[Enregistrement électronique]
Le mardi 14 mai 1996
[Traduction]
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à tous.
Je vous rappelle que ceci est la troisième table ronde dans le cadre de notre colloque parlementaire sur les emplois, l'environnement et le développement durable, et sur ce que cela signifie, ce que cela peut signifier du point de vue de l'emploi; la conversation a été extrêmement fertile. Bien des choses très justes ont été dites autour de la table, et nous avons eu beaucoup de monde hier après-midi.
Ce matin nous venons de terminer la séance sur la gestion des déchets. Malheureusement, nous avons pris un peu de retard, et nous allons donc devoir essayer de le rattraper.
Nous entendrons trois présentations, l'une après l'autre, puis nous commencerons notre table ronde. Mais, d'abord, pourrions-nous faire un tour de table, et pourriez-vous chacun vous présenter et dire qui vous représentez.
Je m'appelle Karen Kraft Sloan, députée de York - Simcoe et secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement.
M. Adams (Peterborough): Je m'appelle Peter Adams, je suis député de Peterborough et membre du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
M. John Lammey (agent de l'environnement (Goose Bay), ministère de la Défense nationale): Je m'appelle John Lammey, je suis ingénieur en environnement à la base des forces aériennes de Goose Bay, au Labrador.
M. John de Gonzague (conseiller principal en politiques, Bureau national de la prévention de pollution, Environnement Canada): Je m'appelle John de Gonzague, je travaille à Environnement Canada, au Bureau national de la prévention de pollution.
Mme Catherine Cobden (directrice de l'Environnement, Programme effluent zéro, Avenor Inc.): Je m'appelle Catherine Cobden et je suis directrice de l'environnement chez Avenor Inc.
M. Michel Arès (directeur exécutif, Ressources Kitaskino XXI Inc.): Je m'appelle Michel Arès; je suis directeur exécutif de Ressources Kitaskino XXI Inc., compagnie autochtone dans le secteur de la géomatique.
M. Anthony Downs (directeur général, environnement, ministère de la Défense nationale): Je m'appelle Tony Downs; je suis directeur général de l'environnement à la Défense nationale.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Je m'appelle Jean Payne, députée de St. John's, Terre-Neuve, et vice-présidente du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
M. Jim Elsworth (directeur, Programme d'action des zones côtières de l'Atlantique, ministère de l'Environnement): Je m'appelle Jim Elsworth, je suis gestionnaire du Programme d'action des zones côtières de l'Atlantique à Environnement Canada.
[Français]
Mme Guay (Laurentides): Monique Guay, députée de Laurentides et critique officielle en matière d'environnement.
M. Guy de Bailleul (directeur, Département d'économie rurale, Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, Université Laval): Guy de Bailleul, directeur du département de l'économie rurale à la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation à l'Université Laval.
[Traduction]
M. John Edmonds (président, Système total de gestion organique des gazons, Edmonds Landscape and Construction Services): Je viens d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, et je représente Edmonds Landscape and Construction Services. Je m'appelle John Edmonds.
Le coprésident (M. Caccia): Charles Caccia, de Toronto.
M. Robert Gale (directeur, Ecological Economics): Robert Gale, d'Ecological Economics à Toronto.
Le cogreffier du comité (M. George Etoka): George Etoka, greffier du sous-comité.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Un nouveau membre vient de se joindre à nous. Voulez-vous vous présenter?
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Paul DeVillers, député de Simcoe Nord.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Nous entendrons John Lammey, Catherine Cobden et John Edmonds. Je vous prierais de vous en tenir à dix minutes chacun.
Monsieur Lammey, pourriez-vous commencer, s'il vous plaît?
M. Lammey: Madame la présidente, je vous remercie de cette possibilité qui nous est donnée de vous expliquer ce qu'a fait le ministère de la Défense nationale pour prévenir la pollution à Goose Bay, au Labrador.
D'après nous, la prévention de la pollution commence par l'élimination des causes plutôt que par le traitement des symptômes. Mon équipe et moi-même avons une grande expérience du traitement des effets de la pollution. Mais nous nous efforçons surtout d'éviter la nécessité de nettoyer.
Nous partons du principe que la prévention de la pollution et la gestion environnementale relèvent de la responsabilité de chacun de nos employés. Mon équipe environnementale compte huit membres dont cinq se consacrent à régler les problèmes existants. Nous ne serions pas assez nombreux pour faire appliquer les règlements environnementaux dans chaque section de la base si nous ne pouvions compter sur chacun des employés.
De plus, si chacun des membres de mon équipe est spécialiste dans son domaine, les employés sur le terrain connaissent le processus spécifique mieux que nous, et nous nous appuyons donc sur leurs connaissances et leur expérience, car ils savent généralement où sont les problèmes et ils ont des idées pour les résoudre.
En 1993, nous avons appliqué un système de gestion de l'environnement. Nous sommes en train de le mettre à jour et de nous assurer qu'il est conforme à la norme ISO 14000.
L'élément central de notre SGE, à Goose Bay, est le plan d'action environnementale de Goose Bay. Ce document est distribué à chaque section de la base, ainsi qu'à tous les réglementateurs et autres parties intéressées, y compris à la municipalité et aux médias.
Dans ce document, nous insistons sur la prévention de la pollution et nous fournissons un plan détaillé sur la manière de limiter au maximum notre incidence négative sur l'environnement. Nous avons constaté qu'un processus polluant est généralement inefficace et, en réglant les inefficacités, ce qui entraîne généralement des économies, on réduit aussi la quantité de polluants émis dans l'environnement.
Notre programme de prévention de la pollution a trois principaux volets: nous donnons à nos employés une excellente formation, nous insistons sur le processus d'évaluation environnementale, et nous procédons à des vérifications afin de s'assurer que tout le monde a une attitude responsable face à l'environnement. Dans la mesure du possible, avec nos propres employés, nous préférons la méthode volontaire. Cela fonctionne bien, et nous n'avons eu à sortir le bâton qu'une ou deux fois.
Le personnel reçoit chaque année une formation en responsabilité environnementale; nous donnons un cours préparé par l'équipe de M. Downs, au quartier général de la Défense nationale, et présenté par mon équipe. Le cours souligne les éléments de la prévention et rappelle aux participants qu'ils sont individuellement responsables de leurs actions à la base. Il explique également en détail ce qu'il faut faire en cas d'accident.
Cette formation annuelle est complétée par divers séminaires présentés par mon équipe tout au long de l'année, et par des brochures sur l'évaluation environnementale et la responsabilité environnementale, qui sont également produites par la direction générale de M. Downs.
Nous savons qu'en dépit de la meilleure formation possible et de la forte prise de conscience de nos employés, il y aura toujours des accidents environnementaux. Notre objectif est bien sûr de les éliminer, mais quand ils se produisent, nous sommes prêts à les régler rapidement et efficacement. Dans ce but, nous faisons faire à notre équipe d'intervention d'urgence des exercices environnementaux au moins une fois par mois afin de nous assurer que ses membres sont bien formés et ont l'équipement voulu.
Nous préparons actuellement des agents de l'environnement dans chaque unité; une personne, dans chaque section, aura cette responsabilité additionnelle. Ces personnes recevront une formation spécialisée et nous serviront de premier contact à mon équipe et à moi. Nous pensons que ces agents contribueront à mieux faire connaître encore la question de la protection environnementale.
Mon expérience m'a convaincu que l'évaluation environnementale est un élément essentiel de la prévention. Elle nous permet en effet de prévoir les effets possibles et de les contrer avant même qu'ils ne se produisent. Nous insistons pour que l'évaluation environnementale porte sur le cycle de vie complet, de la conception au démantèlement, en passant par la construction et l'utilisation.
L'employé chargé du projet est responsable de l'évaluation environnementale. Il procède généralement d'abord à un examen préalable, que nous revoyons ensuite dans ma section. S'il est nécessaire de procéder à un examen préalable détaillé et à une évaluation environnementale, c'est mon équipe qui s'en charge, ou des consultants. Et c'est la personne responsable du projet qui doit veiller à ce que l'évaluation environnementale soit faite.
Pour assurer qu'elle est réalisée très tôt dans le processus de planification, nous avons lié l'évaluation environnementale au financement. Ainsi, nous sommes certains que les considérations environnementales seront pleinement intégrées au projet dès la conception.
Le dernier élément est celui de la vérification de la conformité aux règlements. Mon équipe et moi-même procédons régulièrement à ce type de vérification dans chacune des sections de la base. Les vérifications ont lieu dans un esprit de coopération et ont pour but de cerner et de résoudre les éventuels problèmes.
Dans nos vérifications, nous respectons les méthodes de l'ACNOR et d'Environnement Canada. Notre SGE fait l'objet d'une vérification annuelle par les membres de la direction générale de M. Downs, ainsi que par la section environnementale du quartier général de notre commandement aérien. Nous avons établi une procédure pour résoudre très rapidement les problèmes que ces vérifications pourraient révéler.
Permettez-moi de vous faire part d'un de nos grands succès, dans le secteur de l'efficacité énergétique. En tenant compte des suggestions que nous faisaient nos employés, et suite aux résultats des vérifications énergétiques, nous avons obtenu une forte réduction des émissions provenant de nos installations de chauffage et de nos groupes électrogènes. Cela nous a permis des économies d'environ 2 millions de dollars par an.
En résumé, j'estime que la prévention de la pollution est l'aspect le plus important de la gestion environnementale. Nos employés sont un chaînon essentiel du programme; s'ils sont formés et bien guidés, ils peuvent produire des résultats exceptionnels.
En conclusion, M. Downs et moi-même vous invitons à venir voir notre exposition dans la salle voisine, si vous avez un moment pendant la journée.
Merci, madame la présidente.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Je vous remercie.
Catherine Cobden, s'il vous plaît.
Mme Cobden: Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis très honorée de pouvoir vous faire part des progrès qu'a réalisés Avenor vers une technologie en circuit fermé.
Ce matin, j'aimerais d'abord vous expliquer en quelques mots pourquoi la technologie du circuit fermé est si importante, dans le contexte mondial, pour notre industrie.
Soit dit en passant, Avenor produit des pâtes et papiers. Nous avons six usines au Canada et une aux États-Unis, pour ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas.
J'aimerais commencer par expliquer un peu quels sont les principaux problèmes que l'industrie, ou Avenor, a cernés à l'échelle mondiale et que nous devons appréhender pour comprendre ce que nous devons faire afin de devenir des chefs de file dans la gestion environnementale. Nous avons rencontré un certain nombre d'experts dans ce domaine, d'experts venus du monde universitaire, des organismes environnementaux, de notre industrie et d'autres également. Nous avons voulu nous faire une très bonne idée de l'orientation qu'allait prendre le domaine environnemental.
