[Enregistrement électronique]
Le mercredi 29 mai 1996
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): À l'ordre, s'il vous plaît.
Bonjour, tout le monde.
Aujourd'hui, trois groupes différents viennent nous rencontrer pour parler de la biotechnologie. Ce sont, de la Fédération canadienne de l'agriculture, M. Jack Wilkinson, président; du Comité national sur l'environnement agricole, M. Jeff Wilson, membre du conseil et vice-président; et de Ag-West Biotech Inc., M. Ron Kehring, gérant intérimaire, etM. Lorne Babiuk, directeur de l'Organisation vétérinaire des maladies infectieuses.
Je demanderais aux témoins de nous faire un court énoncé de dix minutes, un groupe à la fois, et on pourra par la suite poser des questions.
On va commencer par la Fédération canadienne de l'agriculture, représentée parM. Jack Wilkinson. Monsieur Wilkinson, vous avez dix minutes.
[Traduction]
M. Jack Wilkinson (président, Fédération canadienne de l'agriculture): J'aimerais que Jeff Wilson, du Comité national de l'environnement agricole, commence pour nous, s'il vous plaît.
M. Jeff Wilson (membre du conseil et vice-président, Comité national de l'environnement agricole): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis un producteur de fruits et légumes de l'Ontario ainsi que vice-président du Comité national de l'environnement agricole.
Le Comité national de l'environnement agricole sert de tribune aux dirigeants agricoles de plus de 20 organismes axés sur les questions environnementales en agriculture. C'est donc dans ce cadre que nous nous sommes penchés sur l'examen de la LCPE et sur la biotechnologie également, deux questions qui intéressent directement notre comité.
Depuis le tout début, les producteurs agricoles canadiens ont relevé les défis de l'environnement qui entourent leurs exploitations agricoles tout en répondant à la demande des consommateurs en ce qui a trait à la qualité, aux types de produits, etc. Les agriculteurs et les chercheurs qui appuient la communauté agricole continuent de travailler pour relever ces défis et répondre à ces exigences. Au fil des ans, de nouvelles innovations ont aidé les agriculteurs à relever de tels défis.
Les producteurs agricoles ont pour objectif de protéger la santé humaine et l'environnement et de se doter des outils appropriés pour assurer un approvisionnement alimentaire sûr et abondant pour les Canadiens et le monde. Nous considérons que la biotechnologie est un outil qui permet de faire face aux pressions auxquelles les agriculteurs sont confrontés: le climat, les ravageurs, et la nécessité de nourrir la population, qui est en pleine croissance sur notre planète.
De quel genre de cadre de réglementation la communauté agricole a-t-elle besoin? La première question est celle de la prévisibilité. Les agriculteurs, comme la plupart des secteurs, veulent de la certitude en ce qui a trait aux approvisionnements dont ils ont besoin pour produire les aliments et demandent par conséquent un climat de réglementation sûr et prévisible pour eux-mêmes et pour les industries qui leur fournissent les intrants. Un climat de réglementation stable nous permet d'être concurrentiels sur le marché mondial.
En ce qui a trait à l'utilisation des produits biotechnologiques par les producteurs agricoles, les agriculteurs utilisent différentes méthodes de production, selon le secteur et leurs préférences personnelles. En ce moment, les membres de notre comité considèrent que les produits issus de la biotechnologie sont une façon de nourrir le monde et d'autres qui choisiront les produits issus de la biotechnologie qu'ils utiliseront.
Les agriculteurs choisissent de cultiver ou non des plantes qui tolèrent les herbicides, d'utiliser la STB, si elle est approuvée au Canada, et le type de contrôle biologique à utiliser pour les ravageurs. Ils doivent examiner l'information qui existe sur les semences et sur les autres intrants, et prendre des décisions sur les produits qu'ils vont cultiver et ceux qu'ils utiliseront selon ce qui convient à leurs méthodes de production particulières ou ce qui correspond à leur philosophie personnelle.
Avant de décider s'ils vont utiliser les produits issus de la biotechnologie sur leur ferme, les agriculteurs veulent qu'il soit bien clair que ces produits ont été bien examinés et qu'ils sont bien réglementés dans un cadre de réglementation efficace et efficient afin d'assurer la sécurité des travailleurs et des produits qu'ils vendent sur le marché canadien et sur le marché mondial.
Nous voulons un système qui tienne compte des approches globales, un système qui soit efficace, rentable, ouvert et transparent et dans lequel nous pouvons avoir notre mot à dire quant aux exigences des approches réglementaires.
En ce qui a trait à la responsabilité réglementaire, dans la plupart des cas des lois spécifiques aux produits ont été élaborées au fil des ans pour préciser de quelle façon les produits devraient être réglementés. Le cadre de réglementation établi en vertu de ces lois protège la santé et l'environnement des Canadiens depuis des décennies.
Nous croyons que les produits de la biotechnologie sont tout simplement des produits comme les autres, mais qu'ils ont été mis au point grâce à un nouvel outil. Par conséquent, les produits obtenus à partir de l'outil de la biotechnologie sont considérés tout simplement comme une nouvelle génération de ces types de produits et sont donc visés par la loi sur l'agriculture et d'autres lois.
Nous estimons que nous avons tous été bien servis par les divers ministères hiérarchiques qui réglementent ces produits en vertu des lois spécifiques aux produits. Ceux qui nous fournissent nos intrants connaissent bien le fonctionnement de ces lois et les services qu'elles fournissent. Nous croyons que ceux qui comprennent leurs produits et l'agriculture doivent continuer à fournir et à utiliser des produits issus de la biotechnologie.
Nous savons que votre comité permanent voudrait connaître notre point de vue concernant certains aspects juridiques, c'est-à-dire si les lois peuvent réglementer la biotechnologie ainsi que les questions de santé et de sécurité. De toute évidence, nous ne sommes pas des experts juridiques, mais nous savons que les experts en réglementation d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et de Santé Canada réglementent efficacement la sécurité et l'efficacité des produits, et nous ne voyons pas pourquoi ce service devrait être différent en ce qui concerne les produits de la biotechnologie.
En 1993, le gouvernement a publié un cadre fondé sur ce concept, et nous l'appuyons. Nous croyons comprendre que les experts en réglementation d'Agriculture Canada et de Santé Canada essaient de répondre aux besoins et aux exigences d'exemption aux termes de la LCPE en matière de préavis et d'évaluation. Nous appuyons leurs efforts et nous les encourageons vivement à aller de l'avant et à mettre en place un cadre de réglementation ferme, coordonné et efficace. Nous croyons également comprendre que tous les experts en réglementation du gouvernement se rencontrent régulièrement pour coordonner et standardiser leurs approches, et ils devraient continuer de le faire.
Nous voulons des produits sûrs. Nous savons que les régulateurs visent les mêmes objectifs que nous. À l'échelle internationale, l'OCDE coordonne le travail que nous faisons ici au pays avec ce qui se fait sur la scène internationale.
Lignes directrices: si nous avons bien compris, encore une fois les groupes internationaux comme l'OCDE recommandent d'avoir des lignes directrices pour permettre la diffusion continue de nouveaux renseignements et de nouvelles données. Nous appuyons la déclaration que l'Institut canadien pour la protection des cultures a faite devant votre comité, c'est-à-dire que les lignes directrices sont la façon la plus efficace d'administrer les exigences en matière de réglementation des produits biotechnologiques et que c'est cette formule qui offre la meilleure souplesse pour répondre aux besoins futurs en matière de préavis et d'évaluation.
Bon nombre de pratiques agricoles sont effectivement réglementées par des lignes directrices. Les lignes directrices fonctionnent, elles sont plus faciles à lire et plus accessibles que les règlements pour ceux qui en ont besoin.
En ce qui concerne les produits et les procédés, notre interprétation est la suivante: si on utilise l'exemple d'une semence qui fait partie d'une évaluation, les organismes chargés de la réglementation tiennent compte de la façon dont la semence a été développée. Toutes ces questions et d'autres sont proposées par Agriculture et Agroalimentaire Canada dans les lignes directrices concernant les plantes ayant des caractéristiques nouvelles. C'est ainsi que nous voyons le produit par rapport au procédé. Par conséquent, nous voulons que le produit, la semence, soit réglementé, mais au cours de l'examen le procédé devrait être pris en compte ainsi que d'autres aspects, comme la pratique continue de comparer et d'évaluer les qualités agronomiques.
Possibilités de recherche: nous sommes d'avis que, grâce au financement ciblé pour la recherche en biotechnologie au cours des dix dernières années, il y a des possibilités incroyables pour l'avenir. En outre, on comprend fondamentalement comment la biologie des organismes et des systèmes biologiques a été améliorée. Cela a permis de recueillir des données d'une valeur inestimable et de nouvelles idées utiles qui découlent d'une meilleure compréhension du rapport des organismes entre eux et avec leur environnement. En outre, la biotechnologie et la biodiversité ont fait ressortir l'importance de la question des banques de semences ou des collections de cultures.
En ce qui a trait à l'étiquetage, par le passé on étiquetait les aliments pour donner leur contenu nutritif, les ingrédients et pour faire des mises en garde dans les cas où il pouvait y avoir des réactions allergiques. Nous croyons que les produits qui pourraient avoir des conséquences pour la santé ou la sécurité devraient être étiquetés. Cela comprend la possibilité de causer des allergies ou des problèmes médicaux, par exemple des allergies aux arachides ou aux fèves de soya. Lorsqu'on a déterminé qu'un produit est sûr et qu'il a été approuvé sur le plan scientifique, il n'est pas nécessaire à notre avis de l'étiqueter. L'étiquetage volontaire est une option. Si nous croyons que cela pourrait créer un créneau sur le marché, il vaut peut-être la peine de commercialiser un produit en disant qu'il s'agit d'un produit issu de la biotechnologie lorsqu'il existe un créneau sur le marché pour ce genre de produits, notamment dans le cas des produits de cultures biologiques et d'autres pratiques, pour signaler au consommateur qu'il s'agit d'un produit différent. L'étiquetage des produits issus de la biotechnologie pourrait être une chose très positive.
À notre avis, le Canada devrait participer activement aux discussions internationales concernant l'étiquetage, par exemple par l'entremise du comité de l'étiquetage des denrées alimentaires à la Commission du Codex Alimentarius; en outre, nous devrions adopter une position cohérente quant aux décisions relatives à l'harmonisation des exigences en matière d'étiquetage, devant cette tribune.
En résumé, nous appuyons le maintien et l'élaboration permanente du cadre de réglementation visant les produits agricoles et découlant de la législation sur l'agriculture. Ces lois sont appliquées depuis des années pour évaluer la salubrité et la sécurité des produits. Cela englobe les produits de la biotechnologie.
