[Enregistrement électronique]
Le mardi 30 avril 1996
[Français]
Le président: Bonjour, mesdames et messieurs.
Nous étudions cet après-midi le Budget des dépenses principal, soit le crédit 15 de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Nous sommes très heureux d'avoir parmi nous son président, Michel Dorais.
Bienvenue. Voulez-vous nous présenter vos collègues et faire une déclaration? La parole est à vous.
M. Michel Dorais (président, Agence canadienne d'évaluation environnementale): Permettez-moi de vous présenter M. Paul Bernier, vice-président de la gestion du processus d'évaluation environnementale à l'Agence, et M. Bob Connelly, vice-président au développement du processus d'évaluation environnementale. À nous trois, nous constituons le conseil de direction de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale.
[Traduction]
Monsieur le président, j'estime qu'il est utile de vous donner un bref aperçu et de vous tenir au courant de nos activités.
La dernière fois que nous avons comparu devant vous, c'était le 21 mars 1994. Nous étions alors là à titre de représentants du Bureau fédéral d'examen des évaluations environnementales, le BFEEE. Aujourd'hui, nous avons l'honneur de représenter l'Agence canadienne d'évaluation environnementale que nous appellerons l'ACEE. En dépit de la brièveté de cet acronyme, il s'est passé bien des choses depuis deux ans, et tout particulièrement depuis la proclamation de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, le 19 janvier 1995, c'est-à-dire il y a un peu plus d'un an.
[Français]
Comme vous pouvez le constater dans le Budget des dépenses principal, l'Agence doit surmonter des obstacles importants pour assurer l'application efficace de la nouvelle Loi canadienne en matière d'évaluation environnementale. L'autoévaluation, la participation du public et le principe du développement durable sont autant de facteurs sur lesquels repose l'esprit de la loi afin qu'on puisse en arriver à de meilleures décisions.
Aujourd'hui, lorsqu'on parle de développement durable, on sous-entend un vaste ensemble de structures et de milieux divers. Jour après jour, l'Agence doit travailler de près avec plusieurs représentants de diverses instances, de l'industrie, d'organisations non gouvernementales et de groupes autochtones. Nous transigeons quotidiennement avec des représentants canadiens d'un bout à l'autre du pays. Faire concorder des vues souvent opposées constitue un élément essentiel du succès en matière de développement durable.
[Traduction]
L'évaluation environnementale est une activité relativement récente et qui évolue, du fait que la méthodologie et la science continuent d'améliorer le processus. En plus de cette évolution naturelle, nous oeuvrons dans un monde en pleine mutation. Comme l'indique le Budget des dépenses principal, notre tâche est soumise à l'influence de facteurs externes marquants. La revue des programmes, les restrictions financières, les attentes de la population, les relations fédérales-provinciales, la réforme de la réglementation, le système de recouvrement des coûts, la mondialisation, la compétitivité et une foule d'autres facteurs ont une incidence directe sur le mode d'exécution du processus fédéral d'évaluation environnementale.
Compte tenu de tous ces facteurs, l'ACEE s'est fixé trois orientations fondamentales. La première est de faire en sorte que la loi soit appliquée de façon efficiente et efficace grâce à nos activités quotidiennes dans ce domaine. La deuxième est ce que j'appelle la «réforme permanente», qui désigne l'évolution permanente de la réglementation et de l'efficacité du processus dans le contexte de la loi. La troisième est l'innovation. Je crois que si le gouvernement fédéral veut maintenir un rôle de chef de file dans le domaine de l'environnement et appliquer un processus de classe internationale, il faut comprendre et suivre des initiatives comme la participation du public grâce à de nouvelles technologies et l'élaboration de normes comme ISO-14000.
Présentement, l'agence intervient dans un certain nombre de dossiers actifs. Nous avons terminé les premières études approfondies sur la mine Musselwhite de Placer Dome, sur la désaffectation de la base de Calgary et sur la mine Huckleberry, conformément à la loi. Plusieurs autres études sont en cours.
En ce qui concerne les examens publics, plusieurs qui avaient débuté sous l'ancien régime, comme l'examen concernant la mine de diamants de BHP, se poursuivent. D'autres, comme ceux concernant le pipeline Express et l'aménagement du centre de ski Sunshine, sont effectués sous le nouveau régime. Comme vous le savez probablement, d'autres évaluations sont prévues, comme celles concernant le complexe minier de Voisey Bay, Terra Nova, les étangs bitumeux de Sydney et l'Île de Sable.
Au cours de son premier exercice, l'agence a pris d'autres initiatives importantes pour accroître la fiabilité, la rapidité et l'efficacité du processus. Ce travail se poursuit sur plusieurs fronts.
[Français]
Un des points marquants de notre première année a été sans contredit notre programme d'éducation et de formation. En partant du principe de l'autoévaluation, l'éducation et la formation servent à approfondir la compréhension de la loi, à offrir des outils appropriés aux praticiens de l'évaluation environnementale et à favoriser la conformité.
Comme l'indique le Budget des dépenses, l'Agence a entrepris un vaste programme de formation dans 15 endroits différents à travers le pays. Jusqu'à maintenant, près de 2 000 personnes ont profité de cette initiative de formation. Grâce au recouvrement des coûts, l'Agence à réussi à couvrir ses dépenses, et les résultats sont plus que gratifiants.
Nous en sommes maintenant à la deuxième phase du programme de formation, où nous étudions les aspects généraux de la loi. Nous offrons également une formation spécialisée au moyen de présentations techniques portant sur les règlements et les procédures.
[Traduction]
La portée de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale est déterminée par son cadre réglementaire. Pour le moment, il existe quatre règlements essentiels: le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées, celui sur la liste d'étude approfondie, celui sur la liste d'inclusion et celui sur la liste d'exclusion. Ces règlements sont essentiels à l'application de la Loi et ils étaient en place au moment de son entrée en vigueur.
Deux autres règlements importants sont prêts à être soumis à l'examen ministériel. Le règlement sur les projets à l'extérieur du Canada prévoit la modification et l'exclusion de la loi pour pouvoir appliquer le processus aux activités internationales du Canada. Celles-ci relèvent surtout du programme d'aide au développement de l'ACDI. Par ailleurs, un règlement sur l'exécution d'une seule évaluation par projet est presque terminé. Il encourage les ministères à coordonner leurs activités de façon à ce que les projets ne soient soumis qu'à une seule évaluation. Ce règlement vise directement à éliminer les risques de multiplication des évaluations lorsqu'il y a plusieurs motifs, ainsi que les risques de chevauchement.
Tous les règlements établis dans le contexte de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ont été soumis à un processus de consultation rigoureux. En plus du processus fédéral normal en matière de réglementation, un comité consultatif sur la réglementation a été institué pour conseiller le gouvernement sur la création de tels règlements. Le comité est un mécanisme original qui tente d'obtenir le consensus sur les questions qui se rapportent à l'élaboration de règlements. Il s'agit d'un forum multipartite composé de représentants de l'industrie, de groupes écologiques, des provinces, des ministères fédéraux, des groupements autochtones et d'autres organisations.
Ce comité n'a pas obtenu le consensus sur toutes les questions. On ne s'y attendait pas d'ailleurs, compte tenu du nombre de positions différentes qui y sont représentées. Il a par contre isolé certains problèmes et il a contribué à instaurer un processus ouvert et transparent favorisant la communication entre les intervenants.
La volonté de s'assurer que le processus environnemental soit compatible avec les restrictions financières et la compétitivité nous a amenés à examiner un certain nombre de mesures de recouvrement des coûts et d'efficacité du processus. Notre orientation à cet égard est explicite. Le budget de l'année dernière donnait au ministre de l'Environnement des instructions précises concernant l'analyse des différentes options dans ces domaines. Le budget de 1995 disait ceci:
Le ministère développera également, en consultation avec les ministères concernés, les provinces et les personnes impliquées, des propositions de recouvrement de tous les coûts des évaluations environnementales ainsi que des options de rationalisation du processus et calendrier de ces évaluations.
L'agence considère que, pour suivre ces instructions et proposer diverses options, il faut que les initiatives concernant l'efficacité du processus et celles concernant le recouvrement des coûts soient menées de front. Des consultations à ce sujet seront entamées sous peu. Nous comptons instaurer ces mesures d'ici avril 1997.
Étant donné les craintes que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ait une incidence néfaste sur la compétitivité, l'agence et le ministère de l'Industrie ont mis en oeuvre un programme de contrôle conjoint. Ce programme comporte trois tâches essentielles: recueillir des commentaires sur les problèmes que les promoteurs ont avec la loi, s'assurer que cela n'a pas de conséquences néfastes pour l'industrie et documenter les avantages sur le plan du développement durable. Les résultats du programme doivent être communiqués aux ministres à la fin de l'année financière. Je tiens à signaler toutefois qu'un an après sa création, ce programme n'a permis de relever aucun problème majeur.
[Français]
L'harmonisation avec les provinces constitue un enjeu clé dans le débat sur l'environnement. Ailleurs, la clarification des rôles fédéral et provinciaux est l'enjeu principal.
Dans le domaine de l'environnement, les questions sont peut-être moins claires que dans d'autres domaines, en raison du fait qu'elles occupent une place primordiale depuis peu aux yeux du grand public et en raison également de la croissance rapide de notre compréhension des questions environnementales et de la décision de la Cour suprême selon laquelle l'environnement est un domaine de compétence ou de responsabilité partagée.
La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale reconnaît le besoin d'harmoniser les processus en permettant au ministre de l'Environnement de conclure des accords avec les provinces. À ce jour, nous avons conclu des accords avec l'Alberta et le Manitoba. Des négociations sont en cours avec les provinces de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et de l'Ontario. Ces accords, conjugués à la possibilité de déléguer la majeure partie des évaluations environnementales aux provinces, contribuent grandement à réduire tout chevauchement et double emploi.
[Traduction]
Une autre caractéristique de ce type d'accord, c'est qu'il établit des guichets uniques dans les provinces. Ceux-ci servent à aider les promoteurs à répondre aux exigences auxquelles ils doivent se soumettre en matière d'évaluation environnementale en coordonnant la participation des divers intervenants fédéraux.
Afin d'assurer l'innovation constante, nous avons également entrepris plusieurs projets spéciaux pour suivre les progrès mondiaux. Nous nous intéressons à des choses comme la mesure de la performance, la compétitivité et des normes comme ISO-14000. Avec l'International Association of Impact Assessment, l'IAIA, nous participons à une étude internationale sur l'efficacité de l'évaluation environnementale.
Monsieur le président, en ma qualité de premier président de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, je suis souvent étonné du nombre de défis que pose l'application de la nouvelle loi et de leur diversité. Ce que je viens de vous dire vous donne une idée de la majeure partie de nos activités, mais pas toutes. Nous sommes une organisation relativement petite, avec un effectif de 87 personnes, et je suis fier de la manière dont nous avons relevé le défi au cours de la première année.
