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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er octobre 1996

.0907

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Payne): Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous examinons ce matin la question de la biotechnologie, avec des représentants du ministère des Ressources naturelles et du ministère des Pêches et des Océans.

Bienvenue à tous. Si vous voulez bien présenter les personnes qui prendront la parole, monsieur Cheliak, nous commencerons avec vous.

M. Bill Cheliak (directeur, Division du marketing et des occasions d'affaires en matière scientifique, Service canadien des forêts, ministère des Ressources naturelles): Merci beaucoup. Ce matin, j'ai le plaisir de vous présenter des collègues du ministère des Pêches et des Océans, Mme Iola Price et M. Bill Doubleday, ainsi que d'autres collègues de Ressources naturelles Canada, Mme Linda Wilson et M. Pierre Charest.

Si j'ai bien compris, et si les membres du comité n'y voient pas d'inconvénient, nous allons présenter les deux exposés avant de passer à la période des questions.

La vice-présidente (Mme Payne): C'est parfait. Allez-y.

M. Cheliak: Comme vous le savez probablement bien, Ressources naturelles Canada, RNCan, ne réglemente pas la biotechnologie, mais contribue à élaborer et à appliquer le cadre de réglementation fédérale en fournissant une expertise technique dans les domaines de ses activités de recherche.

RNCan est avant tout un ministère de recherche dont deux secteurs s'occupent de biotechnologie. Le Service canadien des forêts effectue des travaux scientifiques dans le domaine de la biotechnologie des arbres, surtout de la génétique des arbres, de la biotechnologie appliquée à la lutte contre les ravageurs, qui correspond au développement de biopesticides et de l'évaluation des risques, notamment des effets possibles de nouveaux biopesticides et d'arbres génétiquement modifiés.

Les activités de biotechnologie du SCF s'intègrent dans deux de ses dix réseaux de recherche: le réseau sur la biotechnologie et la génétique de pointe et celui sur les méthodes de lutte contre les ravageurs.

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En outre, le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie, CANMET, s'occupe de développer et d'appliquer des procédés biotechnologiques pour assainir les effluents des mines et les substances contaminées des secteurs minier et pétrochimique.

Les produits et procédés que RNCan obtient de la biotechnologie respectent les lois et règlements qu'administrent d'autres ministères fédéraux. Par exemple, les activités de biotechnologie des arbres relèvent de la Loi sur les semences, administrée par Agriculture et Agroalimentaire Canada; les biopesticides sont régis par la Loi sur les produits antiparasitaires, relevant de Santé Canada. RNCan contribue au cadre de réglementation fédérale en mettant son expertise technique au service de l'élaboration et de l'application des règlements. RNCan contribue indirectement au cadre par l'intermédiaire de la Stratégie nationale en matière de biotechnologie.

Le présent exposé porte sur nos principales activités en matière de biotechnologie et sur notre contribution au cadre de réglementation fédérale, en mettant l'accent sur la Stratégie nationale en matière de biotechnologie.

En ce qui concerne le Service canadien des forêts, le premier thème sur lequel nous allons nous concentrer au cours des prochaines minutes, il s'agit essentiellement d'assurer l'utilisation durable des forêts du Canada et le maintien de la part canadienne du marché mondial du bois et des produits de bois. Tout dépend évidemment de notre capacité de gérer nos forêts et d'en améliorer la productivité.

Le SCF effectue donc des recherches en biotechnologie pour favoriser la régénération et la protection des forêts. Il a fait oeuvre de pionnier dans ce domaine, comme le montrent ses travaux sur l'embryogénèse somatique des conifères aux fins de la micropropagation et ceux sur la production de biopesticides faisant appel, par exemple, au Bacillus thuringiensis, plus communément appelé BT, et aux virus d'insecte.

En régénération des forêts, le SCF a suivi deux grands axes: la culture tissulaire de conifères et le génie génétique des arbres.

Pour ce qui est de la culture tissulaire, le SCF a participé à la mise au point de méthodes en vue de propager à grande échelle des arbres d'élite dans les essences d'épinettes, de pins et de mélèzes. La culture tissulaire est maintenant employée à grande échelle en Colombie-Britannique par British Columbia Research Inc., en collaboration avec un certain nombre d'industries de la province, pour produire une épinette de Sitka qui résiste au charançon.

En matière de génie génétique, les travaux portent sur les méthodes pour transférer les gènes et pour modifier les arbres de façon à obtenir une tolérance aux ravageurs, une croissance accélérée et la stérilité des fleurs. Dans les deux cas, l'objectif premier est d'accélérer le cycle d'amélioration des arbres, qui est lent en raison du long cycle de vie de ces végétaux. La stérilité des fleurs est destinée à éliminer la propagation potentielle des gènes qui seraient introduits dans les arbres issus du génie génétique. Il est important de souligner qu'il n'y a pas eu au Canada d'essais sur le terrain ou de mise en circulation d'arbres transgéniques. Des demandes d'essais sur le terrain devraient être présentées dans un proche avenir.

Pour protéger les forêts, des stratégies efficaces de lutte contre les principaux ravageurs et contre la végétation concurrente sont un complément obligatoire de la régénération forestière à l'aide de la biotechnologie. La biotechnologie offre de nouvelles voies pour lutter contre les ravageurs des forêts du pays.

Le Canada a été à l'avant-garde dans le développement de méthodes biorationnelles qui font intervenir des pathogènes naturels, comme des bactéries, des virus et des champignons, contre des insectes et plantes nuisibles. Ces pathogènes sont appelés biopesticides et ils ont sur les pesticides chimiques l'avantage d'être spécifiques, c'est-à-dire d'infecter uniquement les espèces visées, et d'être écologiques. Les travaux de pointe du Service canadien des forêts ont contribué à la mise au point du Bacillus thuringiensis contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Nous avons également assisté à la croissance de ce biopesticide dans les secteurs de la santé humaine et de l'agriculture, à telle enseigne qu'il est devenu aujourd'hui le plus important agent de contrôle biologique au monde.

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Les virus d'insecte ont aussi fait l'objet de recherches considérables au Service canadien des forêts et certains ont été homologués pour être utilisés au Canada contre des insectes comme le diprion à tête rouge du pin et la chenille à houppes du sapin Douglas.

Des travaux ont été entrepris pour modifier génétiquement des virus naturels d'insecte afin de les rendre plus efficaces et plus spécifiques.

Les plantes nuisibles constituent aussi un défi quand on cherche à établir de nouvelles plantations d'arbres. Le Service canadien des forêts développe des herbicides biologiques qui s'attaquent spécifiquement à la végétation visée et sont inoffensifs pour l'environnement.

À partir de pathogènes fongiques de plantes indésirables, on a mis au point des bioherbicides qu'on entreprend de faire homologuer pour les employer au Canada.

L'application des produits de la biotechnologie pour la régénération et la protection des forêts doit aussi faire l'objet d'une évaluation environnementale.

En ce qui concerne les propagules issues de la culture tissulaire d'arbres et les arbres transgéniques, le Service canadien des forêts élabore un programme de recherche en vue d'étudier le flux des gènes des arbres transgéniques à la population sauvage et les effets à long terme possibles de nouveaux caractères sur les écosystèmes de forêts semi-naturelles et de forêts aménagées.

Le Service canadien des forêts mène dans les domaines de la recherche et de l'évaluation environnementales de microorganismes vivant utilisés comme pesticides en foresterie. Ses scientifiques ont notamment mis au point des bioessais de laboratoire pour l'analyse des organismes non visés comme des insectes ou des vertébrés ainsi que des organismes invertébrés aquatiques. Ce genre de recherche contribue à installer un cadre efficace de réglementation fédérale, fondé scientifiquement, pour les produits de la biotechnologie.

En deuxième lieu, nous allons examiner les biotechnologies mises au point par le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie, appelé également CANMET.

Les activités en biotechnologie de CANMET consistent à aider l'industrie minière canadienne à mettre au point des procédés de biolixiviation et des méthodes de traitement de ses effluents et eaux d'exhaure ainsi qu'à évaluer les risques associés à la biorestauration des sols.

