[Enregistrement électronique]
Le mardi 17 septembre 1996
[Français]
Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. J'espère que vous avez eu un bon été et je vous souhaite une bonne session parlementaire.
[Traduction]
Le premier point à l'ordre du jour est le rapport de Tom Curran au sujet de l'étude sur la biotechnologie. Toutefois, j'aimerais d'abord dire que, d'un point de vue environnemental, l'été a été marqué par au moins un événement mémorable, soit le renflouage de l'Irving Whale, que nous avons tous pu suivre avidement. Ce fut tout un exploit technique qui a bien montré ce dont est capable l'espèce humaine lorsqu'elle s'applique à surmonter les obstacles les plus difficiles.
D'autres questions environnementales retiendront notre attention dans les mois à venir. Le comité sera bientôt saisi du projet de loi sur les espèces menacées d'extinction et du projet de loi relatif à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
De plus, nous sommes en train d'achever nos travaux sur la biotechnologie amorcés au mois de mai. Nous espérons pouvoir le faire d'ici la fin d'octobre, après la tenue d'une table ronde très prometteuse qui est prévue pour le 8 octobre, grâce au travail acharné fait durant l'été par Tom Curran, qui a réussi à obtenir la participation de Canadiens exceptionnels. C'est pourquoi vous avez reçu, la semaine dernière, un avis annonçant justement la tenue de cette table ronde et vous invitant à inscrire cette date dans votre agenda.
La table ronde aura lieu dans la salle du comité des chemins de fer. Depuis l'exécution de certains travaux, celle-ci n'a plus tant l'air d'un bazar que d'une imposante salle parlementaire, comme il se doit. Le débat sera diffusé à la télévision comme d'habitude, je crois. La table ronde comportera trois séances. Elle débutera à 8 h 30 et se terminera vers midi ou 11 heures, puis reprendra après la période de questions.
Ce sera un véritable marathon intellectuel au cours duquel il faudra faire travailler la matière grise. Je vous invite donc, vous et vos collègues que la biotechnologie intéresse, à être des nôtres. Ce sera à l'avantage de tous, et nous apprendrons tous beaucoup, cette journée-là.
Ce matin, avant d'accueillir le témoin, vous entendrez Tom Curran vous faire un compte rendu de l'état des travaux en matière de biotechnologie et vous donner un aperçu de ce qui nous attend en termes de calendrier et de dossiers. J'espère que son exposé vous sera utile.
M. Tom Curran (attaché de recherche du comité): Monsieur le président, je vous remercie.
Une note d'information intitulée «Étude sur la biotechnologie» vous a été distribuée ce matin. Elle résume en gros les questions qui se sont dégagées des audiences publiques qui ont pris fin en juin de cette année. Des témoignages entendus à ces audiences, j'ai retenu 10 grandes questions et les ai résumées, avec renvois aux pages pertinentes. Je ne crois pas qu'il soit utile de vous les décrire une à une, à ce stade-ci. Je vous laisse le soin d'en prendre connaissance. Le greffier a des exemplaires du document en anglais et en français.
Dans une grande mesure, les trois tables rondes du forum sur la biotechnologie prévues pour le 8 octobre graviteront autour des grands thèmes qui se sont dégagés de ces audiences publiques et qui sont résumés dans la note d'information. Comme l'a mentionné le président, il y aura trois séances.
Monsieur le président, je puis nommer les témoins que nous avons invités, si cela vous convient.
Le président: En avez-vous déjà la liste?
M. Curran: J'ai la liste. À la page 14 de la version anglaise de la note d'information et à la page 15 de la version française, vous trouverez une description de la façon dont se dérouleront les tables rondes et la liste des témoins ou participants qui y seront. Chacun de ces groupes d'experts changera probablement un peu. Lorsqu'on réunit dans la même salle autant de personnes venant d'endroits différents, il faut s'attendre que certains auront un empêchement de dernière minute et qu'ils devront être remplacés par d'autres. D'ici au 8 octobre, la liste pourrait donc changer un peu.
Les tables rondes se dérouleront à peu près de la même façon qu'en 1995, lorsque nous avions examiné la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. À ce moment-là, nous avions tenu des tables rondes à Toronto, à Vancouver et à Halifax. Elles avaient été suivies d'une quatrième table ronde, ici à Ottawa, concernant l'approche basée sur les écosystèmes. Dans pareille situation, lorsqu'on assoit 8 ou 10 invités à la même table que les membres du comité et qu'on tente de favoriser un débat, on prend toujours un léger risque. Beaucoup d'efforts ont été consacrés à faire en sorte que les invités soient représentatifs de toutes les écoles de pensée politique ou scientifique, si vous préférez.
La première table ronde est en quelque sorte générale. Elle s'intitule «La biotechnologie: produits, procédés et risques». Je puis vous lire la liste des participants.
Le président: C'est inutile.
M. Curran: Fort bien.
En résumé, vous avez là le nom d'universitaires, de personnes qui travaillent dans des instituts et qui représentent toute la gamme des opinions qui ont cours au sujet des questions de biotechnologie.
La deuxième table ronde concerne la réglementation et la communication des risques. Elle intéressera tout particulièrement les membres du comité car elle est surtout consacrée à la proposition de M. Leiss selon lequel il faudrait adopter une loi concernant les gènes et (ou) établir un organisme responsable des produits transgéniques qui réglementerait la biotechnologie, par opposition au cadre de réglementation actuel. Nous avons dressé à ce sujet une liste de personnes de qualité qui peuvent vous en parler, y compris, jusqu'ici, deux sous-ministres adjoints, soit un de l'Agriculture et un de la Santé. Environnement Canada n'a pas encore décidé s'il prend part à la table ronde.
La troisième table ronde promet d'être des plus intéressantes. Elle porte sur les considérations éthiques, ce dernier mot étant pris dans son acception la plus large qui inclut les questions socio-économiques, culturelles, voire religieuses, si le coeur vous en dit. Encore une fois, la liste des participants est excellente. Elle inclut notamment Margaret Sommerville, bien connue dans le domaine de l'éthique.
Si vous avez des questions au sujet des tables rondes, je serai heureux d'y répondre.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Cet été, j'ai reçu un document d'un groupe confessionnel d'agriculteurs. Je me demande simplement s'il est possible de l'entendre à cette table ronde. Je pourrais vous obtenir...
M. Curran: Si vous avez d'autres invités à proposer pour la table ronde, veuillez communiquer avec moi, comme l'a proposé Mme Kraft Sloan. Je vous saurais gré de préciser les noms des personnes à inviter.
Le président: Vous souvenez-vous du nom des auteurs?
Le greffier du comité: Je crois qu'ils sont de la Saskatchewan.
Mme Kraft Sloan: Étaient-ils de la Saskatchewan?
J'en parle simplement parce que, en plus d'être un groupe d'agriculteurs, ils formaient aussi un groupe confessionnel qui avait des observations intéressantes à faire.
[Français]
M. Asselin (Charlevoix): Monsieur le président, pourriez-vous préciser le rôle des parlementaires lors de ces tables rondes? Agissent-ils à titre d'observateurs ou à titre de participants?
Le président: C'est à titre de participants.
M. Asselin: D'accord.
Le président: C'est très important.
[Traduction]
M. Curran: Monsieur le président, souhaitez-vous donner vous-même les précisions?
Le président: Non, vous pouvez le faire.
M. Curran: Les députés participeront à un débat ouvert avec les participants invités et débattront entre eux, s'ils le désirent. La formule est très ouverte.
J'ai oublié de mentionner qu'avant la tenue des tables rondes, une note d'information exposant les thèmes abordés à chacune d'entre elles sera envoyée aux députés et aux participants. La personne qui présidera présentera les thèmes, puis animera la table ronde en fonction de ce qui est décrit dans la note d'information. Ensuite, tous pourront prendre part aux discussions. Il y aura donc libre échange de vues entre les députés et les participants - modéré par la présidence, bien sûr, pour faire en sorte que l'on s'en tienne aux questions à l'étude.
Le président: M. Curran s'est vraiment efforcé de coucher sur papier un résumé de ce que nous avons entendu en mai et en juin, particulièrement aux pages 2 à 14. Ce sera donc votre bible, dans sa forme abrégée, si vous désirez vous rafraîchir la mémoire ou savoir ce qui s'est dit. Le document est extrêmement utile et pourrait vraiment servir à orienter le débat du 8 octobre.
Naturellement, si vous souhaitez en savoir beaucoup plus, demandez à vos employés de vous obtenir le compte rendu des délibérations, de même que les bleus des diverses audiences, que l'on peut se procurer sur Internet, si j'ai bien compris. Par conséquent, si vous avez besoin de renseignements plus détaillés, vous pouvez vous-même lire ce qui s'est dit exactement, cette journée-là.
Qu'y a-t-il au calendrier après le 8 octobre? Nous aurons le temps d'assimiler les résultats du débat. Nous nous réunirons, le lendemain, je crois, pour discuter de ce que nous aurons entendu, puis nous suspendrons nos travaux pour la durée de la semaine de relâche, c'est-à-dire la semaine du 11. À notre retour, nous étudierons assurément une première ébauche que Tom nous aura préparée. Nous y travaillerons et nous viendrons rapidement à une conclusion en ce qui concerne le rapport et les recommandations.
M. Curran: À la dernière page de la note d'information qui vous a été distribuée ce matin, vous trouverez un plan du rapport projeté qui a fait l'objet de discussions, plus tôt cet été, entre le personnel et la présidence. Pour l'instant, il prévoit six chapitres. Je n'ai pas besoin de vous en faire la lecture. Il figure à la dernière page de la note d'information. Si les membres du comité ont des observations à faire à ce sujet, je les invite à communiquer avec moi et à proposer les changements désirés.
Le président: Ce plan est loin d'être définitif; il n'est pas coulé dans le béton. Nous avons cherché au début d'août, Tom Curran, le greffier et moi, à prévoir une méthodologie pour la rédaction du rapport. On peut certes la modifier. Il s'agit uniquement d'un plan qu'il faudra, bien sûr, étoffer de données et de recommandations.
M. Curran: Comme le calendrier du comité est extrêmement chargé jusqu'à Noël et que l'on veut achever le rapport sur la biotechnologie le plus tôt possible, à cette même réunion du mois d'août, le personnel et la présidence ont discuté de la probabilité qu'il faille engager un consultant pour faciliter la rédaction du rapport, étant donné particulièrement la nécessité - vous me passerez l'expression - d'avoir deux paires d'oreilles qui écoutent attentivement le débat de la table ronde, parce que celui- ci formera la charpente du rapport. Dans pareil forum, les impressions sont presque aussi importantes que ce qui se dit. Nous avons donc examiné la possibilité d'embaucher un consultant pour une brève période en vue d'aider à la rédaction du rapport.
Le président: Pourriez-vous donner plus de détails à ce sujet? Vous pouvez le faire maintenant.
Le greffier propose que nous en parlions plus longuement la semaine prochaine.
Le greffier: Cela nous donnerait plus de temps pour choisir les témoins.
Le président: Donc, dans une semaine à peu près, nous serons en mesure de décider qui embaucher et selon quelles modalités pour une période de six à huit semaines environ.
M. Curran: Ce ne serait pas si long.
Le greffier: Dix jours.
M. Curran: En réalité, ce serait dix jours ouvrables.
Le président: Ce serait dix jours ouvrables, et le comité sera prié d'examiner les honoraires précis et peut-être même de les approuver. Cette question figurera donc à l'ordre du jour soit la semaine prochaine soit dans deux semaines.
M. Curran: Je pourrais ajouter que, pendant que nous rédigerons le rapport du comité, celui-ci poursuivra ses activités habituelles. L'embauche d'un consultant libérera Kristen Douglas, qui pourra alors se consacrer aux autres questions étudiées par le comité durant cette période. Dans l'intervalle, nous disparaîtrons et produirons un rapport sur la biotechnologie.
Le président: A-t-on des questions ou des observations?
M. Adams (Peterborough): Je tiens à féliciter l'auteur de la qualité de son document.
Le président: Monsieur Curran, vous pouvez saluer.
C'est lui qui a tout fait.
Le greffier propose que nous examinions la motion voulant que le rapport de M. Curran sur l'état des travaux exécutés jusqu'ici et les travaux projetés soit approuvé en principe. Quelqu'un peut- il faire une motion en ce sens?