Nous avons dressé une liste des questions les plus importantes. Elles ne vous étonneront pas tellement. L'explosion démographique est, d'après nous, le plus grand problème, pas seulement pour notre industrie, mais pour l'humanité tout entière. L'incidence sur notre industrie est cependant considérable. Nous utilisons en effet énormément d'eau douce, et sa disponibilité à long terme est un problème que nous devons résoudre. C'est de là qu'est parti notre engagement.
La qualité de l'air est également très importante, comme l'est aussi la question du transport. Je vais passer tout cela très rapidement, à titre d'introduction seulement. La pérennité des forêts, boréales et côtières, les forêts de plantation sont des questions importantes, au même titre que l'énergie, le cycle de vie des produits et, bien sûr, les accords internationaux sur le commerce et sur l'environnement.
La culture dans laquelle nous évoluons a énormément changé. Nos horizons ne sont plus nationaux, ou même nord-américains. Notre perspective est véritablement mondiale. C'est donc de ce point de vue que nous devons nous positionner, tant sur le plan de l'environnement que sur celui de la compétitivité.
Circuit fermé: c'est certainement une des pièces maîtresses de la prévention pour notre industrie. En 1994, PAPRICAN, le gouvernement fédéral et l'industrie ont signé un protocole d'entente pour le développement des technologies à circuit fermé. Essentiellement, il portait sur tous les types d'usines de pâtes et papiers à divers niveaux d'utilisation d'eau. Il a pour but d'accélérer la progression de notre industrie vers le circuit fermé. D'après nous, la fermeture du circuit réduira la pollution à la source et permettra de réutiliser l'eau, les fibres, les produits chimiques et l'énergie. C'est là vraiment la pièce maîtresse de la prévention.
Nous sommes également convaincus que la fermeture du circuit doit être globale. On ne peut pas se contenter de fermer le circuit de l'eau et ignorer la qualité de l'air ou les déchets solides. Il faut vraiment que le circuit soit totalement fermé.
Au Canada, l'application de la technologie en circuit fermé à l'industrie des pâtes et papiers telle qu'elle existe actuellement s'avère difficile. À quelques exceptions près, les usines de pâtes et papiers ont été construites au début du siècle, à une époque où l'on pensait que l'eau et les autres ressources étaient non seulement abondantes mais inépuisables. Nous avons donc beaucoup à faire pour convertir et adapter nos installations. C'est pourquoi le protocole d'entente entre notre organisme de recherche, le gouvernement et l'industrie est si important.
À son usine de Thunder Bay, Avenor a véritablement fait oeuvre de pionnier dans la fermeture des circuits. Ce matin, nous avons entendu Mme Flanagan nous dire combien la prise de conscience et la motivation des employés est importante. Je suis fière de pouvoir vous dire que le mouvement pour la prévention de la pollution que nous avons mis en marche à Thunder Bay est parti de l'initiative de nos employés. Il est né de notre volonté d'éliminer totalement les effluents.
Dans les années 70, Avenor avait essayé le premier procédé kraft en circuit fermé, le procédé Rapson-Reeve. Malheureusement, pour des raisons de qualité et de corrosion, la méthode n'a pu être retenue. Mais ça n'a pas été un échec total. Nous avons pu mettre en place un procédé qui utilisait beaucoup moins d'eau que l'usine type de la même époque. Et cela fait donc longtemps que nous nous intéressons au circuit fermé.
Nous nous efforçons actuellement de mettre en place un procédé révolutionnaire pour notre industrie dans notre usine de papier journal. Comme je l'ai dit, l'initiative est née en 1994 lorsque, après avoir installé les systèmes de traitement secondaire les plus perfectionnés qui soit, du côté du papier kraft, nos employés ont commencé à voir les résultats. Ils ont vu que les effluents étaient propres. Ils se sont demandés s'il n'y avait pas moyen de les réutiliser. Comment procéder? C'est donc d'eux qu'est venue l'initiative.
Voici ce qui s'est passé. Nous étions en train de construire un système de traitement secondaire à notre usine de papier journal. Nous avons alors décidé de l'intégrer à la conception du système. Je suis ravie de pouvoir vous dire que nous avons conçu un système en circuit totalement fermé. Les machines et la tuyauterie sont en place.
Nous en sommes maintenant à l'essai final qui doit nous permettre d'établir une base de données sur la qualité de l'eau. Le recyclage complet commencera progressivement à partir de juin 1996. Nous commencerons avec un taux de recyclage de 10 %, ce qui est très prudent. Nous augmenterons le taux de recyclage progressivement.
Si l'expérience réussit, nous espérons pouvoir transférer cette information technologique à toutes les usines de papier journal au Canada. Nous faisons donc vraiment oeuvre de pionniers.
Nous nous sommes fixés un certain nombre de principes, qui sont parfaitement conformes au développement durable. C'est qu'il faut assurer l'équilibre entre les aspects économiques, sociaux et environnementaux.
Sur le plan économique, nous ne pouvons pas permettre que le niveau de production diminue; il doit être maintenu. La qualité du produit ne peut pas être compromise, c'est entendu. Notre concurrence est mondiale, et ce qui nous sauve, c'est la qualité de nos produits. Nous devons maintenir cette compétitivité des coûts.
Or nous estimons que nous pourrons la maintenir grâce au recouvrement des produits chimiques, de la chaleur et de l'énergie, ainsi que des économies que nous réaliserons. Nous sommes donc très intéressés.
Nous procédons constamment à des recherches qui nous permettront de mieux comprendre les possibilités d'économies énergétiques, les incidences sur l'alimentation des chaudières, et de savoir si les produits chimiques s'accumulent, ce qui pourrait poser un problème dans la recirculation continue. Nous étudions donc toutes ces questions.
Nous nous penchons aussi, bien sûr, sur les questions de santé. Le recyclage de ces effluents pose-t-il un risque pour la santé? Nous examinons cette question-là. Bien entendu, il y a la question de la qualité du produit et de la mise en place des bons systèmes afin de comprendre ce qu'il faudra changer à mesure que nous augmentons la qualité.
L'avenir? La question de la fermeture du circuit et du recyclage des effluents de manière holistique est une priorité à long terme pour l'industrie des pâtes et papiers, et en tout cas pour Avenor. Nous sommes très heureux d'être en bonne voie.
PAPRICAN, par le protocole d'entente signé avec le gouvernement fédéral, a cerné les besoins de l'industrie pour différents types de processus de fabrication. Il en découlera des changements importants dans nos opérations. Une bonne partie des technologies nécessaires n'existent pas encore, surtout dans le domaine des pâtes kraft. Nous nous efforcerons de trouver des solutions.
Bien entendu, le défi pour nous tous, gouvernement fédéral et industrie, est d'accélérer le mouvement vers la fermeture du circuit afin qu'elle soit applicable à tous les types d'usines et à tous les niveaux d'utilisation d'eau.
Merci beaucoup.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Je vous remercie de cette explication très complète. J'ai eu l'occasion de visiter vos installations de Thunder Bay et j'en ai été très favorablement impressionnée.
Quand notre sous-comité s'est réuni pour la première fois, nous avons envoyé des questionnaires à divers députés pour voir ce qui les intéressait surtout dans le domaine du développement durable, et ce que nous pouvions faire de concret. J'ai constaté avec intérêt que les gens voulaient savoir surtout ce qu'ils pouvaient faire chez eux, dans leur propre maison. Bon nombre des députés qui ont rempli le questionnaire s'intéressaient à des questions comme l'entretien écologique du gazon.
Nous allons donc répondre à leurs questions, en quelque sorte, par l'entremise de John Edmonds, qui représente Edmonds Landscape and Construction Services d'Halifax, qui pratique l'entretien totalement organique des gazons. Soyez le bienvenu, monsieur Edmonds.
M. Edmonds: Je vous remercie de votre invitation. Vous devez vous douter que ceci est une sorte de consécration pour notre entreprise, mais ce colloque me paraît très important, et je tiens à remercier ceux à qui je dois ma présence ici.
J'ai entendu de nombreuses bonnes questions, et j'aimerais simplement... Il est dommage que le député du Québec soit absent, car il a posé une excellente question quand il a dit que recycler, c'est très bien, mais qui va acheter tous ces produits? Est-ce efficace? Qui va les consommer? On peut composter indéfiniment.
J'ai entendu M. Adams. J'étais présent hier après-midi.
Comment amener les gens à participer? J'ai noté cette frustration, ce malaise, car nous savons que le problème existe, mais que pouvons-nous y faire? J'ai vécu les mêmes interrogations en 1989.
Permettez-moi d'abord de vous situer mon entreprise. Nous faisons de l'aménagement paysager. Nous avons un chiffre d'affaires d'environ 5 millions de dollars, ce qui est assez important. Pour le Canada, c'est une petite entreprise, mais nous comptons parmi les plus grands dans notre secteur. En 1989-1990, 40 p. 100 du chiffre d'affaires provenait de la construction.
Nous avons fait le même cheminement. Nous sentions que quelque chose n'allait pas. Nous avions acheté pour des millions de dollars de pesticide afin de lutter contre les mauvaises herbes et les insectes, et nous utilisions des engrais de synthèse. Nos employés tombaient malades. Il nous fallait en acheter toujours plus.
Si je vous explique tout cela, c'est parce que je partage le point de vue du ministre de l'Environnement. Il a dit: maintenant que nous avons eu notre discussion philosophique, qu'allons-nous faire? Comment pouvons-nous donner forme à cette volonté? Je sens toutes ces questions en filigrane. C'était une bonne chose que d'avoir une discussion ouverte.
En 1989, nous avons décidé de changer de méthode. Nous n'avons pas fait de grands arguments philosophiques, mais nous avons changé notre méthode. Nous avions 150 employés et 80 véhicules. Ce n'est pas rien. Nous ne sommes pas Inco ou Noranda, mais ce n'était pas rien.
Alors comment s'y prendre? À mesure que je présente cette mosaïque, car vous avez mis la chose en place hier et ce matin, vous pourrez peut-être vous faire une idée de la solution que je propose au niveau global.
Tout d'abord, il y a un problème de compréhension. Nous avons dû apprendre. Et c'est ce que doivent faire les députés, non pas dans un colloque comme celui-ci, mais en s'informant. J'ai dû m'informer du problème et voir comment je pouvais changer mon entreprise, mais en ayant une bonne compréhension de la situation générale, c'est-à-dire de la gestion des déchets, entre autres.
C'est vrai que l'environnement commence dans notre cour. J'ai entendu quelqu'un hier dire que notre cour va jusqu'en Afrique. C'est vrai, mais si vous ne pouvez pas faire quelque chose dans votre cour, ou dans l'intimité...
