[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 avril 1996
[Traduction]
Le président: Buenos das, good morning, bonjour. Il y a quorum, nous allons donc ouvrir la séance.
Nous avons aujourd'hui l'immense privilège d'avoir comme témoins des représentants de la Commission de coopération environnementale (CCE), Comision para la cooperacion ambiental.
Je crois que nous aurons deux témoins, M. Lichtinger, directeur exécutif, et Mme Ferretti, un des directeurs de la commission. Bienvenue. Nous sommes honorés que vous ayez pu vous libérer pour venir nous parler.
Comme vous le savez, la commission a son siège social à Montréal. Un ouvrage est sorti dernièrement en librairie, avec une préface de M. Lichtinger. Il est très bien écrit et assez complet. Il a pour titre The Environment and NAFTA. Il raconte tout ce que vous vouliez savoir sur le rôle de l'ALENA et son lien avec l'environnement. Je vous le recommande fortement. Je viens d'en lire deux ou trois chapitres et je l'ai trouvé très instructif.
Comme pensée du jour, peut-être pour lancer le débat et vous présenter, monsieur Lichtinger, j'ai une citation tirée d'un discours prononcé par Warren Christopher à l'Université Stanford le 9 avril. C'est un passage très court. Il aborde un certain nombre de sujets dans son discours, notamment la Conférence de Rio, puis il poursuit en ces mots:
- Nous nous efforçons, par le biais de la nouvelle Organisation mondiale du commerce, de
reconnaître les tensions complexes qui existent entre la promotion du commerce et la protection
de l'environnement et de nous assurer qu'aucun des deux ne se fait aux dépens de l'autre.
En réalité, j'aimerais le porter à l'attention de tous les membres de notre comité, parmi les bons ouvrages à lire, car il présente en fin de compte un changement d'attitude du State Department en matière d'environnement. C'est peut-être aussi un indice du thème de la prochaine campagne du président, probablement à l'automne. Il contient trop de substance pour l'envisager uniquement comme un stratagème électoral.
Monsieur Lichtinger, nous sommes heureux de vous compter parmi nous. Si vous voulez parler en espagnol, je suis persuadé que nos interprètes feront de leur mieux. Dans le cas contraire, choisissez votre langue. Nous vous souhaitons la bienvenue, ainsi qu'à Mme Ferretti. Vous avez la parole.
M. Victor Lichtinger (directeur exécutif, Commission nord-américaine de coopération environnementale): Merci beaucoup. Bonjour, buenos das. Je ne parlerai pas en espagnol car je n'ai pas rencontré les interprètes. Tout comme en français ou en anglais, les Mexicains ont un accent bizarre, ou un bon accent par rapport aux autres. Je ne sais pas s'ils comprendraient mon accent mexicain et je préfère donc parler en anglais. Merci.
Je suis très heureux de témoigner devant vous aujourd'hui. Je suis maintenant le directeur exécutif de cette commission depuis près de deux ans - un an et huit mois plus exactement. J'ai amorcé ce travail seul en juin 1994. Aujourd'hui, je me sens assez à l'aise et quelque peu fier d'avoir une très bonne équipe au sein de la commission. Comme vous le savez, notre siège se trouve à Montréal et nous sommes très heureux d'être dans cette ville.
Nous disposons d'une équipe d'environ 30 à 35 personnes, provenant des trois pays, qui collaborent à un programme de travail régional commun sur les questions environnementales, à faire la promotion de la coopération environnementale et à aborder des questions très intéressantes que je vous proposerai d'ici peu et à essayer de commencer à favoriser une culture qui considère les choses dans une perspective nord-américaine régionale plutôt que dans une perspective simplement nationale.
Comme je vous l'ai dit, je dispose d'une équipe de personnes provenant des trois pays. J'ai avec moi aujourd'hui Janine Ferretti qui est l'un des directeurs. Je compte deux directeurs parmi mes collaborateurs. On pourrait dire qu'elle est la directrice canadienne, mais nous travaillons tous en équipe, sans représenter nos pays respectifs lorsque nous abordons des questions régionales touchant l'environnement.
La commission a été formée à la signature de l'ALENA et elle résulte d'un accord parallèle sur l'environnement qui a été négocié à la fin des pourparlers de l'ALENA. À l'époque, si vous vous en souvenez, on se demandait beaucoup quelles répercussions aurait l'accord de libre-échange sur les normes environnementales, sur l'environnement lui-même, sur les différents dossiers ayant un rapport avec les trois pays dans les domaines environnementaux.
En réponse à ces préoccupations, les gouvernements se sont réunis et ont négocié un accord. Le principal résultat de cet accord, c'est que les parties ont pris plusieurs engagements réciproques en vue de faire appliquer les lois touchant l'environnement, de s'avertir des modifications apportées aux lois, etc., et de créer une commission qui aborderait ces dossiers régionaux.
Parmi ses objectifs généraux, la commission vise à promouvoir la coopération dans le domaine de l'environnement, à garantir l'application des lois environnementales des trois pays et à appuyer les engagements environnementaux de l'ALENA. Dans le cadre de cet appui, nous devons essayer d'éviter, d'empêcher et de résoudre les différends de nature commerciale qui ont une teneur environnementale ou les différends de nature environnementale qui pourraient surgir entre les trois pays.
La Commission de coopération environnementale comporte trois instances principales: le conseil, qui est composé des trois ministres de l'environnement des trois gouvernements - dans le cas du Canada, comme vous le savez, c'est le ministre Sergio Marchi - , le secrétariat, que je chapeaute et qui comprend l'équipe dont je parle chargée de mettre en oeuvre le programme de travail - dont je vais vous parler dans quelques instants - et le comité consultatif public mixte. C'est ce comité, composé de cinq personnes représentant individuellement chacun des trois pays, qui avise le Conseil sur la mise en oeuvre de l'accord.
La négociation de l'accord nord-américain a été passablement guidée par la notion de souveraineté. Le besoin d'avoir un organisme régional ressortait très nettement, mais il était évident que nous n'allions pas créer une instance supranationale qui imposerait des lois ou des règlements ou différents types de décisions qui auraient des répercussions sur la souveraineté des nations.
C'est la raison pour laquelle il est très clair dans l'accord que les pays et les gouvernements sont tenus de suivre leurs propres lois environnementales et s'y sont engagés. Ils ont la responsabilité et le droit de les faire adopter par leurs propres filières législatives, de les faire respecter et de les appliquer eux-mêmes.
De toute évidence, une fois que la société et les instances comme la vôtre prennent des décisions portant sur des questions différentes, les trois s'engagent à les observer et à les faire appliquer, mais la souveraineté des nations est tout à fait respectée par le fait que chaque pays adopte ses propres lois, politiques, normes nationales, etc. Il n'y a ni l'intention, ni le mandat d'égaliser les normes. Il y a l'intention globale de voir les normes progresser dans la région en vue d'améliorer l'environnement et la protection des citoyens et de leur santé. Toutefois, il n'y a aucune intention d'égaliser les normes de la région, ni au niveau maximum, ni au niveau minimum.
J'aimerais diviser le travail de la commission en trois volets. Le premier concerne notre programme régional, les dossiers sur lesquels les trois pays ont décidé, par le biais du conseil, de se pencher et la promotion de la collaboration entre les trois. Il s'agit là d'un vaste programme de travail et vous en avez un exemplaire devant vous. Nous disposons d'environ 10 millions de dollars américains pour mettre en oeuvre ce programme chaque année. De nombreux dossiers sont importants mais je vais mettre l'accent sur certains qui, pas seulement traditionnellement mais dans la réalité contemporaine, sont très importants pour le Canada dans son ensemble et pour les différentes régions en particulier.
Dans le premier cas, nous avons deux ou trois projets importants qui abordent le transport à grande distance des polluants atmosphériques. Aujourd'hui, pendant que je prenais mon petit déjeuner dans ce magnifique hôtel qu'est le Château Laurier, je lisais cet article du Globe and Mail à propos des Inuit qui ressentent l'influence de la pollution venue du Sud et à propos de l'augmentation des cas de cancer que subit la population inuit, d'après les allégations.
Une bonne part de l'enjeu se répète dans le cas des Grands Lacs. Nous savons qu'il existe des tas de polluants qui voyagent sur de longues distances. Même si ces polluants ne sont pas - surtout dans l'Arctique - émis dans la région, ils proviennent de l'extérieur.
Comme vous le savez, vous avez abordé cette question des Grands Lacs depuis très longtemps avec les États-Unis. Vous disposez d'un accord sur les pluies acides et vous avez essayé, dans le passé, d'étendre cet accord à bien d'autres choses.
Le Mexique compte quelques sources de pollution que l'on retrouve dans vos territoires et vos cuvettes, qui sont principalement les Grands Lacs et l'Arctique. Nous essayons d'accorder une grande priorité à cette question pour commencer à comprendre où sont les sources, pour commencer à rechercher des terrains de compréhension possible, à surveiller les accords à ce niveau et pour commencer à sensibiliser davantage la population, les gouvernements, les parlements, les gens, au fait que vous devez collaborer en tant que région pour résoudre les problèmes. Quoi que fassent les Grands Lacs sur le plan binational dans la région, ce n'est pas suffisant car des polluants proviennent de l'extérieur de la zone très proche.
Nous avons constaté - et la Commission mixte internationale (CMI) dispose d'une quantité d'études sur ce sujet - que la majorité de la pollution des Grands Lacs par certains polluants qui sont très dangereux pour la santé provient de l'extérieur de la zone proche des Grands Lacs. Il y a des dossiers que la CMI, dans son accord avec les Grands Lacs, ne peut aborder car ils vont beaucoup plus loin que cela. Même la région nord-américaine est trop petite pour résoudre complètement ce problème car bon nombre des polluants proviennent de la Sibérie en traversant l'Arctique ou d'autres endroits.
Au sein de notre organisme, nous pouvons jouer un rôle de chef de file en commençant à aborder ces dossiers et à jeter des ponts avec les efforts déployés dans les commissions européennes et dans d'autres endroits qui commencent également à aborder ces dossiers.