De 1986 à 1991, Denison Mines, à Elliot Lake, a produit par biolixiviation une quantité d'uranium évaluée à environ 21 millions de dollars par année, ce qui représente de 15 à 20 p. 100 de sa production totale. CANMET a joué un rôle clé dans la mise au point de la technique utilisée.

CANMET aide aussi l'industrie minière canadienne à optimiser la biolixiviation du cuivre.

Les recherches effectuées par CANMET appuient les efforts de l'industrie minière afin de mettre au point des techniques pour traiter les effluents de ces mines et usines. Toute la recherche de CANMET est effectuée à l'échelle du laboratoire, donc dans un espace clos. De même, les procédés de traitement des effluents sont ordinairement confinés sur le terrain de l'usine, et les effluents finaux sont contrôlés et réglementés avant d'être rejetés.

CANMET aide l'industrie minière à prévenir la production d'eaux d'exhaure acides et à traiter celles-ci en coordonnant la recherche au Canada par l'intermédiaire du programme de neutralisation des eaux de drainage dans l'environnement minier et en effectuant des recherches internes afin de mettre au point des techniques plus performantes et plus économiques pour régler ce problème.

CANMET possède un programme en biorestauration dont l'objectif est d'effectuer des recherches afin d'aider les entreprises du secteur des combustibles fossiles à évaluer les risques de la biorestauration de terrains contaminés par des hydrocarbures et à utiliser des techniques de biorestauration appropriées.

À l'heure actuelle, la plupart des activités internes de CANMET sont liées au traitement des effluents miniers. Ces activités sont régies par les codes ministériels de pratique sécuritaire dans le cadre de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

En outre, les activités de CANMET sur le terrain sont régies par les lois provinciales sur la sécurité environnementale.

Les nouveaux amendements proposés à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, LCPE, qui énoncent les exigences relatives aux déclarations de nouvelles substances, régiront les activités de CANMET liées à l'utilisation de microorganismes dans l'environnement. CANMET devra déposer une déclaration de nouvelle substance pour de nouvelles activités.

En ce qui concerne le processus interministériel d'élaboration de la réglementation, RNCan est essentiellement un organisme de recherche qui offre son savoir-faire aux organismes de réglementation.

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Ainsi donc, en plus de ses recherches en biotechnologie, RNCan apporte son expertise technique à l'établissement et à l'application de règlements concernant l'emploi de la biotechnologie dans le secteur des ressources naturelles.

Plusieurs lois régissent les activités de RNCan, notamment la Loi sur les semences, qui s'applique aux arbres transgéniques, la Loi sur les produits antiparasitaires, qui s'applique aux biopesticides, la Loi sur la protection des végétaux, qui s'applique à l'importation de produits de la biotechnologie et de biopesticides, la Loi sur les engrais, qui s'applique aux biofertilisants et mycorhize, et la LCPE, qui s'applique à la biorestauration non confinée.

Cette participation et la coordination de nos activités en biotechnologie s'effectuent par la voie de la stratégie nationale en matière de biotechnologie et par voie d'accords bilatéraux avec Agriculture et Agroalimentaire Canada et Santé Canada. Au niveau des sous-ministres adjoints, le SCF et CANMET participent au Comité interministériel sur la biotechnologie. Dans le cadre de ce comité, les deux secteurs de RNCan sont membres du Groupe de coordination de la biotechnologie, qui est l'organe de travail du Comité interministériel sur la biotechnologie.

En ce qui concerne l'élaboration des règlements, les secteurs de RNCan sont membres du sous-groupe sur la sécurité et les règlements, qui assure une coordination structurée des activités de réglementation du gouvernement fédéral. En outre, plusieurs comités consultatifs spéciaux d'élaboration de règlements, d'évaluation de permis d'essai sur le terrain et de mise en circulation sont convoqués au besoin pour communiquer l'expertise technique de RNCan.

En conclusion, je dirais que les activités et la recherche en biotechnologie appuyées par RNCan contribuent à améliorer l'économie du Canada en augmentant la compétitivité du secteur des ressources naturelles de manière à assurer leur gestion durable. Ces recherches sont menées en accordant la primauté au mieux-être des Canadiens et à la protection de l'environnement. RNCan soutient que le cadre réglementaire actuel et l'appareil législatif qui est en place à l'heure actuelle pour l'appuyer, ainsi que la réponse du gouvernement et les modifications proposées pour la Loi canadienne sur la protection de l'environnement sont suffisants pour réglementer adéquatement les produits de la biotechnologie.

Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Cheliak. Le deuxième intervenant sera...?

M. Cheliak: M. Doubleday, du ministère des Pêches et des Océans.

M. William G. Doubleday (directeur général, Direction des sciences halieutiques et océaniques, ministère des Pêches et des Océans): Merci, madame la présidente.

Mon exposé sera relativement bref ce matin. La biotechnologie marine est un domaine assez récent au Canada, et ses activités sont très limitées, car elles portent actuellement sur la recherche.

Nous estimons que l'utilisation du poisson transgénique en aquaculture se fera probablement d'ici cinq à dix ans, ce qui fait que nous avons le temps de préparer un cadre réglementaire dans ce domaine. Cela n'enlève rien au fait que nous faisons de la biotechnologie traditionnelle depuis longtemps. Comme bien des membres du comité le savent, les écloseries existent au Canada depuis près de 100 ans, et elles produisent du saumon de l'Atlantique et du Pacifique afin d'accroître les stocks de poisson sauvage. Toutefois, on y pratique surtout l'élevage et la génétique classiques, et non pas ce que la plupart des gens considèrent comme étant la biotechnologie moderne. Nous considérons que la biotechnologie présente un intérêt à long terme pour l'aquaculture et les sciences halieutiques, car elle permet de distinguer les sous-stocks ou les éléments de stock des variétés de poisson sauvage.

Le ministère des Pêches et des Océans a pour mission de gérer les océans du Canada de façon à ce qu'ils soient propres, sécuritaires, productifs et accessibles, d'assurer l'utilisation durable des ressources halieutiques; et par suite de la récente fusion avec la Garde côtière, de faciliter le commerce maritime. Cela signifie que, au MPO, la priorité est accordée à la conservation de la ressource et de l'habitat.

Depuis quelques années, nous appliquons le principe de prudence, ce qui signifie que, lorsque l'information est incomplète, comme c'est souvent le cas, nous penchons pour la protection du poisson et de son écosystème. Nous suivons régulièrement ce principe.

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Nous mettons également l'accent sur les partenariats avec les clients et les intervenants afin que nous soyons plus nombreux à conserver le poisson et son habitat.

En ce qui concerne la biotechnologie marine, il incombe au MPO, en vertu de la Loi sur les pêches, d'assurer la conservation de la ressource et de son habitat. Le poisson modifié ou trangénique utilisé comme nourriture relève de Santé Canada, qui en régit la consommation, l'innocuité et l'étiquetage.

Cela s'applique évidemment au poisson sauvage. Quand ce dernier est contaminé, nous collaborons avec Santé Canada, qui est le maître d'oeuvre dans ce domaine.

Le MPO ne fait pas la promotion de la biotechnologie moderne: nous utilisons et réglementons l'utilisation des organismes marins. Le MPO collabore avec l'industrie aquacole dans le but de tirer parti des techniques émergentes tout en prévenant les effets nocifs sur les ressources ou l'environnement.

Nous faisons partie de l'équipe fédérale de biotechnologie. Le MPO a collaboré à l'élaboration du cadre de réglementation de la biotechnologie et il est membre du Comité interministériel sur la biotechnologie, du groupe de coordination et du sous-groupe sur la sécurité et la réglementation.

Nous appuyons également les principes d'un cadre de réglementation de la biotechnologie canadienne, annoncé en janvier 1993.

Au sein du MPO, le secteur scientifique s'occupe essentiellement de la biotechnologie marine. Nous favorisons les recherches sur les méthodologies et techniques d'évaluation des risques afin de garantir l'absence d'interaction génétique avec les organismes sauvages.

