[Enregistrement électronique]
Le lundi 27 janvier 1997
[Français]
Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à cette rencontre du comité sur le projet de loi C-65.
[Traduction]
Au nom des membres du comité ici présents ce matin, je souhaite à tous la bienvenue aux audiences sur le projet de loi C-65.
Ce projet de loi, comme vous le savez sans doute, est l'aboutissement de vastes consultations qu'on a tenues avant la rédaction du projet de loi, des consultations qu'on a menées auprès des parties et des secteurs intéressés. Il ne s'agit donc pas d'une loi qui a été rédigée dans le vide ou à l'écart des Canadiens qui se préoccupent de la faune et des forêts. Ce texte législatif est le résultat d'entretiens et de discussions très approfondies. Elles ont abouti à la rédaction d'un document, qui a ensuite servi de point de départ à la rédaction du projet de loi à l'étude.
Comme vous le savez, ce projet de loi a franchi l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes et a été renvoyé à notre comité. Le comité est heureux de tenir ses audiences à Vancouver jusqu'à demain midi, après quoi nous aurons une journée et demie de séance à Edmonton.
Étant donné le nombre de témoins, le comité devra fidèlement respecter son horaire. Comme le greffier le disait dans sa lettre aux témoins, par souci d'équité envers les différents témoins qui se succéderont pendant la journée, nous devons imposer une règle très stricte quant au temps de parole. C'est ainsi que dès qu'un groupe aura eu ses 10 minutes pour présenter son exposé, je ferai un petit signe et vous saurez alors qu'il vous reste deux ou trois minutes pour conclure. On pourra ainsi mieux répartir notre temps tout au long de la journée, par égard pour les témoins qui suivront.
Nous avons une longue journée devant nous. Nous commençons donc sans tarder avec la Coalition des espèces en péril de la Colombie-Britannique, représentée par Kate Smallwood.
Nous aimerions que vous nous présentiez vos collègues et que vous commenciez votre exposé, s'il vous plaît.
Mme Kate Smallwood (coordonnatrice de la campagne, Coalition des espèces en péril de la Colombie-Britannique): Je m'appelle Kate Smallwood. Je suis la coordonnatrice de la campagne de la coalition.
Vous entendrez aussi aujourd'hui trois autres représentants d'organisations membres: Linda Nowlan, de la West Coast Environment Law Association; David Boyd du Sierra Legal Defence Fund, et Anne Murray, de la Federation of B.C. Naturalists.
J'aimerais dire, à propos du temps dont on disposera, que je me suis déjà entretenue avec Norm à ce sujet, et que nous avons planifié parler 15 minutes. Est-ce possible?
Le président: Si c'est ce qu'il a proposé, nous...
Mme Smallwood: Nous nous sommes donc entendus pour 15 minutes, et non pas 10.
Le président: C'est bien. Veuillez commencer. Vos 15 minutes sont déjà entamées.
Mme Smallwood: Bonjour à tous, et bienvenue à Vancouver. Au nom de la Coalition des espèces en péril de la Colombie-Britannique, j'aimerais remercier les membres du comité permanent d'être venus en Colombie-Britannique pour tenir une audience sur ce projet de loi et pour entendre les opinions des résidents de notre province.
D'abord, j'aimerais brièvement vous dire qui nous sommes et ce que nous faisons.
La coalition a pour but de faire adopter en Colombie-Britannique une loi sur les espèces en voie de disparition qui protège les espèces en péril et les espèces menacées ainsi que leur habitat. Toutefois, nous estimons que pour bien protéger les espèces en péril au Canada, il faut une législation bien ferme aux deux paliers de gouvernement, comme le prévoit l'Accord national pour la protection des espèces en péril. D'où notre participation aux audiences d'aujourd'hui.
Étant donné le temps qui nous est alloué, aujourd'hui je traiterai surtout de quatre sujets: La situation en Colombie-Britannique, le développement économique et la législation sur les espèces en voie de disparition, le processus d'inscription sur la liste et les actions intentées par des citoyens.
D'abord, la situation dans la province. Les données statistiques du ministère de l'Environnement de la Colombie-Britannique montrent qu'actuellement 68 espèces animales et 264 espèces végétales sont inscrites sur la liste des espèces menacées ou en voie de disparition en Colombie-Britannique. En outre, 451 autres espèces sont considérées comme vulnérables, et le nombre des espèces vulnérables augmente. On a assisté à l'extinction de plusieurs espèces et d'autres ont déjà disparu de la province.
La protection que la loi confère aux espèces en péril en Colombie-Britannique est, c'est le moins qu'on puisse dire, terriblement insuffisante. La disposition restreinte qui figure dans la WildLife Act de la Colombie-Britannique en ce qui concerne les espèces en voie de disparition et les espèces menacées n'accorde pas de véritable protection. On en veut pour preuve le fait que seulement quatre espèces ont été inscrites sur la liste en vertu des pouvoirs conférés par la loi et que celle-ci n'a été utilisée qu'une fois pour désigner un habitat essentiel.
Dans son libellé actuel, le projet de loi C-65 n'améliorera guère la situation. Il ne porte que sur des espèces en péril qui se trouvent sur le territoire domanial - et cela ne représente que 1,1 p. 100 des terres de la Colombie-Britannique; les espèces aquatiques, et les oiseaux inscrits sur la liste en vertu de la Loi sur Convention concernant les oiseaux migrateurs. Aucune protection n'est prévue pour les espèces interprovinciales ou intraprovinciales qui sont en péril et la loi n'oblige pas à protéger les habitats essentiels - ce qui est une lacune capitale, du point de vue de la coalition.
Comme David Boyd le souligne en détail dans son mémoire, le gouvernement fédéral dispose de vastes pouvoirs constitutionnels pour adopter des lois protégeant les espèces en voie de disparition. Les provinces ont aussi des pouvoirs constitutionnels en la matière, mais nous estimons que le gouvernement fédéral devrait faire plein usage de ses pouvoirs. Plus important encore, surtout pour la Colombie-Britannique, il devrait donner ainsi l'exemple aux provinces, et fixer ainsi une norme élevée. Malheureusement, pour des raisons dont nous discuterons aujourd'hui, nous croyons qu'en ce qui a trait à plusieurs aspects clés ce n'est pas ce que permet de faire le présent projet de loi.
J'aimerais traiter brièvement de la question de la législation sur les espèces en voie de disparition ainsi que du développement économique.
Les opposants à la législation sur les espèces en voie de disparition soutiennent souvent que ce type de législation va à l'encontre du développement et empêche la croissance économique. Vous avez certainement déjà entendu cet argument et je suppose que vous l'entendrez encore à nouveau aujourd'hui.
En fait, même si elle est mieux connue pour la poignée de projets qu'elle a pu freiner, la loi dite U.S. Endangered Species Act telle qu'elle a été appliquée montre que la très grande majorité des projets ont pu suivre leur cours en conformité avec la loi.
J'ai inclus dans votre documentation un exemplaire d'un extrait d'un rapport du U.S. General Accounting Office qui confirme ce que je viens de vous dire maintenant. Un rapport semblable a été publié par le Fonds mondial pour la nature, et je regrette de n'avoir pas pu obtenir un exemplaire de ce rapport. Je vais tenter de l'obtenir d'ici la fin de la semaine et je le ferai parvenir à M. Radford.
Ce rapport porte sur le processus de consultation prévu à l'article 7 de la loi américaine. Ce processus vise essentiellement à garantir que tout projet auquel participe le fédéral se soumette à un processus de consultation. Le but de ces dispositions est d'éviter toute atteinte aux espèces en péril ou à leurs habitats qui résulterait d'actions du gouvernement fédéral.
Les deux rapports, dans un examen portant sur une période de consultations qui a durée cinq ans en vertu de la Loi des États-Unis, en arrivent au même résultat, et ces résultats sont assez frappants.
D'abord, on a constaté que près de 90 p. 100 de toutes les consultations entreprises en vertu de la loi avaient eu lieu de façon informelle. C'est-à-dire que le projet de développement a pu suivre son cours.
Deuxièmement, on a constaté que plus de 90 p. 100 des projets qui ont donné lieu à des consultations officielles ont permis de conclure à l'absence de menace.
Enfin, pour ce qui est des consultations officielles qui ont eu lieu et qui ont permis de conclure qu'il y avait menace potentielle, dans près de 90 p. 100 des cas on en est arrivé à une solution de rechange raisonnable et prudente.
Pour vous donner une idée des nombres en question, nous avons constaté que sur une période de cinq ans, seulement 18 projets ont pris fin. C'est moins de 1 p. 100 des consultations officielles et moins de 0,02 p. 100 de l'ensemble des consultations. Autrement dit, plus de 99 p. 100 des projets soumis au U.S. Fish and Wildlife Service en raison de l'incidence potentielle sur les espèces inscrites sur la liste ou sur les habitats essentiels inscrits sur la liste ont pu suivre leur cours après un processus de consultation et d'examen préalable.
Je vous prierai donc, quand on vous répliquera que ce projet de loi va entraver le développement, d'examiner très attentivement le rapport que je vous ai remis.
Bref, l'expérience américaine montre que la Loi sur les espèces en voie de disparition n'a pas sensiblement entravé les activités de développement. Loin de là, la grande majorité des projets ont pu aboutir.
Les consultations effectuées aux États-Unis ou la procédure d'examen préalable, comme on l'appelle parfois, se sont révélées essentielles au règlement de conflits entre les promoteurs de projets de développement et les défenseurs des espèces en voie de disparition ou menacées. Pour cette raison, la coalition préconise un examen préalable de toutes les mesures qui pourraient avoir une incidence sur les espèces inscrites sur la liste ou sur leurs habitats.
L'amendement précis que nous proposons a trait à la réglementation concernant la liste et découlant de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et j'en donne les détails à la page 12 de mon mémoire.
Poursuivant rapidement, pour ce qui est de l'inscription sur la liste, comme vous le savez certainement, l'inscription sur cette liste est la clé de voûte de la protection des espèces en voie de disparition. C'est bien simple, c'est une condition préalable à la protection. Une espèce qui n'est pas inscrite, ne peut faire l'objet d'une décision délibérée visant à assurer sa survie.
Par conséquent, la coalition demande au comité de veiller à ce que le processus d'inscription sur la liste, conformément à l'objectif de prévention de l'article 5, soit ouvert et ne comporte aucune exception qu'il soit mené à bien de façon opportune et repose sur la meilleure information scientifique disponible.
Stewart Elgie du Sierra Legal Defence Fund a fait état de diverses préoccupations concernant le processus d'inscription sur la liste et expose en détail dans son examen article par article, qui sera présenté au comité, les amendements détaillés qu'il faudrait apporter au libellé du projet de loi. Nous souscrivons à ces amendements.
J'aimerais maintenant traiter d'une des grandes préoccupations dont il traite. Il s'agit du rôle du COSEPAC et de l'article 30 du projet de loi.
La coalition est heureuse de constater que le projet de loi expose les attributions du COSEPAC. Nous sommes aussi d'accord sur le fait que le COSEPAC doit exercer ses fonctions en tenant compte des meilleures données scientifiques disponibles. Toutefois, nous nous opposons fortement à ce que le rôle du COSEPAC ne soit que consultatif. La coalition estime que la communauté scientifique devrait avoir le dernier mot en ce qui a trait aux espèces à inscrire sur la liste. Comme vous le savez, en vertu de l'article 30 ce n'est pas ce qui se passe. Le rôle du COSEPAC n'est que consultatif.
Ce processus, selon le libellé actuel de l'article 30, est tout à fait rétrograde par rapport au système actuel. Il ne coïncide pas avec la proposition législative de 1995 non plus qu'avec la recommandation du groupe de travail fédéral. Pis encore, l'approche adoptée est essentiellement pessimiste. Il semble qu'on renonce avant même d'essayer.
Comme je l'ai dit, l'expérience américaine a montré qu'on peut très bien résoudre des différends entre les promoteurs de projets de développement et les défenseurs de la protection des espèces. Des considérations politiques peuvent encore être prises en compte dans l'équation, mais elles interviennent quand il y a lieu de décider de protéger les espèces, et non pas quand on se demande en premier lieu s'il faut les inscrire.
Par conséquent, nous recommandons d'amender l'article 30 de manière que le ministre - et remarquez que je dis «le ministre», et non pas le «cabinet» - prenne les règlements établissant et modifiant la liste et que toutes les désignations et classifications du COSEPAC soient incluses dans la liste.
Pour en venir enfin aux actions intentées par des citoyens ou aux actions en protection dont il est question à l'article 60 du projet de loi, le comité avait déjà reconnu le bien-fondé des dispositions concernant des actions intentées par des citoyens dans son examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. À la page 16, je tire une citation d'une étude effectuée par le comité.
Nous appuyons fermement l'inclusion, dans la Loi canadienne sur la protection des espèces en voie de disparition, d'une disposition sur les actions intentées par des citoyens. Toutefois, pour des raisons que je vais m'empresser d'exposer, nous croyons que les circonstances donnant lieu au recours et qui sont énoncées à l'article 60, sont trop restreintes et vont en fait dans la plupart des cas interdire aux citoyens d'intenter des actions.
Aux termes de l'article 60, il faut satisfaire à deux exigences pour intenter une action. D'abord, il faut d'abord avoir demandé une enquête en vertu de l'article 56, et deuxièmement, un tribunal doit conclure que les motifs donnés par le ministre pour ne pas procéder à l'enquête ne sont pas raisonnables ou que le ministre n'a pas agi dans un délai raisonnable.
Comme vous le savez certainement, l'article 60 prend modèle sur l'article 84 de la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario. En vertu de cet article, les deux mêmes conditions préalables doivent être respectées: à savoir, qu'on a demandé une enquête et qu'on a conclu que les motifs donnés pour ne pas procéder à l'enquête n'étaient pas raisonnables ou que l'on n'a pas agi dans un délai raisonnable. J'aimerais rappeler que nous croyons que ces deux conditions, qui sont énoncées à l'article 60 pour qu'un citoyen puisse intenter une action, font perdre toute raison d'être à cette disposition, et je vais vous expliquer pourquoi.
L'expérience qu'on a de la procédure suivie en Ontario semble confirmer que ce type de disposition sur les actions intentées par des citoyens empêche en fait ce genre d'actions. Jusqu'à maintenant, il n'y a eu aucune action intentée en vertu de la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario. J'aimerais dire qu'il en est de même dans le cas de la Loi des Territoires du Nord-Ouest sur les droits de l'environnement et en ce qui a trait à la Loi du Yukon sur l'environnement.
La situation en Ontario est toutefois très différente du fait que l'absence d'actions intentées par des citoyens n'est pas due au manque d'intérêt que le public manifeste pour l'application de la législation en matière d'environnement. Le 30 septembre 1996, le Bureau du commissaire à l'environnement de l'Ontario avait reçu plus de 28 demandes d'enquêtes en bonne et due forme et plus de 345 demandes d'examen.
Ce que nous trouvons préoccupant, c'est que le conseiller juridique explique en partie que personne n'a intenté d'instance civile en Ontario par le fait qu'on n'a pas jusqu'ici achevé plus de 20 enquêtes et examens. Autrement dit, on prive ainsi les citoyens du droit d'intenter une action civile simplement parce qu'on ne parvient pas à traiter leurs demandes en temps opportun. Voilà pourquoi nous nous inquiétons du fait que ce projet de loi s'inspire du modèle ontarien.
Si le gouvernement et ce comité permanent souhaitent vraiment, comme ils l'ont dit, faciliter la participation du public à la mise en oeuvre des lois fédérales en matière d'environnement, notre coalition estime qu'il n'y a pas lieu d'exiger qu'il y ait d'abord eu une enquête pour établir s'il y a eu infraction à la loi avant de permettre une action civile.
L'expérience démontre que les instances civiles sont très rares au Canada. Vos témoins de cet après-midi vont sans doute vous dire que l'inclusion d'une telle disposition dans le projet de loi va donner lieu à d'innombrables poursuites. Je vous recommande de leur demander de justifier leur allégation puisque l'expérience démontre - et à cet égard, nous pouvons nous reporter à l'expérience des provinces et territoires où il existe une loi de ce genre depuis plusieurs années - que ce n'est absolument pas le cas.
Nous recommandons au comité de proposer un amendement à l'article 60 pour permettre à n'importe qui d'intenter une action en protection contre quiconque a commis une infraction aux termes de l'article 77 ou est sur le point de le faire. Autrement dit, nous souhaitons qu'il ne soit plus nécessaire pour intenter une action de faire d'abord une demande d'enquête ou d'attendre qu'un tribunal ait jugé que la mesure prise pour protéger une espèce en péril était insuffisante ou trop tardive.
En terminant, j'aimerais de nouveau remercier le comité permanent de l'occasion qui nous a été donnée de lui faire part de notre position au sujet du projet de loi C-65. C'est la Colombie-Britannique qui a réclamé ce projet de loi. C'est aussi en Colombie-Britannique que le plus haut niveau de soutien a été enregistré pour ce projet de loi, lors du sondage mené par la maison Angus Reid en 1995. Comme vous le savez, le taux d'appui moyen dans le reste du Canada était de 94 p. 100.
La Coalition des espèces en péril de la Colombie-Britannique estime que comme le prévoit l'Accord national sur la protection des espèces en péril, tant les gouvernements fédéral que provinciaux doivent adopter des lois complémentaires qui, pour reprendre les mots de l'accord, «protègent vraiment les espèces en péril au Canada».
Je presse le comité de donner son aval aux amendements qui renforceront le projet de loi C-65, en particulier ceux qui se rapportent à la protection de l'habitat et, ce qui importe encore davantage, c'est que le comité réclame que le gouvernement fédéral établisse des normes qui serviront de modèle aux provinces. C'est ce qu'attend la Colombie-Britannique.
À titre de membres du comité permanent, vous devez saisir l'occasion historique qui vous est donnée de faire en sorte que, grâce à la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada, les Canadiens puissent jouir pendant longtemps de ce qui fait partie de leur patrimoine, soit les espèces sauvages et leurs habitats. Faites en sorte que cela devienne une réalité.
Je vous remercie beaucoup.
Le président: Je vous remercie, madame Smallwood. Vous avez respecté le temps qui vous avez été imparti, et je vous en remercie.
Mme Smallwood: [Inaudible]
Le président: Étant donné que l'entreprise qui est chargée de livrer les colis a pris du retard, vous ne voyez pas sur les tables les cartons qui indiquent le nom des membres du comité. J'invite donc chaque personne à se présenter pour la gouverne de nos témoins ainsi que des membres de l'auditoire. Je demande à M. Forseth de bien vouloir commencer.
Voulez-vous bien vous présenter et donner le nom de votre circonscription?
M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Je m'appelle Paul Forseth. Je représente la circonscription de New Westminster - Burnaby.
Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Je m'appelle Daphné Jennings et je représente la circonscription de Mission - Coquitlam.
M. Adams (Peterborough): Je m'appelle Peter Adams. Je représente la circonscription de Peterborough et je me permets de signaler que je siège à ce comité depuis le début des audiences portant sur la LCPA.
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Je m'appelle Gar Knutson. Je représente la circonscription d'Elgin - Norfolk, qui se trouve sur le lac Érié dans le sud-ouest de l'Ontario.
M. Steckle (Huron - Bruce): Je m'appelle Paul Steckle et je représente la circonscription de Huron - Bruce, une circonscription rurale du sud-ouest de l'Ontario sur les rives du lac Huron.
Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Je m'appelle Karen Kraft Sloan. Je représente la circonscription de York - Simcoe dont on a beaucoup parlé dernièrement parce que 300 personnes de la région se sont trouvées coincées sur la banquise. Avec mon personnel, j'ai essayé de venir en aide à ces gens. C'est une réaction intéressante de la nature.
Je suis également secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement.
Mme Payne (St. John's-Ouest): Je m'appelle Jean Payne et je représente la circonscription de St. John's à Terre-Neuve.
M. Tom Curran (recherchiste du comité): Je m'appelle Tom Curran. J'appartiens au service de recherche de la Bibliothèque du Parlement et je suis recherchiste du comité.
Je vous présente également ma collègue, Kristin Douglas, qui travaille diligemment à la table à côté. Elle appartient également au service de recherche de la Bibliothèque du Parlement.
Le président: Vous connaissez tous déjà le greffier du comité, Normand Radford.
À mon tour, je m'appelle Charles Caccia et je représente la circonscription de Davenport dans la ville de Toronto.
Nous aurons tous cinq minutes pour poser nos questions lors du premier tour.
Je vous prie de commencer, monsieur Forseth.
M. Forseth: Je vous remercie beaucoup.
J'aimerais que vous nous donniez votre impression générale du projet de loi.
Le président: Un instant. Je croyais que Mme Smallwood parlait au nom de tout le groupe.
Mme Smallwood: Non, Linda et David ont aussi des déclarations préliminaires à faire.
Le président: Je m'excuse. Il vaut mieux que nous vous entendions tous, après quoi nous vous poserons des questions.
Madame Nowlan, voulez-vous commencer?
Mme Linda Nowlan (avocat-conseil, West Coast Environmental Law Association): Je vous remercie, monsieur Caccia et mesdames et messieurs, membres du comité.
Bienvenue à Vancouver. Bonjour. Nous nous réjouissons de pouvoir vous accueillir ici. Nous sommes très heureux que le comité ait décidé de tenir des audiences à Vancouver pour entendre le point de vue des habitants de la Colombie-Britannique sur ce projet de loi. Comme Kate vous l'a dit, il recueille l'appui de la très grande majorité d'entre eux.
J'aimerais vous entretenir de quatre articles du projet de loi. Je n'aurai peut-être pas le temps de m'étendre sur plus de deux de ces articles, mais sachez que mon mémoire traite des quatre.