M. Adams: Je le propose.
La motion est adoptée
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Monsieur le président, à propos du consultant que nous projetons d'embaucher, j'ai entendu deux observations qui me semblent contradictoires. Monsieur Curran, je vous ai entendu dire que vous souhaitiez essentiellement qu'un consultant soit embauché pour aider à la rédaction du rapport. Par contre, vous, monsieur le président, avez parlé de présence utile pour déchiffrer les messages, plutôt qu'une simple intervention en fin de processus pour aider à la rédaction. Vous avez parlé d'un observateur présent aux tables rondes qui, en plus de participer à la rédaction du rapport, décoderait les messages subtils et les impressions.
M. Curran: Les deux sont vrais, en fait, vu que le consultant siégerait toute la journée à la table ou à proximité. Mais, pendant que je m'occupe de préparer les documents destinés à la table ronde et de voir à ce que tout soit prêt, ce consultant pourrait rédiger au moins la préface du rapport, avec mon apport bien sûr, effectuant le gros de la rédaction à ce moment.
Les chapitres 1, 2 et 3 se fonderaient sur les renseignements actuels. Les chapitres 4, 5 et 6 seraient préparés dans un certain sens après la conclusion des tables rondes. Le consultant participerait aux tables rondes, du moins comme auditeur et non comme témoin.
Le président: Y a-t-il d'autres questions? Dans la négative, nous allons passer à la principale question à l'ordre du jour de notre séance d'aujourd'hui. Nous invitons à la table le Commissaire à l'environnement et au développement durable, M. Brian Emmett.
Nous vous souhaitons la bienvenue. Veuillez s'il vous plaît présenter les hauts fonctionnaires qui vous accompagnent et les faire asseoir à la table si vous voulez.
M. Brian Emmett (commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné aujourd'hui de Wayne Cluskey qui fait partie de mon bureau et qui sera à votre disposition pour répondre à vos questions le cas échéant.
Le président: Aimeriez-vous faire un exposé? Auriez-vous quelque chose à consigner au compte rendu? Vous connaissez les noms des membres du comité. Je suis convaincu qu'ils sont très heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer. Nous sommes tout ouïe.
M. Emmett: Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de votre accueil et de l'invitation à faire quelques observations. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant votre comité pour discuter de la façon dont je conçois mes nouvelles fonctions de commissaire à l'environnement et au développement durable.
M. Cluskey est directeur principal au sein de la Direction des opérations de vérification. Ce dernier a participé à beaucoup de travaux d'avant-garde exécutés par le Bureau du vérificateur général en vérification environnementale.
[Français]
Dans le cadre de cette brève introduction, j'aimerais vous livrer certaines de mes premières réflexions sur la façon dont j'envisage mes nouvelles fonctions. À votre intention, j'ai fourni au greffier du comité une notice biographique ainsi qu'une description de tâches. J'aimerais toutefois commencer par vous entretenir du développement durable.
Conformément aux modifications apportées à la Loi sur le vérificateur général, «le commissaire a pour mission d'assurer le contrôle des progrès accomplis dans la voie du développement durable», que la loi décrit comme un «concept en évolution constante» qui exige l'intégration de questions d'ordres économique, environnemental et social, tels l'équité et le bien-être des générations à venir.
[Traduction]
D'après mon expérience, le développement durable constitue un cadre créatif et constructif pour aborder les questions de politique générale, un cadre qui fait passer le débat sur les objectifs environnementaux, sociaux et économiques d'un débat sur les limites de la croissance à un débat sur l'expansion des limites. Le développement durable est empreint d'optimisme en ce qui concerne les solutions aux problèmes difficiles, mais il oblige aussi à reconnaître que les politiques défavorables à l'environnement risquent fort de ne pas servir l'économie à long terme ni de produire des progrès sociaux durables.
Au sein du gouvernement du Canada, le développement durable est devenu un objectif politique largement reconnu sur le plan conceptuel et il est enchâssé dans plusieurs textes législatifs fédéraux, y compris les modifications apportées à la Loi sur le vérificateur général qui régissent mon travail. Cependant, si l'on veut que le développement durable devienne plus qu'un cadre utile pour réfléchir à la politique, il faut faire plus que le conceptualiser. Il faut modifier concrètement les comportements à tous les niveaux de la société, y compris le gouvernement.
C'est le rendement du gouvernement fédéral qui m'intéresse tout particulièrement. Je suis troublé par la perception croissante selon laquelle le gouvernement est en retard sur les vues et les attentes des Canadiens et sur les meilleures pratiques du secteur privé. Les preuves recueillies par le vérificateur général du Canada appuient ces perceptions et figurent dans le chapitre 11 du rapport du vérificateur général à la Chambre des communes d'octobre 1995 intitulé «Les systèmes de gestion de l'environnement: Une approche fondée sur des principes».
[Français]
Cette situation s'explique en partie par la complexité d'une administration moderne. En raison du nombre et de la variété des parties en cause, l'intégration des questions environnementales au sein des activités gouvernementales représente une tâche fondamentalement difficile. Une grande partie de mon travail consiste à déterminer si les ministères atteignent les objectifs qu'ils se sont fixés dans ces domaines.
Le gouvernement fédéral assume aussi d'importantes responsabilités opérationnelles. Il dirige la plus grosse entité de l'économie canadienne, et ses décisions opérationnelles ont une incidence profonde sur notre environnement. Une importante partie de mon travail consiste à faire le suivi du rendement du gouvernement fédéral.
On peut dire que sur le plan conceptuel, le développement durable a été intégré dans les politiques et les lois du gouvernement. Les Canadiens modifient leur propre comportement, mais le gouvernement se voit perçu comme un retardataire; un fossé se crée ainsi entre les intentions et le rendement, entre la parole et le geste.
[Traduction]
Je commence tout juste mon travail de commissaire, mais je suis très conscient de ces perceptions et je considère qu'il est urgent d'en traiter en priorité dans mes travaux à venir. Mon sentiment d'urgence découle du raisonnement suivant.
L'écart perçu entre le rendement et la rhétorique mine l'autorité morale et la crédibilité pratique dont le gouvernement a besoin pour faire avancer les questions environnementales. S'il veut demeurer un véritable moteur du changement, le gouvernement même doit changer son comportement à l'égard de l'environnement et du développement durable, et mettre l'accent sur les actions concrètes. Ce changement doit s'opérer tant au niveau stratégique qu'au niveau opérationnel.
C'est ce qui fait que les stratégies de développement durable et les plans d'action exigés des ministères sont les pierres angulaires des changements apportés à la Loi sur le vérificateur général. Ils sont essentiels tant aux travaux du commissaire qu'à la crédibilité du gouvernement. Chaque ministère sera responsable de sa propre stratégie de développement durable et de son propre plan d'action, qui refléteront ses propres choix sur le plan des priorités et des orientations. Toutefois, je suis d'avis qu'une stratégie de développement durable et qu'un plan d'action raisonnable doivent contenir au moins les trois éléments suivants: premièrement, un élément stratégique qui reflète l'attention accordée à l'intégration des questions environnementales, sociales et économiques lors du choix des orientations; deuxièmement, un élément opérationnel qui reflète la façon dont le ministère gère ses propres activités pour rendre compte des répercussions de ces dernières sur l'environnement dans le contexte du développement durable; et troisièmement, d'après ma propre expérience je crois qu'il est tout à fait nécessaire d'y ajouter un élément consultatif qui indique la mesure dans laquelle la préparation du plan s'est faite de façon ouverte et transparente.
La mesure ultime de la valeur des stratégies de développement durable et des plans d'action ou de la valeur du commissaire est, selon moi, pragmatique. Il s'agit de déterminer s'ils ont donné lieu à de meilleures décisions qui influent sur l'environnement et sur la vie des gens. Aussi, je crois que les ministères doivent énoncer clairement leurs intentions et préciser comment ils entendent traduire leurs intentions en actions, et ce, d'une façon ouverte et transparente. L'accent doit être mis sur les résultats qui veulent dire quelque chose pour les Canadiens.
[Français]
Comme le précisent les modifications apportées à la Loi sur le vérificateur général, mon travail consiste à présenter au Parlement un rapport sur les stratégies de développement durable et les plans d'action préparés par les ministères, ainsi que sur toute autre question que je juge important de porter à l'attention du Parlement au nom du vérificateur général.
Je n'ai pas le mandat de formuler des commentaires sur les orientations choisies, mais d'aider les parlementaires à exercer leur rôle de surveillance. Pour ce faire, j'ai l'intention d'insister particulièrement sur le succès avec lequel les ministères transposent les concepts en actions, et ce de façon significative et mesurable. Il va sans dire que je rendrai aussi compte des lacunes et des faiblesses que nos travaux auront permis de mettre au jour.
Pour ce qui est de mon programme de travail à court terme, j'ai l'intention de créer deux équipes. L'une d'elles s'occupera des travaux de vérification de l'optimisation des ressources effectués par le Bureau du vérificateur général qui concernent les questions d'application des politiques et les programmes environnementaux. Quelque 50 p. 100 de ces travaux seront encore exécutés par d'autres services du Bureau du vérificateur général. La deuxième équipe aura pour mission de réaliser des études spéciales sur des problèmes environnementaux. Ces études seront choisies de manière que leurs résultats soient valables pour le Parlement.
Je tiens aussi à ce que cette équipe se charge de rédiger la stratégie de développement durable et le plan d'action du Bureau du vérificateur général et du commissaire à l'environnement et au développement durable. J'espère qu'ils feront partie du premier rapport vert présenté au Parlement.
[Traduction]
En outre, je prévois créer un comité consultatif indépendant largement représentatif des Canadiens qui s'intéressent aux questions de développement durable. Un tel comité fera en sorte que le programme de travail du commissaire tienne compte des besoins et des préoccupations des Canadiens et il constituera un mécanisme qui nous aidera à rester ouverts et transparents dans notre propre travail.
J'aimerais mentionner très brièvement deux autres questions monsieur le président: nos relations avec les provinces et nos travaux internationaux.
Pour ce qui est des vérificateurs législatifs provinciaux, nous entretenons des relations très étroites avec eux, nous échangeons régulièrement de l'information et nous cherchons des moyens de travailler ensemble. À l'occasion, nous avons échangé nos travaux sur l'environnement avec nos collègues provinciaux. Je voudrais ajouter que notre bureau entretient aussi de très bonnes relations avec le commissaire à l'environnement de l'Ontario.
Quant à l'aspect international, les travaux d'élaboration de la vérification environnementale effectuée par le Canada et la création du poste de commissaire ont suscité beaucoup d'intérêt. Nous avons des rapports étroits avec les bureaux nationaux de vérification du monde entier et nous sommes actifs au sein de l'Organisation internationale des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques. En fait, Wayne Cluskey a été un membre important du groupe de travail sur la vérification environnementale. Ce sont des travaux que personnellement j'appuie sans réserve et que j'espère voir poursuivre.
Enfin, je vous remercie de votre accueil et j'espère présenter le premier rapport vert au Parlement en février 1997. Je suis impatient de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Emmett.
Nous commençons dès maintenant avec M. Asselin.
[Français]
M. Asselin: Monsieur, vous parliez plus tôt de la formation de deux comités. J'aimerais que vous en précisiez la composition. Quelle est la composition du personnel du Bureau du vérificateur général?
M. Emmett: Je vous remercie de cette question. Lors de ma présentation, je faisais allusion à la création d'un comité de conseillers indépendants. J'ai l'intention de travailler avec le professeur Glen Toner de l'Université Carleton afin de compiler une liste de gens qui pourront m'aider à élaborer mon programme de travail et à formuler le mandat du comité. Je crois qu'il s'agit du seul comité auquel j'ai fait allusion dans ma présentation.
M. Asselin: Combien de personnes travaillent sous votre direction et quel est le budget dont vous disposez?
M. Emmett: Quelque 30 personnes travailleront sous ma direction, dont 20 du Bureau du vérificateur général et environ 10 que j'embaucherai.
M. Asselin: Quels seront les coûts de cette opération?
M. Emmett: Ils seront de 3,5 millions de dollars.
M. Asselin: Vous nous avez parlé de relations entre les provinces. Le vérificateur général doit-il avertir le gouvernement fédéral de ne pas empiéter sur des champs de compétence provinciale et le mettre en garde contre les chevauchements et les dédoublements?