Quelqu'un a demandé hier si dans nos moments les plus privés, nous pratiquons une forme de développement économique durable. Nous savons tous que nous ne le faisons pas vraiment, alors comment y parvenir?
On a parlé d'hygiène publique. C'est important, car il y a un lien. Nous tombons malades.
L'ennui en ce qui concerne l'utilisation des pesticides dans l'environnement, et surtout, dans mon secteur, des engrais de synthèse, c'est que leur effet est cumulatif et insidieux. Nous savons qu'ils sont carcinogènes, entre autres choses. Il y a des preuves scientifiques. Les engrais de synthèse et autres produits chimiques que nous déversons sur la terre finissent dans les cours d'eau et réapparaissent partout.
Notre entreprise est considérée comme une toute petite entreprise et elle n'est pas vraiment essentielle, mais le secteur de l'aménagement paysager, qui s'occupe de l'entretien des gazons pour les terrains de golf, les propriétés commerciales et institutionnelles, les lieux de loisirs et les parcs, représente un élément important. Le chiffre d'affaires annuel du secteur en Amérique du Nord atteint actuellement 4,5 milliards de dollars.
Moins de 5 p. 100 des produits que nous utilisons sont organiques, mais c'est là le secteur qui connaît la plus forte croissance. C'est parce que le public est de plus en plus inquiet des effets des produits chimiques, que leur utilisation est davantage réglementée, et ainsi de suite.
Il y a également des utilisations définies. C'est là qu'entre en jeu la question de la gestion des déchets. C'est la réponse à la question. L'autre député du Québec parlait du lisier de porc et de ce qu'on peut faire de tout ce lisier, puisqu'on va remplacer les engrais chimiques et de synthèse.
Il y aura des choix difficiles à faire. Les domaines se recoupent.
En ce qui concerne le député du Québec, il se demandait ce qu'il faudrait faire à propos des engrais de synthèse. Nous avons un problème avec les produits du flux des déchets organiques. Soixante pour cent de ces déchets finissent dans les décharges.
Pour ce qui est de la perte d'emploi dans la production des engrais de synthèse, là aussi les députés peuvent s'inspirer de ce que nous avons fait. Et il faut qu'ils s'impliquent au niveau de la collectivité, c'est-à-dire qu'au lieu de dire que 200 ou 300 emplois seront perdus, et de se demander ce qu'on va faire, il faut aider la collectivité à régler le problème.
Les gens ne sont pas stupides. Quand on leur parle d'engrais de synthèse, ils savent bien qu'ils proviennent de ressources non renouvelables: de l'industrie pétrochimique. M. Gallon ou quelqu'un d'autre nous a parlé de la nécessité de conserver l'énergie, car c'est un des éléments du développement économique durable.
Il faudra prendre des décisions difficiles. Si les députés et les décideurs vont dans les collectivités où des emplois pourraient être perdus... et il ne faut pas oublier les deux autres R: reconception et remplacement. Ça fait aussi partie du scénario.
Notre approche est expliquée dans le texte sur la gestion organique totale.
J'ai encore une ou deux choses à ajouter et j'aurai terminé. Je sais que je vais perdre quelques auditeurs là-dessus.
C'est une nouvelle technologie qui porte principalement sur l'environnement urbain et banlieusard. Elle nécessite des stratégies et des produits spécifiques afin de créer des environnements sains à un coût relativement faible.
Nous nous sommes penchés sur la question du coût. Après le tournant de 1989, nous nous portons bien. Nous nous sommes totalement convertis. Nous avons cri plus de 50 emplois dans le secteur de la technologie. Nous avons formé des gens au bas de l'échelle. Ils sont maintenant complètement engagés car je pense que la plupart des gens - nous en avons parlé à tous les intéressés: employés et consommateurs - comprennent quand vous êtes sincères.
Prenez les députés. Je ne veux pas être trop dur, mais comme l'a dit le ministre de l'Environnement, il faut jouer cartes sur table. Si les députés s'informent, se familiarisent avec la question et en parlent honnêtement avec la collectivité... C'est dans ce sens que vont la collectivité et la société: elles cherchent des solutions à ces problèmes. Si les députés apprennent comment traiter ces questions, il y aura des débouchés économiques et des emplois.
Les principaux produits que nous utilisons proviennent du flux des déchets des industries urbaines et rurales, ce qui contribue à créer des solutions économiquement viables aux problèmes de l'élimination des déchets et de trouver des remplacements aux importations. C'est une approche globale, qui nécessite beaucoup d'information et de nouvelles alliances entre différentes industries, entre l'industrie et les municipalités, les établissements d'enseignement et les institutions gouvernementales. En s'appuyant sur les initiatives déjà mises en place par les entreprises et les institutions dans la région, la mise au point de cette technologie offrira d'importants débouchés à l'exportation.
C'est une affaire de gros sous. Je ne veux pas critiquer les entreprises de produits chimiques, mais elles sont discrètes. Il y a un chiffre d'affaires de 25 milliards de dollars par an dans les engrais et les divers produits chimiques. Pourquoi faudrait-il les utiliser à des fins esthétiques? Pour l'agriculture, je peux comprendre, mais ce n'est pas nécessaire d'utiliser des pesticides et des engrais chimiques à des fins esthétiques. C'est dans le secteur résidentiel, qui n'est pas réglementé, qu'on utilise 67 p. 100 de ces produits.
Et c'est là que le bât blesse. Que peut-on faire? Comment remplacer ces pesticides et engrais de synthèse par des produits organiques?
Nous avons mis au point la science. Nous avons mis au point la technologie. Il faut répondre à ceux qui demandent: est-ce que ça marche? Quelle est l'efficacité des procédures et des produits? Il faut les essayer. Il faut les soumettre à un protocole.
C'est ce que nous avons fait. Nous avons converti toute notre entreprise. Ça représente l'engagement total de 150 personnes. Nous avons réduit de 80 p. 100 notre utilisation de produits chimiques. Il ne suffit pas de remplacer un produit par un autre; c'est toute une technique.
Vous avez les outils. Vous, ici, avez les outils. On a mentionné aujourd'hui les marchés verts, et le verdissement de la colline parlementaire. J'ai oublié son nom, mais c'était un programme intéressant. Cette dame a parlé du compost qu'on envoyait au MDN. Je ne sais pas ce qu'il en advenait une fois là-bas, mais...
Je suis heureux, monsieur, que vous soyez ici du MDN, car vous avez un excellent livre, que j'ai lu, et qui s'intitule Le guide du commandant sur la protection de l'environnement. C'est excellent. On y décrit les outils dont vous disposez, et qui valent pour tous les ministères.
À la page 32, sous le titre «La gestion des ressources naturelles» on présente le protocole et tout cela est très bien, et puis on dit, sous: «La gestion intégrée des insectes et animaux nuisibles», tout ce qu'il faut dire:
- Politique du Conseil du Trésor - Le Vérificateur général et tout ce qui a été mentionné exige
que tous les ministères aient un programme de gestion intégrée des insectes et des animaux
nuisibles (GIIAN).
- - réduire l'usage des pesticides...
- - remplacer les pesticides... et
- - repenser le système de gestion sous-jacent pour prévenir les problèmes causés par les
insectes et les animaux nuisibles et conserver les espèces bénéfiques.
- Ce sont là les trois R, dont le plus important est «repenser».
Dans votre propre publication Une stratégie pour l'industrie canadienne de l'environnement vous présentez toutes ces initiatives. C'est un excellent document. Vous parlez d'une collaboration entre les ministres provinciaux et le fédéral. Et sous Progrès et plans, vous dites:
- Compte tenu des nouvelles considérations financières et logistiques, il est peu probable qu'une
réunion ministérielle ait lieu dans un avenir prévisible.
Puis vous parlez de l'engagement du gouvernement fédéral, de l'initiative no 13 sur les achats verts. Tout y est. Nous avons maintenant l'éco-logo, qui est un label d'agrément, et on est donc allé au-delà des discours. Nous avons les procédures en place.
La question est de savoir ce que vous pouvez faire. Vous avez les outils. Vous devez vous informer. Vous devez utiliser les directives du Conseil du Trésor en ce qui concerne notre industrie, et comprendre les enjeux. Il y a d'immenses débouchés économiques et de nombreux emplois à créer, mais il faut bien saisir la situation. Il y a un lien avec la gestion des déchets.
Comme le disait monsieur, que faire de tout cela? Il y a toutes sortes de projets de gestion des déchets qui varient d'une région à l'autre. Il faut les mettre à l'épreuve. Nous l'avons fait sur le terrain. Nous avons fait des démonstrations. C'est possible.
En conclusion, vous avez les outils; il faut aller plus loin que les approvisionnements verts. Il faut creuser. Comme on le dit dans l'un des chapitres de ce livre, il faut pousser le Ministère. Nous avions de bons rapports avec le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Industrie, l'APECA, mais les décideurs portent la responsabilité ultime. C'est aux parlementaires d'agir.
Je sais que vous êtes habitués à réagir. Une chose en remplace une autre et vous oubliez. Prenez l'initiative. Vous avez les outils. Ça ne vous coûtera rien d'aller vous renseigner. Nous avons démontré que l'aménagement paysager sans produit chimique est moins coûteux.
Je conclus là-dessus.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup. Comme on nous le répète au cours de ces deux journées, les dimensions du problème sont locales et nationales et planétaires, et il est planétaire et local.
Je vous signale que de nouveaux membres du comité se sont joints à nous. Je donne la parole à la sénatrice Spivak.
La sénatrice Spivak (Manitoba): Tout d'abord, permettez-moi de vous féliciter, Karen, d'avoir organisé ce colloque et tous les conférenciers. J'étais présente hier et j'ai suivi une partie de la discussion. J'ai entendu le reste sur la CPAC.
Comme l'ont dit le ministre et d'autres également, il est absolument crucial de faire comprendre, ici sur la colline parlementaire, l'urgence des problèmes environnementaux. Je suis membre du Comité sénatorial de l'Énergie et des Ressources naturelles. Nous avons récemment adopté une loi sur les carburants de remplacement, que la Chambre des communes a approuvée. Nous avons tenu des audiences depuis - tout dernièrement, d'ailleurs - pour voir ce qui s'était passé depuis. Bien entendu, il y a un calendrier prévu et des objectifs fixés aux ministères.
Voici ce que nous avons constaté: les fournisseurs de carburant ont tout en place. Ils sont prêts. Les fabricants automobiles ont tout mis en place. Il n'y a pas de problèmes du côté des fournisseurs, de l'infrastructure ou des fabricants d'automobiles. Où est l'obstacle? Ici, sur la colline. Il y a bien des échéances, mais comme elles sont fixées à 1997, il n'y a pas urgence.
