[Enregistrement électronique]
Le jeudi 2 mai 1996
[Français]
Le coprésident (M. Caccia): Bonjour, mesdames et messieurs.
Le but de notre rencontre d'aujourd'hui est d'examiner la possibilité d'une coopération circumpolaire.
[Traduction]
Au cours des dernières semaines au Canada se sont tenues deux conférences, une à Yellowknife et une à Inuvik. La première réunissait des parlementaires de sept ou huit pays circumpolaires tandis que la deuxième réunissait les ministres de ces mêmes sept ou huit nations. Les deux conférences devaient se suivre l'une l'autre - surtout pour permettre aux recommandations faites par les parlementaires à la mi-mars à Yellowknife d'être examinées à Inuvik la semaine suivante.
Plusieurs de nos collègues ont assisté à la conférence de Yellowknife. L'ambassadeur à la conférence ministérielle d'Inuvik était John Finlay et il est ici avec nous aujourd'hui. Il a livré le message parlementaire aux ministres invités.
Cette année le Canada a adopté une démarche assez unique. Par le passé - je veux parler de 1991 en Norvège et de 1993 en Islande - un certain temps s'écoulait entre la conférence parlementaire et la conférence ministérielle. Ainsi, la transmission de l'essentiel des propositions laissait beaucoup à désirer - non pas que les ministres à Inuvik pourraient être accusés d'avoir écouté chaque mot prononcé par les parlementaires, mais ils ont néanmoins écouté. M. Finlay s'en est assuré, alors nous n'aurions pu avoir un meilleur ambassadeur.
La séance de ce matin est pour vous informer rapidement de ce qui s'est passé lors de ces conférences. La conférence de Yellowknife était présidée par Clifford Lincoln qui est un témoin aujourd'hui. Nous recevons également la secrétaire parlementaire, Mme Kraft Sloan, qui dirigeait la délégation canadienne. Ils nous feront brièvement rapport de leurs observations et de leurs conclusions, puis nous déciderons de la procédure à suivre avec eux.
Monsieur Graham, peut-être avez-vous quelques sages paroles à prononcer sur la question.
Le coprésident (M. Graham): Le mot sage est peut-être un peu trop fort. Je pense qu'il vaut la peine de souligner qu'on est loin de créer un précédent en tenant cette réunion mixte, mais dans le cadre de notre étude circumpolaire, il y a de nombreuses questions qui chevauchent les travaux d'autres comités et je pense que les membres du Comité des affaires étrangères ont dit souhaiter vivement travailler avec d'autres comités dans ces divers domaines.
Je pense qu'il y aura de nombreux chevauchements dans cette étude que nous avons entreprise et je suis donc heureux que nous puissions siéger avec le Comité de l'environnement ce matin. Je pense qu'il sera très stimulant d'entendre les commentaires de M. Lincoln et de Mme Kraft Sloan, ajoutés à ceux des témoins experts qui sont venus de l'Université McGill et de la Conférence circumpolaire inuit pour nous parler des aspects de politique étrangère. Je suis heureux que nous tenions cette séance et je pense que ce sera une expérience enrichissante.
Merci beaucoup.
Le coprésident (M. Caccia): Merci.
Allons-nous entendre d'abord M. Lincoln, qui était le président à Yellowknife, suivi deMme Kraft Sloan qui a présidé...?
M. Clifford Lincoln, député (Lachine - Lac-Saint-Louis): Dans l'ordre inverse, je pense.
Le coprésident (M. Caccia): Très bien.
Voulez-vous commencer?
Mme Karen Kraft Sloan, députée (York - Simcoe): Merci, monsieur le président.
C'est certainement une position unique dans laquelle je me retrouve aujourd'hui. Je prie mes collègues de ne me poser que des questions modérées.
Je vais vous donner un aperçu rapide de la conférence de Yellowknife ainsi que de celle d'Inuvik.
Deux conférences reconnues à l'échelle internationale se sont déroulées dans l'Arctique canadien en mars - la Deuxième conférence des parlementaires de la région de l'Arctique, à Yellowknife, et la Troisième conférence ministérielle de la stratégie de la protection de l'environnement arctique, à Inuvik.
La Deuxième conférence des parlementaires de la région de l'Arctique s'est tenue à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest les 13 et 14 mars dernier. La délégation canadienne comprenait des parlementaires de tous les partis - le Parti libéral, le Bloc québécois, le Parti réformiste et le Parti conservateur - et deux éminents Canadiens, M. David Shindler et Mme Cinday Gilday.
À cette conférence ont assisté les parlementaires de sept des huit nations circumpolaires, notamment le Canada, le Danemark, le Groenland, l'Islande, la Finlande, la Norvège, la Russie et la Suède. Seul le Congrès américain était absent. Ont assisté également les représentants des parlements lapons, du Conseil nordique, du West Nordic Parliamentary Council et de International Arctic Indigenous People's Organizations.
Les discussions ont été franches et productives. La précieuse participation des peuples autochtones de l'Arctique circumpolaire sur chacun des thèmes a ajouté de la pertinence au débat, car elle a permis que soient vraiment représentés les besoins et les préoccupations des peuples locaux.
La conférence portait sur quatre thèmes d'importance pour l'Arctique: premièrement, le développement durable dans la région de l'Arctique et l'utilisation des ressources renouvelables et non renouvelables; deuxièmement, les contaminants environnementaux dans l'Arctique; troisièmement, les défis pour les gouvernements de l'Arctique; et quatrièmement, les questions de sécurité.
La délégation canadienne a proposé une définition du développement durable comprenant des éléments environnementaux, sociaux, économiques, spirituels, culturels, historiques et politiques. Nous avons utilisé ces éléments pour parler de chacun des thèmes que je vous ai énumérés.
J'ai été heureuse de constater que la délégation canadienne a reconnu tout spécialement le rôle que jouent les femmes dans les collectivités du Nord à la lumière du développement dans ces collectivités. La délégation canadienne l'a reconnu dans sa déclaration finale.
Un exposé sur chacun des thèmes soulignait les caractéristiques uniques de la région de l'Arctique et la nécessité d'une meilleure collaboration entre les pays de l'Arctique. On a fait remarquer que l'Arctique était une région importante à l'échelle mondiale qui présentait des possibilités et des défis politiques, socio-économiques, culturels et environnementaux pour les parlementaires, les gouvernements et les habitants du Nord. Comme nous en sommes tous de plus en plus conscients, l'environnement arctique et ses habitants sont extrêmement sensibles tant aux activités dans la région qu'aux activités qui se déroulent loin de ses frontières.
Les parlementaires ont été particulièrement frappés par le nombre d'intervenants qui ont soulevé la question immédiate et critique des contaminants toxiques qui sont rejetés dans l'environnement par la pollution atmosphérique transfrontalière de longue portée et leur incidence sur l'environnement arctique et ses habitants. On a souligné la menace immédiate et urgente de la contamination radionucléide de l'environnement arctique provenant de diverses sources, notamment des essais nucléaires, des brise-glace et sous-marins nucléaires mis au rancart et des déchets radioactifs. Tous les gouvernements ont été exhortés à coopérer pour s'attaquer au problème sans plus tarder.
Il est important de souligner l'appui unanime de toutes les délégations pour l'établissement immédiat et rapide du Conseil de l'Arctique. Le conseil est considéré comme la façon la plus efficace d'harmoniser les diverses activités et initiatives bilatérales et multilatérales qui ont été entreprises à l'égard de l'Arctique.
La déclaration de clôture de la conférence comportait huit recommandations spécifiques et demandait à chaque gouvernement respectif de prendre 14 mesures proposées.
Le Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique poursuivra son travail en faisant le suivi auprès des organismes, des gouvernements et des organismes internationaux relativement à la mise en oeuvre des recommandations découlant de cette conférence et appuiera les préparatifs pour la Troisième conférence des parlementaires de la région de l'Arctique qui se tiendra à Salekhard en Russie au plus tard en 1996.
Après Yellowknife, la Troisième conférence ministérielle sur la stratégie de protection de l'environnement arctique s'est tenue à Inuvik dans les Territoires du Nord-Ouest du 19 au 21 mars dernier. Cette rencontre de l'exécutif de la SPEA a pris fin avec la signature de la déclaration d'Inuvik sur la protection environnementale et le développement durable dans l'Arctique. La signature de l'accord représente un engagement de coopération important entre les pays de l'Arctique.
Une des principales décisions qui est ressortie de la conférence ministérielle de la SPEA a été la création du Conseil de l'Arctique, une initiative dirigée par Mary Simon, ambassadrice du Canada pour les affaires circumpolaires.
Les représentants ministériels du Canada à cette conférence était le ministre des Affaires indiennes et du Nord, Ron Irwin, et le ministre de l'Environnement, Sergio Marchi, qui ont tous deux exprimé le souhait que le Conseil de l'Arctique soit créé cet été. M. Irwin a déclaré:
- Le Conseil de l'Arctique renforcera la coopération circumpolaire et fera converger les efforts
politiques vers la gamme importante de problèmes critiques auxquels doivent faire face nos
gouvernements et les habitants du Nord. Je suis fermement convaincu que nous avons une
occasion unique de créer quelque chose dont nous pourrions tous être très fiers.
M. John Finlay a assisté à la conférence d'Inuvik au nom du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique et il a fait rapport des progrès accomplis et de ce qui est ressorti de la conférence de Yellowknife.
Bon nombre des recommandations présentées à Yellowknife se reflètent et sont reprises dans la déclaration d'Inuvik. Ce qui est peut-être le plus important, c'est la position ferme et unanime adoptée lors de la conférence de Yellowknife quant à la création immédiate du Conseil de l'Arctique, recommandation qui a été adoptée à Inuvik avec la déclaration unanime que le Conseil de l'Arctique soit créé au cours de l'été 1996. D'autres recommandations fermes se retrouvent dans les deux déclarations de clôture sur la question critique des contaminants dans l'environnement arctique et la nécessité d'agir maintenant, à l'échelle locale, régionale et mondiale, afin de gérer ces substances dans l'environnement et empêcher leur dépôt dans les latitudes arctiques.
Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Caccia): Merci. Monsieur Lincoln.
M. Lincoln: Monsieur le président, j'aimerais parler du rôle des parlementaires dans les questions concernant l'Arctique. Mais auparavant, j'aimerais transmettre un message de M. Geir Haarde, qui est le président du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique. Il m'a écrit récemment pour remercier chaleureusement la délégation canadienne et le Canada pour ce qu'il a qualifié d'une excellente conférence.
Je m'en voudrais de ne pas remercier tout spécialement Mme Ann Marie Sahagian, d'Environnement Canada, qui est ici aujourd'hui avec nous et qui a dirigé toute l'organisation de cette conférence, ce qui n'est pas peu dire. Elle et Helen Anderson ainsi que Stephanie Meakin, qui est aussi ici aujourd'hui, nous ont fourni un excellent service et nous ont beaucoup aidés. J'ai reçu de nombreux commentaires de la part de divers délégués quant à leur efficacité et leur gentillesse.
J'aimerais également remercier ma collègue Karen Kraft Sloan et les membres de la délégation canadienne, Mme Guay, Keith Martin et Mme Finlay, qui nous ont très bien représentés à cette conférence dont nous sommes très fiers. Je pense que cette conférence a été un franc succès.
Pour les députés ici qui ne connaissent pas très bien le Comité permanent des parlementaires de l'Arctique, j'aimerais vous en faire une brève description. Il s'agit d'un organisme hybride qui a été mis sur pied par le Conseil nordique il y a quelques années. J'ai été délégué canadien, en quelque sorte, purement par accident. Je ne sais pas à qui je dois ma nomination, sauf peut-être àM. Charles Caccia, qui un jour m'a envoyé du comité ici pour assister à la première réunion. Je suis ensuite devenu un membre régulier pendant un certain temps.
Ce comité est composé de trois membres des pays du Conseil nordique, soit un membre du Canada, un des États-Unis et un de la Russie, et d'un représentant des parlements lapons. Le comité se réunit de façon très irrégulière. Il n'y a pas de calendrier particulier sauf peut-être qu'après la première conférence des parlementaires à Reykjavik, et la seconde à Yellowknife, il se réunit au besoin pour essayer de faire le lien avec le programme des divers parlementaires de ces huit pays de l'Arctique, pour coordonner le travail des parlementaires dans le but d'influencer les principales décisions prises par les pays de l'Arctique dans divers organismes internationaux, notamment à la Commission circumpolaire internationale et à la Stratégie de la protection de l'environnement arctique. Par ailleurs, le comité a travaillé très activement à promouvoir l'idée d'un Conseil de l'Arctique.
La dernière réunion du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique a eu lieu aux États-Unis en vue de préparer la conférence de Yellowknife. La prochaine réunion aura lieu dans le nord de la Russie un peu plus tard au cours de l'année, car la Russie a accepté d'être l'hôte de la prochaine conférence des parlementaires.
L'un des principaux objectifs du comité permanent était de promouvoir très activement la création du Conseil de l'Arctique et de demander que lorsque le Conseil de l'Arctique sera créé, comme nous l'espérons qu'il le sera cette année, il puisse avoir son mot à dire au sein du Conseil, non seulement comme allié ou collaborateur, mais aussi comme participant à part entière du Conseil de l'Arctique, et que ce soit inscrit dans sa charte de façon à ce qu'il soit bien clair que les parlementaires puissent participer aux travaux du Conseil de l'Arctique.
Dans cette optique, M. Haarde, le président du comité permanent, m'a demandé il y a deux ou trois semaines d'assister à la réunion à Ottawa - de toute évidence parce que je suis ici sur place - pour présenter nos recommandations de Yellowknife aux représentants des divers pays de l'Arctique qui se réunissaient ici à Ottawa pour travailler à la mise en place du nouveau Conseil de l'Arctique. J'ai donc demandé que le comité permanent soit spécifiquement représenté au Conseil de l'Arctique.
L'accueil a été très passif de la part de tous les pays. À mon grand étonnement, les États-Unis étaient le seul pays à appuyer cette demande. Je m'attendais à ce que les États-Unis rejettent notre demande car, assez étrangement, les États-Unis étaient entièrement absents des réunions du comité permanent. Ils n'y ont jamais participé. En fait, il est malheureux que les États-Unis aient été absents à Yellowknife. Donc à ma grande surprise, le délégué américain a dit qu'il appuyait fermement l'idée que le comité permanent ait son mot à dire au sein du Conseil de l'Arctique.
Selon les plus récents renseignements que j'ai en ce qui concerne le Conseil de l'Arctique, ce qui est loin d'être officiel, les choses vont bon train. On a bon espoir que d'ici à l'été le Conseil de l'Arctique sera une réalité et qu'il sera créé.
Il est donc très important que nous, parlementaires, nous assurions que d'ici à juin ou juillet, lorsque le Conseil de l'Arctique sera créé, le Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique soit inscrit, pour ainsi dire, dans la Charte du Conseil de l'Arctique afin que nous ayons un rôle bien précis à jouer. Je vous encourage fermement à travailler très activement ici afin de faire une recommandation en ce sens.
