[Enregistrement électronique]
Le mardi 19 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Vous représentez la Canadian Cattlemen's Association, et vous êtes les bienvenus. Comme nous n'avons pas vos noms, je vous invite à vous présenter individuellement. Vous pourrez ensuite exposer vos vues sur le projet de loi.
M. Jim Turner (directeur, Canadian Cattlemen's Association): Je m'appelle Jim Turner; je viens de l'Alberta.
M. Tim Andrew (directeur, Canadian Cattlemen's Association): Je m'appelle Tim Andrew, et je viens également de l'Alberta.
M. Yves Ruel (analyste en politiques, Fédération canadienne de l'agriculture): Je m'appelle Yves Ruel.
M. Geoff Wilson (vice-président, Comité national de l'environnement agricole): Je m'appelle Geoff Wilson. Je suis un petit producteur de fruits et de légumes de l'Ontario.
Mme Sheila Forsyth (directrice exécutive, Comité national de l'environnement agricole): Je m'appelle Sheila Forsyth. Je représentais le Comité national de l'environnement agricole et la CCA au groupe d'étude.
Le président: Merci.
Qui veut commencer? Monsieur Turner.
M. Turner: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. Tim et moi sommes éleveurs de bétail; nous sommes des exploitants de ranch de troisième génération en Alberta. Nous vous remercions de nous offrir la possibilité de prendre la parole devant le comité au nom de la Canadian Cattlemen's Association.
Le projet de loi concernant la protection des espèces en péril comporte un certain nombre de points qui nous préoccupent sérieusement. Je tiens à préciser que nous appuyons également l'exposé que le Comité national de l'environnement agricole va faire ici tout à l'heure.
Je voudrais commencer par quelques brèves remarques sur des points qui nous paraissent importants dans ce débat. Les producteurs de bétail sont propriétaires de vastes territoires dans les régions mises en valeur du Canada; ils exploitent des terres où vivent toutes sortes d'espèces sauvages, dont certaines sont menacées et en voie de disparition. Il est incontestable qu'au Canada comme ailleurs il est impossible de protéger la faune et les habitats fauniques sur les terres appartenant à des particuliers sans la coopération volontaire de ceux-ci.
Chez les éleveurs de bétail, la protection de la faune et de ses habitats sur leurs terres est une vieille tradition. Les éleveurs ont collaboré avec des groupes de défense de l'environnement et des organismes gouvernementaux pour assurer le succès de divers programmes de protection des espèces et des écosystèmes.
La protection de l'habitat faunique sur leurs terres est cependant coûteuse pour les éleveurs de bétail. Elle cause en effet des pertes de revenu et de débouchés, ainsi que de l'augmentation des coûts dus aux dégâts causés par les espèces sauvages et par le public. La plupart des éleveurs de bétail sont tout à fait disposés à contribuer à la protection de la faune, mais toute loi qui les contraint à renoncer à une partie de leurs revenus ou à accroître leurs coûts doit prévoir des mesures de compensation.
Le projet de loi qu'étudie le comité représente une approche de style américain à la protection des espèces en voie de disparition. On peut s'interroger sur l'efficacité de cette approche et sur l'importance des coûts qu'elle a entraînés. Les règlements et leur application jouent un rôle très important dans cette approche qui comporte très peu d'éléments susceptibles d'encourager la coopération volontaire et la formation de partenariats. À notre avis, sous sa forme actuelle, le projet de loi n'aboutira qu'à la création de conflits entre les propriétaires fonciers et les groupes de protection de l'environnement et il compromettra l'avenir de la faune vivant sur des terres appartenant à des particuliers.
Dans la mesure où le projet de loi s'applique aux activités qui se déroulent sur des terres appartenant à des particuliers, les mesures d'application, et en particulier la possibilité de rechercher individuellement des solutions, dissuaderont les producteurs de protéger la faune et ses habitats et pénaliseront les producteurs qui le feront. Il est indispensable que le processus de désignation des espèces et l'élaboration de programmes de rétablissement comportent un examen des impacts de ces mesures sur les propriétaires fonciers, ainsi que des moyens d'atténuer ces impacts, sous forme de compensation, par exemple.
Sur le plan des principes, nous sommes opposés à une délégation aux particuliers des responsabilités incombant normalement au gouvernement en ce qui concerne l'application d'une loi de ce genre. À notre avis, une telle disposition créera des conflits entre les groupes intéressés; elle rendra la situation confuse, elle accroîtra les coûts et déclenchera d'interminables litiges entre les diverses parties.
Je voudrais replacer la participation de la Canadian Cattlemen's Association dans son contexte. Nous représentons environ 100 000 éleveurs de bétail au Canada. Nous sommes le secteur le plus important de l'agriculture canadienne dont nous avons assuré 18 p. 100 des recettes monétaires en 1995.
Au total, notre secteur contribue près de 20 milliards de dollars à l'économie nationale. Il contribue également 1,2 milliard de dollars par an à la balance commerciale du Canada, grâce aux exportations de viande de boeuf et de bovins sur pied.
La production de vaches et de veaux est la base du secteur de l'élevage bovin. Cette production utilise de vastes zones impropres à la culture, qui demeurent dans leur état naturel, ou peu s'en faut. Sur ces terres, vivent également de nombreuses espèces animales et végétales, dont certaines sont en péril.
Dans les régions mises en valeur du Canada, les éleveurs de bétail possèdent et exploitent probablement plus de terres offrant un habitat propice à la faune que n'importe quel autre secteur. Ils ont donc nécessairement un rôle extrêmement important à jouer dans le succès des programmes destinés à protéger les espèces en voie de disparition et à empêcher que d'autres espèces ne soient menacées.
Nous considérons que les deux énoncés suivants sont la clé de voûte de toute tentative du gouvernement pour assurer une protection efficace de la faune dans les zones mises en valeur du Canada: la protection des espèces en voie de disparition et des espèces menacées ne peut pas être efficace sur les terres appartenant à des particuliers sans volonté de coopération de la part de ces derniers; or, les éleveurs de bétail possèdent et exploitent de vastes territoires dans les zones mises en valeur du Canada où vivent des espèces sauvages diverses, dont des espèces en voie de disparition et des espèces menacées. Nous estimons également que la grande majorité des éleveurs de bétail souhaitent protéger les aires naturelles qu'ils utilisent, et aussi leur faune. Le fait que les terres que possèdent et exploitent les éleveurs sont souvent visées par des mesures de protection, est bien la preuve que ces producteurs les exploitent de manière responsable. En fait, nombreux sont les producteurs qui n'apprécient pas du tout qu'on laisse entendre qu'ils ne sont plus capables de fournir la protection qu'ils ont manifestement assurée jusqu'à présent, ou qu'ils ne sont plus disposés à le faire.
Les éleveurs de bétail ont apporté leur coopération à un certain nombre de projets conjoints destinés à améliorer l'habitat faunique et à protéger certaines espèces. C'est le cas, par exemple, des programmes gérés par Canards Illimités, dans le cadre du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine; c'est aussi le cas du programme Chouettes des terriers dans les Prairies. Ces programmes ont donné d'excellents résultats et ont deux caractéristiques essentielles: ils sont bénévoles et coopératifs et ils font appel à une égale participation des producteurs et des groupes de protection de l'environnement.
En dehors de ces programmes coordonnés, un grand nombre de producteurs assurent individuellement la protection des aires d'habitat faunique. Lorsque certaines espèces sont en péril, les éleveurs sont en général disposés à prendre les mesures nécessaires pour maintenir leur existence, une fois avertis qu'il existe un problème.
Il faut bien reconnaître que ces mesures de protection ne sont pas gratuites pour les éleveurs. Les coûts sont divers: perte de revenu parce qu'il faut mettre des terres de côté ou ne pas les exploiter au maximum; perte de fourrage à cause des restrictions sur le plan de l'utilisation; perte de fourrage à cause de la faune; pertes dues aux prédateurs. Il y a aussi d'autres coûts moins évidents dus au fait que le public a plus largement accès aux zones réservées à la faune, ce qui augmente les risques d'incendie, de harcèlement des animaux par les chiens et les gens, sans oublier les barrières laissées ouvertes et le vandalisme délibéré.
Il y a aussi un problème croissant de responsabilité. La plupart des éleveurs de bétail sont prêts à assumer une partie du fardeau, en particulier lorsqu'ils le font déjà à titre bénévole. Il faut cependant tenir compte du fait que les coûts sont supportés par un secteur réduit au profit de l'ensemble de la société. Si la société oblige les propriétaires fonciers à encourir ces coûts, comme le prévoient certains articles du projet de loi, la société doit être également prête à dédommager ceux qui sont obligés d'assumer les frais.
Les éleveurs de bétail considèrent qu'il est indispensable de prévoir des mesures de compensation pour les coûts supportés par les terres privées du fait de la protection des espèces en voie de disparition prévue par la loi. À moins que cette question ne soit réglée dans le projet de loi, la protection de la faune donnera lieu à des conflits constants et à d'interminables procès. Il y a des années que nous sommes témoins des querelles très coûteuses qui opposent les Américains devant les tribunaux.
Il est bien évident que si aucune compensation n'est prévue, les restrictions imposées par la loi à l'utilisation des terres et les poursuites contre des activités agricoles normales que pourraient intenter certains groupes d'intérêts pénaliseront en fait ceux qui ont volontairement essayé de protéger la faune. Cela contraindra tous les propriétaires fonciers à songer sérieusement à des moyens de mieux se protéger contre les mesures législatives.
La solution la plus évidente et la moins coûteuse serait d'éliminer les habitats d'espèces sauvages existant sur leurs terres, en particulier les habitats qui attirent des espèces qui pourraient un jour figurer sur la liste de celles qui sont en voie de disparition. C'est ce qui est arrivé dans de nombreuses régions des États-Unis à cause de ses lois et c'est pourquoi nos voisins recherchent aujourd'hui des solutions plus axées sur la coopération.
Les actions en justice et les pertes économiques que ces mesures législatives seraient susceptibles de provoquer pourraient obliger les éleveurs de bétail à envisager l'élimination des habitats d'espèces sauvages sur leurs terres, en particulier lorsqu'il s'agit d'espèces inscrites sur la liste prévue par la loi.
Je crois que les éleveurs de bétail réagiraient plus favorablement si on leur tendait une carotte au lieu de les menacer d'un bâton.
M. Andrew: Je suis exploitant de ranch de troisième génération. Ma famille exploite 17 000 acres, presque totalement d'herbe indigène et un peu d'herbe cultivée. Trente des espèces inscrites sur la liste vivent sur nos terres. Nous sommes donc très soucieux de savoir l'effet que cette loi aura sur nos activités quotidiennes.
