[Enregistrement électronique]
Le jeudi 12 décembre 1996
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Payne): Mesdames et messieurs, bonjour. Conformément au Règlement, nous étudions le projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.
Je souhaite la bienvenue aux membres du groupe Inuit Tapirisat du Canada, qui sont venus nous rencontrer ce matin. Avez-vous un mémoire écrit à distribuer? Est-ce que tout le monde en a un exemplaire?
Je m'appelle Jean Payne. Je préside ce matin le comité en remplacement de M. Caccia, qui est retenu ailleurs aujourd'hui.
Pourriez-vous s'il vous plaît vous présenter?
M. Peter Williamson (coordonnateur de la recherche et des projets spéciaux, Inuit Tapirisat du Canada): Je m'appelle Peter Williamson. Je fais partie d'Inuit Tapirisat. Je suis accompagné de Peter Usher et de Craig Boljkovac, ainsi que de Karin Kettler.
Pour commencer, nous tenons à remercier le comité de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui. ITC accueille favorablement le projet de loi fédéral sur la protection des espèces en péril. Nous reconnaissons le rôle qu'ont joué les organismes qui ont participé à son élaboration, comme par exemple le Service canadien de la faune, et nous les en remercions.
Inuit Tapirisat du Canada est le porte-parole politique national des quelque 42 500 Inuit du Canada. Les Inuit vivent dans 56 collectivités réparties dans les Territoires du Nord-Ouest, le nord du Québec et le Labrador. Le conseil de direction d'ITC est composé des présidents des six organismes régionaux inuit, ainsi que du Pauktuutit, de l'Inuit Women's Association, du National Inuit Youth Council et du Nunavut Tunngavik Inc. Environ 30 p. 100 du territoire canadien est sous intendance inuit. Cela comprend l'Arctique de l'Ouest, tel que défini dans la Convention définitive des Inuvialuit, le nouveau territoire du Nunavut, le Nunavik du nord du Québec et le nord du Labrador.
Sous le régime des accords négociés entre les Inuit et le gouvernement fédéral dans le cadre des revendications territoriales, accords qui sont protégés par la Constitution, les Inuit cogèrent la faune par le truchement de leurs conseils de cogestion dans tout le territoire visé par le règlement. Les Inuit possèdent des droits de surface définitifs sur environ 20 p. 100 des terres arctiques au nord du 60e parallèle et bénéficient d'un régime foncier particulier dans une grande partie du Nunavik.
Les Inuit s'adonnent à une exploitation durable de la faune depuis des générations. Contrairement à la vaste majorité des Canadiens, la faune fait partie intégrante de notre quotidien, de notre mode de vie et de notre culture. Par conséquent, les Inuit ont des intérêts essentiels à défendre par rapport au projet de loi proposé concernant la protection des espèces en péril au Canada. ITC appuie en principe ce projet de loi conçu pour protéger les espèces en péril. Mais pour protéger ces espèces, il convient de souligner que l'essentiel n'est peut-être pas tant la protection des animaux eux-mêmes mais tout autant, sinon davantage, la protection de leur habitat. On ne saurait traiter les animaux isolément de leur environnement.
Compte tenu du rôle que les Inuit jouent en matière de gestion de la faune, le projet de loi risque de nuire davantage aux droits et aux intérêts des Inuit qu'à ceux de la plupart des autres Canadiens. Nous tenons à souligner que si des espèces importantes sont maintenant en péril dans le Nord, c'est à cause des activités des autres.
Parmi les principaux problèmes que nous pose le projet de loi, il y a tout d'abord le fait qu'on n'y reconnaît pas suffisamment les droits des Inuit en matière d'exploitation et de gestion, non plus que les institutions qui ont été créées par les Inuit pour la gestion de la faune, au moyen des revendications territoriales. Deuxièmement, il n'y a pas d'équilibre suffisant entre la protection des animaux et celle de leur habitat. Troisièmement, la mesure législative pourrait être utilisée à mauvais escient par les groupes opposés aux intérêts des Inuit.
Les revendications territoriales portent sur tout un éventail de questions, dont la gestion de la faune, la protection de l'environnement et des habitats. Les organismes de cogestion, créés sous le régime des accords découlant des revendications territoriales, appliquent la méthode intégrée des Inuit dans ce domaine. Ces organismes s'occupent de l'aménagement des terres et des eaux, de la gestion de la faune et des évaluations environnementales. ITC présente également un mémoire au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord, sur cette question de la cogestion et des revendications territoriales.
Les structures mises en place pour régir les activités d'exploitation de la faune et de gestion de l'environnement sont conformes, et même assujetties, aux principes de conservation et d'exploitation durable. Compte tenu de l'existence de ces organismes, du vaste territoire touché par leurs décisions et de la reconnaissance constitutionnelle du droit des Inuit à exploiter et gérer l'écosystème arctique, il est impératif que nous participions pleinement au processus de réglementation qui pourrait nous toucher. Les Inuit estiment que, de par la loi, ces organismes sont plus que des organismes consultatifs par nature. C'est pourquoi nous ferons des recommandations précises à cet égard.
Le but d'une loi conçue pour protéger les espèces en péril ne devrait pas être de désigner des espèces et de les inscrire sur une longue liste, mais au contraire d'en rayer le plus grand nombre possible de la liste. Cela montrerait non seulement que l'environnement se porte bien, mais cela encouragerait et récompenserait également les plans de rétablissement bien conçus et mis en oeuvre avec succès.
Dans les cas qui toucheront les Inuit, la conception et la mise en oeuvre de ces plans se feront surtout au niveau régional, par les conseils de gestion de la faune, les gestionnaires régionaux de la faune et, ce qui est plus important encore, par les exploitants eux-mêmes. Il conviendrait d'intégrer à la loi les objectifs précisés dans la Convention sur la biodiversité des Nations unies, dont le Canada est signataire, c'est-à-dire la conservation de la diversité biologique, l'exploitation durable de ces éléments et le partage équitable de ses bénéfices.
Les Inuit s'inquiètent également de ce que le projet de loi proposé pourrait être utilisé à l'encontre des principes d'exploitation durable. Les activités de divers groupes de défense des droits des animaux ont miné le mode de vie des Inuit. Le meilleur exemple en est l'effondrement d'une industrie essentielle aux Inuit, la chasse aux phoques. Cet effondrement n'est pas dû au fait que les Inuit exploitaient cette espèce d'une façon qui mettait sa survie en péril, mais plutôt à une campagne concertée visant à empêcher son exploitation durable. Nous sommes inquiets de ce que des organisations de ce genre pourraient utiliser la mesure proposée pour nuire encore davantage à nos intérêts légitimes et à nos droits protégés par la Constitution.
Lors d'une récente conférence internationale sur la conservation, celle de l'Union mondiale pour la nature - organisme qui est le champion international de la conservation - , un groupe prestigieux de défense des droits des animaux, l'International Fund for Animal Welfare, a vu sa demande d'adhésion rejetée parce que ses activités ne sont pas conformes aux principes de conservation et d'exploitation durable. Nous ne voulons pas que de tels groupes puissent utiliser à leur profit les mesures législatives sur la conservation qu'adopte notre propre pays.
Une fois apportés les changements que nous proposerons, nous croyons que la mesure législative proposée pourrait répondre aux préoccupations des Inuit et devenir un outil valable pour la conservation de la faune au Canada.
Peter.
M. Peter J. Usher (directeur de la recherche, Inuit Tapirisat du Canada): Nous aimerions faire quelques propositions bien précises au sujet du projet de loi. Commençons par le préambule; nous savons que le Conseil consultatif de gestion du Nunavut vous a présenté un mémoire à ce sujet. Nous appuyons sa recommandation d'ajouter au paragraphe 9 du préambule une reconnaissance explicite de la compétence des conseils de gestion de la faune créés sous le régime des accords découlant des revendications territoriales des Inuit.
Dans sa version actuelle, le projet de loi comporte une clause de non-application. Nous en sommes contents, mais nous tenons à souligner que l'inclusion d'une telle disposition ne suffira pas à garantir la protection des droits d'exploitation et de gestion conférés en vertu des accords découlant des revendications territoriales, droits qui, nous vous le rappelons, ont prépondérance sur toutes les lois fédérales, y compris ce projet de loi. Si nous le mentionnons, c'est que les gens chargés de l'application et de l'exécution des lois n'en lisent pas toujours le préambule. Ils s'attachent surtout au fond et oublient tout le reste. La clause de non-application peut bien sûr être utile s'il faut régler des cas devant les tribunaux. Espérons que nous n'en arriverons pas là. Le meilleur moyen est de s'assurer que les droits des Inuit sont clairement exprimés dans le projet de loi.
Nous nous inquiétons également de ce que les conseils de gestion qui ont été créés sous le régime des accords découlant des revendications territoriales des Inuit ne sont mentionnés qu'à quelques reprises dans le projet de loi et qu'on ne leur y accorde expressément qu'un rôle consultatif. Nous ne croyons pas que c'est dans ce but qu'ont été créés ces conseils de gestion. En effet, si vous consultez les articles qui leur sont consacrés dans les accords, vous constaterez que ces conseils ont pour but de guider la gestion de la faune dans leurs territoires respectifs. Par conséquent, si on ne leur reconnaît plus maintenant qu'un rôle consultatif, on relègue au même rang les progrès réalisés au moyen des revendications territoriales - c'est-à-dire la cogestion par les Inuit et les gouvernements de la faune et des terres dans tout le territoire. À notre avis, ce n'est pas seulement une mauvaise interprétation des accords découlant des revendications territoriales, accords qui sont protégés par la Constitution, mais c'est aussi une violation directe de ces dispositions.
Nous pensons par conséquent que les conseils de gestion doivent participer à toutes les étapes des opérations énoncées dans ce projet de loi, dont la désignation des espèces, les interdictions, ainsi que, plus particulièrement, l'élaboration et la mise en oeuvre des plans de rétablissement.
Nous avons également certaines autres inquiétudes sur la description des droits des Inuit dans le projet de loi.
En outre, nous ne sommes pas d'accord avec certains éléments des interdictions énoncées à l'article 31. Dans ces interdictions, on met beaucoup l'accent sur le fait de perturber ou de tuer les animaux ainsi que sur la possession et le commerce des animaux. On parle ensuite de la destruction de la «résidence» de ces animaux; autrement dit, il peut s'agir d'une tanière d'ours ou d'un nid, ou d'autre chose d'aussi limitée.
À notre avis, cette façon de gérer la faune n'est ni moderne ni contemporaine, car on y met trop l'accent sur la capture, la possession et le commerce et pas suffisamment sur la protection de l'habitat des espèces. Il conviendrait d'établir à ce niveau un meilleur équilibre.
L'article sur les interdictions devrait être modifié de façon à reconnaître expressément les droits des Inuit à l'exploitation durable des ressources fauniques. Par conséquent, si un plan de rétablissement d'une espèce en péril ou menacée contient des dispositions autorisant l'exploitation, le projet de loi ne devrait pas pour sa part interdire la pleine exploitation des individus de l'espèce exploitée. Si le plan de rétablissement permet la vente de tels produits ou de produits qui en proviennent à des non-Inuit, le projet de loi ne devrait pas l'interdire.
Dans bien des cas, l'exploitation durable des ressources fauniques fonctionne mieux si elle est assortie d'incitatifs économiques visant à assurer la survie de l'espèce. En fait, ces incitatifs permettent de protéger l'habitat essentiel de l'espèce. En outre, certaines espèces ont une importance culturelle essentielle pour les Inuit.
Par conséquent, nous recommandons que l'exception générale décrite à l'alinéa 36(1)b) soit augmentée d'une exception expresse applicable aux récipiendaires, y compris les non-Autochtones, des produits ou dérivés de l'exploitation durable des ressources fauniques conforme au plan de rétablissement. Pour cela, il suffirait d'ajouter ce qui suit aux paragraphes 31(1) et 31(2):
- Sous réserve des dispositions du paragraphe 36(1),
- et d'enchaîner avec le reste du texte.
Pour ce qui est des autres exceptions expresses qu'il conviendrait d'ajouter, au paragraphe 36(4), qui porte sur les exceptions relatives à la possession d'individus d'une espèce inscrite comme menacée ou en voie de disparition, nous proposons l'ajout d'un nouveau paragraphe pour soustraire à l'interdiction les Autochtones et les bénéficiaires des revendications territoriales. Même si cette exception se trouve à l'alinéa 36(1)b), cet ajout fournirait des instructions plus claires aux personnes chargées d'adopter les politiques et de faire appliquer la loi. Nous avons rédigé un nouvel alinéa 36(4)e) qui se lirait comme suit:
- e) elle l'a acquis par l'exercice d'activités conformes aux régimes de réglementation et de
conservation des espèces sauvages définis dans un traité, un accord sur des revendications
territoriales ou une entente d'autonomie gouvernementale ou cogestion conclus avec des
Autochtones.
En conséquence, nous recommandons l'ajout suivant au paragraphe 38(2), qui débute ainsi:
- Dans la mesure du possible, le plan de rétablissement est élaboré en collaboration avec
- et vient ensuite une énumération. Nous voudrions y ajouter ce qui suit:
Nous proposons également l'ajout à l'article 62 d'un nouvel alinéa qui dispenserait explicitement des mesures de protection des espèces en voie de disparition les activités comme celles qu'autorise l'alinéa 36(1)b). À notre avis, cet ajout apporterait une précision utile aux autorités chargées d'appliquer la loi.
L'article 19 concerne les demandes présentées en vertu de la loi. Il indique que toute personne, ou vraisemblablement tout groupe, peut présenter au COSEPAC une demande de désignation, de reclassification ou d'annulation de la désignation d'une espèce. Nous craignons que les organismes de défense des droits des animaux ne présentent des demandes de désignation fondées non pas sur de bons principes écologiques ou sur une connaissance traditionnelle, mais sur un principe idéologique voulant qu'aucune espèce sauvage ne fasse l'objet d'exploitation. Si de telles demandes sont envoyées en grand nombre, elles risquent d'imposer des dépenses excessives au COSEPAC, compte tenu de ses ressources limitées, ainsi qu'à nos propres organismes, qui vont devoir répondre à ces demandes.
Nous déplorons le fait que le projet de loi autorise le COSEPAC à se fonder exclusivement sur le rapport de situation que fournit la personne qui demande la désignation. Nous estimons que le COSEPAC devrait se fonder sur les meilleures sources de connaissances scientifiques et traditionnelles et, au besoin, consulter à l'extérieur pour obtenir un éventail d'opinions éclairées. En outre, dès que le COSEPAC reçoit une demande de désignation pour une espèce dont l'aire se trouve intégralement ou partiellement dans l'Arctique, il doit en aviser l'organisme compétent de cogestion de la faune.
En conséquence, nous recommandons l'ajout suivant au paragraphe 19(1):
- Toute demande frivole ou vexatoire sera jugée irrecevable et fera l'objet d'une procédure de
recouvrement des coûts
- comme c'est prévu, je crois, à l'article 99 ou 100.
En ce qui concerne la composition du COSEPAC, dont il est question à l'article 14, il nous semble opportun d'accorder au ministre un certain pouvoir discrétionnaire dans l'utilisation des critères régionaux lorsqu'il décide de la composition de l'organisme. Comme la loi, dans son libellé actuel, s'applique davantage à l'Arctique qu'aux autres régions du Canada, il faudrait qu'au moins deux membres du COSEPAC représentent cette région ou possèdent une connaissance et une expérience prouvées des questions relatives à l'Arctique.
Le projet de loi devrait préciser que, nonobstant le paragraphe 14(2), il y ait au moins deux membres du COSEPAC qui connaissent la faune de l'Arctique selon les critères énoncés au paragraphe 14(1). Il s'agit, rappelons-le, d'une expertise scientifique ou de connaissances locales ou traditionnelles.
Nous voulons également aborder la question de l'incorporation dans la loi de la liste actuelle du COSEPAC. On nous a dit qu'il était possible que cette liste soit tout simplement incorporée par renvoi aux règlements d'application de la loi.
Un certain nombre des inscriptions sur la liste actuelle du COSEPAC sont contestées par les Inuit et font actuellement l'objet d'une étude de la part des conseils de gestion de la faune. Par exemple, on effectue actuellement une étude inuit de la baleine boréale dans le cadre de la Convention définitive du Nunavut. Les résultats de cette étude seront pris en compte par le conseil lorsqu'il déterminera les quotas de prises de la baleine boréale.
Nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral accapare les pouvoirs concernant des espèces qui, par des mesures de désignation et à l'issue de longues périodes de négociation, ont été confiées aux conseils de gestion de la faune qui sont composés de représentants inuit et de représentants du gouvernement fédéral et qui doivent traiter des questions de ce genre. Nous pensons qu'il ne faut pas incorporer dans les règlements une liste plus ou moins controversée, mais qu'il appartient aux conseils d'en délibérer.
Nous invitons donc le comité à exiger une révision complète de l'actuelle liste du COSEPAC, avec la participation des Inuit, avant que cette liste ne soit incorporée à la loi ou à ses règlements.
En ce qui concerne les changements à la liste, le paragraphe 30(2) oblige le gouverneur en conseil à donner avis de son intention de modifier la liste. Nous avons remarqué que dans les propositions législatives de l'année dernière, le gouverneur en conseil devait également indiquer les motifs de ces modifications. À notre avis, une telle obligation favoriserait la transparence de la procédure de modification de la liste; il faudrait donc utiliser au paragraphe 30(2) l'expression «un avis motivé», conformément à la proposition antérieure.
En ce qui concerne la révision des projets, nous remarquons avec satisfaction les exigences de notification énoncées à l'article 49, en particulier pour l'autorité responsable dont le projet doit faire l'objet d'une évaluation environnementale au titre de la LCEE.
Dans le cadre des revendications territoriales, les conseils de révision des impacts environnementaux fonctionnent en parallèle avec les conseils constitués en vertu de la LCEE; nous demandons que l'on ajoute à l'article 49 une indication du rôle parallèle que jouent ces conseils inuit de révision des impacts environnementaux.
M. Williamson: Inuit Tapirisat du Canada approuve le projet de loi sur la protection des espèces en péril. Nous craignons cependant que des groupes de défense des droits des animaux ne s'en servent à mauvais escient.
Nous assurons l'intendance d'environ un tiers du territoire canadien et nous avons signé avec le gouvernement fédéral des accords de revendications territoriales couvrant une vaste région du Canada. En contrepartie, on nous a garanti la cogestion de la faune; en conséquence, nos préoccupations doivent être prises très au sérieux.