Le MPO utilise les services votés du Fonds de la stratégie nationale en matière de biotechnologie et le Fonds de S et T Canada-Japon. Bien qu'elles soient assez modestes, nos dépenses dans le domaine de la biotechnologie s'élèvent à près de 1,25 million de dollars par an.

Dans ce cadre, nos activités consistent surtout à élaborer des technologies permettant de distinguer entre les stocks de saumon sauvage et entre les stocks sauvages et d'élevage du saumon du Pacifique, à favoriser le développement de biotechnologie, par exemple la technologie des aliments pour poisson, dans le but de faire progresser l'industrie aquacole et à élaborer une politique et des règlements sur l'utilisation des organismes aquatiques transgéniques visés par la Loi sur les pêches.

Nous sommes à mi-chemin dans l'élaboration de cette politique. Nous en avons une ébauche qui a fait l'objet d'une consultation et que l'on est en train de réviser en ce moment. Nous espérons pouvoir la traduire en règlements d'ici un ou deux ans, selon les besoins.

L'ébauche de politique et de lignes directrices du MPO porte sur la recherche et sur l'élevage en laboratoire et dans des écosystèmes aquatiques naturels. Jusqu'ici, au Canada, la recherche s'est faite dans des laboratoires fermés, et notre objectif premier est d'empêcher la sortie des organismes. Le confinement est la principale priorité.

Il en va autrement de l'élevage dans un écosystème naturel. Nous voulons établir des exigences supplémentaires afin de réduire au minimum ou d'éliminer le risque d'une interaction avec le poisson sauvage et son habitat. Nous nous préoccupons surtout de la capacité du poisson transgénique de se reproduire - il devrait être stérile - et de survivre. Il ne faudrait pas qu'il soit capable de survivre pendant longtemps dans l'écosystème naturel.

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Nous avons mené des consultations élargies sur notre ébauche de politique. Nous avons reçu les observations de plus de 150 personnes, organismes publics et organisations. Nous entretenons des bases de données en matière de recherche biotechnologique sur le poisson. Elles peuvent être consultées sous réserve de la confidentialité, et nous avons l'intention d'élaborer des bases de données sur les libérations d'organismes dans le milieu naturel s'il y a lieu.

À l'échelle mondiale, la recherche biotechnologique sur le poisson en est encore à ses balbutiements. En janvier 1995, on comptait 18 demandes de brevets internationaux portant sur l'accélération de la croissance du poisson et d'autres organismes aquatiques. Il faudra disposer de solides accords internationaux sur les poissons transgéniques et les construits génétiques.

En conclusion, les activités de biotechnologie marine sont actuellement très limitées au Canada. Il n'y a pas de proposition de production ou de libération dans le milieu naturel de poissons transgéniques, et cela ne pourra se faire avant cinq ou dix ans.

Le MPO n'en élabore pas moins, en consultation avec l'industrie et les groupes intéressés, des règlements sur les organismes produits par biotechnologie marine. Nous appliquons le principe de prudence afin de garantir la sécurité des ressources marines vivantes et de leurs habitats.

Enfin, nous nous préoccupons de l'énorme écart entre nos connaissances actuelles des risques de la biotechnologie et la perception qu'en a la population, perception qui semble quelque peu exagérée.

J'en ai terminé, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Doubleday.

Qui est le troisième intervenant?

M. Cheliak: Ainsi se terminent nos déclarations liminaires ce matin. Maintenant nous pouvons répondre à vos questions.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.

M. Adams est le premier sur ma liste.

M. Adams (Peterborough): Merci, madame la présidente.

Merci beaucoup pour les exposés. Depuis près d'un an, nous entendons des exposés sur la biotechnologie, et je dois vous dire que c'est un domaine qui me préoccupe encore énormément. Je crois comprendre un peu ce que vous faites, mais je suis encore plus inquiet qu'en j'apprends que CANMET utilise des microbes pour extraire certaines substances des déchets miniers et ainsi de suite...et je vous dirai pourquoi cela m'inquiète davantage. Je ne pense pas qu'il y ait une raison véritable à cela.

Je suis encore plus inquiet en ce qui concerne les forêts, dont l'environnement est manipulé - la création de nouvelles espèces, la modification des insectes vivant en forêt. Je suis inquiet parce que, dans le cas des mines, il y a un certain contrôle. Il y a donc cet endroit, et ces microbes, qui ne disparaîtront peut-être pas.

Puis il y a les forêts. Vous effectuez quelques changements qui déclenchent un processus. J'imagine qu'il y a des répercussions sur l'environnement forestier. Ensuite, dans le cas des océans, c'est pire, car j'imagine un changement qui se produit - et vous avez mentionné les 18 demandes de brevet, qui ne sont peut-être pas présentées au Canada, mais ailleurs - et l'on introduit dans l'océan un organisme qui a une incidence sur tout l'écosystème.

Je ne sais pas si vous partagez mes inquiétudes. Dans votre exposé, certains passages m'indiquent que vous les partagez:

À mon avis, ces propos émanent d'une personne qui est préoccupée, très prudente et peut-être aussi inquiète que moi.

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Ensuite, il y a ce Bacillus - dont nous avons entendu parler auparavant parce que nous connaissons tous la tordeuse des bourgeons de l'épinette - le Bacillus thuringiensis. Je dois dire que j'ai modifié son nom. Pour moi, il s'agit du Bacillus transylvaniensus ou quelque chose de ce genre. En fait, c'est ainsi que je le perçois. Je ne le dis pas à la blague. Ce sont des choses qui m'inquiètent et qui inquiètent les gens.

Il y a d'autres citations. J'en ai une ici qui figure dans nos notes d'information. Elle ne provient pas du mémoire du ministère des Pêches et des Océans.

Une «sortie délibérée», madame la présidente...vraiment, cela devient très inquiétant de penser qu'il y a quelqu'un, dans l'un de ces domaines de recherche, qui pense à libérer sciemment certains de ces organismes. Pouvez-vous me donner des assurances sur le cadre réglementaire dans lequel vous travaillez ou que nous sommes en train d'élaborer en ce qui concerne le poisson transgénique?

M. Cheliak: Oui, je commencerai peut-être par le cas des mines et des forêts avant de passer le relais à mon collègue Bill Doubleday. Vous avez raison de dire que l'environnement minier est un système très confiné - un écosystème confiné, si vous voulez - et que dans ce cas, on s'efforce essentiellement à ajouter des nutriments à des processus naturels déjà en cours.

Dans un sens, c'est un processus de fertilisation qui se poursuit depuis des millénaires. En effet, l'on rapporte que les Romains l'utilisaient pour la biolixiviation du cuivre. Il s'agit d'un système très confiné et d'une situation très contrôlée, dont les effluents sont régis soit par la LCPE, soit par les règlements environnementaux des différentes provinces.

Les arbres des forêts sont un peu comme n'importe quelle autre plante dans la mesure où ils réagissent de façon similaire aux améliorations découlant de la technologie génétique conventionnelle. L'objectif premier de notre travail consiste à développer de nouvelles variétés d'arbres en utilisant ces biotechnologies pour réduire la période qui leur est nécessaire pour se reproduire et créer une nouvelle génération, et en introduisant effectivement ces plantes dans nos programmes de reboisement pour appuyer globalement la théorie et la pratique du développement durable.

Pour ce qui est de la lutte antiparasitaire, je conviens que le système mis au point par notre éminent collègue Linnaeus en Suède il y a trois ou quatre siècles laisse beaucoup de gens - y compris beaucoup de scientifiques - dans le doute quant à la signification de certains termes. Le mot Bacillus thuringiensis semble particulièrement barbare, mais le fait d'utiliser ce bacille comme solution de rechange à la chimie classique compense largement les connotations négatives inhérentes à son nom.

Signalons que le B.t. est utilisé non seulement dans le domaine forestier, mais aussi couramment en agriculture, de même que dans les programmes de santé humaine pour contrôler des maladies comme la fièvre des rivières et la cécité en Afrique du Nord par exemple.