Mon mémoire aborde les quatre sujets suivants: la protection de l'habitat, l'article 32 du projet de loi en particulier; les exceptions prévues à l'application des interdictions, l'article 36; le processus d'examen préalable à l'article 49, dont vous a déjà parlé Kate ainsi que les mesures prises pour inciter les propriétaires privés, ainsi que les autres paliers de gouvernement, à se conformer aux articles 7 et 8 du projet de loi.
De l'avis de la West Coast Environmental Law Association, que je représente, et de Coalition des espèces en péril de la Colombie-Britannique, les dispositions les plus importantes de ce projet de loi ont trait à la protection de l'habitat. La perte de l'habitat est le plus important facteur auquel on peut attribuer la perte d'espèces en Colombie-Britannique. Pour qu'une loi concernant la protection des espèces en péril soit efficace, il faut prendre les mesures voulues pour bien protéger les habitats de ces espèces. À notre avis, ce sont les dispositions du projet de loi qui portent sur la protection de l'habitat qui doivent être le plus renforcées.
Je vous renvoie à la page 5 de mon mémoire. Il y est question de la superficie totale des terres de la Colombie-Britannique qui sont spécifiquement réservées à la protection de la faune sauvage.
Notre province est très fortunée. Nous avons récemment obtenu qu'on réserve à cette fin des régions importantes de la province. Il n'en demeure pas moins que moins de 0,01 p. 100 des terres de la province sont consacrées de la faune sauvage, un chiffre qui vous surprendra peut-être. En effet, moins de 0,01 p. 100 des terres de cette province sont réservées, par les gouvernements fédéral et provincial, à la gestion de la faune sauvage. Vous voyez donc qu'on est encore loin de la situation idéale.
J'aimerais que vous n'oubliiez pas ce chiffre lorsque vous entendrez les représentants de l'industrie de la foresterie cet après-midi. En Colombie-Britannique, très peu de terres sont actuellement réservées à la gestion de la faune sauvage.
La même chose vaut pour ce qui est des zones marines, un domaine de compétence fédérale exclusive comme vous le savez déjà. Moins de 0,01 p. 100 des zones marines de la province sont protégées. Je sais que les deux paliers de gouvernement sont conscients de la nécessité d'accroître la superficie des régions marines protégées tant pour préserver les espèces marines que pour d'autres raisons comme celle de la biodiversité.
Plusieurs dispositions du projet de loi C-65 se rapportent à la protection de l'habitat. Permettez-moi d'abord de vous parler de l'article 38 aux termes duquel le ministre est tenu de formuler des plans de rétablissement relativement aux espèces menacées, en voie de disparition ou vulnérables. Nous nous réjouissons de l'inclusion d'une telle disposition dans ce projet de loi.
Nous sommes aussi favorables aux paragraphes de l'article 38. La description de l'habitat essentiel ainsi que des mesures devant être prises pour faire obstacle aux menaces à la survie de l'espèce, l'obligation qui est faite de consulter l'intéressé, de publier le plan et de rédiger un rapport de mise en oeuvre constituent tous des éléments positifs. Nous craignons cependant que ces plans de rétablissement et que ces rapports de mise en oeuvre ne suffisent pas à protéger l'habitat.
En effet, le projet de loi ne comporte pas à l'heure actuelle de dispositions obligeant le ministre et le gouvernement à mettre en oeuvre les plans de rétablissement. Ils sont tenus de préparer un rapport de mise en oeuvre, mais rien ne les oblige à prendre les mesures concrètes voulues pour protéger l'habitat. Comme nous faisons cependant confiance au gouvernement, nous supposons que s'il prépare un rapport de mise en oeuvre, relativement à un plan de rétablissement, il verra à ce que ce plan se concrétise, mais il vaudrait mieux que la loi le précise. Nous recommandons que cet article impose au gouvernement l'obligation de mettre en oeuvre le plan de rétablissement.
La plus importante lacune du projet de loi est cependant celle dont je vais maintenant vous parler et dont je traite à la page 7 de mon mémoire.
La façon la plus simple de protéger l'habitat, c'est d'interdire à qui que ce soit de perturber, d'endommager ou de détruire l'habitat essentiel des espèces figurant sur la liste des espèces en péril. L'article 32 sur les interdictions ne le fait cependant pas.
Voici ce qu'énonce l'article 32 qui est censé protéger l'habitat: «Il est interdit d'endommager ou de détruire la résidence d'un individu d'une espèce inscrite comme espèce menacée ou en voie de disparition.» Cette disposition ne suffit tout simplement pas pour protéger l'habitat. Elle ne sera pas efficace.
Le terme «résidence» est beaucoup trop restrictif pour décrire les besoins de la plupart des espèces en matière de protection de l'habitat, voire de toutes. Les espèces ne s'en tiennent pas nécessairement à un seul nid ou à une seule tanière. À notre avis, il serait préférable de remplacer le terme «résidence» par le terme «habitat essentiel» de façon à interdire qu'on endommage, détruise ou perturbe l'habitat essentiel d'un individu d'une espèce inscrite comme espèce menacée ou en voie de disparition.
Le terme «habitat essentiel» est repris plusieurs fois dans le projet de loi - on en donne aussi une définition - et nous sommes d'avis que pour vraiment protéger un habitat essentiel, il faut interdire qu'on l'endommage ou qu'on le détruise. Il ne suffit pas de protéger un nid ou une tanière. Ce ne sera pas efficace. Voilà le principal changement au projet de loi que nous demandons au comité de recommander.
À la page 8 de mon mémoire, j'ai donné deux ou trois exemples d'espèces de notre province sur lesquelles le gouvernement fédéral a clairement compétence exclusive. Je conviens avec mes collègues que la compétence du gouvernement fédéral en ce qui touche la protection des espèces en péril est plus étendue que celle que lui confère ce projet de loi, mais pour ne parler que des types d'espèces au sujet desquelles il n'y a aucun désaccord, soit les espèces d'oiseaux migrateurs et les espèces aquatiques... Il y a des exemples d'espèces déjà en péril dans notre province qui ne seront nullement protégées par ce projet de loi et comme il s'agit d'espèces relevant de la compétence fédérale et non pas provinciale, on ne réglera pas le problème en adoptant une nouvelle loi provinciale sur les espèces en péril.
Pour vraiment protéger les espèces en péril ou en voie de disparition qui relèvent de la compétence fédérale, il convient de renforcer les dispositions du projet de loi portant sur l'habitat. À titre d'exemple, la baleine noire du Pacifique Nord est considérée comme une espèce en péril dont la population diminue. Or, ce projet de loi ne protégera pas cette espèce. La protection de cette espèce relève du gouvernement fédéral puisque les mammifères marins sont protégés par une loi fédérale. Le règlement sur les mammifères marins découlant de la Loi sur les pêches interdit de déranger les mammifères marins, mais ne prévoit rien en ce qui touche la protection de l'habitat. En raison des singularités de la Loi sur les pêches, les dispositions très rigoureuses portant sur la protection de l'habitat ne s'appliquent à cette espèce. Il en est question au renvoi no 17 à la page 8 de mon mémoire.
Vous voyez donc que ce projet de loi ne protège pas suffisamment l'habitat des espèces aquatiques, et tant que ce ne sera pas le cas, on ne protégera pas ces espèces de façon efficace.
La même chose vaut pour ce qui est des espèces d'oiseaux migrateurs. Seul le gouvernement fédéral est habilité à protéger ce genre d'oiseaux, or il n'est question dans le projet de loi que des oiseaux mentionnés dans la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Cette loi protège également le nid, les oeufs et les abris de ces oiseaux, mais pas l'ensemble de l'habitat essentiel à la survie de ces espèces. Si l'on veut vraiment protéger l'habitat des oiseaux migrateurs en péril, en voie de disparition ou vulnérables, il convient de renforcer les dispositions du projet de loi portant sur la protection de l'habitat. Le gouvernement provincial ne peut le faire. Nous vous demandons d'y veiller.
À notre avis, l'article 36 sur les interdictions affaiblit encore davantage la protection assurée à l'habitat. Cet article énumère les exceptions générales prévues dans le projet de loi, lesquelles sont, à notre avis, beaucoup trop vastes.
Nous vous renvoyons au rapport du groupe de travail fédéral sur la conservation des espèces en péril. J'ai remis des exemplaires de ce rapport au greffier. On m'a dit qu'il à été souvent question de ce rapport lors de vos audiences. Ce groupe de travail se composait de représentants de toutes les parties intéressées, y compris de l'Association canadienne des producteurs pétroliers et de l'Association canadienne des pâtes et papier. Ces groupes, qui représentent l'industrie, ainsi que les groupes environnementaux ont produit un rapport consensuel. Toutes les recommandations que contient le rapport n'ont pas fait l'objet d'un consensus, mais cela a été le cas de la plupart d'entre elles.
À la page 14 du rapport du groupe de travail qui porte sur les exceptions à l'application de la loi, le groupe de travail recommande de fixer certaines conditions à l'octroi d'une exception. Il est donc recommandé avant d'octroyer une exception d'envisager toutes les solutions de rechange raisonnables et si des mesures pouvant nuire à une espèce ou à son habitat sont permises, elles doivent être approuvées et justifiées par écrit par le ministre de l'Environnement. Une exception ne doit pas non plus mettre une espèce en péril.
Malgré le fait que cette recommandation ait fait l'objet d'un consensus au sein du groupe de travail fédéral, le projet de loi C-65 n'en tient pas compte. Les parties les plus importantes du projet de loi ne s'appliquent tout simplement pas aux personnes qui s'adonnent à des activités autorisées. Nous recommandons pour régler ce problème, d'exiger qu'un permis soit délivré avant qu'une exemption ne soit accordée. De cette façon, le ministre et le gouvernement seraient tenus de peser soigneusement leur décision. Avant qu'une exemption ne soit accordée, nous recommandons aussi de suivre le conseil du groupe de travail qui était de veiller à ce que la survie ne soit pas compromise par l'octroi d'une exemption et que le ministre justifie par écrit les raisons pour lesquelles une exemption a été accordée.
Aux pages 10 et 11 de mon mémoire, je donne quelques exemples pris en Colombie-Britannique, qui montrent pourquoi ces exemptions sont trop vastes.
Une exemption est prévue dans le cas d'activités liées à des revendications territoriales autochtones ainsi qu'à des accords issus de traités. Cette exemption nous apparaît beaucoup trop vaste étant donné que les mesures réglementaires prévues pour protéger la faune sauvage dans un traité, une revendication territoriale, une entente d'autonomie politique ou de cogestion peuvent ne pas être suffisamment précises pour vraiment protéger les espèces en péril. Nous estimons que les activités qui pourraient être menées en conformité de ce type d'accord et qui peuvent être exclues de l'application de la loi risquent de ne pas protéger les espèces en péril de notre province. Nous recommandons donc qu'on réduise considérablement la portée de ces exemptions.
Kate a déjà parlé de l'examen préalable, et je ne vais pas répéter ce qu'elle a dit. Nous sommes d'accord également pour dire que la meilleure façon d'avoir une procédure efficace d'examen préalable, serait de considérer les deux articles correspondants de ce projet de loi, comme dispositions législatives désignées aux termes de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Finalement, en ce qui concerne les mesures incitatives de la page 15 et suivantes, nous estimons qu'il est important pour que les espèces en voie de disparition soient efficacement protégées, d'avoir un système de carottes, incitations positives, et de bâtons, ou interdictions telles que prévues dans le projet de loi. Le texte comporte un certain nombre d'initiatives de départ intéressantes, le paragraphe 7.2, concernant les accords de conservation, l'article 8, les accords de financement. Voilà des mesures incitatives tout à fait positives qui peuvent être utilisées pour encourager la protection des espèces en voie de disparition.
Nous recommandons également que l'on envisage d'autres types de mesures incitatives. Il y en a plusieurs que le gouvernement pourrait envisager, au titre de ce projet de loi, ou d'autres mesures fédérales telles que la loi de l'impôt sur le revenu, et nous vous avons donné un certain nombre d'exemples dans notre mémoire.
Nous approuvons le projet de loi C-65, et voyons une mesure tout à fait positive dans le sens d'une protection plus effective des espèces menacées et en voie de disparition au Canada et dans notre province. Cependant, nous estimons que le texte, tel quel, reste insuffisant. Plus particulièrement, à moins que les dispositions sur la protection de l'habitat ne soient modifiées, nous ne pensons pas que celui-ci sera effectivement protégé, et de ce fait les espèces ne le seront pas non plus.
Merci.
Le président: Merci. Voilà qui est fait, et bien fait.
M. Boyd, à vous. Vous avez la parole.
M. David Boyd (avocat-conseil du Sierra Legal Defence Fund): Merci. Bonjour, et soyez les bienvenus à Vancouver.
Je vais d'abord faire trois remarques générales, avant de passer aux dispositions du projet de loi. Premièrement, je tiens à attirer votre attention sur un passage du rapport de la Commission Brundtland de 1987, qui était la Commission de l'ONU sur l'environnement et le développement. Dans le rapport on peut lire que nous disposons encore d'un certain temps, si nous voulons véritablement sauver les espèces et leurs écosystèmes, et que les générations à venir ne nous pardonneront pas si nous échouons. Quelque chose à ne pas oublier, lorsque nous débattons du projet de loi C-65, est que ce projet de loi doit être vu comme un investissement dans l'avenir.
Il y a deux ans, j'ai organisé un séminaire à une conférence environnementale en Colombie-Britannique, destinée à la jeunesse. Cet après-midi là, cinq ou six séminaires avaient lieu, or tous les jeunes se sont inscrits à l'atelier des espèces en voie de disparition. C'est à ce moment-là que j'ai compris à quel point cette loi est importante pour la protection du patrimoine naturel canadien, non seulement pour nous et la faune elle-même, mais également pour le bien des générations à venir.
La deuxième remarque de portée générale est que ce projet de loi C-65, à condition d'être amélioré, peut être un facteur d'unité nationale au Canada. Les sondages montrent que 94 p. 100 des Canadiens appuient l'idée d'un leadership fédéral et d'une législation fédérale de protection des espèces en voie de disparition. Je ne connais pas d'autres questions qui fassent à ce point au Canada l'unanimité des personnes interrogées. Je pense que les parcs nationaux, la protection de notre patrimoine naturel national unique, sont l'occasion pour les Canadiens de se sentir membres d'une collectivité.
Ma troisième remarque d'ordre général est moins positive, et concerne de façon plus particulière le projet de loi C-65 sous sa forme actuelle. J'ai l'impression qu'avec le projet C-65 les Canadiens, d'une certaine manière, sont bernés. Ce projet de loi veut donner l'impression que l'État fédéral prend des mesures pour protéger les espèces en voie de disparition, mais il y a plus de surface que de profondeur.
J'ai été particulièrement inquiet, le 31 octobre dernier, lorsque l'on a fait de grandes déclarations devant la presse à propos du nouveau projet de loi. Je vais vous citer quelques lignes du communiqué de presse d'Environnement Canada:
- L'habitat nécessaire à la survie des espèces est protégé par cette loi. Dès qu'une espèce en voie
de disparition est officiellement inscrite sur la liste, l'interdiction de toute activité pouvant
endommager ou détruire l'habitat nécessaire à sa survie est automatique.
Il y avait, dans la trousse destinée à la presse, ce document résumant la loi et présentant ses dispositions dans un langage simple. Il y a aussi des photographies présentant diverses espèces, telles que la chouette des terriers, la marmotte de l'île de Vancouver et le renard véloce, qui sont sur la liste des espèces canadiennes en voie de disparition, mais qui ne bénéficieront d'aucune des protections du projet de loi C-65, telles qu'elles sont proposées à l'heure actuelle, puisqu'il ne s'agit ni d'espèces aquatiques ni d'oiseaux migrateurs tels que définis par la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, et qui ne se trouvent pas non plus sur le territoire domanial. De toute évidence ce projet de loi ne répond pas à l'ampleur des besoins. J'y reviendrai, et je développerai.
Mais avant de passer à l'exposition des détails, je vais m'attarder sur quelques articles du projet de loi. D'abord la définition «espèces sauvages». J'en ai parlé avec des écologistes et des biologistes. Ils me disent que la définition «espèces sauvages» doit être modifiée pour inclure les termes «génétiquement distincte», exactement comme l'on a «géographiquement distincte».
J'ai ici un petit accessoire visuel qui va expliquer ce que je veux dire. Voici une affiche de l'ours de Kermode, qui est un ours noir, contrairement aux apparences. On le trouve dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. Telle que l'espèce sauvage est définie dans le projet de loi C-65, cet ours n'aurait pas le droit à être protégé. Je vous demande donc instamment de modifier la définition de l'espèce sauvage.
Le deuxième commentaire préalable que j'ai à faire concerne l'inscription sur la liste. En ce moment, comme vous le savez, il y a une liste des espèces en voie de disparition. Je vous demande de modifier le projet de loi C-65 pour que la liste des espèces menacées et en voie de disparition du Canada y soit ajoutée en annexe. De cette façon, lorsque le projet de loi entrera en vigueur, la protection des espèces déjà répertoriées en voie de disparition ou menacées, sera immédiate.
Nous nous sommes divisé le travail, et on m'a donné la responsabilité de discuter la question essentielle du domaine d'application de la loi. Telle que rédigée, cette loi ne concernera que1,1 p. 100 de la Colombie-Britannique. C'est exactement la superficie des terres domaniales en Colombie-Britannique.
Qu'arrivera-t-il alors aux espèces qui vivent sur les 98,9 p. 100 restants de la province? Elles ne sont pas protégées par les dispositions du projet de loi C-65. Comme habitant de Colombie-Britannique et comme Canadien, je suis scandalisé.
Lorsque les Pères de la Confédération ont rédigé notre Constitution, en 1867, ils ne se sont pas particulièrement arrêtés à la question de l'environnement, comme domaine de compétence fédérale ou provinciale. De ce fait, il y a beaucoup de conflits de juridiction dans le domaine environnemental.
Le président: Mais on avait pensé à l'eau, monsieur Boyd, et l'eau est très importante sur le plan environnemental. On peut dire qu'ils ont fait preuve de prévoyance.
M. Boyd: Je suis d'accord là-dessus, monsieur Caccia. Je ne peux que me féliciter de ce qui est prévu dans ce texte de loi pour la protection des espèces aquatiques. Ce que j'ai dit sur les 98 p. 100 du territoire de Colombie-Britannique qui ne sont pas en cause, concerne évidemment les espèces terrestres.
Mais il y a une façon de tourner cette difficulté des conflits de juridiction, c'est ce qui se trouve à l'article 3 du projet de loi, où il y a une disposition d'équivalence pour les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Cela permet d'être sûrs qu'une certaine protection sera prise en charge par le gouvernement fédéral, tout en donnant aux territoires la possibilité de prendre l'initiative. Une disposition semblable pourrait être utilisée à propos des provinces. C'est exactement ce qui a été fait dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
Nous recommandons que l'article 3 soit modifié, pour que non seulement les terres domaniales soient couvertes, mais tout le Canada, avec une disposition d'équivalence, afin que le droit provincial s'applique là où la province a pris des dispositions de protection des espèces. De cette façon les espèces seront protégées, quels que soient leurs lieux, et là où les provinces adoptent des dispositions législatives, il n'y aura pas de conflit avec le palier fédéral.
J'ajouterais aussi qu'une des constitutionnalistes éminentes du Canada, le professeur Dale Gibson, de l'Université d'Alberta, a donné un avis écrit sur les pouvoirs constitutionnels du gouvernement en matière de protection des espèces en voie de disparition. Elle conclut:
- Les pouvoirs fédéraux sont si étendus, que le gouvernement du Canada dispose, à mon avis, de
tous les outils nécessaires à la protection de toutes les espèces en voie de disparition au Canada.
Enfin, l'article 446 du Code criminel du Canada, interdit d'infliger des traitements cruels aux animaux, pris individuellement. Je crois que le parallèle s'impose. Si le gouvernement fédéral peut interdire que l'on fasse du mal à un animal, où que cela puisse se dérouler, il peut également interdire tout acte nuisible aux espèces en voie de disparition, et notamment tout acte qui entraînerait l'extinction d'une de ces espèces.
Toujours dans le cadre de l'application de la loi, j'aimerais maintenant parler du respect de ces dispositions. Seul le gouvernement fédéral peut être tenu responsable de la bonne application de la législation environnementale, et notamment par le truchement de la Commission nord-américaine de coopération environnementale. Ce dispositif permet aux citoyens de veiller à ce que le Canada applique effectivement ses propres lois de protection de l'environnement.
Je voudrais maintenant parler des espèces frontalières, soit l'article 33 du projet de loi C-65. D'une certaine façon nous restons toujours dans le sujet du domaine de l'application de la loi. Cet article, pour nous, est un article important. Nous estimons que le gouvernement fédéral doit protéger comme il convient les espèces frontalières, mais nous estimons que l'article 33 mérite d'être renforcé, et cela à bien des égards. J'aimerais également faire remarquer que le groupe de travail sur les espèces en voie de disparition, où étaient représentés un large éventail d'intérêts, a recommandé que le projet de loi C-65 veille à la protection des espèces frontalières.
La protection de ces espèces devrait être obligatoire, et non pas facultative. On ne voit pas pourquoi certaines dispositions du projet de loi s'appliqueraient automatiquement à certaines espèces en voie de disparition, et pas à d'autres.
Mais nous estimons également que les espèces qui franchissent les frontières provinciales méritent d'être protégées. Il y a d'ailleurs une jurisprudence, et notamment la décision de la Cour suprême du Canada Interprovincial Co-operatives Ltd. et al. c. La Reine.
Troisièmement, l'article 33 doit être modifié pour que l'habitat des espèces frontalières soit également protégé. Tel que rédigé, l'article 33 ne parle pas de protection de l'habitat.
Quatrièmement l'article 33 est le seul où apparaissent les termes «intentionnellement» et «sciemment». Ces termes devraient disparaître de l'article. Ils sont une anomalie, et une exception à la rédaction du reste du projet de loi; ils rendraient également plus difficile l'application de l'article 33.