Je termine sur le sujet de réflexion suivant que je vous offre. À la dernière réunion du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique, qui s'est déroulée à Yellowknife au moment même où la conférence avait lieu, la délégation russe a recommandé ou suggéré de mettre sur pied une association parlementaire du Conseil de l'Arctique. Je pense que nous devrions prendre quelques instants pour y réfléchir, car ce qui s'est passé à la dernière conférence qui s'est tenue à Yellowknife... Nous n'avons pas d'association parlementaire des parlementaires de l'Arctique ici à la Chambre des communes, de sorte que nous sommes un organisme hybride. Le comité permanent est un organisme hybride. Il n'est rattaché à aucun autre organisme.
De sorte que lorsque nous voulons lever des fonds, comme nous avons voulu le faire pour la conférence, cela nous est impossible. La Chambre des communes ne nous reconnaît pas officiellement. Nous n'avons pas de port d'attache. C'est grâce à Mme Copps, qui était alors ministre de l'Environnement, que nous avons pu obtenir des fonds pour financer la conférence - un investissement important de la part du ministère de l'Environnement. N'eut été de cette collaboration, nous étions dans l'impasse. Nous étions dans une position embarrassante, étant le pays hôte et incapable de trouver des fonds réguliers parce que nous ne sommes pas une association parlementaire.
Les Russes tiennent beaucoup à avoir une association parlementaire. Je pense que c'est quelque chose que vous devriez savoir. Le problème, c'est que si l'on crée une association parlementaire, comme nous voulons le recommander, l'idée d'une association parlementaire ne plaît pas tellement aux pays du Conseil nordique, car cela signifie que ces pays devraient financer une telle association. Plutôt que d'envoyer un délégué à un comité permanent, comme la Norvège ou la Suède - ou l'Islande, un pays encore plus petit - le ferait, ces pays devraient alors envoyer une délégation en bonne et due forme pour tous les événements, ce qui serait très coûteux pour eux. Ils sont donc peu enthousiastes face à la création d'une association parlementaire.
Certains des pays du Conseil nordique ont également dit que si l'on crée une association parlementaire, les Américains par le passé ont été très peu disposés à se joindre à de telles associations et que cela serait un autre obstacle à la participation des Américains. Ils estiment qu'il y a de bien meilleures chances que les Américains participent à un comité permanent plus souple qu'à une association parlementaire en bonne et due forme.
Voilà donc notre dilemme. Si nous ne créons pas une association parlementaire - et je suis d'avis qu'étant donné ce qu'en pensent la plupart des pays, sauf les Russes, nous ne devrions pas créer une telle association pour l'instant - alors nous devrons trouver un autre mécanisme pour sauvegarder le comité permanent afin qu'il puisse exister de son propre chef, appartenir à un organisme ou à un ministère qui le protège et qui lui fournit les fonds pour ses réunions et autres activités.
Je laisserai maintenant Karen vous présenter la première série de recommandations. Je ferai ensuite des recommandations en ce qui concerne le comité permanent.
Mme Kraft Sloan: Je vous remercie beaucoup, monsieur Lincoln.
Je souligne aussi l'importance de trouver un moyen de faire participer les parlementaires aux travaux du comité permanent. Tous les délégués se sont fermement prononcés en faveur d'une participation des parlementaires aux activités du Conseil de l'Arctique, surtout parce que ceux-ci peuvent exercer des pressions sur leurs gouvernements, avec lesquels ils entretiennent un autre type de relations. Je voulais simplement faire cette réflexion.
Comme Clifford l'a précisé, nous avons deux séries de recommandations à présenter à ce comité. Les miennes se rapportent à la déclaration de Yellowknife que nous prions le comité d'adopter. Voici les points de la déclaration qui nous intéressent tout particulièrement.
1. coordonner et promouvoir la collaboration entre les parlementaires et les organismes gouvernementaux dont les décisions peuvent toucher le gouvernement;
2. définir de façon plus large la sécurité comme l'ont proposé les participants à la conférence de Yellowknife;
3. favoriser la pleine participation des peuples indigènes aux négociations et à la prise de décisions à l'échelle tant nationale qu'internationale;
4. continuer à appuyer les activités de surveillance de la SPEA ainsi que les recherches scientifiques dans les régions arctiques et subarctiques;
5. reconnaître la voix et le rôle importants des peuples indigènes de l'Arctique, dans tous les domaines, y compris la culture, l'histoire, la spiritualité, les valeurs humaines ainsi que le développement social et économique; reconnaître également la contribution et le rôle spéciaux des femmes dans l'Arctique;
6. intervenir promptement pour lutter contre le transport à grande distance des polluants atmosphériques; et
7. appuyer sans équivoque à l'échelle internationale la limitation ou l'interdiction des essais nucléaires, des usages civils et des déchets radioactifs.
Je soumets ces recommandations à l'étude du comité.
M. Lincoln: En terminant, monsieur le président, j'aimerais formuler les recommandations suivantes qui se rapportent directement au comité permanent:
1. que le gouvernement crée officiellement un comité permanent de parlementaires de la région de l'Arctique;
2. qu'un parlementaire soit nommé pour représenter le Canada au sein du comité permanent;
3. que la représentation canadienne au sein du comité soit assurée d'un soutien adéquat; et
4. que le comité permanent joue un rôle important et soutenu au sein du Conseil de l'Arctique.
Le parlementaire nommé pour représenter le gouvernement du Canada au sein du comité permanent des parlementaires de l'Arctique serait chargé de:
1. suivre l'évolution des initiatives parlementaires circumpolaires;
2. travailler à la mise en oeuvre des résolutions adoptées lors d'une conférence comme celle de Yellowknife;
3. surveiller les suites données à ces résolutions; et
4. favoriser la participation des parlementaires ainsi que des membres du comité permanent de la région de l'Arctique aux initiatives circumpolaires et notamment aux initiatives prises par le Conseil de l'Arctique.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le coprésident (M. Caccia): Pourriez-vous nous dire dans quel document se trouvent ces recommandations?
Mme Kraft Sloan: Elles ne sont pas tirées d'un document préparé pour le comité.
Les recommandations que je viens de vous lire sont tirées de la déclaration de Yellowknife. Elles ne sont pas exactement formulées de la même façon dans la déclaration, mais elles en constituent les points saillants.
Je ne sais pas exactement ce qui a été remis au comité ce matin. Avez-vous un exemplaire de notre déclaration? Non.
Le coprésident (M. Caccia): Vos recommandations sont-elles tirées de la déclaration issue de la conférence de Yellowknife?
Mme Kraft Sloan: Oui.
Le coprésident (M. Caccia): Se trouvent-elles à la page 3?
M. Lincoln: Monsieur le président, permettez-moi de faire une suggestion. Malheureusement, ces notes...
[Français]
n'ont pas encore été traduites en français. Ce sont des notes que nous avons préparées pour nous-mêmes. Est-ce qu'on pourrait faire traduire le document, le mettre à neuf et ensuite l'envoyer aux greffiers des deux comités? Je ne pense pas que ça soit prêt aujourd'hui.
Les recommandations que Mme Kraft Sloan a faites découlent principalement de la résolution de Yellowknife. Celles que j'ai faites moi-même sont des recommandations additionnelles sur le comité parlementaire.
Nous pourrions peut-être mettre tout ça à jour pour vous, en anglais et en français, et l'envoyer au greffier le plus tôt possible. Vous n'avez pas l'air très heureux, monsieur le président.
[Traduction]
Le coprésident (M. Caccia): Acceptez-vous cette suggestion?
Le coprésident (M. Graham): Oui.
Le coprésident (M. Caccia): J'ouvre maintenant la période de questions. Je vous invite à être brefs.
Madame Guay, vous avez la parole.
[Français]
Mme Guay (Laurentides): Monsieur le président, c'est simplement une question d'information. On ne pourra pas adopter quoi que ce soit aujourd'hui si on n'a pas les documents. Il va falloir attendre qu'on ait ce document pour qu'on puisse en prendre connaissance et ensuite faire une réunion.
J'ai une inquiétude concernant les États-Unis. On sait qu'ils n'étaient pas présents, entre autres à Yellowknife, et qu'ils ne sont pas allés non plus à l'autre conférence avec les ministres.
M. Lincoln: Ils y sont allés, mais pas au niveau ministériel. C'était plutôt au niveau de bureaucrates de haut niveau, à Inuvik.
Mme Guay: Quelle a été leur réaction? Vous m'avez parlé tantôt de la réaction du délégué des États-Unis au sujet du Conseil de l'Arctique.
M. Lincoln: Lorsque j'ai rencontré les officiels des pays de l'Arctique qui s'occupent de préparer le texte qui servira à la création du Conseil de l'Arctique, les États-Unis étaient représentés par quelqu'un du Département d'État, de très haut niveau, qui a parlé. Il y avait une délégation complète et maintenant, les États-Unis prennent une part très active aux travaux du Conseil de l'Arctique. Ils ont dit qu'ils appuyaient notre recommandation pour que le comité des parlementaires soit représenté au sein du Conseil de l'Arctique. En fait, paradoxalement, c'est la seule délégation qui ait parlé. Les autres délégations se sont montrées très passives, mais les Américains ont demandé à parler pour nous appuyer, ce qui est bon signe.
Mme Guay: Vous parlez d'un comité spécial pour l'Arctique. Est-ce que c'est un sous-comité du Comité de l'environnement ou si c'est carrément un nouveau comité? Et qui est-ce qui va siéger à ce comité?
M. Lincoln: Jusqu'à présent, c'est un genre de comité hybride. Je peux vous dire que ce sont les pays faisant partie du Conseil nordique qui, les premiers, ont voulu créer ce comité. Il y avait quelques secteurs qui avaient été définis, et je crois que le Canada n'a envoyé personne parce que nous n'étions pas préparés. Au moment où nous allions devenir le pays hôte de la conférence de Yellowknife, la Canada s'est trouvé dans une position embarrassante et, il y a deux ans, à la demande de M. Caccia, je suis allé, aux frais du ministère de l'Environnement du Canada, à Stockholm pour discuter de la conférence de Yellowknife. C'est ainsi que nous avons participé à ce conseil sans avoir encore de structure réelle.
Personnellement, je continue à y prendre part, mais il faut à tout prix régulariser cela. Ce comité est solide maintenant. Est-ce que ce comité sera nommé par le ministère des Affaires étrangères? Je pense que c'est ce qui devrait être fait. Nous recommandons une participation active à ce comité qui va être nommé par les instances gouvernementales canadiennes.
Le coprésident (M. Caccia): On comprend très bien votre intervention, madame Guay. Dès que nous aurons la traduction française du document, le comité pourra se réunir à nouveau. Nous pourrons peut-être tenir deux séances séparées pour discuter des propositions et ensuite décider l'adoption. Nous allons donc attendre la traduction. Merci, madame Guay.
M. Lincoln: Monsieur le président, je voudrais faire une recommandation. Il faudrait envoyer cela au greffier avant la prochaine rencontre de votre comité sur un autre sujet, afin d'être en mesure de discuter de cette résolution. Quand les gens auront les documents en mains, cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps.
Le coprésident (M. Caccia): Le greffier me dit qu'il a un texte en français. C'est le texte de la déclaration de la deuxième conférence. Les recommandations sont basées sur la déclaration même. Mais on va procéder comme vous le dites.
Monsieur Steckle.
[Traduction]
M. Steckle (Huron - Bruce): Pour nous aider à mieux nous y retrouver, pourriez-vous nous donner une idée du mandat et de la composition du Conseil de l'Arctique?
M. Lincoln: Le conseil n'a pas encore été formé.
M. Steckle: Je le sais.
M. Lincoln: Plusieurs initiatives internationales visent l'Arctique, dont la plus importante est pour l'instant la stratégie de protection de l'environnement de l'Arctique, la SPEA. Lancée à l'origine par les pays du Conseil nordique, la mise en oeuvre de la stratégie est maintenant assurée par un organisme international qui effectue des travaux techniques liés à la sécurité, l'environnement et le développement de l'Arctique. Il se compose en majorité de hauts fonctionnaires et de spécialistes de l'Arctique.
Des interventions sont aussi menées à différents niveaux politiques. On a estimé qu'il convenait de créer un conseil composé de représentants des huit nations arctiques parce qu'on a jugé que la coordination de ces diverses activités tant au niveau conceptuel qu'au niveau politique devenait une tâche de plus en plus difficile et complexe. Ce conseil se composerait des ministres des divers pays arctiques et serait chargé de coordonner les travaux des divers organismes oeuvrant au niveau conceptuel ainsi qu'au niveau politique.
Le Canada a recommandé la création de ce conseil en 1989. En 1993, et encore cette année, des parlementaires ont repris cette idée. Jusqu'à la fin de la guerre froide qui opposait l'Union soviétique aux États-Unis, ces deux pays refusaient de participer à un Conseil de l'Arctique pour des raisons militaires et géopolitiques. Ils rejetaient complètement l'idée d'un tel conseil. L'idée, lancée par les pays du Conseil nordique et le Canada, a donc été mise en veilleuse.
Dernièrement, la guerre froide étant terminée et la fédération de Russie ayant vu le jour, les Russes se sont faits d'ardents promoteurs de la création d'un Conseil de l'Arctique. Pour les mêmes raisons militaires et géopolitiques qu'autrefois et en raison de leurs politiques concernant l'Alaska, les Américains n'ont d'abord pas manifesté beaucoup d'enthousiasme pour cette idée. L'attitude des Américains a cependant changé sous l'administration Clinton grâce sans doute à l'intervention du vice-président Gore. Les Américains appuient maintenant sans réserve l'idée de créer un Conseil de l'Arctique et par conséquent, celui-ci a de bonnes chances de voir le jour cette année.
Notre ambassadrice circumpolaire, Mary Simon, est sans doute celle qui a déployé le plus d'efforts pour que ce conseil soit créé. Les participants à la conférence de Yellowknife, qui a été suivie par une conférence ministérielle à Inuvik, ont appuyé l'idée sans réserve. Je suis donc convaincu que le conseil va enfin voir le jour.
Le coprésident (M. Graham): Permettez-moi de vous interrompre. Monsieur Steckle, je ne veux cependant pas vous empêcher d'obtenir une réponse à votre question.
Je signale simplement aux membres du comité de l'environnement que mardi matin dernier, nous avons longuement discuté avec Mme Simon de la création du Conseil de l'Arctique. Elle nous a remis les plus récents documents portant sur le sujet et il y aura aussi transcription de cette réunion. Tout cela est à votre disposition. Je voulais simplement vous signaler que nous avions consacré toute une réunion cette semaine à la question du Conseil de l'Arctique.
