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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 janvier 1997

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[Traduction]

Le président: Bonjour tout le monde. Nous avons quorum, nous pouvons donc commencer.

Notre horaire est assez chargé d'ici 13 heures, où nous devrons nous ajourner pour faire nos valises et attraper notre avion. Comme vous le savez, il faut une heure pour se rendre à l'aéroport. Je vais donc devoir me montrer un peu plus strict dans l'attribution du temps, mais tout devrait bien aller.

Je suis très heureux d'accueillir notre premier témoin, l'honorable Stephen Kakfwi, ministre des Ressources renouvelables des Territoires du Nord-Ouest. Vous saurez sûrement nous présenter une analyse intéressante du projet de loi, dans sa forme actuelle. Vous aurez 15 minutes pour ce faire; après les 10 premières minutes, je vous ferai un petit signe vous indiquant qu'il vous reste le tiers du temps, après quoi, nous passerons aux questions. Je crois savoir que vous préférez procéder ainsi en raison de vos autres engagements. Je suppose que votre témoignage sera suivi d'interventions de vos fonctionnaires, s'ils ont quelque chose à ajouter ou si des membres du comité souhaitent leur poser d'autres questions.

Sans plus attendre, je cède la parole à monsieur Kakfwi, à qui je souhaite une fois de plus la bienvenue.

L'hon. Stephen Kakfwi (ministre des Ressources renouvelables, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest): Merci, monsieur le président.

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Je suis accompagné aujourd'hui de M. Andrew Gamble, sous-ministre des Ressources, de la Faune et du Développement économique, et de M. Ron Graf, responsable de la gestion intégrée des ressources.

Monsieur le président, je tiens à vous remercier d'avoir pris ces dispositions de dernière minute. L'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest siège actuellement, et je me dois d'y être à tous les jours, si possible; j'apprécie donc la souplesse dont vous avez fait preuve à mon égard. Je tiens à vous remercier également de l'occasion que vous me fournissez de faire connaître mon opinion sur le projet de loi intitulé Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.

Je souscris aux objectifs qui ont amené le gouvernement fédéral à réclamer des pouvoirs lui permettant de protéger les espèces en voie de disparition, mais pour l'instant, je ne suis pas en mesure de conclure que la méthode retenue, c'est-à-dire le projet de loi dans sa forme actuelle, permettra d'atteindre l'objectif qui y est énoncé.

Au cours des années, les mesures visant à améliorer la conservation des espèces en voie de disparition ont toujours été marquées au coin de la collaboration entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral. Cet engagement se reflète dans l'accord national sur la protection des espèces en péril au Canada conclu par les provinces et les territoires à Charlottetown l'an dernier. Nous souhaitons tous adopter une approche nationale à l'égard de la protection des espèces en péril afin d'empêcher que les activités humaines soient la cause de leur disparition. Nous avons accepté de participer au Conseil canadien de conservation des espèces en péril afin de coordonner nos activités. Nous avons accepté également d'adopter des lois et des programmes complémentaires assurant une protection efficace des espèces en péril.

À mon avis, le problème fondamental que présente le projet de loi déposé au Parlement est qu'il est contraire à l'esprit et à la lettre des mesures rigoureuses qu'ont adoptées l'ensemble des gouvernements, y compris le gouvernement fédéral, afin d'établir une approche de collaboration, à l'échelle nationale, pour protéger les espèces en voie de disparition. Ironiquement, les meilleures intentions exprimées ont en retour fait disparaître le meilleur des plans.

Monsieur le président, j'espère que les travaux de votre comité permettront de jumeler à nouveau les bonnes intentions et les bons plans afin que, collectivement, nous puissions continuer d'aller de l'avant pour nous assurer de réduire les risques que courent les espèces en voie de disparition. C'est, après tout, ce à quoi nous devrions consacrer nos énergies.

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest demande que le comité permanent appuie ses recommandations concernant les révisions à apporter au projet de loi C-65 sur l'ébauche d'accord national sur la protection des espèces en voie de disparition au Canada. Comme vous le savez, les termes performatifs dans cet accord sont «coordination» et «coopération».

Nous demandons également que l'article 3 du projet de loi soit révisé afin qu'on reconnaisse le rôle primordial du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dans la gestion des espèces fauniques en voie de disparition, menacées et vulnérables, au nord du 60e parallèle.

Il est également important que vous compreniez que nous ne prétendons pas que le gouvernement fédéral n'a pas de rôle à jouer dans la recherche de solutions au problème des espèces en voie de disparition dans le nord du Canada. Au contraire, nous sommes heureux de constater, et nous nous en réjouissons effectivement, qu'à l'échelle nationale, les parties disent souhaiter que le gouvernement fédéral conserve le pouvoir de s'impliquer dans la protection des espèces en voie de disparition au nord du 60e parallèle - et d'y consacrer les ressources financières nécessaires; toutefois, il faudrait que ce soit dans les cas où il est prouvé que les systèmes de gestion du Nord ne suffisent pas à contrer les menaces pesant sur les espèces en voie de disparition.

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Avant de poursuivre sur les mesures qui devraient être prises, j'aimerais vous donner un bref aperçu de la situation actuelle.

Le gouvernement du Canada a transféré au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest la responsabilité de la gestion du gibier en 1948, grâce à une modification à la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest. Le ministère des Ressources, de la Faune et du Développement économique a pour mandat de veiller à la gestion des ressources fauniques dans les Territoires du Nord-Ouest, et ce, en vertu de la Loi sur la faune des Territoires.

Au cours des cinquante dernières années, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a élaboré un programme à nul autre pareil de gestion des ressources fauniques qui répond aux besoins des peuples autochtones du Nord et qui tient compte des caractéristiques particulières du milieu nordique. La majorité de nos habitants sont des autochtones qui, à ce titre, ont certains droits, connaissances, valeurs et attentes qui doivent être intégrés à un programme de gestion de la faune. Notre gouvernement a voulu satisfaire à ces exigences en concevant et en appliquant un système qui prenne en compte tant les connaissances des autochtones que l'analyse scientifique.

Notre infrastructure décentralisée et nos mécanismes décisionnels de collaboration sont en grande partie issus de la synthèse de ces intérêts complémentaires. Le ministère des Ressources, de la Faune et du Développement économique compte des agents responsables des ressources renouvelables dans 38 collectivités, ainsi que des biologistes dans sept régions. Pour nous permettre d'exécuter notre mandat, nous comptons environ 100 personnes qui participent directement à la gestion des ressources fauniques.

Ces agents s'occupent de faire appliquer la loi, d'éduquer les gens, de renseigner le public et d'appliquer des programmes permettant d'aider les collectivités à utiliser les ressources fauniques de façon durable. Dans la plupart des cas, nous disposons d'infrastructures permettant d'appuyer notre personnel composé de gens compétents, professionnels et bien formés qui ont à coeur de relever les défis auxquels nous faisons face en matière de gestion des ressources fauniques.

L'article 3 du projet de loi prévoit que le gouvernement fédéral assumera, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, la gestion des espèces désignées par le Comité sur le statut des espèces en voie de disparition au Canada comme espèces en péril, en voie de disparition, menacées ou vulnérables.

Je vous invite donc à examiner sérieusement ce que cela signifie pour ceux d'entre nous qui sommes censés profiter de ces bonnes intentions. Cela veut dire que dans les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement reprendra le contrôle des programmes de gestion de l'ours polaire, qui est considéré comme une espèce vulnérable, du bison des bois, comme une espèce menacée, de trois populations de caribous de Peary, dont deux sont en voie de disparition et une est menacée, de l'ours grizzly, espèce vulnérable, et du carcajou, lui aussi classé dans les espèces vulnérables.

Des mesures vitales s'imposent pour assurer la protection de chacune des espèces décrites, mais nous nous y employons déjà, avec un certain succès dois-je avouer. Cette incertitude quant aux compétences de chacun est loin de nous aider. De fait, elle risque d'élargir les fossés qui nous séparent. Cela risque également d'accroître et non d'atténuer la vulnérabilité des espèces énumérées dans le projet de loi. Celui-ci, s'il est adopté dans sa forme actuelle, retire la gestion des espèces en voie de disparition au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, lequel compte 30 années d'expérience et propose un bilan remarquable dans ce domaine, pour la transférer au gouvernement du Canada.

L'article 3 renferme une disposition qui permet de retransférer la responsabilité de la gestion au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest au moment où nous adopterons une loi équivalente à la loi fédérale. Je crois que cette approche comporte des lacunes graves.

J'aimerais parler de cette loi équivalente, qui nous inquiète sous deux rapports bien précis. Elle nous confère un statut différent de celui de nos homologues provinciaux. Cependant, et plus important encore, nous croyons que cela n'est pas réellement au mieux des intérêts de la faune elle-même.

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On insiste sur le fait que les Territoires du Nord-Ouest doivent adopter une loi équivalente à la loi fédérale pour qu'ils puissent reprendre la responsabilité de la gestion de la faune. À notre avis, le terme «équivalent» est restrictif et je crois que nous divergeons d'opinion sur son sens juridique.

Que se passera-t-il si le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest décide qu'il doit adopter une loi plus sévère au lieu d'une loi équivalente? Dans le dictionnaire, on définit le terme équivalent comme égal - ni plus, ni moins. Les définitions des juristes et les opinions des avocats, je crois, pourront différer, mais le dictionnaire ramène le tout au dénominateur le plus commun, et c'est ce qu'on dit.

L'accord national sur la protection des espèces en péril au Canada prévoit que les provinces et territoires adopteront des lois complémentaires, et non équivalentes. À notre avis, une loi complémentaire serait plus acceptable parce que, outre qu'elle tiendrait compte des priorités du gouvernement fédéral, elle permettrait à chaque province et territoire de prendre en compte ses propres circonstances et objectifs. Un pays aussi diversifié que le Canada se doit de jouir d'une telle souplesse. Notre situation dans l'Arctique, par exemple, est fondamentalement différente de celle des autres régions du Canada.

Au cours des trente dernières années, nous avons très bien réussi à protéger et à gérer les espèces en péril grâce à la Loi sur la faune des Territoires du Nord-Ouest. Les pressions humaines sur la faune ne sont pas aussi grandes que dans d'autres régions du Canada et du monde. Cependant, dans l'esprit de collaboration symbolisé par l'accord, je suis disposé à concevoir d'ici deux ans un projet de loi qui viserait précisément la protection des espèces en péril. Nous entreprendrons immédiatement les travaux préparatoires avec nos partenaires de gestion.

Je tiens à préciser au comité que la loi exige qu'on consulte les conseils de gestion des ressources fauniques créés en vertu de la loi fédérale et des lois sur les revendications territoriales, et c'est là une des raisons pour lesquelles il faudra compter au moins deux ans pour élaborer le projet de loi. Au bout du compte toutefois, nous disposerons d'une excellente mesure législative, bien comprise et bien appuyée, qui sera le fruit d'une concertation et qu'adopteront d'emblée les particuliers et les collectivités dont l'existence est liée aux ressources fauniques ou en dépend.

Au cours des années, grâce à des consultations exhaustives, notre gouvernement, de concert avec les collectivités, a élaboré et appliqué des programmes de protection et de gestion de la faune qui ont été très efficaces et qui, en fait, ont été reconnus et acclamés à l'échelle internationale. Permettez-moi de vous citer quelques exemples de notre succès dans la gestion de plusieurs espèces en péril pour vous montrer ce que nous faisons, nous qui avons toujours accordé la priorité aux espèces en voie de disparition.

En 1984, nous avons mis de l'avant un plan de gestion des ours polaires, qui tenait compte des connaissances traditionnelles des peuples autochtones et des collectivités locales. Mélange de connaissances traditionnelles et de solides recherches scientifiques, le plan visait à assurer la durabilité de la ressource. Nous avons également obtenu des consensus pour nous assurer de l'engagement de tous les intéressés. Aujourd'hui, grâce à l'implication des collectivités locales et à la grande qualité de la recherche, des accords de gestion sont en place dans les 30 collectivités où l'on chasse l'ours polaire; en outre, nous avons conclu des ententes avec les organisations de chasseurs d'autres provinces. Nous avons cherché un équilibre et mis l'accent sur la protection des 12 populations d'ours polaires.

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Notre programme de gestion des ours polaires est un bon modèle de collaboration, qui a fait l'objet d'un examen attentif de la part d'autres pays qui souhaitaient l'adapter à leurs espèces et à leur réalité. En fait, nous avons reçu dernièrement un prix du Safari Club International pour la conservation de la faune. On dit ceci:

Parlons maintenant d'une autre espèce, le bison des bois. En 1963, bien avant qu'il devienne à la mode dans le Sud de s'intéresser aux espèces en voie de disparition, les Territoires du Nord-Ouest ont commencé à déployer des efforts pour assurer le rétablissement du bison des bois. Ces efforts ont été axés sur une série de plans de gestion qui ont amené l'élaboration d'un plan national de rétablissement préparé par l'équipe chargée du rétablissement du bison des bois et présidée par notre écologiste spécialiste dans le domaine.

Ce programme a permis d'épargner les sous-espèces d'une disparition presque assurée. En 1988, le bison des bois a été inscrit sur la liste des espèces «menacées». Cette amélioration de son statut a nécessité un examen scientifique de notre programme de gestion aux niveaux national et international. Aujourd'hui, notre gouvernement travaille de concert avec la première nation Deninu K'ue à des programmes de sélection sur place visant à assurer la viabilité à long terme du bison des bois exempt de maladie. Ce programme est le seul du genre au Canada. Nous misons sur le succès de mesures que, avec tout le respect que je vous dois, le gouvernement du Canada a un jour abandonnées. Nous ne voulons pas compromettre ce succès.

Les efforts constants que nous déployons pour secourir le caribou de Peary de l'île de Bathurst est un autre exemple de notre engagement à l'égard des espèces en voie de disparition. À ce titre, nous sommes heureux de collaborer avec le gouvernement fédéral dans l'atteinte d'un objectif commun. Il faut y mettre de la bonne volonté. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'adopter une loi. L'île de Bathurst connaît un troisième hiver difficile de suite. La pluie tombée au début de l'hiver a fait en sorte que les pâturages sont recouverts d'une couche de glace qui empêche le caribou de brouter. Notre gouvernement, avec l'aide de chasseurs locaux et des Forces canadiennes, a entrepris une mission de sauvetage à la fin de l'automne afin d'assurer la survie de certains géniteurs. Bien que les mauvaises conditions météorologiques nous aient empêché de terminer le travail, nous continuons de planifier des sauvetages en collaboration notamment avec le Conseil de gestion de la faune du Nunavut. Nous tenons à remercier le ministre de la Défense, M. Doug Young, d'avoir répondu rapidement à notre demande et de nous avoir assurés de son entière collaboration.

Nous effectuons actuellement des recherches avec des groupes autochtones, des organisations environnementales et des entreprises pour examiner les effets possibles des activités minières prévues dans le centre de l'Arctique sur les ours grizzly et les carcajous. Cette recherche servira à élaborer des programmes de gestion de la faune dans l'ouest du Kitikmeot et dans le nord de la région Slave où l'on assiste actuellement à d'intenses activités d'exploration et de prospection minières. Les données recueillies seront également essentielles pour évaluer les projets de développement scientifiques ou spécifiques.

C'est là, vous en conviendrez, un solide bilan, qui s'avère encore plus impressionnant quand on songe que ces programmes ont été élaborés et mis en oeuvre sans que le gouvernement fédéral nous ait reconnu quelque pouvoir que ce soit sur les terres et sur l'eau. Nous sommes, si j'ose dire, fiers d'avoir constamment outrepassé les limites des compétences pour faire ce qu'il y avait à faire.

Les programmes de gestion et de protection des espèces en péril font partie intégrante d'un programme de gestion de la faune de plusieurs millions de dollars appliqué dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous consacrons de 1 à 2 millions de dollars par année à la recherche portant directement sur les espèces dont nous discutons. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest appuie également ces programmes par le biais de l'immense infrastructure physique et administrative qu'il a mis 50 ans à établir.

Outre les ressources gouvernementales à Yellowknife, on trouve dans toutes les collectivités des Territoires du Nord-Ouest des édifices, des véhicules, de l'équipement et du personnel qui servent à protéger et à gérer la faune. J'estime qu'il faut tirer le meilleur parti possible de ces ressources, et je crois d'ailleurs que c'est ce que nous faisons.

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Je vous propose d'adopter des mesures qui permettront, grâce aux efforts de collaboration, de continuer de profiter au maximum de l'expertise et des ressources.

Les autochtones du Nord, comme vous le savez, ont toujours entretenu des liens particuliers avec la faune parce qu'elle leur permet d'assurer leur survie. La valeur qu'ils accordent aux connaissances traditionnelles et l'implication des collectivités dans notre gouvernement sont à la base des conseils communautaires et régionaux de gestion des ressources fauniques.

Les conseils sont composés de gens dont l'avenir est lié aux ressources. Ceux-ci connaissent leur collectivité et comptent sur l'appui de certains des scientifiques les plus chevronnés au monde. On jouit ainsi d'une souplesse permettant de s'adapter aux circonstances particulières des rapports entre les régions et les collectivités, de faire en sorte que les activités de gestion respectent les valeurs traditionnelles et de tenir compte des plus récentes trouvailles scientifiques.

Les membres des conseils consacrent énormément de temps et d'efforts pour assurer une gestion et une protection responsables de nos ressources fauniques. Ensemble, au fil des ans, nous avons appris à nous faire confiance et à nous respecter mutuellement, ce qui contribue considérablement au succès des programmes que nous appliquons conjointement. Les meilleures intentions du monde ne doivent pas venir rompre cet équilibre.

Monsieur le président, mes dernières observations aujourd'hui portent sur le danger que le projet de loi empiète sur les droits établis par le gouvernement fédéral dans les accords sur les revendications territoriales, même si, légalement parlant, ledit projet de loi serait assujetti aux revendications territoriales dans le Nord.

Les accords sur les revendications territoriales renferment des dispositions voulant que les droits d'exploitation des ressources fauniques des bénéficiaires soient liés aux principes de la conservation. Je crains que le projet de loi crée des principes artificiels contraires aux réalités de notre environnement et de notre mode de vie. En bout de ligne, cela risque d'enfreindre les droits dont jouissent les peuples autochtones grâce aux revendications territoriales d'exploiter les ressources fauniques et de participer aux décisions relatives à la gestion de la faune. Je pense à tout le moins que le libellé du projet de loi est ambigu et que cela pourrait entraîner des différends quant à son interprétation.

Toute loi nouvelle doit préciser clairement que les groupes ayant présenté les revendications territoriales conservent le contrôle des espèces fauniques en voie de disparition. Les habitants des Territoires du Nord-Ouest comptent sur les ressources fauniques pour assurer leur bien-être social, culturel et économique. Nous avons travaillé fort pour trouver des façons innovatrices de protéger et de gérer ces ressources dont nous continuerons longtemps d'être tributaires. Nous sommes fiers de notre héritage et de notre bilan.

Pour veiller au mieux des intérêts de la faune, nous recommandons que ce projet de loi soit révisé dans l'esprit de l'accord conclu à Charlottetown et que les habitants des Territoires du Nord-Ouest demeurent les principaux responsables de la gestion des affaires et des programmes concernant les espèces en voie de disparition, menacées et vulnérables. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait se joindre aux provinces et aux territoires pour établir des normes nationales et s'assurer de la bonne marche des programmes.

Le gouvernement fédéral, avec son expertise et ses ressources financières, a certes son mot à dire dans le débat. Les importants travaux menés au cours des dernières années par la Commission canadienne des affaires polaires et de nombreux organismes scientifiques ont démontré que les habitants du Nord font et feront face à une incertitude causée par les contaminants laissés dans l'Arctique par le gouvernement fédéral dans l'océan et l'atmosphère. Nous ne pouvons contrôler ces influences sans une aide de l'extérieur, mais nous pouvons, et c'est effectivement ce que nous faisons, prendre nos propres affaires en main pour réduire les menaces pesant sur les espèces en voie de disparition.

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En conclusion, je vous laisse sur cette pensée: après avoir fini l'étude du projet de loi, au moment où vous établirez vos recommandations, assurez-vous de ne pas mettre les ressources fauniques en péril en retirant, par une mesure arbitraire, aux habitants des Territoires du Nord-Ouest la responsabilité de leur gestion et de leur protection. Nous sommes capables de nous en charger et déterminés à le faire, comme vous le constaterez clairement dans les témoignages que vous allez entendre.

Je vous demande d'essayer de faire en sorte que nous ne soyons pas empêchés de faire ce que nous faisons actuellement, que l'on ne nous détourne pas de ce que je crois être la bonne voie à suivre.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Kakfwi. Je peux vous assurer que le comité fera, comme vous l'avez dit dans vos observations préliminaires, tout en son pouvoir pour marier bonnes intentions et plans judicieux. Nous comprenons ce que vous voulez dire par là. Vous pouvez être assuré que nous tenterons de faire tout ce qui est possible.

J'ai le devoir de signaler pour les fins du compte rendu une lettre que je viens tout juste de recevoir de M. Jack Anawak, dans laquelle il dit ne pas être en mesure d'assister aux audiences d'aujourd'hui parce qu'il a été retenu par un gros accident de la circulation alors qu'il se rendait à l'aéroport hier et qu'il a manqué son avion. Il se dit désolé de ne pas être là et me demande de faire part de ses regrets aux témoins du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et à tous les participants.

Sans plus attendre, nous allons commencer la période des questions avec M. Forseth, suivi de M. Steckle.

Monsieur Forseth, vous avez la parole pour une série de brèves questions.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): Avez-vous un exemplaire du projet de loi sous la main?

M. Kakfwi: Oui.

M. Forseth: Pourriez-vous aller à la page 5, parce que j'ai cru comprendre que l'article 3 vous préoccupait beaucoup. Avez-vous un libellé précis à proposer qui améliorerait le projet de loi? Vous avez parlé en général de vos inquiétudes, mais pouvez-vous être plus direct et même préciser comment une partie de l'article pourrait être formulée de façon à apaiser vos craintes?

M. Kakfwi: Monsieur le président, d'après ce que je comprends, les fonctionnaires provinciaux, territoriaux et fédéraux travaillent à la rédaction de ce projet de loi depuis quelques années. Jusqu'au printemps dernier, nous estimions avoir un libellé qui reflétait les engagements pris par tous les ministres signataires de l'accord. Nous avons dû adopter ce que nous considérions être une approche complémentaire, coordonnée et marquée au coin de la collaboration à l'égard du projet de loi, ce qui a permis au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest de continuer de jouer un rôle de premier plan dans la protection des espèces en voie de disparition, et au gouvernement fédéral de s'impliquer s'il estimait que nous faisions fausse route.

