[Enregistrement électronique]
Le mardi 8 octobre 1996
[Français]
Le président: Mesdames et messieurs, bienvenue à notre rencontre d'aujourd'hui sur la biotechnologie.
[Traduction]
C'est une chance pour nous, parlementaires, d'avoir aujourd'hui l'occasion exceptionnelle d'organiser une table ronde avec vous qui n'êtes pas parlementaires et qui avez pu vous déplacer.
Dans un de ses moments d'égarement, le comité a décidé de s'aventurer dans le secteur de la biotechnologie, tout en se rendant compte, instinctivement sans doute, qu'il s'engageait dans un domaine dans lequel les politiciens ne se sont pas facilement aventurés à cause de sa complexité. Toutefois, les membres du comité et tous les autres qui, sans en être membres, s'intéressent à la question ont jugé que l'intérêt public étant en cause, il était nécessaire d'examiner, de discuter, de consulter et d'énoncer des recommandations au gouvernement pour qu'il prenne éventuellement certaines initiatives.
C'est la raison pour laquelle nous avons entrepris ce safari en mai dernier. Il en est sorti, en juin dernier, un très court rapport d'une brièveté inhabituelle pour un rapport parlementaire, mais très original aussi pour cette raison - où l'on formulait des recommandations, et l'on a ensuite décidé de reprendre maintenant ces discussions.
Nous souhaitons consulter les intéressés. Pendant l'été, Tom Curran, qui est assis avec nous, a fait plusieurs appels téléphoniques et répertorié les gens qui étaient disposés à participer à nos trois séances de la journée, dont celle-ci est la première.
La première table ronde s'intéressera aux produits, aux procédés et aux risques de la biotechnologie. Elle est fractionnée en plusieurs parties au cours desquelles on discutera de divers sujets, en commençant par la recombinaison de l'ADN, les risques qui lui sont associés, les ressources dont on dispose pour leur évaluation et les produits de la technologie, et finalement, la question de l'information et de l'éducation du public. Ce sont les principaux sujets sur lesquels portera le premier atelier d'une durée d'environ deux heures.
Nous allons débuter en faisant un rapide tour de table qui permettra à chacun d'entre nous de se présenter brièvement avant que la discussion commence. Nous espérons que les interventions seront concises et rapides, sous forme de questions et de réponses, de façon à ce qu'il y ait un dialogue intense, une bonne dynamique et que le tout se solde par des échanges positifs et intéressants.
On pourrait peut-être commencer par M. Brousseau.
[Français]
Monsieur Brousseau, voulez-vous dire quelques mots?
M. Roland Brousseau (chef de groupe, Génétique de l'environnement, Bioenvironnement, Conseil national de recherches du Canada): Certainement. Je m'appelle Roland Brousseau. Je suis chercheur au Conseil national de recherches du Canada depuis 1977. Ma formation est celle d'un chimiste en synthèse organique. J'assemble des gènes et je travaille en équipe avec des gens qui assemblent des organismes recombinants, surtout des bactéries. Donc, cela m'intéresse au niveau technique et aussi au niveau de l'application et de la réglementation du domaine dans lequel je travaille.
[Traduction]
M. R. Campbell Wyndham (directeur, Institut de biotechnologie de l'Université Carleton): Je m'appelle Campbell Wyndham et je travaille à l'Institut de biotechnologie de l'Université Carleton. Je fais des recherches en génétique microbienne et en écologie microbienne. Je m'intéresse en particulier à la façon dont les micro-organismes recombinés ou qui sont présents dans la nature survivent dans le milieu naturel, et comment ils dispersent leurs gènes dans ce milieu.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Je m'appelle Gar Knutson et je suis le député d'Elgin - Norfolk, sur le bord du Lac Érié.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Je m'appelle Paul Forseth et je suis député de New Westminster - Burnaby, en Colombie-Britannique. Je siège aussi au Comité permanent de l'environnement de la Chambre des communes.
M. Howard Samoil (conseiller juridique, Environmental Law Centre (Alberta Society)): Je m'appelle Howard Samoil et je travaille à l'Environmental Law Centre à Edmonton. Je m'intéresse surtout aux aspects juridiques de la question et à ce qui a trait au régime de réglementation, ainsi qu'aux effets néfastes et à la façon dont le public est concerné.
M. Terry McIntyre (gestionnaire, Technologies d'assainissement de l'air, Environnement Canada): Je m'appelle Terry McIntyre et je suis le gestionnaire du programme d'avancement de la biotechnologie à Environnement Canada. Nous nous intéressons à l'exploration de certaines des plus innovatives applications environnementales de la biotechnologie.
M. Rick Walter (directeur général, Institut canadien de biotechnologie): Je m'appelle Rick Walter. Je suis directeur général de l'Institut canadien de la biotechnologie. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif, d'envergure nationale, qui représente la vaste majorité des membres du milieu de la biotechnologie, entre autres les universités, les centres de recherche et les organismes régionaux, ainsi que les associations industrielles et professionnelles. Nous sommes actifs dans le domaine du transfert de la technologie, de l'éducation, des communications et dans d'autres secteurs liés à la sensibilisation du public aux questions soulevées par la biotechnologie.
M. Rod MacRae (coordonnateur de la recherche, Santé publique, Conseil de la politique alimentaire de Toronto): Je m'appelle Rod MacRae. Je suis coordonnateur de la recherche au Conseil de la politique alimentaire de Toronto. Je suis spécialiste de l'élaboration de politiques relatives à l'agriculture écologiquement viable, et je m'intéresse tout particulièrement à la question de savoir si la biotechnologie contribue au développement durable de l'agriculture.
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Je m'appelle Len Taylor. Je viens de la Saskatchewan et je suis député du NPD.
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Je m'appelle Paul DeVillers. Je suis député de Simcoe-Nord, en Ontario, secrétaire parlementaire du ministre des Affaires intergouvernementales, ancien membre du Comité permanent de l'environnement et du développement durable, et ami du comité.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Nous avons besoin d'autant d'amis que possible.
Je m'appelle Karen Kraft Sloan. J'appartiens au Parti libéral et je suis députée de York - Simcoe. Je suis en outre la secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement et membre de ce comité.
M. Wilf Keller (chercheur principal, Biotechnologie de Brassica, Institut de biotechnologie des plantes, Conseil national de recherches): Je m'appelle Wilf Keller. Je suis chercheur à l'Institut de biotechnologie des plantes du Conseil national de recherches du Canada. Je travaille à Saskatoon dans le domaine de la biotechnologie des cultures, tout particulièrement sur le colza canola et les cultures connexes. Nous introduisons des gènes dans les cultures pour fabriquer des plantes transgéniques, et nous observons leur comportement.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Je m'appelle Jean Payne - Jean, pas «gènes» au sens dont parlait Wilf - je suis députée de St. John's-Ouest, à Terre-Neuve. Je suis également vice-présidente du Comité de l'environnement.
M. Jeff Wilson (vice-président, Comité national de l'environnement agricole): Je m'appelle Jeff Wilson. Je suis vice-président du Comité national de l'environnement agricole. Je gagne ma vie en cultivant des fruits et des légumes sur une ferme de 250 acres que j'exploite au nord-ouest de Toronto.
M. Jack Trevors (professeur, Département de biologie environnementale, Université de Guelph): Bonjour. Je m'appelle Jack Trevors et je suis professeur de microbiologie à l'Université de Guelph. Mes domaines de recherche sont les organismes génétiquement modifiés et les organismes d'origine naturelle ainsi que leur utilisation dans l'environnement; je fais aussi des recherches sur le flux génétique dans l'environnement.
M. Lincoln (Lachine - Lac-Saint-Louis): Je m'appelle Clifford Lincoln. Je suis député de Lachine - Lac-Saint-Louis, dans le West Island de Montréal.
Mme Chris Mitchler (présidente, Comité national sur les aliments, Association des consommateurs du Canada): Je m'appelle Chris Mitchler et je suis présidente du Comité national sur les aliments de l'Association des consommateurs du Canada. Cet organisme de bienfaisance s'intéresse à un large éventail de questions d'intérêt pour les consommateurs, qui vont de l'alimentation à la santé, en passant par l'assurance et la banque. Nous nous intéressons surtout à la façon dont l'information sur la biotechnologie sera communiquée aux intervenants et au public. Nous voulons non seulement que l'évaluation des risques soit faite scientifiquement, mais que le processus de gestion des risques et d'information sur les risques aborde des aspects autres que la santé et la sécurité
M. Tom Curran (recherchiste du comité): Je m'appelle Tom Curran. Je travaille au service de recherche de la Bibliothèque du Parlement et, plus particulièrement, pour ce comité, à titre d'attaché de recherche. C'est moi qui ai fait tous les appels téléphoniques cet été, et vous connaissez au moins déjà ma voix, même si vous ne m'avez pas rencontré avant aujourd'hui.
Le greffier du comité: Je m'appelle Norm Radford. Je suis le greffier du comité et moi aussi, je vous ai téléphoné ou écrit.
Le président: Je vous remercie. On pourrait peut-être commencer en s'attaquant à l'une des questions les plus difficiles pour le comité, à savoir comment évaluer l'importance pour la population de l'ADNr, l'abréviation qui désigne la recombinaison de l'ADN.
Lors de nos discussions du printemps, on a constaté une intéressante dichotomie entre les témoins qui ont comparu devant le comité. Les avis étaient vraiment partagés sur la question de savoir si la technologie de la recombinaison génétique in vitro diffère fondamentalement de l'amélioration biotechnologique traditionnelle ou si, comme certains témoins le prétendaient, cela représente une évolution de la technologie génétique.
Pour nous, parlementaires, ce débat revêt une importance considérable, d'abord parce qu'il nous faut bien comprendre ce que représente l'ADNr, et ensuite, parce que nous devons déterminer, par écrit, dans nos recommandations au gouvernement, en quoi l'intérêt public est en cause, quelles sont les considérations éthiques en jeu, et si et où le cadre réglementaire en place doit être modifié, amélioré ou renforcé, à la lumière non seulement du potentiel de ce qui se passe aujourd'hui, mais aussi des développements éventuels susceptibles de se produire dans 10, 20 ou 50 ans d'ici.
Quelqu'un souhaite-t-il formuler une opinion au sujet de la technologie de la recombinaison de l'ADN et de la façon dont il l'envisage, dans sa propre perspective?
[Français]
M. Brousseau: Je peux faire une analogie avec le développement de la technologie des lasers dans les années 60. C'est une technologie qui est nouvelle. On ne pouvait pas, antérieurement aux années 60, avoir de la lumière amplifiée de façon cohérente en phase. C'est une technologie qui n'est pas exempte de risques. Les risques des applications au laser sont variés, de très minimes à plus sérieux. On a maintenant des produits de consommation qui contiennent des lasers, comme les lecteurs de CD-ROM pour la musique ou les ordinateurs. Ces produits sont identifiés et classés selon leurs risques.
Le président: Merci, monsieur Brousseau.
M. Lincoln: Je voudrais poser une question à M. Brousseau.
[Traduction]
Comme l'a fait remarquer M. Caccia, la dernière fois que nous nous sommes réunis, il nous a semblé, à nous autres profanes, qu'il existait une dichotomie très marquée entre les opinions des experts. Un groupe déclarait que si l'on prend un risque génétique foncier et qu'on le convertit en ajoutant diverses composantes et en le rendant différent, on continue d'avoir affaire au même risque, et le danger ne semble pas se multiplier ni s'étendre.
Selon d'autres, dès que vous commencez à diviser ou à manipuler le gène original, cela peut provoquer une multitude de risques qui le rend alors beaucoup plus compliqué à contrôler, et par conséquent, nous devrions être beaucoup plus prudents. C'est ce dont vous parlait aussi M. Caccia. Jusqu'où devons-nous aller en matière de réglementation? Jusqu'où devons-nous aller pour évaluer le risque et où se trouve la ligne de démarcation entre un risque acceptable et une multitude de risques qui échappent à tout contrôle, même pour les scientifiques qui manipulent des choses aussi délicates et difficiles?
M. Brousseau: Je demanderais à mes collègues qui travaillent sur le flux génétique et les organismes de bien vouloir nuancer ou corriger, le cas échéant, ce que je vais dire. Selon moi, l'information génétique est, grosso modo, un module qui a certaines fonctions. Un gène donné est mis au point à l'aide d'une bactérie pour tuer les insectes. Lorsqu'on introduit cette cassette dans une plante, elle continuera de fonctionner en tant que mécanisme de destruction des insectes. À mon avis, il est peu probable que cette cassette permette également à la plante de vivre dans un environnement beaucoup plus sec ou beaucoup plus salin. Elle a plutôt des fonctions qui influent sur la plante de diverses manières, souhaitables ou non.
C'est bien sûr une description simpliste des choses, mais je pense que l'approche au cas par cas fournirait une réponse au problème de l'évaluation des produits de la biotechnologie, quelles que soient les recommandations que souhaite faire le comité ou que désire ajouter le gouvernement. Je perçois les gènes comme des unités qui ont une fonction raisonnablement bien définie et comprise, et ce plus ou moins indépendamment de l'environnement dans lequel ils peuvent se trouver. Toutefois, il y a des gens qui ont peut-être des points de vue différents, et ceux qui ont étudié le flux génétique des organismes souhaiteront peut-être intervenir.
Le président: Nous nous sommes fait dire qu'une approche au coup par coup ou produit par produit serait moins intéressante qu'une approche qui examinerait le processus même. Quels seraient les désavantages de cette approche de substitution - à savoir celle qui est centrée sur le processus - par rapport à une approche centrée sur les problèmes?
M. Brousseau: Il serait beaucoup plus laborieux d'examiner le processus que le produit. Le processus peut être le même, qu'il s'agisse d'une opération très sure ou au contraire, très dangereuse, tout dépendant des unités avec lesquelles je travaille de départ. Si je travaille avec des bactéries inoffensives, je ne pense pas qu'il faille s'occuper du processus. Et si je travaille sur des maladies très dangereuses et contagieuses, là encore, c'est le produit auquel aboutira mon travail qui risque d'avoir un impact négatif pour la santé publique ou l'environnement. Je suppose que pour moi, c'est le produit plus le processus qui me préoccupe.
M. Wyndham: Je partage votre point de vue, mais j'aimerais insister sur la prédictabilité des altérations génétiques faites en recourant aux recombinaisons de l'ADN. C'est ce à quoi vous avez fait allusion - du fait que le gène manipulé est connu, les transformations de l'organisme le sont aussi, et il y a un niveau élevé de prédictabilité quant à la conséquence de ces altérations. Je ne prétends pas que tout soit parfait, mais les choses seront beaucoup plus prévisibles que dans le cas des biotechnologies traditionnelles, ou dans le cas des altérations multigéniques qui ont été faites auparavant. Autrement dit, la technologie de la recombinaison de l'ADN est une altération beaucoup plus précise - vous vous l'êtes déjà fait dire - et par conséquent, la prédictabilité de ses effets est supérieure.
Le président: Monsieur MacRae, s'il vous plaît.
M. MacRae: Je me décrirai plutôt comme une personne plus préoccupée par le processus que par le produit, si vous me demandiez de me définir en ces termes.
Je conviens qu'à un certain niveau, c'est une technologie très précise, mais à un autre niveau, c'est en fait très imprécis. Par exemple, du point de vue environnemental.
Si vous voulez bien, je pourrais m'expliquer plus clairement en décrivant les différences entre, disons, les programmes d'amélioration génétique des plantes utilisés traditionnellement par les agriculteurs et la biotechnologie.
La différence clé, fondamentale, est que ces programmes d'amélioration des plantes s'intègrent à un contexte environnemental. Il s'ensuit que les facteurs environnementaux ont une influence profonde sur la forme que prend le programme d'amélioration. Par conséquent, c'est beaucoup moins risqué, sur le plan de l'évaluation des risques environnementaux. Il est plus facile d'évaluer les risques environnementaux associés à l'aspect génétique de cette amélioration que dans le cas de la biotechnologie, car celle-ci est foncièrement l'expansion ultime d'un processus scientifique qui isole le contexte environnemental du programme d'amélioration.
À ce niveau, je pense que c'est potentiellement beaucoup plus risqué de procéder sur la base d'une approche produit par produit. C'est la raison pour laquelle la question du processus est fondamentale.
Le président: Pourriez-vous nous fournir des exemples spécifiques au lieu de parler en termes généraux.
M. MacRae: Eh bien, par exemple, un grand nombre d'exploitants agricoles qui pratiquent l'agriculture écologiquement viable disent qu'ils n'utilisent pas beaucoup de variétés de plantes modernes.
J'ai parlé à plusieurs exploitants qui cultivent le seigle. Ils s'aperçoivent qu'il est mieux de réutiliser des variétés beaucoup plus anciennes, car elles ont été améliorées dans des conditions beaucoup plus proches des caractéristiques environnementales - le sol et les conditions climatiques - que l'on retrouve sur les terres qu'ils cultivent.
Quand ils utilisent les variétés modernes, qu'elles soient le résultat d'améliorations génétiques très modernes ou de l'étape plus avancée, c'est-à-dire des produits de la biotechnologie, ils constatent qu'elles ne fonctionnent pas très bien, et que leur comportement est inconstant dans les conditions environnementales qui sont les leurs. Ils se trouvent donc forcés de revenir aux anciennes variétés qui sont très difficiles à trouver aujourd'hui car personne ne les commercialise.
Le président: Monsieur Lincoln.
M. Lincoln: Vous mentionnez l'efficacité et l'adaptation d'un contexte à un autre, mais qu'en est-il du risque?
Voulez-vous nous donner un exemple? Le risque est-il plus grand à l'égard de l'environnement et du développement durable quand on recourt à la biotechnologie? Je pense qu'il serait utile que vous en parliez.
M. MacRae: Je pense effectivement que le risque écologique est supérieur, et les raisons sont de deux ordres. L'un relève des principes et de la théorie, et l'autre de la pratique. J'ai déjà, en quelque sorte, décrit l'aspect pratique.
L'aspect théorique est que la biotechnologie repose sur des principes et sur la science, la biologie moléculaire surtout, alors que l'agriculture durable est liée à l'écologie: l'écologie agricole, l'économie de l'environnement, l'écologie sociale.
Il s'agit de deux approches scientifiques foncièrement différentes. L'écologie, naturellement, concerne les relations entre les organismes, les éléments fertilisants et les eaux déversées. C'est une approche beaucoup plus globale, plus complète, pour évaluer à la fois l'efficacité et le risque. La biologie moléculaire est une approche très spécifique, très précise, très réductrice sur le plan de l'investigation, et les deux ne se recoupent pas vraiment.
Il en résulte que si l'on adopte une approche agro-écologique, on est susceptible de découvrir où surviendront les problèmes en aval, car on se préoccupe de toutes les relations en question. La biotechnologie, de par sa nature, ne fonctionne pas de la même façon.
Quand ils veulent donner des exemples concrets, les critiques de la biotechnologie disent depuis pas mal de temps qu'il existe des risques écologiques inhérents à l'utilisation de technologies de ce type. Ainsi, certaines cultures pourront transférer l'information génétique à des espèces sauvages voisines, et créer des plantes adventistes qui ont un comportement imprévisible. De telles constatations commencent à faire surface.
De fait, cela se produit déjà. J'ai récemment entendu parler d'une étude danoise où l'on dit que ce phénomène est déjà en marche.
La raison pour laquelle je pense que ce genre de chose n'est pas envisagé par la biotechnologie, c'est qu'il s'agit d'une approche scientifique qui, foncièrement, ne peut aboutir à de tels pronostics.
L'écologie est une science relativement nouvelle, et l'écologie agricole est encore plus récente, ce qui fait que les connaissances en ce domaine sont encore relativement limitées. Pourtant, elle nous permet de faire des choses qui minimisent les risques en aval.
Le président: Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan: Le premier témoin a dit que si, par exemple, on souhaitait rendre une plante plus résistante aux insectes, il suffisait de prendre un gène, où je ne sais quoi, et que l'implanter dans une autre plante ne changerait pas l'adaptation de la plante au type de sol, et ce genre de chose. Si je comprends bien ce que vous venez de dire, certaines des nouvelles variétés ne sont pas capables de s'acclimater aux conditions environnementales actuelles, et ce sont les plus anciennes qui sont les plus adaptées à ces conditions environnementales.
J'entends deux sons de cloche et je voudrais que quelqu'un m'explique.
M. MacRae: Très bien, prenons l'exemple des insectes. L'expression génétique peut être très précise, mais la question est de savoir quelle est l'action réciproque entre l'insecte et la plante.
J'entends par là que si quelqu'un souhaite se débarrasser d'insectes nuisibles, les vraies questions, les questions fondamentales, qui se posent sont les suivantes: pourquoi l'insecte nuisible existe-t-il dans cet environnement particulier; et quelles sont les conditions écologiques qui l'attirent à cet endroit précis et sur cette plante en particulier? La solution biotechnologique ne s'occupe pas vraiment de cela, et par conséquent, il est probable que ce ne soit pas une solution à long terme ou globale, et en outre, elle sera coûteuse.
L'autre approche tente de modifier les conditions qui contribuent, sur le terrain, à la croissance de cet insecte nuisible, à son développement et à sa multiplication. Quel type de stratégies peut-on mettre en place, quelle rotation des cultures faut-il instituer, quel type de concurrents peut-on attirer dans les champs de manière à ce que cet insecte particulier ait très peu de chance de survivre très longtemps dans un tel environnement?
On a là des questions fondamentales concernant l'aménagement du milieu. Et je pense qu'elles sont du type à apporter des solutions environnementales à long terme, et éventuellement, des solutions financières à long terme, car elles sont beaucoup moins coûteuses. Une fois mises en place, le cultivateur n'a plus besoin de retourner chez le fournisseur acheter la semence ou l'autre produit biotechnologique qui lui permet de régler son problème.
Est-ce que cela...?
Mme Kraft Sloan: Je cherche toujours à comprendre pourquoi le produit biotechnologique ne peut régler le problème, et pourquoi il change selon l'environnement dans lequel il pousse ou ne pousse pas, d'ailleurs.
M. MacRae: Ce n'est pas nécessairement que la plante elle-même changera, mais la dynamique... Je veux dire que s'il y a un problème d'insectes, on ne parle plus simplement d'une plante, il s'agit plutôt de la relation entre l'insecte et la plante.
La question n'est donc pas tellement de savoir si la plante elle-même changera - bien qu'il y ait des indices qui laissent entendre que ce sera le cas - mais plutôt de savoir quelle est la relation entre l'insecte et la plante, et s'il est possible de prédire effectivement la nature de cette relation.
Une des choses que l'on ne peut pas prédire, par exemple, c'est le développement de la résistance de l'insecte à la fois aux produits chimiques et aux plantes modifiées par génie génétique. On sait déjà, par exemple, qu'en ce qui concerne les nouvelles pommes de terre dans lesquelles on a introduit le gène de Bacillus thuringiensis pour tuer le doryphore de la pomme de terre, il y a une résistance de l'insecte à ce gène et il est probable qu'elle ira grandissant. C'est un problème très préoccupant pour tout le monde.
Mais dans un certain sens, c'est mettre la charrue avant les boeufs. En effet, c'est une fois le produit développé et commercialisé, que l'on s'aperçoit que la relation entre l'insecte et la plante est telle qu'elle risque de créer un autre problème à long terme, soit la destruction du Bacillus thuringiensis en tant qu'arme efficace contre le doryphore de la pomme de terre.
Mme Kraft Sloan: C'est donc le produit lui-même qui n'est pas nécessairement efficace plutôt que le changement... Parfait, je vous remercie.
Le président: Merci. Écoutons maintenant M. Walter.