Mme Kraft Sloan: Pour la gouverne de ceux qui l'ignoreraient, j'aimerais préciser qu'au nombre des programmes mentionnés par Clifford, on compte un programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique, un programme de conservation de la flore et de la faune de l'Arctique, un programme de protection de l'environnement marin de l'Arctique, un programme de prévention et d'intervention en cas d'urgence et un groupe de travail sur le développement durable. Cela vous donne une idée des domaines qui nous intéressent.
J'ai également recommandé qu'on définisse de façon plus large la sécurité, ce qui devrait rassurer les Russes et les Américains. Pour votre gouverne, permettez-moi de lire cette définition: «Que la sécurité s'entende non seulement de la sécurité militaire, mais aussi de la sécurité environnementale, humaine, sociale, culturelle, historique et économique, et qu'elle cadre avec notre vision du développement durable». Voilà ce que nous proposons comme définition à la délégation canadienne. Nous ne voulons donc pas donner lieu à la création d'une relation à caractère militaire seulement qui serait fondée sur l'affrontement. Pour nous, la sécurité touche à tous les aspects des activités humaines.
Le coprésident (M. Caccia): J'aimerais faire une petite mise en garde avant de donner la parole au prochain intervenant... Monsieur Steckle.
M. Steckle: Je voulais savoir quelle était la composition du conseil. Va-t-il se composer des premiers ministres des huit pays de l'Arctique? Voilà ce que je voulais vraiment savoir.
M. Lincoln: Je crois que les ministres des Affaires étrangères ainsi que les ministres de l'Environnement y siégeront sans doute. Le gouvernement du Canada décidera de la façon dont il sera représenté au sein du conseil. Je crois que c'est le ministre des Affaires étrangères qui représentera le gouvernement au plus haut niveau. Il s'agira d'un organisme international.
Le coprésident (M. Caccia): J'aimerais faire une petite mise en garde au sujet du Conseil de l'Arctique. Si vous comparez le texte de la déclaration parlementaire de Yellowknife qui est devant vous à la déclaration ministérielle d'Inuvik, vous constaterez que la première est beaucoup plus réaliste au point de vue politique. Autrement dit, la déclaration de Yellowknife est axée sur l'action et non pas sur le processus. Elle confie au conseil un mandat très clair. Par contre, la déclaration ministérielle est surtout axée sur le processus. Elle est assez peu précise sauf pour ce qui est de la protection environnementale de l'Arctique.
Deux scénarios sont possibles pour ce qui est du Conseil de l'Arctique. Soit les membres de celui-ci seront de plus en plus nombreux et s'intéresseront surtout au processus, soit les parlementaires qui y siégeront seront très efficaces et influents et voudront concentrer leurs efforts sur des initiatives concrètes. Voilà pourquoi cette période qui précède la création du Conseil de l'Arctique revêt une certaine importance. Compte tenu de ces deux scénarios possibles, voilà pourquoi l'intervention et la participation des parlementaires deviennent importantes. Il s'agit d'en arriver à un juste équilibre.
Il est utile de comparer le contenu des deux déclarations. Si nous n'y prenons pas garde, on fera grand cas de la création d'un Conseil de l'Arctique, initiative fort louable, qui s'il compte trop de membres, s'intéressera surtout au processus plutôt qu'à l'action.
Je songe évidemment en particulier à la question de la pollution transfrontalière qui revêt une importance cruciale, car il s'agit d'un problème que nous n'avons presque même pas commencé à régler. Depuis la première réunion de Rovaniemi en 1991, les belles déclarations se sont succédé, mais en vain. Maintenant, c'est la question de l'élimination du plutonium résultant du désarmement qui retient toute l'attention.
Je vous recommande donc de comparer les deux textes et de surveiller ce qui va se passer d'ici à la prochaine réunion des deux comités qui sera consacrée à l'étude des recommandations.
Je m'excuse de m'être étendu aussi longuement sur le sujet. Monsieur Flis, madame Debien, monsieur Dupuy et monsieur Adams.
M. Flis (Parkdale - High Park): Je vous remercie, monsieur le président.
On a déjà signalé le fait que Mme l'ambassadrice Mary Simon avait déjà comparu devant le Comité des affaires étrangères pour faire le point sur la question. Si vous ne l'avez pas déjà fait, je vous invite à lire la transcription de cette séance parce que nous n'aurons pas ainsi à revenir sur ce qui a déjà été dit.
Ce qui nous a étonnés, c'est le peu de ressources mises à la disposition de Mme l'ambassadrice Simon. La plupart des ambassadeurs qui représentent le Canada à l'étranger traitent avec leurs homologues d'un seul pays, mais Mary Simon devra collaborer avec ses homologues de sept pays. Comment peut-elle le faire avec l'aide d'une seule secrétaire et d'un seul conseiller?
Je suis heureux qu'il s'agisse d'une réunion mixte, parce que nous pourrons peut-être, au lieu de gaspiller davantage de ressources, recommander à nos ministres respectifs ainsi qu'au gouvernement lui-même de réaffecter les ressources dont nous disposons déjà. Le ministère de l'Environnement ainsi que le ministère de la Défense pourrait tous deux affecter un spécialiste auprès de Mme l'ambassadrice Simon. Ces personnes relèveraient d'elle et non pas de leurs ministres respectifs. Il faudrait tirer parti de ce que nous avons déjà.
Comme je l'ai mentionné lors de la réunion du Comité des affaires étrangères, j'ai passé deux nuits avec une famille inuit dont le fils aîné s'était suicidé. Le deuxième fils ne fréquente pas l'école parce que son père lui apprend comment survivre dans l'Arctique. Ces gens veulent que l'un de leurs fils puisse prendre soin d'eux dans leur vieillesse. C'est un bon raisonnement. Les quatre autres enfants du couple fréquentent l'école. Le père de la famille a dit que comme il n'y a pas d'emploi pour eux sur place, il faudra qu'ils aillent à Yellowknife ou ailleurs pour trouver du travail. J'espère qu'on n'oubliera pas cette famille lors de l'élaboration de la politique nationale et de la politique étrangère.
Je vois qu'on s'intéresse aux valeurs de notre société. Quelqu'un a parlé du rôle des femmes dans l'Arctique. Pensons à quelque chose de différent. Concentrons notre action sur toute la famille dans l'Arctique. Il convient de se demander pourquoi ce jeune homme s'est suicidé.
Je suggère donc que nous recommandions au gouvernement de ne pas affecter de nouvelles ressources mais plutôt de réaffecter les ressources dont nous disposons déjà.
La remarque suivante s'adresse à Clifford Lincoln que je remercie de sa mise en garde au sujet de l'Association parlementaire de l'Arctique. Certains d'entre nous partagent sa préoccupation. Le moment est-il vraiment venu de créer un groupe d'amitié parlementaire comme ceux que nous avons déjà avec d'autres pays? On a rejeté cette idée parce que ce groupe n'aurait pas de réel mandat. Un groupe d'amitié parlementaire ne dispose pas de ressources et voilà pourquoi je crois que nous devons créer une association parlementaire de l'Arctique.
Je crains qu'un député de l'un ou l'autre parti demande aux gens de poser leur candidature pour faire partie de ce groupe parlementaire. Vous avez déjà dit que la mesure était peut-être prématurée parce que si cela amenait les États-Unis et les pays nordiques à s'opposer...
J'aimerais entendre d'autres idées. Pensez-vous que nous devrions attendre un peu avant de créer une association parlementaire de l'Arctique? Comme le Canada a toujours fait preuve de leadership, peut-être que le moment est effectivement venu de créer cette association.
Le coprésident (M. Caccia): Je vous remercie, monsieur Flis.
L'un ou l'autre des témoins veut-il répliquer à l'intervention de M. Flis?
Mme Kraft Sloan: Jesse, j'aimerais simplement signaler au sujet de la recommandation portant sur le rôle des femmes dans l'Arctique que nous avons consulté là-dessus l'une des membres de notre délégation, Cinday Gilday, qui appartient à une première nation. Nous avons également consulté d'autres femmes autochtones et inuit qui participaient à la conférence.
L'un des problèmes qui se pose dans l'Arctique, c'est que le développement économique a des conséquences pour les familles. Ce sont d'ailleurs les femmes qui sont appelées à aider leur famille à s'adapter à ce changement. Voilà pourquoi nous avons voulu reconnaître dans notre déclaration le rôle que jouent les femmes auprès de leur famille lorsque le monde arctique vient en contact avec le monde occidental. Nous avons formulé cette recommandation pour les raisons mêmes que vous avez énoncées.
M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de l'association. Je crois que les pays nordiques pensent qu'il est prématuré de créer celle-ci. Comme ils sont les chefs de file dans ce groupe, et qu'ils représentent cinq des huit membres, s'ils s'opposent à la création de l'association, elle ne verra sans doute pas le jour.Ces pays estiment que le comité permanent suffit pour l'instant et que ce qui importe c'est d'être représenté au sein du nouveau Conseil parlementaire de l'Arctique. Voilà où ils comptent concentrer leur action.
Pour des raisons d'économie et de souplesse, je propose donc comme mesure provisoire que nous officialisons la représentation au sein du comité permanent. Nous verrons dans deux ou trois ans s'il est nécessaire de créer une association parlementaire. Pour l'instant, je ne pense pas que ce serait utile.
Le coprésident (M. Caccia): D'autres témoins distingués comparaissent devant nous aujourd'hui.
Rosemarie Kuptana, Marianne Stenbaek, John Hannigan et Harald Finkler, avez-vous des commentaires à propos de ce qui s'est dit jusqu'ici?
M. John Hannigan (témoignage à titre personnel): Je voudrais reprendre quelque chose que vous avez dit au sujet du Conseil de l'Arctique et de l'importance d'avoir un conseil axé sur l'action plutôt que sur le processus.
Depuis le tout début des discussions sur la création du Conseil de l'Arctique, ce qui remonte à plusieurs années, comme l'a dit M. Lincoln, je suis quelque peu sceptique à propos de ce conseil. J'ai donc surveillé son évolution jusqu'au point où nous en sommes maintenant, c'est-à-dire à la veille de sa création.
J'appuie ce que vous avez dit. Il devrait effectivement exister un mécanisme quelconque pour insuffler un peu de vie à cet organisme pour éviter qu'il s'occupe uniquement des processus parce que c'est ce qui risque d'arriver, comme vous l'avez dit.
Mme Marianne Stenbaek (Centre des études et recherche du Nord, Université McGill): Je voudrais commenter ce que le député en face de moi a dit.
Mary Simon est une ambassadrice circumpolaire parce qu'elle est ambassadrice non seulement pour les huit pays de l'Arctique, mais aussi pour l'Antarctique.
Quant à la question des femmes dans l'Arctique, si je ne m'abuse, le nouveau territoire de Nunavut qui sera créé en 1999 sera le seul territoire du monde où l'on stipulera que chaque circonscription sera représentée par deux membres, un homme et une femme. C'est une stipulation tout à fait inédite qui a fait beaucoup de bruit.
Mme Rosemarie Kuptana (présidente, Inuit Circumpolar Conference): Je suis Rosemarie Kuptana et je voudrais commenter deux des questions qui ont été soulevées ce matin.
La première est celle du rôle des femmes et de leur participation à diverses institutions dans le Nord. Comme l'a dit Karen, les femmes ne sont pas bien représentées à l'heure actuelle dans bon nombre d'institutions qui gouvernent la société inuit et autochtone dans le nord du Canada.
Il suffit de songer aux ententes sur le règlement des revendications territoriales. Comme vous le savez, les Inuit ont signé de telles ententes dans la région d'Inuvialuit dans l'Arctique occidental, dans le nord du Québec ou Nunavik et à Nunavut. Les ententes signées entre le Canada et les Inuit contiennent des dispositions à propos des entreprises commerciales et de programmes d'aide aux chasseurs, mais les questions qui intéressent les femmes n'y sont pas mentionnées. À mon avis, cela reflète que ce sont des hommes qui ont négocié ces ententes. Les femmes commencent maintenant à exprimer leurs opinions et à insister pour participer.
Comme l'a souligné Marianne, la seule exception est la disposition qui assurera l'égalité des sexes à l'Assemblée législative de Nunavut. Cependant, c'est une question très controversée et litigieuse à Nunavut et ce n'est qu'une proposition pour l'instant. Ce n'est pas encore définitif.
Je voudrais aussi commenter la possibilité pour le Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique de faire partie du Conseil de l'Arctique. Tout d'abord, je suis bien d'accord qu'il faut favoriser un dialogue étroit avec le comité permanent, mais je ne pense pas que ce soit nécessaire d'intégrer ce rapport au sein même du Conseil de l'Arctique. Selon moi, les représentants de l'État peuvent s'occuper des intérêts du grand public. On a aussi prévu une catégorie pour les observateurs qui pourraient sans doute s'appliquer aux membres du comité permanent s'ils voulaient participer officiellement au conseil.
Les négociations en vue de la création du Conseil de l'Arctique ont été très difficiles. Tous ceux qui s'intéressent au conseil ont voulu participer. Bon nombre d'ONG et de peuples autochtones de la région circumpolaire veulent avoir une place officielle au sein du Conseil de l'Arctique. Selon moi, nous devons tout faire pour que le Conseil de l'Arctique puisse fonctionner efficacement et ait un nombre restreint de membres.
Quant à la question des fonctions de l'ambassadrice Simon, je n'ai pas discuté officiellement ou autrement avec l'ambassadrice de son budget et de ses activités, mais je dois dire que son portefeuille est très vaste. Il y a beaucoup de questions délicates qui touchent à l'Arctique, surtout vu ce que le Canada projette pour le Conseil de l'Arctique, l'environnement et la SPEA. Selon moi, on devrait réfléchir sérieusement à la nécessité d'affecter les budgets et le personnel nécessaires à l'ambassadrice vu toutes les demandes et les recommandations qui ont été faites à ce sujet.
Merci.
Le coprésident (M. Caccia): Merci.
M. Harald W. Finkler (directeur, Direction de la liaison circumpolaire, ministère des Affaires indiennes et du Nord): Je suis Harald Finkler et je travaille au ministère des Affaires indiennes.
Je n'ai que deux choses à dire à propos du Conseil de l'Arctique. D'abord, il s'agit d'un forum gouvernemental et ses membres permanents sont les gouvernements des huit nations de l'Arctique. Comme l'a dit Rosemarie, la deuxième catégorie de membres est celle des participants permanents. Les huit nations membres de l'Arctique ont le droit de vote. Les participants permanents reconnaissent le rôle légitime des intervenants du Nord dans les délibérations et les discussion au sein du Conseil de l'Arctique.
À l'heure actuelle, il s'agit des trois organismes indigènes internationaux, soit la Inuit Circumpolar Conference, le Conseil lapon et l'Association des minorités indigènes du Nord, de la Sibérie et de l'Extrême-Orient de la Fédération russe. Bien entendu, comme l'a dit Rosemarie, la dernière catégorie est celle des observateurs.