Le libellé traduit donc les préoccupations des fonctionnaires. Je crois savoir que le libellé de cette disposition a été modifié pour dire que le gouvernement fédéral aura, fondamentalement, compétence sur toutes les terres publiques. Comme vous le savez, dans les Territoires du Nord-Ouest, l'ensemble du territoire, qui fait environ 1,5 million de milles carrés, est considéré comme terre publique.

Alors, que ce soit évident ou non, le gouvernement fédéral, par ce projet de loi, retirera à notre gouvernement la compétence qu'il détient actuellement.

Le libellé précis qui figure dans le projet de loi a été formulé par les fonctionnaires. Il en a toujours été ainsi.

M. Forseth: Je croyais que la mesure législative tenait compte de la réalité actuelle au sens juridique. Il peut y avoir des accords, mais sur le plan constitutionnel, le projet de loi traduit la situation telle qu'elle est.

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M. Kakfwi: Je ne doute aucunement que les rédacteurs des projets de loi soient animés des meilleures intentions, mais ils doivent composer avec les ressources dont ils disposent; il arrive qu'on oublie des choses quand on essaie d'adopter une approche globale dans un pays aussi vaste et aussi diversifié que le Canada. Le fait est que par l'intermédiaire du premier ministre, le gouvernement du Canada s'est engagé à prendre toutes les mesures possibles pour continuer de transférer ses responsabilités au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. La réalité a été passablement différente, bien que les politiques aient continué de prendre des engagements au cours des deux dernières années.

Le projet de loi est tout à fait contraire à l'engagement du premier ministre. Que ce soit par inadvertance ou non - et je ne crois pas que cela ait été volontaire - le gouvernement fédéral reprendra le contrôle de la gestion des espèces en voie de disparition dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon.

Nous nous inquiétons ici qu'on laisse entendre que les Territoires du Nord-Ouest n'ont pas la compétence voulue dans le domaine. Au mieux, même si nous faisons un bon travail, certaines personnes ne le voient pas. Nous essayons donc de vous donner certains exemples de la vigueur de notre engagement à l'égard de la gestion de la faune dans le Nord. Nous attirons l'attention sur cet article, parce qu'il nous crée des difficultés.

Premièrement, nous savons faire un bon travail et tenons à vous le dire. Nous voulons que vous vous en rendiez compte et que vous nous félicitiez, mais aussi que vous nous appuyiez en nous permettant de continuer. Si vous estimez que cela est nécessaire sur le plan politique, alors nous serons d'accord. Il devrait toujours y avoir un moyen de ramener à l'ordre un gouvernement négligent ou faible. Si dans l'avenir, pour une raison quelconque, nous ne sommes pas en mesure de satisfaire aux attentes du gouvernement fédéral, il devrait y avoir alors un article dans le projet de loi précisant que le gouvernement fédéral se réserve le droit d'assumer la compétence. Nous sommes tout à fait d'accord là- dessus.

M. Forseth: Très bien.

Le président: Monsieur Steckle.

M. Steckle (Huron - Bruce): Je dois dire au groupe de témoins, et plus particulièrement à monsieur le ministre, que j'ai trouvé votre exposé très intéressant. Le témoignage que vous nous avez présenté ce matin a été donné dans un esprit de recherche de coordination et de collaboration. Je crois que c'est également là l'objectif ultime que vise le comité dans ses travaux.

J'aimerais que, pour le bénéfice de..., vous preniez l'ours polaire comme exemple et nous parliez de sa situation il y a dix ans et de sa situation actuelle, en précisant si l'on peut espérer une amélioration de son statut. Au cours des derniers jours, dans les témoignages des divers intervenants, nous avons entendu parler de «connaissances traditionnelles» par opposition à recherche scientifique. Estimez-vous être en conflit par rapport à la situation actuelle? Arrivez-vous à la même conclusion quant aux chiffres et aux pratiques de gestion? Les deux parties en viennent-elles aux mêmes conclusions ou y a-t-il parfois des divergences d'opinion entre ceux qui voient la réalité sous l'angle des connaissances traditionnelles et ceux qui l'abordent en scientifiques?

Ce sont là deux choses qui me préoccupent personnellement. J'estime que les connaissances traditionnelles ont beaucoup de valeur. Je le crois personnellement. J'aimerais simplement entendre vos commentaires là-dessus.

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M. Kakfwi: Notre approche à l'égard de la gestion de la faune repose sur le principe de collaboration et sur le fait que les gens qui dépendent le plus des ressources fauniques sont ceux qui cohabitent depuis le plus longtemps avec les espèces fauniques, ceux qui ont le plus de connaissances pertinentes au niveau local. Les valeurs auxquelles sont attachés les gens tributaires des ressources fauniques aux niveaux culturel, linguistique et spirituel doivent faire partie intégrante de toute décision concernant l'utilisation des espèces.

Bien sûr, il y a des différences, mais nous tenons compte du fait que nous nous sommes engagés en tant qu'équipe, et nous apportons notre expertise de gouvernement; nous faisons preuve d'ouverture d'esprit, nous sommes prêts à respecter les valeurs, les traditions et les connaissances des membres des collectivités. On constate une volonté de surmonter les conflits et de trouver des plans et des stratégies de gestion permettant de progresser.

À vrai dire, on évite toujours l'impasse, qui forcerait à adopter des mesures radicales. Il y a toujours une solution au problème. Tout notre gouvernement repose sur ce principe. Comme vous le savez, nous n'avons pas de système de parti. Nous fonctionnons par consensus. Notre gouvernement compte huit ministres, et la majorité des membres de l'Assemblée législative... certaines mesures nécessitent l'approbation de toute l'Assemblée législative. Nous n'avons pas de majorité qui nous permet de faire des choses que les autres gouvernements font, donc, dans le Nord, tout est fonction de ce système.

Merci.

M. Steckle: Pourriez-vous nous dire ce qui advient de l'ours polaire, de sa situation, par exemple? Songe-t-on à améliorer bientôt son statut? Où en est-on? Vous pourriez utiliser un autre exemple, le carcajou peut-être; l'ours polaire est le premier animal qui m'est venu à l'esprit.

M. Kakfwi: M. Graf va répondre à la question.

M. Ron Graf (responsable, gestion des ressources intégrées, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest): De façon générale, l'ours polaire est classé dans la catégorie des espèces vulnérables parce que c'est un prédateur en bout de chaîne, et non pas parce que les populations d'ours polaires éprouvent des difficultés à cause des activités humaines.

Les quotas établis pour les ours polaires visent à assurer la pérennité de cette espèce. Les modèles que nous avons utilisés pour établir les pourcentages étaient le résultat de longues années de travail avec des scientifiques internationaux.

Les modes de gestion de l'ours polaire que nous utilisons actuellement ont évolué au cours des 20 dernières années. Nous n'utilisons plus les plans de gestion qui ont été établis à Yellowknife et à Edmonton, si bien qu'aujourd'hui, toutes les collectivités où l'on chasse une population précise d'ours polaires - et il peut y en avoir de deux à huit - s'assoient à la même table, réunissent leurs meilleurs chasseurs et leurs gens les plus compétents, et avec nos scientifiques, élaborent un plan de gestion uniquement pour cette population.

Les accords sont signés par la collectivité, les associations de chasseurs et de trappeurs, les conseils régionaux et le gouvernement. Ils sont revus tous les cinq ans. Nous avons commencé à procéder ainsi à la fin des années 1980, et c'est grâce à ce processus, je crois, que nous avons pu faire un bon bout de chemin. En réalité, c'est le processus qu'ont mis en branle quelques-uns de ces messieurs qui m'accompagnent aujourd'hui, avec les peuples autochtones en Alaska. C'est là un élément important qu'a retenu le gouvernement américain dans son étude de notre programme sur les ours polaires à cause de la possibilité que des peaux soient exportées aux États-Unis.

Je crois qu'il s'agit d'un des processus les plus efficaces pour marier les connaissances scientifiques et traditionnelles - avec les conseils de gestion des ressources.

Le président: Merci.

Madame Kraft Sloan, secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement.

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Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Merci beaucoup.

Monsieur le Ministre, vous méritez des félicitations pour vos efforts de conservation dans le Nord et pour la façon dont vous dirigez votre portefeuille. Certains membres du comité ont eu la possibilité d'assister à des réunions dans les locaux de votre assemblée législative. L'édifice est très impressionnant, mais il est tout aussi impressionnant de voir comment la salle est disposée. On a aménagé les places en cercle, contrairement au Parlement du Canada, où l'aménagement est source de nombreux affrontements. Cependant, les membres des partis de l'opposition qui siègent à ce comité travaillent dans un très bon esprit de collaboration.

Nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Nous vous remercions beaucoup de la façon dont vous avez présenté votre mémoire ce matin.

Je voudrais passer à la page 7 de votre mémoire, au sujet de la question entourant les accords sur les revendications territoriales. Vous avez parlé de certaines ambiguïtés ou incongruités. Je me demande si vous pourriez peut-être donner quelques exemples au comité. Si vous avez des opinions sur les recommandations permettant de régler les problèmes, j'aimerais beaucoup les entendre.

M. Kakfwi: Lorsque le gouvernement fédéral a négocié les accords sur les revendications territoriales, plus particulièrement dans les Territoires du Nord-Ouest, les peuples autochtones ont beaucoup insisté sur leur volonté d'être impliqués, de se voir garantir - au niveau constitutionnel, c'est bien à ce niveau - le droit de gérer les ressources fauniques.

Bien que les conseils soient des organismes reconnus par la Constitution, que le gouvernement fédéral a en fait établis grâce aux lois reconnaissant le droit des peuples autochtones de jouer un rôle important dans la gestion de toutes les espèces, toute loi qui est rédigée, par le gouvernement fédéral ou notre gouvernement, doit être soumise à d'intenses consultations. Je crois que la consultation vise notamment à assurer aux gens qu'il n'y aura pas d'ambiguïtés, qu'il n'y aura pas de surprises plus tard, et que la mesure proposée traduit véritablement nos intentions. Si le projet de loi est rédigé en vitesse, si on ne prend pas le temps de s'assurer que les habitants des collectivités le comprennent clairement, il y aura des ambiguïtés qui risquent d'annihiler les efforts de collaboration nécessaires, efforts sur lesquels reposent les conseils.

Je pense que d'autres groupes vous ont fait part de certaines ambiguïtés également. M. Graf peut vous préciser certaines préoccupations que nous avons à l'égard du texte.

Le président: Monsieur Graf.

M. Graf: J'aimerais soulever quelques points rapidement. Je suis sûr que les autres membres des conseils de cogestion auront plus d'exemples à donner.

Plusieurs des conseils ont, en vertu de la loi, le droit d'approuver des listes d'espèces en voie de disparition. Dans le projet de loi, on ne dit pas comment cela se fera. On se pose des questions au sujet de la représentation au COSEPAC ou aux conseils, selon ce que ce sera. Les plans de rétablissement doivent être revus et approuvés par les conseils. Peut-être pourrais-je prendre une seconde pour vous parler du processus.

Si une question est soumise à l'un des principaux conseils, on l'acceptera à la réunion du conseil, on l'examinera, et on la soumettra aux organisations communautaires qui en discuteront, et qui reviendront ensuite au conseil pour prendre une décision. C'est long. Et si l'on tient compte des plans de rétablissement, des contraintes de temps, et de l'utilisation du terme «doit», on doit inclure toutes ces questions - ce sera presque impossible d'y arriver.

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Le président: C'est la fin de la ronde des questions, monsieur le Ministre. Nous vous remercions encore de votre témoignage. Nous tiendrons certainement compte de vos propos lors de nos travaux au cours des prochaines semaines. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

M. Kakfwi: Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous laisser, monsieur le président, ainsi qu'aux autres membres du comité, quelques documents supplémentaires. Nous avons des exemplaires de certaines de nos publications, comme le plan de gestion du bison des bois du Mackenzie, que nous avons fait paraître en 1983, et des publications sur les ours polaires, leur histoire et leur répartition apparente, jusqu'en 1981. Nous en avons une autre qui date de 1987 sur le plan de gestion du bison des bois du Mackenzie. Nous avons en outre des publications sur le caribou de Peary et l'exemplaire d'une entente décrivant la façon dont nous travaillons et dont nous arrivons à conclure nos ententes concernant les plans de gestion de l'ours polaire. Celle-ci porte précisément sur la population d'ours polaires du détroit de Lancaster que nous avons réalisée en 1986.

Je laisse donc de l'information supplémentaire à ceux d'entre vous qui souhaitez être davantage renseignés sur ce que nous faisons actuellement, au moment où nous en discutons. Merci.

Le président: Je l'apprécie beaucoup. Merci.

Nous accueillons maintenant MM. Larry Carpenter et Peter Clarkson. Monsieur Carpenter, auriez-vous l'obligeance de vous présenter, de même que les fonctionnaires qui vous accompagnent, après quoi vous pouvez commencer.

M. Larry Carpenter (président, Conseil inuvialuit de gestion du gibier): Merci, monsieur le président. D'abord, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Il s'agit de M. Andy Carpenter, qui est le président du Comité consultatif de la gestion de la faune des Territoires du Nord-Ouest; de M. Richard Binder, personne-ressource pour le Conseil inuvialuit de gestion du gibier, et de M. Don Dowler, qui est vice-président du Comité mixte de gestion de la pêche. J'aimerais également préciser que M. Ron Graf siège au Conseil consultatif de la gestion de la faune des Territoires du Nord-Ouest.

Pour commencer, j'aimerais remercier le comité de l'occasion qu'il nous offre de présenter notre mémoire aujourd'hui. Nous accueillons favorablement le dépôt du projet de loi fédéral concernant les espèces en voie de disparition et le rôle manifeste que des organismes comme le Service canadien de la faune ont joué dans l'élaboration de cette mesure législative.

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Il y a environ 5 000 Inuvialuit qui vivent dans six collectivités réparties autour de la mer de Beaufort et dans l'Arctique de l'Ouest. Ils ont conclu une entente territoriale globale avec le gouvernement du Canada en 1984. La Convention définitive des Inuvialuit est une entente sur les revendications territoriales protégée par la Constitution, et s'applique sur une superficie d'environ un million de kilomètres carrés de terre et d'eau dans l'Arctique de l'Ouest.

En vertu de la CDI, les ressources fauniques et l'environnement de tout ce territoire lié aux revendications sont gérées conjointement par les gouvernements du Canada et des Territoires du Nord-Ouest, le Conseil inuvialuit de gestion du gibier, lequel représente les intérêts collectifs des Inuit en matière de faune et d'environnement, et par cinq conseils mixtes de gestion - le Comité mixte de gestion de la pêche, le Conseil consultatif de la gestion de la faune pour les Territoires du Nord-Ouest, le Conseil consultatif de gestion de la faune pour le versant nord du Yukon, le Comité d'étude des répercussions environnementales et le Bureau d'examen des répercussions environnementales.

Sur leur territoire, les Inuvialuit ont des droits fonciers directs sur 80 000 kilomètres carrés de terre. Ils ont également établi toute une série de régions protégées - trois parcs nationaux, un parc territorial, cinq sanctuaires d'oiseaux de même que des formations naturelles et des zones spéciales de conservation, couvrant au total 60 000 kilomètres carrés ou 18 p. 100 de la terre émergée dans ce territoire.

La CDI prévoit un mécanisme rigoureux et exhaustif d'examen des répercussions environnementales en vue d'assurer l'exploitation ordonnée du territoire et la protection de l'environnement. Sur tout le territoire qui leur a été reconnu, les Inuit assurent une exploitation durable de leurs ressources fauniques depuis des générations. Contrairement à la grande majorité des Canadiens, la faune pour les Inuvialuit fait partie de la vie de tous les jours, de leur mode de vie et de leur culture.

Les Inuvialuit et les organismes de gestion mixte que notre entente sur les revendications territoriales a établis s'intéressent au plus haut point aux répercussions importantes et essentielles sur le projet de loi concernant les espèces en voie de disparition. En principe, nous appuyons toute loi visant à protéger les espèces en voie de disparition, mais conformément aux droits de gestion et d'exploitation établis dans la Convention définitive des Inuvialuit, nous estimons que cette mesure législative enfreindra les droits des Inuvialuit et portera atteinte à leurs intérêts de façon plus marquée que chez la plupart des autres Canadiens.

Notre principale préoccupation à l'égard du projet de loi est qu'il ne reconnaît pas suffisamment les droits de gestion et d'exploitation des Inuvialuit, ainsi que les rôles et fonctions des institutions qui ont été créées par la Convention définitive des Inuvialuit pour assurer la gestion de la faune, ce qui vient donc restreindre ces droits et les privilèges qui s'y rattachent.

Nous sommes également préoccupés par le déséquilibre entre la protection des populations d'espèces et leur habitat.

Enfin, nous craignons que ceux qui s'opposent à l'exploitation durable des ressources fauniques utilisent la loi à mauvais escient.

Les amendements que nous souhaitons voir apportés au projet de loi sur les espèces en voie de disparition au Canada que nous allons vous décrire permettent, selon nous, d'apaiser nos inquiétudes et feront de cette mesure législative un instrument utile de conservation de la faune au Canada. Au départ, nous tenons à dire que nous endossons les opinions qui vous ont été exprimées dans les mémoires du Conseil consultatif de gestion de la faune du Nunavut et de l'Inuit Tapirisat du Canada.

Le paragraphe 2(2) constitue une clause non dérogatoire concernant les droits ancestraux ou issus de traités. Nous appuyons l'inclusion de cette disposition, mais elle n'assure pas une protection adéquate des droits d'exploitation des ressources fauniques des Inuit et les accords de gestion établis dans la Convention définitive, conclue notamment pour protéger ces droits d'exploitation.

Le projet de loi accorde aux conseils de gestion des ressources fauniques un rôle qui vient restreindre les responsabilités dont ils sont chargés en vertu de la CDI. Le projet de loi n'accorde à ces organismes qu'un rôle consultatif, et seulement pour ce qui est des ententes entre le gouvernement fédéral et les gouvernements territoriaux en vertu du paragraphe 3(5) et la rédaction de plans de rétablissement en vertu de l'alinéa 39a).

La CDI confère un rôle et des responsabilités plus étendus aux Inuvialuit pour ce qui est des fonctions et des décisions concernant la faune de l'Arctique et son environnement. Le projet de loi devrait formellement prendre en compte les conseils des organismes mixtes de gestion établis en vertu de la CDI pour ce qui est de la désignation des espèces, des interdictions, ainsi que de l'élaboration et de la mise en oeuvre des plans de rétablissement.

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Les Inuvialuit ont le droit d'exploiter les ressources fauniques, tout en se conformant aux principes de la conservation et de la sécurité publique. Ce droit d'exploiter les ressources inclut le droit de vendre du gibier à d'autres Inuvialuit et de vendre les parties non comestibles du gibier à des non-Inuvialuit.

L'interdiction devrait être modifiée pour reconnaître explicitement ce droit des Inuvialuit et aux autres peuples autochtones, lequel est conféré en application des ententes sur les revendications territoriales, à l'utilisation durable des ressources vivantes. Si des dispositions concernant l'exploitation des ressources sont incluses dans un plan de rétablissement, la loi ne devrait pas interdire l'utilisation complète de l'individu d'une espèce qui est exploitée par les Inuvialuit.

En ce qui concerne la protection de l'habitat par opposition aux simples résidences, nous sommes heureux que dans sa lettre du 13 décembre 1996, l'honorable Sergio Marchi, ministre de l'Environnement, ait reconnu la nécessité d'assurer une protection suffisante des habitats dans un écosystème, laquelle permettrait la survie d'une population d'espèces. Ce besoin est reconnu depuis longtemps comme principe de base de la gestion des ressources fauniques dans la CDI.

L'article 32 restreint la destruction de l'habitat d'une espèce menacée ou en voie de disparition uniquement à sa résidence. Une telle restriction ne tient pas compte des exigences fondamentales relatives à la survie de l'espèce. Nous recommandons que l'article 32 soit élargi pour inclure l'habitat essentiel qui est jugé nécessaire à la survie de l'espèce en question.

En vertu du paragraphe 36(4), au sujet des exemptions prévues pour la possession d'un individu d'une espèce en voie de disparition ou menacée, nous proposons d'ajouter un alinéa qui inclurait explicitement les peuples autochtones ou les bénéficiaires des revendications territoriales. Bien que la clause non dérogatoire prévue à l'alinéa 36(1)b) du projet de loi prévoie une telle protection, cet ajout permettrait de clarifier les choses pour les technocrates et les personnes chargées de l'application de la loi.

Le but d'une loi sur la protection des espèces en voie de disparition ne devrait pas être d'établir une longue liste d'espèces à conserver mais bien plutôt de faciliter le rétablissement de ces espèces. La protection et la restauration de leurs habitats constituent une composante importante de ce rétablissement.

Le but ultime d'une telle loi est de rayer de la liste le plus d'espèces possible. Cela serait non seulement le signe d'un environnement sain, mais inciterait également, en les récompensant, ceux qui réussiraient à mettre en oeuvre avec succès un plan de rétablissement bien conçu. À cet égard, il est encourageant de voir que le ministère des Pêches et Océans est désigné dans le projet de loi comme étant l'un des ministères responsables de l'élaboration des plans de rétablissement.

Sur le territoire des Inuvialuit, c'est aux instances régionales que l'on devrait confier la responsabilité de concevoir et de mettre en oeuvre des plans de rétablissement, lesquels, pour être efficaces, doivent compter sur le concours des conseils de gestion des ressources fauniques, des gestionnaires des gouvernements territoriaux, et plus important encore, des exploitants mêmes.

C'est grâce aux efforts déployés par ces partenaires régionaux que l'on a réussi à concevoir des plans et des programmes de gestion pour diverses espèces, notamment le plan de gestion Inuvialuit du beluga, l'accord de gestion Inuvialuit Inupiat sur l'ours polaire, et le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine dont le succès à été reconnu à l'échelle nationale et internationale pour ses mesures favorisant la gestion des espèces et l'importante participation des gestionnaires et des utilisateurs des ressources locales.

En vertu de l'article 19 du projet de loi, toute personne peut présenter au COSEPAC une demande de désignation, de reclassification ou d'annulation de la désignation d'une espèce. Nous nous demandons si le projet de loi ne risque pas d'être invoqué pour contrevenir aux principes de l'utilisation durable, et pour faire en sorte que les organismes de défense des droits des animaux demandent des résignations ne reposant pas sur des principes écologiques solides, mais sur le principe voulant qu'aucun animal sauvage ne devrait être récolté.