Nous nous ferons, mes collègues et moi, un plaisir de répondre à vos questions. Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci beaucoup. Voulez-vous commencer, madame Guay?
Mme Guay (Laurentides): Bonjour, monsieur Dorais. Vous avez parlé tantôt d'accords entre le gouvernement fédéral et les provinces. Vous avez cité deux provinces et vous dites que vous êtes en discussion avec certaines autres provinces. Où en êtes-vous rendus avec le Québec?
M. Dorais: En ce moment, il n'y a aucune discussion avec le Québec concernant un accord global d'harmonisation des processus d'évaluation environnementale. Les discussions se font cas par cas, projet par projet, comme on le voit en ce moment dans le cas l'évaluation conjointe pour le canal Lachine. Nous faisons des évaluations au niveau des études approfondies qui ont cours.
Mme Guay: Est-ce que ça ne risque pas de retarder certains projets? Jusqu'à présent, comment évaluez-vous la situation?
M. Dorais: Jusqu'à présent, compte tenu du nombre de projets qui ont été soumis provenant du territoire québécois, ça n'a pas posé de problèmes. Il est évidemment beaucoup plus laborieux de discuter cas par cas que de conclure un accord global qui, par la suite, permet de s'adapter. Nous avons quand même rodé notre discussion.
Paradoxalement, dans le cas du Québec, nous avons une bonne expérience d'harmonisation cas par cas. Pour ce qui est du canal Lachine, c'est la sixième évaluation publique que nous faisons conjointement avec le gouvernement du Québec. Donc, nous avons quand même une certaine expérience qui nous permet d'accélérer les processus.
Mme Guay: Vous nous dites que vous faites des évaluations conjointes avec le Québec. Qui fait l'évaluation en fin de compte? Est-ce le BAPE? Est-ce le fédéral? Qui est en charge de cette évaluation? De quelle façon les résultats sont-ils donnés?
M. Dorais: Dans la plupart des cas, ce sont les deux parties qui effectuent l'évaluation. Nous avons plusieurs modèles qui sont mis en oeuvre, particulièrement au Québec. Dans le cas du canal Lachine, il s'agit d'une évaluation parallèle. Il y a une commission avec deux présidents, un président fédéral et un président provincial. L'harmonisation se fait de cette façon. Dans tous les autres cas d'harmonisation, nous avons créé une seule commission qui a fonctionné selon les règles du BAPE, à laquelle siégeait un membre du fédéral, et le rapport de la commission a été soumis à la fois aux responsables fédéraux et aux responsables québécois.
Mme Guay: Dans un autre ordre d'idées, vous savez que le gouvernement a signé une entente dernièrement avec la Russie en vue d'importer du plutonium au Canada.
J'aimerais avoir votre opinion là -dessus. Est-ce que l'Agence d'évaluation environnementale ne devrait pas faire une étude concernant les dangers ou les effets de cette importation de plutonium? Est-ce qu'on vous a demandé de le faire?
M. Dorais: Sur ce projet, je ne connais que ce que tout le monde a appris par les journaux. Il n'y a pas de projet. Il y a des discussions concernant un concept, mais aucun projet concret n'a été soumis nulle part.
Il est évident, par contre, que tout projet en ce sens serait partiellement ou complètement soumis à une série d'approbations qui déclencheraient le mécanisme de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et donc une évaluation environnementale du projet éventuel.
Mme Guay: S'il s'avérait dangereux de faire cette importation, est-ce que l'Agence canadienne d'évaluation environnementale aurait le pouvoir de dire qu'on n'importe pas de plutonium parce que les risques sont trop élevés? Pensez-vous que le gouvernement peut aller de l'avant sans votre autorisation?
M. Dorais: Contrairement à ce qu'on retrouve dans plusieurs provinces, au niveau fédéral, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et ses commissions ont un pouvoir de recommandation.
Dans tous les cas, nous recommandons au ministre responsable, par l'entremise de nos rapports d'évaluation environnementale, certaines décisions possibles.
Il revient aux ministres qui en ont l'autorité ou aux agences qui ont des décisions à prendre - ce peut être l'Agence de contrôle de l'énergie atomique - de prendre la décision d'émettre ou non les permis.
La loi canadienne a cependant été modifiée au cours de la dernière année afin que, lorsqu'il y a audience publique et un rapport d'audience publique, la décision revienne au cabinet fédéral, au gouverneur en conseil.
Dans un tel cas, le gouvernement dans son ensemble prend la décision; l'Agence comme telle ne prend pas de décision.
Mme Guay: Merci.
[Traduction]
Le président: Je suppose que Mme Guay vous demande ce qui déclencherait une étude de cette nature.
[Français]
M. Dorais: Il est difficile, sans projet précis, de dire exactement ce qui pourrait être le déclencheur. Des questions financières peuvent déclencher l'étude, ou encore des autorisations délivrées par l'Agence canadienne de contrôle de l'énergie atomique, aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Toute modification à un réacteur nucléaire, par exemple, déclencherait le mécanisme prévu dans la loi.
Le président: Merci, madame Guay. Monsieur Lincoln, s'il vous plaît.
M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Du 19 janvier 1995 au 22 mars 1996, 3 531 cas ont été présentés à l'Agence. De ce nombre, il y a eu 3 521 cas déclencheurs, et il y a eu seulement huit études et deux groupes de discussion. Est-ce que ça ne démontre pas que quelque chose ne fonctionne pas? Comment se peut-il que, sur 3 531 cas, il y ait eu seulement deux panels pendant 14 mois?
M. Dorais: Je n'ai pas d'explication factuelle. Étant donné que ce sont les données d'une seule année, nous sommes en train de les analyser.
Ces données ne sont pas surprenantes, puisqu'au moment de sa planification de base, l'Agence avait estimé à entre deux et cinq par année le nombre de groupes de discussion. Donc, le nombre de deux groupes de discussions n'est pas nécessairement surprenant.
Nous pouvons lire ces données de plusieurs façons. Nous pouvons dire qu'il n'y a pas eu beaucoup d'évaluations, ou nous pouvons conclure que l'étape d'évaluation initiale est très efficace, puisqu'elle élimine les projets qui pourraient avoir un effet très significatif et qui seraient donc soumis au processus d'audiences publiques.
Nous ne savons pas combien de projets ont été abandonnés à l'étape de l'évaluation initiale parce qu'ils auraient eu des répercussions importantes qui auraient donné lieu à une audience publique. Donc, les données ne sont pas nécessairement surprenantes.
Quant aux études approfondies, leur nombre surprend un peu; nous nous attendions à ce qu'il y ait chaque année un peu plus d'études approfondies. Nous ne savons pas encore si cela est attribuable simplement au nombre restreint de projets ou aux types de projets soumis dans le cadre de la loi.
M. Lincoln: En fait, c'est vous qui décidez. Je suis très sceptique. Parmi les déclencheurs, il y en a 1 323 sur la law list, 538 sur land, et nous avons eu seulement cinq études sur la law list, aucune par rapport aux land issues et deux groupes de discussion.
Il me semble que c'est l'Agence elle-même qui devrait initier les études et décider s'il faut des études ou un groupe de discussion.
M. Dorais: Nous avons en tout 4 101 projets, et tous ont été évalués. Le fait qu'on ait huit études approfondies et deux groupes de discussion ne veut pas dire que les autres projets n'ont pas été évalués. Les 4 000 projets ont été évalués.
Ce n'est pas l'Agence, mais le règlement sur les études approfondies qui décide de la tenue d'une telle étude et qui établit les catégories de projets.
Il dit, par exemple, qu'au-delà d'un certain tonnage de production, ces projets doivent faire l'objet d'une étude approfondie. Si, dans une année, il n'y a pas de projets qui dépassent les seuils établis dans le règlement, les projets ne sont pas étudiés à fond.
Quant aux commissions, il y a des dispositions très précises qui dictent au ministre responsable la marche à suivre quand l'étude doit se faire en audience publique. J'ose espérer que nous n'avons pas plus de commissions parce que ces projets n'ont pas d'effets significatifs non atténuables.
M. Lincoln: Vous avouerez qu'il y a un certain degré de subjectivité dans l'évaluation du règlement et de la substance quand il s'agit de décider de la chose. J'y reviendrai, mais j'ai une autre question.
C'est toute la question des trois grands projets miniers, par rapport aux peuples autochtones.
[Traduction]
Comme vous le savez, je m'intéresse beaucoup à l'industrie minière diamantifère et j'en ai longuement parlé à certains d'entre vous. J'ai actuellement une lettre des Indiens cheslattas concernant la mine Huckleberry, une mine de cuivre à ciel ouvert. D'après eux - j'ai lu la documentation et on dirait qu'ils ont raison - , les incidences sur leurs terres n'ont pas été suffisamment évaluées. L'analyse des incidences des couloirs de transport sur le lac Broman et sur les collectivités Wet'Suwet'en, laisse à désirer. Ils craignent beaucoup que des eaux poissonneuses soient contaminées par les eaux d'exhaure de roches acides. Nous savons ce qui s'est passé dans le Nord, à La Grande, et également chez Giant Mines. Ils prétendent que les études faites en Colombie-Britannique dans le cadre de la loi provinciale sur l'examen et l'évaluation contient des erreurs.
Ils m'ont envoyé une lettre que la ministre McLellan a adressée au ministre Marchi et dont elle a envoyé des copies à cinq ministres importants. J'ai été sidéré de voir qu'elle disait dans cette lettre que les investisseurs japonais perdaient patience, comme s'il n'en était pas de même pour les Indiens. On dirait que les investisseurs japonais dirigent notre vie.
Passons au deuxième projet, les mines de diamant des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon. C'est BHP qui réalise le projet de Lac de Gras, qui est en cours d'évaluation. J'ai rencontré certains de vos collègues. Nous avions suggéré que le MAINC fasse une évaluation socio-économique de l'incidence globale au lieu de l'évaluation ponctuelle qui était en cours, si je ne m'abuse. Nous avons essayé de combiner les deux pour que les résultats de l'évaluation d'un projet ne soient pas publiés avant les résultats de l'évaluation socio-économique globale.
Je voudrais savoir, parce qu'il s'agit d'une grosse multinationale étrangère et que les premiers à subir les conséquences sont toujours les autochtones.
Il y a également Voisey Bay, où les choses se présentent de la même façon: il s'agit encore d'une société minière multinationale géante. Il y aura un examen public. Je suis devenu tellement sceptique que je pense que les résultats sont connus d'avance. Et qui subira les conséquences? Un groupe ou une nation autochtone sans défense, comme toujours.
Je voulais savoir si vous avez examiné les plaintes des Cheslattas, où l'on en est au sujet du projet de BHP, où l'on s'en va en ce qui concerne Voisey Bay et quels sont les délais, entre autres choses.