Vous avez parfaitement raison, monsieur Edmonds, de dire que la responsabilité nous revient. Le gouvernement fédéral peut avoir une énorme influence, même si tout le monde dit que ce n'est pas le rôle du gouvernement, mais de la collectivité. Il reste qu'il a une énorme influence, surtout par son exemple et son leadership.
Je vous félicite, et je vous remercie de me permettre de participer à ce colloque. J'entendrai avec plaisir le reste de la discussion.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci. Je n'ai pas fait tout cela seule. Le sous-comité a travaillé très fort, ainsi que George et tous les attachés de recherche. Ce genre de chose demande beaucoup d'organisation. J'apprécie votre participation.
J'ai sur ma liste M. Finlay, puis M. Ianno. Veuillez vous présenter et nous dire d'où vous venez.
M. Finlay (Oxford): Je suis le député d'Oxford.
M. Ianno (Trinity - Spadina): Je vous remercie. Comme la sénatrice Spivak, je vous félicite d'avoir organisé ce colloque. Comme nous le savons, l'environnement est une affaire quotidienne.
Je représente la circonscription de Trinity - Spadina, à Toronto.
J'ai été frappé lorsque vous avez dit tout à l'heure que 67 p. 100 des engrais sont utilisés dans les régions urbaines. Il est important que nous fassions connaître cette information dans nos circonscriptions et que nous essayions d'encourager nos électeurs à utiliser les méthodes disponibles pour que nous puissions tous contribuer à une meilleure qualité de vie.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Michel Arès, vous représentez Ressources Kitaskino. J'ai appris l'existence de votre organisme tout récemment. Si les membres de la table ronde le permettent, j'aimerais que vous nous expliquiez en quelques mots ce que vous faites, Michel. Puis nous passerons à la discussion. C'est un projet très particulier, et je pense qu'il mérite d'être expliqué.
[Français]
M. Arès: Merci, madame la présidente.
J'aimerais, pour les besoins de la commission, distribuer un ou deux documents si vous n'y voyez pas d'objections.
Je vous remercie de nous avoir invités à participer au comité.
Je parle au nom de la compagnie Kitaskino XXI, mais également au nom des Atikamekw membres de l'Association Mamo Atoskewin Atikamekw principal actionnaire de notre compagnie.
Nous avons deux niches technologiques spécifiques que nous avons développées au cours des cinq dernières années. Dans les deux cas, on utilise énormément de technologies environnementales. Je pourrai y revenir, si vous le désirez.
La première niche technologique concerne le développement de bases de données sur la connaissance traditionnelle autochtone. Notre maison-mère a développé une bande de données en collaboration avec la direction Recherche et Encadrement d'Hydro-Québec, dans le cadre d'un projet de recherche qui s'est déroulé sur le territoire de 1990 à 1993. Ces travaux nous ont permis de recueillir de l'information provenant des trappeurs, des aînés, des membres des trois communautés atikamekw de Weymontachie, Obedjiwan et Manawan.
Cette connaissance traditionnelle reflète la pratique des activités traditionnelles sur le territoire. Elle reflète leur profonde connaissance de leur environnement et la protection qui a permis de maintenir cet environnement.
J'ai été nommé chargé de projet pour ce dossier et j'ai eu l'occasion de parcourir le territoire ancestral atikamekw sous le vocable Nitaskinan.
Au cours de nos travaux, nous avons pu recueillir de l'information plus précise sur des sites culturels, dont des sites de campement, des parcours de canotage, des portages, des sites historiques et des sépultures. On a également recueilli de l'information sur des aires d'activités de subsistance, telles des aires de chasse, des aires de pêche, des aires de piégeage et également des aires de cueillette.
Nous avons réalisé ces travaux en deux étapes. Une première étape nous a permis de développer un canevas pour recueillir l'information et également de développer des méthodologies pour intégrer la connaissance scientifique à la connaissance traditionnelle autochtone. Nous avons donc été en mesure d'élaborer des documents de référence pour valider l'information concernant les aires d'activité et, dans un deuxième temps, de justifier les éléments de milieux de vie répertoriés dans les informations fournies par les Atikamekw.
Cette banque de données est maintenant complète. Elle a été complétée lors de la deuxième phase et on couvre maintenant une superficie de 25 000 kilomètres carrés. C'est la plus importante banque de données géographiques de l'est du Canada. Nous avons plus de 3 000 habitats fauniques répertoriés dans notre banque de données et plus de 700 sites culturels.
La technologie environnementale qui a été utilisée a nécessairement recours à la géomatique, ou système informatisé de coordonnées géographiques, pour recueillir et accumuler l'information qui servira à des analyses. Cette banque de données et l'exercice que nous avons réalisé nous ont fourni beaucoup de renseignements. Nous avons d'ailleurs produit des rapports qui sont disponibles à Hydro-Québec et qui expliquent l'ampleur des travaux réalisés.
Il est important de retenir que, grâce à cette banque de données, nous pouvons maintenant utiliser l'information à des fins d'aménagement, de planification de territoire, d'évaluation d'impact et d'évaluation des mesures de mitigation. On peut également se servir de cette banque de données à des fins culturelles et éducatives.
On peut également faire le suivi des habitats fauniques. En ce qui concerne la protection des habitats fauniques, vous pouvez voir sur notre pochette une aire d'hivernement ou un ravage d'orignal, qui est un habitat très sensible. Nous avons pu localiser cet habitat grâce à la connaissance et à la pratique des activités traditionnelles des Atikamekw.
Nous sommes heureux de présenter notre dossier à la commission et de lui faire savoir que de nombreuses communautés forestières autochtones, au Canada, disposent de telles informations. Je voudrais dire aussi que ces informations sont intrinsèques à la protection de l'environnement, mais également à la création d'emplois dans la mesure où la protection de ces habitats nécessite le développement de travaux sylvicoles de type soft silviculture works.
Naturellement, cela développe le travail manuel, mais également la pérennité des activités traditionnelles qui sont intrinsèques à ces communautés et qui constituent une économie de base. C'est une économie traditionnelle. Les activités de subsistance, dans les communautés autochtones, sont importantes et sont une source d'emplois et d'activités liée aux valeurs culturelles.
Je voudrais soulever rapidement les différents points que ce projet nous a permis de développer: le respect des valeurs d'usage qui sont la base même du développement durable, la maintenance, la protection de l'économie traditionnelle liée aux valeurs culturelles et au mode de vie, le développement de technologies douces pour l'aménagement forestier, et également la création de ponts entre les connaissances scientifiques et la connaissance traditionnelle.
Je voudrais terminer en mentionnant que notre autre niche technologique concerne le domaine de la télédétection pour laquelle nous avons développé une expertise au cours des dernières années, ce qui nous permet d'avoir un état de l'évolution de la situation au niveau du territoire basé sur la connaissance traditionnelle répertoriée dans la banque de données.
Nous sommes en mesure, par la télédétection, de confronter, de vérifier et d'évaluer la déplétion ou l'augmentation du potentiel faunique et des habitats fauniques. Tout en tenant compte des points principaux soulevés par Mme Cobden, nous soulevons la question de la forêt durable qui est, pour nous, une question primordiale à laquelle on doit répondre en tenant compte des valeurs d'usage des différents utilisateurs du territoire et principalement celles des communautés autochtones. Je vous remercie.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Je vous remercie. Ces sentiments ont très bien été exprimés hier et je vous sais gré de votre intervention.
Nous passons maintenant à notre table ronde. Je vous prierais d'être assez brefs. Monique, vous avez la parole.
[Français]
Mme Guay: J'ai trouvé ce discours très intéressant. En effet, si on pouvait faire des efforts pour utiliser des technologies naturelles, on sauverait notre planète. Mais ce n'est pas si facile à mettre en oeuvre.
Le grand problème - je parle sur le plan politique - est que l'utilisation des pesticides est légiférée par le fédéral et administrée par les municipalités. Dans ma circonscription, où il y a de beaux golfs et des paysages extraordinaires, il y a un règlement qui dit que l'on doit utiliser tel pesticide, alors que dans la municipalité voisine, le règlement permet l'utilisation d'un autre pesticide. Il n'y a pas d'équilibre.
Dans ma région, de plus en plus de paysagistes utilisent des produits non toxiques, des produits «verts» qui sont bons pour la nature. J'aimerais voir progresser cette pratique, mais cela a un coût, et ce n'est pas tout le monde qui est prêt à payer plus cher pour l'environnement. Nous allons certainement vivre cette situation pendant encore des années.
Pour ce qui est du ministère, il y a de gros efforts à faire si on veut donner l'exemple. On entend régulièrement parler des efforts à faire, mais on ne sait pas ce qui sera fait.
Personnellement, je trouve que nous avons beaucoup à apprendre des autochtones. Ce sont des gens qui ont cultivé leur environnement de façon différente. Le fait de relier les informations scientifiques aux activités traditionnelles peut être très utile et sûrement moins coûteux que la technologie utilisée à travers le pays.
Ce sont mes commentaires et j'aimerais qu'on me réponde.
[Traduction]
M. Edmonds: En ce qui concerne le coût, c'est une illusion. Nous aurions fermé, mais depuis 1990, nous nous sommes convertis. C'est compliqué. Il ne suffit pas de changer de produits. Il faut appliquer une nouvelle technique. Nous avons fait la conversion. De fait, nous avons cri 50 à 60 emplois. Cela a permis d'absorber le ralentissement dans le secteur de la construction, car en 1991, tout s'est effondré, et il n'y a plus de travail de construction. Nous avons pu préserver et créer des emplois, mais ce qu'il faut surtout souligner, c'est que c'est moins cher. C'est moins cher.
Mon comptable, David Morse, dit ceci:
- Je peux vous dire que notre transition vers un système organique a été positive. Nous avons
adopté cette méthode il y a quatre ans, et nous sommes encore en affaires aujourd'hui, malgré la
morosité économique. Au début, j'ai vu la chose avec l'oeil du comptable, et j'avais du mal à
croire que l'entreprise puisse mieux se porter si elle dépensait davantage d'argent pour servir le
client.
Ce que je voulais dire à propos des approvisionnements, c'est que je continue à recevoir du MDN les mêmes spécifications. Elles ont 15 ans. On a produit un bon livre, mais tous les ministères - l'an dernier j'ai rencontré les représentants de Travaux publics et Services gouvernementaux, et d'autres - utilisent les mêmes spécifications, qui ont 15 ans: engrais fortement azotés, pesticides, etc.