M. Emmett: Le rôle du commissaire porte avant tout sur les programmes de compétence fédérale. Toutefois, si nous relevions des dédoublements et inefficacités, nous en ferions rapport.
[Traduction]
M. Forseth: À la page 4 de la version anglaise de votre commentaire d'introduction, au paragraphe 16 figure une ligne intéressante où vous dites qu'une deuxième équipe aura pour mission de réaliser des études spéciales de problèmes environnementaux et que celles-ci seront choisies de manière que leurs résultats soient valables pour le Parlement. Peut-être pourriez-vous préciser cet aspect et nous donner une idée de certains des domaines particuliers auxquels vous songez.
M. Emmett: Je vous remercie de ce que j'estime être une excellente question.
En tant que commissaire, je veux essayer globalement de rendre le plus efficace possible le rôle de surveillance du Parlement à l'égard de la fonction publique. Je sais que des questions de grande inquiétude pour le Parlement, pour les groupes environnementaux et pour le secteur privé sont en suspens et nécessitent le genre de coup d'oeil indépendant et crédible qu'un organisme comme le Bureau du vérificateur général peut leur apporter. Cependant, il ne s'agit pas nécessairement de questions qui se prêtent à une activité comme une vérification de l'optimisation des ressources, qui comporte une série d'étapes très précises. J'aimerais donc disposer d'une équipe qui soit en mesure d'adopter une approche un peu moins structurée pour étudier des questions qui préoccupent les Canadiens en matière d'environnement et de performance environnementale.
Certaines des questions qui figurent sur ma liste, mais au sujet desquelles je n'ai pris encore aucune décision - j'aimerais en discuter avec d'autres et le comité consultatif indépendant - portent sur des sujets comme le régime fiscal. Le régime ne favorise-t-il pas des choses qui sont peut-être préjudiciables à l'environnement? Un autre secteur clé, lequel n'est pas très prestigieux mais fondamental selon moi, c'est la mise au point d'indicateurs de rendement. Sans ces derniers, nous ne semblons jamais vraiment savoir où nous en sommes. Il s'agit d'un domaine très complexe au gouvernement. Je pense en troisième lieu aux questions de comportement d'un point de vue institutionnel. Pourquoi les secteurs privé et public se comportent quelque peu différemment en matière d'environnement?
Il s'agit là de questions qui, selon moi, méritent une étude approfondie et un rapport faisant autorité. La question à se poser est la suivante: quelles sont celles qui doivent être traitées en priorité et quelles sont celles que nous pouvons entreprendre avec les ressources dont nous disposons?
Il s'agit du genre de choses auxquelles je pense.
M. Adams: Monsieur Emmett, nous sommes heureux de vous voir ici.
Puis-je supposer que la plupart des autres personnes qui se trouvent dans cette salle comptent parmi les 20 ou 10 que vous avez mentionnées?
M. Wayne Cluskey (directeur principal au sein de la Direction des opérations de vérification, Bureau du vérificateur général): Il y en a deux.
M. Adams: Je me demandais simplement d'où tout le monde venait.
Nous sommes très heureux. Vous savez qu'on a beaucoup discuté au sein de ce comité de la nature de votre poste et de vos pouvoirs. J'ai remarqué dans votre exposé que vous avez parlé du choix des orientations.
Je me demande si, jusqu'à maintenant de toute manière, vous pouvez nous faire part des avantages et des inconvénients que comporte votre intégration au Bureau du vérificateur général, étant donné que cela a fait l'objet de discussions.
M. Emmett: Je vous remercie de cette excellente question qui exige réflexion et sur laquelle j'ai médité un certain temps.
Faire partie du Bureau du vérificateur général comporte un certain nombre d'avantages importants. On peut ainsi profiter de l'indépendance et de la crédibilité que le vérificateur général a établies de même que de la capacité de formuler une opinion autorisée dans l'ensemble considérée comme impartiale.
Deuxièmement, et je crois moins concrètement, j'ai été très impressionné du chaleureux accueil que m'ont réservé tant le vérificateur général lui-même que tout le personnel de son bureau. Il arrive parfois que les organismes réagissent de façon bizarre à la formation de nouvelles entités. Dans ce cas-ci, il n'y a rien eu d'autre que de l'enthousiasme et une attitude très créative et très constructive à l'égard du travail.
Je crois que je peux profiter grandement du travail que le vérificateur général a effectué pour améliorer entre autres les systèmes de gestion et de responsabilisation.
En ce qui concerne les restrictions qu'impose le fait de faire partie du Bureau du vérificateur général, l'autonomie obligatoire par rapport au processus d'élaboration de la politique, ne me dérange pas particulièrement vu que pour l'instant, comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires et comme je le crois profondément, le plus grave problème en ce qui concerne l'environnement réside, selon moi, dans le fossé entre la politique et l'exécution. Ce qu'il nous faut, ce sont de meilleurs systèmes d'exécution des politiques conçues par le Parlement et les ministres. Je crois que j'occupe un poste qui comporte de nombreux avantages et le fait que je ne puisse formuler de commentaires sur les orientations choisies ne constitue pas, selon moi, un aspect négatif.
M. Adams: D'après ce que je sais du fonctionnement du Bureau du vérificateur général - et je suis conscient que je simplifie beaucoup - , il cible différents domaines comme celui-là. Il possède un immense bassin de compétences et a adopté, comme approche, l'optimisation des ressources. J'ai lu des rapports du vérificateur général dans lesquels il parle de questions environnementales à l'égard desquelles le gouvernement n'a pas été à la hauteur de ses obligations. C'est donc ainsi que je conçois son fonctionnement.
Dans ce cas-ci, les plans d'action des divers ministères représentent une très grande partie de votre travail. Il me semble par conséquent y avoir une différence entre ce que vous ferez et ce qu'a fait jusqu'ici le vérificateur général. Vous dites que vous ferez votre premier rapport, le printemps prochain. Je puis facilement concevoir qu'il vous faille d'abord vous installer. D'ici au printemps prochain, vous n'aurez donc pas le temps de fondre sur qui que ce soit. Que prévoyez-vous dire dans votre rapport au sujet de ces plans d'action? Pendant que vous vous installez, les ministères sont-ils en train de se préparer à une visite de votre équipe pour vérifier où ils en sont, et ainsi de suite?
M. Emmett: L'image du vérificateur général qui s'abat sur un ministère est probablement courante chez les fonctionnaires. Cependant, les événements se chargent de changer rapidement le travail du vérificateur général et, certes, la façon dont je vois mon travail.
Je puis parler plus facilement de la façon dont je conçois mon travail: si on m'appelle pour me demander ce qui, selon moi, devrait figurer dans un plan d'action, de quoi devrait avoir l'air la stratégie de développement durable, et tout le reste, je projette de répondre que je serai heureux d'aider tant que cela ne nuira pas à ma capacité d'agir avec impartialité et autorité. Je souhaite intervenir plus tôt dans l'élaboration de la politique, aider les ministères à dresser leur plan.
Ensuite, en ce qui concerne le contenu du rapport prévu pour février, vous posez-là une très bonne question puisque, à ce stade- là, il n'y aura probablement pas beaucoup de stratégies et de plans d'action à étudier, s'il y en a. Je prévois, dans le premier rapport, décrire ma propre stratégie de développement durable et le plan d'action qui s'y rattache, décrire mes activités dans le contexte du développement durable et, essentiellement, formuler la philosophie et l'approche que j'adopterai à l'égard des ministères afin de leur donner une idée de mes attentes.
M. Adams: Nous sommes conscients des limites. Il faut se préparer, et ainsi de suite. Nous pouvons facilement concevoir ce que vous avez à faire d'ici... Si vous ne projetez pas vous abattre bientôt sur une proie, avez-vous l'impression que les ministres se préparent? Travaillent-ils actuellement à ces plans?
M. Emmett: Effectivement, ils y travaillent beaucoup. J'ai eu l'occasion de discuter de deux ébauches avec des ministères qui voulaient connaître ma première réaction. J'ai l'impression, en règle générale, que la plupart des ministères - je n'ai pas pu les approcher tous à ce sujet - réagissent avec enthousiasme et vont de l'avant.
Le président: Monsieur Adams, je vous remercie.
Monsieur Reed, Mme Kraft Sloan, puis la présidence, concluront le premier tour de table, à moins que d'autres députés n'aient des questions avant le deuxième tour. Auparavant, toutefois, je souhaite la bienvenue à monsieur Lincoln, ex-secrétaire parlementaire et actuel président du comité du patrimoine canadien.
Nous sommes heureux que vous puissiez être des nôtres. N'hésitez pas à le dire si vous avec des questions à poser.
Monsieur Reed, je vous prie.
M. Reed (Halton - Peel): Monsieur Emmett, j'ai été frappé, dans votre exposé, par votre insistance sur l'action concrète. Ce fut une surprise très agréable. Vous avez peut-être tout dit dans votre recommandation au sujet des trois éléments de votre service.
Il me semble que l'un des domaines où le gouvernement peut prendre des mesures concrètes est celui de la réglementation ou de la déréglementation. Je me suis toujours posé des questions à ce sujet. Là où une activité durable, une entreprise durable, est possible, que ce soit en tout ou en partie, il me semble qu'il serait dans notre intérêt de la débarrasser de la réglementation creuse. Ainsi, le développement durable pourrait s'implanter sans obstacle inutile.
Je puis vous dire qu'actuellement, le processus de réglementation n'encourage pas du tout le développement durable. Au contraire, il nuit au développement tout court puisqu'il suppose au départ que toute forme de développement est non durable, ce qui est faux. Il se peut que bon nombre des entreprises dans lesquelles le monde des affaires et l'industrie peuvent se lancer et dans lesquelles ils se lancent effectivement, soient, en fin de compte, parfaitement durables. Les Nations Unies, dans certains travaux effectués par des experts du monde entier, ont repéré les domaines propices, dont un qui m'intéresse personnellement.
Je me demande simplement comment cela s'insère dans vos trois éléments. La question est peut-être déjà incluse dans l'élément opérationnel, mais je me demande s'il n'y a pas lieu d'avoir une quatrième composante, soit des recommandations en vue d'appuyer, s'il y a lieu, le développement durable et l'abrogation des règlements.
M. Emmett: Encore une fois, vous posez là une question percutante et essentielle.
Il est impossible de généraliser en matière de réglementation. Dans le cadre des travaux prévus au Bureau du vérificateur général et des vérifications d'optimisation, nous entreprenons un examen détaillé de certains règlements environnementaux et nous ferons rapport de leur efficacité. Donc, en un certain sens, je ne voudrais pas agir précipitamment.
Toutefois, je vous renvoie à un document selon moi particulièrement utile durant cette période où les ministères sont en train de préparer leurs plans de développement durable, soit Le guide de l'écogouvernement. On y insiste vraiment sur le recours à toute une gamme de moyens, par exemple la réglementation, les instruments économiques et l'action volontaire. Cependant, l'idée centrale est en réalité que les ministères examinent les divers moyens à leur portée en fonction de la nature des problèmes environnementaux à régler. À eux de choisir les moyens!
Une fois le choix fait, c'est à nous de commenter dans quelle mesure ils peuvent contribuer à combler le fossé entre le geste et la parole.
Avant de répondre à votre question, il vaudrait donc mieux attendre d'avoir reçu les rapports précis au sujet de certains règlements.
Le président: Puis-je attirer votre attention sur un article du ministre de l'Environnement paru hier dans l'Ottawa Citizen, dans lequel il décrit quatre réalités de la réglementation, dont le fait que la réglementation environnementale protège la santé des Canadiens. L'article est une excellente réflexion sur le rôle de la réglementation. Vous pourriez en prendre connaissance et voir à quel point il reflète votre pensée.
Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan: Monsieur Emmett, vous avez dit dans votre exposé que le gouvernement semble avoir accepté le concept du développement durable et qu'il faudrait désormais se préoccuper davantage de la manière dont il le met en pratique. Je me demande si vous avez des suggestions à cet égard.