M. Dorais: Monsieur le président, avec votre permission, je répondrai dans cet ordre.
En ce qui concerne le projet Huckleberry, je sais que l'on prétend que des erreurs ont été commises dans le cadre du processus appliqué par la Colombie-Britannique. L'affaire est devant les tribunaux et par conséquent, je ne ferai pas de commentaires à ce sujet, mais les Cheslattas et un certain nombre d'autres personnes ont adressé de nombreuses représentations au gouvernement fédéral. En fait, si j'ai bonne mémoire, le dossier public renferme quelque chose comme 110 documents, dont les lettres dont vous avez parlé. Tous les documents ont été déposés publiquement dans ce dossier et par conséquent tout le monde avait la possibilité de les consulter.
Les éléments environnementaux ont été pris en considération, un rapport a été rédigé par le ministère des Pêches et il a été publié. C'est en fonction de ce rapport que le ministre de l'Environnement a pris la décision que l'étude approfondie portait sur tous les problèmes qui avaient été soulevés.
Dans ce cas-là, comme dans tous les autres, il faut faire appel à son jugement. À mon avis, ce qui fait la richesse du processus, c'est que tous les renseignements se trouvaient dans les dossiers publics, qu'ils pouvaient être consultés par tout le monde et que tout le monde pouvait faire des commentaires. C'est sur cette base que le ministère a pris sa décision. L'étape suivante, c'est l'octroi, par le ministre des Pêches, d'un permis pour la mine auquel se rattacheront certaines conditions.
En ce qui concerne le groupe de discussion chargé du projet de BHP, il est en train de rédiger son rapport. Ce rapport sera prêt en juin. Je suppose que ce groupe tiendra compte des commentaires qui auront été faits par la population en général, y compris par les autochtones.
Pour ce qui est de l'étude sociale globale qui a été entreprise par le ministère des Affaires indiennes, on n'a jamais prétendu, si j'ai bonne mémoire, que tous les résultats seraient publiés en même temps. Je peux toutefois m'engager à demander au ministère des Affaires indiennes de faire un rapport d'étape indiquant exactement où en est cette étude, parce que je ne possède pas les tout derniers renseignements. Je me ferai un plaisir de vous le communiquer.
En ce qui concerne Voisey Bay, avec votre permission, monsieur le président, je demanderai à M. Bernier, qui suit ce dossier depuis le début, de nous dire où l'on en est.
M. Paul Bernier (vice-président principal, Agence canadienne d'évaluation environnementale): Il a en effet été question de faire un examen du projet d'exploitation minière de Voisey Bay. Pour le moment, la province de Terre-Neuve examine une description de projet initiale portant sur un seul élément du projet en question. Cet élément concerne ce que la compagnie a appelé des projets avancés d'infrastructure. À cet égard, nous avons eu des entretiens sur l'ampleur du projet avec le gouvernement de Terre-Neuve, ainsi qu'avec les Inuit du Labrador et les Innus. Ces entretiens se poursuivent.
Les deux gouvernements sont bien décidés à accorder aux parties autochtones un rôle important dans la conception du processus d'examen et à permettre aux collectivités d'y participer.
En ce qui concerne les échéanciers, la compagnie est en train de mettre la dernière main à la description de son projet, si je ne m'abuse. Je crois qu'elle a prévu que ce serait prêt pour la mi-juin. Ce document nous permettra de mieux comprendre quel genre de complexe minier la compagnie propose d'établir. Ce document constituera un jalon car il nous permettra de donner une idée générale du processus d'examen.
M. Lincoln: Merci.
Le président: Merci, monsieur Lincoln. C'est maintenant au tour de M. Knutson.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci beaucoup, monsieur le président.
Il n'y a pas longtemps que je fais partie du comité. Par conséquent, je vous demanderai de faire preuve d'indulgence à mon égard si mes questions sont un peu rudimentaires.
D'après les détails donnés dans le budget des dépenses, je constate que les prévisions qui, en ce qui concerne votre budget, se chiffraient à une douzaine de millions de dollars, même si le budget n'a été en fait que de dix millions et demi de dollars, ne sont plus que de huit millions de dollars pour cette année. Je me demandais si vous pourriez nous expliquer brièvement les conséquences de ces compressions. Pourriez-vous préciser à quels projets vous devrez renoncer faute d'argent?
M. Dorais: C'est une question très pertinente étant donné les chiffres, qui ne reflètent pas tout à fait la réalité, en ce sens que le budget réel de l'agence est complété par l'accès à une réserve centrale qui sert à financer les examens publics. Nous pouvons avoir accès à une réserve du Conseil du Trésor de 4,2 millions de dollars, variant d'une année à l'autre, selon le nombre de groupes d'étude.
Cette année, nous aurons accès à une somme de l'ordre de 3,6 millions de dollars. Nous connaîtrons la somme exacte un peu plus tard dans l'année. Cela dépend du nombre d'examens publics qui nous seront confiés. Par conséquent, les prévisions budgétaires de 7,9 millions de dollars ne correspondent pas au montant exact des dépenses. Il s'agit d'un budget de 7,9 millions de dollars plus l'accès à la réserve, ce qui fait environ 11 millions de dollars. Le budget est donc resté stable. Voilà la réponse.
M. Knutson: D'après vous, il n'y a donc aucun changement, aucune compression.
M. Dorais: Des compressions ont été faites il y a deux ans, quand le budget a été ramené de 13,3 millions de dollars à 11,2 millions de dollars, mais aucune compression n'a été faite à l'occasion de la création de l'agence. Le budget est resté stable.
Il y a eu une adaptation interne assez importante à faire, parce que nos responsabilités se sont considérablement accrues. Dans le système précédent, les études approfondies n'existaient pas. Et les évaluations par catégorie non plus, ce qui fait que nous avons dû prendre en charge toutes ces responsabilités supplémentaires sans recevoir plus d'argent pour la cause. Nous avons revu nos priorités internes en conséquence, mais notre budget n'a pas été réduit à proprement parler.
M. Knutson: D'après les notes préparées par l'employée du service de recherche, je constate que la loi intervient dans pratiquement toutes les décisions du gouvernement fédéral qui ont une incidence environnementale. Je me demande s'il existe une définition de la notion d'«effets environnementaux»?
M. Dorais: Oui. La définition se trouve dans la loi. Nous la donnerons dans un instant.
La loi intervient essentiellement dans trois cas. Il faut d'abord qu'il y ait un projet. C'est expliqué dans la loi. Il faut qu'il y ait un élément déclencheur lié à l'argent, au terrain ou à la réglementation. Il faut également un pouvoir, un pouvoir fédéral quelconque, celui d'un ministère ou d'un ministre.
La notion d«'effets environnementaux» est définie comme suit à l'article 2 de la loi:
- Tant les changements que la réalisation d'un projet risque de causer à l'environnement que les
changements susceptibles d'être apportés au projet du fait de l'environnement, que ce soit au
Canada ou à l'étranger; sont comprises parmi les changements à l'environnement les
répercussions de ceux-ci soit en matière sanitaire et socio-économique, soit sur l'usage courant
de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones, soit sur une construction,
un emplacement ou une chose d'importance en matière historique, archéologique,
paléontologique ou architecturale.
M. Dorais: C'est toujours délicat de répondre à ce genre de question quand on ne connaît pas les détails, mais je dirais à première vue que cela ne pourrait pas se faire, parce qu'il n'existe pas de projet.
La loi est conçue pour s'appliquer à des projets d'une manière générale, des choses que l'on construit ou des activités qui sont bien déterminées. C'est ainsi que tout le processus d'évaluation est structuré.
L'autorisation d'utiliser un additif ne constitue pas en soi un projet. Par conséquent, dans ce cas-là, cette loi n'est pas le mode d'intervention approprié.
M. Knutson: Vous dites donc que dans le cas de l'approbation de la bST, aucune disposition législative environnementale ne force le ministère de la Santé à se préoccuper de la santé des animaux.
M. Dorais: Je vais demander à M. Connelly de nous parler de cela.
M. Robert Connelly (vice-président, Agence canadienne d'évaluation environnementale): Je ne suis pas un expert en la matière, mais il y a la Loi sur la santé des animaux qui relève d'Agriculture Canada et qui pourrait s'appliquer dans le cas que vous nous citez.
Le président: C'est au tour de Mme Payne.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Je m'excuse d'être en retard. Je souhaite la bienvenue aux témoins.
On en a peut-être déjà parlé avant que je n'arrive. Un certain nombre d'accords négociés ont été conclus avec d'autres pays et je me demande ce qu'ils prévoient.
Par ailleurs, étant donné que le Canada et les États-Unis ont une frontière commune, je me demande pourquoi il n'existe pas d'entente bilatérale avec ce pays.
M. Dorais: Avec votre permission, monsieur le président, je vais demander à M. Connelly, qui connaît à fond ces dossiers, de répondre à cette question.
M. Connelly: Comme vous l'avez si bien dit, un certain nombre d'ententes bilatérales ont été signées avec divers pays. D'une manière générale, ces ententes portent sur l'environnement et elles prévoient des échanges de renseignements; par conséquent, une entente bilatérale - avec la Russie, la Pologne ou le Chili, par exemple - contient des clauses concernant l'évaluation environnementale, c'est-à-dire notre domaine.
En ce qui concerne les États-Unis, nous sommes en cours de négociation avec eux et avec le Mexique en vue de conclure un accord transfrontalier portant sur les évaluations environnementales. Cette initiative est reliée à l'accord parallèle conclu dans le cadre de l'ALENA, c'est-à-dire à l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement. Nous sommes en train d'essayer de conclure, aux termes du paragraphe 10(7) de cet accord, une entente portant sur la façon d'évaluer des projets qui pourraient avoir des incidences sur l'autre pays. Nous avons eu deux réunions et je crois que nous y arriverons.
En outre, il y a quelques années, le Canada a signé, en même temps que les États-Unis, une entente internationale sur l'évaluation environnementale dans un contexte transfrontalier, sous les auspices de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe. Cette entente n'a encore été ratifiée par aucun des deux pays mais nous appliquons toutefois certains principes importants qui y sont énoncés.
Mme Payne: Vous avez dit que les accords conclus avec d'autres pays portent uniquement sur l'échange de renseignements. Par conséquent, il n'existe aucune entente négociée portant sur une intervention proprement dite? S'agit-il uniquement de communication de renseignements?
M. Connelly: Dans le domaine de l'évaluation environnementale, il s'agit effectivement surtout d'échange de renseignements, mise à part la convention signée sous les auspices de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe dont j'ai parlé.
En ce qui concerne l'environnement en général, il y a toutefois d'autres échanges que ceux de renseignements.
