[Enregistrement électronique]
Le mardi 4 juin 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Nous avons été un peu retardés à cause d'une réunion qui a commencé à huit heures ici même. Nous espérons que ce retard vous aura permis de mettre de l'ordre dans vos idées pour partir du bon pied.
Vous savez tous que les membres du comité s'intéressent à la biotechnologie et qu'ils sont très contents de voir un si grand nombre de témoins et d'observateurs.
Je veux attirer l'attention du comité sur l'étude produite par notre attaché de recherche, Tom Curran, sur la biotechnologie. Ce document est daté du 29 mai et vous en avez tous reçu un exemplaire, hier, à vos bureaux respectifs. Je vous suggère de vous en servir autant que vous voudrez, car je crois qu'il vous permettra d'explorer les sujets bien mieux et en profondeur.
Sans plus tarder, puisque nous devons entendre plusieurs organismes ce matin, et j'inviterais, comme les témoins me l'ont suggéré, le directeur général de l'Institut canadien de biotechnologie, M. Rick Walter, à nous présenter sa délégation puis à enchaîner avec son exposé, sans jamais oublier que plus les exposés sont courts, plus la période des questions est longue. C'est un avantage pour tout le monde.
Bienvenue au comité, monsieur Walter. Je suis heureux que vous soyez ici avec vos collègues ce matin.
M. Rick Walter (directeur général, Institut canadien de biotechnologie): Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs, bonjour!
Nous tenons à vous remercier de nous avoir invités à venir vous adresser la parole aujourd'hui. En fait, trois organisations intéressées à la biotechnologie vont vous entretenir d'une gamme de points de vue que vous allez sans doute trouver assez variés.
Si vous n'y voyez pas d'objection, je vais commencer, puis Graham Strachan suivra. Il est le président du Comité consultatif national de la biotechnologie. Le dernier exposé sera présenté parM. Jack Wearing qui est président de l'Association canadienne de l'industrie de biotechnologie. Il est accompagné par deux représentants d'entreprises du secteur. Jack pourra sans doute vous les présenter tout à l'heure.
Nous répondrons avec plaisir à vos questions après avoir terminé la présentation de nos exposés, si cette façon de procéder vous convient, monsieur le président.
L'Institut canadien de biotechnologie est une organisation-cadre sans but lucratif qui représente des associations industrielles et professionnelles, des groupes régionaux et sectoriels, des centres de recherches et des universités qui s'intéressent à la biotechnologie. Nous finançons des activités reliées aux transferts de technologie, au développement des ressources humaines, au réseautage, aux communications et à la sensibilisation du public dans tout le pays.
Au Canada, la biotechnologie et sa réglementation ont évolué lentement. D'ailleurs, depuis que le ministre des Sciences a reconnu, en 1977, l'importance stratégique de cette technologie, il s'est écoulé dix-neuf années pendant lesquelles l'infrastructure s'est développée, les procédés ont été mis au point et une nouvelle vague de produits a enfin pu être commercialisée. Durant cette période, tout un monde s'est formé autour de représentants non seulement des gouvernements et de l'industrie, mais aussi des milieux universitaires, du secteur des services aux entreprises et des associations de consommateurs et d'écologistes. Je voudrais prendre quelques minutes pour illustrer l'enracinement et les ramifications de cette communauté.
Le gouvernement a quatre tâches différentes à exécuter: la réglementation, la recherche, les transferts de technologie et les communications. Il a réussi à créer un milieu propice au progrès de cette technologie tout en maintenant des normes sévères relativement à la santé humaine, à la protection de l'environnement et à la sécurité des animaux. Le régime réglementaire a été reconnu dans maints pays, dont bien des pays de l'OCDE, comme l'un des meilleurs au monde, quoique ce système, comme n'importe quel autre, ne soit pas parfait.
Le monde de la biotechnologie tente déjà de trouver une solution à ce qui crée des difficultés. Je vous ai fait remettre une description sommaire d'un projet de validation en micro-écosystème, qui se veut un exemple d'une méthode coopérative pour résoudre des problèmes. Ce projet focalise sur la méthodologie de l'évaluation des risques.
L'industrie connaît une croissance rapide et se diversifie dans presque tous les secteurs industriels traditionnels. Elle s'étend bien au-delà des multinationales pour englober un certain nombre de moyennes entreprises prospères et un grand nombre de petites entreprises. Ça représente non seulement les utilisateurs de la biotechnologie mais aussi les fournisseurs de l'industrie, notamment les services financiers et juridiques, les services de gestion, les services de conseils, ainsi qu'une grande variété de fournisseurs d'équipement et de matériel. Comme M. Deacon d'Industrie Canada vous l'a indiqué précédemment, l'industrie se compose actuellement d'environ500 entreprises dont le chiffre d'affaires atteint les 4 milliards de dollars par année. Nous estimons aussi à près de 20 000 le nombre des emplois. De plus, l'industrie a poursuivi son expansion, en dépit de la dernière récession, son taux de croissance annuel étant supérieur à 15 p. 100.
Tout ça pour dire que le Canada a investi une somme considérable pour trouver des applications à cette technologie et c'est seulement maintenant qu'on commence à en récolter les avantages financiers. Les actions de nombreuses compagnies se transigent actuellement à des cours taux records. Une entreprise canadienne de biotechnologie située à Montréal vient de terminer le plus important placement de bloc de titres au monde dans le domaine. C'est Biochem Pharma, qui a récemment amassé 252 millions de dollars.
Passons au milieu universitaire qui est vaste et qui a, depuis longtemps, la réputation d'entreprendre des recherches de calibre international. Des scientifiques du monde entier viennent au Canada pour profiter de nos propres éminents scientifiques, de notre expertise diversifiée, et de notre infrastructure de pointe. Presque toutes les universités canadiennes financent soit une formation en biotechnologie, soit la recherche dans le domaine. Ces atouts conjugués permettent au Canada d'afficher une expertise scientifique très poussée qui est devenue essentielle non seulement pour l'innovation industrielle mais aussi pour la réglementation de la biotechnologie en fournissant des outils scientifiques servant à évaluer et à contrôler les nouveaux produits.
Les organisations de consommateurs et d'écologistes de même que le monde agricole, les diététistes et les professionnels de la santé s'intéressent de plus en plus à la science de la biotechnologie et à ses applications. Ces divers groupes représentent une gamme d'opinions tout aussi variées sur les sujets entourant la technologie. Ils se renseignent de plus en plus afin d'être en mesure, ensuite, de mieux informer leurs membres.
Quelques-uns de ces groupes sont sceptiques sur les avantages de la biotechnologie et d'autres technologies innovatrices. Il peut arriver que leur opposition fasse grand bruit. Cependant, il est évident que de nombreux autres approuvent les avantages potentiels de la biotechnologie et reconnaissent que tous les produits obtenus grâce à elle doivent être sûrs.
Les divers intérêts reflètent un large éventail de points de vue au sein de notre société, depuis ceux qui refusent toute nouvelle technologie - la biotechnologie n'étant évidemment que l'une des nombreuses technologies - jusqu'à ceux qui acceptent tout à fait les applications de la science qui améliorent leur qualité de vie. La plupart se situent plutôt au centre.
Dans le cas de la nourriture, les sondages ont permis de constater que les consommateurs se préoccupaient principalement de la valeur nutritive, du prix et de la qualité. Nombre de ces consommateurs sont ouverts à de nouveaux produits, à condition qu'ils respectent ces trois critères. La biotechnologie alimentaire est considérée par certains comme une façon de répondre à ces besoins. Une minorité opposée à la biotechnologie alimentaire se fait entendre, mais il faut tenir compte aussi de la diversité des autres courants d'opinion, y compris ceux qui veulent de nouveaux choix.
À quelle école de pensée faut-il accorder le plus de poids? Est-il possible de répondre aux besoins de tous? Je suppose que la solution consiste en partie à mieux informer les consommateurs, mais ce n'est pas simple et je ne suis pas en mesure d'en traiter comme il faut ce matin. Cependant, je sais que c'est un sujet qu'aborderont demain, en détail, plusieurs organisations avec lesquelles l'ICB entretient des relations déjà anciennes. Il s'agit entre autres de l'Association des consommateurs du Canada, de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, du Centre de biotechnologie alimentaire, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et de Santé Canada.
Le Canada a acquis une solide réputation internationale grâce à sa façon prudente et pragmatique d'aborder la biotechnologie, depuis sa dimension scientifique jusqu'à sa réglementation. Il est perçu comme l'un des chefs de file dans le monde. Si nous devions maintenant changer fondamentalement notre manière de procéder pour la réglementation et la recherche, nos décisions auraient des répercussions lourdes de conséquence sur bien des pays, entre autres sur nos partenaires commerciaux.
Je peux vous donner comme exemple précis celui de l'Union européenne qui est de plus en plus mécontente de sa méthode fondée sur les procédés et qui réalise que la démarche canadienne basée sur les produits et denrées offre une plus grande souplesse et est tout simplement plus logique. Il est impossible d'évaluer les risques que peuvent poser des organismes ou des produits très différents en ne tenant compte que de la technologie utilisée pour les dériver.
De plus, la législation canadienne sert actuellement de modèle ou de standard dans bien des pays en développement. Par exemple, l'ICB s'affaire actuellement avec le Mexique, Cuba, l'Argentine et la Colombie à élaborer leur réglementation et leurs politiques, ainsi qu'à trouver des moyens pour que le Canada puisse apporter des solutions biotechnologiques aux problèmes définis par chacun de ces pays. Ce programme appelé CamBioTec est administré conjointement par l'ICB, le Centre de recherches pour le développement international et plusieurs organisations latino-américaines.
En conclusion, il existe un monde diversifié qui s'occupe de recherches, d'applications, de réglementation et de communications, et différentes parties qui ont toutes des intérêts et des points de vue légitimes sur la manière dont cette technologie est appliquée. Malheureusement, ce fait est souvent enterré sous le bruit que font les détracteurs et les partisans des technologies.
Les problèmes entourant la biotechnologie sont complexes. Toute erreur dans la gestion du développement continu de la biotechnologie se répercute sur l'enrichissement du Canada, sur la mise en marché de nouveaux produits bénéfiques pour les consommateurs, sur notre réputation et notre compétitivité internationales. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Walter. Je vous suis très reconnaissant d'avoir abordé dans votre exposé la question des intérêts et de leur divergence jusqu'à un certain point. Vous savez bien que notre comité est en quête de ce qu'il y a de mieux pour la population. C'est le défi que nous devons relever. Tout ce qui permettra de préciser ce qu'il y a de mieux pour la population sera d'un grand secours au comité.
Monsieur Strachan, êtes-vous prêt?
M. Graham Strachan (président, Comité consultatif national de la biotechnologie): Je veux vous remercier de nous avoir donné l'occasion de participer à votre réexamen de la LCPE. Je comparais en ma qualité de président du Comité consultatif national de la biotechnologie. C'est un comité de bénévoles nommés par le ministre de l'Industrie et chargés de le conseiller sur les stratégies et les méthodes à employer pour créer et maintenir au Canada une industrie de la biotechnologie qui soit compétitive à l'échelle internationale.
En réalité, dans ma vie de tous les jours, je suis président-directeur général de Allelix Biopharmaceuticals. C'est une entreprise qui compte environ 200 employés et qui applique la biotechnologie à la mise au point de produits pharmaceutiques innovateurs. Je veux juste mentionner en passant que nous avons créé 40 nouveaux emplois l'an dernier, une augmentation d'à peu près20 p. 100. Ce sont tous des emplois de premier ordre qui commandent des études universitaires exigeantes.
Le CCNB a été formé en 1983 pour étayer la stratégie nationale de biotechnologie. Il se compose actuellement de 19 membres provenant de toutes les régions du pays et représentant les différentes composantes du monde de la biotechnologie dont Rick Walter vient de vous parler. Il y a entre autres M. Kelvin Ogilvie, le président d'Acadia University, M. Michel Chrétien du CRIM à Montréal, Mme Suzanne Hendricks de l'Institut national de nutrition, Mme Susan Smith qui est une des vice-présidentes aux opérations bancaires à la Banque Royale et qui fait valoir le point de vue finances et investissements, et M. Hugh Wynne-Edwards de Vancouver qui est particulièrement savant sur les questions de transferts de technologie et de communications.
Dans ses conseils au ministre, notre comité a eu tendance, tout naturellement, à se concentrer sur les moyens d'accélérer la croissance de la biotechnologie commerciale au Canada, en tenant compte de l'effet d'entraînement que cela pourrait avoir sur la création d'emplois et l'enrichissement économique, deux aspects très importants, en particulier pour nos jeunes étudiants qui sortent des universités.
En 1991, le comité a publié un rapport qui définissait cinq éléments indispensables à la création d'un milieu concurrentiel en biotechnologie au Canada. Si vous permettez, je vais vous les énumérer. Ce sont: du capital-risque facilement disponible; un bassin de ressources humaines bien formées et motivées; une protection solide et efficace des brevets; une réglementation extensive, claire et prévisible; et enfin, bien entendu, l'appui et l'assentiment de la population.
Quand je repense aux cinq années qui ont passé depuis ce rapport de 1991, je suis content de dire que nous avons vraiment réalisé des progrès fantastiques dans bien des domaines.
Il est certain que si l'on se penche sur l'aspect très important du capital-risque, qui, de tous temps, a été insuffisant au Canada pour les industries de matière grise, je crois qu'il y a maintenant assez de capitaux au pays pour commercialiser les découvertes scientifiques faites dans nos universités et dans nos facultés de médecine.
Il y a eu tout un revirement depuis 1991. Grâce à nos banques, à nos sociétés de placement à et nos fonds de capital-risque constitués par les syndicats, tels que le Fonds de relance économique et le Fonds de découvertes médicales canadiennes, les investisseurs et les sources de financement sont maintenant très informés et bien disposés envers le secteur. Selon des statistiques rendues publiques récemment par Denys Cooper du Conseil national de recherches, l'entreprise privée a investi plus de 1 milliard de dollars d'avoirs propres dans la biotechnologie canadienne depuis 1991.
Et quels sont les résultats? De nombreuses nouvelles compagnies ont été fondées, certaines d'entre elles en grappes: des entreprises biopharmaceutiques à Montréal, une grappe très diversifiée de sociétés de biotechnologie agricole à Saskatoon, de ressources naturelles et de produits pharmaceutiques en Colombie-Britannique.
Comme Rick Walter l'a souligné dans son exposé, il existe quelque 500 entreprises ayant un chiffre d'affaires de 4 milliards de dollars et un volume d'exportations impressionnant. Les emplois essentiels se chiffreraient à 20 000 environ.