Ce qu'il faut bien comprendre dans toute cette affaire, c'est que le Conseil de l'Arctique sera créé par une charte ou une déclaration, mais ce sera essentiellement un instrument qui n'entraînera aucune obligation aux yeux de la loi. Dans ses activités et ses délibérations, le conseil recherchera le consensus et la collaboration. C'est justement pour cela que l'on a jugé que les participants permanents de toutes les catégories pourraient participer aux discussions et influer sur la politique, les délibérations et les décisions du conseil.
C'est tout ce que je voulais dire. Merci.
Le coprésident (M. Caccia): Merci.
[Français]
Madame Debien, s'il vous plaît.
Mme Debien (Laval-Est): Mme Kuptana a partiellement répondu à la question que je voulais lui poser sur le volet parlementaire du Conseil de l'Arctique.
Je ne sais pas si c'est un problème de traduction ou de compréhension de ma part. M. Flis a parlé d'une association parlementaire. Est-ce que M. Lincoln voulait dire la même chose quand il a parlé d'un comité parlementaire permanent de l'Arctique?
Pour moi, ce sont deux choses bien différentes. Je pense que vous parliez d'une association, monsieur Flis? D'accord.
Maintenant, concernant le comité parlementaire du Conseil de l'Arctique, qu'est-ce qui ferait que ce volet ne serait pas le bienvenu au moment de la création du Conseil de l'arctique?
[Traduction]
Mme Kuptana: Pour répondre brièvement à votre question, on prévoit maintenant que le Conseil de l'Arctique sera essentiellement un organisme formé des gouvernements ou États de l'Arctique et des peuples indigènes de l'Arctique. À mon avis, ce ne serait pas approprié d'officialiser la participation d'un comité permanent de parlementaires au Conseil de l'Arctique, même si je suis convaincue que le comité parlementaire permanent et le Conseil de l'Arctique doivent entretenir un dialogue constant.
Une meilleure façon d'établir de tels rapports serait peut-être d'avoir régulièrement des réunions mixtes des parlementaires et du Conseil de l'Arctique. On prévoit maintenant que le Conseil de l'Arctique comprendra huit nations membres, de même que trois participants permanents et des observateurs.
Je pense donc que l'on pourra certainement poursuivre le dialogue, mais le Conseil de l'Arctique est à un moment très critique de son existence.
M. Lincoln: Si je puis dire un mot là-dessus, monsieur le président, il me semble que nous avons vraiment l'occasion de faire quelque chose de différent et de novateur dans ce domaine et d'aller au-delà des pratiques établies. Le Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique a insisté pour faire partie du Conseil de l'Arctique, mais pas nécessairement pour pouvoir exercer beaucoup d'influence auprès du conseil. Nous comprenons que ce seront toujours les États et leurs gouvernements qui prendront les décisions. D'un autre côté, nous savons que si nous devons nous contenter du rôle d'observateur avec l'assurance qu'il y aura régulièrement des réunions avec le conseil, cela ne se réalisera jamais.
Nous tenons à ce que les parlementaires aient un rôle à jouer, et ce dans l'intérêt du Conseil de l'Arctique lui-même. Les plus grands partisans du Conseil de l'Arctique ont toujours été les parlementaires. La réunion des parlementaires a Yellowknife a influé énormément sur la réunion d'Inuvik. Si l'on jette un coup d'oeil aux conclusions de la réunion d'Inuvik, on constate que plusieurs des participants canadiens à cette réunion ont repris une bonne partie du travail et des conclusions de la conférence de Yellowknife.
Mme Dahl et M. Haarde et d'autres membres du Conseil nordique tiennent beaucoup à ce que le Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique puisse jouer un rôle officiel quelconque parce qu'ils comprennent très bien que si l'on ne le fait tout de suite, on ne le fera jamais. Nous devrons alors nous contenter du rôle d'observateur à mesure que le Conseil de l'Arctique évoluera.
Selon nous, ce serait une très bonne chose que le Conseil de l'Arctique obtienne l'appui des parlementaires de huit pays, d'abord parce qu'ils sont axés sur l'action, comme vous l'avez dit, et qu'ils pourront être une voix indépendante de bien des façons. Ils pourront dire parfois que les politiques officielles ne sont pas vraiment les plus appropriées pour l'Arctique. Cela ajoutera un peu de dynamisme à un conseil qui pourrait être sinon axé uniquement sur les processus.
À ma grande surprise, les Américains ont appuyé une recommandation l'autre jour quand j'ai témoigné au nom du comité permanent. Je reconnais que les autres nations n'ont pas dit grand-chose. J'ai cependant l'impression qu'il ne s'agit pas là d'une attitude représentative de ceux qui travaillent à la fondation du Conseil de l'Arctique et que ceux-ci voudraient que les parlementaires y soient représentés.
Nous ne voulons pas jouer le rôle de fauteur de troubles. Nous ne voulons pas non plus jouer le rôle des décideurs. Nous comprenons notre position. Par ailleurs, nous croyons avoir beaucoup à offrir. Si le Conseil de l'Arctique veut en profiter, je ne vois pas pourquoi on devrait penser que notre rôle pourrait être celui de fauteur de troubles ou d'adversaire. À mon avis, on devrait considérer plutôt que nous pouvons être des alliés et des partenaires très importants et que nous représentons bien des gens.
J'incite donc le comité à recommander à la Chambre qu'il soit prévu dès le départ que le comité permanent ait voix au chapitre au sein du Conseil de l'Arctique.
Le coprésident (M. Caccia): Merci, monsieur Lincoln.
Nous devons maintenant poursuivre si nous voulons prendre une pause de trois minutes et passer au groupe suivant de témoins distingués.
J'invite MM. Dupuy, Adams et Finlay à faire leurs interventions.
[Français]
M. Dupuy (Laval-Ouest): J'aimerais d'abord avoir un éclaircissement. Le comité permanent des parlementaires de la région arctique est-il une création de la Conférence internationale des parlementaires de l'Arctique? Ce comité permanent représente-t-il la Conférence en permanence?
Si la réponse est oui, pourquoi demanderait-on au Conseil de l'Arctique de reconnaître le comité permanent sans faire allusion à la Conférence elle-même?
Mon deuxième commentaire appuie les observations de M. Lincoln. J'ai été frappé en lisant le texte français du fait que la position du comité permanent est simplement qu'il est souhaitable d'entretenir un dialogue étroit.
J'ai été fonctionnaire aux Affaires étrangères pendant des années et je connais très bien la façon dont on rédige ces textes. Cela veut dire qu'on assure une présence marginale.
Nous avons entendu l'ambassadeur Simon nous dire que ce Conseil de l'Arctique serait une création originale, dynamique, nouvelle et qu'il y aurait plusieurs types de participation. Alors, je suis assez surpris d'entendre Rosemarie Kuptana nous dire qu'il est très bon que les gouvernements et leurs bureaucrates aient une place majeure, que des groupes représentatifs de l'Arctique aient une place majeure, mais que les députés doivent être marginalisés.
J'appuie entièrement les commentaires de notre collègue Clifford Lincoln. Ce sont les députés qui, avec les représentants des groupes intéressés de l'Arctique, seront les moteurs de l'organisation.
Rosemarie Kuptana semble suggérer que, si nous demandons un statut de participant, la création du Conseil de l'Arctique sera mise en danger et tout le paquet risquera de s'écrouler.
C'est peut-être une interprétation un peu exagérée, mais la dernière chose que je voudrais voir, c'est une présence ministérielle occasionnelle - car on sait que les ministres n'auront pas beaucoup de temps à consacrer à tout cela - , un organisme essentiellement bureaucratique qui n'aurait pas le contrepoids et le dynamisme d'une présence parlementaire.
M. Lincoln: Ce comité est un comité hybride qui a été lancé par le Conseil nordique. Celui-ci avait suggéré que les parlementaires rencontrent les parlementaires de l'Arctique. Ils se sont donc créé une structure qui relève du Conseil nordique. Ensuite ils ont dit que trois pays nordiques représenteraient le Conseil nordique et qu'ils invitaient les Canadiens, les Américains et le Russes à envoyer quelqu'un.
C'est comme cela que c'est arrivé. Il n'y a aucune structure permanente; pour eux, le Conseil nordique est une structure permanente. Ce sont eux qui assurent le secrétariat et les frais. Il y aM. Lindström de la Finlande qui est attaché à cela pour voir à l'organisation du Comité.
Nous, nous sommes invités. Cela «tient en l'air». C'est pourquoi le Canada voudrait régulariser cela en y attachant un ministère comme celui des Affaires étrangères.
Je suis très heureux d'entendre votre deuxième commentaire.
[Traduction]
Mme Kuptana: Si je ne m'abuse, M. Dupuy a posé une question ou fait un commentaire au sujet de ce que j'ai dit. Je me suis occupée du Conseil de l'Arctique depuis ses tout débuts en même temps qu'un groupe de travail constitué de Canadiens qui s'intéressent à l'Arctique et ce queM. Lincoln a dit aujourd'hui à propos d'un rôle officiel pour les parlementaires au sein du Conseil de l'Arctique... Je voulais simplement signaler que, selon moi, la possibilité de garantir des contacts réguliers entre le Conseil de l'Arctique et les parlementaires de l'Arctique est une question entièrement distincte de ce que devrait être la structure du Conseil de l'Arctique.
Il s'agit ici d'établir des contacts réguliers. Comme l'a dit M. Lincoln, si les parlementaires étaient marginalisés à cause de la structure du conseil, nous devrions peut-être prévoir des contacts et des réunions régulières entre les deux organismes.
Le coprésident (M. Caccia): Merci, madame Kuptana. Voulez-vous conclure brièvement?
Mme Kuptana: En outre, je ne disais pas que la participation des parlementaires de l'Arctique interromprait les négociations. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je disais que les négociations du Conseil de l'Arctique ont été très délicates et difficiles. Nous avons dû nous occuper de quelques questions très importantes qui intéressent les autres États, par exemple un programme ouvert et le développement durable. C'est une question qui revêt énormément d'importance si l'on veut assurer la participation des peuples indigènes à titre de participants permanents. On est en train de régler enfin toutes ces questions et nous espérons que le Conseil de l'Arctique pourra avoir sa première réunion quelque temps cet été.
Si la possibilité de contacts quelconques entre les parlementaires de l'Arctique et le conseil pose vraiment un problème, nous devrions prévoir de telles réunions de façon officielle.
Le coprésident (M. Caccia): Très bien. Monsieur Dupuy.
M. Dupuy: À mon avis, nous devrions être très reconnaissants envers Rosemary Kuptana de nous avoir signalé une chose fondamentale sur laquelle le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international devra certainement se pencher. Nous avons ici deux visions quelque peu divergentes. La première serait un procédé consultatif quelconque et l'autre une participation officielle. Ce n'est ni l'endroit ni le moment d'en discuter, mais nous devrons certainement nous pencher sur cette question importante plus tard.
Le coprésident (M. Caccia): Merci, monsieur Dupuy.
M. Adams, suivi de M. Finley.
M. Lincoln: Monsieur le président, excusez-moi de vous interrompre, mais je pense queM. Dupuy a tout à fait raison. Ce que nous souhaitons, ce n'est pas simplement d'être renseignés au cours de réunions d'information. Nous voulons qu'un parlementaire ait voix au chapitre en sa qualité de représentant des pays de l'Arctique afin que nous ayons notre mot à dire avant que la décision ne soit prise, ce qui n'est pas du tout la même chose.
M. Adams (Peterborough): L'un des buts de cette séance mixte est de donner du poids aux démarches qui aboutiront au Conseil de l'Arctique mais également de dynamiser la stratégie de protection environnementale de l'Arctique.
Mme Kuptana trouvera peut-être intéressante une chose qui m'a réjoui, hier ou avant-hier. En effet, Sergio Marchi, le ministre de l'Environnement, dans son allocution prononcée à New-York, a communiqué à la Commission des Nations Unies pour le développement durable un message en provenance d'Inuvik, rappelant l'impact que les polluants transfrontaliers avaient sur les collectivités du Nord. J'ai cru utile de rappeler que les choses bougent.
Je voudrais l'opinion de Mme Kuptana sur autre chose. L'Antarctique a été citée. Je constate que le traité de l'Antarctique est mentionné dans le document d'Inuvik. On sait que Mary Simon qui est notre ambassadrice pour les affaires circumpolaires et l'Antarctique. Madame Kuptana, quand on y pense, la force motrice derrière la CCI et le Conseil lapon est essentiellement environnementale. Au départ, il s'agissait d'intérêts locaux qui ont évolué vers des préoccupations environnementales plus générales.
En ce moment, notre souci est de mettre le Conseil de l'Arctique sur pied mais je me dis que nous serons peut-être encouragés par là à nous intéresser de façon plus systématique à l'Antarctique, étant donné la place que nous occupons dans les régions polaires septentrionales. Peut-être trouverez-vous cela tiré par les cheveux mais je me dis que nous avons un énorme bagage de compétences - nos collectivités dans le Nord ayant par exemple une excellente connaissance de la construction et de l'installation d'égouts durables dans un environnement froid - et c'est pourquoi j'en conclus que nous pouvons offrir une participation efficace à la gestion de l'Antarctique.
À propos des polluants transfrontaliers, il faut se dire que l'Antarctique constitue un pôle tel dans l'ensemble du système qu'on ne peut s'empêcher de faire des rapprochements sur le plan de l'environnement.
Une fois que le Conseil de l'Arctique sera établi - ce que l'on s'emploie à réaliser en ce moment - dans quelle mesure pensez-vous que notre pays pourrait participer plus officiellement au traité de l'Antarctique?
Mme Kuptana: Je ne suis pas sûre de pouvoir vous donner la réponse que vous souhaitez. Il faut dire que l'Arctique, et peut-être l'Antarctique, sont des régions qui ont été négligées et privées des bienfaits d'activités ou de mesures de la part des États qui y ont des intérêts. Ces deux régions de la Terre sont extrêmement sensibles et à mon avis il est grand temps que les gouvernements commencent à leur accorder une certaine attention.
Par exemple, je sais très bien qu'il y a 30 pays qui se livrent à des études scientifiques sur diverses questions dans l'Antarctique, notamment l'appauvrissement de la couche d'ozone, le réchauffement de la planète et l'incidence des contaminants et des polluants transfrontaliers. Les mêmes questions nous préoccupent dans l'Arctique circumpolaire.
Voilà pourquoi je souhaiterais davantage d'ententes sur ces questions-là dans les deux régions. C'est une des raisons pour lesquelles je pense qu'il est important de donner un budget adéquat au bureau de l'ambassadrice Simon. Je ne sais pas combien de temps elle peut consacrer à la région antarctique. La région circumpolaire est déjà une région de taille.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
Le coprésident (M. Caccia): Monsieur Finlay.
M. Finlay (Oxford): Merci, monsieur le président.
Dans mon esprit, le Conseil de l'Arctique est très prometteur, et je ne pense pas qu'on ait encore idée de ce qu'il permettra d'accomplir. Je tiens à dire que je suis tout à fait d'accord avec M. Dupuis. Je travaille avec M. Adams depuis un certain temps et je sais qu'il est bien au courant de la situation.