Nous craignons, si cette disposition est adoptée, qu'elle soit utilisée pour miner nos intérêts légitimes et nos droits constitutionnels. De telles demandes pourraient venir drainer de façon considérable les ressources financières restreintes attribuées au COSEPAC pour ses travaux et ceux de nos propres organisations.

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Les actions de divers groupes de défense des droits des animaux ont eu des incidences sur le mode de vie des Inuit. Je pense particulièrement à l'industrie du phoque, une industrie vitale pour les Inuit, qui s'est effondrée non pas parce que la chasse était de façon telle qu'elle menaçait la survie de l'espèce, mais par suite d'une campagne concertée visant à empêcher l'exploitation durable de cette ressource. Nous ne voulons pas que ces groupes aient un nouvel outil qui serait une loi nationale sur la conservation.

Nous craignons que le CESPA autorise le COSEPAC à prendre en compte uniquement les rapports de situation sur les espèces que lui fournirait la personne qui demande une désignation. Le COSEPAC devrait compter sur les meilleures sources possibles de connaissances scientifiques et traditionnelles et devrait, si nécessaire, s'adresser à d'autres que ses propres membres pour avoir un mélange d'opinions pleinement éclairées. En outre, le COSEPAC devrait aviser les organismes de cogestion des ressources fauniques intéressées dès qu'il reçoit une demande de désignation d'une espèce qui vit en totalité ou en partie dans l'Arctique.

Bien que nous reconnaissions que le ministre devrait exercer certains pouvoirs discrétionnaires et tenir compte de critères régionaux lorsqu'il décide de la composition du COSEPAC, nous recommandons qu'au moins deux membres du Conseil proviennent de la région de l'Arctique ou aient des connaissances prouvées et de l'expérience en ce qui concerne les questions relatives à l'Arctique. Les membres des organismes de gestion mixte établis en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit comptent dix années d'expérience auprès de divers organismes. Cette expérience leur a prouvé à maintes reprises que des décisions prises sans l'apport de personnes qui connaissent la région et ses problèmes produisent en bout de ligne des résultats très peu souhaitables.

On nous a informés qu'il est possible que la liste actuelle du COSEPAC soit intégrée aux règlements qui seront pris en vertu de la loi. Pour les Inuvialuit, plusieurs espèces de stocks ou de populations qui figurent actuellement sur la liste sont assez controversées. Certaines populations désignées sur la liste, comme la baleine boréale, sont actuellement exploitées par les Inuvialuit, avec l'accord du gouvernement. Pourtant, cette espèce figure sur la liste des espèces en voie de disparition du COSEPAC. Selon le projet de loi, si la liste devait être intégrée, nous croyons comprendre que les Inuvialuit n'auraient plus le droit de chasser la baleine boréale.

Nous nous posons un certain nombre de questions concernant la possibilité d'incorporer la liste du COSEPAC. Premièrement, comment procédera-t-on? Quels critères seront établis pour inscrire une espèce sur une liste ou la radier de la liste? Ces critères seront-ils conformes aux critères actuels du COSEPAC? Il est prévu de revoir la liste des espèces tous les dix ans. La baleine boréale, par exemple, a été inscrite sur la liste en 1980, et la liste n'a pas été revue depuis. Fera-t-on l'évaluation de ces espèces avant que la liste ne soit intégrée à la loi?

Il y a beaucoup d'incertitude en ce qui concerne certaines des espèces, mais actuellement, les biologistes et les Inuvialuit qui connaissent les espèces ne s'entendent pas. L'intégration de la liste, telle qu'elle est, dans la loi constituerait une intrusion injustifiée dans des domaines que le processus de cogestion inuvialuit réussit bien à gérer. Cela serait aussi une violation directe de la CDI, qui exige que la gestion des ressources fauniques repose sur les principes de conservation afin d'empêcher la restriction arbitraire ou capricieuse des droits d'exploitation des ressources fauniques des Inuvialuit.

Nous recommandons que le comité exige un examen exhaustif, avec la participation des Inuvialuit, des espèces figurant sur la liste actuelle du COSEPAC avant qu'elle ne soit intégrée à la loi.

Le paragraphe 30(2) prévoit que le gouverneur en conseil doit donner avis de son intention de modifier la liste. Dans le projet de loi de l'an dernier, le gouverneur en conseil devait également donner les motifs pour lesquels ces amendements devaient être apportés, ce que l'on ne retrouve plus dans le projet de loi actuel. Nous croyons fermement que cette exigence devrait être ajoutée, car elle augmente la transparence du processus de désignation ou de radiation d'une espèce de la liste.

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Nous nous réjouissons de l'obligation établie à l'article 49 - - à savoir précisément que toute autorité responsable d'un projet soit tenue d'effectuer une évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale... La CDI prévoit un Bureau d'examen des répercussions environnementales dont le travail est parallèle aux organismes établis en vertu de l'ACEE. Nous recommandons que la disposition qui reconnaît ce rôle parallèle du Bureau inuvialuit d'examen des répercussions environnementales et les évaluations environnementales établies en vertu des ententes sur les revendications territoriales soit incluse dans l'article 49.

En conclusion, nous appuyons le projet de loi fédéral sur les espèces en voie de disparition. Cependant, le projet de loi doit être révisé pour mieux refléter les obligations juridiques, les droits et objectifs établis par la Convention définitive des Inuvialuit et d'autres ententes sur les revendications territoriales dans le Nord. Sans ces changements, la mesure législative risque fort d'être mal comprise ou mal interprétée par ceux qui seront chargés de l'appliquer ou de la mettre en oeuvre.

L'un des grands objectifs de la CDI et des autres ententes sur les revendications territoriales dans le nord du Canada est d'accroître la collaboration en matière de gestion de l'environnement et de la faune. Le projet de loi doit mieux refléter cet objectif et les exigences juridiques qui le sous-tendent.

Je tiens à remercier le comité de nous avoir entendus aujourd'hui. Nous vous présenterons des commentaires écrits détaillés la semaine prochaine.

Merci encore.

Le président: Merci, monsieur Carpenter. Vos observations ont été très intéressantes. Nous allons certainement en tenir compte et les analyser au moment opportun.

Monsieur Clarkson, c'est à vous.

M. Peter Clarkson (directeur général, Conseil des ressources renouvelables gwich'in): Merci, monsieur le président, bonjour tout le monde.

Le Conseil des ressources renouvelables gwich'in est un autre conseil de cogestion situé dans les Territoires du Nord-Ouest. Le président du Conseil, M. Robert Charlie, est désolé de ne pouvoir être ici pour faire lui-même cet exposé. Cependant, des engagements professionnels et familiaux l'ont empêché de se rendre à Edmonton pour présenter les observations du Conseil.

Permettez-moi d'abord de remercier le comité permanent de la possibilité qu'il nous offre de lui faire part de certains renseignements au cours de ses audiences. Je tiens également à remercier le ministère de l'Environnement et le Service canadien de la faune pour le rôle précis qu'ils ont joué à l'égard du projet de loi, pour la somme de travail qu'ils y ont consacré et le temps qu'ils ont passé à consulter les divers groupes.

Le Conseil des ressources renouvelables gwich'in a été le premier conseil au Canada à être consulté au sujet du projet de loi... en janvier 1995, à Aklavik. À ce moment-là, le personnel avait dit que la ministre de l'époque, Mme Copps, voulait faire adopter le projet de loi dans les six mois. Le conseil s'était dit: «Bonne chance». Grâce au bon sens des gens, nous sommes ici deux ans plus tard à discuter des améliorations à apporter à ce projet de loi.

J'aimerais vous donner quelques renseignements sur le Conseil des ressources renouvelables gwich'in et sur la région dans laquelle ils vivent, c'est-à-dire celle qui se trouve autour des collectivités d'Inuvik, Fort McPherson, Aklavik et Tsiigehtchic, ce que l'on appelait avant la rivière Arctic Red. Cette région se situe le long du Mackenzie et du delta du Mackenzie, tout juste au sud de nos voisins, les Inuvialuit.

Le Conseil des ressources renouvelables gwich'in, créé après l'adoption de l'entente sur les revendications territoriales globales des Gwich'in, a été établi de façon telle que les peuples autochtones de la région des Gwich'in puissent siéger au Conseil avec les ministères associés qui avaient le mandat d'assurer la gestion des ressources renouvelables. Ce conseil de cogestion permet aux peuples autochtones d'avoir leur mot à dire à propos de la gestion des ressources sur lesquelles ils comptent depuis des siècles. Ainsi, on a institué un système de gestion marqué au coin de la collaboration qui, comme nous l'avons constaté dans tous les territoires, est efficace et continuera de l'être à la condition d'être intégré et reconnu, à la condition également que les conseils soient investis des pouvoirs adéquats conférés par des lois comme celle que notre comité étudie actuellement.

Plus précisément, dans la loi concernant les revendications territoriales, le Conseil des ressources renouvelables gwich'in se voit accorder le pouvoir:

(i) l'exploitation des ressources fauniques par une personne, peu importe sa catégorie;

- ce qui inclut les Gwich'in et les non-Gwich'in -

c) d'approuver des plans de gestion et de protection d'espèces fauniques précises, y compris les espèces transplantées et en voie de disparition, plus précisément les habitats dont les zones de conservation, les parcs territoriaux et nationaux;

d) d'approuver la désignation des zones de conservation et d'espèces en voie de disparition.

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Ce sont ces dispositions et les pouvoirs contenus dans la loi sur les revendications territoriales qui donnent au Conseil le pouvoir de jouer un rôle important dans l'adoption d'une mesure législative comme la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada.

Bien que le Conseil des ressources renouvelables gwich'in appuie les efforts du gouvernement fédéral pour faire adopter une loi sur les espèces en voie de disparition, nous estimons que le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne reflète pas véritablement l'esprit de cogestion et ne reconnaît pas les pouvoirs qui ont été conférés en vertu de la loi sur les revendications territoriales - non pas seulement ceux de notre loi, mais ceux d'autres lois dans tous les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon.

Je ne veux pas prendre trop de votre temps, mais je veux clarifier certaines choses, ce que nous avons fait... Nous avons exprimé douze grandes préoccupations à l'égard du projet de loi, mais je ne vais pas toutes les aborder. Vous pouvez consulter le mémoire et les lire vous-mêmes. Ce que j'aimerais faire, c'est en aborder quelques-unes. Nous les avons énoncées dans le même ordre que les dispositions correspondantes du projet de loi C-65. Nous avons donné l'article que nous estimons faire problème, et nous avons aussi recommandé une solution à cette disposition de sorte que lorsque les membres du comité étudieront le projet de loi article par article, nous ayons des recommandations précises qui les aideront à améliorer le projet de loi actuel.

D'abord la première, la responsabilité de la conservation de la faune au Canada, partagée par divers paliers de gouvernement. Il est important que nous travaillions ensemble à cet égard. Il est vrai que la responsabilité est partagée par divers paliers de gouvernement, mais dans les régions visées par les revendications territoriales, cette responsabilité est également partagée par les conseils de cogestion. C'est cette différence qui, à notre avis, doit être reconnue dès le départ dans le préambule.

Nous recommandons que cette disposition soit reformulée afin que la responsabilité de la conservation de la faune au Canada soit partagée par les divers paliers de gouvernements canadiens, y compris les conseils autochtones de cogestion des revendications territoriales. Il est important de travailler ensemble à cet égard. L'inclusion de cette disposition reconnaîtra cette responsabilité, tel que précisé dans les accords sur les revendications territoriales.

Nous passons à la troisième préoccupation, les droits ancestraux et issus de traités: nous croyons que le projet de loi reconnaît ces droits, mais qu'il doit être renforcé de deux façons. Premièrement, en ajoutant, au paragraphe de la page 5, «y compris les ententes actuelles sur les revendications territoriales et les pouvoirs décisionnels des conseils de cogestion.»

Nous aimerions également ajouter une disposition supplémentaire que l'on retrouve dans un autre projet de loi, le projet de loi C-80, Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. On dit ceci:

2(a) En cas de non-conformité ou de conflit entre la présente loi et une entente sur les revendications territoriales ou une loi d'application, l'accord sur la loi d'application a préséance sur la présente.

Si cette disposition précise était dans le projet de loi, tous les groupes chargés des revendications territoriales se sentiraient beaucoup plus à l'aise. On viendrait également dire aux divers organismes gouvernementaux et au public que les conseils de cogestion des revendications territoriales jouent effectivement un rôle dans la gestion des ressources fauniques dans tout le nord du Canada.

L'une de nos principales préoccupations est la quatrième, soit la non-application de dispositions dans les territoires, y compris les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. CommeM. Kakfwi l'a dit ce matin, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest - plus précisément le ministère des Ressources, de la Faune et du Développement économique - fait un bon travail pour ce qui est de la gestion de la faune dans les Territoires du Nord-Ouest. Le Ministère participe aux accords de cogestion et agit de bonne foi dans ce partenariat et dans la cogestion. Nous recommandons que le Ministère du GTNO conserve ce pouvoir, ce mandat et cette compétence dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon.

Je crois que cela place les conseils dans une position très intéressante. Comme les conseils ont le pouvoir d'approuver la désignation d'une espèce sur une liste, si cette disposition demeure dans le projet de loi - selon laquelle les autorités perdraient ce mandat - les conseils devraient faire des compromis. Ils devraient décider soit d'approuver la liste d'une espèce et en un sens, la menacer encore davantage en en confiant la gestion au gouvernement fédéral - Environnement Canada - soit ne pas approuver la désignation sur la liste et de travailler étroitement avec le GTNO pour s'assurer que l'espèce est protégée et qu'elle est rayée de la liste.

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Comme le Conseil a le pouvoir d'approuver la liste, il se verrait forcé de faire des compromis. Nous aimerions éviter pareille situation. Donc, nous recommandons que le GTNO se voit confier la même responsabilité que les gouvernements provinciaux en matière de gestion des espèces en péril, et soit encouragé à adopter une loi comparable dans, disons, cinq ans. M. Kakfwi a dit ce matin qu'il adopterait cette loi d'ici à deux ans. En outre, si le GTNO devait conserver cette responsabilité, il ne la perdrait que lorsqu'Environnement Canada pourrait faire la preuve qu'il ne fait pas un bon travail de protection des espèces en voie de disparition.

Notre cinquième préoccupation porte sur l'application du mécanisme de «consultation» prévu à la page 6. Cette disposition prévoit ceci:

Là encore, nous tenons simplement à signaler que l'accord sur les revendications territoriales précise que le ministre doit obtenir l'approbation du Conseil de gestion des ressources fauniques intéressé. Il y a donc conflit entre les ententes actuelles sur les revendications territoriales et le projet de loi, lacune qui devrait être corrigée. Il en va de même pour la cessation d'une entente. Le ministre doit non seulement consulter les conseils, mais il doit obtenir l'approbation du conseil parce qu'il s'agit d'apporter un changement au plan de gestion.

En ce qui concerne la prévention et le rétablissement, l'article 5, à la page 7, dit ceci:

Nous avons plusieurs recommandations et préoccupations concernant le Conseil canadien de conservation des espèces en péril et le COSEPAC. Ces préoccupations découlent principalement du fait qu'il y a un conflit dans le mandat. Si le COSEPAC se voit conférer le pouvoir de désigner une espèce faunique comme espèce en voie de disparition, d'inscrire une espèce sur la liste des espèces fauniques en péril, et d'établir les plans de rétablissement, les mêmes responsabilités ou les mêmes pouvoirs devraient être accordés aux conseils de cogestion. Nous aimerions que cette disposition soit renforcée afin qu'il soit possible d'être membre du Conseil et du COSEPAC, afin que nous puissions travailler ensemble. À cet égard, nous appuyons les amendements au projet de loi qui ont été recommandés par le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Le Conseil a soulevé plusieurs préoccupations que nous avons en général reprises.

En outre, en ce qui concerne le COSEPAC, nous croyons que les connaissances traditionnelles et les connaissances scientifiques devraient être incluses, et non les connaissances scientifiques ou les connaissances traditionnelles. Là encore, ce n'est pas qu'il y a conflit ou que les deux sont contradictoires. Nous estimons que dans la plupart des cas, elles vont très bien ensemble et qu'elles devraient être toutes les deux incluses. Et à nouveau au sujet de cette disposition, les connaissances locales ou traditionnelles ont tendance à être très spécifiques à un endroit, si bien que le ministre devrait avoir la souplesse nécessaire pour effectuer une rotation et désigner des membres de cette région au COSEPAC afin de nous assurer que les connaissances traditionnelles locales soient incluses.

Notre neuvième préoccupation porte sur l'interdiction des dommages à une résidence ou à la destruction d'une résidence. Comme M. Carpenter l'a précisé, la protection de la résidence que prévoit l'article 32 n'est pas suffisante:

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Il est très difficile de déterminer l'habitat d'un troupeau de caribous. Il s'agit soit de l'endroit où ils mettent bas, de l'endroit où ils se nourrissent durant l'hiver, ou des endroits où ils séjournent pour être à l'abri des parasites sur la Côte nord durant l'été. Il n'existe pas d'habitat précis, mais bien plusieurs habitats critiques. Si ces habitats ne sont pas protégés lorsqu'il s'agit d'une espèce menacée ou en voie de disparition, cette espèce n'est pas protégée.

Nous aimerions également que, dans d'autres parties du projet de loi où il est question d'habitat, on prenne en considération l'habitat critique. À la lecture du projet de loi, on a l'impression que ces animaux vivent dans des petites maisons en rangée ou quelque chose du genre, ce qui n'est certainement pas le cas.

Le onzième point qui nous préoccupe concerne les ententes et les permis. Là encore, dans le projet de loi, c'est le ministre qui a l'autorité. Nous aimerions simplement modifier l'article en question de la façon suivante: «sous réserve des dispositions des ententes sur les revendications territoriales qui s'appliquent, le ministre responsable peut conclure une entente avec une personne»; et il en serait de même pour toute mesure prise en matière de protection.

En conclusion, le Conseil des ressources renouvelables gwich'in (CRRG) appuie l'élaboration d'une loi sur les espèces en voie de disparition; toutefois, il faudrait modifier la version actuelle afin de garantir aux conseils de cogestion des ressources fauniques, issus des ententes sur les revendications territoriales autochtones, la reconnaissance et les pouvoirs qui leur reviennent. Le CRRG, tout comme les autres conseils de cogestion du Nord, est résolu à s'acquitter de ses responsabilités en matière de protection des espèces naturelles dans le Nord canadien. Dans tous les cas, la moitié des membres de ces comités sont des Autochtones. Ces personnes aiment la collectivité et la plupart d'entre elles occupent un autre emploi, mais elles ont toutes des liens avec le territoire, tout comme leur famille, et elles ont toujours vécu dans le Nord. Il s'agit donc là d'un profond attachement. Nous estimons que compte tenu des connaissances et des capacités de gestion que possèdent les divers ministères intéressés, on devrait donner aux conseils de cogestion des revendications territoriales la reconnaissance qui leur revient.

Je vous remercie de votre temps et de votre attention. Nous souhaitons que des améliorations soient apportées à ce projet de loi parce que nous estimons réellement qu'il est important. Nous sommes disposés à travailler de concert avec le comité et le Ministère pour apporter ces modifications. Je vous remercie.

Le président: Très bien. Les deux présentations étaient excellentes et très utiles. Passons maintenant aux questions.

Monsieur Steckle.

M. Steckle: Je pense que la façon dont vous nous avez présenté votre rapport et votre communication ce matin a été très utile parce que vous avez non seulement formulé des commentaires, mais également recommandé les amendements que vous aimeriez voir apporter au projet de loi. Ces recommandations seront très utiles lorsque nous examinerons le projet loi article par article et que nous apporterons les modifications que nous jugeons nécessaires.

Le président: Madame Kraft Sloan, s'il vous plaît.

Mme Kraft Sloan: Je veux vous féliciter tous deux pour vos exposés. Ils sont excellents et nous seront très utiles.

À propos de l'objet de la loi, vous avez recommandé d'ajouter les termes «menacées et en voie de disparition», pensez-vous que cette modification touchera d'autres articles du projet de loi, sur les plans de rétablissement et sur les mesures concernant les espèces vulnérables?

M. Clarkson: Si cela les touche, à notre avis, ce sera de façon positive, car il sera plus facile de prévenir une situation susceptible de poser un problème. Il est certain que si on avait dit aux Terre-Neuviens, il y a dix ans, que leurs populations de morue étaient menacées et qu'ils devraient diminuer leur exploitation, ils l'apprécieraient aujourd'hui. À notre avis, c'est la même chose pour les autres espèces. Il serait préférable que nous puissions, avec l'aide des conseils de cogestion et des organismes, empêcher que la situation ne se détériore au point que nous serions obligés de mettre en oeuvre des plans de rétablissement massifs et d'investir beaucoup d'argent pour essayer de capturer les animaux afin de favoriser la reproduction - une forme de gestion très coûteuse. Avec les restrictions budgétaires que nous connaissons actuellement, nous voudrions éviter cela. Si nous pouvons agir plus tôt, la situation sera beaucoup plus facile à gérer et beaucoup moins coûteuse.

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Mme Kraft Sloan: Y a-t-il d'autres commentaires à propos de cette question?

Étant donné que nous avons reçu des mémoires de certains groupes de l'industrie et de propriétaires terriens privés qui sont très préoccupés par les différents aspects de la loi, pensez-vous que si nous ajoutions le terme «vulnérable» dans la catégorie visée par les plans de rétablissement et la mise en oeuvre, cela accroîtrait leur anxiété? Avez-vous une idée là-dessus?

M. Clarkson: À mon avis, cette modification pourrait les faire réagir de deux façons. Ils pourraient être plus inquiets s'ils n'y avaient pas réellement pensé, mais ils pourraient également être moins inquiets parce que lorsqu'on s'occupe des espèces vulnérables ou menacées, on a beaucoup plus d'options sur le plan de la gestion et de l'assouplissement. Lorsqu'on en arrive au stade de la disparition, il ne reste pas beaucoup de choix en matière de gestion. On doit pratiquement tout arrêter. La marge de manoeuvre est moins grande.

Lorsqu'on décèle les problèmes au tout début, on a beaucoup plus de choix en matière de gestion et de mesures d'atténuation. Les entreprises pourraient poursuivre leurs activités pendant certaines périodes de l'année qui ne sont pas critiques. Elles pourraient modifier leur calendrier de travail et faire de légères adaptations selon les régions. Il est bien plus facile de s'occuper d'une population qui est importante. Par ailleurs, les gens consentiraient alors plus volontiers à permettre des activités d'expansion qu'ils ne le feraient lorsqu'une espèce ne compte plus qu'une cinquantaine de membres. Personne ne tolère quoi que ce soit à ce moment-là.

