[Enregistrement électronique]
Le mercredi 8 mai 1996
[Français]
Le président: Bon après-midi, mesdames et messieurs.
Conformément à l'ordre de renvoi, nous entendrons aujourd'hui des représentants de l'Association canadienne du droit de l'environnement nous faire part de leur opinion sur le nouveau système budgétaire.
J'aimerais tout d'abord porter à votre attention le rapport que publiait le vérificateur général hier.
[Traduction]
Hier, le vérificateur général a produit un certain nombre de chapitres, si vous voulez. Le chapitre 2 est intitulé: «La mise en oeuvre de la gérance environnementale au gouvernement fédéral». Il soulève certainement un certain nombre de questions intéressantes sur lesquelles je ne reviendrai pas ici, sauf pour dire que le paragraphe 2.57 mérite d'être lu:
Environnement Canada, de concert avec d'autres ministères et organismes, devrait préciser quelles sont les activités d'écologisation qui doivent être entreprises en vertu des modifications à la Loi sur le vérificateur générale et celles qui doivent l'être en vertu du Code de gérance de l'environnement.
Il y a assez de matière à réflexion dans ce paragraphe.
À la même page, on dit des choses comme «Quelqu'un doit accepter l'entière responsabilité de la mise en oeuvre globale du processus d'écologisation». Je suis sûr que les membres de ce comité sont extrêmement réceptifs à ce message. Le rapport ajoute: «Les sociétés d'État continuent d'être officiellement exclues du processus.» Toutes ces citations figurent à la page 2-18 du rapport du vérificateur général.
Je propose donc, avec votre permission, d'inviter le vérificateur général à nous expliquer le contenu de ce rapport. Comme vous le savez, il a produit par le passé des rapports très intéressants sur l'environnement. Par exemple, en 1995, il en a publié un intitulé «Les déchets dangereux - La gestion d'un lourd héritage», et un autre intitulé «La gestion des déchets radioactifs par le gouvernement fédéral». Ainsi donc, le vérificateur général s'intéresse à l'environnement et il a publié ce rapport hier. Avec votre permission, je vais donc essayer d'organiser une rencontre ou deux avec lui ou son personnel, peut-être pour la fin du mois.
Y a-t-il des commentaires ou des questions? Sinon, je demanderai à notre témoin,M. Muldoon, de venir à la table. Il devait être accompagné par la directrice générale de l'ICDPE, Mme Ann Mitchell, mais apparemment, elle est à l'étranger.
Monsieur Muldoon, nous sommes très heureux de vous recevoir parmi nous et d'entendre vos commentaires sur l'esprit et la conception du budget. Je crois que vous avez un mémoire. La parole est à vous. Merci beaucoup d'être venu.
M. Paul Muldoon (conseiller juridique, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci, monsieur le président.
Je parlerai peut-être pendant 15 minutes environ, ou peut-être un peu moins. Ensuite, je répondrai aux questions des membres du comité.
L'examen du Budget des dépenses 1996-1997 d'Environnement Canada nous donne l'occasion non seulement d'étudier les dépenses proposées, les plans actuels et le rendement du ministère, mais aussi de réfléchir sur l'orientation et le rôle de l'organisme. L'objet de ce mémoire est de formuler des commentaires d'ordre général sur le rôle global d'Environnement Canada au cours des années à venir, et de faire des observations plus précises sur le programme des dépenses 1996-1997. Même si ce programme suscite de nombreuses questions importantes, notre témoignage se limitera à certaines questions intéressant particulièrement l'Association canadienne du droit de l'environnement et l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement.
L'Association canadienne du droit de l'environnement est une clinique d'aide juridique dans la province de l'Ontario. Notre mandat consiste non seulement à représenter des clients ayant un problème environnemental répondant à certains critères, mais aussi à veiller à ce que les gouvernements provinciaux et fédéral adoptent des lois environnementales qui sont meilleures et plus efficaces. Je suis donc ici en tant qu'avocat et en tant que membre de la communauté environnementale canadienne.
Je suis également président du caucus sur les produits toxiques du Réseau canadien de l'environnement. Il s'agit d'un réseau de groupes qui existent un peu partout au pays et qui s'organisent par catégories de sujets. La catégorie qui intéresse mon association et certains de nos membres actifs est celle des produits chimiques toxiques, domaine pour lequel je vais examiner les répercussions du budget.
En fait, mon exposé comportera deux volets: des commentaires d'ordre général sur le rôle de l'organisme tel qu'il est présenté dans le budget, et des observations et notes précises sur le budget proprement dit.
En guise d'introduction, je parlerais de l'attitude canadienne à l'égard de la réglementation. Je le fais parce que je pense qu'il est fondamentalement important pour les membres de ce comité de savoir ce que pense la population canadienne de l'importance des questions écologiques. À notre avis, tout indique que les Canadiens veulent des normes plus protectrices. Ils veulent que les organismes environnementaux jouent un rôle plus important dans cette protection, indépendamment de la situation économique du pays. En fait, cinq sondages menés récemment au Canada indiquent que la population est préoccupée par l'orientation qu'adoptent les deux paliers de gouvernement en matière de protection environnementale. D'après ces sondages, contrairement à la tendance, la population veut que le gouvernement agisse de façon plus énergique pour protéger l'environnement.
Je ne passerai pas en revue tous les sondages, mais par l'entremise du greffier, nous vous avons envoyé un mémoire comportant diverses annexes. Toutes les sources et les notes de bas de page, assorties d'un commentaire plus détaillé, sont fournies dans ce mémoire.
Le premier sondage, effectué en juillet 1995 par Ekos Research auprès d'un échantillon de la population en général, montre qu'un environnement sain vient en deuxième lieu seulement après la liberté dans une hiérarchie des valeurs du gouvernement fédéral.
Le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a également demandé une série de sondages. Celui de 1995 indiquait que, d'après la majorité des répondants, le Canada n'avait parcouru que 30 p. 100 du chemin vers un environnement sûr. Soixante-dix-huit pour cent ont dit que la réglementation environnementale doit être strictement appliquée même en temps de récession.
Enfin, des sondages récents sur les attitudes des entreprises ont confirmé l'importance de lois et règlements stricts. La firme de conseillers en gestion KPMG a sondé plus de 300 entreprises, conseils scolaires et municipalités en 1994 et 1996. D'après ces sondages, 90 p. 100 des répondants ont indiqué que leur première motivation pour l'établissement de systèmes de gestion environnementale était la conformité aux règlements. Seulement 16 p. 100 en 1994 et 25 p. 100 en 1996 étaient motivés par des programmes volontaires.
Ces sondages - ceux dont je vous ai parlé et ceux dont la liste figure dans notre mémoire - révèlent que l'appui à la protection environnementale par le biais de la réglementation augmente de façon constante, contrairement à la protection fondée sur la déréglementation et les mesures volontaires. Ils indiquent également que la population canadienne s'attend à ce que les gouvernements jouent un rôle plus préventif dans la protection de l'environnement.
Si tel est le cas, quel est le rôle du gouvernement fédéral? Une fois de plus, dans l'annexe de notre mémoire, il y a un document plus approfondi sur la question, et dans lequel nous avons défini quelque six rôles différents que peut jouer le gouvernement fédéral. Permettez-moi d'en mentionner trois.
À notre avis, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan à l'échelle internationale sur les questions écologiques, qu'il s'agisse du changement climatique, de l'appauvrissement de la couche d'ozone ou de la circulation de l'air et de l'eau au-delà des frontières. Il doit conserver sa responsabilité de s'assurer que le Canada respecte ses obligations internationales en ce qui concerne l'environnement.