M. Emmett: J'ai effectivement quelques idées. Il s'agit-là, en réalité, du message central de mon exposé.
Tout d'abord, je ne voudrais pas minimiser l'importance de la conceptualisation, loin de là. La manière dont on cerne un problème, l'approche adoptée, notre façon de le voir, de manière soit constructive ou négative, a beaucoup d'importance. À mes yeux, le développement durable représente une progression réelle.
Maintenant que nous avons fait ce pas, il faut aller au-delà de vouloir sauver la planète et s'attaquer à ses problèmes.
Je dirai tout d'abord qu'à mon avis, les stratégies et les plans d'action en matière de développement durable prévus dans le projet de loi sont des éléments clés. À mesure que les ministères se mettent à les élaborer, ils découvriront que le processus est loin d'être facile. De bonnes raisons expliquent l'écart entre la rhétorique et l'action, parce que beaucoup d'éléments sont difficiles à quantifier. Les résultats sont difficiles à définir, il est difficile de mettre en place des moyens de rendre des comptes, etc. Il nous faudra travailler très fort à des détails sans prestige pour définir les résultats précis attendus de certaines mesures et pour maîtriser des questions plutôt techniques comme l'élaboration de mesures adéquates de la performance et la mise en place de régimes pertinents de responsabilité.
Ce travail prendra beaucoup de temps. C'est un projet de cinq, 10 ou 20 ans. Le problème dure et prend de l'ampleur depuis des années. Il ne faudrait donc pas s'attendre qu'il disparaisse du jour au lendemain.
Nous parlons en réalité d'apporter des changements au niveau local - une meilleure gestion, l'élaboration de résultats, faire avancer, étape par étape, la maîtrise des outils à la portée des ministères pour effectuer le changement - , véritables clés du succès ou de l'échec de l'entreprise.
Mme Kraft Sloan: J'en conviens avec vous, le développement durable n'est pas uniquement une fin, mais aussi un processus, et il ne prendra probablement jamais fin.
Quels seraient, selon vous, les éléments clés qui permettraient de faire en sorte que les stratégies et plans d'action en matière de développement durable soient pertinents et utiles; en d'autres mots, comment pourrons-nous nous débarrasser de l'impression que le gouvernement parle mais n'agit pas ou faire en sorte qu'il joigne le geste à la parole?
M. Emmett: Encore une fois, vous allez droit au coeur du problème. Certains travaux que j'ai effectués pour le gouvernement m'ont appris qu'il est très avantageux de discuter avec des Canadiens de leurs attentes. L'ouverture d'esprit et la transparence avec laquelle...
C'est pourquoi j'inclus, dans mes trois éléments, une chose qui n'est pas vraiment une composante mais un processus, soit la consultation des Canadiens afin de savoir ce qu'ils souhaitent vraiment en retirer. C'est un élément crucial.
L'autre consiste à travailler avec les experts techniques afin d'apprendre quels systèmes de gestion ont peut-être été utiles dans d'autres domaines. Nous pouvons aussi apprendre beaucoup des nombreuses réalisations de l'entreprise privée dans le domaine de l'écocomptabilité et de la gestion des obligations environnementales.
Je dirais donc qu'il y a deux éléments: d'une part, la consultation et, d'autre part, l'offre que fait mon bureau d'aider les ministères à essayer de combler le fossé.
Je crois que Wayne a quelque chose à ajouter.
M. Cluskey: Autre avantage - M. Emmett en a parlé un peu plus tôt - , la loi comme tel exige que ces stratégies - il s'agit de plans - soient déposées à la Chambre, de sorte qu'elles feront l'objet d'un examen approfondi. Par ailleurs, au bout du compte, les ministères savent qu'ils feront l'objet d'une vérification à un certain moment donné. Il existe donc plusieurs incitatifs, conjugués au fait que nous travaillons...
Je fais partie d'un comité intergouvernemental composé de représentants ministériels chargés d'élaborer une stratégie de développement durable. J'ai donc l'occasion de faire des observations durant leurs discussions, et ainsi de suite.
Tous ces éléments seront certes utiles aux ministères.
Après avoir entendu ces gens parler aux réunions, j'ai la nette impression qu'ils désirent vraiment se doter d'un bon plan et d'une véritable stratégie.
Mme Kraft Sloan: De plus, le Bureau du vérificateur général n'en est pas à ses premières armes à cet égard, de sorte qu'il n'y a rien là de bien nouveau. Vous permettrez de faire mieux cibler, mais la capacité et la compétence existent déjà.
Le président: M. Lincoln a la parole, puis ce sera la présidence, après quoi nous entamerons un second tour.
M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Monsieur le commissaire, je vous félicite. J'espère que vous parviendrez vraiment à faire ce que vous souhaitez, car beaucoup d'entre nous - _--je suis de ce nombre - deviennent cyniques lorsqu'il est question de développement durable, une expression bien à la mode. Je suis d'accord avec vous que bientôt nous aurons un plan, une bonne stratégie. Nous disposons déjà du Guide de l'écogouvernement. Il ne faut pas oublier, non plus, le chapitre 4 du livre rouge. En somme, on a manifesté toutes sortes de bonnes intentions dans des énoncés de politique et des lignes directrices, mais elles ne sont pas suivies d'actions concrètes.
Prenons l'exemple du changement climatique, où la rhétorique est très différente de l'action. Nous avons signé des conventions internationales. Nous avons envoyé un merveilleux message. Cependant, quand vient le temps de repenser la fiscalité en matière d'énergies renouvelables, le changement se fait attendre. En tant que gouvernement, nous jouons à la fois le rôle de client de l'industrie des combustibles fossiles et de promoteur des énergies renouvelables. Il me semble que le gouvernement privilégie constamment son rôle de client.
Par exemple, souvenez-vous de la lutte qu'il a fallu livrer pour ni plus ni moins sauver l'Institut des eaux douces, dont l'utilité est pourtant incontestable. Je suppose que, même maintenant, son avenir demeure incertain.
Comme vous n'êtes pas mandaté pour participer à l'élaboration de la politique au départ, je me demande comment vous pouvez faire un rapprochement entre la rhétorique, les voeux pieux, les plans et les déclarations, et les résultats réels. Je me demande si vous concevez votre rôle comme celui d'une personne qui, parce qu'elle est commissaire au développement durable, aurait parfois à intervenir dans les débats et les arguments.
L'Institut des eaux douces est peut-être un exemple parmi tant d'autres de la disparition subite de la volonté de réaliser le véritable développement durable - ou le fait que le ministère de l'Environnement représente maintenant un des plus petits portefeuilles du gouvernement.
Concevez-vous votre rôle comme celui d'une personne qui a son mot à dire et qui agit comme une sorte de défenseur impartial, ce qui aurait alors beaucoup plus de poids moral auprès du gouvernement? Je me demande comment vous concevez votre rôle, puisque vous ne participez pas à l'élaboration de la politique comme tel.
M. Emmett: Votre question est très percutante.
J'y répondrai en trois temps.
Vous avez mentionné l'absence d'un mandat permettant d'influer sur l'élaboration de la politique au départ. Je conviens que personnellement, en tant que commissaire, je ne suis pas mandaté pour le faire. Par contre, la loi le fait. Les modifications prévues à la Loi sur le vérificateur général auront peut-être une influence sur l'élaboration de la politique... parce qu'elle ajoute un élément nouveau au processus: elle prévoit la création de stratégies et de plans d'action en matière de développement durable, ce qui obligera les ministères à être tout ce qu'il y a de plus explicite dans leurs choix quant aux objectifs environnementaux, économiques et sociaux. Voilà un élément nouveau qui, à mon avis, a une influence sur l'élaboration de la politique au départ, de même que le fait de savoir, comme l'a mentionné M. Cluskey, que ces choix seront examinés par la tribune la plus publique qui soit.
De plus, le commissaire peut avoir... Je m'aventure peut-être en eaux troubles ici, parce que je ne veux pas prétendre avoir une influence explicite sur l'élaboration de la politique. Cependant, nous pouvons contribuer à créer de plus grandes attentes en ce qui concerne la qualité des choix faits à Ottawa concernant l'équilibre des impératifs économiques, sociaux et environnementaux, sans vraiment faire d'observations précises durant le processus.
Pour ce qui est de votre question précise - devrais-je prendre part au débat cherchant à déterminer s'il faut que le gouvernement dépense son argent d'une manière de préférence à une autre? - , je répondrai par la négative, parce qu'à ce moment-là, je ne serais plus indépendant. Dès lors, je serais partie au processus politique, ce qui selon moi ne cadre pas avec le rôle du commissaire au sens de la loi et ne convient pas à une personne dans ma situation.
M. Lincoln: Est-ce le point faible de toute la chaîne: que vous ne conceviez pas votre rôle comme étant de surveiller et, simultanément, de défendre le développement durable lorsqu'un programme est menacé ou qu'une orientation va à l'encontre du concept même...? Je ne dis pas que la loi l'autorise aujourd'hui, mais, idéalement, cela ne devrait-il pas faire partie de votre rôle?
Nous essayons d'influer sur les choix faits pour l'avenir. Je ne vois pas pourquoi cette loi serait immuable. Il faut chercher le meilleur moyen de vous donner de l'influence.
M. Emmett: Nous discutons ici de l'essence même de certains compromis faits lorsqu'a été défini le rôle du commissaire.
Tout d'abord, arrêtons-nous à l'énoncé de mission du vérificateur général. Dès le début, il est précisé que le vérificateur général souhaite avoir de l'influence. Je crois que le vérificateur général souhaite influer sur la qualité et le fonctionnement de l'appareil gouvernemental et la façon dont se prennent les décisions.
Je crois que la meilleure façon dont le vérificateur général, et par conséquent le commissaire, peuvent exercer cette influence consiste à adopter une position résolument neutre à l'égard des questions politiques. Autrement, on est porté, de part et d'autre, à douter de notre objectivité et à ne pas tenir compte de nos rapports dans une certaine mesure.
Je crois qu'en réalité, nous pouvons fournir une analyse indépendante et objective des mesures nécessaires pour combler le fossé entre la parole et le geste. Je suis persuadé que le maintien de cette indépendance est une condition nécessaire à l'exercice de cette fonction.
Le président: Monsieur Emmett, serait-il juste de dire que le projet de loi C-83 et le Guide de l'écogouvernement sont les principaux instruments dont vous vous inspirez pour établir votre ligne de conduite et former votre jugement politique?
M. Emmett: Je crois que c'est assez juste. Le projet de loi C- 83 est assurément fondamental; c'est la loi.
Le président: Vous êtes l'un des auteurs du Plan vert, du Guide de l'écogouvernement?
M. Emmett: J'estime que ce guide est très important.
Le président: En êtes-vous fier?
M. Emmett: Du Guide de l'écogouvernement?
Le président: Oui.
M. Emmett: Oui, effectivement.
Le président: Le considérez-vous comme un document important?
M. Emmett: Assurément.
Le président: Je suis très heureux de vous l'entendre dire car dans ce document, qui ne remonte qu'à... Combien de temps, deux ans?
M. Emmett: Je crois bien...
Le président: À la page 23, nous pouvons lire la déclaration suivante: «Le développement durable est un thème central du programme d'orientation du gouvernement fédéral.» C'est une déclaration assez forte, ne trouvez-vous pas?
M. Emmett: Oui, monsieur.
Le président: Ce document a été signé par les ministres du Cabinet de l'époque, c'est-à-dire le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, le ministre de l'Industrie, le ministre des Ressources naturelles, le président du Conseil du Trésor... Tout le monde l'a signé.
À votre avis, cela vous donne-t-il un mandat politique adéquat?
M. Emmett: J'estime qu'il m'accorde un mandat politique qui se démarque de la norme en ce qui concerne les documents de travail préparés au gouvernement, effectivement.
Le président: Pourriez-vous alors nous expliquer de façon plus détaillée, comme vous l'avez fait en partie en réponse à une question de Mme Kraft Sloan plus tôt, le point 13 de votre présentation de ce matin, qui indique que la mesure de la valeur du commissaire est pragmatique? Ne croyez-vous pas qu'elle est plus que cela?
M. Emmett: Que la mesure de la valeur du commissaire est plus que pragmatique?
Le président: Oui.
M. Emmett: Je crois que la mesure de la valeur du commissaire est plus que pragmatique. Je crois avoir dit que le critère ultime, ce sont les résultats.