Mme Kraft Sloan: Pensez-vous qu'ils seraient préoccupés par le fait que nous augmentons le nombre des espèces? Manifestement, il y aura plus d'espèces qui seront visées. Pensez-vous qu'ils croiront que les probabilités qu'ils aient de participer à un plan de rétablissement seront plus grandes?

M. Clarkson: Il faudrait que j'examine le projet de loi, mais je crois que le plan de rétablissement est prévu bien avant qu'une espèce soit en voie de disparition. Il est prévu au tout début; c'est pourquoi nous avons pensé qu'il faudrait également l'inclure dans l'objet du projet de loi. Je ne pense pas que nous ajoutons du travail supplémentaire. Il vient tout simplement compléter beaucoup d'autres articles du projet de loi.

Mme Kraft Sloan: Oui. J'imagine que si vous faites ces ajouts, vous inclurez également les espèces vulnérables.

M. Clarkson: Oui.

Mme Kraft Sloan: Bien. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Taylor.

M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis un peu inquiet à propos du conflit concernant le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) dans le processus d'établissement des listes. Vous avez tous deux parlé d'accroître le nombre de représentants du Nord, particulièrement des représentants ayant des connaissances communautaires traditionnelles et ainsi de suite. M. Carpenter a parlé d'un conflit à propos de la liste actuelle du COSEPAC et des espèces en voie de disparition dans les Territoires du Nord-Ouest.

Nous avons entendu très récemment beaucoup de commentaires sur la façon dont le processus d'établissement des listes devrait être distinct du processus politique et être strictement confié au COSEPAC.

Comme la liste actuelle donne lieu à certains conflits - cette question s'adresse à M. Carpenter, mais j'aimerais également entendre les commentaires de M. Clarkson -, pensez-vous qu'avec les changements apportés à la composition du COSEPAC, vos préoccupations à propos de la liste actuelle pourraient s'estomper et qu'en fait, la liste établie par le COSEPAC pourrait devenir le cadre opérationnel dans l'avenir, l'aspect politique étant supprimé?

M. L. Carpenter: À mon avis, cela est possible si nous avons des personnes qui connaissent la région et les différentes espèces. J'ai parlé de la baleine boréale parce que deux populations différentes de baleines boréales sont chassées. La baleine boréale de l'Arctique de l'Est, qui est considérée comme une espèce en voie de disparition, est très différente de la baleine qui nous vient de l'Arctique de l'Ouest. Il y a déjà un quota qui a été établi en Alaska pour ces baleines boréales.

Vous devez le savoir.

.1205

M. Don Dowler (vice-président, Comité mixte de gestion de la pêche): Ce quota est entre soixante et soixante-dix actuellement.

M. L. Carpenter: Nous sommes entre autres préoccupés par le fait que ces deux espèces ont été classées dans la catégorie des baleines boréales. Cela nous touche tous. Pourquoi ne pas les avoir classées dans des catégories différentes? Ce que nous voulons, c'est quelqu'un qui comprenne les différentes populations de la région. À notre avis, nos représentants du Nord, même s'ils étaient seulement deux, seraient les plus à même d'établir cette liste.

M. Taylor: Monsieur Clarkson, avez-vous des commentaires à formuler?

M. Clarkson: Oui.

Si les modifications proposées étaient apportées à la loi, lorsque viendrait le temps d'examiner une liste révisée du COSEPAC, les conseils de cogestion auraient la possibilité d'approuver quelles espèces y figureraient, ou bien, comme M. Carpenter l'a dit, de fixer des conditions supplémentaires pour qu'une population d'une région du Canada figure sur la liste, mais pas nécessairement l'ensemble de la population.

Nous devons garder à l'esprit que le public, dans certains cas, n'est pas si bien informé. Les bélugas du Saint-Laurent ne sont pas les mêmes que ceux du Mackenzie. Il y a une grande différence; notre pays est très grand. En donnant aux conseils de cogestion la place qui leur revient dans cette loi, nous pourrions faire en sorte que les droits de la population vivant dans les régions touchées par les revendications territoriales soient préservés et que cette population soit satisfaite de la liste établie.

M. Taylor: Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Carpenter, vous avez abordé l'article 32 dans votre exposé et vous avez suggéré qu'il devrait comprendre l'habitat critique. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par habitat critique, comment vous le définissez?

M. L. Carpenter: L'habitat critique ou habitat principal, pour nous, c'est en fait l'endroit où ... Je prendrai l'exemple du caribou. Les caribous vont dans un certain endroit pour mettre bas et pour élever leurs petits. À notre avis, on pourrait appeler cet endroit un habitat critique, tandis que leur habitat dans son intégralité est composé de l'ensemble des endroits où ils se trouvent. Quelques caribous, appartenant par exemple au troupeau des Bluenose, peuvent se trouver dans une région à un moment donné, mais le troupeau est dispersé dans l'ensemble de la région. Toutefois, leur habitat critique est l'endroit où ils se rendent pour mettre bas et élever leurs petits.

Le président: Diriez-vous que l'habitat critique varie d'une espèce à l'autre et d'une région à l'autre, et pensez-vous que le COSEPAC est en mesure de déterminer cela?

M. L. Carpenter: Je suis d'accord que cela diffère pour chaque espèce. Prenons, par exemple, les oies. Leur habitat est très vaste. Elles viennent du Mexique pour aller faire leurs nids dans l'île Banks. À notre avis, leur zone de nidification est leur habitat critique. Elles sont chassées tout le long de leur route du Mexique jusqu'au Canada.

Le président: Ainsi, pour ce qui est du monarque, par exemple, l'habitat critique pourrait s'étendre sur des centaines de kilomètres de distance, étant donné les besoins de cette espèce. Êtes-vous d'accord?

M. L. Carpenter: Je ne saurais vous dire.

Le président: Monsieur Clarkson, avez-vous des commentaires à formuler sur l'habitat critique?

M. Clarkson: Oui.

Quel que soit le groupe qui élabore le plan de rétablissement - le COSEPAC ou les organismes et les conseils de cogestion -, l'habitat critique peut être déterminé. Il varie d'une espèce à l'autre et selon les régions. Dans certains cas, il s'agit des zones de nidification; dans d'autres cas, il s'agit des zones où l'espèce hiverne, lorsque cette espèce est plus vulnérable aux conditions climatiques ou autres. On pourrait en arriver à régler ces détails, mais nous nous demandons tous deux si le fait de déterminer l'habitat permet de protéger les espèces.

.1210

Lorsqu'on veut protéger le premier ministre ou le président, on ne se contente pas de protéger sa demeure; on doit assurer sa protection partout où il va. C'est la même chose pour les animaux. Ils peuvent avoir leur nid dans un certain endroit, mais leur nourriture ne s'y trouve pas. Ils ont besoin d'un autre habitat qui lui aussi doit être protégé. Que cet habitat critique soit situé sur le territoire fédéral ou ailleurs, comme c'est le cas pour tous les habitants du Canada, nous devons veiller à ce que l'habitat de ces espèces menacées ou en voie de disparition soit protégé.

Le président: Je vous remercie.

Y a-t-il d'autres questions? Non?

Nous vous remercions beaucoup pour les deux rapports. Ils sont extrêmement utiles et nous allons certainement en discuter. Nous vous souhaitons un bon retour.

Nous allons suspendre les audiences du comité pour dix minutes.

Merci beaucoup.

.1211

.1233

Le président: Je demanderais à Monsieur Gibson et à Madame Francis de se présenter à la table, s'il vous plaît.

Soyez les bienvenus au comité. Qui veut parler le premier? Monsieur Gibson.

M. Dale Gibson (témoignage à titre personnel): Monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à m'adresser à vous. J'espère que mes commentaires seront très brefs parce que le sujet dont je veux parler est assez limité, en ce sens qu'on peut couvrir la question assez rapidement. Par ailleurs, ce sujet est très vaste.

Je m'appelle Dale Gibson. Je suis professeur de droit constitutionnel depuis plusieurs années. Actuellement, j'enseigne seulement à temps partiel parce que je pratique aussi le droit constitutionnel dans un cabinet qui se spécialise dans ce domaine.

.1235

J'ai écrit plusieurs ouvrages sur le thème des pouvoirs constitutionnels à l'égard de l'environnement dans un certain nombre de milieux et au cours d'une longue période. Mon dernier remonte à 1994, lorsque le Sierra Legal Defence Fund m'a demandé d'examiner dans quelle mesure le Parlement du Canada détient des pouvoirs constitutionnels dans le domaine des espèces en voie de disparition, question qui fait l'objet du projet de loi C-65. J'ai annexé une copie de cette étude à mes notes afin que le comité puisse en prendre connaissance.

Dans cette étude, j'ai relevé trois domaines de compétence constitutionnelle très importants du Parlement du Canada. Ce sont les pouvoirs bien connus relatifs à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement - qui autorisent le Parlement à s'occuper des questions d'importance nationale -, les pouvoirs relatifs à la pêche côtière et à la pêche intérieure - pouvoir environnemental très important du gouvernement du Canada - et les pouvoirs relatifs à la loi pénale, pouvoir encore plus vaste du fait qu'il couvre l'environnement et à peu près tout ce qui peut avoir des conséquences criminelles.

À mon avis, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui fait appel à ces trois sources de pouvoirs constitutionnels, mais, comme je vais le démontrer dans un instant, pas de façon aussi étendue que le permet la Constitution.

Mon étude portait également sur certains domaines plus restreints touchés par les pouvoirs constitutionnels - questions autochtones, questions agricoles, etc. - et sur les mécanismes de coopération fédérale-provinciale; toutefois, je n'aborderai pas ces thèmes aujourd'hui.

En ce qui concerne les pouvoirs constitutionnels purement fédéraux, je suis arrivé à la conclusion qu'à peu près tout ce que le Parlement du Canada estime souhaitable de faire pour protéger les espèces en voie de disparition relève de sa compétence sur le plan constitutionnel. Je sais que cet avis ne correspond pas tout à fait avec celui qu'a reçu, semble-t-il, le gouvernement du Canada de la part du ministère de la Justice. C'est une des raisons pour lesquelles je suis ici, pour dire que si le gouvernement du Canada s'appuie sur une vision étroite de ses pouvoirs constitutionnels, il existe aussi une autre version de l'histoire que je vais vous expliquer brièvement.

Les principales conclusions auxquelles je suis arrivé dans l'étude de 1994 se trouvent dans la citation du début de la page 2 de mes notes. J'aimerais vous en faire la lecture. Le texte est plutôt concis et condensé, et je veux m'assurer de n'oublier aucun point.

On pourrait alléguer sans crainte de se tromper que le Parlement du Canada détient un pouvoir suffisant, en vertu de l'aspect national de son pouvoir relatif à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement - qui comprend son pouvoir de conclure des traités -, quelle que soit l'interprétation qu'on en donne, pour exercer sa compétence sur tous les aspects de la protection des espèces en voie de disparition, à la fois directement et de façon accessoire, indépendamment de la nature des espèces ou de l'endroit où elles se trouvent. Même si cette argumentation ne devait pas tenir - car il existe un point de vue contraire à cet égard -, il est néanmoins incontestable que le gouvernement fédéral détient ce type de compétence sur tous les poissons et toutes les formes de vie aquatique, sur toutes les espèces se trouvant, au moins pour une partie de leur cycle de vie, sur une terre appartenant à l'État ou contrôlée par l'État, que ce soit au-delà des limites géographiques des provinces ou dans des réserves fédérales à l'intérieur des provinces, sur toutes les espèces qui traversent les frontières provinciales ou nationales, ou dont la survie dépend des mesures transfrontalières, sur toutes les protections enchâssées dans la loi pénale, sur les études statistiques relatives aux espèces en voie de disparition et aux questions connexes et, enfin, au moins sur certaines menaces engendrées par des activités agricoles.

.1240

Je concluais que la totalité de ces pouvoirs fédéraux est si vaste qu'elle laisse très peu de brèches, sinon aucune, dans la capacité du gouvernement du Canada d'agir de façon à protéger les espèces en voie de disparition au pays.

Depuis cette étude effectuée en 1994, un projet de loi a été déposé devant le Parlement. Lorsque j'examine le projet de loi C-65, je trouve que le gouvernement du Canada est loin d'exercer tous les pouvoirs constitutionnels qu'il détient. Deux des lacunes les plus évidentes, selon moi, sont la restriction de plusieurs des mesures fondamentales aux terres fédérales et la limitation de la protection des habitats à ce qu'on appelle couramment les résidences des espèces fauniques.

Afin de déceler ces lacunes, il m'a fallu suivre le déroulement de la rédaction de ce projet de loi, ce qui n'a pas été chose facile. C'est pourquoi aux paragraphes 7 et 8 de ma présentation, j'ai tenté de simplifier ce qui m'apparaît être les principales dispositions.

J'avoue que je n'examine pas l'ensemble de la loi ici. Je m'intéresse seulement à ce que j'appelle les dents de la loi ou les dispositions relatives aux interdictions contenues dans la loi, afin de découvrir jusqu'à quel point la portée de ces interdictions est vaste ou étroite. Ma conclusion est qu'en termes de restrictions ou d'interdictions, la loi se limite en premier lieu à un groupe d'interdictions générales qui s'appliquent sans égard aux pouvoirs discrétionnaires du Ministre. Ce sont les articles 30 à 32 et ils s'appliquent uniquement aux espèces aquatiques et aux oiseaux migrateurs protégés par des conventions, ainsi qu'à d'autres espèces se trouvant sur les terres fédérales.

Le deuxième groupe d'interdictions - dispositions discrétionnaires permettant au Ministre de prendre des règlements - peuvent s'appliquer hors des terres fédérales, mais uniquement si ces espèces, comme il est écrit dans la loi, migrent dans d'autres pays, et seulement après consultation avec les provinces. Je ne suis pas contre une consultation avec les provinces, je dis seulement que cela fait partie des restrictions. La principale restriction est manifestement la nécessité de migrer dans d'autres pays.

Le troisième point que je veux soulever concernant les restrictions de la loi relativement à l'habitat est qu'elles me semblent s'appliquer uniquement aux résidences des espèces fauniques. Alors, que reste-t-il? Au paragraphe 8, je remarque certains éléments qui semblent avoir été laissés de côté. Les interdictions générales ne s'appliquent pas aux espèces qui sont hors des terres fédérales à moins que ce soient des espèces aquatiques ou des oiseaux migrateurs protégés par une convention. Les interdictions discrétionnaires du ministre ne s'appliquent pas à ces espèces qui migrent entre les provinces, ou entre les provinces et les territoires, ou aux espèces qui ne migrent pas du tout. Les protections de l'habitat ne s'appliquent pas au-delà des dispositions relatives au lieu de résidence.

Parce que l'on m'a informé qu'il y a eu des interprétations étroites des pouvoirs constitutionnels du Parlement, je me suis demandé si ces restrictions résultaient d'une modestie indue en matière de compétence de la part du Parlement qui ne voulait pas outrepasser les pouvoirs constitutionnels qu'il détient. Si telle est la motivation qui sous-tend ces restrictions, je suis ici pour affirmer qu'à mon point de vue cette opinion est erronée.

Je démontre ces points aux paragraphes 10 et 11 de mes notes. Il serait possible de prolonger la liste des interdictions dont j'ai parlé et d'appliquer cette liste à toutes les espèces qui ont été omises, en effaçant simplement les restrictions, parce que selon moi, le pouvoir du droit pénal est amplement suffisant pour couvrir tous ces domaines. S'il subsistait un doute, quel qu'il soit, on pourrait utiliser le pouvoir lié à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement dans les cas où il existe une migration outre-frontières, qu'il s'agisse des frontières canadiennes ou des frontières internationales.

.1245

En ce qui concerne les résidences et la restriction relative à la protection des habitats aux résidences, on peut, à mon avis, sans aucune difficulté sur le plan constitutionnel, étendre la protection à tous les habitats ou, comme l'a suggéré le dernier interlocuteur, à tous les habitats critiques, en ne prenant aucun risque sur le plan constitutionnel, parce c'est un principe connu comme étant la doctrine de la compétence accessoire, qui permet au Parlement ou à une assemblée législative qui a compétence sur un sujet particulier, de faire tout ce qui est en son pouvoir pour réaliser ce pouvoir général. Si vous détenez le pouvoir de protéger une espèce, la doctrine de la compétence accessoire couvrirait manifestement le pouvoir de protéger tous les habitats critiques à la survie de ces espèces.

Monsieur le président, on retrouve ma conclusion au paragraphe 13. Le projet de loi C-65 renferme beaucoup de dispositions valides et essentielles.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse pour dire que des personnes comme moi se présentent souvent devant vous pour ne tenir que des propos négatifs. Ce n'est pas mon intention.

Ce n'est pas à moi à féliciter le Parlement pour les bons points qui se trouvent dans le texte de loi, toutefois je dois admettre qu'il y en a.

Cependant, la portée des dispositions relatives à la protection des habitats est plus limitée que moi-même et bien d'autres Canadiens l'aurions souhaité. Si cette portée restreinte résulte d'un refus de mieux protéger des espèces en voie de disparition ou d'un refus de contrarier les provinces, il ne reste plus qu'à attendre le verdict des électeurs à la prochaine élection.

Si, toutefois, le projet de loi sur la protection des espèces en voie de disparition au Canada a une portée si modeste parce que ses rédacteurs croyaient que le Parlement du Canada était contraint sur le plan constitutionnel de ne pas aller plus loin qu'il l'a fait, le gouvernement du Canada devrait rechercher un autre avis.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Gibson, il faut espérer que ce n'était vraiment qu'un excès de modestie.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Madame Francis, voulez-vous commencer?

Mme Wendy Francis (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis très heureuse d'avoir la possibilité de vous donner mon avis sur ce projet de loi très important.

Je tiens à préciser que je suis ici à titre personnel. Je suis avocate, titulaire d'une maîtrise en droit de l'environnement, mais en ce moment je ne pratique pas. Je travaille, en fait, pour un organisme de protection de l'environnement, mais je ne comparais pas ici en son nom.

Le point de vue que je vais présenter est fondé sur la conviction personnelle que le problème des espèces en voie de disparition est un des problèmes les plus préoccupants et les plus graves auxquels nous sommes confrontés dans nos efforts pour continuer à vivre sur notre planète sans en excéder les capacités biologiques. Une fois qu'une espèce a disparu, il est impossible de la faire revivre. Dans des circonstances extrêmes, il est donc justifié d'avoir des dispositions législatives rigoureuses pour la protection des espèces en voie de disparition, et cette préoccupation devrait peut-être primer sur toute autre considération. La perte d'une espèce a quelque chose d'absolument définitif.

Les éléments d'une loi efficace sur la protection des espèces en voie de disparition sont assez bien connus. Ces espèces doivent être identifiées. Chasser, tuer ou nuire à ces espèces doit être rendu illégal. Enfin, déranger ou détruire leur habitat doit également être rendu illégal.

Ce que je voudrais qu'on adopte au Canada, c'est une loi qui comprenne ces trois éléments et les applique à l'ensemble du pays. Autrement dit, ce que je voudrais, c'est que la protection des espèces en voie de disparition soit uniformément appliquée dans tout le Canada. Ce qui m'inquiète, c'est que ce projet de loi et l'accord national ne répondent précisément pas à cet objectif.

.1250

Nous allons nous retrouver avec un ensemble de mesures législatives disparates, si bien que dans certaines administrations les espèces en voie de disparition recevront une protection satisfaisante et que dans d'autres cela ne sera pas le cas. J'ai peur que l'Alberta ne fasse partie du deuxième groupe.

Dans mon mémoire j'ai brièvement examiné la question du pouvoir constitutionnel du Parlement d'adopter des lois pour la protection des espèces en voie de disparition. CommeM. Gibson a étudié la question de manière beaucoup plus approfondie, je me contenterai de dire que je suis d'accord avec lui et que je crois que le Parlement a au moins, au nom de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement, le pouvoir d'adopter une loi pour la protection des espèces en voie de disparition dans l'ensemble du Canada, quel que soit le territoire où vivent ces espèces.

Je fonde cette opinion sur les conclusions de la Cour suprême du Canada, qui a décidé que les questions relatives à l'environnement font partie des pouvoirs constitutionnels des deux ordres de gouvernement. Je la fonde aussi sur le fait que la Cour suprême a conclu que le problème de la pollution avait une importance nationale tel qu'il relevait également de la compétence du Parlement. Si la pollution est un problème si grave, on peut sûrement dire aussi que la question des espèces en voie de disparition a suffisamment d'importance sur le plan national pour qu'il soit justifié que le Parlement légifère à ce sujet.

Il apparaît que compte tenu des pouvoirs dont dispose le Parlement, la démarche adoptée à l'égard de ce projet de loi a été bien timide. J'ai bien l'impression que c'est parce qu'on a fait passer d'autres questions avant celles qui ont trait à la protection des espèces en voie de disparition, par exemple, l'harmonie entre les diverses administrations, les efforts pour éviter les contestations devant la Cour suprême, etc. Je demande instamment au comité et aux députés de faire preuve d'un peu plus de hardiesse, étant donné l'importance que revêt la protection de ces espèces. Il faudrait donner la priorité aux mesures appropriées et nécessaires.

M. Gibson a également mentionné la question des espèces migratoires que le Parlement semble avoir défendue avec fort peu de conviction. Dans bien d'autres domaines, le Parlement a affirmé sa compétence pour certaines questions provinciales et internationales. J'ai utilisé l'exemple des pipelines internationaux qui sont totalement réglementés par le gouvernement fédéral. J'ai donc du mal à comprendre pourquoi les animaux migrateurs ne sont pas classés dans une catégorie similaire et ne relèvent pas exclusivement de la compétence du Parlement.

Si c'est le cas, comme le disait M. Gibson, le Parlement pourrait valablement promulguer une loi qui assure la protection totale des espèces migratoires en voie de disparition et de leur habitat, même si cela empiète incidemment sur les pouvoirs provinciaux.

Dans mon mémoire, j'aborde un certain nombre d'autres questions relatives aux améliorations qui pourraient être apportées au projet de loi. Vous avez, je crois, déjà entendu des exposés sur l'établissement d'une liste des espèces. Utiliser le COSEPAC pour identifier les espèces en voie de disparition ou les espèces menacées est tout à fait logique mais, selon le libellé actuel du projet de loi, l'inscription sur la liste des espèces en voie de disparition n'est faite que sur décision du gouvernement. Je ne pense pas que ce soit la bonne façon d'aborder la question.