Il doit aussi avoir la capacité de mener le jeu en la matière à l'échelle nationale. Il nous semble que le gouvernement fédéral doit être une figure de proue dans les domaines de portée nationale, qu'il s'agisse de substances toxiques, des pesticides ou de la biotechnologie. Cette responsabilité n'incombe à aucun autre gouvernement au Canada.
Il doit également s'assurer qu'il existe un minimum de protection environnementale pour tous les Canadiens. L'un des rôles les plus essentiels pour le gouvernement fédéral consiste à assurer la protection des Canadiens, même si les provinces ne peuvent ou ne veulent pas agir pour mettre en place des normes environnementales appropriées.
À notre avis, tel est le rôle important que doit jouer Environnement Canada. Nous reconnaissons toutefois qu'il existe de nombreux défis. À l'intention du comité, je vais en mentionner deux qui ont des répercussions spectaculaires et qui devraient vous préoccuper au plus haut point pendant vos délibérations.
Le premier défi est la tendance au transfert des rôles et responsabilités du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux. À cet égard, deux initiatives actuelles font l'objet d'une opposition vigoureuse de la part des groupes écologistes: l'accord-cadre sur la gestion environnementale proposé par le Conseil canadien des ministres de l'Environnement, et le transfert de diverses responsabilités en matière d'approbation et d'application de la loi en vertu de la Loi sur les pêches. Je serai heureux de commenter ces initiatives, mais ce sont les deux que nous jugeons très problématiques.
La deuxième tendance consiste à abandonner les mesures réglementaires en faveur des mesures volontaires non applicables de protection de l'environnement. J'en parlerai dans quelques minutes.
Voilà donc mes observations d'ordre général sur la nécessité pour le gouvernement fédéral de jouer un rôle important dans la protection de l'environnement, la volonté populaire qui appuie cette vision des choses, et les défis auxquels Environnement Canada est confronté dans la prise de décisions et l'élaboration de règlements environnementaux au Canada.
Nous avons eu l'occasion d'examiner le Budget des dépenses 1996-1997. L'un des aspects les plus déconcertants de ce budget est la diminution constante des ressources d'Environnement Canada. Entre 1995-1996 et 1996-1997, son budget diminuera encore de 16 p. 100. Cette réduction correspond aux résultas de l'examen des programmes, qui préconisait des coupures de 230 millions de dollars, soit 30 p. 100 environ. Cela comprend la suppression de quelque 1 400 postes et d'un certain nombre de programmes clés.
Comme dans bien d'autres organismes, la possibilité d'économiser en utilisant les ressources de façon plus efficiente mérite certainement d'être bien accueillie. Cependant, l'une des principales inquiétudes réside dans le fait que, d'après ce budget, Environnement Canada est en train de voir diminuer son influence et la portée de ses activités de protection de l'environnement pour les Canadiens. Alors que ces derniers veulent clairement que le gouvernement agisse davantage pour protéger l'environnement, la capacité d'Environnement Canada de répondre à ces attentes est en train de diminuer.
Essayons maintenant d'étayer cette affirmation. Parlons d'abord du premier programme d'activités, à savoir un environnement sain, et dans ce contexte, de la section sur les produits toxiques. Le budget de cette section est réduit d'environ 10,5 millions de dollars, ce qui représente à peu près 32 postes à temps plein. À notre avis, cela est très surprenant, pour diverses raisons. En effet, les modifications proposées à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui sont reconfirmées dans le dernier discours du Trône, exigeront certainement des ressources supplémentaires de la part du ministère. En particulier, les chapitres 5 et 9 nécessiteront certainement des ressources accrues pour s'occuper des produits chimiques toxiques.
Qui plus est, bien des députés ont peut-être entendu le débat de plus en plus important sur de nouveaux domaines de préoccupation en ce qui concerne les substances toxiques, et en particulier, le domaine des troubles endocriniens, qui touchent diverses activités hormonales chez les animaux et probablement chez l'homme. De toute évidence, cela préoccupera beaucoup les Canadiens, et Environnement Canada devrait certainement se positionner pour mieux comprendre cette question et mieux y répondre.
Bien que l'on puisse présumer que ces questions entraîneraient une augmentation et non une diminution de la capacité de l'organisme à faire face aux nouvelles exigences, les données relatives aux besoins en personnel sont éloquentes. Le tableau 14 du budget révèle que l'un des domaines clés où les besoins en personnel seront considérablement réduits est celui de la recherche scientifique, où l'effectif est ramené de 261 à 221 postes. Si l'on tient compte des sciences physiques, c'est l'une des principales compressions dans le budget. À notre avis, c'est un problème, et nous aimerions qu'on nous explique pourquoi le domaine scientifique est l'un des plus touchés.
L'autre domaine de préoccupation concerne les engagements relatifs à la Convention de Bâle. Dans le budget, les obligations du Canada à cet égard sont claires. Cependant, l'un des éléments du plan d'action dans ce domaine nous inquiète. On dit qu'une liste de matières recyclables qui n'ont pas été interdites à Bâle sera soumise à la quatrième conférence. Le problème est que, d'après notre interprétation de la Convention de Bâle, il est interdit d'exporter des déchets dangereux des pays membres de l'OCDE vers des pays non membres pour le recyclage et la récupération d'énergie. L'interdiction pourrait viser des métaux qui sont classés comme substances dangereuses, notamment le plomb et le mercure, qui sont contaminés par des matières dangereuses.
Les problèmes liés à de telles exportations ont fait l'objet de nombreuses études, surtout l'exportation des déchets destinés à l'élimination que l'on déguise comme exportation pour recyclage. L'interdiction est fermement appuyée par d'autres pays signataires de la convention, surtout les pays non membres de l'OCDE.
Nous craignons que le Canada tente de bloquer la mise en oeuvre de l'interdiction ou de la compromettre en redéfinissant la notion de «déchet». À notre avis, le Canada doit chercher à ratifier les modifications dès que possible.
C'est pour cette raison qu'il est légitime de se demander si le contexte, l'objet et la substance de cette liste qu'Environnement Canada est en train de dresser consiste à définir précisément les substances recyclables qui sont complètement inoffensives pour l'environnement, ou s'il s'agit d'un moyen d'étendre la définition littérale du mot «recyclable» afin d'éviter l'interdiction formulée dans la Convention de Bâle. Une fois de plus, nous ne le savons pas, mais cela nous préoccupe.
La préoccupation suivante réside dans le fait que le financement du programme d'assainissement des sites contaminés hautement dangereux sera éliminé. Le problème des sites contaminés au Canada a été largement examiné par le vérificateur général en mai 1995. On estime qu'il en existe environ 1 000 au Canada et que leur assainissement coûtera près de trois milliards de dollars. Environ 5 p. 100 de ces sites sont «orphelins», dans la mesure où leurs responsables sont soit inconnus, soit incapables de les assainir.
Même si Environnement Canada cherche à éliminer le financement de ce programme, nous estimons, conformément aux recherches du vérificateur général, que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle dans l'assainissement des dépotoirs de déchets dangereux au Canada.
À la page 7 de notre mémoire, nous dressons la liste des domaines précis où le gouvernement fédéral doit continuer d'agir. Il faudrait noter, à cet égard, que la moitié au moins des 326 dépotoirs relevant du fédéral doivent être assainis immédiatement ou dans un avenir proche. Il existe également un problème de financement pour les sites fédéraux orphelins, car le programme national d'assainissement des lieux contaminés n'a plus de fonds.
Finalement, Environnement Canada doit s'attaquer à l'assainissement des lieux contaminés au Canada. À notre avis, on ignore encore comment le ministère va régler bon nombre de questions en suspens dans ce domaine.
À l'instar des lieux contaminés, le problème d'entreposage des BPC est bien connu. En 1993, près de 110 000 articles contenant des BPC étaient utilisés ou entreposés à 6 000 endroits un peu partout au pays. La quantité totale de déchets contenant des BPC avoisine les 125 000 tonnes.