Certaines de ces sociétés sont objectivement très grandes. Biochem Pharma, une entreprise de Montréal que Rick a mentionnée, a maintenant plus de 1 000 employés et son premier produit, le 3TC - qui sert à traiter les sidatiques et dont la plupart d'entre vous ont sûrement entendu parler - est maintenant vendu à l'étranger.
Le pays commence à bénéficier des retombées des investissements considérables faits tant par le gouvernement que par le secteur privé à la fin des années 80.
Pour en revenir au rapport de 1991 du CCNB, la réglementation y était désignée comme l'un des éléments qui influent le plus sur la croissance économique de cette technologie, puisque des normes réglementaires strictes sont essentielles pour protéger la santé humaine et l'environnement en s'appuyant, bien entendu, sur de solides principes scientifiques.
Le CCNB, dans ses discussions sur la réglementation, a suggéré plusieurs améliorations à apporter, par exemple éviter le dédoublement en précisant les champs de compétence, améliorer les protocoles d'essai, s'assurer qu'il y a suffisamment de fonctionnaires bien formés dans les ministères opérationnels pour étudier le volume croissant des demandes et raccourcir le temps nécessaire à l'homologation.
Ce dernier point est particulièrement important parce que, dans ce domaine, il ne faut jamais oublier que les délais entre la conception et la mise en marché sont vraiment très longs. Que ce soit en agriculture ou dans l'industrie pharmaceutique, c'est pareil; il faut entre 10 et 12 ans et des investissements de 200 à 300 millions de dollars. Une réglementation prévisible et sûre s'impose donc absolument.
Ces dernières années, la réglementation s'est d'ailleurs améliorée. De tous ses partenaires commerciaux, le Canada est parmi ceux qui ont les règlements actuels ou projetés les plus extensifs en biotechnologie. Notre réglementation est respectée dans le monde entier. Elle est plus sévère que celle des États-Unis et plus complète que celle de l'Union européenne.
Avec l'appui des provinces, le gouvernement fédéral a assumé la compétence dans le domaine dans l'espoir d'éviter les règlements qui se chevauchent et se dédoublent.
Bien que tous nos règlements n'aient pas encore été publiés dans la Gazette, toutes les industries sans exception s'autoréglementent déjà.
Les modifications proposées pour la LCPE apportent un élément d'incertitude grave à la réglementation. Il y a un danger, si les recommandations 68 et 69 sont mises en oeuvre, que l'exercice des obligations ministérielles en biotechnologie soit entravé. Si les responsabilités de Santé Canada et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sont diluées, le gouvernement et l'industrie perdront vraisemblablement la vaste expertise spécialisée accumulée, parfois douloureusement, au cours de dizaines d'années d'expérience pratique durement acquise.
Il me semble qu'il en résultera un dédoublement, une hausse des coûts pour les utilisateurs du système et une prolongation des délais pour l'étude réglementaire qui, comme l'a souligné le CCNB, prend déjà trop de temps et nuit à notre compétitivité à l'échelle internationale.
Il ne faut pas oublier que la biotechnologie est une technologie habilitante omniprésente. Nombre de pays concentrent leurs efforts dans le domaine afin de se doter d'un avantage concurrentiel. Nous ne pouvons nous permettre de prendre du retard au risque de ne plus être compétitifs. Si l'on fait l'erreur de surréglementer les biens et services canadiens, nos produits, comme les vaccins que nous exportons en grandes quantités, ne seront sans doute plus compétitifs sur les marchés mondiaux. Certains secteurs de l'industrie canadienne auront certainement un désavantage concurrentiel.
En conclusion, le CCNB croit que la réglementation fédérale en vigueur est rigoureuse, qu'elle garantit l'innocuité des produits technologiques et qu'elle est relativement prévisible. Nous devrions nous concentrer sur des moyens d'améliorer le système actuel, par exemple en accordant aux ministères opérationnels un personnel qui soit bien formé, bien informé et assez nombreux. Ainsi, la biotechnologie pourra continuer de favoriser la croissance économique et de créer des emplois au Canada tout en fournissant aux consommateurs des produits sûrs et efficaces dont on a grandement besoin. Très concrètement, l'investissement, l'emploi et la croissance en biotechnologie dépendent d'une réglementation souple et adaptée. Je vous remercie.
Le président: Merci, Monsieur Strachan.
Monsieur Wearing, voulez-vous prendre la parole?
M. Jack Wearing (président, Association canadienne de l'industrie de la biotechnologie): Bonjour! Nous avons la chance ce matin d'être une délégation représentative de tout le milieu de la biotechnologie au Canada.
L'ICB a de solides liens avec le fédéral et les provinces puisque ses membres comprennent des associations de centres importants de biopharmacie comme l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique, et de provinces agricoles comme la Saskatchewan et les Maritimes.
M. Graham Strachan est président d'Allelix, l'une des plus grandes compagnies biopharmaceutiques du Canada, qui crée de nouveaux emplois de premier ordre. Mme Margaret Gadsby travaille pour AgrEvo en Saskatchewan, l'entreprise qui a été la première à obtenir l'homologation du canola biotechnique. Elle pourra répondre à vos questions sur la culture des plantes. M. David Gannon de Zeneca est en train de mettre au point des produits de biorestauration qui relèvent de la LCPE. Il collabore avec Environnement Canada depuis 1988 pour rédiger la réglementation de la LCPE relativement à la biotechnologie, dans le but de protéger l'environnement et la santé humaine.
L'Association canadienne de l'industrie de la biotechnologie, ou l'ACIB, est un organisme qui représente une cinquantaine de firmes canadiennes dans le secteur de la biotechnologie. L'ACIB se concentre sur les difficultés que créent, la commercialisation, la réglementation - y compris en environnement et en santé humaine - , la sensibilisation du public, l'acceptation par le marché, les ressources humaines, la politique de R-D et les partenariats stratégiques.
Venons-en au fait. De toutes les modifications de la LCPE proposées, ce sont les recommandations 68 et 69 du rapport du Comité permanent de l'environnement et du développement durable qui nous inquiètent le plus. Des copies des deux se trouvent dans la trousse que nous vous avons remise. Nous tenons aussi à vous indiquer ce qui nous préoccupe dans la réponse du gouvernement fédéral au rapport du comité permanent, qui dit avoir l'intention d'utiliser la LCPE comme un «filet de sécurité» dans tous les domaines qui ne sont pas visés par d'autres lois fédérales.
La LCPE a été efficace dans le cadre de la réglementation actuelle. La responsabilité de tous les produits, y compris les produits biotechnologiques, régis par diverses lois, échoit aux ministères compétents. Les produits, y compris les produits biotechnologiques qui ne sont pas visés par une loi, par exemple les produits de biorestauration, sont du ressort d'Environnement Canada. Ainsi, les produits biopharmaceutiques somme l'insuline et les vaccins recombinants relèvent de Santé Canada. Agriculture et Agroalimentaire Canada jouit d'une réputation internationale grâce à son expertise en réglementation agricole.
Nous craignons que le filet de sécurité proposé ne mène tout droit à des chevauchements entre ministères et soit utilisé à des fins autres que la sécurité. Nous ne voulons pas que ce filet se transforme en une toile d'araignée dans laquelle s'empêtreraient l'industrie et le gouvernement.
La LCPE révisée ne devrait pas privilégier Environnement Canada aux dépens des ministères opérationnels qui sont en train de rédiger de nouveaux règlements. En ce qui concerne les préoccupations de la LCPE au sujet de la toxicité, les ministères opérationnels doivent avoir le temps nécessaire pour rédiger les règlements qui s'imposent.
Ces ministères ont acquis une vaste expérience dans leurs spécialités grâce à des années de réglementation des produits de la biotechnologie traditionnelle. Ils travaillent en collaboration avec leurs homologues du monde entier pour arriver à une harmonisation à l'échelle internationale. Cette connaissance a énormément de valeur pour le Canada puisqu'elle permet de prendre des règlements efficaces et éprouvés. Elle a été accumulée au moyen des efforts concertés des organismes de réglementation et des chercheurs du gouvernement, des universités et de l'industrie.
Les représentants des ministères vous ont déjà raconté combien la coopération entre eux est facilitée depuis l'implantation de principes directeurs annoncés en janvier 1993. On vous a déjà dit que cette série de principes permet d'évaluer l'innocuité et l'efficacité en appréciant les risques et qu'elle s'applique à tous les produits, quelle que soit la manière dont ils ont été développés.
Selon M. Morrissey d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, la structure réglementaire actuelle telle que le Parlement l'a conçue à l'origine, s'applique tout autant à la nouvelle réglementation des produits nouveaux, qu'ils soient dérivés de l'ancienne ou de la nouvelle biotechnologie. Il l'a dit lors de la réunion du 16 mai dernier du comité permanent.
Les gouvernements provinciaux ont aussi fait savoir qu'ils privilégiaient le cadre réglementaire en vigueur. Par conséquent, le gouvernement fédéral devrait tabler sur l'expertise actuelle et croissante des ministères opérationnels pour analyser toutes les dimensions législatives et réglementaires d'un produit. Les règlements pris en vertu de la LCPE ne devraient pas faire double emploi avec ceux déjà pris en vertu d'autres lois fédérales.
Laissez-moi vous dire sans ambages que nous nous faisons un souci énorme pour la sécurité des Canadiens et de notre environnement. L'ACIB prend l'initiative pour s'assurer que l'industrie de la biotechnologie agit de façon responsable en adoptant des pratiques saines et en réglant les problèmes. C'est pourquoi nous avons récemment formé un comité de déontologie à l'ACIB. Nous avons suivi l'excellent exemple du Conseil du Trésor et de ses codes volontaires.
En terminant, je veux vous dire un mot sur la question plus générale du développement durable et de la nouvelle technologie. La population mondiale se chiffre actuellement à près de 5,7 milliards d'individus dont 25 p. 100 vivent dans la misère noire. Dans 30 ans, il devrait y avoir de 10 à12 milliards d'êtres humains sur la terre et c'est dans les régions les plus pauvres que la croissance démographique sera la plus forte.
Le développement durable devrait nous aider à faire face à cette croissance pharamineuse de la population et à la perspective de la dégradation de l'environnement planétaire si l'on continuait à employer la technologie ancienne.
Certains écologistes préconisent le retour aux technologies traditionnelles, celles qui étaient utilisées à l'époque où il n'y avait que 2 milliards de personnes dans le monde. Personnellement, je soutiens que c'est une méthode élitiste à la portée seulement des peuples mieux nantis des pays industrialisés qui ont les moyens de construire de grands murs et des systèmes de survie. Le développement durable exigera de nouvelles technologies, dont la biotechnologie, pour atténuer les effets environnementaux tout en améliorant progressivement la santé humaine.
En résumé, nous croyons que le cadre fédéral actuel commande une réglementation sévère, bien définie, prévisible, efficace et sûre pour les produits biotechnologiques. Les produits devraient continuer à être réglementés en vertu de diverses lois par les ministères opérationnels.
La réglementation actuelle a été élaborée d'une manière transparente et avec force consultation pour être équitable envers tous les citoyens et donner l'exemple au monde entier.
Nous serons heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie.
Le président: Merci. Nous allons entreprendre avec joie le premier tour.
[Français]
Est-ce que vous voulez commencer, madame Guay?
Mme Guay (Laurentides): Bonjour, messieurs.
J'aimerais avoir un renseignement concernant une question sur laquelle vous n'avez pas beaucoup élaboré. J'aimerais savoir comment le Canada se situe face aux autres pays en ce qui concerne le développement, en particulier le développement de la biotechnologie et ses applications. Sommes-nous compétitifs? Sommes-nous en avance? J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus.
[Traduction]
M. Walter: Je veux d'abord vérifier si vous incluez tant les pays en développement que les pays industrialisés dans votre question ou si vous songez plus particulièrement aux pays en développement?
[Français]
Mme Guay: Je parle des pays développés, des États-Unis entre autres.
[Traduction]
M. Walter: Je vais tenter le premier de vous répondre. Le Canada est certainement l'une des figures de proue en biotechnologie dans le monde. Bien entendu, les États-Unis ont une avance sensible dans certains domaines comme la santé, l'agriculture, l'environnement et quelques autres encore, mais le Canada possède une expertise réputée dans le monde entier. Certaines de ses sociétés sont compétitives sur le plan international, grâce tant à leurs technologies qu'à leurs produits. Nous avons certainement l'expertise nécessaire pour prendre certains des meilleurs règlements au monde.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, le monde entier a le sentiment que le Canada est un chef de file dans l'élaboration de règlements cohérents en biotechnologie. Des pays du monde entier nous prennent pour modèle, notamment le Japon, les pays de l'OCDE et, bien souvent, même des dirigeants américains quand ils doivent trouver un mécanisme de surveillance réglementaire acceptable.
[Français]
Mme Guay: J'ai vu, dans un de vos documents, que notre réglementation, au Canada, était trop coûteuse et pas assez compétitive sur la scène internationale. J'aimerais savoir où vous voyez des problèmes dans la LCPE.
[Traduction]
M. Walter: Je ne peux pas vraiment répondre à cette question précise. Vous me demandez dans quels domaines nous pourrions avoir des problèmes de compétitivité sur le plan international, n'est-ce pas? Excusez-moi, le greffier me parlait pendant que vous posiez votre question.
[Français]
Mme Guay: Dans un de vos documents, vous dites que la réglementation au Canada, dans la LCPE, est trop coûteuse et non compétitive sur la scène internationale. Je ne parle d'aucun domaine spécifique, puisque vous n'en avez pas indiqué vous-même. Je pense que cela concerne tous les ministères. Vous dites, par exemple, que le coût pour l'approbation d'un produit agroalimentaire peut être beaucoup plus élevé que dans le cas d'un produit conventionnel. La différence peut même s'élever à 400 000 $. J'aimerais savoir où est le problème.
[Traduction]
M. Walter: Je ne peux pas vraiment répondre à cette question précise.
Voulez-vous dire un mot là-dessus? Ça vient de transparents produits pour un exposé du CCNB, si je ne m'abuse.
Mme Margaret C. Gadsby (directrice, Affaires scientifiques et réglementaires, AgrEvo Canada Inc.): Évidemment, la réponse à votre question varie un peu selon le produit biotechnologique, parce que tous les produits n'exigent pas les mêmes données, bien entendu. En général, si l'on se compare aux États-Unis par exemple, la réglementation actuelle au Canada nous oblige à obtenir un plus grand nombre de données.
Cela signifie qu'au Canada, il faut investir dans la recherche des sommes plus élevées que ce qu'exige la mise en marché aux États-Unis. De même, le processus d'homologation est plus long au Canada qu'aux États-Unis.