Je comprends que le gouvernement puisse décider de ne pas étendre les mesures de protection de la loi à une liste particulière d'espèces, pour des raisons économiques, politiques ou toute autre raison valable. Peut-être en effet ne peut-on pas faire grand-chose pour une espèce donnée, mais je ne crois pas que l'on doive confondre le processus d'établissement d'une liste et le processus qui consiste à décider si la loi devrait s'appliquer à une espèce particulière figurant sur cette liste. J'estime que l'existence d'une espèce en voie de disparition est un fait scientifique, et qu'une décision politique sur l'application ou la non-application de la loi n'a rien à voir avec cela.

.1255

À mon avis, l'absence, dans la loi, de mesures de protection pour l'habitat des espèces en voie de disparition constitue une lacune grave. Il est reconnu que la destruction et la perte d'habitat - le bouleversement de l'habitat - est la cause la plus importante du déclin d'une espèce. Je le répète, le projet de loi concernant les espèces en péril représente une approche bien pusillanime à la définition des pouvoirs que le Parlement pourrait exercer dans le domaine de l'habitat.

Je m'appuie sur les observations de M. Gibson pour dire que le Parlement pourrait en fait protéger dans tout le Canada l'habitat des espèces en voie de disparition. Si, pour des raisons politiques, il n'est pas possible de le prévoir dans cette loi, on pourrait à tout le moins renforcer les mesures de protection de l'habitat des espèces aquatiques, des oiseaux migrateurs et des espèces migratoires.

Actuellement, la protection de l'habitat ne peut être assurée qu'en vertu d'une ordonnance d'urgence ou d'un plan de rétablissement, dont l'adoption est d'ailleurs discrétionnaire. Les mesures de protection de l'habitat sont donc très faibles.

Comme je l'ai déjà dit, il faudrait assurer une protection uniforme des espèces en voie de disparition dans tout le Canada. C'est ce que j'appellerais un filet de protection continu grâce auquel on saurait que, quelle que soit l'administration, les espèces en voie de disparition bénéficient des mêmes mesures de protection sur le plan juridique.

La loi nous offre un exemple de la manière dont ce système pourrait fonctionner. Aux termes des articles 3 et 4, le ministre peut décider qu'une disposition de la loi n'est pas applicable au territoire du Yukon ou aux Territoires du Nord-Ouest, mais auparavant, le ministre doit conclure que la législation territoriale comporte des dispositions équivalentes. Cela encouragerait les provinces à prendre les mesures nécessaires pour assurer le même niveau de protection.

Je voudrais vous parler de ce qui se passe en Alberta pour vous donner un exemple de ces mesures disparates qui ne permettront pas d'assurer un niveau de protection uniforme. En 1996, il y a donc environ un an, l'Alberta a modifié la Wildlife Act, qui est la loi régissant la gestion des espèces sauvages de la province, la chasse, etc. Il a créé plusieurs articles relatifs aux espèces en voie de disparition. Ces articles sont relativement simples et je les ai résumés à la page 9 de mon mémoire. Essentiellement, toutes les dispositions sont discrétionnaires. La seule obligation pour le ministre est d'établir un comité chargé de le conseiller au sujet des espèces en voie de disparition.

Essentiellement, les dispositions sont discrétionnaires. Il suffit au ministre d'établir un comité chargé de le conseiller au sujet des espèces en voie de disparition. Toutes les autres dispositions prises en vertu de la loi albertaine sont également discrétionnaires. Il n'existe aucune protection juridique pour les espèces en péril, aucune interdiction de les tuer ou de les chasser, aucune obligation non plus d'établir une liste de ces espèces, ni de protéger leur habitat.

C'est une disposition qui dépend totalement de l'autorité et de la bonne volonté du ministre du moment. Elle n'assure donc aucune protection juridique définitive aux espèces en voie de disparition. D'ailleurs, bien que cette disposition ait été adoptée par l'assemblée législative en mars dernier, elle n'a pas encore été proclamée, et aucune des mesures requises pour établir le comité n'a donc encore été prise.

En Alberta, comme dans toutes les autres administrations au Canada, les espèces en voie de disparition sont un problème. En vertu de la Wildlife Act, nous avons identifié 12 espèces en péril. Nous utilisons deux systèmes pour en dresser la liste. Dix-sept espèces figurent sur la liste rouge, celle des espèces qui sont en voie de disparition ou sur le point de l'être. Nous avons donc bien un problème chez nous et, à mon avis, le gouvernement provincial s'est montré étonnamment passif à cet égard.

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Donc, en Alberta, sans loi fédérale solide pour la protection des espèces en voie de disparition, il n'y a pas grand-chose à faire pour protéger celles-ci.

Dans les dernières pages de mon mémoire, j'examine un certain nombre de points moins importants au sujet du projet de loi.

Je juge très important que la référence aux résidences et que les résidences des espèces qui, en vertu de la loi, sont considérées comme relevant de la compétence fédérale, soient protégées. Eh bien, le concept de résidence ne s'applique pas à toutes les espèces en voie de disparition. Beaucoup de gros mammifères, qui font certainement partie des espèces les plus vulnérables, n'ont ni nid ni terrier. Ils se déplacent constamment et ne dorment jamais plus d'une fois au même endroit. Ils ne sont donc pas protégés puisque la notion de résidence ne s'applique pas à eux.

Parlons maintenant de la manière dont le COSEPAC entreprend le processus d'établissement d'une liste des espèces en voie de disparition, prépare des rapports d'étape, et présente des recommandations en faveur de l'inscription sur cette liste. Comme vous le savez, le COSEPAC existe au Canada depuis des dizaines d'années et a déjà classifié 256 espèces environ. Une des choses qui m'a frappée à ma première lecture du texte de loi est qu'il n'y est fait aucune référence au sort réservé à la liste qui existe déjà. Selon le libellé actuel, le jour où la loi entrera en vigueur, il n'y aura plus aucune espèce en voie de disparition. Il faudrait donc adopter une mesure de transition qui permette d'utiliser la liste déjà établie.

Je crois que la cause d'action établie dans le projet de loi a déjà suscité de nombreuses discussions et inspiré des inquiétudes. Je n'en ai pas parlé dans mon mémoire, mais j'ai réfléchi à la question et je souhaiterais faire les observations suivantes.

Le droit d'utiliser une cause d'action n'est invoqué que lorsque la loi n'est pas appliquée par le gouvernement. On peut donc présumer qu'en soi, les possibilités d'un tel recours sont limitées. Si le gouvernement applique la loi comme il se doit, la nécessité ou l'occasion d'invoquer des causes d'action seront limitées.

Je me pose des questions sur les motifs des personnes que cet article préoccupe, car en s'opposant au droit d'intenter une action en protection, on pourrait conclure qu'elles ne veulent pas que la loi soit appliquée, ce qui n'est manifestement pas ce que nous souhaitons.

Je vais résumer les mesures qui pourraient être prises pour améliorer la loi, en commençant par les plus simples et en finissant par les plus difficiles.

Il me semble qu'il serait relativement facile, sans enfreindre le principe de coopération établi par l'accord national, d'inclure une protection automatique complète de l'habitat vital des oiseaux migrateurs, des espèces aquatiques et des espèces que l'on trouve sur les territoires domaniaux. À cet égard, je tiens à souligner particulièrement l'importance des parcs nationaux - des zones pour lesquelles les gouvernements fédéraux ont manifestement une compétence exclusive, des zones qui sont spécifiquement réservées à la conservation.

Le second niveau auquel des changements pourraient être aussi apportés assez aisément par le Parlement est celui de la protection pleine et entière des espèces migratoires et de leur habitat vital, où qu'elles se trouvent.

Le troisième changement que je recommanderais et qui serait peut-être le plus difficile à cause de réalités politiques, serait d'adopter une loi exhaustive sur les espèces en voie de disparition qui imposerait la protection de tout habitat vital et serait applicable à l'ensemble du Canada, à l'exception des administrations qui ont déjà promulgué des lois équivalentes.

Je presse le comité d'examiner très attentivement l'objet de la Loi sur la protection des espèces en voie de disparition. Je suis certaine que vous le connaissez parfaitement, mais j'ai insisté là-dessus parce qu'il est important de ne pas perdre de vue ce que nous faisons ici. L'objet de cette loi est d'empêcher que des espèces sauvages disparaissent du pays ou disparaissent complètement et de prévoir le rétablissement d'espèces sauvages qui ont disparu du pays, qui sont en voie de disparition ou qui sont menacées à cause des activités humaines.

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Je crains que, sous sa forme actuelle, la loi ne permette pas de le faire. Les mesures de protection qui devraient être appliquées à l'ensemble du Canada comportent trop de lacunes. Je demande donc au comité d'étudier très attentivement la question, de réfléchir au fait que la disparition d'une espèce est irréversible et de décider de la priorité qui devrait être donnée à la prise de mesures destinées à empêcher une telle situation. Je demande donc instamment au comité et au Parlement de faire preuve de courage et de hardiesse.

Je vous remercie vivement de m'avoir offert la possibilité de témoigner.

Le président: Merci, madame Francis.

Nous allons maintenant entendre M. Forseth, suivi par M. Knutson.

M. Forseth: Merci.

Je suis d'accord avec vous lorsque vous écrivez, à la page 25, que ces pouvoirs fédéraux sont si vastes qu'ils laissent très peu de situations, pour ne pas dire aucune, dans lesquelles le gouvernement du Canada ne peut pas intervenir pour assurer la protection de toutes les espèces en voie de disparition au Canada. Je suis d'accord avec vous, mais nous ne devons pas oublier que ce qui est possible n'est pas toujours sage lorsqu'on fait partie d'une confédération.

Nous savons aussi que vos collègues sont très conscients de la différence entre ce qui est politiquement réalisable et ce qui est idéal dans la création d'une loi.

Je fais également partie du caucus du Parti réformiste et je suis partisan du principe de déléguer, dans toute la mesure du possible, à l'échelon le plus bas, l'administration des opérations et la responsabilité politique. Mais je crois que le gouvernement a fait ici un choix éclairé, en parfaite connaissance du contenu de votre mémoire.

Je crois qu'il faut aussi tenir compte d'une autre réalité, celle de l'argent ou du manque d'argent, comme il est clairement indiqué à la page 1a du projet de loi:

Un choix a donc été fait, et c'était le choix du gouvernement, mais il est utile d'entendre d'autres opinions car elles nous permettent de dresser un tableau complet de la situation à laquelle nous sommes confrontés. C'est certainement possible, mais un choix éclairé a été fait par le gouvernement, et je crois que le président expliquera plus en détail les raisons pour lesquelles le projet de loi se présente sous cette forme.

M. Gibson: Merci beaucoup, monsieur Forseth.

Il est effectivement vrai qu'il n'est pas toujours sage de faire quelque chose sous prétexte que vous en avez le pouvoir. L'objet principal de ma présence est de veiller à ce que l'on ne se fasse aucune illusion sur ce qui est possible et sur ce qui ne l'est pas, car j'ai entendu invoquer comme excuse que la loi a une portée limitée parce qu'elle n'est pas placée sous la compétence fédérale. S'il y a d'autres raisons, cela me dépasse. En tant que citoyen, j'ai des opinions, mais je n'irai pas plus loin.

Je tiens cependant à dire ceci à propos de vos remarques concernant le niveau le plus bas possible. Je suis d'accord avec vous. En fait, je comparais actuellement devant la Cour d'appel de l'Alberta où je représente des conseils scolaires locaux dans une procédure où je fais valoir que la Constitution garantit implicitement un certain niveau raisonnable d'autonomie des gouvernements locaux. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous.

Cependant, dans l'étude plus exhaustive, celle de 1994, que je vous ai remise, je propose un moyen de concilier ces deux idées apparemment incompatibles. Si le Parlement du Canada établit des normes nationales fondées sur le plus petit dénominateur commun, et déclare ensuite, comme le suggère Mme Francis, que les mesures ne seront applicables que dans les provinces ou les régions où la protection n'est pas aussi bonne ou meilleure, vous aurez adopté à mon avis la meilleure formule possible. Vous aurez laissé aux autorités locales le soin de s'occuper des questions locales mais vous serez aussi assurés que le Parlement du Canada ne se désintéresse pas d'un besoin national et international. Je crois donc qu'on peut concilier les deux choses.

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M. Forseth: Merci.

Le président: Nous allons entendre maintenant monsieur Knutson. Il sera suivi par Mme Kraft Sloan, puis par le président lui-même.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci beaucoup, monsieur le président. Je voudrais tout d'abord faire écho aux commentaires de M. Forseth. Je ne suis pas certain que les détails juridiques jouent un plus grand rôle dans la question constitutionnelle que...

M. Gibson: Si c'est le cas, vous m'en voyez ravi.

M. Knutson: Des fonctionnaires du ministère m'ont dit à titre privé que nous nous attendions à ce que le projet de loi, même sous sa forme actuelle, soit contesté par les provinces. Il serait peut- être bon que vous disiez aux provinces qu'elles laissent le gouvernement fédéral faire son travail

Si vous me le permettez, je voudrais vous demander à tous les deux de vous reporter à l'article 60 concernant l'action en protection des citoyens. Une spécialiste du droit administratif a témoigné devant nous, hier. Bien que je ne sois pas capable de répéter mot pour mot ce qu'elle a dit, j'essayerai d'en restituer l'essentiel.

Premièrement, elle a dit que si un particulier demande au ministre de faire une enquête sur une entreprise d'exploitation forestière, par exemple, et si le ministre constate par la suite qu'une enquête n'est pas justifiée, le citoyen peut malgré tout faire appel à un tribunal. Comme il n'existe pas d'audience préliminaire ni d'exposé provisoire sur le caractère raisonnable de l'enquête et de la décision du ministre, ce citoyen peut malgré tout traîner la société d'exploitation forestière - ou la société pétrolière ou une autre - devant le tribunal, ce qui revient en fait à une audience en bonne et due forme. Elle a dit que l'article, sous sa forme actuelle, n'assure pas une protection suffisante et qu'il faudrait à tout le moins l'améliorer afin d'éviter une audience en bonne et due forme lorsque ce n'est pas la fin de la loi.

Deuxièmement, elle a dit que les règles de l'examen judiciaire utilisées en droit administratif seraient applicables et assureraient de toute façon une protection suffisante. Qu'en pensez-vous?

Mme Francis: Oui. J'ai deux ou trois remarques à faire. Je ne sais pas si elles répondront complètement à vos questions.

En Alberta, lorsqu'une action vraiment frivole ou vexatoire est intentée ou lorsqu'il n'y a pas de motifs raisonnables d'intenter cette action, ce qui est, je crois, le cas de la situation mentionnée par vous, il existe un processus de jugement sommaire qui permet, sans l'obligation d'une audience en bonne et due forme et simplement sur la base des conclusions déposées, de tenir une audience en bonne et due forme afin de déterminer s'il y a vraiment matière à poursuivre. Une étape qui peut éviter une audience en bonne et due forme dans des cas vraiment frivoles...

M. Knutson: À supposer qu'il ne l'est pas...

Mme Francis: ... est donc prévue dans la procédure albertaine.

M. Knutson: Il est donc facile de faire une vérification. Les avocats que nous sommes sont tous probablement d'accord pour dire qu'il est facile de repérer les actions vraiment frivoles ou vexatoires, mais un débat sur le caractère raisonnable des motifs peut être un peu plus complexe.

La question était que si nous tenons un débat sur le caractère raisonnable de l'action intentée par le particulier ou le groupe de protection de l'environnement, cela leur donne la possibilité de présenter tous les détails de l'affaire et donc, en fait, d'entraîner la société d'exploitation forestière, la société pétrolière ou une autre, dans une audience en bonne et due forme. Ce qui est important, c'est que l'obligation de motifs raisonnables ne protège pas vraiment ces sociétés contre l'obligation de comparaître au tribunal pour se défendre. Les termes de l'article ne sont pas suffisamment forts pour l'empêcher.

Mme Francis: À mon avis, si on peut faire valoir qu'une infraction a été commise, je ne vois pas pourquoi la société ne serait pas obligée de se défendre.

M. Knutson: Il ne s'agit pas tellement de pouvoir invoquer des arguments raisonnables, mais simplement de pouvoir invoquer des arguments qui, même s'ils ne sont pas vexatoires ou frivoles, ne sont pas tout à fait raisonnables.

Mme Francis: Ça se situe peut-être entre les deux.

M. Knutson: Oui. Ce sont ces cas-là qui nous inquiètent.

Venons-en à une autre question.

Mme Francis: En ce qui concerne la question de l'examen judiciaire, la procédure est effectivement possible dans certains cas concernant les décisions des gouvernements, mais elle a des limites. Il faut tout d'abord avoir la qualité nécessaire pour exercer une action. Mais il y en a d'autres. Je ne suis pas certaine que cela permette d'obtenir les mêmes résultats que cette disposition.

M. Knutson: Professeur Gibson.

M. Gibson: J'avoue que je ne me suis pas préparé pour une discussion de l'article 60 et, sans prétendre être un expert à ce sujet, je vous dirai simplement ce qui me vient à l'esprit.

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À mon avis, la disposition est incluse dans le projet de loi parce qu'elle est nécessaire, étant donné que le gouvernement ne fournit aucun mécanisme adéquat d'application. En fait, si le gouvernement du Canada, ou le gouvernement concerné, pouvait utiliser un processus rigoureux de poursuites, la vérification naturelle effectuée lorsque des gouvernements intentent des poursuites aurait lieu, et je crois qu'il serait possible de régler votre problème. Mais lorsqu'on laisse le soin d'agir au secteur privé, le risque qui vous préoccupe va nécessairement s'aggraver. Vous perdez l'avantage du processus qui existe lorsque le procureur de la Couronne est libre de décider de donner suite ou non à l'affaire.

M. Knutson: C'est précisément l'argument que font valoir les sociétés. C'est vraiment une façon dérobée d'intenter des poursuites privées.

M. Gibson: Je veux seulement dire qu'il faut un mécanisme ou un autre. Vous avez besoin d'un mécanisme d'application efficace. S'il n'y a pas d'argent pour permettre au secteur public d'intenter des poursuites, il me semble inévitable qu'on se rabatte sur les poursuites intentées par le secteur privé, ce qui soulève précisément le genre de préoccupations que vous avez.

M. Knutson: Permettez-moi de changer de sujet. Les sociétés ont également fait valoir, hier, que si elles avaient dû comparaître à des audiences portant sur une évaluation environnementale - je suis loin d'être un spécialiste en la matière car je suis nouveau au comité - pour obtenir leurs permis provinciaux ou fédéraux, cela leur aurait donné l'assurance qu'en cas d'évaluation environnementale, elles ne seraient pas attaquées à nouveau, en plein milieu de la réalisation de leur projet, en vertu de la Loi sur la protection des espèces en péril. Au départ, cela m'a paru assez logique. Ces sociétés recherchaient dans ce projet de loi des termes indiquant qu'il existait des liens entre lui et d'autres évaluations environnementales.

Mme Francis: Un examen poussé.

M. Knutson: Cela vous paraît-il logique?

Mme Francis: Je crois comprendre la question. Ce qui importerait pour moi serait de savoir si le processus d'évaluation environnementale lui-même a permis de régler la question des espèces en voie de disparition qui pourrait être rencontrées au cours de l'exécution du projet.

M. Knutson: Est-ce généralement le cas? Je n'en ai pas la moindre idée car c'est un domaine nouveau pour moi.

Mme Francis: Les évaluations environnementales permettent de déterminer les possibilités de rencontre d'espèces en voie de disparition lors de la réalisation d'un projet. Cependant, s'il s'agit de la construction d'un pipeline, par exemple, les évaluateurs ne vont certainement pas parcourir à pied les 550 kilomètres du parcours proposé. Ils se contenteront de dire qu'il est probable que les espèces en péril suivantes seront rencontrées au cours de la construction, sans indiquer d'endroits précis.

Je pourrais imaginer une situation dans laquelle on effectue une évaluation environnementale, le projet est approuvé et, pendant sa réalisation, on découvre un habitat, une résidence ou une population d'espèce en péril dont il n'était peut-être pas possible de prévoir l'existence. Je ne suis donc pas certaine qu'il y ait un chevauchement complet des mesures de protection.

M. Knutson: Professeur Gibson, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Gibson: J'ai bien peur que cela soit trop proche de la réalité pour qu'un professeur puisse faire des commentaires. J'ignore tout des déclarations environnementales.

M. Knutson: Merci. Je n'ai rien à ajouter.

Le président: Merci.

Madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan: Merci beaucoup.

Je vous prie de m'excuser de ne pas être venue plus tôt. Malheureusement, les trois heures de décalage horaire entre les autres personnes avec qui j'essayais de communiquer et moi-même ont posé de très sérieux problèmes - mes interlocuteurs se trouvent à l'autre bout du pays. J'essayerai cependant d'étudier avec soin vos recommandations, professeur Gibson.

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Dans l'autre mémoire, cependant, on nous conseillait de laisser le COSEPAC continuer à établir ces listes comme il le fait actuellement. Je trouve donc très intéressant que vous disiez que ce projet de loi imposerait une restriction à l'établissement de la liste. Peut-être pourriez-vous nous expliquer encore une fois pourquoi vous pensez que l'article 3 restreindrait le processus d'établissement d'une liste par le COSEPAC.

Mme Francis: Il y a en fait deux remarques à faire à ce sujet. Si vous lisez attentivement l'article 3, en particulier le paragraphe 3(2), qui dispose que les articles 30 et 32 ne s'appliquent qu'aux espèces aquatiques, aux espèces migratoires, et à celles que l'on trouve dans les territoires domaniaux, c'est l'article 30 qui comporte la disposition relative à l'établissement de la liste. On peut donc interpréter cela comme l'interdiction de dresser une liste des espèces en péril, à moins que ces espèces ne se trouvent dans une zone de compétence fédérale comme l'indique la loi. Il y a donc là une faiblesse.

Le deuxième point est que d'après le libellé, c'est le COSEPAC qui fait les recommandations concernant les désignations et les classifications, mais c'est le règlement qui crée la liste, comme l'indique l'article 30. Il pourrait donc être recommandé au Gouverneur en conseil d'inclure une espèce particulière dans la liste mais de décider de ne pas adopter de règlement, si bien que l'espèce en question n'apparaîtrait pas dans la liste officielle des espèces en voie de disparition.

Mme Kraft Sloan: Oui, je comprends. À ma connaissance, en tant que membre du comité, je ne crois pas qu'un autre groupe ait jamais signalé que le COSEPAC pourrait imposer des restrictions à l'inscription sur la liste. Je comprends le problème que pose le fait que ce soit le Gouverneur en conseil qui prendra la décision finale en ce qui concerne la liste. C'est un argument qui a été invoqué à de nombreuses reprises.