La Canadian Cattlemen's Association a étudié le projet de loi avec soin et a consulté des juristes et des scientifiques. Nous avons quelques remarques d'ordre général à faire. Nous n'aimons pas du tout le ton et l'approche d'ensemble de ce projet de loi. À notre avis, il fait la part trop belle aux règlements et aux sanctions et pas assez, tant sans faut, aux mesures incitatives et à la coopération bénévole.
C'est une approche qui ne convient pas pour les zones mises en valeur du Canada qui sont utilisées par un nombre relativement important de petits producteurs agricoles. Nous vivons de la terre. Comme nous vous l'avons déjà dit, l'importance excessive accordée aux règlements et à leur application aura l'effet inverse de celui qui est attendu et encouragera les propriétaires fonciers à se débarrasser des espèces qui pourraient être inscrites sur la liste.
Nous recommandons que l'on modifie le projet de loi de manière à renforcer le soutien à la protection des espèces sur les vastes superficies de terres déjà utilisées à d'autres fins. Pour cela, il faudrait prévoir des mesures d'incitation et de coopération, au lieu de s'appuyer sur la réglementation et les sanctions.
Dans les régions mises en valeur de notre pays, il est impossible d'envisager des mesures de protection des espèces sauvages sans tenir compte de leurs conséquences économiques et sociales. Le projet de loi ne fait aucune mention de ces conséquences. Il ne comporte aucune mesure de compensation, en particulier pour les coûts supportés par certains secteurs de la société au profit de l'ensemble de la société.
Nous recommandons donc que l'on tienne compte, dans le projet de loi, des conséquences sociales et économiques de ses exigences et que l'on prévoie des compensations pour les personnes dont les coûts seront augmentés ou les revenus seront réduits. Nous proposons que l'on ajoute la phrase suivante au préambule:
- Que les mesures prises en vertu de cette loi tiennent compte des conséquences sociales et
économiques qu'elles auront sur les personnes concernées.
- Cet énoncé viendra compléter l'engagement du gouvernement fédéral en faveur du
développement durable.
Certains articles du projet de loi comportent également des dispositions qui constituent une ingérence dans des domaines traditionnellement réservés aux provinces. Nous doutons de la constitutionnalité de ces articles. Point encore plus important, nous considérons que ce genre de mesures crée un climat d'incertitude et un chevauchement des responsabilités qui ne peuvent que compromettre l'atteinte des objectifs réels de la loi, à savoir la protection des espèces sauvages. Nous recommandons que les articles de la loi qui constituent une ingérence dans les domaines de responsabilité des provinces, soient modifiés.
La disposition qui autorise des particuliers ou des groupes à prendre l'initiative de poursuites lorsqu'ils estiment que les gouvernements ont fait preuve de négligence nous inquiète beaucoup. À notre avis, pour être adéquate, la protection de toutes les espèces sauvages dépendra de la coopération et de la volonté de tous les groupes intéressés, en particulier les groupes de propriétaires exploitants.
Le fait qu'un groupe intéressé puisse intenter une action en justice qui pourrait porter un grave préjudice aux intérêts d'autres parties ne contribuera certainement pas à favoriser la coopération. En fait, le projet de loi encourage la formation de groupes d'autodéfense de l'environnement. On pourrait y voir une tentative destinée à éviter les responsabilités et les coûts des mesures de contrôle appropriées normalement assumés par l'État.
Nous doutons de la légitimité de ces mesures. Nous ne sommes pas convaincus que la loi offre des moyens suffisants pour empêcher des actes irresponsables ou futiles. Si le gouvernement veut encourager les Canadiens à assumer individuellement son rôle en ce qui concerne l'application d'une loi de ce genre, il faut prévoir des dispositions pour que les personnes touchées puissent recouvrer tous les coûts encourus par elles à cause d'une action futile.
La loi devrait peut-être prévoir l'obligation pour un particulier de déposer une caution avant d'entamer des poursuites. Seuls les gens vraiment sérieux seraient alors encouragés à le faire. Nous recommandons que le projet de loi soit modifié afin de rendre impossible à des particuliers et à des groupes d'entamer leurs propres poursuites; à défaut, on pourrait inclure des dispositions permettant le recouvrement de tous les coûts par les personnes touchées par ces poursuites, lorsque ces poursuites sont jugées inutiles.
Nous croyons que les sanctions proposées sont disproportionnées par rapport aux infractions. Étant donné que la loi prévoit des amendes cumulatives en cas de récidive et en fonction du nombre d'espèces concernées, il pourrait arriver qu'une personne qui fait paître ses vaches dans une prairie qui lui appartient se retrouve en prison et y purge une peine plus longue que s'il avait commis un meurtre.
Nous considérons que le terme «résidence» a besoin d'être défini de manière plus précise. Il faudrait notamment s'assurer qu'il ne s'applique qu'aux aires reconnaissables établies par l'espèce et actuellement occupées par elle.
Mesdames et messieurs, vous avez ici l'occasion d'élaborer une loi qui, si elle est fondée sur le respect mutuel et sur la coopération, permettra de répondre aux besoins de nos espèces sauvages les plus vulnérables. Le projet de loi actuel amènera tout au plus l'observation des règlements, mais il ne favorisera pas l'activisme volontaire nécessaire pour assurer la conservation des espèces en péril. Vous avez ici l'occasion d'amener les propriétaires et les gestionnaires d'une grande partie du territoire où vivent ces espèces... si vous pouvez respecter nos besoins. La conservation des espèces en péril est possible, mais pour cela, le respect mutuel et la coopération s'imposent.
C'est à vous de jouer, et j'espère que vous ferez de votre mieux au cours de vos délibérations.
Le président: Merci.
Monsieur Ruel.
M. Ruel: La Fédération canadienne de l'agriculture vous remercie de lui avoir permis de vous rencontrer aujourd'hui. Le président de la FCA, Jack Wilkinson, vient tout juste de rentrer de Rome où il a participé au Sommet de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture sur la sécurité des aliments à titre de délégué officiel du Canada et regrette de ne pouvoir assister à la rencontre.
La FCA comprend l'objectif du projet de loi C-65. Les agriculteurs, dans la même proportion que le reste de la population canadienne, désirent protéger et, si possible, repeupler les espèces menacées de disparition. Malheureusement, la FCA ne peut appuyer les dispositions de la...
[Français]
Le président: Vous pouvez parler en français si vous le voulez.
M. Ruel: Je parlerai en français dans la deuxième partie.
Le président: C'est comme vous voulez.
M. Ruel: Merci.
[Traduction]
Malheureusement, la FCA ne peut appuyer les dispositions de la législation telle qu'elle existe à l'heure actuelle. Une mesure législative n'arrivera pas à sauver une espèce en voie de disparition. Les êtres humains y arriveront, particulièrement les propriétaires fonciers ou les gestionnaires constitués en grande majorité d'agriculteurs.
Le projet de loi C-65 n'incite pas les gens à agir dans le bon sens. En fait, le projet de loi met l'accent sur la méthodologie servant à l'accusation et à la poursuite des intéressés. Au moins le tiers des dispositions portent sur ces éléments.
Un autre volet important du projet de loi vise l'enchâssement dans la loi d'un système bureaucratique compliqué traitant des espèces menacées de disparition. Ce système entraînera inévitablement d'énormes frais de fonctionnement. Nous sommes conscients du fait qu'il n'y a pas de nouvelles sources de financement disponibles en vue de la mise en oeuvre de cette loi et que les fonds devront donc provenir des programmes déjà en place à Environnement Canada. Par ailleurs, nous ne pensons guère nous tromper en affirmant que les sommes nécessaires seront certainement puisées à même les programmes déjà bien établis sans que le nouveau système change quoi que ce soit.
Il n'y a aucun doute que la législation sur les espèces menacées de disparition puisse, en théorie, invoquer la disposition concernant la paix et l'ordre ainsi que le bon gouvernement. Il y a une possibilité que la mesure survivrait à une contestation d'ordre constitutionnel. En outre, tout porte à croire qu'elle ne sauverait pas une autre espèce.
De véritables efforts de collaboration doivent être déployés en vertu d'un accord-cadre national ou d'une entente afin de procéder à la meilleure utilisation des ressources disponibles actuellement et dans l'avenir. Cet accord inclurait non seulement le gouvernement, mais également les groupes et les intervenants du secteur privé. À l'heure actuelle, cette mesure constitue une accusation portée d'emblée envers toute personne qui tire sa subsistance de la terre.
[Français]
Pour être juste, il faut modifier le système en place. D'une part, le COSEPAC a indubitablement besoin de capitaux pour élargir son champ d'action et agir efficacement. D'autre part, les priorités doivent être restructurées dans le but de reconnaître le rôle de l'habitat de manière plus appropriée.
La mesure législative proposée répond au premier objectif mais non au deuxième. Encore une fois, nous nous retrouverons dans une situation où certains spécimens seront considérés comme d'éventuelles pièces de musée et non comme des organismes vivants qui ont besoin d'un environnement approprié à leur espèce pour exister, survivre et se développer.
Aussi, même si l'on décrit un processus de création d'équipes de rétablissement, les intervenants n'y sont pas directement inclus. On confère plutôt à ces derniers un statut de consultant. En d'autres termes, un propriétaire foncier ou un gestionnaire peut être témoin de l'utilisation de sa terre, mais ne peut participer à la prise de décision à cet égard.
Une autre préoccupation ayant trait au projet de loi concerne le manque de clarté des dispositions qui portent sur les espèces outre-frontières et interprovinciales ainsi que sur le regroupement des responsabilités fédérales actuelles, par exemple celles visant les oiseaux migrateurs.
Si une loi fédérale musclée est mise sur pied, les propriétaires doivent connaître les règles du jeu sans se faire imposer des mesures en attendant que le gouvernement prenne des décisions définitives.
En bref, nous désirons souligner que la loi ne doit pas porter sur les terres privées, ce qui semble être le cas maintenant; c'est-à-dire que les dispositions s'appliqueront de façon ponctuelle, cas par cas, et que la population et les particuliers ont un rôle positif à jouer dans un esprit de collaboration en ce qui concerne la protection et la survie des espèces menacées d'extinction.
Le gouvernement ne peut assumer toute la responsabilité dans ce dossier. De fait, il n'arrivera pas à ses fins s'il décide d'agir seul. Il faut tenir compte des répercussions socioéconomiques au moment de la mise en oeuvre de la loi. Un vieil adage dit qu'on ne peut pas forcer les gens. Nous ne voulons pas que la situation entourant les espèces menacées de disparition s'envenime.
Les agriculteurs sont prêts à faire leur part. Ils veulent cependant être traités comme des êtres humains intelligents et non comme d'éventuels criminels. À titre de membre du Comité national de l'environnement agricole, la FCA approuve le mémoire détaillé présenté par cet organisme. Nous vous demandons de bien vouloir suivre les recommandations qui en découlent.
Si vous avez des questions, nos collègues du CNEA pourront y répondre. Merci.
Le président: Merci, monsieur Ruel.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre monsieur Wilson.