En Europe, on s'est servi de la législation sur la protection des espèces menacées pour contester le droit de chasse des Inuit. Récemment, les Pays-Bas ont ajouté les animaux à fourrure à la liste figurant dans la législation sur les espèces menacées, au motif que ces animaux faisaient partie des espèces menacées. Comme vous le savez, le Canada se bat depuis des années contre l'Union européenne pour essayer de sauver le commerce de la fourrure. L'inscription de ces animaux sur la liste de la loi néerlandaise a eu pour effet d'interdire l'importation des fourrures aux Pays-Bas.
Par ailleurs, l'Union européenne invoque la CITES, Convention sur le commerce international des espèces menacées, pour les mêmes motifs.
Nous voulons éviter à tout prix que la législation canadienne ne soit soumise aux mêmes excès par les groupes de défense des droits des animaux. À cette fin, nous exigeons que les droits qui ont été négociés dans le cadre des revendications territoriales et qui sont protégés par la Constitution soient également consacrés par une mesure législative subordonnée telle que le présent projet de loi. Nos lois sont protégées par la Constitution et nos droits doivent également être protégés par ce projet de loi.
Nous voulons également être consultés lors de l'élaboration des règlements; ces derniers devraient faire référence aux connaissances scientifiques et autochtones indispensables à l'établissement et à la modification de la liste.
Nous sommes donc favorables à ce projet de loi, mais nous émettons certaines réserves, dont nous souhaitons qu'elles soient prises intégralement en compte, lors des audiences du comité. Merci.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.
Monsieur Forseth.
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Je vous remercie de votre présence.
Je serai très bref. Au bas de la page 6 de votre mémoire, vous faites la recommandation suivante:
- Toute demande frivole ou vexatoire sera jugée irrecevable et fera l'objet d'une procédure de
recouvrement des coûts.
Peut-être pourriez-vous nous donner des exemples précis, en particulier dans le contexte canadien, si possible, de situations où les menées des groupes de défense des droits des animaux ont eu un effet nuisible sur des espèces.
J'aimerais donc d'autres exemples concernant les groupes de défense des droits des animaux, et des détails sur le droit de chasser par opposition au droit de survie d'une espèce.
M. Williamson: Il y a quelques mois, l'un de ces groupes présents au Canada, appelé Bear Watch, a affirmé dans un article du Globe and Mail qu'il existait une convention internationale qui interdit le commerce des vésicules biliaires d'ours polaires. C'est faux. Le commerce des vésicules biliaires d'ours polaires n'est pas interdit.
La faune de l'Arctique, y compris les ours polaires, est très bien gérée par les organismes inuit et nous évaluons la population de toutes les espèces de façon très critique. Lorsqu'un organisme prétend que les Inuit se livrent à des activités illégales, il diffuse précisément le genre d'information trompeuse dont nous parlons quand nous nous disons victimes des groupes de défense des droits des animaux.
M. Usher: Je voudrais ajouter quelque chose.
Les groupes de défense des droits des animaux ont toujours fait pression sur les organes législatifs, aussi bien au Canada qu'à l'étranger, pour faire adopter des lois et des règlements qui, à notre avis, ne sont basés ni sur des connaissances scientifiques, ni sur des connaissances locales. La Loi américaine de protection des mammifères marins en est un bon exemple, de même que l'interdiction de la fourrure en Europe. Si l'on donne les mêmes outils d'intervention à ces groupes dans la législation canadienne, la même chose se produira chez nous.
Vous avez posé une autre question qui évoquait une éventuelle contradiction entre le droit de chasse et le droit à la survie des espèces. Les Inuit ne voient pas les choses de cette façon. On voit bien, d'après la structure des dispositions des accords de revendications territoriales, que la conservation de la faune est intimement liée au régime des prélèvements ou de l'exploitation. L'un ne va pas sans l'autre. D'après le principe même des accords, les deux éléments ne sont pas contradictoires et sous réserve d'une bonne gestion, on peut effectuer des prélèvements et assurer la survie des espèces. Nous ne pensons donc pas qu'il faille y voir une contradiction.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.
Madame Jennings.
Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Merci, madame la présidente.
Je dois dire à MM. Williamson, Usher et Boljkovac que nous avons beaucoup apprécié leur exposé.
Je suis un peu préoccupée. Je comprends votre volonté d'intervenir non seulement dans le processus consultatif, mais également au niveau des prises de décisions. Vous avez déjà participé, je crois, à des activités de cogestion avec le gouvernement fédéral.
Actuellement, je ne sais pas de façon certaine si le projet de loi C-65 concerne principalement les océans et les terres fédérales.
Monsieur Usher, je crois que vous êtes le conseiller juridique du groupe.
M. Usher: Je ne suis pas avocat.
Mme Jennings: Ah bon! Vous donniez l'impression de l'être.
Comment Inuit Tapirisat du Canada considère-t-il le nouveau territoire du Nunavut? Pensez-vous qu'il échappe à la compétence fédérale, ou qu'il est semblable au Yukon, où la compétence fédérale s'exerce encore, en parallèle aux pouvoirs locaux? À votre avis, quelle place occupez-vous juridiquement dans cette loi? Quel en sera l'effet?
M. Usher: À notre connaissance, le territoire du Nunavut aura les mêmes droits et pouvoirs que les Territoires du Nord-Ouest ou le Yukon; cette situation va évoluer et le Nunavut pourrait acquérir de nouveaux pouvoirs sur les terres, les ressources, etc.
En ce qui concerne la gestion des océans, par exemple, il s'agit d'une responsabilité fédérale, mais le Conseil consultatif de gestion de la faune du Nunavut a un rôle à jouer dans la zone extracôtière, comme l'indiquent les accords de revendications territoriales. La moitié des représentants de ce conseil sont inuit, les autres sont nommés par le ministère fédéral des Pêches et des Océans. C'est donc un élément de cogestion. Évidemment, le territoire ne s'étend que jusqu'au littoral, mais les accords de cogestion peuvent étendre la compétence inuit jusqu'à la zone extracôtière.
Mme Jennings: Vous considérez votre territoire non pas comme la zone située au nord du 60e parallèle, selon la formule du projet de loi, mais comme la zone régie par les accords de revendications territoriales et les accords autochtones. C'est ce qui apparaît dans tous vos arguments.
M. Williamson: Exactement. Le Nunavut est particulier, puisqu'on crée un nouveau territoire, mais notre intervention d'aujourd'hui concerne les revendications territoriales.
Avec la création du territoire du Nunavut, il va y avoir deux changements tout à fait semblables. Tout d'abord, l'Assemblée législative du Nunavut se composera vraisemblablement d'une majorité d'Inuit, puisqu'ils sont en majorité sur le territoire. Ce sera un gouvernement public, mais la majorité des membres de l'assemblée législative seront inuit.
Du fait de la composition des conseils de cogestion, on y trouve une représentation des Inuit, du gouvernement territorial et du gouvernement fédéral. Après la création du Nunavut, le territoire du Nunavut va assumer le rôle que joue actuellement le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. De ce point de vue, les Inuit vont jouer un rôle plus important au conseil de cogestion.
Deuxièmement, grâce aux lois du territoire concernant la gestion de la faune, les Inuit pourront exercer un plus grand contrôle législatif au niveau du territoire.
Mme Jennings: Merci.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Knutson.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je voudrais aborder la question de l'incorporation de la liste actuelle du COSEPAC dans la nouvelle loi. À première vue, je pensais que c'était une mesure anodine. Je ne suis pas sûr, mais je crois que vous êtes le premier groupe à aborder cette question. Pourriez-vous nous donner des exemples précis d'inscriptions contestées sur cette liste, en choisissant l'espèce animale ou végétale qui prête le plus à controverse?
M. Usher: C'est sans doute les mammifères marins qui figurent sur la liste des poissons. Il existe plusieurs groupes de bélugas et de baleines boréales dans l'est et dans l'ouest de l'Arctique qui ne sont nullement menacés. On se demande d'où vient cette inscription, car la Commission baleinière internationale permet aux Inuit de l'Alaska de chasser 40 ou 50 de ces animaux chaque année. Si tel est le cas en Alaska, pourquoi ces espèces seraient-elles menacées au Canada, où l'on ne prend qu'un ou deux individus par an?
M. Knutson: Avez-vous posé la question au COSEPAC, et qu'a-t-il répondu?
M. Craig Boljkovac (Inuit Tapirisat du Canada): Nous ne lui avons pas posé la question. La baleine boréale a été inscrite sur la liste du COSEPAC en 1980. Cette liste doit être révisée tous les dix ans, mais il n'y a toujours pas eu de révision concernant la baleine boréale. Le COSEPAC a beaucoup de rattrapage à faire dans la révision des espèces animales et végétales qui sont censées figurer sur cette liste.
M. Knutson: Cela me semble assez convaincant. Quel serait le deuxième exemple?
M. Usher: Le deuxième exemple?
M. Knutson: Après la baleine, quel serait le deuxième exemple? J'aimerais avoir une idée...
M. Usher: Ce qu'il faut dire, c'est que les deux populations de bélugas de l'Arctique et les deux populations de baleines boréales qui figurent sur la liste représentent une quantité considérable de nourriture pour les gens de l'Arctique, de n'importe où.
Comme autre exemple, on peut citer le caribou de Peary, aussi bien les populations de Banks Island que de l'Extrême-Arctique... Nous ne nions pas l'existence d'un problème concernant cette espèce, mais les conseils de gestion ont des plans précis pour le régler. Nous craignons qu'on prenne une liste assez ancienne, qui n'est pas à jour et qu'on l'incorpore à la loi, alors que les conseils de gestion et les autorités locales s'affairent quotidiennement à régler tous ces problèmes.
M. Knutson: Peut-être faut-il également parler, dans ce contexte, du manque de ressources du COSEPAC. Nous en avons entendu parler. C'est une situation tout à fait dramatique. Les membres du COSEPAC y travaillent à titre bénévole ou quasi bénévole. L'organisme devrait avoir les ressources nécessaires pour assurer la mise à jour de ces listes.
M. Usher: Je voudrais dire également que les conseils de gestion de la faune ont abordé cette question; d'après les dispositions régissant le Conseil consultatif de gestion de la faune du Nunavut, si l'on impose un maximum de prises admissible pour une espèce, le conseil a le droit de tenir des audiences publiques sur la question, et c'est sans doute ce qu'il fera. On considère qu'il s'agit de restrictions très importantes au droit de chasse des Inuit. Les accords envisagent l'imposition de telles restrictions, puisqu'ils sont fondés sur le principe primordial de la conservation, mais cette imposition suppose une consultation approfondie, qu'on ne pourrait en aucun cas remplacer par l'utilisation d'un rapport de situation désuet figurant sur une liste du COSEPAC.
M. Knutson: Je suis bien d'accord avec vous.
Pouvez-vous nous parler un peu de l'ours polaire? Vous avez donné l'exemple des vésicules biliaires. À votre avis, s'agit-il d'une espèce menacée ou en voie de disparition?
M. Williamson: Les Inuit considèrent qu'il existe un système de quotas, et comme il n'y a qu'un nombre limité d'ours polaires dans l'Arctique, un contrôle s'exerce; nous devrions être quand même en mesure de vendre des peaux d'ours polaires et nous échangeons de la viande d'ours polaires entre nous; nous devrions avoir le droit de vendre les parties de l'animal qui peuvent nous rapporter de l'argent. Rien ne nous empêche de le faire, mais les groupes de défense des droits des animaux prétendent que c'est interdit; c'est là une information trompeuse. Ils essaient d'infléchir l'opinion publique de façon à obtenir beaucoup plus de protection qu'il n'est nécessaire.
M. Knutson: Je comprends. C'est là votre principal argument, je crois. J'aimerais savoir comment on peut exercer un contrôle sur une population de 42 000 personnes - sauf erreur de ma part - réparties sur plus de 30 p. 100 du territoire canadien. Comment faut-il s'y prendre?
M. Usher: Je peux vous dire ce qu'il en est pour l'ours polaire. Dans les Territoires du Nord-Ouest, un système de quotas a été mis en place il y a près de 30 ans, et si je me souviens bien, ce quota est d'environ 500 animaux. Il est contrôlé par un système d'étiquettes. Chaque communauté se voit attribuer un certain nombre d'étiquettes d'ours polaire, en fonction de l'abondance de la population dans la région, et les chiffres sont rajustés en fonction de l'information biologique et des données locales.
Une fois que ces étiquettes sont attribuées, la communauté a le choix: elle peut demander à un chasseur de capturer les ours pour lui-même, d'utiliser la viande et de vendre les peaux, ou elle peut organiser une chasse.
Supposons qu'une communauté obtienne 10 étiquettes. Elle peut les utiliser comme elle veut, soit pour un usage personnel, soit pour la chasse sportive. Quant à l'ours polaire, peu lui importe ce qu'on va en faire.
Pour la plupart de ces petites communautés, l'argent que rapporte la chasse sportive constitue une énorme contribution à l'économie locale; ce n'est donc pas simplement une activité de subsistance; c'est de l'argent qui arrive dans la communauté.
Une fois que l'ours est capturé, plus il rapporte d'argent, mieux cela vaut. Il ne peut être chassé qu'avec une autorisation légale. La peau doit avoir une étiquette pour sortir des territoires ou pour être traitée dans une tannerie. Tant qu'il s'agit d'une prise légale, on devrait, à notre avis, pouvoir en tirer le maximum.
Si l'on peut se fier à l'expérience des 30 dernières années, nous avons vu les résultats d'un système de quotas. Il fait partie des situations exceptionnelles que connaît l'Arctique. Évidemment, il a très bien fonctionné parce que les quotas n'ont pas diminué, et on considère maintenant que la population est stabilisée. Vous remarquerez que l'ours ne figure sur la liste qu'en tant qu'espèce vulnérable, et n'a jamais figuré dans une autre catégorie.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.
M. Steckle, puis Mme Kraft Sloan et, ensuite, M. Adams.
M. Steckle (Huron - Bruce): M. Knutson a déjà posé l'une des questions que j'avais préparées. Je suis tout à fait d'accord en ce qui concerne l'exploitation de toutes les parties de l'animal. Une fois qu'il a été tué, il faut en tirer le plus d'argent possible.
Je pense qu'il faut faire tomber un bon nombre de mythes, mais je tiens à vous féliciter pour avoir présenté votre point de vue de façon aussi détaillée. Il va être très utile au comité.
À la page 2 de votre mémoire, vous énumérez vos trois préoccupations principales: vous parlez des droits d'exploitation et de gestion des Inuit, de même que des institutions inuit, qui ne sont pas suffisamment reconnues dans le projet de loi. Comment faudrait-il l'amender pour vous donner satisfaction, et peut-il y avoir deux niveaux de juridiction? Peuvent-ils s'aider et se compléter mutuellement?
Sur la troisième question, vous dites que ceux qui s'opposent aux intérêts des Inuit pourraient abuser de la loi. J'aimerais que vous nous donniez quelques détails à ce sujet.
Ma première question est la suivante: comment pouvons-nous coopérer le plus efficacement? Notre objectif ultime est de protéger les espèces pour assurer leur pérennité dans l'intérêt de tous.
M. Usher: À notre avis, c'est précisément là l'objet des accords de cogestion conclus en vertu des ententes sur les revendications territoriales. Nous craignons que le Parlement adopte sans s'en rendre compte une mesure législative incompatible avec ces accords, et qu'il nous faille tôt ou tard la contester devant la justice. Nous sommes certains d'obtenir gain de cause; il serait donc préférable de ne pas amorcer le processus. Il faut que le Parlement reconnaisse le rôle et les responsabilités des conseils de gestion comme nous l'avons suggéré dans nos propositions d'amendement.
Je ne sais pas si cela répond bien à votre question.
M. Steckle: Non, mais j'aimerais que vous répondiez à ma deuxième question.
M. Williamson: Les groupes de défense des droits des animaux pourraient abuser de la loi de bien des façons. Ceux qui s'opposent au commerce de la fourrure pourraient demander l'inscription sur la liste de certaines espèces à fourrure, de façon à en interdire le piégeage. D'autres groupes, comme Bear Watch, pourraient demander l'inscription des ours polaires. Dans certaines provinces, il a déjà réussi à obtenir l'interdiction du commerce des vésicules biliaires. Je ne sais pas exactement où, mais ils ont réussi dans quelques provinces.
Les groupes de défense des droits des animaux pourraient lancer une campagne publique disant que le Canada a maintenant une nouvelle loi sur les espèces en péril et que certaines espèces doivent être inscrites sur la liste. Ils pourraient tenter de réunir l'appui de la population pour faire inscrire certaines espèces qui leur sont particulièrement chères ou qui sont photogéniques, comme les animaux à fourrure.
Je crois que l'inscription des espèces et la mobilisation de l'opinion publique contribueraient à exercer une certaine pression sur l'industrie. S'ils ne réussissaient pas à faire inscrire certaines espèces, ils pourraient tenter de s'attaquer à différents secteurs en utilisant la loi comme arme.
Je crois qu'il faudrait dans la loi des dispositions sur l'utilisation durable. Peter, vous pourriez peut-être nous dire quelques mots de cela.
La vice-présidente (Mme Payne): M. Adams doit quitter sous peu et il aimerait poser une question. Je me demande si vous lui céderiez la parole.
M. Adams (Peterborough): Merci, madame la présidente. Je suis désolé, je dois me rendre à la Chambre des communes.
L'attitude positive d'ITC à l'endroit de ce projet de loi m'apparaît très importante. Étant donné la nature de la compétence fédérale et de l'emplacement de vos zones d'intérêt dans le nord du Québec, au Labrador, dans le Nunavut et l'Arctique de l'Ouest, cela prend une importance cruciale pour nous, et nous l'apprécions réellement.
Je note dans votre mémoire que vous dites que l'objet de cet exercice c'est de faire retrancher de la liste une espèce qui y figurait. Bien sûr, l'autre objet c'est d'empêcher que des espèces ne soient inscrites sur la liste.
Souvent, un propriétaire foncier découvre qu'il y a sur sa propriété une espèce en péril de plante ou d'animal et se demande quoi faire et ce que cela pourrait lui coûter. Je vous rappelle en passant que le conseil peut prendre des mesures préventives. Mais comment cela fonctionnerait-il, à votre avis?
Voici le scénario. En quelque part, en territoire inuit, il y a une espèce absolument menacée - c'est l'exemple qu'on nous donne si souvent - alors, que feraient les Inuit? Que feraient les conseils en pareille situation?