Il est donc déconcertant qu'Environnement Canada supprime le programme de destruction des BPC sans disposer d'un plan global. Qui plus est, les options qui ont été examinées pendant l'étude du vérificateur général, notamment l'utilisation des installations de Swan Hills ou l'exportation des déchets aux États-Unis, nous semblent tout simplement inadéquates.
Il faut dire que la recommandation du vérificateur général selon laquelle Environnement Canada doit continuer à diriger, coordonner et aider les ministères à se débarrasser de leurs déchets contenant des BPC était bonne. En particulier, cette direction est essentielle si nous voulons réaliser l'objectif de détruire 50 p. 100 des déchets contenant des BPC et entreposés en Ontario d'ici l'an 2000, comme on l'a prévu dans l'accord Canada-Ontario de 1994.
J'aimerais parler rapidement de la conformité dans le cadre du programme relatif à un environnement sain. À cause des réductions budgétaires pour l'exercice 1996-1997, Environnement Canada propose d'utiliser des ressources provenant d'autres organismes pour appliquer la LCPE. À notre avis, c'est une mauvaise idée.
Comme vous le savez peut-être, Environnement Canada n'a pas bien appliqué la LCPE, comme le montre les statistiques figurant dans notre mémoire. À notre avis, la dispersion - si je puis m'exprimer ainsi - des activités d'application de la loi est problématique. Elle pose un problème de cohérence.
De plus, étant donné que le personnel d'application de la loi dans ces organismes ne rendront des comptes qu'à leurs ministères, Environnement Canada sera incapable d'exercer quelque autorité que ce soit pour empêcher que l'on réagisse aux infractions de façon incohérente ou inefficace. En outre, le personnel d'application de la loi dans d'autres organismes n'aura pas la connaissance nécessaire de cette loi ni la formation technique requise pour entreprendre les enquêtes environnementales.
En cédant les fonctions d'application de la loi environnementale à d'autres organismes fédéraux et provinciaux, le gouvernement adopte une démarche tout à fait contraire au rapport de votre comité intitulé: «Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution».
Il est recommandé qu'en dépit de ces coupures budgétaires, Environnement Canada doit concentrer ses efforts sur la recherche de moyens novateurs pour mettre en oeuvre les recommandations du comité permanent relatives au renforcement de ses fonctions d'application de la loi, et trouver d'autres moyens que le transfert des responsabilités de l'application de la LCPE à d'autres organismes fédéraux et provinciaux.
J'aimerais aborder deux autres domaines. Le premier porte sur le programme Grands Lacs 2000 dans la section sur un environnement sain. Deux observations s'imposent: premièrement, dans tout le budget, il est clair qu'Environnement Canada veut adopter l'approche volontaire dans bien des domaines. J'aimerais vous citer deux exemples.
En ce qui concerne le programme relatif aux Grands Lacs, les efforts visant à réduire les substances dangereuses et faisant l'objet d'un accord entre le Canada et l'Ontario consisteront à promouvoir des mesures volontaires pour compléter les mesures réglementaires existantes. De même, on s'engage à étendre les accords volontaires qui sont déjà en place. L'objet principal de ces accords volontaires est d'amener les industries à réduire certains polluants en prenant une série de mesures.
Chacun de ces accords est différent; par conséquent, il est difficile de généraliser; mais dans l'ensemble, l'approche volontaire pose deux problèmes. Premièrement, Environnement Canada donne l'impression de compter presque exclusivement sur une approche volontaire et non pas réglementaire. Cela est particulièrement problématique compte tenu du fait que certaines substances qu'on a tendance à vouloir éliminer par l'approche volontaire sont en fait les plus dangereuses.
La question est de savoir si, avec le temps, Environnement Canada est en train de perdre sa capacité de réglementer. Le ministère ne peut pas facilement récupérer cette capacité, et cela nos préoccupe beaucoup. Deuxièmement, le ministère continue de compter sur l'approche volontaire malgré l'absence de vérifications externes, de contrôles des données ou d'explications générales sur la façon de procéder.
La principale motivation de l'industrie demeure la conformité aux règlements. Je vous ai donné des statistiques tout à l'heure. Dans un certain nombre d'études, on critique l'approche volontaire, et nous avons annexé ces études à notre mémoire. Nous vous exhortons à les lire, car nous pensons que certaines questions légitimes doivent être posées quand on compte sur l'approche volontaire. Je vais en citer trois. Il y a une perte de responsabilité de la part des organismes réglementés et des décideurs du gouvernement. La loi n'est pas appliquée de façon régulière. En particulier, nous devons noter que la plupart des initiatives volontaires relatives à la pollution ont été négociées entre les organismes réglementés et le gouvernement à l'exclusion du public.
Qui plus est - et je dois le mentionner - en règle générale, les accords volontaires reconnaissent expressément la capacité des gouvernements de réglementer peu importe l'accord. Cependant, en pratique, les industries réglementées présument que le gouvernement n'agira pas et ne réglementera pas les domaines visés par un accord volontaire. Autrement dit, l'industrie est disposée à courir un risque à court terme défini dans l'accord volontaire afin d'occuper le terrain et de devancer d'autres mesures réglementaires plus strictes de la part du gouvernement.
Nous pensons que dans bien des domaines visés par ces accords volontaires, le débat public légitime sur la question de savoir si les dispositions sont assez strictes, adéquates et complètes a été devancé. C'est très inquiétant. Les résultats des recherches que nous vous avons données présentent en détail certaines de nos préoccupations à cet égard.
Je terminerai sur deux observations en particulier. Le dernier commentaire porte sur le programme Action 21, qui octroi essentiellement des subventions à des organismes non gouvernementaux. Il remplace le programme des Partenaires de l'environnement.
En préparant mon témoignage d'aujourd'hui, j'ai eu l'occasion d'appeler certains de mes confrères pour m'informer sur le programme d'action directe, et la préoccupation était la suivante. Bien qu'il accorde des ressources à certains groupes très méritants, il a tendance à s'occuper de questions plus ou moins terre à terre et ne finance pas la recherche sur des questions plus controversées.
À titre d'exemple, au début des années 1970, le traité classique de droit environnemental, intitulé Environment on Trial, a été lourdement financé par le Fonds des partenaires de l'environnement. En fait, il convient de dire que ce livre n'aurait probablement jamais été publié sans l'aide de ce programme. On l'étudie maintenant dans la plupart des cours universitaires de droit environnemental, dans les facultés de droit et ailleurs.
À notre avis, des publications semblables, qui critiquent et qui contribuent à l'avancement de la politique et du droit, ne seraient pas financées par le programme Action 21. C'est une véritable préoccupation pour bien des gens dans la collectivité.
Une fois de plus, je dirai simplement que dans notre mémoire, vous trouverez bon nombre de détails sur les questions que j'ai soulevées.
Mes derniers commentaires porteront sur le financement à plus long terme du ministère de l'Environnement. Disons que le plan de dépenses ne nous a pas permis d'examiner les changements apportés à la base de financement et aux programmes d'Environnement Canada au cours de la dernière décennie. Cela nous inquiète beaucoup, car nous prenons très au sérieux le fait que vous nous ayez demandé de nous prononcer. Nous ne disposons pas des informations fondamentales pour juger des tendances, car le plan d'activités sera réalisé à très court terme. On parle ici d'une tendance sur quelques années. Nous aimerions connaître la vision à long terme de ce qui se passe et nous ne disposons tout simplement pas de cette information. En raison du réalignement des programmes année après année, nous ne pouvons pas vous la communiquer de façon crédible.