M. Walter: Merci. Il a été question au début du concept de génie génétique et de l'amélioration traditionnelle des plantes. Il faut admettre que le génie génétique n'est rien d'autre qu'un outil dans le processus d'amélioration des plantes. Il ne remplace certainement pas l'utilité de recourir à l'amélioration des plantes classique. Nous sommes simplement en mesure de faire ressortir certaines caractéristiques d'une plante, et ensuite de les indiquer aux sélectionneurs pour qu'ils développent une variété de plantes adaptée et utile. La sélection continue d'être employée pour produire la plante cultivée finale.
Par ailleurs, on a soulevé la question du lien, du rapport, entre le risque environnemental et la réglementation. J'aimerais faire remarquer que le risque est à la base du concept de la réglementation canadienne. Celle-ci ne concerne pas tant le processus en particulier que le produit.
Mais cette réglementation s'intéresse certainement au risque, quelle que soit la façon dont le produit est mis au point, qu'il soit développé en recourant au génie génétique, aux techniques classiques d'amélioration des plantes, ou à tout autre mécanisme. Le risque que présente le produit est ce que l'on considère, le risque inhérent à un produit particulier et son impact sur l'environnement.
Donc l'idée que le mécanisme de réglementation puisse être en cause - que l'on remette en question la capacité des responsables à identifier, vérifier et évaluer le risque - ne résiste en l'occurrence tout simplement pas à l'examen, car cela est pris en compte, qu'il s'agisse de génie génétique, d'amélioration des plantes par la technique traditionnelle et des autres mécanismes de production de plantes cultivées.
Le président: Quand on aborde les choses produit par produit, quand on adopte ce genre d'approche - ce qui est un peu comme étudier une forêt en examinant chacun des arbres - ne risque-t-on pas de perdre de vue l'ensemble de la forêt, la tendance générale et la portée du processus?
M. Walter: À vrai dire, je pense que l'analogie avec un examen arbre par arbre est quelque peu trompeuse, du fait que tous les arbres sont très similaires.
Ce serait plutôt comme entrer dans une épicerie et dire que, comme il est impossible de s'occuper des produits un par un parce qu'il y en a trop, on va se contenter de les faire tous passer au même crible.
Le danger, c'est que premièrement, si vous passez tous les produits exactement au même crible, votre base de connaissances risque de s'avérer incorrecte et il se pourrait que vous ne soyez pas en mesure de capter tous les risques recensés dans chaque produit.
En revanche, quand on procède produit par produit, l'approche est beaucoup plus spécifique. On peut recenser les risques qui sont inhérents à un produit, lesquels peuvent très bien ne pas être inhérents ou applicables à un autre produit.
Le président: Merci.
Je donne la parole à M. Keller.
M. Keller: Merci. Je tenais simplement à confirmer un point que le précédent intervenant a mentionné, à savoir qu'il faut envisager la biotechnologie comme une composante intégrée du développement des variétés végétales et de l'amélioration des plantes. Il ne faudrait pas avoir l'impression qu'il s'agit d'une technologie autonome qui surpasse ou remplace la façon dont nous développons de nouvelles variétés de culture.
À mon avis, c'est quelque chose dont nous devrions nous occuper. La biotechnologie n'entre pas en contradiction avec la rotation des cultures et l'exploitation agricole familiale. Elle devrait effectivement offrir au producteur une plus grande flexibilité sur ce qu'il peut cultiver.
Deuxièmement, on a mentionné l'amélioration génétique et le fait qu'il devenait nécessaire de retomber sur les anciennes variétés, de seigle, par exemple. Je pense que d'une façon générale, cela est incorrect car le développement d'une nouvelle variété au Canada - et dans la plupart des pays - se fait en fonction du rendement régional. Il existe des parasites régionaux.
Il y a par exemple 30 endroits dans l'ouest du Canada ou le canola est sous surveillance: on veut savoir comment il réagit et comment il se comporte dans chaque région. De fait, le développement commercial du canola transgénique se fait dans le cadre des mêmes directives.
On procède à une évaluation du rendement régional, et je pense que dire qu'il faut revenir aux anciennes variétés parce que la biotechnologie passe à côté du problème est incorrect.
On parle beaucoup de l'ADN. Je pense qu'il faut que l'on comprenne aussi que le gène est divisible. Un élément de ce gène régule son expression.
Par conséquent, quand on parle du gène de Baccilus thuringiensis ou d'un autre gène - par exemple, celui qui modifie l'huile dans le canola - ce gène est déclenché lors du développement de la semence - pas dans les racines, pas dans les feuilles, seulement dans la semence. Donc, la régulation du gène, d'où qu'il vienne, est contrôlée par des systèmes qui pourraient déjà être dans la plante.
Donc, la régulation de gènes étrangers - si l'on peut dire - met à contribution les systèmes régulateurs internes de la plante.
Enfin, pour mettre les choses au point, c'est vrai qu'un pollen peut être transféré de plantes transgéniques à d'autres plantes. Le transfert de pollen est une réalité en biologie - il n'y a aucun doute là-dessus - et il se produit plus facilement dans le cas d'espèces affines.
L'étude danoise dont il était question traitait du transfert de pollen entre le canola et une plante nuisible. La variété de canola utilisée en Europe est le colza fourrager ou Brassica napus. Au Canada, nous cultivons à la fois le colza fourrager et un autre type de colza canola, la moutarde des oiseaux ou Brassica rapa. En Europe, cette dernière espèce est une plante nuisible; au Canada, c'est une culture.
L'étude danoise parle du transfert de pollen entre le colza fourrager et la moutarde des oiseaux. De fait, le phénomène a été observé ici par les producteurs de canola depuis de nombreuses années, car ce sont des cultures affines.
Il s'agit de la même culture. Pour nous, les deux espèces que nous cultivons sont du colza canola, et nous commercialisons les graines de canola. Nous n'établissons pas de distinction entre les deux espèces.
Merci.
Le président: Merci.
La parole est à M. Jeff Wilson.
M. Wilson: J'ai quelques commentaires, mais je suis d'accord avec les observations deM. Keller.
L'opinion la plus répandue, semble-t-il, dans le milieu agricole est que c'est un outil. Il ne s'agit pas d'une panacée, et je ne pense donc pas que l'on puisse en discuter dans l'abstrait, comme s'il devait s'agir de la nouvelle vague de l'agriculture, que l'on se place dans la perspective du Canada ou dans une perspective mondiale.
Une chose qui toutefois semble faire surface régulièrement dans la communauté agricole... Les opinions sont très divergentes, à la fois sur le plan philosophique - et l'on y reviendra plus tard au cours de la journée - et en ce qui concerne les méthodes agricoles. La cohérence au niveau international doit être un préalable quand il s'agit de formuler des politiques de réglementation ici, au Canada.
Pour ce qui est de la question des variétés, permettez-moi de m'exprimer en tant qu'agriculteur. J'exerce mon métier dans une région où il n'aurait pas été possible de faire pousser du maïs-grain il y a 20 ans. Le terrain n'est pas propice. Même si je suis dans le sud de l'Ontario, là où j'habite, l'altitude est élevée. Il ne m'est donc pas possible de produire des cultures de saisons chaudes. Or, nous produisons maintenant du maïs-grain dans ma région agricole grâce à la création de nouvelles variétés.
Selon moi, s'en tenir à opposer l'ancien au nouveau, c'est faire bon marché du savoir-faire économique, écologique et environnemental des agriculteurs. Ils utilisent la meilleure variété du point de vue des caractéristiques de leur exploitation.
Ce dont on s'est rendu compte, en Ontario en tout cas, et de plus en plus à l'échelle nationale au fur et à mesure que le concept de ferme écologique s'impose, c'est que toute entreprise agricole possède des caractéristiques propres à cause des critères économiques, environnementaux et écologiques qui la définissent.
Chaque agriculteur va donc de plus en plus, évaluer tout nouveau produit selon des normes différentes: s'intègre-t-il à la ligne de produits qu'il recherche, ou y a-t-il des problèmes causés par les insectes nuisibles qui doivent entrer en considération?
Je suis le seul dans mon coin à cultiver des pommes de terre, mais il suffirait que trois de mes voisins s'y mettent aussi pour que se crée un petit écosystème et que je me retrouve avec des problèmes causés par les nuisibles qui s'attaquent aux pommes de terre. Cela me paraît être dans la nature des choses.
Je prétends aussi que l'une des choses dont nous devrions nous préoccuper est l'impact économique de l'agriculture dans son ensemble, le fruit de l'activité d'un nombre de plus en plus restreint d'agriculteurs sur le plan national. À l'heure actuelle, on estime généralement que l'agriculture commerciale occupe environ 0,5 p. 100 de la population canadienne.
Nous devons donc reconnaître, entre autres, que si de moins en moins de gens doivent se consacrer à une production agricole qui devra essentiellement être de plus en plus abondante - c'est en tout cas ce que demandent plusieurs ministères fédéraux et provinciaux liés à l'agriculture - il faudra alors s'intéresser aux enjeux que cela représente, dans le contexte de l'agriculture écologiquement viable qui est l'orientation choisie.
Le président: L'autre conclusion, donc, est que la recombinaison de l'ADN s'inscrit dans l'évolution de la technologie, de la technologie génétique, et ne représente pas une rupture par rapport à la biotechnologie classique? C'est ce que vous pensez?
M. Wilson: D'après ce que l'on entend dire au sein de la communauté agricole, c'est de plus en plus perçu comme une évolution et non comme une révolution.
Un exemple. En présumant que dans un an ou deux, nous puissions avoir du maïs sucré B.t. - je cultive du maïs sucré - pendant la troisième semaine de juillet, il y a un créneau pendant lequel je subis la pression intense de la pyrale du maïs européenne. Il va donc me falloir une variété qui va répondre...
Le président: Je m'excuse, mais pourriez-vous m'expliquer ce que cela veut dire?
M. Wilson: La pyrale du maïs européenne est un parasite qui attaque toutes les sortes de maïs, particulièrement le maïs sucré. Plus le maïs est sucré, plus le problème posé par cet ennemi des cultures est grand, à cause de l'arôme dégagé qui joue le rôle d'un intractif.
En ce qui concerne le maïs sucré, le problème n'est pas tellement une diminution du rendement économique; c'est un problème d'apparence. Personne ne souhaite mordre dans un épi de maïs où il y a un ver ou, pire encore, la moitié d'un ver.
Essentiellement donc, je cherche à avoir quelque chose qui répond aux attentes de mes clients au niveau de la qualité, de la saveur et de la douceur, mais aussi, qui m'évitera peut-être d'avoir à recourir à d'autres mesures pendant la période où les parasites sont virulents. Ces mesures sont le plus souvent des pesticides chimiques, alors qu'avant et après cette période, le besoin se fait beaucoup moins sentir.
Il faut donc qu'il y ait des périodes données, dans mon système de culture, où je pourrais bénéficier d'un certain avantage dont je peux fort bien me passer à la fin du mois de septembre. À ce moment-là, les nuisibles du maïs sucré ne sont pas virulents, alors pourquoi envisagerais-je une variété de maïs B.t. à la fin septembre plutôt qu'au moment où j'en ai besoin?
Le président: Monsieur Trevors, s'il vous plaît.
M. Trevors: Premièrement, si l'on se projetait dans l'avenir, juste une dizaine d'années - ce n'est pas possible, mais supposons - et si l'on regardait en arrière, je pense que l'on considérerait le génie génétique comme une simple évolution de la science et de la technologie. Et quand on regardera en arrière, je pense que c'est ce qu'on constatera. Ce n'est pas possible pour l'instant, mais ce sera, selon moi, la façon dont les choses seront perçues.
Le problème vient en partie du fait que la biotechnologie nous a pris par surprise. Les choses se sont un peu trop précipitées. Même les scientifiques et les responsables de la réglementation n'étaient peut-être pas prêts à faire face à une éruption aussi rapide.
À mon avis, il s'agit d'une évolution de la science et de la technologie. C'est juste qu'elle progresse très rapidement. L'évolution est rapide à l'échelle globale, et continuera probablement.
Deuxièmement, la biotechnologie nous permet de procéder à des manipulations précises, et n'est pas nécessairement contraire à l'agriculture écologiquement viable ou à la gestion de l'environnement.
Je dis cela parce que la biotechnologie peut fort bien faire partie, par exemple, d'un vaste programme intégré contre les ennemis des cultures. Elle peut très bien faire partie d'un programme plus vaste si l'on pose des conditions portant sur la façon et le moment où le produit est utilisé, et sur la fréquence de l'utilisation d'un produit donné. Quelques exemples ont déjà été cités ce matin.
Je voulais simplement faire ces deux observations.
Le président: Merci. Y en a-t-il d'autres qui souhaitent intervenir? Oui, monsieur Knutson.
M. Knutson: Je voudrais poser une question à M. Keller et à M. MacRae.
Monsieur Keller, on nous a donné l'impression, particulièrement les milieux scientifiques, que la matière organique a beaucoup plus d'éléments en commun au niveau génétique qu'un non-spécialiste ne l'imagine. Ce qui fait que de transférer un gène d'un organisme à un autre, d'une espèce à une autre, n'est pas une chose aussi extraordinaire, quand on resitue cela dans le contexte de la formation scientifique et de la compréhension des sciences, et que les préoccupations des gens que traduisent les hommes politiques ne sont pas vraiment fondées scientifiquement. Elles viennent probablement de préjugés ou de malentendus glanés sans doute attribuables dans la presse à grand tirage.
Et puis il y a un autre point de vue, un faisceau d'arguments voulant qu'il s'agisse véritablement d'un prodigieux bond en avant, que l'on est confronté à des réalités de nature radicalement différente.
Je pense que l'argument de M. MacRae était que l'on devrait envisager la situation comme quelque chose de très différent sur le plan de l'évaluation des risques, et être particulièrement prudents, compte tenu des conséquences qui risquent d'aller bien au-delà de ce à quoi on peut s'attendre.
Je voudrais poser deux questions. Quand vous avez commenté ce qu'a déclaré M. MacRae, vous n'avez pas abordé la question de savoir si l'on entre dans une période où l'on va produire des super organismes nuisibles chaque fois que l'on modifie une espèce par les techniques du génie génétique Le monde des bestioles ou des insectes réagit beaucoup plus qu'on ne peut le prévoir, et chaque fois qu'on se laisse surprendre, on risque des conséquences très graves.
Autre chose: pourriez-vous me dire, vous qui êtes un scientifique, si, quand ils ont fabriqué la première bombe atomique, les gens pensaient que ce n'était, scientifiquement parlant, qu'un prolongement naturel de ce que l'on connaissait jusqu'alors. Ne voyaient-ils pas cela comme un prodigieux bond en avant? Croyaient-ils qu'en réalité, cette invention découlait simplement de la compréhension qu'on avait de la physique? Pourtant, la technologie devançait de très loin notre compréhension politique ou sociale du phénomène. Comme il n'existait pas de réglementation ni d'entente politique, nous avons vécu une longue période à très haut risque.
Cette analogie est-elle pertinente, ou suis-je simplement un prophète de malheur?
M. Keller: Merci. Je commencerai par répondre à la première question: sommes-nous en train de fabriquer des super-parasites et la biotechnologie est-elle en train de nous créer de graves problèmes?
Si l'on regarde les choses dans leur ensemble et que l'on ne s'attarde qu'aux exemples particuliers - par exemple le B.t., le Baccilus thuringiensis - on pourrait manifestement prétendre qu'il est possible de produire des populations d'insectes résistants.
Mais je pense qu'on ne peut pas ignorer le fait qu'il s'agit d'une science évolutionniste. La recherche continue de progresser. Nous avons aujourd'hui la plante B.t., mais si l'on veut bien prendre en compte ce qui se passe dans tous les laboratoires, on s'aperçoit qu'il y a des recherches permanentes sur les interactions plantes-insectes. Quels sont les produits chimiques que les plantes fabriquent pour dissuader les insectes? Comment peut-on identifier les produits géniques de ces produits chimiques naturels et éventuellement, les ajouter les uns aux autres et introduire un plus grand nombre de gènes?
La résistance à la rouille du blé est sans doute un bon exemple. On faisait face, dans les années trente et les années quarante, à des problèmes de rouille dévastateurs pour les blés des Prairies. Au fur et à mesure que la connaissance génétique a progressé et qu'un plus grand nombre de gènes résistants furent fabriqués, la situation s'est stabilisée. On ne connaît plus les dévastations dues à la rouille, dans une large mesure parce qu'on a développé une adaptation et une résistance génétique.
Il faut considérer que la biotechnologie est évolutionniste. Prenons les exemples se rapportant aux insectes. Quand on connaîtra mieux la base des interactions plantes-insectes, on comprendra ce qui se passe entre l'insecte et la plante et l'on pourra élaborer des solutions. C'est un programme d'amélioration des plantes à long terme; le développement de variétés de plantes demande beaucoup de temps.
On ne peut se contenter d'envisager isolément le produit B.t. dont on dispose, car ce ne sera pas toujours le seul produit. On va assister à la naissance d'une ligne de produits supérieurs du point de vue des préoccupations que l'on peut avoir.
M. Knutson: Pourrais-je intervenir rapidement? Quand je regarde les choses dans la perspective d'un responsable de la réglementation, d'un homme politique ou d'un législateur, j'ai le sentiment que dans 99 cas sur 100, on obtient un bon résultat. On s'attaque à un problème et le résultat a un fantastique impact positif qui ouvre des perspectives. Nous pourrions tous envisager la situation objectivement et convenir que dans ces 99 cas, il n'existe aucun risque foncier. Parfait. Mais doit-on élaborer un régime réglementaire en fonction de ces 99 cas? Ou bien, si dans un seul cas sur 100, vous vous retrouvez confrontés à un super parasite qui provoque d'énormes dommages, comment vous arrangez-vous pour essayer d'anticiper cela dans votre régime de réglementation?
Je ne vous ai pas entendu dire qu'il était possible d'avoir exceptionnellement un organisme transgénique qui fait quelque chose d'imprévisible, qui donne naissance, par exemple, à un super microbe. Je n'utilise sans doute pas les mots qu'il faut, car je ne suis pas un scientifique, mais - faute de mieux - disons que nous nous retrouvons plus malades, ou que nous causons des dommages environnementaux ou je ne sais quoi.
En tant que législateur, j'aimerais savoir où vous placez la priorité? Il s'agit réellement...
M. Keller: C'est une question très importante et très difficile, car bien sûr, il faut tenir compte du rapport avantage-risque et le chiffrer précisément, que ce soit 1 sur 100 ou 1 sur 10 000. En tant que chercheur, je ne suis pas sûr de pouvoir vous donner un chiffre ferme.
Je pense que nous devons évoluer en tant que société et considérer le bilan global sur le plan des avantages. Nous sommes déjà confrontés à de graves problèmes avec les insectes nuisibles. Peut-on améliorer la situation et aller de l'avant? Il se peut que la technologie de la transformation génétique puisse nous le permettre dans certains cas.
Il faut ensuite prendre une décision et recueillir de l'information au fur et à mesure que l'on progresse. Je pense qu'ici encore, cela s'inscrit dans le processus évolutionniste.
Nous avons rencontré des problèmes - si je peux utiliser ce mot, ou peut-être devrais-je lui préférer le mot «accident» - quand au fil des ans, il y a eu des flambées de maladies que l'on a attribuées à la monoculture. De fait, dans de nombreux cas, c'est vrai, mais la recherche a réussi à régler le problème. Nous devons consolider la base que constituent les recherches et intégrer ces connaissances au système de réglementation de façon continue.
J'aimerais maintenant répondre à votre deuxième question. Je pense que l'on ne peut pas comparer la bombe atomique à la biotechnologie. La bombe atomique a été construite à dessein, dans le but même pour lequel elle a été utilisée, et l'on connaît les projets qui avaient été mis en place.
On peut en revanche prendre l'exemple de l'informatique, et observer la progression depuis les ordinateurs monstrueux qui devaient être conservés dans une pièce fraîche, et que très peu de gens savaient faire fonctionner, jusqu'aux ordinateurs personnels que l'on retrouve aujourd'hui dans chaque foyer. Je pense qu'il y a eu une fantastique évolution de la technologie. On a parlé du laser. L'automobile est passée du stade de véhicule qui pouvait à peine se déplacer à l'instrument technologique qu'elle est devenue de nos jours.
Il y a de nombreux exemples illustrant les très importants progrès de la science et de la technologie - et globalement, ce sont des progrès bénéfiques.
Le président: On va maintenant entendre MM. Brousseau, Lincoln et MacRae. Nous aborderons ensuite la question des risques, car jusqu'ici, nous avons seulement tourné autour du sujet.
M. Brousseau: J'ai deux observations à faire. Premièrement, en tant que chercheur qui s'intéresse au Baccilus thuringiensis depuis plusieurs années, j'applaudis sans réserve l'idée d'avoir recours à ces insecticides, naturels ou transgéniques, dans la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. La meilleure solution c'est d'aménager l'exploitation agricole, la rotation des cultures et l'écosystème pour parvenir à une utilisation zéro de pesticide, qu'il soit transgénique, classique, chimique, ou quoi que ce soit d'autre. C'est le meilleur scénario pour l'agriculteur ou pour le consommateur.
Quand de telles conditions n'existent pas, il faut alors voir ce qu'il est possible de faire, au niveau de l'agriculteur ou dans le cadre de la réglementation. Cet arsenal peut très bien, dans certains cas, comprendre des produits transgéniques ou autres obtenus à partir de techniques de recombinaison génétique.
Ma deuxième observation porte sur le système axé sur le produit. Selon moi, il peut offrir la possibilité de mieux examiner le concept du risque de substitution. L'exemple que je donne habituellement est celui d'un chargement de semence transgénique qui tombe accidentellement dans une rivière. Selon moi, ce n'est pas vraiment très grave. Nous pouvons nettoyer les dégâts relativement facilement. En revanche, si c'est un camion chargé d'insecticide chimique qui tombe dans la même rivière ce pourrait être un accident grave de conséquences pour la santé des gens et pour l'environnement.
Donc, si l'on fait abstraction de tous les arguments concernant le processus de fabrication du produit, je pense que si l'on se limite au produit, on peut dire que cette semence insecticide remplacera peut-être tant de tonnes de pesticides chimiques. Cela peut paraître positif au plan de l'évaluation du rapport bénéfices-risques. Ainsi, le risque de substitution est aussi un concept à considérer.
M. Lincoln: J'aimerais en revenir à ce dont parlait mon collègue, M. Knutson. Vous voyez bien que nous sommes des non-spécialistes qui élaborons des règlements s'appliquant à un domaine extrêmement complexe. Nous ne devons jamais oublier qu'à cause de notre ignorance, nous sommes tenus d'être beaucoup plus prudents que si nous en savions autant que vous.
Malheureusement, il est très difficile pour nous de déterminer ce que vous entendez par risque relatif. Quel est ce risque relatif qui nous permettra de réglementer en toute sécurité? La tendance de la société d'aujourd'hui est d'avancer tellement vite que le mantra est moins il y a de réglementation, mieux cela vaut, et plus on déréglemente, plus on sera heureux. L'économie tournera plus rond.
On nous presse donc, particulièrement dans le domaine de l'environnement, de déréglementer aussi vite que possible. Il y a déjà eu des transferts de responsabilités dans le cadre desquels le gouvernement fédéral a transféré la réglementation aux provinces, les provinces à des entreprises commerciales ou institutionnelles, et ainsi de suite ainsi qu'aux municipalités. En bout de ligne, on se demande qui est responsable.
Alors, quand il est question de risque relatif - il a surtout été question des ennemis des cultures et des insectes - abordons la question sous l'angle de l'alimentation qui a des conséquences pour les gens.