Mme Payne: En ce qui concerne les accords entre le Canada et les États-Unis, je songe surtout aux activités antérieures et à ce qui se passe. Je n'ignore pas l'existence de traités ni de tous les accords qui sont en place, mais en ce qui concerne les bases - et il y en a une dans ma circonscription, et je suppose que c'est une des raisons pour lesquelles je pose cette question - quel est l'accord en vertu duquel l'opération de dépollution se déroulerait en cas de fermeture d'une base américaine? Existe-t-il un tel accord?
M. Connelly: Il faudra que je devine la réponse. Cela dépend probablement beaucoup de l'entente initiale qui a été faite au moment où cette base a été créée. Il n'existe rien dans le domaine de l'évaluation environnementale qui permette de régler cette situation au moyen d'un accord.
Mme Payne: C'est en fait pourquoi je pose la question. Dans ce cas particulier, aucune disposition de l'entente initiale ne précise que les problèmes écologiques doivent être réglés au moment de la fermeture de la base. Des négociations sont actuellement en cours. J'ai toutefois l'impression qu'elles ne sont pas satisfaisantes pour nous.
Le président: Monsieur Martin.
M. Martin (Esquimalt - Juan de Fuca): Je n'ai que deux petites questions à poser. Je m'excuse d'être arrivé en retard. Nous avions une autre réunion.
Quand il s'agit d'activités à la fois fédérales et provinciales, qui est responsable de l'évaluation environnementale sur ces activités? Ensuite, lorsqu'on a fait une évaluation environnementale, qui veille à ce que les recommandations qui ont été faites soient suivies?
M. Dorais: En parlant d'activités à la fois fédérales et provinciales, parlez-vous des cas où les deux paliers de gouvernement participent à l'évaluation?
M. Martin: Par exemple, on construit une route dans ma circonscription. Une partie des fonds viennent du gouvernement fédéral et une partie du gouvernement provincial. Qui a la responsabilité de faire les évaluations des incidences environnementales sur ces travaux d'agrandissement du réseau routier?
M. Dorais: Dans presque tous les cas, c'est le promoteur, c'est celui qui construit la route, qui a la responsabilité de faire l'évaluation. Les deux paliers de gouvernement qui sont concernés doivent recevoir l'évaluation, en évaluer la qualité, puis prendre les décisions qui s'imposent. Pour répondre à votre question, dans ce cas-là, c'est le promoteur qui a la responsabilité de faire l'évaluation.
Vous voulez savoir qui applique les recommandations? En ce qui concerne le cas du gouvernement fédéral, en cas d'évaluation, c'est le ministère chargé d'octroyer des permis qui délivre le permis en question en imposant des conditions basées sur l'évaluation. Par conséquent, chaque loi en cause, qu'il s'agisse de la Loi sur les pêches ou de n'importe quelle autre loi, s'applique en l'occurrence.
Lorsqu'il existe un critère financier, c'est l'organisme chargé d'octroyer les fonds qui doit s'assurer que l'évaluation est faite et il peut assujettir l'octroi de ces fonds à toutes sortes de conditions basées sur l'évaluation.
Le président: Je vais poser quelques questions avant que l'on n'entame la deuxième série de questions.
Pourriez-vous nous citer des cas précis où, ayant effectué l'examen préalable, vous avez décidé au cours de la première phase qu'étant donné la médiocrité de la demande, une étude ou un examen public ne se justifiait pas? Vous avez dit que le nombre peu élevé d'études et d'examens publics doit être attribué au fait que certains cas étaient réglés au cours de cette phase préliminaire. Pourriez-vous nous citer des exemples concrets?
M. Dorais: Si j'ai dit «est», j'aurais probablement dû dire «pourrait être» attribué à cela.
Je crois que la réponse est négative, à moins que mes collègues n'aient des exemples en tête. C'est que nous n'avons pas encore de mécanisme de contrôle de la qualité qui permette de vérifier les examens préalables faits dans tous les ministères pour voir s'ils sont de bonne qualité ou non. Nous avons établi des lignes directrices pour aider les ministères à le faire.
On nous a signalé - et je crois que nous nous en rendons compte - que les méthodes appliquées pour faire les examens préalables varient passablement d'un ministère à l'autre, et leur qualité aussi. Dans certains cas, ils sont faits très rapidement, d'après une liste de vérification et dans d'autres, il s'agit d'examens très minutieux. Dans le cadre de notre programme pour l'année prochaine, nous essayerons de voir s'il existe une certaine uniformité dans ce domaine. Dans la négative, nous essayerons d'établir des lignes directrices plus explicites pour atteindre un certain niveau de qualité.
Le président: Si je vous pose cette question, c'est que le BFEEE donnait l'impression d'être beaucoup plus actif que vous pour le moment. Il faisait des examens publics et des études fréquentes et publiait souvent des rapports alors qu'à en juger d'après ce qui s'est passé au cours des 15 derniers mois, sur un total de 3 531 cas ou dossiers, vous n'avez fait que deux examens publics. Vous nous avez dit que vous en faisiez de deux à cinq.
Pourriez-vous nous donner une idée de ce qui vous a incité à décider de faire ces deux examens publics et dire de quoi il s'agit? Quant aux études, en quoi consistent-elles et qu'est-ce qui vous a incité à prendre cette décision? Ne pensez-vous pas que vous devriez établir un système qui vous permette de nous dire l'année prochaine ce que vous avez fait au cours de la première phase, en citant des exemples précis?
M. Dorais: Il est toujours difficile de comparer les chiffres. Le nombre d'examens publics n'a rien d'étonnant si l'on tient compte de l'histoire du BFEEE et de celle de la nouvelle agence. Au début, le BFEEE faisait en moyenne un, parfois deux examens publics par an. Ensuite, le nombre d'examens publics a fortement augmenté vers 1987-1989, avec le cas Oldman. Je crois qu'il a atteint un maximum de 19 en un an. Par contre, pour toutes les autres années, un nombre de deux examens publics par an n'était pas inhabituel.
Nous avons très peu d'influence sur le nombre d'études approfondies. Il est déterminé par la teneur des règlements. La question est de savoir si certains projets qui ont subi un examen préalable auraient dû faire l'objet d'une évaluation selon les mécanismes d'études approfondies.
Le nombre de projets qui atteignent ce stade est toutefois déterminé par les règlements, un point c'est tout. La grande question, et elle est très importante, à mon avis, c'est de savoir comment nous effectuons les examens préalables - et après avoir recueilli des données pendant deux ans, j'espère être en mesure d'expliquer en détail au comité ce qui s'est passé. Nous faisons 4 000 examens préalables.
Vous avez la même impression que celle que j'avais, à savoir que le BFEEE faisait beaucoup plus d'examens préalables que nous. Les données que l'on possédait sur le nombre d'évaluations initiales - c'est ainsi qu'on les appelait au BFEEE - étaient celles qui étaient fournies pour acquérir les fonds nécessaires au financement de ces activités. J'ai donc pour ma part de sérieux doutes quant à la validité de ces chiffres.
Nous savons maintenant que 4 000 n'est pas le nombre complet d'évaluations faites dans le cadre de la nouvelle loi. Je viens d'écrire à tous les ministères pour leur demander de me dire combien d'évaluations ils ont faites au juste au cours du dernier exercice. Je suppose que le chiffre sera plus élevé. Le chiffre de 4 000 correspond au nombre d'évaluations inscrites au registre public mais, comme vous le savez, la loi permet aux ministères de décider d'établir leurs propres registres. Ils ne doivent pas inscrire ces chiffres au registre public.
Les données qui nous manquent pour l'instant, et qu'il est important d'acquérir assez vite, sont celles qui concernent la qualité de ces évaluations. Sont-elles faites sur une serviette un lundi midi pour être ensuite versées au dossier ou sont-elles faites à fond, en procédant aux études nécessaires? C'est le genre de données que nous nous proposons d'acquérir au cours de notre deuxième exercice.
Le président: Auriez-vous alors l'obligeance de nous fournir une note explicative sur les examens publics et les études?
M. Dorais: Avec plaisir, monsieur le président.
Le président: Ne pensez-vous pas que vous auriez normalement dû en parler dans votre exposé?
Passons pour quelques instants à la question du plutonium. Si le Cabinet et le gouvernement du Canada décidaient d'importer du plutonium, quel article de la loi invoqueriez-vous pour procéder à une évaluation?
M. Connelly: Monsieur Caccia, pour répondre tout d'abord à la question concernant le déclenchement, ce serait certaines dispositions de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique qui déclencheraient en fait l'intervention de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Le président: Quelles dispositions?
M. Connelly: Je n'ai malheureusement pas le règlement sur les dispositions législatives et réglementaires sous la main. Je pourrai vous le remettre plus tard, mais on y trouve des dispositions qui déclencheraient l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Le président: Voulez-vous dire que vous n'auriez pas compétence en ce qui concerne le plutonium importé au Canada?
M. Connelly: Si, mais cette compétence relèverait de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
Le président: Quel article invoqueriez-vous?
M. Connelly: Revenons un tout petit peu en arrière: la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique exige l'octroi d'un permis pour que cela puisse se faire, ce qui déclencherait la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. C'est la loi en général qui s'appliquerait à ce cas-là et par conséquent, la question serait soumise à un examen préalable, puis on déciderait s'il convient ou non de la soumettre à un examen public.
Le président: [Inaudible - Éditeur] le moment où le permis est produit serait-il déterminé par l'examen de la demande?
M. Connelly: Oui.
M. Dorais: Monsieur le président, nous pourrions donner plus de précisions, mais les règlements inscrits sur la liste des dispositions législatives et réglementaires sont les paragraphes 7, 10, 25 et 27 des règlements sur le contrôle de l'énergie atomique. Ce sont les règlements qui s'appliqueraient. Malheureusement, je n'ai pas le texte de ces règlements sous la main, mais nous pourrions vous le fournir.
Le président: La question suivante concerne le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. D'après certains indices, l'application de ce paragraphe pourrait être suspendue ou ce pouvoir pourrait être transféré aux provinces, et cet instrument disparaîtrait de l'arsenal dont nous disposons. Quelles seraient les conséquences d'une telle suspension ou du transfert du pouvoir aux provinces?
M. Dorais: Comme le ministre vous l'a signalé la semaine dernière ou il y a deux semaines, il n'existe aucun projet concret quant aux conditions exactes dans lesquelles cela se ferait ou quant au pouvoir qui serait transféré.
Je peux vous dire que d'après le registre, 110 projets ont été déclenchés essentiellement en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. Ils n'ont pas été déclenchés en vertu du décret sur les lignes directrices passé avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Comme vous le savez, le cas Oldman a confirmé que la Loi sur les pêches n'était pas un élément déclencheur lié à ce décret. Par conséquent, il existe 110 projets qui n'auraient pas été déclenchés en vertu du décret mais qui l'ont été aux termes de la loi.
Ce que je ne sais pas au sujet de ces 110 projets, c'est si la Loi sur les pêches était le seul élément déclencheur ou s'il y en avait un autre. Dans le cas de la plupart des projets d'envergure comme celui de Voisey Bay, par exemple, il existe généralement toute une série d'éléments déclencheurs. La Loi sur les pêches n'est pas le seul.