Nous appuyons le principe de la réglementation du produit, mais en tenant compte également des procédés, comme cela s'est toujours fait. Nous appuyons le principe de l'étiquetage des denrées alimentaires lorsque la santé et la sécurité sont en cause, par exemple lorsqu'il y a des allergies ou d'autres problèmes médicaux, ou encore des motifs religieux. Lorsqu'un produit a été déclaré sans danger pour la consommation, il devrait être inutile d'apposer une étiquette.
Pour les produits sans manipulation génétique, ou les produits positifs créés grâce à la biotechnologie, l'étiquetage facultatif devrait être normalisé et ne devrait pas être trompeur. Les étiquettes ne doivent pas énoncer de contre-vérités ni donner de fausses impressions.
Nous reconnaissons le droit à l'information dans les cas où c'est possible. Dans un monde idéal, nous serions tous informés de tous les produits et pourrions prendre des décisions totalement éclairées avant de consommer quoi que ce soit. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle pour bon nombre de produits que nous consommons et utilisons dans la vie courante.
Nous appuyons l'idée que les exigences visant les produits de la biotechnologie soient énoncées en détail dans les lignes directrices, la plupart du temps, de façon à permettre le développement d'une banque de données.
Merci de nous avoir invités à comparaître devant le comité.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Merci, monsieur Wilson. Monsieur Wilkinson, avez-vous quelque chose à ajouter?
[Traduction]
M. Wilkinson: J'aimerais ajouter une ou deux choses. Premièrement, nous sommes membres du Comité national de l'environnement agricole et nous appuyons le mémoire qui vous a été présenté aujourd'hui ainsi que les observations de Jeff. Nous nous occupons de façon intensive des dossiers relatifs au commerce, et surtout à l'étiquetage écologique et à certaines questions en matière d'étiquetage concernant les échanges entre notre pays et nos partenaires commerciaux. Jeff en a parlé. J'aimerais approfondir un peu cette question.
Ce qui nous préoccupe notamment, c'est l'existence d'un système harmonisé d'étiquetage au niveau international, pour que les exigences ne débouchent pas sur des obstacles au commerce. Il y a du nouveau, en Europe et aux États-Unis, dans les discussions portant sur l'étiquetage et l'éco-étiquetage, où on propose un certain nombre de solutions qui feraient partie intégrante d'un système facultatif d'étiquetage, mais avec certaines incitations de la part du gouvernement. Cela risque de dresser des barrières commerciales en raison du système non transparent qui a vu le jour dans certains pays. Cette question nous préoccupe vivement relativement à l'étiquetage général et à la biotechnologie dans d'autres secteurs plus précisément.
À notre avis, le Canada doit faire de gros efforts pour élaborer des normes internationales, pour que nos étiquettes s'y conforment et pour insister en fait pour que les autres pays répondent aux plaintes concernant les étiquettes en se fondant sur des données scientifiques, pour qu'il y ait une certaine transparence, de façon à ce que tous les pays, premièrement, puissent savoir quel système national d'étiquetage est en place et, deuxièmement, puissent s'y conformer de façon à éviter que cela ne débouche sur de nouveaux obstacles au commerce dans l'avenir.
J'ai une dernière remarque à faire, après quoi nous répondrons volontiers à toutes vos questions. À notre avis, l'agriculture et l'industrie agroalimentaire offrent d'énormes possibilités dans notre pays du point de vue de la création d'emplois et de la balance commerciale. Elles constituent un élément essentiel de notre économie.
Nous sommes bien placés dans tout le domaine de la recherche et de la biotechnologie. Les travaux effectués ces dernières années ont fait du Canada l'un des chefs de file dans le monde. Les événements qui se dérouleront d'ici un an ou deux seront déterminants pour notre avenir et pour notre position en tête de peloton dans les domaines où nous mettons au point de nouvelles variétés et créons de nouveaux produits. Cela influera sur la capacité de nos producteurs et des entreprises agroalimentaires de devenir des chefs de file capables de saisir les énormes possibilités qui s'offrent à eux. Si nous prenons trop de retard et que nos producteurs sont défavorisés sur le plan concurrentiel, notre industrie ne pourra pas combler les besoins d'une population en plein essor, et il y aura des pénuries de denrées alimentaires dans certaines régions.
Merci beaucoup.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Merci beaucoup, monsieur Wilkinson.
On va maintenant passer aux questions. Monsieur Steckle.
[Traduction]
M. Steckle (Huron - Bruce): Merci, messieurs, de comparaître à nouveau devant notre comité. J'ai déjà eu l'occasion de parler avec vous.
Notre comité a entrepris une série d'audiences pour discuter de biotechnologie, et l'autre jour nous avons rencontré un certain nombre de témoins. Je leur ai posé la question suivante. Tandis que nous approchons du prochain millénaire et compte tenu de ce que sera la population mondiale vers l'an 2030, d'après les prévisions, nous est-il seulement possible d'espérer nourrir tous ces gens-là sans la biotechnologie ou de nouvelles technologies dans tout le domaine de la production alimentaire? Qu'il s'agisse des récoltes, de la zootechnie ou de l'aquaculture, pouvons-nous seulement envisager de nourrir la population mondiale après l'an 2025 si nous ne réalisons pas d'autres progrès?
M. Wilson: Il est un peu injuste de ne parler que de la biotechnologie dans cette situation, car si on considère la technologie pure et la biotechnologie comme un seul instrument, il se posera un défi que nous pensons pouvoir relever, sinon nous ne serions pas ici. Nous ne ferions pas ce que nous faisons, à savoir nourrir les gens.
Tandis que nous nous penchons sur les possibilités de la biotechnologie pour nourrir la population de façon plus concurrentielle, lorsque l'on parle de l'éventuelle réduction des intrants - ce qui pour nous se traduit en dollars et pour votre comité en impact environnemental possible - nous y voyons la possibilité pour vous et nous d'atteindre nos objectifs, même si nous les envisageons dans une optique différente ou procédons de façon différente. Toutefois, si l'on considère la façon dont nous avons accru les rendements depuis la reproduction sélective vers la fin des années 1800 et le début du siècle jusqu'aux progrès de la biotechnologie, laquelle est indispensable pour accroître la production et répondre à nos besoins, c'est sans nul doute un outil indispensable.
Si l'on tient compte du fait que de moins en moins de gens s'occupent activement de production agricole, pas seulement au Canada, mais dans le monde entier, il faut également se demander qui va produire les denrées nécessaires pour nourrir cette population.
M. Wilkinson: Bon nombre d'experts vous diront que, ces dernières années, la population a augmenté plus rapidement que la production, malgré les progrès réalisés. Bon nombre d'entre eux estiment que, faute d'adopter une technologie nouvelle ou de faire des percées technologiques, nous risquons au cours des quelques prochaines années et dans l'avenir de connaître des pénuries de denrées alimentaires.
Comme vous le savez, il est très difficile de faire des prévisions sur 20 ans. Il n'est pas nécessaire d'être très vieux - et je ne le suis pas, comme vous le savez - pour se souvenir qu'en 1973 il y a eu une panique qui a duré un certain nombre d'années sur le plan alimentaire. Bon nombre de politiques publiques ont été adoptées à l'époque pour faire face à ce que l'on considérait comme une crise alimentaire et pour se préparer à l'éventualité de pénuries durables. Toutefois, la révolution verte qui s'est déroulée au Canada dans les années 50 et 60 a également eu lieu dans le reste du monde. Des pays qui étaient de gros importateurs, comme l'Inde, sont désormais des exportateurs. Toutefois, si cette technologie et cette révolution écologique n'avaient pas touché ce genre de pays, la situation aurait été très grave.
Nous sommes encore une fois au bord du gouffre, d'après les données disponibles. Il y a déjà des pénuries de certaines céréales ordinaires, et faute de percées technologiques dans certains secteurs il va être très difficile d'avoir une production suffisante pour faire face à la croissance démographique mondiale.
Je conviens avec Jeff que la biotechnologie n'est qu'un aspect de la production. C'est un peu comme la partie émergée d'un iceberg qui pourrait être très prometteur de par ses possibilités, mais seul le temps nous dira si celles-ci se concrétiseront. Il faut envisager toutes les possibilités pour voir ce qui peut se produire dans le cadre d'un régime équitable et réglementé qui garantisse la salubrité, la sécurité et la qualité des produits pour les consommateurs.
M. Steckle: Quelle différence faites-vous - et comment l'expliquez-vous au consommateur - entre la zootechnie et la phytotechnie? Dans ce domaine, nous abordons parfois les problèmes dans une optique quelque peu différente, car ce n'est pas une question qui présente un aspect moral comme la zootechnie.
Quand je parle d'aspect moral, qu'un produit soit consommé par un animal ou par un être humain, il y a ce qui est normal et ce qui est répréhensible. Pour une raison ou pour une autre, nous n'avons pas autant de mal à accepter une tomate qui mûrit plus vite, qui reste rouge plus longtemps, qui reste fraîche plus longtemps, qu'un produit injecté dans une vache, et je prends cet exemple au hasard.
Quelle doit être notre position, et comment faire pour que le public accepte cela?
M. Wilkinson: Nous faisons de la reproduction sélective depuis de nombreuses années. Cela nous a permis d'obtenir de meilleurs indices de conversion et également des produits de meilleure qualité. En fait, les aliments que nous consommons aujourd'hui sont plus sûrs qu'ils ne l'ont jamais été, en partie à cause d'un régime d'inspection alimentaire très rigoureux, d'un système de classement par grades et de la réglementation. Nous sommes toujours en faveur de ce genre de choses. Par contre, il y a beaucoup de domaines de la biotechnologie où les choses vont beaucoup plus vite, mais pas forcément différemment: par exemple, un processus de reproduction sélective qui s'étalait jadis sur 20 ans prend maintenant beaucoup moins de temps. Les processus sont différents, mais aujourd'hui cela devient possible dans des délais très raccourcis.
La question morale qui entoure la création de formes de vie nouvelles est d'une importance considérable, et tout le monde va devoir faire face à ses conséquences. En ma qualité de producteur, j'ai des opinions personnelles, comme nous tous ici, j'en suis sûr. La question est de savoir quand ces opinions deviennent des préoccupations sociétales et quels nouveaux processus deviennent nécessaires. C'est la raison pour laquelle nous proposons un système de réglementation fondé sur des données scientifiques pour faire face à ces questions. Lorsqu'on nous offre un nouveau produit, à Jeff ou à moi, nous considérons qu'il est sûr et qu'il ne présente pas un risque majeur. Nous pouvons l'utiliser et déterminer dans quelle mesure il améliore notre production.
M. Wilson: Vous faites pratiquement allusion à la STB, un des premiers problèmes auxquels nous nous soyons heurtés. À l'époque, la communauté agricole n'était pas préparée, et les éleveurs, et également les agriculteurs, ont été pris au dépourvu.