Selon moi, la région de l'Antarctique n'est pas comparable à la région de l'Arctique mais je sais qu'il nous faut l'étudier.
Je me demande si Mme Kuptana conviendra que c'est aux parlementaires qui ont créé le Conseil nordique qu'il faudrait sans doute accorder le mérite d'avoir élaboré un programme ouvert, lancé des initiatives de développement durable et réservé une place aux Autochtones, car ces derniers sont aussi des citoyens de la Russie, du Canada, des États-Unis et des pays nordiques.
L'avenir qu'a laissé entrevoir M. Finkler m'effraie quelque peu. Certes, il y aura des ministres, des bureaucrates et des Autochtones, mais on semble oublier ceux qui sont chargés des orientations générales dans les pays qui sont partie prenante à la région de l'Arctique.
Voilà que se présente à nous l'occasion de faire valoir un programme dans cette importante partie du monde tout en évitant de répéter les erreurs commises par le passé. Nous avons garanti la participation des Autochtones et les parlementaires s'en félicitent. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que les bureaucrates aient aussi un rôle mais ils sont guidés par un programme différent. Notons, car c'est significatif, que tous les pays circumpolaires sont des démocraties parlementaires. Félicitons-nous de ce que huit de ces pays puissent s'occuper de cette région névralgique du monde avec tout le bon sens, la coopération et la vision qui s'imposent.
À mon avis, cela ne pourra pas se réaliser à moins que l'on reconnaisse aux parlementaires un rôle dans l'orientation de la politique des pays qui devront collaborer au développement durable.
On a dit que l'Arctique recelait de grandes quantités de minéraux, du pétrole et du gaz. Il y a dans l'Arctique, des Autochtones qui veulent vivre sur cette terre et y tirer leur subsistance selon leur mode de vie traditionnel. Je ne prévois pas que des métropoles surgissent sur l'Île Ellesmere mais les Autochtones continuerons d'y vivre.
J'espère donc que nous pourrons faire ce qu'il faut pour l'avenir et que ceux qui peuvent donner une impulsion et une vision et défendre les habitants de ces contrés auront voix au chapitre.
Monsieur le président, merci.
Le coprésident (M. Caccia): Merci, monsieur Finlay.
Madame Kuptana, voulez-vous répondre?
Mme Kuptana: Monsieur le président, je ne souhaite pas entreprendre de débattre ici de l'opportunité de la participation du Comité permanent des parlementaires de la région de l'Arctique au Conseil de l'Arctique. Je pense avoir dit très clairement que je souhaitais un dialogue permanent, des contacts entre le Conseil de l'Arctique et les parlementaires de l'Arctique.
Je ne pense pas non plus que le Conseil de l'Arctique sera dirigé uniquement par des bureaucrates. Les chefs des délégations sont les ministres de l'Environnement, ou des ministres détenant un autre porte-feuille. De ce fait, les parlementaires participeront au processus. J'ai dit très clairement qu'il fallait qu'il y ait un contact. Je n'ai jamais été contre le dialogue, un lien entre les parlementaires et le Conseil de l'Arctique. Puisqu'il y a une volonté de participation, je demande quelle est la meilleure façon de procéder étant donné la mission du Conseil de l'Arctique, sa structure actuelle et ses objectifs sur le plan de la politique circumpolaire touchant l'Arctique?
Le coprésident (M. Caccia): Y a-t-il d'autres remarques?
Mme Kraft Sloan: Le fait à retenir ici est que nous recommandons qu'on nous donne une reconnaissance officielle. Une reconnaissance officielle signifie quelque chose de concret et, partant, les ressources à l'avenant. Par le passé, la difficulté venait souvent du fait que les choses se passaient de façon ad hoc.
M. Lincoln a été désigné comme représentant à une réunion, et cela lui a valu un monceau de travail. Il faut éviter de s'absenter quand on discute de la présidence, car il y a de fortes chances que vous en héritiez.
Je ne pense pas que ce soit une façon adéquate de procéder. Je pense qu'il est nécessaire qu'on reconnaisse officiellement le rôle des parlementaires au Conseil de l'Arctique, car à ce moment-là les rôles sont clairs, et on obtient les ressources nécessaires.
Il y a un autre aspect dans un régime parlementaire. Les députés du parti ministériel peuvent certainement se faire les champions de certaines idées et exercer des pressions sur leur gouvernement. Par contre, les députés de l'opposition ont l'occasion de participer également.
Ainsi, on n'entend pas uniquement la voix du gouvernement, celle du parti ministériel. Les membres de l'opposition ont également la chance d'exercer une certaine influence. On a constaté que certaines délégations étaient dirigées par des gens qui n'appartenaient pas au parti au pouvoir. Je pense que c'est un aspect important. Nous avons envoyé des représentants du Bloc, du Parti réformiste et des sénateurs conservateurs. Cela a permis de stimuler le dialogue et d'offrir un éventail d'intérêts, mais cela a aussi permis de réunir divers partis représentés à la Chambre. Ce faisant, on comprend mieux la situation, on peut mieux conjuguer les efforts qui tendent vers un objectif commun, celui de protéger l'Arctique et de faire de notre mieux pour préserver la culture de l'Arctique. Ce sont là des facteurs qu'il est important de prendre en compte à mon avis.
Le coprésident (M. Caccia): Merci de votre intervention. Elle est fort utile. Elle nous guidera certainement dans nos délibérations quand il s'agira de préparer des recommandations. Nous allons devoir décider s'il nous faut adhérer à ce comité permanent de parlementaires, compte tenu du fait que M. Lincoln nous a signalé que les Scandinaves s'y opposent. Le rôle de ce comité éventuel devra être discuté. En outre, nous devons décider comment, individuellement ou en commun, nous ferons le suivi de la déclaration de la conférence de Yellowknife. Dès que nous en aurons l'occasion, nous continuerons de travailler à cet aspect-là.
Nous allons faire une pause de trois minutes avant de passer à la deuxième partie de cette séance, les exposés de nos témoins.
Le coprésident (M. Graham): Nous reprenons nos travaux. Même s'il nous manque deux témoins et deux ou trois députés, nous allons commencer, car il ne nous reste plus qu'une heure et cinq minutes, que j'ai bien l'intention de mettre à profit.
Si je comprends bien, il y a eu une discussion avec les témoins, mais ces derniers n'ont pas eu l'occasion de présenter leurs déclarations liminaires.
Je vais donc demander aux témoins de faire leurs exposés, mais cela en dix minutes ou moins. Sans vouloir vous bousculer, je vous rappelle que ce sont les questions qui sont souvent les plus profitables, et il ne nous reste pas beaucoup de temps.
Nous accueillons M. Hannigan, expert-conseil, spécialiste de la Russie, et M. Finkler, directeur, Direction de la liaison circumpolaire au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. M. Hannigan va commencer, et nous écouterons ensuite M. Finkler.
M. Hannigan: Merci, monsieur le président. Je vais m'abstenir de lire une partie de mon exposé écrit afin de pouvoir gagner du temps. Vous pourrez le lire à loisir. Je vais vous donner les grandes lignes de mon rapport, de même que les conclusions.
Ce matin, je pourrais aborder de nombreux aspects de la longue histoire des relations Canada-Russie dans l'Arctique. Il est toujours utile de comprendre le contexte historique afin de voir comment les 25 ou 30 dernières années ont pavé la voie à la situation actuelle.
Je ne vais pas m'attarder à l'aspect historique; je me bornerai à souligner que ce n'est pas d'hier que nous avons des relations avec la Russie, car, dès le milieu des années 1950, les ministres canadiens et les ministres soviétiques ont commencé à discuter de coopération dans l'Arctique. Pendant les années 1960 et au début des années 1970, les choses ont pris de la vitesse, et cela a donné lieu à des négociations tout au long des années 1970. Ces négociations n'ont pas porté leur fruit immédiatement, car il a fallu attendre la première moitié des années 1980 pour obtenir une première entente.
Nous allons partir de là, si vous le voulez bien, mais il faut se rappeler qu'au cours de toute cette période, pour le Canada comme pour l'URSS, c'est la coopération scientifique qui présentait le plus d'intérêt. Pour les Soviétiques, l'intérêt était exclusivement scientifique, les sciences physiques surtout, et c'est sur ce plan qu'ils voulaient coopérer.
Le gouvernement canadien, quant à lui, s'intéressait également aux questions sociales, culturelles et environnementales dans l'Arctique. En fait, dès 1972, les choses ont été expliquées clairement quand M. Chrétien, alors ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, a affirmé que la politique du Canada dans le Nord faisait passer les gens avant tout. Pour les Canadiens, les sciences sociales et environnementales devaient faire partie de tout programme d'échange bilatéral. Toutefois, les Soviétiques se sont montrés récalcitrants quand le Canada a exigé de faire intervenir l'étude des autochtones, et c'est alors que les négociations ont abouti à une impasse.
Quand elles ont repris, au début des années 1980, c'est parce que les Soviétiques avaient accepté d'intégrer au programme d'échange scientifique dans l'Arctique les questions sociales et environnementales. Dès lors, un programme d'échange scientifique coopératif a pu être élaboré et une entente signée en 1984. Ce programme comportait des sciences pures, de la technologie, des questions de politique et de culture. Deux thèmes distincts traitaient de l'environnement et des questions sociales et culturelles. Les deux autres portaient sur la géoscience et la construction.
Le programme a été très florissant pendant la seconde moitié des années 1980, si bien que par suite d'un grand nombre de visites et de discussions on a commencé à déceler des signes de changement. Ils voulaient ouvrir la porte à de nouvelles possibilités de coopération dans le Nord. Citons-en trois. On voulait élargir les thèmes, amener de nouveaux intervenants et explorer la possibilité de relations multilatérales.
En bref, le programme de coopération prenait de l'expansion pour englober des questions de développement économique dans le Nord et des contacts plus directs avec les autochtones des régions septentrionales des deux pays. En outre, il n'y avait plus seulement les gouvernements nationaux qui s'occupaient du programme. De plus en plus, des gouvernements infranationaux et des gens de l'entreprise privée avaient des contacts directs au sein du programme. À cela s'est ajouté une série de négociations sur des accords multilatéraux dans l'Arctique qui portaient sur les sciences et l'environnement. C'est à peu près à cette époque que le Canada a présenté l'idée d'un Conseil de l'Arctique.
Actuellement, on en est encore à des rapports officiels de gouvernement à gouvernement. Cela se fait en vertu de l'accord de coopération Canada-Russie dans l'Arctique et le Nord, qui remonte à 1992. Cette coopération Canada-Russie dans l'Arctique n'est pas aussi dynamique depuis trois ans environ à cause des restrictions financières que doivent s'imposer les deux pays, à cause en outre des incertitudes et des bouleversements en Russie. Les rapports bilatéraux de gouvernement à gouvernement doivent donc être réexaminés afin qu'on puisse déterminer s'ils sont fructueux et ce qu'ils représentent par rapport aux tribunes multilatérales, comme la stratégie de protection de l'environnement dans l'Arctique et le Conseil de l'Arctique.
La Russie connaît de grands changements depuis quatre ans. En outre, on semble préférer désormais la coopération multilatérale, et des projets conjoints ont été amorcés en dehors de l'entente bilatérale officielle, si bien que l'on est forcé de se poser une question capitale: serait-il opportun de mettre un terme à l'entente bilatérale officielle que nous avons avec la Russie et de mener à bien notre coopération dans l'Arctique grâce à des efforts concertés dans des initiatives multilatérales?
Pour répondre à cette question, il faudrait bien peser les conséquences de la décision éventuelle de mettre fin à la relation. Il faudrait permettre à beaucoup des personnes qui ont participé au programme et qui continuent à tirer des avantages concrets de cette collaboration d'avoir leur mot à dire.
Cependant, quand on examine certaines des raisons qui nous ont incités à conclure un accord formel avec la Russie, il est évident que beaucoup d'entre elles ne s'appliquent pas autant qu'elles s'appliquaient auparavant. À l'époque où nous traitions avec l'Union soviétique, aucun projet conjoint ne pouvait être entrepris sans la signature d'un accord formel entre les deux gouvernements. De nos jours, les contacts personnels sont possibles, et les particuliers et les institutions peuvent lancer des projets conjoints sans que ces projets doivent relever d'un accord formel. Dans les années 80, la conclusion d'un accord était une condition préalable aux contacts entre les peuples indigènes du Nord. De nos jours, ces contacts dépassent le cadre strict de l'accord qui existe.
Il ne faut pas en conclure pour autant que l'accord est moribond; il continue à faciliter les contacts et est toujours une source de financement. Il se peut bien que l'accord soit plus important pour les Russes que pour nous. Selon les priorités que le Canada se donne en ce qui concerne ses relations internationales dans l'Arctique, il y a peut-être maintenant une meilleure façon de favoriser l'avancement de nos intérêts dans le Nord à l'échelle internationale que de maintenir un accord bilatéral formel avec la Russie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le coprésident (M. Graham): Merci beaucoup, monsieur Hannigan.
Je suis désolé, madame Kuptana et madame Stenbaek, nous avons commencé sans vous en raison des contraintes de temps, mais j'ai demandé à chaque personne de nous présenter un exposé préliminaire, comme je vous aurais demandé de le faire si vous aviez été là plus tôt, après quoi nous passerons aux questions. Cependant, comme nous devons lever la séance à midi, nous tenions à commencer sans tarder.
Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Finkler, puis nous reviendrons à Mmes Kuptana et Stenbaek.
Monsieur Finkler.
M. Finkler: Merci beaucoup, monsieur le président.
J'étais là mardi pour les discussions sur le Conseil de l'Arctique. J'estime que la Russie est une des grandes régions géographiques ou un des grands pays de l'Arctique auxquels nous devons nous intéresser dans le cadre de nos discussions d'aujourd'hui sur la collaboration internationale. J'ai pensé qu'il serait très utile, et que cela ferait suite à l'exposé de M. Hannigan, de vous donner une idée de l'importance des rapports du gouvernement fédéral avec la Russie dans le contexte de leurs relations bilatérales sur la collaboration dans l'Arctique, de vous dire où nous allons et de vous expliquer comment les mesures à cet égard s'inscrivent dans l'ensemble des efforts de collaboration internationale et des liens avec le Conseil de l'Arctique.
Il convient de vous faire remarquer, comme elle vous l'a expliqué elle-même mardi, que Mary Simon relève de deux ministres, dont le mien, c'est-à-dire le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Naturellement, le ministre, de par ses attributions nationales en ce qui concerne le développement du Nord... il y a une dimension circumpolaire à ces attributions. Ainsi, comme l'a signalé M. Hannigan, depuis les années 1950, notre ministère comporte une dimension circumpolaire internationale. C'est dans ce contexte que notre groupe est responsable de l'accord bilatéral canado-russe. Par ailleurs, nous fournissons à l'ambassadrice Mary Simon conseils et soutien en ce qui concerne les politiques gouvernementales et nous travaillons activement avec elle à l'initiative du Conseil de l'Arctique.
