre le chapitre 11 de l'ALENA, il faut prendre connaissance de deux aspects importants de ce chapitre. Le premier, c'est la nature des règles et obligations qui y figurent. Ces règles et obligations portent expressément sur les investissements faits à l'intérieur de chaque pays signataire de l'ALENA, et elles sont beaucoup plus détaillées et de portée plus générale que les règles de l'ancien Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Elles sont également d'une portée considérablement plus large que les règles relatives aux investissements commerciaux de l'OMC.

Pour les besoins de notre discussion aujourd'hui, vous n'avez pas nécessairement à comprendre en quoi consistent ces règles. Vous n'avez qu'à retenir le fait que ce sont des règles de fond, qu'elles sont d'une large portée, et que s'il y a violation de ces règles, on peut invoquer le mécanisme de règlement des différends investisseur-État dont il sera question. L'autre aspect important, c'est ce mécanisme de règlement des différends, ce mécanisme de règlement des différends investisseur-État. Ce mécanisme établit la procédure de règlement des différends que peut invoquer l'investisseur privé.

En vertu des accords internationaux, la plupart des règlements de différends se font entre gouvernements donc; l'un des deux gouvernements mêlés au différend peut décider si l'on ira jusqu'au bout de ce différend ou si l'on s'arrêtera, et il peut décider des questions qui seront soumises à un groupe spécial de règlement des différends. Il y a donc plusieurs freins et contrepoids qu'on peut mettre en place pour contrôler un différend. Lorsqu'il s'agit d'un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs privés, c'est l'investisseur privé qui lance le processus, qui peut contrôler l'ampleur de ce processus - conformément aux conditions de l'accord, bien sûr. Ce qui constitue un écart considérable de la norme en matière de différends commerciaux internationaux.

Il faut également se souvenir que l'arbitrage d'un différend entre investisseurs privés est exécutoire pour toutes les parties, si bien que l'arbitrage privé - sur la décision du groupe spécial - constitue un jugement exécutoire. Dans le cas du Canada, il s'agit d'un écart très considérable, parce qu'avant l'ALENA le Canada refusait de se prêter aux arbitrages exécutoires de différends investisseur-État, et le Mexique en faisait autant. Voilà pourquoi, si l'on prend les trois accords internationaux dont il sera question aujourd'hui - dont l'un est la CRDRIERE, dont nous parlerons dans un instant - ce que l'on constate, c'est que le Canada et le Mexique ne sont pas signataires de ces accords. Voilà qui témoigne de leur politique générale, qui consiste à refuser les arbitrages exécutoires des différends investisseur-État. Mais nous avons maintenant un mécanisme de règlement des différends investisseur-État, et on le trouve au chapitre 11 de l'ALENA.

Au vu de ces deux aspects importants du chapitre, il convient d'examiner comment l'on a utilisé ce mécanisme jusqu'à ce jour pour voir dans quelle mesure ces aspects sont importants, ou quels ont été les effets de ces mesures. Ce que l'on constate, c'est qu'on ne s'en est pas beaucoup servi - du moins jusqu'à ce jour - pour régler les différends réels qui ont surgi. À ma connaissance, et à ce jour, il n'y a eu que quatre différends où l'avis initial a été donné aux gouvernements, deux au Canada et deux au Mexique.

Gardant à l'esprit le fait qu'il ne s'agit pas d'une procédure publique, qu'elle se confine aux parties en litige, et qu'il n'existe généralement aucune information publique sur ces différends, je crois savoir que les deux règlements canadiens n'ont pas dépassé les exigences relatives à l'avis initial. Il y a deux cas pendants au Mexique à l'heure actuelle; on procède actuellement à la composition des groupes spéciaux.

.1615

Donc, depuis que l'ALENA est entrée en vigueur, nous avons eu au plus quatre différends où l'on a cherché à invoquer cette nouvelle procédure de règlement des différends.

Il convient de noter qu'on ne peut pas évaluer l'efficacité de ce mécanisme simplement en considérant ces différends. Même si l'on n'a invoqué ce mécanisme que quatre fois, il y a plusieurs cas où ce mécanisme a été mentionné au gouvernement canadien dans des négociations, et les parties ont dit: si vous nous faites ça, ou si vous ne nous compensez pas pour ceci ou cela, nous allons invoquer le chapitre 11 de l'ALENA. Si j'en crois mon expérience, pour ce qui concerne notre cabinet d'avocats, nous avons été mêlés à plusieurs cas où le chapitre 11 de l'ALENA - ce mécanisme de règlement des différends investisseur-État - a joué un rôle très important dans les coulisses de la négociation, mais il n'a pas été nécessaire d'aller plus loin pour régler ces différends. Ce n'est qu'une observation générale qu'il faut garder à l'esprit.

Voilà qui conclut mes observations générales sur le chapitre 11, monsieur le président. Je vais maintenant passer aux questions précises qui m'ont été adressées. Si les députés ont des questions de nature générale, je suis disposé à y répondre dès maintenant, ou alors nous pouvons tout simplement continuer.

Le président: Nous devrions peut-être entendre nos autres témoins et passer à la période de questions, mais nous reviendrons à vous, monsieur Tereposky. Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Paré.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): J'ai une petite question parce qu'il y a deux éléments que je n'ai pas bien compris. Il y a peut-être aussi le problème de l'interprétation.

J'ai cru comprendre, à un moment donné, que notre témoin a dit que les différends se réglaient d'État à État, mais d'autre part, on dit que c'est un mécanisme privé. Comment se fait le lien avec les gouvernements s'il s'agit de différends entre entreprises privées?

Le président: Si vous le permettez, nous pourrions écouter nos autres témoins et vous pourrez soulever cette question lors de la période de questions.

[Traduction]

Madame Hughes, voulez-vous intervenir?

Mme Valerie Hughes (avocate générale, Direction du droit commercial, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président. Étant donné que nous avons peu de temps, sauf indication contraire de votre part, nous ne ferons pas de déclaration. Mon collègue, M. Kronby, comptait faire une brève déclaration, mais si vous préférez passer tout de suite aux questions, ce sera comme vous voudrez.

Le président: Tout dépend de vous.

Monsieur Kronby, voulez-vous faire une déclaration?

M. Matthew Kronby (avocat, Direction du droit commercial, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Je n'ai pas de déclaration à faire, monsieur le président. Je me proposais simplement de vous parler de cette disposition importante de la partie B des dispositions portant sur le règlement des différends du chapitre 11, si vous jugiez que ce serait utile. Cependant, ayant entendu les réponses de mon collègue aux questions, je constate qu'on a répondu à un grand nombre d'entre elles. Donc, si vous préférez passer directement aux questions, cela me va aussi.

Le président: Très bien, nous allons passer aux questions.

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le président, si j'ai bien compris M. Tereposky, il va passer aux questions précises qui lui ont été posées. Allons-nous maintenant diviser nos questions en deux parties, et ainsi nous poserions maintenant des questions d'ordre général et nous nous pencherions sur ces questions précises, puis nous aurions un autre tour pour poser des questions?

Le président: C'est ainsi que j'ai compris sa suggestion, et je suis disposé à procéder de cette façon.