Le président: À votre avis, quelle est la mesure de la valeur du commissaire?
M. Emmett: Quelle est la mesure de la valeur du commissaire? Je l'ai exposée dans mes notes et dans certaines de mes réponses.
Mes attentes en ce qui concerne le travail du commissaire à Ottawa correspondent à ce qui est prévu dans l'énoncé du mandat du vérificateur général, c'est-à-dire jouer un rôle important dans la façon dont on décide de concilier les objectifs environnementaux et les objectifs socio-économiques, ce qui correspond au mandat prévu par la loi.
Le président: Je vous remercie.
Devrais-je donc en conclure que le commissaire pourrait être considéré comme l'un des principaux responsables de la mise en oeuvre d'un thème central du gouvernement actuel?
M. Emmett: Je ne crois pas être un agent de mise en oeuvre sauf pour ce qui est d'élaborer mon propre plan pour mon propre bureau, conformément aux exigences de la loi, même si techniquement je ne crois pas que nous soyons visés par elle. Mais comme je contrôle la mise en oeuvre, j'espère qu'avec le temps cela permettra de monter la barre, d'augmenter les attentes et d'améliorer le rendement.
Le président: Mais d'après la loi votre rôle est beaucoup plus qu'un rôle de contrôle. Je vous renvoie au paragraphe 21.1. Votre mission consiste à assurer le contrôle des progrès accomplis par les ministères de catégorie I...
M. Emmett: Oui.
Le président: ...dans la voie du développement durable, concept en évolution constante reposant sur l'intégration de questions d'ordre social, économique et environnementale. Êtes-vous d'accord avec cette déclaration?
M. Emmett: Oui.
Le président: Par conséquent, votre mission est beaucoup plus qu'une mission de contrôle.
M. Emmett: Absolument. Je dois faire état de l'écart qui existe entre l'intention exprimée et le rendement. Cela ne fait aucun doute.
Le président: D'accord. Maintenant, examinons les pouvoirs qui vous ont été conférés à l'article 21.1. Comment prévoyez-vous donner suite aux dispositions des alinéas a), d), e), et f)? L'alinéa a) se lit comme suit: «l'intégration de l'environnement et de l'économie». Comment vous assurerez-vous que les ministères de catégorie I tiennent compte de l'intégration de l'environnement et de l'économie dans leurs plans?
M. Emmett: Cela est au coeur même du programme de travail que je tâche de mettre sur pied. Je prévois entre autres faire appel aux nombreuses connaissances spécialisées du bureau en matière de vérification de l'optimisation des ressources afin de déterminer dans quelle mesure les ministères sont parvenus à atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés dans ces domaines.
Il ne m'appartient de commenter la mesure dans laquelle un ministère peut choisir entre les options (a), (b), (c), (d). C'est le travail des ministères. Mon travail consiste à indiquer, une fois ce choix fait, s'ils sont parvenus ou non à mettre en oeuvre un plan d'action leur permettant de passer du point A au point B.
Le président: Dans l'introduction du Guide de l'écogouvernement, on peut lire ce qui suit:
- Tous les ministères se sont engagés à mettre au point leur stratégie de développement durable
dans les deux ans...
Le président: Avez-vous l'intention de vous conformer à cet échéancier?
M. Emmett: Oui. Les ministères s'en occupent maintenant. Je crois que certains ont indiqué avoir l'intention de mettre ces stratégies au point d'ici un an.
Le président: Par conséquent, d'ici juin 1998...
M. Emmett: L'échéance de deux ans serait le 15 décembre 1997.
Le président: C'est donc l'échéance?
M. Emmett: Oui.
Le président: Très bien, et lorsque vous constaterez qu'un certain nombre de ministères n'ont pas tenu compte des critères ayant trait à l'intégration de l'environnement et de l'économie, quel sera alors votre plan d'action?
M. Emmett: Mon plan d'action consistera à présenter au Parlement un rapport ferme et clair dans lequel j'indiquerai que les ministères ont préparé des stratégies de développement durable et des plans d'action qui ne satisfont pas aux critères de la loi.
Le président: Cela n'inclut pas les critères énoncés au paragraphe 21.1. Serez-vous aussi précis?
M. Emmett: Il ne fait aucun doute que ce paragraphe me sert de guide. Il y décrit mes fonctions.
Le président: Très bien. Et comment prévoyez-vous mettre en oeuvre l'alinéa f) du paragraphe 21.1?
M. Emmett: C'est une question difficile. Comme je l'ai indiqué dans ma réponse àMme Kraft Sloan, je crois que c'est un aspect qui évoluera sur plusieurs années et qui nécessitera un vrai travail de fond. Pour l'instant, je tiens à me concentrer sur la mise sur pied de systèmes de gestion qui produisent des résultats définis et permettent de mesurer le rendement et sur les moyens de communiquer les progrès réalisés d'une manière accessible. Je crois que nous devons développer entre autres, comme le prévoit l'alinéa f), «une approche intégrée pour la planification et la prise de décision...». J'aimerais que les ministères en fassent rapport en mettant l'accent sur les résultats et en utilisant des indices du rendement que les Canadiens peuvent comprendre et qui leur permettent de constater la façon dont ces décisions influent sur leur vie. Autrement, je crois que nous ne serons pas à la hauteur des attentes que les Canadiens ont à l'égard de leur gouvernement. D'autant plus, à mon avis, que c'est ce qui se fait dans le secteur privé.
Le président: J'aurais deux autres brèves questions et je vous remercie des réponses que vous nous avez données jusqu'à présent.
Dans votre présentation de ce matin, à la page 4, vous mentionnez l'élément stratégique qui reflète l'attention accordée à l'intégration des questions environnementales, sociales et économiques. En ce qui concerne le dioxyde de carbone et l'engagement international pris par le Canada pour en stabiliser et en réduire davantage les émissions, comment ferez-vous état du rendement du ministère des Ressources naturelles?
M. Emmett: Je ne l'ai pas encore entièrement décidé mais il ne fait aucun doute qu'un objectif existe. Cet objectif a été réitéré à maintes reprises. Selon les indications générales dont on dispose, la situation économique est telle que cet objectif ne sera pas atteint, et nous ne manquerons pas d'en faire état. Comme nous ne connaissons pas le résultat, il est difficile d'en dire plus pour l'instant.
Le président: Supposons que le ministère des Ressources naturelles ne tienne pas compte des considérations en matière de développement durable dans son premier rapport de deux ans. Que ferez-vous pour remédier à la situation?
M. Emmett: La seule chose que je peux faire, c'est d'exposer publiquement la situation au moyen des rapports au Parlement.
Le président: Enfin, dans votre rapport annuel au Parlement, quels sont les mécanismes prévus pour le renvoi aux comités?
M. Emmett: M. Cluskey, qui s'y connaît un peu mieux que moi à ce sujet, pourrait peut-être répondre à cette question.
M. Cluskey: Tout ce qu'il nous est possible de faire... Bien entendu, nous faisons rapport au Comité des comptes publics, et de nombreuses audiences portent sur les chapitres en question mais nous écrivons également au président du comité - et nous vous avons d'ailleurs déjà envoyé ce genre de lettre - afin d'indiquer certaines questions abordées dans notre rapport, susceptibles de l'intéresser en raison de leur nature, de leur orientation. Voilà comment nous portons à l'attention de votre comité ou de tout autre comité une question susceptible de l'intéresser.
Manifestement, nous n'avons pas qualité pour vous dicter les questions qui doivent retenir votre attention. La loi ne renferme aucune disposition prévoyant le renvoi de notre rapport au comité des comptes publics, à votre comité ou à tout autre comité. Il appartient aux présidents des comités de déterminer s'ils veulent nous convoquer, c'est-à-dire le Bureau du vérificateur général, le commissaire, les ministères - ou les deux.
Le président: Par conséquent, le vérificateur général pourrait écrire à l'un ou plusieurs des présidents de comités...
M. Cluskey: Oui.
Le président: ...les invitant à examiner la partie de son rapport qui relève de la compétence de leur comité respectif.
M. Cluskey: Nous pouvons publier jusqu'à quatre rapports par année mais jusqu'à présent nous nous sommes arrêtés à trois: deux rapports périodiques et un rapport annuel.
En ce qui concerne les chapitres que j'ai préparés, par exemple, sur les déchets dangereux et les déchets radioactifs, je crois qu'une lettre vous a été envoyée l'année dernière en votre qualité de président simplement pour vous signaler que le rapport traitait entre autres de ces questions. Je crois que certaines discussions ont eu lieu à propos des déchets dangereux. Je ne crois pas que des audiences formelles ont eu lieu mais cette question a été soulevée lorsque nous avons rencontré les membres de votre comité.
C'est donc le moyen dont nous nous servons pour tâcher d'attirer l'attention de certains comités du Parlement sur un chapitre ou plusieurs chapitres en particulier de nos divers rapports.
Le président: Vous poursuivrez donc cette tradition?
M. Cluskey: Absolument, oui.
Le président: Monsieur Asselin.
[Français]
M. Asselin: D'abord, le Bloc québécois était favorable à la nomination d'un commissaire à l'environnement, à la condition que ce dernier puisse jouer un rôle indépendant et qu'il soit objectif. Selon le Bloc québécois, le commissaire à l'environnement devrait assumer des fonctions de surveillance et de dénonciation et faire des recommandations. Au Québec, on appelle communément cela un «chien de garde».
Je serais déçu qu'on dépense des sommes d'argent à créer, pour la forme et pour l'image, un commissaire à l'environnement qui ne pourrait être indépendant et objectif afin de ramener le gouvernement et ses ministères sur les rails lorsqu'ils ont tendance à déraper.
Dès sa prise du pouvoir, le gouvernement libéral a aboli le Plan vert, lequel prévoyait une injection de près de cinq millions de dollars. Cependant, seulement 800 000 $ ont été dépensés.
Le gouvernement n'a aucun plan d'action en matière environnementale. Il ne fait que de l'improvisation. Comment allez-vous faire? Aux ministères de la Santé et de l'Agriculture, on ne se réfère à aucun plan d'action et il n'y a aucune coordination en matière environnementale. Par exemple, nous n'avons toujours pas de projet de destruction des produits toxiques comme les BPC même si l'ancienne ministre de l'Environnement avait promis que cela devait être réalisé en 1995.
En tant que commissaire, vous devez assumer un rôle de surveillant. Prenons l'exemple d'un surveillant de chantier. S'il n'a pas de plan de construction, il va devoir improviser et cela va devenir un vrai casse-tête. C'est un peu ce qui se passe actuellement au ministère de l'Environnement.
Pensez-vous avoir des difficultés à exercer votre rôle si la situation demeure la même? Merci.
M. Emmett: Si vous me demandez si j'ai une tâche difficile, la réponse est oui. Toutefois, je pense aussi que j'ai un niveau d'indépendance adéquat pour jouer le rôle que la loi me donne.
M. Asselin: Vous faites allusion à la loi, mais quels pouvoirs définis vous donne-t-elle? J'aimerais que vous soyez plus précis à ce sujet.
M. Emmett: Les pouvoirs prévus par la loi sont, à mon avis, très importants. En ce qui a trait au développement durable, j'ai le pouvoir de contrôler les plans stratégiques préparés par les ministères et aussi de faire un rapport au Parlement en ce qui a trait à n'importe quel aspect du rendement du gouvernement fédéral. À mon avis, c'est un pouvoir énorme.
Je pense que le problème découle du fait que la loi me donne une trop grande envergure. Je dois faire des choix parmi de nombreuses possibilités et priorités. C'est plutôt cela qui rendra ma tâche plus difficile et non l'absence de pouvoirs.
M. Asselin: Prenons un exemple. Le projet de loi C-29, qui a trait au manganèse dans l'essence, doit faire l'objet d'un débat en troisième lecture. Et il ne faut pas oublier l'ALENA et les ententes entre le Canada et les États-Unis.
Supposons que le projet de loi C-29 soit adopté et que la compagnie américaine qui produit les MMT décide de poursuivre le gouvernement pour au-delà de 200 millions de dollars américains. Quel serait votre rôle en ce qui a trait à ce projet de loi? Serait-il d'informer le gouvernement des conséquences de certaines actions et de lui recommander de retirer ce projet de loi?