Finalement, on ne voit pas pourquoi l'article 33 se limiterait aux espèces animales. Il devrait également s'appliquer aux plantes. Certaines plantes poussent effectivement de part et d'autre des frontières internationales et provinciales.
Il y a ensuite trois remarques à faire à propos des articles 31, 32 et 33. Le terme «disturbed» (perturbé) devrait être ajouté à chacun de ces articles, car certains actes viennent perturber les espèces en voie de disparition, et ces actes aux effets tout aussi pernicieux peuvent avoir des conséquences directes graves sur la survie des espèces.
Deuxièmement, ces articles devraient aussi parler des «tentatives» de nuire. En effet, dans l'état actuel des choses, quelqu'un pourrait tirer sur une espèce en voie de disparition, rater son coup, et de ce fait n'avoir commis aucune infraction. Il faut donc corriger cette faiblesse du texte.
Finalement, les articles 31, 32 et 33, qui représentent le coeur du projet de loi, devraient être modifiés pour inclure les espèces disparues du pays. Cela peut paraître étrange, à première vue; mais l'on sait qu'il y a des programmes de réintroduction de certaines espèces, je pense par exemple au renard véloce, et nous voulons à ce moment-là que ces espèces soient automatiquement protégées.
Le dernier commentaire sur la portée de la loi et son application concerne les oiseaux migrateurs. Sous sa forme actuelle elle ne vise que les oiseaux migrateurs figurant sur la liste de la loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Cette référence devrait être supprimée. Cette loi devrait s'appliquer à tous les oiseaux migrateurs. La Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ne couvre pas un certain nombre d'oiseaux, y compris les aigles, les hiboux, les faucons et les buses; or, certaines de ces espèces sont en voie de disparition au Canada. Il serait plus simple et plus juste que la loi s'applique simplement aux oiseaux migrateurs et à leur habitat.
L'autre question importante dont j'aimerais vous parler concerne les plans de rétablissement et leur élaboration. La raison d'être de cette loi ce sont ses plans de rétablissement. Nous ne voulons pas que les espèces en voie de disparition continuent à mourir de langueur dans les services d'urgence. Tout comme les sciences médicales n'ont pas pour seul objet de prévenir la mort mais aussi d'améliorer la vie cette loi ne vise pas seulement la prévention de l'extinction des espèces en voie de disparition mais l'amélioration de leur vie et leur rétablissement.
Le défaut fondamental du projet de loi C-65 dans le contexte des plans de rétablissement est bien qu'il faille prévoir un plan - et Linda y a d'ailleurs fait allusion tout à l'heure - dans l'année pour les espèces en voie de disparition ou dans les deux ans pour les espèces menacées, mais rien n'oblige le gouvernement à mettre en place ces plans de rétablissement. Si une espèce mérite d'être inscrite sur la liste des espèces en voie de disparition ou des espèces menacées et qu'un plan de rétablissement est préparé, il faut qu'il soit traduit dans les actes. Autrement, ces exercices de plans de rétablissement deviennent complètement vains.
J'aimerais vous dire un ou deux mots sur la loi australienne de protection des espèces en péril qui a été adoptée par le gouvernement fédéral australien en 1992. En matière de plan de rétablissement, l'article 31 de la loi australienne stipule que le gouvernement a l'obligation d'élaborer et de mettre en place ces plans de rétablissement. Ce serait certainement une amélioration dans le projet de loi C-65.
La loi australienne stipule également que
- Le plan de rétablissement doit prévoir les mesures de recherche et de gestion nécessaires pour
stopper le déclin et soutenir le rétablissement de l'espèce ou du groupe afin que ses chances de
survie à long terme dans la nature soient maximisées.
Le troisième élément de la Loi australienne sur la protection des espèces en péril, qui pourrait être une addition utile au projet de loi C-65, est que cette loi interdit aux organismes et aux ministères gouvernementaux de prendre des mesures qui contreviennent à un plan de rétablissement. Cela se passe de commentaires.
J'aimerais également faire plusieurs observations concernant les dispositions de participation publique du projet de loi C-65. Le premier concerne l'article 40 et la possibilité de participation du public au processus de planification du rétablissement. Selon cet article, une fois le plan de rétablissement prêt, le public est invité à faire des observations. Il serait préférable, certainement de notre point de vue, que le public soit invité à participer avant que le plan de rétablissement ne soit prêt.
Kate vous a parlé de la question des actions intentées par les particuliers. Je n'y reviendrai pas.
Il y a une question sur laquelle on n'avait jamais jusqu'à présent attiré mon attention, mais à laquelle il serait peut-être bon que vous réfléchissiez parce qu'elle a posé des problèmes aux États-Unis, et c'est la publication de renseignements sur les espèces en voie de disparition requises par le projet de loi. Il y a certains cas exceptionnels dans lesquels la publication de renseignements sur une espèce en voie de disparition peut aboutir à la mise en péril de cette espèce. Par exemple, si la loi oblige la publication de renseignements sur l'habitat d'une espèce de papillons rares, cela peut inciter des collectionneurs peu scrupuleux à se précipiter sur l'habitat de ce papillon rare. Il serait donc peut-être souhaitable d'envisager dans le projet de loi une exception lorsque la publication de renseignements sur une espèce risque de mettre encore plus en danger cette espèce déjà menacée.
Je suis mystifié par les sanctions du projet de loi C-65. Je ne comprends pas pourquoi ces sanctions sont moins lourdes que dans les autres lois fédérales de défense de l'environnement, comme par exemple la Loi sur les pêches et la Loi sur la protection de l'environnement. Nous recommandons simplement une majoration du plafond des amendes pour l'aligner sur celui des autres mesures législatives fédérales, à savoir des amendes maximums d'au moins 300 000 $ pour les infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité et 1 million de dollars pour les actes criminels.
J'aimerais conclure mon exposé en citant...
Le président: Je m'excuse, monsieur Boyd, mais vous avez utilisé tout votre temps. Vous pourrez peut-être inclure cette citation dans une de vos réponses.
M. Boyd: Très bien.
Le président: Monsieur Forseth.
M. Forseth: Merci d'être venu.
J'aimerais vous décrire d'une manière générale... Il est certain que ce projet de loi comporte des aspects techniques dont nous conférons l'administration à des professionnels, et pour que la protection des espèces en voie de disparition soit un succès il faut la coopération du public, la coopération de ceux dont l'engagement ne va pas vraiment beaucoup plus loin que: «je suis contre la disparition des espèces en voie de disparition». C'est à peu près leur niveau de compréhension du problème. Mais lorsque la solution, c'est la fermeture d'une scierie, tous leurs beaux sentiments s'évaporent d'un seul coup.
J'aimerais donc que l'un ou l'autre d'entre vous me dise quoi faire pour stimuler la coopération du public, pour qu'il ne considère pas ce genre de loi et la promesse des provinces d'adopter des mesures analogues, comme une menace, comme une intrusion du gouvernement, comme un risque de perturbation des activités économiques locales, comme une arme susceptible d'être utilisée de manière perverse par la concurrence pour se débarrasser de rivaux ou pour freiner leur développement. Que pouvons-nous faire pour mettre le public de notre côté et tenir compte des cas exceptionnels? Car il y a toujours des situations d'exception.
M. Boyd: Je vous répondrai d'une manière générale, Paul, ensuite Linda vous répondra d'une manière plus particulière.
Je crois qu'il faudrait surtout ne pas oublier qu'au Canada la situation est très loin d'être catastrophique. Il n'y a que soixante espèces répertoriées comme étant menacées et en voie de disparition et ce sont des espèces rares. Imposer des mesures de protection rigoureuses n'entraînerait certainement pas autant de problèmes qu'aux États-Unis, par exemple, où il y a plus de 800 espèces menacées et en voie de disparition.
Mme Nowlan: Juste quelques petits détails. Les sondages indiquent qu'en fait environ90 p. 100 des ruraux seraient près à laisser une partie de leur terre en friche pour protéger les espèces en voie de disparition. C'est un pourcentage très élevé démontrant encore une fois le fort soutien du public pour ce genre de projet de loi.
Le gouvernement pourrait envisager certaines mesures d'incitations. Il y en a quelques-unes dans ce projet de loi qu'il faudrait faire jouer au maximum. Il y a les accords de conservation du paragraphe 7(2) et probablement encore plus probants les accords de financement de l'article 8. Cet article permet au gouvernement de conclure des accords de financement aussi bien avec des particuliers que des organismes pour protéger les espèces en voie de disparition.
Des exemples de programmes analogues existent déjà dans la province. Par exemple, en Colombie-Britannique nous avons le fonds fiduciaire de conservation de l'habitat, qui est un programme provincial. Il est financé par la vente de permis de chasse et de timbres sur la faune, de choses de ce genre, c'est-à-dire que la conservation de l'habitat est financée par les droits payés par ceux qui ont des activités liées à la faune.
Je ne vois pas pourquoi ces programmes de type provincial ne pourraient pas être liés à des programmes fédéraux analogues comme par exemple Habitat faunique Canada qui fournit des fonds pour la protection des espèces en voie de disparition afin que ces fonds existants soient utilisés plus largement - ils pourraient peut-être même être plus généreusement dotés - pour encourager des propriétaires privés ou autres à protéger les espèces.
Enfin, je mentionnerai qu'aux États-Unis les plans de conservation de l'habitat qui permettent aux propriétaires découvrant des espèces en voie de disparition ou menacées sur leur terre de détruire une partie - la plus petite possible - de cet habitat s'ils peuvent faire la démonstration que ce faisant ils optimisent cet habitat sur le reste de leur terre, connaissent un très grand succès. Ils peuvent donc faire disparaître certains membres de ces espèces sans risquer d'être poursuivis pour infraction à la loi mais à condition de mettre en place un plan de conservation de l'habitat qui protège cette espèce sur le reste de leurs terres. D'après les articles écrits sur la question, ce programme connaît beaucoup de succès.
Mme Smallwood: J'aimerais répéter que si vous voulez que le public soutienne ce genre de loi il faut le faire participer. Il y a de bonnes dispositions dans ce projet de loi qui le permettent.
Il y a par exemple la disposition de participation des citoyens aux inscriptions sur les listes ainsi que le registre public. L'élément clé, cependant, et j'y reviens, ce sont les consultations préalables. Une consultation préalable ce n'est pas simplement la rencontre entre les représentants du ministère fédéral et du service américain de la faune et de la pêche. Il faut y faire participer les personnes directement touchées. Avant de donner le feu vert à la construction d'un barrage ou d'une route, il est essentiel de consulter de manière informelle tous les intéressés pour prévenir les problèmes. Comme le montre l'expérience américaine, chaque fois que cette méthode est utilisée plus de 90 p. 100 des problèmes sont résolus d'avance et à l'amiable. Il faut laisser les gens venir dire ce qu'ils pensent du projet et de ses conséquences possibles sur leur vie.
Enfin, pour que le soutien du public soit généralisé, je rappelle encore une fois la nécessité de rendre crédible la procédure d'inscription sur les listes. Comme Linda l'a déjà dit, c'est ce que réclamait tous les participants du groupe d'étude. Pour que ce projet de loi soit soutenu il faut que la procédure d'inscription soit crédible. Il faut qu'elle soit motivée par des raisons scientifiques et non pas politiques.
M. Forseth: Merci.
Le président: Monsieur Steckle, s'il vous plaît.
M. Steckle: Je tiens à remercier nos témoins de ce matin. Je ne doute pas un instant de leur sincérité.
Je représente le Canada rural dans ce comité - je possède des terres en Ontario notamment dans le sud mais aussi dans le nord - et je partage certaines de vos préoccupations. Je partage également les préoccupations de l'autre partie prenante de cette équation qui se demande jusqu'où nous devons aller et jusqu'où nous pouvons aller sur le plan législatif pour ne pas inhiber, par exemple, les activités de l'industrie forestière.
Permettez-moi de vous dire que beaucoup d'agriculteurs partagent votre vision et considèrent nécessaire ces mesures de protection. Je connais beaucoup d'agriculteurs qui, lorsqu'ils trouvent un nid pluvier kildir, le contournent. Ce n'est pas une espèce en voie de disparition mais ils contournent le nid pour ne pas gêner la nidification.
Kate, vous avez suggéré de faciliter le recours à l'article 60. Je suppose que c'est à vous que s'adresse ma première question. J'en poserai ensuite trois générales et une à chacun d'entre vous.
Pouvons-nous permettre à tout citoyen d'intenter une action en protection d'une espèce en voie de disparition sans aucune restriction?
Linda, vous avez parlé de la protection de l'habitat... Quelles devraient être les limites de l'habitat et les limites de la résidence? Jusqu'où iriez-vous? Il pourrait ne pas y avoir de limites.
David, vous avez dit que 94 p. 100 des Canadiens sont pour la protection des espèces en voie de disparition. Je ne le conteste pas mais est-ce que ces mêmes 94 p. 1000 seraient également prêts à soutenir cette cause financièrement? Nous savons qu'aujourd'hui il y a beaucoup d'organismes qui font exactement cela. Ducks Unlimited consacre des millions de dollars à la protection et à la revalorisation de l'habitat. C'est sa priorité. Je crois qu'il faut que nous travaillions ensemble...
Et puis il y a la communication. J'étais pratiquement d'accord avec tout ce que vous disiez jusqu'à ce que vous abordiez cette question de publication de renseignements. Vous avez donné l'exemple de la publication de renseignements sur ce papillon qui risque d'avoir des conséquences plus négatives que positives. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus car j'ai l'impression que l'opinion publique... Parler de 4 p. 100 négatif est peut-être correct mais sommes-nous prêts...? Car c'est le gouvernement qui donne et qui donnera son impulsion à cette loi, qui aura la responsabilité non seulement de la faire appliquer, mais qui aura aussi la responsabilité en cas de dédommagement d'en définir les critères. C'est un vaste mandat.
Aidez-nous à trouver les solutions à ces questions.
Mme Smallwood: Je puis peut-être intervenir pour répondre à vos inquiétudes au sujet des limites aux poursuites intentées en vue de protéger les espèces en voie de disparition. Je crois savoir que plusieurs d'entre vous siégeaient au comité permanent lorsqu'il a été saisi de la LCPE. Le comité permanent s'en était inquiétée lui aussi de façon spécifique. En fait, il a même affirmé qu'il était nécessaire que ce type de disposition comporte certaines garanties.
Il y a plusieurs choses à dire là-dessus. D'abord, je crois fermement que les limites existent déjà, sans qu'il soit nécessaire de les coucher dans le projet de loi. En effet, c'est que ces garanties sont inhérentes au processus judiciaire, comme je l'ai expliqué aux pages 19 et 20 de mon mémoire.
Vous devez savoir que les procédures judiciaires comportent des garanties qui s'appliquent de façon inhérente aux poursuites. La première garantie, c'est qu'il faut établir ce que l'on appelle une présomption suffisante, c'est-à-dire que dans le cas des cinglés de l'environnement qui espèrent déposer des plaintes non fondées, et qui répondent au modèle du plaignant visant le harcèlement, les tribunaux peuvent fermer la porte dès le début aux individus de ce genre. D'entrée de jeu, les tribunaux ont l'autorité voulue pour rejeter les litigants qui orientent des actions frivoles ou vexatoires. Ils sont également obligés d'établir que les présomptions sont suffisantes. Autrement dit, si vous n'avez pas l'ombre d'un argument valable à présenter au tribunal, on ne vous permettra même pas de vous y adresser.
Les tribunaux imposent également d'autres restrictions, telles que des obligations d'avis qui permettront au défendeur, même avant le début de l'instance, de réagir et de réfuter l'argument en prétendant qu'il est farfelu. Les tribunaux imposent également des exigences de garantie et des dépôts de cautionnement, ou encore un engagement à payer les dommages-intérêts. C'est également prévu dans le projet de loi.
Comme je l'ai également fait valoir dans mon mémoire, l'expérience a démontré que les tribunaux n'ont pas été inondés de plaintes, comme on l'avait craint.
Une recherche universitaire, que j'ai citée dans mon mémoire, se penche justement sur cette éventualité qu'il y ait toutes sortes de plaignants qui déposent des actions frivoles ou vexatoires dans le domaine de l'environnement, qui frapperaient à la porte des tribunaux et occuperaient tout leur temps. Je viens de vous expliquer que les tribunaux ont déjà la possibilité de refuser l'accès à ces individus. Aux États-Unis, après l'adoption de la Loi sur les espèces en voie de disparition, les tribunaux ont imposé leurs propres critères pour justifier le droit de comparaître. Autrement dit, même si la loi ne comporte aucun critère précis sur l'obligation d'avoir un intérêt dans les instances, dès lors que les tribunaux ont quelque hésitation devant la façon dont se présente un plaignant, même s'il s'agit bien d'une présomption fondée, ils ont le droit d'imposer leurs propres limites d'accès.
Puis, si nous nous reportons à la recherche universitaire qui s'est penchée sur les dispositions américaines et canadiennes concernant les poursuites intentées par les citoyens, il semble que les chercheurs aient établi que l'argument invoqué le plus fréquemment par tous ceux qui s'opposent à un élargissement quelconque du droit de contester, c'est que les tribunaux seraient inondés de litiges. Or, toujours d'après les chercheurs, 20 années d'expérience permettent d'apaiser ces craintes. Toute rhétorique mise de côté, on peut dire que les tribunaux américains n'ont pas été inondés de poursuites émanant de citoyens en matière d'application des règlements environnementaux.
On donne plusieurs raisons à cela. Comme je vous l'ai déjà expliqué, il faut au départ que les tribunaux considèrent votre demande comme recevable, sans parler de ce qu'il en coûte pour intenter des poursuites, même dans le cas d'organisations environnementales d'intérêt public. Même si quelqu'un payait tous vos frais de justice, vous seriez quand même obligés de vous engager à payer les dommages-intérêts. Non seulement vous menace-t-on d'avoir à payer plus tard, mais on exige également de vous que vous versiez un cautionnement.
Par conséquent, si vous regardez ce que nous proposons, même si n'importe qui peut intenter des poursuites, il reste que les tribunaux eux-mêmes ont établi leur propre garantie, celle-là même qui vous intéresse et que vous trouverez expliquée en détail aux pages 19 et 20 de mon mémoire.
Le président: Merci. Nous vous reviendrons peut-être au deuxième tour.
Soyez bref, je vous prie.
Mme Nowlan: Je pense que je laisserais aux spécialistes du COSEPAC l'honneur de faire la distinction entre l'habitat et la résidence. Je ferai simplement remarquer qu'au titre de l'alinéa 38(5)(a), il est possible d'identifier ce qu'est l'habitat critique, dans le plan de rétablissement. Je me fierai donc à ce qui est écrit pour déterminer l'habitat à protéger.
Je fais également remarquer que la Loi fédérale sur les pêches empêche d'endommager l'habitat halieutique mais ne limite pas l'habitat à la résidence du poisson. Vous pouvez bien vous imaginer que cela serait assez difficile! L'habitat du poisson est défini dans la loi comme la zone de frai, la zone d'alevinage, la zone d'élevage, la zone d'alimentation et la zone de migration dont dépendent les poissons directement ou indirectement pour pouvoir traverser tout leur cycle de vie. Je suis sûre que les scientifiques et les écologistes utiliseraient des définitions semblables pour les autres espèces.
Je laisse donc cette décision aux scientifiques. Vous allez d'ailleurs entendre d'autres témoins cet après-midi qui sont des scientifiques à l'Université de la Colombie-Britannique et qui vous diront que la protection de la résidence ne suffit pas pour protéger l'habitat.
M. Boyd: Monsieur Steckle, vous vouliez savoir combien coûterait cette loi. Je vous répondrai de façon précise, puis de façon générale.
D'un point de vue spécifique, le gouvernement américain dépense actuellement quelque60 millions de dollars par an pour mettre en oeuvre des programmes de protection des espèces en voie de disparition, ce qui représente un coût d'environ 25c par Américain. Si le Canada devait dépenser proportionnellement la même chose la même somme, cela représenterait 9 à 12 millions de dollars.
De façon plus générale, ce qu'il faut dépenser aujourd'hui pour protéger les espèces en voie de disparition au Canada est minime si on compare à ce qu'il faudra payer si l'on laisse les problèmes croître. Voilà une excellente raison d'agir aujourd'hui.
De plus, il faut tenir compte du revers de la médaille, c'est-à-dire des avantages qu'il y a de protéger les espèces en voie de disparition. Ces avantages sont, pour leur part, plus difficiles à quantifier, mais je dirais qu'ils sont inestimables.
Le président: Merci, monsieur Steckle.
Je préviens les membres du comité qui veulent savoir combien coûte cette mesure législative de ne pas considérer les coûts sans envisager les avantages, qui sont beaucoup plus difficiles à évaluer et qui dépassent de loin ce qu'il nous en coûterait. Par conséquent, il faut considérer la chose d'un point de vue équilibré et en étudiant les coûts éventuels, il faut aussi tenir compte des grands avantages qui en découleraient.
Monsieur Knutson.
M. Knutson: Je m'adresse surtout à Mme Smallwood.
J'ignore si vous avez eu l'occasion de lire la transcription des témoignages que nous avons reçus à Ottawa.
Mme Smallwood: Non.
M. Knutson: Je n'en avais pas l'impression, en effet. Peu de temps avant le congé de Noël, nous avons entendu le témoignage de l'Association des travailleurs du bois qui représentent au fond l'industrie de l'exploitation forestière. Ces gens nous ont dit très clairement que cette loi-ci était identique à la loi américaine. Ils nous ont donné comme exemple celui de la chouette tachetée et ils nous ont expliqué qu'à leur avis, les environnementalistes américains avaient invoqué la Loi sur la protection des espèces en voie de disparition pour saboter des tas de collectivités et empêcher le développement. Ils...
Mme Smallwood: J'aimerais intervenir plus tard, mais allez-y.