Le dilemme auquel nous nous heurtons aujourd'hui, c'est que les gens ont fait du chemin dans le secteur agricole. Nous comprenons un peu mieux les choses, mais pas beaucoup mieux. Du côté de l'agriculture, grâce à la participation de la communauté agricole, nous avons connu le luxe d'un certain nombre d'innovations. Je pense au gène du bacillus thuringiensis du maïs. Je pense au gène du bacillus thuringiensis de la pomme de terre. En Ontario, il y a 167 producteurs de pommes de terre, dont 165 au moins connaissent très bien le potentiel du gène Bt de la pomme de terre et ce que cela signifie pour eux.
Quand la STB est arrivée sans prévenir il y a cinq ans, nous n'avions pas ce luxe. On peut toujours se demander ce qui se serait produit. Dans les cercles agricoles, tout le monde n'est pas exactement d'accord. Nous faisons des efforts considérables pour trouver un terrain d'entente en ce qui concerne ces questions morales.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Chers collègues, j'ai omis de demander au dernier groupe de nous faire sa présentation. Je vais donc demander aux représentants de Ag-West Biotech Inc. de se présenter et de nous faire leur présentation, et nous continuerons ensuite notre tour de table.
[Traduction]
M. Ron Kehrig (directeur par intérim, Ag-West Biotech Inc.): Merci, madame la présidente. Bonjour, honorables membres du comité.
Pour commencer, je tiens à dire que j'apprécie cette occasion de discuter avec vous aujourd'hui au nom d'Ag-West Biotech. Je suis accompagné de M. Lorne Babiuk, directeur de la Veterinary Infections Disease Organization à l'Université de la Saskatchewan. Je vais faire un court exposé, après quoi M. Babiuk m'aidera à répondre à vos questions, en particulier lorsqu'elles seront techniques.
Mon exposé contient quatre parties: une courte description d'Ag-West Biotech; une réflexion sur l'évolution de la biotechnologie agricole; des observations sur l'importance d'un système réglementaire efficace au Canada et, enfin, des observations sur l'importance de la biotechnologie agricole pour l'agriculture canadienne.
Ag-West Biotech est une organisation sans but lucratif basée à Saskatoon. Elle a pour mandat de soutenir et de développer les industries biotechnologiques agricoles en Saskatchewan. Ag-West est financée par le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de la Saskatchewan.
Ag-West est dirigée par un conseil d'administration constitué de membres de l'industrie et du gouvernement. Je suis directeur de cette organisation à titre intérimaire pendant qu'on cherche un nouveau président. M. Murray McLaughlin, ancien président d'Ag-West Biotech, est maintenant sous-ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation en Saskatchewan.
Ag-West Biotech n'est pas une compagnie biotechnologique commerciale. Dans l'ensemble, les produits d'Ag-West Biotech sont fondés sur l'information. Ag-West publie chaque mois un bulletin intitulé Agbiotech Bulletin, une lettre d'information et de mise en marché, qui est destiné à la communauté biotechnologique agricole de la Saskatchewan. Tous les deux mois, un document intitulé «Agbiotech Infosource» est inséré dans ce bulletin. Il est destiné à susciter l'intérêt et à promouvoir une meilleure compréhension des sciences reliées à l'agriculture, en particulier la biotechnologie. J'invite les membres du comité à lire ces publications.
Ag-West produit également des publications spéciales pour faire face à des besoins ponctuels. Par exemple, je pense que vous trouverez des livrets comme «From Field to Plate» et «Biotechnology, Agriculture and Your Food», à la fois compréhensibles et remplis d'information.
Ag-West reçoit de nombreuses délégations, qui, chaque année, viennent visiter la communauté biotechnologique agricole de la Saskatchewan. J'invite les membres du comité à venir en Saskatchewan, à venir nous voir et à assister à la conférence internationale sur la biotechnologie agricole qui doit avoir lieu à Saskatoon du 11 au 14 juin de cette année.
Ag-West Biotech organise des séminaires, des séances de formation et des forums destinés aux entrepreneurs, aux représentants du gouvernement et à divers intérêts industriels. Ag-West a été créée en 1989, et, à l'époque, il n'y avait en Saskatchewan que quelques compagnies dans le domaine de la biotechnologie agricole. En 1994, environ 28 compagnies commerciales de la Saskatchewan s'intéressaient activement à la biotechnologie, et, d'après les rapports sur le développement économique de la Saskatchewan, les ventes directes de cette industrie s'élevaient à 42,5 millions de dollars en 1994.
Je reviendrai tout à l'heure sur l'importance purement industrielle de la biotechnologie agricole, et également sur son importance pour le secteur agricole actuel.
L'agriculture, c'est l'activité qui consiste à utiliser d'une façon planifiée des plantes et des animaux pour répondre à des besoins humains. Par exemple, il y a très longtemps qu'on modifie les caractéristiques génétiques des plantes et des animaux par sélection et croisement, et également qu'on utilise des micro-organismes pour produire des produits alimentaires. L'agriculture canadienne a un riche passé de progrès technologiques et de réalisations agricoles fondées sur la science.
La biotechnologie agricole n'est pas vraiment considérée comme une force révolutionnaire qui fera changer les choses du jour au lendemain. Au contraire, cette discipline est considérée comme un outil destiné à changer et à améliorer progressivement l'agriculture. Sur le plan commercial, elle sert à améliorer les méthodes de l'agronomie, qui ont fait leurs preuves. Les organismes fédéraux chargés de la réglementation ont déterminé que la biotechnologie était l'application des sciences ou de l'ingénierie à l'utilisation des organismes vivants ou de leurs parties ou produits, sous leur forme naturelle ou modifiée. C'est la définition de la LCPE.
La biotechnologie agricole regroupe plusieurs disciplines de pointe, comme la biologie, la génétique, la biologie moléculaire, la biochimie, la biophysique, le génie chimique et l'informatique, et ces disciplines s'associent pour élaborer des produits agroalimentaires. Dans le cadre de la biotechnologie agricole, les chercheurs mettent au point des variétés de plantes améliorées qui parviennent plus vite à maturité. Par exemple, en utilisant des marqueurs génétiques pour sélectionner les plantes, les sélectionneurs peuvent déterminer quelles lignées possèdent les caractéristiques souhaitées. La biotechnologie permet donc aux sélectionneurs d'apporter des changements génétiques plus précis et plus sûrs.
La biotechnologie agricole est une série d'outils qui permet de produire des récoltes améliorées qui, comme les récoltes produites grâce à une sélection classique, ont les qualités recherchées par les producteurs et par le marché. Grâce aux plantes qui ont une haute tolérance aux herbicides, les agriculteurs non seulement diminuent leurs coûts de production, mais libèrent également moins de produits chimiques dans l'environnement.
Avec des récoltes qui résistent mieux à la maladie et aux insectes nuisibles, on peut également réduire considérablement la quantité de produits chimiques. Cela se traduit par une consommation de carburant moindre, moins d'émissions, moins de travail du sol et moins d'érosion.
La biotechnologie agricole a donc les moyens de réduire les pressions exercées sur l'environnement. Avec des récoltes qui ont des caractéristiques de qualité spécifique, on favorise les intérêts du Canada sur des marchés mondiaux qui accordent une grande importance à la qualité, et en même temps on offre des solutions environnementales. Par exemple, on utilise certaines récoltes pour fabriquer des plastiques biodégradables, des lubrifiants, et des sources renouvelables de carburants.
Les récoltes ne sont pas le seul produit de la biotechnologie agricole. Cette discipline trouve des applications au niveau du bétail, par exemple les vaccins vétérinaires, la thérapeutique, les diagnostics et les additifs alimentaires. Grâce à cela, on améliore les niveaux de production et la sécurité de l'alimentation.
Parmi les produits microbiens de la biotechnologie agricole, on trouve des inoculants qui fixent l'azote, des bio-engrais, des rhizobactéries qui favorisent la croissance des plantes, et également des inoculants qui améliorent la résistance des plantes à la maladie. Grâce à des cultures de tissus végétaux ou à des techniques de micro-propagation et de clonage, on réussit à produire des plants qui sont libres de maladie pour les cultures en pleine terre ou en serre. Il s'agit, entre autres, de plantes ornementales, de pommes de terre et d'autres légumes. La biotechnologie agricole a également des applications dans le secteur de la transformation et sur le plan du diagnostic des maladies des plantes ou des maladies animales. Pour gagner du temps, je vais passer au sujet suivant.
Cela m'amène à la nécessité d'établir au Canada un environnement réglementaire efficace. Ces efforts de réglementation seront d'autant plus efficaces qu'ils se feront au niveau des ministères qui possèdent l'expertise nécessaire pour évaluer un produit. Autrement dit, Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi que Santé Canada doivent conserver la majeure partie des activités de réglementation des produits de la biotechnologie agricole, y compris les détails des avis et les exigences en matière de test de toxicité.
Le principe d'un filet de sécurité qui figure dans la LCPE risque d'englober inutilement des produits qui pourraient très bien être réglementés par Agriculture et Agroalimentaire Canada ou encore par Santé Canada, ou par les deux, dans le cadre de règlements futurs. Il est inutile pour la LCPE de réglementer ceux qui sont chargés de la réglementation, car cela constitue un double emploi.
Agriculture et Agroalimentaire Canada est responsable de l'application de plusieurs lois qui assurent la sécurité et l'efficacité de la production agricole. Cela comprend des évaluations de la sécurité sur le plan de l'agronomie et de l'écologie. Santé Canada a la principale responsabilité en ce qui concerne la sécurité des aliments.
La réglementation du gouvernement doit continuer à privilégier le produit, et non pas le processus. Les produits biotechnologiques n'ont rien de toxique en soi. Il est inutile de les regrouper ou de les traiter différemment des autres produits réglementés par le gouvernement. Chaque produit doit être évalué séparément, mais le principe des équivalences doit s'appliquer à l'évaluation du risque.
Au Canada, l'étiquetage des produits alimentaires tirés de la biotechnologie est autorisé sous forme d'étiquetage négatif ou positif. Les informations doivent être exactes et vraies. Toutefois, on n'est pas tenu d'étiqueter les produits alimentaires tirés de la biotechnologie agricole pour établir leur sécurité. Lorsqu'une question de sécurité alimentaire se pose, par exemple une possibilité de réaction allergique, c'est Santé Canada qui réglemente l'étiquetage des produits alimentaires.
Le Canada doit continuer à imposer un système réglementaire sûr et efficace, mais ce système doit laisser place au développement de l'industrie et à l'application de nouvelles technologies. Le système réglementaire canadien actuel est un des plus sûrs du monde, et nous sommes totalement en faveur de ses normes élevées. Les stratégies de recouvrement des coûts de la réglementation doivent être raisonnables lorsqu'on cherche à éviter ou à réduire les coûts, ou encore à les recouvrer. Les tarifs doivent être justes et équitables.