M. Usher: Je vais parler plus précisément des arrangements avec le Conseil consultatif de gestion de la faune du Nunavut. Il y a des dispositions permettant l'établissement d'un total de prises admissible. Il n'y a pas de chiffres absolus fixés pour la plupart des espèces. Si les gestionnaires de la faune ont des craintes au sujet d'une espèce du Nunavut, le Conseil sera invité à envisager l'opportunité d'imposer un total de prises admissible. Comme je l'ai dit, il y aurait des audiences au cours desquelles on demanderait l'avis des experts et de la population locale.
D'ailleurs, le Conseil créerait un plan de gestion et de rétablissement qui fixerait d'abord des règles relatives aux prises. Autrement dit, ce total des prises admissible serait un quota, pour ainsi dire. Cela signifie que pour la première fois nous établirons un quota au lieu de nous en remettre aux moyens traditionnels comme des limites de possession, des limites sur le nombre d'engins, l'ouverture ou la fermeture de saisons.
M. Adams: Le quota pourrait-il être une interdiction totale?
M. Usher: C'est possible. Le total admissible pourrait être de zéro. Rien n'empêche cela dans le règlement des revendications.
M. Adams: Un certain nombre de témoins ont parlé, comme vous l'avez fait plus tôt, du caribou de Peary sur Banks Island. Pouvez-vous nous parler de la situation actuelle dans l'île et de l'état de la population de caribous de Peary?
M. Usher: Je dois admettre que je n'ai pas d'informations très à jour. Mes données datent déjà. Mais je peux vous dire, ce qui est plus à jour, que ces dernières années grâce au Comité consultatif de gestion de la faune du Territoire du Nord-Ouest, une institution des Inuvialuit, une limite volontaire a été placée sur les prises de caribous. Les chasseurs peuvent maintenant prendre un seul caribou par année dans une communauté où la viande de caribou est très prisée. C'est ce que les gens mangent normalement. Et croyez-moi, un caribou par année c'est une limite très sévère pour une famille qui en mange normalement dix ou vingt.
Et cela s'est fait uniquement en tenant des débats locaux, en passant par les organismes de cogestion. C'est là un parfait exemple d'autolimitation volontaire et de préservation. Lorsque tout le monde vise le même but en gestion sans avoir un ogre venant d'Ottawa disant aux gens ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils ne peuvent pas faire, tout marche comme sur des roulettes et vous en avez là la preuve.
M. Adams: Merci, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Adams.
Madame Kraft Sloan, je vous remercie de votre patience.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): La composition de ce comité a changé au cours des ans, mais certains de ses membres ont déjà eu l'occasion de se rendre dans le Nord ce qui nous a permis de comprendre à quel point les styles de vie traditionnelle sont importants pour la santé et le bien-être des peuples du Nord, en particulier pour les Inuit. Je vous remercie de ce que vous avez dit aujourd'hui et il est très important que ce soit consigné.
Je voudrais vous poser une question à propos de l'habitat essentiel qui est défini dans le projet de loi. Vous recommandez, entre autres, d'inclure l'habitat essentiel ou de ne pas retenir le mot «résidence». Êtes-vous satisfaits de la définition que propose le projet de loi ou voyez-vous d'autres moyens d'aborder cette question de l'habitat?
M. Williamson: L'habitat essentiel est capital. L'habitat doit être protégé. La définition nous convient. Je pense cependant qu'une action holistique devrait être prise lorsqu'il s'agit de gérer les espèces sauvages et l'environnement. C'est l'approche que les Inuit ont adoptée lors des négociations sur les revendications territoriales. Nous avons créé un certain nombre de conseils de cogestion différents qui portent sur les espèces sauvages, la protection de l'environnement, les relations environnementales et l'eau.
Je ne pense pas que les dispositions de ce texte législatif soient mauvaises. Au contraire. Mais lorsque le gouvernement aborde la question des espèces en péril, d'autres lois et d'autres textes législatifs devraient être modifiés également.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci infiniment.
Si vous n'avez pas d'autres questions à poser à notre groupe de témoins, j'aimerais les remercier d'être venus aujourd'hui. Nous espérons que le projet de loi, dans sa version définitive, tiendra compte d'une façon ou d'une autre de vos préoccupations.
Nous allons maintenant entendre deux groupes: le Conseil consultatif du secteur des forêts et l'Association des industries forestières du Québec.
Je crois que vous avez tous des exposés à présenter. Nous entendrons en premier celui du Conseil consultatif du secteur des forêts. Veuillez vous présenter, je vous prie.
M. Jack Munro (Conseil consultatif du secteur des forêts): Bonjour, madame la présidente. Je suis le coprésident sortant du CCSF. Le coprésident actuel n'a pas pu venir ici aujourd'hui et on m'a demandé d'être le porte-parole de notre groupe. Claude Plamondon est membre du CCSF du Québec alors que Phillip Legg, également membre du CCSF, vient de l'IWA, qui est un syndicat des travailleurs du bois.
Merci, madame la présidente. Nous sommes en train de faire circuler notre mémoire et comme, je suppose, la plupart des membres de ce comité et leurs adjoints savent lire, je ne vais pas le lire. Je sais que vous ne vous coucherez pas ce soir tant que vous n'aurez pas examiné à la loupe chaque mot de ce mémoire.
Je vais vous en faire un résumé et Claude et Phillip ajouteront quelques observations. Comme vous le savez, avant-hier soir, le premier ministre a tenu sa réunion civique...je ne vais pas porter de jugement là-dessus, mais je crois qu'il est important que nous comprenions bien ce qui s'est passé. Pour ce qui est de l'humeur des Canadiens, ce que j'ai vu... Disons que les Canadiens sont très anxieux et maussades. Les promesses vagues ne nous satisfont pas. La situation de l'emploi et la conjoncture locale nous inquiètent.
Je suis sûr que chaque membre du comité a conscience de la gravité du texte législatif dont nous discutons aujourd'hui. Je crois que ce texte ne donnera de bons résultats que s'il est largement avalisé par la population et pour qu'il le soit, il est très important, à mon avis, que nous sachions ce que ressent cette population.
Je crois savoir que vous vous déplacerez, que vous êtes allés à Vancouver il y a deux semaines, mais pour en revenir à...Voilà ce que je voudrais encourager. Je crois que ceux qui subiront les conséquences de cette loi ont droit d'être entendus avant qu'elle ne soit adoptée par la Chambre des communes.
Or, à mon avis, voyager ne signifie pas simplement aller à Vancouver, à Winnipeg, à Edmonton ou à Toronto. Ceux qui vivent dans les régions rurales sont de fermes partisans de ce texte législatif, comme viennent de nous le dire les Inuit. Ceux qui habitent les régions rurales savent ce qu'il en est. Personne ne veut détruire quoi que ce soit. Voici un peuple qui a réussi à trouver un système qui lui permet de préserver et de protéger l'espèce en cause, un système qui n'entraînera pas la disparition d'une espèce donnée.
Je crois qu'il est très important que vous alliez dans les régions rurales du Canada. Je suis moi-même originaire de Vancouver, ma spécialité étant l'industrie forestière, et permettez-moi de vous dire que des idées plutôt farfelues sortent des têtes pensantes de Vancouver, idées qui n'ont pas grand-chose à voir avec la réalité. Il est très important, à mon avis, que vous ne vous contentiez pas d'aller dans les quatre ou cinq principales villes du pays.
À votre place, pendant que vous êtes sur la côte Ouest, j'irais le long de la côte nord-ouest des États-Unis, en particulier dans les États de Washington et de l'Oregon. Ce n'est pas loin de Vancouver. Certaines collectivités comme Sweet Home, en Oregon, et de nombreuses autres le long de la côte ouest ont été complètement détruites du fait de cette même loi dont il est question aujourd'hui au Canada.
Je ne pense pas que ce soit très loin; peut-être à quelque 300 kilomètres. Allez voir ce qu'il advient des collectivités lorsqu'un texte de loi manque de muscles, donnant aux gens le moyen de faire des choses que n'avait pas prévues la loi. C'est précisément la raison pour laquelle nous sommes très inquiets.
Le Comité consultatif du secteur des forêts, le CCSF, est un comité consultatif chargé de conseiller les ministres sur les questions sylvicoles. Nous nous intéressons à ces questions depuis longtemps. Je dois dire que le CCSF avalise les objectifs recherchés par ce texte de loi, mais nous n'en demeurons pas moins inquiets. Nous pensons que le gouvernement a fait ce qu'il fallait pour ce qui est de l'engagement qu'il avait pris il y a cinq ans.
Je suis quelque peu irrité par le fait que cette loi soit présentée en fin de mandat alors que le sujet avait été abordé pour la première fois à Rio en 1992. Très franchement, alors que nous sommes d'accord avec ce texte, je ne crois pas que ce comité ou même cette législature ait suffisamment de temps pour permettre aux Canadiens que la question intéresse de participer au processus législatif avant que les élections ne soient déclenchées. Je le répète, le fait que ce texte arrive en fin de mandat, alors que le Canada s'était engagé à adopter ce type de législation, m'irrite profondément.
Pour avoir une idée de la gravité de la situation, quittez Vancouver, et promenez-vous à quelques centaines de kilomètres. Vous verrez des dizaines de villes abandonnées parce que les gens ont abusé de ce type de législation. Je crois que c'est très important.
Une fois de plus, je voudrais vous dire que nous sommes partisans de ce texte de loi, mais nous sommes très inquiets de sa nature. Nous savons que le gouvernement fédéral, en fait toute la classe politique fédérale, a un rôle à jouer dans ce domaine et nous voulons donc que vous sachiez ce qui existe vraiment.
Notre mémoire a une portée nationale, mais je connais mieux la situation en Colombie-Britannique. Je vais vous parler un peu de la Colombie-Britannique. Je pense que c'est important pour tous les membres du comité de comprendre ce qui se passe vraiment dans certains endroits.
En Colombie-Britannique, nous n'avons aucune loi précise sur les espèces en voie de disparition, mais nous avons pris des mesures importantes pour protéger la biodiversité. Nous avons le Code des pratiques forestières ainsi que la stratégie des aires protégées.
Il est certain que la majorité d'entre nous au Canada ont accepté le fait que nous devrions tenter de préserver 12 p. 100 de notre base territoriale. En Colombie-Britannique, je pense que nous avons une longueur d'avance sur beaucoup d'autres provinces. Cela représente plus de 9 p. 100 de la province maintenant. Avec les parcs que nous avions autrefois et ceux qui ont été mis de côté dans des aires protégées qui existent maintenant, nous parlons de plus de huit millions d'hectares déjà protégés. C'est considérable.
Pour mieux vous situer, permettez-moi de comparer cela aux États-Unis. Prenez la Colombie-Britannique uniquement; laissez tomber les autres provinces. Prenez tous les parcs fédéraux et les parcs d'État dans les États suivants et combinez-les: Californie, Oregon, Washington, Idaho, Nevada, Utah, Arizona, Nouveau-Mexique, Colorado, Wyoming, Montana, Dakota-Nord, Dakota-Sud, Nebraska, Kansas, Oklahoma et Texas. Aujourd'hui, en Colombie-Britannique, nous avons plus de territoire protégé que tous ces États-là mis ensemble. En d'autres mots, dans la seule province de Colombie-Britannique, avec un peu plus de 9 p. 100, nous avons plus de territoire consacré aux parcs que tous les autres parcs de tous les États à l'ouest du Mississippi, que ce soit des parcs nationaux, des parcs d'État ou autres. Lorsque nous aurons atteint 12 p. 100, nous en aurons plus que tous les 48 États contigus. Il est bon de s'en souvenir.
Encore une fois, je dois dire que nous appuyons ces initiatives, mais elles vont certainement mettre au défi le secteur des ressources naturelles.
Songez aux coûts de l'exploitation forestière sur la côte de la Colombie-Britannique à la lumière de certaines lois qui ont été adoptées. Il s'agissait de bonnes lois nécessaires en Colombie-Britannique au cours des cinq ou six dernières années, mais leurs coûts pour ce qui est du secteur de l'exploitation forestière sont le double en Colombie-Britannique de ce qu'ils peuvent être en Ontario et au Québec.
La situation des grandes compagnies n'est pas particulièrement reluisante. Nous avons eu trois fermetures importantes. Des compagnies entières n'ont pas fermé leurs portes, mais il y a eu trois fermetures assez importantes au cours des derniers mois en Colombie-Britannique. Je crois que c'est assez clair que le gouvernement doit procéder avec prudence en matière de réglementation.
Pour ce qui est de l'expérience aux États-Unis, je ne suis pas un ardent défenseur des États-Unis ou de leurs politiques, mais j'aime bien les travailleurs dans ce pays. Ils sont passés par là, alors j'aimerais vous parler un peu des États-Unis.
Leur expérience nous démontre que les lois sur les espèces en voie de disparition peuvent avoir des conséquences importantes pour les industries fondées sur les ressources naturelles. Le secteur forestier du nord-ouest du Pacifique a été particulièrement durement frappé par le Endangered Species Act. Dans les États de l'Oregon, de Washington, de l'Idaho et de la Californie, un tiers de tous les moulins exploités dans ces quatre États ont fermé leurs postes entre 1990 et 1993. Quatorze mille six cent soixante-quinze emplois dans le secteur manufacturier ont été perdus à cause d'une loi semblable à celle que ce comité étudie.
Voilà pour le secteur manufacturier. Cela n'inclut pas les compagnies d'exploitation forestière qui ont fourni de la matière brute ou des emplois indirects à 14 000 personnes. C'est deux pour un ou quelque chose comme ça en Colombie-Britannique. Nous parlons ici d'un très grand nombre de personnes qui seront au chômage parce qu'une loi semblable à celle dont il est question ici au Canada a été mal appliquée.
Nous avons besoin d'un projet de loi qui protégera les espèces en voie de disparition sans engendrer ce taux de chômage - il s'agit d'une perte massive d'emplois - sinon le projet de loi ne recevra pas l'appui dont il a besoin pour être efficace, surtout dans les régions rurales.
Je tiens à vous parler de deux problèmes importants que je vois dans ce projet de loi qui font qu'il nous est impossible de l'appuyer sous sa forme actuelle. Premièrement, il y a l'impact. La portée de ce projet de loi est trop large et ne tient pas compte suffisamment de l'impact social et économique.
Plusieurs définitions sont beaucoup trop vagues. Le Conseil consultatif du secteur des forêts, dans son mémoire, renvoie à un ou deux exemples et demande que le terme «résident» soit défini de façon beaucoup plus stricte et limité aux véritables résidents. L'expression «population géographiquement distincte» devrait être supprimée de la définition des espèces sauvages. Je pense qu'il faudrait être beaucoup plus strict dans ces définitions, faute de quoi le projet de loi ira plus loin que ce qu'il est vraiment nécessaire de faire pour atteindre l'objectif.
Plus important encore, le projet de loi doit faire beaucoup plus attention à l'incidence qu'auront les plans de rétablissement sur les collectivités et les individus. Les collectivités riches en ressources et dépendant de leur assiette foncière sont particulièrement vulnérables.
Le projet de loi parle à peine de l'évaluation du coût des plans de rétablissement. On ne prévoit nullement l'obligation d'évaluer l'incidence économique et sociale. Les évaluations devraient être effectuées en parallèle avec des consultations locales, avant même que les plans soient mis en oeuvre.
Il y a eu beaucoup plus de consultation locale que par le passé dans bien des régions du Canada, y compris la Colombie-Britannique. En fait, dans cette province, nous avons même discuté de l'utilisation foncière des terres, mais ces discussions ont échoué. Tout cela était une bonne idée, mais l'une des parties à la table de négociation n'était pas prête à faire des compromis, de sorte que cela n'a pas donné grand-chose.
Cela a donné tout de même lieu à la formation de comités de planification de la gestion des ressources dans les collectivités. Ces comités fonctionnent très bien et donnent de bons résultats. Ils ont réussi à sauver bon nombre d'exploitations qui auraient dû fermer leurs portes à la suite des premières recommandations de base. Ces comités de gestion des ressources locales qui vont chercher la participation des collectivités et de leurs citoyens jouent un rôle très important.
Le projet de loi ne parle à peu près pas de l'évaluation des coûts des plans de rétablissement. L'évaluation devrait être effectuée avant que les plans ne soient mis en oeuvre en parallèle avec des consultations locales. Le projet de loi devrait établir que les plans de recouvrement peuvent être révisés à la lumière de certaines de ces évaluations de l'incidence. Le projet de loi devrait également prévoir l'indemnisation des collectivités et de leurs citoyens, y compris des travailleurs qui sont directement touchés par les plans de rétablissement.
Puisque maintenir la biodiversité est un objectif national, les collectivités les plus vulnérables du point de vue économique ne devraient pas se voir demander d'assumer la plus grande part du fardeau pécuniaire sans qu'on leur offre une forme quelconque d'indemnisation. De plus, tout peut échouer si on n'a pas l'aide des premiers intéressés.
En ce qui concerne les procédures, le projet de loi devrait en établir, et établir également des analyses scientifiques soignées, et prévoir des consultations avec les localités touchées, de même que des évaluations des incidences sociales et économiques. Il ne devrait être possible d'éviter ces procédures que dans des circonstances exceptionnelles. Le projet de loi actuel prévoit trop facilement le recours à des mesures d'urgence en dehors des procédures et des échéanciers habituels. Il existe évidemment des lignes directrices, mais elles ne précisent pas suffisamment les motifs pour lesquels le ministre peut émettre des arrêtés d'urgence au titre du paragraphe 34(2), par exemple.
C'est le droit de poursuivre en justice, c'est-à-dire l'action en protection, qui nous préoccupe encore plus. Nous sommes convaincus que la politique forestière et tout ce qui y touche relève à juste titre du ministre des Forêts et du gouvernement de l'heure.
Or, le projet de loi donne aux tribunaux beaucoup de pouvoirs - c'est exactement ce qui est arrivé aux États-Unis à la suite de poursuites en justice - et cela entraîne une plus grande incertitude tout en diminuant l'imputabilité des intervenants. Cela revient à utiliser des ressources gouvernementales et à grever celles qui serviraient à aider les espèces identifiées comme prioritaires.
Cette disposition permet également aux groupes qui ont d'autres objectifs d'utiliser les espèces en voie de disparition pour faire mousser leurs propres objectifs cachés. Dans bien des régions du Canada, le véritable objectif, c'est de fermer les usines forestières. Comme le dit notre mémoire - et vous le comprendrez certainement - l'industrie forestière est la plus importante du Canada, à notre avis, car elle emploie plus d'un million de travailleurs.