Par conséquent, si vous avez l'occasion d'interroger le personnel d'Environnement Canada, veuillez leur demander une vision à long terme des activités du ministère en ce qui concerne le financement et l'élaboration des programmes, car nous avons certainement du mal à obtenir ces informations pour vous.
Merci beaucoup.
Le président: Merci. Madame Guay, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Guay (Laurentides): Si j'ai bien compris votre rapport, ou du moins vos déductions relativement au nouveau budget d'Environnement Canada, on parle de coupures énormes qui nuiront à notre environnement. Je sais qu'auparavant l'environnement était une priorité, bien que l'on note maintenant une baisse importante, pas nécessairement dans l'opinion publique, mais peut-être dans l'opinion gouvernementale.
Quand nous regardons le nombre de poursuites qui ont été intentées contre certains pollueurs, nous constatons qu'elles sont très limitées et que peu de travail a été fait à ce niveau. Vous n'en parlez pas, mais je pense qu'il est bon de le souligner.
Vous avez parlé des programmes volontaires qui sont aussi inquiétants puisqu'il ne font pas l'objet d'un suivi constant. Il n'y a pas beaucoup de contrôle à cette étape non plus.
Pourriez-vous résumer brièvement les améliorations que nous pourrions apporter? Nous ne pouvons rien changer aux coupures, mais nous pouvons peut-être changer les secteurs touchés afin d'améliorer notre situation environnementale. Vous parliez plus tôt des programmes scientifiques de recherche en environnement qui sont gravement touchés par les coupures.
[Traduction]
M. Muldoon: C'est une question très difficile, mais vous avez évoqué exactement les trois principaux domaines qui nous préoccupent. La capacité scientifique semble diminuer. La capacité réglementaire d'Environnement Canada semble diminuer. Et sa capacité d'appliquer la loi semble diminuer également. Il me semble qu'il s'agit là de trois des responsabilités primordiales du ministère, et nous avons beaucoup de mal à déterminer comment réaligner Environnement Canada pour qu'il assume ces trois responsabilités essentielles. Cela mérite assurément un examen approfondi.
Quant à savoir comment réaligner le ministère, nous ne le savons pas. En ce qui concerne le domaine scientifique, les environnementalistes ont souvent dit que nous ne comptons pas suffisamment sur la science et qu'en fait nous comptons sur la mauvaise science. À notre avis, c'est plutôt le contraire. Nous voulons que nos politiques et nos réformes juridiques soient fondées sur la science, car honnêtement, nous pensons que la science est de notre côté. La science vérifie le genre de réformes que nous avons. C'est l'une des choses qui me déconcertent chez Environnement Canada. À notre avis, les scientifiques du ministère sont les mieux placés pour défendre l'existence d'un programme environnemental plus fort.
Je suis désolé, mais je ne puis vous répondre de façon précise sur la façon de réaligner et de réallouer le financement, mais à notre avis ces trois responsabilités essentielles - la science, la réglementation et l'application de la loi - doivent certainement être primordiales. Ensuite, on peut voir comment intégrer tous les autres aspects.
[Français]
Mme Guay: Je vous remercie de ces renseignements. Votre résumé était aussi excellent. Beaucoup d'inquiétudes persistent. Est-ce que des regroupements environnementaux vous ont approché et parlé de ce nouveau budget?
[Traduction]
M. Muldoon: L'une de mes responsabilités en tant que président du caucus sur les toxines est de veiller à ce que les commentaires des membres du caucus - le groupe de travail qui s'intéresse à la question des produits chimiques toxiques - parviennent à des comités comme celui-ci. J'ai parlé à un certain nombre de groupes et je pense que beaucoup d'entre eux partageraient les observations que j'ai faites aujourd'hui.
Beaucoup s'inquiètent de l'éventualité que l'on opte pour la méthode d'adhésion volontaire plutôt que la réglementation. Beaucoup s'inquiètent de l'incapacité d'assurer la mise en oeuvre et beaucoup s'inquiètent aussi de l'incapacité éventuelle du ministère de l'environnement de maintenir une base scientifique forte. Je vous répondrais donc qu'en effet, beaucoup de groupes de défense de l'environnement voudraient sans doute adhérer à mes commentaires d'aujourd'hui.
[Français]
Le président: Merci, madame Guay. Madame Kraft Sloan.
[Traduction]
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): À la page 4, vous nous avez énuméré quelques défis. Pour le bénéfice des membres du comité, pourriez-vous nous expliquer ce phénomène de dévolution au titre de la Loi sur les pêches? Pourriez-vous nous en donner une vue d'ensemble et nous dire ce qui vous préoccupe?
M. Muldoon: Dans une note au bas de la page, vous trouverez en référence une étude très sérieuse.
Le président: Où?
M. Muldoon: Dans une des notes, on vous donne en référence une étude approfondie entreprise par le Centre québécois du droit de l'environnement sur cette question. Je vous encourage à la lire et je peux même vous faire parvenir un exemplaire du document. Le Centre a analysé à fond la proposition et donne la réaction du milieu de défense de l'environnement, à laquelle ont adhéré de nombreux groupes. Je ne me rappelle plus exactement combien, mais je sais qu'il y en avait beaucoup.
Il y a plusieurs choses qui nous préoccupent. L'une des plus grandes préoccupations, c'est que l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 donne au gouvernement fédéral le premier rôle en matière de pêches. Voilà pourquoi, à notre avis, se décharger de la capacité d'émettre des autorisations et se décharger de la mise en oeuvre va tout à fait à l'encontre de cette responsabilité primordiale du gouvernement fédéral.
Deuxièmement, en se déchargeant de ses responsabilités sur les provinces, le gouvernement fédéral présume qu'elles sont toutes disposées à les assumer. À notre avis, il y a tout de même certaines provinces qui n'ont pas la capacité voulue pour assumer la nouvelle responsabilité d'émettre les autorisations et de mettre en oeuvre les diverses sections spécifiques de la Loi sur les pêches, tout comme il y en a d'autres qui refuseront d'assumer ces responsabilités.
À notre avis, on ne peut pas parler de dévolution dans le cas de la Loi sur les pêches, puisqu'il n'y a personne sur qui se décharger de ces responsabilités. Il faut plutôt parler d'abrogation, puisque c'est là l'effet qu'aura cette proposition. C'est justement pourquoi nous disons avec autant de conviction que le gouvernement fédéral devrait continuer à en assumer la pleine responsabilité.
Troisièmement, il faut se rendre compte que les autorisations en vertu de la Loi sur les pêches déclenchent certaines dispositions de la Loi canadienne de l'évaluation de l'environnement. Autrement dit, dès lors qu'il y a une autorisation en vertu de l'article 35 de la Loi sur les pêches, le gouvernement fédéral peut déclencher une évaluation environnementale. Or, en remettant cela entre les mains des provinces, on retire le déclencheur de la Loi canadienne sur l'évaluation de l'environnement.
Les négociations en vue de l'élaboration des règlements au titre de la Loi canadienne sur l'évaluation de l'environnement et qui réunissaient toute la gamme des intervenants, prévoyaient de façon spécifique ce déclencheur. C'est donc là que se pose le problème. Mais qui plus est, ce déclencheur est à nos yeux la pierre angulaire de la responsabilité fédérale, puisqu'il permet de faire intervenir la Loi canadienne sur l'évaluation de l'environnement partout où une activité pourrait avoir une incidence sur les pêches canadiennes.
Voilà les trois grandes raisons de notre opposition. Mais je vous exhorte à nouveau à vous pencher sur le document de recherche publié par le Centre québécois du droit de l'environnement qui est un excellent survol de la question.
Mme Kraft Sloan: Au lieu de la dévolution, que propose le Centre?