Il faut que les élus poussent les ministères. Je n'entends pas jeter le blâme sur les fonctionnaires. Je leur ai parlé, à Halifax; ils attendent tout simplement les ordres d'Ottawa.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Heureusement, il y aura bientôt au bureau du Vérificateur général un nouveau commissaire à l'environnement et au développement durable, et tous les ministères devront obligatoirement présenter des stratégies de développement durable. J'espère que ça sera utile.
Nous allons maintenant entendre Robert Gale, John Finlay et le professeur Guy de Bailleul.
M. Gale: C'est un grand plaisir que de participer à un colloque où sont présentés tant de projets intéressants. J'aimerais vous parler d'un projet auquel j'ai participé, et qui porte sur la publication d'informations qui pourrait aider les parlementaires à élaborer une politique économique environnementale.
En ma qualité de directeur-rédacteur en chef, j'ai le plaisir de vous annoncer aujourd'hui la parution d'une nouvelle revue intitulée Environmental Taxation and Accounting. J'ai ici des copies de l'annonce que le greffier pourrait peut-être distribuer pendant mon intervention.
Cette revue est internationale. Elle est publiée au Royaume-Uni.
Je tiens à souligner qu'il n'y est pas seulement question d'augmenter des impôts, sujet qui a suscité des inquiétudes dans les sessions d'hier et d'aujourd'hui. Il s'agit plutôt de transférer le fardeau fiscal, d'alléger le fardeau imposé aux particuliers, aux travailleurs, aux bénéfices, pour le transférer sur les activités qui polluent et épuisent nos ressources et qui sont généralement reconnues comme étant nocives pour l'environnement, l'économie et le développement durable.
À propos de commentaires que j'ai entendus, je tiens à dire que nous pouvons obtenir une modification des comportements en imposant les comportements polluants. Il faut imposer les activités qui polluent et qui épuisent les ressources si nous voulons modifier les comportements, si nous voulons décourager ces activités, et inciter les gens à changer, que ce soit au niveau de l'entreprise ou au niveau individuel.
Nous devons nous concentrer sur le terme «repenser», par exemple. Nous devons repenser le régime fiscal. Et c'est là, je crois que les parlementaires ont un rôle important à jouer. On peut, par exemple, imposer une taxe sur les engrais. On peut imposer une taxe sur les pesticides, pour aider M. Edmonds à encourager l'utilisation de produits organiques et contribuer à réduire les coûts des soins de santé. Les parlementaires ont donc un immense rôle à jouer du point de vue du régime fiscal.
Voilà, cela constitue plus ou moins ma déclaration quant au projet auquel j'ai participé. J'aimerais encore contribuer aux délibérations pour le reste de la journée en lançant aux parlementaires un défi: j'aimerais les inviter à s'interroger de manière un peu plus critique sur les raisons qu'on leur donne dans les débats pour ne pas prendre de mesures environnementales, pour expliquer pourquoi on n'en a pas prises, et pourquoi on traîne les pieds, on tarde à atteindre les nouveaux objectifs, à mettre au point de nouveaux plans d'action, et ainsi de suite.
Tout cela provient du fait que nous avons en général du mal à débattre des vrais problèmes, peut-être parce qu'il nous est plus facile d'adopter la perspective qui nous est familière de l'analyse industrielle du fonctionnement économique.
J'ai toute une liste d'affirmations que j'utilise pour mieux comprendre ce que les gens disent à propos de l'environnement quand ils essaient de se trouver une excuse pour ne rien faire. Je ne vais pas vous donner toute la liste maintenant, mais il y a un certain nombre d'arguments qui rendent difficiles tout progrès dans la durabilité de l'environnement.
L'une de ces affirmations voudrait que la protection de l'environnement fasse disparaître des emplois. Ça peut être difficile de répondre à ce genre d'affirmation, surtout pour un député qui a des problèmes d'emploi au niveau local. Mais il nous faut pourtant présenter fermement nos arguments.
J'essaie de faire le lien ici avec le thème général du colloque.
Le fait est que la suppression d'emplois est un aspect incontournable du capitalisme. Il y en a tout le temps. Les emplois sont cris ou éliminés suite aux nouvelles technologies ou à l'évolution de la demande. À vrai dire, cela ne nous préoccupe pas excessivement.
Il en va de même des mesures d'efficience environnementale. Certaines créeront des emplois, d'autres en élimineront. Mais nous ne devons pas y renoncer pour autant. Nous devons accepter cette conséquence. Les emplois seront perdus surtout dans les secteurs où les coûts écologiques sont les plus élevés. Ces pertes d'emplois doivent alors nous paraître légitimes.
Dans l'ensemble, si nous accordons à l'environnement l'importance qu'il mérite, nous finirons par créer davantage d'emplois à mesure que l'économie s'oriente vers une plus grande efficience. Bien entendu, il faudra peut-être prévoir dans l'intervalle des plans de transition, des façons de minimiser les coûts sociaux et communautaires. Mais j'insiste cependant sur le fait que les pertes d'emplois associées à l'environnement sont vraiment minimes, par rapport à d'autres secteurs - par exemple, celles dues au libre-échange, à la déréglementation, aux faillites, à l'effondrement du marché immobilier, etc. Il ne faut pas y voir un problème grave, à mon avis. Voilà donc une affirmation que nous devrions contester avec beaucoup plus de vigueur.
L'autre affirmation à laquelle nous devrions nous attaquer avec plus de vigueur concerne les normes écologiques, à savoir que le fait d'avoir des normes écologiques plus élevées que nos concurrents va nuire à notre compétitivité. À mon avis, cette question doit être approfondie. Nous pouvons aussi examiner l'hypothèse de Porter, hypothèse qui étaye nos arguments en nous fournissant un supplément d'information.
J'encouragerais donc les parlementaires à examiner les affirmations de ceux qui résistent à toute mesure proposée, d'essayer de les amener à comprendre leurs affirmations, et ensuite les débattre.
Je vous remercie.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, monsieur Gale. Je vous souhaite bonne chance pour le lancement de votre nouvelle revue.
M. Gale: Merci.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Monsieur Finlay.
M. Finlay: Mes excuses aux deux premiers intervenants, mais je voudrais faire une petite publicité pour l'exposition qui se trouve en face dans l'autre salle.
J'ai eu le plaisir l'été dernier de parler à John Lammey de Goose Bay. Comme vous le savez, en tant que membre du sous-comité - et je suppose que c'est pour cela qu'il est là - je pense qu'il serait bon qu'on sache comment les militaires réglaient le problème de la contamination en recyclant les déchets, même si cela se passe à 90 pieds sous terre.
C'était une expérience très intéressante l'été dernier, et je suis donc très content, John, que vous soyez là.
Mais je vous conseille tous d'aller voir l'exposition et de parler aux gens qui sont là. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je suis arrivé un peu en retard.
Je voudrais remercier M. Gale pour sa revue. Les membres et ex-membres du Comité de l'environnement - pour le moment, je ne suis qu'un membre associé - s'efforcent toujours de faire ce que vous proposez - c'est-à-dire de se demander si c'est vraiment durable en fin de compte, et s'il s'agit vraiment d'un atout du point de vue financier et du contrat social.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci.
Professeur de Bailleul.
[Français]
M. de Bailleul: On pourrait être tenté de se poser la question de savoir si on peut extrapoler les observations et les conclusions que faisait M. Edmonds à propos de la gestion des paysages à l'agriculture, en se demandant, puisque c'est à l'ordre du jour, si l'agriculture biologique est une technologie qui a des impacts beaucoup moins graves sur l'environnement que l'agriculture conventionnelle, tout en coûtant moins cher.
Mais, auparavant, si vous me le permettez, madame la présidente, je voudrais revenir sur ce qui avait été dit hier et qui est en toile de fond de nos discussions d'aujourd'hui, notamment le concept de développement durable.
J'ai l'habitude de dire que c'est probablement un des concepts qui ont eu le plus de succès depuis un certain nombre d'années. Une grande partie du succès de ce concept tient au fait qu'il est flou; c'est-à-dire que tout le monde est d'accord. C'est un concept qui implique des objectifs économiques, des objectifs sociaux, des objectifs environnementaux, et chacun peut se permettre de faire le dosage qui lui convient.
Chacun souscrit à l'objectif du développement durable et chacun parle du développement durable, mais personne ne s'entend parce qu'on sait probablement qu'il y a des changements inéluctables et des transformations de la société qui sont beaucoup plus grands et beaucoup plus graves que ceux dont on parle habituellement, comme ceux avec lesquels on est régulièrement aux prises quand on a une récession économique, un ralentissement, etc.
On est tenté de trouver des solutions magiques. Parmi ces solutions magiques, il y a les technologies environnementales. Je m'explique. Je ne dis pas qu'il n'y a pas un effort majeur à faire pour essayer d'obtenir des technologies de production qui aient des impacts réduits sur l'environnement. Au cours de cette séance, nous avons eu un certain nombre d'exemples qu'il faut essayer d'encourager et de diffuser.
Mais peut-être faudrait-il se garder de considérer que toute technologie environnementale contribue au développement durable. Effectivement, toute technologie environnementale a pour effet de proposer un mode de production ou un mode de traitement d'une pollution qui sera bénéfique.
Mais il est possible que certaines technologies environnementales cherchent à traiter des problèmes qui ne seraient pas appelés à se développer dans une stratégie de développement durable. Peut-être que certaines technologies environnementales ont pour effet de traiter des pollutions liées à des activités qu'il faudrait envisager d'abandonner.
Je vais prendre l'exemple de l'agriculture. On parle de l'agriculture biologique comme de l'une des technologies qu'il faudrait diffuser dans le secteur de la production agricole pour réduire les impacts environnementaux. On sait aujourd'hui que le secteur agricole est l'un des principaux contributeurs à certaines formes de pollution, notamment à celle des sols et de l'eau.
Il y a plusieurs décennies déjà, des agriculteurs se sont lancés dans un mode de production complètement différent, qu'on appelle ici l'agriculture biologique et qui semble avoir des impacts environnementaux beaucoup moins graves. Si vous demandiez à des agriculteurs qui se consacrent à l'agriculture biologique s'il s'agit d'une technologie environnementale, la plupart d'entre eux s'insurgeraient contre cette vision. Ils vous diraient que l'agriculture biologique est un mode de vie, une philosophie, une autre façon de penser la production et de voir la vie.
Est-ce qu'on peut envisager de convertir l'ensemble des agriculteurs à cette vision? Je ne pense pas que ce soit envisageable. Je ne pense même pas que ce soit souhaitable.
Essayons de la traiter comme une technologie. Actuellement, au Québec, on estime à 500 ou 600 le nombre de producteurs qu'on appelle certifiés. Il y en a 2 000 qui sont certifiables, c'est-à-dire qui présentent des critères correspondant aux exigences d'une agriculture biologique reconnue. Vous savez, et le Globe and Mail en faisait état ce matin, qu'il y a actuellement des discussions en vue d'accepter des normes à l'échelle environnementale au niveau du codex alimentarius de la FAO pour qu'il y ait des normes mondiales de certification des produits biologiques.