Toutes ces choses - l'investissement supplémentaire et le délai de mise en production plus long - constituent des obstacles pour l'industrie, même si les détails sont quelque peu différents selon les cas. Mais en général, c'est ça qui nuit à notre compétitivité.
[Français]
Mme Guay: Comment se fait-il qu'il nous faille plus de temps au Canada? Est-ce dû au fonctionnement, à la lenteur du système? De quelle façon pourrait-on améliorer la situation pour conserver notre compétitivité tout en continuant à protéger l'environnement et la santé des citoyens?
[Traduction]
M. Strachan: À mon avis, pour y parvenir, il faudrait, dans le cadre du système des frais d'utilisation actuellement en place, augmenter le nombre de fonctionnaires affectés à l'étude des demandes, parfaire leurs connaissances ou accroître leur expérience et s'assurer que les communications sont très efficaces entre les divers ministères qui sont chargés chacun de certains produits. Ce serait une façon d'accélérer le processus. Au bout du compte, le système coûterait moins cher dans l'ensemble.
[Français]
Mme Guay: Est-ce que cela veut dire que nous sommes en ce moment dans une situation où les chevauchements entre les différents ministères créent une lenteur dans les processus et qu'il faudrait corriger la situation?
[Traduction]
M. Strachan: Personnellement, j'ai constaté que l'on ne s'est pas assez préoccupé d'avoir un personnel suffisant, possédant les compétences requises. C'est un problème bien plus grave que les chevauchements.
[Français]
Mme Guay: Tout à fait.
Le président: Merci, madame Guay.
[Traduction]
Monsieur Forseth.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci beaucoup, monsieur le président.
Dans les exposés que nous avons entendus aujourd'hui, il était question de la LCPE et du filet de sécurité proposé dans le rapport du comité. On parle du concept du filet de sécurité à propos duquel on consultera le public et les principaux intéressés. Cela comprend le processus d'information et d'évaluation destiné à déterminer si un produit biotechnologique peut avoir un effet nocif immédiat ou à long terme sur l'environnement, y compris une incidence sur la biodiversité, ou s'il peut représenter un danger pour l'environnement dont dépend la vie humaine, ou encore s'il peut constituer un danger pour la vie ou la santé humaine au Canada. Ces produits peuvent aussi servir à la biorestauration de l'environnement, par exemple pour nettoyer les déversements, etc.
On a fait allusion au fait que vous aviez un code de déontologie. Vous avez un comité de déontologie et vous avez le sens des responsabilités. En un sens, je me demande ce qu'il faut craindre. Est-ce que le régime actuel marche bien? Vous laissez entendre que les recommandations concernant le filet de sécurité et l'application de la LCPE ne doivent pas être mises en oeuvre. À votre avis, elles ne sont pas judicieuses. Je vous pose donc la question sans détours: qu'est-ce que vous voulez au juste? Vous préférez qu'il n'y ait aucun contrôle? Vous préférez l'autoréglementation? Quel est l'essentiel de la solution de rechange que vous proposez? Ce n'est sûrement pas une simple question d'argent.
Je voudrais entendre des commentaires généraux de plusieurs d'entre vous. Quelle est votre motivation réelle: la santé ou l'argent?
M. Wearing: Permettez-moi de répondre. Tout d'abord, ce qui nous préoccupe le plus, c'est le chevauchement entre les ministères. Je trouve d'ailleurs que le gouvernement devrait s'en soucier autant que l'industrie. Depuis au moins 10 ans, un ministère opérationnel est responsable de ses produits et Environnement Canada travaille en coopération avec lui pour être certain qu'il tient compte des questions intéressant l'environnement et la sécurité publique. Il y a donc un ministère directeur travaillant de concert avec d'autres, par la coopération interministérielle et autrement. On constate d'ailleurs que certaines modifications des règlements permettent à ce ministère opérationnel de s'en occuper ainsi.
Ce qui nous inquiète, c'est la publication d'une série de règlements, qu'on appelle filet de sécurité ou modèle, alors qu'en fait, les ministères opérationnels s'occupent déjà de l'affaire en coopération avec Environnement Canada. De plus, une nouvelle série de règlements sera publiée dans la Gazette exactement sur le même sujet. Du point de vue du public, de l'industrie et du gouvernement, cela signifie qu'il y a alors un chevauchement entre les deux ministères au lieu d'un effort de coopération orchestré par le ministère opérationnel, que ce soit celui de l'environnement, de l'agriculture ou de la santé.
Nous sommes donc absolument préoccupés par la sécurité. Ce qui ne nous plaît pas, c'est la façon de faire. Devrait-on conserver le processus perfectionné au cours des dix dernières années ou publier dans la Gazette quelque chose qu'on appelle un filet de sécurité et qui entraînera un chevauchement des responsabilités environnementales et réglementaires?
M. Forseth: Pouvez-vous me donner un exemple? Quand vous parlez de ministères opérationnels, quels sont les plus courants?
M. Wearing: Plusieurs lois visent différents produits. Par exemple, les produits pharmaceutiques pour les êtres humains et les animaux relèvent de Santé Canada qui collabore avec les autres ministères pour s'assurer que, une fois l'évaluation terminée, les autres seront convaincus qu'elle a été faite intégralement et qu'on a vu aux intérêts de tous les ministères. Mais en fait, il y a un modèle de coopération opérationnelle au lieu du partage des responsabilités, ce qui provoque des problèmes de chevauchement ou de champs de compétence.
M. Forseth: Vous avez parlé d'un filet de sécurité qui pourrait se transformer en toile d'araignée. Si l'on suit l'analogie, la toile d'araignée prend au piège une victime inconsciente du danger et l'emmêle pour l'anéantir. La structure est plus ou moins la même, au sens où il y a de multiples points d'ancrage et qu'en tirant sur un seul, on ébranle toute la structure. C'est souvent ce qui arrive avec la réglementation actuelle et dans le monde dans lequel nous vivons.
Il se pourrait que nous ayons besoin d'une sorte de règlement de dérogation pour mettre de l'ordre dans ce dédale où nous nous trouvons, sinon plein de choses nous échapperont et ce seront les profits plutôt que la santé et l'intérêt du grand public qui en bénéficieront.
Je voudrais en savoir un peu plus sur votre crainte en général que le filet de sécurité se transforme en toile d'araignée.
M. Wearing: Vous avez très bien expliqué l'analogie et c'est exactement ce que nous craignons. D'ailleurs, je crois que la façon dont vous l'avez exprimé montre que ça devrait vraiment être une préoccupation du gouvernement. La manière dont nous sommes réglementés depuis dix ans a abouti à l'approbation de l'érythropoïétine du côté biopharmaceutique, ce qui a permis à plusieurs compagnies de mettre au point le canola.
Prenons comme exemple les graines oléagineuses... Excusez-moi, Margaret. Je vous ai dit que Margaret s'occuperait de ce qui concerne les plantes, mais je suis incapable de résister.
La principale graine oléagineuse dans le monde, c'est la fève soja. Vient ensuite le canola, la graine dont la croissance est la plus rapide. Donc, le canola est la graine oléagineuse du Canada. Parce que Agriculture et Agroalimentaire Canada ont pu travailler avec un avantage concurrentiel international... Il y a des développements dans la transformation des graines oléagineuses au Canada en même temps que dans celle de la fève soja. Voilà un bon exemple d'une réglementation efficace.
Ce que nous nous demandons, c'est s'il est nécessaire de modifier le système, comme l'ont mentionné les deux intervenants qui m'ont précédé, ou s'il est préférable de consolider le système actuel.
Le président: M. Walter veut répondre.
M. Walter: Une simple mise au point. Je veux signaler que tout le monde de la biotechnologie ou presque appuie de manière générale l'idée que les ministères opérationnels actuels, dont Agriculture, Santé Canada, Ressources naturelles Canada et Environnement Canada, réglementent les produits qui sont déjà soumis à leurs lois. Cela comprend la LCPE.
Donc, la LCPE reste le filet de sécurité général pour repêcher les produits qui échappent à toute réglementation par ailleurs ou qui ne relèvent d'aucun ministère opérationnel. Je crois que l'idée n'est pas de faire disparaître le filet de sécurité de la LCPE, mais de se servir de la Loi uniquement de cette façon, au lieu de tenter de viser tous les produits déjà soumis à d'autres lois et ministères.
Mme Gadsby: L'un des aspects importants dont il faut se souvenir dans la coopération interministérielle, dans la collaboration, dans l'attribution de la responsabilité de différents produits biotechnologiques aux divers ministères opérationnels qui doivent les réglementer d'une manière comparable à celle employée pour les produits traditionnels, c'est que nous tenons à ce que le pouvoir et la responsabilité soient conférés au même ministère.
Ces ministères opérationnels sont chargés de surveiller ces produits en ce moment et nous voulons être certains qu'ils disposent du pouvoir nécessaire. Si la LCPE est un filet de sécurité devant servir à repêcher tout ce qui tombe en dehors du champ d'application des autres lois, c'est très bien, mais nous voulons nous assurer que le filet ne s'emmêlera pas et ne sera pas en conflit avec le pouvoir de ces ministères.
M. Forseth: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Forseth.
C'est maintenant au tour de M. Lincoln, suivi de M. Adams et de M. Knutson.
Monsieur Lincoln, je vous prie.
M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Je veux juste faire une brève remarque.
Monsieur Walter, j'ai constaté qu'au sujet des préoccupations de la population, vous avez mentionné la valeur nutritive, le prix et la qualité. Si je pense aux gens que je connais, le plus important, pour eux, c'est la santé et l'environnement.
Parfois je crois que les Canadiens aiment bien aussi se hâter lentement. Je pense à la BST; alors que les États-Unis ont foncé, nous avons pris tout notre temps. À mon avis, la grande majorité des Canadiens préfère que nous prenions le temps de faire les vérifications nécessaires. En tout cas, c'est mon impression à moi et c'est aussi celle de bien des membres de notre caucus.
Monsieur Strachan et monsieur Wearing, si je vous ai bien compris, vous semblez croire que le régime actuel de la LCPE qui laisse aux ministères opérationnels le soin de réglementer devrait rester tel quel parce qu'il est bien comme ça. Ne croyez-vous pas que la LCPE actuelle dont la disposition habilitante se lit ainsi:
- ne s'appliquent pas
- les ministères opérationnels -
qui prévoit un préavis de fabrication, d'importation ou de vente et une évaluation en vue de déterminer si elle est toxique;
Autrement dit, tous les produits biotechnologiques sont visés. La disposition commande que d'autres ministères soient responsables tant qu'il y a préavis de fabrication, d'importation ou de vente et une évaluation en vue de déterminer si les produits sont toxiques.
Êtes-vous d'accord?
M. Strachan: Les divers ministères opérationnels, par exemple, pour un produit biopharmaceutique... Ma compagnie est en train de mettre au point un produit appelé parathormone recombinante pour le traitement de l'ostéoporose. C'est tout nouveau pour traiter cette maladie. Le produit lui-même a été découvert au Canada, à l'Université de l'Alberta, il y a environ trente ans. La Direction générale de la protection de la santé a un processus d'examen très rigoureux et intensif au Bureau des produits biologiques qui fait des investigations sur tous les aspects de la production, la manière dont le produit est fabriqué, les normes de fabrication et les normes du produit fini. Le produit doit être conforme à toute une série de spécifications établies très strictement qui tiennent compte non seulement de son efficacité mais aussi de son innocuité.
M. Lincoln: Bien. Je veux en venir au fait que la LCPE actuelle prévoit son inapplicabilité s'il y a eu préavis de fabrication et s'il existe une bonne évaluation au ministère opérationnel pour déterminer que le produit n'est pas toxique. Si ces conditions ne sont pas réunies, la LCPE s'applique.
Alors quelle est la différence, selon vous, entre la disposition en vigueur, que je vous ai lue, et la recommandation 68? Laissez de côté la recommandation 69; la 68 dit presque la même chose, sauf qu'elle définit les choses un peu plus clairement. Elle dit qu'il doit y avoir un avis préalable, une évaluation et des normes minimales, et que si les ministères opérationnels respectent ces conditions, ils ont carte blanche.
M. Wearing: Vous voulez parler du paragraphe 26(3)...
M. Lincoln: En effet.
M. Wearing: ... de la LCPE actuelle, qui est très important et tout à fait fondamental dans cette affaire. Depuis dix ans, ce sont les ministères opérationnels qui se sont occupé des problèmes de toxicité et qui ont apporté des modifications à certains des règlements pour s'assurer que tout est conforme aux normes de la LCPE et d'Environnement Canada. C'est donc un ministère opérationnel qui veille à évaluer ce qui doit l'être en vertu du paragraphe 26(3). Ce qui nous inquiète nous, c'est que ces ministères opérationnels ne puissent plus s'en occuper et que ce soit Environnement Canada qui en assume la responsabilité au lieu de leur laisser le soin d'apporter les modifications nécessaires.
Donc, le paragraphe 26(3) a une importance capitale et il faut savoir maintenant comment il sera appliqué. Nous croyons que la méthode utilisée - travailler en collaboration avec un ministère opérationnel - est préférable au fait de décider que ce ministère est incapable de s'en occuper comme il faut, et de confier à un autre cette partie de l'homologation des produits.
M. Lincoln: Je dois avouer, monsieur Wearing, que c'est une question d'interprétation. Moi, je l'interprète différemment. À mon avis, on y lit plutôt ce qui suit:
- D'autres lois fédérales l'emporteront sur la LCPE, relativement à l'évaluation
environnementale des produits, uniquement si le préavis, l'évaluation et les normes
réglementaires sont au moins l'équivalent de celles énoncées sous le régime de la LCPE.
- Le cas échéant, les ministères opérationnels ont carte blanche.
M. Wearing: C'est bien ce que nous avions espéré et il n'y a eu aucun problème jusqu'en décembre 1994, lorsque Environnement Canada nous a présenté son plan-type qui faisait quatre pages. Nous avons compris que ce ne serait pas présenté par Agriculture Canada en coopération avec Environnement Canada, mais que ce serait un modèle à part, publié dans la Gazette. C'est ce qui nous a fait penser que l'on se proposait de modifier le pouvoir de réglementation opérationnel...
M. Lincoln: Votre opinion - et je trouve que c'est critique - ne repose pas sur le libellé de la disposition actuelle comparé à celui du projet de disposition, mais sur le modèle qu'Environnement Canada vous a présenté à part. Ce n'est donc pas vraiment la recommandation 68 qui fait problème.
M. Wearing: Puis-je répondre par une question? Pourquoi vous êtes-vous sentis obligés de proposer les articles 68 et 69 si le système actuel marche bien? Si les ministères opérationnels s'occupent de ces problèmes, alors pourquoi insister sur le fait que c'est la principale recommandation du rapport du comité permanent?