Le président: J'ai une dernière question à poser avant le début de la deuxième série de questions. Votre agence a-t-elle été soumise à des pressions directes ou indirectes pour l'inciter à accélérer le travail qui lui a été confié et si c'est le cas, d'où viennent-elles?
M. Dorais: Nous avons été soumis à de fortes pressions de la part de l'industrie, dans le cadre de comités, de rencontres, de réunions et de consultations, mais pas de la part du gouvernement, ni à des pressions indirectes.
Le président: Quelle industrie?
M. Dorais: Une des caractéristiques de notre domaine, c'est que les intervenants sont nombreux: l'industrie, les provinces, les groupes écologiques, les gouvernements autochtones ou les représentants autochtones. Nous rencontrons constamment tous ces intervenants. Dès ses débuts, l'industrie s'est très préoccupée du temps que prend une évaluation environnementale, et elle exerce des pressions. Je crois toutefois que ces pressions ont davantage pour but de fixer des échéances que d'accélérer les procédures.
Le président: De quelles industries s'agit-il exactement?
M. Dorais: L'industrie minière... En fait, la plupart des grands secteurs industriels se préoccupent beaucoup des échéances et de la durée du processus.
Le président: Pouvez-vous préciser de quels secteurs il s'agit, l'industrie minière mise à part?
M. Dorais: Je peux vous dire exactement qui a abordé la question au cours des diverses consultations, mais je dirais que tous les secteurs industriels dont nous avons rencontré les représentants, c'est-à-dire les associations, sont très préoccupés par les échéances et par le temps qu'il faut pour faire une évaluation. C'est le cas de l'industrie minière, de l'industrie forestière, de l'industrie pétrolière et gazière - de tous les grands secteurs.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Asselin, s'il vous plaît.
M. Asselin (Charlevoix): On apprend dans le Budget que votre organisme autorise le ministre à conclure des accords avec d'autres instances. On apprend aussi à la page 18 du Budget des dépenses que votre agence a conclu des ententes bilatérales avec l'Alberta et le Manitoba.
Vous avez également conclu des ententes internationales bilatérales en matière d'environnement avec des pays tels que Hong Kong, la Chine, la Russie, les Pays-Bas, la Pologne, le Mexique et, tout récemment, le Chili. Pourquoi y a-t-il eu si peu d'ententes bilatérales de conclues entre les instances ici, au Canada?
Vous avez conclu des ententes avec l'Alberta et le Manitoba et vous vous apprêtez à en signer avec d'autres provinces. S'il n'y a pas eu d'ententes de signées avec les autres provinces canadiennes, j'aimerais connaître vos problèmes. On sait que le Canada et les États-Unis ont une frontière commune. On parle de chevauchements et de dédoublements. Pourquoi a-t-on signé des ententes avec autant de pays, mais pas encore avec les États-Unis?
On apprend aussi dans le Budget des dépenses que, par suite des ententes bilatérales avec l'Alberta et le Manitoba, vous avez ouvert des bureaux désignés à Edmonton et à Winnipeg. On lit aussi à la page 9 du même budget que vous avez ouvert des bureaux régionaux à Halifax, Winnipeg, Edmonton et Vancouver. Quelle différence y a-t-il entre un bureau régional et un bureau désigné? Pourquoi ne pas avoir ouvert des bureaux dans les cinq régions canadiennes?
M. Dorais: Je vais commencer par votre dernière question. Les bureaux régionaux et les bureaux désignés sont les mêmes. On parle exactement des mêmes bureaux.
M. Asselin: Pourquoi emploie-t-on les deux termes?
M. Dorais: Nous les appelons «bureaux régionaux», mais dans les ententes que nous signons avec les provinces, nous parlons de «bureaux désignés». Ce sont les points de contact désignés dans les ententes.
Il faut bien s'entendre quand on parle de bureaux. En général, c'est un individu. Dans plusieurs cas, nous avons emprunté un employé de la province qui travaille avec nous sur les dossiers fédéraux-provinciaux. C'est le cas dans la plupart de nos bureaux. Il n'y a qu'une seule personne sur place; on ne parle pas d'infrastructures majeures.
Les ententes avec les pays étrangers ont été signées avec notre collaboration, mais surtout avec le travail d'Environnement Canada. Il ne s'agit en général que d'un paragraphe ou d'une section sur l'évaluation environnementale. Dans tous les cas, ces paragraphes font appel à des échanges d'information, à des échanges de bons procédés, à de la formation et à la possibilité de stages de représentants de pays étrangers qui viennent passer un mois ou deux à l'Agence. Ces stages sont reconnus dans plusieurs pays comme étant un processus très bien développé.
Quant aux États-Unis, nous discutons en ce moment avec le secrétariat de l'ALENA, notamment la commission environnementale, pour déterminer les critères de base et signer éventuellement une entente commune sur l'évaluation environnementale ainsi que sur l'échange et les procédés d'information lorsqu'il y a un projet d'un côté d'une frontière qui a des répercussions sur l'autre.
M. Asselin: On sait que le gouvernement canadien a affecté près de 30 millions de dollars au dossier du renflouage du Irving Whale. J'aimerais savoir si votre organisme a été mis à contribution; si oui, quelles recommandations avez-vous dû faire? Je suppose que vous avez formulé des recommandations, mais vous avez sûrement aussi un rôle de surveillance dans ce dossier-là, parce qu'il pourrait y avoir un désastre écologique important.
On nous a expliqué que la barge pouvait être relevée. Si que la barge se séparait en deux, quel pourrait être l'impact environnemental? Est-ce qu'on le sait?
M. Dorais: Notre rôle dans ce dossier a été extrêmement marginal. L'évaluation environnementale prévue par la loi que le Parlement a adoptée et par le décret de 1984 est basée sur le principe de l'autoévaluation. C'est dire que les ministères responsables avaient à faire l'évaluation environnementale et à en porter les conclusions et les conséquences.
Nous avons joué un rôle extrêmement marginal de conseillers sur le processus à suivre, le nombre de jours de consultation publique nécessaire et les différentes étapes du processus. Notre rôle n'était pas lié à la substance de l'évaluation environnementale. Celle-ci s'est faite sous l'ancien régime et non le nouveau. Elle a commencé avant la mise en application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.
M. Asselin: Est-ce que vous avez le pouvoir de faire des recommandations et de vous engager plus directement dans le dossier?
M. Dorais: Nous sommes 85 personnes à l'Agence, et la plupart s'occupent du processus d'audiences publiques. Nous n'avons pas d'experts qui peuvent s'impliquer au niveau de la substance. Ces experts se trouvent dans les ministères responsables, notamment au ministère de l'Environnement.
Le président: Merci, monsieur Asselin. Monsieur Martin, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Martin: Étant donné que les revendications territoriales des autochtones permettront à ceux-ci d'avoir davantage le contrôle sur leur environnement, et c'est bien ainsi, qui établira la réglementation qui régira les activités économiques, les activités industrielles, en territoire autochtone? Qui est chargé d'établir ces normes et une fois qu'elles seront en place, quelles normes prévaudront, celles de votre organisation ou celles qui auront été établies par les autochtones dans le contexte de leurs revendications territoriales?
M. Dorais: La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale s'applique dans le cas des revendications territoriales. Un article de la loi permet au gouvernement fédéral de remplacer le processus fédéral par le processus autochtone prévu dans la revendication territoriale si celui-ci répond aux critères prévus dans la loi. Par conséquent, les critères établis seraient ceux de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, mais le processus appliqué pourrait être celui qui est prévu dans la revendication territoriale.
M. Martin: Je regrette, je ne comprends toujours pas très bien. Lorsqu'une revendication territoriale est réglée, lorsque des normes sont établies - et certaines normes seront établies dans les limites des territoires autochtones, de l'État autochtone - , ces normes environnementales n'auront-elles pas préséance sur les normes environnementales fédérales?
M. Dorais: Pour le moment, les revendications territoriales contiennent une description du processus qui sera appliqué. La loi éventuelle contiendra une description du processus qui s'appliquera sur le territoire couvert par la revendication. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale renferme des dispositions qui permettent au gouvernement fédéral de remplacer le processus qui y est prévu par ce nouveau processus. Par contre, tous les critères prévus dans cette loi, ceux qui sont énoncés à l'article 16 par exemple, constituent les normes officielles, et elles restent en vigueur.
M. Martin: Si le Canada investit dans un certain nombre de projets de développement à l'étranger, avez-vous une certaine responsabilité ou un certain droit de regard en ce qui concerne les incidences environnementales des activités d'investissement canadiennes à l'étranger, de celles qui sont faites par l'intermédiaire de la Société pour l'expansion des exportations, par exemple.
M. Dorais: Non. Pour le moment, la loi ne s'applique pas à la Société pour l'expansion des exportations. Cela pourrait arriver, mais ce serait par le biais d'un règlement, qui n'a pas encore été rédigé. Elle ne s'applique pas encore à cette société.
Elle s'applique toutefois à l'ACDI. Par conséquent, elle s'applique à toute l'aide liée aux projets de cet organisme.
M. Martin: Dans un cas comme celui du Barrage des trois gorges, où nous investissons dans des barrages que l'on est en train de construire sur des lignes de faille où les risques d'effondrement pourraient entraîner la mort de centaines de milliers voire de millions de personnes, votre organisation a-t-elle son mot à dire?
M. Dorais: [Inaudible - Éditeur]... si l'argent est acheminé par l'intermédiaire de la Société pour l'expansion des exportations, pour le moment du moins.
M. Martin: Si l'argent était transféré par l'ACDI, auriez-vous votre mot à dire?
M. Dorais: Oui.
Le président: Pourriez-vous donner plus de précisions? Auriez-vous votre mot à dire auprès de l'ACDI pourvu que...
M. Dorais: Si c'est l'argent de l'ACDI qui est investi dans n'importe quel projet à l'étranger, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale s'applique entièrement, ce qui signifie que toutes les conditions et critères prévus dans la loi qui sont liés au processus s'appliquent à ces dépenses, qu'il s'agisse de faire un examen préalable, des études approfondies ou un examen public.
On est toutefois en train de rédiger un règlement qui modifie l'application de la loi pour tenir compte du cas particulier des projets réalisés à l'extérieur du Canada, mais ce règlement n'est pas encore en vigueur.
Le président: Excusez-moi d'intervenir, monsieur Martin, mais j'essaie tout simplement d'élargir...
M. Martin: Oui.
Le président: Pourriez-vous expliquer à M. Martin pourquoi il n'y a eu que quatre examens préalables cette année, pourquoi il n'y a eu sur une période de 15 mois que quatre examens concernant l'ACDI?