M. Muldoon: Je crois que le Centre est en train de se demander quels effets auront certaines des propositions.
Une chose est sûre: les dizaines de groupes qui ont adhéré à notre document sur cette question ont établi clairement qu'il est nécessaire d'avoir des règlements fédéraux qui préciseraient comment on peut déclencher l'intervention de la Loi canadienne sur l'évaluation de l'environnement et qui établiraient clairement l'étendue de l'autorisation de façon à ce qu'elle soit plus efficace et puisse répondre aux préoccupations du ministère des Pêches et des milieux réglementés.
Nous sommes contre la dévolution, et la seule option, pour nous, c'est d'émettre des règlements qui précisent la situation et qui permettent de répondre directement aux préoccupations.
Mme Kraft Sloan: Et qu'est-ce qui préoccupe le ministère des Pêches et Océans?
M. Muldoon: Je pense qu'il y a plusieurs choses qui le préoccupent, mais surtout sa capacité de pouvoir tout assumer. J'ai l'impression que pour le ministère, cela représente un fardeau trop lourd, mais je ne voudrais quand même pas me prononcer pour lui. À notre avis, la façon de contourner le problème, c'est de définir plus précisément tous les cas où la disposition déclencherait l'intervention de la Loi canadienne sur l'évaluation de l'environnement.
La Loi sur les pêches autorise elle-même la prise de règlements en vue d'apporter ces précisions. À notre avis, c'est la seule façon de faire, c'est-à-dire de préciser la situation. Il ne faut pas se décharger sur les provinces, puisque certaines ne sont pas en mesure d'assumer cette responsabilité supplémentaire.
Mme Kraft Sloan: Cette préoccupation est-elle généralisée? Y a-t-il d'autres groupes qui...
M. Muldoon: Dans le milieu de la défense de l'environnement?
Mme Kraft Sloan: ...sont du même avis?
M. Muldoon: Je peux fouiller dans mes notes, car j'ai tous ces renseignements. Je sais qu'il y avait toute une gamme de groupes qui défendent l'intérêt public qui ont adhéré à notre document et qui s'opposaient farouchement à cette dévolution. Je ne me souviens plus exactement combien il y en avait, mais je peux retrouver le chiffre. Il y en avait beaucoup, et ce n'était pas uniquement des groupes de défense de l'environnement. Il y avait des groupes communautaires et toutes sortes de groupes d'intérêt public.
C'est une question qui n'a pas nécessairement fait les manchettes, mais à laquelle de nombreux groupes de protection de l'environnement au Canada ont consacré beaucoup de temps et d'énergie à cause des conséquences très graves qu'ils appréhendent.
Mme Kraft Sloan: En avez-vous discuté avec le ministère des Pêches et Océans?
M. Muldoon: Divers membres du groupe de travail représentant les groupes communautaires de protection de l'environnement ont rencontré les représentants du ministère des Pêches et Océans. Nous avons établi très clairement notre position et espérons que le ministère nous a bien compris. Mais nous ne pouvons en être sûrs.
Mme Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Muldoon, merci.
Dans le même ordre d'idées, vous savez que notre comité étudie les prévisions budgétaires qui découlent du budget de 1995. Or, ce budget comprime l'enveloppe budgétaire d'un certain nombre de ministères, y compris l'Environnement et les Pêches qui ont, par conséquent, une moins grande marge de manoeuvre. Si l'on veut vraiment remonter à la source du problème, on peut facilement la trouver.
Mais il y a une chose que notre comité ne sait pas et a du mal à déterminer: jusqu'où peut-on diminuer le budget du ministère avant que ne survienne le point de rupture et que le ministère ne soit plus en mesure de remplir les responsabilités que lui confère la loi? À quel moment exactement, en cours de réductions budgétaires, notre comité peut-il tirer la sonnette d'alarme et avertir le gouvernement que s'il pousse ses compressions encore plus loin, le ministère ne sera plus en mesure de remplir son propre mandat? Nous aurions besoin de votre aide pour établir où se trouve le point de rupture.
Votre étude nous est des plus utiles, et vous avez attiré notre attention sur les réductions d'années-personnes dans les ministères et les secteurs dans lesquels le gouvernement a déjà failli à la tâche. Nous avons tout de même besoin de savoir à quel moment les réductions budgétaires commenceront à avoir un effet nuisible: d'abord, en termes juridiques, si l'on pense aux divers instruments qui s'appliquent au ministère et ensuite, en termes de protection de l'écosystème, si l'on songe qu'en ce moment même, le gouvernement de l'Ontario est en train de démanteler certains de ses programmes mais a pourtant l'intention d'exiger certains pouvoirs en matière d'environnement, dès juin prochain.
Parallèlement à une réduction croissante du budget du gouvernement fédéral on assiste à un désir accru de la part des provinces à accéder à certains pouvoirs. Les municipalités deviendront-elles les gardiennes de l'environnement? Deviendront-elles le dernier bastion de la responsabilité publique dans la mise en oeuvre des lois fédérales et provinciales? Cela semble plutôt absurde, mais c'est ce qui pourrait se produire si l'on poussait la logique jusqu'au bout.
Que dites-vous de tout cela?
M. Muldoon: J'imagine que ce que je vous dirai vous semblera naïf. Nous nous sommes farouchement opposés à l'engagement de réduire de 30 p. 100 les programmes, suite à l'examen de programme. Je réitère ce que nous avons dit à l'époque...
Le président: D'accord, mais aujourd'hui, nous sommes dans l'eau bouillante.
M. Muldoon: Mais nous n'avons pas abandonné la partie. Chaque ministère a subi une réduction globale de 30 p. 100. Nous avons demandé des exceptions à la règle, notamment pour Environnement Canada, puisque ce ministère a pour mandat de protéger la santé publique et l'environnement. Nous n'avons pas abandonné la lutte. Voilà pourquoi j'ai dit qu'on me prendra encore pour un écologiste naïf. Mais nous n'avons pas baissé pavillon et nous avons toujours prétendu qu'il fallait permettre des exceptions à la règle des 30 p. 100.
Cela dit, nous voudrions quand même vous rappeler les normes que s'est fixées le ministère lui-même, monsieur le président. À la page 42 des prévisions budgétaires, on peut lire que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement fournira normes et leadership nationaux en matière de protection de l'environnement et de la santé humaine et veillera à ce que le gouvernement respect ses propres lois sur l'environnement. Voilà une norme que s'est fixée lui-même le ministère.
Nous nous demandons si les réductions budgétaires laisseront au ministère suffisamment de compétences scientifiques pour fixer les normes et lui laisseront surtout suffisamment de pouvoirs de réglementation pour en assurer la mise en oeuvre.
Où se trouve le point de rupture? J'imagine que mes collègues d'Environnement Canada pourraient ne pas être d'accord avec moi, mais je vous assure qu'à la lumière des sondages, tels que ceux que je vous ai décrits, et à la lumière de mes conversations avec des citoyens et des groupes de protection de l'environnement avec qui j'ai des contacts quotidiens, j'ai l'impression que le ministère de l'Environnement est à la veille de ne plus être en mesure de répondre aux attentes de la population ni même de respecter ses propres engagements. J'ai l'impression que nous atteignons le point de non-retour.
Je ne veux pas dramatiser à l'excès, mais comme je suis originaire de l'Ontario, je vois que vous avez raison de signaler cette réorientation patente vers la déréglementation et vers la dévolution aux provinces. D'ailleurs, cela se fait sentir non seulement en Ontario mais aussi ailleurs. Qui veut payer les pots cassés?
Dans l'ensemble, j'ai l'impression que les deux paliers de gouvernement sont déphasés par rapport aux attentes de la population. Aucun sondage n'a encore révélé que l'environnement devrait être sacrifié sur l'autel de l'économie, et pourtant c'est ce que prévoient en partie les prévisions budgétaires de 1996-1997.