Nos exportations ont atteint l'année dernière quelque 35 milliards de dollars. Nous avons rapporté quelque 6 milliards de dollars de produits. Il ne fait pas de doute que c'est là l'industrie la plus importante du Canada. Bien sûr, on ne le reconnaît pas dans bien des quartiers, mais je suis sûr que les politiciens, comme vous, s'en rendent bien compte. Toutefois, ce projet de loi-ci en fait l'industrie la plus vulnérable du Canada dans les régions forestières.
Aux États-Unis, les recours en justice pour protéger les espèces en voie de disparition ont coûté des millions de dollars. On a même nommé un juge de cour de circuit qui se promène un peu partout aux États-Unis. Si vous êtes capable de convaincre le juge que vous devriez perdre cette forêt, vous gagnez. Ensuite, il vous faut des années devant les tribunaux pour essayer de recouvrer votre perte, que celle-ci ait été ou non légitime.
Les environnementalistes américains ont dit que la chouette tachetée était un substitut pour la protection des vieux peuplements. Andy Stahl, l'agent principal du Sierra Club Legal Defense Fund, a affirmé en effet que la chouette tachetée était le substitut pour la protection des vieux peuplements. Il en est même venu à remercier la chouette tachetée. D'après lui, si elle n'avait pas existé, il aurait fallu l'inventer.
Je ne crois pas, pour ma part, que la chouette tachetée ait jamais été en danger aux États-Unis. On entend bien dire ici et là que la chouette tachetée a besoin de vieux peuplements pour survivre, mais on entend dire également qu'elle niche dans les panneaux-réclames, dans les câbles aériens et dans l'équipement forestier inutilisé, par exemple. De plus, il y a des activités de chasse dans les régions où il y a eu de la coupe.
C'est toute une escroquerie qui a coûté à bien des gens leur mariage, leur maison, leur vie, et encore plus. Les tribunaux ont permis que l'on retire aux travailleurs forestiers leur gagne-pain. L'histoire de la chouette tachetée s'est rendue jusque dans les tribunaux. Au début des années 90, plus de 20 poursuites importantes mettant en cause la chouette tachetée étaient devant les tribunaux, et touchaient d'énormes superficies. En vertu d'une loi semblable à celle dont nous sommes saisis au Canada, il avait été proposé, dans les États américains du Nord-Ouest longeant le Pacifique, que le service américain de la pêche et de la faune définisse 11,6 millions d'acres dans trois États comme habitat essentiel à retirer d'entre les mains de l'industrie forestière.
C'est sans doute surtout à cette action en justice ayant trait aux chouettes tachetées que l'on doit la débâcle économique qui existe dans les États américains du Nord-Ouest longeant le Pacifique.
Passons maintenant à mes conclusions.
Le secteur forestier investit déjà énormément dans la protection de la biodiversité. Je répète qu'il y a déjà plus de 8 millions d'hectares en Colombie-Britannique qui ont été mis de côté. Nous souhaitons travailler de concert avec le gouvernement fédéral pour la mise en oeuvre de cette nouvelle initiative. Nous voulons même être encore plus actifs.
Mais nous vous exhortons à être prudents. Le projet de loi va plus loin que nécessaire. Il n'a pas été rédigé en tenant compte de l'incidence qu'il pourra avoir sur les localités jouissant de ressources forestières. Si le projet de loi était adopté sous sa forme actuelle, il pourrait être catastrophique pour ces localités. Il ouvre la porte grande ouverte à ceux qui ont des objectifs cachés et qui voudraient nous traîner devant les tribunaux pour accomplir ce qu'ils ont en tête.
Le projet de loi ne réussira pas vraiment à protéger les espèces que le comité a désignées sous l'appellation... Je sais que mes amis américains parlent d'une «escouade de Dieu». Le Canada n'a sûrement pas besoin de son escouade de Dieu.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Munro.
Avant de passer aux questions, je voudrais que l'autre groupe de témoins, M. Duchesne... et je veux souhaiter la bienvenue à M. Jean Piette. Vous avez déjà comparu ici, et votre réputation est déjà bien établie au comité.
Monsieur Duchesne.
[Français]
M. André Duchesne (président-directeur général, Association des industries forestières du Québec): Je suis président-directeur général de l'Association des industries forestières du Québec et je suis accompagné de Me Piette, notre conseiller juridique dans ce dossier. Ma présentation sera livrée en français, mais Me Piette et moi répondrons volontiers à vos questions dans l'une ou l'autre langue.
L'AIFQ regroupe une trentaine de compagnies au Québec qui représentent presque 100 p. 100 de la capacité de production en pâtes et papiers et presque les deux tiers de la capacité de production en sciage. Comme le précisait M. Munro, cette industrie est d'une grande importance pour le Canada et surtout pour l'économie du Québec dans laquelle elle injecte plus de 10 milliards de dollars par année en valeurs d'exportation, soit 21 p. 100 de nos revenus l'année dernière. L'industrie investit plus d'un milliard de dollars par année, principalement en région, et fournit aux Québécois plus de 200 000 emplois directs, indirects et induits. Ces emplois sont mieux rémunérés que la moyenne des emplois du secteur manufacturier.
Notre association est heureuse de témoigner ici aujourd'hui au sujet du projet de loi C-65. Les membres de notre association saluent et appuient cette initiative au plan des principes. Ce projet de loi s'inscrit dans un mouvement international auquel le Canada s'est associé en tant que leader. Nous sommes en faveur de la protection du patrimoine naturel, qu'il soit canadien ou mondial.
Par contre, les objectifs de ce projet de loi ne pourront être atteints que dans la mesure où la loi favorisera la concertation et le partenariat des différents paliers gouvernementaux et des intervenants du milieu. Nous avons certaines réserves à cet égard.
L'Association canadienne de pâtes et papiers a déjà comparu devant votre comité. Puisque la plupart de nos membres sont aussi membres de l'ACPP, nous ne réitérerons pas l'ensemble des remarques et des préoccupations qu'elle a exprimées. Je désire toutefois insister sur trois points qui, comme vous le constaterez, rejoindront à plusieurs égards les propos de M. Munro.
Nous nous opposons à l'article 33, qui nous apparaît dangereux et inacceptable. Cet article permet au ministre seul d'établir, par règlement, une interdiction de porter atteinte intentionnellement à un individu d'une espèce sauvage faunique. Cette disposition prévoit que seul un comité technique composé de neuf personnes est requis pour reconnaître une espèce comme espèce en voie de disparition ou menacée et déterminer qu'elle a migré à l'extérieur du Canada ou que son aire de répartition s'étend au-delà d'une frontière internationale du Canada.
Les prohibitions dont font état les articles 31 et 32, qui portent sur les espèces menacées ou en voie de disparition, sont reliées à la liste des espèces en péril établie par le gouvernement. L'article 33 prévoit toutefois que seule une décision ministérielle suffit pour créer une infraction avec élément intentionnel à la suite d'une simple recommandation d'un comité technique de neuf personnes.
Nous estimons que le critère utilisé, soit une migration transfrontalière de l'espèce sauvage en question ou l'aire de répartition transfrontalière, a une valeur législative douteuse et inacceptable. À notre avis, la faculté pour une personne, un animal ou un bien de migrer au-delà d'une frontière ou d'être présent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du Canada ne constitue pas un critère de compétence législative reconnu.
D'autre part, il nous paraît inacceptable qu'un ministre soit habilité à définir les infractions parce qu'il en a ainsi décidé. Cette latitude a une portée extrêmement importante au plan politique et au plan des libertés démocratiques. Nous considérons qu'il revient au Parlement de définir ce qui constitue une infraction et, comme dirait mon légiste, de «créer un crime».
Le deuxième point touche les plans de rétablissement. On constate que les dispositions des articles 38 et suivants concernant les plans de rétablissement ne tiennent pas compte des considérations socioéconomiques et ne prévoient pas de mesures de compensation ou d'indemnisation à l'égard des individus, des entreprises ou des communautés susceptibles d'être touchés dans leur perspective économique ou dans leur développement, parce qu'on présume qu'un plan de rétablissement comprendra une interdiction ou des restrictions à des activités économiques dans la plupart des cas.
Nous pensons que les plans de rétablissement prévus au paragraphe 38(5) requièrent la prise en compte des considérations socioéconomiques et prévoient des mesures adéquates de compensation ou d'indemnisation. Autrement dit, si une étude d'impact est exigée avant d'autoriser une activité industrielle, une étude d'impact devrait également être exigée avant d'interdire une activité qui aurait pour conséquence de nuire au développement des communautés. M. Munro nous a illustré cela abondamment.
Mon dernier point touche l'action en protection. On s'oppose à ce que n'importe qui puisse intenter une action en protection tout simplement parce que les résultats d'une demande d'enquête lui paraissent insatisfaisants.
Le projet de loi C-65 comporte déjà plusieurs mesures favorisant la participation des citoyens à la gestion et à l'administration de la loi. À notre avis, la possibilité d'intervention d'un citoyen devant les tribunaux représente une abdication des responsabilités du gouvernement en ce qui a trait à l'application de cette loi-là.
Les membres du gouvernement sont élus et, dépendant du palier de gouvernement dont il s'agit, rémunérés par des contribuables pour appliquer des lois adoptées par les corps législatifs de façon démocratique. Donc, l'application des lois est la responsabilité politique du gouvernement. C'est l'imputabilité publique et politique du gouvernement qui est en cause. Déléguer tout ou une partie de ces responsabilités à de simples citoyens nous paraît tout à fait inopportun, d'autant plus que l'effet sera de mettre l'accent sur le litige judiciaire plutôt que sur la concertation des intervenants, comme cela s'est produit aux États-Unis.
Je vous signale que la tradition politique du Canada est beaucoup plus la concertation, ce qui conduit à une responsabilisation adéquate des différents intervenants qui, dans le dossier des espèces en péril au Canada dont on discute, peuvent être des citoyens, des individus ou des représentants d'États.
Je termine en vous disant qu'en ce qui concerne l'esprit du projet de loi et l'objectif poursuivi, on n'a certainement pas de problème, mais que certaines modalités devront être révisées.
Au Québec, comme en Colombie-Britannique ou dans la plupart des autres provinces, il y a déjà des dispositions. Au Québec, il y a également une politique de biodiversité. Des règlements sur les interventions en forêt prévoient déjà des dispositions pour la protection des espèces. Il faudra que tout ça soit harmonisé si on ne veut pas se tirer dans le pied.
Merci.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Duchesne.
Madame Jennings.
M. Munro: Madame la présidente, Claude voudrait intervenir au nom du Conseil consultatif du secteur des forêts.
La vice-présidente (Mme Payne): Cela vous conviendrait-il que nous fassions d'abord un premier tour de questions, après quoi nous pourrions passer à l'exposé suivant?
M. Munro: Certainement. Je sais qu'il faut exercer des pressions le plus possible sur la présidence, et que c'est à vous à trancher, et pas à moi.
La vice-présidente (Mme Payne): J'ai des idées bien arrêtées, mais je suis prête à lâcher du lest si vous le voulez.
M. Munro: Très bien.
La vice-présidente (Mme Payne): Madame Jennings.
Mme Jennings: D'abord, merci de vos exposés. Je dois, moi aussi, être à la Chambre vers 11 heures.
Monsieur Munro, je vais sans doute reprendre bon nombre de vos préoccupations. Je connais bien la région forestière dont vous parlez et l'industrie forestière. J'ai des propriétés à Jordan River, et pendant 16 ans mon entreprise se trouvait tout à côté du triage des billes sur la terre ferme, et nous avons, Dieu merci, travaillé main dans la main. La plupart du temps, nous avons réussi à régler nos difficultés dans un esprit de collaboration.
Je m'inquiète de ce que vous dites au sujet du peu de préavis. Vous dites que vous n'avez pas eu suffisamment de temps pour étudier le projet de loi, et qu'en dépit des prochaines réunions - je crois qu'il n'y en aura qu'une seule à Vancouver - nous n'aurons pas suffisamment de temps pour communiquer pleinement avec l'ensemble des intéressés. Vous craignez que le comité sur le statut des espèces en voie de disparition ne tienne pas compte des doléances de tous les intéressés et n'élargisse pas la consultation scientifique. J'imagine que vous parlez au nom de l'industrie forestière et de ses experts.
D'après vous, combien de temps nous faudrait-il? Combien de temps de plus nous faudrait-il pour nous préparer pleinement à la mise en oeuvre de cette loi?
M. Munro: Si rien d'autre ne se produisait au Canada, nous n'aurions pas besoin d'autant de temps. Mais ce projet de loi-ci touche beaucoup de secteurs, et en hiver je vois mal comment on pourrait imposer à des gens de faire de 600 à 900 milles pour comparaître devant un comité, alors que c'est en pleine période de gel que l'on travaille le plus, particulièrement dans le Nord. J'imagine que vous connaissez bien l'île de Vancouver et l'intérieur de la province, dans le Nord et dans le Sud.
Si vous voulez vraiment aider les Canadiens qui devront assumer la plus grande part de la responsabilité en ce qui concerne le projet de loi, vous devriez les laisser intervenir avant d'adopter le projet de loi. Or, je ne vois pas comment cela serait possible.
J'en sais autant sur ce qui arrivera l'année prochaine que ceux qui lisent les journaux. J'imagine qu'il y aura une élection le printemps prochain, et je ne crois pas que vous puissiez adopter le projet de loi avant le printemps, ce qui n'est pas mauvais en soi. Nous avons tous expliqué que nous étions d'accord avec le projet de loi, mais que nous préférerions qu'il soit peaufiné avant qu'il soit adopté, car cela vaut mieux que d'avoir à le corriger plus tard, ce qui nous oblige à aller devant les tribunaux et prend beaucoup de temps.
Mme Jennings: En regard de certaines espèces en voie de disparition et des activités de l'industrie forestière, avez-vous un sentiment d'urgence? Y a-t-il des indices qui vous indiquent qu'il faut agir immédiatement...?
M. Munro: Nous n'avons pas entendu dire que telle ou telle espèce avait disparu à la suite des activités forestières. La province a fait beaucoup pour protéger les espèces. À la lecture de la liste des régions qui sont déclarées zones protégées, je ne crois pas qu'il y ait quelque danger que ce soit à retarder l'adoption du projet de loi. Nous sommes tous en faveur du projet de loi, mais il faut qu'il soit rédigé convenablement.
Mme Jennings: Vous suggérez d'attendre après les prochaines élections?
M. Munro: Peu importe qu'il y ait ou non une élection le printemps prochain, je crois qu'il faudrait attendre la prochaine session. Je ne crois pas qu'il vous soit possible d'agir avant la fin de cette session-ci.
[Français]
M. Claude Plamondon (président, Fédération des travailleurs et des travailleuses du papier et de la forêt du Québec): Je me demande ce que les représentants du Conseil consultatif du secteur des forêts ont à dire à ce sujet, à savoir si cela ne devrait pas être chapeauté par le gouvernement fédéral. Il y a beaucoup de lois en ce moment et on en parle dans notre rapport.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Payne): Pardon, mais n'aviez vous pas un autre exposé à présenter? Je pense qu'il conviendrait que vous fassiez votre exposé à ce moment-ci, s'il n'est pas trop long.
[Français]
M. Plamondon: L'intervention de Jack tout à l'heure s'enchaîne à la question que madame vient de poser, et c'est dans ce cadre que je voulais intervenir.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Payne): Oui, et c'est pourquoi je suis intervenue. Si vous voulez présenter votre exposé et s'il n'est pas trop long, je vous cède la parole, ce qui permettra peut-être de trouver une réponse à la question posée.
[Français]
M. Plamondon: Dans ce cadre, je parle de la région que je connais le mieux parce que j'en suis originaire, celle de Québec. Si un projet de loi était mis en place, il devrait l'être par les communautés, avec les gens qui travaillent dans ce milieu.
On dit surtout qu'il serait important que le gouvernement fédéral chapeaute un peu ce qui se fait dans le moment. Beaucoup de lois sont déjà en vigueur, tant au Québec que dans les autres provinces. On sait déjà que le domaine des eaux et des forêts relève de la compétence provinciale, mais ne serait-il pas de bon aloi que le gouvernement fédéral chapeaute ce projet de loi?
J'ai assisté au congrès de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture au mois d'octobre dernier, à Québec. Parmi les propositions qui concernaient la pérennité des espèces, cinq ont été retenues. Elles disaient notamment que les gens qui vivent de la forêt ou de l'agriculture doivent être consultés dans ce dossier.
On le souligne dans le rapport: quel sera l'impact pour les travailleurs qui sont directement touchés et ceux qui le sont indirectement? On n'aborde pas cet aspect dans ce projet de loi. Le projet de loi parle également des mammifères, des oiseaux et des végétaux, mais il ne précise pas les types de végétaux.
Est-ce que cela signifie qu'on peut fermer une forêt au complet? Je ne sais pas au juste ce qu'on veut faire parce qu'il y a beaucoup de végétaux en forêt. Il existe aussi au Québec ainsi que dans les autres provinces diverses réserves fauniques vouées à la conservation des espèces. Le Conseil consultatif du secteur des forêts est très préoccupé par ce type de loi. André a entre autres souligné tout à l'heure l'article 33 qui pénalise les gens pour tel ou tel geste.
À mon avis et à celui du Conseil, on devrait faire de l'information et de la formation axées sur nos responsabilités vis-à-vis des espèces en voie de disparition plutôt que de proposer un tel projet de loi. C'est le cadre dans lequel je voulais intervenir.
D'autre part, je regarde les préoccupations de la population. On a un taux de chômage de11 p. 100 au Québec. Est-ce que ce projet de loi ne fera pas en sorte que des citoyens de villages complets perdent leur emploi? Il y a beaucoup de villages au Québec, tels La Tuque, Lebel-sur-Quévillon dans le Nord-Ouest ou des villages du Saguenay - Lac-Saint-Jean où les gens vivent presque exclusivement de la forêt.
J'ai peur que ce projet de loi ait comme conséquence de faire perdre des milliers d'emplois. C'est terre à terre, mais c'est la réalité. On travaille tous les jours auprès des citoyens, et ce projet de loi nous préoccupe énormément.
Ce sont mes préoccupations. On est assurément d'accord sur le principe de la protection des espèces. On était d'accord sur les projets de loi touchant la protection des forêts, mais je trouve que ce projet-ci culpabilise et judiciarise de plus en plus.