En ce qui concerne la question des virus, comme tout organisme, les insectes tombent malades et peuvent être frappés par diverses maladies. Certaines maladies sont causées par des bactéries, d'autres par des champignons, et d'autres encore par des virus. Ce qui est intéressant dans les maladies virales des insectes, c'est qu'elles sont spécifiques à un type d'insecte en particulier; ainsi donc, chacun des quelques milliers d'organismes que nous connaissons est confiné à un seul type d'insecte.

Pour ce qui est de la capacité de gérer un parasite dans un écosystème naturel... Et quand nous disons qu'il y a un parasite qui endommage les forêts, comme la tordeuse des bourgeons de l'épinette, la spongieuse ou quelque chose de ce genre, il ne s'agit que d'un type de parasite. Notre objectif est d'essayer d'élaborer des produits, des virus naturels ou modifiés, pour contribuer à combattre ces ravageurs de façon durable.

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La vice-présidente (Mme Payne): Je présente mes excuses aux députés de l'opposition. J'attends toujours qu'ils signalent leur intention de prendre la parole. Étant donné que je suis nouvelle à la présidence, j'espère que mes excuses sont acceptées.

Je demanderais également que la longueur des questions et des réponses soit raisonnable afin que tout le monde ait l'occasion d'intervenir.

Madame Guay.

[Français]

Mme Guay (Laurentides): Madame la présidente, nous n'avons pas eu de réponse à la question de M. Adams de la part de Pêches et Océans Canada. Peut-être pourrions-nous lui laisser la parole avant que je ne pose ma question.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Adams.

M. Adams: Je serai bref. Dans un écosystème, le moindre changement...disons que si vous améliorez la santé d'un arbre, cela a des répercussions sur divers autres arbres.

La vice-présidente (Mme Payne): Peut-on attendre au deuxième tour pour avoir la réponse à cette question? Mme Guay avait demandé une réponse à la première question, je crois.

M. Doubleday: En ce qui concerne le poisson, Pêches et Océans prend bien soin de ne pas introduire de poisson génétiquement modifié dans l'écosystème marin ou aquatique. En ce qui concerne la recherche en laboratoire, nous prévoyons avoir des dispositions relatives au confinement pour veiller à ce que les organismes transgéniques ne puissent s'échapper. Même si le réservoir se brise pour une raison ou pour une autre, nous nous attendons à pouvoir quand même conserver le poisson dans l'installation.

L'allusion à la libération délibérée a trait aux précautions que nous prenons contre les intrus qui pénétreraient dans le laboratoire soit pour voler le poisson soit pour saccager l'installation, ce qui se solderait par une libération indirecte. Il y a peu de chance que cela se produise, mais le risque existe.

Au point où nous en sommes actuellement, il est possible que du poisson transgénique ait des interactions néfastes avec le poisson en milieu naturel. Nous voulons mieux comprendre quels sont les risques et, dans la mesure du possible, les éliminer avant que le poisson transgénique ne soit élevé à l'extérieur du laboratoire. Nous pensons que la stérilisation est très utile comme mesure de protection. Si le poisson ne peut pas se reproduire, il ne peut pas se propager. Nous étudions d'autres précautions; par exemple, on pourrait faire en sorte que le poisson dépende d'une vitamine ou d'un élément qu'il ne pourrait pas retrouver en milieu naturel et qui donc mourrait s'il était libéré.

Nous nous préoccupons donc du risque d'introduction accidentelle du poisson transgénique qui pourrait avoir des effets néfastes sur les populations naturelles, ainsi que du risque d'introduction d'espèces qui n'existent pas naturellement dans le milieu aquatique ou marin du Canada.

La vice-présidente (Mme Payne): Madame Guay.

[Français]

Mme Guay: Je suis un peu de l'avis de mon collègue, M. Adams; j'ai beaucoup de difficulté à comprendre vos deux présentations. Ma question a deux volets.

Premièrement, j'aimerais savoir votre opinion sur la définition de la biotechnologie contenue dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Est-ce que c'est une définition qui suffit à Pêches et Océans et à Ressources naturelles?

Deuxièmement, j'aimerais savoir quelles ressources vos deux ministères investissent dans la recherche. Vous, de Ressources naturelles, dites être avant tout un ministère de recherche où deux secteurs s'occupent de biotechnologie. J'aimerais savoir quelles sont les ressources que Ressources naturelles et Pêches et Océans consacrent à la biotechnologie.

.0945

[Traduction]

M. Cheliak: RNCan approuve la définition de biotechnologie que l'on retrouve dans la LCPE, et s'en accommode très bien.

En ce qui concerne le budget que RNCan consacre à la biotechnologie, cela représente environ 7 millions de dollars et une soixantaine de personnes. Pour le Service canadien des forêts, cela représente environ 53 ou 54 personnes et environ 5,5 millions de dollars; à CANMET, cela représente sept personnes et entre 1,2 million et 1,5 million de dollars.

M. Doubleday: Nous approuvons la définition de biotechnologie dans la LCPE. Comme je l'ai dit dans mon exposé, le ministère des Pêches et des Océans consacre environ 1,25 million de dollars par année aux activités reliées à la biotechnologie.

La vice-présidente (Mme Payne): Madame Guay, vouliez-vous poser une autre question?

[Français]

Mme Guay: Non, cela suffit.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Forseth.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Ma première question fera suite à la précédente. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement doit faire l'objet d'un examen et d'une révision, et je me demandais si vous aviez des recommandations à nous faire. La loi telle qu'elle est vous convient-elle ou auriez-vous des améliorations à recommander?

M. Cheliak: Nous approuvons tout à fait la loi qui est proposée dans les documents de 1993 et nous nous en accommodons fort bien.

M. Doubleday: Le ministère des Pêches et des Océans s'intéresse à la LCPE du point de vue du poisson et de l'habitat du poisson ainsi que du point de vue de la biotechnologie. Pour ce qui est de la biotechnologie, nous sommes en faveur des modifications de la loi qui sont en cours de préparation. Nous avons eu des entretiens avec Environnement Canada sur d'autres aspects liés à la gestion de l'habitat du poisson.

M. Forseth: Dans votre exposé, vous avez dit que le Service canadien des forêts effectue des travaux scientifiques en matière de biotechnologie ligneuse notamment en ce qui concerne la génétique ligneuse. Je sais que l'Université de la Colombie-Britannique se livre à des travaux de ce genre depuis plus d'une vingtaine d'années, surtout depuis l'arrivée en grand nombre d'immigrants hongrois dans les années cinquante.

Peut-être pourriez-vous nous rappeler l'histoire de la génétique des forêts et nous faire le point sur la situation actuelle. Ce n'est pas quelque chose de neuf; cela remonte à quelque temps déjà. Où en sommes-nous par rapport à il y a une vingtaine d'années?

M. Cheliak: Vous avez raison de dire que la recherche en matière de génétique ligneuse au Canada remonte à la première moitié du siècle. Actuellement, environ 10 p. 100 des arbres plantés au Canada dans le cadre de notre programme de reboisement viennent de ceux que j'appellerais un programme de génétique ligneuse classique. Le gros de la recherche se fait en Colombie-Britannique et dans deux grandes entreprises, J.D. Irving dans l'Est et MacMillan Bloedel sur ses boisés privés dans l'Ouest.

Ce sont les provinces qui s'occupent des programmes de génétique, et l'ampleur des investissements correspond à l'importance de cette ressource forestière.

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La biotechnologie fait sentir ses effets d'abord dans la réduction du temps qu'il faut pour introduire des propagules génétiquement améliorées dans un programme de reboisement. Actuellement, il faut compter entre 25 et 30 ans. Grâce aux techniques de culture tissulaire, que l'on a créées, cela peut être ramené à entre trois et cinq ans. C'est donc là que se font sentir le plus ces effets.

M. Forseth: Où cela se fait-il? À l'Université de la Colombie-Britannique?

M. Cheliak: D'ordinaire pas dans les universités. On effectue ces travaux en Colombie-Britannique à B.C. Research Incorporated, dans le groupe de biotechnologie forestière, dirigé par Ben Sutton.

M. Forseth: On dit aussi dans le document que RNC contribue indirectement à ce cadre grâce à sa participation à la stratégie nationale en matière de biotechnologie. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus sur ce groupe de travail et sur la nature de cette stratégie.