Grosso modo, de 7 à 8 p. 100 des agriculteurs du Québec s'adonnent plus ou moins à cette activité. Leur part de production est beaucoup plus faible. On peut penser que les mêmes chiffres seraient valables au Canada et aux États-Unis.
Paradoxalement, c'est une activité qui ne s'est pas développée afin de réduire les impacts sur l'environnement. C'était plutôt une conséquence. C'est une activité qui s'est développée pour fournir à des consommateurs des produits dits naturels, des produits dans lesquels les consommateurs étaient assurés de ne pas trouver trace de résidu de pesticide quelconque.
On peut dire d'ailleurs que l'essentiel de l'agriculture conventionnelle répond aux mêmes exigences. Il y a très peu de traces de résidus dans n'importe quel produit agricole au Canada. Malgré tout, grâce à ces exigences, on a réduit les impacts environnementaux. On peut donc dire que c'est une technologie environnementale, puisqu'elle présente une certaine efficacité sur le plan environnemental.
Est-elle efficace sur le plan économique? Un certain nombre d'études provisoires semblent laisser entendre qu'on observe des résultats économiques comparables chez les agriculteurs écologiques et les agriculteurs conventionnels. Selon moi, il est beaucoup trop tôt pour en tirer des conséquences, sinon, on serait, en tant qu'économistes, un peu pris à notre propre piège. J'ai souvent l'occasion, à titre d'économiste, de critiquer les économistes, mais ils arrivent à sortir de temps en temps des choses qui ont du bon sens du genre there's no free lunch.
Si on abandonne l'utilisation de certains facteurs de production, il faut les remplacer par autre chose et le coût pourrait être plus élevé. Donc, sur le plan économique, on peut avoir des résultats comparables, mais à long terme, il faut s'attendre à ce que cette technologie comporte des coûts plus élevés.
Finalement, s'agit-il d'une technologie qui contribue au développement durable?
Considérez le boeuf biologique, un boeuf qui serait nourri avec des aliments qui seraient eux-mêmes produits de façon biologique.
Actuellement, une bonne partie de l'alimentation d'un boeuf est constituée de maïs. Or, du point de vue du développement durable, c'est-à-dire en prenant en compte les équilibres, non seulement à l'échelle d'un pays ou d'un continent, mais à l'échelle de la planète, on peut considérer que, du point de vue du développement durable, c'est une aberration que de continuer de nourrir des bovins avec du maïs.
[Traduction]
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup. Je crois que vous venez de soulever une question qui est pour nous tout à fait fondamentale: qu'est-ce que la technologie et quel est le rôle de la technologie?
Monsieur Adams.
M. Adams: Au risque de faire croire aux gens qu'il y a un problème d'écho dans la salle, lors de forums précédents, j'ai essayé d'insister sur le fait que la technologie et les procédés scientifiques existent déjà, mais qu'il y a un manque de volonté au niveau individuel. Je pense que cette tribune et tous les travaux que vous avez entrepris visent en partie à modifier notre comportement individuel à nous tous.
Pour vous donner une idée de ce que cela représente, on nous a dit en comité il y a quelque temps que chacun d'entre nous, autour de cette table, représente, en tant que consommateur et donc producteur de déchets, 60 citoyens de la République populaire de Chine. La République populaire de Chine n'est pas un pays en développement particulièrement pauvre. C'est un pays où les gens vivent assez bien. Disons qu'on y retrouve beaucoup de gens instruits, etc. Donc chacun d'entre nous en représente 60.
On devrait peut-être se dire que si nous réussissons à réduire de moitié notre production de déchets, nous allons tout de même, chacun d'entre nous, représenter 30 Chinois. Je pense que ce serait une bonne façon de voir les choses. On pourrait aussi se demander ce qui va arriver lorsque les Chinois, sans qu'il y ait d'accroissement démographique, vont atteindre notre niveau de consommation. S'ils se mettent à consommer et à produire des déchets comme nous, ils vont représenter à ce moment-là 60 ou 70 milliards de personnes. Déjà nous nous inquiétons du fait que la population mondiale, qui est de l'ordre de cinq milliards à l'heure actuelle, doublera dans quelques années, pour atteindre 10 milliards. Il s'agit donc d'une préoccupation.
À propos, sans être pessimiste, je pense que nous faisons face à un problème de taille. Nous devons tous faire quelque chose, et nous avons déjà commencé dans différents secteurs, dans nos jardins et nos parcs, dans le domaine agricole, et dans les zones d'exploitation forestière.
Ma question s'adresse à Mme Cobden, car à mon avis, l'industrie des pâtes et papiers a fait d'énormes progrès technologiques. C'est du moins ce que je constate. Des changements tout à fait remarquables se sont opérés au cours des 20 dernières années. Mais en ce qui concerne l'exploitation en circuit fermé, c'est-à-dire sans rejet d'effluents - on part du principe qu'il ne s'agit pas de déchets, et qu'il faut donc les ramener et les réutiliser, car en réalité, les déchets sont des résidus utiles mais qu'on choisit de ne pas utiliser - pensez-vous que nous pouvons vraiment continuer à consommer du papier sans production aucune d'effluents? Autrement dit, pensez-vous qu'il sera possible de continuer d'utiliser du papier - je vous signale que j'achète vos produits - grâce à des méthodes d'exploitation qui ne produisent aucun déchet et qui n'ont donc aucune incidence négative sur l'environnement?
Mme Cobden: Nous n'en sommes pas encore là, mais j'espère que mon exposé de ce matin vous aura aidé à comprendre qu'en ce qui concerne, il s'agit là d'une question urgente à laquelle nous consacrons un maximum d'effort, justement pour faire comprendre à vous, les consommateurs, que les impacts sont déjà en voie d'atténuation. Il est vrai que nous avons réalisé des progrès substantiels sur ce plan-là, mais quant à la possibilité que les usines puissent être exploitées à 100 p. 100 en circuit fermé pour éviter le rejet d'effluents...
M. Adams: Je sais que vous avez fait des progrès. J'en suis tout à fait conscient.
Mme Cobden: Bon. Nous sommes assez encouragés par les premiers résultats de nos efforts pour mettre au point un système d'exploitation 100 p. 100 en circuit fermé. Il faudrait une boule de cristal pour pouvoir vous affirmer si nous allons ou non atteindre notre objectif, mais nous sommes très encouragés par ce projet et par les premiers résultats que nous avons obtenus. Dans cinq ans peut-être, nous serons plus à même d'envisager de l'appliquer à tous les procédés de production. Aujourd'hui, je voulais parler surtout de la fabrication de papier journal, qui est axée sur des procédés qui sont fort différents de ceux qu'on utilise pour la fabrication du papier kraft, c'est-à-dire un système à base de produits chimiques.
Nous avons donc beaucoup de chemin à faire encore, mais il ne faut pas être pessimiste, et je suis d'ailleurs contente de savoir que vous êtes optimiste. Nous, aussi, nous sommes très optimistes. Une partie de cet optimisme se reflète dans les efforts que nous consacrons à ce projet.
Mais vous avez tout à fait raison - nous lançons toutes sortes d'initiatives pour sensibiliser les consommateurs à l'incidence des usines et des pratiques d'exploitation forestière, et pour opérer ainsi des changements grâce à la discussion et à de plus amples renseignements concernant l'affectation traditionnelle des sols, etc. Donc, tout cela constitue un pas dans la bonne voie; nous y arriverons peut-être un jour.
M. Adams: Merci, madame la présidente.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Les trois prochains intervenants seront Jim Elsworth, Jean Payne et John de Gonzague.
M. Elsworth: Madame la présidente, je suis très encouragé par les exposés et les observations des participants. Je dirais que les personnes qui ont fait les trois premiers exposés sont vraiment des pionniers. Comme tous les autres novateurs qui cherchent à maintenir leurs efforts, ils veulent savoir où se trouvent leurs partisans.
De même, le fil conducteur de tous ces exposés était la notion de la perspective holistique, dans le sens d'une boucle bouclée et d'une participation locale, nationale et mondiale où chacun serait bien renseigné et aurait la responsabilité de prendre des décisions et d'y donner suite. Il ne s'agit donc pas d'un processus linéaire. Nous possédons tous les connaissances voulues, que nous soyons scientifiques, agriculteurs, travailleurs d'usine ou autre chose. Il nous faut donc incorporer dans le processus décisionnel toutes ces différentes formes de connaissances, qu'elles soient socio-économiques, écologiques, traditionnelles, empiriques, purement scientifiques, etc.
Je voudrais en revenir aux pionniers et à la position de leurs partisans, et parler de ce que nous pouvons faire pour nous encourager et pour encourager d'autres personnes à donner suite à ces grandes initiatives et à les aider à les réaliser plus rapidement. Après les pionniers, il y a les novateurs, les adaptateurs précoces et les adaptateurs tardifs. Enfin nous avons les convertis de la dernière heure, c'est-à-dire ceux qui attendent d'être dépassés par les événements pour embarquer, ce qui semble être le cas le plus souvent.
Je pense que c'est là qu'intervient peut-être le marketing social. Je pense qu'on a fait de grands progrès dans le domaine du marketing social, et qu'il conviendrait peut-être de l'appliquer à certaines des techniques que nous employons actuellement. Nous constatons souvent que le problème ne se résume pas à un manque d'argent ni à un manque de technologie appropriée, mais plutôt à faire prendre conscience aux intéressés de l'avantage qu'ils auraient à adopter de nouvelles méthodes, à changer leur comportement, etc.
On nous a parlé de quelques méthodes, c'est-à-dire d'instruments économiques, d'impôts et de nouvelles technologies. Pour moi, ce sont des outils importants, voire même essentiel qui peuvent nous amener jusqu'à un certain point, mais pas au-delà. Mais là se trouve la véritable courbe d'apprentissage - et il s'agit là d'une des questions les plus critiques - c'est-à-dire ce que nous devons faire, individuellement et collectivement, comme on le disait tout à l'heure, pour nous assurer de prendre les bonnes décisions, les décisions les plus mûrement réfléchies. Je pense que c'est là que nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour ce qui est de convaincre les gens de changer leurs habitudes.
Quelqu'un a lancé un défi tout à l'heure qu'il serait important de relever. C'est ainsi que je l'interprète. Il est vrai que la Chambre des communes a fait un excellent travail à l'interne pour ce qui est de gérer les déchets, de faire des vérifications et d'encourager la conservation, mais M. Edmonds semble vous mettre au défi d'ouvrir les portes et de voir ce qui se passe sur vos terrains - c'est-à-dire la consommation énergétique, l'utilisation de produits chimiques, d'engrais, etc., et de voir l'ensemble de la situation, de façon à savoir ce qui se passe dans votre environnement global, c'est-à-dire y compris à l'extérieur de vos édifices.