M. Knutson: Je me demandais si vous pourriez nous expliquer la différence entre cette loi-ci et la loi américaine. Vous pourriez peut-être prendre mon exemple de la chouette tachetée, car ces gens-là ne craignent pas tant que la loi ouvre la porte à un flot de litiges, mais citent ce cas en exemple pour expliquer les énormes répercussions que la loi peut avoir sur des collectivités. La loi, qui devait servir à protéger les forêts de vieux peuplements a été détournée de son objectif premier. Les représentants de l'exploitation forestière ont affirmé que les environnementalistes avaient obtenu indirectement ce qu'ils n'avaient pas pu obtenir directement.
Mme Smallwood: On pourrait sans doute expliquer de plusieurs façons les différences qui existent entre cette loi-ci et la loi américaine. Les exemples sont nombreux et beaucoup comportent les changements que nous préconisons. Le changement le plus important, c'est évidemment la protection juridique des habitats. Contrairement à la loi canadienne, la loi américaine oblige la protection des habitats essentiels. Voilà le genre de choses que nous vous recommandons de faire. Je vous répondrai dans l'hypothèse que vous allez apporter des modifications que nous recommandons. Ensuite, vous devriez savoir que le projet de loi C-65 ne s'applique pas actuellement à la chouette tachetée, puisque cet oiseau n'est pas énuméré dans la liste des oiseaux migrateurs. Voilà un autre changement que nous vous demandons d'apporter. Donc, voilà au départ deux différences.
De façon générale, la grande différence entre la loi américaine et canadienne - et qui traduit bien la différence qui existe entre la Loi sur l'environnement aux États-Unis et celle du Canada - c'est que ce projet de loi-ci est en soi plus discrétionnaire que la loi américaine qui comporte des dispositions obligatoires.
Supposons d'abord que vous apportiez les modifications que nous vous avons recommandées eu égard à la chouette tachetée; ainsi, la loi canadienne se rapprocherait plus de la loi américaine. Mais avant de discuter de la chouette tachetée, j'aimerais revenir à ce que j'ai dit plus tôt, c'est-à-dire au nombre de projets.
Il s'agit d'une des exceptions très médiatisées qui a nui au succès qu'a généralement connu la loi américaine. Rappelez-vous de quel pourcentage il s'agit: 1 p. 100 des projets n'ont pas abouti au cours de la période de cinq ans. Donc, malgré l'exemple de la chouette, il ne faudrait tout de même pas oublier le grand succès qu'a connu la loi.
En second lieu, il ne faut pas oublier que, en ce qui concerne la chouette, les résultats sont variables. Les représentants de l'exploitation forestière vous ont expliqué ce qui était arrivé là où les terres avaient été protégées. Ils ne vous ont pas dit que dans un autre cas, les terres étaient... La loi américaine prévoit, dans certains cas précis, que le Comité de protection des espèces en voie de disparition, appelé aussi «la bande d'illuminés», a la possibilité de supplanter les dispositions de la loi.
Ainsi, si à la fin des consultations - et rappelez-vous que 99,9 p. 100 des projets aboutissent - vous constatez qu'une espèce ou son habitat essentiel reste toujours menacé et qu'il n'y a pas d'autres solutions acceptables, il est possible de stopper le tout et de faire cesser tout aménagement. Le Comité de défense des espèces en voie de disparition a donc la possibilité d'exempter des projets d'aménagement qui se trouvent dans cette situation. On a eu recours à cette disposition seulement trois fois depuis l'adoption de la loi, notamment dans le cas de la chouette tachetée, et on a exempté les terres.
Vous comprendrez que dans une perspective plus large, si la demande était à ce point élevée pour protéger la chouette tachetée ou toute autre espèce, que l'on aurait recours beaucoup plus au comité que l'on ne l'a fait. Or, on a eu recours à lui seulement trois fois.
Passons maintenant, enfin, à la question économique. C'est ce qui constitue l'aspect exceptionnel du projet de loi. Arrêtons-nous plus précisément à la chouette tachetée, puisque l'on a prétendu qu'elle avait ravagé complètement l'exploitation forestière dans le nord-ouest du Pacifique.
Je n'ai malheureusement fait photocopier le rapport, car je ne l'ai lu qu'hier soir. Il répond à bon nombre des préoccupations que vous avez et que vous entendrez exprimer cet après-midi.
Il s'agit d'un rapport consensuel rédigé par les économistes du nord-ouest du Pacifique. Ce rapport, intitulé «Economic Well-being and Environmental Protection in the Pacific Northwest», remonte à décembre 1995. Il a été entériné par 66 économistes. Vous voyez donc qu'il ne s'agit pas d'un rapport rédigé par des environnementalistes, mais plutôt d'un rapport économique. Il est très objectif, voire brutal, dans ses conclusions.
Il explique que l'économie du Pacifique du Nord-ouest est en train de se transformer: d'une économie fondée traditionnellement sur l'extraction des ressources, et dépendant de quelques industries extractives, elle est en passe de devenir une économie moderne et diversifiée. Voilà pour la première conclusion.
Voici la deuxième conclusion: il y a deux raisons pour lesquelles le Pacifique du Nord-ouest est en train de réussir cette transition avec un taux de croissance plus élevé que la moyenne nationale, en dépit du déclin de son industrie aérospatiale et de son exploitation forestière. D'abord, c'est en raison de la qualité de vie que l'on trouve dans la région. Ensuite, c'est à cause de la mobilité accrue des habitants et des entreprises. On constate que plus la qualité de vie prend de l'importance et plus elle devient un facteur dans la décision de s'établir à un endroit donné, et moins on met l'accent sur l'extraction des ressources naturelles, plus on est obligé de réévaluer le rôle que jouent les ressources naturelles. Le rapport établit qu'il se produit en ce moment une réévaluation économique que jouent les ressources naturelles. La valeur économique d'une région dépend aujourd'hui moins de ses industries d'extraction que de sa qualité de vie. Autrement dit, un environnement sain devient le moteur principal d'une économie saine.
Le rapport traite de façon très précise de ce qu'il en coûte pour protéger les espèces en voie de disparition; il se demande si c'est là la véritable raison ou pas qui expliquerait le déclin de l'industrie du bois d'oeuvre sur toute la côte nord-ouest du Pacifique. Il faut situer le problème dans un tableau économique beaucoup plus vaste. Le rapport dit ceci, page 11:
- Étant donné qu'il y a une perte des emplois dans l'industrie des ressources naturelles au même
rythme qu'il y a eu des batailles épiques dans la région associées à la protection des espèces en
voie de disparition, il est devenu naturel de croire que c'est à cause de la protection accordée à
l'environnement que l'on a perdu tous ces emplois.
- C'est ce que vous diront les témoins de cet après-midi.
- Or, c'est mal interpréter la réalité, mais c'est ce que l'on croit dans la région et au Canada.
- Comme j'ai peu de temps, je ne peux entrer dans les détails pour expliquer.
Le président: J'aimerais que les réponses soient plus courtes.
Monsieur Adams.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
Je me joins aux autres pour vous remercier de vos excellents exposés et de vos mémoires fort chargés. Tout cela nous est très utile.
Pour certains d'entre nous, la conjoncture est favorable du point de vue politique pour faire adopter ce type de loi. Mais ce n'est qu'une conjoncture, et c'est pourquoi il nous faut agir. Plus nous obtenons rapidement de recommandations, mieux cela vaut, car nous pourrons peut-être en incorporer plusieurs.
J'ai deux questions que je poserai une à la suite de l'autre, même si elles ne sont pas nécessairement reliées.
Madame Smallwood, je crois que c'est vous qui nous avez parlé des espèces en péril en Colombie-Britannique. J'imagine que je ne devrais pas me fier à du ouï-dire plutôt qu'à vos chiffres, mais j'ai entendu hier soir dans l'avion un passager expliquer à quelques-uns d'entre nous quelles étaient les diverses espèces ou sous-espèces du saumon. Je crois même l'avoir entendu dire que quelque 142 espèces avaient déjà disparues. Pouvez-vous comparer ce chiffre à celui que vous nous avez donné pour le nombre d'espèces menacées ou en voie de disparition, dans le cadre de la discussion sur la protection de l'habitat.
Maître Boyd, vous avez parlé pour votre part d'une définition de l'expression «géographiquement distinct» qui inclurait la notion de génétiquement distinct. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus, car j'ai toujours cru que la notion même d'espèces avait une quelconque connotation génétique. On nous a également suggéré d'utiliser l'expression «biologiquement distinct». Je vois pourquoi vous dites que l'expression «géographiquement distinct» ne suffit pas - la photo que vous avez montrée l'illustre merveilleusement bien - , mais je me demande si l'expression «biologiquement distinct» serait acceptable.
Le président: Il s'agit de courtes questions très simples, et il est sans doute possible de donner des réponses aussi brèves.
M. Adams: Elles sont peut-être simples, monsieur le président, mais elles ont du poids.
Mme Smallwood: Les chiffres me viennent du ministère de l'Environnement de la Colombie-Britannique. Votre comité constatera qu'il y a des différences entre les chiffres qui proviennent d'une institution nationale et les chiffres qui sont cités par les institutions provinciales, et c'est dû au fait que les organisations nationales se fient surtout à la liste du COSEPAC et que nous nous fions plutôt, pour notre part, à la liste de la province. De plus, s'il y a une différence, c'est aussi parce que nos chiffres mettent plutôt l'accent sur les sous-espèces.
Maître Boyd voulait vous parler des poissons.
M. Boyd: Mme Smallwood a obtenu ses chiffres du ministère de l'Environnement, et ces chiffres n'incluent pas les remontes de poisson. Le chiffre que l'on vous a donné de 142 remontes de poisson est tiré d'une étude de Tim Slaney, que je pourrais vous fournir.
Quant à la distinction entre les expressions «biologiquement distinct» ou «génétiquement distinct», je vous ferai remarquer que je suis un avocat et non pas un scientifique; c'est à la suite de discussions avec des écologistes du ministère des Forêts que l'on a suggéré l'expression «génétiquement distinct» qui s'appliquerait aux espèces telles que l'espèce Kermode. Il semble que l'on utilise cette expression en sciences, et que l'expression «biologiquement distinct» n'ait pas de sens spécifique.
Le président: Cela vous satisfait-il?
M. Adams: Oui, monsieur le président.
Le président: Je ne vous connaissais pas sous cet angle-là, monsieur Adams.
Madame Jennings.
Mme Jennings: Merci.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins de ce matin et je les remercie de leurs exposés.
Je voudrais adresser une question à chacun d'entre vous. J'ai une question sur l'incidence qu'aura la recherche scientifique sur le projet de loi, une autre sur la protection des habitats et les conflits éventuels avec le développement industriel, et une troisième sur le tourisme, les loisirs et l'éducation. Je vous poserai mes trois questions, puis j'attendrai vos réponses.
Madame Smallwood, vous dites que le COSEPAC n'agit qu'à titre consultatif et que les scientifiques n'ont pas beaucoup voix au chapitre dans les questions législatives. Savez-vous si aux États-Unis ou ailleurs dans le monde les scientifiques ont une plus grande voix au chapitre dans les questions législatives?
Madame Nowlan, je m'intéresse à la protection des habitats dans les régions de développement industriel. Si nous nous intéressons à toutes les tendances migratoires et que nous regardions l'évolution que suivent toutes les espèces, y compris les espèces aquatiques, j'imagine que nous pourrions couvrir toutes les régions du globe, les régions terrestres comme aquatiques. Pensez-vous qu'il soit possible - je l'espère - que les industries et les protecteurs de l'environnement puissent travailler de concert? Je vous parle d'expérience, car j'ai dans ma circonscription des terres sur la côte Ouest qui se trouvent tout à côté d'une réserve marine alors que j'ai aussi dans ma cour arrière des activités d'exploitation agricole. Il est vrai que cela pose des difficultés, mais pensez-vous qu'il existe une solution réaliste?
Troisièmement, maître Boyd, nous n'avons pas abordé la question du tourisme et des loisirs, alors que j'en ai parlé à Ottawa. Comme l'a signalé M. Forseth, le public a une grande part à jouer dans les efforts que nous déployons en vue d'adopter une loi qui réussisse de façon efficace à protéger les espèces et les espaces en voie de disparition. Je me suis rendue à Robson Bight, qui est une réserve marine que j'ai trouvé magnifique. Malheureusement, les bateaux de plaisance s'approchent de trop près dans la zone de protection de 300 mètres, et ils effraient les espèces qui s'y trouvent, comme les épaulards. Les kayaks d'océan m'inquiètent aussi. C'est bien beau de pouvoir s'adonner à des activités de loisirs, mais on constate aujourd'hui que les kayaks d'océan dérangent les phoques, car ils ont l'impression à en voir l'ombre qu'il s'agit de prédateurs.
Il faut tenir compte de ces choses, et les intéressés ne viennent pas uniquement de l'industrie, de l'extraction minière ou de l'environnement. Chacun a sa part dans cette affaire, et je conviens avec vous que l'éducation doit primer.
Mme Smallwood: Commençons par l'inscription sur la liste. En gros, je connais des exemples d'inscription d'espèces sur la liste, pour des raisons scientifiques. Nous pourrions vous donner de plus amples détails, mais je crois savoir que c'est ce qui se fait en Australie. Il me faudrait également faire des vérifications pour confirmer la façon dont cela se fait aux États-Unis, mais je crois aussi que l'on se base aux États-Unis sur des données scientifiques. Toute inscription à la liste des espèces en péril, qui est la porte d'entrée à toute protection de l'espèce, se fonde uniquement sur des justifications scientifiques.
En revanche, dans les quatre provinces qui ont adopté des lois sur la protection des espèces en péril, on ne se fonde pas sur des raisons scientifiques, et le petit nombre d'espèces inscrites sur la liste est très révélateur. Ainsi, au Québec, on n'a inscrit sur la liste aucune espèce depuis l'adoption de la loi.
Si la raison pour inscrire une espèce est politique plutôt que scientifique, cela va à l'encontre de toutes mesures de protection. Voilà pourquoi nous demandons que les justifications soient scientifiques, pour que l'on ratisse le plus large possible, pour que les considérations politiques entrent en jeu plus tard, surtout au moment de l'élaboration des plans de rétablissement et du processus d'exemption.
Mme Nowlan: Merci de m'avoir posé cette question. Je vous répondrai notamment en disant que la distinction vient du fait que de tout temps, il y a eu des lois destinées à protéger certaines régions et d'autres lois destinées à régir les industries de ressources. Or, de plus en plus, nous constatons qu'il faut une loi qui réunisse ces secteurs. Je crois aussi que nous sommes sur la bonne voie pour y parvenir.
La Loi sur les océans du Canada est un bon exemple. Cette loi réclame la mise en place d'une stratégie de gestion des océans à laquelle participent tous les intervenants, y compris tous les paliers de gouvernement et les autres parties intéressées - dont les groupes de l'industrie et les groupes écologiques - afin de planifier, dans le sens du développement durable, comment l'industrie et les autres utilisateurs peuvent collaborer. Les écologistes n'essaient pas de mettre fin à tout genre d'activités industrielles.
Permettez-moi de mentionner également un autre exemple assez controversé dans notre province, c'est-à-dire notre nouveau code d'exploitation forestière, qui, d'après nous, n'est pas suffisamment rigoureux et n'est pas appliqué de façon assez sévère. Il faut toutefois reconnaître que, pour la première fois en Colombie-Britannique, nous avons maintenant une loi qui vise expressément la conservation de la biodiversité et qui impose des exigences particulières de planification à cette fin. Nous allons donc dans la bonne direction pour ce qui est de réunir ces deux éléments différents. C'est de cette façon que j'envisagerais la solution.
M. Boyd: Daphne, je suis entièrement d'accord avec vous lorsque vous dites que l'éducation est un élément essentiel pour résoudre nos problèmes d'environnement. Le projet de loi, tel qu'il est proposé, comporte divers mécanismes d'information du public qui contribueront à ce processus d'éducation.
Pour ce qui est des conséquences sur le tourisme et le loisir, je suis également d'avis que c'est une question qui doit être traitée. C'est en fait un bon exemple des raisons pour lesquelles il faut légèrement amender les articles 31 et 32 afin d'y inclure le terme «déranger». Il est bien évident que les gens qui font du kayak dans l'océan ne nuisent pas directement aux phoques ou à leur habitat, mais ils dérangent ces animaux. Si les phoques étaient une espèce en voie de disparition, il faudrait trouver le moyen de les protéger.
En fin de compte, il faut trouver le juste milieu entre les intérêts environnementaux et les intérêts économiques. Il n'est pas nécessaire d'interdire le kayak en océan. On ne va pas interdire cette activité. Mais s'il existe une zone particulièrement délicate, tenons-en compte et assurons-nous de prendre les mesures nécessaires.
Le président: Merci, madame Jennings.
Madame Kraft Sloan, s'il vous plaît.
Mme Kraft Sloan: J'ai trois questions à poser. Premièrement, d'autres témoins nous ont dit que la loi ontarienne avait provoqué des pertes d'actifs immobiliers considérables pour un certain nombre de personnes. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?
Deuxièmement, l'un d'entre vous a-t-il des renseignements quant au nombre d'emplois qui sont perdus à cause de l'automatisation du secteur forestier?
Troisièmement, dans le projet de loi C-65, on peut lire au paragraphe 13(2), au sujet du COSEPAC: «Il se compose d'au plus neuf membres, nommés par le ministre après consultation du Conseil.» À l'heure actuelle, le COSEPAC compte environ 28 scientifiques répartis en différents sous-groupes. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette nouvelle structure organisationnelle qui se trouve ainsi créée.
Mme Smallwood: Pour répondre à votre question sur la loi ontarienne, M. Forseth nous en a également parlé. Il s'agit des craintes quant aux conséquences que ce genre de loi peut avoir pour les propriétaires fonciers. Je crois savoir que le comité s'inquiète un peu de la possibilité d'offrir une compensation aux personnes touchées.
Consultez le paragraphe 7(2), qui porte d'une façon générale sur les accords de conservation, mais surtout l'article 8 qui traite des accords de financement. Nous sommes convaincus que ces dispositions auront des effets négatifs pour les propriétaires fonciers; c'est une préoccupation que partagent tous les Canadiens. En effet, il ne faudrait pas faire payer à un particulier ou à une petite entreprise le coût des avantages que ce type de programme peut apporter à l'ensemble du pays.
Vous constaterez que l'article 8 établit déjà un mécanisme permettant de fournir des fonds destinés à payer les coûts des programmes ou des mesures de conservation des espèces fauniques. Je ne connais pas très bien le libellé de la loi ontarienne et je ne sais donc pas si elle permet le versement de paiements de compensation ou de fonds, mais dans le projet de loi C-65, c'est possible sous le régime de l'article 8.
Mme Kraft Sloan: Ce n'est pas là-dessus que portait ma question. Certains témoins ont dit à notre comité qu'en Ontario, des propriétaires fonciers et d'autres gens avaient perdu d'importantes parcelles de terrain. Cela leur avait coûté très cher et ils avaient fait faillite à cause de la loi ontarienne. Je me demandais si vous aviez entendu parler de cas semblables. Je comprends que vous ne venez pas de l'Ontario, mais...
M. Boyd: Je n'ai entendu parler que d'un seul cas, en Ontario, celui de la pie-grièche migratrice. Mais ce sont là, je le répète, des cas exceptionnels. Il est possible de créer un fonds de compensation pour régler de tels cas.
Pour répondre à votre deuxième question, madame Kraft Sloan, sur la mécanisation du secteur forestier, selon les données de Statistique Canada, environ 15 000 emplois ont été perdus dans le secteur forestier de la Colombie-Britannique durant les années 80 en raison de l'automatisation et de la mécanisation de ce secteur.
Deuxièmement, je vous signale que pour une quantité égale de bois d'oeuvre, on utilise deux fois plus de main-d'oeuvre dans les États de Washington et de l'Oregon qu'en Colombie-Britannique. Nous sommes plutôt mauvais en ce qui concerne la valeur ajoutée... et le gouvernement provincial a d'ailleurs mis sur pied une initiative pour corriger cette situation.
Mme Nowlan: Dans la même veine, vous entendrez cet après-midi des témoins sur cette question. Je suis certaine que vous entendrez de nombreux témoignages des deux camps qui s'opposent sur cette question.
Permettez-moi de mentionner brièvement un article publié en novembre 1994 dans le Vancouver Sun. On y parle des conséquences de la Endangered Species Act des États-Unis en Oregon. Dans l'article, intitulé «La restructuration en Oregon, un exemple à suivre au Canada», on explique qu'en fait, l'économie de l'Oregon a prospéré et que c'est un mythe de dire que la loi sur les espèces en péril a horriblement nui à l'économie de cet État. Au contraire, elle a permis à l'économie de prospérer. Je remettrai volontiers des exemplaires de cet article au comité, si vous le souhaitez.
Mme Smallwood: On dit la même chose dans le rapport préparé par les économistes, dont je vous ai parlé.
Pourrais-je vous demander de répéter votre troisième question?
Mme Kraft Sloan: Ma dernière question portait sur le paragraphe 13(2), dans lequel on dit que le COSEPAC est composé d'au plus neuf membres nommés par le ministre. Je me demandais ce que vous pensez de cette structure mise en place dans le cadre de la mesure législative.
Mme Smallwood: Je ferai deux observations rapides sur ce point. Premièrement, pour ce qui est du nombre de membres, je n'ai rien à dire. Toutefois, nous pensons que toutes les candidatures au COSEPAC devraient faire l'objet d'un examen par un organisme scientifique indépendant et, plus particulièrement, que la représentation du gouvernement au sein du comité devrait être limitée. Voilà ce que j'ai à dire sur la composition du groupe.
M. Boyd: Pour ce qui est du nombre de membres, je n'ai rien de particulier à dire, mais le mieux serait peut-être d'en parler aux membres actuels du COSEPAC pour voir si neuf personnes peuvent faire le travail de 28 ou s'il conviendrait d'augmenter ce nombre.