Je voudrais demander à notre personnel de recherche si quelqu'un a déjà soulevé la question.

Mme Kristen Douglas (recherchiste du comité): Je ne suis pas certaine qu'elle ait jamais été discutée à une réunion, mais il y a d'autres mémoires dans lesquels les témoins ont indiqué que la mention de l'article 30 au paragraphe 3(2) était sans doute une erreur qu'il fallait corriger, car il ne s'agit pas d'une interdiction, et pourtant c'est traité comme tel. La question a donc été soulevée mais elle n'a pas vraiment été discutée.

Mme Kraft Sloan: Très bien. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Taylor; ce sera ensuite au tour du président.

M. Taylor: J'ai une brève question et un court commentaire à faire.

Professeur Gibson, je constate, en lisant votre biographie, que vous avez travaillé avec le gouvernement du Yukon ainsi qu'avec la Commission royale sur les peuples autochtones. Avez-vous alors eu l'occasion d'examiner les arguments présentés par le Yukon et par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest au sujet des comités de gestion des ressources et des ententes sur le règlement des revendications territoriales, et si ces questions entrent dans le cadre constitutionnel que vous avez décrit - les pouvoirs fédéraux de coopération, etc. Pourriez-vous nous fournir quelques explications?

M. Gibson: Je regrette maintenant d'avoir éludé la question des territoires dans mon exposé. Ce petit détail montre qu'en essayant de mettre l'accent sur ce qui me préoccupait surtout, je n'ai pas étudié avec soin les dispositions applicables aux territoires. Je ne suis donc pas vraiment en mesure d'ajouter quoi que ce soit d'utile.

J'ai entendu des témoignages et lu certains des mémoires présentés par les territoires, et beaucoup d'entre eux me paraissent avoir beaucoup de bon sens. Cependant, la préoccupation que je voulais signaler au comité touche, en un certain sens, à un domaine étroit. Il est étroit parce que je voulais être absolument certain qu'il n'existe aucun doute au sujet de la compétence constitutionnelle possible du Parlement du Canada. Je ne me suis donc pas occupé des autres mécanismes, bien qu'évidemment, il y ait beaucoup à faire pour les améliorer.

M. Taylor: Merci.

Le président: Madame Francis et monsieur Gibson, si Eugene Forsey se trouvait dans cette salle il aurait applaudi votre enthousiasme pour des raisons que vous connaissez bien.

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Je me hâte de vous assurer, comme je l'ai fait tout à l'heure, que ce n'est pas une modestie excessive qui a inspiré la rédaction de ce projet de loi. La modestie n'est pas une des vertus majeures des politiciens, comme vous le savez probablement. Mes collègues ont déjà laissé entendre, directement ou indirectement, pourquoi on procède de cette manière.

Selon une opinion très répandue, il est nécessaire d'affaiblir le fédéralisme afin de ménager ou de faire plaisir à deux provinces et d'assurer ainsi la continuité de la fédération. Avec quelques autres, j'ai voté contre Meech et contre Charlottetown, et aussi contre toute mesure susceptible d'affaiblir le fédéralisme. Je crois que plus vous l'affaiblissez, plus vous vous engagez sur une voie glissante, ce qui n'est jamais souhaitable sur le plan politique. Notre ministre des Affaires intergouvernementales croit cependant le contraire, et nous sommes obligés de le laisser nous prouver que le remède qu'il propose est le bon.

Le point que vous avez soulevé ce matin ne touche pas un domaine étroit, du moins à mon avis. Il englobe une foule de choses, ce qu'apprécient, je crois, tous les membres du comité, ne serait-ce que parce que la méthode que vous avez utilisée est extrêmement instructive. J'ai aussi d'ailleurs trouvé l'exposé de Mme Francis extrêmement instructif.

Permettez-moi de vous poser la question suivante. Pensez-vous qu'il soit techniquement, sinon politiquement, correct de prendre pour hypothèse qu'une fois que ce projet de loi aura été adopté, il sera suivi par un certain nombre de mesures législatives qui le refléteront à l'échelon provincial, et que ces dispositions compléteront ce qui manque aux pouvoirs fédéraux dans notre projet de loi? Pensez-vous que l'on aboutira en fin de compte à des mesures législatives permettant d'atteindre l'objectif visé, ce qu'interdisait au départ la faiblesse de l'approche fédérale? Pensez-vous qu'il soit possible, techniquement ou autrement, de le faire, et que ce soit réaliste? J'aimerais avoir votre avis.

M. Gibson: Premièrement, à propos de ce que vous dites de l'affaiblissement du fédéralisme, n'oublions pas que le fédéralisme n'est pas nécessairement synonyme d'un gouvernement fédéral excessivement autoritaire. Bien au contraire, le fédéralisme implique un équilibre approprié entre les responsabilités provinciales, locales et centrales. Dans ma conception du fédéralisme, comme le dit M. Forseth, tout ce qu'il convient de faire, se fait à l'échelon local. Mais ma conception du fédéralisme comprend un Parlement du Canada auquel il incombe de s'assurer que personne ne laissera échapper la balle dans ce processus. Il me semble donc qu'il est tout à fait conforme au fédéralisme que le Parlement du Canada établisse ce que j'appelle des normes correspondant au plus petit commun dénominateur pour l'ensemble du pays, en espérant que les provinces sauront les améliorer. Sans ce plus petit commun dénominateur, cette position de repli, on court le danger que le manque d'uniformité d'une province à l'autre - peut-être même des lacunes dans la protection fournie - ne place le Canada dans une situation embarrassante sur le plan international et ne mette en danger des espèces très sensibles.

Ce que vous voulez savoir, monsieur le président, c'est donc s'il sera possible de compléter le tableau une fois que les lois provinciales entreront en vigueur. Il faut l'espérer et même, à mon avis, il faut en avoir l'assurance.

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Permettez-moi de vous indiquer deux ou trois domaines où il serait très difficile pour les provinces d'intervenir. Le premier est celui des obligations internationales du Canada. D'après ce que je sais du droit international, les obligations internationales du Canada sont assumées par le gouvernement du Canada. Si une des provinces ne respecte pas nos obligations internationales, c'est tout le pays qui en souffrira.

Je n'ai choisi que deux exemples parmi plusieurs possibles; mais l'autre difficulté, lorsqu'on laisse aux provinces le soin d'agir, c'est qu'elles ne peuvent pas faire face à certains problèmes, même s'il s'agit de gouvernements provinciaux qui sont cohérents et consciencieux.

Je cite un cas dans mon étude principale - celui des coopératives interprovinciales - concernant la pollution de la rivière Saskatchewan, qui traverse d'autres provinces des Prairies et poursuit son cours au Manitoba, et celle de la rivière Wabigoon, qui véhicule des polluants de l'Ontario au Manitoba. Dans ce cas, la Cour suprême du Canada a décidé que les provinces n'avaient pas la capacité suffisante pour régler ce genre de problèmes interprovinciaux.

Lorsqu'on a affaire à des espèces qui franchissent les frontières provinciales ou territoriales-provinciales, on se heurte au genre de problèmes interjuridictionnels qu'aucune province ne peut résoudre à elle seule. La Cour suprême du Canada a déclaré que ces problèmes sont la responsabilité des autorités fédérales. À mon avis, vous avez donc besoin d'un mariage de ces responsabilités fédérales, dans lequel le Parlement fédéral fera ce qu'il est le seul à pouvoir faire - fournir un soutien et combler les lacunes - tout en demandant aux provinces d'apporter des améliorations en se fondant sur leurs compétences locales.

Mme Francis: Monsieur le président, je voudrais répondre à votre question en m'en tenant un peu plus à la situation qui existe en Alberta.

J'ai décrit les dispositions de la Wildlife Act de l'Alberta concernant la protection des espèces en péril. J'ai parlé à plusieurs reprises au bureau du ministre Lund à ce sujet, et on m'a répondu qu'on avait fait tout le nécessaire pour observer l'accord national, compte tenu des dispositions discrétionnaires de la Wildlife Act qui ne prévoient pas la protection de l'habitat. Mes interlocuteurs ne m'ont jamais donné la moindre assurance qu'ils étaient prêts à modifier la manière dont ils conçoivent leur rôle dans la protection des espèces en péril en Alberta. Je n'ai donc guère d'espoirs, à court terme, du moins dans cette province, qu'on adopte des mesures répondant aux besoins.

Le président: Nous vous remercions vivement d'être venus. Nous vous remercions aussi de vos conseils et de vos observations.

M. Gibson: Merci beaucoup.

Mme Francis: Merci, monsieur.

Le président: J'invite maintenant à la table Cliff Wallis et Richard Merry, Harvey Scott et monsieur Neraasen. Ils représentent Cottonwood Consultants Ltd., Operation Grassland Community, Edmonton Friends of the North Environmental Society, EcoCity Society, Island Lake Cow-Calf Operators, et Canards Illimités. Veuillez vous asseoir.

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Afin que la période de questions soit utile, compte tenu du nombre de groupes représentés ici et du peu de temps dont nous disposons puisque nous devons quitter la salle à 13 h, je vous propose de limiter à dix minutes vos déclarations orales, en plus de ce que vous avez d'écrit. Lorsqu'il ne vous restera que deux minutes, je vous le signalerai. Êtes-vous d'accord? Faisons au moins un essai.

Qui veut être le premier témoin? Le représentant de Cottonwood Consultants Ltd.? Voulez-vous parler le premier, monsieur Wallis? Les autres vous succéderont dans l'ordre de la convocation. Vous serez donc le premier, et le représentant de Canards Illimités,le dernier. Êtes-vous d'accord?

M. Cliff Wallis (président, Cottonwood Consultants Ltd.): Merci. Je ne vais pas lire mon mémoire en entier. Vous pourrez l'étudier plus tard.

Je tiens à vous remercier de m'avoir permis de témoigner devant vous aujourd'hui, et je voudrais féliciter le Canada d'avoir pris une initiative qui a attiré l'attention sur ce que je considère comme un problème grave dans notre pays. Je vous encourage donc vivement à renforcer encore le projet de loi que vous avez devant vous.

J'ai participé à de nombreuses évaluations environnementales à titre de consultant depuis le début des années 70 - à de nombreuses études portant sur des espèces rares et en péril. En dépit de nombreux mécanismes bénévoles, d'examens par les personnes concernées et d'évaluations environnementales, j'ai pu constater la dégradation et la perte progressive d'habitats et d'espèces, en particulier dans les forêts boréales, les prairies, et les contreforts des Rocheuses, en Alberta et ailleurs. Je ne pense pas que le bénévolat suffise, à lui seul. Nous avons besoin d'un plus gros bâton pour faire avancer les choses, et aussi de quelques carottes.

Un habitat disparaît rarement d'un seul coup; c'est cette dégradation progressive qui, avec le temps, nous met en difficulté. Je tiens à appuyer un grand nombre des recommandations que vous avez probablement entendues au cours de ces deux derniers jours ainsi que celles qui sont présentées dans d'autres mémoires, en particulier ceux de la Fédération canadienne de la nature et de la Canadian Endangered Species Coalition.

Je ne parlerai pas de ces recommandations, mais je voudrais ajouter une remarque au sujet d'une question qui me paraît vraiment mériter d'être examinée, outre celle d'une protection vraiment efficace de l'habitat. Il s'agit de la création d'un fonds de rétablissement des espèces en péril. Nous avons besoin, pour cela, d'un fonds clairement identifié qui permettrait de faire de la recherche et d'acquérir des zones d'habitat. Sans cela, que le contrôle soit exercé par les autorités fédérales ou provinciales, il ne se passera rien. Les gens diront peut-être que cela va coûter bien cher, mais en fait l'inverse est vrai. C'est le rétablissement des espèces, une fois mises en danger, ou le rétablissement de leur habitat, qui coûte beaucoup d'argent. En ce moment, on dépense des centaines de millions de dollars en Floride pour essayer de rétablir certaines espèces. Je précise qu'il s'agit d'un montant annuel sur les dix prochaines années. Ces mesures sont rendues nécessaires par les effets des produits de la technogénie qui ont mis de nombreuses espèces en péril dans cet État américain.

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Si l'on protégeait dès maintenant les habitats existants, on pourrait continuer à avoir une grande activité économique, et les mesures de protection coûteraient relativement peu cher. En Alberta, par exemple, on a estimé qu'il en coûterait seulement 500 millions de dollars au total pour assurer la protection de toutes les zones environnementales provinciales, nationales et internationales importantes dans les prairies et les prairies-parcs où vivent un grand nombre d'espèces rares et menacées.

Lorsque vous considérez l'importance des subventions à l'agriculture accordées chaque année dans cette région, il suffirait d'une fraction de l'argent dépensé annuellement pour assurer la sécurité de l'habitat... Les éleveurs ne seraient pas chassés de leurs terres; cela signifierait simplement que la protection de l'habitat est une de nos autres priorités. Nous avons besoin de ces mécanismes de compensation, et c'est pourquoi je propose qu'on ajoute à la loi une disposition prévoyant l'établissement d'un fonds dans lequel que nous pourrions puiser.

Une des autres raisons pour lesquelles ces mesures s'imposent est qu'il faut détourner l'attention du rôle injustement attribué à la Endangered Species Act des États-Unis; à savoir, qu'elle fait obstacle à l'aménagement. C'est absolument faux. Si on s'était donné la peine de faire des recherches, on aurait constaté, par exemple, qu'au cours des dix années qui ont suivi la mise en vigueur de cette loi, on a entrepris environ 50 000 projets qui avaient des répercussions sur les espèces en péril et qu'un pour cent seulement d'entre eux ont été touchés par les dispositions de la loi. De ce un pour cent, 90 p. 100 ont été poursuivis de toute façon, sous réserve, peut-être, de certaines conditions ou mesures de protection des espèces en péril. On a en fait essentiellement affaire à une attitude paranoïaque chez certaines personnes. La Endangered Species Act des États-Unis comporte des mesures beaucoup plus rigoureuses que celles du projet de loi que nous étudions aujourd'hui.

Nous avons aussi besoin d'argent pour étoffer la recherche, comme je l'ai dit tout à l'heure, et je crois aussi que nous avons besoin d'une enquête ou d'un service biologique national, comme on l'a proposé hier, qui permettrait de rétablir ce que nous avons perdu. Les musées nationaux du Canada, qui sont un des principaux dépositaires de données biologiques sur les spécimens végétaux, par exemple, et le Service canadien de la faune ont besoin d'être modernisés. Je crois que nous avons perdu beaucoup de gens de valeur, que nous avons perdu une bonne partie de notre élan, et qu'il faut que nous structurions ces organismes et que nous leur donnions une mission.

Nous savons encore très peu de choses sur la biologie de notre pays. Nous savons pas mal de choses sur les ours grizzly, mais très peu sur les plantes non vasculaires, les insectes et une foule d'autres espèces qui sont des éléments importants de l'écosystème. Nous constatons en effet qu'elles le sont, car beaucoup d'autres espèces en sont tributaires.

L'écureuil de Richardson, en Alberta, en est un exemple. On ne considérait même pas auparavant qu'il faisait partie de la faune, mais le fait qu'il ait été exterminé, éliminé d'une grande partie de l'habitat naturel, a mis en danger d'autres espèces. Depuis les années 30, nous avons connu des problèmes. Cet écureuil fouisseur a pratiquement disparu aujourd'hui, alors qu'il abondait dans les Prairies et, en fait, tout le long de la frontière américaine, où cette espèce était particulièrement populeuse dans les années 1800, au moment du passage des premiers explorateurs. On voit des centaines de nids de buses rouilleuses, par exemple, qui sont abandonnés parce que la source d'alimentation que constituaient ces écureuils a disparu. Il faut donc que nous rétablissions la situation et que nous comprenions tout ce qui arrive à l'ensemble du système, et pas seulement pour certaines espèces.

Je crois qu'une réorganisation du Service de la faune et des musées nationaux serait une étape importante sur cette voie. Je ne sais pas si c'est un point que vous pouvez inclure dans la loi, mais une politique ou une directive qui permettrait de compléter la loi serait de créer un fonds de rétablissement.

Pour terminer, je vous rappelle qu'en décembre 1996, un sondage d'opinions sur les espèces en péril a été effectué. J'ai joint les résultats de ce sondage au document que nous vous avons remis. Vous remarquerez que les répondants étaient très favorables à un rôle fédéral très actif. Ce sondage a été commandé par la Canadian Endangered Species Coalition. Soixante-treize pour cent des répondants sont favorables à l'inscription obligatoire sur une liste, basée sur les recommandations de spécialistes scientifiques, et non des politiciens. Soixante-treize pour cent des répondants sont aussi partisans d'une protection obligatoire de l'habitat; le pourcentage est le même dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Il n'y a donc pas de clivage du genre «nous contre eux».

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Quatre-vingt-quatre pour cent des répondants souhaitent que la loi s'applique à toutes les terres, pas seulement aux territoires domaniaux, et 75 p. 100 d'entre eux souhaiteraient que le gouvernement fédéral joue le rôle principal dans la protection des espèces migratoires. Je crois que c'est rassurant de voir la position adoptée par le public au Canada.

Encore une fois merci de m'avoir permis de témoigner devant vous. Je suis bien entendu prêt à répondre à vos questions au sujet de ma compétence dans le domaine des évaluations environnementales et des espèces en péril.

Je vous remercie.

Le président: Merci. Vous avez terminé en sept minutes 27 secondes, un temps record. Nous vous en savons gré.

David Scobie veut-il maintenant prendre la parole?

M. Andy von Busse (vice-président principal, Alberta Fish and Game Association): Je me nomme Andy von Busse et je représente l'Alberta Fish and Game Association. Operation Grassland Community est un de nos programmes concernant les habitats.

Notre association existe depuis 1908. Nous comptons 15 000 membres. Depuis de nombreuses années, nous nous intéressons énormément aux questions touchant les poissons, les espèces sauvages et les habitats en collaborant avec les gouvernements, des particuliers, des sociétés et des organismes comme le Fonds mondial pour la nature et la Société canadienne pour la conservation de la nature, en vue d'améliorer les populations et les habitats. Nous travaillons également en étroite collaboration avec le personnel de terrain et le personnel régional d'Environment Protection of Alberta, et nous entretenons d'excellents rapports avec eux. Dans la plupart des cas, nous estimons que les choses vont assez bien.

Notre association a acheté, loué ou instauré des servitudes de conservation sur des dizaines de milliers d'acres au cours des dernières années. Nous disposons à l'heure actuelle de plus de 186 000 acres sous une forme quelconque de cession. Nous détenons également en propriété absolue plus de 10 000 acres d'habitat essentiel. Je tiens à souligner que tous ces projets sont financés par le secteur privé et que les fonds proviennent des chasseurs et des pêcheurs.

Je vous situe le contexte afin que vous compreniez que nous vivons cette situation. Nous ne sommes ni ésotériques, ni philosophiques. Nous effectuons le travail sur le terrain. Nous dépensons de l'argent palpable et des dizaines de milliers de bénévoles sont vraiment actifs.

Lorsque l'accord est intervenu en septembre 1996, nous y étions largement favorables. Nous pensions que les répercussions étaient positives et nous nous attendions vraiment à ce que le projet de loi traduise cet état de fait.

Nous éprouvons quelques difficultés avec le résultat. Nous pensons assurément qu'il y a une américanisation du traitement réservé aux espèces en voie de disparition. Ce qui nous préoccupe, c'est que les décisions seront rendues par les tribunaux et ne seront pas fondées sur des preuves scientifiques, et les règles des tribunaux sont différentes des règles de la science. C'est arrivé aux États-Unis; nous nous inquiétons sérieusement de ce qui se passera ici.

Nous avons quelques appréhensions à propos de l'idée contenue à l'article 33 du projet de loi. Pour vous donner un exemple, les loups et les grizzlis sont assurément en voie de disparition et probablement même disparus dans la majeure partie de leur aire de distribution dans le Montana. Dans la réalité, la population de grizzlis augmente en Alberta, même si certains secteurs posent bien sûr des problèmes, et il ne fait aucun doute que les loups ont une population saine et stable ici. Si le Montana décidait d'adopter une mesure particulière, ce qui nous inquiète c'est que l'article 33 pourrait s'appliquer et que des mesures seraient imposées, non fondées sur des faits scientifiques, c'est-à-dire sur la situation qui prévaut ici en Alberta.

Nous sommes préoccupés par la modification du rôle du COSEPAC. Jusqu'à présent, on note une participation des provinces, du fédéral et des territoires. L'accord stipulait d'ailleurs que le COSEPAC demeurerait une fonction du conseil des ministres. Cela a changé; c'est maintenant une entreprise fédérale. On pourrait perdre la participation des provinces, et c'est ce qui nous inquiète.

Pour résumer, nous appuyons pleinement l'idée d'un projet de loi sur les espèces en voie de disparition. Il est indispensable, il est nécessaire et il jouit d'un soutien massif. Mais nous éprouvons cependant certaines inquiétudes à propos d'aspects précis du projet de loi. Nous aimerions que les membres du comité prennent sérieusement en considération ces changements ainsi que leurs incidences potentielles à long terme sur le terrain. Nous ne parlons pas des situations philosophiques, mais de la réalité qui se déroule sur le terrain, lorsque vous traitez avec ce propriétaire terrien, cette industrie ou cette entité commerciale. Que se passe-t-il là-bas?

Comme Dave Scobie va vous l'expliquer, notre programme fonctionne très bien. Je vais maintenant lui céder la parole.

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M. David Scobie (coordonnateur de projets, Operation Grassland Community): Bonjour, je m'appelle Dave Scobie. Je suis le coordonnateur de projets de l'Operation Grassland Community, qui englobe l'Operation Burrowing Owl. Je me reporterai au mémoire qui a un organigramme en première page.

Un représentant de l'Operation Grassland Community a été l'invité d'Environnement Canada lors du dépôt de la Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada. Cette invitation visait à reconnaître l'Operation Burrowing Owl et l'excellent travail qu'un groupe non gouvernemental comme l'Alberta Fish and Game Association accomplit déjà pour les espèces en péril.

Je suis actuellement un invité de l'équipe de rétablissement de la chouette de terrier ainsi que de l'équipe de rétablissement de la pie-grièche migratrice. Ces relations nous permettent de travailler en étroite collaboration avec beaucoup de chercheurs et en même temps de mettre en application bon nombre des points identifiés dans les différents plans de rétablissement respectifs.

Dans mon mémoire, je présente une étude de cas et un historique de la chouette de terrier; c'est un survol rapide de nos connaissances des événements entourant la chouette de terrier à l'heure actuelle. À la page 2, vous trouverez l'historique de l'Operation Burrowing Owl (OBO), de son amorce et de son équipe de gestion actuelle. Au bas de la page 2, je précise qu'en 1995 nous avions plus de 500 familles d'agriculteurs et d'éleveurs qui participaient au programme OBO en Alberta et en Saskatchewan.