Je suis au courant de la controverse qui nous oppose aux Américains à propos de l'élevage des poulets. Doit-on injecter plus d'hormones aux poulets afin d'accélérer leur croissance? Quel est le risque pour la santé des gens?
Il y a eu récemment un débat au sein de notre groupe parlementaire au sujet des produits que l'on ajoute au lait. Les spécialistes prétendent que c'est une pratique tout à fait sûre. Les États-Unis ont placé sous licence le lait qui contient des additifs aux hormones.
Je dois dire que la plupart de mes collègues se sont montrés extrêmement prudents, parce que personne ne sait. Nous nous retrouvons dans la situation suivante: même si tout un groupe de scientifiques nous dit que c'est on ne peut plus sûr, nous ne voulons dire que c'est sans danger pour que, dans cinq ans, on se rende compte que ce n'était pas le cas.
Les exemples sont tellement nombreux où les choses semblaient inoffensives, comme dans le cas des gaz CFC. On considérait au moment de leur découverte, qu'ils étaient ce qu'il y avait de plus sécuritaire au monde. Quand on a découvert qu'ils détruisaient la couche d'ozone, c'était trop tard.
Je vous demande de me dire comment on peut faire pour avoir une certitude? Si l'on ne peut pas avoir de certitudes, admettez-vous que l'on devrait adopter le principe de la prudence et maintenir une réglementation très très ferme jusqu'à ce que l'on soit certain?
Le président: Monsieur MacRae.
M. MacRae: J'ai quatre réponses aux observations de MM. Knutson, Brousseau et Lincoln qui, j'espère, sont pertinentes.
Une des raisons pour lesquelles la biotechnologie représente une rupture radicale vient du fait qu'elle aboutit à des choses qui, dans la nature, ne se produisent pas ou prennent tellement longtemps à se produire qu'en fait, les autres choses ont le temps d'évoluer en parallèle si bien que la transformation génétique s'adapte à l'environnement. Il n'en va pas ainsi avec la biotechnologie.
Deuxièmement, d'une certaine façon, se demander s'il s'agit d'une évolution ou d'une révolution est quelque peu secondaire par rapport à la question fondamentale qui est de savoir si en fin de compte, on s'oriente dans la bonne direction. Si la viabilité écologique est une question d'aménagement, alors pourquoi ne pas consacrer toutes nos ressources scientifiques à la compréhension de l'écologie des organismes et à la façon dont ils agissent les uns sur les autres? Il me semble que ce serait la voie à suivre.
Dans ce cas, les remarques de M. Brousseau me paraissent sensées quand il déclare qu'en dernier lieu, la meilleure approche est d'envisager un aménagement qui nous permet de minimiser l'utilisation de ces différents matériaux, et de recourir à la biotechnologie s'il n'est pas possible de trouver une solution d'aménagement écologique à un moment donné. À mon avis, c'est le contexte dans lequel la biotechnologie pourrait fonctionner et être réglementée.
Quatrièmement, beaucoup d'historiens de la technologie sont préoccupés par le fait que nos technologies actuelles deviennent tellement plus complexes et sophistiquées que même si le potentiel de risque au jour le jour est sans doute quelque peu moindre qu'il n'était par le passé, le risque de catastrophe est beaucoup plus élevé. Ce qui fait que même si les chances que tout aille bien sont de 99 sur 100, le un pour cent de risque pourrait s'avérer catastrophique, et ce, à cause même de la technologie utilisée.
Le président: Messieurs Trevors, Walter et Wilson.
M. Trevors: Je n'ai pas d'autres commentaires à ce sujet.
Le président: Merci. La parole est à M. Walter.
M. Walter: Je n'ai pas autre chose à dire en l'occurrence. Merci.
Le président: Monsieur Wilson.
M. Wilson: M. Lincoln s'est demandé si, en l'occurrence, on devrait adopter le principe de prudence. Essentiellement, en tant qu'agriculteur, j'aurais tendance à penser que cela veut dire: est-ce que l'on se dispense de faire quoi que ce soit jusqu'à ce que l'on sache de quoi il retourne?
Je suppose que l'inverse serait de se demander si l'on fonce tête baissée; ou alors, existe-t-il un juste milieu qui permettrait, en ayant recours à des mécanismes de contrôle ou à un moyen quelconque, de faire des analyses continues ou de se tenir informé en permanence de l'évolution des choses dans le cadre de certains critères?
J'insiste sur le fait que nous devons nous montrer conséquents avec ce qui se fait autour de nous. Du point de vue des agriculteurs, il faut se montrer conséquent avec ce que font nos concurrents, car il est arrivé - dans le cas d'un autre problème qui est au centre d'une controverse publique depuis des dizaines d'années, à savoir le problème des pesticides - que très souvent, nous ne permettions pas l'utilisation d'un produit au Canada alors que nous nous montrions tout à fait ouverts à l'importation de marchandises en provenance de pays où ledit produit était utilisé. Cela a généré beaucoup d'hostilité dans le milieu agricole. Nous avons tendance à nous réglementer nous-mêmes assez sévèrement, mais nous acceptons à bras ouverts ce qui vient des autres pays.
À propos de la concurrence, évidemment nous ne nous attendons pas à un traitement de faveur, mais nous ne nous attendons pas non plus à ce que la réglementation aille à l'encontre de l'agriculture canadienne et favorise l'agriculture étrangère sur notre propre marché.
À cet égard donc, que l'on collabore systématiquement avec les nombreux forums qui sont à l'oeuvre - les Nations unies ont un forum sur la question; l'OCDE envisage la mise en place d'un forum sur la façon dont on doit aborder la réglementation non seulement de cette question, mais de l'utilisation de plusieurs produits et procédés agricoles - nous sommes tout à fait en faveur de cela. Mais nous nous inquiétons lorsqu'il est question de prendre des initiatives ici qui risquent de nous isoler de ce qui se fait ailleurs dans le monde. Quand je vous dis cela, c'est le fermier qui doit aussi faire face à la concurrence sur le marché mondial qui parle.
Le président: Tout cela est très intéressant. Nous avons déjà abordé marginalement la question du risque, et l'on pourrait peut-être s'y aventurer plus résolument au cours des prochaines 20 minutes, afin qu'il nous reste encore suffisamment de temps pour les deux thèmes mentionnés précédemment.
Je suppose que dans le cas de l'évaluation des risques, une des questions avec lesquelles le comité est aux prises est de savoir si les directives et règlements fédéraux en place et les ressources disponibles pour l'évaluation réglementaire couvrent tous les risques potentiels associés aux organismes transgéniques et à leur libération dans l'environnement. Serait-il possible d'avoir des commentaires sur cet aspect particulier des risques associés aux espèces transgéniques? Ou s'agit-il de quelque chose que vous préférez garder pour une discussion plus approfondie du sujet que nous aborderons ensuite - à savoir, quelles sont les ressources disponibles?
Quelqu'un veut-il faire des commentaires? Oui, monsieur Wilson.
M. Wilson: En présumant que l'on ait une idée du risque existant, il est alors tout à fait approprié de dire quel est ce risque. En tant qu'exploitant agricole, j'ai des choix à faire. Quand j'examine un débouché, un enjeu, une nuisance, ou ce que vous voudrez, j'aime savoir quelles sont les options dont je dispose. J'utilise «options» au pluriel, car il y a tout un ensemble de critères particuliers qui s'appliquent à mon exploitation, tout comme mes voisins cultivateurs pourraient avoir leurs critères à eux, quelque peu différents. J'aime penser que je suis peut-être un peu plus préoccupé par l'environnement que les autres, et que cela influence en partie les décisions que je prends; toutefois, même si mon voisin n'a pas d'idées aussi arrêtées en la matière, son processus de prise de décision est également défendable.
S'il existe un risque inhérent à l'une des décisions que je vais prendre, alors, de mon point de vue d'agriculteur, il vaudrait mieux que je sache quel est ce risque, de façon à pouvoir prendre en compte et pondérer son importance relative. Nous acceptons tous le fait que la vie ne va pas sans risque. En venant à pied de l'hôtel, nous avons probablement été exposés à de nombreux risques que je ne cours pas normalement quand je suis dans ma ferme.
Le président: Vous avez traversé des intersections avec l'aide de feux de circulation, c'est-à-dire d'un système de réglementation, n'est-ce pas?
Mme Kraft Sloan, et ensuite M. Keller.
Mme Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.
J'en reviens à un point qui a été soulevé par plusieurs témoins, et n'est pas totalement étranger à ce dont vient de parler monsieur. C'est la question du choix, et l'idée que la biotechnologie n'est qu'une option parmi tant d'autres. Toutefois, je me demande si cela est vrai dans la pratique. On est souvent obnubilé par l'idée que la technologie est une solution miracle - qu'il existe quelque chose qui peut résoudre des problèmes complexes rapidement et facilement.
Un des exemples que je voudrais donner est celui de la BSTr appliquée à la production du lait. Plusieurs producteurs, même s'ils ne voulaient pas l'utiliser - car on n'avait définitivement déterminé l'innocuité de cette substance - se retrouvèrent forcés de l'utiliser à cause de la concurrence de plus en plus forte à laquelle ils devaient faire face.
Par ailleurs, si l'on considère certaines des pratiques culturales modernes, par comparaison avec les autres méthodes - rotation des cultures et autres pratiques du même ordre - on s'aperçoit qu'elles font beaucoup appel aux pesticides et à des solutions chimiques au lieu que de recourir à des méthodes moins envahissantes.
Je me demande, si dans la pratique, la biotechnologie pourrait être perçue comme une option parmi tant d'autres ou si elle devriendrait l'option privilégiée.
Le président: Monsieur Keller.
M. Keller: Une observation au sujet de cette dernière question. Je pense qu'en ce qui a trait à l'amélioration des plantes, la biotechnologie est perçue comme une option parmi un grand nombre d'autres. On la considère et on l'utilise quand cela paraît logique et réaliste pour régler des problèmes.
Permettez-moi maintenant de soulever quelques points se rapportant à la question générale des risques et des règlements. Je crois que lorsqu'on parle de génie génétique et de l'introduction de gènes - je sais qu'on a déjà opposé le processus au produit et que cela a peut-être semé une certaine confusion - il faut comprendre le produit génétique. Au demeurant, il faut examiner aussi bien le produit que le processus, et je ne parle pas ici d'un produit commercial, c'est un cas à part, généralement. On a très souvent utilisé l'exemple de l'introduction d'un gène de poisson dans des tomates, c'est le genre de chose qui a un retentissement dans les médias. De fait, un grand nombre des applications de la biotechnologie et du génie génétique dans le domaine de l'agriculture, n'impliqueront pas un tel type d'insertion de grande portée. La tomate «Flavr Savr», qui a été citée en exemple, contient en fait un gène de tomate qui a tout simplement été placé dans un ordre de succession différent afin de ralentir le processus naturel de ramollissement.
Les journalistes m'ont souvent demandé s'il y avait un gène de poisson dans la tomate «Flavr Savr». Il n'en est rien. Il y a un gène de tomate dans une séquence d'ADN légèrement différente, en fait, dans une séquence inversée. Il ne fait rien d'autre que de ralentir le processus naturel de mûrissement déjà en place. Ce sont des enzymes qui ramollissent le tissu végétal.
Il faut commencer par une évaluation du type de gène en question. Si vous avez introduit un gène étranger qui produit une protéine totalement différente, il faut alors absolument regarder les choses de beaucoup plus près du point de vue du risque.
Je travaille dans un laboratoire de l'administration publique. Nous avons mis au point des plantes transgéniques et nous nous sommes adressés aux organismes de réglementation pour les faire tester en grandeur nature. Des observations que nous avons pu faire en tant que chercheurs, on peut conclure que le système en place est satisfaisant. Il faut demander une permission. Que nous recevons ou ne recevons pas, éventuellement. Il faut ensuite cultiver les plantes à un endroit précis; sous contrôle. Nous avons eu des contrats très suivis avec les organismes de réglementation. Cette année, par exemple, ils nous ont appelés une demi-douzaine de fois parce que nous ne leur avions pas fait parvenir une carte précise et détaillée aussi rapidement qu'ils l'auraient voulu.
Je considère donc que nous avons un bon système en place en ce qui concerne les plantes. C'est un facteur de progrès. Il est toujours possible d'améliorer les choses et de tirer parti de ce qui existe au fur et à mesure que l'on avance. Mais je ne vois pas la nécessité d'introduire un nouveau système révolutionnaire. Je crois comprendre que l'on a proposé une loi sur les gènes - cela pourrait faire l'objet d'une autre table ronde. Il faut plutôt s'efforcer de tirer parti de ce qui existe déjà.
Le président: Vous parliez de la façon dont cela se passe pour les plantes. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est dans les autres domaines? Et en arriveriez-vous à la même conclusion?
M. Keller: Je suis surtout spécialiste des plantes, et je ne suis pas aussi bien informé sur les autres types de tests. Je préférerais laisser parler M. McIntyre ou M. Brousseau, dont les travaux touchent de beaucoup plus près les organismes microbiens.
Le président: Merci. Je donne la parole à M. Walter; ensuite, ce sera le tour de Mme Mitchler, de M. MacRae et finalement, de M. McIntyre.
Monsieur Walter, souhaitez-vous faire des observations, notamment sur une de vos propres déclarations - c'est une question qui nous a été mentionnée par notre recherchiste - soit que la recombinaison de l'ADN comporte des risques particuliers pour l'environnement et pour la santé, ce qui ne s'applique pas aux autres technologies plus anciennes acceptées depuis longtemps par notre société?
M. Walter: Je commencerai par une observation générale. Le système de réglementation reconnaît déjà le principe de la prudence, qui a été parfaitement décrit et accepté par ce groupe. Dans tous les cas, le principe de la prudence est utilisé comme repère, comme règle de base, pour effectuer ces examens réglementaires.
En ce qui a trait au deuxième domaine dont je voulais à nouveau parler, la réglementation a été mise en place pour tenir compte de tous les risques, qu'ils aient ou non pour origine le génie génétique. Si l'évaluation du risque par la science n'aboutit pas à la conclusion qu'un produit particulier est sécuritaire, l'utilisation du produit n'est pas approuvée.
La question de savoir si oui ou non le génie génétique crée des risques foncièrement différents de ceux qui sont inhérents aux méthodes traditionnelles d'amélioration des plantes et de sélection des animaux ou à tout autre mécanisme de fabrication de produits, nous place dans une situation pleine de nouveaux défis. Nous n'avons pas encore toute l'information en la matière, mais nous nous efforçons de faire du mieux que nous pouvons pour tenter de recenser ces risques, de collaborer avec le milieu scientifique qui connaît le gène, qui connaît la plante ou l'animal concerné, l'environnement, les retombées sur les autres espèces apparentées ou non apparentées, et d'identifier l'éventail complet des risques que nous sommes en mesure de prévoir.
La science n'est certainement jamais aussi exacte que le public aimerait qu'elle soit. Parfois, il n'est pas possible de prévoir les risques, mais nous faisons de notre mieux, avec tous les outils dont nous disposons. Ce n'est sans doute pas un système parfait, mais selon moi, c'est le meilleur système qui existe dans le monde aujourd'hui.
Le président: Merci.
Chris Mitchler, s'il vous plaît.
Mme Mitchler: Je voulais parler du principe de la prudence, lequel est défini dans le document que le comité nous a remis de la façon suivante:
- Pour toutes les substances soupçonnées de poser une menace sérieuse à l'environnement ou à la
santé, en raison du poids de la preuve, l'absence d'une certitude scientifique ne devra pas être un
prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures visant à prévenir la dégradation
environnementale.
Je suis de l'avis de M. Walter, je crois, quand il dit que nous faisons au mieux, compte tenu des connaissances et de l'information dont nous disposons. Je pense qu'il en est ainsi pour toute technologie et tout produit alimentaire dont l'approbation est réglementée. Ce n'est pas uniquement le cas des produits dérivés du génie génétique. Partout le principe de la prudence s'applique car le risque absolument nul n'existe pas.
Je me demande combien d'entre vous qui sont venus en voiture, peuvent être sûrs à 100 p. 100 qu'elle se trouve encore à l'endroit où ils l'ont laissée, et qu'elle y sera encore lorsqu'ils voudront la reprendre pour rentrez chez eux ce soir? Quant à moi, je ne le sais pas, et cela, j'en suis 100 p. 100 sûre. Suis-je certaine à 100 p. 100 que je rentrerai à la maison sans encombre en passant par le Queensway? Eh bien non, je ne le sais pas. Mais cela ne m'empêchera pas de conduire, aussi prudemment que possible, et de prendre des précautions sages et réalistes, en espérant que cela me permettra de rentrer chez moi. Et je pense que la plupart d'entre nous rentrerons sans encombre. Et que pour ceux qui vont prendre le bus, le chauffeur les conduira à destination sans problème.
Je veux dire par là que le risque absolument nul, cela n'existe pas. Nos jugements et notre comportement sont fondés sur la meilleure information dont nous disposons. Et je ne pense pas que ce soit différent dans le cas des chercheurs. Je ne crois pas, non plus, que les responsables de la réglementation au gouvernement fassent exception. Éventuellement, ces responsables doivent rendre des comptes à la population, et je suppose qu'ils en sont parfaitement conscients. C'est, en quelque sorte, un autre mécanisme régulateur.
Le président: Exact. C'est la raison pour laquelle il y a des limites de vitesse sur les routes, et des feux de circulation dans une ville. C'est la raison pour laquelle il y a des contraventions pour stationnement illicite et d'autres types d'amendes. Autrement dit, on invente des voitures, on invente des avions, on invente des machines, on met au point une technologie, mais il arrive un moment où il faut établir certaines règles afin de réduire le risque au minimum.
Se fier uniquement au meilleur jugement de l'individu n'est parfois pas tout à fait suffisant du point de vue de l'intérêt général. C'est la raison pour laquelle existent toutes ces précautions additionnelles, comme les limites de vitesse et les feux de circulation, qui peuvent s'avérer gênantes. C'est la raison pour laquelle M. Wilson a pu se rendre sans encombre sur la colline parlementaire ce matin. Il a pu traverser la rue sans être obligé de prendre ses jambes à son cou pour éviter les voitures. Quand le feu est rouge, c'est parfois ennuyeux, mais c'est mieux que de voir le sang couler aux coins des rues, n'est-ce pas?
Monsieur MacRae.
M. MacRae: Merci, monsieur le président. Pour enchaîner sur vos remarques, je dirais qu'étant donné le nombre de personnes présentes ici qui ont déclaré que la biotechnologie devait être un sous-ensemble d'une stratégie plus vaste se rapportant aux questions d'aménagement de l'environnement, il me semble que cela ne se produira que si une réglementation est en place pour assurer que les choses se passent effectivement de cette façon.
Les pressions commerciales sur la production - les pressions internationales auxquelles faisait allusion M. Wilson - aboutiront je crois à ce que la biotechnologie soit perçue comme prédominante, à moins que le cadre législatif assure qu'elle est placée comme un sous-ensemble dans une plus vaste stratégie environnementale.
Il y a aussi une question connexe: le principe de la prudence présume une science de la prudence. L'écologie en est une. La promotion de la santé est aussi une science de la prudence. Je suis prêt à soutenir que le système de réglementation en place ne s'inspire pas de ce type de science. Par conséquent, cette réglementation est limitée au plan de la prudence.
Le président: Limitée en quel sens?
M. MacRae: Elle est limitée car nous ne possédons pas d'outils scientifiques; nous n'utilisons pas les outils qui existent actuellement pour évaluer une approche prudente, ou utiliser une approche prudente.
Le président: Pouvez-vous nous donner un exemple?
M. MacRae: Je répète que si c'est la question du risque écologique qui prime, alors, un organisme de réglementation ne se demanderait pas, par exemple, si tel produit transgénique qui permet de combattre les organismes nuisibles est sûr. Avant même de se pencher sur la question de savoir si ce produit devrait être autorisé sur le marché, il se demanderait d'abord si l'on a tenu compte de toutes les stratégies écologiques et si l'on en a fait la promotion, et si l'on a utilisé les mécanismes de réglementation pour les promouvoir.
Foncièrement, le système de réglementation n'aborde pas ces questions plus générales. On a mentionné plus tôt le problème posé par la BSTr. Il n'y a rien dans la réglementation qui requiert que l'on se pose les vraies questions fondamentales, des questions comme: quel est l'avantage réel de ce produit? Qui bénéficie de son utilisation? Quel type de conséquences structurelles a-t-il sur l'agriculture canadienne, notamment, quelles en sont les conséquences écologiques, sociales et économiques?
Le mécanisme de réglementation n'exige pas que ces questions soient posées. Il s'intéresse plutôt à des problèmes plus techniques qui, par nature, n'ont pas nécessairement à voir avec le principe de la prudence. À certains égards, oui, mais à d'autres, non.
Le président: Merci.
Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan: J'aimerais ajouter que nombre de ces avantages sont plutôt d'ordre économique et ont à voir avec l'efficience plutôt que l'efficacité économique. Et quand on parle d'efficience, on laisse de côté l'aspect écologique.
La question que j'aimerais mettre sur le tapis est la suivante: si les approches écologiques, l'agro-écologie ou je ne sais quoi, sont des disciplines émergentes, dispose-t-on au Canada des ressources nécessaires pour faire des évaluations convenables de l'impact et des risques en fonction de ces principes? Je me demande si nos témoins auraient des observations à faire à ce sujet?
Le président: Monsieur McIntyre.
M. McIntyre: Mme Mitchler a plus ou moins abordé les inquiétudes que m'inspire l'évaluation des risques.
Le président: Monsieur Wilson.
M. Wilson: Il y a deux aspects. Le premier est la question des systèmes et l'autre, c'est la question des solutions miracles de la technologie. J'aimerais répondre dans le contexte où nous pensons qu'elles influent sur l'économie.
Je me servirais comme analogie du fait que nous disposons au Canada de règlements relativement efficaces et rigoureux sur les pesticides. Ils déterminent la façon dont on accorde les licences et dont on autorise l'utilisation des pesticides dans l'agriculture, la foresterie et ainsi de suite. Mais cela veut-il dire que si, en tant que fermier, je les utilise au maximum de ce qui est légalement autorisé - j'observe la loi et je me soumets au règlement - je respecte en même temps soit mon critère économique, soit mon propre critère personnel sur le plan de l'environnement? La réponse est généralement non. Plusieurs systèmes commencent à émerger au Canada parmi les exploitants agricoles. La lutte intégrée contre les ennemis des cultures en fait certainement partie. Même dans le secteur organique, certaines des méthodologies de production qui sont préconisées ont beaucoup de valeur. Elles ont beaucoup de valeur du fait que l'on cherche davantage à identifier le problème et la façon la plus efficace d'y faire face. J'utilise parfois le mot «efficace» par opposition à strictement économique.
Je prétends aussi que, au fur et à mesure que l'on se dirige vers une approche intégrée de la production agricole, l'éventail des options devient une chose que les exploitants prennent relativement au sérieux car un grand nombre de philosophies se dissimulent derrière les prises de décision. Et elles sont toutes valables.
Vous avez raison. Il y a des liens économiques. Nous ne pouvons pas les ignorer. Ce serait bête de le faire. Au fur et à mesure que nous progressons économiquement, ai-je une meilleure chance de prospérer, si l'on peut dire, en pariant sur une hausse du prix des produits agricoles ou en améliorant l'efficience de ma production? Il pourrait s'agir d'une augmentation du volume réel de ma production ou d'une réduction des coûts.