M. Cheliak: La stratégie nationale en matière de biotechnologie est une initiative du gouvernement canadien qui remonte à 1982. Le Service canadien des forêts, sous ses diverses formes, notamment sous le nom de RNCan, est de la partie depuis le tout début.

Nous participons à de nombreux niveaux grâce à des comités spéciaux, au comité de travail interministériel, qui est le groupe de travail, ainsi qu'au niveau du sous-ministre adjoint, au sein du groupe de coordination en matière de biotechnologie.

Récemment, nous avons aussi collaboré au Comité de direction national en matière de biotechnologie à propos d'études relatives à la génétique ligneuse et de l'utilisation possible de l'embryogénèse somatique pour le développement durable de nos forêts.

M. Steckle (Huron - Bruce): Ma question s'adresse à M. Doubleday et porte sur l'aquaculture marine.

À la dernière page du texte de votre exposé, vous dites qu'il y a 18 demandes de brevets internationaux sur l'accélération de la croissance de poisson. Est-ce qu'il s'agit d'aliments destinés à la croissance? De quoi s'agit-il? Pourriez-vous nous le dire?

M. Doubleday: Il s'agit en général d'hormones de croissance améliorées, renforcées ou introduites grâce au transfert de gènes dans une espèce donnée. Il peut s'agir de salmonidés comme le saumon de l'Atlantique ou du Pacifique ou de la truite arc-en-ciel, mais aussi d'autres espèces, tropicales, comme la daurade et le sparidé, mais aussi la carpe et le poisson-chat.

L'idée est de transférer un gène qui produit une hormone de croissance dans l'espèce cible et donc d'accélérer la croissance de cette espèce.

M. Steckle: Nous savons que certaines espèces sont retirées de leur milieu naturel et vont s'installer dans des zones où l'on n'en veut pas. Vu la vulnérabilité de notre aquasystème, elles peuvent causer de véritables problèmes.

Dans les Grands Lacs, c'est le cas de la lamproie. Récemment, par accident, la moule zébrée a aussi été introduite dans les Grands Lacs, et crée des difficultés. Nous savons combien il est difficile de s'en débarrasser.

Que fait-on pour favoriser le développement des espèces naturelles capables de consommer les espèces qui se trouvent déjà dans les Grands Lacs - au lieu d'essayer de les contenir - autrement dit pour trouver une espèce capable de les détruire? C'est peut-être nécessaire. Il y a peut-être beaucoup à faire, mais que fait-on pour favoriser leur croissance en milieu naturel plutôt que d'essayer de contenir les espèces nuisibles?

.0955

M. Doubleday: Madame la présidente, jusqu'à présent, les travaux de recherche au Canada ont porté sur les salmonidés: le saumon du Pacifique, le saumon de l'Atlantique et la truite arc-en-ciel. L'objectif est de favoriser l'élevage d'espèces améliorées et de créer des analyseurs de gènes à des fins de recherche.

L'idée d'améliorer les populations naturelles grâce à des manipulations génétiques est quelque chose de nouveau pour nous. Nous n'y avons pas vraiment réfléchi. Pour être bien honnêtes, nous souhaitons plutôt éviter d'apporter des modifications génétiques par suite de l'intervention humaine dans les populations en milieu naturel.

Notre mission et notre mandat sont de maintenir les espèces sauvages dans leur état de pureté actuel. Ce serait une dérogation à nos politiques et à nos principes.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci. M. Knutson est le suivant.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'ai ici une question préparée par notre attaché de recherche. Si vous voulez obtenir des précisions, il faudra le consulter.

Cet été, les producteurs de coton des États-Unis ont eu une récolte déficitaire dans le cas d'une variété comportant un gène issu de la biotechnologie. La résistance à un des ravageurs du coton, peut-être le charançon, a disparu, peut-être parce que la plante a sélectionné des souches résistantes de l'insecte et peut-être en partie à cause du temps chaud et sec.

Nos témoins du Service canadien des forêts ont parlé du mauvais rendement de cette variété de coton et des risques que cela pourrait comporter pour les variétés d'arbres transgéniques contenant un gène issu de la biotechnologie. Les témoins ont discuté du risque que ces variétés pourraient favoriser l'apparition de ravageurs résistants, limitant ainsi le recours à ce biopesticide.

M. Cheliak: Merci.

Nous sommes au courant des travaux réalisés aux États-Unis dans le secteur du coton en général et du Monsanto en particulier. Je ne connais pas les détails, mais d'après les textes que j'ai lus, comme votre attaché de recherche l'a dit, il semble que le problème ait été attribuable à plusieurs facteurs. D'abord, on a constaté un nombre anormalement élevé de ravageurs, en l'occurrence le charançon, qui se sont attaqués au coton. De plus, les conditions météo ont nui au fonctionnement de la plante.

Grâce à nos travaux d'évaluation environnementale, nous examinons le risque de résistance de la tordeuse de bourgeons de l'épinette. C'est l'un de nos principaux domaines de recherche.

Il y a une autre différence entre la foresterie et l'agriculture. En foresterie, on n'essaie jamais de lutter contre l'infestation de toute une culture par un ravageur, même en se servant des méthodes classiques. Si l'on avait recours à une méthode transgénique, cela serait confiné à un tout petit peuplement, dans une entreprise, comme on le fait en Colombie-Britannique. Nous ne le ferions surtout pas pour l'ensemble d'une culture.

De ce point de vue, il y a des refuges immenses...

M. Knutson: Des refuges?

M. Cheliak: Des endroits où il n'y a aucun arbre issu de la génétique où cette méthode serait employée.

M. Knutson: Je vais poser ma question plus simple tout à l'heure. Vous avez dit que vous avez un arbre transgénique qui est sur le point de faire l'objet de tests. J'ai bien compris?

M. Cheliak: Oui. Jusqu'à présent, il n'y a eu aucun test sur des arbres génétiquement modifiés au Canada même si cela a des chances de se produire dans l'avenir.

.1000

M. Knutson: Pourriez-vous nous dire dans quel régime environnemental cette expérience s'effectue actuellement? À quel groupe avez-vous dû vous adresser pour obtenir les autorisations nécessaires?

M. Cheliak: De fait, les tests n'ont pas encore eu lieu. Il n'y a pas eu de test sur le terrain. Comme je l'ai dit, la technologie existe, mais nous ne nous en sommes pas encore servis. Peut-être...

M. Knutson: Quel est le cadre réglementaire qui régit ces tests, même si ce n'est qu'une idée pour l'avenir, ou si vous voulez les faire dans six mois ou un an. Quelles règles existent actuellement?

M. Cheliak: Les règles actuelles stipulent que les essais seraient assujettis à la Loi sur les semences, appliquée par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Les règles qui s'appliquent aux autres plantes cultivées.

M. Knutson: Très bien.

Ma dernière question porte sur les propos tenus à la fin par le Service canadien des forêts. Monsieur Doubleday, vous avez dit être préoccupé par l'abîme qui existe entre les risques que présente la biotechnologie actuellement et la perception du grand public. Cela semble revenir souvent dans la bouche des témoins, le fait qu'en général les gens ne comprennent pas de quoi il s'agit. Ils pensent aux films de science-fiction et à des monstres. À cause des antibiotiques, on craint que l'on soit en train de créer des supermaladies. Les gens n'ont donc pas confiance à la science ni aux organismes gouvernementaux de réglementation. Comme homme politique, je suis sensible à ces perceptions. Même si je ne suis pas un scientifique, je sais qu'ils veulent s'en tenir aux faits.

Comme je siège au Comité de l'environnement, j'essaie de voir l'autre côté de la médaille. C'est pourquoi je vous pose la question. Quand on part de la protection de l'environnement, y a-t-il un domaine où les gens ne sont pas aussi inquiets qu'ils devraient l'être? On entend rarement un fonctionnaire dire qu'il y a un grave problème environnemental dont la population devrait se soucier davantage.

M. Doubleday: Madame la présidente, c'est une question qui englobe bien des choses.

La vice-présidente (Mme Payne): Votre réponse devrait être courte, Monsieur Doubleday.