M. Tereposky: Le mieux serait peut-être pour moi de répondre à la question de M. Paré, puis je pourrai répondre aux questions générales qui m'ont été posées, parce qu'elles donneront le contexte voulu à ma réponse. S'il y a d'autres questions précises, on pourra alors me les poser.

Le président: Allons-y.

[Français]

M. Philippe Paré: Voici donc ma question. Si le mécanisme est privé, comment les gouvernements s'y insèrent-ils?

[Traduction]

M. Tereposky: Quand je disais «démarche amorcée par le privé», je voulais dire par là que la partie qui amorce le différend est une partie privée, mais le différend vise un gouvernement de l'ALENA. Si un investisseur canadien aux États-Unis a des difficultés avec son investissement, cet investisseur peut porter plainte à titre privé contre le gouvernement des États-Unis et n'a pas à faire intervenir le gouvernement du Canada. C'est ce que je voulais dire lorsque j'ai parlé de démarche amorcée par le privé.

.1620

Ce que j'aimerais faire maintenant, c'est répondre directement aux questions qui m'ont été adressées par le sous-comité. J'y répondrai brièvement. Je réponds à ces questions avec plus de détails dans le texte que je vous ai remis.

La première question avait trait à la manière dont l'on détermine une contravention aux obligations relatives à l'investissement. Il convient de noter qu'il y a en fait deux mécanismes de règlement des différends au chapitre 11. Il y a le mécanisme de règlement des différends investisseur-État, qui est le plus intéressant des deux, et le nouveau. Mais il faut se souvenir aussi que le mécanisme de règlement général des différends État à État en vertu de l'ALENA s'applique toujours. En théorie, vous pourriez avoir un différend qui ferait intervenir en même temps le chapitre 20 et les mécanismes de règlement des différends investisseur-État. Si le gouvernement du Canada relève un problème propre au gouvernement du Canada dans un différend investisseur-État, en théorie il pourrait aussi invoquer le chapitre 20 de l'ALENA et faire régler cette question au niveau gouvernement à gouvernement.

La deuxième question est celle-ci: quelles sont les procédures de règlement des différends en vertu du chapitre 11 de l'ALENA? Encore là, je m'en tiendrai de manière très générale au mécanisme de règlement des différends investisseur-État. Le chapitre 11 lui-même n'arrête pas de procédures détaillées quant aux différends investisseur-État. On préfère s'en tenir dans ce chapitre aux règles existantes. Ces règles se retrouvent dans trois accords différents.

Le premier, c'est la convention CRDRIERE, soit la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États. La convention CRDRIERE est la plus vieille des trois. Elle compte plus d'une centaine de signataires. Les États-Unis constituent l'un des principaux signataires de l'accord. Cet accord comporte un mécanisme de règlement des différends exécutoire, privé, investisseur-État, et par conséquent le Canada n'est pas encore signataire de cet accord. Le Mexique non plus d'ailleurs.

Si l'on veut qu'un différend soit réglé en vertu de la procédure de la CRDRIERE, les deux parties ou le gouvernement de la partie privée au différend - donc, s'il s'agit d'un investisseur canadien qui porte plainte, le gouvernement du Canada - doivent être signataires de la CRDRIERE. Nous savons que ce n'est pas le cas. Nous savons aussi que le Mexique n'a pas adhéré à cette convention. Donc, le premier ensemble de règles de procédure - c'est-à-dire la procédure de la CRDRIERE - ne s'applique pas à ce moment-là. Il se peut que le Canada et le Mexique adhèrent un jour à la convention et que les règles de la CRDRIERE s'appliquent, mais pour le moment ces règles ne s'appliquent pas. Nous allons donc cesser d'en parler.

Le second ensemble de règles qui s'appliquent à un règlement, ce sont les règles de facilitation supplémentaires découlant de la CRDRIERE. Il s'agit simplement d'une modification aux règles de la CRDRIERE, et cette modification dit tout simplement que ces règles peuvent s'appliquer aux parties qui ne sont pas signataires de la convention. Donc, on peut déjà voir qu'elles s'appliquent au Mexique ou au Canada. Les deux différends qui sont en cours en ce moment au Mexique sont régis par les règles de facilitation supplémentaires découlant de la CRDRIERE. Quand je parlerai de ces règles plus tard dans mon exposé, je parlerai des règles de facilitation supplémentaires.

Le dernier ensemble de règles sont les règles d'arbitrage de la CNUDCI. Ce sont les règles qui ont été conçues en 1976 par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international. N'importe quel pays peut appliquer ces règles, et j'en reparlerai un peu plus tard.

Ce que l'on constate, alors, c'est que dans l'ALENA il y a trois ensembles de règles qu'on peut invoquer, mais seulement deux qui peuvent s'appliquer. Voilà donc la réponse à la deuxième question.

La troisième question est celle-ci: une fois qu'on a porté plainte, qu'est-ce qui arrive? Pour répondre à cette question, je vais d'abord vous expliquer en quoi consistent les procédures qui s'appliquent avant qu'on ait porté plainte, parce que c'est important.

.1625

L'ALENA intègre ces trois systèmes de règles différents et, en fait, les améliore quelque peu. L'un des gros problèmes que posent l'arbitrage en vertu de la CRDRIERE et l'arbitrage en vertu des règles de la CNUDCI, c'est qu'il n'y a pas de stade initial de consultation où l'on pourrait régler le différend avant d'invoquer le mécanisme de règlement des différends s'appliquant aux investisseurs privés, et dans la plupart des mécanismes internationaux de règlement des différends on commence toujours par des consultations: tâchons de régler cela directement; pourquoi faire intervenir un groupe spécial?

L'ALENA dit qu'avant d'invoquer ces règles en vertu de l'un de ces trois systèmes, il faut d'abord procéder à des consultations. Ensuite il faut donner avis que l'on compte porter plainte, et il doit s'écouler 90 jours, ou trois mois, entre la signification de cet avis et le dépôt de la réclamation. Tout cela vise à donner aux parties une chance de résoudre le problème, de négocier un accord.

Comme je l'ai dit, du moins d'après mon expérience, les négociations ont jusqu'à présent eu plus d'importance que le mécanisme lui-même. Nous pouvons donc au moins en conclure que, d'une façon générale, le processus de consultation fonctionne bien.

Je vais passer très rapidement en revue les autres étapes relatives aux différends. D'ailleurs, tout cela se trouve dans mon document.

Une fois signifié l'avis d'intention de présenter une réclamation, la réclamation doit être présentée dans les 90 jours. Lorsque la réclamation est présentée, ce sont les règles particulières à chaque situation qui s'appliqueront. Si vous êtes sous le régime d'un mécanisme de facilitation supplémentaire, il suffit de consulter les règles qui s'appliquent dans un tel cas pour savoir comment se déroulera la procédure.

L'ALENA modifie quelques-uns des éléments, dont la méthode de sélection des membres des groupes spéciaux, mais d'une façon générale, une fois la réclamation présentée, un groupe spécial composé de trois personnes est mis en place. Ce sont les parties qui choisissent les membres du groupe. Celui-ci établit ensuite son règlement. Il n'en va pas de même dans les mécanismes de résolution des différends de l'OMC ou de l'ALENA, en vertu des chapitres 19, ou même 20, qui prévoient au départ des échéanciers précis. C'est le groupe spécial d'arbitrage lui-même qui détermine son échéancier en fonction des règles applicables.