Les éléments d'incertitude du système réglementaire canadien doivent être supprimés. Sinon, cela aura des effets désastreux sur les investissements dans cette industrie ou sur son développement. Mais, et c'est plus important encore, cela empêchera nos agriculteurs, notre société, de profiter des avantages des applications de la biotechnologie agricole.
Grâce à ces avantages de la biotechnologie agricole, les agriculteurs peuvent rester concurrentiels et continuer à offrir des produits de qualité sur les marchés actuels et sur de nouveaux marchés. Des rendements et des niveaux de production améliorés et un taux de risque et des coûts de production moindres améliorent le bilan de l'ensemble de notre économie. Ce sont des avantages qui se chiffrent littéralement à des milliards de dollars.
La biotechnologie agricole permet également d'obtenir des contrats pour des cultures spécialisées, et permet également d'obtenir de meilleurs prix à la ferme tout en augmentant le nombre des emplois dans le secteur de la transformation. Au fur et à mesure que des produits plus sûrs et plus efficaces atteindront le marché, on s'attend à ce que le nombre des emplois dans les secteurs de la fabrication, de la mise en marché et de la distribution des produits de la biotechnologie agricole se multiplie.
Pour toutes ces raisons, la stratégie économique et agricole de la Saskatchewan et de la ville de Saskatoon considère la biotechnologie agricole comme une priorité. Une étude récente effectuée dans l'État de Washington a démontré que la croissance des emplois dans ce secteur était de7,8 p. 100 en 1994, alors qu'elle n'était que de 1,8 p. 100 pour l'ensemble de l'État.
D'après une étude récente du Programme de diversification de l'économie de l'Ouest, la biotechnologie agricole est le seul regroupement d'industries technologiques de l'ouest du Canada qui soit concurrentiel sur la scène internationale. C'est un secteur basé sur une ressource, et qui comporte une valeur ajoutée durable.
En conclusion, madame la présidente, la biotechnologie agricole offre d'excellents avantages; cette discipline améliore la valeur nutritive des aliments, leur durée utile, leur goût et leur qualité. La biotechnologie offre également des avantages sur les plans de la santé et de l'environnement en réduisant le recours aux médicaments vétérinaires, aux insecticides chimiques et aux engrais. La biotechnologie peut améliorer la productivité des entreprises agricoles et joue un rôle de plus en plus important dans un monde où la croissance de la population exige des augmentations considérables de la production alimentaire. La biotechnologie permet également d'utiliser de façon plus efficace les ressources agricoles que sont les éléments nutritifs du sol et de la végétation. Cela améliore la durabilité et la permanence des systèmes agricoles.
Grâce à la biotechnologie, les chercheurs rendent les produits que nous consommons plus sains, plus sûrs et plus économiques, tout en empiétant moins sur l'environnement. Merci.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Merci, monsieur Kehrig. Monsieur Babiuk, avez-vous quelque chose à ajouter?
[Traduction]
M. Lorne Babiuk (directeur, Veterinary Infectious Disease Organization, Ag-West Biotech Inc.): Non, je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions, mais auparavant j'aimerais faire une ou deux observations.
Je considère la biotechnologie comme une discipline évolutionniste, et non pas révolutionnaire. J'ai l'impression que beaucoup de gens considèrent que c'est une discipline révolutionnaire. À mon avis, grâce à cette évolution, nous pouvons avoir une production plus sûre. Je représente la Veterinary Infectious Disease Organization, un service qui produit des vaccins. La vaccination est l'un des grands triomphes de la médecine moderne, qu'elle s'applique aux humains ou à la médecine vétérinaire, et aujourd'hui nous avons des vaccins beaucoup plus sûrs qui améliorent la santé des animaux et rendent les produits alimentaires que nous consommons plus sûrs. Si cela vous intéresse, si vous avez des questions à ce sujet, je me ferai un plaisir de développer.
Merci, madame la présidente.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Merci beaucoup. On va maintenant passer à la période de questions. Madame Payne, c'est votre tour.
[Traduction]
Mme Payne (St. John's-Ouest): Merci, madame la présidente.
Monsieur Wilson, j'aimerais parler de l'étiquetage. Vous avez dit que la responsabilité de l'étiquetage des produits alimentaires incombe à Santé Canada. Vous avez dit également que le Canada devrait participer à des discussions internationales sur l'étiquetage. C'est l'aspect qui m'intéresse, et non pas la biotechnologie, et en fait j'aimerais lancer la discussion sur ce sujet.
Nous importons au Canada des produits alimentaires dont l'étiquette n'indique pas exactement ce qui se trouve dans le produit. Je pense surtout à certaines sauces que nous importons. C'est un domaine que le Canada a tenté de réglementer, et pourtant il y a encore beaucoup de produits qui sont vendus dans les supermarchés et autres épiceries. Avez-vous une idée de ce qu'il faut faire pour mieux faire respecter ces exigences?
Je sais que M. Kehrig et vous-même prétendez que la biotechnologie ne pose pas de risque sur le plan de la santé, que ce n'est pas dangereux, mais, indépendamment de cela, je pense que nous avons un problème sur le plan de l'étiquetage. Pouvez-vous commenter?
M. Wilson: Une des réalités de ce monde où nous pénétrons aujourd'hui, c'est que les gouvernements vont devoir insister beaucoup plus sur des choses comme les directives internationales, et c'est ce que nous avons expliqué dans notre rapport.
Je ne vois pas comment, dans un proche avenir, le gouvernement fédéral ou les provinces pourront disposer des ressources nécessaires pour faire respecter efficacement toute la réglementation qu'ils adoptent. Par contre, il y a des directives reconnues internationalement qui me semblent excellentes. Lorsqu'un problème se pose, par exemple les ingrédients des sauces que vous avez mentionnées, nous pouvons discuter sur la scène internationale et mettre au point des directives qui sont acceptées par tout le monde sur ce nouveau marché mondialisé.
Mme Payne: Merci.
La vice-présidente (Mme Guay): Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Dans le mémoire préparé par le Comité national de l'environnement agricole, la prévisibilité est citée comme une des priorités; c'est donc très important. Nous avons rencontré d'autres représentants de l'industrie, nous avons eu des conversations privées avec des dirigeants des secteurs du commerce et de l'industrie, et cette prévisibilité nous préoccupe spécialement, la nécessité de savoir ce qui se prépare.
Je passe maintenant au second mémoire, celui d'Ag-West Biotech. Vous dites que la notion de filet de sécurité de la LCPE vous donne des inquiétudes. À la suite de la réaction du gouvernement, ce filet de sécurité a changé. C'est plutôt devenu un système bigarré.
Il y a diverses normes, et il n'y a plus de norme minimum obligatoire. D'autre part, dans un domaine voisin de la biotechnologie, nous pourrions nous retrouver sans réglementation. J'aimerais donc savoir dans quelle mesure vos préoccupations en ce qui concerne la LCPE actuelle compense vos préoccupations en ce qui concerne l'uniformité dans ce domaine.
M. Wilson: Je pourrais commencer. C'est un des éléments clés de cet examen pour lesquels nous avons tous un point d'interrogation. En effet, nous nous sommes demandé ce qu'il fallait faire des «orphelins», qui, dans le contexte agricole, ne s'intègrent nulle part dans la législation actuelle. Le problème, c'est que nous n'avons trouvé aucun orphelin.
Pour autant que nous le sachions, que ce soit au stade du développement ou de la production finale, il n'y a absolument rien qui ne soit couvert par l'une des lois actuelles. Par conséquent, si ce filet de sécurité a été conçu pour rattraper tout ce qui ne s'intégrerait pas dans le cadre réglementaire ou dans une loi, que devons-nous faire? Que je sache, on n'a rien trouvé.
Mme Kraft Sloan: Les témoins que nous avons entendus hier nous ont dit que les animaux n'étaient pas couverts par le cadre réglementaire actuel. Pensez-vous que l'idée de soustraire les produits biotechnologiques à la réglementation est une bonne idée?
M. Kehrig: Agriculture et Agroalimentaire Canada, Santé Canada et Environnement Canada ont des règlements sur les produits tirés de la biotechnologie agricole, en particulier les produits microbiens.
M. Babiuk pourra peut-être vous répondre en ce qui concerne le bétail.
M. Babiuk: En fait, vous avez posé deux questions, dont celle-ci: est-il nécessaire de réglementer la biotechnologie? En ce qui concerne le ministère de l'Agriculture, jusqu'à présent il a pas mal réglementé les produits agricoles. Nous pensons que cela va continuer, et ce n'est pas parce qu'un produit est tiré de la biotechnologie...
J'ai dit tout à l'heure que c'est une discipline plus évolutionniste que révolutionnaire. J'aimerais voir Agriculture et Agroalimentaire Canada continuer à réglementer la sécurité et l'efficacité des produits, exactement comme par le passé. La seule différence, c'est que nous utiliserons des méthodes de production un peu différentes, mais à mon avis ces méthodes pourraient s'avérer plus sûres que les méthodes actuelles. Par conséquent, je n'envisage pas qu'on puisse cesser de réglementer; ces produits doivent être réglementés.
Mme Kraft Sloan: Que pensez-vous des préoccupations de certains témoins que nous avons entendus hier? Ils ont mentionné les lois sur les semences, les engrais et les aliments pour animaux. Ils nous ont dit que ces lois ne réglementent pas vraiment l'impact d'un produit sur la santé humaine ou sur l'environnement.
M. Babiuk: Je ne peux pas répondre directement à cette question. Je le répète, comme nous avons élaboré des vaccins grâce à des méthodes biotechnologiques, nous avons travaillé en étroite collaboration avec Agriculture Canada. Il est toujours nécessaire de procéder à une évaluation du risque pour s'assurer qu'il n'y aura pas un impact sur l'environnement.
Mme Kraft Sloan: Mais vous citez un exemple bien spécifique, celui des vaccins.
M. Babiuk: C'est exact.
Mme Kraft Sloan: Je parle de la Loi sur les semences, de la Loi sur les engrais et de la Loi relative aux aliments du bétail.
M. Kehrig: Le système actuel réglemente les produits. Par conséquent, le fait que la technologie ne soit pas mentionnée dans la loi ne signifie pas que les produits tirés de la biotechnologie sont effectivement réglementés par les ministères responsables, ou encore qu'ils seront couverts par des règlements en cours de préparation.
Comme Lorne l'a mentionné, c'est un processus évolutionniste de réglementation des produits agricoles qui permet d'assurer un approvisionnement sûr à la fois sur le plan de l'alimentation et sur le plan de l'environnement. Nous pensons qu'il faut conserver fondamentalement sous leur forme actuelle le cadre et la structure réglementaires actuels.