En conclusion, il me semble qu'au lieu d'un projet de loi, on devrait avoir un document qui aurait pour objectif de chapeauter ces choses. Comme la forêt est de compétence provinciale, on doit regarder ces choses avec les provinces afin de surveiller ce qui s'y passe.
Je vous remercie.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Plamondon.
M. Forseth: Je voulais seulement poser une brève question supplémentaire. Monsieur Munro, vous avez parlé du principe de l'acceptation et de la coopération de la collectivité. Vous avez dit que les diverses parties prenantes devraient souscrire au processus au lieu de s'opposer et de résister à la loi, si nous pouvions rallier tout le monde. Si nous pouvions vous rallier, cela inciterait sans doute un certain nombre de gens de la Colombie-Britannique à dire que, si Jack est d'accord, autant être d'accord également.
J'espère que nous pourrons susciter une coopération, ce qui répondra à vos préoccupations et vous permettra d'appliquer le principe global de la Loi sur la protection des espèces en péril, que vous dites appuyer en principe. Mais ce sont toujours les détails qui posent des problèmes, n'est-ce pas? Si nous pouvons procéder aux désignations à votre satisfaction, vous pourrez alors vous servir de vos ressources pour rallier d'autres groupes et susciter cette coopération dont vous parlez.
Je vous invite à convaincre le maximum de groupes locaux à venir témoigner devant le comité à Vancouver. Nous allons à Vancouver, mais nous serons sans doute là seulement un jour ou un jour et demi.
Pourriez-vous parler brièvement de toute la question de la coopération et de l'acceptation communautaires au lieu de suivre la voie de l'affrontement?
M. Munro: Je voudrais d'abord dire que vous me flattez. Ceux qui pensent que si je suis d'accord, ils doivent être d'accord également, ne viennent pas me parler. Je parle à l'autre camp, et ce qu'il me dit parfois n'est pas si flatteur.
Phillip.
M. Phillip Legg (Conseil consultatif du secteur des forêts): Je voudrais aborder une ou deux questions qui ont été soulevées tout à l'heure et qui concernent le temps imparti et ce que Jack a dit quant au fait que cette mesure arrive assez tard.
Un groupe de travail a été mis sur pied avant l'élaboration de cette loi. Nous serions beaucoup moins nerveux si la plupart des principales recommandations de ce groupe de travail avaient été intégrées dans la loi. Elles n'y sont pas.
Les représentants inuit ont bien fait valoir que, pour qu'une loi soit appliquée avec succès, les citoyens doivent croire qu'elle se base sur la bonne foi. Le manque de précision de cette mesure et ses lacunes, surtout en ce qui concerne les dispositions de l'article 38 sur les plans de rétablissement, nous donnent à penser que le processus est passé à côté d'une chose très importante. Si c'est le cas, cette loi ne donnera pas les résultats escomptés.
Malheureusement, ces lacunes vont sans doute se traduire par des batailles devant les tribunaux. Il y a eu toutes sortes de batailles tactiques dans le Nord-Ouest de la région du Pacifique. À notre avis, ce n'est pas ainsi que l'on doit s'engager à protéger les espèces en péril ou la biodiversité comme le veut cette loi...ce n'est pas ainsi qu'on obtient des résultats. Vous allez vous retrouver coincés.
Quant à savoir de combien de temps nous avons besoin pour étudier la question, cette loi s'écarte tellement du rapport du groupe de travail qu'il faudra retourner à la case départ sur bien des points.
M. Munro: Paul, je répondrai simplement à votre question par l'affirmative. Mon organisme approuve l'idée d'une loi sur la protection des espèces en péril, mais il y a un tas d'écueils à surmonter, ici et là.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup. Monsieur Knutson.
M. Knutson: Je dirais d'abord que j'apprécie beaucoup vos préoccupations au sujet des collectivités et des emplois. Je sens que cela vous tient beaucoup à coeur, et je l'apprécie. J'ai souvent l'impression que l'industrie forestière actuelle doit payer le prix des pratiques du passé et qu'on la traite assez injustement, compte tenu de ce qu'elle fait actuellement.
M. Munro: Sans aucun doute.
M. Knutson: J'aimerais avoir plus de 10 minutes pour traiter de cette question.
Certains témoins nous ont dit qu'en ce qui concerne la possibilité pour les citoyens de demander une enquête et d'intenter une action en justice, les exigences étaient trop élevées. Les gens devraient avoir le droit de demander justice devant les tribunaux.
Un témoin qui a participé à la rédaction de la loi ontarienne a dit que son libellé était très semblable. En Ontario, il n'y a pas eu un seul exemple de citoyens ou de groupes de citoyens qui aient contesté la loi ou contesté le comportement du ministre devant les tribunaux.
D'un côté, quelqu'un nous dit que si on libelle la loi ainsi, personne ne pourra aller devant les tribunaux parce que les obstacles sont trop élevés pour amener le ministre à mener une enquête. Puis vous nous dites le contraire, à savoir que le libellé de ce projet de loi...
Pourriez-vous me dire comment est formulée la loi américaine? Donne-t-elle au ministre l'occasion d'instituer une enquête, d'indiquer les raisons pour lesquelles cette enquête a lieu... Des raisons qu'en principe les tribunaux examineront si vous essayez de passer à l'étape suivante? Pourriez-vous me préciser dans quelle mesure le libellé de la loi américaine se rapproche de celui-ci?
M. Munro: Je ne connais pas grand-chose de la loi américaine, si ce n'est qu'elle permet aux gens d'aller devant les tribunaux. Le Sierra Club Legal Defense Fund est allé devant les tribunaux, surtout aux États-Unis, et il a réussi à soustraire une grande superficie de forêts aux travailleurs de l'industrie forestière et aux communautés forestières.
Je ne sais pas ce qu'il en est en Ontario, mais en Colombie-Britannique ces groupes sont allés devant les tribunaux. Jusqu'ici, les juges ont dit que c'était la responsabilité du ministre des Forêts et du gouvernement. Il y a deux mois environ, ce même organisme, le Sierra Club Legal Defense Fund, a essayé d'empêcher Interfor de construire un chemin forestier pour aller couper du bois parce qu'il était trop près d'un vieux peuplement. Ce groupe est allé devant les tribunaux pour demander une injonction.
Ces groupes iront devant les tribunaux. Ils y vont déjà. Même si les tribunaux n'ont pas vraiment statué sur la question, si c'est davantage le gouvernement qui s'en est occupé, ils vont constamment devant les tribunaux pour s'opposer à la politique forestière.
M. Legg: Je voudrais ajouter quelques précisions en ce qui concerne le Code des pratiques forestières en Colombie-Britannique. Jack a raison, plusieurs injonctions ont été demandées aux tribunaux pour contrer certaines parties du Code des pratiques forestières.
M. Knutson: Avec succès?
M. Legg: Non, sans succès. Si ces groupes n'ont pas eu de succès, c'est parce que le code prévoit l'établissement d'une commission des pratiques forestières. C'est un processus d'examen administratif qui vérifie la validité des plaintes émanant des citoyens. L'ennui, c'est que nous avons actuellement un système... La Commission des pratiques forestières se trouve paralysée par un tas de plaintes injustifiées, et rien ne lui permet de dire aux auteurs de ces plaintes que, s'ils veulent formuler une plainte, il faut qu'elle soit valide, qu'ils puissent l'étayer, faute de quoi ils auront une pénalité à payer. Si vous ne le faites pas, les gens sont libres d'utiliser n'importe quelle tactique pour parvenir à leurs fins.
M. Knutson: Restons un peu sur cette question. Ce projet de loi stipule qu'un ministre peut rejeter une demande d'enquête si elle est jugée futile ou vexatoire. Il y a donc un processus qui intervient immédiatement. Le ministre peut dire que la demande est futile et que l'enquête n'aura pas lieu. Si j'étais juge, j'en tiendrais compte.
L'article 60 dit que vous pouvez aller devant le tribunal uniquement si le ministre responsable n'a pas agi de façon raisonnable. On nous a dit que cet obstacle était excessif et que personne ne pourrait aller devant les tribunaux. Par conséquent, d'un autre côté...
M. Legg: En Colombie-Britannique, la Commission des pratiques forestières est un système administratif qui vise à éviter précisément ce que vous décrivez, et malgré cela nous recevons une avalanche de plaintes qui ne sont pas fondées. Cela force la commission à dépenser énormément d'argent pour procéder à ces enquêtes alors que les ressources financières des gouvernements sont limitées. Même si la Colombie-Britannique est privilégiée, en général les gouvernements n'ont pas beaucoup d'argent à dépenser pour ce genre de choses.
Quand les Inuit étaient là, vous avez parlé de faire en sorte d'avoir la capacité institutionnelle voulue pour assurer le succès de cette loi. Ce risque d'engorgement du système va certainement détourner beaucoup de ressources des choses vraiment importantes.
M. Knutson: Je vais seulement dire ce que j'ai à dire, puis passer à autre chose. Ce libellé est comme celui de la loi ontarienne. Le public n'a pas demandé aux tribunaux d'intervenir. C'est ce qu'on nous a dit. Il faut peut-être en conclure que le libellé n'est pas bon, parce qu'il n'est sans doute pas comme le libellé américain ou comme la Commission de gestion forestière de la Colombie-Britannique.
L'autre jour, j'ai parlé à des environnementalistes américains, qui m'ont dit qu'on hésite énormément à inscrire des espèces qui sont peut-être déjà menacées parce qu'on ne tient pas compte des répercussions sociales, particulièrement pour ce qui est du hibou. Comme les localités américaines ont été sérieusement touchées et qu'il y a eu une grande levée de boucliers, cela a eu de graves conséquences pour la conservation. Je reconnais qu'il faut établir un juste équilibre et que, si nous ne le faisons pas, le système ne fonctionnera pas.
M. Legg: Dites-vous que vous êtes prêts à modifier l'article 38 pour y inclure des considérations socio-économiques?
M. Knutson: Je pense que c'est déjà dans la loi. Je crois que le mot «raisonnable», à l'article 60, englobe cette notion.
M. Munro: Mais les Canadiens qui ne fréquentent pas très souvent ces lieux sont sacrément inquiets devant des idées aussi vagues. Au forum télévisé de l'autre jour, j'ai eu l'impression...
Une voix: Cela avait l'air organisé d'avance.
M. Knutson: Le forum a été organisé par Radio-Canada comme une bonne pièce de théâtre.
En fait, si vous examinez le libellé de la loi ontarienne, qui reflète le libellé de ce projet de loi-ci, il n'a pas posé de problème, et il n'y en aura peut-être pas non plus ici.
M. Legg: Je dirais seulement qu'en Colombie-Britannique le Code des pratiques forestières constitue, selon moi, un obstacle plus important pour les plaintes. Malgré cela, nous n'avions jamais pensé recevoir autant de plaintes. Nous n'avons apporté aucune modification à la loi pour dire que si la plainte n'est pas fondée il faudra assumer le coût de l'enquête. Je crois que les Inuit ont présenté un bon argument à cet égard. Cela devrait être une exigence minimum.
La vice-présidente (Mme Payne): Je crois que vous voulez ajouter quelque chose, Jean.
[Français]
Me Jean Piette (avocat, Ogilvy Renault): Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais apporter une précision en ce qui a trait à l'action en protection qui serait accessible à tout citoyen dans le cadre de l'article 60 et des articles suivants.
Le député dit qu'un citoyen peut demander à un ministre d'effectuer une enquête quand il estime qu'une infraction a été commise. Le ministre est un personnage qui a une imputabilité politique, une imputabilité devant le Parlement, et s'il ne s'inquiète pas de cette responsabilité de façon correcte, il doit en répondre devant la population et devant le Parlement.
Ici, ce qui est inacceptable, selon nous, c'est de faire intervenir le pouvoir judiciaire qui, lui, va juger du caractère raisonnable ou déraisonnable de la décision ministérielle.
Compte tenu du fait que la personne qui rend une décision est responsable d'effectuer des enquêtes et doit assumer sa responsabilité devant le Parlement et devant la population en général, il nous apparaît inopportun qu'un tribunal devienne le juge du caractère raisonnable ou déraisonnable de la décision ou de l'action ministérielle.
D'autre part, M. Munro a mentionné les programmes différents des citoyens ou des groupes au nom desquels les citoyens pourraient vouloir intervenir et intenter ces recours-là.
Quand le gouvernement intervient pour prendre des procédures judiciaires contre une personne qui a commis ou dont on allègue qu'elle a commis une infraction, le gouvernement agit pour des motifs d'intérêt public, pour protéger le public, pour faire respecter la règle de droit.
Quand des individus interviennent en vertu de dispositions comme les article 60 et suivants, leurs motifs peuvent être tout autres. Ils peuvent être politiques ou économiques. Par exemple, au Québec, il y a une loi sur l'accès à l'information qui offre un accès très large à toute personne qui veut demander de l'information au gouvernement. On a souvent vu des concurrents qui allaient chercher des renseignements sur d'autres entreprises, etc.
Il peut y avoir des abus dans des systèmes comme ceux-là. En Ontario, il n'y a pas encore eu de recours, mais il faut dire que la portée de la loi ontarienne est différente de la portée de cette loi.
Cette loi a une portée géographique plus large. Également, elle met en cause des préoccupations qui sont davantage du domaine politique et même idéologique, de sorte que les risques sont plus grands. Ce sont les raisons pour lesquelles l'Association s'oppose à l'action en protection disponible à tous les citoyens.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Payne): Merci, monsieur Piette.
Mme Kraft Sloan est la suivante, puis ce sera M. Steckle, et nous terminerons avec M. Taylor.
Mme Kraft Sloan: J'ai entendu un des témoins dire qu'il s'inquiétait que cette loi ne réponde pas aux recommandations du groupe de travail. Approuvez-vous le rapport du groupe de travail?
M. Legg: Le groupe de travail a formulé un tas de recommandations avec lesquelles nous sommes d'accord. Nous ne les avons pas toutes approuvées. Le groupe de travail a proposé des définitions très importantes qui ne se retrouvent pas dans la loi. Je ne peux pas vous fournir des détails pour le moment, mais je pourrais vous les faire parvenir plus tard.
Mme Kraft Sloan: L'Association canadienne des pâtes et papiers a souscrit au rapport du groupe de travail. Et je tiens à souligner, comme de nombreux témoins l'ont fait, que la loi est beaucoup plus faible que ce rapport.
Pour certaines des questions qui vous inquiètent, par exemple les plans de rétablissement et leur mise en oeuvre, le rapport du groupe de travail dit que le ministre «doit» faire ceci et cela. Le projet de loi dit seulement qu'il «peut» le faire. Le ministre a davantage de latitude, et la loi est donc plus faible que ne le préconisait le rapport du groupe de travail.
M. Legg: Permettez-moi de faire une observation. Si l'on apportait des modifications disant que le ministre «doit» tenir compte des facteurs socio-économiques et «doit» dédommager les communautés touchées et les consulter, nous ne serions certainement pas aussi inquiets que nous le sommes aujourd'hui. Le mot «raisonnable» n'est pas satisfaisant.
Mme Kraft Sloan: Il s'intègre dans la loi. Vous étiez également inquiets au sujet...
M. Legg: Cela dépend; pas tout le temps.
Mme Kraft Sloan: Vous étiez également inquiets au sujet du COSEPAC parce que seulement neuf personnes désigneront une espèce. Le COSEPAC compte plus de 20 personnes qui se servent des données scientifiques pour désigner les espèces. Il n'y en a donc pas seulement neuf.
M. Legg: Je crois que ce sont mes amis de ce côté-là de la table qui ont soulevé la question; alors peut-être aimeraient-ils en parler.
M. Duchesne: Selon la façon dont nous voyons les choses, le comité technique qui fait les recommandations au ministre comprend neuf personnes. Elles peuvent consulter les experts de leur choix, mais les recommandations sont formulées par ces neuf personnes, et la décision est ensuite prise par le ministre.
Mme Kraft Sloan: Non, elle est prise par le Cabinet.
M. Duchesne: C'est à l'article 33. D'après cet article, il semble que ce soit le ministre qui décide.
Mme Kraft Sloan: Mais pour qu'une espèce soit désignée par le COSEPAC et inscrite sur la liste... le processus est différent de celui que vous avez décrit. Les neuf membres du COSEPAC doivent obtenir leurs renseignements d'environ 28 scientifiques qui sont des experts dans différents domaines. Ces neuf personnes n'établissent pas les rapports sur l'état des espèces. Ce sont les scientifiques qui le font.
M. Duchesne: Évidemment.
Mme Kraft Sloan: Oui. La décision se fonde donc sur des données scientifiques.
M. Duchesne: Les recherches ne sont pas effectuées par ces neuf personnes. Nous comprenons cela.
Mme Kraft Sloan: Je le sais. La décision se fonde sur des données scientifiques, et ce que vous avez dit était donc inexact.
Je tiens également à souligner qu'on a peut-être certaines idées farfelues au centre-ville de Toronto ou de Vancouver - je ne sais pas exactement de quelles idées farfelues vous parlez - mais je suis d'accord avec certaines de ces idées farfelues, même si je vis dans une localité rurale. Ce ne sont donc pas seulement les gens de Toronto qui peuvent avoir des idées farfelues au sujet de la nature. Parfois, les gens des régions rurales peuvent en avoir également.
M. Munro: Je suis d'accord. Il y a certaines bonnes idées qui émanent du centre-ville de Toronto ou de Vancouver ou de n'importe quelle autre ville, mais je ne trouve pas juste qu'un comité qui joue un rôle aussi crucial pour les régions rurales aille seulement au centre-ville de Toronto ou de Vancouver. Si cette loi risque de fermer Campbell River, vous avez l'obligation de vous rendre à Campbell River avant de l'adopter; ou encore à Prince George ou Fort St. John ou ailleurs.
Comme nous l'avons dit, la plupart des localités rurales - et je pense que les Inuit l'ont dit également - ont appris à vivre avec la nature et les espèces sauvages et ont appris à en prendre soin afin de les préserver. Les gens ne peuvent pas s'éloigner, surtout en hiver, et surtout dans le Nord. Il y a un tas d'endroits au Canada où c'est en ce moment que se fait la majeure partie de l'abattage. On s'attend à ce que les gens achètent un billet d'avion à 1 000$ pour venir s'asseoir pendant quinze minutes devant un comité au centre-ville de Vancouver qui risque de leur enlever leur gagne-pain... je ne pense pas que vous puissiez faire cela au cours des prochains mois, avant que le Parlement ne s'ajourne pour les élections.