Étant cultivateur et ayant des connaissances limitées en affaires, notamment dans le domaine scientifique, je pense préférable de me préoccuper surtout de la façon dont je cultive mes produits que d'espérer qu'en fin de compte, les consommateurs du Canada ou d'ailleurs les achèteront plus cher. Nous avons fait des progrès spectaculaires dans mon exploitation, et c'est ce que j'entends dire un peu partout dans le milieu. En adoptant une approche fondée sur la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, je réduis mes coûts de gestion dans ce domaine de 20 ou de 30 p. 100 - selon l'année - car la décision n'est pas de mon seul ressort. J'intègre, au niveau de ma ferme, un plus grand nombre de facteurs relevant d'une vision scientifique de la façon dont je devrais gérer mon entreprise agricole, une vision qu'en toute honnêteté, je ne suis pas capable de définir moi-même.
Le président: M. Knutson, suivi de M. MacRae.
M. Knutson: [Inaudible - Éditeur] à M. Wilson.
Monsieur Keller, vous avez déclaré que réarranger un gène dans un plant de tomate - je ne veux pas vous faire dire plus que vous n'avez dit - ce n'est foncièrement pas du tout la même chose que prendre le gène d'un poisson et le mettre dans une tomate. Certains scientifiques - les microbiologistes - ont laissé entendre que ce n'est pas le cas. Les gènes sont les gènes. Parfois, ils sont pareils dans différents organismes, et parfois, ce n'est pas le cas.
Nous nous préparons à établir des critères, et je voudrais savoir si une nouvelle loi sur les gènes ou une autre mesure législative stipule que cela est parfois radicalement différent et qu'il faut alors être plus vigilant, et que parfois, ce n'est rien d'autre qu'une évolution technologique ou une évolution... Je me demande si vous pourriez nous en dire plus là-dessus. Pouvons-nous énoncer des critères à priori précisant qu'une chose doit satisfaire à un processus réglementaire plus sévère qu'une autre?
M. Keller: Mes observations étaient liées à la question de l'évaluation des risques que présentent les organismes transgéniques. La technologie qui permet la réintroduction d'un gène de tomate dans une tomate ou pour l'introduction d'un gène de poisson, l'exemple que nous avons utilisé, serait la même, sans doute identique, mais le nouveau produit - la nouvelle protéine - dans les tomates serait tout à fait différent. Vous demandez s'il y a actuellement des critères différents. Je pense que l'on a déjà pris cela en ligne de compte.
Quand nous faisons faire des tests sur ces plantes, par exemple, il existe déjà des prescriptions en ce qui concerne l'identification du gène, du produit protéinique, et de ce sur quoi on se fonde. S'il s'agit d'un produit nouveau qui fait son apparition dans le système, les tests seront plus sévères, aussi bien au niveau écologique qu'au niveau alimentaire, qu'ils ne l'auraient été s'il s'agissait d'un autre gène de canola introduit dans du canola. Je pense, par conséquent, que l'on va déjà dans cette direction.
Le président: Merci. Nous allons maintenant avoir de brèves interventions par MM. MacRae, Samoil et Trevors. Nous passerons ensuite à question des ressources.
M. MacRae: Merci, monsieur le président. Je voudrais répondre rapidement à la demande de Mme Kraft Sloan.
Le gouvernement a un rôle essentiel à jouer dans la promotion de l'agro-écologie en tant que discipline scientifique. En effet, l'agro-écologie est commercialement moins acceptable que, par exemple, la biotechnologie.
La biotechnologie est une science qui aboutit à des produits commerciaux très facilement identifiables, qui peuvent être mis sur le marché et créer une dépendance à leur égard de la part du client, afin de soutenir le marché.
L'agro-écologie, en tant que science, se préoccupe beaucoup plus de la façon dont on utilise les procédures d'aménagement et de gestion et dont les agriculteurs appliquent leurs propres connaissances et la sagesse acquise auprès des gens avec qui ils collaborent pour devenir beaucoup plus autonomes, moins dépendants à l'égard de produits commerciaux et, je l'espère, améliorer par conséquent leur situation financière sur le long terme. À moins que le système de réglementation et le gouvernement fasse la promotion de l'agro-écologie en tant que discipline scientifique, elle sera ignorée par le marché.
Le président: Merci, monsieur Samoil.
M. Samoil: Il me semble que les risques tombent finalement dans deux catégories. Il y a le risque inhérent à la variabilité; il y a aussi le risque associé au manque de connaissances.
Je pense que le système de réglementation est suffisant pour faire face à la variabilité de ce que nous connaissons et de ce qui existe dans la nature, mais qu'il est mal adapté au risque découlant d'un manque de connaissances. Les problèmes que nous posent en Alberta les risques cumulés et l'évaluation des conséquences cumulées de la libération d'un produit dans l'environnement, touchent des domaines où nous manquons de connaissances. Je ne pense pas que les ressources existent, et je ne suis pas tout à fait sûr que le principe de la prudence, tel qu'il est énoncé, règle la question du manque de connaissances et comment on peut l'incorporer au cadre réglementaire. Il me paraît nécessaire d'avoir une approche différente et des idées différentes.
Le président: Merci. Monsieur Trevors.
M. Trevors: Merci, monsieur le président. Je pense que l'on pourrait considérer qu'il s'agit d'une période de transition entre un type de technologie et un autre, ou d'une période de transition simplement du fait que la biotechnologie est susceptible de nous offrir un plus grand nombre de choix de systèmes pour gérer l'environnement.
Je préférerais, quant à moi, considérer que la biotechnologie nous offre un plus grand nombre de choix pour gérer notre environnement. Au départ, il se peut que l'impact de la biotechnologie et son degré d'utilisation dans la gestion de l'environnement soient relativement minimes et que cela augmente au fur et à mesure que l'on avance dans cette période de transition.
Mais je suis d'accord avec certaines des observations précédentes qui envisageaient, j'ai cru comprendre, que l'utilisation de la biotechnologie soit liée à l'agro-écologie et à l'agro-écologie durable. Je pense que c'est une attitude tout à fait sage à l'égard des futures générations de Canadiens. Il est très important qu'un lien soit établi. M. MacRae l'a dit d'une façon très précise, et il serait souhaitable, selon moi, qu'il soit entendu.
Le président: M. Samoil a fait allusion aux ressources et l'on pourrait peut-être aborder ce sujet et consacrer la prochaine demi-heure aux ressources et à la perception du public.
Dans le cas des ressources, je dois, à titre de président, demander à nouveau aux participants de la table ronde de bien vouloir traiter de la question de savoir s'il y a des risques particuliers pour l'environnement et la santé qui découlent de l'utilisation de la technologie de la recombinaison de l'ADN, des risques qui n'existent pas avec les technologies en place. Il serait très utile que vous traitiez de ce sujet.
Qui aimerait ouvrir le débat?
M. Brousseau: Je pense que la biologie moléculaire nous donne certains des instruments nécessaires à l'évaluation de problèmes ou de risques qu'elle est susceptible de créer, et également des risques que présentent les technologies de remplacement comme les insecticides biologiques naturels.
Il va sans dire que les crédits se font toujours rares dans le domaine de la recherche. De mon point de vue tout du moins, je ne connais pas de domaine où il manque foncièrement les outils minimums pour étudier les problèmes, les questions qui peuvent se poser concernant l'évaluation des risques causés par les organismes transgéniques.
Il peut arriver que la base de données soit insuffisante pour permettre un jugement pleinement informé et que, par conséquent, les responsables de la réglementation n'approuvent pas un produit donné pour cette raison, mais je pense que, grosso modo, les outils sont disponibles.
M. Samoil: Il y a un secteur que vous n'abordez pas, j'entends le public. A-t-on les ressources nécessaires pour permettre véritablement au public de participer à cette évaluation significative?
Je pense que non. Nous sommes en présence d'un système dynamique, de quelque chose qui a un horizon temporel très vaste. En essayant de nous confiner à l'aspect légal des choses, à la compensation des dommages, on parle d'un horizon temporel et de ressources disponibles pour indemniser les victimes. Je ne pense pas que les ressources existent. On peut voir de nombreuses situations mettant en cause des pesticides où l'on n'a tout simplement pas les ressources nécessaires pour être en mesure de démontrer qu'un préjudice a été commis et lequel.
Je pense que cela fait partie de l'ensemble du processus de réglementation et du processus d'évaluation des risques. C'est un processus continu. Vous prenez aujourd'hui la décision d'autoriser qu'un produit soit libéré dans l'environnement, mais il y aura des effets qui se feront ressentir plus tard, ou qui se manifesteront plus tard, et il existe une responsabilité réglementaire tout au long de cet horizon temporel. Je ne pense pas que nous disposions des ressources voulues.
Le président: Combinons, comme vous l'avez déjà dit, la discussion sur les ressources et celle sur la perception du public. En tant que membre du public, je vous avoue que lorsque j'entends parler de la combinaison de l'ADN, je replace cela dans un contexte plutôt alarmant et probablement primitif, parce que j'imagine, sans doute à cause de ma quasi totale ignorance du sujet, une situation où le transfert des gènes et tout ce qu'implique cette nouvelle technologie, y compris le génie génétique, pourrait nous amener un jour à produire une espèce d'individus qui seraient des sortes de sous-hommes obéissants et silencieux, si vous voulez, et qui pourraient être considérés comme les esclaves du groupe qui a su machiner cet exploit de l'ADN dans un laboratoire dirigé par quelques individus qui échappent au contrôle du reste de la société.
Vous pouvez juger par cet exemple, combien l'imagination d'un individu à cet égard peut être débridée, à cause de mon manque de connaissances sur les réelles implications de tout cela, ou du fait que j'ai une imagination quelque peu dénaturée, ou encore pour d'autres raisons.
Il est absolument nécessaire de mieux comprendre les conséquences ultimes des manipulations de l'ADN. Si l'on y parvient, nous serons aussi plus capables d'établir la démarcation, ou de percevoir ou de définir quel est l'intérêt public et quel est le rôle que doivent jouer les gouvernements en tant que représentants de la société.
Quelqu'un pourrait-il donc, s'il vous plaît - M. MacRae peut-être, qui a déjà manifesté l'intention d'intervenir - s'attaquer à ces deux sujets parallèlement, à savoir les ressources et la perception du public.
M. MacRae: Merci.
Je trouve intéressant de constater que le grand public pose souvent - et c'est habituellement sa première question - la question qui n'est jamais soulevée par le processus réglementaire. Le grand public veut habituellement commencer par savoir pourquoi on a besoin de tout cela? N'y a-t-il pas un autre moyen de procéder qui serait moins interventionniste? Il s'agit de questions que le processus réglementaire ne soulève pas véritablement. Sans doute en partie à cause de sa structure, et sans doute en partie du fait des ressources disponibles.
Dans un monde idéal, j'imagine que l'on transférerait à la fois les ressources et le mécanisme de réglementation à quelqu'un qui serait vraiment très prudent et qui dirait: assurons-nous que l'on a épuisé toutes les options écologiques avant de libérer sur le marché quelque chose qui provoque une telle appréhension au sein du grand public. Nous aurions des spécialistes qui se chargeraient de ces sciences précautionneuses, notamment de l'agro-écologie et de la promotion de la santé.
Ils auraient pour tâche de commencer par poser ces questions fondamentales et de procéder à une évaluation à ce niveau, qui serait en vérité une sorte d'évaluation au macro niveau, avant que l'on décide d'accorder à des évaluations très détaillées et très difficiles techniquement de l'innocuité et de l'efficience de certains produits des ressources forcément énormes, notamment du fait que la plupart des responsables de la réglementation doivent travailler à partir d'une information fournie par les entreprises commerciales.
En ce sens, je ne sais pas si un glissement vers ce genre de système nécessiterait en réalité des ressources supérieures, ou si en fait, il exigerait moins de ressources du fait qu'il éliminerait très tôt du processus un grand nombre de produits qui passent actuellement des années à faire leur chemin à travers le système.
Pour en revenir à l'exemple du BSTr, si les questions se rapportant à l'évaluation du BSTr servaient à comparer cette approche avec d'autres approches écologiques - par exemple, le pâturage tournant qui a fait l'objet d'évaluations extensives par les scientifiques par rapport au BGHr...? La conclusion que l'on tire à première vue de l'évaluation est que le BGHr ne s'avère pas particulièrement utile, vu qu'il existe d'autres moyens de parvenir au même résultat d'une façon écologiquement plus efficace et à moindre coût pour l'exploitant agricole. Si telle était la conclusion initiale, pourquoi a-t-on laissé pendant huit ans le BGHr se frayer un chemin jusqu'au bureau des médicaments vétérinaires de Santé Canada, avec les coûts fantastiques que cela engendre. Si l'on décide en faveur d'un cadre réglementaire reposant sur le principe de la prudence et d'une science de précaution, il faudra y consacrer le même niveau de ressources. Il se pourrait que cela satisfasse en même temps le public, car la population est plus à l'aise avec ce type de solutions, qui ne sont pas aussi interventionnistes et ne paraissent pas présenter un aussi grand nombre de risques.
Mme Mitchler: En ce qui concerne la question de la perception du public, je suis d'accord avec vous, le public veut savoir pourquoi on a besoin de la biotechnologie, mais il me semble que les premières questions qu'il pose sont: qu'est-ce que c'est, pourquoi devrait-on s'y intéresser, et pourquoi devrait-on se montrer méfiant.
Si l'on en juge parce que l'on a vu jusqu'à présent, les médias donnent l'impression très souvent de présenter deux points de vue extrêmes: le point de vue de ceux qui sont tout à fait opposés à la biotechnologie, souvent pour des raisons éthiques, écologiques ou je ne sais quoi d'autre, et l'opinion de ceux qui sont en faveur de la biotechnologie à 100 p. 100 et qui souhaitent qu'il y ait un minimum de réglementation et de contrôle.
Je trouve qu'on n'entend pas assez souvent parler d'une approche intermédiaire qui donnerait au public de l'information à la fois solide, conviviale et compréhensible, et dans le cadre de laquelle on n'essaierait pas de lui dire quoi penser. Pour aller dans ce sens, j'ai distribué à ceux d'entre vous qui sont membres du comité permanent une brochure produite par l'ACC en collaboration avec le CBA sur la biotechnologie. Nous faisons de gros efforts pour nous montrer neutres et pour présenter simplement les faits, tels que nous les connaissons, sur ce qu'est la biotechnologie, et ce qu'elle n'est pas. Nous tentons de la démystifier en utilisant une terminologie conviviale et un langage simple. Nous abordons également la question du cadre législatif et des problèmes, toujours en termes conviviaux.
Nous évitons autant que possible de porter des jugements, car mon association ne croit pas que sa mission est de dire aux gens quoi penser. Nous sommes là pour présenter les faits tels que nous les voyons, et c'est aux lecteurs de décider eux-mêmes si une chose est bonne ou mauvaise, utile ou non.
Je crois qu'il me reste quelques trousses d'information au fond de la salle pour ceux que cela intéresse.
Il s'agit d'une initiative qui tente d'introduire une certaine neutralité dans le débat - mais elle n'est pas parfaite. Nous avons produit cette brochure en très peu de temps. Nous avons dû travailler rapidement parce que certains produits sont déjà sur le marché, et je pense qu'il manque une information simple, compréhensible et raisonnablement équilibrée.
Un des problèmes que nous avons rencontré pour réaliser cette brochure, c'est qu'il n'existait aucun point de référence pour établir ce à quoi devrait ressembler une information neutre. J'avais seulement mon idée sur la question. Je n'avais aucun échantillon repère sur lequel me fonder pour déterminer à quoi cela devait ressembler. La difficulté a donc été d'essayer de fournir cette information sous une forme utile et simple. Je me suis efforcée d'éviter de tirer des conclusions de manière à ce que le lecteur puisse y arriver par lui-même.
Merci.
M. Wilson: S'il y a une chose au sein de la communauté agricole qui fait l'unanimité, c'est que chaque secteur de la chaîne alimentaire a la responsabilité de faire connaître son intérêt spécifique non seulement pour le domaine en question mais pour tous ceux sur lesquels ils exercent une influence. La communauté agricole trouve regrettable qu'aujourd'hui il y ait tant de questions auxquelles elle doive répondre - mis à part celles qui concernent les détaillants. Le consommateur se tourne vers nous pour obtenir de l'information qui remonte des kilomètres derrière nous jusqu'à la communauté scientifique ou réglementaire. Malgré tout, c'est à moi que l'on demande de montrer dans les champs ce que cela signifie. Nous le ferons, mais je prétends qu'il ne devrait pas incomber à un seul secteur de s'occuper de ces questions à lui tout seul.
En tant qu'agriculteur non spécialiste, je ne suis pas qualifié pour faire de la vulgarisation sur la biotechnologie, dont je n'ai pas une compréhension scientifique. J'ai aussi des intérêts en place, car je gagne en partie ma vie grâce à cela en tant qu'exploitant agricole et représentant de la communauté agricole. Mais je pense que la fourniture d'informations objectives est une nécessité absolue pour chacune des parties prenantes, y compris vous, les responsables politiques de la réglementation, non seulement en ce qui concerne la présente discussion, mais aussi dans bien d'autre cas.
M. Trevors: Mon sentiment est que le public est mal à l'aise vis-à-vis l'application de la biotechnologie dans le secteur environnemental, ainsi qu'aux maladies ou dans le secteur de la santé.
Une possibilité serait que le gouvernement et l'éducation publique aient pour priorité d'établir le lien entre la biotechnologie et l'hygiène de l'environnement humain. Le lien est facile à établir. Il doit simplement être mieux exploité. Je pense que cela est important pour la prochaine génération, car lorsqu'on ne comprend pas la technologie, il est très difficile de se faire une opinion à son sujet et de l'appliquer. Je pense que le lien peut-être fait facilement et qu'il doit être fait.
M. Walter: J'aimerais m'inscrire en faux par rapport à certaines déclarations entendues précédemment. Il y a eu de nombreuses enquêtes au Canada sur le degré de sensibilisation du public et sur ses attitudes. Ces enquêtes ont montré qu'il y avait une série de questions foncières que se posait la population. C'est en général: Qu'est-ce que c'est? Est-ce sécuritaire? Puis, sous une forme ou une autre: Qu'est-ce que cela m'apporte... Un plus bas prix, un meilleur goût, ce genre de choses? Ce sont des questions comme ça qui viennent instinctivement à l'esprit du public.
La deuxième chose que je voulais dire est qu'il est dans l'intérêt de tout le monde que le consommateur soit bien informé. Malheureusement, au Canada, notre auditoire de quelque 30 millions de personnes est à la fois très vaste et géographiquement diversifié. Il est difficile, laborieux et cher de communiquer les connaissances à une aussi vaste communauté. Le milieu de la biotechnologie s'efforce de le faire de différentes façons. Je vais vous donner quelques exemples pour que vous compreniez comment nous nous y prenons.
Nous avons produit des trousses d'information pour les consommateurs semblables à celle de l'Association des consommateurs du Canada et du Centre de la biotechnologie alimentaire; vous les avez sous les yeux. Il existe également plusieurs sites Internet, des numéros 1-800, et des expositions dans les musées. Plusieurs documentaires ont été produits par la télévision dans le but d'accroître le niveau de sensibilisation des consommateurs.
Nous nous sommes rapidement rendu compte que se concentrer uniquement sur le consommateur n'était pas la formule la plus intéressante à cause des coûts que cela engendrait; nous avons en conséquence entrepris de centrer nos efforts sur le système éducatif, où l'on peut s'appuyer sur des organisations et des particuliers qui peuvent répercuter nos messages. Nous avons mis au point des kits documentaires à l'intention des enseignants, ainsi que des guides sur les carrières. Nous nous sommes penchés sur le contenu des programmes scolaires. Nous avons aussi créé une série de prix décernés dans les foires scientifiques, élaboré de la documentation à utiliser dans les classes, organisé des ateliers d'enseignants et ainsi de suite.
Manifestement, nous n'obtenons pas les résultats souhaités. Nous ne disposons pas des ressources qui nous permettraient d'instruire le grand public de certains des aspects sur lesquels devraient porter nos efforts de sensibilisation à l'égard de la science, et des problèmes et des avantages qui découlent de cette technologie. Nous nous engageons actuellement dans un tel processus.
Je pense qu'il incombe à tous et chacun de nous autour de cette table et à ceux qui nous succéderons plus tard dans la journée, et aussi, évidemment, au gouvernement d'appuyer des organismes comme l'Association des consommateurs du Canada et le Centre de biotechnologie alimentaire qui s'efforcent de diffuser une information équilibrée, facilement accessible, et qui vise les consommateurs.
M. Keller: J'aimerais revenir aux questions qu'un responsable de la réglementation est susceptible de poser. On a dit que, peut-être, il faudrait se demander pourquoi on peut avoir besoin de ce type de technologie. Je pense que notre procédure réglementaire se doit d'être neutre. Je ne pense pas que nous devons ou que nous devrions dicter à notre société ce qui est bon ou mauvais en fonction de notre point de vue actuel.
Cette question aurait pu être posée à propos du développement du canola à partir de la navette, qui est un lubrifiant marin. Il s'agissait d'une culture cultivée sur quelques centaines d'acres pendant la seconde Guerre mondiale, afin de fabriquer de l'huile pour lubrifier les sous-marins. Certains chercheurs se rendirent compte que cela pouvait être développé en culture vivrière comestible. La question qui aurait facilement pu être posée était: nous n'avons jamais eu ça avant au Canada, alors pourquoi en aurait-on besoin?
En outre, la pulpe possédait des propriétés toxiques qui provoquaient le goitre. On se posa des questions sur l'huile, et ainsi de suite, mais grâce à la recherche et à la science, on a élaboré un produit qui est aujourd'hui considéré internationalement comme une huile végétale aux qualités nutritionnelles exceptionnelles.
Je serais vraiment inquiet si l'on commençait à poser des questions sur le développement des produits. Ce n'est pas ce que l'on doit faire. Nous avons besoin d'un processus réglementaire efficace et satisfaisant, mais en tant que société, nous ne devrions pas dicter ce que nous pensons être, à un moment donné, bon ou mauvais pour nos descendants. C'est trop compliqué. Nous avons besoin d'un bon système de réglementation qui traite des questions qui font surface mais qui ne tentent pas de régenter les choses d'une façon particulière.
La deuxième question d'ordre général se rapporte aux propos tenus par le président dans son introduction quand il a parlé des craintes que pouvaient inspirer certains développements scientifiques. Vous savez que les médias s'intéressent beaucoup à la chose. Le film Jurassic Park a sans doute montré ce que le génie génétique permettait de faire dans la perspective de la science-fiction, mais les gens se mettent à additionner toutes ces choses. En fait, si l'on veut extrapoler, il est difficile de savoir ce que permettra de faire la technologie de l'ADN dans le futur. Nous devons nous préoccuper de mettre en place un système de réglementation fondé sur la situation actuelle. Nous ne pouvons pas, de nos jours, fabriquer des êtres humains. Nous ne disposons pas de la technologie nécessaire, et elle ne sera pas disponible avant longtemps. Peut-être un jour, mais pour l'heure, nous devons accroître notre base scientifique.
Il a déjà été question de l'éducation, et pas seulement de l'éducation publique, dont deux intervenants ont parlé. Nous devons nous pencher sur notre système éducatif. On enseigne beaucoup l'histoire de la science au Canada, mais il faut que nous enseignions la science d'une manière parfaitement intégrée, de façon à ne pas avoir à se débattre avec les questions d'intégration de l'agro-écologie à la génétique. Cela devrait être incorporé dans notre système. J'ai des enfants qui vont à l'école primaire, et l'observateur privilégié que je suis peut se rendre compte de ce qui fait défaut à l'heure actuelle. Si l'on souhaite investir dans quelque chose, c'est là qu'il faut le faire, car cela fournira une base de connaissances pour notre future société.