Mme Kraft Sloan: D'après ce que j'ai compris, le groupe de 28 membres en place et cette structure s'y ajouterait. On ajouterait donc en quelque sorte une autre strate au processus.
Merci beaucoup de votre témoignage. Nous apprécions grandement votre mémoire.
Le président: Permettez-moi de poser une dernière question, avant que nous fassions une pause de quelques minutes pour étirer nos pauvres corps secoués par le décalage horaire.
Ma question porte sur la définition de l'habitat essentiel. Avez-vous des observations à faire sur cette définition et pensez-vous qu'il serait souhaitable d'ajouter une définition de l'habitat? Si c'est le cas, quelle serait votre définition?
M. Boyd: Ce qu'il faudrait ajouter à la définition de l'habitat essentiel, c'est la notion de rétablissement de l'espèce. Il faut protéger l'habitat actuel, mais si on veut que de nombreuses espèces en péril puissent être rétablies et atteignent une population qui en assurera la survie, il faudra à ces espèces des habitats bien plus vastes que ceux qu'elles peuvent occuper actuellement.
Le président: Donc, après «survie», vous ajouteriez «et au rétablissement». C'est bien cela?
M. Boyd: Oui, c'est exact.
Le président: D'accord.
Mme Nowlan: Nous, nous approuvons l'inclusion d'une définition de l'habitat dans le projet de loi. Pour cela, nous reprendrions la définition fournie par M. Stewart Elgie, du Sierra Legal Defence Club, dans son analyse article par article:
- «Habitat»: lieu ou type de site dans lequel un organisme ou une population existe à l'état
naturel, ou dans lequel il peut être réintroduit.
- Cette définition est tirée de la Convention sur la diversité biologique.
Madame Smallwood, madame Nowlan et monsieur Boyd, permettez-moi de vous remercier au nom du comité de votre présence et de votre témoignage.
Le comité prendra maintenant une pause de trois ou quatre minutes, juste le temps de nous dégourdir les jambes et d'autres parties du corps.
Le président: Monsieur Scudder, bienvenue au comité. Nous sommes très heureux de vous accueillir. Veuillez s'il vous plaît faire votre exposé.
M. Geoffrey G.E. Scudder (Faculté de zoologie et Centre for Biodiversity Research, Université de la Colombie-Britannique): Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, je vous remercie de me donner cette occasion de témoigner sur le projet de loi C-65. Je m'adresserai à vous à titre de scientifique doté d'une expérience considérable dans la recherche sur la biodiversité et la conservation de la biodiversité.
Mais laissez-moi d'abord vous parler un peu de mon expérience, pour vous situer. J'ai dirigé la Faculté de zoologie de l'Université de la Colombie-Britannique pendant 15 ans et j'ai été le premier directeur du Centre for Biodiversity Research de la Faculté des sciences. J'ai également été vice-président de l'Association scientifique du Pacifique et, à ce titre, j'y ai participé très activement à des études sur la biodiversité et à la promotion de la conservation de la biodiversité dans tout le Pacifique.
À ce propos, je vous signale que mes travaux dans le Pacifique n'ont cessé que parce que le Conseil national de recherches du Canada a, sans raison, coupé les vivres à l'Association scientifique du Pacifique il y a quelques années. Le Canada est le seul pays à s'être jamais retiré de l'Association scientifique du Pacifique. Tout cela, pour des économies annuelles totales de 3 600 $.
À l'heure actuelle, je participe au Groupe consultatif pour la Convention sur la biodiversité d'Environnement Canada ainsi qu'au Conseil scientifique de la biodiversité de l'EMANO, une nouvelle entreprise de surveillance et d'évaluation environnementales au Canada. J'ai également participé à la rédaction de la Stratégie canadienne de la biodiversité et du Programme canadien des changements à l'échelle globale de la Société royale du Canada. Cette dernière publication traite de recherche et de surveillance écologiques à long terme au Canada. On y évalue comment les événements futurs pourront influer sur la biodiversité.
À l'heure actuelle, toutes mes recherches portent sur l'évaluation de la biodiversité, sur les espèces rares et sur la conservation de la biodiversité.
Au Sommet de la Terre de 1992, à Rio, le Canada a, comme vous le savez, joué un rôle essentiel en persuadant la plupart des pays d'adopter la Convention internationale sur la diversité biologique. Le Canada a été le premier pays occidental à ratifier et à signer cette convention. En fait, le Canada a même réussi à faire installer le Bureau de la convention à Montréal.
Le Canada est maintenant légalement lié par la convention, puisqu'il l'a signée et que la convention est légalement en vigueur. En outre, il a toujours démontré par ses actes qu'il souhaite être l'un des principaux intervenants dans la conservation de la biodiversité sur la scène mondiale. Le Canada doit adopter une loi sur la protection des espèces en péril de façon à appliquer l'alinéa 8k) de la Convention. J'ai l'impression que si le Canada veut jouer un rôle dans ce domaine, il doit, comme on peut s'y attendre, adopter une loi rigoureuse dans ce domaine. Malheureusement, comme vous l'avez déjà entendu, nous sommes nombreux à penser que le projet de loi C-65 ne répond pas à cette attente, et ce, en dépit des excellentes recommandations, bien fondées du point de vue scientifique, qui ont été présentées au groupe de travail fédéral sur les espèces en péril, dont on a déjà parlé.
On a également déjà fait remarquer que le projet de loi C-65 est bien inférieur aux autres mesures législatives qui existent ailleurs au monde, en particulier en Australie. En outre, le projet de loi est plus faible à bien des égards que certaines lois protégeant les espèces en péril appliquées dans certaines provinces du pays.
Mais avant de faire des observations sur le projet de loi C-65, je tiens néanmoins à féliciter le gouvernement fédéral de certaines de ses réalisations, deux plus particulièrement: premièrement, pour avoir augmenté la portée de la Loi sur la faune de façon à ce qu'elle s'applique à tous les organismes vivants. Le comité sait sans doute que la même chose n'a pas été faite dans toutes les provinces. Par exemple, la Loi sur la faune de la Colombie-Britannique contient des dispositions visant à protéger certaines espèces en péril, mais on y définit encore la faune de façon limitée, c'est-à-dire les oiseaux et les mammifères. La loi n'a pas été modifiée de façon à élargir cette définition.
Deuxièmement, nous tenons à féliciter le gouvernement fédéral d'avoir distribué l'avant-dernière mesure législative proposée pour la protection des espèces en péril, celle de 1995. De cette façon, le public peut donner un avis officiel sur cette mesure. Malheureusement, non seulement le projet de loi ne comprend pas les nombreuses recommandations faites par le groupe de travail du gouvernement sur les espèces en péril, mais encore il ne tient pas compte des bons conseils fournis par les scientifiques, les écologistes et le Sierra Legal Defence Fund, pour ne nommer que quelques-uns des groupes qui avaient réagi à cette proposition antérieure.
L'une des seules grandes améliorations que je trouve dans le projet de loi C-65, par rapport au projet de loi antérieur - et je tiens à signaler que ce projet de loi contenait de nombreux éléments intéressants - la seule vraie amélioration, c'est l'élimination de la définition et de la catégorie des espèces périphériques et des dispositions relatives à ces espèces. Il s'agissait des espèces dont l'aire ne s'étend pas à plus d'une cinquantaine de kilomètres de la frontière nationale. Le projet de loi antérieur ne s'appliquait pas à ces espèces. Dans le projet de loi C-65, elles ne sont pas mentionnées, mais on y a ajouté un article très important, à mon avis, l'article 33, dont vous ont déjà parlé de nombreux témoins et qui porte sur les règlements protégeant certaines espèces frontalières. J'y reviendrai d'ailleurs vers la fin de mon exposé.
Dans le projet de loi de 1995, les scientifiques avaient jugé excellentes les dispositions sur l'établissement de la liste des espèces fauniques en péril. Ces dispositions sont maintenant reprises aux articles 12 à 17, inclusivement, du projet de loi C-65. Comme vous le savez sans doute, le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada, le CSEMDC, a fait de l'excellent travail par le passé, et nous sommes contents de voir que la loi lui conférera maintenant un mandat officiel.
Nous sommes également satisfaits du paragraphe 14(1), qui est formulé comme suit: «Les membres du COSEPAC possèdent une expertise liée à des disciplines telles que la conservation des écosystèmes, la dynamique des populations, la taxinomie, la systématique ou la génétique, ou fondée sur une connaissance traditionnelle ou communautaire de la protection des espèces en péril». Ce sont là exactement les domaines d'expertise dont on a besoin pour évaluer si une espèce fait partie des catégories en péril. La décision doit se fonder sur la science, sur les disciplines scientifiques en cause.
Dans la proposition législative de 1995, on disait clairement au paragraphe 5.1.2 que la loi proposée établirait que le COSEPAC agirait indépendamment du gouvernement et serait chargé de prendre des décisions en se fondant sur les renseignements et les connaissances scientifiques, communautaires, autochtones et traditionnelles disponibles. Même si, sous le régime des articles26 et 27 du projet de loi C-65, le COSEPAC se prononce sur la désignation ou la classification des espèces fauniques, on voit qu'au paragraphe 30(1), le gouverneur en conseil peut - et je souligne «peut» - , sur la recommandation du ministre et par un règlement, établir et modifier la liste des espèces en péril, celle-ci étant fondée sur les désignations et les classifications du COSEPAC.
Autrement dit, c'est au niveau politique et non au niveau scientifique que se prendra la décision finale de désigner une espèce en péril et de l'inscrire à la liste. À mon avis, c'est l'une des grandes lacunes du projet de loi C-65. Ou bien une espèce est en voie de disparition ou en péril d'une façon quelconque, ou bien elle ne l'est pas. C'est aux scientifiques de décider s'il faut l'inscrire à la liste. Si le Canada adopte le projet de loi C-65 sans modifier cette disposition, il ne pourra plus prétendre jouer son rôle de chef de file international en matière de conservation de la biodiversité.
Sur le plan biologique, la position adoptée dans le paragraphe 30(1) du projet de loi C-65 quant à l'inscription des espèces à la liste est indéfendable du point de vue scientifique. Les jeux de la politique ne peuvent pas s'étendre aux espèces en péril. Autrement, vous perdrez le respect de la communauté scientifique et aussi du public.
Au paragraphe 34(1), on dit qu'également que le ministre compétent peut - et je souligne «peut» - prendre un arrêté d'urgence visant à protéger une espèce sauvage, si celle-ci est désignée ou reclassée d'urgence par le COSEPAC comme espèce en voie de disparition ou menacée. J'estime que cet article n'est pas non plus acceptable. S'il y a urgence, il y a urgence. La politique devrait exclue de cela.
Passons maintenant à un élément dont vous avez déjà entendu parler: l'habitat. Dans toutes les régions du monde, on reconnaît maintenant que la perte de l'habitat est la principale cause de dangers pour les espèces. Même si une chasse excessive a contribué à l'extinction de certaines grandes espèces animales, la destruction de l'habitat est de loin le problème le plus important pour la majorité des espèces en péril.
C'est absurde de penser que l'on peut protéger une espèce sans protéger son habitat. Toute loi qui ne protège pas automatiquement l'habitat d'une espèce qui, estime-t-on, a besoin de protection, doit immédiatement être considérée faible et inefficace. Peu importe le cheminement politique que vous souhaitez adopter, il sera impossible de sauver une espèce si son habitat nécessaire n'est pas également protégé - entendez par là «son habitat essentiel», si vous préférez ce terme.
Je connais les dispositions du paragraphe 31(1) du projet de loi C-65: «Il est interdit de tuer un individu d'une espèce inscrite comme espèce menacée ou en voie de disparition, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de la prendre». Je sais également qu'on peut lire à l'article 32: «Il est interdit d'endommager ou de détruire la résidence d'un individu d'une espèce inscrite comme espèce menacée ou en voie de disparition». Mais ces dispositions, à elles seules, sont insuffisantes. À mon avis, ces dispositions, comme d'autres dans le projet de loi, semblent ne mettre l'accent que sur les animaux. Je ne sais pas très bien comment l'on peut harceler une plante. Les botanistes, d'ailleurs, ne parlent pas de la résidence des plantes. Les plantes ont toutefois un habitat qui leur et nécessaire, elles doivent avoir un substrat dans lequel leurs racines puissent pousser. Comme tous les organismes vivants, les plantes occupent un créneau écologique, créneau qui se trouve dans des habitats.
Je me dois de répéter que si le projet de loi C-65 ne prévoit pas automatiquement la protection de l'habitat, il ne permettra pas de protéger les espèces sauvages qu'il vise à sauver.
Je sais que l'habitat doit être inclus dans les plans de rétablissement, mais le projet de loiC-65 n'exige pas que le ministre adopte ces plans. En fait, les plans de rétablissement n'ont pas force de loi et ne sont pas exécutoires du point de vue juridique.
À ce propos, je vous signale que le projet de loi C-65, dans sa version actuelle, ne respecte pas l'une des exigences fondamentales de l'Accord national sur la protection des espèces menacées de disparition dans lequel, d'après ce que j'ai lu, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux s'engagent à adopter des lois qui favoriseront la protection des habitats des espèces menacées de disparition ou en péril. Dans son libellé actuel, le projet de loi C-65 ne protège pas la majorité des espèces déjà inscrites à la liste de 1996 des espèces en péril au Canada. Nous voilà donc avec un projet de loi qui ne pourra même pas protéger la majorité des espèces déjà inscrites à la liste. Comme on vous l'a déjà dit, cela vient de ce que la mesure législative ne s'appliquerait qu'aux espèces aquatiques, certaines espèces migratoires et autres espèces du territoire domanial.
Autrement dit, la mesure ne protégera pas non plus les espèces qui seront inscrites comme étant en péril dans les années à venir. C'est là un élément important. La loi que vous voulez adopter doit non seulement protéger toutes les espèces actuellement inscrites à la liste, mais aussi protéger toutes les espèces qui pourraient être en péril. La plupart de ces espèces ne se trouveront pas sur le terre territoire domanial.
À mon avis, pour être efficace, le projet de loi C-65 doit s'appliquer aux espèces en péril où qu'elles se trouvent. Pour le moins, la mesure devrait s'appliquer aux terres que possèdent les sociétés de l'État fédérales. Je crois également que la mesure devrait s'appliquer aussi aux espèces en péril situées sur les terres privées, sous le régime d'accords et de permis appropriés, comme ils...
Le président: Excusez-moi. Je vous signale simplement qu'il vous reste quatre minutes.
M. Scudder: Passons maintenant à l'article 33, sur les espèces frontalières. À mon avis, cette disposition devrait s'appliquer à toutes les espèces frontalières, pas seulement à celles visées par la Loi sur les espèces migratoires, comme on vous l'a mentionné. En outre, elle devrait s'appliquer à toutes les frontières entre les provinces.
La plupart des espèces déjà inscrites à la liste ou susceptibles d'y être inscrites ne sont pas situées sur le territoire d'une seule province. De par la loi, la province a l'obligation de s'occuper des espèces dont l'aire se trouve sur son territoire. Mais ces espèces sont peu nombreuses. Il y a par exemple le cas de la marmotte de l'Île de Vancouver. C'est la seule espèce pour laquelle la province ait réservé un habitat essentiel. L'aire de la plupart des espèces chevauche les frontières.
Ces espèces doivent être protégées, et pour la plupart d'entre elles, dans leur habitat essentiel. Vous avez parlé tout à l'heure de l'habitat essentiel dans le contexte des plans de rétablissement. La plupart de ces plans de rétablissement se fondent sur des populations minimums viables. Cela signifie que l'espèce doit compter un certain nombre d'animaux et qu'il faut donc à cette espèce un certain habitat pour être protégée.
Prenez le cas de certains des grands prédateurs... Certains sont déjà inscrits à la liste, d'autres y seront sans doute ajoutés plus tard. Prenons par exemple certains documents que j'ai ici sous les yeux. J'en ai d'ailleurs fourni des exemplaires au président.
Dans le cas du grizzli, pour mettre en place un système de protection, il faut 500 individus de cette espèce. On a calculé qu'il faut pour cela 129 500 kilomètres carrés de terrain. Cela ne saurait se trouver dans une seule province. Les animaux migrent sur des centaines de kilomètres, franchissant les frontières provinciales et internationales. Pour mettre en place un plan de rétablissement ou de conservation convenable, il faut offrir une protection dans des conditions viables. Il faut tenir compte des dynamiques des métapopulations, réserver de vastes sous-territoires reliés entre eux.
Il faut donc établir une planification à long terme à laquelle participent plus d'un gouvernement. Et lorsqu'il y a plus d'un gouvernement, il y a des problèmes de coordination - différentes méthodes, différentes perceptions et différents engagements. Je demande à ce que le projet de loi soit modifié de façon à y inclure une compétence relative aux animaux qui, maintenant et plus tard, chevauchent les frontières, toutes les frontières, et non seulement celles des provinces.
J'ai eu le privilège de consulter le mémoire précédent, préparé par Stewart Elgie. Pour gagner du temps, je ne vais pas en discuter. Je souscris à tout ce qu'il dit. Ses arguments sont tous bien fondés du point de vue scientifique.
Pour conclure, je ferai remarquer qu'il peut sembler difficile à l'heure actuelle d'adopter une loi sur la protection des espèces en péril qui soit suffisamment rigoureuse et qui soit respectable du point de vue scientifique, mais à mon avis, il sera encore plus difficile de le faire plus tard. La dépense en cause peut sembler élevée à l'heure actuelle, mais elle sera plus tard exorbitante. Mettre des mesures de protection en place, cela ne coûte pas cher. Mais planifier le rétablissement et la restauration plus tard entraînerait des coûts excessifs.
J'espère que le comité pourra rendre la loi plus rigoureuse. Comme on vous l'a dit, le public accorde généralement une priorité élevée à la protection des espèces en péril. J'espère que le gouvernement en fera autant. Le Canada a une occasion en or de montrer au reste du monde de quoi il est capable en matière de bioconservation.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Scudder.
Je laisse la parole à Mme Murray.
Mme Anne Murray (vice-présidente, Federation of British Columbia Naturalists): Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, merci de me laisser l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je m'estime privilégiée de pouvoir m'adresser à vous.
Les espèces fauniques sont l'un des trésors nationaux du Canada. À mon avis, ce que nous faisons ici aujourd'hui, c'est donner à des espèces rares une chance de lutter pour survivre jusqu'au prochain millénaire. Nous devons protéger ces espèces, de même que leur habitat. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un bon leadership du gouvernement fédéral et d'une mesure législative rigoureuse et efficace.
J'ai emmené avec moi une chouette des terriers, aujourd'hui, pour nous rappeler à tous que nous sommes ici pour défendre la faune. C'est une leçon salutaire que de se rendre compte que ce spécimen a été abattu en 1936, à l'île Lulu, là où se trouve l'aéroport par lequel vous êtes arrivés pour venir à cette réunion, si vous veniez d'Ottawa. La chouette des terriers ne se reproduit plus à l'île Lulu, elle n'y hiverne plus non.
Je représente la Federation of British Columbia Naturalists. Notre organisme compte 52 clubs fédérés et affiliés situés partout dans la province. Je vous ai remis des exemplaires de notre mémoire. Comme nous vous l'avons présenté à l'avance, je ne vais pas le lire, puisque vous avez eu l'occasion de le consulter.
Je concentrerai plutôt mes propos sur les principaux enjeux et je les aborderai peut-être sous un angle légèrement différent par rapport aux témoignages que vous avez déjà entendus. Je vais vous parler un peu de la vie de la chouette des terriers et je vous expliquerai comment, d'après nous, la mesure législative influera sur l'avenir de cette espèce. Je commencerai par cela. S'il me reste du temps, je ferai la même chose pour une espèce aquatique, l'esturgeon blanc.
Le président: J'aimerais vous rappeler que je vous ferai signe lorsqu'il ne vous reste plus que cinq minutes.
Mme Murray: D'accord.
La chouette des terriers est une espèce en voie de disparition en Colombie-Britannique. C'est une espèce inscrite au sens de la B.C. Wildlife Act. Elle figure dans la liste «rouge» que prévoit la B.C. Wildlife Act. C'est une espèce inscrite mais je ne dirais pas que c'est une espèce protégée. Cette espèce a disparu de la vallée du bas Fraser, comme j'ai déjà dit. Il n'en reste que quelques individus dans la vallée de l'Okanagan ainsi que quelques-uns qui hivernent. On a essayé de réintroduire l'espèce. Quatre cents oiseaux ont été réintroduits dans la vallée de l'Okanagan. C'était dans les années 80. Le nombre a baissé petit à petit. Chaque année, de moins en moins d'oiseaux revenaient et depuis 1994 il n'y a plus d'oiseaux nicheurs.
En 1995 le CSEMDC a changé la catégorie de la chouette des terriers et elle est passée de «menacée» à «espèce en voie de disparition». Il s'agit d'une espèce migratoire mais elle n'est pas protégée en vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs parce qu'il s'agit d'un hibou; et les hiboux et les rapaces ne sont pas inclus dans la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.
Donc cet oiseau a une certaine protection provinciale parce qu'il est inscrit aux termes de la B.C. Wildlife Act, mais cela ne veut pas dire qu'il est protégé sur les terres. Le nombre de cette espèce a baissé. Cette espèce est maintenant en voie de disparition et est extrêmement rare. Elle vit dans les prairies arides de la Colombie-Britannique. Vous la trouverez dans les provinces des Prairies. En Colombie-Britannique on la trouve dans le sud de l'Okanagan. Il s'agit de la limite septentrionale de son domaine vital. Les chouettes des terriers existent dans les déserts des États-Unis, du Mexique, et en Amérique du Sud. Par le passé, elles arrivaient en avril environ, se reproduisaient dans quelques sites de l'Okanagan, et ensuite à l'automne elles allaient vers le sud, et traversaient la frontière jusque dans les déserts. Donc il s'agit d'une espèce qui traverse les frontières. Nous ne savons pas exactement où allaient les oiseaux de l'Okanagan.