C'est l'un des points de notre programme qui me semble concorder avec les intérêts du Canada. Je vais parler de quelques-uns car la liste est assez longue et je suis tout à fait disposé à entamer une discussion avec vous après cet exposé.
Nous avons un autre projet dans le cadre duquel nous essayons de négocier avec les trois gouvernements un instrument juridique qui aborderait l'évaluation des incidences environnementales transfrontalières. Cela signifie que lorsqu'un projet quelconque, qui pourrait avoir des incidences environnementales sur l'autre côté de la frontière, est construit ou envisagé, il faut prendre en considération l'impact qu'il pourrait avoir sur l'autre côté de la frontière.
En tant que Mexicain, et vous en tant que Canadiens, nous pouvons dire que nous avons un voisin encombrant respectivement au Nord pour nous et au sud pour vous. Il a des règles très strictes en matière d'évaluation des incidences environnementales mais lorsqu'il réalise des projets près de nos frontières, il n'examine pas toujours ses incidences possibles sur l'autre côté de la frontière.
Traditionnellement, les intervenants du Mexique et du Canada sont toujours avertis avant qu'une décision ne soit prise dans le cadre d'un projet particulier, et ils peuvent faire des commentaires sur ces projets et faire en sorte que le public de ces États ou provinces puisse participer au processus décisionnel concernant le projet.
Dans le cadre de l'accord, nous avons le mandat d'achever avec ce genre d'instrument et de publier une ébauche finale d'ici la fin de l'année. Nous travaillons très fort avec la participation intéressée du ministère fédéral canadien pour essayer de terminer d'ici la fin de l'année.
Nous abordons des dossiers qui sont particuliers à d'autres régions, comme la conservation. Nous abordons des écosystèmes et des dossiers touchant certains polluants, comme les BPC, le DDT, etc. Peut - être que je laisserai ce sujet pour les questions. Je n'en parlerai pas car j'ai encore plusieurs choses à dire au sujet de la commission.
C'est un volet de ce que nous faisons - le programme coopératif. L'autre volet repose sur le fait que, lorsque cet accord a été négocié, bien des gens étaient très préoccupés par le niveau inégal d'observation des lois environnementales dans les trois pays. Cette préoccupation - c'est plus facile pour moi, Mexicain, de le dire - provenait davantage du Mexique que d'autres pays.
Après avoir étudié les trois législations et compris que toutes trois étaient plus ou moins complètes ou suffisantes pour pouvoir signer un accord de libre-échange... Les législations des trois pays sont assez comparables, même si elles ne sont certes pas identiques. Elles sont plus complètes sur certains points aux États-Unis et au Canada mais, d'une façon générale, elles se situent à un niveau acceptable sur le plan international.
Ce qui nous préoccupait énormément, c'est que l'observation, l'application de la loi n'était pas uniforme. Lorsque le Mexique a décidé d'entamer des négociations dans le cadre de l'ALENA, il s'est mis à adopter très rapidement des lois. Il a adopté tant de lois et de règlements en peu de temps qu'il ne possédait pas l'infrastructure nécessaire pour faire appliquer et observer ces lois environnementales.
Au sein de la société, on se préoccupait beaucoup de la compétitivité, des refuges pour pollueurs et des différents courants d'investissement vers le Mexique, etc. C'est ce qui a motivé les trois gouvernements à mettre beaucoup l'accent sur les questions d'observation de la loi. Comme je l'ai déjà dit, cette mesure se fondait sur le principe du respect de la souveraineté des nations, parce que l'engagement consistait à faire appliquer les lois du pays qu'ils avaient eux-mêmes acceptées et adoptées de façon démocratique.
Pour pouvoir suivre et surveiller l'application de ces lois, les trois gouvernements ont conféré au public un rôle très intéressant. Le public des trois pays a le droit - j'entends par là n'importe quel organisme non gouvernemental ou particulier - a le droit de demander au secrétariat d'examiner un dossier particulier, dans l'un des trois pays, dans lequel ils allèguent un manque de respect des lois environnementales.
Le secrétariat étudie ces demandes, ces mémoires, et enclenche un processus d'observation de certaines exigences, etc. À la fin, nous avons la possibilité de préparer une communication factuelle pour confirmer ou non la non-observation présumée des lois environnementales.
Jusqu'à présent, nous avons reçu quatre mémoires - deux des États-Unis, d'ONG américaines, un du Mexique et un du Canada. Les deux premiers mémoires étaient très semblables. Ils disaient que certaines révisions et modifications à la loi qui étaient proposés par les Républicains au Congrès des États-Unis, et qui furent à un moment donné acceptées par l'administration Clinton - ils disaient que ces révisions ne permettant pas aux organismes de financer, par exemple, la Loi sur les espèces menacées d'extinction et la Loi sur les forêts, comportaient un manque d'application des lois environnementales. Nous avons rejeté ces deux mémoires car nous pensions qu'en abordant la discussion sur les décisions souveraines du Congrès des États-Unis dans ce cas - mais cela aurait pu être le Parlement du Canada ou le Congrès du Mexique - nous nous ingérerions dans les décisions souveraines d'un pays.
Ce n'est pas la même chose de modifier une loi que de modifier un organisme du pouvoir exécutif qui n'applique pas une loi que le Congrès ou le Parlement a votée. Sur cette base, nous avons donc rejeté les deux premiers mémoires que nous avions reçus.
Nous avons ensuite reçu un mémoire du Mexique, de trois organisations non gouvernementales mexicaines, et le processus est en marche. Il s'agit d'une requête à l'effet qu'un permis de construction accordé à une compagnie située au sud-est du Mexique, à Cozumel, près de Cancun, l'a été sans respecter les lois et les règlements du pays en matière d'environnement. Nous avons accepté cette requête.
À la différence des autres, les requérants allèguent que le pouvoir exécutif n'a pas fait ce qu'il était supposé faire. Il s'agit donc d'une cause parfaite pour ce genre d'instrument.
Aujourd'hui, après avoir demandé une réponse du gouvernement mexicain, nous envisageons de recommander au conseil de préparer une communication factuelle sur la question. D'ici quelques semaines, nous saurons ce que nous allons recommander.
Vous avez peut-être lu cela dans la presse. L'affaire a été diffusée à la télévision canadienne. Elle a également paru dans plusieurs des journaux canadiens à tirage national. Au Mexique, c'est certes un dossier important aujourd'hui.
Je dois dire que ce genre d'instrument n'est pas un instrument juridique à proprement parler. D'une certaine façon, c'est un instrument moral qui exerce une pression publique régionale sur un dossier particulier. Que nous décidions ou non de préparer une communication factuelle, il n'y aura aucune recommandation contraignante pour le Mexique. Mais elle exercera une pression régionale très forte, par le biais des médias et par le biais des deux autres gouvernements, en vue de résoudre le problème de la façon dont ils auraient dû le faire, si le cas se présente dans un dossier particulier. Mais il ne s'agit pas d'un tribunal. Nous ne sommes pas un tribunal. Nous suivons un processus dans le cadre duquel nous exerçons une pression régionale sur quelque chose qui est important dans un pays et qui pourrait comporter un volet régional.
Dans le cas présent, il s'agit d'une jetée qui est en construction à Cozumel et qui, selon les allégations, ne respecte pas les lois environnementales. La jetée se trouve tout près de la barrière de corail probablement la plus importante en Amérique du Nord. C'est une zone cruciale pour la reproduction d'espèces et d'écosystèmes marins. Il s'agit donc d'un dossier d'envergure régionale qui mérite qu'on s'y intéresse. C'est le troisième cas en notre possession.
Le quatrième cas concerne le Canada, plus particulièrement l'Alberta. Nous avons reçu un dossier alléguant que l'Alberta et le gouvernement fédéral n'appliquent pas leurs lois environnementales et tolèrent des niveaux élevés de pollution dans la région du lac Big, je crois, où il y a des terres humides en Alberta. Nous venons tout juste de recevoir ce dossier il y a une semaine et demie.
Hier, nous avons accepté la requête dans le cadre de la première étape de leurs exigences. L'étape suivante consiste à décider, d'après nos critères, si nous allons demander au gouvernement canadien de répondre à la requête. Nous n'avons pas encore décidé de le faire, mais c'est un dossier qui est devant nous et nous devons prendre une décision assez rapidement. C'est au moins la première étape, celle qui constitue le seuil de base. La requête a certes réussi à enclencher le processus.
Nous disposons également d'un autre mécanisme très important, dont j'aimerais vous parler, qui permet au secrétariat de la commission de rédiger et d'élaborer un rapport sur toute question particulière qui pourrait, selon nous, constituer un enjeu environnemental important, d'envergure régionale, en Amérique du Nord.
L'an dernier, nous avons rédigé un rapport sur la mortalité des canards, de la sauvagine migratrice, en Guanajuato dans le centre du Mexique. Environ 40 000 canards y sont morts. Les citoyens de la région ont présenté une requête au gouvernement mexicain pour en connaître les raisons. Ce dernier a donné une réponse qui n'a pas satisfait les citoyens. C'est une région très polluée comportant un bassin, une rivière qui est incroyablement polluée. C'est une région très industrialisée, avec beaucoup d'usines de chaussures et des tanneries et autres entreprises du genre. Les citoyens de la région n'étaient pas satisfaits de la réponse car ils pensaient qu'elle masquait un peu les problèmes et ils nous ont demandé d'intervenir et de présenter un rapport.
Nous l'avons fait. Nous avons rédigé un rapport. Nous l'avons imprimé et il a été rendu public par le conseil il y a quelques mois. À l'heure actuelle, le conseil est en train de se pencher sur les recommandations à formuler au Mexique et à ses pays membres pour essayer d'éviter de tels problèmes à l'avenir.
C'est donc une option qui s'offre à nous. Nous pouvons rédiger de tels rapports à partir de notre propre compréhension commune, au sein du secrétariat, des mesures qui devraient être prises. Nous pouvons également rédiger ces rapports à partir de requêtes du public sur les mesures à prendre.