M. Emmett: Non, je ne crois pas que j'aurais un rôle à jouer en ce qui a trait à l'étude du projet de loi C-29. C'est une question politique. C'est un choix qui relève du Parlement.
M. Asselin: C'est un projet de loi qui fait actuellement l'objet d'une étude.
M. Emmett: Selon moi, c'est un choix politique qui doit être fait par les ministres et les députés, et non par moi.
M. Asselin: Si le gouvernement perdait 200 millions de dollars dans une telle cause, vous ne pourriez pas le dénoncer?
M. Emmett: Si le projet de loi devient loi et qu'il y a une conséquence, je devrai jouer un rôle en déterminant les coûts et les bénéfices de la loi et les résultats du choix politique fait par le ministre de l'Environnement. Mais je n'ai aucun rôle dans la discussion ou le développement politique.
M. Asselin: En tant que commissaire, votre rôle ne serait-il pas plus de prévenir que de guérir?
M. Emmett: Mon rôle est de contrôler et de faire un rapport sur les conséquences de la loi et non de discuter des choix politiques du Parlement.
[Traduction]
Le président: Monsieur Forseth.
M. Forseth: Monsieur Emmett, je constate qu'à une époque vous avez joué effectivement un rôle clé dans l'élaboration du Plan vert du Canada. Par la suite, vous avez représenté Environnement Canada et le gouvernement canadien à l'échelle nationale et internationale dans le dossier environnemental. Vous avez participé à la négociation d'accords, de protocoles et de conventions internationaux. Vous avez ensuite été directeur général de l'Association canadienne du gaz propane, située à Calgary. Il serait intéressant que vous nous fassiez certains commentaires à la lumière de votre vaste expérience.
Pouvez-vous nous indiquer comment l'utilisation du propane peut favoriser de meilleures pratiques environnementales? Pouvez- vous commenter l'utilisation du gaz propane pour les véhicules ou pour le chauffage résidentiel? Comment cela cadre-t-il avec les mesures que doit prendre notre pays? Nous voulons respecter nos engagements internationaux en matière de réchauffement de la planète et ainsi de suite. Vous pourriez peut-être également aborder la question des incitatifs et des effets dissuasifs qui se rattachent au propane et de ce qui constituerait la meilleure solution. C'est un exemple pratique de ce dont vous avez traité dans vos observations générales préliminaires.
M. Emmett: Il s'agit d'une autre question très intéressante.
Mon expérience au sein de l'industrie du propane a été courte mais très intéressante. Tout d'abord, elle m'a donné l'occasion de voir ce qui se faisait dans une autre région du Canada où les gens ont des attitudes légèrement différentes. Cela m'a également donné l'occasion de travailler avec toute une gamme d'entreprises, depuis les petites entreprises familiales n'ayant qu'un seul camion par exemple, jusqu'aux grosses compagnies pétrolières fusionnées.
Je considérais utile pour faire valoir notre produit auprès du gouvernement de vanter les avantages de l'utilisation du gaz propane sur le plan environnemental, à savoir sur le plan de la qualité de l'air et de l'effet de serre. J'ai également indiqué à mes collaborateurs que pour vanter les avantages du gaz propane sur le plan environnemental, il serait utile d'adopter un mode de gestion axé sur le produit total, analogue à celle élaborée par d'autres industries.
Ce qui m'a le plus étonné lors de mon passage à l'Association du gaz propane, c'est de constater à quel point mes collaborateurs étaient ouverts à ces propositions. Ils auraient pu fort bien qualifier mes idées d'irréalistes en les mettant sur le compte de mon expérience précédente. Au lieu de cela, ils m'ont dit que je ne leur apprenais rien de nouveau et qu'il fallait faire preuve de toute la diligence raisonnable pour obtenir de l'assurance, pour obtenir des prêts de la banque et pour assumer nos responsabilités environnementales de manière à éviter les poursuites et ainsi de suite. Ils ont indiqué être très ouverts à l'adoption d'une éthique environnementale. J'ai trouvé cette expérience très utile et très révélatrice.
M. Forseth: Que pouvez-vous nous dire au sujet des incitatifs ou des effets dissuasifs qui entourent l'utilisation de ce type de carburant?
M. Emmett: Le propane est un carburant très intéressant. Le Canada en produit environ 10 milliards de litres par année dont il exporte la moitié. En ce qui concerne l'autre moitié, environ un tiers est destiné au marché du transport, un tiers est destiné au secteur commercial et industriel et un tiers au secteur résidentiel.
Le tiers destiné au secteur du transport est pratiquement entièrement dicté par la politique gouvernementale - c'est-à-dire la différence de traitement fiscal. Les utilisateurs de propane ne paient pas de taxes d'accise fédérale sur le propane et dans de nombreuses provinces ils ne paient pas les taxes provinciales sur le propane. Il existe donc une importante différence de prix qui incite les automobilistes à convertir leur véhicule au gaz propane. Il s'agit donc en fait d'un secteur de l'industrie dont l'orientation est prédéterminée. Je crois qu'il s'agit là d'un incitatif.
L'aspect négatif est légèrement plus subtil. Je crois qu'en raison du traitement positif qu'elle reçoit du gouvernement, l'industrie a eu légèrement tendance à se reposer sur ses lauriers et à ne pas faire les changements que nécessitaient les progrès technologiques. Elle a donc commencé à en subir les conséquences.
Le président: Monsieur Lincoln.
M. Lincoln: Monsieur Emmett, j'aimerais donner suite aux questions posées par M. Caccia et à celles que j'ai posées auparavant sur la façon dont vous pouvez inciter les ministères à modifier l'orientation de certaines mesures jugées aujourd'hui nuisibles au développement durable. Il s'agit des dispositions relatives à l'établissement de rapports, qui prévoient que le vérificateur général peut présenter jusqu'à trois rapports supplémentaires et qui vous accordent le droit de faire rapport directement à la Chambre une fois par année.
Le droit qui vous est accordé en vertu du paragraphe 23(2) est assez étendu, étant donné qu'en vertu de la première partie de ce paragraphe, vous avez le droit d'établir à l'intention de la Chambre des communes un rapport sur toute question environnementale ou autre relative au développement durable, notamment... En d'autres termes, la stratégie de développement durable ne sera prête que dans deux ans. Entre-temps, vous pouvez établir un rapport sur toute question environnementale ou autre relative au développement durable. Par conséquent, indépendamment de ce qui va se passer dans le domaine des stratégies de développement durable d'ici deux ans, vous pourriez établir à l'intention de la Chambre un tel rapport aujourd'hui, demain, après-demain.
En vertu de l'article dont a fait mention M. Caccia, le paragraphe 21.1, qui est un article essentiel, vous disposez d'une grande marge de manoeuvre. Bien sûr, il y est question de contrôle, mais aussi du contrôle des progrès accomplis par les ministères dans la voie du développement durable. Il n'est pas question de stratégies, mais des progrès accomplis par les ministères de catégorie I dans la voie du développement durable. Dans cet article, il est question de la protection des écosystèmes, du respect des obligations internationales et, à l'alinéa f), de l'évaluation des solutions économiques en fonction de leurs effets sur l'environnement et les ressources naturelles et de l'évaluation des solutions écologiques en fonction de leurs effets sur l'économie.
Les paragraphes 21.1 et 23(2) combinés semblent, à mon avis, vous donner d'immenses pouvoirs, puisque vous pouvez établir à l'intention de la Chambre un rapport une fois par an, ou à n'importe quel moment au cours de cette année, sur les objectifs que les ministères de catégorie I ne réalisent pas, d'après vos prévisions, à l'égard de n'importe laquelle de ces catégories, ou sur toute absence de progrès dans la voie du développement durable, ce qui est énorme.
Dans notre cas particulier, comme nous en avons tous les deux fait mention plus tôt au cours de la période de questions, vous savez, par exemple, que nous ne respectons pas nos obligations internationales en matière de changement climatique. Officiellement, notre insuffisance se chiffre à 13 p. 100 et nous en connaissons les raisons.
Nous les connaissons également en ce qui concerne notre évaluation des solutions économiques en fonction de leurs effets sur l'environnement et les ressources naturelles. Ce comité a récemment publié un rapport indiquant les raisons pour lesquelles nous n'utilisons pas les meilleures solutions économiques en fonction de leurs effets sur l'environnement et les ressources naturelles dans le contexte de nos obligations internationales relatives au changement climatique.
Compte tenu de ce que nous savons aujourd'hui, c'est-à-dire que nous ne réalisons pas nos objectifs à de nombreux égards, avez-vous l'intention au cours de la première année de votre mandat d'établir un rapport à l'intention de la Chambre et de vous prévaloir de vos pouvoirs en vertu du paragraphe 23(2) pour nous signaler les objectifs que nous n'avons pas réalisés - non pas ceux que nous essayons de réaliser d'ici deux ans, mais ceux que nous savons ne pas avoir réalisés aujourd'hui?
M. Emmett: Cette question vise de nouveau la façon dont j'interprète mon mandat, à savoir si je dois participer au processus politique - en donnant des avertissements, par exemple - ou non. Je ne le crois pas.
Je comprends ce que vous voulez dire au sujet des chiffres relatifs au changement climatique. J'aimerais vous donner deux réponses.
Premièrement, non seulement assurerons-nous le contrôle de la stratégie de développement durable, mais aussi poursuivrons-nous notre examen approfondi des questions environnementales particulières. Le changement climatique est l'une de ces questions que nous allons examiner et dont nous allons faire rapport. C'est une question légèrement à part. Pour ce faire, je vais travailler avec mes collègues responsables du ministère des Ressources naturelles. Je ne vais pas nécessairement en faire état dans le rapport vert au Parlement; une fois l'examen terminé, il en sera fait mention dans le prochain rapport périodique du vérificateur général.
Pour ce qui est de la complexité du changement climatique, qui soulève bien des questions, ainsi que l'a indiqué le député assis à ma droite, comme la coopération interministérielle, etc., il est très important que nous prenions le temps de nous documenter sur certaines des raisons pour lesquelles les intentions ne se concrétisent pas. À mon avis, il s'agit du rôle du vérificateur général, mais c'est un rôle joué rétrospectivement. Il ne suffit pas de signaler les problèmes.
Je pense que mon rôle consiste à assurer le contrôle des progrès accomplis dans la voie du développement durable et à en établir un rapport. À mon avis, assurer le contrôle signifie examiner la mesure dans laquelle les ministères ont atteint leurs objectifs, notamment dans le contexte des traditions du Bureau du vérificateur général.
M. Lincoln: Il me semble toutefois qu'il s'agit de deux mandats: assurer le contrôle; établir un rapport.
Il me semble que le paragraphe 23(2) est l'un des articles les plus habilitant à l'égard de l'établissement d'un rapport, puisqu'il dépasse de beaucoup les stratégies de développement durable. Ayant moi-même participé aux travaux précédant la promulgation de la loi, il me semble que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons également donné au vérificateur général la latitude de publier des rapports supplémentaires au cours de n'importe quelle année.
Je me demandais si d'après vous, il ne s'agit pas de deux genres de mandat différents, l'un étant d'assurer le contrôle des progrès dans la voie des stratégies de développement durable... et je conviens avec vous qu'en pareil cas, vous ne pouvez pas vraiment prévoir quels seront ces progrès tant que les plans d'action ne seront pas établis. En même temps, en ce qui concerne l'établissement de rapports sur des points qui, selon vous, devraient être soulignés, dans le domaine de l'environnement et d'autres aspects du développement durable, de nombreux points devraient être actuellement portés à l'attention de la Chambre par un organe indépendant afin de sensibiliser le Parlement et le public en général au fait que si nous ne prenons pas telle ou telle mesure, les stratégies de développement durable arriveront trop tard; il faut commencer à agir dès maintenant. Je me demandais si selon vous, l'autre mandat qui vous est donné n'est pas aussi important, voire plus important que l'autre, soit assurer le contrôle.
M. Emmett: Merci encore, monsieur Lincoln, de poser une question très fondamentale.
Soit dit en passant, j'ai toujours été surpris d'entendre des gens me dire à l'extérieur de cette pièce que je manque de marge de manoeuvre. Il me suffit de lire le paragraphe 23(3) pour m'apercevoir que la marge de manoeuvre est énorme; en fait, la question qui se pose est celle du choix des points devant faire l'objet de rapport.