M. Wilson: Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je voudrais corriger une remarque faite ce matin, qui était incorrecte. Entre le recensement agricole de 1971 et celui de 1991, la superficie des terres agricoles amendées a diminué de un pour cent. On pourrait invoquer plusieurs raisons pour cela. Les pressions commerciales, la mise en jachère des terres fragiles ou non productives, et les pressions de l'expansion urbaine sont certainement des raisons valables. Il n'en demeure pas moins inexact de dire que la superficie des terres agricoles amendées augmente au Canada.
Nous avons quelques remarques à faire sur le ton général du projet de loi et je voudrais faire moi-même des observations sur certains points précis de ce texte. Nous avons d'ailleurs apporté un rapport du Comité national de l'environnement agricole qui est à votre disposition.
Les membres du CNEA considèrent que, dans l'application de la loi, on ne peut pas se permettre d'oublier certains objectifs communs et le principe de base: nous voulons tous protéger les espèces en voie de disparition. Pour que ce projet de loi donne vraiment des résultats, un processus d'ouverture et de transparence est absolument indispensable. Il faut trouver un moyen efficace d'identifier, de coopérer au rétablissement et à la protection des espèces sauvages. Il faut aussi éviter toute situation où des litiges et des procès coûteux absorbent des ressources qui devraient être utilisées pour les espèces sauvages. Un effort conjoint s'impose donc pour trouver des moyens de s'assurer que le public est parfaitement au courant des possibilités qui s'offrent et aussi pour promouvoir les partenariats.
Le CNEA tient à ce que les efforts soient axés sur les activités de conservation et non sur la mise en place d'un processus trop bureaucratique et coûteux. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire en est un bon exemple.
Le CNEA est favorable à une approche préventive holistique de la conservation des diverses espèces. Les activités de conservation devraient conduire à l'abrogation de la Loi sur la protection des espèces en péril dans quelques années, parce qu'elle ne sera plus alors d'aucune utilité.
Nous avons quelques remarques de caractère général à faire sur le projet de loi lui-même. L'importance de la participation du public est reconnue, mais nous souhaiterions que le travail bénévole de qualité qui se fait déjà soit mieux souligné et apprécié.
Il faut que le projet de loi accorde plus d'importance à la coopération et aux partenariats. Il ne contient aucune référence précise au principe de compensation, ce qui est regrettable; c'est un point à revoir.
D'une façon générale, le projet de loi ne tient aucun compte de la notion socio-économique de développement durable; une correction s'impose.
Ce qui nous inquiète également, c'est que le projet de loi semble mettre l'accent sur des questions qui nous paraissent secondaires et nous craignons que son caractère bureaucratique possible ne nuise aux efforts déployés sur le terrain. Le ton du projet de loi donne l'impression que les activités humaines sont toujours préjudiciables aux espèces en voie de disparition; il faut revoir cela. En outre, il a un ton punitif et met l'accent sur l'adoption de règlements excessivement contraignants.
Nous espérions qu'on nous présenterait un projet de loi qui favoriserait la coopération, les partenariats, et qui comporterait des mesures incitatives au lieu de nous menacer de lourdes amendes. Cela risque de freiner, au lieu d'encourager ceux qui seraient prêts à appuyer les efforts fédéraux en faveur de plans de rétablissement.
L'opinion qu'ont les gens de l'importance d'une question peut être influencée par le volume du texte qui décrit celle-ci. Nous espérions que la véritable raison d'être de ce projet de loi était de renforcer les moyens d'action du COSEPAC, de donner un fondement juridique au processus des plans de rétablissement, mais le gros du projet de loi est consacré à l'application des règlements et au dépôt d'accusations en cas, que nous espérons fort rares, d'atteinte à la protection des espèces en voie de disparition, et cela nous inquiète. Cela risque de donner l'impression que le seul objet de la loi est l'engagement de poursuites. C'est un point à corriger et à bien préciser.
Le peu d'importance accordée aux partenariats et autres activités du même genre risque de jouer un rôle crucial dans le succès de ce projet de loi. La question de l'éducation et de la sensibilisation du public nous inquiète aussi beaucoup.
Nous allons maintenant illustrer les points qui nous inspirent des réserves et ceux auxquels nous sommes favorables, mais je vous renvoie à notre mémoire pour plus de détails sur les autres questions qui nous préoccupent.
Nous applaudissons le paragraphe 7(2) concernant les accords avec les organisations et les personnes, et nous sommes heureux de voir la disposition concernant l'accord sur des partenariats avec d'autres personnes en vue de la protection des espèces en péril, mais nous voudrions étudier plus à fond les détails de ces ententes - la partie complémentaire du processus - notamment en ce qui concerne l'éducation du public, les mesures incitatives et, en cas de besoin, le versement d'une compensation lorsqu'il devient impossible de continuer à utiliser des terres essentielles. Des éclaircissements s'imposent à ce sujet.
Permettez-moi de passer maintenant au paragraphe 8(2). Nous souhaiterions que cette partie de l'accord prévoie des mesures incitatives et aussi des mesures de compensation. C'est un point à préciser le plus tôt possible.
À l'alinéa 36(1)a), nous sommes heureux de voir que les interdictions ne s'appliquent pas aux activités destinées à protéger la santé - notamment celle des animaux et des végétaux. Il est absolument nécessaire que le gouvernement et d'autres organisations conservent le pouvoir d'intervenir lorsque l'approvisionnement en vivres est menacé, en particulier dans le cadre de la Loi sur la santé des animaux et de la Loi sur la protection des végétaux.
Nous sommes d'accord avec les dispositions de l'article 38 concernant la protection de l'habitat au stade du plan de rétablissement afin de permettre un examen approfondi des meilleures méthodes de rétablissement des espèces. Nous sommes aussi d'accord avec l'inclusion des espèces pour lesquelles il n'est pas possible de trouver d'habitats mais dont le rétablissement peut être assuré grâce à des mesures non liées à l'habitat. D'autre part, l'intervention au stade du rétablissement permet aussi de rechercher des partenaires. Nous prenons pour acquis que la référence à la détermination des habitats essentiels dans le rapport de situation ne reflète pas exactement les rubriques du rapport et que cela sera rectifié.
Ce sont les points qui manquent de précision qui nous préoccupent. Le préambule couvre tout ce qui a trait à la société et à l'importance nationale et internationale des espèces sauvages, mais il passe sous silence le rôle et l'importance de l'utilisation durable des terres. Nous vous recommandons d'adopter les termes utilisés par le groupe d'étude à cet égard et de les ajouter au préambule. Dans notre mémoire, nous présentons également quelques commentaires.
Certaines définitions nous inspirent des réserves, en particulier celles de l'«habitat essentiel» et de la «résidence», points que nous examinons plus en détail dans notre mémoire.
Nous craignons que le paragraphe 3(2) concernant le champ d'application du projet de loi ne s'applique aux terres privées, alors qu'on nous a constamment assuré que, sous réserve d'un accord de partenariat pour la réalisation d'un plan de rétablissement, ce projet de loi ne s'applique pas aux terres appartenant à des particuliers.
Passons maintenant au paragraphe 4(1) concernant les sociétés d'État. Au cours des séances d'information, on nous a assuré que la Société du crédit agricole conservera son statut, mais nous souhaiterions qu'on nous le confirme et qu'on nous dise quel sort sera réservé aux terres assujetties au programme de crédit agricole. Il est indispensable de tenir compte du fait qu'un million d'acres environ appartiennent à la Société du crédit d'agricole et sont placées sous son contrôle.
En ce qui concerne le paragraphe 20(2) relatif aux rapports de situation, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de déterminer un habitat essentiel ou une menace pour celui-ci pour faire un rapport de situation. À notre avis, la détermination d'un habitat essentiel retarderait et entraverait l'inscription sur la liste. Nous pensons également que le rôle du COSEPAC n'est pas d'exprimer des jugements sur la menace mais seulement de décrire les facteurs contraignants pour l'espèce concernée. Là aussi, nous avons proposé un texte précis dans notre mémoire.
L'article 22 et les autres articles concernant la désignation d'urgence et l'ordre à suivre devraient, comme l'indiquait le groupe d'étude, être limités aux situations inhabituelles ou extraordinaires, de manière à ne pas contourner les décisions du COSEPAC concernant l'ordre et les priorités.
Nous ne sommes pas d'accord avec le choix des termes utilisés dans les interdictions prévues au chapitre 31. Vous savez peut-être qu'aux États-Unis, l'interprétation du mot «prendre» est responsable d'un grand nombre de problèmes liés au harcèlement de propriétaires fonciers privés. Nous estimons, comme nous l'avons déjà dit, qu'un meilleur choix d'interdictions serait possible et que l'on pourrait s'inspirer pour cela des termes utilisés dans la loi australienne: tuer, détruire, endommager, collecter, faire commerce, garder, ou déplacer. Dans notre mémoire nous proposons de réécrire ces articles.
L'apparition soudaine de l'article 33 est une surprise dont on se serait bien passé. Nous voudrions que cet article soit clairement explicité. Le but poursuivi semble être de ne pas limiter les interdictions aux terres domaniales et d'aller au-delà des autres restrictions de l'article 3. Nous en concluons que cela affecterait les terres privées. Nous croyons comprendre que tout cela est fondé sur les dispositions du Code criminel relatives à la cruauté à l'égard des animaux, d'où la référence aux animaux seulement, et nous sommes contre cette inclusion.
En vertu du paragraphe 38(2) concernant le plan de rétablissement mentionné au paragraphe 38(2), seuls les gouvernements sont identifiés comme participants, et selon l'article 39, d'autres organisations doivent être consultées. Nous croyons que les autres groupes devraient participer directement à la planification et à la mise en oeuvre prévues au paragraphe 38(2), au lieu d'être simplement consultés. Nous demandons que cela soit changé.
Nous avons plusieurs questions à poser au sujet de l'article 46 relatif à un système de permis.
Nous constatons que l'article 47 autorise l'utilisation de systèmes de permis dans le cadre des lois existantes. Y a-t-il eu consultation au sujet de la charge de travail? Autrement dit, cela se fera-t-il? Cela peut-il se faire? Environnement Canada établirait-il un groupe chargé de délivrer des permis? Est-ce économique ou utile? Comment définir le terme «touchant», qui peut aussi avoir une connotation positive? Existe-t-elle ici ou non? Aucun délai n'est prévu pour une révision. Est-ce une omission? Il faudrait mieux expliquer l'interaction entre les dispenses et les interdictions.
Nous nous demandons comment l'article 49 relatif à la révision des projets pourrait être mis en oeuvre, et nous avons besoin de plus de temps pour étudier les conséquences de l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Encore une fois, nous tenons pour acquis, que les dispositions ne s'appliqueraient qu'aux terres domaniales.