Nous avons reçu une requête d'un organisme canadien en vue de rédiger un article sur un problème qui le préoccupe. Je tiens à le mentionner étant donné qu'il pourrait vous intéresser. C'est un problème qui existe en Ontario et qui ne date pas d'aujourd'hui. Il semblerait que la ville de Detroit pollue depuis longtemps la rivière Detroit sans déployer de gros efforts pour améliorer la situation. Il y a bien eu, de temps à autre, des poursuites de l'Agence de protection de l'environnement (APE) contre la ville. C'est une longue histoire. La Commission mixte internationale (CMI) travaille sur ce dossier depuis pas mal de temps. Il semble, du moins c'est ce que nous dit le requérant, que la situation ne se soit pas améliorée. La rivière Detroit arrose directement Windsor et d'autres régions du Canada et de l'Ontario, et les écosystèmes pollués présentent un risque pour la santé des Canadiens dans la région.
Nous avons étudié la question. Étant donné que la CMI se penche sur ce problème depuis longtemps, j'ai décidé de lui envoyer une lettre pour l'informer de la réception de cette requête et pour lui demander son avis et ce qu'elle fait à ce sujet. Nous devrons prendre une décision à ce sujet dès que nous recevrons une réponse de la CMI. Elle nous a promis une réponse la semaine prochaine après la réunion de ses commissaires. Voilà donc le genre de demande que nous recevons.
Je dois souligner que de tels mécanismes sont très intéressants pour ce genre de dossiers - c'est-à-dire des problèmes qui surgissent d'un côté de la frontière et affectent la santé ou l'environnement de l'autre côté. Jusqu'à présent, il y avait très peu de mécanismes, à l'exception de celui-ci, permettant aux citoyens et aux gouvernements de se plaindre à l'autre partie à propos d'événements qui se passent d'un côté de la frontière et qui touchent l'autre.
Dans le cas de la frontière américano-mexicaine, une grande partie de la pollution - du moins c'est ce qu'on a toujours cru mais j'ai mes doutes là-dessus - arrive du Mexique et se dirige vers les États-Unis. Ces derniers se plaignent toujours que le Mexique pollue leur territoire. Dans le cas du Canada et des États-Unis, il y a un paradoxe car il semble que, dans bien des cas mais pas tous, ce soit le contraire. Les États-Unis disent que ce n'est pas le cas au nord, mais que c'est le cas au sud.
Vous vous retrouvez donc, les Canadiens, devant une situation où vous pourriez examiner bon nombre de ces problèmes, dans le cadre des discussions trilatérales avec les Américains, avec beaucoup plus d'efficacité et de poids que dans un cadre bilatéral. Cela ne signifie pas que la commission prendra le relais dans tous les dossiers bilatéraux, mais pour certains des problèmes que vous avez étudiés de façon bilatérale depuis pas mal de temps, parfois sans beaucoup de succès, vous pourrez recourir à ce nouvel instrument pour obtenir de meilleurs résultats.
Vous aurez assurément un point de vue différent. Vous aurez une perspective régionale. Vous aurez l'exemple du Mexique, où les États-Unis adoptent la position que le Canada préconise dans de nombreux domaines. Ils ne pourront pas nier ce qui se passe et diverses activités ont des conséquences transfrontalières.
Nous disposons également d'un autre mécanisme davantage orienté vers le commerce; toutefois, il a trait à une participation intergouvernementale. Un pays membre de l'ALENA peut se plaindre à la commission qu'un autre signataire de l'accord présente des cas persistants de non-application des lois environnementales. J'insiste sur l'expression «cas persistants de non-application». À ce moment-là, il doit exister une certaine activité ou un secteur faisant l'objet d'échanges commerciaux entre les pays. Avec l'autre mécanisme, il n'est pas nécessaire d'avoir des liens commerciaux; dans ce cas, il le faut.
Un processus de résolution des différends, très traditionnel, commence avec un groupe spécial arbitral, etc. Il s'ensuit un long processus durant lequel les deux ou trois parties en litige disposent de nombreuses possibilités d'en arriver à une entente. Toutefois, à la fin, le groupe spécial peut imposer une compensation pécuniaire au gouvernement qui a présenté un dossier persistant de non-application des lois environnementales, si bien qu'en fin de compte, d'après ce que j'ai dit, l'engagement à respecter la loi lorsque vous ne le faites pas vraiment, et lorsque vous démontrez que vous persistez à ne pas vouloir l'appliquer... Vous subventionnez en quelque sorte une activité, puisque vous faites payer la société pour la pollution privée de cette industrie.
Je répète que cela a un rapport avec le commerce, parce qu'il faut que ce soit des secteurs ou des industries qui font des échanges commerciaux. Nous n'avons pas élaboré ce mécanisme. C'est un domaine sur lequel nous ne nous sommes pas penchés. Nous n'avons pas de lignes directrices précises sur la façon de faire... Aucun des gouvernements n'a déployé des efforts sérieux dans ce domaine et je n'entrevois pas de tels cas dans un avenir rapproché.
Nous parlons de cas persistants, et tout cela démarre donc avec les débuts de l'ALENA, en 1994. De telles situations devraient se présenter à l'avenir. Je n'en verrai probablement pas en ma qualité de directeur exécutif, si bien que c'est mon successeur qui viendra vous en parler le moment venu.
Vous devriez savoir que le Canada a négocié l'accord d'une façon telle que, chaque fois que le gouvernement fédéral a signé, seule la législation fédérale en matière d'environnement était en cause. Au Canada, les provinces ont beaucoup de lois et de champs de compétence. La situation est différente aux États-Unis et au Mexique. Dans le cas du Canada, la législation provinciale n'intervient pas dans ces processus et ces mécanismes, à moins que les provinces ne ratifient l'accord.
Il y a beaucoup d'oppositions et de subtilités à propos de l'adhésion des provinces, etc. mais jusqu'à présent une seule, à savoir l'Alberta, a ratifié l'accord. Nous prévoyons et nous espérons que les autres le feront bientôt.
Franchement, il me semble que les provinces ont beaucoup à gagner de leur participation. Je vous ai parlé du volet de la coopération régionale qui est, à mon avis, très important pour elles. L'évaluation aurait des incidences directes sur les provinces, non pas sur le gouvernement fédéral en tant que tel, et bon nombre de nos activités coopératives présentent un grand intérêt pour les provinces.
Après deux ans, j'aurais pensé qu'un plus grand nombre de provinces auraient ratifié l'accord, mais peut-être qu'elles ne souhaitent pas être assujetties à ces mécanismes, ceux dont nous venons de parler.
Si je comprends bien, elles y sont assujetties de toute façon. Si nous recevons un mémoire du public, provenant d'une province qui n'a pas ratifié l'accord, je pense que ce serait pire si nous répondions au public, en tant que commission, que nous ne pouvons pas étudier la question parce que la Colombie-Britannique ou l'Ontario ou le Québec n'a pas ratifié l'accord. À ce moment-là, le problème inquiéterait bien plus le public que si le secrétariat devait adopter, comme c'est le cas, une attitude neutre envers les différents dossiers et donner l'occasion au gouvernement provincial de se défendre et de présenter son dossier. Si la province n'est pas partie prenante au processus, elle ne peut pas présenter son dossier dans le cadre du processus. Le point de vue qui prévaudrait serait celui du requérant public.
Je vous dis que la question de la non-ratification de l'accord par les provinces m'inquiète énormément. Elle pourrait devenir un sujet de préoccupation très grave pour les deux autres parties et pourrait porter un coup fatal au gouvernement fédéral et aux provinces elles-mêmes. La non-participation au processus ne permettrait pas à la province de présenter son dossier sur le problème concerné et provoquerait un scandale plus grand à propos d'un manque de traitement équitable vis-à-vis des deux autres pays signataires de l'ALENA.
Monsieur le président, je vais arrêter là mon exposé. Je répondrai volontiers aux questions. J'espère que Janine m'aidera également à répondre aux questions et c'est avec plaisir que je vais dialoguer avec vous.
Le président: C'est très bien. Nous sommes d'accord. Et merci pour cet exposé.
Nous allons commencer tout de suite avec M. Asselin.
[Français]
M. Asselin (Charlevoix): À l'exception des pays de l'ALENA, c'est-à-dire le Canada, le Mexique et les États-Unis, votre organisme a-t-il beaucoup de dossiers ou de liens avec des pays étrangers, tels le Japon?
[Traduction]
M. Lichtinger: Nous avons amorcé des contacts informels avec divers organismes à vocation environnementale. Nous avons eu beaucoup de contacts avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement. Nous suivons de très près ce que fait l'ONU et nous lui emboîtons le pas au niveau des efforts globaux qu'elle déploie. Par exemple, elle a un programme qui étudie les sources de pollution terrestres et essaie de trouver un accord global. Nous avons un programme qui cadre bien avec cet effort global en vue de réduire les sources de pollution des océans. Nous collaborons bien sûr à bien des efforts globaux qui sont déployés dans le monde.
Nous emboîtons également le pas pour les questions de changement climatique et nous nous efforçons de promouvoir la collaboration entre les trois pays de l'Amérique du Nord dans le domaine du changement climatique.
Nous collaborons à une nouvelle convention sur la biodiversité, qui aura son siège à Montréal. En fait, la nouvelle commission sur la biodiversité aura ses bureaux juste au-dessus des nôtres, dans le même immeuble. Nous avons eu une rencontre hier avec le secrétaire exécutif de la commission, M. Juma. J'ai eu une longue réunion avec tout mon personnel et avec M. Juma. Il se trouve actuellement dans la même position que moi il y a deux ans: il est seul et il a besoin d'aide, et nous allons l'aider à s'installer à Montréal. Nous développons des partenariats avec leurs programmes, etc.
Nous avons également des liens informels avec l'OCDE. Nous avons dressé un certain contexte avec cette organisation. Nous collaborons avec eux pour trouver une étude de cas que nous pourrions réaliser dans le cadre du programme de l'OCDE. Comme vous le savez, les trois signataires de l'ALENA sont également membres de l'OCDE.