M. Lincoln: Laissez-moi préciser une chose. L'un des ministères opérationnels a pris un règlement dans lequel il a omis une disposition clé sur l'environnement et la santé, un passage de la LCPE qui doit figurer dans la réglementation de ce ministère. Nous avons peut-être voulu nous assurer que, dans un monde où la biotechnologie prend une importance capitale à l'échelon national et où à maintes reprises, dans divers pays, en Australie et ailleurs, certaines choses ont échappé au filet de sécurité, des normes minimales seraient établies très clairement afin que, outre ces normes minimales ou leur équivalent, les ministères opérationnels aient toute latitude.
À un moment donné, il doit y avoir quelque part, dans une loi qui vise à la fois la santé et l'environnement, la seule que nous ayons... Il faut établir des normes minimales. J'ai trouvé que l'article 68 était tout à fait logique à cet égard.
M. Wearing: Voilà où nos opinions divergent, car nous, nous sommes convaincus que les ministères opérationnels, dont Environnement Canada dans son champ de compétence, font un bon travail. C'est pourquoi nous réfutons la nécessité d'affirmer de cette manière que ce n'est pas le cas et qu'il faut en conséquence une garantie législative.
M. Lincoln: Si je comprends bien, vous préférez que la LCPE demeure telle quelle au lieu de la recommandation modifiée qui a été présentée, celle sur le filet de sécurité.
M. Wearing: Nous recommandons que le paragraphe 26(3) reste tel quel et que les ministères opérationnels s'occupent du problème de la toxicité, de la protection de l'environnement et de la santé humaine en fonction des normes de base qu'Environnement Canada jugera bon d'établir; autrement dit que cela continue à relever du ministère opérationnel, que ce soit Agriculture, Santé, Environnement, ou un...
M. Lincoln: Vous privilégiez le statu quo.
M. Wearing: Non, nous sommes pour que chacun des ministères opérationnels s'occupe de la question, en vertu du paragraphe 26(3), à la satisfaction de vous-même, d'Environnement Canada...
M. Lincoln: Oui, mais je dis que le paragraphe 26(3) reste tel quel. C'est ce que vous voulez dans la loi.
M. Wearing: C'est exact.
Le président: Le comité devrait peut-être vous demander de lui remettre ce modèle de quatre pages dont vous avez parlé pour que nous puissions avoir une idée de la façon dont Environnement Canada a interprété la recommandation 68.
Monsieur Adams.
M. Adams (Peterborough): Madame Gadsby, messieurs, cette discussion a été particulièrement fructueuse. Je désire faire quelques commentaires.
Je ne veux pas poser de question, parce que si vous répondez à une question, le président ne me permettra pas d'aborder un autre sujet.
Je trouve que la réaction des ministères opérationnels - par exemple la réponse du gouvernement à la LCPE, etc. - dénote de la paranoïa, non pas une crainte justifiée. Si vous vous donnez la peine de lire la réponse du gouvernement, vous verrez que son intention est d'utiliser la LCPE comme «filet de sécurité» dans les domaines qui ne sont pas encore régis par d'autres lois fédérales. À moins d'être démesurément craintif, il faut en déduire que les ministères opérationnels conservent la maîtrise de la situation et que le filet de sécurité sert à repêcher tout ce qui n'est pas soumis à une loi.
De toute façon, c'est une simple observation.
Je voudrais plutôt discuter de la question de la réglementation des procédés biotechnologiques. Certains d'entre vous nous ont affirmé qu'il fallait se concentrer sur les produits, que la réglementation devait viser les produits. Je voudrais que nous en discutions.
Par exemple, dans la production du boeuf qui, je suppose, serait un produit biotechnologique au sens large, on contrôlerait non seulement le boeuf, mais aussi les parcs d'engraissement. C'est un exemple. Et dans ce domaine de la biotechnologie où l'on utilise toutes sortes de procédés - en passant, des procédés avec des organismes vivants. Pourquoi mettre l'accent sur la non-réglementation des procédés?
M. David J. Gannon (directeur, Sheridan Park Environmental Laboratory, Zeneca Corp., Association canadienne de l'industrie de la biotechnologie): Nous ne voulons absolument pas mettre l'accent sur la non-réglementation des procédés. Les procédés sont régis par un certain nombre de lois provinciales et de règlements municipaux. Nous disons simplement que la LCPE... Nous trouvons que les produits sont importants, qu'il faudrait les examiner eux au lieu de la façon dont ils sont fabriqués. Il est possible d'obtenir un même produit selon trois procédés différents. Quand on évalue le produit et qu'il est vraiment identique, le procédé utilisé pour le faire n'est pas pertinent dans l'évaluation. Toutefois, le procédé même est et devrait être soumis à des contrôles relativement à la santé et à la sécurité au travail. On le fait d'ailleurs dans toutes les usines de fermentation ou de production biotechnologique.
M. Adams: Mais les produits changent si rapidement. Je présume qu'on peut en dire autant pour les procédés. Pouvez-vous nous donner des exemples, en dehors de la LCPE, de la façon dont ces procédés - et je présume qu'ils sont nouveaux - sont réglementés afin que la santé et l'environnement soient protégés?
M. Walter: Cette notion du produit par opposition au procédé revient encore et toujours. Le problème quand il faut porter un jugement sur un procédé, c'est que pour examiner le danger inhérent à un produit donné, on peut se pencher sur le procédé et englober tant les produits traditionnels que les produits biotechnologiques, mais si l'on s'en tient exclusivement au procédé, on n'analyse pas nécessairement le risque intrinsèque. Cela devient l'un des critères.
Mais il faudrait reconnaître que la réglementation actuelle tient déjà compte de deux éléments fondamentaux. Le premier, c'est la familiarité, le second, l'équivalence substantielle. Dès que les responsables de la réglementation connaissent mal un produit, que ce soit à cause de sa composition, du procédé employé ou de certains autres critères, un contrôle réglementaire est enclenché. Donc, l'étude de l'innocuité est déjà entreprise quand le produit est inconnu.
Donc, en fait, le procédé est déjà visé. Le procédé est même un élément déclencheur. La différence, c'est que ce n'est pas l'élément principal. Le principal déclencheur, c'est le danger intrinsèque du produit.
M. Adams: Si le produit, comme ça semble être souvent le cas, est vivant, est-il possible de distinguer le procédé du produit? Prenons la bière, par exemple.
Mme Gadsby: Bien souvent, vous avez parfaitement raison, le procédé est analysé pour arriver à apprécier le danger intrinsèque du produit. Mais nous aimerions que l'on continue d'être tenu d'examiner le produit d'abord et ensuite le procédé qui a créé le produit. Il faut savoir si le procédé est fiable, quelle est la qualité du produit, s'il est toujours sûr. Il est certain qu'il faut analyser une partie du procédé quand on étudie un produit. Ce que nous souhaitons, c'est que l'élément déclencheur de l'analyse, ce soit le produit non pas le procédé.
Si nous divisons un système en décidant que le procédé A doit être réglementé, que le procédé B doit aussi être réglementé et que le procédé C n'a pas besoin de l'être, qu'arrivera-t-il deux semaines plus tard quand on aura créé les procédés E à J? On ne saura pas s'il est nécessaire ou non de les réglementer.
Nous croyons que les produits qui se retrouveront dans l'environnement et ceux destinés à la consommation humaine doivent être réglementés. Reste à savoir comment s'y prendre pour le faire. Nous soutenons qu'en ce moment, cela dépend de la familiarité du produit. Quand on se rend compte qu'on ne connaît pas un produit, il faut vérifier sa qualité, sa régularité, sa fiabilité, son innocuité. On va refaire le procédé à l'envers et s'interroger à son sujet. C'est ce que fait le système actuel, mais ce n'est pas le procédé même qui sert d'élément déclencheur.
M. Adams: Je signale en passant que nous avons déjà eu ce genre de discussion. Pouvez-vous nous rassurer en nous citant quelques exemples canadiens ou étrangers de réglementation des procédés, si je puis m'exprimer ainsi? Je comprends ce que l'on veut dire, mais les gens sont préoccupés par tous ces procédés bizarres. Ce n'est pas la responsabilité de la LCPE ou que sais-je encore. Pourriez-vous toutefois nous citer quelques exemples, et plus particulièrement de cas où un ce procédé C, E ou F vient s'ajouter?
Mme Gadsby: Je peux vous citer facilement un exemple et c'est ainsi qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada a décidé de réglementer ce qu'il appelle les plantes comportant de nouveaux caractères. Le ministère a adopté une attitude prudente basée sur un modèle de l'OCDE et il a décidé que ce n'est pas la façon dont on obtient une nouvelle espèce végétale qui est importante mais plutôt le fait d'obtenir une nouvelle plante. Il faut vérifier et décider si cela risque de perturber l'environnement d'une façon ou d'une autre, si cela risque de perturber l'agriculture et si cela ne comportera pas certains risques pour les consommateurs. Agriculture et Agroalimentaire Canada a décidé qu'il ne fallait pas se baser sur un procédé.
Par exemple, les plantes dotées d'une certaine tolérance aux herbicides tombent dans cette catégorie, qu'elles aient été obtenues par mutagénèse, par la méthode biotechnologique ou par croisements éloignés. Au Canada, la réglementation couvre un plus grand nombre de produits qu'à l'étranger. Ce genre de produit n'est réglementé nulle part ailleurs dans le monde. C'est le genre de produit qui a suscité beaucoup d'intérêt aux États-Unis, parce que les Américains savent qu'il échapperait à un contrôle axé sur le procédé. Ils estiment rétrospectivement que ce n'est pas nécessairement sage, que le système canadien suit une recommandation de l'OCDE mais que le Canada est le seul pays à l'avoir fait. En tout cas, on ne peut pas dire que l'on ne prend pas beaucoup de précautions.
M. Adams: Ainsi vous choisissez les plantes comme exemple. Mon but est de rassurer les gens. Les préoccupations qu'ils ont ne concernent pas des plantes la plupart du temps. Disons que vous créez une nouvelle bactérie. Je ne sais pas comment cela marche, mais vous passez par diverses étapes. C'est le genre de question qui préoccupe les gens. C'est donc le même scénario dans ce cas-là. Le produit peut échapper au contrôle ou non. Pouvez-vous nous citer quelques exemples qui indiquent comment on procède? C'est pour rassurer les gens. Ce n'est pas une question piège.
M. Gannon: Cela dépend un peu du genre de produit. Dans le cas d'une bactérie utilisée dans la production de produits pharmaceutiques, il y aurait certainement une validation complète du procédé, à chaque étape. À mesure que l'on avance, il faudrait fournir des renseignements complets et détaillés...
M. Adams: Ce règlement... Disons que vous travaillez avec ces bactéries; il existe par conséquent des règlements...
M. Gannon: Oui et il faut mesurer les effets de cet organisme sur les travailleurs en cas d'évasion de l'organisme en question, par exemple. Il y a tout un processus à suivre à mesure que l'on franchit les étapes et que l'on arrive à celle de la production. En grande partie, cela ne relève pas de la LCPE, mais surtout des lois provinciales, comme celle sur la santé et la sécurité.
M. Walter: Vous trouverez en outre, en annexe de mon exposé, un document donnant quelques renseignements généraux sur un certain projet de validation d'un essai fait en microcosme. C'était la première fois que l'on introduisait dans l'environnement, à plusieurs endroits, une bactérie obtenue par voie de mutation ou par les techniques de génie génétique. Ce projet est en cours.
Nous avons indiqué dans cette liste tous les organismes de réglementation avec lesquels nous avons discuté du projet. Nous nous sommes adressés à une vingtaine d'organisations canadiennes pour essayer de déterminer si cette expérience était acceptable. Elle porte sur un micro-organisme mis au point par génie génétique.
Le président: Je suis sûr que tous mes collègues connaissent très bien le Pseudomonas aureofaciens.
Monsieur Knutson, s'il vous plaît.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Je vais poursuivre dans la même veine que M. Lincoln, pour obtenir plus de précisions.
D'abord, je n'ai aucune objection contre l'idée de vouloir éviter le dédoublement ou le chevauchement. Nous voulons que le régime de réglementation soit prévisible, juste, raisonnable et équilibré. Nous voulons nous montrer raisonnables lorsqu'il s'agit de permettre la mise en marché de ces nouveaux produits pour que ceux qui prennent les risques puissent recevoir la récompense qu'ils méritent.
De grosses sommes d'argent et beaucoup d'emplois sont en jeu, si je comprends bien. Notre niveau de vie au cours du siècle prochain dépendra dans une certaine mesure des travaux des scientifiques et de la collaboration des autorités, et je suis entièrement d'accord avec vous.
En toute sincérité je ne comprends pas cependant. L'essence du message que j'ai entendu dans l'exposé initial est que le chevauchement et le dédoublement vous préoccupent. Vous semblez être préoccupé par ce qui a été dit dans le rapport du comité et dans la réponse du gouvernement.
Voici ce que dit notamment le paragraphe 7.4 de la réponse du gouvernement, à la page 58:
- si, par contre, il existe de la législation et si le gouverneur en conseil a pris, à la recommandation
du ministre responsable de ladite loi, des règlements exigeant la déclaration de l'information
sur un produit quelconque de la biotechnologie et son évaluation, visant à protéger la santé et
l'environnement,
- - comme le ministre de l'Agriculture ou le ministre de la Santé, même si on ne le précise pas -
- la LCPE n'aura pas de rôle réglementaire.
M. Wearing: Avec ce que vous avez ajouté, c'est exactement ce que nous essayons de proposer. Vous avez mentionné le bon ministre.
M. Knutson: Non, la réponse dit: «à la recommandation du ministre responsable de ladite loi». Je n'ai pas ajouté cette partie. J'ai ajouté «comme Ralph Goodale».
Une voix: J'aime ce que vous avez dit avant.
M. Wearing: C'est exactement ce que nous proposons, à savoir que plusieurs ministères opérationnels assument la responsabilité de la sécurité de l'environnement et de la santé humaine.
M. Knutson: Vous êtes donc entièrement satisfait de la réponse du gouvernement indiquée au paragraphe 7.4? Je n'essaie pas de vous jouer un tour.
Mme Gadsby: Ce qui se passe, c'est que nous, les représentants de l'industrie, ne savons plus très bien où nous en sommes, parce que nous participons à un processus de consultation depuis des années littéralement. Nous avons incité les ministères opérationnels à établir rapidement des règlements efficaces et à prendre des décisions commerciales. Maintenant, nous ne savons plus en quoi consistera au juste l'intervention d'Environnement Canada.