Mme Kraft Sloan: Dans ce cas, que répondez-vous à nos témoins d'hier, qui ont étudié ces lois et la réglementation qui en découle, et qui ont conclu que dans la plupart des cas on s'intéressait plus à des activités frauduleuses qu'aux effets sur la santé humaine ou sur l'environnement? Des essais au champ ont été entrepris. Par exemple, la pomme de terre NewLeaf n'a été testée ni sur le plan de l'environnement, ni sur le plan de la santé humaine. On est tout simplement passé au stade de la production et de la vente.
M. Wilson: Eh bien, j'imagine que je ne suis pas d'accord.
Mme Kraft Sloan: Non, je vous pose la question... Nous avons entendu hier une série de témoins qui voient les choses d'un oeil très différent. Ils s'inquiètent également lorsqu'ils entendent parler de l'augmentation de la productivité grâce à la biotechnologie et pensent que cette augmentation de la productivité doit souvent s'accompagner de pertes sur le plan des biens naturels.
Réfléchissez au stress imposé à l'environnement. Prenez l'exemple d'un arbre qui grandit dix fois plus vite qu'un autre arbre, c'est-à-dire qui absorbe dix fois plus d'éléments nutritifs dans le sol, ce qui force à utiliser plus d'engrais, etc.
D'autre part, il y a un élément de la biotechnologie qui semble inquiéter beaucoup de gens, soit le fait que vous vous intéressez à des monocultures - c'est-à-dire une culture unique, ou une espèce unique - mais aussi au même parent. Cela multiplie les problèmes de maladies et autres insectes nuisibles, ce qui force à appliquer d'autres formes d'interventions chimiques.
M. Wilkinson: Si vous le permettez, je ne suis absolument pas d'accord avec cet argument. Avec un tel argument, les cultures actuelles auraient toujours le rendement qu'elles avaient il y a50 ans, et sur la planète des millions et des milliards de personnes mourraient de faim. Le fait est que les produits élaborés aujourd'hui sont souvent beaucoup plus sûrs qu'ils ne l'étaient par le passé et convertissent mieux les éléments nutritifs en produits consommables par les humains. Dans de nombreux secteurs, nous avons fait des progrès considérables.
Il y aura toujours des cas particuliers qui suscitent des questions, mais si on considère l'ensemble de la technologie - et je ne parle pas particulièrement de la biotechnologie dans ce cas - la productivité a accompli des progrès phénoménaux.
Il y a certains arguments qui me semblent particulièrement difficiles à accepter. Les gens voient les choses sur un plan extrêmement restreint. Les nouveaux produits qui résistent à la maladie permettent de réaliser d'énormes économies sur le plan de l'environnement. En ma qualité d'agriculteur, je ne suis plus forcé d'utiliser certains produits pour éliminer les insectes nuisibles. Certains de ces produits menacent l'environnement, car il s'agit d'insecticides, etc. Si on peut sélectionner des plants qui résistent à la maladie, on n'a plus besoin d'utiliser ces insecticides. En ma qualité d'agriculteur, je m'en sers uniquement pour protéger mes récoltes. Si on me donne une semence qui résiste naturellement, je vais cesser d'utiliser cet insecticide, point, ce qui aura des avantages énormes pour l'environnement.
À mon avis, tout cadre réglementaire doit peser le pour et le contre. C'est ce qui se fait actuellement. Si ce n'est pas le cas dans certains exemples particuliers, la solution est de corriger ces situations, et non pas de recommencer à zéro.
Sur le plan agricole, les gains en matière de productivité ont été phénoménaux. Ils sont attribuables à la sélection, à la technologie et à la gestion. La situation actuelle est infiniment meilleure qu'il y a 100 ans.
Mme Kraft Sloan: Vous devez comprendre ma position. J'ai entendu hier certaines choses, et aujourd'hui j'entends quelque chose de différent. Il est possible que vous ne fassiez pas allusion aux mêmes produits ou aux mêmes questions... il y a peut-être un malentendu.
J'ai entendu dire également que des problèmes surgissent parfois quand les plants que vous sélectionnez pour résister à la maladie sautent la barrière et se croisent avec des mauvaises herbes. On n'arrive plus à éliminer ces mauvaises herbes.
M. Kehrig: J'aimerais revenir sur une des observations que vous avez faites au début. Les évaluations en matière de santé et d'environnement se font dans le cadre de la Loi relative aux aliments du bétail et des lois sur les semences, sur les engrais et sur la santé des animaux. Je pense que si cela vous préoccupe, vous devriez reposer cette question aux représentants officiels des services de réglementation, qui, je crois, doivent comparaître à nouveau devant ce comité.
Mme Kraft Sloan: Volontiers. D'accord, merci.
La vice-présidente (Mme Guay): Monsieur Adams.
[Français]
M. Adams (Peterborough): Merci, madame la présidente. Je m'excuse de mon retard.
[Traduction]
Je voudrais revenir sur la question de l'étiquetage. Quand je rate une séance, je lis les mémoires. Vous avez dit explicitement, vous et certains de ceux qui sont assis derrière vous, que le Canada pouvait compter sur les aliments les plus sûrs, les plus sains, les moins chers du monde. Du reste, je suis tout à fait d'accord là-dessus. Je sais toutefois que la question de l'étiquetage, qui est une question concernant la santé, relève techniquement de Santé Canada. Nous tous qui nous intéressons à la question de l'agroalimentaire devons, à mon avis, nous occuper de la façon dont ces questions sont perçues par le grand public.
Par exemple, j'écoutais une station locale il y a deux ou trois semaines, et il était question - c'était un exemple - d'une tomate à contenu protéique porcin. C'était à l'occasion d'une conférence qui portait sur la technologie génétique et autres questions connexes.
Quand on me parle d'une «tomate à contenu protéique porcin», cela évoque diverses choses dans mon esprit. Je me dis tout d'abord: formidable, le bacon se trouve déjà dans la tomate; comme c'est pratique. Je me dis ensuite que j'aime les tomates et qu'elles sont bonnes pour la santé. Du coup, je peux compter sur un aliment enrichi de protéines. Je me dis par ailleurs que j'aurais désormais affaire à une tomate à quatre pattes.
Ce sont des images. J'ai bien dit qu'il s'agissait d'une «tomate à contenu protéique porcin», et cela existe.
Peu importe qu'il s'agisse d'une évolution progressive ou non, car les gens s'inquiètent face à ces changements. Dans le secteur de l'agroalimentaire, il faut prendre des précautions, car il faut veiller à ce que les malentendus ne s'installent pas de façon si solide que l'on ne puisse plus changer les idées préconçues. C'est là qu'il faut compter sur l'étiquetage.
L'un d'entre vous veut-il répondre à cela?
M. Kehrig: Permettez-moi d'attirer votre attention sur un article qui a été déposé cet après-midi et qui relate une entrevue où M. Thomas Hoban parle de l'attitude des consommateurs face à la biotechnologie alimentaire. Je vous invite à lire cet article. En deux mots, on y dit qu'il y a une foule de facteurs qui interviennent dans la prise de décisions, mais dans toute la liste on ne s'interroge pas sur une origine biotechnologique éventuelle, tout simplement parce que cet aspect-là n'est pas important pour le consommateur.
M. Adams: Je vais lire volontiers l'article de M. Hoban. Je ne vous ai relaté qu'une simple anecdote, mais c'est pour vous alerter au fait qu'il y a des choses qui se brassent. Il a fait une enquête. Je veux bien, mais je vous dirai que...
M. Babiuk: À mon avis, c'est crucial. Je ne pense pas que les scientifiques en ont fait assez pour renseigner le public pour lui expliquer ce que représente vraiment la biotechnologie.
Prenez le génome d'un porc et celui d'une tomate et vous constaterez qu'il vous faut plus d'un gène pour qu'une tomate puisse avoir les quatre pattes qui lui permettront de courir. En matière d'allergie, il y a les gènes des arachides. Une espèce donnée possède plus de 10 000 gènes, et l'on en retient un seul qui offre la caractéristique particulière que l'on souhaite. Autrement dit, on ne peut pas en un tour de main transformer une tomate en porc pour obtenir du bacon. La tomate n'a pas le goût du bacon. La tomate n'a pas l'aspect du bacon. Elle garde le goût et l'aspect d'une tomate.
Je le répète, les scientifiques ont eu le tort de ne pas expliquer efficacement la biotechnologie et ses possibilités. J'accepte tout autant que les autres le blâme de ne pas avoir veillé à ce que les choses soient clairement expliquées.
M. Adams: Vous avez raison. À mon avis, nous ne manquons pas de moyens, et l'article deM. Hoban en est un exemple. Il y a d'autres moyens de diffuser l'information, mais n'oublions pas que la plupart des gens ne regardent pas d'émissions scientifiques, ne lisent pas d'articles scientifiques, et il faudrait peut-être pour les renseigner compter de façon plus permanente sur l'étiquetage.
Vous avez parlé des arachides. Nous savons qu'actuellement il y a encore des familles qui réclament à cor et à cri des zones sécuritaires de ce point de vue-là dans les écoles pour protéger les enfants qui au simple toucher d'une arachide se retrouvent dans un état grave. Cette technologie génétique sert donc à dépister ce genre de situation. Quant à moi, je ne me tourne pas encore vers la biotechnologie.
Disons par exemple que l'on puisse produire à partir d'une noix et dans un légume une protéine potentiellement antigénique et qu'un des enfants allergiques en consomme. D'ailleurs, je ne sais pas si cela est possible avec des arachides. C'est vous qui le savez. Encore une fois, on constate qu'il est essentiel de faire les mises en garde nécessaires grâce à l'étiquetage. Comment donc se tenir au courant de ces changements au fur et à mesure qu'ils surviennent? Tout d'abord, pouvez-vous me dire s'il est possible de produire une protéine d'arachide dans un légume?
M. Babiuk: Ce serait possible.
M. Adams: Poursuivons donc avec cet exemple. Pour ce qui est des arachides, l'étiquetage s'améliore constamment, mais comment pourrait-on détecter la présence d'arachides dans une pomme de terre pour que les enfants qui doivent déjà se prémunir contre les arachides puissent le faire également dans ce cas-là?
M. Kehrig: Comme je l'ai dit tout à l'heure, quand il y a possibilité d'une réaction allergique ou encore une inquiétude en matière de santé, Santé Canada réglemente l'étiquetage des produits en question. Il existe un mécanisme pour tout ce qui concerne l'effet d'un produit sur la santé, qu'il s'agisse à la source d'une arachide ou encore d'un légume dont les gènes ont été modifiés.