Une fois le calendrier établi, des documents sont échangés. Les parties exposent leurs prétentions. Il n'y a pas d'examen préalable pour obtenir des preuves. Chaque partie présente ses éléments de preuve, et les parties adverses ne peuvent vérifier si ces preuves sont complètes ou non. Toutefois, le tribunal peut demander à entendre des témoins si le différend est examiné sous le régime de règles de facilitation supplémentaires. Après avoir entendu tous les arguments et toutes les plaidoiries, le groupe spécial rend sa décision.

Voilà donc quelles sont en général les étapes du règlement des différends.

Quatrième question, on demande ce qu'est le CIRDI. Comme je l'ai dit, le Canada et le Mexique n'ont pas signé la convention du CIRDI, et il n'est donc pas trop important de savoir qu'il s'agit d'un organisme. C'est le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements. Ce centre s'occupe du règlement des différends tant sous le régime de la convention du CIRDI que sous celui des règles de facilitation supplémentaire.

Je vous signale que lorsque les deux affaires mexicaines ont commencé, c'était la première fois que quelqu'un utilisait les règles de facilitation supplémentaires, et le CIRDI était fou de joie. Entre parenthèses, la moindre des choses cause là-bas tout un émoi.

Cinquième question, qu'est-ce que la CNUDCI? J'ai déjà expliqué qu'il s'agit de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international. Contrairement au CIRDI, la CNUDCI n'est pas un organisme administratif. Par conséquent, si c'est la CNUDCI qui arbitre votre différend, ce n'est pas cet organisme qui administre le processus.

Chaque pays a ses propres centres d'arbitrage. Il y en a un à Toronto et un autre à Vancouver. Chaque pays a également ses propres lois pour appliquer l'entente de la CNUDCI. Au Canada, il s'agit de la Loi sur l'arbitrage commercial.

C'est donc un régime un peu différent. Il n'y a pas d'organisme qui supervise tout le processus, mais le résultat est le même. Il s'agit d'une façon de régler les différends, et les étapes sont relativement les mêmes.

Sixième question: quelles règles d'arbitrage applique la CNUDCI? C'est très simple. Il s'agit des règles de procédure adoptées par la CNUDCI ainsi que des règles appliquées au Canada sous le régime de la Loi sur l'arbitrage commercial. Il existe quelques différences techniques entre ces règles, mais aux fins de notre discussion je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les expliquer.

.1630

Dans la septième question, on demandait ce que sont les procédures spéciales et les nouvelles procédures. J'aurais besoin de quelques précisions au sujet de cette question, car je ne sais pas très bien de quelles procédures il s'agit. Nous pourrons y revenir plus tard, s'il y a d'autres questions à ce sujet, et j'essaierai d'y répondre.

Huitième question: qu'entend-on par «fusion des affaires»? Eh bien, il s'agit d'une méthode communément appliquée dans le règlement de différends. Lorsqu'il y a un certain nombre d'affaires liées les unes aux autres, il est possible de les fusionner et de les traiter en une seule audience. Dans un tel cas, le différend doit être traité sous le régime des règles de la CNUDCI. La raison en est que tous les pays peuvent présenter des différends sous le régime des règles de la CNUDCI. De cette façon, on évite de se trouver confronté à des parties qui ne sont pas signataires de l'entente.

Qu'est-ce qu'une interprétation de l'entente par la commission? Cette neuvième question est intéressante. Les gens qui siègent à ces groupes spéciaux d'arbitrage sont choisis à partir d'une liste établie dans le cadre de ces ententes d'arbitrage. Il ne s'agit pas nécessairement d'experts dans le domaine du commerce. Comme je l'ai mentionné au début, il y a dans la partie A du chapitre 11 des règles de fond très importantes à l'égard des investissements. Ces règles sont très complexes. Même des avocats spécialistes du commerce et des investissements qui connaissent bien ces questions trouvent ces dispositions difficiles à comprendre quant à leur application et difficiles à interpréter.

Qu'il applique les règles du CIRDI, de la CNUDCI ou des règles de facilitation supplémentaires, le groupe spécial qui rend une décision sur ces questions complexes pourrait avoir des difficultés à interpréter ces dispositions complexes s'il n'est pas composé d'experts du commerce, qui sont également des experts de l'ALENA. Pour contourner cette difficulté, et c'est la façon dont l'ALENA a choisi de procéder, c'est de demander à la commission d'interpréter certaines de ces dispositions. La commission consulte la Commission du libre-échange de l'ALENA et fournit au groupe spécial son interprétation des dispositions. Pourquoi est-ce important? Eh bien, parce que la commission est composée de représentants des trois pays parties à l'ALENA et qu'il est possible d'en arriver ainsi, collectivement, à une interprétation raisonnable des dispositions.

C'est pourquoi on trouve, dans le chapitre 11, cette disposition sur l'interprétation par la commission.

Dixième question: comment sont composés les tribunaux d'arbitrage? Les tribunaux, ou ces groupes spéciaux, sont généralement composés de trois juges ou de trois arbitres. Ceux-ci sont choisis comme suit: chaque partie choisit une personne, puis les deux parties s'entendent ensemble sur le choix de la troisième, qui présidera le tribunal ou le groupe. C'est une façon de procéder commune au mécanisme de règlement des différends internationaux.

S'il y a un problème et que les parties ne peuvent s'entendre sur l'arbitre qui présidera, ou si elles ne peuvent s'entendre sur leur propre membre du groupe spécial, des règles spéciales permettent à un autre organisme de faire le choix.

Les arbitres viennent de différentes professions, même si généralement il s'agit d'avocats. Cela répond à la onzième question.

Douzième question: existe-t-il un organisme permanent, et qui en paye les frais? À l'heure actuelle, les organismes d'arbitrage ne sont pas permanents. Ce sont des organismes spéciaux. Leurs membres sont choisis à partir d'une liste, et l'organisme n'existe qu'aux fins de régler le différend. Il n'y a donc pas d'organisme permanent. Ce sont les parties au différend qui payent les frais de l'arbitrage, à parts égales.

Je répondrai très rapidement aux deux dernières questions. Combien de temps dure le processus? Eh bien, il n'y a pas d'échéancier fixe. D'une façon générale les arbitrages sous le régime du CIRDI durent environ un an. Quant aux autres, ils durent plus ou moins un an également. D'une façon générale, on estime qu'il faut un an.

Les sentences arbitrales sont un autre élément très intéressant de cette procédure. Aucun groupe spécial établi sous le régime du chapitre 20 de l'ALENA ne peut rendre de sentence d'ordre monétaire. Toutefois, un groupe spécial d'arbitrage établi sous le régime du mécanisme de règlement des différends investisseurs-État peut rendre des sentences arbitrales comportant un élément monétaire. En fait, c'est le but du processus. La restitution des biens est une autre forme de sentence arbitrale qui peut être rendue. Il s'agit de rendre à l'investisseur la propriété qui fait l'objet du litige.