Depuis 1990, l'Alberta Fish and Game Association administre le programme OBO en Alberta. Conscient du fait que l'habitat qui est protégé pour la chouette de terrier dans le cadre de ces ententes volontaires de protection de l'habitat a bénéficié à de nombreuses autres espèces en dehors de la chouette de terrier, nous avons élargi ces initiatives en 1994 pour en faire un programme multi-espèces, et nous l'appelons maintenant l'Operation Grassland Community.

Cette initiative compte actuellement 226 membres qui préservent plus de 25 000 hectares (60 000 acres) d'habitat pour diverses espèces des prairies, surtout pour la chouette de terrier.

Certains peuvent critiquer l'Operation Burrowing Owl en disant qu'elle n'a pas été efficace à cause de la baisse continue de la population de chouettes de terrier au Canada. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec ces critiques et nous tenons à souligner que le déclin alarmant de la population de chouettes de terrier est un sujet écologique et international très complexe.

Le programme OBO a contribué énormément à la sensibilisation à l'égard de la chouette de terrier. Bon nombre de Canadiens connaissent maintenant la chouette de terrier et sa situation critique. Les programmes volontaires constituent un volet indispensable de n'importe quel effort de conservation.

À la page 3, je parle d'autoriser d'autres ministères fédéraux et je vous laisserai le soin de lire.

Pour compléter les propos de Cliff, je vous donne à la page 4 quelques idées sur la façon de recueillir des fonds pour aider à mettre en oeuvre certains des programmes et certaines des recherches nécessaires pour mieux comprendre la biologie et l'écologie des prairies.

À la page 5, au chapitre des inquiétudes soulevées par le projet de loi proposé, l'élément le plus important - et ce point a été soulevé à maintes reprises - est la nature coopérative de l'étude des espèces en voie de disparition.

L'intégrité du programme Operation Grassland Community repose sur l'obtention de la confiance et du respect des propriétaires terriens. Nous espérons que ce projet de loi prendra en considération et reconnaîtra les efforts et les préoccupations des familles d'agriculteurs et d'éleveurs qui possèdent ou gèrent les terres sur lesquelles se trouvent les espèces en péril, comme celles qui participent au programme OBO. Ce projet de loi devrait permettre à des programmes comme celui-ci de poursuivre son excellent travail et devrait également reconnaître dès maintenant les bons programmes d'administration et les efforts déployés par des particuliers.

Je vous laisserai le soin de lire attentivement le reste du mémoire. À la page 7, nous présentons un résumé schématique de certaines de nos préoccupations.

Ceci étant dit, je vais passer la parole à Andrea.

Mme Andrea Moen (avocate, Operation Grassland Community): Mon rôle consiste aujourd'hui à mettre l'accent sur un point important concernant le projet de loi.

Comme vous l'avez entendu, Operation Grassland appuie le concept du projet de loi fédéral. L'élément capital est celui des mesures de protection des espèces en péril. Notre organisme est d'avis que cela pourrait en fait militer contre la collaboration qui s'est établie entre les divers groupes dans le cadre de l'initiative Operation Grassland.

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Tout d'abord, avant de m'en prendre spécifiquement à l'article 60, la loi en vigueur permet deux actions de la part des citoyens: un examen judiciaire des actes posés par les ministres s'ils ne font pas ce qu'ils sont supposés faire, et des dénonciations privées permettant en fait à un citoyen d'aller devant les tribunaux et de faire une dénonciation privée que le système judiciaire reprend ensuite et poursuit. Dans ma pratique, j'ai personnellement observé un traitement efficace de ces deux options par des groupes de citoyens privés, ce qui a eu une influence assez forte sur les actes posés par le gouvernement.

Passons maintenant à l'article 60. Tout d'abord, il s'agit d'un processus civil. Il commence par une demande introductive d'instance. Ensuite, on passe à une enquête préliminaire et à une défense, ce qui est un processus très long. Puis vient le procès. Lors du procès, l'un des points en litige consiste à savoir si le ministre a agi de façon raisonnable. Le processus qui a été établi dans le projet de loi est très long avant d'obtenir la réponse à cette question.

Dans le cadre de la poursuite civile, la preuve repose sur la prépondérance des probabilités. La preuve à laquelle le ministre doit se plier en examinant s'il y a eu une infraction présumée est une preuve hors de tout doute raisonnable. C'est la norme. Les deux systèmes de preuve sont mélangés dans ce projet de loi.

Examinons maintenant une suggestion que j'ai entendue précédemment.

Le président: J'aimerais attirer votre attention sur le fait que vous avez déjà pris onze minutes -

Mme Moen: Très bien. J'ai presque terminé, monsieur le président.

Le président: Poursuivez.

Mme Moen: L'article 60 ne prévoit pas un examen de l'action du ministre avant le début de la poursuite intentée par les citoyens. Si c'était le cas, un tribunal déciderait si le ministre a agi de façon raisonnable. Si le tribunal venait à décider qu'il n'a pas agi de façon raisonnable, on peut présumer que le ministre respecterait alors la loi et qu'une poursuite des citoyens ne serait pas nécessaire.

J'estime que vous devriez étudier de très près cet article dans une perspective pratique et terre-à-terre, avec des avocats qui sont habitués à pratiquer dans ce domaine et qui savent ce qui se passe dans la réalité par opposition à vos attentes.

En fin de compte, nous n'avons pas rencontré ce genre de système au Canada auparavant.

Hier, monsieur le président, j'ai entendu vos commentaires à la fin de l'exposé de l'Alberta Forest Products Association, lorsque vous avez laissé entendre que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement comportait un tel système. J'ai ensuite examiné cette loi. Ce n'est pas le cas. Toutefois, une loi modificative comportant ce genre de système a été déposée devant le Parlement le 10 décembre. Sur le plan fédéral, ce genre d'action n'était pas disponible auparavant et nous n'avons aucune expérience pratique à ce sujet.

Merci.

Le président: Merci. Je peux vous assurer qu'il n'y a pas de loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement qui a été déposée à la Chambre des communes le 10 décembre. Le projet de loi n'a pas encore vu le jour, si bien que je ne sais pas de quel projet de loi vous parlez.

Quant aux poursuites intentées par des citoyens dans le cadre de la LCPE, deux citoyens seulement y ont eu recours jusqu'à présent.

Toutefois, c'est avec plaisir que j'étudierai votre information concernant le 10 décembre, simplement pour savoir à quel projet de loi vous faites allusion.

Au fait, vos commentaires sont les bienvenus.

Maintenant, nous allons passer la parole à la société environnementale Edmonton Friends of the North.

M. Richard Merry (témoignage à titre personnel): Merci. J'aimerais vous distribuer des copies de mon mémoire.

Le président: Oui, s'il vous plaît.

Madame Moen, on vient tout juste de m'informer que vous avez raison. Des modifications ont été déposées à la Chambre le 10 décembre. Je n'étais pas au courant. Je suis désolé.

Mme Moen: Oui, monsieur le président. Je vous fournirai une copie de la recherche informatique que j'ai effectuée ce matin.

Le président: Merci.

M. Merry: Bonjour. Pour commencer, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à la rédaction de ce projet de loi et à exprimer l'espoir que le public le soutiendra et le renforcera. Je parle en réalité au nom de quiconque souhaite renforcer ce projet de loi. J'ai travaillé avec Edmonton Friends of the North et avec EcoCity, bien que je ne représente officiellement aucun de ces deux groupes aujourd'hui.

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Je vous ai distribué une copie de mes documents. Je m'excuse pour la présentation, car le travail bénévole avec un équipement vétuste nous ralentit parfois. En tout cas, je pense que c'est lisible.

Je crois savoir que je dispose de quinze minutes pour faire mon exposé. Je l'espère.

Le président: Non. Il vous reste maintenant neuf minutes.

M. Merry: Très bien. Je vais simplement passer en revue quelques points principaux. Les pages sont numérotées et j'ai utilisé certains symboles - des astérisques et des tirets, etc. - pour présenter des renseignements de plus en plus précis.

En commençant par la perte de l'habitat et la baisse des populations, j'estime que la faiblesse du projet de loi C-65 réside dans sa protection inadéquate de l'habitat des espèces en péril. Si nous ne protégeons pas l'habitat des espèces, nous ne pouvons pas protéger les espèces elles-mêmes. L'importance de ce lien est largement reconnue.

Je me contenterai de mentionner un certain nombre de faits et de chiffres. Je suis persuadé que vous en avez vu pas mal. Je désire attirer votre attention sur le premier chiffre: 130 des 12 910 espèces d'oiseaux et de mammifères ont disparu depuis 1600. On estime que le rythme de disparition connaît une croissance exponentielle par rapport au rythme normal, qui est de 1 p. 100 en 2000 ans. La destruction de l'habitat est la principale cause de l'augmentation du taux d'extinction des espèces.

Au Canada, en 1989, une étude scientifique réalisée sur une vaste entente de gestion forestière (EGF) en Alberta, que je mentionnerai plus tard, a prédit que 229 des 309 vertébrés terrestres et aquatiques subiraient une influence préjudiciable de l'exploitation forestière - et 13 p. 100 de ces vertébrés figuraient déjà sur la liste des espèces rares ou menacées.

À la deuxième page, vous trouverez un résumé de mes principaux points. Il est peut-être aussi complet que je le souhaite. Il comporte quatre points principaux.

Premièrement, la désignation de l'habitat essentiel a fait l'objet de beaucoup de controverses, du moins aux États-Unis. Le projet de loi C-65 ne nous garantit pas que la désignation ou l'application de ce concept ne sera pas fortement influencée par des intérêts politiques et privés.

Deuxièmement, les termes utilisés pour parler de l'habitat, de l'habitat essentiel et de la résidence ne sont pas clairs dans certains cas et sont très restrictifs dans d'autres.

Troisièmement, la protection juridique des espèces non migratrices et non aquatiques et de leurs habitats est faible. L'accord national est un bon début mais, une fois de plus, il le lie pas les provinces.

Quatrièmement, tel que je le comprends, la participation exigée du public constitue un autre point faible.

J'ai relevé quelques points précis dans certains articles, en commençant par l'article 2. Dans les définitions, on utilise à maintes reprises le concept d'habitat. Il faudrait le définir. Je pense que cela a déjà été mentionné. Par exemple, l'habitat est un concept plus vaste que la résidence.

À la page 3, je cite un exemple de la confusion que cela pourrait semer, et je ne cherche pas à sous-estimer la compétence du COSEPAC. Dans les forêts boréales du Canada, de nombreux oiseaux nichent dans les cavités de trembles morts mais retournent dans les vieux peuplements d'épinettes blanches pour se protéger contre les prédateurs et le froid. L'habitat des oiseaux englobe donc à la fois les vieux peuplements de trembles et d'épinettes blanches, mais ces derniers pourraient ne pas être considérés comme un habitat essentiel. Je ne le garantis pas, mais c'est le genre de chose qui pourrait survenir d'après les textes législatifs que j'ai lus et la jurisprudence américaine dont j'ai pris connaissance.

La destruction de l'habitat par opposition à la destruction de l'habitat essentiel ou à la destruction de la résidence est largement citée comme la principale cause de déclin des espèces, et je demande donc à nouveau que l'on distingue l'habitat de l'habitat essentiel. La définition de l'habitat essentiel devrait étudier de près l'immense controverse qui a entouré l'utilisation de son concept au niveau de la non-désignation. Je crois savoir que seulement une espèce sur cinq en danger de disparition a obtenu une désignation de son habitat essentiel aux États-Unis en 20 ans.

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En 1978, parmi 2 000 espèces proposées, 5 p. 100 ont été inscrites sur la liste mais seulement 1 p. 100 ont obtenu la protection de leur habitat essentiel. À l'heure actuelle, ces chiffres sont peut-être désuets, mais ils sont encore assez faibles.

En outre, la définition de résidence est vague. Je ne sais pas ce que signifie l'expression «tout autre endroit semblable». Je ne sais pas si cela désigne simplement des résidences comme les aires de nidification ou autres, ou si cela se rapporte à la récolte de nourriture, à la chasse, à la migration et à l'hibernation. En gros, il faudrait éclaircir dans le projet de loi la différence entre ces trois termes.

À la page 4, champ d'application, article 3 - c'est la principale affirmation de mon exposé, je pense d'ailleurs qu'elle a déjà été exprimée, à savoir que le projet de loi C-65 n'aborde pas suffisamment d'espèces sauvages canadiennes.

La protection de 60 p. 100 des territoires canadiens semble un bon début. Seulement 30 à 40 p. 100 des espèces en voie de disparition et menacées ont droit à la protection de leur habitat.

J'ai fourni des détails justificatifs dans le point qui suit le tiret. Au Canada, 48 p. 100 des terres sont boisées et pourtant seulement 10 à 20 p. 100 des terres fédérales protégées par le projet de loi C-65 sont boisées, si bien que le projet de loi ne concerne au maximum que 12 p. 100 des terres boisées du Canada. On trouve de nombreuses espèces, surtout non migratrices et non aquatiques, dans les zones boisées - par exemple le caribou des bois, l'ours brun, le bison des bois, etc.

À la page 5, même si j'estime que le projet de loi fait des efforts louables pour protéger légalement l'habitat avec l'accord national qui s'engage à compléter les textes législatifs et les programmes, je pense qu'il y a de bonnes raisons, surtout pour nous ici en Alberta, d'être sceptiques au sujet de la tenue de ces promesses par les provinces. Je sais qu'il y a beaucoup de bons programmes en place et qu'il existe certains textes législatifs, mais je tiens simplement à porter à votre attention certains des points découlant de ce scepticisme.

Le deuxième point, c'est que l'accord précise la protection juridique pour les espèces menacées ou en voie de disparition, mais seulement la protection de l'habitat, si bien qu'il n'a aucune valeur juridique en ce qui concerne les provinces.

Le deuxième point au-dessous mentionne que le dossier de collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral n'est pas bon. J'aimerais vous remémorer le barrage Oldman, la situation à Wood Buffalo, le CCGPPA, la forêt Temagami en Ontario et le projet hydro-électrique de la baie James. Je ne suis pas vraiment très informé sur ces situations, mais je crois savoir qu'il s'agissait de décisions fédérales qui ont été renversées.

L'exclusion de l'EGF au CCGPPA constitue un exemple dans lequel le rapport de la commission d'examen de l'évaluation des incidences environnementales recommandait de reporter la construction de la scierie, et cette décision a évidemment été renversée. Les mécanismes de participation du public à tout ce processus sont assez faibles en ce qui me concerne. Lorsque vous arrivez à l'étape de planification de l'aménagement forestier, ils sont encore plus faibles.

Des EGF, des EGF d'une durée de 20 ans -

Le président: Excusez-moi de vous interrompre. Il vous reste deux minutes.

M. Merry: Très bien. Avant de venir, on m'avait dit que je disposais de 15 minutes.

Le président: Je suis désolé. J'ai dû procéder à un ajustement car le nombre de témoins a augmenté.

M. Merry: Très bien.

Je cite toute une liste d'exemples, en suggérant qu'il faudrait faire des efforts supplémentaires, surtout dans l'accord, pour embarquer les provinces. Je présente quelques suggestions précises.

À propos de l'article 5, traitant de l'objet: à la page 6, je prétends qu'il faudrait englober les espèces vulnérables, pas seulement menacées ou en voie de disparition, et compléter la liste.

À la page 7, je précise qu'il devrait être question d'écologie dans les critères de désignation des membres du COSEPAC - pour avoir une certaine expertise au sein du COSEPAC. Je ne sais pas pourquoi il n'en est pas fait mention. L'écologie est très importante pour ce processus.

Nous sommes à la page 8 - désignation et reclassification des espèces. Le mot «important» est très vague, très général et devrait être éliminé.

J'aimerais aborder au moins les interdictions, qui constituent un domaine crucial - les articles 31 à 33.

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Avant de le faire, j'ai mentionné que la participation du public dans le cadre de l'article 30 devrait comporter des mesures plus sérieuses. Nous avons besoin de programmes éducatifs actifs, pas seulement d'une liste dans le registre public. Je suis éducateur depuis 20 ans et j'estime que vous devez faire un suivi, en particulier lorsque les gens ne sont pas vraiment très motivés. Mais je sais qu'il y a beaucoup de gens motivés au Canada qui ont simplement besoin, disons, d'un peu plus d'encouragement.

Au sujet des interdictions et des points que j'essaie de soulever à la page 9, il faudrait dresser la liste des espèces vulnérables. Un certain nombre d'entre elles seront assurément rétrogradées si nous ne le faisons pas. Nous devrions également élargir les interdictions à l'habitat essentiel, pas seulement aux résidences. La définition de la résidence est beaucoup trop restreinte. Je ne sais pas comment vous pouvez instaurer des situations d'urgence exigeant la désignation d'habitats essentiels alors qu'elles ne sont pas exigées en vertu des interdictions. Il n'est pas nécessaire d'être avocat pour s'en rendre compte.

Il faudrait ajouter à tout cela les perturbations. Il existe suffisamment de preuves pour dire que les perturbations sont très importantes pour la préservation des espèces. Il faudrait les ajouter dans la section concernant les interdictions.

J'ai abordé la question des arrêtés d'urgence. À la page 11, je précise que les exemptions sont trop vastes. Des intérêts puissants et des intérêts industriels tireront nettement avantage de cette situation, à mon avis, et cela est déjà arrivé dans le passé. Il faut mettre davantage l'accent sur ce point. Je crois que l'article traitant de l'évaluation des incidences environnementales, l'article 49, n'occupe qu'une demi-page, tandis que 20 pages sont consacrés au contrôle d'application, qui n'a en fait rien à voir avec l'habitat.

En résumé, mon attention est centrée sur l'habitat. Je sais que beaucoup d'autres personnes l'ont déjà abordé, mais j'imagine que je pense comme eux.

Je tiens à vous remercier que l'occasion que vous m'avez donnée de témoigner devant vous.

Le président: Merci, monsieur Merry, pour votre collaboration et pour cette analyse exhaustive.

C'est au tour de M. Scott.

M. Harvey Scott (président, Crooked Creek Land Conservancy): Je m'appelle Harvey Scott. Je pratique l'agriculture avec ma femme au nord-ouest d'Athabasca. Je suis officiellement son ouvrier agricole et je le suis depuis pas mal d'années. Depuis environ 25 ans, le jour je donne des cours sur le plein air et l'environnement ici même à l'Université de l'Alberta à des enseignants, des moniteurs de loisirs, des guides de pleine nature, etc.

Comme bien des députés, je suis heureux que vous ayez déposé ce projet de loi. J'estime que c'est un pas important dans la bonne direction et j'aimerais vous faire quelques suggestions, au nom de collègues agriculteurs et de propriétaires terriens ruraux de ma région de l'Alberta, qui pourraient renforcer le projet de loi et le rendre plus efficace et plus rentable, en particulier ce que j'appelle convivial.

Je suis le président d'un groupe de conservation des terres appelé Crooked Creek Conservancy. Nous sommes engagés, non seulement avec nos propres terres, dans des efforts de conservation avec des servitudes et d'autres formes de retrait de terres, mais nous aidons également d'autres gens à prendre connaissance de l'existence de déductions fiscales par des campagnes d'information et d'encouragement. J'apprécie vraiment la dernière mesure que votre gouvernement a fait approuver, à savoir le programme de don de terres écologiques, qui est très important. Auparavant, nous avions d'autres moyens de mettre de côté des terres et de les protéger, et nous apprécions énormément ces mesures.

En Alberta, une loi sur les servitudes vient d'être adoptée. Divers groupes sont en train de la mettre à l'épreuve pour voir si elle est efficace et s'il s'agit d'un mode perpétuel de mise de côté de terres à des fins de conservation.

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Je suis aussi président et membre d'un regroupement officieux d'éleveurs-naisseurs dans la région de Island Lake au nord-ouest d'Athabasca, entre cet endroit et Smith dans la région de Big Bend. Nous sommes également préoccupés par des questions comme l'incidence du gaz sulfureux sur nos troupeaux et aussi sur la faune. Même si je ne suis pas ce matin un porte-parole officiel des Island Lake Cow-Calf Operators, je tiens à vous dire que de nombreux habitants et agriculteurs ruraux de cette province sont en faveur de la protection de la faune et de l'habitat faunique.

Je ne pense pas que cela vienne contredire ce qui a pu être dit ici ce matin, même si certains groupes importants et puissants d'intérêts spéciaux agricoles ont pu donner précédemment l'impression que bon nombre d'agriculteurs ont peur que tous leurs droits de propriété leur soient enlevés par ce projet de loi. J'estime que ce n'est pas le cas.

Je reviendrai sur ce sujet et je parlerai à la fin des droits de propriété privés.

Nous considérons que ce projet de loi est un pas important dans la bonne direction. Nos suggestions s'efforcent d'aborder les points qui pourraient être améliorés. Tout d'abord, il n'y aura plus d'espèces sauvages et on assistera à une perte continue des espèces s'il n'y a pas de protection de l'habitat. À l'heure actuelle, on dispose d'un large éventail de moyens provinciaux, fédéraux et territoriaux pour protéger l'habitat faunique et la faune, mais ils nécessitent beaucoup d'enthousiasme et d'énergie, des fonds limités et de la coordination. Il est primordial que le Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril bénéficie d'un leadership considérable et dynamique de la part du ministre fédéral.

Dans tous ces domaines, tandis que nous déléguons et réexaminons notre modèle de fédéralisme, il est capital de continuer à bénéficier d'un programme solide de facilitation et de leadership de la part du gouvernement fédéral. Ce ne sont pas toutes les provinces qui accepteront d'emblée ce genre de programme. Malheureusement, c'est le cas de ma propre province. Elle dispose de quelques textes législatifs limités et de quelques excellents biologistes. Elle a quelques députés consentants, mais je ne suis pas certain que l'éducation environnementale a atteint chacun de nos politiciens.

Je répète qu'il est capital de continuer à avoir un programme sérieux de collaboration par l'intermédiaire du conseil. Je suis heureux de savoir que notre ministre semble avoir accepté l'accord. Je ne pense pas qu'il l'a déjà signé, mais apparemment il est d'accord. Je sais qu'il y a eu certaines modifications par le biais du projet de loi C-42, notre loi sur la faune. À mon avis, elles n'ont pas suffisamment de mordant. Par conséquent, j'appuie ce projet de loi.