[Français]
J'ai un texte en français. Il ne sera disponible que demain malheureusement, mais la version anglaise non plus n'est pas encore prête. Je pensais qu'il serait utile de souligner les points de base pour le comité.
La question que M. Hannigan a soulevée aujourd'hui est très importante, surtout dans le contexte du Conseil de l'Arctique.
Qu'est-ce qu'on va faire? Quel sera l'avenir de cet accord sur la Canada-Russia Arctic cooperation?
[Traduction]
Il convient d'ajouter ici que la collaboration avec le Nord de la Russie est une question qui nous intéresse depuis les années 1960. Les caractéristiques géographiques de cette région sont très semblables à celles du Nord canadien, et nous avons les mêmes préoccupations en ce qui concerne les relations avec les peuples autochtones. Je dois toutefois préciser - c'est là quelque chose de très important, qui a son fondement dans la politique étrangère avec les pays du Nord - que cette initiative et les autres initiatives internationales doivent absolument être compatibles avec notre politique intérieure et notre politique en ce qui concerne le développement du Nord et les peuples autochtones. Je crois d'ailleurs qu'elles le sont.
Nos activités s'inscrivent dans le cadre de l'accord actuel, qui, comme l'a dit John, a été négocié en 1992, après le démantèlement de l'URSS, à savoir l'accord canado-russe sur la collaboration dans l'Arctique. La coordination des activités est assurée par notre groupe et par l'organisme qui est le pendant du nôtre en Russie, le comité étatique pour le développement du Nord. Le principal rôle qui nous incombe à ce titre est de promouvoir et d'appuyer la participation canadienne à des projets de collaboration et d'aide et d'améliorer les relations de travail avec les autorités russes et les autorités régionales.
Je crois, comme l'a bien indiqué John, que, quand il a été négocié à l'origine en 1984, l'accord visait surtout le domaine scientifique. Les thèmes étaient ceux de la géoscience, de la construction et de l'environnement. L'accord portait aussi à l'origine sur l'ethnologie, l'éducation et les dimensions sociales.
Je crois que le nouvel accord se distingue par le fait qu'il met davantage l'accent sur les efforts à faire pour cultiver et améliorer les contacts directs entre les régions et favoriser les contacts directs entre les peuples autochtones.
Nous avons donc effectivement un accord de gouvernement à gouvernement. Cet accord sert toutefois de cadre général aux activités des ONG, des groupes infranationaux ou d'autres groupes. Beaucoup d'activités ont été appuyées dans le cadre de cet accord. Il s'agit du fruit de la collaboration entre les Territoires du Nord-Ouest et la république de Sakha en vertu du protocole d'entente existant.
Vous vous souviendrez que, mardi dernier, M. Jack Stagg a beaucoup parlé des retombées commerciales de ces activités initiales. En effet, l'aide au groupe de la construction lui a été accordée à l'origine sous le thème de la construction, mais elle a eu d'importantes retombées commerciales. Au nombre des activités, il convient de mentionner la construction d'un village canadien modèle à Yakutsk, la construction d'un aéroport ainsi que d'autres installations. Le groupe de la construction se distingue par ailleurs par son programme de formation en gestion du Nord.
Nous accordons également notre soutien à l'IRC, l'Inuvialuit Regional Corporation, ainsi qu'à la CCI et à ses activités coopératives, notamment celles de Chukotka.
Il ne faut pas conclure pour autant que l'accord bilatéral ne connaît aucun problème. L'accord bilatéral a été signé, sans toutefois que les deux parties y affectent des ressources comme telles. Les ressources que notre ministère y a consacrées ont été très modestes et ont servi principalement à acquitter les frais d'interprétation, de voyage ainsi que d'autres dépenses semblables. Les ressources ont été très modestes. Il n'y a pas eu d'affectation de crédits importante. Autrement dit, la personne qui voulait lancer une initiative devait trouver elle-même des sources de financement.
Il est devenu de plus en plus difficile de trouver ces sources de financement réciproque dans le contexte social, économique et politique difficile de la Russie. Il est aussi devenu très difficile de travailler dans ce contexte. Nous considérons toutefois que cet accord bilatéral ou ce lieu d'échange comporte des avantages pour le Canada. Le Canada peut ainsi enrichir son expérience en matière de développement dans le Nord, notamment pour ce qui est des questions autochtones, socio-économiques et environnementales. Je crois par ailleurs que l'accord constitue un lieu d'échange légitime et qu'il peut servir de base à la collaboration bilatérale et à la participation à des organismes multilatéraux, comme le Conseil de l'Arctique.
Sur le plan environnemental, je crois savoir que vous devez entendre des spécialistes qui viendront vous parler de façon plus détaillée du travail environnemental qui se fait en Russie, plus particulièrement dans le cadre de la stratégie multilatérale de protection de l'environnement arctique. J'estime toutefois que tous les peuples ont pris conscience, que ce soit par l'entremise de leur Parlement, par la conférence qui a eu lieu à Inuvik ou par les discussions du Conseil de l'Arctique, de l'extrême gravité des problèmes environnementaux qui se posent en Russie. Je ne crois pas me tromper en disant que les activités qui seront entreprises sur une base multilatérale par le Conseil de l'Arctique seront en grande partie concentrées en Russie.
En lisant le texte que j'ai présenté, vous pourrez vous faire une idée de la situation qui prévaut dans le Nord de la Russie. Je n'entrerai pas dans les détails à ce sujet, mais je crois qu'il est important d'avoir une idée des situations de crise qui découlent des bouleversements et des changements socio-économiques et politiques, notamment de l'évolution des rapports de force entre le centre et les régions qui résulte de la décentralisation. Il existe un vide à l'heure actuelle en ce sens qu'il n'y a pas de politique cohérente en ce qui concerne l'orientation future de la région nordique et en ce qui concerne tout particulièrement la situation précaire et vulnérable des peuples autochtones du Nord.
La situation dans le Nord est très grave. Étant donné notre participation à l'accord bilatéral et aux discussions avec la CCI et les organismes semblables, les Russes, tant le gouvernement russe que les associations infranationales, sont très intéressés par les enseignements qu'ils pourraient tirer de l'expérience canadienne. Ils s'intéressent en particulier à la façon d'établir une politique globale et cohérente pour le Nord de la Russie ainsi qu'aux éléments que devrait comporter cette politique.
Il est très important que la Russie, dans le contexte d'une vision macro-structurelle à long terme, ait une bonne compréhension de toutes les questions qui se posent relativement à ses orientations futures. Nous envisageons d'entreprendre des activités en ce sens et de travailler aussi à l'édification d'institutions. C'est un besoin qui a été bien reconnu au Conseil de l'Arctique. Il est important que les peuples autochtones de la Russie aient la possibilité d'intervenir de façon efficace à l'échelle tant internationale que nationale.
Je vous remercie, monsieur le président. Je voulais simplement vous donner une idée de nos rapports avec la Russie dans le contexte de l'accord bilatéral.
Le coprésident (M. Graham): Merci beaucoup. Je suis désolé d'avoir à vous presser, mais vous comprenez qu'il ne nous reste qu'une quarantaine de minutes et que nous voulons entendre les deux autres témoins. Nous voudrions aussi avoir le temps de poser des questions.
Je me demande si Mme Kuptana veut bien nous faire part de ses observations. Puis nous entendrons Mme Stenbaek.
Mme Kuptana: Merci, monsieur le président.
La Conférence circumpolaire inuit, ou CCI, est l'organisation internationale qui représente les 130 000 Inuit vivant dans les régions arctiques de l'Alaska, du Canada, du Groenland et du Chukotka.
Nous avons des exemplaires de notre mémoire, mais il est en anglais seulement. Si vous le voulez, nous pouvons les distribuer.
Le coprésident (M. Graham): Je crois que cela serait peut-être utile plus tard. Vous pourriez peut-être simplement attirer notre attention sur les éléments qui vous paraissent particulièrement importants.
Mme Kuptana: Les principaux objectifs de la CCI sont de renforcer l'unité entre les Inuit de la région circumpolaire; de promouvoir les droits et les intérêts des Inuit à l'échelle internationale; d'élaborer et d'encourager l'élaboration de politiques à long terme visant à préserver l'environnement arctique; et de favoriser la participation pleine et active des Inuit au développement politique, économique et social des régions circumpolaires.
Les particularités de la région circumpolaire nordique et l'existence des Inuit comme peuple distinct dépendant de l'intégrité de l'Arctique sont les prémisses fondamentales sur lesquelles se fonde la Conférence circumpolaire inuit.
Depuis sa création, la Conférence circumpolaire inuit s'emploie à faire reconnaître nos terres arctiques et subarctiques comme une région distincte du monde qui ne connaît pas de frontières politiques.
La charte de la CCI le dit en toutes lettres et précise en outre que le foyer national des Inuit et ses ressources sont d'une importance cruciale pour la communauté internationale; que les politiques et les pratiques nationales et internationales doivent tenir compte comme il se doit de la protection de l'environnement arctique et subarctique ainsi que du maintien et de l'évolution de la culture et des sociétés inuit; que notre droit à l'auto-détermination doit être confirmé; et que la participation des Inuit aux politiques et aux activités touchant notre foyer national doit être garantie.
L'élaboration de la stratégie de protection de l'environnement arctique et les négociations internationales en vue de la création d'un Conseil de l'Arctique sont les progrès les plus importants qui ont été accomplis récemment par les gouvernements dans la voie d'une plus grande sensibilité à l'Arctique. Les progrès sur ces deux fronts sont le signe d'une sensibilité considérablement accrue au Canada et à l'échelle internationale aux besoins et aux intérêts particuliers de l'Arctique et de ses peuples.
La stratégie de protection de l'environnement arctique, qui a été lancée en 1989, constitue le premier pas vers l'élaboration de politiques circumpolaires par les gouvernements en collaboration avec les peuples autochtones de l'Arctique. Cette stratégie de collaboration internationale vise à repérer les menaces environnementales qui pèsent sur l'Arctique et à proposer des moyens de les enrayer.
La communauté internationale est de plus en plus consciente de l'importance de l'Arctique pour la santé environnementale de la planète. Elle est également de plus en plus consciente de la pollution de l'Arctique par des polluants de l'extérieur, qui viennent compromettre nos terres arctiques, nos ressources et, au bout du compte, nos peuples.
Nous ne pouvons pas trop insister sur l'importance de notre avenir. Nous ne pouvons pas trop insister sur l'importance pour notre avenir du programme de la SPEA ou de la stratégie fédérale relative à l'environnement arctique. Des travaux très importants sont en cours qui viennent enrichir les connaissances acquises sur les contaminants que l'on retrouve dans l'Arctique et sur l'effet qu'ils ont sur les gens et sur les terres. C'est la plus grande menace au bien-être des Inuit.
Dans l'ensemble, l'avenir de la SPEA semble prometteur. Cependant, le financement de la SPEA par le Canada expire au 31 mars 1996. Nous négocions actuellement afin de pouvoir poursuivre notre travail comme partenaire dans cette entreprise.
Grâce à ce programme, l'ITC a participé à divers groupes de travail et à diverses réunions ministérielles. Nous espérons que le Canada maintiendra sa participation financière à la SPEA au même niveau qu'à l'heure actuelle et qu'il maintiendra aussi la participation des Inuit à la stratégie en conformité avec la déclaration faite à Inuvik en mars dernier.
Le Canada ayant cédé la présidence de la SPEA à la Norvège à la suite de la rencontre d'Inuvik, nous craignons qu'il n'en résulte un affaiblissement de son engagement financier. Certains disent que la promotion enthousiaste par le Canada de régimes de cogestion en matière d'environnement et de gestion de la faune que nous avons vue ces dernières années semble avoir parfois été motivée par le désir de transférer ces responsabilités à d'autres paliers de gouvernement, sans toutefois leur transférer les ressources dont ils auraient besoin pour s'acquitter de ces responsabilités.
Dans la déclaration d'Inuvik, les gouvernements de la région circumpolaires se sont dits pleinement acquis à la nécessité de créer le Conseil de l'Arctique. Les Inuit s'emploient depuis quatre ans à travailler avec le gouvernement canadien à la création du Conseil de l'Arctique, qui assumerait la responsabilité des activités de la SPEA et qui entreprendrait de nouvelles activités dans le domaine du développement durable.
Les Inuit considèrent le Conseil de l'Arctique comme un mécanisme qui pourrait contribuer de façon importante à la collaboration circumpolaire dans bien des domaines et bien des régions. Ainsi, la CCI souhaite élaborer des stratégies en vue de revitaliser l'industrie de la chasse aux phoques par les Inuit ainsi que la commercialisation des produits des mammifères marins en général. Comme vous le savez, depuis le début des années 1970, c'est toute l'industrie de la chasse aux phoques qui s'est effondrée, et l'économie inuit est en proie à des pressions additionnelles en raison de l'imposition par les États-Unis de la Loi sur la protection des mammifères marins.
Le Conseil de l'Arctique pourrait aussi être un mécanisme important pour coordonner les échanges culturels et les échanges d'informations et de vues sur une multitude de questions socio-économiques.
Nous prévoyons que la structure du Conseil de l'Arctique tiendra compte du rôle distinct que les peuples autochtones de l'Arctique ont à jouer dans l'élaboration d'une politique nordique. Comme vous le savez, trois organisations de peuples autochtones, dont la Conférence circumpolaire inuit, ont accepté de siéger comme membres permanents du Conseil de l'Arctique.
En résumé, le Conseil de l'Arctique sera l'occasion pour les pays de la région circumpolaire d'établir un modèle de partenariat et de collaboration avec les peuples autochtones sur les questions les plus cruciales relatives à l'élaboration d'une politique nordique. Les réalisations de la SPEA ont sans doute fait germer l'idée de créer le conseil et ont rendu sa création possible.
Il y a 20 ans, les menaces à l'environnement arctique ont été un des principaux facteurs qui ont conduit à la mise sur pied de la Conférence circumpolaire inuit. De nos jours, c'est la prise de conscience par les gouvernements de ces mêmes menaces environnementales ainsi que de la nécessité d'échanger des informations et de collaborer sur les questions de développement durable qui conduit à la création de ce nouvel organisme circumpolaire regroupant les États de l'Arctique et les peuples autochtones de l'Arctique.
La SPEA et le Conseil de l'Arctique sont d'importants mécanismes pour favoriser la collaboration circumpolaire. Cependant, les peuples autochtones considèrent qu'ils sont plus que de simples intervenants ou de simples groupes d'intérêts à l'intérieur de ces processus. Notre droit de participer à ces processus découle de plusieurs éléments différents, notamment de notre situation de peuples ayant des droits égaux à ceux des autres peuples, de notre droit à l'autodétermination, de même que de nos compétences particulières et de la contribution importante que nous avons apportée à l'élaboration de la politique circumpolaire. En outre, en notre qualité de peuple autochtone, nous nous soucions depuis des milliers d'années du milieu arctique dont nous tirons notre subsistance. Notre survie future dépend de l'Arctique. Ainsi, l'avenir de l'Arctique et les politiques concernant l'Arctique nous touchent plus que quiconque.