Il paraît que l'on exigera d'autres documents. C'est la rumeur qui court où nous travaillons. Il paraît que ce serait prévu dans la nouvelle loi, si l'encre est sèche, mais on ne sait pas très bien si elle est toujours en révision, si le ministère opérationnel la remanie. Y a-t-il un domaine où Environnement Canada interviendra?
C'est que toutes ces ambiguïtés sèment la confusion dans notre esprit. Ce qui est écrit là est une chose, mais ce n'est pas nécessairement ce qui se passe dans la réalité.
M. Knutson: Je dois dire que je ne suis pas au courant des rumeurs qui circulent dans les coulisses, mais une loi est une loi une fois qu'elle est proclamée en vigueur, une fois que les règlements ont été adoptés et qu'il existe un processus. Je n'ai jamais entendu personne... Cela ne veut pas dire que cela n'existe pas, mais je ne vois pas pourquoi on irait penser qu'une loi s'applique lorsqu'elle est encore sous la forme d'ébauche.
Le Parlement du Canada a un rôle à jouer dans ce domaine et je me plais à croire que l'on suit les règlements une fois qu'ils ont été adoptés et qu'ils sont devenus publics.
Mais n'en parlons plus. On peut discuter toute la journée des rumeurs qui circulent. Je ne suis pas du genre à attacher de l'importance aux rumeurs; je veux juste savoir pour ma tranquillité d'esprit personnelle que le libellé des règlements est bon. Revenons cependant à des questions plus fondamentales.
M. Wearing: Nous acceptons le paragraphe que vous avez lu. Par contre, nous avons de la difficulté avec la question du «filet de sécurité» qui sous-entend que les ministres auxquels vous avez fait allusion ne répondent pas à nos préoccupations. Nous sommes parfaitement d'accord en ce qui concerne le paragraphe que vous avez lu, mais il est question plus loin de «filet de sécurité», ce qui sous-entend que le travail ne sera peut-être pas fait à fond.
M. Knutson: Revenons là-dessus quelques instants.
Récapitulons un peu. Donc, vous appuyez le régime de réglementation actuel. Vous dites qu'il fonctionne bien et que c'est un modèle pour les autres pays. Il comprend la LCPE sous son libellé actuel. On a dit que c'était un peu trop lourd par rapport au régime américain, mais ce que vous avez dit en gros, c'est que les règlements actuellement en place sont efficaces et qu'il y a d'excellents experts au ministère.
Étant donné que nous vivons dans un monde où tout évolue de plus en plus rapidement, n'est-il pas audacieux ou imprudent d'affirmer que des changements imprévus surviendront, que, malgré toute notre expérience, nous n'y serons pas préparés et qu'il faudra par conséquent adopter, par mesure de prudence et au nom de la sécurité publique, une norme minimale générale que l'on pourrait qualifier de «filet de sécurité»?
M. Strachan: Je crois que ces normes minimales existent déjà dans les lois concernant les produits, notamment celles qu'applique la DGPS. C'est certainement le cas en ce qui concerne les produits pharmaceutiques.
Je me demande bien ce qu'Environnement Canada pourrait y ajouter. Cela créerait un niveau supplémentaire.
M. Knutson: Non, ce que je veux dire, c'est qu'il est possible que quelque chose n'ait pas été prévu dans la loi ou dans la réglementation actuellement en vigueur.
M. Strachan: N'est-ce pas le véritable but du filet de sécurité?
M. Knutson: Oui. Par conséquent, vous êtes d'accord qu'il faudrait une norme minimale qui s'applique à tout ce qui n'a pas été prévu?
M. Strachan: Mais en ce qui concerne les produits pharmaceutiques, ces normes minimales devraient être et sont énoncées dans les lois pertinentes, qui sont administrées par la DGPS.
M. Knutson: C'est bien. Si les lois qui existent prévoient les nouveaux produits pharmaceutiques qui seront mis au point au cours du prochain millénaire, on n'aura pas besoin de la LCPE ou du filet de sécurité.
M. Gannon: Une nouvelle application qui n'avait pas été envisagée et qui n'est pas prévue dans les normes agricoles ou pharmaceutiques tomberait de toute façon automatiquement sous le coup de la LCPE. Ce serait la responsabilité d'Environnement Canada. Par conséquent, ce serait automatiquement couvert par la LCPE, si je ne me trompe?
M. Knutson: Vous êtes donc d'accord?
M. Gannon: Oui.
M. Knutson: Je ne considère pas l'existence d'un deuxième filet de sécurité permettant de rattraper ce qui n'avait pas été prévu et ce qui passe à travers les mailles du premier filet comme un chevauchement ou un dédoublement. On peut en discuter toute la journée, parce que vous réagissez à des rumeurs, comme de juste.
M. Wearing: Nous réagissons aux renseignements qui sont donnés par écrit. Quand ce sera inscrit dans la Gazette, nous saurons exactement ce qu'il en est, mais on nous a demandé de chercher sérieusement un document d'Environnement Canada concernant les plantes.
S'il s'était agi d'un document d'Agriculture Canada, préparé avec l'aide d'Environnement Canada, c'eût été bien, mais ce n'était malheureusement pas le cas. Il ne s'agit donc pas de rumeurs. J'espère que cela n'arrivera pas, mais cela nous préoccupe beaucoup.
M. Knutson: Oui. Sauf votre respect, je dirais que le choix du mot «rumeurs» n'était pas très heureux.
D'après ce qui est écrit, je ne vois pas le problème, mais il n'y a pas très longtemps que je fais partie du comité et j'ai beaucoup à apprendre.
Je répète une dernière fois que vous êtes en faveur du régime actuel et malgré sa rigueur, il est juste et raisonnable. Nous permettons aux gens de gagner l'argent et de recevoir les récompenses qu'ils méritent.
M. Strachan: Je dirais qu'il ne faudrait jamais accepter le statu quo. On devrait toujours essayer d'améliorer le système, mais à partir de ce que l'on a, de ses points forts.
J'ai déjà signalé que j'estime que nous n'avons pas accordé suffisamment d'attention à la formation des législateurs ou que nous ne nous sommes pas assurés qu'ils se tiennent au courant des progrès scientifiques, qu'ils communiquent avec leurs homologues d'autres pays ou d'autres provinces.
Il y a effectivement toujours moyen d'améliorer le système, mais j'estime qu'il est généralement prévisible et qu'il garantit des bénéfices.
M. Knutson: Et il est strict.
M. Strachan: Tu parles!
M. Gannon: J'ai un autre commentaire à faire, parce qu'aucun règlement concernant l'homologation des produits de la biotechnologie n'a encore été promulgué en vertu de la LCPE. Nous avons participé à des consultations à ce sujet et nous avons une idée de la nature de ces futurs règlements, mais tant qu'ils n'auront pas été publiés dans la Gazette, nous ne pourrons pas dire s'ils conviendront ou non. Nous espérons que oui, si nous avons participé aux consultations.
M. Strachan: Combien d'années cela prendra-t-il?
M. Gannon: Neuf ou dix ans, ou quelque chose comme cela. Cela prendra de toute façon beaucoup de temps.
Le président: Merci, monsieur Knutson. C'était très intéressant. De toute évidence, cette discussion indique qu'il faudrait dissiper la confusion qui entoure la notion de «filet de sécurité».
Je donne la parole à Mme Kraft Sloan, et ensuite à Mme Payne.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Merci. Dans vos exposés, vous avez parlé des inquiétudes que pourraient vous causer des régimes de réglementation qui diminueraient la compétitivité, par exemple. Nous savons tous que certains pays comme le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Union européenne s'en tirent très bien sur les plans du commerce mondial, de la concurrence et de l'enrichissement. Ils sont parmi les pays les plus riches du monde.
Le Japon n'accorde pas d'autorisation du tout en ce qui concerne les microorganismes mis au point par génie génétique. En Allemagne, il existe des règlements très stricts. Les règlements britanniques sont parmi les plus stricts qui existent et la directive de l'Union européenne en la matière exige davantage de renseignements que ne le ferait la LCPE. Par conséquent, je me demande bien où vous voyez un problème d'ordre commercial et concurrentiel.
Mme Gadsby: On peut probablement répondre en se plaçant à deux points de vue différents. Vous avez fait allusion aux microbiens et je laisserai à David le soin de vous en parler. Il existe bel et bien un problème de compétitivité, quel que soit le produit. C'est un gros problème en ce qui concerne les espèces végétales cultivées dérivées de la biotechnologie qui sont vendues au Canada ou qui sont exportées dans le monde entier.
Pour ce qui est de la compétitivité, je suppose que l'on peut envisager la question sous deux aspects. Comme contribuable, je peux dire que nous avons là quelque chose dont les Canadiens peuvent être fiers, parce que les autorisations réglementaires qui ont été accordées pour les premiers produits - c'est-à-dire les plantes de culture dérivées de la biotechnologie qui sont d'origine canadienne - font le tour du monde et elles sont ratifiées à l'étranger.
Lorsque le gouvernement britannique obtient les mêmes renseignements, il en arrive à la même conclusion sur le plan de la sécurité. Les États-Unis prennent la documentation canadienne et en arrivent aux mêmes conclusions également. Le gouvernement japonais a établi dernièrement des lignes directrices et des critères analogues. Par conséquent, je pense que l'on peut dire que les normes canadiennes qui ont été mises en place sont de qualité supérieure. Quand cela marche au Canada, cela marche dans le monde entier, ce qui est une très bonne chose.
Par contre, nous devons décider si les normes canadiennes sont en fait un peu plus strictes que nécessaire. Si l'on peut faire accepter ces produits dans tous ces autres pays sans devoir faire cinq études en plus de celles que l'on a faites pour le Canada, je crois que, comme l'a signalé Graham, il faut se demander continuellement si des normes aussi strictes se justifient encore, à mesure que l'on connaît mieux ces produits.
Nous tenions à les avoir à un moment où nous ne connaissions pas bien ces produits, mais avec le temps, ne faudrait-il pas se demander si tous ces renseignements sont réellement nécessaires? Cela coûte de l'argent et cela fait augmenter le prix, alors que ce n'est peut-être pas nécessaire.
M. Strachan: Je pourrais peut-être envisager la question sous un autre angle. Le Japon et l'Allemagne, par exemple, ne sont pas des pays qui occupent une place réellement importante dans la biotechnologie moderne. On a fait beaucoup d'analyses à ce sujet. L'Allemagne est peut-être un bon exemple de pays où sont en vigueur des lois et des règlements qui ont incité des sociétés pharmaceutiques comme Hoechst, Bayer et BASF à aller investir des milliards de dollars aux États-Unis.
Il y a un mois à peine, j'ai visité l'usine de BASF où l'on fabrique des protéines recombinantes, qui est située à Worcester, dans la banlieue immédiate de Boston, au Massachusetts. Cette usine emploie 2 300 personnes dans des installations magnifiques qui auraient normalement été construites en Allemagne mais à cause des lois et des règlements en vigueur en 1989 et 1990, la société n'avait pas le choix. Elle est allée s'établir aux États-Unis, avec tous les emplois que cela crée et l'effet multiplicateur qui s'ensuit.
Ce n'est là qu'un exemple. Je pourrais en citer d'autres pendant une cinquantaine de minutes.
Les Allemands se sont maintenant réveillés. Je crois qu'il est de notoriété publique que l'économie allemande n'est plus en très bonne santé, peut-être parce qu'elle n'avait pas accordé suffisamment d'attention aux technologies naissantes ou à la portée des effets négatifs qui sont responsables de cet exode.
Le Japon est un exemple analogue. On ne considère pas ce pays comme un intervenant important dans le domaine de la biotechnologie moderne. Les pays qui ont de l'importance dans ce domaine sont les États-Unis, qui sont le chef de file mondial, et le Canada, qui les suit de près. Quant au Royaume-Uni, c'est incontestablement un chef de file mondial dans le domaine pharmaceutique. Voilà donc une autre façon d'envisager les répercussions économiques.
Mme Kraft Sloan: Dans votre mémoire, à la page 8, à propos des espèces qui ont la propriété d'autoréplication, vous dites qu'elles ne persistent normalement pas dans l'environnement et qu'on ne les voit presque jamais proliférer sous forme de mauvaises herbes dans les zones non cultivées.
Dans un numéro récent du Scientific American, il y avait un article consacré aux études qui ont été entreprises au Danemark, où l'on est arrivé à faire un croisement entre une variété de colza canola mise au point par génie génétique avec une espèce voisine de la catégorie des mauvaises herbes, pour qu'elle résiste à un herbicide courant, le glyphosate, que vous connaissez probablement mieux que moi. On a constaté que ce caractère se transmettait aux générations futures. Par conséquent, il s'agit d'un cas prouvé de recherche qui semble contredire ce que vous dites là.
Mme Gadsby: Pas du tout. Je vais vous expliquer de quoi il s'agit.
Pour commencer, je signale qu'un des principaux aspects de l'évaluation environnementale des plantes qui possèdent des caractères nouveaux, que ces caractères soient le fruit de la biotechnologie ou non, c'est l'enherbement. On se demande si ces plantes ont la capacité de se propager plus facilement que leurs équivalents naturels. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte dans l'évaluation de l'enherbement. La pollinisation croisée en constitue un élément clé, mais il y en a d'autres. On fait également des études sur la capacité d'envahissement, sur la compétitivité, sur la dormance des semences et sur la possibilité d'exercer divers contrôles. On fait séparément toute une série d'études que l'on réunit ensuite pour tirer une conclusion sur l'envahissement. On ne peut pas examiner ces facteurs séparément. Il faut les regrouper tous dans ce contexte.
Ce dont il était question dans cet article du Scientific American, c'est d'un document au sujet duquel un article a également été publié dernièrement dans Nature Canada. C'est intéressant de voir la couverture que cette nouvelle a eue. La plupart des gens ne lisent pas ces revues et ce genre de nouvelle ne se répand généralement pas.
Dans cet article, il était question d'un type d'essai très connu et très courant. La première étude sur le sujet remonte à 1932, si je ne me trompe. C'est un fait scientifique bien documenté qu'une variété de colza canola peut donner par croisement un autre type de canola. C'est amplement prouvé. La seule raison pour laquelle on a publié la nouvelle dans cet article, c'est que l'on avait utilisé une méthode légèrement différente, qui n'avait encore jamais été employée, mais les conclusions étaient les mêmes. Elles entrent déjà en ligne de compte dans les évaluations environnementales canadiennes, avec tous les autres renseignements, ceux sur la capacité d'envahissement, sur la compétitivité et sur la dormance des semences.