.1635

La sentence arbitrale rendue par un tribunal n'est pas applicable dans les pays eux-mêmes. Il n'y a pas de mécanisme automatique d'exécution. Si le gouvernement du Canada perdait une cause en arbitrage, la sentence rendue ne serait pas automatiquement exécutoire pour celui-ci. Toutefois, la partie qui a gagné la cause peut avoir recours aux tribunaux canadiens pour demander que soit rendue une décision exécutoire. Au Canada, cela se ferait sous le régime de la Loi sur l'arbitrage commercial.

Dernière question: le système actuel est-il efficace, équitable et peu coûteux? Eh bien, il est trop tôt pour le dire, à mon avis. Comme je l'ai dit, jusqu'à présent il n'y a eu que deux différends soumis à l'arbitrage.

Mais comme je l'ai également mentionné, le fait que ce processus semble inciter les parties à résoudre leurs différends à l'étape de la consultation montre que le processus atteint son objectif, c'est-à-dire réduire le nombre de différends et résoudre les problèmes entre les investisseurs et les parties à l'ALENA.

Voilà qui termine la réponse à cette liste de questions.

Le président: J'aimerais revenir à la question numéro 7 et aux éclaircissements que vous demandiez. Ce qui vous a poussé à poser cette question, j'imagine, c'est qu'avant l'ALENA l'arbitrage se faisait sur la base d'accords bilatéraux portant soit sur la promotion, soit sur la protection des investissements. C'est sur cette base-là qu'il y avait arbitrage. Est-ce que les règles de l'ALENA sont compatibles avec le processus d'arbitrage? Dans quelle mesure les règles de l'ALENA diffèrent-elles des dispositions qui se trouvaient dans les anciens accords? Voilà la question.

M. Tereposky: C'est une excellente question. Vous faites allusion, je pense, à ces nombreux accords sur les investissements que le Canada a signés avec des gouvernements dans le monde entier. Il faut espérer qu'une version multilatérale de cet accord, cet accord multilatéral sur l'investissement, ou AMI, qui est actuellement en cours de négociation à l'OCDE verra bientôt le jour.

La principale différence entre ces accords anciens et l'ALENA, c'est qu'auparavant les accords étaient de gouvernement à gouvernement, et lorsque les droits des investisseurs étaient pris en considération, c'était d'une façon très limitée. Je le répète, d'une façon générale, la politique du Canada n'est pas d'avoir des mécanismes de règlement exécutoire des différends entre investisseurs et États.

En cas de problème au Costa Rica, à Cuba, ou ailleurs, le gouvernement du Canada pouvait rechercher une solution dans le cadre de ces accords bilatéraux, mais pour les investisseurs il n'y avait pas de véritable recours. En règle générale, ceux-ci devaient se contenter de se réclamer des lois nationales du pays dans lequel ils avaient investi. Par conséquent, s'il s'agissait du Chili, ils devaient invoquer le droit chilien devant un tribunal chilien et faire toutes les démarches exigées par le système. Une autre solution était d'obtenir que le gouvernement du Canada agisse en leur nom.

Mais dorénavant, avec l'ALENA, du moins en ce qui concerne les trois pays de l'ALENA, nous avons un mécanisme de règlement exécutoire des différends mettant en cause des investisseurs privés.

Mon collègue a quelque chose à ajouter.

M. Kronby: Monsieur le président, j'aimerais ajouter que depuis l'ALENA nos accords sur la protection des investissements étrangers, ou APIE, s'inspirent dorénavant du modèle de l'ALENA. Il y a donc un système d'arbitrage entre investisseurs privés et États dans nos accords les plus récents sur la protection des investissements étrangers. Je crois que depuis l'ALENA nous en avons signé 13.

[Français]

Le président: Avant de passer la parole à M. Paré, je vais demander à M. Cullen de prendre la présidence étant donné que je dois m'absenter.

[Traduction]

Monsieur Cullen, voulez-vous prendre la présidence?

.1640

[Français]

M. Philippe Paré: J'ai deux petites questions. Premièrement, dites-vous que le Canada et le Mexique ne seraient pas signataires du chapitre 11 de l'ALENA?

[Traduction]

M. Tereposky: Non, je suis désolé. Je disais qu'une des trois procédures pour le règlement des différends entre investisseurs et États figure dans la convention du CIRDI. Le Canada et le Mexique ne sont pas signataires de cette convention. Par conséquent, si le Canada et le Mexique sont parties à un différend aux termes du chapitre 11, ils doivent faire appel aux règlements de conciliation, c'est-à-dire les règlements de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).

Ainsi, le chapitre 11 s'applique, mais par contre une des procédures auxquelles on pourrait faire appel ne s'applique pas.

[Français]

M. Philippe Paré: Donc, s'ils ne sont pas signataires de cette convention, quelqu'un ne peut pas utiliser la convention contre le Canada ou le Mexique.

M. Kronby: Oui.

M. Philippe Paré: D'autre part, dans un article paru dans La Presse hier, on dit que l'OCDE se serait donné une charte sur les investissements. Est-ce qu'il y a un lien à faire entre les deux, puisque cette procédure porte aussi sur les investissements, si je comprends bien? Quelle serait la grande différence entre les deux? Puisque le Canada est membre de l'OCDE, qu'est-ce qui fait que l'entente de l'OCDE ne prévaut pas sur l'entente de l'ALENA, puisque le Canada, les États-Unis et le Mexique sont membres de l'OCDE?

[Traduction]

Mme Hughes: M. Tereposky a fait allusion aux accords multilatéraux sur l'investissement qui font actuellement l'objet de négociations dans le contexte de l'OCDE. Les discussions avancent. On a atteint l'étape de la négociation, et une entente est en cours d'élaboration. Cette entente ne doit pas remplacer cet accord, mais est plutôt axée sur les questions d'investissement. C'est une entente de nature très générale qui n'a pas encore été signée.

J'aimerais vous expliquer un peu à quoi cela va ressembler en fin de compte. Les négociations se poursuivent, et on s'attend à ce qu'elles durent encore un certain temps.

[Français]

M. Philippe Paré: Merci.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)): Monsieur Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): J'aimerais faire un peu marche arrière et vous demander ce qui pourrait pousser une compagnie à réclamer une protection ou à faire appel au groupe spécial. Peut-être pourriez-vous m'aider.

Premièrement, dans les trois pays, est-ce qu'on impose des restrictions sur les investissements, des restrictions qui empêcheraient certains pays d'investir dans d'autres? Deuxièmement, dans les domaines où il n'y a pas de restrictions, j'imagine qu'une compagnie est libre d'investir. Si on lui refuse ce droit, elle fait appel à cet organisme.

Pouvez-vous nous expliquer le processus, étape par étape, essayez de nous expliquer comment tout cela se déroule?

M. Tereposky: Certainement.

Cela nous ramène à la définition de ces droits dans la section A de l'ALENA et aux obligations fondamentales qu'ils représentent. Il faut absolument se souvenir que ces différends peuvent survenir à propos de pratiquement n'importe quelle circonstance. La meilleure façon de vous expliquer cela est probablement de prendre quatre affaires qui sont en cours. Je vais commencer par les deux affaires mexicaines, car ce sont celles que je connais le mieux.