Mme Kraft Sloan: Dans nos discussions du printemps dernier à ce sujet, l'étiquetage a été mentionné à plusieurs reprises et la question s'est avérée très controversée. Une des choses qui a été soulignée à de très nombreuses reprises au cours de la table ronde d'aujourd'hui, c'est que les producteurs doivent avoir le choix et disposer d'options. Je me demande ce que vous pensez de donner le choix et des options aux consommateurs en étiquetant les produits de la biotechnologie de façon à ce qu'ils puissent prendre effectivement eux-mêmes la décision d'acheter ou non un de ces produits.
M. McIntyre: J'aimerais réagir à certaines des observations de MM. Keller et Rick Walter et, par la même occasion, répondre en partie à Mme Kraft Sloan. Il s'agit d'une expérience que nous avons menée il y a environ six mois.
Je travaille à la Direction pour l'avancement de la biotechnologie à Environnement Canada, et nous avons établi un tout nouveau programme pour explorer les perspectives d'avancement qu'ouvrent certaines des applications écologiques les plus innovatrices de la biotechnologie, en particulier la lutte contre la pollution et la gestion des déchets.
Au cours de la mise en place de ce programme et de l'élaboration de ses éléments particuliers, une des choses qui m'a frappé est l'absence totale d'évaluation des perceptions du public, de son degré de sensibilisation, et de ses préoccupations concernant strictement les applications écologiques de la biotechnologie. Je voudrais faire une brève allusion à une étude qui avait été faite à notre intention. Il s'agissait d'une série d'évaluations par le biais de groupes de consultation, dont l'objet était de nous fournir une perception plus pointue de la compréhension, au sein du public, du concept de la biotechnologie et de certaines applications environnementales spécifiques. Je pense que les craintes écologiques sont au coeur d'un grand nombre des questions que se pose le public à propos de l'utilisation de la technologie.
Nous voulions aussi mesurer la perception des utilisations actuelles des applications écologiques de la biotechnologie, et le rôle des organismes gouvernementaux en matière de financement, d'encouragement, de réglementation, et de mise en oeuvre des applications de la biotechnologie.
Certaines des conclusions importantes de cette étude - dont je laisserai copie au comité si vous me le permettez - sont les suivantes: mis à part certaines variations régionales et différences en matière de scolarisation - cette étude a été effectuée à Montréal, Toronto, Saskatoon et Vancouver - nous avons constaté que de façon générale, les applications écologiques et sanitaires étaient considérées plus prioritaires que la production d'aliments. Nous avons constaté aussi que les participants étaient peu enclins à protester contre l'application de la biotechnologie à l'environnement dans leur voisinage, tant et aussi longtemps qu'ils étaient tenus informés des avantages et des risques.
Nous avons aussi constaté qu'après ne serait-ce qu'une brève introduction sur les applications environnementales spécifiques des biotechnologies, les participants se montraient généralement favorables, particulièrement quand des liens étaient établis avec les technologies connues. Chose remarquable, les huit applications environnementales que nous avons soumises au groupe - utilisation possible de la biotechnologie, disons, pour la biodépollution, pour nettoyer un site contaminé; la lixiviation biologique, le recours à des micro-organismes pour lessiver les métaux de corps minéralisés; les carburants biologiques; la production de pesticides biologiques; la phytodépollution, le recours aux espèces végétales pour nettoyer, réhabiliter ou restaurer les sites contaminés - ont a obtenu un taux d'approbation de 80 p. 100 partout. Peut-on dire que cela est concluant? Eh bien non. C'est un oui global.
Cela nous porte à croire que l'appui de ces technologies au Canada n'est que de 10 milles de large et d'environ un pouce d'épaisseur. Pour en revenir ce que disaient plutôt Wilf Keller et Rick Walter, il nous incombe non seulement de favoriser, mais aussi d'incorporer dans la promotion de ces utilisations particulières le besoin d'information continu du public.
Merci.
Le président: Merci, monsieur McIntyre.
Serait-il possible, avant de lever la séance, d'entendre une ou deux brèves et succinctes interventions sur la question de l'étiquetage soulevée par Mme Kraft Sloan?
Monsieur Wilson, rapidement.
M. Wilson: Cette question est bien évidemment dans l'air depuis au moins un an et demi maintenant. Le dilemme, selon nous, est de trouver un moyen de donner sur les étiquettes des informations de nature biotechnique, alors que les gens voudraient voir figurer des milliers d'autres choses sur une étiquette.
Nous rappelons continuellement que si tout doit être indiqué sur l'étiquette, y compris l'utilisation de pesticides, les pratiques agricoles, et autres préoccupations philosophiques et scientifiques, il n'y a matériellement pas suffisamment de place. C'est un problème.
Par ailleurs, il faut être conséquent au niveau international. Une partie de ma production va théoriquement à Buffalo, est transformée en produits alimentaires, et revient au Canada. Si nous ne disposons pas de critères cohérents sur le plan international pour ce qui concerne les produits importés, comment peut-on alors régler la question, particulièrement si le transformateur utilise un maïs biotechnique du fait qu'il possède une structure génétique B.t., ou encore des variétés à pollinisation libre ou à pollinisation en milieu fermé?
Donc, on peut se demander si cela a quelque mérite que ce soit, et si oui, est-ce que l'on élabore des critères à l'échelle internationale? Comment va-t-on faire pour distinguer entre l'étiquetage satisfaisant - et cette question a été soulevée au printemps dernier - et l'étiquetage insatisfaisant ou farfelu qui est carrément autorisé - ou plutôt, devrais-je dire, que vous autorisez au Canada en tant que responsables de la réglementation - et qui, nous l'avons dit, a tendance à avoir un effet négatif, étant donné le genre d'information que cela apporte au consommateur.
Le président: Merci, monsieur Wilson.
Le mot de la fin est pour Mme Mitchler.
Mme Mitchler: Merci, monsieur le président. L'Association des consommateurs du Canada appuie la position adoptée par le gouvernement fédéral à l'égard de l'étiquetage. Nous pensons qu'il est normal d'étiqueter les nouveaux produits alimentaires dérivés du génie génétique dans la mesure où il y a transformation de la composition finale du produit ou que se pose une question de santé ou de sécurité, comme dans le cas de la présence d'un allergène.
Disons, par exemple, qu'un gène d'arachide a été introduit dans un produit alimentaire. Dans ce cas, le produit devrait naturellement être étiqueté de façon à indiquer la présence du gène d'arachide.
Il existe parfois des considérations religieuses - par exemple, dans le cas de quelqu'un qui, à cause de croyances religieuses, ne consomme pas de porc; quand un gène de porc a été introduit dans un produit, ici encore, il peut exister des raisons ou des justifications pour étiqueter le produit en conséquence.
Nous craignons que si l'on étiquette tous les produits qui sont obtenus par manipulation génétique, par exemple, une tomate «Flavr Savr», il serait probablement utile de mettre des informations sur les lieux, au-dessus ou à côté de l'endroit où se trouvent les tomates pour préciser qu'elles ont été manipulées génétiquement, quels sont les avantages, etc.
Mais comment va-t-on s'y prendre pour étiqueter d'une façon pratique et satisfaisante pour le consommateur de la purée de tomates mélangées avec des tomates cultivées selon les méthodes classiques? Va-t-on apposer des mises en garde conditionnelles sur les contenants de concentré de tomates? Quelle utilité cela aura-t-il pour moi, le consommateur? À mon avis, cela n'en a aucune.
Comment pourrait-on aussi étiqueter les pizzas préparées industriellement, qui contiennent du concentré provenant de tomates «Flavr Savr», et ainsi de suite? On pourrait faire valoir les mêmes arguments, je suppose, en ce qui concerne l'huile de colza.
Je pense qu'il serait logique d'étiqueter quand cela est réaliste, praticable et rentable. Lorsque cela n'est pas pratique et n'a aucun sens, je pense qu'il faudrait alors compter sur un vaste programme de sensibilisation du public, de communication, d'éducation, pour commencer à dire aux gens ce qu'est cette technologie et la démystifier, répondre à certaines questions et s'attaquer à certaines craintes et préoccupations.
Quand tout est dit, je pense que la population souhaite avant tout savoir si le produit est inoffensif, ce qu'il y a dedans; il faut donc que l'étiquette reflète véritablement ce qu'est le produit afin que le public puisse avoir pleinement confiance dans ce qu'il lit sur l'étiquette et deuxièmement, quand il a certaines appréhensions sur la façon dont cette technologie est utilisée, qu'il puisse savoir qu'elle est utilisée de façon raisonnable et réfléchie, qu'elle est contrôlée, et qu'elle est gérée équitablement et efficacement. Selon moi, ce sont les choses dont on devrait se préoccuper le plus. Merci.
Le président: Merci, madame Mitchler.
Nous allons maintenant faire une brève pause. Au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier chaleureusement de votre participation au débat de ce matin. Vos contributions ont été extrêmement utiles. Nous avons eu une excellente séance et je m'attends à ce que nous en ayons une autre très intéressante à 11 heures.
En attendant, permettez-moi de vous remercier à nouveau tous de votre participation, de vos interventions et de vos conseils, ainsi que de la sagesse que vous avez démontrée dans l'examen d'une question qui est extrêmement importante pour nous, et sur laquelle nous souhaitons avoir autant de conseils que possible. La séance est levée jusqu'à 11 heures précises.
Le président: Commençons.
[Français]
Au cours de cette séance, nous avons l'occasion d'entendre certaines des personnes les mieux informées sur la biotechnologie et
[Traduction]
les options réglementaires ainsi que l'information sur les risques. Mais plus précisément, nous sommes essentiellement réunis pour explorer l'opportunité d'adopter une loi sur les gènes et de créer une agence pour réglementer les organismes transgéniques. Voilà un langage on ne peut plus sérieux.
Essentiellement, nous reprenons la discussion entamée lors des audiences qui se sont tenues en mai dernier, date à laquelle M. Leiss, professeur à l'Université Queen's, a comparu devant nous. D'après lui, une loi distincte s'impose pour les entités transgéniques, et l'on devrait établir une agence spéciale, sans doute sur le modèle de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, pour s'en occuper.
À l'époque, M. Leiss a également déclaré que cette nouvelle agence devrait relever de Santé Canada et d'Environnement Canada. Cette proposition repose en grande partie sur le fait queM. Leiss est convaincu que les espèces transgéniques sont fondamentalement différentes des autres produits biotechnologiques. Il nous a dit que le cadre de réglementation actuel, qui est basé sur la répartition des responsabilités entre plusieurs ministères, comme vous le savez, est un régime sans crédibilité intrinsèque sur le plan de réglementation. D'après M. Leiss, ce qui s'est passé jusqu'ici explique sans doute que le système soit jugé pratique mais n'ait aucune crédibilité aux yeux du public.
Au cours de la présente séance, nous allons essayer d'approfondir cette idée et de recueillir vos commentaires. Nous allons également tenter d'examiner s'il est souhaitable, du point de vue du public, que les ministères chargés de la réglementation s'occupent également de promotion, comme c'est le cas d'Agriculture Canada, d'Environnement Canada, et de Santé Canada, et s'il est approprié qu'Industrie Canada soit, comme c'est le cas actuellement, le ministère chargé de coordonner les activités des divers autres ministères concernés.
Comme vous voyez, nous avons un ordre du jour plutôt lourd. Nous nous proposons de régler ces questions, ou du moins, de trouver quelques réponses, au cours de la prochaine heure et demie.
Si nous avons le temps, nous pourrons aborder le principe de la prudence, même si le sujet a déjà été soulevé plus tôt, ainsi que la question de la participation du public, étant donné qu'en mai, certains témoins ont suggéré que le public devrait jouer un rôle important dans l'élaboration des règlements et des lignes directrices qui sont appliqués par les ministères responsables.
Pourriez-vous me dire si vous êtes prêts à lancer le débat, ou si vous préférez que M. Leiss fasse un bref résumé de sa position, que j'ai essayé non seulement de condenser mais de compléter, afin que nous puissions utiliser le temps qui nous est imparti de la façon la plus productive.
On me rappelle que tous les participants devraient commencer par se présenter, parce que nous sommes au début de la deuxième séance. Commençons donc ici, par M. Radford, en personne.
Le greffier: Je m'appelle Norm Radford, et je suis le greffier du comité.
M. Mark Winfield (directeur de la recherche, Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement): Je m'appelle Mark Winfield et je suis directeur de la recherche à l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement.
M. Knutson: Je m'appelle Gar Knutson, et je suis député de la circonscription d'Elgin - Norfolk, située sur les bords du Lac Érié. Je suis membre permanent du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
M. Forseth: Paul Forseth. Je représente au Parlement la circonscription de New Westminster - Burnaby, en Colombie-Britannique. Je suis membre du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
M. Ed Norena (directeur général, Direction générale pour l'avancement de la technologie environnementale, ministère de l'Environnement): Je m'appelle Ed Norena et je travaille pour Environnement Canada. Je suis directeur général du service qui s'occupe de la technologie environnementale, et je suis également chargé d'élaborer la version revue et corrigée de la LCPE au cours des prochains mois.
[Français]
Mme Guay (Laurentides): Je m'appelle Monique Guay. Je suis députée de la circonscription de Laurentides, au Québec, et critique officielle en matière d'environnement.
M. Asselin (Charlevoix): Je m'appelle Gérard Asselin. Je suis député de la circonscription de Charlevoix et membre permanent du Comité permanent de l'environnement et du développement durable.
M. Richard Dagenais (chercheur, Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec): Je m'appelle Richard Dagenais et je suis recherchiste pour l'organisation de consommateurs FNACQ, de la province de Québec.
[Traduction]
Mme Margaret Gadsby (directrice, Affaires scientifiques et réglementaires, AgrEvo Canada): Je m'appelle Margaret Gadsby, et je suis directrice des affaires scientifiques et réglementaires d'AgrEvo Canada. En 1995, la nouvelle variété de canola d'AgrEvo a été la première plante cultivée dérivée de la biotechnologie à être homologuée et commercialisée au Canada.
M. Arthur Olson (sous-ministre adjoint, Production et inspection des aliments, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Je m'appelle Art Olson et je suis sous-ministre adjoint chargé de la production et de l'inspection des aliments au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.
Le service que je dirige est censé devenir un des éléments les plus importants de l'Agence canadienne d'inspection des aliments que l'on propose de créer dans un projet de loi que la Chambre des communes examine actuellement.
Je suis également président du comité interministériel qui était chargé de mettre sur pied l'organisme qui s'appelle maintenant l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Monsieur le président, si vous souhaitez des informations sur l'un ou l'autre de ces sujets, je serais heureux de vous donner davantage de détails.
M. Taylor: Len Taylor, député néo-démocrate de la Saskatchewan. Je suis membre associé des comités de l'agriculture et de l'environnement.
Mme Kraft Sloan: Je m'appelle Karen Kraft Sloan. Je suis députée libérale de la circonscription de York - Simcoe, et secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement.
Mme Glennis Lewis (consultant, Lewis Consulting): Je m'appelle Glennis Lewis et je représente Lewis Consulting de Calgary. Les services d'expert que j'offre touchent principalement la biotechnologie, la législation et la politique réglementaire, ainsi que l'évaluation des risques.
Mme Payne: Je m'appelle Jean Payne. Je suis députée de St. John's-Ouest, à Terre-Neuve, et vice-présidente de ce comité.
M. Paul Mayers (chef, Bureau de la biotechnologie alimentaire, Direction de la protection de la santé, ministère de la Santé): Je m'appelle Paul Mayers. Je suis chef du Bureau de la biotechnologie alimentaire, lequel fait partie de la Direction de la protection de la santé à Santé Canada.
M. Conrad Brunk (professeur adjoint de philosophie, Collège Conrad Grebl, Université de Waterloo): Je m'appelle Conrad Brunk et je travaille à l'Université de Waterloo. Je fais des recherches sur les aspects non scientifiques de la gestion du risque et de l'information sur les risques.
M. William Leiss (professeur en études politiques et titulaire de la chaire d'éco-recherche en politique environnementale, Université Queen's): Je m'appelle William Leiss et je travaille à l'Université Queen's. Je suis titulaire de la chaire d'éco-recherche en politique environnementale.
M. George Michaliszyn (directeur et gestionnaire, Direction générale des produits chimiques et des bioindustries, ministère de l'Industrie): Je m'appelle George Michaliszyn. Je suis directeur des produits chimiques et des bioindustries à Industrie Canada. Ce ministère est chargé aussi bien des questions qui touchent l'industrie que de celles qui concernent les consommateurs.
M. Curran: Je m'appelle Tom Curran. Je travaille au service de recherche de la Bibliothèque du Parlement, et je suis plus précisément chargé de faire des recherches pour le comité.
Le président: Je m'appelle Charles Caccia, et je suis député de la circonscription de Davenport à Toronto.
Je vous remercie et, naturellement, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes très heureux que vous ayez pu être des nôtres. Nous espérons que vos interventions seront nombreuses, précises et brèves. Quant à moi, j'essayerai de faciliter les échanges de vues aussi fréquemment que possible. Je donne tout d'abord la parole à M. Olson qui, j'espère, saura être bref.
M. Olson: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le premier point que vous avez soulevé touchait la présentation faite par M. Leiss au printemps dernier. Depuis lors, le gouvernement a introduit le projet de loi C-60, qui porte sur la création de l'Agence canadienne d'inspection alimentaire. Ce projet de loi va, je crois, être renvoyé au comité compétent et sera discuté au cours des prochaines semaines.
On envisage la création de cette agence dans le prolongement d'une mesure annoncée dans le budget de 1995, c'est-à-dire la consolidation, sous la tutelle d'une même agence, des responsabilités touchant l'inspection alimentaire et les mesures de quarantaine appliquées par le gouvernement du Canada. Cela implique le transfert d'employés travaillant actuellement dans le secteur de l'inspection alimentaire à Agriculture et Agroalimentaire Canada, Santé Canada et Pêches et Océans. Ces transferts de personnel touchent également des employés d'Industrie Canada travaillant dans le secteur de l'emballage et de l'étiquetage des produits alimentaires de consommation courante. Ce transfert a en fait eu lieu en 1995.
Dans le discours du budget de 1996, le gouvernement a confirmé sa décision de procéder ainsi. Je suppose que le projet de loi que la Chambre examine actuellement est une autre sanction de cette décision.
L'agence a pour mission de s'occuper de toute question touchant l'inspection alimentaire et la mise en quarantaine. Cela ne se limite pas aux aliments, parce que la mise en quarantaine touche les animaux et les plantes, y compris les arbres, les semences, les aliments pour le bétail et les engrais, ainsi que les produits biologiques vétérinaires. Ce sont des responsabilités d'assez grande envergure.
Si le projet de loi est adopté, l'agence relèvera du ministre désigné par le gouverneur en conseil. Pour l'instant, ce que le gouvernement a annoncé dans le budget 1996, c'est que l'agence relèverait directement du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.
Essentiellement, on a cherché à séparer le secteur chargé des inspections de celui qui a la responsabilité de fixer les normes en matière de santé et de sécurité. En effet, c'est Santé Canada qui doit avoir la responsabilité d'établir ces normes et d'en faire la vérification. Le cadre réglementaire qui régira le fonctionnement de l'agence - ce qui, pour moi, est une sorte de code de la route, si vous voulez - aura trait à la santé et à la sécurité ainsi qu'à la viabilité écologique, et les services de cette agence toucheront la protection des consommateurs et l'accès au marché.
C'est un très bref résumé, monsieur le président. Si cela peut vous être utile, je peux vous donner des documents qui fournissent plus de détails à ce sujet.
J'ai parlé de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et, si vous le souhaitez, je peux vous expliquer pourquoi on a pris la décision de créer cette agence.
Le président: Il serait utile, monsieur Olson, que vous nous disiez si le projet de loi C-60 porte également sur les entités transgéniques et la création d'une agence spéciale chargée de s'occuper de cette question, selon la proposition avancée par M. Leiss.
M. Olson: Je crois que ce que M. Leiss souhaitait, c'est que l'on sépare les responsabilités en matière de réglementation des attributions ayant trait à ce qu'il a appelé la promotion. Il pourra me reprendre si je n'utilise pas les mots à bon escient.
C'est essentiellement ce qu'on a voulu faire ici. Ce que M. Leiss appelle promotion est distinct des responsabilités de réglementation. De fait, cette nouvelle agence sera chargée de la réglementation des matériaux biotechnologiques ainsi que des mesures législatives relatives aux semences, aux aliments pour les animaux, aux engrais et aux produits biologiques vétérinaires. Donc, ces fonctions seront regroupées sous l'égide d'une agence séparée, directement responsable devant le ministre.
Le président: S'agit-il d'un seul et même ministre?
M. Olson: Je n'ai pas l'énoncé exact du projet de loi, mais je crois que l'on y stipule qu'il s'agit du ministre désigné par le premier ministre. Il s'agit donc bien d'une agence distincte. Essentiellement, ce que l'on a cherché à faire, c'est résoudre la question de l'équilibre des pouvoirs, notamment en ce qui a trait au partage des responsabilités en matière de santé et de sécurité, d'une part, et d'inspection, d'autre part.
Je suis sûr que la plupart des gens qui sont présents dans cette salle sont au courant du problème qu'a soulevé aux États-Unis la contamination de la viande à hamburger qui a causé la mort de plusieurs enfants. Le problème venait en partie du fait qu'il n'y avait pas d'équilibre des pouvoirs entre les autorités chargées d'établir les normes et celles qui étaient responsables d'effectuer les inspections. La création de l'agence repose en partie sur l'idée qu'il doit exister des règles concernant la santé et la sécurité, d'une part, et, d'autre part, un processus d'inspection distinct.
Le président: Vous trouvez donc que la création de cette agence séparera de façon satisfaisante les deux fonctions qui existent actuellement, à savoir celle qui a trait à la protection et celle qui a trait à la promotion?
M. Olson: Monsieur le président, je pense qu'il est très difficile, étant donné la structure du gouvernement - dont nous sommes très fiers, d'ailleurs - de séparer les fonctions entre deux secteurs étanches. On pourrait citer l'exemple de la recherche qui, dans la plupart des ministères, a une incidence sur toute une gamme de technologies. Vous avez parlé plus tôt de plusieurs ministères dont les responsabilités englobent à la fois la réglementation et la promotion d'un seul et même secteur. Dans le cas qui nous occupe, nous essayons de séparer la fonction inspection du reste des responsabilités qui font partie du portefeuille de notre ministre actuel.
Le président: Merci. Je donne maintenant la parole à M. Leiss, qui sera suivi de M. Winfield.
M. Leiss: Pouvez-vous préciser quelque chose que je n'ai pas compris. Dans le secteur des aliments, ce qui touche à la santé et à la sécurité va continuer à tomber dans le champ de compétences de Santé Canada.
M. Olson: Excusez-moi, monsieur le président. Est-ce que je peux répondre ou...?
Le président: Allez-y, je vous en prie.
M. Olson: Santé Canada sera chargé de fixer les normes relatives à la santé et à la sécurité. De fait, monsieur Leiss, cela remonte à une entente qui a été conclue il y a environ trois ans, en vertu de laquelle les normes relatives à la santé et à la sécurité devaient être établies par une agence et, pour consolider davantage la position de Santé Canada, ce ministère avait la responsabilité de vérifier et de contrôler l'application de ces normes. Les responsabilités en matière d'inspection, d'accès au marché, et ce genre de choses qui n'ont rien à voir avec la santé et la sécurité seront confiées à l'agence. Dès l'approbation du projet de loi, toutes ces responsabilités sont transférées des ministères qui les détiennent actuellement à l'agence.