La création par le Canada du bureau de l'ambassadeur circumpolaire est vraiment le signe d'un nouvel engagement de la part du gouvernement fédéral à se tenir au courant des questions touchant le Nord et à traiter ces questions dans une optique circumpolaire. La CCI recommande que l'ambassadeur circumpolaire puisse compter sur le personnel et les ressources dont il a besoin.
Renforcer les liens entre les Inuit et les autres peuples autochtones du Nord circumpolaire devrait être considéré comme un élément important de la politique circumpolaire étrangère du Canada ainsi que du travail du Conseil de l'Arctique. La CCI et les autres peuples autochtones circumpolaires ont beaucoup fait pour promouvoir la collaboration circumpolaire au cours des19 dernières années et ont collaboré avec le gouvernement canadien à la réalisation de cet objectif. Ainsi, en 1993, la Conférence circumpolaire inuit et le gouvernement canadien ont tous deux répondu à l'invitation du gouvernement russe de participer à une consultation de l'ONU sur la situation, les besoins et les objectifs des peuples autochtones de la Sibérie. La CCI cherche actuellement à trouver des moyens d'apporter une aide humanitaire efficace et efficiente aux Inuit du Chukotka. La réalisation d'initiatives comme celles-là exige non seulement des activités de coordination de la part de la CCI, mais aussi l'appui et l'aide financière du gouvernement fédéral.
Il y a bien d'autres domaines qui exigeraient une étroite collaboration entre les Inuit et le gouvernement canadien, notamment pour ce qui est d'explorer de nouveaux moyens de gérer la chasse à la baleine dans l'Arctique circumpolaire, d'éliminer les barrières commerciales qui nuisent aux produits des régions circumpolaires et de mettre sur pied un programme visant à favoriser le commerce de produits de mammifères marins. Nous avons soumis au gouvernement fédéral une proposition à ce sujet qui est actuellement à l'étude.
Citons aussi, entre autres domaines, la promotion d'accords internationaux de cogestion de la faune et la participation aux processus de l'ONU touchant les peuples autochtones, notamment au projet de déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones.
La CCI fait aussi oeuvre de pionnier dans le domaine de la promotion des échanges commerciaux entre peuples autochtones, notamment au moyen de projets préliminaires exploratoires en Amérique centrale et dans le Pacifique Sud. Dans notre travail dans ces deux régions, nous sommes guidés par les principes du développement durable et de la nécessité de bâtir la capacité locale.
Pour ces raisons et pour d'autres raisons, le Canada devrait envisager sérieusement de financer le bureau international de la CCI, qui est maintenant sous l'égide du Canada.
Les relations positives et constructives entre le Canada et les peuples autochtones dans les dossiers de la SPEA et du Conseil de l'Arctique contrastent violemment avec les relations souvent négatives et le manque de progrès sur une multitude de questions internationales touchant les autochtones, notamment la Décennie internationale des populations autochtones et le projet de déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones.
L'Année internationale des populations autochtones a eu lieu en 1993, monsieur le président, et les efforts qu'a déployés le Canada pour souligner cette année internationale au Canada étaient négligeables. Il semble que la Décennie internationale des populations autochtones, qui a commencé en décembre 1994, est vouée au même sort. Seize mois après le début de la décennie, le Canada n'a toujours pas de programme à cet égard. Nous savons que le MAINC et le ministère des Affaires étrangères voudraient mettre sur pied un programme d'action auquel participeraient tous les ministères fédéraux, mais, pour une raison que nous ignorons, le gouvernement ne semble pas capable de mobiliser les ressources financières et humaines nécessaires pour réaliser ce programme.
La décennie internationale n'aura pas de sens, monsieur le président, si l'on n'agit pas rapidement d'ici les quelques mois à venir pour mettre sur pied des programmes et des activités au Canada. À notre connaissance, il n'existe littéralement aucun programme canadien pour souligner la Décennie internationale des populations autochtones, mis à part le projet du ministre Irwin de créer une journée de sensibilisation aux cultures autochtones... Je crois que la date en a été fixée au 21 juin.
Le Canada a parrainé le colloque de spécialistes de l'ONU qui se sont penchés en mars dernier, à Whitehorse, sur les droits et les revendications territoriales des autochtones. Les Inuit de la région circumpolaire tout entière apprécient vivement cette contribution, mais il faut bien se rendre compte qu'il ne s'agit pas là d'un programme canadien pour souligner la décennie des Nations Unies.
En conclusion, monsieur le président, les Inuit tiennent à travailler avec le Canada et avec nos voisins de la région circumpolaire à l'élaboration de politiques et de mesures efficaces sur les questions circumpolaires. La collaboration avec les États dans lesquels nous nous trouvons est importante, mais cette collaboration ne sera efficace pour ce qui est d'instaurer le développement durable, la protection de l'environnement et le maintien de relations stables et constructives avec nos voisins de l'Arctique que dans la mesure où les gouvernements apportent aussi leur contribution. Les gouvernements doivent collaborer en reconnaissant les compétences particulières des autochtones, en reconnaissant notre statut égal et nos droits en tant que peuples et en incluant les peuples autochtones dans l'élaboration des politiques relatives à l'Arctique au niveau régional, national et international.
Monsieur le président, je voudrais maintenant vous faire part de quelques recommandations.
Premièrement, le Canada devrait maintenir son engagement actuel à l'égard de la SPEA et de la participation des Inuit à la SPEA, en conformité avec la déclaration d'Inuvik de mars 1996.
Deuxièmement, le Canada devrait continuer à insister sur la création d'un Conseil de l'Arctique qui englobe plus que les programmes existants de la SPEA... c'est-à-dire sur la création d'un Conseil de l'Arctique qui aurait pour mandat dès le départ d'incorporer le développement durable à toute initiative de protection de l'environnement.
Troisièmement, le Canada devrait fournir au bureau de l'ambassadeur circumpolaire et à la Conférence circumpolaire inuit les ressources financières et humaines dont ils ont besoin.
Quatrièmement, le Canada devrait inclure la promotion de la collaboration et des échanges entre les Inuit du Nord circumpolaire comme partie intégrante de son travail en matière de politique étrangère et de son travail dans le cadre du Conseil de l'Arctique, et ce, comme moyen de concrétiser son engagement envers la Décennie internationale des populations autochtones.
Cinquièmement, le Canada devrait aider la CCI dans ses efforts pour coordonner l'apport d'aide humanitaire aux Inuit du Chukotka, en Russie, de la part des Inuit du Canada et des autres régions du monde circumpolaire.
Sixièmement, le ministre des Affaires étrangères devrait s'engager à entamer une série de consultations avec les dirigeants autochtones du Canada sur le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des populations autochtones, ces consultations devant être complétées par des rencontres entre fonctionnaires et par une aide financière aux peuples autochtones au titre de la recherche et des conseils techniques.
Monsieur le président, je crois qu'il s'agit là d'une recommandation très importante et d'un pas important que le gouvernement pourrait faire, étant donné que, dans les six ans qui se sont écoulés depuis que j'ai commencé à m'intéresser aux questions nationales et internationales, il n'y a jamais eu de rencontres officielles entre les peuples autochtones et les Affaires étrangères. Le Canada semble avoir une politique nationale en ce qui concerne les peuples autochtones, comme le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et avoir une autre politique à l'échelle internationale. Je voudrais donc que nous puissions engager le dialogue avec Lloyd Axworthy.
Septièmement, le Canada devrait reconnaître les peuples autochtones comme égaux et reconnaître aussi notre droit à l'auto-détermination.
Huitièmement, le Canada devrait passer rapidement à l'action et mettre au point un programme canadien visant à souligner la Décennie internationale des populations autochtones, qui a commencé le 10 décembre 1994.
Voilà qui termine mon exposé.
Le coprésident (M. Graham): Merci beaucoup, madame Kuptana.
J'ai deux petites observations à faire à la suite de votre exposé.
Les membres du comité espèrent bien que, dans le cadre de l'examen que nous avons entrepris relativement à l'Arctique, nous aurons des consultations directes avec les peuples autochtones, la consultation d'aujourd'hui n'étant qu'un premier pas dans cette voie. C'est d'ailleurs dans cette intention que nous prévoyons nous rendre dans le Nord. Aussi, quand nous irons dans le Nord, nous ne nous limiterons pas aux centres urbains; nous avons prévu d'essayer de rencontrer autant de représentants des peuples autochtones que possible.
Par ailleurs, deux d'entre nous, M. Assadourian et moi-même, participeront à la réunion de l'Association parlementaire Canada-États-Unis, où nous rencontrerons divers sénateurs et membres du Congrès américain. Il sera justement question à cette conférence de la loi américaine sur la protection des mammifères marins et de la façon dont elle constitue un obstacle à l'entrée aux États-Unis de produits des peuples autochtones du Canada, alors qu'elle ne s'applique pas aux peuples autochtones des États-Unis. Nous nous assurerons de faire un suivi à cet égard.
Merci beaucoup pour vos observations.
Madame Stenbaek.
Mme Stenbaek: Je m'appelle Marianne Stenbaek. Je suis de McGill. Je suis directrice du laboratoire médiatique circumpolaire du programme d'études culturelles.
[Français]
J'aimerais dire tout de suite que je m'excuse de ne pas avoir aujourd'hui mon texte en français, mais il devrait suivre.
[Traduction]
Je me contenterai de vous lire des extraits de mon mémoire, puisque je me rends compte que vous avez très peu de temps.
Le Canada est un pays arctique et un pays septentrional - et, on pourrait être tenté d'ajouter, un pays nordique, car les similitudes entre les six pays l'emportent de beaucoup sur leurs différences.
Dans mon mémoire, je poursuis en disant que ces pays ont beaucoup d'activités économiques et de préoccupations environnementales clefs en commun. Comme on l'a déjà fait remarquer, ce sont des démocraties parlementaires qui ont en commun un mélange septentrional assez unique en son genre de capitalisme, de démocratie sociale et d'une forme quelconque d'État providence. Les pays scandinaves et le Canada ont aussi en commun le fait d'être au nombre des derniers pays dans le monde à avoir toujours une monarchie.
Beaucoup des grandes industries et entreprises du Canada et des pays nordiques sont par conséquent très semblables: pêche, aquaculture, exploitation pétrolière et gazière, exploitation minière, fabrication manufacturière hautement spécialisée et tourisme. Les six pays sont des pays très industrialisés, avec un niveau de vie très élevé. Beaucoup de statistiques internationales, y compris celles des Nations Unies, les placent systématiquement parmi les 10 premiers pays du monde pour ce qui est du développement économique, de la sécurité et du niveau de vie.
Depuis 15 ou 20 ans, les Inuit et les Lapons qui vivent dans cinq des six pays ont déjà noué des liens très étroits grâce à des échanges. En l'occurrence, il existe entre eux des partenariats de développement économique, des échanges culturels et des politiques communes. En d'autres termes, il existe d'ores et déjà de nombreuses bases très solides propices à une coopération future.
Toutefois, les six pays sont également aux prises avec de nombreux enjeux de taille mais ils offrent en même temps des débouchés et on devra tenir compte des uns comme des autres dans l'élaboration des politiques et dans la prise de décisions. J'en ai dressé une liste dans mon texte. Je ne vais pas en donner lecture, mais on peut songer par exemple à la catastrophe économique que représente la disparition de la morue du Nord et d'autres espèces de poissons dans les océans septentrionaux. On peut songer aussi à l'impact dévastateur de l'interdiction du Parlement européen qui frappe les produits dérivés du phoque et le piégeage des animaux à fourrure. Il faut rappeler que certains scientifiques prévoient que dans les latitudes septentrionales, le changement climatique et le réchauffement de la planète pourraient avoir un impact encore plus considérable sur les plan physique, biologique, social et politique. À cet égard, il faut repenser le rôle des sciences arctique et du Nord lors du choix des orientations et comme l'a dit Peter Adams, il faut compter l'Antarctique comme une composante importante.
Le Canada et les pays nordiques ont encore autre chose en commun, à savoir les gouvernements autochtones déjà établis ou sur le point de l'être au sein des États-nations respectifs et l'urgence de régler les revendications territoriales en suspens. Ils ont en commun la responsabilité législative, morale et sociale de garantir la préservation, la durabilité et la promotion des structures sociales, des langues et des occupations des cultures autochtones.
Il faut compter avec une utilisation productive et innovatrice des nouvelles technologies de l'information qui offrent certainement la possibilité d'intégrer directement les régions arctiques et subarctiques dans le courant économique mondial. Au Canada, on aura sûrement intérêt à s'inspirer des rapports que le Conseil consultatif de l'autoroute de l'information prépare pour le compte du gouvernement fédéral sur les technologies de pointe et sur ce qu'elles supposent, notamment pour le Nord. C'est grâce à une stratégie ou à une politique de développement durable que l'on pourra s'occuper d'un grand nombre de ces enjeux, relever beaucoup de ces défis. Il faut bien comprendre que désormais il n'est plus question d'attendre que les choses se règlent d'elles-mêmes. Il faut une approche concertée à ces questions et il faut qu'elles soient abordées en tenant compte de la situation dans les autres pays du Nord. En fait, on pourrait dire qu'il en résulte un paradigme à trois dimensions dont les éléments doivent s'harmoniser. D'où le caractère prometteur mais la formidable complexité du développement durable.
Selon moi, le Conseil de l'Arctique devra mener à bien deux missions essentielles: une stratégie de protection environnementale pour l'Arctique, dont nous avons tous entendu parler et qui est mise en oeuvre depuis un certain nombre d'années et, en outre, la nouvelle initiative axée sur le développement durable.
Cette nouvelle initiative pourrait jouer un rôle important et productif, en particulier parce que le Canada donne au terme de développement durable une définition très vaste et englobante où il fait intervenir non seulement le tandem environnement et économie, ce à quoi se borne la définition de bien des pays, mais également les rapports entre ces deux facteurs prédominants et les environnements social, culturel, politique et humain.
Bref, les pays nordiques et le Canada ont derrière eux de longues années de coopération fructueuse et productive. Avec l'achèvement du Conseil de l'Arctique, les nouvelles technologies de l'information et l'intérêt commun dans bien des dossiers auquel s'intéresse le développement durable, ces liens qui existent déjà se resserreront pour le plus grand bien-être économique des citoyens de ces six États-nations.
Ainsi, je préconise que l'on forme le Conseil de l'Arctique dans les plus brefs délais, pour soutenir cette initiative de développement durable, pour appuyer et promouvoir la science et la technologie de l'Arctique de même que les nouvelles technologies de l'information et les nouveaux débouchés qu'elle offre. Merci.