Nous appuyons cette loi, mais comme toute loi de ce genre, elle est pleine d'embûches; alors pourquoi nous imposer cela? Cette loi bénéficie de nombreux appuis, mais il y a des embûches. Tel est le message que nous essayons de vous faire comprendre. Je n'ai pas composé ce discours après avoir vu le forum télévisé, mais si vous ne pensez pas que ce forum reflétait - je ne suis pas Libéral, mais j'étais désolé pour le premier ministre - ce que pensent un tas de Canadiens, allez au centre-ville de Fort St. John, de Prince George et de bien d'autres localités.
Mme Kraft Sloan: Quelqu'un a mentionné que le gouvernement n'a pas énormément de ressources. Et l'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas visiter chaque petite localité du pays, c'est précisément que nous n'avons pas les ressources voulues. Nous manquons de moyens financiers.
Les gens sont invités à nous soumettre des mémoires. Ils peuvent nous contacter par divers moyens pour nous faire part de leurs opinions au sujet de cette loi. Rien n'empêche qui que ce soit de nous faire parvenir des renseignements ou de nous faire connaître son avis au sujet de cette loi, et nous remboursons les frais de tous les témoins qui comparaissent devant le comité.
M. Munro: Je dois dire que j'ai siégé à plusieurs commissions fédérales et que si nous comparons cette loi aux lois similaires... elle a des effets dévastateurs. Si le gouvernement ou le comité n'a pas d'argent pour visiter les endroits qui seront touchés, les gens n'appuieront pas la loi, et elle ne donnera probablement pas les résultats escomptés. Vous devriez donc retarder les choses jusqu'à ce que vous ayez cet argent.
Cette loi aura des effets dévastateurs. Je me ferai un plaisir de vous emmener dans plusieurs localités situées à moins de 200 milles de Vancouver pour vous montrer à quoi elles ressemblent avec une loi identique. Et comme la loi permet aux gens d'aller devant les tribunaux avec des arguments bidons, un juge sympathique à leur cause fermera des localités entières. Nous ne devrions pas nous imposer pareille chose. Il est inutile de se placer dans une telle situation au Canada.
Mme Kraft Sloan: Mon collègue a souligné très clairement, je pense, les garanties que prévoit la loi contre les plaintes vexatoires et futiles, et je voudrais savoir quel est le pourcentage des terres utilisées par les sociétés forestières qui sont des terres fédérales.
M. Munro: Cela dépend de la région. En Colombie-Britannique, il n'y en a pas beaucoup.
Mme Kraft Sloan: D'accord, c'est donc environ 2 p. 100.
Une voix: Dans l'île de Vancouver...
M. Munro: C'est exact, dans l'île de Vancouver.
M. Legg: Avez-vous jamais entendu parler des terres E & N? Elles traversent le milieu de...
Mme Kraft Sloan: On nous a dit que cette loi ne couvrirait aucune espèce située dans l'île de Vancouver. Sa portée est très limitée. En fait, le Globe and Mail, qui est un journal tout à fait proentreprise, nous a critiqués parce que nous n'avons pas exercé nos pouvoirs fédéraux.
Il serait donc souhaitable que vous examiniez la loi d'un peu plus près et...
M. Munro: Le Globe and Mail, au centre-ville de Toronto, est peut-être un bon exemple de ce que j'essaye de vous faire comprendre. Qu'entend-on par «population géographiquement distincte»?
Mme Kraft Sloan: Certaines de vos inquiétudes ne se basent pas sur ce projet de loi.
M. Legg: Mais vous...
M. Munro: Vous prenez un risque. Vous pariez qu'il n'y aura pas d'effets négatifs, mais nous disons que des lois semblables en ont.
La vice-présidente (Mme Payne): Pourrions-nous passer à M. Taylor, s'il vous plaît?
Néanmoins, avant que nous ne passions à M. Taylor, je voudrais vous signaler, monsieur Munro, que le comité a reçu plus de 500 témoignages, la plupart sous forme de lettres et de mémoires écrits, et la plupart étaient très favorables.
Néanmoins, cet échange nous montre à quel point il est important d'établir un juste équilibre, ce qui n'est pas toujours facile. Les témoignages que nous avons reçus, des quatre coins du pays, révèlent l'importance des problèmes que nous examinons ici.
M. Munro: Puis-je répondre à cela? Nous appuyons les intentions de la loi. C'est à cause des problèmes que nous avons eus que nous sommes très inquiets devant une loi similaire. Un des problèmes que nous avons eus...
Lors des consultations publiques qui ont eu lieu à Vancouver, il y a un an ou un an et demi, 50 groupes ont été invités. En général, 49 d'entre eux étaient des groupes écologistes. Ce n'est pas ce qu'on peut appeler des consultations publiques, et c'était secret.
La vice-présidente (Mme Payne): Sans entrer dans une discussion à ce sujet, je pense que tout le monde a les mêmes droits et la même possibilité de témoigner. Mais ce serait peut-être le sujet d'un autre débat.
Monsieur Taylor.
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Merci beaucoup.
Mes questions s'adressent surtout aux témoins du Québec, car cette province a une loi sur la protection des espèces en péril. Comme l'a dit Mme Kraft Sloan, le projet de loi que nous avons sous les yeux traite surtout des espèces en péril qui se trouvent sur le territoire domanial et de certaines espèces qui entrent dans le champ de compétence du gouvernement fédéral. L'industrie forestière est avant tout du ressort des provinces, et l'expérience du Québec pourrait nous aider à comprendre comment la loi s'applique en réalité.
Pourriez-vous nous dire de quelle façon la désignation des espèces a touché l'activité forestière au Québec, quelles ont été les conséquences des efforts d'atténuation? Plus particulièrement, le processus d'établissement de la liste a, comme celui que préconise le projet de loi fédéral, une dimension politique. Le COSEPAC établit la liste sur des bases scientifiques, mais avant qu'on ne passe aux actes, il faut que le ministre donne son approbation. Au Québec l'inscription que prévoit la loi a du retard par rapport à la liste du COSEPAC. La liste du COSEPAC contient des espèces qui ne figurent pas sur la liste du Québec. Pourriez-vous nous donner une idée de votre expérience de la loi québécoise et nous dire quelles répercussions elle a eu sur vos activités?
M. Duchesne: Il y a quelques différences très importantes. Avant que la Loi sur la protection des espèces en péril ne soit imposée, un tas de règlements ont été pris en vertu de la Loi sur les forêts pour assurer une protection. Cela couvre presque tout, et le
[Français]
règlement sur les modalités d'intervention,
[Traduction]
qui est le règlement indiquant au gouvernement comment une industrie peut procéder à la récolte et à la sylviculture, règle la plupart des difficultés relatives aux espèces. La loi règle les problèmes qui peuvent subsister une fois que l'on a appliqué la réglementation de la Loi sur les forêts.
C'est donc un problème relativement mineur, étant donné que la plupart des conséquences résultaient déjà de l'application du premier règlement. Mais il y a évidemment une différence dans la façon dont les listes sont dressées, et il y a plusieurs points de rencontre entre la loi provinciale et ce projet de loi fédérale C'est ce qui nous inquiète. Surtout pour les terres fédérales, même si on peut se demander quelles sont précisément les terres auxquelles la loi fédérale s'appliquera... Pour certaines qui ont été allouées aux Cris, dans le Nord, par exemple, la réglementation de la sylviculture s'applique, de même que la loi du Québec sur la protection des espèces en péril, et nous croyons que la loi fédérale s'appliquera également.
Il nous semble inévitable qu'un groupe quelconque, que ce soit un groupe autochtone, ou quelqu'un qui veut protéger une espèce, dans un but honnête ou malhonnête, invoque la Loi sur les forêts, puis la Loi du Québec sur la protection des espèces en péril et, si cela ne donne toujours pas de résultat, la loi fédérale. Les occasions sont donc multipliées, et nous ne croyons pas nécessaire d'avoir trois moyens d'assurer la protection d'une espèce. Nous ne voyons pas de problème immédiat de ce côté-là.
M. Piette: J'ajouterais qu'au Québec on établit la liste après avoir consulté les ministres des Ressources naturelles. Une des choses qui nous inquiètent dans ce projet de loi, c'est le fait que l'article 33, par exemple, confie la décision à un ministre. Ce dernier ne se sentira pas obligé de consulter qui que ce soit et certainement pas le Cabinet, ce qui nous inquiète vivement. C'est une des différences entre la loi du Québec et le projet de loi C-65.
Je tiens à souligner qu'il faudrait préciser le paragraphe 3(2), en ce qui concerne l'application de la loi. Cela ne nous paraît pas clair. Cela s'applique certainement au territoire domanial, car si vous lisez la version française ou anglaise, vous pouvez comprendre que la loi s'applique à toute espèce qui se trouve sur les terres fédérales, mais elle peut également s'appliquer à l'extérieur de ce territoire. Ce n'est pas clairement délimité. Il faudrait dire très clairement que cela s'applique aux espèces présentes sur le territoire domanial.
Je voudrais également mentionner le paragraphe 2(1), où figure la définition d'une espèce «inscrite». Il y est question d'une liste que le ministre établit en vertu de l'article 30. Je pense que c'est le gouverneur en conseil qui établit cette liste. Il y a sans doute là une erreur que je voudrais souligner, car nous l'avons remarquée en lisant le projet de loi.
Merci.
M. Taylor: Merci.
La Loi du Québec sur la protection des espèces en péril, qui cherche à favoriser la coopération entre le gouvernement et l'industrie, prévoit-elle un dédommagement au cas où la protection des espèces en péril causerait des difficultés à l'industrie?
M. Duchesne: Je n'en suis pas certain, car nous n'avons jamais eu de problème à ce sujet.
M. Taylor: Cela n'a jamais été un problème.
M. Duchesne: Quand la loi a été adoptée, les agriculteurs étaient très inquiets à cause de cela. Des exemptions ont été prévues pour calmer leurs craintes, et je suppose qu'il y a eu également un fléchissement de ce côté-là.
M. Taylor: Merci beaucoup.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.
M. Munro: Puis-je ajouter quelque chose en réponse à la dernière question?
Quand le président Clinton s'est trouvé devant ce problème, sur la côte ouest, il a réuni un peu d'argent. Nous avons vu à la télévision des bûcherons ratisser des cailloux le long d'une route. Pour les réemployer, on leur a fait ratisser des cailloux le long d'une route. C'était pour le moins insultant. Ce n'était pas un véritable dédommagement.
M. Knutson: J'ai une brève question. Elle s'adresse à ce monsieur.
Avez-vous dit que l'article 33 n'oblige pas le ministre à consulter qui que ce soit?
Une voix: [Inaudible - Éditeur]
M. Knutson: C'est donc une question de consultation.
M. Piette: C'est une forme de consultation, mais nous estimons qu'il faudrait également que les autres ministres ayant des responsabilités économiques soient consultés.
M. Knutson: Et vous voulez que nous l'inscrivions dans la loi.
M. Piette: Nous voudrions que l'article 23 soit supprimé. Nous ne pensons pas qu'il soit acceptable sous sa forme actuelle, et il n'ajoute rien. Il crée seulement un chevauchement avec la loi provinciale qui protège déjà les espèces en péril sur les terres publiques interprovinciales. Cet article ne nous paraît donc pas acceptable.
M. Knutson: Nous reconnaissons qu'il s'applique seulement aux espèces qui traversent les frontières internationales en vertu du sous-alinéa 2(1)b)i).
M. Piette: Oui, nous voyons cela.
M. Knutson: Nous avons l'exemple d'un ours qui est protégé aux États-Unis. Il s'aventure en Alberta, où il n'est pas protégé. Il va se promener dans le parc national de Banff. Dans un parc national, il est protégé. Il retourne en Alberta, où il ne l'est plus. Puis il retourne aux États-Unis, où il est de nouveau protégé. Tout cela se passe le même jour. Que pensez-vous de cette situation, monsieur?
M. Munro: [Inaudible - Éditeur]
M. Knutson: Je n'invente rien. Nous avons eu des preuves sous les yeux. C'est ce qui se passe en réalité.
M. Duchesne: Cela n'a rien d'inhabituel. Si la chasse est ouverte quelque part et que cet ours traverse la frontière, il se fera chasser, que ce soit autorisé ou non.
M. Knutson: Le fait est que les règles diffèrent d'un champ de compétence à l'autre. Ce sont les règles les moins exigeantes qui prévaudront. Si nous protégeons au Canada une espèce qui n'est pas protégée aux États-Unis, tous nos efforts seront inutiles. Dans cet exemple, l'ours voyage et se fait tuer pendant la saison de la chasse. Il semble y avoir un alignement vers le bas.
M. Duchesne: Vous avez raison, mais nous pensons que l'administration fédérale a pour rôle de veiller à ce que cette espèce en péril soit protégée. Si la protection est insuffisante dans certaines régions du pays par rapport à ce qu'elle est ailleurs, que ce soit aux États-Unis ou dans une autre province, le gouvernement a une bonne raison d'intervenir. Autrement, il peut y avoir des différences. Vous ne pouvez pas «uniformiser» ce qui est fait aux États-Unis et au Canada. Les animaux devront s'y habituer. Ce sont les consultations plutôt que les chevauchements qui les aideront.
[Français]
M. Plamondon: En général, les gens qui vivent à Toronto, Montréal ou dans les autres grandes villes canadiennes ne connaissent pas beaucoup la forêt, puisqu'ils n'y habitent pas et ne vivent pas d'elle. Pour avoir un meilleur aperçu, je crois qu'il serait important de consulter les gens des régions du Canada et du Québec, les gens des communautés qui vivent de la forêt. Ils seraient en mesure de vous donner un juste aperçu du projet de loi C-65 et des réponses. C'est un conseil que je vous donne. Nous travaillons avec des forestiers, au sein des communautés. Sans nécessairement convoquer des témoins de toutes les régions, je vous suggère de communiquer avec certaines régions et d'entendre ce que les gens qui vivent de la forêt ont à dire. C'est tout.
[Traduction]
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup, monsieur Plamondon.
Monsieur Steckle, une brève question.
M. Steckle: Je voudrais revenir un peu sur le scénario décrit par mon collègue à propos de l'ours.
Prenons cet ours. Il est protégé aux États-Unis. Il entre au Canada et peut se faire tuer dans un endroit où il ne relève pas du gouvernement fédéral, car c'est la saison de la chasse, étant donné qu'à cet endroit la population d'ours est suffisante pour qu'on autorise la chasse. Il n'est donc pas menacé de disparition dans la région en question. Cela nous ramène à la question des populations géographiquement distinctes.
Madame la présidente, s'agit-il du fait qu'en Oregon ou dans l'État de Washington une espèce peut être en nombre limité, comme c'est le cas de la chouette tachetée dans certaines régions? Mais il peut y avoir d'autres régions où cette chouette tachetée n'est pas en péril.
Je pense qu'il faut une meilleure coopération entre les États-Unis et le Canada, de même qu'au niveau provincial. Il faut une loi permettant aux diverses instances de travailler ensemble. Si nous ne le faisons pas, c'est là une mesure défaitiste. Vous ne pouvez pas tuer légalement un ours hors de la saison de la chasse. Vous ne pouvez pas tuer un ours quand il n'y a pas de saison de la chasse.
M. Munro: Je pense que la situation est bien meilleure au Canada, même sans cette loi, qu'elle ne l'est aux États-Unis avec la loi.
Nous pourrions parler du saumon sur la côte ouest. Il n'y a pas de saumon. La pêche au saumon a été fermée sur la côte ouest des États-Unis parce qu'on a aménagé des barrages dans les rivières et que le saumon ne peut plus les remonter pour frayer. Peu importe le genre de loi que vous avez pour protéger les espèces en péril; cela n'évitera pas ce genre de problème.
Pour ce qui est de la chouette tachetée - et je ne veux pas répéter ce que j'ai déjà dit... le Sierra Club Legal Defense Fund est le groupe qui est allé devant les tribunaux. Le chef de cet organisme, qui a pour mission de fermer l'industrie forestière, a dit qu'il fallait remercier la chouette tachetée parce qu'elle lui permet de défendre les forêts de vieux peuplements, et que sans la chouette tachetée il faudrait inventer autre chose.
Bien des gens ne croient pas que la chouette tachetée ait jamais été en péril, et cet oiseau est en train de devenir nuisible. Mais ce groupe s'est servi des dispositions dont il est question dans cette loi. Nous n'en avons pas besoin au Canada. Nous devrions tirer la leçon de ces erreurs.
M. Steckle: Je sais que cela ne porte pas sur les aspects techniques du projet de loi, mais il est important que le comité connaisse précisément les raisons pour lesquelles les localités américaines dont vous avez parlé ont été fermées. De quelles espèces s'agissait-il, ou quel était le problème? Qui a fait valoir que ces espèces étaient en péril?
M. Munro: Le Sierra Club Legal Defense Fund est allé devant les tribunaux et a convaincu un juge de district que la chouette était en péril. Le juge a donc imposé un moratoire ou fait cesser toute activité forestière sur une superficie de plusieurs milliers d'acres de forêt.
M. Steckle: Nous en avons pris note. Merci.
Pourriez-vous indiquer l'endroit précis, l'État et la localité dont il s'agit?
M. Munro: La côte ouest de l'État de Washington... l'Oregon est le meilleur exemple. Je pense que nous avons parlé de Sweet Home, en Oregon.
Une voix: Le district 6 du Service forestier des États-Unis.
M. Steckle: Le district 6 du Service forestier des États-Unis? Merci.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.
Je tiens à remercier les témoins pour leur exposé très approfondi de ce matin. Pour reprendre les paroles d'un de mes collègues qui siégeait à la Chambre et disait être la voix des poissons, je pense que nous devons nous considérer comme la voix des animaux, des plantes et des autres éléments de la forêt. Merci encore de votre témoignage.
M. Munro: Nous essayons de vous aider à trouver la bonne voie.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.
Les membres du comité peuvent-ils me dire s'ils veulent faire une petite pause ou continuer?
M. Steckle: Nous ferions mieux de continuer. Je dois partir à 11h45.
La vice-présidente (Mme Payne): Le groupe de témoins suivant veut-il bien s'approcher de la table?
Vous êtes les bienvenus, et veuillez vous présenter.
Mme Elizabeth White (directrice, Alliance animale du Canada): Bonjour. Je suis Liz White. Je fais partie de l'Alliance animale du Canada, un organisme sans but lucratif à charte fédérale qui regroupe environ 20 000 membres des diverses régions du pays et à peu près 5 000 bénévoles. J'ai également fait partie du groupe de travail sur les espèces en péril qui a discuté, pendant des mois, des questions dont vous avez parlé aujourd'hui. Je comparais au nom de mon organisme, et non pas du groupe de travail, même si je ferai mention de certaines discussions que nous avons eues au sein du groupe de travail.