Ceci étant dit, je préparerai ces rapports au nom du vérificateur général en vertu du paragraphe 23(2), tout en poursuivant la tradition du vérificateur général, à savoir qu'il s'agira d'un examen indépendant de la performance du gouvernement par rapport aux objectifs politiques qu'il s'est lui-même fixé. Les ministères vont continuer à établir ces objectifs, que ce soit dans les plans de développement durable, dans les lois ou ailleurs. Je peux choisir des domaines à l'extérieur des stratégies de développement durable où les ministères, pour une raison ou une autre, n'ont pas atteint les objectifs qu'ils se sont fixés ou, pour une raison ou une autre, les ont atteints de façon spectaculaire. Je ne pense pas qu'il convienne de faire silence sur les réussites.
Je reviens à la nécessité de ne pas participer au processus visant à recueillir, analyser et interpréter l'information nécessaire aux choix politiques. Il s'agit là du travail des ministères, des ministres et du Parlement.
M. Lincoln: C'est là, voyez-vous, que nous ne sommes pas tout à fait sur la même longueur d'ondes, car il me semble que le vérificateur général... À titre d'exemple, l'an passé ou l'année précédente, le vérificateur général avait publié un rapport approfondi sur les déchets nucléaires; il avait souligné toutes sortes d'insuffisances au chapitre du traitement des déchets, des mesures de protection, etc. C'était un rapport très critique. Il me semble que si vous analysez une de ces parties à la lumière du paragraphe 21.1...
Prenons l'exemple du respect des obligations internationales, qui est un engagement considérable pour tout gouvernement, qu'il soit libéral, conservateur, ou autre, à court et à long terme. Nous nous sommes fixé des objectifs. Nous nous sommes engagés à remplir certaines obligations, qui sont très bien définies. N'est-ce pas la raison pour laquelle le paragraphe 23(2) est si large qu'il vous donne la latitude de choisir n'importe lequel de ces domaines à n'importe quel moment, dans la mesure surtout où vous connaissez nos insuffisances, possibles ou réelles, qui sont toutes connues du public. Peut-être, pourriez-vous jouer un rôle considérable en portant à l'attention de la Chambre le fait que si nous prenions sans plus tarder telle ou telle mesure aujourd'hui, nous prendrions de l'avance en ce qui concerne le respect de nos obligations internationales, au lieu d'attendre deux années de plus pour connaître les plans d'action et les stratégies des ministères.
Avant d'en arriver aux alinéas a) et b), est-ce la raison pour laquelle la portée du paragraphe 23(2) est aussi vaste, et est-ce la raison pour laquelle il y est indiqué «notamment» au lieu de «particulièrement»?
M. Emmett: Je suis d'accord avec vous à bien des égards. Je suis d'accord à propos de la portée de l'article 23. Je suis d'accord à propos de la portée de la loi et de la capacité de choisir dans une longue liste les questions qui posent de véritables problèmes. J'ai essayé de souligner jusqu'à quel point, à mon avis, l'écart entre la performance et la rhétorique amoindrit la capacité d'Ottawa d'opérer efficacement des changements au sein de la société. Je tiens à choisir parmi ces questions celles qui vont être utiles afin d'apporter des changements à cet égard.
Ceci étant dit, je crois vraiment, dans des limites assez strictes, que mon rôle ne consiste pas à participer au processus politique, à penser qu'une politique ne va pas réussir et à dire qu'elle doit être modifiée d'une certaine façon. Je ne pense pas que ce soit le rôle du vérificateur général.
Par contre, je pense que nous avons un rôle éventuel à jouer en ce qui concerne notre capacité de faire des études particulières, d'examiner certains points afin de déterminer quelles sont les meilleures pratiques dans certains domaines par exemple. Pourquoi ne pas faire de rapports sur les meilleures pratiques et laisser le public en arriver à la conclusion que l'écart entre les meilleures pratiques et ce qui se passe au sein du gouvernement du Canada est énorme?
Je le répète, je ne pense pas devenir plus efficace à long terme en participant au processus politique, au lieu de jouer le rôle qui m'est imparti.
Le président: Vous pouvez influer sur le processus, n'est-ce- pas?
M. Emmett: Oui.
M. Cluskey: Je ne connais qu'un bureau de vérification important au monde qui ait le mandat de faire des observations sur la politique; il s'agit du General Accounting Office aux États- Unis. Nous avons des liens étroits avec ce bureau et nous savons que dernièrement il a fait l'objet de critiques, certaines personnes pensant que les commentaires qu'il a faits sur la politique l'ont amené, tout naturellement, dans l'arène politique. Cela a causé des problèmes quant à son indépendance et sa crédibilité. C'est une situation extrêmement délicate. En général, c'est la raison pour laquelle très peu de bureaux - il y en a un dans peut-être un autre pays - s'occupent de la politique. À un moment donné, cela peut poser un problème.
Au sujet de l'influence sur la politique, nous savons par exemple que dans les derniers discours budgétaires du gouvernement, il a été fait mention du bureau du vérificateur général, car nous avions souligné un point particulier et que cela avait influé sur le budget. Par conséquent, directement ou indirectement, nous avons une influence sur la politique. Parfois, en raison de commentaires négatifs, nos rapports soulèvent des questions de politique, évidemment.
Il ne revient tout simplement pas au Bureau du vérificateur général de dire qu'il faudrait, par exemple, prévoir un programme d'assurance-chômage, ou la réglementation d'un produit toxique particulier. Par contre, nous intervenons si Environnement Canada, par exemple, n'a pas tenu compte d'une situation particulière au moment de l'examen de la liste des points à réglementer, alors que de toute évidence, elle pose un problème. Nous devrions à tout le moins poser la question suivante: Pourquoi le ministère n'a-t-il pas envisagé cette situation? Nous pouvons le dire sans directement faire de remarques sur les mérites de la politique en haut lieu.
M. Lincoln: Je n'ai jamais dit que vous devriez faire de remarques sur la politique en tant que telle. En fait, j'ai donné l'exemple de l'industrie nucléaire à propos de laquelle le rapport du vérificateur général indiquait que dans les processus et les systèmes, nous n'avons pas respecté les obligations et les règlements.
C'est donc à vous de tirer vos propres conclusions en ce qui concerne les changements de politique. Vous ne dites pas qu'il faut modifier la politique et vous ne la définissez pas non plus.
Ce que je dis c'est que pour l'instant, nous avons certaines obligations internationales. J'ai donné l'exemple de conventions non respectées, d'objectifs non réalisés, etc. Sûrement, sans influer sur la politique, laquelle est de toute façon déjà établie... Nous avons pour politique de respecter ces obligations internationales, d'y souscrire, de suivre une certaine voie. Nous le savons tous. De toute évidence, dans certains domaines, nous n'observons pas la politique établie.
Le fait de signaler certains problèmes à propos des industries nucléaires dans un document émanant d'un organe indépendant qui n'est pas politique et qui est hors de portée des ministères ne permet-il pas en partie d'influer sur des décisions en matière de changement? C'est ce que j'essayais de dire: cela vous donne une telle marge de manoeuvre que vous pouvez signaler des points pratiques, soit tout progrès accompli dans la voie du développement durable, soit le contraire.
M. Emmett: Je suis d'accord sur bien des points que vous exprimez; j'ai lu le rapport sur les déchets nucléaires qui, à mon avis, est excellent.
En ce qui concerne certains des points que vous soulevez à propos des obligations internationales que nous devons respecter, nous avons un plan de vérification qui porte sur une gamme étendue de questions environnementales. Nous nous penchons actuellement sur deux questions en particulier qui tombent dans la vaste catégorie dont vous parlez. La première vérification porte sur nos progrès au chapitre de l'ozone et je pense que le rapport sera publié en novembre 1997. Une autre vérification, de plus grande envergure, que nous venons de lancer, porte sur nos obligations en matière de changement climatique.
Je conviens que nos engagements internationaux, de même que l'écart entre la performance et l'engagement, sont des sujets sur lesquels je suis en droit de me prononcer de façon indépendante.
Mme Kraft Sloan: Je crois que M. Lincoln a traité de l'ensemble de la question comme il le fallait. Toutefois, j'aimerais savoir si le Bureau du vérificateur général se propose de faire une vérification sur notre capacité de respecter nos obligations dans le domaine du changement climatique ou sur les mesures que nous avons prises à cet égard?
M. Emmett: Oui, le changement climatique fera l'objet d'une vérification dont le rapport est prévu pour 1998. Nos obligations internationales en seront effectivement un volet important.
Mme Kraft Sloan: Peut-être avons-nous entendu suffisamment d'explications à ce sujet, mais, vous dites que vous ne voulez pas faire de commentaires sur la politique, ni dire si elle est valable ou si elle va nous permettre de respecter nos obligations; j'essaie de comprendre à quel moment vous allez véritablement l'évaluer.
M. Emmett: C'est une très bonne question. C'est la raison pour laquelle j'aimerais connaître un peu plus mon travail avant de vous répondre de manière définitive.
Notre programme de vérification est fixé jusqu'en l'an 2001. Un nombre important de questions environnementales ont la priorité et sont à l'étude en ce moment même. Dans le cas du changement climatique, une vérification normale durerait un an environ. D'autres durent plus longtemps, si elles portent sur des sujets plus compliqués. Le changement climatique est un sujet particulièrement complexe et nous allons prendre notre temps pour faire un travail excellent et documenté et présenter un rapport en 1998.
Je suis d'accord que nous ne connaissons pas toujours la date exacte de publication de nos rapports. Nous pouvons changer les priorités selon l'importance que certaines questions semblent revêtir. De toute évidence, le changement climatique, la diminution de l'ozone, les sites contaminés et les déchets dangereux transfrontières nous paraissent des questions très importantes, lesquelles font actuellement l'objet d'une vérification.
Mme Kraft Sloan: J'imagine que lorsque le bateau est poussé dans un certain sens et que vous passez beaucoup de temps à une étude... si cette étude était publiée plus tôt et nous permettait de savoir si nous réalisons les premiers objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre d'une politique ou d'un programme particulier, il nous serait plus facile de réaliser nos objectifs ultimes, car ce sont les premiers objectifs qui nous permettent de réaliser nos objectifs ultimes. Par exemple, si nous avions votre rapport sur le changement climatique plus tôt, cela pourrait nous permettre de réaliser nos objectifs ultimes plus efficacement.
M. Emmett: Je ne sais pas trop comment vous répondre. J'ai revu le témoignage du vérificateur général ayant rapport aux discussions antérieures. Je crois qu'il a bien fait comprendre que l'information peut être utile, mais que si le bateau de l'État coule... Rien ne peut remplacer la direction éclairée dans d'autres secteurs.
Je crois qu'à long terme il est très utile que la machine gouvernementale dispose d'un vérificateur général qui ait l'indépendance, la crédibilité et la capacité de prendre le temps qu'il faille pour mettre à la disposition du Parlement des résultats qui font autorité afin d'aider à la supervision du gouvernement. Il s'agit d'un avantage énorme et je considère qu'il m'incombe de protéger la participation...
Mme Kraft Sloan: Si le Bureau du vérificateur général veut être en mesure d'innover, il arrive parfois que faire les choses plus tôt que plus tard puisse vraiment faire toute la différence.
M. Cluskey: En réponse à cela je dois dire que nous ne pouvons faire changer ce climat plus tôt. Nous amorçons nos travaux. Il s'agit d'une vérification très complexe.
Je vais simplement vous donner une brève liste des vérifications qui feront l'objet d'un rapport en 1997: les déchets dangereux transfrontaliers, l'habitat des pêcheries de saumon, l'efficacité énergétique, la gestion du poisson de fond, l'évaluation environnementale, l'appauvrissement de l'ozone. Un rapport est prévu sur toutes ces questions au cours de la prochaine année. Il nous est tout simplement impossible physiquement, compte tenu des ressources dont nous disposons, ou même si l'on nous en donnait davantage, de faire rapport de ceci. Comme l'a dit le commissaire, nos vérifications prennent de 10 à 18 mois. Mais je crois que le rapport du commissaire nous fournira un excellent portrait; il y a aussi le fait qu'un commissaire soit en place et que nous continuerons à nous appuyer sur des études comme celle qui a porté sur les déchets radioactifs et les déchets dangereux. Nous ferons rapport sur les sites contaminés en novembre.