Pour vous épargner de longues explications techniques sur la façon dont tous ces éléments s'imbriquent, la conclusion des fonctionnaires d'Agriculture et Agroalimentaire Canada est qu'en dernière analyse, on peut cultiver une variété de colza canola sans compromettre la possibilité d'en produire une deuxième. La variété de canola qui est considérée dans cet article comme une mauvaise herbe, est en réalité une culture commerciale au Canada. À notre avis, cela n'a donc rien à voir avec la biotechnologie. C'est la nature même du canola. Il s'est toujours comporté de cette manière.
Il existe un bon exemple qui nous aide à comprendre que ce n'est pas un problème insurmontable. Nous avons en effet la capacité de cultiver cette deuxième variété de canola, qui est une culture commerciale au Canada, dans des peuplements purs où il faut procéder d'une certaine façon et pas d'une autre. Il existe une façon de le faire.
En résumé, il ne s'agit pas d'une véritable nouvelle. Elle a fait les manchettes mais on en a tenu largement compte dans les évaluations environnementales qui ont été faites au Canada. Elle a été ratifiée et d'autres pays sont du même avis. Ce n'est pas un problème résultant de la biotechnologie. C'est la capacité d'éviter la prolifération des mauvaises herbes, même si c'est un véritable fait scientifique.
Le président: Une dernière question, s'il vous plaît.
Mme Kraft Sloan: Je me demande combien de scientifiques de l'Association canadienne de l'industrie de la biotechnologie étudient l'incidence des divers processus et produits biotechniques sur l'écosystème. Qui étudie la question dans un contexte écologique?
M. Wearing: C'est peut-être moi qui devrais répondre. L'Association compte une cinquantaine de membres. Cela fait partie de l'établissement du dossier en vue de l'évaluation du produit. Ces compagnies récoltent ces renseignements directement, par l'intermédiaire des sociétés affiliées ou encore d'experts indépendants.
Par exemple, les croisements éloignés...
Mme Kraft Sloan: Ces sociétés engagent-elles des experts en écologie?
M. Wearing: Bien sûr.
Mme Kraft Sloan: Combien?
Mme Gadsby: Cela dépend évidemment de l'entreprise. Dans la mienne, il y a trois personnes qui ne font que cela et nous avons recours à des consultants pour nous aider dans ce domaine. Nous accordons également des subventions aux universités pour qu'elles puissent faire ce genre de recherche.
Une bonne partie de la recherche canadienne sur les croisements éloignés a été faite dans les universités et dans les stations de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.
M. Wearing: Chez nous, il y en a quatre et nous en ajoutons un cinquième. Par exemple, pour le croisement éloigné dont on vient de parler, nous avons commencé les recherches en 1985. Nous avons collaboré avec Agriculture Canada dans le domaine de la recherche sur les croisements éloignés. Ces questions sont examinées très sérieusement par des personnes très expérimentées. C'est important d'en parler dans la documentation présentée pour l'homologation officielle.
Mme Kraft Sloan: Merci.
Le président: Merci.
Je signale à ceux et celles que cela intéresse qu'il nous reste assez de temps pour une deuxième série de questions, mais cela doit être rapide. D'après la liste, c'est Mme Payne et le président qui terminent les premières séries de questions.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Merci, monsieur le président.
J'ai deux observations à faire. Elles se situent aux deux extrêmes. L'une concerne une remarque qui se trouvait dans l'exposé de M. Wearing, si je ne me trompe. Il a dit qu'il y avait deux grands sujets préoccupation liés aux risques attribués aux produits de la biotechnologie.
Une de mes préoccupations concerne l'aquaculture et la pisciculture. Pour le moment, l'aquaculture est considérée comme un outil économique. Toutes les provinces des Maritimes la considèrent comme un moyen de créer des emplois.
Je crains que l'on ne pousse trop et que l'on ne veuille aller trop vite sans se soucier assez des conséquences possibles. Nous examinons les risques d'évasion pour un certain nombre d'espèces de poissons. Nous avons commencé par la truite de rivière et la truite de lac et maintenant, nous nous intéressons à d'autres espèces, au saumon et à la morue du Nord.
J'ai vu des choses qui me préoccupent beaucoup, notamment en ce qui concerne le genre de poisson produit et l'utilisation de produits chimiques. On nous raconte qu'il n'y a pas de possibilités d'évasion. En fait, nous savons que ce n'est pas vrai. Nous savons qu'il est arrivé que des poissons d'élevage s'échappent.
Je voudrais savoir ce que vous en pensez. À l'autre extrême, il y a les médicaments et les traitements pour certaines maladies dont on a déjà parlé. Je songe par exemple à l'ostéoporose et à la sclérose en plaques. Est-ce qu'on attend trop longtemps pour utiliser les traitements pour ces maladies? Tout le monde pense évidemment au cancer. Est-ce qu'on attend trop longtemps dans certains cas avant de mettre ces traitements à la disposition du grand public?
Merci, monsieur le président.
M. Wearing: Comme j'ai fait de la recherche au Canada dans le domaine de l'aquaculture, je répondrai d'abord à la première question. Vous faites allusion au problème des croisements entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages. Le ministère des Pêches et des Océans s'en est occupé il y a une dizaine d'années; il a financé des recherches qui ont permis de mettre au point une technique appelée triploïdie, pour s'assurer que les poissons d'élevage ne peuvent pas se croiser avec les poissons sauvages. Le ministère des Pêches et des Océans a identifié ce problème et il a fait des travaux dans ce domaine; si nous avons pu entamer des travaux au Canada, c'est parce que le gouvernement s'était déjà attaqué au problème qui vous préoccupe au plus haut point.
Mme Payne: Et les risques de transmission de maladies?
M. Wearing: Le gros problème, c'est la transmission, que ce soit par voie de reproduction ou qu'il s'agisse de maladie. C'est la transmission entre le poisson d'élevage et le poisson sauvage qui est le gros problème et que vous exposez de façon très correcte. C'est une chance qu'un ministère fédéral ait reconnu que tout le secteur de l'aquaculture devrait essayer de le résoudre et ce ministère l'examine depuis une dizaine d'années.
Mme Payne: Êtes-vous satisfait des résultats? Il existe une pisciculture à Terre-Neuve, et je sais que des poissons s'en sont échappés. Je n'ai pas la moindre idée des produits chimiques qui ont pu être... J'ai seulement l'impression que ce processus se fait en l'absence totale de règlements ou que la réglementation, de quelque origine que ce soit, est très limitée.
M. Walter: L'aquaculture est un secteur nouveau, qui prend rapidement de l'expansion. Je tiens à préciser qu'au Canada, il n'existe actuellement pas d'élevage commercial de poissons produits par génie génétique ou de poissons transgéniques. Par conséquent, les risques d'évasion de poissons transgéniques sont nuls. On n'utilise pas ce genre de poissons à une échelle commerciale. On le fait dans certains autres pays. En fait, une partie de notre recherche a été exportée dans des pays comme la Nouvelle-Zélande et l'Écosse, où l'on utilise maintenant des poissons transgéniques dans la production commerciale. Cela ne se fait toutefois pas au Canada pour le moment.
En ce qui concerne les produits chimiques, je ne sais pas très bien quels sont ceux qui vous préoccupent. On utilise un certain nombre d'aliments, des additifs alimentaires et un nombre très restreint de produits pharmaceutiques et de vaccins pour prévenir certaines maladies, mais tous ces produits ont déjà été approuvés par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Je ne vois pas très bien à quels produits chimiques vous faites allusion ni où vous voulez en venir.
Mme Payne: Quand je parle de produits chimiques, je parle des aliments donnés à ces poissons pour accélérer leur croissance.
M. Walter: Les aliments qu'on leur donne sont des aliments classiques pour animaux, à base de farine de poisson et d'autres produits naturels. Il existe par exemple des farines de poisson auxquelles on ajoute certains micronutriments. Tous ces aliments se présentent normalement sous la forme de granulés ou sous une autre forme qui facilite leur distribution et ils sont donnés directement au poisson.
M. Strachan: Je crois que vous avez posé une autre question au sujet du processus d'homologation des médicaments. Je pourrais peut-être y répondre.
Dans ce domaine, la mise en marché d'un produit prend de 10 à 12 ans, à partir de sa découverte, ce qui prouve que les normes réglementaires sont très strictes. Par exemple, le 3TC, l'inhibiteur de transcriptase inverse de Biochem Pharma qui a été lancé sur le marché au début de l'année, a été inventé à l'Université de Montréal en 1986, par M. Bernard Belleau, qui est malheureusement décédé. Il a donc fallu 10 ans pour le mettre sur le marché.
C'est un fait scientifique reconnu à l'heure actuelle que la combinaison du 3TC et de l'AZT - ou mieux, du 3TC, de l'AZT et d'un des nouveaux inhibiteurs de protéase du VIH - permet de prolonger la vie d'un sidéen de 15 à 18 mois. Ce n'est peut-être pas énorme, mais quelqu'un qui souffre de cette maladie, c'est important. Si le 3TC avait été homologué plus tôt, plusieurs sidéens auraient pu en bénéficier et prolonger leur vie.
En fait, le 3TC a été homologué au Canada et sa mise en marché a été autorisée très peu de temps après son homologation aux États-Unis. Pour des maladies mortelles comme le cancer et le sida, il existe aux États-Unis un processus tout à fait officiel qui permet d'activer l'homologation. On devrait songer à instaurer un système de ce genre ici, bien que cela se fasse de façon officieuse.
Le président: Je dois reconnaître que les discussions qui se déroulent depuis une heure et demie dans cette pièce m'ont rappelé l'histoire suivante, qui circulait en Europe vers la fin des années 1940: à un congrès de scientifiques, le délégué russe a pris la parole et a annoncé à l'auditoire qu'en Russie, on était parvenu à croiser le vers luisant avec la punaise pour permettre aux paysans de lire le journal au lit.
À cette époque, cela paraissait impossible, mais après vous avoir écouté, j'ai l'impression que le moment où l'on pourra appliquer ce genre de solution aux problèmes d'électricité approche rapidement.
Je voudrais savoir ce que vous entendez par «filet de sécurité». Est-ce que l'un d'entre vous pourrait répondre à cette question?
M. Walter: Certainement. L'interprétation de la notion de «filet de sécurité» varie d'une organisation à l'autre dans les milieux de la biotechnologie. Pour nous, c'est par l'intermédiaire de la LCPE qu'il faut offrir un niveau de protection de base, surtout pour les produits qui ne sont pas réglementés par d'autres lois.
Cela veut dire que les ministères opérationnels garderont leurs pouvoirs et leurs responsabilités en matière de réglementation des produits qui tombent sous le coup de leurs lois et que tous les autres produits relèvent du filet de sécurité de la LCPE.
Le président: Par conséquent, il s'agit de protéger l'intérêt public. Qu'avez-vous à redire au sujet de cette définition?
M. Walter: Comme je l'ai déjà dit, je crois que l'adhésion à cette définition est quasi universelle dans les milieux de la biotechnologie.
Le président: Avez-vous une objection à faire au sujet de ce genre de filet de sécurité?
M. Walter: Je n'ai absolument aucune objection à faire à ce sujet.
Le président: Par conséquent, il n'y a pas de problème.
M. Walter: Je crois que le problème vient uniquement de l'interprétation de cette notion. Si les ministères compétents ont traditionnellement le droit de contrôle réglementaire sur un produit sans avoir le pouvoir d'en déterminer les effets environnementaux, il y a dédoublement d'efforts et le système est flou, imprévisible.
Il est important de reconnaître que c'est une question de justice, non seulement envers la population en général, mais aussi envers les innovateurs.
Dans les milieux de la biotechnologie, certaines personnes craignent que le fait d'ajouter un niveau de contrôle réglementaire au système de contrôle qui existe déjà dans les ministères opérationnels pour des produits qui sont déjà réglementés en vertu d'autres lois que la LCPE par exemple, n'alourdisse le fardeau et n'accroisse les coûts de développement des produits. Cela les rendra non compétitifs et par conséquent, c'est injuste. Il faut donc faire intervenir la notion de justice.
Le président: Nous avons entendu dire que l'on s'occupe du problème du dédoublement. Est-il juste d'en conclure que vous ne voyez pas de problème si l'on veille à être juste envers les innovateurs?
M. Walter: Je ne vois aucun problème dans le scénario que vous avez proposé.
Le président: L'autre question concerne une déclaration attribuée à l'Institut canadien pour la protection des cultures, à savoir que «le contrôle réglementaire par le biais de lignes directrices est le moyen le plus efficace d'administrer les normes réglementaires s'appliquant aux produits de la biotechnologie», qui met l'accent sur le fait que les lignes directrices sont le meilleur moyen d'assurer la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins futurs en matière de déclaration de l'information et d'évaluation. Que pensez-vous de cette déclaration?
Mme Gadsby: Étant donné que nous sommes membres de l'Institut canadien pour la protection des cultures, nous sommes parfaitement d'accord sur ce point. Je suppose que certaines personnes craignaient que si les ministères opérationnels établissent des lignes directrices concernant les renseignements exigés et les procédures d'homologation, ce ne soit pas suffisant.
L'Institut pour la protection des cultures estime que c'est très bien ainsi, que les lignes directrices sont suffisamment souples pour y apporter rapidement des changements, dans un secteur où la technologie évolue alors que les règlements, de par leur nature même, représentent un processus plus long et qu'avec eux, tout changement ou progrès est exclu.
Le président: Merci.
Le comité, dont le rôle est de défendre l'intérêt public, est confronté à cette polarisation de pensée, si je peux m'exprimer ainsi. Vous venez de dire que les lignes directrices sont préférables aux règlements et que c'est du moins l'avis de certains secteurs de votre industrie. L'autre école de pensée est représentée par les ONG qui insistent sur le fait qu'il faut protéger l'environnement et la santé humaine par un système de réglementation.
Entretenez-vous le dialogue avec les partisans de la protection de l'environnement et de la santé par un système de réglementation et dans quelle mesure, si c'est le cas?
M. Walter: Je pourrais peut-être répondre à cette question.
L'Institut canadien de biotechnologie ainsi que d'autres organisations de ce secteur participent depuis longtemps à un processus de consultation avec les pouvoirs publics et avec d'autres organismes sans but lucratif, notamment avec des associations de consommateurs et des organisations écologiques.
Je peux vous citer des exemples. Par exemple, un comité directeur pour une tribune publique a été institué; il est actuellement présidé par le ministère de la Diversification de l'Économie de l'Ouest. Il regroupe des «intervenants» - c'est un mot que je déteste - de bien des milieux différents, c'est-à-dire des représentants de la collectivité, notamment des groupes aussi différents que le Congrès du travail du Canada, divers groupes confessionnels, le Réseau canadien de l'environnement, l'Association canadienne de l'industrie de la biotechnologie et divers ministères opérationnels. Ces consultations durent depuis des années.