Nous commençons également à étudier les liens avec le processus de la Coopération économique Asie-Pacifique (CEAP). Il y a un mois, je suis allé au GLOBE à Vancouver et j'ai fait un exposé devant toutes les délégations de la CEAP, dont la Chine, la Thaïlande et l'Indonésie, en plus du Mexique, du Canada et des États-Unis, sur les besoins de la commission.
Monsieur le président, vous avez fait état de l'importance du lien entre l'environnement et le commerce. À notre avis, nous figurons parmi les rares - je ne dirai pas que nous sommes les seuls car la Commission européenne a acquis beaucoup d'expérience dans ce domaine - mais nous sommes l'une des rares organisations à entretenir des liens et à jouer un rôle dans le couple environnement-commerce, qui sont des volets complémentaires.
Les délégations de la CEAP étaient impatientes de connaître nos activités. On m'a posé beaucoup de questions et ce fut une rencontre très intéressante.
Nous essayons également d'avoir notre mot à dire sur ce qui se passe dans l'hémisphère. Comme vous le savez, des efforts sont déployés pour instaurer le libre-échange dans l'hémisphère, à l'intérieur du continent américain. Encore une fois, le lien entre le commerce et l'environnement est un enjeu. Vous savez que le Canada négocie un accord de libre-échange avec le Chili car ce pays a été incapable de négocier avec l'ALENA en raison du manque de procédure accélérée. Très sagement, le gouvernement canadien - et je le félicite vraiment pour cette initiative - négocie un libre-échange avec un accord parallèle sur l'environnement semblable à celui que nous avons à la commission au sein de l'ALENA. Cette démarche facilitera l'adhésion du Chili à l'ALENA plus tard lorsque la situation aux États-Unis sera meilleure pour permettre au gouvernement d'accélérer les décisions.
Nous constituons, dans un sens, un exemple de cohabitation entre l'environnement et le commerce. Je ne pense pas que nous soyons le seul. Nous représentons un exemple pilote qui pourrait révéler plus tard la présence de certaines carences, parce que c'est le cas, mais nous représentons un premier pas dans la bonne direction pour établir ce lien.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Asselin.
[Traduction]
Monsieur Forseth.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté vos propos concernant les provinces, l'Alberta étant la seule à avoir ratifié l'accord. Vous pourriez peut-être expliquer davantage le processus de ratification. Implique-t-il également un engagement monétaire de la province une fois qu'elle a signé?
M. Lichtinger: Je dirai que le processus de ratification est très simple. Il faut qu'il vienne du pouvoir exécutif et passe par les parlements provinciaux.
Si une contribution monétaire s'avère nécessaire, c'est le gouvernement fédéral qui devra en discuter avec les provinces; nous ne sommes pas au courant de cela. L'accord est muet à ce sujet. C'est une question interne entre le gouvernement canadien et les provinces et c'est à eux de décider si la ratification implique des déboursés financiers ou non.
Je ne pense pas que ce soit un véritable problème car il n'y a pas de gros sous en jeu. La contribution du Canada s'élève en dollars canadiens... ou plutôt en dollars américains elle atteignait 3 millions de dollars par an pour l'an dernier. Nous espérons évidemment obtenir un budget légèrement supérieur cette année. Nous avions si peu étant donné que nous étions en pleine croissance, mais maintenant que tout est en place, nous espérons obtenir un budget plus étoffé. Mais nous ne parlons pas de grosses sommes si on divise ce montant entre plusieurs provinces. C'est au Canada qu'il incombe de prendre cette décision lui-même. Ce n'est pas quelque chose qui est déterminé d'avance.
M. Forseth: Je me demande si vous pourriez décrire un peu plus en détail ce qu'est vraiment la ratification. S'agit-il d'une forme de reconnaissance accordée à une certaine liste ou à un certain protocole avant d'adopter un décret ou quelque chose du genre, plutôt que, disons, une loi provinciale? Voulez-vous décrire davantage l'essence même de la ratification.
Mme Janine Ferretti (directrice, Commission de coopération environnementale): À notre point de vue, il existe un accord entre le gouvernement fédéral et chacune des provinces et le processus voudrait que les gouvernements provinciaux y apposent leur sceau.
Je ne sais pas exactement comment cela se traduit dans les faits dans chacune des provinces. Je ne suis pas certaine si cela exige des mesures législatives. Je sais que c'est le cas dans certaines provinces mais je ne suis pas certaine que ce soit le cas pour toutes les provinces. Cependant, une fois qu'une province a ratifié cet accord intergouvernemental entre le gouvernement fédéral et les provinces, elle en avertit ensuite les deux autres parties signataires de l'accord nord-américain, à savoir les États-Unis et le Mexique, et son nom est ajouté à l'annexe. L'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement (ANACDE) comporte une annexe qui énumère les provinces ayant signé cet accord fédéral-provincial. J'imagine que quelqu'un comme Mel Cappe pourrait vous donner une meilleure réponse pour ce qui est des modalités et des obstacles rencontrés.
Le président: Merci.
M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Je suis d'accord avec M. Lichtinger à propos de l'importance de la commission en tant que modèle international. Je pense que nous innovons en la matière et que la commission pourrait constituer un instrument et un modèle exceptionnels dans les interrelations entre le commerce et l'environnement. Quant à l'avenir, elle pourrait devenir un modèle formidable au fur et à mesure de la mondialisation des échanges commerciaux.
J'aimerais poser trois questions à M. Lichtinger.
Premièrement, à propos de la coordination, je me rends compte que les gouvernements demeurent souverains. Toutefois, en même temps, il y a une sorte de dichotomie par le fait que le gouvernement est représenté directement à votre conseil, si bien que vous prenez des décisions au sein de ce conseil qui entrent parfois en conflit avec des décisions prises par les gouvernements dans d'autres tribunes.
Sur la question des produits toxiques - je prendrai le plomb comme exemple - vous pourriez adopter une position endossée par le conseil mais les gouvernements pourraient par la suite adopter une position différente. Comment envisagez-vous une meilleure coordination entre vos recommandations, endossées par votre conseil, et les décisions prises par les gouvernements sur une base souveraine?
Deuxièmement, quelle incidence a, selon vous, la commission sur l'avenir des échanges commerciaux en Amérique du Nord et en Amérique du Sud si le Chili adhère à l'ALENA? Vous avez parlé de l'accord parallèle sur l'environnement que le Canada négocie avec le Chili. La commission y participera-t-elle? Sera-t-elle l'instrument d'exécution de cet accord parallèle sur l'environnement? Si nous devions créer un autre instrument dans ce but, je pense que ce serait très contre-productif. Si l'on envisage l'avenir, si les deux Amériques se retrouvent dans un bloc de libre-échange, quelle évolution voyez-vous? La commission ne devrait-elle pas être le seul instrument chargé de coordonner tout cela? À votre avis, que va-t-il se passer? Ce serait alors une tâche gigantesque.
Enfin, une question qui préoccupe beaucoup d'entre nous, surtout par le fait que nous venons tout juste d'avoir une rencontre dans l'Arctique - vous y avez fait allusion dans votre exposé - au sujet des polluants transfrontaliers... Ce que vous avez dit à propos de l'article paru aujourd'hui dans le Globe and Mail, nous l'avons entendu très clairement à Yellowknife l'autre jour. Partout où vous allez, la question des polluants transfrontaliers est peut-être la plus délicate de toutes. Vous avez adopté une attitude très dynamique en la matière. Au vu de ce qui passera à l'avenir à propos de la généralisation des accords parallèles sur l'environnement à des pays comme le Chili et à l'Amérique du Sud et ainsi de suite, comment envisagez-vous votre rôle futur - que vous assumerez j'espère - dans le domaine des polluants transfrontaliers transportés sur de longues distances?
M. Lichtinger: J'aime ces questions parce qu'elles donnent lieu à des réponses. Permettez-moi de commencer par la dernière, celle qui concerne les polluants transfrontaliers. Nous en faisons l'une de nos principales priorités. Nous avons au moins trois projets différents qui s'adressent à la même question. Nous ne sommes pas ici, en tant que commission, pour répéter ce que les gouvernements font déjà; nous sommes là pour compléter leur travail.
Les trois gouvernements luttent pour réduire la pollution sur leur propre territoire. Toutefois, ils ne tiennent pas compte des conséquences de leurs émissions sur d'autres territoires, proches ou non, car il s'agit là de polluants transportés sur de longues distances.
L'une des principales tâches d'une commission régionale consiste à examiner ces dossiers importants à l'échelle régionale. Notre rôle vise à sensibiliser davantage les intervenants à l'importance de ce problème et à favoriser une discussion entre les gouvernements et les citoyens des trois pays sur la façon de résoudre ces problèmes.
À long terme, nous envisageons d'adopter des moyens plus officiels et plus juridiques de résoudre le problème du transport à longue distance des polluants entre les trois pays et de collaborer pour essayer de surveiller et de comprendre les dossiers, leurs incidences sur la santé et les responsabilités qui incombent à chacune des parties. Lorsque nous intensifierons les échanges commerciaux et les relations, par le biais de la commission ou d'une autre façon, ce sera également un facteur clé à l'échelle continentale.
Je réponds donc par l'affirmative à votre dernière question, car nous considérons qu'il s'agit d'un rôle primordial pour la commission et c'est l'un des domaines dans lesquels le Canada peut jouer un rôle de chef de file en tant que pays. La commission est composée de trois pays et nous ne pouvons imposer des idées à aucun d'entre eux. Bon nombre des décisions sont prises par consensus. Un vote est possible mais il faut un chef de file à côté du secrétariat pour faire avancer les idées.
Des dossiers de ce genre - vous avez deux des plus grands bassins de pollution, à savoir les Grands Lacs et l'Arctique - ont toujours été importants pour le Canada et le demeureront à l'avenir. J'espère que le Canada assumera un rôle capital de chef de file dans la région et au niveau international pour aider le secrétariat à réaliser cela. Nous avons l'intention d'appuyer fermement cette possibilité.