M. Doubleday: Il est difficile d'y répondre. D'après le peu que je sais, je dirais que les gens s'inquiètent moins qu'ils ne le devraient de l'effet des changements climatiques sur les ressources biologiques. On pense que si les stocks de poisson baissent, c'est à cause de l'effort de pêche. Mais la distribution des espèces varie, elles se déplacent du nord au sud, ou elles se reproduisent moins à cause du changement climatique. Voilà un exemple, je crois, de sous-estimation des dangers auxquels les ressources biologiques sont exposées à cause de changements du milieu naturel.

M. Knutson: Peut-être pourriez-vous essayer de gagner les gens de Ressources naturelles Canada à votre point de vue.

M. Cheliak: Merci. C'est une question très intéressante.

Une question qui nous inquiète beaucoup et qui n'attire pas assez l'attention de la population en général, c'est celle des libérations accidentelles. On a parlé de la moule zébrée qui a des conséquences écologiques énormes, mais il y a aussi le cas de la salicaire et de la spongieuse. On ne se penche pas beaucoup sur ces cas en biotechnologie ou dans d'autres domaines, mais ce sont des exemples de catastrophes accidentelles non délibérées qui se produisent.

M. Knutson: Merci.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.

.1005

Je vais poursuivre dans la même veine. Je voulais poser une question à M. Doubleday à propos de la quasi-disparition de la morue de l'Atlantique-Nord. Plusieurs causes sont soupçonnées. Que fait-on habituellement au ministère pour déterminer quels effets les changements climatiques ont sur la disparition ou la réapparition de la morue de l'Atlantique-Nord? Songez-vous à consacrer plus de moyens à déterminer les causes du phénomène?

M. Doubleday: Merci, madame la présidente.

Au cours des deux dernières années, nous avons lancé deux projets de recherche nationaux financés par le gouvernement fédéral et ils font intervenir plusieurs équipes de laboratoires. Deux de ces projets s'intéressent à cette question. Le plus important s'intéresse à la mortalité de la morue. Nous appelons ça «le partage de la mortalité».

Nous savons qu'il y a eu des déclins soudains et rapides de la plupart des populations de morue dans l'Atlantique du Nord-Ouest entre 1989 et 1993. Nous savons que plusieurs facteurs ont pu contribuer dans une plus ou moins grande mesure à ce phénomène. Nous espérons que ces travaux permettront de mesurer l'effet de chacun de ces facteurs. J'entends par là la pression sur la pêche, la capture de petits poissons, les rejets, la baisse de productivité des stocks attribuables au froid, le fait que le poisson ne grandit pas très bien, la possibilité que la morue était en très mauvais état de santé au début de l'hiver de 1991 et de 1992 et n'y a donc peut-être pas survécu, et aussi la possibilité que nous avons peut-être surestimé la quantité de poisson à la fin des années quatre-vingt.

Nous essayons donc de déterminer le poids de chacun de ces facteurs. Nous en sommes à la deuxième année de ce projet et nous commençons à avoir une meilleure idée, mais nous n'avons toujours pas de réponse définitive.

L'autre projet intéressant porte sur le mélange des stocks de morue dans l'embouchure du golfe du Saint-Laurent. On sait depuis longtemps que la morue quitte le nord et le sud du golfe en hiver pour y revenir au printemps. La question est de savoir dans quelle mesure il y a mélange des espèces à l'embouchure du golfe et dans quelle mesure cette migration complique l'évaluation des stocks.

Voilà donc deux grands projets qui en sont à leur deuxième année; nous continuons aussi de surveiller les changements du milieu marin. Je suis très heureux de voir que la température de l'eau au large de la côte est de Terre-Neuve a beaucoup monté cette année. La température sera je crois bien supérieure à la normale, pour la première fois depuis des années. Normalement, le réchauffement coïncide avec l'amélioration de la croissance de beaucoup d'espèces marines, y compris la morue. Nous pensons que ce réchauffement favorise la reconstitution des stocks de morue.

Jusqu'à présent, le phénomène ne se constate pas le long du littoral de Terre-Neuve ou dans le golfe du Saint-Laurent. Normalement, les courants océaniques descendent la côte du Labrador, contournent les Grands Bancs et longent la côte sud de Terre-Neuve, puis pénètrent le golfe du Saint-Laurent en profondeur et ressortent plus tard. Il y a donc un décalage du réchauffement dans le golfe.

La vice-présidente (Mme Payne): Comptez-vous publier un rapport à la fin de vos travaux?

.1010

M. Doubleday: Oui, nous publions nos rapports de recherche au fur et à mesure. Cet hiver, à la conférence annuelle sur les travaux de recherche en matière de pêche au Canada, une séance sera consacrée au projet concernant la mortalité de la morue. Nous allons donc y présenter les résultats de nos recherches devant les chercheurs canadiens.

La vice-présidente (Mme Payne): J'aimerais bien revenir sur cette question, mais je vais donner la parole à M. Bernier.

[Français]

M. Bernier (Gaspé): Bonjour, monsieur Doubleday. Parlons du problème de la morue que je suis davantage tenté de surveiller. Toutefois, en ce qui concerne la biotechnologie, qui est un domaine nouveau pour moi, je constate que vous ne disposez même pas de gros budgets. On parle de un million ou un million et demi de dollars, que vous consacrez surtout aux espèces de saumon pour qu'elles se reproduisent un peu plus vite. Comment la biotechnologie pourrait-elle nous aider en ce qui concerne la reproduction de la morue? On a dit que, pour certains, c'était de la science-fiction.

Je vais poser une question hypothétique, parce que j'aimerais voir jusqu'à quel point la biotechnologie pourrait nous aider à régler nos problèmes de pêche à la morue. Par exemple, est-il possible d'isoler des gènes de la morue et de faire en sorte que celle-ci ait une plus grande libido? Est-ce que la recherche peut aller jusque-là? Le fond de ma question est de savoir comment la biotechnologie pourrait aider la reproduction de la morue et jusqu'à quel point.

M. Doubleday: Pour l'instant, l'idée d'augmenter la reproductibilité de la morue sauvage reste à l'état d'hypothèse et ne fait pas l'objet d'une activité de recherche. Je me souviens qu'il y a quelques années, un chercheur de Terre-Neuve avait eu l'idée de doter la morue de la capacité de produire une protéine contre le gel afin d'améliorer la possibilité d'en faire la culture en mer. Comme vous le savez, la morue a tendance à geler quand elle est en contact avec la glace pendant l'hiver.

Mais l'idée d'augmenter sa capacité de reproduction me semble nouvelle. Habituellement, la morue est très productive. Elle produit des centaines de milliers d'oeufs. Je pense qu'un retour aux conditions environnementales normales et à un état normal des poissons, qui ne seraient plus maigres et se reproduiraient plus normalement, augmenterait la productivité des stocks assez rapidement. Je pense qu'il s'agit plutôt de facteurs naturels pour l'instant. L'idée d'améliorer la morue sauvage va, je pense, rester de la science-fiction pendant encore bien des années.

M. Bernier: La question que je me pose comme néophyte, c'est jusqu'où la biotechnologie pourrait se rendre exactement. Même si vous me dites que vous n'avez pas de projet à l'heure actuelle sur ce plan, j'essaie de voir jusqu'où on peut rêver d'aller. Est-ce qu'on peut changer une morue en cheval? À quoi est-on arrivé à ce jour avec la biotechnologie? Qu'est-ce qu'on peut faire exactement avec cette science? Est-ce qu'on peut tout changer?

Prenez quelqu'un qui ne connaît pas ça du tout. La réalité peut-elle avoir des limites dans ce domaine? Vous me dites que vous n'en faites pas, mais j'en profite pour m'instruire ce matin. Y a-t-il une limite à ce qu'on peut faire? Peut-on prendre une espèce et la changer complètement? C'est peut-être hors d'ordre, mais ce pourrait être instructif.

.1015

M. Doubleday: Madame la présidente, c'est encore là une question très générale à laquelle je ne peux pas répondre de façon très précise.