M. Dorais: L'explication, c'est qu'au total, dans quatre cas seulement les dépenses de l'ACDI concernaient des projets au sens de la loi, qui nécessitaient une évaluation.
Le président: Et qui décide cela, l'ACDI ou vous?
M. Dorais: C'est l'ACDI.
Le président: Est-ce acceptable? Est-ce satisfaisant?
M. Dorais: C'est le genre de renseignement que nous ne possédons pas mais que nous espérons pouvoir vous fournir l'année prochaine. Nous n'avons pas encore de système nous permettant d'examiner chacun des 4 000 examens préalables qui sont faits dans l'ensemble de la fonction publique.
M. Martin: L'ACDI doit-elle vous demander de faire une évaluation ou est-ce automatique?
M. Dorais: C'est automatique. La loi l'y oblige, s'il s'agit d'un projet. S'il existe un élément déclencheur, d'ordre financier par exemple, elle est tenue par la loi de faire un examen préalable.
M. Lincoln: Pour revenir au cas de Huckleberry, si j'ai bien compris, le ministre des Pêches n'a pas encore octroyé de permis parce que votre agence a décidé qu'il restait des examens à faire en ce qui concerne les incidences à long terme du projet. Vous avez dit que vous ne pouviez pas encore le recommander et c'est pourquoi le permis tarde à être accordé. Est-ce exact?
M. Dorais: Non, je ne le pense pas. Dans sa lettre au ministre des Pêches, le ministre n'a pas approuvé le projet et c'est très important. Il a dit à celui-ci que l'évaluation environnementale prévue dans la loi avait été faite et que par conséquent il pouvait passer à l'étape suivante du processus, c'est-à-dire octroyer un permis ou non. Il a fait certaines recommandations dans la lettre, qui a été publiée - je ne l'ai pas sous la main - , mais ce sont de simples recommandations.
M. Lincoln: En ce qui concerne la question de M. Caccia au sujet d'éventuelles pressions, je vois dans ce dossier que la lettre a été adressée par la ministre McLellan à M. Marchi et que des copies ont été envoyées à cinq ministres - ou plus six, parce qu'une autre copie a été envoyée à M. Massé également. En outre, il y a une lettre de l'ambassadeur à Tokyo adressée au sous-ministre de l'Environnement, et dont une copie a été envoyée, je pense, à quatre sous-ministres, y compris au ministre des Pêches qui était directement concerné - sans parler des pressions exercées par le gouvernement de la Colombie-Britannique qui a investi 15 millions de dollars dans ce projet.
Pensez-vous que cela vaudrait la peine d'envisager une éventuelle modification à la LCEE afin de préciser qu'aucune influence directe ou indirecte, de quelque source que ce soit, n'est autorisée tant que le permis concernant un projet n'aura pas été accordé?
M. Dorais: Je pourrais transmettre ces observations mais dans ce cas-ci, le ministre a suivi la recommandation de l'agence et toutes les lettres et autres documents, y compris celles dont vous avez parlé, ont été publiés immédiatement, et aucune pression n'a été exercée sur l'agence par qui que ce soit, à propos de ce projet. L'agence a travaillé aussi efficacement et aussi rapidement que possible et elle a fait une recommandation au ministre.
M. Lincoln: Parlons des examens préalables, des 4 000 qui ont été inscrits au registre public, tel que prévu dans la loi. Comme vous l'avez dit, les ministères peuvent tenir leurs propres registres. Par conséquent, vous avez dit à juste titre qu'il pourrait y avoir bien plus de 4 000 examens préalables.
Voici la première observation que je ferais à ce sujet. Il devrait exister un mécanisme de coordination entre vous et les ministères qui tiennent leurs propres registres, qui les obligerait à inscrire le nombre d'examens préalables qu'ils font à l'interne sur leurs propres registres, pour que l'on sache au moins combien ils en ont fait au total, sans devoir le leur demander.
Ensuite, vous avez dit qu'après toute cette affaire, le nombre d'examens publics s'élevait à 19, puis qu'il est revenu à la normale, qui est de deux. Peut-être que le nombre normal est de deux, je ne sais pas, mais il me semble que c'est bien peu. Ne pensez-vous pas que vous n'avez pas assez de personnel pour examiner à fond les examens préalables qui ont été faits par chaque ministère - et je m'en rends bien compte - et qu'il faudrait charger le nouveau commissaire à l'environnement et au développement durable de vérifier les examens préalables faits par les ministères et d'en évaluer la qualité?
M. Dorais: En ce qui concerne le registre, je souhaite en toute sincérité que tout le monde entende les recommandations du député. Le registre central est un service que nous offrons au ministère et c'est un outil essentiel qui contient une foule de renseignements, s'il est bien tenu à jour et s'il est complet - nous avons d'ailleurs investi dans l'infrastructure électronique en conséquence. Pour la première fois depuis que l'on fait de l'évaluation environnementale pour le gouvernement fédéral, ce registre nous indique combien de projets nous examinons. Nous n'avions encore jamais eu ce renseignement.
Je n'écris pas chaque semaine à un sous-ministre en particulier. Je pose des questions aux sous-ministres à tour de rôle. Je leur ai dit que je déposerais bientôt un rapport annuel au Parlement et que j'avais besoin de connaître le nombre exact de projets. J'emploie tous les moyens que nous avons à notre disposition pour encourager les gens à participer. Je crois qu'ils commencent à comprendre l'importance de ce registre. J'espère que la situation s'améliorera au cours de la deuxième année. Je ne dispose toutefois pas de moyens de coercition pour forcer les ministères à faire inscrire leurs projets au registre.
En ce qui concerne la façon dont les examens préalables sont effectués et le rôle du commissaire au développement durable, étant donné qu'il s'agit d'un élément décisionnel important dans les ministères, je suis convaincu que c'est un secteur des stratégies de développement durable dont les ministères, et par conséquent le commissaire, devront se charger. L'agence se fera vraiment un plaisir de lui fournir tous les renseignements qu'elle possède sur le système en général.
M. Lincoln: Je termine par une observation. Il faudrait peut-être envisager la possibilité de modifier la loi afin que le registre soit centralisé à votre agence. Cela résoudrait bien des problèmes.
À propos du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, j'ai rencontré M. Connelly il y a un certain temps pour parler du projet de transfert aux provinces du pouvoir conféré par cet article et de la création du paragraphe 35(3). Pouvez-vous me dire où en est ce projet, à votre avis? Nous avons des renseignements contradictoires selon lesquels il a été abandonné ou remis à plus tard. Est-ce qu'on examine activement la question? Où en sommes-nous actuellement, à votre avis, en ce qui concerne les paragraphes 35(2) et 35(3)?
M. Dorais: Je crois que les renseignements les plus exacts sont ceux que le ministre vous a donnés la semaine dernière, à savoir que certaines propositions ont été faites. Nous n'avons pas vu de proposition finale et nous n'avons pas de précision sur la façon dont on pourrait procéder ni sur les conséquences d'une telle initiative. Des groupes écologiques ont fait des recommandations très fermes à notre ministre qui en a pris note et les a communiquées au ministre des Pêches et des Océans, qui les a enregistrées également. Voilà où l'on en est pour l'instant.
M. Lincoln: Merci.
Le président: M. Forseth.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): L'agence indique à la page 9 du budget des dépenses, si j'ai bonne mémoire, qu'elle est en train de revoir sa structure organisationnelle, comme l'indique la note que nous avons, pour mieux atteindre ses objectifs et répondre aux besoins et objectifs en évolution de sa clientèle. La restructuration s'opère à deux niveaux: la direction, qui comprend un président et deux vice-présidents, ainsi que des équipes semi-autonomes dont les fonctions et les besoins en personnel sont indiqués.
Suit la description des fonctions d'une de ces équipes:
- Assumer et gérer les responsabilités de l'agence en ce qui concerne les études approfondies et
les examens préalables par catégorie, préconiser l'efficience et la qualité de l'évaluation
environnementale des projets.
- Après cela, on a indiqué «2 ÉTP».
M. Dorais: La section dont vous parlez est celle des études approfondies.
M. Forseth: Oui.
M. Dorais: Il ne faut pas se laisser induire en erreur par les chiffres. Ce chiffre indique le nombre d'ÉTP attribués en permanence à une équipe, mais voici la façon dont nous fonctionnons et dont les nouvelles organisations fonctionnent: nous affectons les employés aux tâches qu'il faut exécuter. Par conséquent, si le nombre d'études approfondies augmente brusquement, cette équipe pourrait être composée de huit employés pendant trois mois et ne plus en compter que deux pendant le reste de l'année.
Par conséquent, les équipes sont souples. Avoir suffisamment de souplesse pour pouvoir déplacer les effectifs et faire le travail nécessaire était précisément le but de l'organisation que nous avons établie.
En ce qui concerne les études approfondies, j'en ai une liste provisoire. Nous suivons je ne sais combien de projets mais des dizaines et des dizaines de projets pourraient devenir en fin de compte des études approfondies. Nous savons qu'il y en a un certain nombre qui s'en viennent. Je peux en donner la liste au député.
M. Forseth: Pouvez-vous citer deux ou trois des plus importants?
M. Dorais: Ceux qui s'en viennent sont le projet «Dublin Gulch Heap Leach Gold Mine», au Yukon, la mine Kemess en Colombie-Britannique, la mine Cheviot en Alberta et la cimenterie Cimbec au Québec. Voilà quelques-unes des études approfondies qui sont actuellement dans le système.
Il existe ensuite une deuxième série d'études approfondies, de projets qui n'ont pas été soumis mais qui devraient devenir en fin de compte des études approfondies. Nous essayons de prévoir le travail le plus longtemps d'avance possible.
Dans ce cas-ci, le travail consiste essentiellement à apaiser les craintes du ministère et à aider le promoteur à faire la meilleure étude possible. À la fin, lorsque nous recevons le rapport du ministère, nous disons au ministre de l'Environnement si le projet devrait ou non faire l'objet d'une audience publique officielle ou s'il devrait être renvoyé au ministère pour qu'il l'autorise.
M. Forseth: Merci.
Le président: Certains d'entre vous veulent peut-être poser une autre question, mais pendant que vous y réfléchissez, je vais poser deux ou trois questions.
Vous nous avez dit que vous appliqueriez le principe du recouvrement des coûts l'année prochaine. Cette phase aura-t-elle une incidence sur la qualité?
M. Dorais: Monsieur le président, j'espère sincèrement que cela améliorera la qualité. Le ministre a été mandaté pour examiner les diverses options en matière de recouvrement des coûts. Dans notre esprit, cela veut dire qu'il examinera toutes les options, y compris l'éventualité de ne rien récupérer du tout.