Dans une des affaires mettant en cause le Mexique, une compagnie américaine établie au Mexique avait signé un contrat avec une municipalité pour l'enlèvement des déchets, des ordures. C'était un contrat signé avec la municipalité mexicaine, et le contrat est arrivé à échéance.

À cause de cela, ils ont soumis une réclamation aux termes du chapitre 11 de l'ALENA. Ils prétendent que le fait que le contrat ait pris fin équivaut à une expropriation aux termes des dispositions de l'ALENA, ou du moins est comparable à une expropriation. Ils prétendent que le gouvernement les empêche de faire des affaires. Voilà donc un exemple.

.1645

La deuxième affaire mexicaine est un autre exemple. Il s'agit d'une compagnie américaine qui voulait installer une décharge de produits dangereux au Mexique. Pour installer cette décharge, elle avait besoin d'un certain nombre de permis, et pour diverses raisons le gouvernement mexicain a refusé certains de ces permis. La compagnie conteste aux termes de l'ALENA et donne plusieurs motifs, y compris le fait qu'elle a souffert de discrimination en ce qui concerne la délivrance des permis.

Il est important de noter qu'une des obligations fondamentales du chapitre 11, c'est le droit de ne pas faire l'objet de discrimination lorsqu'on est un investisseur. Dans ce cas, les compagnies mexicaines et les investisseurs américains au Mexique seraient traités de la même façon, et pour cette raison la compagnie a prétendu qu'il y avait discrimination.

Dans les deux affaires où il y a eu préavis d'intention de soumettre une réclamation au Canada, on a fait preuve de beaucoup plus d'imagination. Je ne vous parlerai pas du mérite de ces affaires; je me contenterai de vous donner un exemple du genre de choses que les compagnies considèrent lorsqu'elles analysent le chapitre 11.

Dans une de ces affaires, la plainte a été déposée par un investisseur mexicain qui était associé à un investisseur canadien dans une affaire de médicaments génériques. La loi sur les médicaments génériques les désavantageait. Je ne me suis pas penché sur les détails de cette affaire, mais, si j'ai bien compris, ils n'avaient pas obtenu la part du marché à laquelle ils s'attendaient parce que le brevet du détenteur de brevets expirait plus tard qu'il ne le pensait. Ils ont donc déposé une plainte pour des motifs différents.

Dans le second cas, la plainte a été déposée par la société Ethyl, dont vous avez peut-être entendu parler dans les journaux, à propos du différend sur le projet de loi sur le MMT. Le MMT est un additif pour l'essence. C'est un produit qui a fait les manchettes canadiennes à de nombreuses reprises. Entre autres choses, la société prétendait que le projet de loi sur le MMT allait véritablement les exproprier. Comme c'est encore un projet de loi, elle aurait un problème à résoudre en ce qui concerne le différend, puisque ce n'est pas encore en vigueur.

On pourrait citer un grand nombre d'autres circonstances. Par exemple, l'aéroport Pearson, où le gouvernement a changé d'avis au sujet du contrat... Si des investisseurs américains avaient participé à cette transaction, sans doute auraient-ils invoqué le chapitre 11 pendant les négociations. C'est la même chose pour n'importe quelle autre situation. On peut donner libre cours à son imagination.

M. Charlie Penson: Autrement dit, dans tous les domaines où il n'y a pas de restrictions sur les investissements, les entreprises dans les trois pays membres doivent avoir les mêmes possibilités, mais à côté de cela il existe des restrictions dans certains domaines, et ces domaines-là sont exclus.

M. Tereposky: Oui. Ce qu'il faut considérer, ce sont les obligations. Ensuite, quand on considère ces obligations, l'élément le plus important du chapitre 11, ce sont les exceptions. Vous devez vous assurer que l'affaire en question ne fait pas l'objet d'une exception. Lorsqu'une exception s'applique, il devient impossible d'invoquer le chapitre 11.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Monsieur Graham.

M. Bill Graham: Monsieur le président, j'ai trois questions que je vais poser ensemble.

L'une d'entre elles porte sur le CIRDI. Madame Hughes, pouvez-vous nous dire quelle est la situation actuelle en ce qui concerne le CIRDI? Depuis plusieurs années, un bon nombre de membres du barreau pensent que le Canada devrait adhérer au CIRDI. Cela donnerait à nos investisseurs à l'étranger une protection supplémentaire, en particulier dans des régions assez instables, comme l'Afrique.

Apparemment, la raison pour laquelle nous n'avons jamais signé cette convention, c'est qu'Investissement Canada s'y est toujours opposé sous prétexte qu'on pourrait s'en servir contre le Canada. C'est une position que je n'ai jamais comprise, puisqu'il est impossible d'être impliqué dans une entente du CIRDI lorsque la compagnie, ou l'investissement en question, a dans son contrat une clause du CIRDI. Comme nous ne voulons pas de ce genre de contrats, je ne vois pas pourquoi cela deviendrait un problème. Pourriez-vous nous aider, nous dire s'il est possible que le Canada adhère au CIRDI pour mieux protéger ses investisseurs dans les autres pays, autant que l'ALENA?

Voilà pour une question. Ma deuxième question s'adresse à M. Tereposky.

.1650

Vous avez expliqué comment la commission interprétait les accords en vertu du chapitre 11. Cela m'intrigue. Je trouve cette commission extrêmement mystérieuse. Elle est censée être constituée des trois ministres du Commerce. Que je sache, ils ne se sont jamais rencontrés, et pourtant l'ALENA suscite des milliers de problèmes qu'on ne réussit pas à résoudre parce qu'il semble impossible d'obtenir que les trois ministres du Commerce se réunissent pour en discuter.

Comment diable pouvez-vous espérer que les trois ministres du Commerce rendront une décision arbitrale satisfaisante dans le cadre du traité? C'est une illusion, mais peut-être pourrez-vous nous aider à comprendre si c'est vrai ou pas.

La troisième question ne s'adresse pas à quelqu'un en particulier, et n'hésitez pas à y répondre si vous le souhaitez. On en a souvent parlé devant ce comité. C'est beaucoup plus théorique. Est-ce qu'il vaudrait mieux créer un tribunal permanent pour les trois pays? C'est, je crois, ce que le professeur McRae a recommandé, de même que certains autres témoins.

Par exemple, on pourrait créer un tribunal tripartite permanent qui s'occuperait des questions antidumping, et peut-être des chapitres 19 et 20, un tribunal qui n'aurait pas les pouvoirs étendus du tribunal européen, par exemple, mais au moins un tribunal permanent, trilingue, à qui on pourrait confier ces questions. Dans ce cas, les différends relatifs aux investissements seraient évidemment confiés à ce tribunal, qui deviendrait ainsi la seule instance pour le règlement des différends dans le cadre de l'accord.

À votre avis, est-ce que cela serait utile pour les différends relatifs aux investissements, ou bien vaut-il mieux traiter ces affaires par arbitrage, cas par cas, de partie à partie?

Voilà mes trois questions.

Mme Hughes: Comme d'habitude, monsieur Graham, vous vous y connaissez mieux que moi.