M. Leiss: Qui sera responsable de l'approbation réglementaire des nouveaux aliments?
M. Olson: Santé Canada. Il y a toute une série de responsabilités, monsieur le président, qui ont trait aux composants des semences, des aliments pour animaux, des engrais et ainsi de suite. Par exemple, en ce qui concerne les aliments pour animaux, il s'agit d'un produit dont l'utilisation peut avoir une incidence sur l'alimentation des humains. À mon avis, lorsqu'on parle de nouveaux produits alimentaires, c'est Santé Canada qui devrait jouer un rôle prépondérant dans leur approbation.
Le président: Merci. M. Winfield, suivi de Mme Kraft Sloan.
M. Winfield: Si vous le permettez, monsieur le président, j'ai une ou deux questions à poser à M. Olson pour mettre les choses au point.
Tout d'abord, est-ce que cette nouvelle agence est responsable de la réglementation de ces produits? Vous avez parlé de santé et de sécurité. Cette agence est-elle responsable de la réglementation en la matière sur le plan environnemental? Dans le même ordre d'idées, est-ce que la création de cette agence, et plus particulièrement le projet de loi C-60 lui-même, requiert l'amendement de la législation agricole - la Loi sur les semences - en vertu de laquelle Agriculture Canada entend réglementer les produits de la biotechnologie du point de vue environnemental? Pour être plus précis, est-ce que cette agence a l'intention de réglementer et d'approuver ces produits dans le contexte de leur incidence sur l'environnement, en les considérant comme des cultures de plein champ et en faisant des essais sur le terrain, etc., ou bien va-t-on les examiner exclusivement en tant que produits alimentaires?
M. Olson: Monsieur le président, tout d'abord, les lois qui existent actuellement - pour régir les semences, les aliments pour animaux et les engrais - vont tomber dans le champ de compétences de l'agence. En vertu de ces lois - et je crois que cela a été signalé au comité au printemps dernier, monsieur le président - le pouvoir de réglementer ces produits est déjà clairement établi. À cela s'ajoute le pouvoir d'effectuer les évaluations environnementales nécessaires. Cela existe depuis très longtemps. Quant à savoir si l'agence aura le pouvoir de réglementer ces produits et d'effectuer ces évaluations environnementales si elles sont nécessaires, la réponse est: oui.
En ce qui a trait au projet de loi lui-même, il a principalement pour objet de créer l'agence et d'apporter les amendements corrélatifs nécessaires pour que des inspections puissent effectivement être effectuées. Un des problèmes qui a été soulevé, monsieur le président, c'est que lorsqu'il faut prendre en compte neuf lois, on s'aperçoit qu'on leur a donné des orientations fort divergentes au fil des ans. Pour ce qui est des pouvoirs et des responsabilités relatifs aux inspections, on trouve dans le projet de loi C-60 une série d'amendements corrélatifs qui permettent, dans une certaine mesure, une application cohérente des divers textes législatifs. Les autres lois en question, monsieur le président, sont la Loi sur la santé des animaux... la Loi sur la protection des végétaux, la Loi sur l'inspection des viandes et la Loi sur les produits agricoles. Toutes ces lois déterminent le cadre réglementaire qui s'applique à probablement 90 p. 100 et plus des produits alimentaires consommés au Canada.
Le président: Monsieur Winfield.
M. Winfield: M. Olson a clarifié les choses un peu plus, mais je dois contester ce qu'il a dit. Nous ne pensons pas, comme lui, que les textes législatifs relatifs à l'agriculture accordent des pouvoirs qui permettent de mener adéquatement des évaluations sur l'incidence des produits sur la santé humaine et l'environnement. Je parle notamment de lois comme la Loi sur les semences. On ne trouve dans ces textes législatifs aucune référence à la biotechnologie, et l'on n'y parle pas non plus d'évaluation concernant la santé humaine ou l'environnement.
Au mieux, ce serait faisable, à notre avis, en tirant beaucoup sur la ficelle. Effectuer des évaluations relatives à l'environnement et à la santé humaine dans le cadre des dispositions de ces lois, c'est, à notre avis, en mettant les choses au mieux, modifier la législation par le biais de la réglementation; à notre avis, c'est là une des raisons pour lesquelles on a besoin de nouveaux textes législatifs en ce domaine.
Le président: À ce stade de nos délibérations, je préférerais qu'un dialogue ne s'engage pas entre deux personnes. Je vous redonnerai la parole en temps opportun, monsieur Olson. J'aimerais maintenant inviter les autres experts ou les députés à s'exprimer.
Madame Lewis, voulez-vous dire quelques mots?
Mme Lewis: J'ai une question à poser à M. Winfield. Vous parlez d'adopter de nouveaux textes législatifs. Pourriez-vous décrire un peu plus précisément ce qui pourrait remplacer l'actuel cadre réglementaire?
M. Winfield: Ce que propose l'institut est énoncé dans deux documents. L'un d'entre eux est intitulé Pour l'avenir de qui?: Une réponse à la proposition du gouvernement du Canada de réglementation de la biotechnologie en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ce rapport a été élaboré au nom du caucus de la biotechnologie du Réseau canadien de l'environnement. Essentiellement, on propose de regrouper les pouvoirs réglementaires à caractère environnemental, destinés à régir les produits biotechnologiques qui peuvent envahir l'environnement, dans une seule loi, la LCPE, et d'en confier l'administration à Santé Canada et Environnement Canada.
On apporterait plusieurs autres changements aux critères employés pour évaluer les produits de la biotechnologie - notamment pour les aligner sur les exigences de la Convention sur la diversité biologique, plus précisément le paragraphe 8 g). En outre, ces critères seraient un peu plus nombreux afin de garantir le recours à une approche plus écologique et de permettre au public de participer pleinement au processus de prise de décisions concernant les produits de la biotechnologie.
Le président: Madame Lewis, en avez-vous terminé ou avez-vous d'autres observations à faire?
Mme Lewis: Non, c'est parfait.
M. Mayers: Merci, monsieur le président.
Dans sa présentation, M. Leiss a illustré l'idée de créer une agence spécialisée dans les entités transgéniques en citant l'exemple de l'Agence de réglementation de lutte antiparasitaire et en disant que c'est un modèle que l'on pourrait prendre en considération. Je pense qu'il y a une importante distinction à faire: en effet, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire s'occupe spécifiquement des produits réservés à la lutte contre les ennemis des cultures; cependant, les entités transgéniques n'appartiennent pas à un seul et même type de produit, elles peuvent éventuellement se ranger dans chaque catégorie de produits. Donc, s'inspirer des activités de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire pour définir comment on pourrait évaluer la sécurité des produits élaborés à partir d'organismes transgéniques et en assurer la réglementation, ce serait, à mon avis, fort difficile, et cela diluerait la pertinence des règlements appliqués à l'heure actuelle, qui s'appuient sur une connaissance poussée de produits bien précis de la technologie.
Le président: Monsieur Leiss.
M. Leiss: C'est précisément pourquoi je propose que l'on réglemente le processus et non le produit. C'est exactement là que nous voulons en venir. L'idée que nous avançons, c'est que - en partie, cela dépend du cadre dans lequel on inscrit le débat. En ce qui me concerne, la question ne touche pas la biotechnologie, mais le génie génétique.
Ce qui est en cause, c'est la modification génétique transespèce, c'est-à-dire la création d'organismes transgéniques. Le processus n'est pas nouveau. Et cela n'a rien à voir avec la fabrication de la bière. Si j'entends cette remarque une fois de plus, je crois que je pourrais faire exploser une grenade dans la pièce. Cela n'a rien à voir avec la fabrication de la bière. Peu importe qu'il y ait une analogie ou que des choses analogues se passent dans la nature.
Supposons que l'on maîtrise éventuellement la technologie de la fusion et que quelqu'un prétende que l'on n'a pas besoin de s'inquiéter, parce que le soleil fait cela tout le temps. Et alors? C'est le processus qui compte, et si cela entraîne des initiatives qui se chevauchent, je m'en moque. Peut-être cela prendra-t-il 5, 10 ou 20 ans pour y arriver, mais nous aurons une loi sur les gènes au Canada. Peut-être est-ce que cela sera l'aboutissement d'un débat rationnel ou d'un mouvement de panique au sein de la population suite à un problème, mais cela viendra. Il faut que nous gardions la haute main sur tout cela en suivant un processus rigoureux.
On peut y arriver de bien des façons. Il n'est pas nécessaire d'établir une structure élaborée. Au Royaume-Uni, il existe un comité consultatif sur la modification génétique. C'est le seul organisme qui a le pouvoir de passer au crible toutes les modifications, si bien qu'il ne donne pas d'approbation produit par produit, ce qui ferait que vous pourriez avoir du B.t. dans votre pomme de terre, votre coton et 35 autres choses, avant que des insectes ne soient sélectionnés pour étudier leur résistance au B.t. Quand on donne des approbations produit par produit, personne ne considère la chose dans son ensemble. En l'occurrence, cela est pris en compte - le comité consultatif réglemente le processus et non le produit. Quelqu'un d'autre s'occupe des produits.
Le président: Ce quelqu'un d'autre, qui est-ce?
M. Leiss: Il existe des mesures de réglementation fondées sur les produits.
Le président: Monsieur Mayers.
M. Mayers: Merci, monsieur le président. Je pense qu'il est important de reconnaître que, dans le contexte de l'évaluation des produits existants, le processus n'est certainement pas laissé pour compte. De fait...
M. Leiss: J'en conviens.
M. Mayers: ...le processus est un élément important de l'évaluation relative à la sécurité, car il est impossible d'examiner un produit sans savoir d'où il sort. Par conséquent, c'est une chose qui est prise en considération, même si c'est dans le contexte de l'évaluation qui porte sur le produit lui-même. Manifestement, il existe des différences beaucoup plus marquées entre les produits qui sont utilisés dans le traitement médical des humains et ceux qui entrent dans la catégorie des produits alimentaires, qu'il n'y a entre les processus utilisés pour produire des médicaments et des aliments; par conséquent, lorsqu'il s'agit d'évaluer la sécurité, il est tout à fait approprié de se focaliser sur le produit.
M. Leiss: Je ne suis pas d'accord.
M. Mayers: L'exemple que vous avez cité, le comité consultatif qui existe au Royaume-Uni, est très intéressant. Car au Royaume-Uni, les produits sont évalués un par un. Le Advisory Committee on Novel Foods and Processes est l'organe qui évalue la sécurité des produits alimentaires et approuve un à un les produits qui entrent dans la catégorie des denrées alimentaires utilisées au Royaume-Uni.
Le président: Merci.
M. Dagenais, suivi de M. Forseth.
[Français]
M. Dagenais: Je pense qu'on est d'accord sur les critiques que fait M. Leiss en ce qui a trait au processus réglementaire actuel. Dans le document que vous nous avez soumis, vous indiquez qu'il n'y a pas de preuve qu'il y ait interférence entre le rôle de réglementation et celui de promotion des biotechnologies.
Pourtant, il y a un processus actuel de révision de la réglementation au niveau des pesticides, par exemple. Aux États-Unis, au milieu des années 80, on a estimé que le rôle de promotion de la FDA et du ministère de l'Agriculture empiétait sur leur rôle de réglementation des pesticides. C'est pour cela qu'on a transféré des responsabilités à l'Agence de protection de l'environnement. Je pense qu'on craignait à ce moment-là que le rôle de promotion ne nuise au rôle réglementaire.
À mon sens, il y a quatre critères importants qui doivent être respectés dans le cas d'une agence réglementaire: le critère d'indépendance par rapport au rôle de promotion, etc.; le critère de rigueur scientifique et éthique; le critère d'imputabilité, parce que les agences réglementaires doivent rendre compte à la population s'il y a des erreurs ou s'il y a des décisions qui ne sont pas justifiées; et le critère d'ouverture, parce qu'il faut qu'une agence réglementaire puisse être ouverte aux critiques, aux craintes de la population et puisse y répondre de façon adéquate, en toute transparence.
Je pense que ces quatre critères-là, s'ils sont adoptés, vont assurer la crédibilité du processus réglementaire.
Selon moi, actuellement, le processus réglementaire ne répond pas à ces critères-là. C'est pour cela qu'il faut adopter le processus. Le modèle proposé par M. Leiss répond en bonne partie à ces critiques. Nous proposons qu'on adopte pour le Canada une loi cadre qui toucherait l'ensemble des applications des biotechnologies, tant au niveau agricole qu'aux niveaux médical et environnemental.
Ensuite, la responsabilité de la réglementation du contrôle et de l'évaluation des produits sera entre les mains de Santé Canada et d'Environnement Canada, qui travailleront de façon complètement indépendante et de façon experte aux aspects qui leur sont propres.
Le président: Merci, monsieur Dagenais.
[Traduction]
Monsieur Forseth, s'il vous plaît.
M. Forseth: Merci, monsieur le président. Notre discussion sur le contrôle et la façon dont nous agissons me semble plutôt ésotérique. Je voudrais donner un exemple précis du dilemme auquel je fais face ainsi que du genre de pressions qu'exercent la communauté et les groupes communautaires locaux. Je donnerais l'exemple précis de la tolérance aux herbicides.
Nous savons que les mauvaises herbes sont en concurrence avec les récoltes pour l'espace, l'humidité du sol et les éléments nutritifs, et que les agriculteurs utilisent diverses méthodes pour lutter contre les mauvaises herbes, de la culture à l'utilisation des herbicides en passant par le contrôle biologique. Récemment, les agriculteurs ont dû utiliser des mélanges d'herbicides pour lutter contre un type particulier de mauvaises herbes pendant toute la période de végétation. Mais nous disposons maintenant de ces nouvelles substances, que l'on appelle les herbicides totaux, qui permettent de lutter contre une grande variété de mauvaises herbes avec une seule pulvérisation, mais qui endommagent en même temps les récoltes.
C'est pourquoi, nous avons mis au point des plantes qui tolèrent ces herbicides - les agriculteurs tuent les mauvaises herbes sans abîmer les récoltes en utilisant de petites quantités de produits chimiques moins nombreux et consacrent moins de temps et d'argent à pulvériser leurs récoltes. C'est là l'impératif économique.
En tant que représentant de la communauté, ce qui me tient à coeur, c'est l'intérêt public. Nous pouvons sans aucun doute apporter des améliorations, mais nous risquons également de faire des erreurs tragiques. Comment allons-nous agir, dans les limites de la sécurité, pour le bien commun? Comment contrôlons-nous et réglementons-nous une entreprise très incertaine? Je pense que les gens ont peur de l'inconnu, des conséquences imprévisibles, en particulier dans le domaine de la manipulation qui apportera des changements qui n'étaient ni possibles ni prévisibles en utilisant des moyens naturels.
Le soya Monsanto, qui est résistant au Roundup, est un exemple concret. Le Roundup est un mélange vendu dans tous les magasins de jardinage et qui est presque arrivé au stade de la publicité grand public. Le soya est cultivé dans le monde entier. Je peux imaginer une situation où les pays du tiers monde utiliseraient le Roundup à tort et à travers. On peut l'utiliser à plus forte dose et cela peut favoriser la culture du soya, mais qu'advient-il de l'eau potable et de l'environnement en général? Nous finirons par découvrir que ce n'était probablement pas une bonne solution.
Quant au soya lui-même, quelles sont les conséquences en matière d'allergies? Pour être en mesure de choisir en l'absence d'étiquettes, le consommateur... On peut donc aller dans toute sorte de directions, poussés par des impératifs économiques, la nécessité d'économiser ou d'avoir de meilleures récoltes. Du point de vue du public, on peut bien parler de guerre de territoire pour savoir qui va contrôler quoi, mais en bout de ligne, je pense que nous devons être très prudents.
J'aime l'idée de ces quatre critères: indépendance, rigueur scientifique, responsabilité à l'égard du public et ouverture et transparence. Je n'ai pas beaucoup entendu parler des deux derniers aujourd'hui, et j'aimerais faire quelques observations supplémentaires sur les responsabilités à l'égard du public par le biais de l'étiquetage et autres méthodes publiques d'évaluation et grâce à l'ouverture et à la transparence, en général. Ces informations sont souvent trop techniques, et j'ai entendu quelqu'un dire que c'est tellement technique qu'il vaut mieux dire au public ce qui est bon pour lui. Nous devons faire l'effort d'expliquer, rester responsables et nous rappeler qui nous servons pour commencer.
Le président: Merci.
Monsieur Mayers.
M. Mayers: Merci, monsieur le président.
L'exemple qui vient d'être donné est très intéressant dans le contexte du débat sur la tolérance aux herbicides. Dans le cas de la technologie de recombinaison de l'ADN, qui a permis la tolérance aux herbicides, nous pouvons régler le problème, mais il est également intéressant de reconnaître que l'on peut en arriver à la tolérance aux herbicides par des méthodes plus traditionnelles de modification génétique, c'est-à-dire par des méthodes d'amélioration classiques.
Par conséquent, pour ce qui est de l'utilisation des herbicides, les incidences ne sont pas différentes pour ces produits de ce qu'elles sont pour les produits issus de la technologie de recombinaison de l'ADN. C'est le produit lui-même qui a un impact plutôt que la technologie qui sert à mettre le produit au point. On peut donc évaluer ces questions d'après les critères déjà appliqués.
Vous avez également parlé des allergies. Bien entendu, pour un produit comme le soya, dont nous savons qu'il peut provoquer des réactions allergiques dans certains sous-groupes de population, ce problème devient un élément très important de l'évaluation de l'innocuité. C'est pourquoi, avant de donner une opinion sur un produit dérivé du soya, il faut sérieusement tenir compte de l'allergénicité.
Le président: Monsieur Olson, s'il vous plaît.
M. Olson: D'après mon expérience, très peu de gens comprennent la nature du système de production alimentaire au Canada. Bien des gens ont des opinions, mais très peu comprennent réellement comment cela fonctionne et connaissent les systèmes d'autocontrôle qui sont en place à tous les niveaux pour faire en sorte que le produit offert aux consommateurs est propre à l'alimentation humaine, est nutritif et répond aux critères que nous exigeons d'un aliment.
Cela tient en partie aux structures établies à Santé Canada, notamment les systèmes d'inspection. Cela tient à nos producteurs, à nos transformateurs et à tous les autres intervenants. Dans un cadre réglementaire, il faut prendre en compte les différents intervenants et leur engagement personnel à l'égard du produit qui nous est offert, à nous, les consommateurs. Dans la plupart des cas, cet engagement est aussi la responsabilité de fournir un produit qui est sûr, efficace et possède toutes les qualités requises.
D'autre part, bon nombre d'entre nous ne voyons pas que la biologie est une cible mobile. La tolérance aux herbicides et la résistance des insectes aux pesticides ou autres produits que l'on utilise contre eux nous confronte à la réalité, c'est-à-dire que les systèmes biologiques dans lesquels nous vivons sont délibérément conçus pour lutter contre les pressions. Cela fait partie intégrante du système naturel.
J'aimerais citer à cet égard des exemples qui ne sont pas liés à la biotechnologie. Lorsqu'on a commencé à cultiver les Prairies de l'ouest du Canada, un des grands problèmes était de trouver des variétés de blé susceptibles d'y pousser. On a fait une série de découvertes qui ont permis de trouver ces variétés. Elles ont donné de bons résultats pendant un certain nombre d'années jusqu'à ce que certains types de rouille - la rouille est une maladie qui touche le blé - deviennent prévalantes en raison du nombre d'acres cultivés dans l'ouest du Canada. La source de cette maladie se trouvait probablement dans une autre partie du monde.
Le président: Vous dites «en raison du nombre d'acres cultivés», que voulez-vous dire?
M. Olson: En réalité, les variétés de blé étaient adaptées, grâce à des méthodes de sélection traditionnelles, à la sélection de variétés déjà existantes, pour résister à ces types de rouille.
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a évolution permanente des systèmes existants. Cela fait partie de la réalité. La tolérance aux herbicides et la résistance des insectes fait partie de cette évolution. Je pense qu'on le constate régulièrement et nous devons le reconnaître.
Ce qui m'inquiète également, monsieur le président - et je pense que M. Mayers a déjà bien souligné cela - c'est que l'on ne peut pas mettre fin brutalement à un système et espérer que tout va se régler d'un coup. Je pense que cela fait partie de la question que vous avez à examiner, car certains préféreraient que cela se passe de cette façon.
Le président: Merci.
Monsieur Michaliszyn, s'il vous plaît.
M. Michaliszyn: Peut-être qu'en ce qui concerne le cadre réglementaire, nous pourrions revenir aux principes de base. Il est fondamental de comprendre que notre système vise à maintenir au Canada des normes élevées en matière de protection de la santé des travailleurs, du grand public et de l'environnement.
D'autre part, nous devrions utiliser la législation et les institutions réglementaires actuelles pour éviter les doubles emplois et continuer d'élaborer des lignes directrices claires pour l'évaluation des produits de la biotechnologie, en harmonie avec les normes nationales et internationales.
Je pense qu'il s'agit-là de principes de base. Il y en a un certain nombre d'autres. Mais ce que nous tentons de faire, c'est essentiellement d'équilibrer les intérêts économiques tout en ayant un cadre réglementaire qui assure la sécurité de la population et de l'environnement.
Après cette introduction, j'aimerais parler de la loi sur les gènes et de l'agence destinée à réglementer les organismes transgéniques. De notre point de vue, même si nous comprenons certains des objectifs poursuivis, nous pensons que cette question pourrait être traitée dans le cadre des structures existantes.
Je pense tout d'abord qu'une telle agence aurait à réglementer l'aspect technologique, comme cela a déjà été dit. Elle serait tout à fait différente de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, qui est en fait une agence de réglementation des produits. On envisage ici de réglementer toutes sortes de produits en fonction de la façon dont ils ont été élaborés. Cela aboutirait finalement à un dédoublement allant à l'encontre du cadre réglementaire actuel.
Quand je parle de dédoublement, je veux dire que l'on aurait des produits, très semblables par nature, mais qui seraient réglementés par différentes agences, ce qui nécessiterait une expertise parallèle au sein de l'agence chargée spécifiquement de l'examen des entités transgéniques. On pourrait avoir un nouveau produit alimentaire qui serait très semblable à un autre produit déjà réglementé par d'autres agences.
Il ne nous semble pas très raisonnable d'essayer d'avoir une expertise parallèle alors qu'il faudrait plutôt la concentrer et tirer tout le bénéfice de celle qui existe au sein des ministères et des organismes qui réglementent les produits.
Quant à s'assurer qu'il n'y a pas de lacunes, la LCPE sert de filet de sécurité. Elle prévoit que lorsque ces produits ne sont pas réglementés dans les ministères, c'est la loi elle-même qui sert d'instrument de réglementation prédominant. Nous avons donc une loi unique qui est un filet de sécurité et peut être invoquée pour réglementer les produits biotechnologiques.
Je pense que la création de cette agence distincte est problématique. Comment peut-on réglementer tous les produits qui sont déjà de la compétence des différents ministères? Cela ferait certainement double emploi, et je ne crois pas que le consommateur y trouverait son compte.
Le président: Vous présentez les arguments qui ont déjà été portés à l'attention du comité par notre recherchiste, Tom Curran.
Le cas de l'insuline est, je crois, un autre exemple qu'il a signalé dans ses notes d'information. On peut produire l'insuline de façon traditionnelle, aussi au moyen de bactéries transgéniques, ce qui pourrait entraîner un dédoublement des activités de réglementation.
En fait, j'aimerais que M. Leiss nous parle un peu plus de ce sujet.
Vous avez parlé d'équilibrer les impératifs économiques et les facteurs ou objectifs environnementaux. Il me semble que ce faisant, vous séparez les deux, car vous ne pouvez pas équilibrer des éléments qui ne sont pas distincts. Or, si l'on tient compte de tous les engagements dont nous entendons parler, ainsi que du mandat de votre propre ministère à l'égard du développement durable, il me semble que nous essayons en fait d'intégrer les objectifs économiques et environnementaux plutôt que de les équilibrer, car lorsque l'on tente d'équilibrer, on sépare et on prend une orientation désastreuse...