Nous publierons bientôt un document sur la notion de recouvrement de tous les coûts et nous aurons des entretiens avec tous les intervenants à ce sujet. Au début de cet exercice... J'ai dit un jour que c'est un exercice qui manque de discipline au sein de la famille fédérale. Étant donné que bien des ministères y participent, nous passons beaucoup de temps à communiquer entre fonctionnaires au lieu de faire l'évaluation proprement dite. J'espère que si nous avons une certaine attribution des coûts, un certain recouvrement, peu importe la formule que l'on finira par adopter, cela apportera au système une certaine discipline qui le rendra plus efficace. Par conséquent, nous aurons davantage de temps et de ressources à consacrer à l'environnement plutôt qu'au processus proprement dit de communication entre ministères.
Le président: Pour revenir au paragraphe 35(2), vous indiquez dans votre tableau que vous avez un total de 96 activités ou initiatives en ce qui concerne le ministère des Pêches et des Océans. Je suppose que toutes ces activités sont liées au paragraphe 35(2).
M. Dorais: La plupart d'entre elles.
Le président: Le nombre d'autorisations en vertu du paragraphe 35(2) semble avoir diminué depuis que l'ACEE existe. Est-il exact de dire qu'il a considérablement baissé par rapport à la phase antérieure?
M. Dorais: Non, je ne le pense pas, monsieur le président, parce que les autorisations ont été accordées conformément au décret sur les lignes directrices. La Cour suprême a décrété que le paragraphe 35(2) n'est pas un élément déclencheur dans le contexte de ce décret. Ce décret existe depuis deux ans et il n'y a eu aucune intervention des évaluations environnementales dans les autorisations prévues au paragraphe 35(2).
Le président: Est-ce à cause du décret de la Cour suprême?
M. Dorais: Oui. Ces décrets prévalent et par conséquent, c'est un gain net dans un certain sens.
Le président: Est-ce ainsi que vous expliquez le fait que le nombre d'autorisations a diminué?
M. Dorais: Non, le nombre d'autorisations en vertu de la Loi sur les pêches ou le nombre d'évaluations environnementales et d'autorisations en vertu de cette loi, a atteint 110. C'est le tout dernier chiffre. On a commencé à zéro.
Le président: En ce qui concerne l'ACDI, à quoi est dû le nombre peu élevé d'examens préalables? Pourriez-vous le répéter?
M. Dorais: Votre question comprend deux volets. L'ACDI nous a fourni une explication. Elle a dit en gros qu'elle avait examiné tous les projets financés de quelque façon que ce soit par les divers programmes et qu'elle en a conclu que... Je tiens à vous donner le chiffre le plus récent. Avons-nous le chiffre pour l'ACDI?
Les quatre évaluations qui ont été faites depuis l'entrée en vigueur de la loi sont le nombre de projets qui se qualifiaient dans ce contexte.
Vous m'avez demandé ensuite si j'en étais convaincu. Je ne possède pas actuellement les renseignements nécessaires pour répondre à cette question. Cela pose à notre avis un problème, en ce sens que nous n'avons pas encore les outils nécessaires pour savoir si nous pouvons être convaincus que c'est la réalité. Cependant, ce sont les renseignements que nous a fournis l'ACDI.
Le président: Disposerez-vous de ce genre d'outil d'ici un an?
M. Dorais: J'espère pouvoir vous remettre un rapport sur la phase des études préalables de l'évaluation environnementale qui doit comprendre une évaluation de la qualité générale de l'exécution de ce travail. C'est une promesse que j'ai faite également aux groupes écologiques.
Le président: Je vous rappelle que le projet de loi C-56 donne l'autorisation d'élaborer des règlements sur les programmes d'aide financière aux participants. Où en est-on dans ce domaine? Quand ces règlements seront-ils prêts?
M. Dorais: Nous avons l'intention de nous arranger pour que ce règlement soit prêt pour avril 1997, lorsque nous commencerons à appliquer le principe du recouvrement des coûts. Par conséquent, les résultats des discussions qui se dérouleront dans le contexte du recouvrement du coût de l'évaluation environnementale et du coût de l'aide financière aux participants seront intégrés alors aux règlements. C'est pourquoi nous ne les avons pas encore établis.
Le président: Pourriez-vous nous mettre au courant des détails de ce programme peut-être deux ou trois mois d'avance, et nous dire quand il entrera en vigueur et comment il est censé fonctionner?
M. Dorais: Certainement et j'espère être en mesure de vous donner de plus amples renseignements avant cela, pour que vous puissiez donner votre avis.
Le président: Avez-vous des commentaires à nous faire sur le registre public et sur son fonctionnement - je ne me souviens pas si vous en avez déjà fait des commentaires dans votre exposé?
M. Dorais: C'est un programme dont je suis fier, en ce sens qu'il est considéré dans le monde entier comme un des meilleurs. Il a remporté un prix Internet. Nous avons eu près de 60 000 mouvements sur Internet, ce qui signifie qu'il a été consulté environ 60 000 fois.
Il faut toutefois considérer ce chiffre avec prudence. Il est plus exact de dire que plus de 4 000 personnes ont consulté notre registre par Internet. C'est un chiffre sûr: des gens uniques, des sites uniques. Ce registre contient actuellement plus de 4 000 projets, 4 100.
Il s'agit à mon avis d'un outil de gestion de l'évaluation environnementale extrêmement important pour le gouvernement. À mon avis, un des principaux problèmes que pose le décret sur les lignes directrices, c'est que chaque ministère gérait l'évaluation environnementale de façon verticale, tout seul, sans communiquer avec personne d'autre. Nous nous sommes efforcés de faire en sorte que cela devienne une responsabilité générale. Des outils comme le registre public nous permettent de le faire. Nous y investissons beaucoup d'efforts.
Le président: Pouvez-vous nous mettre au courant de ce qui s'est passé avec la directive du Cabinet de 1990? Comment cela a-t-il fonctionné dans la pratique? A-t-on fait des évaluations et le public y a-t-il accès?
M. Connelly: Dans le but d'aider les ministères, nous avons notamment fait une étude des techniques les plus perfectionnées d'évaluation des politiques, parce que la directive dont vous parlez est celle qui porte là-dessus. Actuellement, on parle souvent d'«évaluation environnementale stratégique». Nous avons examiné les méthodes employées au Canada, à d'autres paliers de gouvernement, ainsi que celles utilisées dans la fonction publique fédérale et à l'étranger, pour essayer de mettre au point une technique ultraperfectionnée et aider les ministères à améliorer leurs méthodes actuelles dans ce domaine. Nous avons également commencé à identifier des domaines où l'on pourrait améliorer la directive. Nous proposerons en temps et lieu des moyens d'améliorer la directive à laquelle vous avez fait allusion.
Le président: Pouvez-vous nous dire quelle politique vous examinez actuellement, si c'est le cas?
M. Connelly: Je le répète, ces politiques sont examinées par les ministères, quand ils les adoptent. On applique le principe de l'auto-évaluation. Il arrive fréquemment que de nouvelles politiques soient adoptées par l'intermédiaire du Cabinet, et les documents du Cabinet contiennent une section consacrée aux considérations environnementales.
Le président: Comment cela fonctionne-t-il?
M. Connelly: Pardon?
Le président: Comment fonctionne ce système d'auto-évaluation?
M. Dorais: À en juger d'après notre expérience, les résultats sont très inégaux, monsieur le président. Cela se fait de façon systématique, mais nous n'avons actuellement aucun moyen d'évaluer la qualité et de vérifier si cela se fait, sauf que le ministre de l'Environnement peut intervenir pour s'assurer que l'on tienne compte des considérations environnementales dans les politiques.
Le président: Vous nous avez dit qu'il existe en fait un système complet d'analyse et d'évaluation des projets concrets, que tout va bien à cet égard et que ces connaissances nous permettent d'acquérir de l'expérience.
Par contre, il semblerait que la situation laisse à désirer du côté des politiques. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont vos conclusions à ce sujet et nous dire comment on peut remédier à cette situation, compte tenu du fait qu'un commissaire au développement durable doit être nommé ou que d'autres mesures législatives sont en voie de mise en oeuvre ou d'élaboration? Autrement dit, c'est l'aspect des politiques qui nous intéresse.
Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
M. Dorais: Comme l'a signalé M. Connelly, au cours du prochain exercice, nous recommanderons diverses possibilités à nos ministres et divers moyens de renforcer la directive actuelle. La directive actuelle existe toutefois bel et bien, elle est publique et elle dit en gros que chaque ministre doit faire une évaluation environnementale des nouvelles politiques qui sont soumises au Cabinet. C'est ce qui se fait dans la plupart des cas, mais pas de façon uniforme.
Ce document sur les évaluations est un document public et c'est un système de contre-poids qui est intégré à la politique actuelle.
L'agence proprement dite n'est pas une espèce d'agence de contrôle; elle ne va pas dire aux ministères s'ils ont bien évalué ou non les projets. C'est le Cabinet qui est chargé de voir si cela a été fait ou non.
J'espère que grâce à l'analyse qui devrait nous permettre de faire des propositions visant à renforcer le système ou à modifier la directive actuelle, nous serons en mesure de vous fournir plus de détails sur ce qui se passe et de vous dire ce que l'on peut faire pour améliorer la situation.
Le président: Je vais vous citer un exemple concret. Le budget est un outil d'intervention puissant, comme nous le savons tous. Il peut un jour contenir des mesures spéciales ainsi que des concessions fiscales visant à faciliter la mise en valeur des sables bitumineux, ce qui a, comme nous le savons, des répercussions considérables en ce qui concerne les changements climatiques et les émissions de CO2.
Dès lors, comment estimez-vous que cette directive s'applique dans le contexte budgétaire? Doit-on s'attendre à ce que le ministre des Finances fasse une auto-évaluation de sa propre politique?
M. Dorais: Votre exemple montre la complexité de l'évaluation des politiques et il indique les risques et les difficultés que comporte l'existence d'une réglementation rigide.
Dans les pays où il n'existe pas de système central de planification, les politiques sont élaborées de diverses façons et dans divers milieux, ce qui ne veut pas dire qu'elles ne peuvent pas être évaluées. Je crois qu'en vertu de cette politique, chaque ministère et chaque ministre a la responsabilité de trouver le moyen le plus efficace d'évaluer ses politiques.
Si j'ai bonne mémoire, le dernier budget contenait des passages peut-être timides sur une tentative d'évaluation de certaines des mesures qu'il renfermait. C'est un bon signe. C'est un signe que le processus évolue dans le bon sens. C'était le but de la directive du Cabinet: s'assurer que le processus décisionnel en matière de politiques évolue dans le sens de l'intégration des facteurs environnementaux. Cela se fait tranquillement, mais pas encore de façon uniforme.
Le président: Vous voyez bien que si un gouvernement s'est engagé en gros à réduire les émissions de bioxyde de carbone à longue échéance et qu'un de ses ministères obtient des programmes et des outils fiscaux ayant pour résultat d'accroître l'état de dépendance à l'égard de la production de combustibles fossiles, il y a contradiction. La politique générale est contrecarrée par une politique ministérielle précise et il arrive même qu'elle soit soutenue par la mesure budgétaire proposée à un certain moment.