J'ai présenté quelques recommandations, mais je ne vais pas les citer toutes directement, à moins que vous n'ayez des questions à me poser. Je voudrais parler de quatre principaux sujets et mentionner très brièvement un cinquième.
Le premier sujet dont je voudrais parler est le processus d'inscription sur la liste. Le groupe de travail a consacré beaucoup de temps à l'établissement de la liste et à ses divers effets. Nous avons convenu que certaines interdictions très limitées seraient mises en place, en ce sens que vous ne pourriez pas nuire directement à un animal ou à une plante ou à son habitat, mais qu'à part cela la désignation d'une espèce serait sans conséquences. Comme nous avons parlé des conséquences de l'inclusion de la désignation dans le plan de rétablissement, j'en traiterai à propos du plan de rétablissement.
Nous avons fait valoir que nous voulions rendre le processus de désignation apolitique. Certains représentants de l'industrie et certains environnementalistes ont craint que la désignation ne donne lieu à des querelles intenses si elle ne repose pas sur des bases biologiques et scientifiques. Le problème que pose le libellé actuel de la loi, c'est que cette question se trouve de nouveau politisée. Cela complique beaucoup les choses, tant pour l'industrie que pour les environnementalistes.
Une des choses dont nous avons parlé en cours de travail, c'est qu'il fallait essayer d'éviter les querelles auxquelles on assiste généralement aux États-Unis et au Canada, dans une certaine mesure, chacun voulant défendre telle vallée, tel arbre, tel animal. Malheureusement, c'est ce que va engendrer la loi, étant donné la façon dont elle est libellée. Il faut que les animaux et les plantes soient inscrits à partir de données biologiques. Les conséquences de cette inscription seront établies dans le plan de rétablissement, et ce sera, en fin de compte, une décision politique, mais si c'est la politique qui mène le bal dès le départ, la bataille commencera avant même qu'on ait décidé dans quelle catégorie ces espèces doivent entrer et pourquoi.
Le deuxième motif de crainte à l'égard de la désignation, c'est qu'un ministre peut décider de ne pas inscrire une espèce - et c'est ce qu'il conviendrait d'appeler une échappatoire - suivant les recommandations du COSEPAC. Autrement dit, si les conséquences d'un plan de rétablissement sont plus lourdes pour une espèce désignée en voie de disparition plutôt que simplement menacée, cela peut poser des problèmes politiques, et le ministre peut être ainsi incité à ne pas l'inscrire selon les recommandations du COSEPAC. Cela entraîne donc un conflit politique.
Je veux ensuite parler des torts directement causés aux espèces et à leur habitat. Il s'agit des interdictions imposées automatiquement à la suite de la désignation. L'interdiction automatique n'est pas une mauvaise chose, mais il faudrait l'appliquer également au dérangement. La Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs interdit de déranger les nids, etc. Le dérangement des nids se produit assez régulièrement et cause de sérieux torts aux oiseaux. Il faudrait donc également l'inclure dans les interdictions automatiques.
Pour ce qui est des plans de rétablissement et de l'habitat, nous avons notamment parlé de ne pas imposer d'interdiction automatique en ce qui concerne l'habitat au moment de l'inscription parce que cela a causé beaucoup de problèmes dans le cadre de la loi américaine. Nous avons donc décidé qu'en tant qu'environnementalistes nous ne demanderions pas une protection obligatoire de l'habitat au moment de l'inscription, mais que cette protection soit prévue dans le plan de rétablissement. Si l'habitat est considéré comme l'une des raisons du déclin d'une espèce, il faudrait que la protection de l'habitat soit obligatoire dans le plan de rétablissement.
Le problème que pose le plan de rétablissement prévu dans le projet de loi, c'est qu'il n'est pas obligatoire, mais facultatif. C'est une grave faiblesse, et je recommande au comité de songer à modifier cette disposition. Une fois qu'un plan de rétablissement est établi, il doit être appliqué. Cela ne devrait pas être facultatif.
Une autre chose que je dirais à propos du plan de rétablissement, c'est qu'il faudrait préciser que ce plan doit être établi en fonction de données biologiques. La plupart des décisions qui seront prises pour le rétablissement d'une espèce en difficulté devraient l'être pour des raisons biologiques.
Les facteurs qu'on a recommandé de considérer pour la mise en place du plan de rétablissement étaient, je crois, les suivant: le moment où a lieu le processus politique; le moment où les consultations publiques ont lieu; le moment où la communauté décide; le moment où les élus politiques décident du montant d'argent à dépenser, qui va s'en charger, comment nous pouvons coopérer dans le cadre du réseau très complexe que nous avons au Canada. Je pense qu'il faut rendre les plans de rétablissement obligatoires. Nous devons rendre la protection de l'habitat obligatoire dans le cadre des plans de rétablissement. Et nous devons laisser les consultations vers la fin du processus, quand les recommandations sont formulées à partir des considérations biologiques.
Je voudrais parler très brièvement des exemptions. La plupart d'entre elles sont plus ou moins satisfaisantes. Je n'aime pas beaucoup les exemptions, mais étant donné qu'il y a un permis et un processus à suivre pour l'obtention de ce permis, il faut prévoir au moins des dispositions pour contrebalancer ce processus.
Là où je vois beaucoup d'objections c'est à propos des exemptions automatiques de grande portée qui visent la santé animale et végétale, la santé publique et la sécurité nationale. C'est là une énorme lacune. Il faut sans doute prévoir des exemptions pour les situations d'urgence et il y aura des crises pour lesquelles on n'aura pas le temps d'obtenir une exemption. Mais il ne faudrait pas prévoir de vastes exemptions automatiques. Dites plutôt qu'en cas de situations vraiment urgentes, si quelqu'un doit agir, une fois la crise terminée, cette personne devra obtenir un permis ou remplir un formulaire quelconque pour indiquer qu'elle était l'urgence, ce qui a été fait, qu'elles conséquences cela a eu pour l'habitat des animaux ou des plantes et si ces conséquences ont été nuisibles ou non. On pourra au moins faire une évaluation après coup de cette situation d'urgence. On ne se contentera pas de dire que la situation était urgente et qu'il a fallu faire ceci ou cela au nom de la santé des végétaux ou des animaux.
La dernière chose que je voudrais mentionner - et je n'ai entendu personne en parler aujourd'hui - est l'examen préalable. Le groupe de travail en a longuement discuté. J'ai eu l'impression qu'aux yeux des représentants de l'industrie qui siégeaient au comité et des organismes de conservation, il s'agissait d'une mesure de prévention. Cela permettait à l'industrie d'examiner la situation avant d'investir de grosses sommes dans une entreprise qui risquait d'être arrêtée si les espèces en péril se trouvaient dans le secteur de ces activités. Je recommanderais au comité d'examiner la question.
Un certain nombre d'études se sont penchées sur l'examen préalable. Il peut être fait de diverses façons. En fait, il s'agit d'une évaluation environnementale, mais ce mécanisme intervient avant que l'industrie n'investisse des sommes considérables dans des activités d'exploitation, des méthodes forestières ou autres choses. Cela permet de lancer le processus et de consulter les collectivités et d'obtenir l'appui total de l'industrie et de la collectivité à un processus qui permettra de protéger les espèces en péril dans une économie basée sur les ressources naturelles.
Voilà à peu près tout ce que j'avais à dire. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup, madame White.
Madame Jennings.
Mme Jennings: Merci beaucoup, madame White, pour votre exposé.
Les députés d'en face ont dit, je crois, que le processus de désignation de 1980 a été mis à jour et qu'il aurait dû l'être tous les dix ans. C'est une de mes préoccupations. D'après ce que j'ai entendu dire, il n'a pas été révisé en 1990. Pensez-vous que c'est là un sérieux problème qu'il aurait fallu régler?
Vous avez dit que ce projet de loi politisait de nouveau le processus de désignation au lieu de le confier aux experts, ce que je trouve inquiétant. Je tiens à ce que les spécialistes participent au processus et sachez donc que je partage vos préoccupations à cet égard.
Je remarque à la page 3 que vous dites qu'au moins 50 p. 100 des membres du COSEPAC devraient venir de l'extérieur du gouvernement. Je pense que Animal Alliance of Canada est, croyez-le ou non, d'accord avec le secteur forestier, car c'est ce que M. Munro a suggéré, je pense. Il a dit que trop de gens du gouvernement participaient au processus et qu'il n'y en avait pas assez de l'extérieur.
Vous aurez tous davantage l'occasion de discuter de la question et de parvenir à une entente de coopération. La politique devrait peut-être se contenter d'un second rôle et intervenir une fois que les décisions auront été prises par ceux qui comprennent le processus, soit le secteur forestier, les éleveurs et tous les intéressés.
J'ai même un exemple qui justifie mes craintes. L'un des messieurs ici, qui représente le secteur forestier, a dit qu'au départ un groupe de travail a fait d'importantes recommandations. Néanmoins, le projet de loi C-65 s'écarte tellement des recommandations formulées qu'on ne peut même plus les retrouver. Qu'en pensez-vous? Estimez-vous que la loi n'a pas tenu compte de tout le travail qui a été fait?
Je crois que nous devons coexister; c'est très important. En fait, je vous demande si vous êtes d'accord avec eux pour dire qu'il faut consacrer plus de temps à cette mesure afin de pouvoir la réexaminer. Précipitons-nous les choses? Ou pensez-vous que c'est urgent parce que certaines espèces sont en danger et requièrent notre attention?
Mme White: J'ai entendu un ou deux messieurs dire que la situation était bien meilleure au Canada qu'aux États-Unis et que nous avons pu gérer nos affaires en conséquence, mais le fait que nous ayons 275 - ou quel qu'en soit le chiffre - espèces en péril actuellement au Canada montre que ce n'est pas le cas.
Même si je m'inquiète de la teneur de la loi et du temps qu'il faut pour la faire adopter - du point de vue législatif, c'est quand même assez rapide - , je souhaite quand même qu'elle soit adoptée rapidement. Même si nous ne sommes pas tout à fait à l'aise avec toutes ses dispositions, c'est quand même un point de départ. Des changements pourront être apportés par voie de règlement et, dans le cadre du processus législatif, il sera possible de modifier la loi quand nous pourrons voir quels sont ses résultats.
Je tiens à ce que nous fassions au moins en sorte que le gouvernement fédéral dispose des instruments voulus pour s'acquitter de ses responsabilités, selon la portée qu'il leur donnera. Je crains que ce projet ne vous donne pas vraiment ces instruments. Il est difficile de comprendre comment cette loi s'appliquera quand on emploie des mots comme «peut» ou «éventuellement».
Si les scientifiques déclarent qu'une espèce animale ou végétale est en voie de disparition et si le ministre a dit qu'elle est seulement menacée, parce que c'est lui qui prend cette décision, on envoie au public un message déroutant. Il est important que la loi lui envoie un message clair, simple et facile à interpréter afin que les gens le comprennent bien. Il y a trop de mots qui permettent de ne pas appliquer la loi et ses éléments, surtout en ce qui concerne le plan de rétablissement et la protection de l'habitat.
Mme Jennings: Je voudrais ajouter une chose, madame la présidente.
Je m'inquiète à propos d'une espèce en particulier, l'ours noir de Colombie-Britannique. Vous n'en avez pas encore parlé, et les représentants du secteur forestier non plus. Cette espèce est-elle vraiment en danger? Comme chacun sait, cet animal est chassé pour un de ses organes et la bête entière n'est pas utilisée, ce qui est contraire à nos règles. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. D'après ce que vous avez dit - et c'est également ce que M. Munro a déclaré - , ce projet de loi est voué à l'échec parce qu'il y manque un tas de choses et que cela ouvre la porte à toutes sortes d'interprétations.
Il y a donc, d'une part, l'ours noir et, d'autre part, les chances de succès de cette loi si elle reste telle quelle.
Mme White: Je crois que le comité a l'occasion de modifier ce projet de loi et c'est pourquoi nous sommes ici: pour dire qu'il faut modifier certaines dispositions de façon à donner au Parlement, à tous les partis politiques, la possibilité de remédier à la situation. Cela intéresse tous les partis. Ce problème intéresse tous les partis, tous les gouvernements, tout le monde. Nous devons tous nous y attaquer. Le moment est donc venu de recommander au gouvernement des changements nécessaires pour donner au Parlement les moyens de mettre en oeuvre un bon programme de protection des espèces en péril.
L'ours noir n'est pas une espèce en péril. Si je ne m'abuse, le grizzli est inscrit sur la liste des espèces menacées.
Je pense que vous voulez parler du commerce des vésicules d'ours. Notre organisme fait beaucoup de travail dans ce domaine. La question est fort complexe. Je serais ravi de vous faire parvenir toutes sortes de renseignements à ce sujet. Il en est question dans certaines de nos brochures et documents.
À l'heure actuelle, l'ours noir de l'Amérique du Nord, n'est pas en péril, mais les populations d'ours dans le monde le sont. On y voit un réservoir d'organes et le Canada et l'Asie y sont tous deux pour quelque chose. Nous sommes tous deux mêlés à ce commerce. Nous fournissons les organes et les Asiatiques les demandent. Cela va dans les deux sens.
L'ours noir n'a cependant pas de rapport avec cette mesure parce que ce n'est pas une espèce en péril. Ce n'est pas le cas du grizzli, à cause de la façon dont il se déplace entre les États-Unis et deux provinces du Canada, car sa situation peut changer au cours de la même journée ou de la même semaine, selon la distance qu'il voyage.
La vice-présidente (Mme Payne): Monsieur Steckle.
M. Steckle: En écoutant les témoins précédents, et en vous écoutant vous-même, et en regardant certains des documents que vous avez distribués, il m'a semblé que vos opinions sont tout à fait contraire à celles de l'industrie forestière. J'imagine que si l'on pousse jusqu'au bout ce que vous dites à propos de la protection des animaux... vous avez effectivement le même point de vue que bon nombre d'autres témoins, soit que nous ne sommes pas allés assez loin, notamment pour protéger l'habitat. Étant donné que nous voulons donner du mordant au projet de loi, relativement à l'habitat, d'où pensez-vous que les fonds viendraient? Il faudra de toute évidence trouver de l'argent pour indemniser les particuliers et les localités qui subiront des pertes à cause de ces mesures.
Vous vous opposez énergiquement au commerce de la fourrure. Vous vous opposez aussi très énergiquement à la chasse sportive. Voudriez-vous que toute chasse sportive soit interdite et que l'on préserve toutes les espèces indéfiniment et qu'on interdise la récolte de toutes ces espèces quelle qu'en soit la raison? Il faut maintenir un certain équilibre et, d'une façon ou d'une autre... Quel est votre objectif réel? Est-ce de protéger les espèces en péril? Ou de protéger toutes les espèces, peu importe le coût pour tout le monde?
Mme White: Vous me parlez de deux extrêmes. On me demande si certaines espèces sont en péril. Il faut qu'une espèce soit en voie de disparition pour qu'on puisse en parler. Ce que je dis aux gens, c'est que cela coûte très cher, selon moi d'attendre qu'une espèce soit en voie de disparition pour s'en occuper. Ce que moi et mon organisme voulons, c'est empêcher que cela n'arrive et il faut pour cela s'occuper de l'habitat au Canada. Environ 80 p. 100 des animaux et des plantes en péril au Canada le sont parce que leur habitat est menacé et c'est un facteur important. Je sais que tout le monde n'est pas d'accord sur la mesure dans laquelle le gouvernement fédéral peut intervenir, mais au moins dans les secteurs où vous êtes prêts à intervenir, vous devez vous occuper de protéger l'habitat parce que c'est ce qu'il faut faire.
Pour ce qui est de l'indemnisation, les gouvernements ont très peu d'argent à dépenser dans ce domaine. J'habite dans une province où le budget des ressources naturelles a été réduit de 40 p. 100 et cela comprend la rémunération des employés. Il ne reste à peu près plus personne pour faire le travail et nous devons trouver des moyens extrêmement ingénieux pour contourner le problème.
Certaines des recommandations que je donne à la toute fin de mon exposé et qui ne portent pas sur le projet de loi visent à trouver des moyens de s'attaquer au problème. Nous devons faire appel aux gouvernements des provinces et des territoires pour que chacun assume sa part des responsabilités. Nous devons demander la participation des gouvernements municipaux, parce que les terres et les questions liées aux terres relèvent d'eux. Nous devons faire tout cela; nous devons collaborer.
Je fais partie de toutes sortes de comités, avec toutes sortes de gens qui ne sont pas d'accord avec moi. Nous sommes d'accord sur certaines choses et pas sur d'autres, mais nous pouvons collaborer pour les choses sur lesquelles nous sommes d'accord et essayer de trouver de nouvelles méthodes de financement et de nouvelles façons de partager ensemble le coût de ces mesures.
M. Steckle: Je suis personnellement convaincu de l'importance des objectifs fixés dans le projet de loi, mais j'ai beaucoup de mal à traduire l'engagement que nous avons à l'endroit des objectifs du projet de loi en mesures concrètes, vu les contraintes qui existent non seulement à l'échelon fédéral, mais aussi aux échelons provincial et municipal et à tous les autres niveaux, y compris au niveau personnel.
Mme White: Le fait que nous ayons tellement d'espèces en péril représente un coût pour nous tous. À moins d'instaurer des mécanismes qui peuvent vraiment rectifier la situation, nous allons devoir assumer ces coûts de toute façon. Nous allons devoir nous en occuper. Nous pouvons ou bien dire que cela ne nous dérange pas, que 275 espèces disparaissent parce que nous n'avons pas les moyens de l'empêcher, ou bien nous pouvons dire que nous avons besoin d'une mesure législative susceptible d'apporter des solutions concrètes pour que nous n'ayons plus 275 espèces en péril.
Comment pouvons-nous en arriver là? Je pense que l'examen préalable est un bon mécanisme. Il permet aux représentants de l'industrie forestière, des mines, des compagnies pétrolières, des groupes écologiques et ceux qui veulent conserver les forêts pour différentes raisons à des fins de non-consommation de se réunir pour discuter d'un projet et voir comment on peut procéder. C'est la façon la moins coûteuse de s'attaquer au problème et je pense que c'est l'une des meilleures façons. L'une des principales lacunes du projet de loi, c'est qu'il ne prévoit pas de processus pour réunir des représentants de tous ces groupes avant qu'on ait engagé de grosses dépenses, tant du côté du gouvernement que de celui de l'industrie.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci. Madame Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan: Je pense pouvoir deviner quelle sera votre réponse, mais les témoins précédents ont dit que des milliers perdront leur emploi et que des villes entières disparaîtront à cause de la façon dont le projet de loi est rédigé et je voudrais savoir ce que vous en pensez.