Sans vouloir dramatiser, je crains que nous n'ayons atteint le point de rupture par rapport aux attentes de la population. Que dire d'autre - c'est malheureusement ce qui est en train de se passer, à mon avis.
Le président: L'année prochaine, au moment de l'étude des prochaines prévisions budgétaires, serons-nous toujours au point de rupture ou aurons-nous dépassé ce seuil?
M. Muldoon: Au moment de la prochaine étude des prévisions budgétaires, je serai sans doute en train d'analyser les mesures à prendre au titre de l'accord Canada-Ontario, qui comporte un échéancier très strict, au titre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et au titre de nos autres engagements. Prenons l'accord entre le Canada et l'Ontario. J'espère pouvoir vous soumettre d'ici peu une analyse très détaillée des engagements pris en 1994 et des réalisations. Je vous laisserai décider si cela suffit ou pas.
En 1994, nous avons dit et redit que pour pouvoir nettoyer les Grands Lacs, il était nécessaire de conclure un accord avec la province qui comporterait un échéancier très strict. Nous étions ravis de voir les deux paliers de gouvernement inclure un échéancier assorti d'objectifs et d'engagements spécifiques. Le temps est maintenant venu de voir si les deux gouvernements les ont respectés. Nous espérons pouvoir vous donner l'année prochaine la liste des succès et des échecs.
Le président: À titre de citoyen, et non pas d'environnementaliste, croyez-vous que le rapport de 3 p. 100 du déficit par rapport au PNB atteint par le gouvernement du Canada est suffisant et qu'il peut maintenant renverser la vapeur et rouvrir les cordons de sa bourse?
M. Muldoon: Laissez-moi poser votre question différemment et y répondre en même temps. Prenez le problème des sites contaminés et de la destruction des BPC: non seulement sont-ce là des désastres environnementaux mais ce sont aussi des désastres économiques. Les règlements environnementaux musclés sont comme des investissements: il faut souffrir un peu aujourd'hui pour éviter que les gouvernements fédéral et provinciaux n'aient à payer demain des coûts de nettoyage faramineux. Les dépenses d'environnement ne sont pas un coût mais plutôt un investissement. Ils sont rentables avec le temps. C'est cela qui nous intéresse.
Nous n'entérinerons jamais des règlements stupides. Nous convenons de la nécessité d'améliorer, de rationaliser et de rendre palus efficace le système de réglementation, mais à nos yeux, opter pour la méthode de la non-réglementation et de l'inaction, c'est une mauvaise décision pour l'environnement et pour l'économie. Vous n'avez qu'à vous reporter à notre mémoire et à regarder les chiffres sur les sites contaminés pour comprendre notre point de vue.
Le président: Pensez-vous que le gouvernement devrait opter pour un rapport déficit-PNB plus faible que 3 p. 100?
M. Muldoon: Laissez-moi vous répondre sous l'angle de l'environnement. Dans notre mémoire, nous affirmons qu'il faut injecter plus d'argent pour se bâtir la capacité dont nous avons parlé.
Le président: D'après vous, l'argent devrait-il venir d'un transfert latéral, comme par exemple du budget de la Défense nationale?
M. Muldoon: Je suis sûr qu'avec un peu de réflexion, nous pourrions vous suggérer des façons de réallouer les sommes. Je suis sûr que votre comité a déjà entendu parler des subventions à l'industrie. Je pense que vous avez déjà réfléchi à la question, en vous demandant quelles industries vous aidiez financièrement et lesquelles vous n'aidiez pas. Certaines de ces sommes injectées pourraient-elles servir à des programmes de prévention plutôt qu'à d'autres programmes?
Il faut ouvrir la discussion, mais malheureusement nous n'avons pas le temps de le faire, car le tableau est fort complexe.
Nous sommes convaincus qu'il est possible de réallouer les dépenses du gouvernement et de changer l'ordre de priorité de façon à favoriser l'environnement.
Le président: Monsieur Finlay, vous avez une question?
M. Finlay (Oxford): Oui, monsieur le président.
À la page 7 de votre mémoire - et M. Muldoon vient de le signaler - vous parlez de l'élaboration d'un plan national destiné à compléter le nettoyage des sites orphelins non encore visés et du financement du nettoyage des sites fédéraux contaminés, financement qui, me semble-t-il, est sérieusement limité par les compressions budgétaires. Cela m'inquiète particulièrement. Lorsque vous dites qu'au moins la moitié des 326 sites fédéraux auront besoin d'être nettoyés immédiatement ou dans un avenir rapproché, est-ce à cause de la détérioration des conteneurs? Quels sont certains des grands...?
M. Muldoon: C'est un problème double, vous l'avez dit vous-même. D'abord, parce que le gouvernement fédéral a compris qu'il faut nettoyer certains sites, ou parce que le régime de confinement doit être entretenu ou valorisé.
Nous aurions pu ici aussi expliquer plus amplement les chiffres, mais ils sont tirés directement du rapport du vérificateur général. Ils sont tout ce qu'il y a de plus crédible.
Le président: Madame Payne.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Monsieur Muldoon, je voudrais revenir aux questions de Mme Kraft Sloan au sujet de la Loi sur les océans. Certains membres de votre groupe ont-ils comparu au comité des pêches à l'étape de la discussion de la Loi sur les océans?
M. Muldoon: D'emblée, je n'en sais rien, mais je pourrais aller aux renseignements.
Mme Payne: Si je vous pose la question, c'est que je siégeais à ce comité-là, et que je ne me rappelle pas avoir vu qui que ce soit de votre organisme. Mes questions suivantes n'ont donc plus de raison d'être, monsieur le président. Merci beaucoup.
Le président: Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan: À la dernière page de votre mémoire, vous mentionnez le programme Action 21 et l'élimination du fonds «Partenaires de l'environnement». Étant donné qu'Action 21 a remplacé les «Partenaires de l'environnement», cela signifie qu'il n'y a aucun fonds prévu pour la recherche de base, pour le matériel éducatif et pour les activités d'information publique. Comment se fait-il...
M. Muldoon: L'optique du programme «Action 21» est différente de celle du fonds «Partenaires de l'environnement». Action 21 est plutôt un programme de jumelage de fonds qui prévoit le financement de toute une gamme d'activités. Ce programme vise des projets extrêmement concrets et terre-à-terre, ce avec quoi nous sommes d'accord. Il est bon de voir des résultats concrets et d'aller chercher la participation directe de la collectivité.
La seule chose qui nous préoccupe, c'est qu'il est important de temps à autre de subventionner d'autres activités telles que la recherche de fonds, l'élaboration de matériel didactique public, ou les activités d'information du public. Certaines de ces activités peuvent donner lieu à une certaine critique du gouvernement, mais elles ont tout de même une fonction pédagogique. Voilà pourquoi j'ai cité en exemple le document «Environment on Trial» rédigé par des chercheurs et des intervenants éléments et qui est un atout majeur dans l'éducation du public. Aucune demande n'a été faite en ce sens, mais j'ai l'impression que ce genre de publication ne serait sans doute pas subventionnée au titre du programme Action 21.
Ce que j'essaie de faire, c'est de faire réagir certains de mes collègues. Cela ne veut pas dire que le programme Action 21 soit un problème en soi. Tout ce que nous disons, c'est qu'il nous préoccupe en ce que la gamme de projets subventionnés semble être plus étroite que nous l'aurions souhaité. Il y a d'autres activités qui devraient être subventionnées d'après nous. Nous demandons donc que l'on élargisse les critères pour que d'autres activités qui ont toujours été subventionnées par le fonds «Partenaires de l'environnement» puissent être subventionnées elles aussi par Action 21.