Peut-être que la Commission de la capitale nationale, dans ce cas-ci... C'est formidable de voir que ce que M. Edmonds qualifie de «petite industrie» relève aussi énergiquement le défi et trouve une approche novatrice, mais où sont les grands champions de cette cause? Où en est la vielle école de pensée? Et où sont les dirigeants? En ce qui concerne la Commission de la capitale nationale, je pense que si Roméo LeBlanc disait demain matin qu'à partir d'aujourd'hui, plus aucun produit chimique ou engrais synthétique ne serait utilisé sur les terrains de Rideau Hall, la Commission de la capitale nationale trouverait aussitôt de nouvelles pratiques et de nouvelles approches.
Encore une fois, cela se résume, je suppose, à une question de marketing social, c'est-à-dire que lorsque nos clients, les gens pour qui nous travaillons, exigent que nous utilisions de meilleures pratiques, nous nous adaptons rapidement. En fin de compte, il s'agit de nous assurer d'avoir des moyens de subsistance durables - par exemple, si nous parlons des gens qui travaillent dans le secteur des gazons, il faut savoir ce que représente la durabilité pour eux et pour leur avenir et l'adaptation qu'elle implique pour changer et adopter des pratiques plus écologiques. Nous nous adaptons très rapidement.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Monsieur Elsworth, vous travaillez actuellement pour le Programme d'action des zones côtières de l'Atlantique en Nouvelle-Écosse.
M. Elsworth: Dans la région de l'Atlantique.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Pourriez-vous nous parler un peu du programme? Quand j'étais à Saint John, j'ai eu l'occasion de participer à une séance d'information organisée par le groupe. C'était très impressionnant. Il s'agit là à mon avis d'un excellent exemple d'intervention communautaire positive à laquelle a participé le gouvernement fédéral. Peut-être pourriez-vous prendre quelques minute pour expliquer votre programme aux participants.
M. Elsworth: Merci beaucoup. Je vais essayer d'être bref.
En fait, au Canada atlantique, 13 initiatives du PAZCA sont actuellement en cours. Au Programme d'action des zones côtières de l'Atlantique - il s'agit de véritables tables rondes - les défenseurs d'intérêts socio-économiques et écologiques se regroupent pour intégrer leurs aspirations respectives et définir dans le détail l'environnement où ils voudraient vivre - par exemple, la qualité de l'eau, la qualité de l'air, les moyens de subsistance durables, les usages bénéfiques, la qualité de la vie, etc. À partir de là, ils conjuguent leurs efforts pour identifier les problèmes et les moyens d'action qui vont leur permettre de donner suite à cette vision de durabilité.
Tous les participants représentent une vaste gamme d'intérêts. J'ai parlé des intérêts socio-économiques. Il y a, par exemple, les universités, les Premières nations, les gens qui représentent des sources d'influence non traditionnelles, si vous voulez, et qui se concertent en vue de lancer telles et telles initiatives.
Je voudrais vous parler d'un élément que je trouve particulièrement intéressant. En assurant l'intégration de toutes ces aspirations différentes au Canada atlantique, où la situation économique est précaire - c'est bien le moins qu'on puisse dire - on constate - et ce n'est pas surprenant - que la première étape consiste souvent à prendre des mesures pour assurer la durabilité des métiers traditionnels - par exemple, la relance de la pêche des coquillages - qui a été fermée pour des raisons de pollution - soit une industrie qui génère des revenus de plusieurs millions de dollars; à étudier les moyens qui permettront de rendre durables les industries déjà implantées, c'est-à-dire les mesures de prévention de la pollution qui devront être prises pour maintenir la durabilité de l'industrie, non seulement pour économiser de l'argent mais pour s'assurer que les ressources qu'elle utilise continuent d'exister et que les clients de cette industrie les entretiennent; et enfin, à étudier différents moyens d'implanter de nouveaux métiers durables pour diversifier l'activité économique dans ces différentes collectivités, c'est-à-dire par l'intégration de l'écotourisme, d'industries géomatiques, etc.
Mais dans tout ce processus, ils pratiquent ce que j'appelle le «jiu-jitsu écologique», c'est-à-dire que, quelle que soit l'aspiration, qu'elle soit socio-économique ou écologique... et même si vous êtes un capitaliste invétéré, on essaie de canaliser vos intentions et vos énergies vers quelque chose de positif et de bénéfique pour l'environnement. C'est cette capacité-là qui est en pleine expansion, à mon avis.
Je vais m'en tenir là, mais je répète que le problème se résume à ce que quelqu'un disait tout à l'heure, à savoir que les gens doivent pouvoir répondre eux-mêmes à la question que voici: quels en sont les avantages, pour moi personnellement. Une fois qu'ils ont trouvé la réponse à cette question, ils seront avec vous.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Elsworth.
Jean Payne, vous avez la parole.
Mme Payne: Merci, madame la présidente.
Je voudrais dire tout d'abord que j'ai trouvé les propos de tous les intervenants très intéressants ce matin. Je m'intéresse tout particulièrement aux propositions de John Edmonds, et notamment à son projet de gestion totalement organique - nous l'espérons. De même, les observations de Michel Arès concernant la protection traditionnelle et l'utilisation de l'environnement m'ont semblé très intéressantes. Étant originaire de la région de Terre-Neuve - Labrador, je peux vous assurer que pour nous, ce n'est pas nouveau.
Jim, j'espère que le PAZCA parviendra à convaincre la ville de Saint John de prendre des mesures pour dépolluer l'environnement là-bas. Comme vous et vos collègues devez le savoir, la situation dans ce coin est vraiment atroce; si je ne m'abuse, sa seule concurrente sur ce plan-là serait Halifax.
Merci beaucoup, madame la présidente.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci, madame Payne.
John de Gonzague.
M. de Gonzague: Merci, madame la présidente. Avant de commencer, je tiens à dire à quel point j'ai apprécié les exposés ce matin. J'ai remarqué d'ailleurs que dans chaque petit discours ou exposé, on a fait état de la nécessité d'améliorer l'efficacité de nos activités. Pour moi, c'est la clé même de la prévention de la pollution.
Je travaille au ministère de l'Environnement depuis 25 ans. J'ai commencé lors de sa création. Si je regarde en arrière, je constate que le discours ou l'approche qu'on utilisait à l'époque tournait surtout autour des mesures à prendre pour gérer ou contrôler les déchets produits. Vu sous cet angle-là, cela revient à faire payer par l'industrie des sommes faramineuses pour contrôler ou gérer les déchets.
Au fil des ans, nous avons repensé cette approche, et nous avons conclu qu'il existe effectivement une meilleure solution. Telle a été la constatation d'un document de principe publié par le Gouvernement du Canada au sujet de la prévention de la pollution. Nous nous efforçons maintenant d'internaliser les coûts et les possibilités que représente la prévention de la pollution pour l'entreprise canadienne. Voilà l'essence du développement durable - l'intégration de l'environnement et de l'économie.
Pour que ce soit bien clair, je voudrais faire l'observation que voici: pour tout homme d'affaires qui mène une activité quelconque, il y a essentiellement deux flux: le flux des produits et le flux des déchets. Quand on voit la chose dans cette optique, il est clair qu'il y en a un qui du sens pour l'homme d'affaires, et un autre qui n'a pas de sens. L'homme d'affaires achète des matériaux, de l'équipement et engage des employés, et dans le cas de l'activité qui a du sens, il fabrique un produit et fait des bénéfices. Mais si l'on analyse la situation par rapport à l'autre flux, l'homme d'affaires achète des matériaux, de l'équipement et engage des employés, et crée des déchets. Et non seulement il crée des déchets, mais il doit les éliminer - par conséquent, il paie d'autres personnes qui les éliminent pour lui. L'un dans l'autre, c'est un flux qui n'entraîne que des coûts.
Quand on parle de prévention de la pollution, cependant, on parle de mesures visant à réduire ou à faire disparaître ce flux de déchets afin qu'on ne soit plus obligé de les éliminer. Si vous regardez les produits que vous achetez, vos matériaux et vos matières premières, et si vous analysez tout ce que vous devez faire pour assurer une production propre, vous aurez un courant axé principalement sur les produits. Cela a beaucoup plus de sens pour les entreprises, parce que c'est beaucoup plus efficace, et cela rehausse la compétitivité des entreprises canadiennes. Voilà le message que nous essayons de communiquer au public dans notre publication La prévention de la pollution: vers une stratégie fédérale de mise en oeuvre.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup.
M. Finlay nous a raconté ce que fait M. Lammey à Goose Bay. Il me semble qu'il nous disait que vous achetiez vos matériaux chez Canadian Tire, n'est-ce pas?
M. Lammey: Oui.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Peut-être pourriez-vous nous parler de votre approche non technologique à la dépollution.
M. Lammey: L'autre élément important de notre programme de prévention de la pollution et de notre stratégie globale de gestion de la pollution est notre programme d'enquête et d'action correctrice. Au début des années 1960, il y a eu déversement de carburant, et lorsque le MDN a pris en charge cette installation en 1989, nous avons fait enquête et commencé à récupérer ce carburant. Nous avons constaté que les solutions faisant appel à une technique pointue ne donnaient pas vraiment de bons résultats, et nous avons donc opté pour une technologie fort simple - essentiellement celle de la chaîne Canadian Tire - pour récupérer ce combustible.
Jusqu'à présent, nous avons récupéré plus de 910 000 litres de carburant, et nous en récupérons en moyenne 2 000 litres par jour dans cette zone. Nous menons actuellement une étude en collaboration avec Ressources naturelles Canada pour réutiliser ce carburant dans leurs chaudières d'été. Donc, nous transformons quelque chose qui représentait au départ un produit, et ensuite une matière polluante, en produit une fois de plus, et nous essayons de mettre en place un circuit fermé pour réduire la quantité de déchets qui quittent la base.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Et quelles étaient les composantes de cette étonnante nouvelle machine?
M. Lammey: En fait, il s'agissait d'articles très simples qu'on retrouve dans le commerce: un poste de pompage, un système de pompage total, c'est-à-dire un piston qui pousse tout le carburant et toute l'eau à la surface; et un séparateur huile-eau qui, sous l'action de la pesanteur, sépare le carburant de l'eau, qui est réinjectée dans le sol.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Et qui s'est chargé de mettre au point ce système?