Quel rôle pensez-vous que votre agence doit jouer dans une telle situation?
M. Dorais: L'agence ne peut qu'appliquer un processus pour aider les gens, les informer, leur donner les outils nécessaires pour faire l'évaluation mais elle n'est pas en mesure de forcer les gens à le faire, et elle ne possède pas les moyens nécessaires. Les autres mécanismes en voie d'établissement comme le poste de commissaire au développement durable et les plans de développement durable devraient améliorer la situation. Cependant, avec les outils financiers et légaux dont l'agence dispose actuellement, ses activités se limitent à élaborer des lignes directrices, à essayer de les améliorer et à fournir aux ministères des renseignements les plus exacts possible sur la façon de procéder.
Le président: Avez-vous besoin que l'on apporte une modification à la loi pour que ce soit le ministre de l'Environnement qui soit investi du pouvoir de décision finale et non le ministre promoteur du projet?
M. Dorais: Il faudrait certainement apporter une modification à la loi. Elle ne contient aucune disposition concernant l'évaluation des politiques ni sur le pouvoir décisionnel du ministre, tel que vous nous le décrivez.
Le président: Allez-y, monsieur Forseth. Commencez la troisième série de questions.
M. Forseth: Je voudrais seulement citer un exemple et procéder à rebours, c'est-à-dire partir d'un problème pour remonter à la structure réglementaire et législative qui devrait permettre de le régler. Prenons l'exemple des étangs bitumeux de Sydney. L'ACEE intervient-elle dans ce dossier? A-t-elle un moyen d'intervenir pour essayer de régler le problème? Nous pourrions peut-être procéder à rebours et citer quelques exemples concrets.
M. Dorais: C'est plutôt un mauvais exemple, parce qu'il n'existe pas de projet. Un avant-projet a été lancé par la province mais il n'existe pas encore de projet proprement dit pour le moment. Par conséquent, la loi ne s'applique pas et il n'est pas question d'autorisation fédérale.
Ce qu'il faudrait, c'est un élément déclencheur. Si le projet dont il a été question dans les journaux se concrétisait... Si je ne m'abuse, s'il faut construire un barrage et s'il faut qu'un permis de protection des eaux navigables soit accordé par le ministre chargé de la garde côtière, cela déclenchera l'application de la loi.
Est-ce qu'en l'occurrence, ce projet serait sur la liste des études approfondies?
M. Connelly: Oui.
M. Dorais: C'est un projet qui serait inscrit sur la liste des études approfondies. On entamerait immédiatement une étude approfondie et la population serait consultée. Le rapport et tous les commentaires faits par la population seraient communiqués au ministre de l'Environnement. Nous lui conseillerions alors d'ordonner la tenue d'une audience publique ou non ou de donner immédiatement son autorisation. Si l'on décidait de tenir une audience publique, le ministre établirait un groupe de discussion et nous procéderions à la tenue d'une série complète d'audiences publiques.
M. Forseth: Qui a alors lancé l'idée d'un plan d'action qui entraînerait alors l'intervention de l'ACEE?
M. Dorais: Il nous faut un projet pour intervenir. Sans projet, il n'y a rien à évaluer. Par conséquent, il y a absolument trois conditions à remplir: un projet, un ministère responsable et un critère quelconque qu'il soit d'ordre immobilier, financier ou réglementaire. Par conséquent, l'application de la loi ne peut être déclenchée si ces trois conditions ne sont pas réunies.
M. Forseth: À la page 19, sous la rubrique «Revendications territoriales globales et autonomie gouvernementale des autochtones», on dit, au deuxième paragraphe «prévoit... de quelque 48 revendications territoriales». On y dit aussi ceci: «En fournissant des règlements spécifiquement conçus pour les Premières Nations, la loi reconnaît les relations nouvelles». Par conséquent, on prévoit des demandes de crédit et un soutien logistique.
Je voudrais que vous nous disiez si nous sommes à la hauteur de la tâche et où l'on s'en va dans ce domaine. Envisageons-nous d'avoir en fin de compte des régimes entièrement parallèles que le contribuable moyen va devoir soutenir?
M. Dorais: Vous demandez si nous sommes à la hauteur de la tâche? C'est une tâche très importante, cela ne fait aucun doute. Au cours de l'année dernière, l'agence a formé une équipe pour les questions autochtones. Cela n'existait pas. Nous avons maintenant quatre employés qui s'occupent à plein temps des problèmes d'évaluation environnementale des projets touchant les autochtones. Compte tenu du fait que nos effectifs sont restreints, cela représente une partie importante de nos ressources.
Nous essayons en fait de discuter et d'établir des systèmes qui répondent aux exigences des autochtones qui font des revendications tout en s'arrangeant pour qu'ils soient compatibles avec le système en vigueur et pour que l'un remplace facilement l'autre afin d'éviter que deux systèmes ne s'appliquent. On utilise tous les outils disponibles pour s'assurer qu'il n'y ait pas de chevauchement ni de double emploi; il s'agit tantôt d'ententes d'harmonisation, tantôt de substitutions ou encore de délégation de tâches.
Il est très difficile de prévoir comment cela se terminera. Les négociations sont compliquées et elles diffèrent d'une région du pays à l'autre.
Il y a aussi les quelque 600 bandes indiennes du Sud qui sont actuellement assujetties à la loi. Nous avons essayé de mettre au point, avec le concours des premières nations, un règlement visant à s'assurer que l'application de la loi est compatible avec leur réalité.
Il s'agit donc d'une tâche d'envergure. Le temps nous dira si nous sommes à la hauteur ou non, mais nous essayons de faire le nécessaire pour que les systèmes soient compatibles dans tout le pays.
Le président: Monsieur Lincoln.
M. Lincoln: Pour revenir à la question dont M. Caccia a discuté avec vous, c'est-à-dire aux politiques et aux programmes, on a dit, si j'ai bonne mémoire, que certains d'entre nous ont fait beaucoup d'efforts pour que ce soit inclus dans la loi. Malheureusement, cela n'a pas marché. Donc, la seule façon d'arriver à vous faire participer légalement consiste à essayer d'inclure dans la loi des dispositions concernant les politiques et les programmes. C'est ce qu'on projette de faire.
M. Dorais: La législation sur les politiques et les programmes évolue actuellement très vite dans le monde entier. De nouvelles notions et de nouvelles façons de procéder sont créées chaque année. Il pourrait être dangereux d'avoir un système trop rigide.
Le système actuel est un système public. Les évaluations environnementales des politiques du gouvernement fédéral sont rendues publiques. Par conséquent, la structure de responsabilisation est intégrée à ce système. Il est arrivé que des Canadiens y aient recours pour poser des questions d'après les documents et les évaluations qui ont été publiés. On n'en a toutefois pas encore exploité toutes les possibilités.
M. Lincoln: Que se passe-t-il, d'après vous, en ce qui concerne le plutonium? J'ai lu des articles où l'on disait que le professeur Gordon Edwards et d'autres experts affirment que même si l'on brûle ce plutonium, les déchets de combustion seront tout aussi dangereux et nous aurons un gros problème. Il y a aussi la question du transport. Il y a des quantités énormes de rebuts provenant des États-Unis et de Russie. Je suis étonné que les Américains ne puissent pas s'en occuper eux-mêmes. Je peux comprendre en ce qui concerne le plutonium russe, car il s'agit d'aider un voisin plus pauvre, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous devons aider les États-Unis à brûler d'énormes quantités de plutonium.
Il faudra que le ministre... Le processus est déclenché en vertu de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. Par conséquent, on va faire un examen et le dossier sera finalement confié au ministre de l'Environnement pour qu'il recommande la tenue d'une audience publique et la création d'une commission. S'il vous demandait de faire une recommandation, diriez-vous qu'il faudrait créer un groupe de discussion, compte tenu des incidences considérables de ce projet?
M. Dorais: Ce n'est pas à moi de répondre à la première partie de la question. J'aimerais beaucoup avoir une opinion à ce sujet mais je ne me sens pas du tout assez compétent pour donner une opinion technique et dire si un tel projet serait finalement bon ou non s'il se concrétisait.
En ce qui concerne le processus proprement dit, je crois que le député l'a décrit avec pas mal de précision. Le ministre de l'Environnement devrait évaluer les éléments qui ressortent de l'étude. Il s'agirait probablement d'une étude approfondie, si je ne m'abuse; je peux toutefois me tromper. Il faudrait faire une étude approfondie pour évaluer tous les éléments qui ont été signalés ou l'ampleur des incidences possibles ou réelles, ainsi que l'intérêt public que la question a suscité, pour prendre ensuite une décision en conséquence. Quant à la nature de la décision proprement dite, elle est tout à fait hypothétique pour l'instant.
M. Lincoln: Avez-vous ou est-ce que M. Connelly a une idée du temps que cela prendra à la Commission de contrôle de l'énergie atomique pour examiner la question, l'analyser, l'étudier et envoyer son rapport au ministre? Quel délai peut-on prévoir?
M. Dorais: Je demande à mes collègues de rectifier si je me trompe, mais pour l'instant, je crois qu'il a seulement été question de la possibilité de voir si cela pourrait devenir en quelque sorte un projet, en effectuant une étude de faisabilité, et cela pourrait prendre pas mal de temps pour en arriver au stade de projet potentiel.
Le président: Vous pourriez peut-être nous dire quand votre guide pratique sur l'application du processus d'évaluation environnementale aux énoncés de politiques sera terminé et publié.
M. Dorais: J'avoue franchement, monsieur le président, que nous espérions être plus rapides que nous ne le sommes. J'espérais que nous pourrions terminer notre travail en l'espace d'un an. La première année a été dure parce qu'il n'était pas facile de mettre la nouvelle loi en oeuvre; nous avons eu constamment des surprises. J'espère toutefois qu'au cours de la deuxième année, nous serons en mesure de faire des recommandations au ministre et de lui fournir des données sur l'évaluation des politiques, et qu'il pourra prendre une décision.
Le président: Par conséquent, le guide pratique dont il est question à la page 20 du programme verra probablement le jour à peu près quand?
M. Dorais: Je regrette, j'ai mal compris la question. Le guide pratique est prêt.
M. Connelly: Il est pratiquement terminé. Il existe actuellement sous forme d'ébauche et nous sommes en train de le faire examiner par d'autres ministères. Nous espérons donc le publier bientôt.
Le président: Avant l'été ou l'automne?
M. Connelly: Nous espérons que ce sera pour l'été.
Le président: Monsieur Dorais, monsieur Bernier et monsieur Connelly, nous vous remercions d'être venus témoigner. Nous avons eu une discussion très intéressante. Nous avons beaucoup appris et nous nous réjouissons d'avance de vous revoir.
La séance est levée. Reprise des délibérations demain après-midi.