Le coprésident (M. Graham): Merci beaucoup, madame Stenbaek.
Il ne nous reste plus que 15 minutes pour les questions. Je prie les membres du comité d'en tenir compte. Monsieur Paré.
[Français]
M. Paré (Louis-Hébert): Je trouve très intéressant ce qu'on entend ce matin et ce qu'on a entendu à chacune de nos rencontres depuis un mois sur cette grande question des affaires circumpolaires, mais quelque chose me tracasse. Par rapport au développement économique des régions du Nord, qui est basé sur les ressources minières, pétrolières et marines, est-ce que le vent de déréglementation qui souffle sur le monde et la diminution des ressources financières des États ne mettent pas en cause le développement durable, malgré les beaux discours qu'on entend et qu'on entendra encore?
[Traduction]
Le coprésident (M. Graham): Qui veut commencer? Tout dépend de celui qui s'en charge. Madame Stenbaek.
Mme Stenbaek: Vous avez, je pense, cerné un des principaux problèmes pour lesquels nous n'avons pas pour l'instant de réponse toute faite. Je pense que c'est une des tâches que pourrait assumer le Conseil de l'Arctique en vue de réaliser un développement durable. Il y a assurément bien des gens qui commencent à comprendre qu'il faut envisager les choses dans ce contexte plus vaste, mais ce n'est pas une tâche facile et il n'existe pas de solution toute faite.
Le coprésident (M. Graham): Madame Kuptana.
Mme Kuptana: Comme vous le savez, le Nord est sans doute l'une des régions du Canada les moins dynamiques sur le plan économique. Nous envisageons un projet tout à fait durable, celui d'établir un programme de commercialisation des produits dérivés des mammifères marins et qui serait une collaboration entre le Canada et les États-Unis.
Comme vous le savez, l'interdiction européenne qui remonte aux années 1970 a nui énormément au secteur du phoque. On ne peut pas dire que le Canada ait fait quoi que ce soit pour dédommager les Inuit de cette perte économique, ni par entente de transfert, ni autrement. Les agriculteurs, les forestiers ou les pêcheurs du reste du Canada se voient accorder automatiquement une aide, dans des situations comparables, du simple fait qu'ils sont Canadiens.
Dans l'Arctique, avec un tout petit coup de pouce, le développement durable pourra devenir réalité mais il ne se fera pas sans la participation des Autochtones.
Le coprésident (M. Graham): Merci. Monsieur Assadourian.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Ma question s'adresse à M. Hannigan. Les pays du G-7 ont consenti 400 millions de dollars à la Fédération russe pour qu'elle se débarrasse de ses armes nucléaires. Un grand nombre de ces armes se trouvent dans l'Arctique. L'octroi de cette somme est-elle assortie de conditions? Deux pays du G-7, les États-Unis et le Canada, sont membres des organisations arctiques et c'est pourquoi je me demande si, à l'époque, on a imposé des conditions pour garantir que la suppression de ces armes nucléaires se ferait sans nuire à la région arctique? Dans l'affirmative, quelles sont ces conditions? Dans la négative, pourquoi n'en a-t-on pas imposé?
M. Hannigan: Je ne peux pas vous répondre avec précision. Au sommet qui s'est déroulé il y a quelques semaines à Moscou, ces sujets ont été largement discutés. Je ne peux pas affirmer si oui ou non des conditions avaient été incluses dans les protocoles ou les ententes qui visaient précisément l'Arctique.
On s'inquiète assurément du démantèlement des réacteurs nucléaires qui se trouvent par exemple à bord des sous-marins russes. Cette question a été soulevée lors des discussions de Moscou. Excusez-moi, mais je ne saurais vous dire si des conditions avaient été imposées.
M. Assadourian: La Russie fait partie du groupe. Pourrait-on essayer de déterminer si des conditions visant précisément la protection de l'Arctique ont été imposées? On peut dire que sur huit pays, trois font partie du G-7. À mon avis, nous pourrions très bien intervenir sur ce plan-là, imposer comme condition, lors du démantèlement des armes nucléaires, qu'on évite de polluer l'Arctique encore davantage.
M. Hannigan: Je vais vous donner une réponse indirecte. Je suis à peu près sûr que nous pourrions obtenir ce renseignement, surtout auprès du ministère des Affaires étrangères. M. Finkler peut peut-être vous renseigner sur-le-champ.
Permettez-moi de signaler que dans tout effort multilatéral, il y aura toujours possibilité de chevauchement. Je m'explique: le sommet nucléaire se déroule au niveau multilatéral, au G-7, mais avant la tenue de ces négociations et de ces discussions, il existe toutes sortes d'occasions pour faire des recommandations. Assurément, la SPEA ou encore le Conseil de l'Arctique, ou d'autres organisations, ont toujours le loisir de présenter des recommandations, dans le contexte de ces rencontres, avant la tenue de ces rencontres.
En fait, cela pourrait être un des rôles les plus avantageux du Conseil de l'Arctique: présenter, sur les questions dont on débat dans d'autres tribunes multilatérales, une position commune, celle de l'Arctique.
Le coprésident (M. Graham): Permettez-moi de revenir à une remarque de Mme Stenbaek. Elle a dit «les effets dévastateurs de l'interdiction de l'Union européenne qui frappe les fourrures», et c'est une question dont nous discutons depuis longtemps.
Récemment, je me trouvais au Parlement européen au moment où on y débattait de la question des pièges à mâchoire. Si j'ai bien compris, on interdit les produits dérivés du phoque, mais il n'y aurait pas d'interdiction frappant les autres animaux à fourrure car nous aurions réussi à empêcher toute mesure d'interdiction dans leur cas, et nous comptons bien trouver une solution qui satisfasse nos collègues européens à cet égard.
Nos témoins peuvent-ils nous en dire plus long? Vous n'avez peut-être pas les réponses. Où pourrait-on se renseigner sur le manque à gagner commercial que cela représente? Quel secteur est menacé? Les efforts que nous déployons pour faire valoir notre point de vue sont-ils suffisants?
Je sais que le ministère des Affaires étrangères s'occupe activement du dossier. Les parlementaires travaillent également très fort. Quand nous rencontrons des parlementaires des pays de l'Union européenne, M. Caccia soulève invariablement la question.
Nellie Cournoyea m'a dit que quand elle était première ministre des Territoires du Nord-Ouest, elle passait presque plus de temps en Europe pour tenter de régler ces questions qu'elle n'en passait dans sa propre circonscription.
Devrions-nous faire quelque chose d'autre?
Mme Stenbaek: C'est une question épineuse car en Europe, elle semble être débattue sur un terrain émotif, à coup de relations publiques, plutôt que sur le plan d'une acceptation rationnelle du piégeage, comme vous l'avez fait remarquer. On a constaté au Groenland depuis 10 ans une multiplication des campagnes anti-fourrure visant les peaux de phoque. Vous avez sûrement rencontré M. Finn Lynge lors de votre passage à Bruxelles. Il est le représentant du Groenland là-bas et c'est un ferme partisan des droits autochtones dans ce domaine. J'aurais du mal à vous répondre.
Vous l'avez bien dit, les démarches se poursuivent constamment à Bruxelles. Par exemple, la société Makivik de Montréal s'est rendue là-bas la semaine dernière ou il y a deux semaines.
Au bout du compte, tout dépendra peut-être de l'opinion publique. Par conséquent, c'est à coup de campagnes de relations publiques que les choses vont se jouer.
Le coprésident (M. Graham): En effet, j'y ai trouvé certains encouragements même si, pour avoir assisté aux délibérations d'un des comités du Parlement européen, j'ai constaté qu'il y avait chez les Européens mêmes d'énormes divergences d'opinions car certains rappelaient que la position de la Hollande est intenable car en fait, elle réserve aux furets qui se prennent dans les digues un sort... Encore une fois, c'est «faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais» et je suppose que c'est inévitable.
Madame Kuptana, que pensez-vous de l'opportunité de faire intervenir plus directement les Autochtones pour qu'ils communiquent notre message aux Européens? Pensez-vous que nous devrions faire davantage?
Mme Kuptana: Pas seulement parce que ce sont des Autochtones, mais à cause de ce qu'ils peuvent offrir, des produits qu'ils peuvent offrir.
J'ai passé moi-même beaucoup de temps en Europe à propos de cette question des fourrures, m'entretenant avec les parlementaires et quiconque voulait bien m'écouter. J'ai donné beaucoup de conférences. Beaucoup de conférences de presse aussi. Je pense que nous avons quand même réussi à faire retarder d'un an la mise en oeuvre de l'interdiction.
Toutefois, l'État pourrait faire davantage, ne pas se borner à défendre les Autochtones et leur économie, mais aider directement cette économie. Par exemple, la CCI et ITC ont proposé que pour le Congrès mondial de l'UICN qui se tiendra au Canada en octobre 1996, les porte-documents soient faits de peaux de phoques.
Nous avons déposé un certain nombre de propositions auprès du gouvernement fédéral, propositions de promotion de l'utilisation de la fourrure comme ressource renouvelable. Par exemple, nous proposons de relancer l'industrie canadienne de la chasse aux phoques avec utilisation complète de l'animal - fourrure, chair et huile. Nous aimerions que la Loi sur la protection des mammifères marins soit révisée. Par exemple, le gouvernement pourrait proposer que l'Équipe olympique canadienne porte des chapeaux en fourrure. Si le Canada veut véritablement aider sa population autochtone, il faut qu'il en donne la preuve.
Le coprésident (M. Graham): J'ai un chapeau en peau de phoque, mais il n'y a qu'à Ottawa que j'ose le porter - et ce n'est pas du luxe.
Mme Kuptana: Avec les nouvelles technologies, on peut désormais faire ressembler la peau de phoque à de la fausse fourrure.
Le coprésident (M. Graham): J'espère que vous n'allez pas proposer des manteaux en peau de phoque imitation léopard ou quelque chose de ce genre.
Merci beaucoup. Hélas, il ne nous reste plus de temps.
Je m'excuse, monsieur Caccia, vous voulez dire quelque chose.
Le coprésident (M. Caccia): Il me semble que les propos de M. Paré lorsqu'il a parlé de la jolie rhétorique entourant l'expression «développement durable» et qu'il a attiré notre attention sur la richesse des ressources de l'Arctique, méritent réflexion.
J'aimerais ajouter à ces propos de M. Paré - et ensuite poser mes questions àMme Stenbaek - que nous avons intérêt à savoir exactement ce que nous entendons par développement durable dans l'Arctique et que nous avons intérêt à nous informer sur le seuil de tolérance de développement durable de cet écosystème fragile avant de nous laisser emporter par un concept dont la signification n'est pas forcément la même d'une latitude à l'autre. Je suis aussi heureux que vous ayez parlé de «jolie rhétorique» car c'est un article dont nous ne semblons pas manquer. Nous avons vraiment l'impression d'être dans l'incapacité de dire exactement ce que nous entendons par développement durable quand nous essayons de le traduire en propositions politiques.
Si ma mémoire est exacte, madame Stenbaek, parmi vos recommandations vous avez mentionné le soutien d'initiatives de développement durable. Pourriez-vous nous donner des exemples concrets?
Mme Stenbaek: Pourriez-vous reposer votre question? Je n'ai pas entendu votre avant-dernière phrase.
Le coprésident (M. Caccia): Parmi vos recommandations, vous avez mentionné le soutien d'initiatives de développement durable, je suppose dans le contexte du Conseil. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ces initiatives de développement durable auxquelles vous pensez? Ou est-ce encore une de ces déclarations de caractère général?
Mme Stenbaek: Oui. Je crois comprendre qu'il est ressorti des discussions sur le Conseil de l'Arctique, comme vous l'avez dit à juste titre, que développement durable correspond à toutes sortes de définitions divergentes. Je crois que même chez les Canadiens ces divergences sont évidentes. Cependant, je crois que ce qui distingue la position canadienne de celle des autres pays est que nous ne tenons pas compte uniquement des rapports entre l'économie et l'environnement, mais également des aspects humains comme quelqu'un l'a déjà dit tout à l'heure - c'était peut-êtreMme Kuptana - y compris les aspects spirituels, sociaux, etc.
Quand je parle de soutien à des initiatives de développement durable, je dirais qu'il importe absolument que cela devienne un des principaux objectifs du Conseil de l'Arctique et non pas simplement un des thèmes de la SPEA, voire un thème mineur. C'est une question très importante et le développement durable dans sa complexité et son caractère tridimensionnel devrait d'une certaine manière refléter la vision du monde des Autochtones, vision dans laquelle tout est lié. Ils ont une vision du monde beaucoup plus globale que la majorité d'entre nous.
Des projets de recherche, des projets d'examen des conditions de développement durable, des critères... C'est un terme assez insaisissable souvent défini de manière très différente. Par exemple, sous les auspices du Comité international des sciences de l'Arctique - qui est également, en passant une initiative canadienne lancée il y a déjà un certain nombre d'années - ils essaient de déterminer, d'un point de vue scientifique, quelles sont certaines des conditions. Ce pourrait être une de ces initiatives. Il est certain que pour le Conseil de l'Arctique, c'est une des priorités.
Mme Kuptana: La CCI a un certain nombre de projets qu'elle qualifie de projets de développement durable, y compris le projet de vidéo sur les boeufs musqués de Sachs Harbour. Nous avons un certain nombre de publications et de rapports sur divers aspects de la politique de développement de l'Arctique concernant tout particulièrement le développement durable. Je peux vous les distribuer si cela vous intéresse. Il y a le Développement durable circumpolaire: Agenda 21 du point de vue inuit, L'Industrie de la Chasse aux Phoques de l'Arctique, qui est en réalité une analyse rétrospective de l'effondrement de l'industrie de la chasse aux phoques et Options pour le développement durable de l'industrie de la chasse aux phoques ainsi que la participation des peuples autochtones et l'application de leurs connaissances de l'environnement à la stratégie de protection de l'environnement de l'Arctique. Ce sont quelques exemples de rapports sur des initiatives entreprises par les Inuit.
Le coprésident (M. Graham): Merci beaucoup, madame Kuptana. Notre très efficace directeur de recherche m'indique qu'il a déjà effectué une descente dans vos bureaux et pris vos rapports.
Il nous faut maintenant clore la séance car nous avons tous d'autres obligations ailleurs. Merci beaucoup d'être venus.
C'est une étude à laquelle le Comité des affaires étrangères consacrera un temps assez considérable. Je ne pense pas que notre rapport soit prêt avant le mois d'octobre ou le mois de novembre. Si entre-temps vous pensez à quelque chose d'important ou si vous découvrez quelque chose d'important, n'hésitez pas à nous écrire ou simplement à nous contacter. Je suis certain que nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions. Tout document que vous souhaiteriez nous envoyer sera reçu avec gratitude.
Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui.
La séance est levée jusqu'à mardi 9 heures.