L'article 56 relatif à la demande d'enquête et l'article 60, relatif à l'action en protection des espèces en voie d'extinction, nous inspire des réserves. L'idée qu'un particulier fasse le travail du gouvernement pour faire observer la loi, nous gêne, ainsi d'ailleurs que l'imprécision en ce qui concerne l'endroit où l'infraction pourrait avoir lieu. Là encore, nous tenons pour acquis que ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux terres domaniales. Des éclaircissements s'imposent.
Nous estimons également que de telles enquêtes absorberaient une partie des fonds et de l'énergie nécessaires pour assurer la protection des espèces. Nous recommandons la radiation de ces deux articles.
Quant à l'article 77 relatif aux infractions et peines, je vous avouerai que nous avons été époustouflés par l'énormité des amendes et des peines. Est-ce bien nécessaire? Ne serait-il pas préférable de relier aussi ces dispositions aux exceptions prévues par l'article 36? Pour que cela soit bien clair, il faudrait que le numéro des articles relatifs aux règlements et aux arrêtés d'urgence soit inclus dans le texte.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci, monsieur Wilson.
Mme Forsyth: Je suis ici pour répondre aux questions soulevées au sujet du groupe d'étude et de divers autres points.
Le président: Très bien.
[Français]
Monsieur Asselin.
M. Asselin (Charlevoix): Je comprends un peu votre inquiétude en tant que producteurs agricoles, mais je me demande pourquoi vous êtes préoccupés par le projet de loi C-65. Vous savez comme moi que le gouvernement fédéral, par ce projet de loi, va répondre à tout le monde et satisfaire tout le monde.
Pendant les audiences, il va entendre des gens qui sont favorables au projet de loi C-65, d'autres qui sont contre et d'autres qui seront d'accord pour la protection des espèces en péril au Canada, mais pas chez eux. C'est un peu votre situation. On est pour le projet de loi qui vise à protéger les espèces en péril au Canada, mais pas sur ses terres privées. À ce moment-là, le gouvernement fédéral va adopter le projet de loi C-65 sans aucune conséquence.
Ça va contenter tout le monde: ceux qui sont pour vont avoir une loi, ceux qui sont contre vont savoir qu'elle est non applicable et ceux qui ne veulent pas que cette loi s'applique chez eux seront également satisfaits. Il n'y a aucun moyen de contrôler ce projet de loi C-65.
C'est bien beau de passer un projet de loi, mais il faut avoir le moyen de veiller à son application. D'un autre côté, il faut aussi qu'il y ait des sanctions pour ceux qui ne respectent pas la loi.
Il ne suffit pas au fédéral de faire passer un projet de loi pour satisfaire certains. Si on adopte une loi pour protéger les espèces en péril, il faut lui donner un cadre qui comprend le contrôle, l'application et les sanctions.
Si on n'utilise pas tous ces moyens pour mettre en oeuvre le projet de loi C-65, les producteurs agricoles n'ont pas besoin d'être inquiets. Ça ne s'appliquera pas au producteur agricole privé, et cela ne s'appliquera pas non plus aux autres parce que le gouvernement fédéral n'aura pas les moyens financiers de se doter d'agents de contrôle. Prenons l'exemple de la sécurité routière. S'il n'y a pas d'agents pour contrôler la circulation, le règlement de la sécurité routière ne sert à rien puisque les gens s'arrêteront au feu quand bon leur semblera. Ça ne donnera donc rien.
Le président: Monsieur Asselin, voulez-vous poser votre question?
M. Asselin: Je pense que le gouvernement fédéral devrait informer les provinces de sa préoccupation concernant la protection des espèces en péril au Canada.
Le fédéral devrait demander aux provinces de légiférer dans un délai spécifique. Il devrait les obliger à se doter d'une loi, à voir à son application et à établir des sanctions.
Le Québec, par exemple, a légiféré pour protéger l'orignal. Il était interdit, pendant les deux dernières années, de tuer la femelle de l'orignal. Le chevreuil a également été contrôlé dans le Parc de la Gaspésie, ce qui a eu pour effet de faire augmenter le nombre des chevreuils.
Seriez-vous d'accord pour que l'application du projet de loi C-65 soit de compétence provinciale?
Le président: Monsieur Asselin, vous savez qu'il y a eu une réunion politique à Charlottetown, n'est-ce pas? Vous êtes au courant?
M. Asselin: Oui.
Le président: Il y a eu une rencontre, une déclaration et un rapport.
[Traduction]
Qui veut répondre à la question de M. Asselin?
M. Andrew: Bien évidement, la Canadian Cattlemen's Association et tous les exploitants de ranch sont partisans de la conservation de toutes les espèces sauvages qui habitent sur leurs terres. Pour les plus vulnérables d'entre elles, nous recommandons la coopération, qui est probablement la méthode la plus économique de conservation de ces espèces. Cependant, comme il n'y a pas d'autre choix que d'observer les règlements ou de subir toutes les rigueurs de la justice, nous serons obligés de ne faire que le strict minimum, au lieu de prendre nous-mêmes l'initiative de faire encore mieux. C'est pour cela que nous considérons que le projet de loi est un échec ou, si le terme est trop fort, qu'il a besoin d'être remanié.
Je répondrai à votre question en disant que c'est aux autorités provinciales qu'incombe la responsabilité de la protection des espèces sauvages, car elles sont beaucoup plus proches de la terre; ce sont elles qui gèrent nos terres partout au Canada, ce qui nous paraît extrêmement important. C'est donc bien une responsabilité provinciale.
Les articles qui permettraient de passer outre à cette responsabilité - par exemple, les articles 33 et 60 - nous font franchement peur car ils enlèvent tout contrôle à ceux qui l'exerçaient traditionnellement et, à notre avis, un tel transfert d'autorité est une erreur.
Certains de mes collègues ont peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.
Mme Forsyth: Nous considérons que la protection et la conservation des espèces en péril sont une responsabilité qui doit être assumée à plusieurs niveaux. Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, et c'est à vous de déterminer ce rôle en ce qui concerne les terres domaniales et le reste. Les gouvernements provinciaux ont un rôle à jouer; les bénévoles et les propriétaires particuliers ont un rôle à jouer. Nous considérons que des accords devraient être conclus avec tous ces gens-là et que ces accords pourraient comporter des compensations ou la passation de contrats, mais il faudrait le faire à plusieurs niveaux complémentaires, en évitant les chevauchements.
Nous reconnaissons qu'en cas de nécessité, des sanctions doivent être imposées. Aucun d'entre nous n'a dit le contraire, je crois, mais ces sanctions devraient être raisonnables; il ne devrait pas être possible d'expulser quelqu'un de sa ferme pour une erreur non intentionnelle.
Je pense donc qu'il vous appartient d'édifier un système dans lequel les rôles seraient complémentaires et qui fonctionnerait dans un contexte national. Il faut que vous fassiez en sorte que ce système fonctionne pour tout le monde au Canada et que vous vous assuriez que les propriétaires fonciers y ont leur place et se sentent à l'aise pour collaborer avec les provinces et les autorités fédérales. Je crois que la coopération est la clé du succès.
M. Wilson: Je vous dirai carrément que nous sommes en avance sur les deux ordres de gouvernement dans ce domaine. Une éthique de la conservation commence à se développer chez les exploitants agricoles, comme en témoignent des initiatives telles que le Plan agricole de protection de l'environnement en Ontario et le travail effectué par les éleveurs de bétail canadiens, en particulier dans les provinces de l'Ouest. Dans ce domaine particulier, les règlements et les sanctions ont certainement un rôle à jouer. Cependant, comme on vient de le dire, alors qu'il y a tout au plus de deux à cinq pour cent de gens qui se moquent totalement de l'objectif de ce type de loi ou de la protection des espèces en péril, ce qui nous fait peur, c'est qu'on fait passer les règlements avant tout le reste. Certes, comme le disait Tim, les règlements ont leur rôle, mais ils vont être établis en fonction du plus petit commun dénominateur. À notre avis, nous sommes déjà en avance sur vous sur ce point.
Le président: Monsieur Forseth.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Merci, monsieur le président. Je souhaiterais céder ma place à M. Benoit qui ne peut pas assister souvent aux séances du comité et qui a un certain nombre de préoccupations à exprimer.
Mais auparavant, je voudrais savoir si vous croyez que la législation ontarienne fonctionne et si elle est nettement moins ambitieuse que l'accord qui a été signé avec les provinces. Vous donnez l'impression d'être horrifié par cette législation alors qu'elle ne s'applique pas aux terres de particuliers et qu'il existe pourtant une loi sur les espèces en voie de disparition en Ontario. J'aimerais avoir votre avis. Si la loi ontarienne fonctionne, quel problème le projet de loi fédéral pose-t-il?
M. Wilson: En Ontario, c'est la loi sur les espèces en voie de disparition qui a fait l'objet d'un examen. Un certain nombre de propositions ont été faites mais un grand nombre d'entre elles demeurent en suspens en attendant l'adoption de la loi fédérale. COSSARO est l'acronyme utilisé en Ontario et j'ai une copie des documents devant moi. Sans trop vouloir entrer dans les détails, l'idée de base est qu'il faut faire face aux réalités financières, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement provincial, en particulier celui de l'Ontario. Les ressources ne sont pas suffisantes pour qu'un gouvernement puisse se permettre d'avoir la main trop lourde. Dans le cas de l'Ontario, il faudrait littéralement des dizaines d'inspecteurs.
C'est la raison pour laquelle la province compte presque exclusivement sur les partenariats et sur les pressions des pairs chez les propriétaires fonciers, afin de dissiper le mythe selon lequel la pire situation dans laquelle un propriétaire foncier peut se trouver est d'être la seconde personne à découvrir une espèce en voie de disparition sur ses terres. Le but poursuivi est de créer un sentiment de fierté chez ceux qui découvrent une de ces espèces et de leur montrer qu'ils ont un rôle très personnel à jouer dans la conservation de cette espèce et peut-être même, dans l'amélioration de sa situation. C'est manifestement le but que poursuit le gouvernement de l'Ontario. De toute façon, il n'a pas le choix.
M. Forseth: Voulez-vous dire par là que la loi fédérale ne fonctionne pas? Qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour l'appliquer et que c'est la raison pour laquelle vous ne vous en préoccupez pas?
M. Wilson: L'Ontario occupe une place à part étant donné que la plus grande partie de la forêt carolinienne se trouve dans le sud de l'Ontario. Si l'on interprète ce projet de loi, cela devient la responsabilité du gouvernement ontarien.
La loi ne fonctionne pas? Pour revenir à nos commentaires sur la sensibilisation des parties intéressées, c'est un point auquel une beaucoup plus grande importance sera accordée dans la nouvelle révision proposée. Bien souvent, il s'agit simplement de sensibiliser le propriétaire foncier au fait qu'il y a une espèce sauvage quelconque sur ces terres. Au lieu de venir lui dire qu'il y en a une sur ses terres et qu'il faut qu'il fasse telle ou telle chose, il faut lui proposer une collaboration.