M. Michaliszyn: Je suis bien d'accord avec vous.
Le président: ...mais ce n'est qu'une observation en passant.
La parole est à M. Brunk et M. Norena.
M. Brunk: Pour moi, la question est de savoir quel genre de processus réglementaire permettra au public de croire réellement que l'on s'occupe de ses intérêts.
Dans les recherches que j'ai réalisées, je me suis beaucoup intéressé aux cas où l'on constate des écarts énormes entre ce que les scientifiques estiment être des risques, ou appellent technologie, et la perception par le public de cette même technologie et de ces risques, ce qui peut être très différent. Les scientifiques, les experts, ont tendance à croire que cela n'est qu'un exemple de l'irrationalité du public ou de sa manipulation par les médias et autres. Mais souvent, les préoccupations du public reflètent une compréhension profonde de la nature du risque et de la nature de la technologie que les scientifiques ont tendance à négliger.
Au cours de la conversation que viennent d'avoir M. Mayers et M. Forseth, ce point a été particulièrement bien illustré. Il y a deux façons de voir la technologie et les risques qui y sont associés. Et dans ce cas, il est très clair que les microbiologistes... Certains scientifiques considèrent la biotechnologie et le génie génétique comme une extension des anciennes technologies, et c'est le message qu'ils espèrent communiquer au public, dans l'espoir que celui-ci mordra à l'hameçon et acceptera la technologie et la nature des risques qu'elle présente. Bien des indices montrent que ce genre d'information sur les risques n'a pas de très bons résultats. Cela n'a pas bien marché par le passé et cela tend à aliéner les deux groupes concernés.
Dans ce cas, je pense que du côté du public, non seulement les non experts mais différents scientifiques, par exemple, les écologistes, ne seraient pas d'accord avec la définition du génie génétique. Pour eux, il y a un écart qualitatif par rapport aux technologies traditionnelles, dans la mesure où ils considèrent ces progrès non pas en se plaçant du point de vue que ces organismes partagent le même ADN ou sont facilement transférables, mais du point de vue de l'impact que peut avoir le fait de croiser des espèces d'une façon qui n'arriverait pas normalement dans la nature.
Je pense que, dans ce cas, si nous ne comprenons pas que le passage du monde darwinien... Lorsque nous sommes passés de la vision pré-darwinienne du monde à la vision darwinienne... Nous savons tous dans cette salle quelles turbulences sociales cela a entraîné, sur le plan religieux et social, lorsque les gens se sont habitués à l'idée que les espèces peuvent évoluer et ne sont pas des entités fixes.
Je pense que le passage d'une vision darwinienne des choses à la soudaine compréhension que l'évolution des espèces peut être transversable, et que le fonctionnement des écosystèmes n'est plus le fait de la sélection naturelle, mais de l'action humaine, est un changement majeur, un changement philosophique et religieux dans la pensée humaine qui est aussi important que le passage de la vision pré-darwinienne du monde à la vision darwinienne. C'est pourquoi le public s'inquiète. C'est toute une nouvelle façon de regarder le monde. Cela a beaucoup de répercussions sur lesquelles je ne vais pas m'étendre ici.
Et si le système réglementaire ne tient pas compte de cette réalité, ne donne pas à la population suffisamment confiance dans tous ces nouveaux aspects - soulevés pour la plupart parM. Forseth - ce dont il faut se préoccuper, ce sont les inquiétudes des gens à propos des valeurs qui risquent d'être compromises, et c'est ce que signifie l'évaluation et la gestion du risque. C'est avoir une bonne idée de ce qui est menacé, et ce qui est menacé aux yeux du public, ce n'est pas toujours la même chose que ce que les scientifiques ont tendance à définir comme des valeurs menacées.
Pour terminer, je crois fermement que tout tend à prouver que pour le public, ce qui compte vraiment pour juger de l'acceptabilité des risques, ce n'est pas tant d'être convaincu par la définition que donne la science de l'ampleur du risque, mais de savoir, ce qui est beaucoup plus important, si les gestionnaires du risque et les producteurs de risques sont des gens fiables et représentent les intérêts des gens qui sont menacés.
Par conséquent, il faut établir une agence de réglementation qui instaure cette confiance. Une fois que l'on perd la confiance dans l'agence de réglementation ou les gestionnaires du risque - on a bien vu ce que cela a donné dans le cas de la maladie de la vache folle, des implants mammaires, de l'amiante et bien d'autres - peu importe son ampleur du risque, scientifiquement parlant, le risque devient inacceptable et le problème devient politique.
Il faut donc établir un système de réglementation qui instaure cette confiance. À mon avis, il est très important que ce système accorde au génie génétique une place distincte et reconnaisse qu'il soulève les questions différentes. En le démarquant par la création d'une agence distincte ou par une loi distincte, on lui donne l'importance qu'il mérite, ce qui est pour moi fondamental pour que le public comprenne les risques et ce qui me paraît parfaitement rationnel.
Le président: Merci, M. Brunk. Monsieur Norena.
M. Norena: Je veux simplement faire une observation. J'ai déjà parlé souvent avec M. Leiss de son document et de la création d'une loi sur les gènes et d'une agence chargée de réglementer les produits transgéniques. Je pense qu'en théorie, c'est une bonne idée et un bon concept, mais qu'en pratique, la biotechnologie est plus mûre qu'elle ne l'a jamais été. Des produits sont lancés sur le marché ou mis au point plus rapidement qu'on ne l'aurait cru possible. C'est un des secteurs qui connaît l'expansion la plus rapide. Il y a beaucoup plus de secteurs associés à la biotechnologie que l'on peut imaginer.
Pour cette seule raison, je pense qu'une seule agence ou une seule loi ne peut plus suffire. C'est pourquoi je pense que ce dont nous disposons actuellement, le cadre de réglementation de 1993, est un bon point de départ.
Monsieur Michaliszyn, en disant que la LCPE est un filet de sécurité, vous m'avez volé mes mots. C'est exactement ce que je voulais dire, et je crois que c'est ce dont nous avons besoin. C'est un important critère de base pour le gouvernement du Canada et pour la population canadienne.
J'aimerais réagir à l'observation de M. Forseth sur le fait qu'il nous faut être plus transparents et plus ouverts et faire davantage participer le public. Nous le faisons dans une certaine mesure, mais nous pouvons apprendre, nous pouvons faire davantage. Nous avons adopté la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, nous sommes passés par un examen parlementaire et par le processus de consultation public sur la réaction du gouvernement et ainsi de suite. Nous avons établi des règlements. Tant Agriculture Canada qu'Environnement Canada ont publié des règlements aux fins d'un examen public.
Au cours de la séance précédente, Terry McIntyre a expliqué comment il avait tenté de faire adopter une technologie d'assainissement dans tout le Canada. Des consultants ont interrogé les gens pour obtenir leurs opinions. Je pense qu'il faut adopter plus de mesures de ce genre car je suis tout à fait d'accord avec M. Conrad Brunk lorsqu'il dit qu'il faut avoir plus confiance dans les organismes de réglementation.
Le président: Merci, Monsieur Norena.
Mme Kraft Sloan, M. Knutson, M. Asselin, M. Dagenais et Mme Gadsby.
Mme Kraft Sloan: Merci, monsieur le président. J'apprécie beaucoup les observations deM. Brunk. Je pense que le double emploi est certainement une question subjective et, à mesure que nous avançons dans ce domaine, il est important de tenir compte d'un certain nombre de perspectives. On dit souvent que l'on vit à l'ère de l'information; peut-être y a-t-il beaucoup d'information, mais il existe certains domaines de connaissances qui sont perdus ou qui ne sont pas reconnus ni traités de façon équitable ni appréciés autant que d'autres.
Sur le plan de la science, nous avons entendu des présentations très intéressantes au cours de la table ronde précédente lorsque nous avons parlé de la science par rapport à l'écologie. Il existe des différences d'opinions et d'approches à cet égard, et il faut aussi tenir compte des préoccupations du public.
Même si je n'ai pas de connaissances techniques ni scientifiques dans le domaine et si je suis profane, en la matière, je pense que mes préoccupations sont cependant légitimes et fondées sur certaines expériences, que je partage avec beaucoup de gens. Au moment de réglementer le domaine de la biotechnologie, il faut penser à intégrer les différentes perspectives, et toute la question du double emploi, comme je l'ai dit, pourrait être très subjective.
Le président: Merci. Monsieur Knutson.
M. Knutson: Monsieur Brunk, je vous remercie de vos remarques sur la confiance. Un scientifique de Pêches et Océans est venu nous dire la semaine dernière que d'après lui, les préoccupations au sujet du génie génétique ne sont pas justifiées. Je lui ai demandé s'il y avait, en matière de réglementation environnementale, pour un domaine qui devrait, selon lui, inquiéter davantage, le public, et il a mentionné le changement climatique.
Cela m'a fait beaucoup réfléchir. Je voudrais vous donner un sujet à méditer. Cela semble peut-être hors sujet, mais à cause de David Suzuki et de l'information que le public obtient par les médias... Les gens pensent que le gouvernement ne fait pas son travail et ne réglemente pas suffisamment les polluants, que les calottes glacières vont fondre et que nous allons être envahis par les océans parce que le gouvernement n'a pas réussi à réglementer et à promouvoir la dépollution. Ce manque de confiance ou ces soupçons auront des effets sur la réglementation des nouveaux produits et du génie génétique, et essentiellement...
Les gens qui se lèvent le matin, lisent les grands titres sur le changement climatique puis vont au supermarché... Ils n'ont pas confiance dans le gouvernement ni dans les responsables de la réglementation. Nous devons prendre en compte la confiance du public dans une perspective beaucoup plus large.
Est-ce que cela vous semble sensé?
M. Brunk: Oui, en effet. Je ne suis pas un expert du changement climatique, ni un spécialiste des écosystèmes, mais une des raisons pour lesquelles ce type de problème est plus facile du point de vue de la gestion des risques, c'est que les changements sont très marginaux et très lents, de sorte que l'on n'a pas d'«accident» qui sensibilise le public au facteur risque. N'est-ce pas?
M. Knutson: Il y a des inondations et autres phénomènes qui peuvent être reliés au changement climatique, mais pas nécessairement.
M. Brunk: On peut discuter à n'en plus finir sans pouvoir déterminer si l'inondation résulte du changement climatique ou de simples changements naturels des cycles, etc. Il est très facile de cacher la vérité.
Dans le cas de poussées épidémiques, le genre de chose dont Agriculture Canada doit s'occuper constamment, à cause d'un seul incident, le régulateur perd soudain toute crédibilité, surtout s'il a laissé entendre qu'il n'y a pas de risque et aucune raison de s'inquiéter. Voilà des scénarios qui entraînent une perte dramatique de confiance. Une fois cette confiance perdue, il est très difficile de la restaurer.
M. Knutson: D'après ce que je crois comprendre et d'après ce que vous avez dit, ainsi que d'autres, il semble que les gens soient loin d'avoir une confiance aveugle dans le processus réglementaire. Est-ce exact?
M. Brunk: Je ne voudrais pas généraliser.
M. Knutson: Bon.
M. Brunk: Il y a eu ce genre de problème dans certains domaines. Je me suis particulièrement intéressé au débat sur le nucléaire, car il comporte de nombreux éléments communs avec le génie génétique - bon nombre des craintes sont les mêmes. Là aussi, la confiance dans l'agence de réglementation a été au centre du débat.
[Français]
Le président: Monsieur Asselin, s'il vous plaît.
M. Asselin: Plus tôt, on a parlé de chevauchements et de dédoublements. Afin de les éliminer, il faudrait aussi éliminer les chevauchements et les dédoublements entre le fédéral et le provincial. Le gouvernement, qui a un rôle centralisateur, doit de plus en plus consulter les provinces en matière de biotechnologie.
On dit qu'on veut éliminer les chevauchements et les dédoublements, mais on s'aperçoit que lorsqu'on parle de la biotechnologie, il y a un manque de concertation au gouvernement fédéral. Lorsqu'on parle de biotechnologie, on se demande qui va s'en occuper, qui sera le véritable maître d'oeuvre en la matière. Est-ce Santé Canada? Est-ce Agriculture et Agroalimentaire Canada? Est-ce Pêches et Océans Canada? Est-ce Environnement Canada?
On risque que la responsabilité tombe entre deux chaises. Le risque est que, si cela va bien et que je reçois des félicitations, c'est moi qui en aura la responsabilité. Mais si j'ai un problème et que je reçois des critiques et des blâmes, ce sera la faute de l'autre. On n'utilise pas les ministères à bon escient. Les ministres et les fonctionnaires ne se parlent pas. Il faut un projet de loi pour forcer les ministres et les fonctionnaires à se parler. De plus en plus, les ministres doivent se parler et ne pas attendre d'y être obligés par un projet de loi. Encore une fois, c'est le consommateur qui paie lorsqu'il y a un problème en matière de santé ou d'agriculture.
Je pense qu'Environnement Canada doit jouer un rôle centralisateur, mais avec la collaboration des autres ministères. Si on a de la confiance à l'intérieur de la Fonction publique fédérale, on aura aussi de la confiance au niveau des consommateurs. Personnellement, je pense que c'est Environnement Canada, avec la collaboration des autres ministères, qui doit être le maître d'oeuvre en matière de biotechnologie. Si je me trompe, je veux qu'on me le dise.
M. Dagenais: J'ai d'abord une première remarque sur la question de la réglementation du processus et du produit. Dans la réalité, il y a beaucoup de domaines où on réglemente les deux éléments. Dans le secteur du lait, par exemple, on a des normes sur la température de pasteurisation, sur la durée, sur la qualité du produit et sur l'innocuité du produit. En travaillant sur les deux aspects, on peut garantir une meilleure sécurité du public en bout de ligne, parce que lorsqu'on ne fait que vérifier le produit, on ne fait pas un test sur chacun des produits. Il faut s'assurer que le processus garantisse un meilleur produit à la base ainsi que la qualité.
Il faut jouer sur les deux aspects. On ne me fera pas croire que la réglementation sur la biotechnologie doit être fondée uniquement sur le produit. Il faut aussi voir que maintenant, avec la biotechnologie, le procédé peut avoir des impacts à la fois sur l'environnement, sur la santé des travailleurs, sur la santé des personnes qui sont traitées médicalement, etc. Il faut que les deux aspects soient traités. On ne peut cibler que l'un des deux aspects. Ce serait, selon moi, traiter seulement la moitié du problème.
En ce qui a trait à la question du risque, il faut le voir dans une vision complexe, multidimensionnelle. Le risque, tel qu'on le considère habituellement, c'est un coût anticipé; c'est un dommage anticipé, une probabilité que le dommage soit fait. L'acceptabilité du risque, selon moi, doit être fonction de ces deux aspects, c'est-à-dire la probabilité que le risque se matérialise et la valeur du dommage. Certaines applications sont inacceptables si elles entraînent des décès dans la population, même si la probabilité est très faible. Dans d'autres cas, même si le dommage est faible, la probabilité peut être importante. Selon moi, c'est inacceptable. Donc, il faut prendre en compte ces deux aspects.
Il est important de traiter l'évaluation du risque séparément de la gestion du risque. L'évaluation du risque est d'abord un travail d'experts, qui fait appel à des considérations scientifiques, bien que les mesures de probabilité ou d'évaluation du dommage soient encore très incertaines. Il y a une marge d'imprécision qui est très importante. Il faut que les scientifiques soient conscients de cela et disent la vérité à nos populations.
Donc, l'évaluation du risque devrait être faite par un comité d'experts multidisciplinaire, pas uniquement par un fonctionnaire, parce qu'il y a des éléments complexes dans l'évaluation du risque.
L'autre aspect est la gestion du risque. Ce n'est pas à un fonctionnaire de décider si un risque est acceptable ou pas. Ce doit être fait dans un processus ouvert, par un comité comprenant des représentants de la population qui sont partie prenante avec des scientifiques, etc., pour qu'il y ait un discours ouvert sur ce qui est un risque acceptable. La gestion du risque fait appel, en bout de ligne, à un jugement de valeur. Donc, ce sont des choix socio-politiques qui doivent être faits. Il est important que les deux choses soient séparées et qu'on fasse appel à la population pour juger de l'acceptabilité du risque.
Par exemple, je me rappelle que dans le cas des prothèses mammaires, deux ans avant qu'on retire le produit du le marché, on avait mis à la porte un médecin qui travaillait à Santé Canada parce qu'il disait que ces prothèses mammaires posaient des problèmes alors qu'on avait décidé, à Santé Canada, que ce produit-là était bon. Même si, au sein même de Santé Canada, on refuse la critique et les opinions divergentes, selon moi, il faut voir que même dans l'entreprise privée, il y a des problèmes au niveau de la gestion et de l'évaluation des risques. Si on ne fait pas une bonne évaluation du risque, la gestion de ce risque sera faussée.
Le président: Merci, monsieur Dagenais.
[Traduction]
Margaret Gadsby.
Mme Gadsby: J'aimerais faire une série d'observations en réponse à un certain nombre de questions qui ont été soulevées. J'essaierai d'être très brève pour que nous puissions traiter tous les sujets qui ont été avancés aujourd'hui.
J'aimerais qu'il soit parfaitement clair - et je parle là dans la perspective de l'industrie, mais je suppose que les responsables de la réglementation assis autour de cette table aimeraient également que cela soit parfaitement clair aux fins du compte rendu - que nous avons actuellement un processus de réglementation et qu'il fonctionne. Aucun produit ne lui échappe, car c'est une approche axée sur les produits.
Je pense que l'on a fait valoir des préoccupations valables au sujet des diverses questions environnementales soulevées aujourd'hui. Là encore, toutes ces préoccupations sont prises en compte lors des évaluations du risque et des évaluations de la sécurité qui sont effectuées par les ministères responsables. Je veux donc que le compte rendu indique bien que ces questions sont clairement prises en considération actuellement.
Compte tenu de l'expérience internationale de notre société, j'aimerais ajouter certaines choses qui pourraient contribuer à ces discussions. L'approche axée sur les produits est celle qui est adoptée non seulement par le gouvernement du Canada, mais également par celui des États-Unis. C'est également le cas au Japon où l'on vient de finaliser la structure de réglementation des produits de la biotechnologie et où les premières autorisations ont été données.
Il y a cependant une région du monde où l'on ne suit pas cette méthode, et c'est l'Union européenne. Je pense que mes collègues étrangers seront d'accord avec moi pour dire que, malheureusement, tel qu'il est, ce système ne fonctionne pas. Il est intéressant de souligner que dans le texte législatif actuel, on a ajouté un article qui permettra à une future loi axée sur les produits de prévaloir sur la loi actuelle axée sur le processus. Je pense qu'il faut en déduire que le seul groupe international qui a tenté l'approche axée sur le processus n'a pas réussi, et prend en ce moment des mesures pour mettre en place une approche axée sur les produits, qui permettrait de donner les autorisations voulues pour les nouveaux aliments destinés aux humains et aux animaux, en vertu d'une loi qui, nous l'espérons, sera adoptée très bientôt en Europe.
De nombreuses fois aujourd'hui, nous avons abordé la question de ce que l'on pourrait appeler la gestion de la résistance. En tant que représentante de l'industrie étroitement associée à la communauté agricole, j'aimerais expliquer clairement aux citadins qui se trouvent autour de cette table que la gestion de la résistance est un problème fondamental en agriculture. C'est une question clé pour tout le monde. C'est pourquoi les entreprises établissent des plans pour gérer la résistance. C'est pourquoi des associations de producteurs tentent d'établir des plans de gestion intégrée des nuisibles. C'est pourquoi le gouvernement nous aide à régler ces questions de gestion de la résistance.
D'un point de vue purement égoïste, si vous voulez, du point de vue de l'industrie, la gestion de la résistance est une façon de garantir la viabilité et l'utilité à long terme de nos produits. C'est dans notre intérêt de proposer et de favoriser la gestion de la résistance pour que les bons produits dont nous disposons ne soient pas dénigrés avec le temps et pour qu'ils restent disponibles afin de répondre à un besoin spécifique.
Le président: [Difficultés techniques - Éditeur]... le terme «gestion de la résistance». Que disions-nous autrefois, «relations publiques»? Qu'est-ce que c'est?
Mme Gadsby: Il y a bien des façons de gérer la résistance. Il y a, par exemple, la rotation des cultures, qui est une façon très traditionnelle de gérer les problèmes agricoles. Il n'est pas nécessaire d'utiliser des produits chimiques. À cause de certains phénomènes naturels, avec le temps, certains produits deviennent de moins en moins efficaces. Il existe donc une méthode selon laquelle on utilise les produits en rotation pour qu'ils restent disponibles et utiles plus longtemps.
Avant de terminer, je voulais également préciser que le processus canadien, tel qu'il a été présenté aujourd'hui, est déjà très prudent. C'est pourquoi les normes qui ont été fixées exigent des membres de l'industrie du Canada de réunir un ensemble de données qui soient valables au niveau international, ce qui représente l'obstacle le plus important.
Mais que nous soyons d'accord du point de vue de la compétitivité... Nous avons déjà entendu M. Wilson aujourd'hui parler avec beaucoup d'éloquence des questions de compétitivité. Mais je pense que le comité se préoccupe surtout de savoir si les normes sont suffisamment élevées et prudentes. Je dirais qu'elles sont les plus élevées du monde. Je pense que nous devons en être fiers mais, comme l'a dit Mme Kraft Sloan plus tôt, nous devons nous concentrer non seulement sur l'efficacité mais également, avec le temps, sur l'efficience.
Le président: J'aimerais que les interventions soient brèves et précises. Monsieur Winfield.
M. Winfield: J'essaierais d'être bref, mais j'ai une liste de quatre sujets.
Voici quelques points très rapides. Je voudrais d'abord m'insurger contre l'idée que nous avons un système de réglementation complet. En réalité, ce n'est pas cas. Il existe certains aspects de la biotechnologie qui ne sont pas encore totalement réglementés. Ce sont notamment ceux qui sont visés par la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ou qui seraient visés par ses règlements, par exemple la biodépollution, l'utilisation des micro-organismes dans les industries extractives, le traitement des eaux usées et un certain nombre d'autres applications. Tant que les règlements qui ont paru dans la Gazette le 17 août ne seront pas en vigueur, il restera un vide.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'utilisation de la loi existante, j'ai déjà dit ce que je pensais de la législation sur l'agriculture. La structure actuelle de la LCPE pose également des problèmes. Il existe un certain nombre de problèmes techniques qui découlent du fait que les dispositions en vertu desquelles la biotechnologie est réglementée visaient en fait les substances chimiques et non les produits biotechnologiques. Cela entraîne un certain nombre de problèmes techniques.
Comme je l'ai dit plus tôt, je doute sérieusement que l'on puisse harmoniser les exigences de la Convention sur la diversité biologique avec la définition actuelle de la toxicité selon la LCPE. Il faudra aborder ces questions.
Je voudrais parler très brièvement de ce qu'a dit Paul Forseth au sujet de la tolérance aux herbicides. Je pense qu'il a très bien décrit tous les problèmes que le système de réglementation actuel laisse en suspens dans la mesure où il traite des questions isolément. Il ne considère pas que des produits comme les plantes résistantes aux herbicides appartiennent à des systèmes, et ne les évalue pas comme des composantes de systèmes. Il les examine isolément. Il ne les place pas dans un contexte écologique, ce qui suscite de très graves problèmes et des lacunes.
La crédibilité du système actuel est limitée pour bien des raisons. Nous avons parlé des conflits d'intérêts. Le problème est plus grave dans certains ministères que dans d'autres.