Permettez-moi d'aborder les autres questions. Celle de la coordination est importante. Notre mandat débute maintenant. Nous commençons à formuler des recommandations sur divers dossiers - les polluants, la réduction des émissions, des recommandations pour résoudre des problèmes particuliers comme la question de la seauvagine, et différentes questions au niveau des politiques environnementales.
Nous devrons bientôt élaborer une politique de suivi et d'examen. Il est important que les gouvernements soient justiciables et éprouvent un sentiment d'engagement envers le public nord-américain dans son ensemble et envers leurs propres citoyens... à l'égard des engagements qu'ils prennent au sein du conseil et de la commission.
À mon avis, l'un des principaux rôles futurs du secrétariat consistera à examiner la façon dont les gouvernements et les sociétés ont suivi et mis en oeuvre les recommandations qu'ils imposent aux autres et à eux-mêmes. Je m'attends à ce que ce rôle prenne de l'importance pour nous à l'avenir, et assurément pour le public également. Ce dernier peut venir nous consulter dans le cadre de ces mécanismes très ouverts dont nous disposons et nous dire en toute franchise que, quel que soit l'engagement pris, rien ne se passe. Nous avons les mécanismes et les possibilités.
Nous pourrions relever de nombreux exemples. Il y aura des recommandations sur des sujets particuliers comme l'élimination progressive des polluants, par exemple les BPC ou le DDT. En tant que commission et que gouvernements, nous serons justiciables de tout cela et nous devrons répondre de nos actes.
M. Clifford Lincoln a posé une troisième question, très brièvement, à savoir l'incidence des échanges commerciaux continentaux sur la commission. Jusqu'à présent, la question du Chili a été négociée avec un accord parallèle sur l'environnement. Je ne pense pas que, si le Canada signe un accord de libre-échange avec le Chili, la commission prendra automatiquement la relève dans ce lien. Jusqu'à présent, cette relation, l'accord de libre-échange, est bilatérale entre le Canada et le Chili. Mais elle pave la voie à l'adhésion prochaine du Chili à l'ALENA, et il est certain qu'à ce moment-là il sera plus automatique et plus logique que le Chili entre dans la sphère d'influence de la commission.
Pour l'ensemble du continent, j'ai constaté une grande résistance de la part des pays de l'Amérique du Sud, en particulier, à l'établissement d'un lien entre le commerce et l'environnement. Ils considèrent toujours la question comme un nouvel obstacle aux échanges commerciaux, comme un fardeau possible imposé par les pays développés aux pays en développement, l'éternel dialogue Nord-Sud. La commission a un rôle à jouer, si les gouvernements nous le permettent, en particulier le Canada, les États-Unis et le Mexique, pour donner l'exemple de la cohabitation possible du commerce et de l'environnement face à la souveraineté des pays et de la complémentarité possible, comme le dit Christopher Warren, du commerce et de l'environnement.
Nous offrons l'option d'un mécanisme capable de le faire. De fait, nous sommes convaincus que nous aurons un rôle capital à jouer dans la phase continentale. Toutefois, c'est une question délicate car le Mercosur, c'est-à-dire l'accord de libre-échange sud-américain, ne comporte pas de volet environnemental. Il s'objecte à l'idée d'avoir un volet environnemental.
Le président: Merci. Monsieur Steckle.
M. Steckle (Huron - Bruce): J'attendais avec impatience cette matinée car je ne savais pas grand chose de la commission, de ses limites et de ses débuts.
C'est de toute évidence un organisme tout récent. Si je comprends bien, son concept est né de la réalisation de l'ALENA. Le mandat qui vous a été confié est-il suffisamment large? Anticipez-vous une modification de ce mandat si les trois pays signataires de l'accord font une évaluation en cours de route? Pensez-vous que ce mandat sera modifié en raison de certains des commentaires? En ce qui concerne le Canada, la non-ratification de l'accord par les provinces est-elle préjudiciable au genre de travail que vous pouvez effectuer? Serait-il préférable que les provinces ratifient l'accord? Dans le cas des questions provinciales, certaines sont très localisées.
Ce qui me préoccupe, c'est essentiellement que même si vous pouvez faire des recommandations et des suggestions et relever les carences au niveau de l'application des lois environnementales... Laissez-moi vous donner un exemple.
Vous avez mentionné que 40 000 oiseaux sont morts au Mexique à cause de certains contaminants ou pour une raison quelconque. Ces oiseaux étaient peut-être nés au Canada. Je ne sais pas de quels oiseaux il s'agissait, mais étant donné que le Canada dépense des millions et des millions de dollars pour mettre en valeur un habitat de reproduction pour eux, et qu'ensuite nous constatons que ces oiseaux, nés ici grâce à un programme très fructueux, s'envolent vers un autre pays où ils finissent par mourir... Ces habitats sont mis en valeur pour élever les oiseaux à des fins de chasse sportive, ce qui fait partie de l'économie qui travaille non seulement pour nous mais également pour les habitants d'autres régions du pays.
Que pouvons-nous faire? Je vous cite cela à titre d'exemple tangible. Il y a bien ces polluants qui se déplacent d'une région du pays à l'autre, mais nous pouvons voir les oiseaux tandis que nous ne pouvons pas toujours voir les polluants. Prenons quelque chose de concret dont nous pouvons parler.
Comment pouvons-nous impressionner un autre pays si, par exemple, c'est le cas... Cela pourrait être l'inverse et je ne mentionne cette situation que parce qu'elle est facile à comprendre. Comment pouvons-nous donner du muscle à la commission quand vous ne pouvez que formuler des recommandations, quand vous ne pouvez essentiellement pas forcer un pays à prendre des mesures contre son gré? Disposez-vous d'un mécanisme par lequel vous pouvez faire un retour en arrière à un moment donné et dire que vous n'obtenez pas la réponse escomptée, si bien qu'il vous faut un mandat plus large?
M. Lichtinger: Bien sûr qu'il existe un rapport, mais j'aimerais que Janine Ferretti réponde à la partie concernant les canards. Il y a plusieurs projets dans ce domaine, sur les oiseaux chanteurs, sur les monarques, sur les espèces migratrices.
Le mandat est-il suffisamment large et évolue-t-il? Assurément, le mandat est très large, mais il n'est pas assez précis. À titre de premier directeur exécutif, de première équipe et de premier secrétariat, nous nous sommes efforcés, avec les gouvernements, de concentrer l'impact et les activités de la commission sur les dossiers qui sont utiles, qui sont importants, comme ceux dont nous avons parlé auparavant concernant les polluants et les espèces migratrices. Il s'agit là des dossiers, comme vous le dites, que nous pouvons considérer comme des questions communes aux trois pays, et les activités effectuées dans un pays seraient complémentaires aux activités et aux besoins des autres.
Nous avons donc essayé de concentrer notre travail sur ces genres de questions. Mais il s'agit de questions très différentes. Elles vont de la conservation aux polluants, du vert au brun, des questions législatives à l'apprentissage d'expériences, etc.
Dans cette veine, la non-ratification par les provinces est-elle préjudiciable? Je dirais que oui parce que nous n'avons pas été en mesure de collaborer directement avec les administrations provinciales. Elles occupent une grosse part des champs de compétence en matière d'environnement qui couvrent les déchets, les émissions, la protection des habitats, la protection des forêts qui abritent bon nombre des habitats. Les champs de compétence avec lesquels nous traitons relèvent en grande partie des provinces. L'application de la loi sur l'environnement se fait au niveau provincial. Nous avons un groupe de travail qui examine la collaboration en matière d'application de la loi. Dans le cas des États-Unis et du Mexique, l'application de la loi est très forte au niveau du gouvernement fédéral. Au Canada, ce n'est pas le cas; l'application des lois se fait surtout au niveau provincial.
Alors je vous réponds que oui, que la situation a définitivement une incidence sur le niveau d'engagement du Canada, sur son niveau de participation et sur notre avenir comme institution utile au Canada lui-même. Nous avons notre siège au Canada mais cette implantation physique en sol canadien ne signifie pas automatiquement que nous sommes utiles au Canada. Nous aurions beaucoup plus de chances d'être utiles au Canada si les provinces étaient des joueurs actifs.
À propos des canards et des espèces migratrices, je crois que vous avez raison - ce sont là les choses visibles. Ce sont là les choses dont se préoccupe vraiment le public car il voit les canards près de chez lui. Il voit les monarques arriver dans son jardin en Ontario et ailleurs; il les voit vraiment.
Je vais laisser Janine Ferretti vous donner une explication pour répondre à votre question.
Mme Ferretti: En réalité, les canards sont gérés en vertu d'une stratégie nord-américaine, appelée Plan nord-américain de gestion de la seauvagine, qui a plutôt bien réussi jusqu'à présent à mettre en valeur des habitats, comme vous l'avez mentionné.
Lorsque ces canards sont morts, il est apparu clairement que ce plan ne couvrait pas très bien un point, à savoir que l'habitat soit propre et puisse soutenir ces populations, tout en offrant un certain renforcement des capacités ou un soutien, en particulier au Mexique, pour affronter les urgences épidémiologiques touchant la faune. Lors de notre véritable enquête, nous avons constaté que les canards étaient morts de botulisme, mais que les contaminants ont pu jouer un certain rôle. Ironie du sort, 100 000 oiseaux sont morts par la suite en Alberta - je pense que c'était un mois plus tard - également de botulisme.
Il s'agit donc d'un problème commun aux trois pays. Nous en avons averti les trois gouvernements et nous leur avons dit que ce problème les concernait tous les trois en leur demandant s'ils pouvaient, à titre d'agences fauniques, élaborer des mesures coopératives de surveillance et d'urgence en cas d'épidémies touchant la faune. Des rencontres sont prévues pour examiner cette question.