À propos du fonctionnement de la loi ontarienne, il est bon de noter qu'elle a été rédigée à une époque où les ressources financières étaient abondantes, mais en Ontario la situation financière générale est en train de changer profondément. La province n'a plus les ressources nécessaires pour appliquer la loi originale. À l'époque où tout le monde semblait être partisan d'une approche accusatoire à ces questions... Aujourd'hui, c'est la formule de la collaboration entre les agriculteurs qui prévaut - c'est une tendance qui se développe également à l'échelon national - et les trois niveaux de gouvernement qui, en Ontario, sont les ministères de l'Environnement, des Ressources naturelles, de l'alimentation et des affaires rurales.
Nous sommes tous prêts. Il n'y aura pas de surprise mais il est regrettable que ce soit jeudi après-midi que se tiendra notre séance d'information sur les mesures que l'Ontario a l'intention de prendre en fonction des résultats probables du processus fédéral.
M. Forseth: M. Benoit pourrait-il poser quelques questions?
Le président: Oui.
M. Benoit (Végréville): Merci.
On a l'impression que vous êtes tous obnubilés par la question des droits fonciers et par le droit d'être propriétaire de ses terres et d'en tirer jouissance. Comme vous le savez bien sûr, il n'y a pas à proprement parler de droit de propriété dans notre pays. Un des objectifs du Parti réformiste depuis sa création est d'obtenir l'enchâssement des droits de propriété dans la Constitution. On ne pourrait plus alors vous empêcher d'utiliser vos biens sans vous accorder compensation. C'est là dessus que vous avez concentré vos observations et j'aimerais avoir votre réaction à ce sujet.
Premièrement, pensez-vous qu'en vertu de cette loi, il est possible que les propriétaires fonciers soient privés de la jouissance de leurs biens? Deuxièmement, croyez-vous qu'en vertu de la forme actuelle de la loi, il y aurait une compensation si cela se produisait?
M. Andrew: Si nous interprétons bien les séances d'information organisées par Environnement Canada, l'article 33 permettra la prise de possession de terres privées, publiques et domaniales administrées par des personnes telles que moi-même afin d'assurer la conservation d'espèces en voie de disparition. Cela revient à faire passer les besoins d'une espèce en voie de disparition bien avant mes besoins financiers et l'obligation pour moi de pourvoir aux besoins de ma famille, et cela, même si j'ai une hypothèque à payer, des factures à acquitter, des notes à rembourser. C'est donc une puissante raison pour moi de ne pas jouer le jeu et de ne pas en faire encore beaucoup plus pour la conservation des espèces en voie de disparition ou toute autre forme de conservation.
M. Benoit: Deuxièmement, je lis dans le mémoire des éleveurs de bétail que:
- Les résultats obtenus par le gouvernement dans ses efforts pour protéger les espèces sur
lesquelles il exerce un contrôle direct (la morue franche et le saumon du Pacifique, par exemple)
ne sont pas de nature à inspirer confiance dans sa capacité d'élaborer et d'appliquer des mesures
de protection à long terme.
M. Wilson: Je crois qu'un des dilemmes est de savoir si nous voulons continuer à vivre dans le passé et à nous contenter de réagir ou si nous sommes prêts à regarder vers l'avenir. C'est tout ce que nous suggérons, et rien de plus. Il y a des besoins à satisfaire. Nous sommes prêts à collaborer; nous sommes fermement convaincus de la valeur des partenariats. On parle de prises et de droits fonciers, mais il y a aussi le mot «gérer» là-dedans - il s'agit de la gestion collective, en collaboration, de l'espèce ou de l'habitant. Nous prenons presque pour acquis que cela ne va pas marcher. Or, nous pensons qu'il y a là une excellente occasion d'étudier ce genre de collaboration et, bien sûr, il y aura des échecs aussi bien que des succès. Comment exploiter ces succès et tirer des leçons des échecs? Si nous commençons à accuser certains et à les montrer du doigt comme cela s'est fait lorsque les stocks de saumon ou de morue ont commencé à s'épuiser, c'est presque aller à l'encontre du but recherché.
Voyons plutôt ce que nous pouvons faire pour l'avenir et essayons d'obtenir des résultats concrets, tangibles qui montrent que nous avons réussi à sauver une espèce en voie de disparition et que nous pouvons tous en être fiers.
M. Turner: Je crois qu'il faut signaler que les programmes bénévoles, tels que celui de la chouette des terriers et la tentative de rétablissement du renard véloce, sont prometteurs car ils ont permis de sauver certaines espèces. Cela montre aussi que l'on compte sur les éleveurs de bétail pour qu'ils maintiennent certaines de ces espèces en péril sur leurs terres. Nous protégeons leur habitat, parfois depuis des générations, et nous l'avons fait bénévolement, sans aucune compensation financière, bien longtemps avant que les questions d'environnement soient à l'ordre du jour.
M. Benoit: À propos de cet article, vous indiquez donc dans votre mémoire que le programme bénévole a donné de meilleurs résultats que n'importe quel programme truffé de règlements que cette loi pourrait mettre en oeuvre.
M. Turner: Exactement. Je crois que ce que beaucoup de gens craignent c'est qu'une fois que le gouvernement intervient et commence à les obliger à faire diverses choses... La plupart des exploitants de ranch et des agriculteurs n'apprécient guère une réglementation excessive. Si vous êtes obligé de protéger vos arrières chaque fois que vous faites quelque chose, vous ferez tout votre possible pour l'éviter. Si donc il y a chez vous un habitat potentiel qui risque de poser plus tard de sérieux problèmes, il est peut-être dans votre intérêt d'abattre les arbres ou de labourer le champ pour éliminer le futur problème. Ce n'est pas une solution très constructive pour les espèces en voie de disparition pas plus, d'ailleurs, que pour notre industrie.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Benoit.
Monsieur Knutson.
[Traduction]
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci, monsieur le président.
Si je comprends bien, ce que vous recommandez c'est que l'observation des règlements soit totalement volontaire chez les propriétaires fonciers? Qu'il n'y ait pas de sanction pour avoir détruit un nid...?
M. Andrew: Nous souhaiterions que le terme «résidence» soit défini de manière plus précise. Dans le projet de loi, il désigne une aire spécifique «ou tout autre endroit semblable habituellement occupé par l'individu pendant tout ou partie de sa vie». Nous étendons cette définition à tous les endroits où cet animal pourrait décider de s'installer pendant sa vie.
M. Knutson: Pourquoi ne pas vous en tenir à ma question? Supposons qu'un oiseau d'une espèce en voie de disparition a son nid sur votre ferme. Vous voulez, en vertu de la loi que votre observation des règlements soit considérée comme purement volontaire parce que le nid se trouve sur des terres privées, c'est bien cela?
M. Andrew: Non, nous recommandons qu'on adopte la définition du groupe d'étude selon laquelle une «résidence» est un nid effectivement occupé.
M. Knutson: Je ne veux pas me laisser entraîner dans un débat sur la définition de nid. Ce qui m'intéresse, c'est la question de l'observation volontaire. Supposons qu'il y ait, sur votre ferme, un nid occupé par des membres d'une espèce en voie de disparition. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que les oiseaux et les oeufs sont là et que comme un oiseau franchit les frontières, cela relève de la compétence fédérale. Voulez-vous dire que votre observation des règlements serait uniquement volontaire? Vous ai-je bien compris, ou non?
M. Andrew: Je crois que les propriétaires fonciers doivent accepter une certaine part de responsabilité.
M. Knutson: Sur le plan légal ou volontairement?
M. Andrew: Sur le plan légal, indiscutablement.
Il demeure que vous obtiendrez de meilleurs résultats si vous amenez ce propriétaire foncier à la table et si vous lui dites qu'il lui serait possible de mieux gérer cette affaire et d'accroître le nombre des membres de l'espèce concernée au lieu de lui dire, que s'il ne fait pas ce que vous voulez, vous allez lui infliger une amende de 50 000 $.
M. Knutson: Je n'en disconviens pas mais je voudrais simplement être sûr que nous sommes d'accord sur le fait qu'en fin de compte, si l'observation volontaire ne fonctionne pas, des sanctions seront imposées.
M. Andrew: Oui, nous croyons effectivement que le projet de loi devrait prévoir des moyens de pression sans quoi, tout ce que nous faisons ici c'est brasser inutilement du papier.
M. Knutson: Je partage votre avis, mais je ne suis pas certain que tout le monde soit d'accord là-dessus.
Permettez-moi d'utiliser l'exemple de la circulation routière. Nous encourageons l'observation volontaire des règlements. Nous encourageons les gens à conduire avec courtoisie et prudence - la circulation sur nos routes est vraiment fondée là-dessus - mais cela ne vous empêche pas d'être exposé à des sanctions si vous faites des excès de vitesse ou si vous conduisez après avoir bu.
M. Turner: Si une personne détruit volontairement le nid d'une espèce en voie de disparition, j'estime qu'elle devrait être punie. Mais si quelqu'un, en labourant son champ passe accidentellement sur un nid sans même savoir qu'il était là, je ne pense pas qu'il devrait être sanctionné.
M. Knutson: L'intention est en effet un élément fondamental de la responsabilité.
Il est dit ici que le projet de loi C-65 autorise la conclusion d'accords de conservation avec des particuliers et des organisations et qu'il porte que les plans de rétablissement doivent être élaborés en consultation avec les collectivités qui pourraient être directement touchées par ces plans. Dans le même esprit de coopération, quelles autres mesures pourraient être intégrées à la loi afin d'encourager le propriétaire foncier à prendre des mesures de conservation?
En outre, étant donné qu'à la fin de votre exposé vous avez dit que ce projet de loi pourrait amener certains propriétaires fonciers à détruire délibérément une espèce en voie de disparition sur leurs terres, comment vos organisations respectives réagiraient-elles si ces personnes faisaient partie de vos membres? Le fait même que certaines personnes puissent détruire délibérément l'habitat nécessaire à une telle espèce ne confirme-t-il pas que la loi est nécessaire?
M. Turner: Vous avez pu voir qu'aux États-Unis, l'activité économique a été si profondément touchée dans certaines régions que des éleveurs ont détruit des aires de nidification pour ne pas devoir assumer la responsabilité que leur impose cette loi.
La Canadian Cattlemen's Association a adopté plusieurs mesures de coopération fondées sur une approche holistique pour les zones riveraines, sur une méthode d'aménagement des pacages qui facilite le rétablissement d'écosystèmes entiers... Ce sont des méthodes encouragées par les éleveurs de bétail et c'est pourquoi nous pensons que des mesures de coopération donneront de meilleurs résultats que des mesures punitives.
M. Knutson: Mais vous dites que les mesures punitives ont aussi leur rôle. Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur leur sévérité, mais vous dites qu'au bout du compte, les sanctions ont un rôle à jouer.