Mme Kraft Sloan: Tous ceux qui siègent à notre comité, qui ont étudié la LCPE et nos autres sujets d'intérêt peuvent certainement apprécier la grande qualité de la recherche effectuée par des organismes tels que le vôtre et par d'autres ONG. Je sais que vos ressources sont très limitées, mais c'est le même problème qui se pose au gouvernement aussi. Faute de pouvoir effectuer de la recherche scientifique, comment peut-on envisager de protéger l'environnement? Les activités communautaires tournent évidemment autour de l'élaboration de matériel didactique et d'autres matériels. J'essaie toujours de comprendre comment on peut faire, s'il n'y a plus de sources de recherche scientifique.
Lorsque vous dites que certains autres organismes entreprendront de la recherche de fond, entendez-vous par là des groupes communautaires ou des organismes plutôt nationaux? De qui parlez-vous exactement?
M. Muldoon: Cette recherche se fait à plusieurs niveaux. Croyez-le ou non, ce sont des groupes communautaires qui ont effectué certaines des meilleures recherches de fond. Certains des groupes chez qui vous ne soupçonneriez jamais ces compétences font du travail d'excellente qualité, car ils comprennent de façon intime les enjeux. Avec de modestes subventions de démarrage et grâce à leurs compétences, ils peuvent transformer leurs réflexions en un petit joyau de recherche et de promotion.
Cette capacité de recherche se retrouve dans tous les groupes: petits comme grands, provinciaux comme nationaux. Aucun n'a le monopole de la recherche. Mais lorsque j'ai téléphoné un peu partout et demandé à mes collègues qui avait été subventionné par Action 21, j'ai constaté que la plupart de ceux avec qui je suis associé, du côté politique, ne l'avaient pas été. C'est justement ce pourquoi je pose la question aujourd'hui, car cela peut être préoccupant.
Vous savez que les groupes non gouvernementaux ont toujours du mal à trouver des subventions. Plusieurs avaient l'impression que le fonds «Partenaires de l'environnement» constituait une source de financement légitime vers laquelle ils pouvaient se tourner, non pas de façon garantie, mais de temps à autre et au moment approprié. J'imagine qu'à l'égard d'Action 21, ils sont plus prudents, puisque les critères sont plus stricts.
Mme Kraft Sloan: Action 21 est donc destiné à des groupes locaux et communautaires, plutôt qu'à des groupes régionaux ou nationaux?
M. Muldoon: Non. La meilleure façon d'expliquer les choses, c'est de dire qu'Action 21 vise l'action directe et ne dépend pas de la taille du groupe.
Mme Kraft Sloan: Bien. Et ce, peu importe la taille du groupe?
M. Muldoon: C'est exact. C'est ce que je crois.
Mme Kraft Sloan: Bien. Et je comprends aussi l'action directe.
M. Muldoon: Oui.
Mme Kraft Sloan: Bien. Merci.
Le président: Monsieur Adams, vous avez la parole.
M. Adams (Peterborough): Monsieur Muldoon, c'est bien la première fois que j'arrive si tard à une séance de comité, mais ne croyez pas que j'en ai l'habitude: je voulais vraiment assister à cette séance-ci, car je savais que vous y comparaîtriez.
J'ai bien aimé la façon dont vous avez articulé le rôle national et international du gouvernement fédéral. C'est une réflexion qui nous sera très utile, et je me rappelle que nous en avions déjà discuté.
J'ai remarqué que le document «Environment on Trial» ne se trouve pas dans votre bibliographie. En avez-vous donné toutes les coordonnées aujourd'hui?
M. Muldoon: Non.
M. Adams: Pourriez-vous le faire pour que ce soit consigné au procès-verbal?
M. Muldoon: Bien sûr. Il s'agit d'un livre intitulé «Environment on Trial» publié par David Estrin et John Swaigen et copublié par les publications Emond Montgomery et par l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement. Il remonte à 1993 et en est à sa troisième édition. C'est d'après moi un livre étudié d'office aux écoles des études supérieures en politique de l'environnement, en étude de premier cycle en politique de l'environnement et dans plusieurs cours de droit.
M. Adams: Merci.
Je vous ai entendu discuter avec notre président des compressions de 30 p. 100 au ministère de l'Environnement, notamment. Comme notre gouvernement a tenté justement de ne pas imposer de réductions globales, il lui a fallu naturellement faire des choix. Les compressions les plus importantes imposées au cours des trois années se trouvent au ministère des Transports, où elles atteignent 55 p. 100. Par ailleurs, à l'autre extrême, vous trouverez même une augmentation du budget d'environ 3 p. 100 dans un ministère. En moyenne, les compressions se chiffrent à environ20 p. 100, de sorte que votre chiffre de 30 p. 100 est évidemment au-delà de la moyenne.
Vous avez parlé du ministère de l'Industrie qui a été frappé, je crois, de compressions de42 p. 100. Je sais qu'on pense rarement au ministère de l'Industrie comme étant un ministère effectuant de la recherche sur l'environnement, mais je vous signale qu'une bonne partie de la capacité de recherche fondamentale au gouvernement fédéral se trouve au ministère de l'Industrie, et je pense aux conseils subventionnaires et aux subventions aux universités, par exemple. Pour mettre les choses en perspective, je vous signale que ce ministère a subi des compressions de moins de20 p. 100.
Les compressions ont maintenant été effectuées aux deux tiers, et le processus suit son cours de façon automatique, en quelque sorte. Peut-être avez-vous des conseils à nous donner là-dessus.
Vous savez que le président et certains membres du comité ont déployé beaucoup d'énergie pour faire la promotion de ce secteur-ci du gouvernement. Que pouvez-vous nous conseiller sur la façon de mieux cibler nos ressources dans certains de ces domaines, tels que ceux que vous nous avez signalés et en regard desquels nous devrions être des chefs de file? Avez-vous des idées pour nous?
M. Muldoon: Une première idée, ce serait de stopper complètement les réductions prévues pour les prochaines années.
Comme partout ailleurs, les années 90 nous obligent à réfléchir sur nos responsabilités de base. À la lumière des compressions budgétaires, on peut toujours constater que le gouvernement n'a cessé de sabrer depuis 10 ans. Mais à un moment donné, il faudra bien que le gouvernement décide de stabiliser son budget, et à ce moment-là, il devra se demander ce qu'il a l'intention de faire.
Les objectifs changent avec le temps. Mais comme l'a signalé le président, au cours des années 90, non seulement sommes-nous à l'heure des limites dans les dépenses mais les provinces sont, pour leur part, à l'heure de l'introspection et se demandent quel doit être leur rôle. D'après notre expérience, elles ne souhaitent pas particulièrement se faire les championnes de l'environnement. Par conséquent, vers quel gouvernement autre que le gouvernement fédéral les Canadiens peuvent-ils se tourner pour trouver un minimum de protection de leur environnement?
Ainsi, votre conseil serait de dire, d'accord, il y a eu des compressions - c'est cela? Peut-on compter sur un budget stable pour qu'Environnement Canada puisse prévoir des programmes, engager un dialogue avec le public et d'autres intervenants concernant les fonctions de base, pour qu'Environnement Canada puisse jouir d'une certaine sécurité?
Je trouve déplorable que nous nous employions à arrêter les frais plutôt que, de façon plus proactive, à élaborer les activités que nous devrions mener. Je trouve cela déconcertant. Je le répète, je ne pense pas que le public souhaite des compressions draconiennes dans le domaine de l'environnement et je crains fort un ressac pour les politiciens qui préconisent ce genre de coupures. Je suis convaincu de cela.
Voici le conseil que je vous donne: demandez si les compressions s'arrêteront là et tâchez de savoir si nous pouvons désormais cerner les fonctions de base et les assortir des programmes qui s'imposent.