Mme White: C'est toujours un problème. C'est une chose à laquelle nous devons toujours faire face comme société au Canada chaque fois qu'on s'attaque à une question quelconque. La plupart du temps, les questions dont je m'occupe portent sur l'emploi des gens. C'est pourquoi je pense qu'il serait tellement utile de prévoir un examen préalable dans le projet de loi; cela permet à ceux qui sont directement touchés et à ceux qui ont des idées sur la question sans être directement touchés de se réunir pour discuter de la façon d'appliquer des processus qui empêcheront que l'on compromette davantage les espèces qui sont déjà menacées dans le secteur touché par un projet quelconque.
Selon moi, on pourrait se servir du mécanisme de l'examen préalable pour aller encore beaucoup plus loin, afin de permettre aux intéressés de trouver des moyens créateurs de s'occuper des questions qui touchent l'habitat. Sans un tel mécanisme, il y aura, d'abord, ceux qui ne veulent pas perdre leur emploi, ensuite ceux qui ne veulent pas qu'on abatte les arbres et, ensuite, ceux qui veulent l'industrie minière, parce qu'elle crée des emplois et, enfin, ceux qui ne veulent pas des résultats de cette industrie dans leur communauté. Nous allons avoir tous ces intérêts divergents et, dans une certaine mesure, c'est ce qui va arriver de toute façon pendant un certain temps, jusqu'à ce que nous nous entendions sur un mécanisme quelconque pour nous occuper des espèces en péril.
Je pense, cependant, que si la loi prévoyait un mécanisme qui permettrait aux gens de se réunir pour en discuter lorsque d'autres problèmes ou d'autres situations surgiront, nous pourrions trouver des solutions très intéressantes.
Mme Kraft Sloan: La situation dont nous avons entendu parler touchait surtout la Colombie-Britannique, et le projet de loi vise environ 2 p. 100 du territoire de la Colombie-Britannique. Peut-on dire dans ce cas que le projet de loi va vraiment entraîner la perte de milliers d'emplois et de la disparition de collectivités entières?
Mme White: Non, pas à mon avis, parce qu'il s'agit d'un territoire très restreint. Il s'agit d'une interprétation très restreinte de territoire domanial. J'ignore combien d'emplois seraient visés en réalité.
Pendant toute notre étude, le groupe de travail avait surtout à l'esprit la crainte qu'il ne se produise ici la même chose qu'aux États-Unis. La Loi sur les espèces en péril aux États-Unis a vraiment eu un effet négatif sur la possibilité pour le Canada lui-même d'adopter une loi de son côté.
Don Barry est venu des États-Unis pour nous parler des bons et des mauvais aspects de la loi américaine sur les espèces en péril et il nous a dit qu'un élément vraiment négatif de cette loi, surtout pour les terres privées, c'est qu'il n'y a aucun incitatif à participer à un programme de conservation. Nous avons donc discuté de toutes sortes de possibilités pour fournir des incitatifs aux propriétaires fonciers. Il me semble, cependant, que nous pourrions faire la même chose pour l'industrie forestière et les autres groupes de consommation.
Mme Kraft Sloan: Mais le projet de loi à l'étude n'est pas du tout comme la loi américaine à cet égard.
Mme White: Non, pas du tout.
Mme Kraft Sloan: Il me semble que c'est une chose que nous devons souligner.
Mme White: Mais j'ai entendu aujourd'hui la même chose qu'au groupe de travail, soit la crainte que ce projet de loi soit comme la loi américaine, alors qu'il ne l'est pas du tout. L'une des différences vient du fait qu'aux États-Unis, quand une espèce est inscrite sur la liste, il est automatiquement interdit d'y toucher, non seulement directement, mais aussi en touchant à l'habitat.
Au Canada, on a décidé que cela constituerait un obstacle très important si l'on voulait inscrire des animaux et des plantes sur la liste. On a voulu que l'inscription soit faite du point de vue biologique. À ce moment-là, il faut voir ce qu'on peut faire pour s'en occuper du point de vue biologique. Ensuite, on passe à l'étape politique. On dit aux gens: Voilà les possibilités: qu'allons-nous faire? A-t-on vraiment la volonté politique de faire quelque chose?
Ce processus est tout à fait différent de ce qui existe aux États-Unis. Au groupe de travail, nous avons longuement discuté non pas de consultations directes avec les propriétaires fonciers, mais de toute une gamme de programmes. En fait, il existe - et je ne sais pas si quelqu'un a vu cela - une espèce de dialogue de fond aux États-Unis au sujet du problème des terres privées. On a organisé un dialogue pour essayer de trouver une solution au problème. Toutes sortes de programmes sont disponibles, si cela intéresse quelqu'un.
Mme Kraft Sloan: Nous avons l'habitude au Canada de collaborer avec les propriétaires fonciers et ceux-ci ont dans le passé participé volontiers aux programmes de conservation. Cela m'inquiète beaucoup quand je vois des gens se servir d'exemples extrêmes qui n'ont pas vraiment de rapport avec le projet de loi. Je me demande comment nous pouvons faire comprendre aux particuliers et aux groupes que notre projet de loi est différent de la loi américaine. Simplement parce que les deux portent sur les espèces en péril... on ne peut pas juger une loi par son titre, et les gens devraient peut-être voir d'abord ce que prévoit vraiment le projet de loi, avant de dire n'importe quoi.
Mme White: Cela prendra un certain temps et il faudra créer un climat de confiance. À la fin du compte, ce sont tous les membres du comité, tout le groupe de travail...
Assez curieusement, mes antécédents sont très différents de ceux de la plupart des membres du groupe de travail qui représentaient l'industrie, mais nous avons pu créer un assez bon climat de confiance sur toutes ces questions. Quand les gens sont venus discuter, ils l'ont fait très ouvertement.
Tout cela prendra un certain temps. On essaie d'appliquer toutes sortes de choses qui se passent aux États-Unis à la situation au Canada et nous ne faisons pas la même chose que les Américains. Le projet de loi n'est pas le même. Je pense qu'on pourrait y apporter certaines améliorations et que cela aiderait à le faire comprendre à tout le monde.
Une chose sur laquelle les représentants de l'industrie ont beaucoup insisté au groupe de travail c'est qu'il fallait éviter que l'on ne puisse pas comprendre le processus. Il faut que le message soit simple. Dites-nous au moins quels sont les paramètres. Nous ne voulons pas de surprises. Nous voulons connaître la réponse et savoir quel est le processus. Plus nous pouvons rendre le processus clair dans le projet de loi et plus nous pouvons donner aux gens de moyens de se réunir pour discuter de tout cela, mieux le projet de loi fonctionnera et mieux nous pourrons dissiper les craintes exprimées par les membres du groupe de travail.
Mme Kraft Sloan: Les représentants de la Cattlemen's Association nous ont dit que s'ils laissaient par inadvertance leur troupeau paître quelque part où il détruirait des nids, ils pourraient passer plus de temps en prison que s'ils avaient commis un meurtre.
La vice-présidente (Mme Payne): Je pense qu'un autre groupe vient d'arriver. Vous pourrez peut-être répondre à cette question au prochain tour.
Nous accueillons maintenant Mme Shelagh MacDonald de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux. Elle voudra peut-être faire un exposé.
Mme Shelagh MacDonald (directrice du programme, Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux): Je n'ai pas grand-chose à dire et je ne veux pas répéter ce que d'autres ont dit avant moi. Je sais que vous avez déjà entendu bon nombre de groupes de conservation. Je suis d'accord avec Liz sur bien des choses qu'elle a déjà mentionnées et je n'entrerai donc pas dans tous les détails.
Je fais partie de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux. Nous représentons plus de 110 sociétés protectrices des animaux, SPCA et autres organismes de bien-être des animaux du Canada.
Nous sommes très heureux que le gouvernement veuille adopter une mesure pour protéger les espèces en voie de disparition et menacées. À notre avis, il importe de réglementer cette protection. Les représentants de l'industrie forestière ont dit notamment que nous devrions laisser les gens décider eux-mêmes ce qu'il convient de faire, mais cela n'est pas toujours prudent si les intérêts économiques l'emportent sur les intérêts environnementaux. Il importe donc selon moi d'avoir une mesure qui protège réellement les espèces et qui maintienne la biodiversité vu que c'est très important pour notre environnement.
Bien sûr, il importe aussi de responsabiliser les particuliers, les industries et les propriétaires fonciers pour qu'ils fassent leur part et aident à protéger les espèces, mais il faut malgré tout avoir une loi solide.
Je souscris à bon nombre des arguments de Liz et partage certaines de ses préoccupations, plus particulièrement en ce qui concerne le fait que la décision ultime d'inscrire ou non une espèce sur la liste sera prise par le ministre et que bon nombre d'autres décisions seront prises au niveau politique au lieu qu'on donne suite aux recommandations scientifiques du COSEPAC.
Je n'entrerai pas davantage dans les détails. J'appuie ce qu'a dit Liz au sujet de la protection de l'habitat, de l'inscription sur la liste et des exemptions pour la protection automatique.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup. Nous aurons une période de questions très rapides et nous commencerons par M. Forseth.
M. Forseth: Vous pourriez peut-être nous parler des pouvoirs d'intervention d'urgence du ministre. On nous a parlé de la possibilité que cela touche les terres privées. Nous savons que les terres fédérales en Colombie-Britannique représentent moins de 2 p. 100 du territoire, et c'est peut-être seulement 1 p. 100 en Colombie-Britannique, mais certains s'inquiètent que, du moins en ce qui concerne les pouvoirs d'intervention d'urgence, peu importe s'il y a...
La Colombie-Britannique n'a pas de loi sur les espèces en péril. Même si la province a signé l'accord, étant donné l'orientation politique du gouvernement provincial en Colombie-Britannique, je n'ai pas l'impression qu'il présentera une loi sur les espèces en péril dans un avenir rapproché. Il n'y aura donc pas de loi provinciale en Colombie-Britannique.
Quelles pourraient être les conséquences du projet de loi à ce moment-là...cela pourrait toucher les propriétaires provinciaux, par exemple si l'on décidait de mettre au rancart un projet de parc industriel ou autre chose du genre. Le public pourrait craindre que la loi fédérale permette au ministre d'avoir recours au pouvoir d'intervention d'urgence et de prendre un arrêté pour que le zonage des terres soit changé par le gouvernement fédéral au lieu que cela se fasse à l'échelon local.
Prenons l'exemple d'un terrain industriel où l'on veut passer à la troisième étape du développement. Ce serait maintenant acceptable selon le zonage actuel, mais les propriétaires apprennent tout à coup que la phase trois de leur terrain industriel se trouve dans la zone de migration d'un oiseau quelconque. Peut-être qu'il y a quelques nids sur le terrain et qu'il y en aussi sur les terres fédérales. Peut-être qu'il y a une base militaire ou un aéroport juste à côté.
Vous pourriez peut-être me dire comment le projet de loi s'appliquerait dans un tel cas selon vous.
Mme White: Dans une certaine mesure, je ne comprends pas pourquoi il y aurait un problème. L'arrêté d'urgence vise les cas où il y a une menace imminente pour la survie d'une espèce. Il ne s'agit pas de n'importe quelle espèce en péril sur un terrain donné. Supposons que les oiseaux en question sont les tous derniers et qu'on ait prévu un développement quelconque. À ce moment-là, le ministre peut prendre un arrêté d'urgence.
Toutes sortes de vérifications automatiques sont prévues dans le cas d'un arrêté d'urgence. Il ne reste pas en vigueur indéfiniment. Il faut ensuite examiner la situation de l'espèce et élaborer un plan de rétablissement au besoin.
Je ne vois donc pas vraiment le problème vu que ce mécanisme ne vise que les menaces imminentes à la survie.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci. Monsieur Knutson.
Mme White: Je voudrais dire une dernière chose à propos du grizzli. C'est un très bon exemple de la façon dont un animal peut être dans des endroits différents dans relativement peu de temps et être protégé à certains endroits et pas dans d'autres.
Si votre comité s'intéresse le moindrement à la question des espèces frontalières, il me semble que c'est un cas où les règlements fédéraux doivent, et non pas peuvent, s'appliquer. À mon avis, c'est une chose que les gouvernements provinciaux ne peuvent tout simplement pas faire parce que cela dépasse leurs propres frontières.
M. Knutson: J'ai trouvé quelque chose. Vous avez entendu le représentant de l'industrie forestière, M. Munro, dire, à peu près textuellement, que la loi américaine prévoit exactement la même chose relativement aux droits d'un citoyen d'intenter des poursuites. Vous dites que ce n'est pas le cas, n'est-ce pas?
Mme White: Si je ne m'abuse, le droit des citoyens d'intenter des poursuites prévu dans la loi américaine est le même que dans la loi de l'Ontario. Je ne connais aucun groupe en Ontario qui ait intenté des poursuites, pas un seul. Les obstacles à surmonter sont tout simplement énormes.
M. Knutson: C'est ce que j'ai dit à M. Munro, mais il n'a pas semblé d'accord.
Je voudrais savoir si vous pouvez me citer un article qui compare la loi américaine à celle de l'Ontario relativement aux droits des citoyens d'intenter des poursuites.
Mme White: Certainement.
M. Knutson: Nous allons nous rendre dans l'Ouest la dernière semaine de janvier et cette question risque de revenir sur le tapis et j'aurais donc besoin...
Mme White: Nous pouvons vous faire parvenir cela la semaine prochaine.
M. Knutson: Veuillez l'envoyer à l'attention du greffier.
Mme White: Il s'agit de la loi de l'Ontario. Voulez-vous d'autres exemples de lois qui contiennent des dispositions sur les poursuites intentées par des citoyens?
M. Knutson: Ce qui m'intéresse, ce sont les poursuites par des citoyens parce que cette question semble inquiéter bien des gens. Si nous pouvons faire quelque chose pour...
Mme White: Le groupe de travail a discuté longuement de cette question. Je ne sais pas si nous avons fini par en arriver à une solution. Je pense que la question inquiétait encore un peu l'industrie.
M. Knutson: Apparemment.
Mme White: Oui.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.
M. Forseth: J'ai un dernier commentaire.
Vous avez dit que vous vouliez que le gouvernement fédéral prenne des mesures à l'échelle internationale en plus d'adopter le projet de loi, qu'une espèce soit en péril ou non, par exemple à propos du commerce des organes d'ours, qui pose vraiment un problème en Colombie-Britannique. Selon vous, nous devrions tenir compte des considérations morales et politiques et nous demander si nous devons autoriser un tel commerce, surtout avec les communautés asiatiques en bordure du Pacifique.
De façon générale, les habitants de la Colombie-Britannique considèrent ce commerce comme tout à fait répréhensible. Pourtant, les dispositions du Code criminel semblent très faibles à ce sujet. Il y a eu tout un tollé à propos de l'amende insignifiante qu'on impose aux contrevenants. C'est un peu comme si cela faisait partie des droits à payer pour être autorisé à poursuivre cette activité.
Vous nous avez donc signalé une autre activité que la société voudra peut-être empêcher, que l'espèce en question soit en péril ou non. Vous voulez peut-être dire que nous avons besoin d'une autre mesure pour interdire certaines pratiques commerciales répréhensibles à l'échelle internationale.
Mme White: Le problème dans le cas des ours, c'est que c'est une espèce réglementée par les provinces. Les gouvernements provinciaux doivent se pencher sur le problème eux-mêmes, mais chaque province reconnaît que les ours voyagent. Le fait qu'une province protège elle-même les ours et les réglemente strictement ne veut pas dire qu'elle est isolée du reste du monde vu que les ours se déplacent constamment.
Selon moi, à cause de l'adoption de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et provincial et des règlements qui en découlent, le montant des amendes va augmenter, du moins pour les exportations illégales. On pourra peut-être faire la même chose à l'échelon interprovincial une fois que les provinces auront signé l'accord.
Quelqu'un a été pris avec une vésicule d'ours à l'aéroport international Pearson. Il a dû payer une amende de 5 000$ et passer deux jours en prison.
Le montant des amendes augmentera peut-être, mais c'est un problème global. C'est l'une des choses sur laquelle la Convention sur le commerce international des espèces animales et végétales en péril devrait porter, je pense.
Il y a cependant toutes sortes de questions qui surgissent à l'échelon fédéral à ce sujet et je serais ravie d'en parler à votre comité, notamment en ce qui concerne les exemptions pour les bagages personnels à la frontière et divers autres mécanismes qui permettent aux gens de transporter des articles à l'extérieur du pays. Nous devons commencer à éliminer toutes ces possibilités aux échelons provincial, fédéral et international pour le commerce des produits de ce genre.
M. Forseth: Nous avons entendu ce matin des habitants du Grand Nord. Ils nous ont dit qu'ils voulaient pouvoir continuer à faire le commerce des organes d'ours. Ils ont parlé de pouvoir récolter leur quota d'ours polaires. S'ils abattent des ours polaires, ils veulent pouvoir en tirer le plus d'avantages économiques possible, ce qui comprend, j'imagine, la vente des organes d'ours à l'étranger.
Mme White: Il y a sans doute des groupes dans le Nord et aussi ailleurs qui veulent vendre ces produits.
J'ai reçu une lettre de l'organisation du Traité no 8 dans le Nord, qui discute justement de cette question. Les membres de l'association sont très inquiets des conséquences de la vente des vésicules d'ours pour la population totale d'ours. L'association a longuement discuté de ces conséquences et se demande si cela vaut vraiment la peine de vendre les vésicules.
C'est une chose que l'association doit décider. Nous lui avons fait parvenir de la documentation. Nous devons aller là-bas et en parler, mais les avis sont partagés dans la communauté elle-même. Il y a eu des discussions à ce sujet. Les groupes autochtones ne sont pas tous d'accord lorsqu'il s'agit du commerce des organes d'animaux.
M. Forseth: Merci.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.
Madame MacDonald, madame White, je suis certaine que nous aurons l'occasion de vous revoir. Nous avons eu une discussion plutôt difficile et approfondie. Vous pouvez voir la tâche qui nous attend.
Merci beaucoup.
Mme White: Merci.
Mme MacDonald: Merci.
La vice-présidente (Mme Payne): La séance est levée.