D'autres espèces ne bénéficient pas de ce type de protection nord-américaine, notamment les oiseaux chanteurs et les rapaces. Vous avez peut-être entendu parler des buses de Swainson - je crois que 700 d'entre elles ont péri au Chili après avoir mangé des sauterelles contaminées par un certain pesticide, qui était même pulvérisé directement. Les rapaces et les oiseaux chanteurs ne bénéficient donc pas de ce genre de protection. Au sein de la commission, nous participons à l'identification d'importantes zones aviaires dans les pays libres, ainsi qu'à l'élaboration du fondement d'une stratégie nord-américaine de protection de ces oiseaux chanteurs et de ces rapaces. Nous espérons y parvenir au cours des deux prochaines années.
Les monarques constituent une autre espèce sur laquelle nous faisons des recherches pour essayer d'obtenir une certaine collaboration nord-américaine. Le Mexique et le Canada collaborent, mais nous savons que les États-Unis se trouvent entre les deux pays, et nous savons également que des pressions sont exercées sur les aires d'hivernage au Mexique.
Le président: Merci. Monsieur Finlay.
M. Finlay (Oxford): Je tiens à présenter mes excuses à nos témoins en raison de mon absence durant la présentation de leur exposé. Toutefois, j'ai lu les notes d'information que j'avais reçues hier.
Monsieur le président, si j'aborde des sujets déjà traités, veuillez m'interrompre. J'aimerais emboîter le pas aux propos de M. Lincoln et de M. Steckle, parce que j'ai lu deux phrases, dans la documentation, sur lesquelles j'aimerais quelques éclaircissements.
Au fait, je pense que la dernière réponse nous a dit clairement, si ce n'était pas déjà clair dans notre esprit après deux années et demie passées sur la Colline, que le Canada est un pays très difficile à gouverner, probablement plus que tout autre pays en Amérique du Nord. C'est peut-être une bonne chose; je ne dis pas que c'est une mauvaise chose. Nous semblons arriver à une époque où le public devra contrôler son propre avenir indépendamment des gouvernements, tant national que provinciaux. Nous apprendrons peut-être à le faire si nous persévérons.
À la page 3 de la documentation que j'ai en main, on peut lire que la participation des citoyens à la CCE se fait par le biais du CCPM - je fais partie des gens qui détestent ces acronymes, mais voici il s'agit du Comité consultatif public mixte composé de 15 membres bénévoles - ainsi qu'en présentant des mémoires en cas d'allégations de non-application des lois environnementales.
Ensuite, le dernier paragraphe stipule qu'en vertu de l'article 13 de l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement (ANACDE), qui est l'accord parallèle à l'ALENA... Au fait, je suis très heureux qu'il existe et soit en vigueur car il fait partie des promesses faites par notre parti au cours de la dernière élection. Les gens l'ont largement dédaignée. Vous devez donc porter le flambeau et faire le travail afin que nous puissions dire que nous y sommes sensibles.
En vertu de l'article 13 de cet accord, qui permet au secrétariat de rapporter au conseil toute question environnementale ayant trait aux fonctions coopératives de l'accord, mais sans rapport avec la non-application par une partie de ses lois environnementales, si le public fait une proposition au CCPM alléguant que les lois environnementales n'ont pas été appliquées mais que vous n'avez aucun pouvoir d'application, qu'arrive-t-il à...? Si quelqu'un se tourne vers cette instance et dit qu'elle ne fonctionne pas, et si ensuite cette instance vous fait rapport en tant que secrétariat, qu'arrive-t-il alors? Peut-il se passer quelque chose?
M. Lichtinger: Oui, assurément. Tout d'abord, les propositions arrivent au secrétariat, pas au CCPM, le Comité consultatif public mixte, qui n'est qu'un comité consultatif. Le secrétariat prépare des communications factuelles sur le sujet, mais c'est l'article 14 et l'article 15.
L'article 13 est le rapport que nous pouvons rédiger, qui habituellement - je pense que la phrase n'est pas entièrement exacte - ne portera pas sur les questions d'application. Mais l'article 14 permet au secrétariat d'examiner les propositions du public concernant la non-application des lois et d'en faire des communications factuelles et de les rendre publiques.
Ce qui arrive, comme je l'ai dit dans mon exposé, c'est que nous avons une sorte de facteur de pression régionale. Nous sommes une sorte de facteur de honte, d'autorité morale dans une certaine mesure, qui examine des dossiers particuliers en Amérique du Nord. Comme vous le dites fort justement, nous n'avons pas de pouvoirs d'exécution, étant donné que chaque nation, chaque pays, fait appliquer ses propres lois environnementales, et les décisions et les communications factuelles ne peuvent pas être contraignantes pour les gouvernements eux-mêmes, mais elles exercent une pression régionale sur la non-application des lois environnementales.
Je dois dire, monsieur Finlay, qu'il s'agit d'un problème qui rend les gouvernements plus nerveux que les éventuelles amendes ou sanctions qu'ils pourraient se voir imposer dans le cadre d'autres processus, car ils préfèrent une amende pécuniaire à la parution d'un article dans le New York Times.
M. Finlay: Merci beaucoup.
Le président: Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Je tiens à vous féliciter pour votre rapport annuel très accessible et très complet sur vos programmes. Il comporte assurément une panoplie de sujets et de projets terriblement tentants que l'on voudrait pouvoir suivre et sur lesquels on aimerait obtenir plus de renseignements.
Mes deux sujets de préoccupation concernent le changement climatique et la comptabilité environnementale, si bien que mes deux questions iront dans ce sens.
Je me demande comment la commission peut agir pour nous aider à tenir nos engagements concernant le changement climatique. Deuxièmement, pourriez-vous éclairer davantage les membres du comité sur ce que vous faites en matière de comptabilité des ressources naturelles? J'ai remarqué que c'est un de vos... Est-ce effets ou objectifs? C'est un objectif, je crois.
M. Lichtinger: Je vais demander à Janine Ferretti de répondre à la question portant sur le changement climatique. C'est un domaine sur lequel elle se penche vraiment à l'heure actuelle au sein de la commission.
La comptabilité des ressources naturelles est un projet que nous avons amorcé l'an dernier. Nous avons effectué une petite étude de la situation dans les trois pays, pour essayer de savoir si la commission pourrait acquérir une valeur ajoutée dans ce domaine qui, je suis d'accord avec vous, est un enjeu très important.
L'étude nous a révélés que les trois gouvernements étudiaient un peu la question. Le Mexique dispose d'un bureau qui essaie d'avoir une sorte de comptabilité verte. Le Canada dispose également d'une initiative au sein, je crois, d'un des bureaux de la statistique. Les États-Unis étudient également la question.
Plusieurs initiatives internationales examinent les méthodologies. Les programmes économiques des Nations Unies se penchent là-dessus depuis déjà plusieurs années. L'OCDE y travaille et essaie de s'infiltrer dans le volet des incitatifs économiques pour la conservation et l'utilisation des ressources naturelles liées à l'élément de comptabilité verte.
À vrai dire - et cela est arrivé dans bien des cas, ce n'est pas le seul - nous sommes arrivés à la conclusion que, tout au moins pour le moment, nous ne pouvions pas apporter une grande contribution aux travaux en cours, parce que nous recherchions des dossiers d'envergure régionale sur lesquels nous pourrions avoir un véritable impact. Nous avons examiné des dossiers, surtout la première année, dans lesquels nous ne ferions pas double emploi avec les travaux déjà entrepris par d'autres organismes internationaux.
En matière de comptabilité verte, nous n'avons pas trouvé de créneau pour la commission, même si - comme je vous le dis personnellement et comme l'équipe doit certainement le penser aussi - il s'agit d'un dossier important, parce que c'est un sujet que l'on ne prend pas vraiment au sérieux avant de comprendre que l'exploitation et l'utilisation des ressources naturelles ont une incidence sur la croissance, non seulement sur le revenu que vous créez mais également sur le caractère renouvelable de cette ressource. On ne prend pas vraiment la question au sérieux, sur le plan des politiques, tant que l'on n'a pas de comptabilité verte crédible. Nous n'avons pas vraiment de programme substantiel et important sur le sujet.
À propos du changement climatique, c'est le cas, pour certains volets de la question, et j'aimerais que Janine Ferretti vous donne quelques explications à ce sujet.
Mme Ferretti: Nous abordons le changement climatique avec deux initiatives distinctes. La première consiste à promouvoir l'efficacité énergétique en Amérique du Nord. Nous faisons face à une situation dans laquelle chacun des trois pays possède des expériences différentes et nous sommes d'avis que si nous pouvons réellement améliorer la connaissance et la compréhension de ces expériences et en faire davantage une pratique courante quotidienne, nous ferons vraiment de gros progrès en vue d'atteindre certains des objectifs visant à réduire en fin de compte certaines des émissions de dioxyde de carbone.
À cet égard, il existe deux initiatives distinctes. La première consiste à élaborer un protocole commun de mesurage des gains d'efficacité grâce à des critères différents afin que les trois pays s'entendent sur la définition d'un gain d'efficacité et sur la façon de le mesurer pour pouvoir réellement quantifier un investissement effectué dans l'efficacité énergétique. Ce genre de compréhension commune n'existe pas.
La deuxième vise à promouvoir l'utilisation d'un protocole de vérification de l'efficacité énergétique - les deux sont reliés - et à établir des mécanismes financiers qui faciliteraient l'accès des petites et moyennes entreprises, en particulier dans les trois pays, à la technologie et à l'information portant sur l'efficacité énergétique.
Le deuxième projet que nous entreprenons a trait à la mise en oeuvre conjointe (MOC). Un certain nombre de discussions sont en cours à l'échelle mondiale sur la MOC et ses mérites, et nous avons pensé, en tant que région nord-américaine, être capables de contribuer à une meilleure compréhension des dossiers controversés entourant cette MOC, sur la façon de les résoudre efficacement.
Enfin, dans le cadre d'un projet pilote, l'examen, l'élaboration et l'amorce de quelques initiatives de MOC, en comprenant bien que nous devons examiner ces initiatives de MOC fondées sur la technologie et aussi sur les puits de carbone, la mise en oeuvre conjointe...