Les prairies arides de la Colombie-Britannique se distinguent des prairies des autres parties de l'Amérique du Nord. Nous avons un climat local particulier. Nous avons des situations géographiques particulières. Donc on trouve un niveau exceptionnel de biodiversité dans nos prairies.
Trente pour cent des espèces inscrites à la liste rouge en Colombie-Britannique se trouvent dans ces habitats. Au nombre des espèces disparues, il y avait le petit phrynosome de Douglas, le lièvre de Townsend et la gélinotte des armoises. Donc nous avons déjà perdu un certain nombre d'espèces de ces prairies.
La chouette des terriers fait son nid dans les trous creusés par les blaireaux. Le blaireau lui-même est menacé; il s'agit d'une espèce inscrite sur la liste bleue. La chouette des terriers peut faire son nid dans les terriers des écureuils terrestres et des géomys, mais le nombre de ceux que l'on trouve dans cet habitat en Colombie-Britannique est limité. Donc sa résidence, c'est-à-dire le lieu où elle pourrait faire son nid, est menacée aussi.
Il y a aussi ses sources d'alimentation. Que mangent-elles? Elles mangent des souris. Les souris qu'elles mangent, telles que la souris à abajoues des pinèdes et la souris des moissons, sont aussi en voie de disparition. Elles sont inscrites soit sur la liste rouge soit sur la liste bleue. Elles mangeraient aussi des insectes. Il y a un nombre énorme d'insectes dans l'Okanagan. Il s'agit d'une région où il y a une diversité extrêmement élevée d'insectes, mais un grand nombre de ces insectes sont aussi à risque. Nous avons 75 espèces qui ne se retrouvent nulle part au Canada sauf dans l'Okanagan;23 espèces sont endémiques et un grand nombre sont à risque, telles qu'un papillon qui fait partie de la famille des rionidés, dont une seule population existe près de Keremeos. Le tigre de cicindèle qui se trouvait dans l'Okanagan a été limité par la construction de maisons.
Donc la proie dont s'alimente cette chouette est aussi menacée. Bien sûr, sans sa proie elle ne pourra pas manger. C'est peut-être la raison pour laquelle elle diminue en nombre et pourquoi les oiseaux qui ont été réintroduits ont diminué aussi.
La souris à abajoues des pinèdes est inscrite sur la liste bleue de la Colombie-Britannique et la souris des moissons est inscrite sur la liste rouge, ce qui veut dire qu'elle est en voie de disparition.
La chouette des terriers n'a aucune protection fédérale en vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Il s'agit d'une espèce qui traverse les frontières. C'est une espèce migratrice. Elle est inscrite aux termes de la B.C. Wildlife Act mais le nombre de cette espèce a diminué. Donc que fera pour cette espèce la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada?
Dans mon mémoire j'ai fourni une liste des modifications que nous souhaitons pour des articles précis, et étant donné que mon temps est limité, je ne peux pas vous les lire toutes. Cependant, selon nous, le projet de loi, tel que rédigé, ne protégera ni la chouette ni son habitat, pas de façon à assurer son avenir au Canada. Certains des mammifères qui creusent des terriers dont la chouette a besoin pour faire son nid seront protégés dans des parties restreintes de l'Okanagan, notamment les réserves indiennes de cette région, mais la plupart des autres se trouvent sur des terrains privés ou sur les terres de la province. Comme ils ne se trouvent pas sur les terres fédérales, ils ne sont pas protégés par la loi. Les habitats de purshie tridentée se trouvent sur des réserves indiennes, donc là la chouette a une chance de survivre.
Nous aimerions que le paragraphe 3(2) soit éliminé et que les espèces en voie de disparition et leur habitat essentiel soient protégés quel que soit l'endroit où ils se trouvent au Canada. Rappelez-vous que nous parlons d'une espèce rare et que toutes les espèces en voie de disparition sont par définition rares. Si ces espèces se trouvent au Canada, ne pourrions-nous pas s'il vous plaît les protéger et ne pas limiter cette protection aux terres relevant du gouvernement fédéral? Si ce n'est pas possible en vertu des compétences fédérales, alors travaillez avec les provinces pour qu'une loi provinciale couvre ces lacunes.
Nous nous inquiétons du fait que l'habitat n'est pas défini dans le projet de loi. On y parle d'habitat essentiel et de résidence, qui n'est pas un terme très biologique. J'ai fourni des suggestions pour changer ces articles.
Les changements que nous recommandons pour la partie qui porte sur l'habitat visent la définition d'habitat et Linda Nowlan nous a déjà donné une définition parfaitement acceptable. Nous n'aimons pas le mot «résidence». Nous avons besoin d'une définition beaucoup plus large, ou peut-être on pourrait l'éliminer entièrement et utiliser «habitat essentiel».
À l'article 3, éliminez le paragraphe 3(2).
Nous aimerions que les articles 31 et 32, en plus d'interdire de nuire aux espèces, protègent ces dernières contre les gens qui dérangent leur habitat. Le mot déranger inclurait un beaucoup plus grand nombre des situations auxquelles ces animaux rares sont exposés, dans notre monde moderne. Il n'y a plus beaucoup de gens qui prennent des spécimens ou qui tirent sur des animaux aussi rares. D'abord, parce qu'ils ne peuvent plus les trouver, et même s'ils en trouvaient, ils intéresseraient probablement à leur sort. Je crois que la plupart des gens ont de bons sentiments envers les animaux.
Mais le fait de déranger, souvent sans mauvaise volonté, est un problème très commun. Parfois c'est dû simplement à l'ignorance: des gens qui construisent des maisons dans une région et qui ne l'auraient peut-être pas fait s'ils s'étaient renseignés davantage ou s'ils avaient eu plus de conseils ou s'ils connaissaient mieux leur milieu.
Je crois que la solution est l'éducation, mais nous avons besoin d'une loi forte qui peut empêcher ce genre de choses. Il faudra peut-être que nous tapions sur les doigts de quelques personnes pour commencer et ensuite d'autres comprendront. Nous aimerions que l'article 33 soit renforcé pour que le ministre soit obligé de prendre des règlements et d'élargir les interventions - nous aimerions que cet article ait un peu plus de force.
J'aimerais parler brièvement des espèces aquatiques. Le paragraphe 3.(1) énonce que le projet de loi s'applique aux espèces aquatiques et à leur habitat, mais «habitat» n'est pas défini. Donc il y a là de l'ambiguïté. Les mammifères marins, tels que la baleine blanche qui est en voie de disparition, n'ont pas de résidence précise. Plusieurs espèces de poissons sont déjà protégées par la Loi sur les pêches, qui interdit tout dommage aux habitats des poissons. Dans ce sens, la nouvelle Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada, telle que rédigée, sera plus faible que la Loi sur les pêches, parce qu'on n'y trouve pas cette protection automatique des habitats.
Je vais prendre le cas de la Colombie-Britannique pour pouvoir vous donner un exemple un peu plus précis. Il s'agit de l'esturgeon blanc. Je n'ai pas apporté un spécimen de cette espèce parce qu'il pèse en moyenne des centaines de kilogrammes. Si vous connaissez ce poisson, il s'agit d'un beau grand poisson. C'est un poisson qui a une valeur commerciale importante. Ces poissons ont diminué en nombre de façon spectaculaire au cours des dernières années. Au début du siècle, on récoltait de 500 à 1 000 tonnes d'esturgeon blanc dans le fleuve Fraser. Dans les années 80, on était à 4 tonnes par année. En 1995, la pêche de l'esturgeon blanc a été interdite. Les chercheurs essaient de trouver la cause de cette baisse. Ils ne sont pas sûrs de la cause.
Une chose qui a frappé la fédération lorsqu'on discutait de cette question est le fait qu'il y a des ministères fédéraux dont les activités se contredisent dans le cas, par exemple, de l'esturgeon blanc. Il y a du dragage qui est effectué dans le bas Fraser en vertu d'un permis fédéral, mais l'esturgeon blanc se nourrit sur le fond des rivières. Il se nourrit dans la boue qui se trouve au fond de la rivière où il y trouve des invertébrés - des mollusques, etc. - et d'autres petits poissons dans cette niche. Le gouvernement fédéral verse des fonds à des projets de rétablissement et pour les études de l'esturgeon blanc en Colombie-Britannique dans le cadre de son fonds pour la conservation des habitats. Donc il y a de l'argent du gouvernement fédéral qui est versé pour la recherche et dont le but est de réintroduire l'esturgeon blanc dans le fleuve, et en même temps il y a des activités autorisées par le gouvernement fédéral qui peuvent nuire à cette espèce.
Donc nous voulons qu'il y ait plus de coordination. Nous pensions qu'on pourrait ajouter un paragraphe à l'article 42 qui obligerait les ministères du gouvernement fédéral à respecter et à appliquer les plans de rétablissement pour les espèces inscrites. De plus, ces plans de rétablissement devraient être obligatoires en vertu de la loi et on devrait être obligé d'adopter des règlements pour mettre en vigueur les mesures que prévoit le plan de rétablissement, surtout en ce qui concerne la protection de l'habitat.
Les ministères vont se contredire de plus en plus; par exemple, les activités d'aquaculture et de pisciculture mèneront à l'introduction d'espèces exotiques. Bon nombre de ces activités s'effectueront en vertu d'un permis fédéral. Elles peuvent avoir des effets désastreux sur les espèces indigènes et leurs habitats locaux. Il est très important que les actions du gouvernement fédéral dans une région n'aillent pas à l'encontre de ce projet de loi et je pense que des règlements pourraient assurer cela. Nous recommandons qu'un nouveau paragraphe soit ajouté à l'article 42 pour préciser que tous les ministères du gouvernement fédéral doivent respecter et mettre en vigueur les plans de rétablissement visant les espèces inscrites et qu'aucun organisme ou ministère fédéral ne peut autoriser une activité qui va à l'encontre du plan de rétablissement.
Le président: Terminez s'il vous plaît.
Mme Murray: Vous avez mon mémoire. Nous mentionnons les listes du COSEPAC et nous exprimons notre inquiétude à propos de certaines exceptions. Je peux répondre à des questions là-dessus si vous en avez. Nous vous avons fourni une liste de nos recommandations pour chaque article. Nous aimerions un meilleur préavis dans le cas des projets de développement. Nous aimerions que les citoyens puissent intervenir pour faire respecter la loi et nous aimerions avoir une liste plus pratique pour les situations d'urgence. Ce sont des membres comme les nôtres qui vont intenter des actions si nous nous apercevons qu'un habitat ou une espèce est à risque. Nos membres travaillent sur le terrain. Ils sont les premiers à le savoir si quelque chose ne va pas dans une région. Mais ils seraient très intimidés par le processus décrit aux articles 56 à 60.
Merci beaucoup pour cette occasion de faire connaître nos vues.
Le président: Merci, madame Murray, pour votre mémoire très intéressant.
Nous passons maintenant à Adriane Carr du Western Canada Wilderness Committee. Bienvenue. Allez-y.
Mme Adriane Carr (directrice exécutive, Western Canada Wilderness Committee): Merci beaucoup et merci au comité d'avoir pris le temps de voyager au Canada pour entendre les témoignages de groupes différents. Je crois que le rôle et le travail que vous assumez dans l'étude de cette importante proposition législative sont d'une très grande valeur.
J'aimerais vous présenter Paul George, un des fondateurs du Western Canada Wilderness Committee. Il est biologiste et je suis géographe.
J'ai aussi siégé au cours des trois dernières années et demie au comité du gouvernement fédéral chargé de la mise en vigueur au Canada de la Convention sur la diversité biologique. J'ai pensé mentionner au comité que c'est lors de l'élaboration d'un plan pour la mise en vigueur de cette convention que tous les groupes environnementaux, y compris des groupes tels que la Fédération canadienne des naturalistes, la Fédération canadienne de la faune, le Sierra Club et notre propre comité, ont déclaré de façon unanime qu'ils démissionneraient de ce comité si le plan de mise en vigueur pour la loi sur la protection des espèces en péril au Canada n'était pas assez fort. Nous étions tous de l'avis que c'était l'une des choses les plus importantes que le Canada pourrait faire pour mettre en vigueur et respecter l'esprit de cette convention internationale.
Contrairement à mon collègue de la B.C. Federation of Naturalists, qui était si bien organisé, notre machine Xerox était en panne ce matin et vous n'avez donc pas reçu copie de notre mémoire d'avance. Je vais le lire pour le procès-verbal et ensuite Paul et moi serons heureux de répondre à vos questions. Je m'excuse de n'avoir pas pu vous le procurer d'avance.
Nous sommes le plus grand organisme de protection de la faune dans l'Ouest canadien. Au nom des 25 000 membres du Western Canada Wilderness Committee, nous souhaitons exprimer notre désarroi face aux lacunes du projet de loi C-65 visant à protéger les espèces en péril au Canada.
Dans le sommaire qu'on retrouve à la page 1a du projet de loi, le but exprimé de ce projet de loi est tout à fait louable:
- de prévenir la disparition des espèces sauvages canadiennes et de prévoir le rétablissement des
espèces qui, en raison de l'activité humaine, sont disparues du pays, en voie de disparition ou
menacées.
Je répète, c'est un objectif que nous partageons. Ce serait merveilleux si ce projet de loi accomplissait cela. De prime abord, on serait porté à croire que le projet de loi protégerait toutes les espèces, y compris les espèces en péril les mieux connues - l'ours brun, la chouette tachetée, l'alque marbrée, la marmotte de l'île de Vancouver et les centaines d'espèces de saumon en péril que l'on retrouve dans les cours d'eau géographiquement distincts et qui ont presque disparu aujourd'hui à cause de la surpêche et de la destruction de leur habitat causée par la coupe à blanc.
Ces mesures protègent également les plus rares de nos écosystèmes, tels que le désert que l'on retrouve près de Osoyoos en Colombie-Britannique et les forêts de chêne de Garry et d'arbousier madrono près de Victoria en Colombie-Britannique. Mais ce projet de loi ne protège pas toutes ces espèces ou ces écosystèmes. Le projet de loi ne s'applique pas à la plupart de ces espèces parce qu'elles ne se retrouvent pas sur des terres fédérales ou sous la compétence directe du gouvernement fédéral.
J'aimerais que vous vous posiez la question suivante: Croyez-vous que cette contradiction entre l'intention exprimée de la loi et son champ d'application puisse être comprise par les citoyens canadiens moyens qui, lors de récents sondages, se sont prononcés massivement en faveur de lois fédérales sur les espèces en péril, et ce dans toutes les régions du pays, y compris les provinces des Prairies habituellement plus conservatrices?
Une autre lacune majeure de ce projet de loi est qu'il ne s'applique qu'à la protection des animaux eux-mêmes ou de leurs résidences, et non pas de l'habitat plus étendu qu'il leur faut pour survivre; ces habitats ne sont mentionnés que dans les plans de rétablissement, qui ne sont pas en soi exécutoires. Nous croyons comprendre que l'avis juridique reçu par le gouvernement fédéral est que ce dernier n'a pas d'autorité sur les territoires provinciaux et la faune y vivant et ne peut donc pas produire de législation protégeant les espèces en péril qui s'y trouvent. Selon nous, au nom de la défense nationale, par exemple, le gouvernement fédéral a effectivement des pouvoirs qui l'emportent sur les pouvoirs des provinces et dans ce cas-ci la préservation d'une espèce est, tout comme la défense nationale, dans l'intérêt supérieur et fait partie de la défense naturelle de la terre. À notre avis, le Canada ne devrait pas signer des conventions internationales telle que la Convention sur la diversité biologique s'il n'a pas le pouvoir de respecter ses obligations en agissant pour tout le Canada.
Nous croyons à l'universalité du droit de survie de toutes les espèces sauvages qui habitent le Canada. Tout comme nos droits de la personne protégés par la Constitution s'appliquent dans toutes les régions du pays, ces créatures naturelles devraient également jouir du droit de survie. Leur survie est non seulement un droit, elle est selon nous une nécessité, à cause de l'interdépendance des espèces et de la possibilité qu'il s'agisse d'espèces clés ou d'espèces indicatrices pour la santé d'un écosystème entier.
Depuis que le Western Canada Wilderness Committee a été créé en 1980, nous en sommes venus à la conclusion que la seule façon sûre de garantir la survie d'une espèce est de préserver de grands espaces naturels intacts. Selon les principes de la biologie de la conservation, cela comprend des corridors entre ces zones naturelles, afin de s'assurer que les fonds génétiques ne sont pas isolés et que la migration puisse se produire, ce qui est particulièrement important à cette époque de changement climatique.
Nous du Western Canada Wilderness Committee militons en faveur d'un minimum de 40 p. 100 de préservation, pourcentage qui est atteint dans des régions comme celle de l'Alaska. Nous avons milité en faveur de la protection de vastes étendues naturelles comme ce qui reste de forêts de vieux peuplements dans la région continentale sud de la Colombie-Britannique, qui se trouvent être des habitats critiques pour l'espèce en péril qu'est la chouette tachetée. À l'heure actuelle, ces espaces ne sont pas protégés. Le gouvernement les a ouverts à l'exploitation et, de l'avis des biologistes de ce même gouvernement provincial, cela signifie que cette espèce en péril au Canada disparaîtra du pays. Il en va de même pour tous les bassins versants qui restent dans la région de Clayoquot Sound, située dans la partie centrale de la côte ouest de l'île de Vancouver et qui représente la plus vaste étendue de forêts ombrophiles de basse altitude qui existe encore en Amérique du Nord, habitat essentiel pour le saumon sauvage et les espèces qui comptent sur les peuplements vieux pour leur survie... Il y a ensuite la zone naturelle appelée Stoltmann Wilderness qui se trouve à seulement 200 kilomètres au nord de Vancouver, en Colombie-Britannique, où l'on permet depuis peu la coupe de forêts de peuplements vieux et que l'on croit être l'ultime région australe essentielle à la survie des grizzlis sur la côte ouest de l'Amérique du Nord.
Plus du tiers de cette loi proposée concernant les espèces en péril porte sur le contentieux entourant les activités qui ont des répercussions négatives sur les espèces en péril. Le montant des amendes est potentiellement astronomique et les peines d'emprisonnement sont lourdes. Nous croyons que cette partie du projet de loi ne peut compenser pour l'inefficacité des autres parties puisque la loi ne s'appliquerait pas à l'ensemble du pays et que la protection des habitats n'y serait pas obligatoire. Nous proposons donc les recommandations suivantes.
Tout d'abord, la protection des espèces en voie de disparition, menacées et vulnérables devraient viser toutes les espèces et tous les écosystèmes naturels au Canada. Nous pourrions régler le problème de cette façon et laisser les tribunaux décider si le gouvernement fédéral a les pouvoirs d'adopter une loi aussi globale. Soit dit en passant, je crois que le problème se trouve au niveau de la volonté politique et pas nécessairement à celui des avis juridiques. On pourrait en saisir les tribunaux. Divers juristes sont d'avis que le gouvernement fédéral a toute la compétence voulue. Peut-être ne sont-ce pas les mêmes juristes que vous consultez, mais il y a bel et bien des juristes de cet avis.
Au minimum, vous pourriez exiger que toutes provinces adoptent des lois similaires ou parallèles permettant, le cas échéant, au gouvernement fédéral d'intervenir si jamais la province ne veillait pas à la protection d'une espèce. Par exemple, comme c'est actuellement le cas pour la Colombie-Britannique, supposons qu'une province prétende que sa loi suffit, mais qu'elle permette l'exploitation de ressources qui sont essentielles à la survie d'espèces en péril, comme la chouette tachetée, alors la loi proposée devrait nous permettre de venir au secours de cet animal. Si ce n'est pas le cas - et avec le libellé actuel ce ne l'est pas - alors c'est pire que de n'avoir aucune loi du tout.
Deuxième recommandation: remplacer dans tout le projet de loi le mot «résidence» par l'expression «habitat l'espèce a besoin pour survivre».
Notre troisième recommandation est de rendre obligatoire la protection de l'habitat dans le cadre des plans de rétablissement et de rendre obligatoire la mise en oeuvre des plans de rétablissement malgré les coûts. Nous savons que l'objection se résume toujours à une question de coûts. En bout de ligne, il en coûte beaucoup plus cher de ne pas protéger les espèces.
Quatrième recommandation: s'assurer que les désignations d'espèces en péril faites par les scientifiques et fondée sur des critères et des preuves scientifiques pour le compte du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada soient définitives et n'aient pas à être approuvées par le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril, qui est un organisme politique.
Cinquième recommandation: faire disparaître les exceptions aux interdictions concernant la sécurité nationale, la santé et la sécurité, y compris la santé des animaux et des végétaux. Ce paragraphe pourrait permettre de soustraire à la loi un grand nombre d'activités qui menacent la survie d'une espèce, comme l'usage de pesticides toxiques.
Sixième recommandation: ajouter un article au projet de loi pour encourager les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d'accorder la priorité à l'établissement de leurs réseaux de parcs naturels et de zones protégées, y compris les mécanismes leur permettant d'acquérir plus facilement des habitats clés pour la survie des espèces en péril citées dans les plans de rétablissement, par exemple les terres privées essentielles à la survie des espèces peuplant le désert de l'Okanagan en Colombie-Britannique.
Voilà donc nos recommandations. J'ai également soumis une série de publications préparées par notre groupe; vous en recevrez des exemplaires. Il s'agit de plusieurs documents sur le thème général de la protection de la biodiversité au Canada. Dans le cas de la première publication, nous en avons publié plus de 250 000 exemplaires qui ont été diffusés dans tout le pays. D'autres concernent des espèces précises, comme la chouette tachetée et les ours, et d'autres portent sur des habitats précis, y compris les habitats essentiels pour la survie de différentes espèces.