Vous m'avez demandé pourquoi le Canada n'est pas signataire de la convention du CIRDI; pour commencer, sur le plan pratique, cela posait un problème au Canada, car il n'y a pas de clause sur les États fédéraux dans la convention du CIRDI. À cause de cela, il aurait fallu que toutes les provinces adoptent des lois avant que le Canada puisse signer. En devenant signataire de cette convention, nous prendrions des engagements internationaux. Si une des provinces ne signait pas, et si c'était justement la province impliquée, nous pourrions nous trouver en situation de violation de nos obligations internationales.

Depuis un certain nombre d'années le gouvernement fédéral discute avec les autorités provinciales et cherche à obtenir leur adhésion, c'est-à-dire les encourage à adopter les dispositions législatives nécessaires. Ce sont mes collègues du ministère de la Justice qui sont responsables de cette question, mais je sais que les choses avancent. Ils sont assez optimistes; ils pensent que nous pourrons d'ici peu adhérer à la convention du CIRDI. Je crois que nous sommes en bonne voie.

Vous avez parlé de la Commission du libre-échange avec M. Tereposky, mais si vous m'accordez un instant, je peux vous dire que les ministres se sont bel et bien réunis le 20 mars; c'est donc tout récent. Vous avez raison quand vous dites qu'ils ne se réunissent pas très souvent. Toutefois, on a vu dans le passé des délégations de pouvoirs, par exemple à des sous-ministres, et c'est peut-être ce qui se passe dans le cas présent.

À mon avis, il n'est pas indispensable que la commission prenne des décisions sur ces questions. Elle pourrait fort bien déléguer ses pouvoirs. Mais, évidemment, cela peut toujours être interprété, et cela doit être jugé cas par cas.

Pour votre dernière question, je crois que vous vous adressiez à M. Tereposky; je vais donc le laisser répondre.

M. Bill Graham: Mais, auparavant, j'aimerais revenir un instant sur vos réponses. D'après cette interprétation, les ministres pourraient faire appel aux fonctionnaires et renvoyer la question aux trois gouvernements, qui se mettraient d'accord sur une interprétation, et cette interprétation serait donnée aux parties. On n'aurait pas vraiment besoin de l'aval des trois ministres, et il ne serait pas nécessaire que ces trois personnes extrêmement occupées se rencontrent vraiment.

Mme Hughes: J'imagine que pour ce genre de chose on pourrait proposer une délégation de pouvoirs. Il faudrait que la commission approuve cette délégation, mais je pense que cela devrait être possible. Cela s'est déjà fait. Pour que la commission délègue ces pouvoirs et...

M. Bill Graham: Vous pourriez simplement mettre en présence un avocat du ministère de la Justice, quelqu'un du Mexique et quelqu'un des États-Unis, pour voir s'il est possible de se mettre d'accord. C'est ce que vous feriez?

Mme Hughes: Cela devrait être possible. Je sais que les ministres ont déjà délégué leurs pouvoirs à leurs sous-ministres, au moins à une occasion. Je ne sais s'ils iraient jusqu'à déléguer leurs pouvoirs à l'avocat du ministère de la Justice.

M. Bill Graham: D'accord. Je vois comment vous procédez. Merci.

Mme Hughes: Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, j'aimerais répondre à la question au sujet du groupe spécial permanent, si cela pourrait être... Je sais que M. McRae a suggéré cela.

.1655

Je pense que si nous avions un groupe spécial permanent pour s'occuper des chapitres 11 et 20, il s'ennuierait autant que le réparateur de machines Maytag, parce qu'en effet, jusqu'à présent, il n'y a pas eu tellement de travail. Je me demande donc si ce serait une bonne idée. Mais ce n'est pas à moi que vous avez posé la question. J'ai seulement voulu dire cela avant de laisser M. Tereposky répondre.

M. Tereposky: Ce sont d'excellentes réponses. J'ai seulement une ou deux choses à ajouter.

En ce qui concerne l'interprétation de la commission, si celle-ci ne réussit pas à se mettre d'accord, un règlement est prévu, et c'est le tribunal qui prend la décision. Quand on réfléchit à l'importance de ces questions, on comprend que les trois parties ont tout intérêt à se mettre d'accord. Tout comme Mme Hughes, je pense que cela serait possible et qu'ils pourraient se mettre d'accord sur une interprétation. J'ai vu ce genre de choses s'arranger à l'amiable entre les pays; Mme Hughes et ses homologues aux États-Unis et au Mexique prennent leur téléphone et s'arrangent pour trouver une solution à un problème difficile. C'est un processus qui peut fonctionner.

En ce qui concerne le groupe spécial permanent, je suis tout à fait d'accord avec Mme Hughes: il n'y a pas eu tellement de différends, et ce groupe spécial ne serait pas très occupé. D'un autre côté, avec des groupes spéciaux constitués de gens extrêmement compétents, on se heurte souvent à des conflits. Ces gens-là s'occupent souvent d'un grand nombre d'industries différentes, et lorsqu'un grand nombre d'industries différentes invoquent le chapitre 19, cela risque de poser des problèmes. C'est la même chose avec les différends relatifs à des investissements; il peut s'agir d'industries n'importe où.

C'est tout ce que j'avais à dire.

M. Bill Graham: Merci.

Le président: Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Comme l'OCDE discute de cette question particulièrement importante dans l'espoir de parvenir à un accord multilatéral, il me semble que nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour défendre notre cause et améliorer ce que nous avons déjà. Avez-vous des idées sur ce que nous pourrions faire pour améliorer tout le domaine des investissements, pour améliorer notre situation à l'OCDE?

Mme Hughes: Malheureusement, je ne peux répondre à votre question. Je ne participe pas aux négociations, et aux Affaires étrangères je ne peux pas élaborer la politique, puisque ma fonction est juridique.

M. Tereposky: Le véritable objectif est à mon avis l'ALENA. Si vous lisez les commentaires sur les discussions de l'OCDE, vous verrez qu'on semble rechercher certains principes qui existent déjà dans l'ALENA, comme le principe de non-discrimination. À l'OCDE, on va avoir du mal à déterminer et à négocier la portée de l'accord.

Quant aux exceptions dont vous parliez, à mon avis, les exceptions à l'OCDE iront plus loin que les exceptions de l'ALENA, ne serait-ce que parce qu'il y a un plus grand nombre de parties. Par conséquent, du point de vue des investisseurs, je pense que l'ALENA restera préférable, parce que cet accord-là aura une plus grande portée et couvrira plus de secteurs. D'un autre côté, il est toujours beaucoup plus facile de se mettre d'accord avec trois pays que de se mettre d'accord avec tous les pays de l'OCDE.

M. Charlie Penson: Est-ce que les exceptions prévues pour le Canada, le Mexique et les États-Unis ont posé des problèmes?

M. Tereposky: Non, ces exceptions n'ont pas été une source de problèmes. Elles ont été arrêtées au moment des négociations, et par conséquent les exceptions de chaque pays se sont compensées mutuellement. Puisque dans l'ALENA toutes les exceptions figurent dans les annexes, il est très facile de déterminer, pour chaque pays, où les exceptions ne s'équilibrent pas. Ces exceptions ont été négociées avec un souci d'équilibre, et les parties les ont acceptées. Que je sache, il n'y a pas de différends en suspens au sujet de l'interprétation des exceptions.