Le président: Je me rends compte que la tâche du comité serait fort simplifiée si ces consultations donnaient naissance à un front commun, si je puis dire, et à un soutien mutuel, ce qui est possible. Je ne sais pas, moi. De toute façon, j'apprécie votre réponse.
Madame Guay, si vous me le permettez, il serait utile de changer l'ordre des interventions pour la deuxième série de questions, parce que M. Lincoln doit aller présider un comité à 11 heures. Par conséquent, je le laisserai parler le premier.
Monsieur Lincoln.
M. Lincoln: Je n'ai que deux questions à poser, monsieur le président.
M. Strachan a parlé de la découverte biologique concernant le sida, et nous nous réjouissons tous que cela aille vite. Les exemples de produits qui, comme la pénicilline, ont sauvé le monde, abondent. Par ailleurs, il ne faut pas oublier non plus la thalidomide, le DDT et les implants mammaires, ainsi que toutes les autres inventions qui ont peut-être été trop vite. C'est ce qui m'incite à poser la question suivante.
Je sais que l'on a beaucoup parlé des coûts et de la nature concurrentielle de l'industrie; en fait, ce fut le thème dominant. Pensez-vous, oui ou non, que si l'on se place au point de vue de l'ordre public, ce qui est notre rôle, on devrait toujours se soucier avant tout de la santé humaine et de la sécurité de l'environnement?
M. Strachan: Oui, la sécurité.
M. Lincoln: Je parle de sécurité liée à la santé humaine, à l'environnement et à la qualité de vie. Est-ce que ce devrait être le premier critère dans tous les cas, pour nous tous?
M. Strachan: Oui.
M. Lincoln: Vous êtes donc d'accord.
Il me reste une seule autre question. Si je vous ai bien compris - et je tiens à revenir là-dessus, parce que nous estimons que c'est d'une importance primordiale - , vous n'avez aucune objection à faire contre les règlements qui exigent la déclaration de l'information concernant l'étape préparatoire à la fabrication ou l'évaluation de la toxicité éventuelle, c'est-à-dire qui établissent une norme concernant l'environnement, la santé et la sécurité?
M. Strachan: C'est ce qui se passe aujourd'hui.
M. Lincoln: Autrement dit, vous estimez que c'est déjà prévu au paragraphe 26(3) de la LCPE. Par conséquent, vous n'avez aucune objection. Vous voyez toutefois des inconvénients à ce que l'on ajoute des dispositions qui pourraient engendrer des discussions, semer la confusion ou entraîner une certaine ambiguïté. Est-ce bien cela? Ce ne sont pas les principes que vous rejetez.
M. Strachan: Non.
M. Lincoln: Merci.
Le président: Merci. C'était très bref. Vous m'étonnez.
Madame Guay, c'est à votre tour.
[Français]
Mme Guay: Vous savez que la LCPE a été entièrement révisée pendant un an. D'un côté, les industries nous demandent des règlements moins sévères et, d'un autre côté, les ONG nous demandent une LCPE beaucoup plus sévère.
En ce qui concerne le filet de sécurité, je peux dire que la plupart des intervenants, à l'exception évidemment du secteur industriel, nous ont demandé que la LCPE serve de filet de sécurité dans tous les domaines.
Vous avez parlé plus tôt d'un comité d'ONG qui avait été formé. J'aimerais savoir quel a été le poids de ce comité dans vos décisions ou vos prises de position.
[Traduction]
M. Walter: Ce comité a été créé précisément pour examiner les cas auxquels ne s'applique pas le système de contrôle réglementaire actuel des divers ministères. Il a été instauré dans le but d'examiner les incidences socio-économiques de la biotechnologie et dans le but général d'essayer d'en soupeser les avantages et les inconvénients dans un contexte socio-économique, dans une tribune libre.
Je vous signale cependant que depuis longtemps, tous les ministères fédéraux en cause tiennent des consultations sur les problèmes de réglementation, y compris pratiquement toutes les organisations à caractère socio-économique ainsi que toute une série d'autres.
On se contente donc de créer un nouveau niveau de consultation. Ces consultations portent précisément sur des questions au sujet desquelles les ministères chargés d'administrer les règlements n'en ont pas encore tenu.
[Français]
Mme Guay: Vous parlez d'accélérer l'homologation des médicaments. Je suis d'accord avec M. Lincoln qu'il faut tout de même passer par un processus. Cependant, il serait peut-être possible de partager les informations d'un autre pays qui aurait fait avant nous des études et des tests sur un produit, plutôt que de refaire tout le processus nous-mêmes. Le produit pourrait alors être mis en marché plus rapidement. Par contre, il faut quand même passer par tout le procédé, étape par étape, car autrement, on prend des risques inutiles.
J'aimerais poser une dernière question. Je voudrais parler de l'étiquetage des produits. On en a discuté énormément en comité, et je dois dire que nous avons eu beaucoup de difficulté à trouver un consensus avec les gens. J'aimerais donc avoir votre opinion là-dessus.
Nous parlions, par exemple, de cette hormone appelée la somatotrophine bovine pour le lait. Nous disions que les gens veulent savoir ce qu'ils achètent. Ils veulent que ce soit écrit sur les étiquettes afin qu'ils puissent décider s'ils vont utiliser un produit qui vient de la biotechnologie ou un produit naturel. Je vous demanderais de nous donner votre avis, car je pense que vous en avez discuté.
[Traduction]
Mme Gadsby: Pourrais-je faire un commentaire sur la collaboration internationale pendant que l'on bavarde dans ce coin-là? Je me fiche de la BST.
Des voix: Oh, oh!
Mme Gadsby: À mon avis, le commentaire que vous avez fait au sujet de la possibilité d'économiser du temps grâce à la collaboration internationale est très valable. Il faut reconnaître les mérites de nos organismes de réglementation, parce que depuis des années, ils participent aux travaux de l'OCDE et ils font partie de groupes de travail internationaux. Il s'agit d'une participation active. Maintenant que des lignes directrices existent dans les principaux pays, l'étape suivante consistera à en arriver à s'échanger des renseignements ou à instaurer un processus d'examen collectif. Nous espérons ainsi en arriver à une acceptation mutuelle des décisions. Ce serait efficace pour tout le monde, pour autant que nous examinions tous le même type de problèmes de sécurité.
Par conséquent, je dirais que les législateurs font des efforts dans ce sens et qu'ils méritent d'être félicités. Il faut probablement que tout le monde s'assure que ces ministres ne cessent d'entendre dire que la collaboration internationale est importante dans un domaine où nous sommes de très petits participants sur le marché mondial.
M. Walter: Vous avez aussi posé une question sur l'étiquetage. Comme je l'ai déjà dit, c'est un problème extrêmement complexe, tout comme les autres discussions qui concernent les renseignements fournis aux consommateurs. C'est à mon avis le sujet de préoccupation numéro un. On en discutera longuement demain, mais je tenais à signaler que l'idée de fournir des renseignements aux consommateurs a l'adhésion quasi unanime des gens du milieu de la biotechnologie, qu'il s'agit d'un droit fondamental.
Il existe différents moyens de transmettre ce genre de renseignements. L'un d'entre eux est l'étiquetage, qui est approprié, qui est efficace, qui est compréhensible pour les gens qui lisent les étiquettes. Il existe aussi divers autres moyens comme les programmes d'éducation du public, les lignes d'appel sans frais ainsi que d'autres mécanismes comme l'affichage à l'étalage, en ce qui concerne les denrées alimentaires.
À mon avis, l'important dans ce domaine, c'est de veiller à indiquer sur l'étiquette les changements nutritionnels et autres changements susceptibles d'avoir des conséquences pour la santé. C'est essentiel. Je le répète, je crois que la vaste majorité des gens du milieu de la biotechnologie sont entièrement d'accord pour avoir recours à l'étiquetage lorsque la nutrition et la santé sont en cause.
J'en resterai là pour vous permettre d'en discuter de façon beaucoup plus détaillée demain.
[Français]
Mme Guay: Merci.
Le président: Madame Kraft Sloan.
[Traduction]
Mme Kraft Sloan: Certains pays établissent des règlements environnementaux stricts dans le domaine commercial. Par exemple, certains produits ne peuvent pas être importés en raison de leur nocivité pour l'environnement. Craignez-vous que cela puisse se produire dans le domaine de la biotechnologie?
Mme Gadsby: Je crois que toutes les entreprises estiment que chaque pays a le droit souverain de prendre des décisions personnelles. Lorsqu'en raison de la nature du régime ou de la nature de l'environnement, un pays estime que l'analyse de sécurité faite par un autre pays ne renferme pas absolument tous les renseignements nécessaires, je dirais que nous reconnaissons tous que ce pays a le droit de décider lui-même.
Nous essayons cependant d'intervenir à l'échelle mondiale pour insister sur les points communs des analyses de sécurité et faire en sorte que, lorsque certains pays doivent s'intéresser à certains aspects personnels, ce soit dit de façon plus claire, pour que l'industrie puisse décider plus facilement d'emblée s'il s'agit d'un produit destiné ou non à ce pays et si la documentation que l'on prépare est suffisante.
Mme Kraft Sloan: Sauriez-vous par hasard pourquoi le Japon a interdit l'importation de colza canola produit par manipulations génétiques?
Mme Gadsby: Il n'a pas interdit l'importation...
Mme Kraft Sloan: De l'huile de canola, je veux dire.
Mme Gadsby: Il n'en a pas interdit l'importation. Depuis quelques années, le gouvernement japonais est en train d'établir des lignes directrices avec beaucoup de diligence. Les plus récentes concernant la biotechnologie viennent d'être ratifiées, le 19 avril. Le Japon se dépêche pour franchir chacune des étapes de l'examen de santé et de sécurité. Les approbations environnementales ont été faites pour la première série de sept produits. Deux compagnies représentées à cette table ont reçu l'approbation environnementale du Japon pour leurs produits. Nous pensons recevoir les deux autres approbations pour cet automne.
Par conséquent, le gouvernement japonais qui n'avait pas de lignes directrices, a collaboré avec la collectivité internationale pour en établir et il les a harmonisées le plus possible avec celles des autres pays. Il s'est adressé à l'Organisation mondiale du commerce pour s'assurer qu'il n'existait pas de barrières commerciales. En ce moment même, il procède aux examens en vue de prendre une décision finale.
Mme Kraft Sloan: C'est pour l'huile de canola.
Mme Gadsby: Oui. Sept produits sont examinés pour le moment: la pomme de terre ainsi que trois variétés de canola, du soja et deux variétés de maïs, je crois.
Mme Kraft Sloan: Je constate que nous allons parler d'étiquetage demain, mais vous avez fait allusion à la question de l'éducation du public et aux lignes d'appel sans frais. Je me demande ce qui se passe sur ces lignes. Quel genre de renseignements le public peut-il obtenir?
M. Walter: Cela varie selon les occasions. Je connais le cas de la pomme de terre New Leaf, une variété de pomme de terre produite par génie génétique pour résister au doryphore de la pomme de terre. Elle a été commercialisée dernièrement, surtout dans les provinces maritimes, sous la marque NatureMark. Le numéro d'appel sans frais qui a été instauré à cette fin comprend un jeu de questions-réponses. On y donne des renseignements sur la modification génétique qui a été faite ainsi que sur l'organisme récepteur et sur l'organisme donneur.
Mme Kraft Sloan: Où le consommateur obtient-il des renseignements sur le numéro d'appel sans frais?
M. Walter: Il est inscrit sur le sac de pommes de terre.
Mme Kraft Sloan: Pour quels autres produits existe-t-il des lignes d'appel sans frais?
M. Walter: Un certain nombre d'organismes ont instauré des lignes d'appel sans frais ou des centres d'information. L'un d'entre eux est la Fondation fraîcheur égale saveur, qui est relativement connue des épiceries et des associations de consommateurs. Elle emmagasine des renseignements sur divers produits, y compris ceux de la biotechnologie.
Mme Kraft Sloan: C'est la première fois que j'en entends parler et par conséquent, je me demande où le consommateur obtient les renseignements.
M. Walter: Il existe également un organisme - vous parlerez avec ses représentants demain - qui s'appelle le Food Biotechnology Centre, qui a été créé il y a quelques années. Il recueille des renseignements sur tous les projets qui ont reçu l'homologation de Santé Canada et d'Agriculture Canada et qui sont actuellement sur le marché. Il possède des renseignements sur les produits qui sont en voie d'homologation. Il possède des renseignements sur certains produits en particulier ainsi que sur le processus réglementaire. Il organise des activités comme des forums, à l'intention des organisations que cela intéresse. On peut obtenir ces renseignements par téléphone, par courrier électronique et sur le site Web.
Il s'agit d'un organisme regroupant toute une série d'organisations différentes, et il est coprésidé par l'Association des consommateurs du Canada et par Agriculture Canada. Il compte parmi ses membres un certain nombre d'associations de consommateurs, certains associations industrielles ainsi que des particuliers de diverses régions du pays.
Mme Kraft Sloan: Où les consommateurs obtiennent-ils des renseignements sur les lignes d'information et les sites Web?
M. Walter: Il existe plusieurs possibilités. Certes, il n'est pas possible de rejoindre les27 millions de Canadiens. Nous avons essayé de rejoindre les consommateurs en incitant les diverses organisations à maintenir des contacts étroits avec les consommateurs - les professionnels du domaine médical et des soins de santé, les organisations de diététiciens, l'Institut national de nutrition, l'Association des consommateurs du Canada, la FNACQ ainsi que d'autres associations pour essayer de savoir quels sont les contacts et où trouver les renseignements afin de pouvoir les transmettre à leurs membres.
Comme vous avez peut-être pu le constater, un certain nombre d'articles ont été publiés à ce sujet dans les journaux. Nous avons fait paraître une annonce publicitaire pleine page dansCanadian Living, dans laquelle nous avons donné des renseignements généraux sur la nature de certains produits et sur les organismes à contacter pour obtenir des renseignements plus précis sur ces produits.
Mme Kraft Sloan: Je suppose cependant que pour le consommateur, il est beaucoup plus facile de trouver les renseignements au moment où il achète le produit.
M. Walter: Les renseignements au point de vente constituent un excellent moyen de transmettre l'information. Un des produits dont je parlais...
Mme Kraft Sloan: À part la pomme de terre, pour quels autres produits a-t-on affiché ce genre de renseignements?
M. Walter: Il existe très peu de produits sur le marché à l'heure actuelle mais c'est indiqué au point de vente. Les consommateurs savent très bien qu'il s'agit d'un produit de la biotechnologie.