Mme Kraft Sloan: Qu'est-ce que cela signifie donc?
Mme Ferretti: Cela signifie que, par exemple, dans ce cas une entreprise canadienne ferait un investissement dans un projet situé, par exemple, au Mexique et en retirerait des crédits. Comme le sait le président, c'est une question controversée qui déclenche beaucoup d'inquiétudes.
Dans un contexte nord-américain, les trois gouvernements voulaient en réalité examiner ces dossiers conjointement dans le cadre d'une région nord-américaine.
Le président: Avant d'amorcer un deuxième tour rapide de questions, le président aimerait en poser quelques-unes.
Comme Mme Kraft Sloan, je tiens également à vous féliciter pour votre rapport annuel et votre budget. C'est extrêmement bien fait.
Ce qui m'a frappé, c'est que sous le titre Centre d'information sur la technologie, étant donné l'importance de ce poste, vous avez un budget très modeste.
Je suppose que vous vous battez comme tout le monde pour réaliser la quadrature du cercle, mais il me semble que les progrès technologiques représentent un facteur très important pour progresser en matière de prévention de la pollution, etc. Je me demande donc si vous envisagez une expansion de ce secteur de vos activités.
Deuxièmement, comme vous le savez, notre comité a publié un rapport intitulé «L'examen de la LCPE». Il a été présenté au gouvernement qui y a répondu. Ce dernier est actuellement en train de rédiger sa position définitive et, au cours de l'été, il est censé préparer un projet de loi.
En dépit de vos réserves au sujet de la souveraineté, monsieur Lichtinger, il me semble qu'il n'y aurait rien de mal à voir votre commission formuler certaines pensées et certains commentaires officiels au gouvernement au moment même où il rédige son rapport. Vous pourriez faire des commentaires, comme bon vous semble, sur n'importe quelle partie du rapport d'examen de la LCPE, en particulier sur tout ce qui empiète sur le rôle de la commission ou a un rapport avec elle. Cela pourrait être considéré comme un rôle tout à fait légitime de votre part.
Ceci m'amène à ma dernière question: comment faites-vous avancer les normes environnementales internationales? Que faites-vous à ce sujet? Comment envisagez-vous de le faire? En les faisant progresser, vous ferez également avancer les normes nationales.
Ceci me ramène aux commentaires et aux questions de M. Lincoln et également à certains de vos commentaires, monsieur Lichtinger, sur la pollution transfrontalière. Nous faisons face ici à un grave problème, surtout dans l'Arctique, comme d'autres intervenants l'ont déjà mentionné. S'il existe un élan nord-américain en faveur d'une norme environnementale internationale pour les polluants transfrontaliers, cela pourrait également avoir des répercussions en Europe et dans d'autres régions du monde. Nous dépasserions enfin la vitesse de tortue à laquelle nous avançons à l'heure actuelle pour aboutir à des protocoles internationaux.
Comme vous le savez, nous disposons d'un protocole sur le dioxyde de soufre, qui n'est pas trop mauvais, selon la majorité des points de vue. Des travaux sont en cours et aboutiront bientôt à un protocole sur les polluants organiques.
Il me semble, comme vous l'avez déjà entendu, que le public des trois pays serait très reconnaissant si des efforts supplémentaires étaient déployés par la commission elle-même en faveur de cet élan mondial. J'ai l'impression - et j'aimerais entendre vos points de vue - que les efforts pourraient être mieux canalisés en favorisant les normes environnementales internationales actuelles afin d'entraîner dans leur sillage de meilleures normes nationales. Qu'en pensez-vous?
M. Lichtinger: Tout d'abord, permettez-mois de répondre au sujet du centre d'information sur la technologie. Oui, il s'agit d'un budget très faible, mais je pense que c'est une question de présentation.
L'an dernier, nous avions consacré un budget plus substantiel à ce projet. Nous avons noté un intérêt et un besoin en Amérique du Nord en vue de regrouper les différents efforts déployés et d'avoir un centre d'information sur la technologie qui étudierait les dossiers du point de vue du consommateur et non du point de vue du producteur de la technologie.
Nous avons constaté, en particulier chez les petites et moyennes entreprises des trois pays, qu'il est très difficile de comprendre le marché des autres pays, de savoir quelles technologies s'appliquent à leurs problèmes et quels sont les engagements en matière d'observation des lois. Nous sommes d'avis qu'un tel centre d'information est indispensable.
Le problème, c'est que nous avons réalisé que l'implantation d'un tel centre d'information exigerait beaucoup d'argent. Ce très modeste budget que vous voyez traduit l'intention de rechercher un ou plusieurs partenaires financiers qui seraient intéressés à prendre la relève pour concrétiser ce projet.
Nous avons déjà réalisé une étude de pré-faisabilité du centre d'information que nous «vendons» à différents gouvernements, fondations, organismes, etc., pour tester leur intérêt.
Nous pensons également que ce projet s'auto-financera, du moins à long terme, et nous pourrons facturer ce genre de service. C'est la raison pour laquelle nous y avons consacré si peu d'argent, étant donné que nous avons déjà effectué le travail. Nous en sommes actuellement à la dernière phase du projet.
J'espère que nous pourrons trouver des partenaires. Ce n'est pas facile car les grandes sociétés, surtout les grandes entreprises de technologie, veulent avoir leurs propres moyens d'atteindre les consommateurs. D'une certaine façon, nous ne cadrons pas avec les intérêts de ces grandes sociétés, mais nous nous préoccupons assurément des petites et moyennes entreprises dans les trois pays et nous pensons que le jeu en vaut la chandelle.
À propos du rapport sur l'examen de la LCPE, monsieur le président, je dois vous dire que nous l'avons lu très attentivement. Nous le suivons et nous nous y référons et nous avons même utilisé dans nos programmes certaines des idées qu'il contient. Nous avons quelque peu régionalisé deux ou trois de vos recommandations et nous les avons situées sur la scène régionale. J'espère que vous ne voyez pas d'inconvénients à ce que nous voulions un peu vos idées.
Je me souviens, par exemple, d'une de ces idées qui concerne le centre d'information sur la prévention de la pollution. Nous avons un projet régional de centre d'information sur les possibilités et les technologies de prévention de la pollution. Nous avons également un important projet qui est lié au transport à grande distance des polluants, comme nous en avons parlé, l'Inventaire des rejets de polluants en Amérique du Nord (IRPAN).
Nous voulons une Amérique du Nord qui utilise les réalisations existantes des trois pays, une perspective nord-américaine de nos émissions quantitatives de polluants dans l'environnement régional.
Nous essayons d'harmoniser les méthodologies, les démarches et les systèmes de mesurage et nous aidons les trois gouvernements à le faire afin d'avoir une perspective régionale sur l'inventaire des rejets de polluants. C'est également une recommandation qui figure dans votre rapport sur l'examen de la LCPE et vous y accordez beaucoup d'importance.
Nous avons donc des liens très étroits et je pense que le gouvernement devrait en être informé. Je vais prendre très au sérieux votre recommandation et parler au conseil de la question du lien à établir entre ce que vous faites dans le cadre du rapport sur l'examen de la LCPE et le projet de loi.
À propos des normes environnementales internationales, comme je le disais, notre institution régionale a un rôle à jouer en vue de faire progresser bon nombre des dossiers mondiaux qui sont déjà en jeu. Il est difficile de trouver de nouveaux dossiers environnementaux qui n'ont pas été abordés par le milieu environnemental mondial. Si vous parlez des polluants, des océans, du changement climatique ou de la biodiversité, ce sont des dossiers déjà à l'étude. Au sein de la région, nous nous efforçons de promouvoir ce genre de mise en oeuvre à l'échelle mondiale.
Nous considérons que nous apportons chacun une contribution modeste à un problème mondial, contribution qui nous semble toutefois importante car nous pouvons jouer un véritable rôle de chef de file dans cette promotion de normes internationales.
Le président: Comment y parvenez-vous?
M. Lichtinger: Par exemple, en ce qui a trait aux polluants organiques, l'un des domaines que vous avez mentionnés, une initiative internationale a permis d'identifier certaines substances qu'il faudra éliminer progressivement parce qu'elles sont risquées et dangereuses pour l'environnement et la santé.
Nous faisons la même chose mais à un rythme beaucoup plus rapide. Nous avons déjà choisi quatre des douze substances pour les plans d'action régionaux, avec des échéanciers et des engagements concrets qui démontreront l'engagement de la région envers ces tribunes très mondiales, comme l'accord sur les polluants organiques.
Monsieur le président, je dois avouer que lorsque les gouvernements abordent différemment ces engagements globaux internationaux et s'occupent de nos propres engagements, ils en ont une approche différente. Dans un sens c'est bon mais dans un sens c'est mauvais.
J'ai ressenti que certains de ces dossiers mondiaux sont pris un peu plus à la légère car ils sont très généraux. Par exemple, si nous parlons de la Conférence de Rio, Action 21 est un document très général. Il comporte tellement d'engagements. Il n'y a pas de suivi - et on revient à la question deM. Lincoln - à savoir si le Canada, le Mexique ou les États-Unis ont réellement respecté Action 21. Il n'y a pas vraiment de comptes à rendre à qui que ce soit. Il n'y a pas de mécanisme permettant de faire un suivi sur le sujet; c'est très difficile.
Lorsqu'il s'agit de négocier entre nous, les trois gouvernements, lorsque les dossiers sont très concrets, lorsque les polluants concernés sont bien connus et que les intérêts des États-Unis, du Canada et du Mexique sont mis sur la table, on constate une tendance à la prudence dans le cadre de ces négociations. Il faudra rendre des comptes et le public dispose de plus de mécanismes pour rendre le gouvernement responsable, bien plus que pour les négociations mondiales.
Il est donc encore plus important de promouvoir l'échelle régionale pour démontrer que nous envisageons sérieusement la mise en oeuvre des accords mondiaux et pour nous assurer qu'il existe bien des incitatifs en vue de mettre en oeuvre ces engagements mondiaux et de leur assurer une certaine réalité qui disparaît parfois dans le temps et l'espace au fil des ans.