M. Adams: Voici ce que je vous répondrais à propos des compressions: même si on laisse de côté le déficit et la dette qui sont des arguments de taille, j'estime que l'administration fédérale était, et est encore, trop grosse. Les temps ont changé et si nous voulons que le ministère constitue un organisme efficace pour maintenir des normes nationales, il faut qu'il soit réduit. Ainsi, je ne vous cacherai pas que j'ai appuyé la réduction des effectifs.
Pour moi une administration fédérale idéale doit être plutôt réduite, mais très très efficace; elle doit mener des actions pointues tout en détenant les pouvoirs lui permettant, au besoin, d'intervenir dans l'intérêt national et international. Voilà comment je vois les choses.
La raison pour laquelle je dis que l'administration était et est encore trop grosse tient au fait que l'appareil était devenu encombrant. Même en possession des pouvoirs nécessaires, il ne pouvait pas faire ce qu'il fallait.
Le phénomène qui se produit actuellement n'est autre chose qu'une rationalisation. S'il y avait un affaiblissement, s'il y avait une réduction des pouvoirs à cause des contraintes financières, ce serait très regrettable. Toutefois, je pense que nous n'avons pas fait autre chose que rationaliser et qu'aucun de ses pouvoirs clés n'a été sacrifié.
Je vous demande à mon tour si vous pensez que nous avons perdu du terrain s'il est trop tard. Si nous marquions un temps d'arrêt, si nous procédions comme vous le préconisez, à l'aide d'un financement stable et ciblé, diriez-vous que nous avons perdu certains pouvoirs dans le domaine de l'environnement, les freins dont nous disposions?
M. Muldoon: Nous risquons d'être sur le point de perdre du terrain. Voilà pourquoi j'ai parlé de l'accord-cadre de gestion de l'environnement qui est proposé. Il y aurait...
Je ne pense pas que nos positions soient directement contraires l'une à l'autre. Je ne peux pas préconiser de grossir l'appareil gouvernemental. Les Canadiens ne veulent pas d'une administration plus grosse mais d'une meilleure administration et pour cela, il faut rationaliser, cibler l'intervention du gouvernement. Toutefois, il faut que l'administration ait les ressources nécessaires pour s'acquitter de ses responsabilités constitutionnelles de base, protéger les domaines de compétence dont elle est responsable. De notre point de vue, tout commence par là.
L'accord-cadre de gestion de l'environnement prévoit de céder certains domaines aux provinces car les autorités provinciales comme le Conseil canadien des ministres de l'environnement reconnaissent qu'il faut se débarrasser du double emploi et du chevauchement. Nous avons reconnu le tort que pouvait causer parfois le double emploi et c'est pourquoi nous cherchons à le supprimer dans tous les cas possibles. J'exprime ici l'opinion d'un grand nombre de groupes de défense de l'environnement qui ont reconnu qu'il fallait s'entendre sur ces aspects-là.
Il faut dire que c'est en vain qu'on a demandé à plusieurs reprises une analyse détaillée des domaines où il y a chevauchement. Nous attendons toujours. Comment répondre à votre question? Que signifie une administration qui se fixe des cibles si elle n'a pas une idée très nette de la teneur des problèmes? Les défenseurs de l'environnement ne peuvent donc faire autrement que s'opposer à un accord qui se fonde sur une logique qu'on ne nous a pas exposée.
Il faut se demander sérieusement ce que signifient ces propositions et ce que sous-entend l'accord. L'a-t-on conclu pour essayer de réduire le chevauchement ou le double emploi, ou est-ce pour d'autres motifs? Si c'est en vue de réduire le chevauchement et le double emploi, il y a certaines suggestions très constructives qui ont été proposées.
Autrement dit, ne nous proposez pas de cadre de gestion de l'environnement grandiose et d'accord en vertu duquel vous vous départiriez de vos responsabilités sans pour autant nous fournir certaines explications sur le rôle que devra jouer le gouvernement fédéral, sur les secteurs dont il se départira et sur ceux qu'il gardera.
Mme Kraft Sloan: J'allais justement vous interroger là-dessus, étant donné qu'il y a une conférence des premiers ministres prévue pour le mois de juin. Vous avez mentionné le chevauchement et le double emploi, deux problèmes dont on nous fait souvent part en comité. On mentionne toujours tout ce que peut faire le gouvernement fédéral, mais j'aimerais savoir pour ma part, ce que les provinces peuvent faire en matière d'environnement.
M. Muldoon: Je ne sais trop comment vous répondre, étant donné que les provinces ont de grands pouvoirs législatifs en matière d'environnement, comme vous le savez. On pourrait dire que c'est presque toujours de leur ressort. Les provinces doivent donc fournir le cadre de réglementation environnementale de première ligne, en ce qui concerne notamment les plans d'occupation des sols, les déversements de produits chimiques toxiques dans l'atmosphère et dans l'eau, puisqu'une bonne partie de ce qui est contaminé... et qui plus est, les provinces sont aussi les propriétaires de la plus grande partie des ressources naturelles.
Je poserais plutôt la question de cette façon-ci: d'abord, quels sont les secteurs qui relèvent principalement du gouvernement fédéral, tels que les pêches; et ensuite, quels sont les secteurs qui sont peut-être du ressort des provinces mais qui sont véritablement d'envergure nationale? Autrement dit, quels sont les secteurs qui sont théoriquement du ressort des provinces mais qui pourraient être considérés comme étant d'envergure nationale et dans lesquels le gouvernement fédéral pourrait s'arroger le droit d'intervenir?
C'est ainsi que j'envisage la question. Autrement dit, il faut partir des conditions de base provinciales. Ensuite, il faut se demander comment le Canada honore ses obligations internationales et s'il respecte aussi les obligations fédérales que lui donne la Constitution. Enfin, il faut se demander quels sont les secteurs qui sont plutôt de calibre national, c'est-à-dire les secteurs qui transcendent les frontières provinciales et qui sont d'envergure nationale, et en regard desquels le gouvernement fédéral devrait s'accorder le droit d'intervenir.
Le président: Qui sait, peut-être qu'un jour les poissons seront forcés de traîner le gouvernement du Canada devant les tribunaux.
Mme Kraft Sloan: Ils le devraient.
Le président: Monsieur Muldoon, c'est dans les moments de grand besoin que l'esprit humain fait preuve de créativité et trouve d'autres façons de faire. Ainsi, dernièrement, on a fait circuler à quelques reprises le terme «pacte» comme solution de rechange à un système de protection de l'environnement non régi par les règlements. Qu'en pensez-vous?
M. Muldoon: Nous nous sommes penchés sur la question des pactes, mais nous avons l'impression qu'il y a autant de définitions que de gens qui s'y intéressent. La définition va de l'engagement purement volontaire jusqu'à une autre forme de réglementation.
Ce terme nous vient des Pays-Bas, dont le cadre institutionnel et juridique est bien différent du nôtre. Si j'ai bien compris ce qui se passe dans ces pays, le système de pactes se traduit en instruments exécutoires. Mais le cadre juridique est à ce point différent du nôtre qu'il faut faire très attention lorsque l'on veut transposer la réalité juridique du terme «pacte» dans un pays comme le Canada.
Nous avons donc certaines hésitations, car tout dépend de la façon dont on interprète et traduit le terme dans la pratique. Comme c'est un terme galvaudé, je voudrais en savoir plus long avant de vous faire des commentaires sérieux.
Le président: La sonnerie nous appelle. Vous nous avez fait un excellent exposé aujourd'hui, et nous vous en remercions. Nous garderons sous la main votre mémoire pour nous y référer de temps à autre et y retrouver les éléments critiques. Nous comptons bien vous demander à nouveau votre avis, dans environ un an si ce n'est plus tôt, sur cette question ou sur d'autres sujets encore.
Au nom des membres du comité, je vous remercie.
M. Muldoon: Merci.
Le président: La séance est levée.