Le président: Très bien. Merci.
Monsieur George, voudriez-vous ajouter quelques mots?
M. Paul George (Western Canada Wilderness Committee): Non, ma collègue a tout dit.
Le président: Madame Jennings.
Mme Jennings: Merci, monsieur le président.
Je voudrais d'abord vous remercier tous de vos exposés ce matin et vous souhaiter la bienvenue à notre comité. Puisque vous êtes de Colombie-Britannique, comme moi, je n'ai pas besoin de vous souhaiter la bienvenue à notre province.
Il y a deux ou trois choses qui me préoccupent. Monsieur Scudder, vous parliez de la possibilité qu'un arrêté d'urgence prévoie... Si le COSEPAC détermine tout d'un coup qu'une espèce particulière est en voie de disparition, vous ne pensez pas qu'il est nécessaire de procéder par l'entremise du ministre responsable. Vous devez certainement avoir une idée de qui devrait être chargé de donner suite à cette décision. Si ce n'est pas le ministre qui prend la décision concernant l'arrêté d'urgence, est-ce que vous vous inquiétez du temps qu'il faudra pour obtenir cet arrêté d'urgence ou craignez-vous que ce soit une décision politique?
M. Scudder: Effectivement. Si les scientifiques, en connaissance de cause et disposant de toutes les données scientifiques, déclarent que c'est une situation d'urgence, il faut les prendre à la lettre.
Mme Jennings: Je vois. Donc c'est pour des raisons politiques?
M. Scudder: Oui.
Mme Jennings: Merci.
J'ai une autre question à poser à Mme Murray. Pendant l'existence du groupe de travail... Je n'y ai pas participé avant. J'ai été membre de bien des comités depuis mon élection mais pas du Comité de l'environnement, alors j'arrive avec un certain retard même si la question m'intéresse beaucoup.
Lors de la consultation du groupe de travail qui a siégé avant la préparation de ce projet de loi, je crois savoir qu'il y a eu beaucoup de participants qui ont présenté leur point de vue. L'un des grands soucis des groupes industriels, des cultivateurs et des éleveurs de bétail, c'est le fait qu'ils font beaucoup d'efforts pour s'occuper des espèces qui vivent sur leurs terres mais on n'en tient aucunement compte ici, même dans le préambule.
Je ne comprends pas pourquoi, si la chouette des terriers est un oiseau migrateur, cet oiseau n'est pas compris dans la convention... Il doit y avoir une raison. Quel est le problème au juste pour la chouette des terriers?
En tant que parlementaires nous avons certainement la responsabilité d'écouter tous ceux qui ont de l'expérience dans votre domaine. Nous n'avons pas toutes les connaissances nécessaires. Certains d'entre nous ont en fait très peu de connaissances dans ce domaine. Alors comment expliquez-vous le fait qu'on ne semble pas avoir tenu compte de la recommandation sur la chouette des terriers. Est-ce parce qu'il y avait une surabondance de documentation et de recommandations?
Si c'est effectivement une espèce en voie de disparition, effectivement disparue de l'île Lulu et en nombre très réduit dans le sud de l'Okanagan, pourquoi donc la chouette des terriers est-elle exclue de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et deuxièmement, pourquoi n'est-elle pas protégée ici? L'exposé ne portait-il pas précisément sur la chouette des terriers?
Mme Murray: D'abord je vais vous expliquer pourquoi elle ne figure pas dans la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Traditionnellement les rapaces semblent relever de la responsabilité provinciale plutôt que fédérale. Je ne comprends pas très bien du point de vue biologique ni naturaliste mais je suppose qu'un comité a dû se réunir il y a quelques années lors de la rédaction de la loi et on ne lui avait pas fait comprendre à ce moment-là qu'il y avait aussi d'autres espèces... En fait, la loi énumère les espèces visées et cette espèce-là n'y est pas. Alors c'est une lacune dans la loi.
C'est la raison pour laquelle j'ai cité l'exemple de la chouette des terriers. Je voulais juste vous donner un exemple d'une petite lacune dans la loi actuelle que, je l'espère, la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada comblera. J'espère aussi que la portée de cette dernière sera plus large afin d'éviter ce genre d'anomalie.
Je ne sais pas si cela répond à votre deuxième question.
Mme Jennings: Oui, merci, je comprends.
J'aimerais terminer en vous disant, madame Carr, que j'ai travaillé comme enseignante pendant 30 ans. J'aimerais vous remercier ainsi que vos collègues au sein du Wilderness Committee du travail que vous avez fait. La sensibilisation de la population revêt une importance primordiale. Bien que le secteur industriel sensibilise la population, et j'ai souvent utilisé les informations qu'ont fournies MacMillan Bloedel et Fletcher Challenge, nous avons besoin de votre contribution aussi. Elle nous est très utile.
Mme Carr: Merci.
Le président: Je donne maintenant la parole à Mme Kraft Sloan.
Mme Kraft Sloan: Merci beaucoup.
Professeur Scuddder, j'aimerais vous remercier de votre exposé. J'ai trouvé intéressant de vous entendre parler de la différence de traitement entre la flore et la faune. Je trouve que c'est un point très important dont nous devons tenir compte.
J'ai deux courtes questions. Tout d'abord, à votre avis, y a-t-il d'autres articles de la loi où on trouve des exemples flagrants de traitement discriminatoire entre la flore et la faune?
Deuxièmement, j'aimerais demander à Mme Murray de m'expliquer pourquoi certaines espèces figurent sur la liste rouge provinciale mais non pas sur celle du CSEMDC, c'est-à-dire les sous-espèces ou celles qui sont distinctes sur le plan génétique? Comment peut-on expliquer cela?
M. Scudder: Pour ce qui et de la possibilité d'un libellé discriminatoire, je crois que quelqu'un d'une sensibilité suffisante à ces questions devrait être chargé d'étudier la loi afin de déceler tout exemple de discrimination en faveur de la faune et au détriment de la flore. Les besoins de la flore sont très différents. J'ai dit dans mon exposé qu'il faut aborder le problème des grands prédateurs de façon globale, mais il va sans dire que cette suggestion ne s'applique pas à la flore. Il faut donc trouver un certain équilibre et essayer de répondre aux besoins des deux.
Mme Murray: Pour compléter la réponse de M. Scudder sur la discrimination contre la flore, je pense que les articles portant sur les activités autorisées et les exceptions, en sont des exemples. Je n'ai pas eu le temps de m'expliquer en détail sur cette question, mais mes observations à cet égard se trouvent aux pages 8 et 9 de mon mémoire. Des exemptions seront autorisées pour des activités qui mettent en danger la santé des êtres humains, de la flore et de la faune. Il est possible de prévoir des situations où des mauvaises herbes pourraient être dangereuses à l'exploitation agricole ou à une autre activité de ce genre.
Je ne peux pas trouver un exemple précis, car rien qui soit classé comme mauvaise herbe n'est rare aussi. L'un ne va pas avec l'autre. Mais je pense qu'il faut reformuler cet article et trouver une définition plus rigoureuse des exceptions, car nous pouvons trouver toutes sortes d'exemples absurdes. Il faut réétudier l'article pour éviter toute incidence agricole sur la flore.
Pourquoi certaines espèces figurent-elles sur la liste rouge provinciale mais non pas sur celle du COSEPAC? Le COSEPAC a abordé les espèces canadiennes dans une perspective plus large. Au début, il n'incluait que les espèces et ensuite un petit nombre de sous-espèces. Nous nous rendons de plus en plus compte chaque année de l'importance des sous-espèces génétiquement distinctes. La Colombie-Britannique a un grand nombre de populations périphériques, et ces dernières ont une incidence énorme sur l'évolution saine d'une espèce. C'est à la périphérie, aux lisières, en bordure, où vous avez des espèces qui... Par exemple, la chouette des terriers se trouve plus au nord, où il fait un peu plus froid, et elle s'adapte à ces changements climatiques. Elle n'aura pas la même proie que dans le désert. Elle va donc développer des caractéristiques différentes, ce qui pourrait à la longue produire une espèce différente. Si l'on n'inclut pas les sous-espèces, on élimine cette possibilité.
La liste rouge provinciale a adopté un point de vue plus large et elle est plus détaillée. Nous aimerions que l'on fusionne les deux listes, mais que celle du CSEMDC soit plus large.
Mme Kraft Sloan: D'un point de vue technique, le CSEMDC n'est pas limité: il peut énumérer les sous-espèces ou les espèces génétiquement distinctes. C'est tout simplement qu'il n'a pas forcément visé un tel objectif. Est-ce exact?
Mme Murray: Oui, je crois savoir que c'est exact. Je ne travaille pas au CSEMDC, donc je ne sais pas exactement quel est son mandat.
On pourrait dire qu'une certaine espèce est assez courante au Canada en général, le pays est grand après tout; mais ici en Colombie-Britannique elle pourrait être assez rare. Lorsqu'on aura fait plus de recherches, on trouvera des différences subtiles dans l'espèce qui se trouve en Colombie-Britannique. Les biologistes ne s'entendent pas sur les distinctions entre les sous-espèces et les espèces. Ce n'est pas nettement défini.
Mais on pourrait faire preuve de plus d'audace dans le projet de loi pour tenir compte des progrès scientifiques dans ce domaine.
Mme Kraft Sloan: Je pense que c'est un cas où l'on peut défendre un certain chevauchement entre les lois provinciales et fédérales. Certains disent que si le gouvernement provincial s'occupe d'un domaine, le gouvernement fédéral doit le quitter, mais dans ce cas, nous voyons à quel point il est important d'avoir un peu de chevauchement. Il est possible de corriger autrement les chevauchements, mais s'il y a une lacune, l'espèce risque de disparaître.
Mme Murray: Oui.
Le président: Monsieur Adams.
M. Adams: Merci, monsieur le président.
Je ne suis pas sûr si vous étiez tous là plus tôt. J'aimerais reposer les mêmes questions. L'une porte sur l'article 2, la définition d'espèces, dont nous avons discuté. L'autre question concerne l'habitat essentiel, la résidence, etc. Ce n'est pas simplement que je m'intéresse aux définitions. Je veux vous donner l'occasion de parler des différents aspects de ces questions, parce qu'il faut que la terminologie utilisée dans le projet de loi soit aussi complète que possible.
J'ai déjà dit qu'un témoin précédent a proposé d'ajouter le terme «biologiquement distinct» à celui de «géographiquement distinct». Un témoin nous a dit qu'il faut remplacer la définition d'«espèce sauvage», qui se trouve à l'article 2, par ce qui suit:
- espèce, sous-espèce, ou population géographiquement ou génétiquement distincte d'animaux,
de végétaux ou d'autres organismes qui n'est pas domestique
J'ai également posé une question au sujet de l'habitat. Je pense que maintenant nous comprenons tous la différence entre un terrier et un nid, entre l'habitat et le milieu général d'un animal. Cependant, dans vos exposés, vous avez parlé des «métapopulations», qui est un terme que je n'ai pas entendu auparavant. J'ai cru comprendre que cela signifie qu'une espèce, quelle qu'elle soit, dépend de l'existence des autres. Dans l'exposé sur la chouette tachetée, j'ai entendu le terme «écosystème vital».
Pour votre gouverne, on nous a proposé de supprimer le mot «essentiel», car cela rend la définition trop précise. La définition dirait tout simplement que c'est l'habitat déterminé comme nécessaire à la survie et au rétablissement d'une espèce sauvage, etc. Un autre témoin a proposé qu'on remplace le mot «essentiel» par «de base».
J'aimerais également poser une question au sujet des poissons, du saumon anadrome. Je sais maintenant que les saumons sont anadromes. Si je pose une question au sujet du saumon, c'est parce que vous ne l'avez pas mentionné, et quelqu'un m'a dit que 142 sous-espèces de saumon sont disparues. Il me semble qu'il y a un bon lien ici avec la question de l'habitat. Les activités sur le sol ont une influence sur la zone de frai et sur la remonte des saumons dans les eaux douces. De plus, les activités sur le sol ont une influence sur l'océan limitrophe.
J'aimerais que l'un d'entre vous réponde à ces questions.
M. Scudder: Je pourrais peut-être répondre à la question concernant les espèces. La définition d'une espèce dépend du groupe avec lequel on travaille. Cela dépend également des principes qui ont cours dans ce domaine. Par exemple, les espèces sont généralement considérées comme des entités biologiques qui se reproduisent entre elles mais pas avec d'autres. Cette définition convient à la plupart des groupes, mais dans le domaine végétal, pour les insectes et d'autres, les espèces se reproduisent effectivement entre elles. Ce n'est donc pas catégorique. Il s'agit d'une entité génétique qui suit son propre chemin, sans tenir compte des autres entités semblables. C'est plutôt vague, mais c'est ce que cela veut dire.
Les gens ne sont pas d'accord quant à la définition d'une espèce ou d'une sous-espèce, car en général ils se fondent sur la notion de différences. Tout dépend du degré de différence. S'il y a telles ou telles différences, il s'agit d'une espèce; s'il y a telles ou telles différences et que l'on remarque des populations qui se reproduisent plus souvent entre elles, on dit qu'il s'agit de sous-espèces. Celles-ci sont parfois faciles à reconnaître, mais pas toujours.
Il existe un niveau en dessous que l'on ne peut généralement pas reconnaître de l'extérieur, à savoir la race ou la population géographique distincte du point de vue génétique. La race constitue également un niveau qui, sur le plan du concept, se trouve légèrement en dessous de l'espèce et de la sous-espèce, et si l'on ne peut même pas envisager que c'est ce niveau, on peut parler de population.
Il existe donc divers niveaux. Chacun présente ses propres propriétés d'évolution, chacun fonctionne selon ses propres règles et a un rapport particulier à un habitat donné.
M. Adams: Est-il utile de mentionner la génétique, à votre avis?
M. Scudder: Je pense qu'il faut mentionner l'espèce, la sous-espèce et les races et populations géographiques distinctes du point de vue génétique, car cela s'appliquera aux remontes de poissons. Pour ce qui est des métapopulations - et j'en ai parlé au sujet des gros mammifères - il faut pour assurer leur survie une population minimum viable, généralement calculée à 500 individus, car on se fonde sur des calculs de survie pour une période de 200 ans. C'est fondé sur la structure de l'espèce.
Un grand prédateur a besoin de beaucoup d'espace, comme 150 000 kilomètres carrés. C'est impossible à trouver au même endroit. On peut arriver au même résultat en organisant les reproductions entre membres d'une même population. On part tout de même de 500 animaux, mais en prévoyant une région ici, une autre là et une autre ailleurs, grâce à un principe d'aménagement qui se fonde sur des petites sous-populations, ce qui est la métapopulation, ils peuvent tous se retrouver lorsque vient le moment de fonctionner comme un tout et de faire circuler les gènes.
Cela vous permet, sur une échelle de paysage, d'y faire abstraction pour obtenir la population minimum viable de 500 individus sans devoir, dans certains calculs, réserver un tiers de l'État de l'Idaho.
M. Adams: Comment procéder?
M. Scudder: En utilisant le terme métapopulation, qui a un sens précis dans les milieux scientifiques. Tous les membres du COSEPAC comprendront exactement de quoi il s'agit, car si vous mettez en place des plans de rétablissement pour les animaux de grande taille - les ongulés et les autres - il faut établir des plans précis qui tiennent compte de la dynamique des métapopulations.
Ce serait infaisable dans une région. Vous n'aurez jamais suffisamment de terrain. Vous n'aurez jamais assez de terres à réserver sans que cela vous coûte les yeux de la tête et que cela nuise à la viabilité économique, etc. Il faut établir des plans en respectant vos limites; c'est possible si on applique le principe de la métapopulation. Ce n'est pas un principe qu'il faut appliquer à certaines petites espèces, mais pour les gros animaux, c'est inévitable.
Mme Murray: Pour ce qui est du libellé du projet de loi, il faut supprimer le terme «résidence» qui n'a pas sa place dans le projet de loi. Il vaudrait peut-être mieux parler de «habitat» ou «habitat essentiel», mais quelle que soit l'expression, il faut l'utiliser de bout en bout de façon uniforme, car à l'heure actuelle tout cela est ambigu.
En cas de litige, il faut que la loi soit défendable quant à la définition de l'habitat. J'ai entendu l'exposé de Linda Nowlan, et la proposition faite par Stewart Elgie, la définition de la Convention sur la diversité biologique semble bien convenir en l'occurrence.
Lorsque j'ai parlé de l'écosystème vital de la chouette des terriers, j'essayais d'expliquer que c'est une situation complexe. Nous comprenons qu'il n'existe pas de solution miracle. La loi ne sera pas une panacée, mais si l'on protège par des mesures énergiques une espèce en voie de disparition... Si on protège l'habitat dont la chouette des terriers a besoin, par définition on protégera l'habitat d'autres bêtes comme la souris à abajoues des pinèdes, que l'on pourrait facilement oublier, et par définition ont protège donc aussi l'habitat des insectes dont nous parlions, et il existe un grand nombre d'invertébrés en voie de disparition.
M. Adams: Je suis d'accord, et vous pouvez utiliser le terme «habitat». Ce que j'essaie d'obtenir, c'est un libellé qui nous assure que l'écosystème dont vous avez parlé et le reste sont visés...
Mme Murray: Je préfère le terme «habitat» à l'expression «habitat essentiel». Les naturalistes et les biologistes comprennent ce que «habitat» veut dire et si on utilisait à l'article 2 du projet de loi la définition qu'en a donné Linda Nowlan, c'est-à-dire celle utilisée dans la Convention sur la diversité biologique, ce serait plus clair. Il va sans dire que vous n'allez pas vous rendre dans une région forestière pour trouver une chouette des terriers. Nous savons ce que veut dire «habitat». Ce terme est courant. Il est compris de tous mais il faut néanmoins le définir. Si on utilise cette définition, ce sera assez clair. Oubliez le terme «résidence».
Le président: Monsieur Steckle.
M. Steckle: Je voudrais poser une question de portée générale. Nos efforts pour ramener la grue blanche d'Amérique, le cygne siffleur et le faucon pèlerin ont été relativement couronnés de succès. Nous savons que ces espèces sont encore en nombre restreint, mais nos efforts ont porté fruit. Étant donné qu'à l'époque la loi que nous proposons d'adopter n'était pas en vigueur, à quoi attribuez-vous le succès des initiatives visant à ramener ces espèces?
Ma deuxième question porte sur un point qu'a soulevé David dans la première partie au sujet de l'ours de Kermode. S'agit-il d'une singularité génétique? Si c'est le cas, pouvons-nous espérer un jour protéger de telles espèces? Ils sont très peu nombreux. Nous avons des cerfs blancs. Il y a des albinos. Nous avons un écureuil blanc, dont l'habitat se trouve dans une des localités de ma circonscription; personne ne sait pourquoi, mais il s'est installé dans une collectivité et les gens en ont fait toute une affaire. En général, les gens veulent protéger ces espèces pour la simple raison qu'ils veulent continuer à les voir. Est-il raisonnable d'espérer que nous pourrons protéger cette créature s'il s'agit d'une singularité génétique? Si c'est une chose qui se produit à l'occasion sur le plan biologique, est-il raisonnable de l'inclure dans la loi?
M. Scudder: Permettez-moi de répondre à la question de la particularité génétique. Non, je ne pense qu'il faille protéger ce genre de choses. C'est pourquoi j'ai parlé de race ou population géographiques. Les ours en font partie. Votre corbeau blanc inhabituel n'en ferait pas partie, et cela l'exclurait. Il ne faut pas se fonder sur l'existence d'une seule bête rare.
Mme Murray: Au sujet des grues blanches d'Amérique et des cygnes trompette, si ces espèces se sont rétablies, c'est notamment parce qu'on a cessé de les chasser. Il s'agit dans les deux cas de gros animaux qui offraient des cibles très populaires. On a cessé de les chasser et il y avait encore un habitat suffisant pour ces espèces, de sorte qu'elles ont pu se rétablir. La disparition de ces deux espèces en particulier était due davantage aux activités de chasse qu'à la perte de l'habitat.
Si un litige survient entre les intérêts de l'agriculture et ceux de la protection de la faune, il se passe quelque chose de très intéressant dans la région du Delta où certains cygnes trompette passent l'hiver. Nous avons créé le Delta Farmland and Wildlife Trust, qui, à la suite de litiges dans la municipalité quant à la superficie de terrain à réserver aux oiseaux, étant donné que ces cygnes venaient et saccageaient les champs de blé d'hiver, nous avons créé une fiducie et recueilli des fonds - en partie du gouvernement fédéral, merci beaucoup. Cela s'avère un programme formidable en vertu duquel les agriculteurs fournissent du fourrage d'hivernage pour les oiseaux comme le cygne trompette et certains oiseaux migrateurs, des canards, etc., tout en profitant des mesures de conservation des sols, et autres.
C'est un excellent modèle de travail qui permet, grâce à la collaboration, d'atteindre les objectifs des deux groupes. Tout le monde y gagne. On ne gagne rien à rester en litige.
Le plus important dans ce cas-là, c'est que la chasse a pris fin. Cela ne s'applique pas particulièrement à un grand nombre des espèces en voie de disparition dont nous discutons. Il s'agit davantage de perte d'habitat.
M. Steckle: On ne chassait pas le faucon pèlerin, tout de même.
Mme Murray: Dans le cas du faucon pèlerin, le problème venait des antiparisitaires. Une fois que l'on a cessé d'étendre du DDT, cette espèce s'est rétablie. Elle dispose encore d'un habitat. En fait, le faucon pèlerin s'adapte très facilement, comme vous le savez. On en trouve dans les villes et ailleurs.
M. Steckle: Oui, je sais.
Mme Murray: Dans certains cas, oui, c'est suffisant, outre les campagnes de sensibilisation du public, qui peuvent être centrées sur ce genre de problème.