Le président: Merci.
Maintenant un tour rapide, chacun une question si cela vous intéresse. Monsieur Forseth.
M. Forseth: J'aimerais vous donner la possibilité, en remontant à la création de la CCE, de parler de quelques-uns des buts et objectifs futurs à mesure que vous vous installez et que vous consolidez vos activités. Vous avez de toute évidence des objectifs à plus long terme pour l'époque où votre organisme sera complètement opérationnel. Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous envisagez dans cinq, six ou huit ans.
M. Lichtinger: Comme vous le savez, il s'agit d'un organisme très récent. Au début, mon principal souci consistait à mettre sur pied une équipe solide, des processus et des politiques structurés avec une organisation efficace, un fonctionnement pas trop bureaucratique et un secrétariat démocratique, car nous formons une équipe trinationale qui porte en elle ses mécanismes décisionnels et participatifs, et différents processus permettant au public de participer, pour bénéficier de la bonne influence des gouvernements sur notre programme et pour implanter les bonnes pratiques qui maintiennent la responsabilité du secrétariat, mais aussi son indépendance nécessaire, vis-à-vis des gouvernements.
Dans une certaine mesure, nous nous sommes surtout concentrés sur notre programme en ciblant les principaux secteurs prioritaires et en essayant de faire de notre commission un joueur important.
À l'avenir, les dossiers ne changeront peut-être pas beaucoup mais, ce que j'aimerais vraiment, c'est acquérir une crédibilité très solide en Amérique du Nord. Comme vous le savez, en tant qu'institution récente, la commission n'est pas encore très bien connue du public. Elle est assurément bien connue des intervenants avertis et des ONG environnementaux. Le «groupe du vendredi» nous connaît évidemment et maintenant vous nous connaissez aussi. Mais c'est un cercle très restreint qui nous connaît.
Ce que je souhaite vraiment par-dessus tout, c'est faire mieux connaître au grand public l'existence et la pertinence de notre institution et lui faire acquérir une certaine crédibilité au niveau de sa neutralité, de son utilité et de son assise scientifique. Je pense qu'il faudra du temps et que cela ne se fera pas automatiquement. Nous devrons déployer beaucoup d'efforts pour devenir utiles, pour devenir importants, pour avoir de l'influence, pour promouvoir les normes, pour encourager une plus grande application et une meilleure observation des lois et pour favoriser la coopération entre les trois gouvernements.
Je ne pense pas que les thèmes eux-mêmes changeront beaucoup car ces dossiers environnementaux existent depuis longtemps et ne sont pas prêts de disparaître. Nous continuerons à nous pencher sur eux et à progresser petit à petit pour résoudre ces problèmes.
Le président: Merci.
Monsieur Lincoln, vous avez une question.
M. Lincoln: Monsieur Lichtinger, le président nous surveille vraiment.
Vous êtes sur le point de publier votre rapport sur l'Inventaire des rejets de polluants en Amérique du Nord (IRPAN) d'ici le milieu de l'année. Je me demande si les échéances sont respectées et si vous obtenez la pleine et entière collaboration des deux ministères aux États-Unis et au Canada, et si vous obtenez une certaine collaboration du Mexique.
Le président: Cela fait cinq questions en une mais allez-y.
M. Lincoln: À mon avis, c'est une seule question.
M. Lichtinger: Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, monsieur Lincoln, Janine est prête à répondre à la question.
Mme Ferretti: L'inventaire des rejets de polluants en Amérique du Nord a été retardé. Le rapport nord-américain sortira à l'automne, probablement vers la fin du mois d'octobre, à cause de la fermeture de l'administration publique aux États-Unis. Le gouvernement américain a éprouvé beaucoup de difficultés à avancer dans ses travaux. Par conséquent, il accuse un retard dans le traitement de ses données. Ce retard nous a touchés car l'inventaire est vraiment une compilation de données tirées de l'inventaire des rejets toxiques aux États-Unis, de l'inventaire national des rejets de polluants au Canada et de l'inventaire des rejets de polluants au Mexique.
Il me semble que les trois gouvernements font preuve d'un plus grand intérêt pour cette initiative. Tout d'abord, l'inventaire nous permet de comprendre les charges de saturation dans l'environnement nord-américain. Mais je pense également que les trois gouvernements se rendent compte des défis qu'ils ont à relever, dans leur pays respectif, pour améliorer leur inventaire des rejets. Ils sont impatients d'échanger des renseignements et de bénéficier de leurs expériences mutuelles pour améliorer leurs propres inventaires. Je ne serais donc pas surprise de constater, par exemple, au cours des deux ou trois prochaines années, une amélioration et une efficacité accrue des divers inventaires nationaux par suite de cette expérience. Je sais que c'est un sujet qui intéresse énormément votre comité.
En ce qui concerne le Mexique, il n'en est qu'à ses débuts. Il existe un projet pilote pour lequel nous lui venons en aide. À mesure qu'il commencera à dresser son inventaire, à y ajouter des données et à l'intensifier, il sera incorporé aux rapports des inventaires nord-américains. Le Mexique participera donc au premier rapport - mais, comme vous pouvez l'imaginer, les données seront très modestes - et il prendra de l'ampleur au fil des ans.
Le président: Monsieur Finlay.
M. Finlay: J'aimerais poser une brève question, monsieur le président.
Avec quels ministères de notre gouvernement entretenez-vous le plus de liens? Y en a-t-il avec lesquels vous devriez avoir des liens sans peut-être le faire?
M. Lichtinger: C'est une question très pertinente non seulement pour le Canada mais également pour les trois pays. Il s'agit d'une des très rares instances officielles au sein desquelles les ministères des Affaires étrangères ou, dans le cas des États-Unis, le State Department, ne sont pas les «porte-parole». Les ministères de l'Environnement sont les représentants directs des gouvernements.
Selon mon interprétation, et toutes les interprétations juridiques que j'ai obtenues d'avocats très influents, lorsque le ministre de l'Environnement du Canada est membre du conseil, il ne représente pas le ministère de l'Environnement. Il représente le gouvernement du Canada. Cela signifie donc qu'il faut déployer un effort de coordination avec les autres directions au sein de chaque gouvernement.
Les ministères des Affaires étrangères et le State Department aux États-Unis, au Canada et au Mexique sont habitués à cette coordination. D'une certaine façon, c'est vraiment leur rôle. Ils l'exercent depuis de nombreuses années. Ils l'ont fait dans le domaine de l'environnement à Rio. Ils l'ont fait pour toutes les négociations des conventions. Ils sont donc très familiers avec cela.
Les ministères de l'Environnement n'y sont pas habitués. Parfois, la règle des chevauchements de compétence a commencé à intervenir dans certaines de nos activités. Je le répète, je ne parle pas seulement du Canada. Je parle des trois pays. C'est une situation très similaire dans les trois pays.
Le Mexique est le cas le plus simple car le ministère mexicain est très important. C'est un ministère des Ressources naturelles, de l'Environnement et des Pêches. Il englobe au moins trois des principales fonctions que nous jugeons essentielles pour le bon fonctionnement de la commission.
Dans le cas des États-Unis, l'Agence de protection de l'environnement dispose d'un mandat assez limité par rapport à nos propres objectifs. Elle n'englobe nullement le volet de la conservation. Nous avons donc traité avec le Department of the Interior mais nous avons assurément dû déployer des efforts supplémentaires pour que ce ministère participe activement à notre commission.
Dans le cas du Canada, c'est la même chose. Le ministre de l'Environnement participe effectivement aux travaux de la commission mais il existe d'autres ministères, le ministère des Pêches, le ministère des Ressources naturelles, de l'Énergie, etc., dont nous aurions espérer obtenir la participation, tant présente que future, avec un engagement plus marqué.
C'est donc assurément un dossier pour les trois gouvernements. L'accord nord-américain leur recommande la création d'un groupe officiel interagences. Les États-Unis l'ont formé de façon plus officielle. Le Canada et le Mexique l'ont fait dans une certaine mesure. Mais vous savez comment fonctionnent les bureaucraties et comment sont divisées les responsabilités, et parfois il a été très difficile de résoudre la situation.
Le président: Y a-t-il d'autres questions? S'il n'y en a plus, avant de remercier nos témoins, j'aimerais informer les membres du comité que le greffier va leur envoyer par le courrier un projet de plan de travail - demain au plus tard - sur la biotechnologie et la LCPE. C'est un sujet dont nous avons débattu à quelques reprises et nous aimerions l'examiner en mai, pour rédiger un bref rapport à l'intention de la Chambre des communes, car c'est le volet de la LCPE qui exige beaucoup d'attention. Mardi prochain, lorsque nous nous retrouverons, je vous demanderai vos commentaires sur ce projet de plan de travail.
Nous allons maintenant clore cette séance. Ce fut une réunion très enrichissante pour nous. J'espère qu'elle le fut tout autant pour vous, eu égard aux questions qui vous ont été posées, si bien que vous devez mieux comprendre maintenant où se situe la pensée politique à l'heure actuelle, du moins au sein de notre comité.
Nous aimerions répéter cet exercice plus régulièrement. Nous aimerions avoir de vos nouvelles lorsque vous avez quelque chose à nous dire et vous inviter lorsque nous avons quelque chose à vous dire ou à vous demander, comme ce fut le cas aujourd'hui. Ce fut un exercice très enrichissant. Je suis persuadé que mes collègues seront d'accord avec moi pour dire que ce fut une expérience très formatrice.
Nous vous souhaitons beaucoup de succès, comme d'autres l'ont déjà fait. Nous tenons à vous féliciter pour le travail que vous avez accompli jusqu'à présent, et en particulier pour votre rapport. Nous espérons que nos lignes de communication seront renforcées et connaîtront une expansion au cours des mois et des années à venir.
Ceci étant dit, nous allons lever la séance et nous vous souhaitons un bon retour sans encombres.
La séance est levée.