M. Charlie Penson: Je ne pensais pas vraiment à la possibilité de déterminer quelles sont les exceptions, mais si nous reprenions les discussions de l'ALENA, par exemple si le Chili devait y adhérer, il faudrait reprendre toute cette discussion. Je vous demande peut-être de regarder dans une boule de cristal, mais pensez-vous que la prochaine fois il pourrait y avoir d'autres domaines, ou des exceptions plus nombreuses?

M. Tereposky: L'exception chilienne est un cas difficile, parce qu'à mon avis le Canada et le Mexique adopteraient une position assez ferme, considérant que les négociations passées tiennent toujours, ou du moins une bonne partie de l'accord. Toutefois, il est possible que certaines réserves soient renégociées. C'est le but même de la transparence: on peut renégocier, et, par là même, libéraliser. Mais à mon avis le processus sera très long.

.1700

M. Charlie Penson: Vous nous dites donc que les industries canadiennes ne cherchent pas actuellement à obtenir une diminution du nombre des exceptions en ce qui concerne les investissements aux États-Unis, par exemple, ou vice-versa.

M. Tereposky: Pas pour l'instant, mais je le répète, c'est parce que c'est très équilibré. Prenez le secteur de l'aéronautique; d'énormes exceptions dans les trois pays... Ces industries auraient beaucoup à perdre si elles essayaient de renégocier dans un autre pays. En fait, on a réalisé un équilibre raisonnable, et pour l'instant ce n'est pas une source de préoccupations.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Monsieur Graham.

M. Bill Graham: J'ai une ou deux questions à poser à ce sujet.

Si j'ai bien compris, l'exception culturelle canadienne s'appliquerait...

M. Tereposky: Oui.

M. Bill Graham: ... avec toutes les difficultés qu'il y aurait à déterminer la nature d'une mesure culturelle, etc.

Mais laissons cela pour l'instant; vous avez parlé du secteur de l'aéronautique. Je ne suis pas vraiment au courant, mais j'imagine que les exceptions normales seraient la sécurité nationale, la culture, ce genre de thèmes de nature très générale. Est-ce qu'il y a des secteurs particuliers de l'industrie qui sont des exceptions? Qu'est-ce qui pourrait justifier d'exclure le secteur de l'aéronautique, à part le fait de considérer que cela implique notre sécurité nationale?

M. Tereposky: L'ALENA comporte diverses annexes. À l'annexe I, on énumère toutes les exceptions sectorielles. Certains secteurs sont particulièrement délicats. Au Canada, dans le secteur de l'aéronautique, nous avons des prescriptions en ce qui concerne la propriété canadienne. Si vous regardez les annexes, les prescriptions qui ne sont pas conformes aux dispositions du chapitre 11 sont reportées dans les réserves et ne peuvent être contestées. Le Canada a ce genre de prescriptions dans de nombreux secteurs, et dans tous les cas cela fait partie intégrante de l'accord.

M. Charlie Penson: Les banques.

M. Tereposky: Les banques sont un autre exemple.

M. Bill Graham: Mais de nos jours un Américain peut posséder jusqu'à 10 p. 100 d'une banque canadienne... avec toutes les règles, exactement comme un Canadien. Si j'étais Américain et propriétaire en partie d'une banque canadienne, je ne pourrais donc pas me réclamer des dispositions du chapitre 11 en cas de différend sur la nature de la banque, dans le cadre d'un investissement?

De toute évidence, je ne pourrais invoquer ce chapitre pour contester les règles en ce qui concerne les limites à la propriété, car cela fait partie intégrante du traité. Toutefois, dans une autre sorte de différend commercial, si par exemple je considérais que le gouvernement m'a exproprié, un peu comme dans l'affaire de l'aéroport international Pearson, ou comme dans une de ces autres affaires qui ont été mentionnées, je pourrais certainement l'invoquer.

M. Tereposky: Oui. Je le répète, il n'y a jamais eu de décision officielle, mais le principe général consacré par le GATT et adopté par l'OMC, c'est que les exceptions sont toujours interprétées le plus étroitement possible. Par conséquent, dans ces cas-là vous rechercheriez les espaces entre les exceptions. Selon toute probabilité, vous trouveriez quelque chose à contester. Si vous considérez les réserves, elles sont rédigées très soigneusement. Elles s'appliquent seulement dans des termes très définis.

M. Bill Graham: D'accord.

J'aimerais poser une autre question au sujet des accords sur l'investissement qui sont en cours de négociation. Il y a un article dans le Toronto Star d'hier, et un commentateur qui connaît bien les questions commerciales observe qu'en signant cet accord le Canada risque de ne pas pouvoir insister pour que les investisseurs qui investissent au Canada créent des emplois. Il pense que le Canada aura du mal à insister pour que les investisseurs créent un certain nombre d'emplois. Pour cette raison, il pense que nous ne devrions pas adhérer à l'accord.

Après avoir lu cet article, il m'a semblé qu'on tenait pour acquis que l'ancienne AEIE existait toujours, et qu'elle imposait ce genre d'obligations aux investisseurs au Canada.

Indépendamment du contexte de l'ALENA, est-ce que le gouvernement continue à exiger des engagements des investisseurs étrangers, à exiger qu'ils s'engagent à créer des emplois, avant de les autoriser à investir?

Je sais que je pénètre dans toute cette affaire d'Investissement Canada et de l'AEIE, et ma question n'est peut-être pas très claire, mais cela est dû au fait que mes idées ne sont pas très claires. Je me demande si en discutant des AMI on ne livre pas une bataille qui est déjà terminée au lieu de se tourner vers l'avenir.

.1705

Je ne sais pas si l'un d'entre vous est en mesure de commenter, ou souhaite le faire.

M. Kronby: Je ne peux pas vous parler des négociations qui sont en cours au sujet des AMI, car je n'y participe pas, mais je sais qu'un des types de décisions ou mesures qui ne peuvent être contestées en vertu du chapitre 11, ce sont les décisions d'Investissement Canada. Je peux vous dire également que la création d'emplois ne figure pas dans la liste des prescriptions de résultats prévues à l'article 1106 de l'ALENA. L'article 1106 est un des articles qui imposent des obligations aux parties en ce qui concerne les investissements et les investisseurs. D'après cet article, on ne peut pas imposer ce qu'on appelle des «prescriptions de résultats» à des compagnies. Par exemple, on ne peut pas exiger, comme condition à leur droit d'investir, qu'elles achètent un certain pourcentage de produits nationaux.

Alors, encore une fois sous réserve d'autres dispositions, telles que celles relatives au traitement national ou à la NPF, qui sont aussi couvertes par le chapitre 11, à moins qu'il n'y ait une prescription de résultats bien précise, une obligation en matière de création d'emplois... Encore là, je ne suis pas certain, mais ce serait peut-être permis.

M. Bill Graham: Mais n'avons-nous pas perdu un litige devant le GATT il y a quelques années qui portait sur une prescription de résultats, une affaire exigeant un certain volume d'achats au Canada? Il me semble que nous avons perdu la cause il y a des années. Cela a vraiment détruit l'AEIE.