L'autre problème, cependant, est que le système actuel est complètement hermétique. Le public n'a aucune possibilité de participer, et il n'existe pas de mécanisme d'imputabilité. Avec le système actuel, nous saurons qu'il y a un problème lorsque nous compterons les corps. Il n'y aucun moyen de contester les décisions. En fait, il est très difficile de les connaître. Cela est particulièrement vrai du processus décisionnel à Agriculture Canada.
Enfin, je vais faire entendre un son de cloche quelque peu différent à propos de la portée de la loi sur les gènes. Je conviens que la loi doit clairement viser les organismes créés par génie génétique, tant pour les raisons philosophiques qu'a énoncées M. Brunk que parce que c'est la direction que l'on semble prendre dans le protocole sur la biosécurité figurant dans la Convention sur la diversité biologique.
Mais il est également important de reconnaître que le système canadien actuel s'applique aussi à certains types d'organismes non issus du génie génétique. En fait, c'est un des éléments très positifs du système actuel: les organismes non transgéniques présentent aussi des risques pour la santé humaine et l'environnement. Il est donc très utile que notre système porte aussi là-dessus. Donc, pour ce qui est de la portée de la loi, il serait judicieux qu'elle vise les organismes créés par génie génétique plus d'autres catégories.
Je vais terminer là dessus.
M. Olson: M. Norena et M. Winfield ont mentionné la réglementation qui est en train de passer par le processus d'adoption. Il sera intéressant de voir les commentaires que nous obtiendrons. Je crois que le texte a été rendu public il y a environ un mois et le débat devrait prendre fin au cours de la prochaine semaine. Cette réglementation entrera en vigueur au début de l'année prochaine.
M. Brunk a soulevé un point intéressant sur la maladie de la vache folle. J'aimerais mentionner, à titre d'anecdote, que le seul cas de maladie de la vache folle au Canada a été identifié par l'éleveur. Il s'est rendu chez son vétérinaire qui a confirmé le diagnostic et s'est adressé au gouvernement provincial. Le gouvernement s'est adressé à nous et nous sommes allés au Royaume-Uni. Cette chaîne d'autocontrôle, cette chaîne de responsabilité, a fonctionné.
Monsieur le président, je pense que vous-même et vos collègues vous rappelez tout le bruit qu'a suscité notre décision de retirer à leurs propriétaires tous les animaux importés depuis la découverte du premier cas au Royaume-Uni et de les abattre ou de les sortir du pays. Cela a fait beaucoup de bruit il y a trois ou quatre ans, et pas mal de mécontents. À l'époque, on a beaucoup contesté l'autorité réglementaire.
Depuis que le Royaume-Uni connaît tous ces problèmes, ces derniers six mois, je n'ai pas entendu beaucoup de gens se plaindre. Les points de vue changent lorsque l'on est confronté à la réalité.
En ce qui concerne ce qu'a dit M. Asselin sur les chevauchements et les doubles emplois, nos consultations avec les provinces remontent en fait aux années 80.
En décembre 1988, il y a eu une série d'ateliers avec le Conseil de recherches agricoles du Canada. Une série de réunions ont eu lieu avec les provinces. Toutes nos initiatives en matière de réglementation sont en fait communiquées aux provinces un an à l'avance si possible, à moins qu'il s'agisse d'un règlement d'urgence. Les provinces ont donc la possibilité d'apporter leurs commentaires et leur contribution et de prendre part à la discussion.
Nous avons très clairement décidé - je pense pouvoir parler au nom de mes collègues des autres ministères - de faire en sorte que les plans de réglementation soient disponibles et transmis aux provinces pour qu'elles aient la possibilité d'apporter leur contribution.
En ce qui concerne la question des risques soulevée par M. Dagenais, je crois que rien n'est certain à 100 p. 100 en ce bas monde, sauf la mort et les impôts. J'aimerais vraiment savoir quel niveau de risque aimerait avoir M. Dagenais, car je crois qu'il est impossible d'en arriver à un risque absolument nul dans le monde où nous vivons. J'aimerais avoir une idée de ce qu'il accepterait comme niveau de risque.
Enfin, au sujet de la transparence des décisions, je serais heureux d'en débattre une autre fois avec M. Windfield. C'est toujours une question de consultation et de communication. Nous nous efforçons de fournir des informations, sans franchir la ligne dont vous avez parlé plus tôt, celle qui sépare la promotion d'une fonction particulière, que ce soit la réglementation d'un aliment, la façon dont nous réalisons nos inspections, ou dans ce cas, la réglementation d'un produit particulier qui a pu être créé par des procédés biotechniques.
Merci.
M. Lewis: Nous avons entendu un certain nombre de commentaires sur la perception du public. Je dois dire qu'il me paraît très difficile de savoir comment le public perçoit le génie génétique en biotechnologie.
Cela soulève une autre question difficile: est-ce que cela peut être la seule raison d'être d'une nouvelle loi? Avons-nous vraiment besoin d'une loi sur les gènes pour traiter ce que nous pensons être la perception du public? Je ne suis pas en faveur d'une loi sur les gènes. Je pense que d'une certaine façon, cela réduit la portée du processus réglementaire actuel. Cela ne me paraît pas opportun.
J'ai consulté bien des lois sur les gènes dans le monde, et il semble que l'on ait beaucoup de difficulté à définir ce qu'est un produit transgénique et un produit non transgénique.
Je pense que le système canadien est tout à fait approprié dans la mesure où il vise les effets environnementaux et la toxicité. À mon avis, c'est un des avantages réels de ce système. S'il comporte des faiblesses, je crois que nous devrions pouvons les régler directement. Il y a des problèmes de transparence et de participation du public, voilà le genre de chose sur lequel nous devons nous concentrer.
J'ajouterai que lorsqu'on révisera le système de réglementation, il faudra examiner l'applicabilité des lois que nous avons déjà.
Le président: Merci. Vous avez soulevé un point très important sur l'intérêt des pouvoirs législatifs envers la perception ou la réalité. Nous pourrions avoir une table ronde passionnante là-dessus en y consacrant trois jours.
William Leiss.
M. Leiss: Merci, monsieur le président.
N'oubliez pas que je parle non pas de biotechnologie, mais de génie génétique, ce qui n'est pas la même chose. Pour ce qui est de la perception du public, ce n'est pas le gouvernement qui risque de mal comprendre le public dans ce cas, c'est l'industrie. L'industrie du génie génétique aura certainement son Three Mile Island, elle pourrait même avoir son Tchernobyl - c'est inévitable, ou presque - et la question est de savoir si le public comprendra à ce moment-là suffisamment le risque pour faire la différence. Three Mile Island et Tchernobyl, ce n'était pas la même chose. Au rythme où nous allons, le public ne comprendra pas et il paniquera.
Je comprends parfaitement M. Dagenais lorsqu'il souligne qu'au Canada, au cours des 75 dernières années, en de nombreuses occasions, nous avons réglementé à la fois le processus et le produit, et parfois séparément; il n'y a rien là de nouveau. Cela l'intéressera sans doute de savoir qu'en tant que chercheur, j'ai eu une conversation très instructive avec des gens qui travaillaient pour Art Olson à Agriculture Canada. Je leur ai dit que j'essayais d'éclairer la question de la distinction entre produit et processus, ce qui est le fondement du système de réglementation fédéral, depuis sa création en 1992-1993. J'ai dit que j'aimerais voir la documentation assemblée à l'époque pour documenter le choix de réglementer le produit et non le processus. Ils ont cherché - et je crois qu'ils ont réellement cherché, ce sont des gens honnêtes - , mais il n'y a rien, il n'y a aucune documentation. C'est un choix qui a été fait par pure commodité bureaucratique et rationalisé par la suite. C'est un fait. Il n'y a pas de documentation montrant que des arguments ont été avancés d'un côté ou de l'autre.
Je tiens maintenant à aborder la question du double emploi. Il n'y a pas de double emploi. On ne propose pas d'examiner deux fois le même produit. C'est la façon dont les choses fonctionneront car c'est bel et bien ce que nous aurons à un moment donné. Je vais prendre l'exemple de l'insuline qui peut être produite d'une façon ou d'une autre.
Si, par la science et la technologie, vous agissez directement sur l'ADN, vous devez faire examiner le processus par une agence spécialement désignée. Cela peut se faire très tôt dans le cycle de développement du produit. Ainsi, vous aurez une réponse et vous n'aurez pas à recommencer. Par le biais de ces examens - qui sont obligatoires - l'agence aura une connaissance globale de tous les processus approuvés au Canada. Aucun n'y échappera. L'agence aura également le devoir de communiquer au public les tenants et aboutissants de ce processus, les risques, les avantages et les options qui y sont associées. Elle agira à titre d'organisme d'examen préalable pour toutes les applications, qu'elles soient alimentaires ou pharmaceutiques, ou qu'il s'agisse de dépollution, etc. Elle ne fera donc pas double emploi.
Merci.
M. Norena: Je voudrais d'abord répondre à M. Winfield: il est vrai que les articles de la LCPE sur les produits toxiques et la biotechnologie sont regroupés actuellement, mais dans la version de la loi décrite dans la réponse du gouvernement, nous avons choisi de les séparer et de faire en sorte que la biotechnologie soit traitée globalement et à part.
Nous avons vérifié auprès de nos conseillers juridiques, qui nous ont assurés que la définition de toxique dans l'article 11 de la LCPE couvrira en fait le concept de biodiversité. Nous sommes rassurés sur ce point.
M. Winfield: Je ne vois vraiment pas comment vous pouvez englober les mots «conservation» et en particulier «utilisation durable de la biodiversité», qui sont les termes utilisés au paragraphe 8b) de la Convention sur la diversité biologique, dans la définition actuelle de «toxique» de la LCPE, surtout dans le contexte des définitions et de l'application de la définition qui a été faite pendant le processus PSL1. Ce serait vraiment tiré par les cheveux.
Le président: Monsieur Norena, voulez-vous répondre?
M. Norena: Je pense que nous nous sommes fiés largement aux conseils de nos avocats pour déterminer en quoi les retombées peuvent affecter la biodiversité. Je crois qu'il y a du vrai dans ce que dit M. Windfield.
En dernier lieu, j'aimerais revenir sur la question soulevée par M. Asselin au sujet des chevauchements et du double emploi notamment entre les niveaux fédéral et provincial. Ce n'est pas une question qui se pose à ces niveaux. Personnellement, j'aime les chevauchements parce qu'ils créent des filets de sécurité pour la protection environnementale. Ce qui me préoccupe davantage c'est que le chevauchement devienne double emploi car cela signifie que nous ne gérons pas nos destinées ni nos programmes comme il convient.
Je discute avec certains collègues provinciaux de la Loi canadienne sur la protection environnementale depuis un certain temps, et je les ai informés à propos de la biotechnologie et du régime de réglementation qui existe actuellement au Canada. Ils sont tout à fait satisfaits de voir qu'il s'agit d'une responsabilité fédérale. Ils me l'ont assuré à plusieurs reprises.
Ce n'est donc pas une question de double emploi aux niveaux fédéral et provincial. Nous devons les informer davantage de ce que font les autres ministères publics. Je l'ai fait en renseignant mes collègues et Art Olson l'a fait également au sujet de la réglementation. Mais il faudrait davantage d'information. C'est le seul point que je voulais aborder.
Le président: Merci. Nous arrivons à la dernière période. M. Michaliszyn, M. Mayers,M. Dagenais puis M. Olson.
M. Michaliszyn: Merci.
Pour ce qui est du double emploi, en réponse à Bill Leiss, je continue à dire qu'il existerait et qu'il serait important.
De la façon dont on présente les choses, presque toute l'information biologique devrait passer par une seule agence. Mais si l'on prend l'exemple de l'insuline et de sa production par la méthode d'extraction par opposition à la production génétique, il y aura toujours double emploi puisque la méthode d'extraction relèvera de la structure organisationnelle actuelle et la méthode de recombinaison de la nouvelle agence. Il faut maintenir l'expertise au sein des deux organismes, et il y a donc double emploi. Il faudra certainement engager beaucoup plus de gens, et le même produit serait réglementé par deux organismes différents.
Pour ce qui est de la contribution du public, je pense qu'il a déjà l'occasion de participer à l'élaboration des règlements quand il sont publiés dans la Gazette, et même plus tôt, dans certains cas. On ne devrait pas avoir l'impression qu'il n'y a pas de consultations. Il est toujours possible d'améliorer le processus et nous devons chercher à le faire. La contribution du public est tout à fait souhaitable pour que la réglementation soit élaborée en comprenant bien les besoins du public et de l'industrie.
On a beaucoup parlé de la question de la réglementation axée sur le produit plutôt que sur le processus. Je suis toujours surpris d'entendre dire que nous ne réglementons pas le processus, mais uniquement le produit. En fait, nous réglementons les deux. Essayez de produire un nouveau vaccin au Canada, vous verrez si l'on réglemente simplement le produit final. Il faut obtenir une autorisation pour les installations. Chaque étape du processus est réglementée, contrôlé puis approuvée. C'est donc un mythe que de penser que le processus n'est pas réglementé.
M. Leiss: Mais enfin, ce sont des déclarations de vos propres fonctionnaires que je cite.
M. Michaliszyn: Enfin, j'aimerais parler du système de réglementation du Canada. Ce système est en fait très respecté au plan international et considéré comme un modèle par d'autres pays qui veulent établir des systèmes semblables. Il assure la sécurité, tant sur le plan humain que du point de vue de la protection de l'environnement et ce, d'une façon qui ne fait pas obstacle au développement économique.
Je crois que notre système est bon. Si nous passions à une seule agence de réglementation des produits transgéniques, nous aurions beaucoup plus de problèmes à définir la biotechnologie et ses limites. Nous serions rapidement aux prises avec de très graves problèmes de définition. Merci.
Le président: Merci.
M. Mayers, M. Dagenais et M. Olson, puis nous aurons une réfutation de M. Leiss pendant quelques minutes et nous conclurons là-dessus.
M. Mayers: Merci, monsieur le président.
Pour faire suite aux dernières observations sur l'aspect international, je dirais que nous avons certainement largement participé aux consultations internationales sur l'élaboration même des processus qui existent actuellement au Canada. De fait, comme on l'a dit, la méthode canadienne a servi de modèle à plusieurs pays et sert encore de modèle pour l'évaluation de la sécurité des produits alimentaires dans le cadre des travaux qui se déroulent actuellement en vue d'élaborer des normes internationales dans ce domaine.
Quant à la question du processus par rapport au produit, avant même que le débat soit lancé au Canada, des discussions avaient déjà eu lieu au niveau international. Dès les années 90, un groupe de consultation composé d'experts de la FAO/OMS notait qu'il n'existait pas de risques uniques associés à l'application de la technologie de la recombinaison de l'ADN à la production de produits alimentaires.
Les prémisses sur lesquelles le cadre réglementaire a été établi dans ce domaine découlent des discussions menées au Canada mais aussi au niveau international. Nous avons également été très actifs à cet égard, et comme on l'a dit, nous avons fourni des modèles à d'autres pays. Le premier commentaire de Margaret Gadsby - que notre système est un des meilleurs du monde - est, je crois, tout à fait vrai, comme le prouve d'ailleurs le fait que notre modèle est suivi par les autres lorsqu'ils veulent élaborer leurs propres processus.
[Français]
Le président: Monsieur Dagenais, s'il vous plaît.
M. Dagenais: En ce qui a trait à la question de la gestion du risque, on ne peut pas s'attendre à ce qu'il y ait un risque absolument nul. Nous pensons qu'il faut prendre en considération à la fois le dommage et la probabilité de réalisation du dommage et aussi tenir compte d'autres critères. Par exemple, existe-t-il sur le marché des produits qui sont plus sécuritaires? Si c'est le cas, la gestion du risque doit en tenir compte et ne pas introduire des nouveaux produits qui sont plus risqués mais qui présentent des avantages strictement économiques. Cela doit faire partie d'un choix social et non pas d'un choix purement scientifique.
En ce qui a trait aux critères d'évaluation des nouveaux produits, on fait valoir que les critères scientifiques doivent être les seuls à être pris en compte par l'agence réglementaire. Il faut être conscient d'une part que, dans l'évaluation de l'efficacité, de l'innocuité et de la pureté des produits, il y a des marges d'erreur.
Je lisais récemment qu'au niveau de l'hormone de croissance humaine recombinante produite par la biotechnologie, certaines études en Angleterre indiquent qu'on n'a pas de preuve statistique qu'elle augmente la taille des gens à qui on l'administre. Cela fait plus de dix ans qu'on utilise ce produit et, quant à son efficacité, il y a une remise en question de cette hormone chez les humains et chez les enfants. Même dans le cas de la somatotrophine bovine, l'efficacité n'était pas clairement établie. Donc, il faut reconnaître que les critères scientifiques peuvent être remis en question tôt ou tard à mesure que les données entrent et que de nouveaux outils d'analyse deviennent disponibles.
Les critères d'éthique, par exemple, doivent être résolus au niveau sociopolitique avant que les nouveaux produits et les nouvelles technologies entrent en jeu. Par exemple, dans le cas de l'injection régulière de l'hormone chez la vache, il s'agit d'une nouvelle technologie, d'un nouveau procédé.
Actuellement, dans les manuels d'instruction des producteurs, on ne parle pas de l'utilisation des hormones pour augmenter la productivité des animaux. On a des prescriptions pour l'utilisation de médicaments pour soigner les maladies, etc. C'est un nouveau domaine d'application, et on doit d'abord traiter de cela avant d'accepter les nouveaux produits.
Il y a aussi les considérations socioéconomiques. Le gouvernement doit tenir compte des besoins véritables de la population avant de décider d'encourager telle technologie ou telle autre technologie.
On sait qu'au Canada, le gouvernement investit beaucoup d'argent au niveau des biotechnologies et très peu d'argent au niveau de l'agriculture biologique. Il y a eu des choix de faits à ce niveau-là. On a opté pour une nouvelle technologie parce qu'on a considéré que cela offrait plus de possibilités à long terme et que cela pouvait peut-être améliorer la productivité en termes économiques et peut-être avoir plus d'impact. Par contre, on a délaissé un secteur de la population qui avait un certain besoin, qui faisait une demande.
Donc, des choix sont faits au niveau des ressources de recherche et de développement qui, selon moi, font appel aussi à des choix de valeurs qui doivent être pris en compte dans un débat plus large, qui dépasse les seules considérations scientifiques.
En ce qui a trait à la question de l'évaluation des produits sur la base des considérations socioéconomiques, à tout le moins, l'efficacité d'un produit doit être prouvée clairement avant qu'il ne soit mis sur le marché. Ce n'est pas au marché de décider si un produit est efficace ou pas. Nous remettons en question, entre autres, l'efficacité de la somatotrophine bovine quand on prend en considération un ensemble de facteurs, dont l'impact sur la santé animale, la réaction des consommateurs, etc.
Donc, une évaluation globale de ces facteurs-là doit être faite avant qu'on investisse des millions et des millions pour un produit dont la société ne voudra peut-être pas.
Le président: Merci, monsieur Dagenais.
[Traduction]
Le président: Monsieur Olson.
M. Olson: Merci, monsieur le président. Un des avantages de l'âge c'est d'avoir fait des expériences auxquelles on peut se référer. Je me rappelle le débat sur la question du produit par rapport au processus: elle était au centre d'une réunion nationale qui s'est tenue en 1988 avec tous les organismes de réglementation de l'industrie et du gouvernement, les chercheurs et les consommateurs. Cette question a fait l'objet de bien des débats.
Je pense que ce à quoi M. Leiss fait allusion, c'est la documentation qui a fait l'objet d'une présentation au gouvernement de l'époque, en 1992. Comme vous le savez, monsieur le président, ces documents sont confidentiels, mais le débat qui a abouti au cadre réglementaire que nous connaissons actuellement avait déjà eu lieu.
Quant à la BST - simplement pour le rappeler à tous - il me semble bien que le produit n'est pas homologué au Canada. Je comprends très bien le point soulevé par M. Dagenais sur les risques, mais il y aura toujours de nouveaux produits, et il faut adapter le processus de gestion du risque en conséquence.
À propos d'hormones - on en utilise de toutes sortes dans le monde, et certaines remontent à des temps déjà lointains. Je ferais remarquer que dans le secteur de l'élevage du bétail, on castre depuis des siècles de jeunes taureaux pour que l'animal grossisse plus rapidement. Il s'agit d'augmenter ou de modifier le processus hormonal pour obtenir un animal plus gros.
On peut utiliser toutes sortes de techniques. La technologie envisagée actuellement, est déjà utilisée la plupart du temps ou sera modifiée au cours des prochaines années à mesure que l'on progressera.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, pour conclure, je donne la parole à M. Leiss.
M. Leiss: Je vais dire maintenant quelque chose qui va sans aucun doute surprendre certains membres de cet auditoire. Je ne veux pas être dogmatique sur cette question, ni sur une autre, d'ailleurs. Je pense que cette discussion est utile et qu'elle se poursuivra pendant de nombreuses années car, même si Ed Norena a dit qu'une énorme quantité de produits passent actuellement par le système, ce n'est rien par rapport à ce que nous aurons dans l'avenir. C'est ou cela pourrait être, si tout va bien - la technologie de l'avenir.
Mais je pense qu'en réalité, c'est l'industrie qui court le plus de risques à cet égard, et elle devrait considérer avec attention ce qui est arrivé à l'industrie nucléaire, qui a jugé de haut pendant très longtemps la perception du risque par le public. Bien que cette technologie soit très bonne, surtout au Canada, avec la technologie CANDU, on ne peut la vendre nulle part, même dans notre propre pays. Cela pourrait aussi bien arriver à l'industrie du génie génétique si elle n'a pas la sagesse de tenir compte du public et de la façon dont il perçoit le risque.
J'ai un test à vous proposer. Je vais attendre de voir si une des agences canadiennes qui prétend réglementer le génie génétique va donner au public des informations sur le satillitisme de l'ARN, et si je n'en entends pas parler, j'aurai ma réponse.
Le président: Pourriez-vous préciser, pour ceux d'entre nous qui ne sommes pas très familiers avec ce sujet?
M. Leiss: Vous avez certainement lu dans le Globe and Mail de la semaine dernière un article de Stephen Strauss sur ce sujet, rédigé à partir d'une nouvelle étude signalée dans le magazine Science. Les chercheurs ont été choqués de découvrir que quelque chose d'imprévu s'était produit dans une modification génétique d'une matière virale, et que la mutation plus dangereuse en vient à dominer complètement la culture virale dans laquelle elle se développe. Ils ne s'attendaient pas du tout à ce résultat.
J'aimerais que quelqu'un discute de la nature et du contrôle de ce risque avec le public. Merci.
Le président: Merci.
Nous avons eu 29 interventions. Cette table ronde a été très vivante. Je suppose que les parlementaires vont maintenant devoir digérer et absorber tous les sujets qui ont été soulevés et peut-être, comme le dit Shakespeare, décider s'ils veulent être ou ne pas être - s'il faut appuyer la réglementation du processus ou du produit; laquelle des deux méthodes est la plus appropriée dans l'intérêt du public? Je ne sais vraiment pas. Il y a des arguments très convaincants des deux côtés, et nous aurons l'occasion d'en discuter plus à fond en comité un de ces jours.
Nous avons une autre table ronde dans l'après-midi, à 15h30. Nous serons heureux d'accueillir ceux qui veulent y participer également, mais pour le moment, en mon nom et au nom de mes collègues, M. Knutson, M. Asselin, M. Taylor, Mme Kraft Sloan, Mme Payne et M. Forseth, je tiens à vous remercier tous de votre participation et de toute l'information que vous nous avez fournie.
La séance est levée jusqu'à 15h30.