M. Andrew: Au bout du compte, nous avons toujours un produit qu'il nous faut vendre chaque jour sur le marché. Si certains autres éléments de la société peuvent accuser notre produit de détruire l'environnement, nous aurons un problème de commercialisation.
Par contre, si ces lois permettent aux gens de prendre l'initiative et de faire ce qui s'impose, cela nous évitera un problème à l'avenir.
M. Knutson: J'ai remarqué que quatre provinces ont une loi concernant la protection des espèces en voie de disparition: le Nouveau-Brunswick, le Québec, l'Ontario, le Manitoba. Savez-vous si ces lois ont jamais eu pour résultat de faire perdre son gagne-pain à un agriculteur? Ont-elles créé un certain déséquilibre dans la situation écologique générale?
M. Wilson: Dans le passé, oui. Je crois que c'est une des raisons de la révision entreprise en Ontario. Dans certains cas, le système donnait de bons résultats. Tout dépendait de l'état d'esprit du propriétaire foncier. Mais lorsque l'on essayait de généraliser, cela posait un dilemme à cause du caractère spécifique de chaque cas et de chaque situation.
Dans le passé, les positions étaient parfois très polarisées. Je crois qu'il faut reconnaître qu'en fin de compte, la dernière chose que l'on voulait découvrir sur ses terres, c'était l'habitat d'une espèce en voie de disparition. Je fais là une distinction avec le fait d'essayer de trouver une espèce en voie de disparition.
Avons-nous perdu de vue l'objectif, qui est de protéger les espèces en péril? Cela n'a certainement pas bien fonctionné en Ontario. Les représentants du MRN avaient en fait le droit de pénétrer sur les propriétés privées. Ils ne le faisaient bien sûr pas sans venir au moins frapper à la porte du propriétaire pour lui expliquer qu'ils pensaient qu'il y avait, quelque part sur ses terres, une espèce en péril et pour lui demander s'ils pouvaient aller le vérifier. Or, ces gens-là se sont aperçus que, dans 100 p. 100 des cas, le propriétaire n'a pas la moindre objection à ce qu'ils le fassent. Ce sont les commentaires de ces gens-là, pas les nôtres. Mais il y a une différence fondamentale entre le fait qu'entrer quelque part sans rien demander et celui de demander l'autorisation de le faire.
M. Knutson: Je suis d'accord. La FCA sait-elle s'il y a des problèmes au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et au Québec?
M. Wilson: Il faut bien reconnaître que dans ce genre de situations, il y aura toujours des problèmes. La nature humaine étant ce qu'elle est, il peut y avoir quelqu'un qui mène une véritable vendetta contre toute forme d'intervention gouvernementale pour la simple raison qu'il a eu une contravention pour excès de vitesse, la semaine précédente. Lorsque le gestionnaire de la faune arrive à la ferme, la réaction du propriétaire n'a rien à voir avec l'objet de la visite. Il a simplement eu une contravention pour excès de vitesse dans le cadre d'un autre processus destiné à assurer la sécurité et l'obéissance du public.
Ce qui m'inquiète, c'est que je me demande si vous essayez de noircir la situation.
M. Knutson: Non.
M. Wilson: Chaque élément, chaque succès et chaque échec, présentera des aspects particuliers à cet égard.
M. Knutson: Nous essayons simplement d'adopter une loi qui protège le mieux possible les intérêts du Canada. C'est notre devoir de faire ce qu'il faut.
Je veux simplement ajouter quelque chose pour terminer. D'après les exposés des groupes qui se sont présentés devant vous, j'ai cru comprendre que le projet de loi n'était pas assez musclé. Vous, par contre, semblez considérer que le projet de loi est trop exigeant. Je m'interroge sur le genre de consensus que vous avez pu établir au sein du groupe de travail.
Je sais que c'est une question plutôt générale, et que nous n'avons peut-être pas le temps de la traiter.
Mme Forsyth: C'est une vaste question. Pour ce qui est du groupe de travail, nous nous sommes entendus pour dire qu'il fallait une loi. Il fallait donner des pouvoirs au COSEPAC. Il fallait dresser des plans de rétablissement pour protéger les écosystèmes. Il fallait prévoir des peines. Il fallait prendre d'autres dispositions pour permettre cela. À cet égard, nous étions tous d'accord.
Le groupe de travail s'intéressait aussi à ce qu'il fallait faire en matière de partenariats, en matière d'encouragements et en matière d'éducation et de sensibilisation. Comme Sandy Baumgartner l'a dit ce matin, nous n'avons pas eu le temps d'aborder ces aspects.
Finalement, nous nous sommes rendu compte en tant que groupe de travail que cela était vraiment le noeud du problème. Comment peut-on rédiger une entente pour protéger l'habitat d'une espèce si cet habitat englobe des territoires domaniaux, des terres privées et des terres qui relèvent de la province? Il faut rédiger un accord qui tienne compte de tout cela.
Cet accord pourrait comprendre des encouragements et des projets de programme d'éducation et de sensibilisation à l'intention des propriétaires fonciers et prévoir l'accès des techniciens de la province, qui savent ce qu'il faut faire pour une espèce ou un écosystème donnés. Il faut parfois aussi prévoir des indemnités, si l'agriculteur perd une grande partie de ses terres - qu'il ne peut plus les utiliser - mais accepte le fait. Cela s'inscrit dans les cessions volontaires aux fins de la protection des espèces.
Je crois que c'est là qu'on voit les différences entre les deux groupes. Nous cherchons à mettre l'accent sur le partenariat et non pas sur l'aspect punitif. Nous croyons vraiment que c'est la philosophie à adopter, du moins en ce qui concerne la communauté agricole.
Pour ce qui est de la loi au sens général du terme, le groupe de travail s'entendait relativement bien sur les points dont on a déjà discuté.
M. Knutson: Merci.
Le président: Merci.
Si l'approche volontaire était la seule solution, la situation ne serait pas critique aujourd'hui. J'espère que vous êtes d'accord avec moi sur ce point.
Monsieur Adams.
M. Adams (Peterborough): Merci, monsieur le président.
À mon avis, le problème que nous devons résoudre est la disparition ou la modification de l'habitat, qui entraîne la disparition des espèces. D'ailleurs, je ne vous adresse pas de reproches, je suis aussi coupable que les autres. D'accord? Nous sommes des êtres humains. Nous vivons sur la planète. Pourtant, toutes les preuves mènent à cette conclusion. Ce n'est pas parce que quelqu'un les chasse ou les piège, il n'y a pas d'explication de ce genre au phénomène. Si nous pouvions régler la question de l'habitat, 90 p. 100 du problème serait résolu. C'est pourquoi nous nous attaquons à cet aspect.
Je vais revenir à la question des quatre provinces. Pour l'instant, plus de la moitié du pays est visée par des lois provinciales. Les deux tiers de la population - et, je suppose, les deux tiers des terres privées - du pays sont visés par la loi.
Gar a posé quelques questions à ce sujet, je le sais, mais je n'ai jamais entendu parler de poursuites intentées par les citoyens ni par un gouvernement contre un propriétaire foncier dans ces provinces. On a dit qu'il n'y avait pas suffisamment d'inspecteurs, et je le sais, mais il existe des dispositions, on nous l'a dit ce matin, qui permettent aux citoyens d'intenter des poursuites lorsqu'ils croient que la question est grave. Je n'ai jamais entendu parler d'aucune. Et vous?
M. Andrew: Nous craignons de nous retrouver dans la même situation qu'aux États-Unis, où les groupes de défense de l'environnement sont très bien financés, très actifs, et ont certains autres objectifs à l'esprit. C'est ce que risque d'entraîner le projet de loi appliqué dans un territoire de compétence fédérale, qui échappe au contrôle de la province, et cela pourrait affecter monsieur tout le monde.
M. Adams: Il y a déjà des lois fédérales qui s'appliquent dans ces quatre provinces. Il me semble que nous n'avons pas besoin de boules de cristal. Nous vivons actuellement...
Permettez-moi de m'expliquer. Est-ce que les dispositions prévues dans le projet de loi vont être plus rigoureuses que celles qui sont déjà en vigueur dans ces quatre provinces pour ce qui est des peines sanctionnant la destruction de l'habitat? Dans chacune de ces quatre provinces, l'habitat est protégé dans une certaine mesure. J'oublie les détails qu'on nous a communiqués ce matin. Dans un cas - je sais que c'est en Ontario et qu'un examen est en cours - c'est obligatoire, je crois. Dans deux autres cas, les dispositions sont un peu moins exigeantes.
Nous connaissons déjà ce régime. Il est en place. Est-ce que le nouveau régime sera différent?
M. Wilson: Je crois que l'élément, compte tenu du fait que la plupart de ces lois sont entrées en vigueur... Supposons que c'était il y a au moins quatre ans et au plus dix ans. Cela nous ramène à 1986. Je vous propose une comparaison qui me paraît très pertinente en matière de sensibilisation. En 1988, on ne parlait que de l'alar dans les journaux. C'était la question de l'heure. Puis, on est passé au raisin contaminé au cyanure, qui venait du Chili. Nous avons pris conscience des questions liées à la salubrité des aliments.
Une question venait immédiatement à l'esprit, et elle a été posée: est-ce que les agriculteurs étaient en mesure de bien appliquer les pesticides? C'était une question tout à fait pertinente. La communauté agricole du Canada l'a examinée honnêtement. Nous avons beaucoup appris. Nous avons mis en place des programmes de formation. L'élément clé qui nous manquait avant, toutefois, c'était la sensibilisation. Nous sommes tous coupables à cet égard, que nous soyons agriculteurs, législateurs, environnementalistes ou écologistes. Bien souvent, les arbres nous cachent la forêt.
À mon avis, ce qui manque... Vous avez parlé du nombre de cas qui sont soumis, concrètement, aux tribunaux. Il y en a très peu parce qu'en règle générale, c'est une question de sensibilisation. Exposez le problème à l'intéressé et donnez-lui au moins l'impression que, même s'il est le seul touché sur le plan économique, par les mesures ou par le rétablissement, on reconnaît son sacrifice économique. Nous ne sommes pas suffisamment conscients du fait que tout le monde veut avoir son mot à dire mais que personne ne veut vraiment payer. Si je dois payer, reconnaissez au moins ma contribution.
À l'heure actuelle, en Ontario, dans le cadre du processus de planification agricole, les agriculteurs dépensent 6 $ pour chaque dollar octroyé par les deux ordres de gouvernement.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. De quelle façon pouvons-nous établir un régime qui va donner de bons résultats? Je crois que personne n'exige des millions de dollars d'indemnisation. Et les indemnités ne sont pas toujours uniquement monétaires. Il y a d'autres façons de voir les choses. Très souvent, il suffirait de reconnaître ce que les éleveurs ont fait dans le nord de l'Alberta, par exemple, pour la chouette tachetée ou une autre espèce - quelque chose d'aussi simple que la reconnaissance. Cela aussi peut être considéré comme un dédommagement.