Pour l'instant, l'axe principal de la recherche est d'augmenter le taux de croissance des salmonidés de l'Atlantique et du Pacifique et de réduire les coûts d'opération de l'aquaculture. Je pense qu'il existe un fort potentiel d'augmentation du taux de croissance du poisson et de sa résistance aux maladies. Mais l'idée de transformer un poisson, un saumon ou une morue, en un autre organisme me semble peu possible.

Quand même, l'aquaculture est une entreprise très compétitive et, si on pouvait améliorer les opérations de 5 ou 10 p. 100, ce serait important pour leur viabilité et leur rentabilité.

M. Bernier: Merci.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Payne): Merci. Monsieur Forseth, s'il vous plaît.

M. Forseth: Merci. Vous avez dit qu'en date de janvier 1995, il y avait 18 demandes de brevets internationaux dans le monde pour des produits d'accélération de la croissance du poisson et d'autres organismes. Vous avez dit que le Canada et les États-Unis sont en train d'élaborer des lignes directrices, mais vous soutenez qu'il faut des accords internationaux rigoureux. Vous avez dit qu'au Canada les activités de biotechnologie sont rares mais qu'elles existent. Vous avez ensuite dit qu'il faut peut-être créer une espèce qui a besoin de certaines vitamines ou de certaines substances pour que l'on puisse la contrôler, ou qu'elle soit stérile.

Est-ce que ce ne sont que des paroles ou ces choses existent-elles dans la réalité? Est-ce qu'il existe aujourd'hui une espèce dépendante de certains produits ou une espèce stérile?

M. Doubleday: La stérilisation est une technique qui a fait l'objet de pas mal de recherche. Nous savons qu'il y a des techniques efficaces qui ont fait leurs preuves en travaux cliniques. L'une de celles-là est le choc. Lorsque les oeufs reçoivent un choc, ils deviennent triploïdes. Ils ont la même composition génétique, mais ont trois génomes au lieu de deux. Ces femelles triploïdes sont incapables de se reproduire. Il est aussi possible de provoquer la stérilisation par des moyens chimiques. Cela a été prouvé.

Une souche qui dépendrait d'une vitamine ou d'un autre aliment n'existe pas encore, à ma connaissance. C'est quelque chose qui serait très souhaitable dans le cas de poissons élevés à l'extérieur d'un laboratoire. Personne n'a montré qu'une souche ou une variété comme celle-là existe à l'heure actuelle.

M. Forseth: Les exemples que vous avez donnés sont tous, j'imagine, des exemples de laboratoire, même lorsqu'il s'agit de parcs expérimentaux de nature commerciale en milieu naturel.

M. Doubleday: Oui.

M. Forseth: Vous dites qu'il n'est pas question de produire ou de libérer dans la nature du poisson transgénique, mais je sais qu'en aquaculture des accidents arrivent et que tout ne va pas aussi bien qu'on le voudrait. Peut-être pourriez-vous nous décrire les problèmes rencontrés en aquaculture, surtout en ce qui concerne le saumon.

M. Doubleday: Il y a deux grands problèmes. Le premier est celui des poissons d'élevage qui s'échappent. Cela arrive. Il arrive que le mauvais temps endommage les cages marines ou que des phoques fassent des trous dans les mailles du filet, ce qui permet aux poissons de s'échapper. Dans certains secteurs, le nombre de poissons qui se sont échappés se compare à celui de la population locale. Par exemple, dans la Baie de Passamaquoddy, il y a un nombre important de saumons qui se sont échappés.

.1020

L'autre problème est la maladie qui se propage lorsque l'on transporte des poissons et des oeufs de poisson d'un endroit à un autre. Dans le premier cas, le ministère des Pêches et des Océans est très prudent lorsqu'il s'agit d'autoriser le transfert de souches de saumon de l'Atlantique d'un endroit à un autre, de l'étranger et entre les provinces. Le ministère essaie le plus possible de faire en sorte que ce soit une espèce locale qui soit élevée dans chaque région pour qu'il n'y ait pas de problème de nature génétique s'il y a libération.

Nous avons tendance à être prudents lorsqu'il s'agit d'autoriser l'introduction de poissons, surtout lorsqu'il s'agit de poissons européens. Nous avons un protocole venant de l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique-Nord et nous n'autorisons pas l'importation à des fins de culture au Canada du saumon norvégien, par exemple.

En ce qui concerne les maladies du poisson, nous avons un règlement sur la protection de la santé des poissons qui existe depuis de nombreuses années déjà. Le but est d'empêcher l'introduction de maladies dans les provinces où elles n'existent pas déjà. Jusqu'à présent, nous avons réussi à éviter d'introduire de nouvelles maladies par l'intermédiaire du transfert de poissons à des fins d'aquaculture. Cela est déjà arrivé ailleurs dans le monde. Vous avez sans doute entendu parler de ce qui s'est produit en Norvège où il y a eu transfert d'organismes malades entre exploitations d'aquaculture. Nous sommes donc tout à fait au courant de ces risques et nous avons pris des mesures pour protéger la population en milieu naturel.

M. Forseth: J'aimerais poser une question supplémentaire. Vu ce que vous venez de dire, pourriez-vous nous décrire l'avenir de l'élevage du saumon? Est-ce une activité viable ou devrait-on y repenser à deux fois, peut-être de façon scientifique, laisser les choses où elles en sont actuellement sans prévoir d'expansion majeure? Qu'en pensez-vous?

M. Doubleday: L'aquaculture du saumon croît régulièrement et rapidement depuis 15 ans. Aujourd'hui, c'est une activité qui contribue beaucoup à l'économie côtière de certaines régions du pays. Elle emploie des espèces naturelles plutôt que des espèces génétiquement modifiées. L'aquaculture continue de prendre de l'expansion partout dans le monde. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais je crois que la production mondiale approche actuellement les 15 millions de tonnes de poissons et de coquillages par année. L'aquaculture connaît donc une expansion rapide partout dans le monde. C'est le cas au Canada depuis un certain nombre d'années. C'est une activité qui a apporté des avantages économiques considérables aux régions côtières.

Au ministère des Pêches et des Océans, nous réfléchirions longuement avant d'utiliser les poissons transgéniques - c'est-à-dire des poissons modifiés génétiquement - dans l'aquaculture. Il y a certains obstacles à franchir avant d'accepter que cela se fasse. L'expansion de l'industrie de l'aquaculture ne semble pas causer trop de risques pour les populations naturelles. Nous estimons que le pays a bénéficié de cette croissance.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Forseth.

.1025

Monsieur Doubleday, j'aimerais revenir sur la question des stocks de la morue du Nord. Je sais qu'il y a eu un certain nombre de réunions internationales. En lisant certains des comptes rendus de ces réunions, je constate qu'on parle très peu du stock de la morue du Nord, de ce qui lui est arrivé ou de projets éventuels pour le revitaliser.

Est-ce seulement une impression de ma part? Est-ce qu'on continue de parler dans les réunions internationales de ce qui s'est produit dans le cas de la morue, et existe-t-il un mouvement international qui étudie la question, du point de vue scientifique ou du point de vue de la protection de l'espèce? Nous savons, par exemple, que ce sont les poissons plus grands qui pondent le plus grand nombre d'oeufs et contribuent donc à la population. Cherche-t-on à limiter le développement de moyens technologiques permettant de prendre ces poissons trop jeunes?

M. Doubleday: Madame la présidente, il y a des réunions internationales qui se penchent sur la morue. Plus précisément, il y a un groupe de travail sur la morue et le climat au sein du Conseil international pour l'exploration de la mer, le CIEM, dont le Canada est membre, qui effectue des études comparées sur les stocks de morue dans l'Atlantique du Nord.

La vice-présidente (Mme Payne): Pourriez-vous me donner le nom de certains de ces organismes?