M. Wilson: Ce que vous venez de dire, nous l'entendons constamment, et, en tant que membres de la société, nous aussi nous nous inquiétons. Vous avez raison de soulever ce point, mais cela m'amène à rappeler que nous ne pouvons pas nous fermer à ce qui se passe à l'échelle internationale.
Cela nous ramène à la question de la prévisibilité. Si le Canada décide de choisir l'étiquetage, et que cela est accepté par les marchés internationaux, je pense que nous pouvons très bien nous en accommoder, dans la mesure où les règles fondamentales sont connues de tous.
Je suis producteur, et chaque boîte qui quitte ma ferme porte mon nom. C'est la loi qui l'exige. On pourrait prétendre que c'est une façon de régler les inquiétudes théoriques. Je conviens que ce sont les organismes de réglementation qui doivent s'occuper des questions de santé. Les agriculteurs eux-mêmes n'ont pas la compétence voulue pour le faire.
Il s'agit d'une question qui a fait l'objet de débats houleux lors des discussions sur le Codex Alimentarius, les Américains refusant l'étiquetage, les Français y étant relativement acquis, le Canada ne se prononçant pas, alors que quelques autres pays souhaitaient l'étiquetage, ou du moins laissaient entendre qu'ils le souhaitaient. Nous voulons tout simplement savoir quelles sont les règles fondamentales.
M. Wilkinson: En outre, nous souhaitons une étiquette qui renseigne les consommateurs, une étiquette dont la lecture apporte de l'information. Voilà ce qui me préoccupe quand j'entends qu'on réclame que tout soit marqué sur l'étiquette.
Par exemple, on pourrait dire qu'un produit est en partie ou en totalité le résultat du génie génétique. Qu'est-ce que cela veut dire? Je ne dis pas cela de façon désinvolte. Cela peut signifier que dans le procédé on a fait entrer de la levure dans une proportion de 0,1 p. 100, mais qu'il y avait eu manipulation génétique dans le cas de cette levure. Il se peut que cela ne change en rien la valeur nutritive de l'aliment et qu'il n'y ait aucune réaction allergique possible. Une telle étiquette ne renseigne pas vraiment le consommateur.
Nous préconisons l'étiquetage comme composante de la réglementation. C'est à ce niveau-là que tout le dépistage, tous les renseignements doivent être réunis. Ainsi, le consommateur aura l'assurance qu'un produit qui reçoit l'estampille des experts est un produit salubre sur le plan de la nutrition et des allergies. Dans le cas contraire, s'il y a des raisons de s'inquiéter pour quoi que ce soit, c'est marqué sur l'étiquette, de sorte que le consommateur est renseigné au premier coup d'oeil sur la possibilité d'une réaction allergique aux arachides ou à autre chose.
C'est à cela qu'il faut s'attacher. Ne croyez pas que je sois cavalier et que je refuse d'en faire cas, mais on ne peut mettre sur une étiquette qu'une quantité limitée de choses. Si nous voulions faire plaisir à tout le monde et tout mettre sur l'étiquette, il faudrait assortir une boîte de pâte de tomate d'un disque CD-ROM. Le consommateur n'y gagnerait pas grand-chose.
M. Adams: Une remarque, s'il vous plaît. En posant mes questions, je ne veux pas me faire le champion de l'étiquetage. L'industrie alimentaire doit se montrer proactive. Je vais lire cet article, mais cela ne va pas arranger les choses pour le public. Je vous dis simplement que les gens s'inquiètent. Si on ne choisit pas l'étiquetage, l'industrie devrait prendre les devants pour apaiser ces inquiétudes.
Vous avez parlé de la quantité d'informations que l'on peut entasser sur une étiquette. Prenez le fameux exemple de la Lada. Au moment de la vente, les fabricants devaient faire des mises en garde pour tout ce qui pouvait faire défaut. Il y avait absolument tout, et il leur fallait sans cesse bonifier la Lada.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Plus tôt, Mme Kraft Sloan a soulevé une question sur la réglementation de la biotechnologie, et M. Simon Barber d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui est dans la salle, a une réponse à lui donner immédiatement.
Monsieur Barber, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Simon Barber (chef du Bureau de la biotechnologie des végétaux, Division des produits végétaux, Direction de l'inspection des aliments, Agriculture et Agroalimentaire Canada): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Simon Barber. Je travaille à Agriculture et Agroalimentaire Canada. L'équipe avec laquelle je travaille évalue les types de végétaux dont vous venez de parler.
On a dit, je pense, que les dispositions de la Loi sur les semences ne prévoyaient pas d'évaluation du point de vue de la salubrité. Ce n'est pas vrai. Prenez deux cultures en particulier, le canola et la pomme de terre. Ces deux plantes font l'objet de toute une gamme d'analyses avant d'être homologuées comme variétés canadiennes, cultivées et vendues ici.
Dans le cas de la pomme de terre on fait une analyse pour le contenu en solanine, car il s'agit d'un produit toxique, et dans le cas du canola on fait une évaluation des divers acides gras. L'acide érucique peut être toxique, et il faut donc que sa teneur soit inférieure à une certaine limite. Il faut se débarrasser du goût de poivre, ce qu'on appelle les glucosinolates qui est présent dans l'huile et la moulée de canola. Cela se fait de façon courante. Cela se fait en vertu de la Loi sur les semences, qui prévoit la vérification de la salubrité des aliments.
En vertu de la Loi sur les engrais, et des règlements afférents, les toxicologues évaluent les éléments toxiques de l'engrais, etc. Je ne peux pas vous donner de détails là-dessus, mais je sais que cela se fait.
Mme Kraft Sloan: Je ne faisais que répondre à ce que des témoins nous ont dit hier, car j'entends un son de cloche différent aujourd'hui.
M. Barber: Merci de m'avoir permis d'apporter cette précision.
Il a également été question de gènes qui passeraient par-dessus la clôture. Il y a beaucoup de gens qui ignorent sans doute qu'on a fait un travail énorme du côté du processus d'évaluation de la salubrité, et notamment à cet égard. Les organismes de réglementation internationaux tiennent compte de cela depuis 1986 ou 1987, quand on a commencé à pratiquer la manipulation génétique des végétaux.
Pour cette raison, nous avons au Canada un mécanisme d'évaluation de la salubrité qui se fonde sur deux piliers, si je puis dire. Il y a d'une part la biologie de l'espèce végétale, c'est-à-dire une espèce végétale a-t-elle des parents avec lesquels elle peut échanger des gènes? Par ailleurs, autre pilier, comment une chose est-elle différente de celles que nous connaissons déjà? Comme nos collègues l'ont dit, nous avons une vaste expérience de la phytogénétique et de la sélection des cultures, et ce, depuis plusieurs dizaines d'années, voire plus de 100 ans. Il est bon de rappeler cela.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Avant de passer à un deuxième tour, j'aimerais, à mon tour, poser quelques questions. Plus tôt, M. Wilson ou M. Wilkinson a parlé d'harmonisation avec les provinces. J'aimerais savoir comment cela fonctionne et si cela fonctionne réellement. Avant de parler d'harmonisation internationale, il faudrait peut-être voir un peu comment cela se passe chez nous. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur le sujet.
[Traduction]
M. Wilson: Je suis d'une province qui très souvent a des différends avec Ottawa, soit l'Ontario. La semaine dernière, j'ai entendu dire que l'Ontario préconise que ce soit la nouvelle agence fédérale qui s'occupe désormais de l'homologation des pesticides et que cela ne relève plus de la province. Je pense que c'est très prometteur.
Il y a toutefois encore beaucoup à faire à propos des questions de commerce.
Pour ce qui est de la biotechnologie, il y a deux semaines les sous-ministres se sont réunis en Ontario et ont rencontré les représentants des agriculteurs pour discuter essentiellement de questions d'environnement. La question de la biotechnologie a toutefois été soulevée. Les provinces estiment qu'il y a très peu à faire au palier provincial, étant donné qu'actuellement... Je parle ici strictement du point de vue du secteur agricole. Et ils ont dit qu'ils étaient tout à fait satisfaits que pour l'heure ces questions relèvent de diverses lois d'application nationale, et que les provinces n'ont pas selon eux nécessairement un rôle à jouer. Il se peut toutefois qu'elles en aient un jour ou l'autre.
Est-il concevable qu'une variété de canola puisse obtenir l'homologation fédérale et être interdite dans une province? Nous n'en sommes pas encore là. Cela ne s'est encore jamais vu. Si nous retournons au vieux débat sur la STB, nous conviendrons tous que la question de la STB se démarque des autres discussions concernant la biotechnologie.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): On va justement parler de la somatotrophine bovine. On en a fait une grande discussion ici, en comité. On en a discuté pendant des heures et on n'a pas réussi à obtenir l'information qu'on voulait.
C'est un produit biotechnologique, une hormone qu'on injecte. Ne devrait-on pas avoir le droit, en tant que consommateurs et citoyens, quand on achète un produit sur le marché - et c'est là qu'on en arrive à l'étiquetage - , de savoir qu'il ne s'agit pas d'un produit fabriqué naturellement, mais bien d'un produit qui vient de la biotechnologie? Les gens devraient avoir le choix d'acheter tel ou tel produit parce que c'est un produit naturel.
C'est un gros débat qui va se poursuivre, et il est normal que les gens puissent demander cela. On revient encore à l'étiquetage. Plus tôt, vous avez parlé d'étiquetage volontaire. Je ne suis pas convaincue que cela fonctionnerait. Les mesures volontaires, dans bien des domaines, ne sont pas toujours mises en oeuvre.
Là-dessus, il y aura un débat dans la population en général, qui va demander beaucoup plus de transparence et réclamer le droit de choisir un produit selon ses goûts.
[Traduction]
M. Wilkinson: Je vous poserai donc la question suivante: qu'est-ce qui fait que la biotechnologie est tellement différente d'un autre procédé de production ou d'une autre technologie du point de vue du consommateur? C'est la question que nous ne cessons de soulever. On en revient à ce que disait M. Adams... les gens ont l'impression qu'il se passe quelque chose d'inquiétant.
Certains consommateurs n'ont plus confiance: ils pensent que le mécanisme de réglementation leur garantissant des aliments salubres et de qualité disparaît avec l'avènement de la biotechnologie. Aucun autre aspect de la chaîne alimentaire, ou presque, ne les préoccupe. Mais pour une raison quelconque, la biotechnologie crée de telles frayeurs dans l'esprit des gens qu'ils estiment qu'il leur faut un mécanisme tout à fait différent dans ce cas-là.
Nous qui sommes plus près de ces choses-là, nous ne cessons de répéter que le mécanisme existe, mais qu'il n'est peut-être pas compris, bien connu. Manifestement, nous ne réussissons pas à convaincre les gens que le mécanisme existe et qu'il se met en branle dès qu'il est question de cultiver une espèce hybride, de l'homologuer, et que toute une gamme d'éléments sont vérifiés pour garantir l'innocuité d'un produit, sans quoi il n'est pas homologué au Canada.