M. Tereposky: Le Canada a perdu dans l'affaire AEIE. Toutefois, il n'a pas perdu la totalité du programme AEIE dans cette affaire-là. Comme l'a dit M. Kronby, il existait certains genres de prescriptions de résultats pour les investissements. Pour investir au Canada, il fallait fabriquer ou acheter un certain pourcentage de contenu national plutôt que de l'importer.

La décision du groupe spécial sur ce sous-ensemble très limité de prescriptions de résultats a donné lieu à ce qu'on appelle maintenant les «mesures concernant les investissements liés au commerce.» Ces prescriptions sont incluses dans la nouvelle entente de l'OMC sur les mesures concernant les investissements liés au commerce. Pour ce qui est des prescriptions de résultats concernant le commerce de biens, s'il existe des exigences en matière de contenu national, on limite le volume d'importations des composantes qui seront importées. Il s'agit là d'une mesure liée au commerce. L'OMC s'occupe déjà de ces mesures. Il se peut que ces mesures soient dorénavant incluses dans l'Accord multilatéral sur l'investissement.

Je suis également d'accord avec ce que M. Kronby a dit à propos de la distinction qu'il faut faire entre les prescriptions de résultats bien précises et les questions d'ordre général telles que le travail et l'emploi. Il y a une échelle. On a des mesures qui sont clairement liées au commerce, d'autres qui pourraient l'être, et ensuite on a le travail et la culture, etc. Si on en discute pour les inclure dans l'AMI - et encore là je ne participe pas à ces négociations-là - on vise probablement le milieu de l'échelle. Il est fort peu probable qu'on vise ces zones grises, qui sont de nature interne, lors des négociations, étant donné le nombre de pays qui y participent.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Je crois qu'on arrive à la fin. Moi-même, je n'ai que quelques questions à poser aux témoins.

Je voudrais parler un peu de la possibilité d'avoir un groupe permanent et de la possibilité d'envisager une telle mesure. Je comprends bien ce que Mme Hughes veut dire par sa comparaison avec le réparateur de machines Maytag qui s'ennuie, mais si on songe à combiner un groupe permanent qui s'occuperait des différends en vertu du chapitre 11 et du chapitre 20, il faut penser à toute la question de la masse critique. Y aurait-il suffisamment de différends à régler? On espère que non. Faudrait-il que ces gens aient les mêmes compétences? Si un groupe était constitué, ce même groupe pourrait-il, en théorie, trancher les différends au sens du chapitre 11 ainsi que les différends au sens du chapitre 20? Faudrait-il que les membres aient différentes compétences?

.1710

Mme Hughes: Je crois qu'il existe deux listes différentes qui ont été préparées en vertu de l'ALENA, une pour les différends au sens du chapitre 20 et une autre pour les différends au sens du chapitre 11, et les exigences pour figurer sur chacune des listes sont différentes. Cela ne veut pas dire que les listes sont complètement différentes, mais il y a quelques différences. Au chapitre 11, je crois que les exigences sont beaucoup plus précises. Mais certaines des dispositions du chapitre 11 portent sur des questions très générales en matière de droit international, telles que le traitement juste et équitable mentionné à l'article 1105.

Je ne sais pas ce que le professeur McRae propose comme groupe spécial permanent, mais à l'OMC il y a un tribunal d'appel permanent, par exemple. Il est composé de sept membres, dont seulement trois s'occupent d'une affaire à la fois. C'est une façon de régler la question des différentes compétences ou connaissances requises. Je n'ai pas examiné la question en profondeur, monsieur le président, mais je présume que c'est une façon de traiter des divers éléments qu'il faudrait retenir lorsqu'on décide de la composition de ces groupes spéciaux.

M. Tereposky: On devrait aussi tenir compte du fait que le CIRDI a aussi des listes, et les membres des groupes spéciaux inscrits sur ces listes connaissent très bien les règles de procédure. Lorsqu'on recherche un règlement d'arbitrage de CIRDI ou de la CNUDCI, cela ressemble beaucoup plus à une comparution devant un tribunal de première instance qu'au règlement d'un différend en vertu du chapitre 20 de l'ALENA. Je ne sais donc pas si le même genre de connaissances pourraient s'appliquer dans tous les domaines. Mais je crois que pour les différends entre investisseurs et États il serait sans doute préférable d'avoir des avocats qui connaissent un peu le monde du commerce, parce qu'il y a énormément de procédures à suivre.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): J'ai une autre question à poser. Monsieur Tereposky, vous avez dit que dans le cas de règlements de différends en vertu du chapitre 11, on pourrait avoir des échanges directs entre les États en même temps qu'une revendication de la part du secteur privé contre l'État. Pourriez-vous nous décrire les circonstances dans lesquelles ce genre de situation pourrait se produire? Serait-ce dans le cas d'un État qui aurait un intérêt particulier envers une question d'ordre générique faisant l'objet d'un jugement et qui voudrait en quelque sorte faire sentir sa présence dans ce différend-là? Pouvez-vous nous décrire les circonstances dans lesquelles on aurait ces deux procédures parallèles?

M. Tereposky: À titre d'exemple hypothétique, examinons ce qui se passe dans le contexte Canada-États-Unis. L'investisseur canadien investit aux États-Unis, où il a une entreprise. Le gouvernement d'un État adopte une loi qui pourrait soit discriminer, soit exproprier, ou fait quelque chose qui n'est pas dans l'intérêt de la société en question. L'investisseur canadien subit donc un tort, des pertes de profit.

On peut aborder la question de deux façons. L'investisseur canadien peut s'adresser au gouvernement canadien, chercher à obtenir un règlement du différend en vertu du chapitre 20, et faire retirer la loi ou faire changer la mauvaise loi parce qu'elle n'est pas compatible avec l'ALENA. Le gouvernement canadien ne voudrait probablement pas le faire, car il ne veut voudrait pas que cette loi de l'État en cause s'applique à d'autres investisseurs canadiens. Alors on invoque le chapitre 20. Par ailleurs, l'investisseur ne peut pas récupérer son argent en vertu du chapitre 20. Il faudra donc pour cela qu'il s'adresse à un groupe spécial créé en vertu du chapitre 11 pour régler les différends entre investisseurs et États.

Il y a donc deux régimes parallèles pour le règlement du différend. Dans l'un, on se débarrasse de la loi, ce qui n'est pas possible dans le cas d'un différend investisseur-État. Dans l'autre, on récupère son argent.

M. Charlie Penson: Helms-Burton pourrait en être un.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): J'ai une dernière question très courte à poser. On a beaucoup parlé de l'Accord multilatéral sur l'investissement, et, si je ne m'abuse, les Américains insistent pour y faire inscrire des dispositions sur la corruption, entre autres. À ce propos, les dispositions de fond sur les investissements qu'on trouve dans l'ALENA traitent-elles de la corruption dans le milieu des affaires?

M. Tereposky: Non.

Mme Hughes: Non.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Je présume que c'est parce qu'on n'en a pas besoin, n'est-ce pas?

Y a-t-il d'autres questions? Non?

Sur ce, je voudrais remercier les témoins d'être venus ici aujourd'hui. Nous avons appris beaucoup de choses. Nous vous remercions de tout le travail que vous avez fait.

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