M. Adams: Ma question portait sur la situation en Ontario, est-ce qu'elle va changer après l'adoption du projet de loi? Dans les provinces où la législation est déjà en place, qu'est-ce que nous vivons à l'heure actuelle? Y a-t-il des différences? Ce n'est pas le chaos. Il y a peut-être certaines tensions, mais pas de chaos dans ces provinces. Est-ce qu'il en ira autrement lorsque le projet de loi aura été adopté?
M. Wilson: On a fait remarquer précédemment qu'il fallait se demander de quelle façon les gouvernements successifs allaient interpréter ce que l'on fait aujourd'hui. À mes yeux, c'est une question très pertinente. Si quelqu'un décide d'imposer une loi draconienne, pour une raison quelconque, il est certain qu'il pourrait le regretter plus tard.
M. Adams: Est-ce vrai au niveau provincial, là où ces quatre lois ont été adoptées?
M. Wilson: Oui. Il y a des choses que l'on regrette; c'est ce que je dis. On a des regrets, et le processus fait l'objet d'un examen et sera modifié.
M. Adams: En Ontario, d'accord, mais est-ce aussi le cas dans les autres provinces?
M. Wilson: Je ne peux rien dire au sujet des autres provinces.
M. Adams: Monsieur le président, j'ai l'impression que le changement n'est pas aussi radical que certains de vos collègues semblent le croire.
Revenons-en à cette question de sortir les vaches et de faire disparaître quelques espèces. Je ne suis pas certain que votre position soit bien définie pour l'instant, mais on peut penser que dans chaque cas la diligence raisonnable pourrait être invoquée. Autrement dit, si vous ne saviez pas, si vous n'aviez aucune raison de soupçonner qu'il y avait une espèce menacée et que vous étiez en train de piétiner son nid, ne croyez-vous pas que dans ces circonstances... Dans le cas de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, par exemple, la diligence raisonnable constitue une sorte de protection, n'est-ce pas?
M. Andrew: C'est là qu'intervient la notion d'exclusion. On peut se contenter de poser des clôtures, pour que les vaches ne puissent pas aller sur ce terrain, et on peut indemniser l'agriculteur pour cette perte.
Chez moi, je lâche les vaches le 1er mai. Il peut encore y avoir des tempêtes printanières. Les vaches paissent dans diverses zones de nidification qui ne sont pas considérées comme des habitats. Si, pendant une longue tempête, mes vaches piétinent des broussailles où, comme par hasard, il y a un nid de pie-grièche migratrice, je suis responsable. J'ai laissé les vaches aller dans ce pré et je savais que c'était une possibilité; par conséquent, je ne peux pas invoquer la diligence raisonnable. J'ai couru un risque et je suis responsable. C'est là ce qui m'inquiète.
M. Adams: Mais vous êtes déjà tenu responsable, non? Si cette espèce est visée par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, et que vous détruisez délibérément l'habitat d'une espèce migratrice actuellement protégée par la loi fédérale et internationale, est-ce que vous n'êtes pas déjà touché? Est-ce que cela va changer?
Si vous faites preuve de diligence raisonnable, vous n'êtes pas responsable en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs - ni en vertu du projet de loi que nous présentons ici, monsieur le président, à mon avis. Quelle est la différence?
M. Wilson: Suivant le principe de la diligence raisonnable, il faut soit éviter de laisser sortir les vaches, si on est conscient de la situation, ou simplement clôturer le secteur où niche la pie-grièche. C'est notre interprétation du concept de diligence raisonnable. Ce n'est pas simplement le fait qu'il existe peut-être un risque. Il faut reconnaître le risque et prendre certaines mesures pour le contrer, pour l'atténuer.
M. Adams: Mais je vous le demande encore une fois, qu'est-ce que cela change? Pour l'instant, s'il s'agit d'une espèce migratrice protégée en vertu de la loi fédérale, vous êtes déjà responsable. Y aura-t-il un changement?
M. Andrew: Le changement, c'est que l'on va s'attendre à ce que je cesse d'exploiter cette terre de façon optimale, à ce que je cesse d'y produire, à mon avis. Par conséquent, je perds cette possibilité.
M. Adams: Tout ce que je veux savoir, c'est si, en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, il y a une espèce migratrice - je connais certaines des réponses à mes questions - pour laquelle vous êtes déjà tenu responsable.
M. Andrew: Je ne risque pas d'être récompensé. Je ne vais rien obtenir en retour.
M. Adams: Vous êtes responsable en ce qui concerne les sanctions. Vous commettez une infraction si vous détruisez délibérément l'habitat d'une espèce migratrice.
Monsieur le président, je ne suis pas avocat, je ne sais donc pas précisément quelles sont les peines auxquelles on s'expose, mais elles sont très lourdes.
Selon la loi provinciale, et en vertu de la loi sur les espèces migratrices, les changements que nous envisageons sont de l'ordre - à mon avis ce n'est pas très important. Je crois qu'on peut parler de - et je sais que la question de l'habitat est très délicate. Je sais que vous avez 17 000 acres et je crois comprendre pourquoi c'est... mais ce n'est pas si énorme.
Le gouvernement fédéral peut déjà exercer des sanctions si vous laissez votre bétail piétiner les nids des oiseaux migrateurs. La situation ne sera pas très différente après l'adoption du projet de loi. Vous êtes toujours protégé, à condition de faire preuve de diligence raisonnable.
Vous n'irez pas dans les champs pour détruire les nids. Je sais que vous ne le ferez pas. Je sais qu'il y a peut-être une limite en ce qui concerne la superficie que vous pouvez protéger, mais pendant quelques jours vous pouvez protéger une certaine superficie. Je suis convaincu que c'est ce que vous feriez si vous saviez qu'il y a des oiseaux dans les champs.
M. Turner: Je pense simplement qu'avec l'ajout des articles 33 et 60, surtout quand ils se conjuguent, et la définition des termes résidence et habitat, nous devons nous inquiéter plus encore de ce qu'il y a dans nos champs.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Je veux ajouter quelques mots au sujet de ce queM. Adams disait, parce que de bien des points de vue le projet de loi ne propose pas beaucoup de changements notables. Nous avons déjà la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur les pêches. Quatre gouvernements provinciaux ont adopté des mesures législatives concernant les espèces en péril. Il existe des conventions sur les oiseaux migrateurs depuis le début du siècle, et nous n'avons jamais entendu dire - du moins je ne l'ai jamais entendu dire et vous pouvez peut-être m'éclairer un peu à ce sujet - qu'un fermier ait perdu sa ferme ou son gagne-pain, comme vous le laissez entendre aujourd'hui.
Je me demande si vous connaissez les amendes imposées en vertu de la Loi sur les pêches et de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et si vous pouvez me dire en quoi elles se distinguent de celles prévues dans le projet de loi à l'étude.
M. Andrew: Dans mon ranch de 17 000 acres, je ne suis pas en mesure...
Mme Kraft Sloan: Est-ce que vous avez des nappes d'eau douce?
M. Andrew: Pas du tout. J'utilise uniquement les eaux souterraines ou l'eau de pluie que je recueille pour abreuver mon bétail.
S'il y a déjà des lois en place et toutes ces possibilités de conserver l'habitat grâce à d'autres lois, pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui?
Mme Kraft Sloan: Parce que le projet de loi vise maintenant les territoires domaniaux.
M. Adams: En fait, il y a quelques autres espèces.
M. Andrew: Précisément. La Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ne couvre pas les rapaces. Elle ne protège ni les éperviers, ni la chouette des terriers, ni le faucon pèlerin. Ces espèces ne sont pas visées.
Mme Kraft Sloan: Bien sûr, et c'est une critique qu'on peut adresser à la loi.
M. Andrew: À la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ou au projet de loi à l'étude?
Mme Kraft Sloan: Au projet de loi. C'est une critique, parce que ces espèces sont parfois menacées et en voie de disparition. C'est une critique du projet de loi.
M. Andrew: Mais si vous les inscrivez à la liste, est-ce que vous ne les protégez pas d'une certaine façon?
Mme Kraft Sloan: Non, à moins qu'elles ne soient sur des territoires domaniaux. Y a-t-il un territoire domanial sur votre ranch?
M. Andrew: Il y a des propriétés de la Couronne, qui en principe relèvent de la province. Si vous décrétez qu'il y a urgence, en vertu de l'article 33, ces terres deviennent territoire domanial.
Mme Kraft Sloan: Vous êtes très ennuyés par l'importance des amendes. Les amendes prévues dans le projet de loi sont semblables à celles qu'autorise la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, et les amendes définies dans la Loi sur les pêches sont encore plus sévères.
Le montant des amendes n'est rien de nouveau, ce n'est pas une innovation du projet de loi.
Je ne sais pas si quelqu'un a pris connaissance des témoignages qui nous ont été présentés. Même le Globe and Mail, c'est renversant, a laissé entendre que le projet de loi n'était peut-être pas assez musclé et que le gouvernement fédéral n'assumait pas entièrement ses responsabilités.
Je vais devoir lire de nouveau le projet de loi, mais selon ce que vous nous dites du ton de cette loi et du fait qu'elle serait fondée sur des mesures punitives, etc., vous n'avez évidemment pas lu le même projet de loi C-65 que moi. Cette loi repose sur un grand nombre d'initiatives volontaires qui ont déjà été mises en oeuvre dans notre pays. Le projet de la chouette des terriers en est un bon exemple, et je crois que bien des propriétaires de ranch de votre collectivité sont très fiers de participer à ces programmes.
C'est de cela qu'il s'agit dans le projet de loi, et je suis sidérée que l'on semble parler de deux lois différentes ici. J'imagine que je vais devoir relire le document, parce que je n'y vois pas ce que vous y voyez.
M. Turner: Vous avez demandé si quelqu'un avait perdu sa ferme ou quelque chose comme ça. Je ne crois pas qu'il ait été possible auparavant que des citoyens interviennent dans l'application de la loi, et c'est là, à mon avis, notre plus grand souci. Comme nous l'avons mentionné, nos deux principales inquiétudes touchent les articles 33 et 60, surtout lorsqu'ils sont combinés. Si vous les adoptez, nous entrevoyons de graves difficultés et nous craignons que notre mode de subsistance n'en souffre vraiment.
Mme Kraft Sloan: La charte des droits de l'Ontario n'a entraîné aucune poursuite judiciaire. Personne n'a même invoqué cette disposition. La LCPE nous ouvre de nouvelles perspectives. Elle n'a été invoquée que deux fois depuis 1988 et elle contient toutes sortes de dispositions de protection. Je crois que M. Adams a signalé que si vous faites preuve de diligence raisonnable, vous êtes protégé. Si vous détruisez sciemment une espèce ou un habitat, vous avez vous-même dit qu'il devrait y avoir des sanctions.