Nous affirmons donc que cela existe. Le mécanisme est suffisant et doit apaiser les inquiétudes. Nous pensons que nous avons fait nos preuves sur ce plan et que c'est l'agence qui doit se pencher sur toute nouvelle technologie, y compris la biotechnologie. Puisque ce mécanisme a donné des résultats, point n'est besoin dès lors de faire plus que d'estampiller un nouveau produit qui a subi les inspections nécessaires et qui est considéré comme salubre et offrant certaines valeurs nutritives.
Le scénario est le même pour nous avec la biotechnologie. En effet, les agriculteurs utilisent depuis des générations la technologie et la sélection végétale. Notre secteur dispose désormais d'un nouvel outil qui permet d'accélérer la sélection végétale, qui peut prendre dans bien des cas jusqu'à 20 ans.
Voilà donc la question que nous vous posons. Les gens ont vraiment l'impression d'un relâchement dans la réglementation. Nous devrions donc faire oeuvre éducative pour que les gens sachent que la réglementation se porte bien, que l'information est à la disposition de quiconque souhaite l'obtenir, pour n'importe quel produit, et que c'est au niveau de la réglementation que les choses doivent être réglées.
M. Wilson: En deux mots, il faut savoir qui s'en charge. Rappelez-vous que le nombre d'agriculteurs en cause n'est pas très élevé. Nous incombe-t-il de nous occuper de cet aspect-là? Je songe à la communication plutôt qu'à l'éducation. À vrai dire, il s'agit de sensibilisation.
Dans ma ferme, je fais également du commerce de détail. Les gens viennent me voir et me posent toutes sortes de questions sur mes moyens de production, car ils profitent ainsi de l'occasion de parler à l'agriculteur lui-même. Chez les détaillants, cette possibilité n'existe pas.
Je vous donne mon opinion très subjective: les gens sont tout à fait satisfaits des réponses qu'ils obtiennent quand ils s'interrogent sur la salubrité de leurs aliments. Quant à moi, je leur dis directement comment je cultive le brocoli, les pommes de terre, les fraises, le blé dans ma ferme.
S'il s'agit de renseigner et de sensibiliser, je me demande si chaque consommateur n'a pas lui-même une responsabilité, ou si tout cela doit se faire sans efforts particuliers. Pour faire du meilleur travail dans ma ferme, il faut que je me donne un peu de mal pour obtenir les renseignements nécessaires.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Alors, d'où devrait venir l'information pour les consommateurs? Vous me dites que ce n'est pas votre travail. Où devrait-on aller chercher l'information? Vous dites que les gens ne sont pas informés sur la biotechnologie. On a une éducation à faire, mais qui va la faire?
[Traduction]
M. Wilson: J'ai dit que ce n'était pas là mon rôle. Je ne peux pas tout faire. Puisque je produis des légumes, vous avez tout à fait raison de me demander par exemple comment je m'y prends, et je me dois de vous donner des réponses. C'est l'un des rôles que je dois assumer du point de vue des questions environnementales, notamment l'utilisation de pesticides, et cela, beaucoup de membres du comité le savent bien. Je ne peux toutefois parler que de ce que je fais dans ma ferme.
Actuellement, nous expédions la récolte de choux de l'année dernière. Une partie est acheminée vers les commerces de détail, une autre vers les restaurants Chalet suisse, une autre encore vers les usines de transformation. Je sais tout simplement où a été envoyé le produit, mais je ne sais pas ce que l'on en fait à partir de là.
On en revient donc à la question de la prévisibilité. Si nous savons qu'il y a une exigence, nous prévoyons devoir comment y répondre. Toutefois, je ne peux pas répondre de ce qu'il advient d'un produit qui quitte ma ferme.
M. Kehrig: Je ne suis pas entièrement d'accord avec Jack. Les consommateurs ne s'inquiètent pas nécessairement des produits biotechnologiques. Les enquêtes le prouvent en tout cas. En outre, les produits biotechnologiques qu'on a étiquetés de façon positive, identifiés comme tels, se sont très bien vendus.
Rien n'empêche au Canada de procéder à un étiquetage positif ou négatif, sur une base volontaire. C'est alors qu'on peut se demander: pourquoi apposer une étiquette? Nous le faisons pour des raisons de salubrité. Si l'intervention de la biotechnologie n'altère en rien la salubrité d'un produit ou d'une transformation, point n'est besoin de l'étiqueter. C'est seulement quand l'innocuité d'un produit est en cause ou que les éléments nutritifs sont différents que l'étiquetage s'impose.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Merci, messieurs. On va passer à un deuxième tour de table. Monsieur Steckle.
[Traduction]
M. Steckle: Si nous vous rencontrons ici, c'est pour déterminer s'il est vraiment nécessaire de changer quelque chose. Si tout marche bien, pourquoi intervenir? Si quelque chose ne va pas, si notre processus d'étiquetage ne donne pas les résultats escomptés, il faut apporter des améliorations, et c'est à vous de nous dire quoi faire.
Si tout va bien, si les normes d'étiquetage internationales sont respectées... Nous savons que nous recevons des fruits de la Californie qui ont peut-être été aspergés de produits chimiques interdits ici, mais nous les achetons néanmoins. L'étiquetage précise qu'il s'agit d'un produit américain. Les consommateurs achètent les produits américains, et nombreux sont ceux qui les préfèrent.
L'étiquetage en soi ne règle rien. Nous savons que les produits du tabac sont mauvais pour la santé, et il y a peut-être des gens dans cette pièce qui font usage de ces produits. J'en suis sûr. Je suis sûr également qu'ils comprennent les conséquences que représente l'utilisation de ces produits. Ils sont bien étiquetés, mais cela n'empêche rien.
J'ai parlé de l'aspect moral de certains de ces problèmes, et je vais aborder l'un d'entre eux. Il y a une vache qui peut produire du lait identique au lait humain et que les mères qui ne peuvent pas allaiter pourraient utiliser. Il n'y aura jamais beaucoup de vaches de ce genre. Bien des gens auraient du mal à croire qu'il existe une telle vache. Pourtant, si quelqu'un avait besoin de ce genre de lait, il l'achèterait sans tergiverser. Je me demande s'il faudrait l'étiqueter.
On voit que les situations sont des plus diverses, et je pourrais vous citer des exemples assez inouïs. Nous en verrons de plus en plus du reste. Il y aura toujours des gens qui se demanderont si c'est moral, si l'on peut pousser la science jusque-là.
Comment le gouvernement doit-il réagir alors? Doit-il permettre? Doit-il interdire? Doit-il se tenir à l'écart? Comment donc réagir? Le sujet est vaste.
M. Wilson: La seule chose qui rend les agriculteurs sceptiques, et nous en parlons dans notre mémoire, c'est ce qu'on appelle l'étiquetage négatif. Les chips sans cholestérol, je les adore, mais, de toute façon, il n'y a jamais de cholestérol dans les chips. Quelqu'un, voulant bien faire, a décidé qu'il était avantageux de préciser que les chips ne contiennent pas de cholestérol.
Cela se produit de plus en plus. Que pouvait-on faire quand il y a eu l'alerte à cause de l'alar? Notre Coca-Cola ne contient pas d'alar. Comme Jack l'a dit, nous avons une responsabilité en matière de renseignements, de sorte que si quelqu'un s'intéresse à une question, il puisse obtenir l'information qu'il souhaite. Il n'est pas rare que l'on voie une étiquette concernant la valeur nutritive. Toutefois, tout n'est pas encore au point à cet égard au Canada. Où commencer?
Puisqu'il s'agit d'étiquetage, nous devrions faire les choses de façon plus globale, à l'échelle nationale. Il reste encore bien des épouvantails ici.
M. Babiuk: Je voudrais ajouter quelque chose. Nous pourrions préconiser l'étiquetage positif de ce lait qui vise un marché très particulier, car marché il y aura, et les mères voudront pouvoir repérer ce lait. Pour 90 p. 100 des gens, cela n'a pas d'importance, et ils ne voudraient pas payer davantage pour obtenir ce lait. On peut supposer qu'il serait plus cher. Pourquoi donc paieraient-ils davantage s'ils n'en ont pas besoin?
C'est ce que j'appelle de l'étiquetage positif. Comme l'a signalé Jeff, les chips sans cholestérol, c'est de l'étiquetage négatif, mais ce n'est pas ce que nous préconisons. Pour des créneaux particuliers sur le marché, cela offre l'avantage de fournir à ces enfants les éléments nutritifs dont ils ont besoin.
Quant à la question morale, chacun devra prendre sa décision. Supposons qu'un enfant ait besoin de ce lait pour survivre - et on franchit ici le pas suivant - nous avons le choix entre le laisser mourir ou le nourrir avec du lait provenant d'une vache ayant subi une manipulation génétique.
Le même cas de conscience se pose pour l'utilisation d'animaux à des fins de recherche. Chacun prend la décision de subir une greffe du coeur ou non. Celui qui choisit de ne pas en subir une connaît les conséquences de sa décision. De mon point de vue, les conséquences positives d'une greffe l'emportent sur l'autre solution. Si cela est possible, c'est parce qu'on a pu se servir d'animaux pour faire de la recherche. Je sais que je m'écarte un peu du sujet ici, mais puisqu'il s'agit de questions morales, en voilà une autre sur laquelle notre société va devoir se prononcer.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Merci, monsieur Steckle. Monsieur Adams, s'il vous plaît.
M. Adams: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Que répondre à ceux qui nous disent qu'Agriculture Canada est en conflit d'intérêts quand il réglemente les nouvelles cultures élaborées au sein même du ministère? Agriculture Canada réglemente une découverte qu'il cherche à vendre, n'est-ce pas?
M. Babiuk: Un représentant d'Agriculture Canada a fait remarquer tout à l'heure que le ministère a 100 ans d'expérience en matière de réglementation, et c'est cela que je retiens. Au ministère, il y a deux divisions tout à fait distinctes, une pour la recherche et l'autre pour la réglementation. Pour toute recherche poursuivie pour le gouvernement on pourrait en dire autant, car le gouvernement réglemente dans ces cas-là également. Présenter un argument comme celui-là peut aboutir à une impasse. Je pense qu'il faut se fier tout simplement à la performance du ministère. La division de la réglementation est différente de la division de la recherche. Je ne pense pas qu'il y ait conflit d'intérêts.
M. Adams: Y a-t-il jamais eu une erreur en 100 ans? Le ministère aurait-il pu par exemple introduire une nouvelle variété de blé, en faire la promotion, pour découvrir ensuite qu'il avait eu tort et que ce n'était pas celle-là qu'il fallait choisir, mais une autre?