M. Steckle: Très bien.
Mme Carr: J'aimerais faire une observation. Votre question est valable, mais il en découle une question plus importante. Nous avons obtenu quelques succès dans nos initiatives pour rétablir certaines espèces en voie d'extinction ou de disparition du pays, mais il nous a fallu pour cela investir énormément de ressources humaines et financières. À mesure que nous nous approchons de la limite des habitats, où il nous reste très peu de chacun des habitats, le nombre d'espèces en voie de disparition ou menacées va augmenter. Cela s'est produit dans tous les pays du monde. Ce qui est si important dans la loi à l'étude c'est qu'on empêche les choses d'en arriver là.
Ce projet de loi n'atteint pas encore cet objectif car il n'insiste pas assez sur l'importance de la protection de l'habitat grâce à des mesures préventives, pour éviter de devoir consacrer tout son temps à imposer des amendes aux gens et à les incarcérer, tout en mettant en oeuvre des plans de rétablissement très onéreux, chose que notre société ne pourra jamais faire, j'en suis convaincue. Ces espèces disparaîtront tout simplement. C'est notre société qui aura le plus à y perdre. Les répercussions à long terme pour notre planète sont effrayantes.
M. George: Lorsque vous dites que l'ours de Kermode est un peu comme un corbeau blanc, ce n'est pas vrai. Il y en a environ un sur 10. On en trouve plus souvent le long des régions littorales centrales, et vers l'intérieur des terres jusqu'à Terrace. Écoutez, une personne sur 10 a les cheveux roux. Cela fait partie de la diversité génétique de l'espèce de l'ours noir. C'est tout à fait exceptionnel. Nous voulons préserver toute cette diversité génétique, car elle est déterminante pour la survie à long terme d'une espèce. Les animaux ne finissent pas par présenter une caractéristique commune comme celle dont on a parlé si ce n'est pour des raisons de survie.
M. Steckle: En gros, tout ce qu'on peut faire pour ces espèces, c'est protéger celles qui existent déjà et espérer qu'il y en aura d'autres à l'avenir. En général, elles ne se reproduisent pas dans ce...
M. George: Mais si. Cette espèce existe depuis longtemps et fait partie de la mythologie des Autochtones. Il s'agit d'une sorte particulière d'ours noir. En fait, un ours sur 10, de l'ensemble de la population, sort blanc ou de couleur crème. Personne ne sait pourquoi, mais cela représente une proportion assez élevée pour affirmer qu'il ne s'agit pas d'une mutation délétère. Bon nombre des mutations délétères sont éliminées, et en général une beaucoup plus faible proportion de la population en compte. En l'occurrence, il faut croire que cela est essentiel à la survie des ours noirs à cet endroit précis.
M. Scudder: Puis-je intervenir? Il serait tout à fait pertinent ici de parler de polymorphie génétique. Toutes les populations en compte. En général, on ne le voit pas. C'est une variation qui existe car elle est maintenue par le système de reproduction. Il se trouve que, en l'occurrence, cette mutation est visible. Il en existe toutefois dans toutes les populations.
Le président: Nous pourrions discuter indéfiniment de cette question des plus importantes. Merci, monsieur Steckle, de l'avoir soulevée.
Madame Payne.
Mme Payne: Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue à tous. Comme je suis de la côte Est, vous ne serez pas surpris d'entendre que mes questions portent sur les pêches.
Deux scénarios; d'une part, vous êtes tous au courant du désastre qui a frappé les stocks de morue sur la côte Est. Mme Murray, je crois, a observé que la Loi fédérale sur les pêches couvrirait les espèces aquatiques et marines, et c'est probablement tout à fait exact. Toutefois, les dommages et les dévastations causés par les chalutiers et les dragueurs qui pêchent la pétoncle, par les dragueurs ordinaires aux aires de reproduction et d'alimentation du poisson nous préoccupent de plus en plus. Il est bien possible que la Loi sur les pêches prévoit une protection contre ce genre de choses, mais si on considère les pressions exercées sur le ministère par les grosses compagnies qui pêchent et qui transforment le poisson, je me demande dans quelle mesure cette protection va rester effective.
Il y a un autre scénario dont j'aimerais parler, nous avons tous vu des photographies de Brigitte Bardot avec cet adorable bébé phoque, nous savons tous maintenant à quel point c'est affreux de les tuer. Toutefois, les bébés phoques ne sont adorables que pendant deux ou trois semaines, après quoi ils deviennent d'énormes phoques. Nous savons tous que les phoques du Groenland ne sont plus aujourd'hui en danger.
Récemment, plus de 100 chasseurs de phoque ont été inculpés aux termes de certaines dispositions de la loi qui avaient été adoptées à l'époque où Greenpeace et d'autres environnementalistes prétendaient que les phoques du Groenland risquaient d'être exterminés très rapidement si on continuait à les chasser de la même façon. Cette partie-là de la loi n'est plus applicable, mais elle existe toujours.
Les agents avaient dit à ces gens-là qui partaient chasser le phoque qu'ils avaient le droit de tuer des phoques du Groenland et qu'ils avaient le droit de les vendre. On s'est aperçu depuis qu'aux termes de cette partie ancienne de la loi, on avait bel et bien le droit de tuer des phoques, mais on n'avait pas le droit de les vendre.
À votre avis, pensez-vous que la loi devrait mentionner ce genre de situation, et pensez-vous que la Loi fédérale sur les pêches actuelles contient des dispositions suffisantes?
M. George: Je vais vous répondre en élargissant un peu. La Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs est un véritable placebo. Que je sache, elle n'a jamais protégé un seul oiseau. La seule chose qu'elle protège, ce sont les nids d'oiseaux, et seulement pendant la période de nidification. J'ai posé la question à plusieurs avocats, et je n'ai jamais vu d'exemple où les oiseaux étaient vraiment protégés.
De la même façon, la Loi sur les pêches qui prétend être la législation environnementale la plus sévère au Canada, ne protège pas non plus beaucoup de poissons, je vous assure. Les articles qui sont censés protéger l'habitat sont particulièrement inefficaces. C'est ce qu'on a pu constater à de nombreuses reprises devant les tribunaux. Les compagnies forestières se sont défendues avec vigueur. Elles ont leur propre définition de ce qui constitue un poisson. Il ne s'agit pas forcément d'un poisson mort. Et même là, elles réussissent à contourner le problème. J'imagine qu'on pourrait remplir cette pièce avec les dossiers de toutes ces affaires devant les tribunaux, des poursuites qui ont échoué bien que le poisson ait véritablement été endommagé, bien que leur habitat ait été détruit, par des compagnies forestières, des usines de pâte à papier, etc. La loi doit donc être déterminée à véritablement protéger les espèces.
Je suis convaincu qu'ici, en Colombie-Britannique, le saumon est en perdition. Ce projet de loi offre seulement un très léger espoir, un espoir contourné; d'une certaine façon on reconnaît les races et les populations et le gouvernement fédéral protège les pêches.
Quant au harcèlement des phoques du Groenland, entre autres, c'est un problème mineur. Il y a peut-être un problème économique, mais je ne pense pas que nous retournions jamais à l'ère cruelle des pièges à ressort, où on massacrait des bébés animaux à cause de la vanité des gens.
Cette planète traverse une crise très grave, et il faudrait vraiment que les hommes politiques se réveillent, qu'ils adoptent des lois qui protègent véritablement les espèces au lieu d'essayer de sauver leur peau politique au niveau local.
Mme Payne: Merci, monsieur George.
C'est une question à double volet que je pose. D'une part, nous protégeons les espèces, mais d'un autre côté, nous surprotégeons une espèce qui n'est plus en danger de disparaître. Il faudrait la rayer de la liste, et je pense que cela n'a pas été fait. À votre avis, cette loi devrait-elle se pencher sur ce problème?
M. George: Il y a un passage qui porte sur ce problème. Il y a plusieurs endroits dans la loi où il est question de rayer certaines espèces de la liste. À mon avis, les bébés phoques ne sont pas une espèce en voie de disparition. Je connais beaucoup mieux le cas des ours. Sur les sept espèces d'ours qui existent dans le monde, il n'y en qu'une seule qui soit florissante, ce sont nos ours noirs d'Amérique du Nord. Quant aux autres, tous ceux des pays de l'Est sont en voie d'extinction. Il n'en reste que quelques-uns dans la nature. Le nombre de nos ours grizzlis diminue rapidement, et les ours noirs vont probablement suivre cet exemple si nous ne prenons pas des mesures pour les protéger, ici, en Colombie-Britannique. En effet, certaines parties de l'animal sont très en demande.
Les gens envahissent l'habitat de ces animaux, ils utilisent certaines parties de ces animaux, des êtres humains exploitent la planète d'une façon qui extermine les autres résidants naturels de la planète. C'est aberrant. Au Canada, si nous ne protégeons pas ces habitats, si nous n'adoptons pas des lois très sévères, nous allons perdre notre biodiversité.
Peu m'importe combien de Mulroney signent de merveilleuses... En décembre 1992, nous avons signé cette convention sur la biodiversité. C'était une convention merveilleuse, cela devait être le résultat le plus extraordinaire de la Convention de Rio. Nous avons été le premier pays industrialisé à y adhérer. Et qu'avons-nous fait depuis? Cinq ans plus tard, nous tournons en rond, nous avons une loi qui n'est qu'une pitoyable tentative...
Je l'ai lu hier soir. Je n'en croyais pas mes yeux. La deuxième moitié donne une série d'amendes fanatiques pour les dommages causés à l'habitat. Or, tous les jours des compagnies forestières détruisent ces habitats. Tous les jours, nous empiétons un peu plus sur l'habitat de ces espèces rares dans la vallée de l'Okanagan. Quand allons-nous nous décider à faire quelque chose pour y mettre fin? Quand allons-nous décider qu'il nous faut une loi véritablement efficace pour sauver nos espèces?
Le président: Merci, monsieur George. De nos jours, à Ottawa, nous sommes reconnaissants du moindre petit progrès et nous essayons de nous contenter de ce que nous avons.
Y a-t-il d'autres questions? Sinon, j'ai des questions à l'intention de M. Scudder et peut-être pour d'autres témoins également.
Monsieur Scudder, à la page 4 de votre exposé, vous avez dit que les décisions concernant les espèces désignées devaient être prises par des hommes de science. Vous voulez bien discuter de cela un instant? Supposons que le comité modifie le projet de loi précisément dans ce sens. Une fois cela fait, ne pensez-vous pas que dans un système démocratique comme le nôtre, il faut prévoir par la suite un système de responsabilité politique, de prise de décision? Si on confie ce genre de décision aux hommes de science, pensez-vous qu'on pourrait en même temps ajouter une phrase qui donnerait au Cabinet le pouvoir de renverser cette décision, qui donnerait au Cabinet la responsabilité d'expliquer les raisons de la décision au public? Cela nous donnerait alors une procédure similaire à celle qui a été adoptée par le CRTC, par l'ONT et par d'autres organismes fédéraux qui ont une certaine indépendance par rapport au gouvernement.
M. Scudder: C'est une possibilité théorique, mais j'aurais préféré que les décisions relatives aux espèces désignées soient prises uniquement sur une base scientifique.
Le président: Oui, ce serait acceptable, ce serait très bien. Une fois cela fait, il serait bon que le Cabinet puisse renverser ses décisions si cela s'avérait nécessaire.
M. Scudder: Mais pour quelle raison le Cabinet voudrait-il renverser une décision à ce stade?
Le président: Parce que cela donne aux représentants élus de la population la responsabilité, la possibilité, s'ils le jugent bon, de revenir sur une décision, cela leur donne la responsabilité de cette décision.
M. Scudder: Je ne vois pas sur la base de quelle information ils pourraient renverser une telle décision. Au départ, c'est sur une base scientifique qu'on décide qu'une telle espèce est en danger. Les rapports de situation ont été préparés. Cela reviendrait à contester des résultats scientifiques.
Le président: La raison, monsieur Scudder, c'est que tout comme les membres du CRTC ou de l'Office canadien des transports, les hommes de science ne sont pas des représentants élus de la population, et par conséquent, ils ne sont pas responsables devant cette même population.
M. Scudder: Je ne vois pas comment on peut remédier à cela. Je vois les choses comme un homme de science. Il y a peut-être des aspects politiques qui l'emportent sur les considérations scientifiques, mais à mon avis, le processus de désignation est avant tout un processus éducatif national. Il se fonde sur des données scientifiques. Voilà où en sont les choses.
Si ce processus était suivi d'un plan de relance automatique, on pourrait se retrouver dans une situation où les responsables politiques prennent la décision de ne pas sauver une espèce. La décision serait prise en disant: «c'est économiquement impossible» ou bien «nous ne voulons pas le faire pour une autre raison». C'est à ce moment-là qu'il faut se poser la question de continuer ou de ne pas continuer.
Mais la décision de désigner une espèce menacée ne peut être fondée que sur des considérations scientifiques. C'est ensuite au processus démocratique, s'il le juge bon, de ne pas donner suite.
Le président: Voilà des précisions très utiles dont je vous remercie.
Je passe à la page 6; vous dites que pour être efficace le projet de loi C-65 doit s'appliquer aux espèces en péril, où qu'elles se trouvent. Tout le monde sera d'accord avec vous.
La réalité politique, toutefois, c'est que nous vivons dans un système fédéral, et cela pour des raisons géographiques, historiques et culturelles. Pour parvenir à cet objectif, pensez-vous que la législation fédérale telle qu'exprimée dans le projet de loi C-65 devrait être reprise par les lois provinciales, qui deviendraient alors complémentaires, toutes ces lois recherchant un même objectif? Autrement dit, le public s'attendrait à ce que les provinces, après des discussions ministérielles fédérales provinciales, adoptent des lois équivalentes à la loi fédérale.
M. Scudder: Je pense que c'est possible dans le cas des espèces qui n'existent que dans certaines provinces. Toutefois, dans le cas des espèces qui s'étendent au-delà des limites provinciales, cela devient une responsabilité fédérale.
De la même façon, je ne voudrais pas que la province s'occupe uniquement des terres provinciales - terres de la Couronne - parce qu'encore une fois, beaucoup d'espèces vivent dans des territoires privés. D'après ce que je sais du public, il s'intéresse vraiment à cela, et très souvent, les gens sont très contents de voir qu'il y a certaines espèces sauvages sur leurs terres. Évidemment, cela pose des problèmes économiques, mais on peut les contourner. L'expérience américaine a démontré que la plupart du temps ce n'était pas un problème, que dans 90 p. 100 des cas il était possible de contourner cela, à condition de pouvoir évaluer très tôt une situation.
Ainsi, je vois mal comment ce système de parallèles pourrait fonctionner, car tout dépend du domaine de compétence qui a la prépondérance. Si cela chevauche deux juridictions, cela devient fédéral.
Le président: Sur terre, c'est la compétence provinciale qui l'emporte.
M. Scudder: Ce que je dis, c'est que si on s'en remet aux provinces, elles ne peuvent rien pour les espèces qui existent également en dehors de leur territoire.
Le président: Pourquoi une province serait-elle impuissante?
M. Scudder: Parce qu'elles ne peuvent rien pour l'ensemble d'une population, lorsque la moitié de cette population se trouve dans une autre province.
Le président: Ah, mais vous parlez de l'aspect interprovincial.
M. Scudder: Exactement.
Le président: Très bien.
M. Scudder: Je ne pense pas qu'une législation interprovinciale puisse régler le problème des espèces interprovinciales.
Le président: Les provinces voisines pourraient adopter des lois équivalentes pour y parvenir.
M. Scudder: Dans les États où cela a été fait, on s'aperçoit que cela pose des problèmes de juridiction, différents États ayant des valeurs et des administrations différentes, et quand ils réussissent enfin à se mettre d'accord, une espèce de plus a disparu, ou sa situation est encore plus désespérée qu'avant. Dans ce genre de choses, il faut pouvoir réagir très vite.
Mme Carr: Excusez-moi, est-ce que je peux répondre à cette question?
Le président: Très rapidement.
Mme Carr: Avant qu'une législation parallèle, qui permet de contourner le problème de l'opinion juridique, il faut pouvoir...
Le président: Non, ce n'est pas une façon de contourner, c'est une façon de tenir compte de la complexité de notre Constitution.
Mme Carr: Mais c'est une façon d'englober tous les territoires, dans tout le pays.
Le président: Oui.
Mme Carr: Toutefois, je suis absolument convaincue de la nécessité de prévoir également un filet de sécurité. Une législation parallèle, c'est une chose, mais il faut que le gouvernement fédéral puisse intervenir si un autre gouvernement omet de faire quelque chose.
De la même façon, c'est au gouvernement fédéral d'adopter une loi qui soit la plus sévère possible. Si vous demandez aux autres domaines de compétence de s'en inspirer, et si dans ces juridictions il y a des provinces qui exercent un pouvoir sur les habitats et les territoires, il faut absolument prévoir dans cette législation la protection des habitats et des territoires.
Le président: Merci.
Monsieur Scudder, pourriez-vous nous donner un exemple de cette phrase très intéressante qui figure à la page 6 de votre mémoire:
- L'expérience dans d'autres pays a démontré qu'il était possible de rendre ses moyens de
subsistance à une espèce menacée vivant sur un territoire privé, et cela, sans vraiment empêcher
le propriétaire d'utiliser ses terres ou de gagner sa vie.
M. Scudder: J'ai apporté avec moi l'analyse qui a été faite de l'efficacité de la législation sur la protection des espèces menacées aux États-Unis. Je crois avoir déposé ces documents.
Le président: Pourriez-vous nous donner des exemples précis?
M. Scudder: Je ne m'en souviens pas, mais je crois que vous en trouverez dans l'analyse que nous vous avons apportée.
En fait, il a presque toujours été possible de trouver une solution grâce à une planification bien pensée. Les cas où cela n'a pas été possible sont ceux de la chouette des terriers et de quelques espèces de poisson.
Le président: Très bien.
Est-ce que certains d'entre vous pourraient commenter le paragraphe 36(1)a) sous sa forme actuelle? Il s'agit de l'application des interdictions qui se trouve à la page 16. Cet article dit que les dispositions ne sont pas applicables aux activités:
- (a) autorisées sous le régime de toute autre loi fédérale en vue de protéger la santé - notamment
celle des animaux et des végétaux - ou d'assurer la sécurité nationale ou du public.
Mme Murray: Ces exemptions sont beaucoup trop larges. On pense à des exemples tout à fait absurdes, certains tout à fait communs, par exemple: «il faut couper ces arbres, parce qu'ils pourraient tomber, ou encore parce que leurs branches pourraient tomber et blesser quelqu'un», ou bien «il faut contrôler les marmottes sur nos terres parce que leurs terriers font des trous dans le sol», etc. Il y a beaucoup de situations où il serait très facile de justifier une exemption.
Avec une disposition aussi large, tout le monde va pouvoir en profiter. Il sera toujours facile de trouver un prétexte pour donner la priorité aux humains. J'aimerais donc que cette disposition soit resserrée, qu'elle soit mieux définie. Il faudrait d'autre part demander l'opinion du CSEMDC, et tenir compte de l'opinion de cet organisme en ce qui concerne ces exemptions.
De la même façon, en ce qui concerne l'exemption à l'alinéa 36(4), qui touche les espèces menacées, il est arrivé que même les chercheurs chargés d'étudier une espèce lui causent un certain stress. Nous en avons des exemples.
Par conséquent, il faudrait resserrer tout ce passage. Seuls des gens hautement qualifiés devraient être autorisés à s'occuper directement d'une créature aussi rare qu'une espèce menacée. J'aimerais que l'article 36 soit beaucoup plus détaillé.
Le président: Merci.
M. Scudder: Puis-je répondre à la question relative aux autres populations, ailleurs, qui sont également menacées?
Cette loi est destinée aux espèces en difficulté. Il faudrait s'occuper quelque part des espèces avant qu'elles ne se trouvent dans cette situation, parce qu'en fait, cette loi constitue un dernier recours.
Quant à la préservation de l'habitat et du paysage, d'après la Commission Brundtland, à l'heure actuelle, en Colombie-Britannique, on devrait mettre de côté 12 p. 100 du territoire pour réussir à tout sauver. Cette proportion de 12 p. 100 n'est pas un chiffre scientifique. En fait, c'est un chiffre qu'on a cité au hasard pendant les discussions à la Commission Brundtland. On avait demandé à Jeffrey McNeely quelle proportion du territoire devrait être réservée, et c'est le chiffre qu'il a sorti. Il a dit: «Oh, trois fois plus qu'à l'heure actuelle». Quelqu'un a fait le calcul, et cela a donné 12 p. 100. C'est loin d'être un paysage suffisant pour sauver quoi que ce soit.
En fait, il faut insister beaucoup plus sur la préservation de l'habitat, sur l'échelle du paysage dans tout le pays, et cela, indépendamment de cette loi. C'est beaucoup plus important que de sauver les espèces ou de les empêcher d'être réduites à cela.
Le président: Vous faites une observation importante.
Pour l'instant, nous devons nous contenter d'étudier ce dont nous sommes saisis. Peut-être pourrait-on faire quelque chose sur le plan préventif en ajoutant un amendement. Si l'inspiration vous vient, si vous avez un énoncé à nous proposer, n'hésitez pas à nous l'envoyer. L'étude de cette mesure avance très vite, et il faudra attendre de nombreuses années avant que l'occasion ne se représente. Vous auriez donc intérêt à nous envoyer le fruit de vos réflexions et à nous proposer un amendement.
Encore une fois, nous vous remercions tous pour votre contribution, pour la documentation, les mémoires et les réponses que vous nous avez apportées. Tout cela nous est très utile.
Voilà qui termine notre séance du matin. Les membres du comité vont rester dans la pièce pour rencontrer les représentants d'Environnement Canada à huis clos et pour déjeuner jusqu'à 13 h 30. À ce moment-là, nous inviterons le public à revenir et nous entendrons les témoins prévus pour l'après-midi.
Merci beaucoup pour votre participation.
La séance est levée.