M. Doubleday: En voilà un exemple. Il s'agit d'un groupe de travail sur la morue et le climat.

Un autre symposium s'est tenu en Islande en 1993 portant aussi sur la morue, le climat et la situation des stocks de morue de l'Atlantique du Nord dans son ensemble. Cela nous a aidés à voir dans un contexte plus large les changements que subissent nos stocks de morue, de morue du Nord et d'autres. Il y a 30 ans, pendant les années soixante, la morue était généralement plus productive dans l'Atlantique du Nord, de l'Ouest et de l'Est, et le centre de production était situé plus au nord que ça n'a été le cas pendant les cinq ou dix dernières années. Certaines gens ne savent peut-être pas que pendant les années 50 et 60, il y avait au Groenland des prises annuelles de 300 000 à 500 000 tonnes. Les stocks de la morue de Groenland ont baissé graduellement pendant les années quatre-vingt et ensuite très rapidement autour de 1990, au même moment que nos stocks ont diminué. On a constaté aussi une réduction brusque d'autres stocks, par exemple celui de l'Arctique du Nord-Est qui était très important et que la Norvège et la Russie partageaient.

On voit donc que la dynamique de la morue et le rapport de cette dernière avec les changements climatiques font l'objet d'un assez grand nombre d'études. Il y a ce qu'on pourrait appeler un réseau mondial d'études sur l'écologie marine, appelé GLOBEC. Certaines des recherches portent précisément sur la morue de l'Atlantique, et dans le cadre du GLOBEC nous lancerons cette année un programme canadien. Il s'agit d'un projet conjoint entre les universités et le ministère des Pêches et des Océans. Il sera effectué en liaison avec un projet norvégien sur la morue, sur la dynamique de la morue dans cette région du monde.

C'est donc un sujet qu'on étudie attentivement. La morue du Nord fait partie de ces études, mais dans un contexte plus large.

Nulle part au monde la morue n'évolue dans des conditions plus extrêmes que celles au large du Labrador. On ne s'en rend pas toujours compte, mais les eaux sont plus chaudes à l'ouest du Groenland et de l'Islande, et surtout au large de la Norvège, qu'à l'est du Canada. Nous nous trouvons donc à une extrémité, et il est à la fois intéressant et utile de faire des comparaisons entre la croissance, la reproduction et...

.1030

La vice-présidente (Mme Payne): Excusez-moi, monsieur Doubleday, je vous remercie de ces informations mais nous les avons déjà. J'aimerais savoir plus particulièrement si l'on fait des efforts sur le plan international pour résoudre les problèmes qui sont survenus et, dans la mesure du possible, pour s'assurer qu'ils ne se répètent pas? Nous savons que la surpêche a joué un rôle ici. Je présume que cette expérience nous servira de leçon. Mais je pense aux autres facteurs.

Prenez, par exemple, le changement climatique. Est-ce qu'on fait quelque chose à l'heure actuelle pour essayer de régler le problème?

M. Doubleday: Oui, madame la présidente. Je m'excuse de ne pas avoir été aussi clair que j'aurais dû l'être. Le programme GLOBEC cherche à établir le rapport entre le changement climatique dans les océans et la productivité des stocks de morue. Il se penche aussi sur d'autres espèces.

Vous avez aussi parlé de la technologie. Au cours des dernières années le Canada a aussi subventionné des recherches destinées à améliorer la sélectivité des engins de pêche, et nous avons profité des travaux réalisés en Europe à ce sujet.

Par exemple, on a installé dans des chaluts des mailles de séparation afin d'éviter de prendre la jeune morue et le sébaste dans la pêche des crevettes. On continue d'essayer d'améliorer la sélectivité des engins de pêche.

Il y a donc le programme GLOBEC. Il y a un autre programme qui nous aidera à mieux comprendre et prévoir la circulation océanique. Il s'agit de l'expérience mondiale sur la circulation océanique, qui nous donne de meilleurs modèles sur les systèmes actuels dans l'Atlantique du Nord. Ces modèles sont importants pour nous permettre de mieux comprendre la dynamique des stocks de poisson au Labrador et à l'est de Terre-Neuve.

Nous participons aussi au programme climatologique mondial afin de mieux intégrer l'océan dans l'élaboration du modèle du système climatologique mondial et donc de pouvoir mieux prévoir les changements climatiques.

Il y a donc un certain nombre d'initiatives en cours. Certaines se rapportent très directement à la morue de l'Atlantique et à la morue du Nord, tandis que dans d'autres cas les liens sont plus indirects.

M. Knutson: En guise de conclusion, on peut dire que le changement climatique revêt une importance primordiale pour le ministère des Pêches et des Océans. Travaillez-vous sur les causes environnementales, en coopération avec Environnement Canada ou un autre organisme?

M. Doubleday: Nous travaillons en coopération avec Environnement Canada surtout dans le domaine des interactions entre l'océan et l'atmosphère.

Pour ce qui est des causes du changement climatique, un de nos programmes - c'est plutôt un programme international auquel nous participons - concerne le flux des océans à l'échelle mondiale. Ce programme a pour objet de mesurer dans quelle mesure le carbone provenant de l'atmosphère est absorbé dans l'océan, ou bien sous forme dissoute ou bien à cause de l'activité biologique, et d'expliquer l'influence de ce phénomène sur la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Les recherches climatiques effectuées au Canada sont coordonnées sous la direction d'Environnement Canada.

M. Knutson: Pour ce qui est de cette étude sur le carbone dans les océans, que se passe-t-il à votre avis? Quels sont les phénomènes que vous recherchez? Qu'est-ce que vous soupçonnez exactement?

M. Doubleday: Les conclusions de nos recherches réalisées au cours des 10 ou 15 dernières années indiquent que l'océan absorbe beaucoup plus de carbone qu'on ne croyait auparavant.

M. Knutson: Est-ce une mauvaise chose?

M. Doubleday: Cela explique ce qu'on a appelé «le puits manquant» dans la modélisation du changement mondial. Il y a des modèles sur la production du dioxyde de carbone découlant de la consommation du charbon et du pétrole, de l'abattage des arbres, et ainsi de suite. On a constaté un écart entre l'estimation du dioxyde de carbone produit et l'augmentation réelle observée dans les concentrations atmosphériques.

.1035

Des recherches récentes indiquent que ce sont les océans qui absorbent ces quantités supplémentaires. C'est un point important quand on considère le rythme auquel les gaz à effet de serre s'accumulent et provoquent le réchauffement de la planète.

M. Knutson: Doit-on s'inquiéter de la capacité des océans d'absorber le carbone? Est-ce que cela va diminuer avec le temps?

M. Doubleday: C'est une question intéressante et complexe. Il semble maintenant que dans des parties assez importantes de l'océan, la productivité biologique peut subir des changements considérables au cours d'une période de 10 ou de 15 ans. La productivité du Pacifique du Nord, qui est très grande, a changé vers la fin des années soixante-dix. Tous les stocks de saumon du Pacifique du Nord ont augmenté par la suite. Ce phénomène s'expliquait par la plus grande intensité du système de basse pression de l'Alaska, qui fait tourner l'eau et remonter les éléments nutritifs à la surface.

Il est donc possible que les changements des systèmes météorologiques et des courants océaniques modifient considérablement la capacité des plantes de produire du phytoplanton et influent sur leur consommation de dioxyde de carbone. Le nombre pourrait donc augmenter ou diminuer.

Dans le cas du Pacifique du Nord, la zone concernée est tellement grande qu'un changement systématique de la productivité aurait une incidence globale considérable.

Il pourrait donc y avoir des changements importants. Nous en sommes ici à la fine pointe de la recherche. C'est un sujet assez controversé, je préfère donc ne pas donner de chiffre précis.

M. Knutson: Est-ce controversé sur le plan scientifique ou politique?

M. Doubleday: Sur le plan scientifique.

La vice-présidente (Mme Payne): S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais remercier nos témoins.

J'aimerais rappeler aux membres du comité que nous accueillerons jeudi matin une délégation de parlementaires allemands. Nous rencontrerons le Groupe d'amitié Canada-Allemagne. On a fait parvenir à mon bureau des informations à ce sujet.

Le mardi 8 octobre il y aura une table ronde intitulée: «La biotechnologie: produits, procédés et risques». On fera parvenir à vos bureaux des renseignements à ce sujet. Je voulais juste vous le rappeler.

Merci beaucoup. La séance est levée.

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