M. Wilkinson: Non.
M. Babiuk: Personne n'est à l'épreuve de l'erreur. Même le régime réglementaire le plus parfait ne vous met pas à l'abri des erreurs. Vous avez répondu que non, mais vous auriez dû dire oui, car il y a eu des erreurs positives sans doute. Le représentant d'Agriculture Canada pourrait peut-être nous répondre. Je ne pourrais pas vous donner d'exemples au pied levé.
M. Adams: Il n'y en a aucun qui vous vienne à l'esprit, n'est-ce pas?
M. Babiuk: Non. Je ne voudrais toutefois pas affirmer cela catégoriquement, car quelqu'un pourrait très bien en dénicher un.
M. Adams: Je n'essaie pas de vous prendre au piège ici, mais comme c'est une chose que vous avez signalé je voulais que vous développiez.
M. Wilson: Cet aspect-là a été soulevé à propos des pesticides. On a dit qu'Agriculture Canada servait les intérêts d'un groupe donné. Rappelez-vous que nous parlons aussi d'Agroalimentaire Canada. Autrefois, les agriculteurs étaient les seuls intéressés, et voilà pourquoi Agriculture Canada avait le devoir de servir leurs intérêts. On pourrait toutefois faire valoir que les pesticides utilisés ne répondaient pas aux besoins des agriculteurs. Ainsi, si le service d'homologation des pesticides se trouve au sein d'Agriculture Canada et ne donne pas satisfaction aux agriculteurs, comment peut-on prétendre que le ministère sert exclusivement nos intérêts?
J'ai toujours refusé de croire que des ministères à vocation précise avaient une clientèle très spécifique. On pourrait se demander si le ministère fédéral de l'Environnement existe uniquement pour servir les intérêts des environnementalistes. Quant à moi, je suis d'avis que chaque ministère existe pour servir les intérêts de tous. C'est comme si on disait que ceux qui font les grandes découvertes à Agriculture Canada ou dans un autre ministère sont aussi ceux qui s'occupent au premier chef de la promotion de ces découvertes. Selon moi, très souvent, l'équipe de recherche travaille tout à fait à l'écart au ministère. Il est vrai que nous avons été choyés, mais le positif et le négatif de tout ministère tendent, au bout du compte, à offrir un service équilibré à tous les Canadiens.
M. Wilkinson: N'oublions pas surtout qu'il s'agit ici de règlements du gouvernement. Il ne s'agit pas de règlements d'Agriculture Canada ou de Santé Canada, car la réglementation n'est pas la première vocation du ministère. Il s'agit de règlements du gouvernement. Tout inspecteur, tout fonctionnaire qui dispense un service est comptable au gouvernement en général. Je sais que cela est contesté, mais à mon avis c'est sans fondement. Prenez n'importe quel ministère, et vous aurez du mal à trouver une faille quelconque.
Je pense que le ministère fait très bien son travail, de façon très honnête et très franche, et essaie de tenir compte des intérêts de sa clientèle dans le contexte réglementaire, sans succomber aux diverses pressions qui s'exercent.
M. Kehrig: Il est possible qu'on trouve des exemples, mais c'est peut-être une autre question que vous pourriez poser aux fonctionnaires d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il y a peut-être des projets de recherche qui ont été menés à bien à la division de la recherche du ministère, mais qui n'ont pas reçu l'approbation réglementaire du ministère.
La vice-présidente (Mme Guay): Madame Payne.
Mme Payne: Merci, madame la présidente.
Je vais vous poser une question fondamentale, en vous priant d'excuser mon ignorance. Je suis une femme, mais je ne suis pas mère. Je me demande quels besoins nous avons d'une vache qui produit du lait maternel.
M. Babiuk: Dans le lait de vache, certaines protéines ne sont pas identiques à celles que contient le lait maternel. Ainsi, certains enfants ne peuvent pas digérer ces protéines, et par conséquent ils n'en obtiennent pas la valeur nutritive.
Mme Payne: N'existe-t-il pas un produit que l'on peut substituer dans ce cas-là?
M. Babiuk: Oui, il existe des succédanés du lait, comme le Soyalac. Toutefois, certains enfants sont allergiques au soja, et c'est pourquoi il faut leur donner du lait.
Mme Payne: J'insiste. N'y a-t-il pas un autre produit pour remplacer le Soyalac?
M. Babiuk: Que je sache, non.
Mme Payne: J'insiste encore. Je connais un enfant qui a cette allergie dont vous avez parlé, mais je sais qu'un produit - dont je ne peux pas vous donner le nom malheureusement - est disponible pour les enfants qui sont dans son cas.
M. Babiuk: Comme je vous le disais, je n'en connais pas d'autre, car mes enfants ont 20 ans, et il y a donc bien longtemps que je ne leur donne plus de Soyalac. S'il existe un autre produit, à la bonne heure.
M. Wilkinson: Ce n'est pas nous qui avons donné cet exemple. Ce n'est pas une de nos propositions, je tiens à le signaler. Nous ne sommes pas des experts en la matière et nous n'avons jamais prétendu l'être.
Mme Payne: Si j'ai posé cette question, c'est pour déterminer si oui ou non, dans tous les cas, la biotechnologie est nécessaire.
M. Kehrig: Il existe peut-être un produit de remplacement ou d'autres produits biotechnologiques sur le marché, mais nous ne sommes pas un groupe d'experts médicaux.
Mme Payne: Merci.
M. Wilson: Je vais vous donner un exemple différent, le gène Bt dans les pommes de terre. Je cultive les pommes de terre. Le gène Bt est le bacillus thuringiensis, et je m'en sers comme outil pour combattre la chrysomèle. On peut donc se demander quel est l'avantage - si avantage il y a - d'introduire la structure génétique du Bt dans les pommes de terre que je plante?
Dans notre ferme, nous faisons la gestion des parasites de façon intégrée en procédant par analyse, dépistage et observation. Même dans ces conditions, je n'atteins que le 90e percentile, de sorte que le rendement est réduit, le potentiel aussi, sans compter que le parasite persiste et qu'il pourra attaquer d'autres champs de pommes de terre l'année suivante.
Sans dire qu'il s'agit de la panacée qui va me débarrasser totalement de la chrysomèle de la pomme de terre, le gène Bt devient un outil supplémentaire qui me permet de mieux enrayer ce ravageur. Toutefois, je n'ai jamais cru pour ainsi dire qu'une pomme de terre contenant le gène Bt était la solution définitive. Je ne me dis pas que je peux tout simplement la planter et m'en désintéresser, cesser de gérer ma culture.
Toutes ces cultures - et je suis sûr que cela vaut pour l'élevage - exigent encore une gestion très intense. Toutefois, l'utilisation du gène Bt me permet d'augmenter mon rendement, ma productivité. On pourrait dire que si mes mesures de contrôle ne sont valables qu'au 90e percentile, je ne tire pas tous les avantages du produit. Ainsi, si je n'utilise pas à sa pleine capacité le produit que j'applique, on pourrait me tenir responsable de l'incidence environnementale également.
Mme Payne: Mais dans ce cas-là le produit sert à quelque chose.
M. Wilson: Oui. On pourrait très bien faire l'analogie avec votre argument de tout à l'heure. À quoi cela sert-il quand on a le gène Bt et des pommes de terre?
Mme Payne: Nous avons les pommes de terre.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Merci, madame Payne.
Madame Payne, je me permets de vous donner une réponse, parce que je suis une femme et que j'ai des enfants, dont une fille qui est allergique. L'allergie est causé par le lactose qui est contenu dans le lait et, en remplacement, on peut lui offrir du lait de soja. Aujourd'hui, il y a aussi sur le marché, dans les produits naturels, un additif qu'on peut ajouter au lait naturel qu'un enfant prend tous les jours, qui n'est absolument pas nocif et qui règle ce problème du lactose. On peut encore s'en sortir aujourd'hui.
J'aurais une dernière question pour vous, messieurs. Plus tôt, vous avez parlé de réglementation internationale. J'aimerais savoir si vous avez certains renseignements sur l'étiquetage. Y a-t-il d'autres pays qui ont une réglementation spécifique? Pourrait-elle nous servir d'exemple ou devrions-nous prendre le leadership? J'aimerais connaître vos opinions.
[Traduction]
M. Wilson: Si je ne m'abuse, il y a eu à Ottawa la semaine dernière des discussions sur toute cette question de l'étiquetage international, n'est-ce pas?
À vrai dire, ce que je vous en dis, je le tiens de ce que j'ai tiré d'Internet. En effet, d'après l'article que j'ai consulté sur Internet, le Canada ne se prononce pas, ni dans un sens ni dans l'autre. On fournissait une explication que vous pouvez choisir d'accepter ou de refuser. Quant à moi, j'aurais du mal à l'accepter. J'aime bien quand les choses sont nettes.
N'empêche qu'il faut un accord international. Je ne vois pas comment on pourrait faire les choses à moitié. Le monde du commerce ne cesse de se rétrécir; alors comment certains pays peuvent-ils réclamer un régime d'étiquetage très sévère et d'autres le refuser? Qu'est-ce qui sous-tend tout cela?
Nous sommes très vulnérables du point de vue commercial. Nous avons supprimé les tarifs. Toutefois, les barrières non tarifaires constituent toujours une possibilité, et il faut se garder de créer des barrières qui ne feraient que remplacer les structures tarifaires que nous avons convenu de supprimer au GATT.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Vous me dites que cela n'existe pas dans d'autres pays?
[Traduction]
M. Wilkinson: Non. Il existe des règlements qui définissent ce qui constitue une barrière commerciale par le biais de l'étiquetage. Il existe des règlements qui imposent un fondement scientifique. Par exemple, on est en train de discuter ce que devrait être la norme internationale de l'éco-étiquetage. Certains préconisent que l'éco-étiquetage porte sur toute une gamme de choses, méthodes de production, procédés de transformation, biotechnologie, etc.
Il y a eu des discussions à l'OCDE là-dessus. Il y a également le comité du GATT qui examine quelles normes internationales devraient être fixées quant à ce qui figure sur l'étiquette et ce qui devrait être exclu de toute réglementation.
Manifestement, si chacun agit de son propre chef, les gouvernements ou les groupes de producteurs dans n'importe quel pays pourront s'ils le veulent ajouter des renseignements supplémentaires, mais dès lors cela ne peut pas être utilisé comme barrière commerciale. Que je sache, rien n'a encore été décidé là-dessus sur le plan international. Les discussions se poursuivent en vue de cerner cette question de l'étiquetage.
[Français]
La vice-présidente (Mme Guay): Merci beaucoup, messieurs Wilkinson, Wilson, Kehrig et Babiuk, d'être venus devant notre comité. Merci aussi à mes collègues.
La séance est levée.