M. Lammey: Ce système a été conçu à l'interne par le MDN et les employés du ministère.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Eh bien, c'est excellent. Merci beaucoup.
J'ai maintenant le nom de Anthony Downs et de Paul Forseth sur ma liste. Monsieur Downs, vous avez la parole.
M. Downs: Je voulais simplement élargir un peu l'optique présentée par M. Lammey. Tout ce qu'il vous a décrit en parlant de la BFC Goose Bay se produit également dans les Forces canadiennes en général, et je pensais que cela vous intéresserait peut-être de connaître nos programmes nationaux.
C'est toujours intéressant d'assister à ce genre de forum, parce que vous mettez sur pied un programme, vous vous dites que les choses vont bien et ensuite, vous arrivez ici et vous entendez parler d'autres initiatives. C'est là qu'on se rend compte que l'amélioration est toujours possible. J'accepte aussi l'argument de M. Edmonds et le défi qu'il nous lance, c'est-à-dire de ne pas nous contenter de parler de pesticides et d'engrais organiques, mais aussi de passer aux actes en présentant un véritable cahier des charges - je vous assure que nous allons le faire.
Bien sûr, un ministère axial comme la Défense nationale fonctionne de la même façon qu'une grande industrie, et par conséquent, nous suivons en permanence l'évolution des règlements et des politiques. Le développement durable, en plus d'incorporer les objectifs globaux du gouvernement, signifie pour nous que nous devons réduire au minimum les effets défavorables de nos activités sur l'environnement et, dans la mesure du possible, nous assurer qu'elles sont bénéfiques pour l'environnement, tout en maintenant notre capacité de former notre personnel et d'organiser notre travail de façon à jouer le rôle que le gouvernement canadien a assigné aux Forces canadiennes. Ce n'est pas une tâche facile, mais je pense que nous commençons à atteindre les objectifs du programme.
Quelqu'un a dit que la sensibilisation est un facteur clé. En effet, la sensibilisation est la clé de voûte de notre programme de prévention de la pollution, car il s'agit de faire comprendre aux gens l'incidence de leurs activités pour qu'ils puissent prendre les mesures qui s'imposent pour éviter de créer des effets défavorables.
En ce qui concerne l'évaluation écologique, comme le disait John, c'est un aspect clé et même la première étape de toute stratégie de prévention de la pollution. Vous analysez l'incidence de vos activités et prenez des mesures pour atténuer ou éliminer d'avance tout éventuel effet nocif, de façon à prévenir toute possibilité de pollution. À mon avis, c'est le deuxième aspect clé de notre programme de prévention de la pollution.
Nous avons toute une série d'initiatives, que je ne vais pas décrire en détail maintenant, qui vont du recyclage des déchets et de la réutilisation des matières dangereuses à l'amélioration du matériel militaire, le tout pour minimiser les effets nocifs sur l'environnement. Nous avons aussi un projet consistant à écologiser les bases. Dans quatre bases différentes, nous nous efforçons de maximiser l'effort de prévention de la pollution, et nous investissons dans ces bases pour voir exactement ce qui est possible.
Un autre élément clé de notre programme de prévention de la pollution concerne l'utilisation des sols. Là nous nous servons d'outils comme les SIG pour faire l'inventaire de la flore et de la faune, pour ensuite examiner les activités militaires que nous menons dans ces zones d'instruction, en vue de mettre au point un système de gestion intégrée des zones d'instruction qui va nous permettre de continuer de dispenser cette formation tout en vivant en harmonie avec l'environnement. Voilà donc une de nos activités clés.
Et là-dessus, madame la présidente, je vais vous remercier.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci infiniment, monsieur Downs. Je cède maintenant la parole à M. Forseth.
M. Forseth: Merci beaucoup.
Nous avons abordé en termes généraux cet après-midi le thème de la prévention de la pollution. Nous voulons être à même de faire des choix judicieux et de prévenir les catastrophes, au lieu d'avoir à prendre des mesures correctrices par la suite. Je songeais surtout aux efforts déployés pour internaliser tous les coûts de sorte que quand vous achetez quelque chose ou quand vous prenez une décision économique, le prix représente la charge globale ou le coût écologique que devront supporter les générations futures. Tous les principes, politiques et conséquences devraient être englobés dans ce prix, ce qui devrait vraiment nous aider, même sur le plan individuel.
Vous savez sans doute que bon nombre de personnes, et notamment les électeurs, estiment que l'industrie et les gros pollueurs n'ont pas de conscience environnementale. Par conséquent, ils demandent aux élus... Ils m'appellent et ils m'envoient des lettres. En général, ils semblent dire qu'il faut adopter des règlements pour interdire certaines activités et cibler les grands coupables - surtout s'il s'agit de quelqu'un d'autre dont les activités ne me touchent pas personnellement chez moi ou n'influent pas sur mes choix individuels. J'en reviens toujours au marché car je suis convaincu que les forces du marché, si elles sont bien utilisées, comparativement aux lois, règlements, etc., constituent un outil beaucoup plus puissant pour ce qui est d'influencer le comportement futur.
Donc, nous devons vivre ensemble, mieux vivre et chercher à prévenir plutôt qu'à corriger après coup. Bien que nous ayons encore beaucoup à faire pour assainir l'environnement, je pense que nous devrons à l'avenir vivre davantage en harmonie, plutôt qu'en conflit, avec notre système de survie, c'est-à-dire notre planète. Il s'agit de se dire: est-ce qu'un archéologue qui analyserait notre mode de vie dans les années 1990 dirait que nous étions une société gaspilleuse et pollueuse? Le Canadien moyen aurait produit environ une tonne de déchets chaque année dans les années 1990. Songez aux tubes vides de pâte dentifrice, aux boîtes de céréale, aux canettes comme celles qui se trouvent sur cette table, à la nourriture qui reste dans les assiettes. Des ressources naturelles, comme l'eau, le bois et les combustibles fossiles, sont nécessaires pour fabriquer et transporter tous ces produits - et ensuite, nous nous contentons de les jeter. Selon son optique, c'est comme si l'on jetait nos précieuses ressources. Il ne serait donc guère étonnant qu'un archéologue futur, qui remonte en arrière pour examiner notre passé, arrive à la conclusion que nous étions une société gaspilleuse et pollueuse.
Il nous faut donc changer toutes ces choses-là, c'est-à-dire non pas changer quelqu'un d'autre, mais changer notre comportement individuel. Il faut éviter d'acheter de la nourriture sous forme de rations individuelles, ou acheter en vrac quand c'est possible. Ça permet d'économiser de l'argent et de protéger en même temps l'environnement. Dans la mesure du possible, il faut acheter, non pas des articles jetables, mais des articles qui peuvent être utilisés à plusieurs reprises. Il faut prendre son propre sac en tissu pour faire ses commissions. Il faut donner ses vêtements d'occasion aux oeuvres de bienfaisance et recourir à l'Armée du salut. Il faut acheter ses boissons dans des bouteilles consignées, plutôt que dans une canette comme celle-ci. Et enfin, il faut utiliser des piles rechargeables et partager ses journaux et magazines avec ses amis.
Je me suis bien amusé l'autre jour en achetant des livres d'occasion, et en plus, je les ai eus à un très bon prix. Je trouve ça formidable que les livres et d'autres matériaux puissent continuer d'être recyclés. Nous devrions même emballer nos cadeaux dans des sacs en tissu réutilisables. J'ai d'ailleurs une voisine qui a lancé sa propre entreprise à domicile. Son entreprise s'appelle «Rewraps». Elle utilise de très beaux tissus qu'elle prépare pour qu'ils puissent être vendus pour emballer et réemballer les cadeaux de Noël chaque année, avec une nouvelle étiquette. Elle fait tout cela à l'aide d'une machine à coudre qui se trouve dans sa chambre.
Je suppose que nous pourrions aussi louer certains articles, au lieu de les acheter, et préparer notre sac-repas en utilisant des contenants réutilisables. C'est ce que nous ont dit des écoliers qui participaient à un concours, et qui voulaient tous montrer qu'ils étaient plus écosensibles que l'autre, même en classe. Nous pouvons aussi soutenir nos programmes de recyclage communautaires et acheter des produits qui contiennent des matériaux recyclés. Enfin, nous pouvons utiliser notre papier des deux côtés et boire dans une vraie tasse, plutôt que dans un contenant jetable.
Je suppose qu'il y a mille et une façons d'être créatifs et d'encourager nos amis et nos voisins à en faire autant, afin que cela devienne un véritable style de vie, et même une mode. Quand quelque chose est ` la mode», c'est étonnant, mais nous trouvons toujours le moyen de copier le comportement en question.
Voilà donc ce que nous pouvons tous faire, chez nous, à titre personnel, et à notre façon, pour prévenir la pollution.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Forseth. Finalement, si l'on ne pollue pas, il n'y aura pas besoin de dépolluer, n'est-ce pas?
Y a-t-il d'autres brefs commentaires de la part des autres participants? Monsieur Edmonds.
M. Edmonds: Quelques très brèves remarques. Ce sont d'excellentes suggestions, mais il nous faut à mon avis une masse critique. Nous devons nous concentrer sur quelques éléments clés. Pour moi, la question de la gestion des terres et des eaux est très importante.
Monsieur Gale, vous avez parlé d'un système de financement par l'usager pour l'utilisation des pesticides ou des produits synthétiques... et je pense qu'il faut justement adopter un tel système. Cela ne devrait pas poser trop de problèmes au Québec, parce qu'ils ont engagé des sommes faramineuses pour encourager la fabrication d'engrais organique, ils devraient justement offrir des incitations en ce sens.
Un autre commentaire concernant le rapport entre tout cela et la... Voilà un rapport sur le retour à la nature. On dit dans cette publication: «Bouger, c'est dans ma nature! est une initiative conjointe de la Direction de la condition physique, de Santé Canada et de Vie Active Canada...» Dans le résumé du rapport, on dit ceci: «Il n'y a guère d'indications d'intervention de la part du gouvernement fédéral dans les secteurs examinés...»
Donc, du côté positif, vous disposiez des outils nécessaires pour aborder le problème, entre autres le vérificateur général. Comme vous l'avez dit vous-même hier, le gouvernement peut jouer le rôle de catalyseur.
La coprésidente (Mme Kraft Sloan): Merci. Voilà qui résume bien notre discussion.
Encore une fois, je voudrais vous remercier tous d'avoir participé à cette séance. Je vous invite également, si vous ne l'avez pas encore fait, à aller voir les kiosques d'information et les différentes expositions qui se trouvent de l'autre côté du corridor. L'Association canadienne des industries de l'environnement sera l'hôte d'une réception qui se tiendra après notre dernière table ronde aujourd'hui, et vous êtes tous invités à y assister.
La séance est levée.