Vous avez parlé de sensibilisation, et je crois que nous devons mieux nous entendre avec la Fédération de l'agriculture et avec la Cattlemen's Association au sujet de l'objectif précis de la loi. À titre de secrétaire parlementaire, je serais très heureuse de vous rencontrer et de calmer certaines de vos craintes. La Fédération de l'agriculture, la FCA, a signé le rapport du groupe de travail. Je ne suis donc pas certaine qu'il y ait des différences importantes dans ce cas, et en fait on nous critique parce que nous sommes plus faibles que le rapport du groupe de travail. Nous avons peut-être trouvé un juste milieu.
Mme Forsyth: Je veux préciser que nous déplorons surtout l'absence de reconnaissance de ce que les propriétaires fonciers et la population en général font. Nous avons expliqué dans le mémoire du Comité national de l'environnement agricole que la reconnaissance était accordée sous toutes sortes de formes aux Autochtones, etc., mais on ne reconnaît pas l'agriculture durable, on ne reconnaît pas les efforts des éleveurs et des autres agriculteurs en matière de protection des espèces. Nous le déplorons. Nous avons peur que les dispositions relatives aux ententes et à d'autres choses encore ne soient pas assez précises.
Nous voulons travailler dans le cadre de telles ententes. Il nous est difficile d'interpréter le texte de la loi et de déterminer où nous nous situons dans tout cela. Je crois que c'est la cause de notre inquiétude. Nous avons beaucoup parlé de partenariat. Nous avons parlé de travailler aux divers niveaux de gouvernement et nous ne voyons pas suffisamment de soutien en ce sens dans le projet de loi. Par conséquent, nous nous plaignons du fait que nous ne pouvons pas nous situer aussi facilement que nous voudrions le faire en tant que collectivités agricoles et autres.
Nous ne contestons pas la nécessité d'une loi fédérale qui contienne ces dispositions. Nous croyons que le COSEPAC a besoin d'appui. Nous comprenons la nécessité des plans de rétablissement, mais nous nous inquiétons de ce que les propriétaires fonciers ne participent pas à l'élaboration, à la planification et à la préparation des plans de rétablissement que le groupe de travail préconise. On se contente de nous consulter, et ce sont des préoccupations que nous cherchons à vous exposer aujourd'hui, le fait que nous voulons mieux nous situer dans tout cela.
Mme Kraft Sloan: Ce sont des préoccupations valables. La trousse d'information qui accompagnait le projet de loi contenait de nombreux exemples de plans de rétablissement qui ont porté fruit. Ils étaient bien en évidence. J'ai rencontré un groupe de personnes, des propriétaires fonciers, qui avaient eux-mêmes oeuvré pour encourager la conservation d'espèces végétales et animales, et on l'a bien dit. C'est ce sur quoi le projet de loi est fondé.
Votre deuxième préoccupation porte sur le partenariat, et vous avez dit et répété qu'il fallait que les différents gouvernements collaborent, que les différents intervenants collaborent. Pourtant, vous attaquez avec virulence le processus qui a été établi dans le cadre de l'accord national et avec certaines autres organisations intéressées. Vous dites que le système sera beaucoup trop bureaucratique. Pourtant, le principe même du conseil des ministres provinciaux et fédéral est un mécanisme de règlement des différends. L'accord national réunit le fédéral et les provinces, les plans de rétablissement font participer les propriétaires fonciers.
Tout cela, c'est du partenariat. C'est la raison d'être du projet de loi. Le ministre a bien expliqué que le problème ne pouvait pas être réglé par une seule compétence ou un seul secteur. Franchement, si nous devons appliquer des mesures punitives pour en arriver à un programme soutenable, nous n'obtiendrons jamais aucun résultat. Ces mesures sont nécessaires parce qu'il faut parfois un bâton pour faire avancer les choses, mais il faut se fonder sur l'action individuelle, et j'approuve sans réserve cette approche. J'ai donc de la difficulté à comprendre que lorsque nous proposons des notions de partenariat, on les rejette parce qu'elles sont bureaucratiques, et pourtant vous dites que nous avons besoin de partenariats.
Mme Forsyth: Lorsque nous parlons du caractère bureaucratique des mesures, je crois que nous songeons à certains détails de la loi où toutes sortes de systèmes d'autorisation sont proposés. Nous ne savons pas de quelle façon cela va fonctionner. Nous ne comprenons pas certains des arguments qui concernent des comités supplémentaires et des choses de ce genre. À notre avis, vous ne pouvez ériger une grande bureaucratie qui doit se surveiller elle-même; il faut veiller à ce que la base soit appuyée. Nous faisons une mise en garde, nous ne voulons pas d'un système aussi complexe, et si vous lisez bien la loi ce risque est très réel. Soyez clairs, mais soyez simples. N'occupez pas deux autres étages de la Place Vincent Massey pour gérer ce projet. Restez simples, pour que l'argent aille directement là où l'on en a besoin, c'est-à-dire à la protection des espèces et de l'habitat.
Mme Kraft Sloan: Le ton du mémoire semblait pourtant assez dur à cet égard, et je crois que plus que tout nous avons cherché à promouvoir le partenariat, parce que nous reconnaissons que c'est la façon de faire bouger les choses.
Mme Forsyth: Nous vous recommandons de lire les détails du mémoire, parce que nous faisons des commentaires précis quant aux éléments bureaucratiques du processus auxquels on donne trop d'importance. Il serait bon que vous lisiez plus attentivement notre document.
M. Wilson: Je crois que nous sommes parfaitement fondés de nous inquiéter. Dans cette ville, il y a déjà entre 24 et 27 organismes gouvernementaux qui veulent puiser dans les poches des agriculteurs au titre du rétablissement. Le pire à cet égard est l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, qu'on nous avait annoncée comme un partenariat, un outil collectif pour réglementer l'utilisation et l'homologation des produits antiparasitaires au Canada. Elle viendra chercher52 millions de dollars dans les poches des agriculteurs du Canada.
Je crois que nous sommes parfaitement justifiés de nous inquiéter au sujet de ce que peuvent devenir ces projets de loi lorsqu'ils sont mis en oeuvre, concrètement. Nous sommes très inquiets, comme l'a dit Sheila.
L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire ressemble de plus en plus à un cauchemar bureaucratique, et le souci de la santé et de la sécurité des Canadiens est le cadet de ses soucis. C'est cet aspect qui nous inquiète. Au bout du compte, est-ce que le projet de loi va aider à protéger les espèces en péril ou est-ce que ce n'est pas plutôt une nouvelle façon de dresser les agriculteurs contre les autres membres de la société et les autres intervenants? Nous posons ces questions légitimes et nous voulons de vraies réponses. On nous dit que ce n'est rien de sérieux - alors pourquoi proposer ces mesures? Je crois que c'est une question tout à fait valable à poser dans ce cas particulier. Si c'est tellement innocent, pourquoi en débattons-nous?
Je crois que nous devons reconnaître la menace que ce projet de loi peut représenter pour nous, agriculteurs et propriétaires fonciers. Si nous voulons adopter une approche positive, inspirée du partenariat, alors veillons à ce que cette philosophie soit clairement reflétée dans le libellé du projet de loi et calme les préoccupations. Nous n'avons pas dit que le projet de loi n'avait rien de bon. Nous reconnaissons qu'il y a certains aspects valables et certains aspects qui nous inquiètent, et nous ne voulons rien de plus ni rien de moins que de clarifier toutes ces choses. Il est légitime de demander cela au comité et au gouvernement.
Le président: Je vais intervenir parce que le temps file et que mes collègues du comité s'agitent. Nous avons commencé très tôt.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Wilson. Vous avez déposé un mémoire qui tente d'être positif, en particulier dans les deux premières pages, lorsque vous situez la question. Je suis certain que les membres du comité n'ont rien à objecter aux six points exposés en A.
Je veux seulement ajouter que le projet de loi n'aurait pas été rédigé si la situation n'était pas critique, et que la situation ne serait pas critique si l'on s'en tenait à l'action volontaire.
Il me semble que M. Knutson a fait une comparaison très pertinente avec le Code de la route, puisque 90 p. 100 des personnes qui utilisent les routes respectent volontairement un ensemble de règles établies. Le projet de loi à l'étude ne vise pas ceux qui se conduisent bien; il vise la minorité qui enfreint les règles. Je ne crois donc pas que nous soyons séparés par un très large fossé.
À quelques occasions, vous avez mentionné l'absence de reconnaissance, et vous n'avez pas tort. C'est certain. La loi ne peut faire allusion à l'absence de reconnaissance. Elle ne peut pas la corriger. Il y a d'autres façons de procéder. Je suis certain que nous devons proposer des façons de reconnaître les contributions et d'offrir des encouragements - non pas des encouragements monétaires, mais une reconnaissance de la société. Parlons de reconnaissance de la valeur. Cela, il faut le faire.
N'oubliez pas non plus qu'aux États-Unis, la loi est en place depuis 23 ans et qu'elle n'a vraiment fait aucun tort. En fait, elle a polarisé les intérêts et elle a suscité une grande coopération.
Nous avons pris bonne note de la question des amendes, mais n'oubliez pas que nous avons discuté de cet aspect en 1994, si je me souviens bien, lorsque nous avons adopté la loi sur les oiseaux migrateurs. Je crois que certains d'entre vous ont comparu à l'époque devant le comité. Il y a certainement de meilleures façons que l'imposition d'amendes, si nous pouvons obtenir la collaboration de la société dans son ensemble et si nous sommes tous d'accord au sujet du premier point que vous avez à la rubrique «Contexte»: «Nous voulons tous protéger les espèces menacées».
À la dernière ligne, sous B, vous soulevez un point très important - du moins à mes yeux - l'absence de reconnaissance des partenariats et des autres activités essentielles au succès du projet de loi, par exemple, dans le domaine de l'éducation. Il est certain que le dossier pourrait faire des progrès considérables grâce à des initiatives d'éducation de la part non pas d'une seule collectivité ou d'un seul secteur de la société, mais bien de l'ensemble de la société.
Certainement, les mouvements de défense de l'environnement et l'éducation nous permettent de faire beaucoup, beaucoup plus que n'importe quelle loi. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Mais pour l'instant, compte tenu de la gravité de la situation, nous devons aussi prendre des mesures législatives.
Je puis vous assurer que nous lirons votre rapport avec attention. Votre intervention d'aujourd'hui nous a été très utile, vous nous avez communiqué votre point de vue et vous avez clairement exposé les faiblesses que vous reprochez au projet de loi, pour l'instant.
Il est 13 h, et la période de questions commence à 14 h. Nous vous prions donc de bien vouloir nous excuser.
Nous vous remercions infiniment d'être venus témoigner aujourd'hui.
La séance est levée.