Je pourrais aussi signaler qu'il y a trois ans les comptes publics du gouvernement du Canada ne disaient mot des responsabilités à l'égard des interventions en cas d'urgence environnementale. Ce n'est plus le cas maintenant. Nous avons harcelé le gouvernement pour qu'il fasse quelque chose à cet égard. On retrouvera dans les comptes publics une observation portant sur notre avis et plus précisément sur des montants en dollars. À ce que je sache - je n'ai pas vu la version finale - nous essayons d'attirer l'attention du public et celle du Parlement sur les coûts énormes associés aux problèmes environnementaux. C'est là où notre bureau a fait progresser les besoins d'information du Parlement et de comités comme le vôtre.
M. Reed: Je crois que Mme Kraft Sloan et M. Lincoln sont vraiment allés au fond du problème. L'une des choses que nous avons appris ici, selon moi, ce sont les limites imposées au rôle du vérificateur. Il me semble alors que ces rapports devraient nous obliger à passer aux solutions de rechange qui feront en sorte que ces choses deviendront réalité, si elles ne se concrétisent pas essentiellement selon les politiques.
J'allais vous demander lorsque vous avez parlé, dans le premier cas, de l'ozone de la basse atmosphère, si vous aviez pu inclure dans votre rapport des solutions de rechange qui pourraient être utiles de même que de nouvelles idées. Il me semble que cela frise d'une certaine manière la politique ou est-ce que la discussion quant à savoir s'il s'agit ou non d'une politique vous dérange en quelque sorte. Est-ce que je comprends bien les limites imposées au vérificateur général ici?
M. Emmett: Je pense que nous traitons de l'ozone stratosphérique.
M. Reed: D'accord.
M. Emmett: Je crois que, dans nos rapports, nous pouvons signaler les problèmes et les écarts dans les approches, suggérer des solutions de rechange, des moyens d'améliorer les choses et la façon dont les questions horizontales - je crois que c'est la terminologie utilisée à l'heure actuelle - les questions qui font appel à plus d'un ministère ou d'un intervenant peuvent être mieux coordonnées et faire l'objet de meilleurs systèmes de prise de décision. Toutes ces choses font bel et bien partie, selon moi, du mandat du commissaire et j'aurais tout à fait l'intention de les accomplir.
Le président: De ce bout-ci de la table, monsieur Emmett, je ramène constamment le Guide de l'écogouvernement parce qu'il me semble qu'il contient les éléments qui vous conféreraient toute l'autorité dont vous avez besoin pour remplir votre mandat, surtout du point de vue politique. À la page où il est question de joindre le geste à la parole on lit ce qui suit:
- ...nous instituons le poste de commissaire à l'environnement et au développement durable pour
que le gouvernement ait à rendre compte de l'écologilisation de ses politiques, de ses opérations
et de ses programmes.
- Il me semble que ces mots vont plus loin que le simple mandat de combler le fossé entre la parole
et le geste. Ils vous donnent du point de vue politique - non pas législatif bien sûr - un rôle
proactif.
M. Emmett: Je crois que c'est un élément de la création du poste, que cela me permet de faire un travail, mais que mon rôle consiste à aider les députés à faire en sorte que le gouvernement rende compte de sa performance. Je ne crois pas qu'il s'agit de quelque chose que je puisse faire sans aide, pas plus que le vérificateur général.
Le président: C'est la raison pour laquelle alors on vous a donné une loi qui accompagne, disons, cet énoncé de politique qui figure dans le Guide de l'écogouvernement et qu'ont signé tous les ministres du Cabinet. Vous êtes donc lancé par un énoncé de politique très solide.
Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Emmett: Je suis tout à fait d'accord et je l'ai certes recommandé comme pierre de touche aux ministères qui sont en train de préparer leur stratégie de développement durable.
Le président: Je suis heureux d'entendre ce propos.
Pour revenir à l'article 23, croyez-vous qu'il est juste de dire que si vous vous inquiétez d'un conflit possible entre les politiques nationales et internationales, vous voudriez alors en parler dans votre premier rapport?
M. Emmett: Je crois qu'il est possible que je soulève la question. J'ai certes l'autorité pour le faire.
Le président: Alors je vais vous donner un exemple sur lequel vous voudrez peut-être réfléchir.
Il existe un conflit entre nos engagements internationaux à l'égard du changement climatique et les politiques du ministère des Ressources naturelles. Autrement dit, le ministère dispose de politiques qui vont à l'encontre de notre engagement international. Ce ministère sait que nous nous éloignerons de 13 p. 100 de l'objectif de stabilisation du gaz carbonique fixé pour l'an 2000. Vous êtes tout à fait au courant de ce fait.
M. Emmett: Oui je le suis.
Le président: Qui plus est, nous avons de très sérieuses réserves quant à savoir si nous pouvons respecter les engagements internationaux de réduction de 20 p. 100 des émissions de gaz carbonique d'ici l'an 2005.
Nous faisons partout dans le monde des déclarations auxquelles ne souscrivent pas adéquatement nos ministères fédéraux qui s'occupent de la mise en oeuvre de cette politique.
De plus, nous disposons d'arrangements fiscaux qui continuent de favoriser notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles; des arrangements fiscaux qui continuent à ne pas accorder suffisamment d'importance au traitement des sources d'énergie renouvelable. Nous n'avons pour ainsi dire aucune politique en vue, ni fiscale ni autre, pour gérer le passage des ressources non renouvelables aux ressources renouvelables qui se fera peut-être dans 40, 50 ou 60 ans. Les gens de la commission de l'énergie à Paris affirment que nos ressources non renouvelables seront épuisées au milieu du prochain siècle. Nous ne nous nous occupons pas de ces questions.
Il me semble donc que lorsque, comme le dit M. Lincoln, votre attention est attirée sur le paragraphe 23(2)...
- (2) Le commissaire établit... à l'intention de la Chambre des communes un rapport annuel sur
toute question environnementale ou autre relative au développement durable
- ...vous avez ici plus qu'une occasion, vous avez le devoir de faire rapport sur ce conflit entre les
politiques nationales et internationales.
Une fois de plus, il me semble s'agir là de sujets de préoccupation pour le commissaire. Auriez-vous quelque chose à dire?
M. Emmett: Oui, j'aimerais faire une observation.
L'écart que vous signalez entre les intentions et le rendement pour ce qui est du changement climatique est, selon moi, l'un des plus remarquables dans la politique environnementale. C'est certes le plus frappant.
Le président: Je ne parle pas d'«écart» mais de «conflit». Le dernier budget prévoit une mesure à l'égard des sables bitumineux. Autrement dit, une mesure qui accroît notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles et qui, par conséquent, fera augmenter notre production de gaz carbonique. Il ne s'agit pas d'un écart. Nous contredisons notre politique en matière de gaz carbonique figurant dans le livre rouge de même que notre politique internationale.
M. Emmett: Vous m'avez demandé, monsieur le président, ce que j'ai l'intention de mettre dans le rapport de 1997. Je signalerai vraisemblablement à titre d'exemple l'écart de notre performance en ce qui concerne le gaz carbonique. Je crois qu'il s'agit d'un des problèmes les plus remarquables que j'aie signalé dans ma déclaration liminaire et d'aucuns considèrent comme très important. Je n'ai pas l'intention de me limiter à le signaler et de dire que nous procéderons à une véritable vérification. Nous déterminerons tous les secteurs où les politiques gouvernementales entraînent un conflit évident entre l'articulation d'un objectif et sa réalisation. Ce sujet sera certes abordé dans la vérification.
J'ai l'intention de donner des exemples lorsque je parlerai de l'écart entre la parole et le geste. Mais en ce qui concerne les rapports sur les conflits qui font autorité et l'incapacité à atteindre des objectifs précis, je tiens à avoir les résultats fiables de l'enquête que nous faisons avant de procéder.
Il en va de même avec les espèces en voie de disparition. Je crois qu'il s'agit d'un autre exemple important du cynisme auquel donne lieu notre incapacité à respecter nos engagements. J'attirerai certainement l'attention là dessus. Mais nous avons prévu une vérification qui portera sur la biodiversité et je voudrais attendre certains des résultats avant d'aller plus loin. Je veux être en mesure de donner une opinion autorisée sur ces questions.
Le président: Madame Payne.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Merci, monsieur le président. La question que vous venez tout juste de poser est une de celles à laquelle j'ai réfléchi.
Je suis désolée d'être arrivée en retard.
Je vous félicite, commissaire, de votre nomination à ce nouveau poste.
Je viens d'une région où l'emploi revêt une très grande importance et toute dépendance à l'égard d'entreprises comme les compagnies pétrolières pour aider à la création d'emplois... Je suis convaincue que le gouvernement dira qu'avec des objectifs établis... Je sais que nous ne les avons pas atteints, mais nous avons fait pour le mieux. Les objectifs étaient peut-être trop élevés. Nous avons vraiment besoin de cet outil économique pour nourrir nos populations. Qu'auriez-vous à dire?
En outre, ces entreprises qui exploitent les combustibles fossiles disent très vraisemblablement qu'elles vont plus loin que ce que leur demande le gouvernement pour l'instant.
M. Emmett: Je répondrai de deux manières. D'une part, je vous remercie de vos félicitations et, d'autre part, je vous remercie de me poser une autre question assez difficile.
Le mandat du commissaire porte sur le développement durable. Il s'agit pour lui d'intégrer l'environnement et l'économie. Il s'agit d'établir un équilibre qui nous permette de créer des emplois d'importance, d'atteindre une croissance probante et de continuer à assainir l'environnement.
Plus particulièrement au début du mandat et de l'élaboration de mon programme de travail entre autres choses, si l'on se fie à la tradition, il se peut que je m'attache davantage à l'aspect environnemental de l'équation, en me dirigeant vers cet équilibre, plutôt qu'à l'aspect économique. Je crois qu'on peut dire que traditionnellement l'aspect économique a pu articuler ses propres objectifs.
Dans un certain sens l'intégration doit vraiment se faire au niveau politique plutôt qu'à celui du commissaire.
Bien sûr qu'en faisant mes observations et ainsi de suite, surtout les premières années, je mettrai probablement davantage l'accent sur l'aspect environnemental plutôt que sur certains des autres aspects de l'équation. Mais l'objectif à long terme est... Je crois que personne ne s'est mieux exprimé que le Dr Brundtland lorsqu'elle a dit que l'économie et l'environnement sont les deux facettes du même problème. Dire que c'est l'une ou l'autre fausse le débat et ce que nous voulons atteindre... Je crois que toute vérification que j'ai vue indique que les Canadiens sont d'avis que nous pouvons avoir les deux.
M. Reed: Bravo.
Le président: Avant de conclure cette réunion très productive, permettez-moi d'attirer votre attention sur le fait que M. David McGuinty a été nommé par décret directeur de la table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. J'aimerais que vous me laissiez savoir, en privé ou autrement, si vous voulez qu'il comparaisse devant le comité.
En vertu d'un autre décret du conseil, le nouveau sous-ministre de l'Environnement a été nommé. Il s'agit de M. Ian Glen qui comparaîtra devant nous la semaine prochaine.
J'attire également votre attention sur le fait que le greffier a préparé pour le mois de septembre et une partie du mois d'octobre un horaire très complet et très précis qui a été livré dans vos bureaux la semaine dernière. Je vous conseille vivement de vérifier s'il convient à vos horaires chargés.
Monsieur Emmett, l'avant-midi a été très productif. Nous vous remercions d'avoir comparu devant nous. Nous remercions également vos collègues du Bureau du vérificateur général qui sont venus nous donner un aperçu de vos pensées et de vos plans pour l'avenir.
Nous attendons avec impatience la publication de votre premier rapport. Comme l'ont dit la plupart des membres du comité, nous aimerions voir en vous un défenseur errant du développement durable et nous comptons bien que vous présentiez un rapport très solide au Parlement. Nous vous souhaitons bonne chance dans votre nouvelle affectation.
M. Emmett: Je vous remercie de vos bons voeux monsieur le président et de l'occasion que vous m'avez offerte de comparaître ici devant vous.
Le président: La séance est levée.