Par exemple, la tomate Flavr Savr a été homologuée au Canada, mais elle n'est pas commercialisée ici. Par conséquent, la pomme de terre est en fait le premier produit de consommation identifiable qui soit vendu sur le marché.
Mme Kraft Sloan: Est-ce indiqué qu'il s'agit d'un produit de la biotechnologie?
M. Walter: Il s'agit d'un étiquetage volontaire; je suppose ou l'on a indiqué sur l'emballage qu'il s'agit d'une pomme de terre modifiée par génie génétique.
Jack pourrait peut-être nous donner de plus amples renseignements. Je sais en gros ce qui se passe, mais je ne connais pas tous les détails.
Mme Kraft Sloan: Oui, parce que je ne vois pas la différence qui existe entre... Si vous voulez vous assurer que les consommateurs ont accès à ces renseignements, il faut qu'ils sachent qu'il s'agit d'un produit de la biotechnologie. Alors quelle est la différence entre cela et l'étiquetage? Savez-vous ce que je veux dire?
M. Walter: Je suppose que vous voulez en fait savoir quel est le meilleur moyen...
Mme Kraft Sloan: Si vous devez vous assurer que le consommateur est au courant de l'existence d'une ligne d'appel sans frais ou des organismes qu'il peut contacter pour obtenir des renseignements sur le produit, il faut indiquer sur l'emballage qu'il s'agit d'un produit de la biotechnologie. Il s'agit en fait d'étiquetage. Par conséquent, je ne vois pas la différence.
M. Walter: Je crois que vous devez reformuler la question, en demandant ce que le consommateur cherche en fait à savoir, ce qu'il essaie de découvrir. Je crois que ce sont des questions qui ont trait à la sécurité et comme je le disais, les trois autres domaines...
Mme Kraft Sloan: C'est une autre question. Ma question est la suivante: quelle est la différence entre le fait d'indiquer un numéro d'appel sans frais sur un sac de pommes de terre ou un paquet de tomates pour dire que l'on peut obtenir des renseignements parce qu'il s'agit d'un produit de la biotechnologie et le fait d'inscrire la mention «produit de la biotechnologie»? Il n'y a aucune différence. Je parle d'étiquetage. Je ne parle pas de ce que le consommateur veux savoir, parce que c'est l'étape suivante. Le consommateur voudrait savoir qu'il s'agit d'un produit de la technologie ou d'un produit obtenu par manipulation génétique. L'étape suivante est que certains consommateurs voudront peut-être obtenir de plus amples renseignements en appelant le numéro d'appel sans frais, en écrivant ou en faisant une demande par courrier électronique.
M. Walter: C'est plus facile quand il s'agit de quelque chose d'aussi simple que la pomme de terre, par exemple, qui est un produit identifiable. Quand il s'agit d'huile de canola, cela devient plus compliqué.
Mme Kraft Sloan: Pourquoi?
M. Walter: Parce qu'il existe une possibilité d'étiqueter le produit si l'on est certain qu'il contient de l'huile de canola modifiée génétiquement ou s'il existe un autre lien direct. Le problème, c'est quand il s'agit de produits en aval parce qu'il faut s'assurer que les renseignements que l'on communique sont exacts. Cela ne servirait à rien d'indiquer la mention suivante sur toutes les bouteilles d'huile de canola vendues au pays: «Ce produit peut contenir de l'huile provenant de canola modifié génétiquement».
Mme Kraft Sloan: Autrement dit, sur certaines bouteilles d'huile de canola, le consommateur ne pourrait pas obtenir ces renseignements généraux. Par conséquent, votre proposition concernant l'étiquetage ou l'éducation du public ne peut rien donner.
M. Walter: Je crois qu'il faut combiner les deux. L'étiquetage est un moyen de communiquer des renseignements sur certains produits auxquels le consommateur s'intéresse, mais il existe d'autres mécanismes.
En ce qui concerne l'huile de canola, par exemple, l'idée de mettre une étiquette sur la bouteille est une possibilité, mais faut-il faire la même chose sur le gâteau qui contient une quantité infime d'huile de canola ou sur la boîte de ragoût dans lequel on a utilisé de l'huile de canola comme agent de modification?
Mme Kraft Sloan: Je suppose que quand les gens appellent la ligne d'appel sans frais où l'on dit que l'huile de canola est un produit de la biotechnologie, ils peuvent obtenir le nom de tous les autres produits qui contiennent cette sorte d'huile. Je ne sais pas, moi.
Mme Gadsby: Le genre de questions que l'on nous pose sur la ligne d'appel sans frais ou dans les demandes de renseignements par lettre ont en gros pour but de savoir si le produit est sûr. Dans ce cas, nous expliquons comment le produit est réglementé et qu'un contrôle de la sécurité a été fait.
Il est à mon sens regrettable que la plupart de nos consommateurs ne se rendent pas compte que nous avons des produits alimentaires formidables au Canada et que c'est un secteur où les règlements sont très stricts. Ils ne comprennent pas que l'huile de canola est réglementée de façon à s'assurer qu'elle est jugée propre à la consommation. Ils ne comprennent pas encore bien que le travail biotechnologique a subi la même évaluation et que l'on a également déterminé qu'il était sûr.
Quand nous donnons ces renseignements aux consommateurs, ils disent invariablement que c'est bien, pour autant qu'il n'y ait pas de danger. C'est ce qu'ils veulent savoir. Ils se fichent de savoir dans quel genre de bouteille se trouve le produit. Tout ce qu'ils veulent savoir c'est qu'il est sans danger.
Mme Kraft Sloan: Certaines personnes comme les végétariens - et il existe divers types de végétariens - peuvent très bien décider qu'elles ne peuvent pas consommer certains types d'ingrédients dans leurs produits pour des raisons de mode de vie, de santé ou de religion. Dans le cas du gâteau, elles voudraient peut-être savoir si l'on a utilisé de la graisse animale dans le shortening, par exemple. Par conséquent, certaines personnes veulent peut-être savoir si le produit qu'elles consomment contient un ingrédient mis au point par génie génétique.
Mme Gadsby: Ce type d'exemples ont souvent été cités et je suis certaine que l'on en discutera demain au cours de la séance consacrée à l'étiquetage. En réalité, il n'existe actuellement sur le marché aucun produit susceptible de poser une menace sur le plan de l'allergénicité, aucun produit contenant par exemple un gène dérivé d'un animal ni aucun produit susceptible de poser des problèmes religieux pour les gens qui veulent des produits cascher, par exemple. Il n'existe pas de tels produits au Canada.
Dans l'industrie, nous sommes parfaitement conscients de ces préoccupations des consommateurs. À notre point de vue, si nous voulions proposer un produit tombant dans une de ces trois catégories, nous devrions faire toute une série de contrôles internes pour voir comment on pourrait le commercialiser, car il faudrait sans aucun doute appliquer à ces produits un régime différent de celui qui est en vigueur pour les produits qui peuvent suivre le processus, et il faudra en arriver à la conclusion qu'ils sont en grande partie équivalents aux produits que l'on mange depuis toujours, en toute sécurité.
Mme Kraft Sloan: Mais il y a une quatrième catégorie de produits que l'on ajouterait à la liste, les produits issus du génie génétique.
Le président: Merci. Une toute dernière question, monsieur Knutson.
M. Knutson: J'ai fini.
Le président: Madame Payne.
Mme Payne: Non, merci.
Le président: Pourriez-vous dire quelles sont vos opinions au sujet de la participation du public. Estimez-vous qu'elle se justifie dans le processus décisionnel relatif aux règlements sur la biotechnologie? Estimez-vous que le public pourrait jouer un rôle, qu'on pourrait lui donner l'occasion de présenter un avis d'opposition contre l'autorisation d'importer, de fabriquer, d'utiliser, de vendre ou d'exporter un produit de la biotechnologie? Avez-vous des opinions à ce sujet?
M. Wearing: Je m'excuse, mais je ne suis pas certain d'avoir tout compris.
J'ai compris la première partie dans laquelle il est question de consultation du public. Je crois que cela se fait déjà et nous sommes bien d'accord. Dans la société contemporaine, il faut montrer que ce que l'on fait est juste, que l'on ne cache rien à la population; il faut en réalité s'arranger pour que les gens aient confiance dans un système réglementaire canadien qui est excellent et qu'ils le comprennent.
Le président: Pourriez-vous nous citer quelques exemples de participation utile du public?
M. Wearing: Je crois que l'on pourrait parler de certaines organisations d'un peu partout au pays dont les activités sont axées sur la biotechnologie. Il y a la Toronto Biotechnology Initiative, à Toronto bien sûr, la BCBA à Vancouver et une initiative de ce genre dans les provinces de l'Atlantique. Il existe donc des organisations régionales qui invitent les ONG, les environnementalistes ainsi que d'autres groupes intéressés à examiner les questions qui préoccupent les gens. Le FBC dont nous avons déjà parlé, et qui participera à la discussion de demain, a organisé des consultations un peu partout. Je crois que ces consultations ont eu lieu dans six villes jusqu'à présent; vous pouvez obtenir une documentation complète sur les conférences qu'il a tenues.
Je me souviens très bien de conférences où des écologistes, des représentants de l'industrie et des fonctionnaires de renom ont participé à des discussions et à des consultations concernant ce secteur technologique de pointe.
Le président: Par conséquent, d'après ce que vous avez pu constater, la participation du public s'est faite jusqu'à présent dans le cadre de conférences. Est-ce ce que vous voulez dire?
M. Wearing: Elle doit se présenter à mon avis sous des formes variées. Par exemple, je me souviens d'une conférence qui a eu lieu au Centre des sciences de l'Ontario où la plupart des participants étaient des élèves du secondaire et des jeunes, étant donné l'endroit où le centre est situé. À mon avis, il faut vraiment essayer de consulter la population à l'heure actuelle et il faut utiliser différentes méthodes, s'adresser à différents groupes tout en essayant de rester ouvert et juste à l'égard des témoignages.
Le président: Parlons maintenant de la question de l'avis d'opposition que vous n'aviez pas bien comprise. Il s'agit d'un système qui permettrait à un particulier ou à une organisation de présenter un avis d'opposition à un certain stade du processus. Avez-vous des opinions à ce sujet?
M. Wearing: J'hésite à faire des commentaires parce que je ne comprends pas très bien le processus ou la procédure. Cela veut-il dire qu'un particulier pourrait présenter un avis d'opposition?
Le président: La loi pourrait peut-être prévoir une limite ou exiger un nombre minimum de citoyens pour présenter un avis d'opposition à un certain produit. Dans certains cas, il suffirait d'être deux pour pouvoir s'opposer à un tel type d'initiative. Dans d'autres, il faudrait peut-être être plus nombreux; cela dépendrait de la façon dont la procédure a été finalisée. Ce n'est pas très compliqué. Ce système permettrait aux citoyens qui le désirent de présenter un avis d'opposition.
M. Wearing: S'agit-il en fait d'un droit de veto qu'auraient certains citoyens sur le gouvernement et sur le processus réglementaire?
Le président: Il ne s'agit pas d'un droit de veto mais d'une ouverture du processus pour permettre de présenter un avis d'opposition concernant un produit donné, qui serait examiné par le ministère compétent. Cet avis d'opposition serait évidemment examiné par une commission qui déciderait s'il est légitime ou non. Ce système permettrait ce genre d'intervention du public.
Mme Gadsby: La population a en maintes occasions participé au cours de l'élaboration des lignes directrices réglementant le secteur. Je pense que cela a été très utile. La participation du public a influencé les lignes directrices, elle les a fait évoluer.
Je sais par expérience personnelle que le gouvernement du Canada n'a pas ménagé ses peines pour expliquer ce qui se passait à la population - que ce soit sur les lignes d'Internet ou dans des documents relatifs aux décisions finales, par exemple - afin qu'elle soit bien au courant. Personnellement, j'ai reçu plusieurs lettres où l'on me demandait de plus amples renseignements, des précisions et où les gens me disaient parfois qu'ils n'étaient pas du même avis que nous. J'estime que cela a été utile.
Le président: Je vais être plus précis. Si les autorités décident de construire un barrage qui aura une incidence sur le style de vie de ceux qui se trouvent en amont, qu'il s'agisse de pêcheurs ou de plaisanciers, dans certaines régions du pays, les lois sur les évaluations environnementales prévoient la possibilité de présenter un avis d'opposition qui doit être examiné. Je vous cite un exemple de ce qui se passe dans certaines provinces, en ce qui concerne l'évaluation des effets environnementaux. Je me demande si vous pouvez envisager un système analogue dans le domaine de la biotechnologie.
Mme Gadsby: Nous ne sommes pas en faveur de ce genre de chose, parce que nous considérons que cela retarderait le processus. Certains groupements à vocation politique pourraient y avoir recours pour influencer une décision réglementaire qui a été prise par des experts conformément aux directives établies.
Le président: Je parle des citoyens qui ne font pas du militantisme politique mais qui ont simplement certaines préoccupations.
Mme Gadsby: Je suis absolument d'accord. Il pourrait s'agir des deux, mais nous estimons important de maintenir un dialogue avec des gens qui ont des opinions différentes. Il est important de les éduquer. Je ne crois pas que ce soit une façon de procéder constructive dans ces cas-là.
M. Gannon: Nous préférerions que ces gens-là participent au processus d'élaboration des règlements.
Le président: Cela nous ramène - et nous pourrions peut-être conclure après cela - à la question qui a été posée antérieurement, à savoir si vous jugez nécessaire d'engager le dialogue avec les promoteurs d'un système de réglementation pour la protection de la santé et de l'environnement.
Il existe de toute évidence une certaine polarisation entre les opinions de l'industrie et celle des ONG dans ce domaine. Un dialogue entre les deux serait certainement très utile, pour pouvoir faire un rapprochement ou du moins rétrécir le fossé qui les sépare.
Je terminerai en disant que ce fut une discussion très fructueuse. Nous avons fait des progrès. Nous comprenons certainement mieux la définition de la notion de filet de sécurité, votre interprétation et la nôtre. Je crois que nous avons examiné la question d'assez près. Je suis également heureux de constater que vous appuyez la LCPE sous sa forme actuelle. C'est également très utile.
Nous nous réjouissons d'avance de revoir certains d'entre vous demain... ou peut-être vous tous, sait-on jamais? La séance débutera à 16 heures, en raison d'une courte cérémonie de remise de prix d'écologie organisée par M. Marchi, qui doit avoir lieu à 15 h 30. Tous ceux qui désirent y assister sont invités. Je dois toutefois avouer que l'on ne servira pas le champagne.
Merci beaucoup. La séance est levée.