Afin de le rendre beaucoup plus efficace et rentable pour des groupes comme le mien et pour d'autres citoyens qui veulent vraiment aider à protéger la faune, vous devez lui insuffler un peu d'énergie, notamment financière. Je note avec intérêt le point soulevé par M. Forseth, mais j'estime qu'on pourrait le faire de façon plus rentable si on conférait au projet de loi une certaine énergie, et des moyens financiers, en facilitant et en orientant la protection de l'habitat. Les programmes dont ont parlé Andy et d'autres témoins illustrent bien la façon dont les agriculteurs et les autres propriétaires terriens ruraux ont fait leur part dans le passé. Nous faisons notre part. Nous sommes prêts à engager des terres et à en mettre de côté en collaboration avec les associations de chasse et de pêche et de bien d'autres façons.

Habitat faunique Canada est un bel exemple d'un programme qui était excellent mais sous-financé. Il est peut-être mort à l'heure actuelle - je n'en ai pas beaucoup entendu parler dernièrement. Il y a le programme d'établissement d'une couverture végétale permanente. Ces initiatives sont toutes importantes. Vous ne pouvez pas espérer que les agriculteurs et les éleveurs mettent de côté leurs terres ou abandonnent des droits fonciers si vous ne leur offrez pas des incitatifs et une certaine indemnisation. On ne parle pas de gros sous. Les déductions fiscales constituent d'excellents moyens. Il reste à savoir comment fonctionne le programme de déductions fiscales pour les servitudes de conservation, mais il pourrait devenir un outil très puissant s'il était facilité. C'est la même chose avec le programme de don de terres écologiques annoncé l'an dernier. Il pourrait s'avérer très efficace.

Ce projet de loi, qui me semble valable sur le plan du contrôle d'application et des peines, aurait besoin d'être équilibré et renforcé par des actions positives pour encourager les citoyens à mettre de côté volontairement - et au besoin autrement moyennant une indemnisation - l'habitat. Ce sont les articles de ce projet de loi qu'il faudrait renforcer.

La Loi sur les ressources naturelles de 1930 et d'autres textes législatifs accordent clairement le contrôle des ressources aux provinces. Nonobstant cela, cette loi et le leadership fédéral qu'elle contient doivent être suffisamment forts pour encourager les ministres de l'environnement éventuellement réticents de l'Alberta et d'autres provinces à embarquer et à participer pleinement et activement. Je pense qu'ils le feront avec ce genre d'aide.

J'ai parlé du leadership du ministre. Une fois de plus, sauf le respect que je dois à M. Forseth, les politiciens fédéraux hésitent beaucoup actuellement à se montrer proactifs, préventifs et enthousiastes à collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour mener à bien ces importantes initiatives.

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Tout comme d'autres témoins ici présents, j'estime qu'il faudrait une norme nationale valable pour s'occuper de la faune, et pas seulement des espèces en voie de disparition. À l'heure qu'il est, en vertu du libellé actuel du projet de loi, on pourrait s'occuper merveilleusement bien de certaines terres relevant de la compétence fédérale et de terres de certaines provinces qui ont embarqué, mais dans d'autres provinces ces espèces auront peu ou pas de protection. Il nous incombe de nous assurer que le projet de loi conférera ce genre de force.

J'estime que le COSEPAC et les inscriptions ont été bien couverts. Il faudrait que ce soit un processus scientifique qui progresse avec célérité et en temps opportun pour amorcer les programmes. Je suis d'accord avec les porte-parole des premières nations qui ont déclaré hier qu'il faudrait inclure certains sages au sein de ces comités du COSEPAC. Je ne sais pas s'ils le sont ou non, mais il y a assurément un grand nombre d'aînés autochtones qui comprennent l'importance spirituelle de la nature. Il faudrait les y inclure de la même façon, par exemple, que les pêcheurs côtiers pourraient apporter une certaine contribution. J'estime, et c'est mon point de vue personnel, que nous n'aurions pas un problème de pêche à la morue d'une telle ampleur, ou peut-être un problème de pêche au saumon, si les pêcheurs côtiers avaient eu leur mot à dire au sujet de la situation des stocks de morue.

Je suis une sorte de scientifique, je respecte la science, et je pense que c'est l'élément fondamental du processus du COSEPAC, mais vous devez envisager les autres formes de sagesse traditionnelle qui pourraient y figurer - les gens qui vivent sur les terres, qu'il s'agisse de trappeurs, d'autochtones ou autres, et les gens qui travaillent de leurs mains pour cultiver ou pêcher. Les pêcheurs côtiers peuvent vous dire ce qui arrive à l'habitat bien mieux qu'une personne qui se promène dans un énorme dragueur de fond à coque en acier.

Contrairement à ce que j'ai pu deviner dans les propos de certains de mes collègues agriculteurs qui sont venus témoigner hier, j'estime que le programme d'application est en général assez bon. Nous parlons d'espèces qui disparaîtront et qui ne reviendront jamais, à moins d'une sorte de processus merveilleux de création ou d'évolution. Il faut donc avoir des interdictions sévères. Il faut disposer d'un personnel d'application sévère. Malheureusement, en Alberta et dans d'autres provinces, nous subissons d'énormes compressions au niveau du personnel d'application des lois fauniques, et j'estime que c'est un domaine dans lequel nous ne pouvons pas nous le permettre. Vous ne feriez pas de coupures dans les forces de police, n'est-ce pas? Effectueriez-vous des compressions dans le domaine de la sécurité des personnes et des normes de soins? Alors pourquoi couper dans...?

Le président: Je dois vous avertir qu'il vous reste une minute.

M. Scott: Très bien, je ne sais pas si je me prends pour un professeur ou un prédicateur, ou pour les deux.

Le président: Vous vous débrouillez très bien.

M. Scott: De toute façon, vous pouvez peut-être discerner mon engagement à l'égard de ce domaine.

Vous pourriez envisager de plus en plus que les gouvernements demandent aux citoyens privés et à des groupes privés d'intérêt public d'effectuer une grande partie des opérations de surveillance et des rapports. Si c'est vraiment cela que vous voulez faire, vous devez leur donner les outils pour le faire. Premièrement, vous devez leur accorder un véritable accès à l'information. Votre projet de loi exclut tous ces petits secrets commerciaux et autres trucs du genre dont nous avons besoin pour comprendre véritablement ce qui se passe.

Deuxièmement, il faut une sorte de protection du dénonciateur. Elle fait défaut dans ce projet de loi et aussi dans bon nombre de lois canadiennes. Si vous voulez vraiment que les citoyens privés, à titre d'employés, affrontent directement leurs employeurs et prennent ensuite au besoin une mesure, vous feriez mieux de les protéger. Nous ne disposons pas de ce genre de protection au Canada.

Permettez-moi de conclure en disant que c'est une étape très importante et je vous en félicite. Ayez du courage. Adoptez une position ferme de leadership de la part du gouvernement fédéral et je suis persuadé que bon nombre de provinces embarqueront, y compris la nôtre.

Votre projet de loi doit donner cette forte impression de sanction. C'est de cela que certains des groupes vous ont entretenu hier: le châtiment. Je crois que tout le monde a peur de voir pulluler des Edward Abbey ici au Canada - c'est lui qui a organisé la pagaille - mais ce ne sera pas le cas. Les citoyens, les éleveurs et les autres peuvent être confiants de pouvoir protéger leurs terres et de conserver leurs droits personnels, mais nous avons besoin d'un projet de loi de ce genre.

De maintes façons, probablement subtiles, facilitantes, habilitantes, je vous suggère de vous assurer que les ressources seront disponibles afin que des personnes comme Andy et d'autres puissent venir me voir, en ma capacité d'agriculteur, et me dire que je possède des terres humides d'un intérêt capital que je pourrais envisager de mettre de côté. Ils pourraient me dire qu'ils disposent d'un peu d'argent pour me dédommager, qu'au lieu de labourer ces terres avec mon tracteur à quatre roues motrices, on pourrait les mettre de côté. J'estime que vous devriez inclure ce genre d'action positive dans le projet de loi, car cela fait cruellement défaut à l'heure actuelle.

Je vous remercie.

Le président: Merci pour vos suggestions très utiles, dont quelques-unes sont nouvelles pour nous. Nous les étudierons, vous pouvez en être assuré.

Nous allons maintenant passer à Canards illimités, je suppose, représenté par M. Neraasen.

M. Terry Neraasen (biologiste en chef, Canards illimités Canada): Oui, je suis Terry Neraasen. Je représente Canada illimités Canada.

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Tout d'abord, je vous remercie de me permettre de vous adresser la parole aujourd'hui avec un très court préavis. Je n'entrerai pas dans les détails pour justifier ce court préavis, mais je vous remercie, monsieur le président, ainsi que tous les membres du comité.

Pour ceux et celles d'entre vous qui ne sont pas familiers avec CI, Canards illimités est un organisme national de conservation. L'habitat est notre passion, et nous sommes très actifs au Canada depuis 1938. Nous gérons environ 13 000 parcelles de terres de toutes sortes, des terres humides et des hautes terres, dont 2,8 millions d'acres d'habitat. Notre point de mire c'est donc l'habitat, et mes commentaires ressembleront un peu à cet égard à ceux de M. Scott.

Canards illimités s'inquiète autant que tout le monde du déclin d'un certain nombre d'espèces sauvages et du nombre d'espèces qui deviennent en péril. La liste ne cesse de croître. Dans de telles circonstances, nous sommes d'accord pour dire qu'il faut des textes législatifs et des efforts particuliers.

Nous avons participé à l'examen initial de la proposition législative et nous appuyons ce projet de loi - nous l'avons d'ailleurs déclaré publiquement - , car il touche les terres fédérales, il énonce très clairement les processus d'inscription scientifique et de rétablissement, il met l'accent sur des approches coopératives de la préservation des espèces menacées et en voie de disparition, mais vraisemblablement d'autres aussi, et nous estimons qu'il offre un très bon cadre au gouvernement fédéral pour faire preuve de leadership dans le domaine de la conservation.

Canards illimités est d'avis que les efforts visant à sauvegarder les espèces sauvages au Canada, qu'elles soient menacées ou non, doivent principalement se concentrer sur la conservation et l'amélioration, si possible, de l'habitat au sens large, de l'habitat important pour tout un éventail d'espèces, et qu'il faudrait insister sur les mesures préventives, tout comme deux ou trois autres intervenants l'ont mentionné. Nous pensons vraiment qu'il faut prendre de l'avance sur la situation et approcher la conservation des espèces sauvages dans le cadre de programmes d'habitat à grande échelle qui sont destinés à réparer les dégâts causés aux écosystèmes.

Quant à l'application de la loi aux terres fédérales, nous croyons comprendre que l'article 33, qui traite entre autres des espèces migratoires transfrontalières, pourrait très bien s'appliquer aux terres privées, et bien qu'il ne s'agisse pas à priori d'une préoccupation de Canards illimités, c'en est une pour les propriétaires terriens privés, pour certains plus que pour d'autres. Nous savons que l'Association canadienne des éleveurs de bovins, par exemple, et la Fédération canadienne de l'agriculture ont exprimé certaines inquiétudes à ce sujet.

Quant à Canards illimités, si les mesures d'application et autres associées au projet de loi incitent les propriétaires terriens privés à ne plus vouloir traiter avec les organismes de conservation comme le nôtre, qui iront les voir pour leur dire qu'ils souhaiteraient les aider à améliorer leurs terres, non seulement pour l'agriculture mais pour la faune, et peut-être à créer des habitats ou à améliorer des habitats qui sont ou pourraient être occupés par une espèce potentiellement en péril, nous nous inquiétons de savoir que si leur perception de la loi est telle qu'ils seront peu enclins à le faire, dans le cadre des programmes que nous avons en place et des partenariats comme le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, les programmes de marais du patrimoine dans bon nombre des provinces, des programmes comme le Programme d'action des zones côtières de l'Atlantique, ce genre de choses, les propriétaires terriens privés seront très réticents à traiter avec nous, et l'élan et les bienfaits positifs de nos programmes s'émousseront.

C'est le principal sujet d'inquiétude que nous pose cet article et son application aux terres privées. Si cet article vise des situations très particulières - et ce n'est pas clair dans le projet de loi - alors il serait peut-être bon de les préciser davantage pour dissiper les craintes des propriétaires terriens privés. Il se pourrait très bien qu'il s'agisse d'une circonstance rare dans laquelle cet article s'appliquera. Si tel est le cas, exposons-le très clairement afin que les gens soient moins inquiets.

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Pour ce qui est des processus d'inscription scientifique et de rétablissement, nous applaudissons la création officielle du COSEPAC, l'accent mis sur l'utilisation des meilleurs renseignements disponibles et aussi sur de bonnes données scientifiques.

Nous estimons que le comité devrait être chargé de définir très clairement ce qui sera considéré comme des renseignements adéquats d'un point de vue scientifique, y compris certaines des suggestions que nous avons entendues ce matin à propos des connaissances locales ou traditionnelles, mais en insistant sur de bonnes données scientifiques. Le COSEPAC devrait fournir le cadre de travail de chacun et les normes de base afin que nous sachions tous de quoi il retourne.

Malheureusement, bon nombre des espèces qui nous inquiètent le font peut-être parce que nous disposons de très peu de renseignements sur leur situation. Un exemple d'une espèce qui vient tout juste d'être retirée de la liste est le pinson de Baird. Grâce à une bonne synchronisation de relevés assez approfondis, nous avons constaté qu'en fait il y avait beaucoup plus d'oiseaux de cette espèce que nous le pensions au début. Cela pourrait très bien être aussi le cas avec beaucoup d'autres espèces.

Nous recommandons également de demander au COSEPAC d'élaborer une stratégie en vue de rédiger des rapports de situation convenables sur les espèces figurant actuellement sur la liste et peut-être sur d'autres espèces préoccupantes.

Enfin, les fonctions du COSEPAC devraient peut-être comporter un rôle consultatif, si cela n'est pas déjà précisé dans le projet de loi, en vue de préparer les plans de rétablissement. En conséquence, les références professionnelles des membres du COSEPAC nécessiteraient forcément une expérience et une expertise en gestion des habitats et en écologie des habitats et des paysages. Même si une représentation régionale est importante, nous estimons que les références fondamentales des membres du COSEPAC devraient être une expertise dans les domaines de l'habitat, de l'écologie et de la biologie des populations, en plus d'être très familiers avec les espèces qu'ils traiteront.

Les articles 19, 22 et 23 du projet de loi concernent les demandes de désignation, de classification, de reclassification, etc. Il conviendrait de clarifier la qualité ou l'à-propos de l'information qui est exigée pour que le COSEPAC étudie ces demandes. Le COSEPAC pourrait également fournir des espèces de normes de présentation qui ne seraient peut-être pas aussi exhaustives que les rapports de situation complets mais qui fourniraient une base solide pour l'étude de ces demandes.

La clé de cette idée, c'est que nous devons vraiment nous concentrer sur de bons renseignements valables sur le plan scientifique. Parfois, les meilleurs renseignements disponibles ne sont pas très bons. La crédibilité de l'ensemble du processus, dans l'esprit du public, des personnes touchées et des intervenants, déprendra largement de la logique et de l'équité de l'ensemble du processus, et l'obtention de bons renseignements valables permettra en grande partie de s'assurer que le processus est équitable et logique.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Neraasen. Il vous reste une minute.

M. Neraasen: Très bien. Je vous remercie. Je voudrais mentionner deux points pour terminer.

Le premier, étant donné que les programmes de grande envergure touchant l'habitat sont extrêmement importants, ce projet de loi devrait, dans la mesure du possible, mettre bien davantage l'accent sur des programmes d'habitat à grande échelle qui protègent d'une façon coopérative, avec tous les intervenants, y compris les organismes comme le nôtre, les propriétaires terriens privés, les gouvernements, etc. Ces programmes devraient viser des mesures préventives.

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Et ne nous concentrons pas uniquement sur des problèmes individuels et localisés. Attaquons-nous au malaise global de la dégradation des écosystèmes plutôt qu'aux symptômes, qui sont par hasard des espèces en déclin, car c'est une approche qui promet beaucoup, mais ce n'est pas un projet à court terme. Il faudra du personnel et des ressources.

Je répète ce qu'ont dit un ou deux autres intervenants aujourd'hui car je ne vois pas grand chose dans le projet de loi qui prévoit des ressources financières et humaines substantielles pour administrer la loi elle-même ou pour exécuter les programmes de rétablissement, ou si des programmes importants touchant l'habitat sont inclus, pour les prévoir. Ce qui nous inquiète, c'est que de très bons programmes - continus comme le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine (PNAGS), par exemple, ainsi que d'autres - pourraient souffrir de la dilution des ressources disponibles pour s'occuper de nouvelles initiatives.

Nous recommandons instamment que des ressources soient affectées à ce programme et qu'elles soient destinées davantage à des mesures préventives et moins à la réparation de problèmes après qu'ils aient pris de l'ampleur.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Nous ne serions pas ici pour réparer si nous avions commencé à faire de la prévention il y a longtemps, comme l'a fait votre organisme.

M. Forseth va commencer, puis ce sera au tour de M. Steckle.

M. Forseth: Je n'ai pas de questions.

Le président: Très bien.

Monsieur Steckle.

M. Steckle: Je tiens à vous remercier individuellement d'être venus témoigner ce matin. Je me rends compte que, pour certains d'entre vous, vos exposés ont peut-être été un peu plus courts que ce que vous auriez souhaité, mais j'estime que nous avons saisi le message général.

Ce que je trouve intéressant, c'est que, dans les exposés de ce matin, un certain nombre d'entre vous ont insisté sur les aspects du financement. Étant moi-même quelque peu impliqué au niveau de Canards illimités, je peux vous dire que cet organisme recueille des sommes faramineuses. Le premier intervenant de ce matin, M. Wallis, a fait allusion au fait que l'on pourrait peut-être utiliser une partie des crédits du budget de l'agriculture. Je lui suggérerais de ne pas propager trop cette idée, surtout dans cette région du pays, et pas en Ontario non plus.

Le contenu du sondage qui a été effectué révèle que les citoyens ruraux, tout comme leurs homologues urbains, appuient également la protection de l'environnement et celle des espèces. Nous sommes tous concernés, peut-être même davantage dans le Canada rural, parce que les citoyens sont très proches des choses que nous essayons de faire. Mais demandez à ces gens de prélever spécifiquement des fonds du budget de l'agriculture - et c'est peut-être un aparté de ce que vous aviez vraiment l'intention de dire - équivaudrait à leur dire «Vous devriez financer le tout». Le Canada rural, en particulier le secteur de l'agriculture, sera invité à appuyer, de bien d'autres façons, des programmes qui seront mis en place.

Étant moi-même un amateur de plein air et un chasseur, je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous n'avons pas autorisé ces parties d'animaux qui sont actuellement détruites, parce que c'est illégal de les utiliser à d'autres fins... Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir un dépositaire central ou un quelconque organisme de collecte qui pourrait ramasser ces parties d'animaux et y ajouter une valeur en les réutilisant dans les projets que nous essayons de mener à bien. Je me rends compte que c'est un sujet controversé, mais chaque partie d'animal qui est prélevée sur un spécimen chassé légalement avec un permis légal est une entité légale.

M. von Busse: Je peux répondre à cette question.

C'est assurément un sujet qui a engendré de nombreux commentaires. Ce qui préoccupe les membres de la Fish and Game Association, c'est qu'une fois que vous créez un marché légal, vous créez un marché noir, et une fois que vous créez un marché noir, vous perdez le contrôle de la situation. C'est la raison pour laquelle nous sommes inquiets au sujet des ours et de l'élevage du gibier en captivité.

Nous nous opposerions fermement à la création d'un marché légal pour les parties d'animaux.

M. Steckle: Si je comprends bien, il existe déjà un marché légal pour certains de ces produits dans le monde, mais il est illégal pour nous de vendre sur ce marché, parce que, dans de nombreux cas, les animaux ne sont pas pris légalement au départ.

M. von Busse: C'est exactement cela; vous iriez à l'encontre du but recherché. Vous essayez de sauver des espèces et des habitats. Si vous créez un incitatif monétaire et un marché pour les parties d'animaux, vous perdrez le contrôle de la gestion de la faune. Vous serez témoin d'un accroissement du braconnage et vous aurez le même problème que dans certaines régions des États-Unis.

Nous serions totalement opposés à une telle mesure et je me risquerais à dire que la plupart des fédérations de la faune au Canada seraient du même avis.

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M. Steckle: Vous avez répondu à la question et, si tel est votre sentiment, je peux l'accepter. Je n'ai jamais pu régler ce problème dans ma tête, car il existe une entité légale du produit que je verrais très bien retourner avec une certaine valeur ajoutée, à des fins de conservation.

J'imagine que vous avez répondu à ma question, mais je suis vraiment entré dans l'esprit deM. Scott ce matin, qui a donné un point de vue assez équilibré de ce que nous avons fait avec ce projet de loi. J'espère que vous continuerez dans le même état d'esprit que vous aviez ce matin, en encourageant la promotion de notre protection des espèces fauniques.

M. Scott: Puis-je répondre à ce commentaire? Ce que je n'ai pas dit, évidemment, dans mon radotage, et à cause du manque de temps, c'est que non seulement dans le domaine de l'éducation mais dans celui du droit - comme l'a souligné la Commission de réforme du droit du Canada il y a quelques années - nous devons réexaminer et repenser nos lois et passer de lois purement centrées sur la personne humaine à des lois davantage centrées sur la terre, afin que toutes ces questions, comme celles que vous avez soulevées, soient examinées de ce point de vue et de bien d'autres.

Je sais que cela semble philosophique, mais je ne pense pas que ce soit vraiment le cas. J'estime que vous tous - vos électeurs, vos électeurs de la base - n'êtes pas seulement des êtres humains, mais que ce sont toutes ces autres créatures qui vivent là-bas. Je suis persuadé que vous pensez comme moi; c'est la raison pour laquelle vous vous êtes portés volontaires ou vous avez été désignés volontaires pour siéger à ce comité. Mais lorsque vous prendrez vos décisions, il me semble que vous devrez vous souvenir que vos électeurs, indirectement, sont toutes ces plantes et toutes ces bêtes indigènes qui vivent dans votre circonscription, et qu'ils ont, dans une certaine mesure, des droits - pas au sens qu'utiliserait un logicien ou un philosophe, mais dans un sens beaucoup plus important, celui de la création ou de l'évolution ou de quoi que ce soit. Merci.

M. Wallis: Si je pouvais seulement clarifier mes commentaires à propos du budget agricole... Il n'était pas dans mon intention de retirer ces fonds à la collectivité agricole; il s'agissait de rediriger les fonds vers elle pour la conservation de l'habitat. Ce n'est pas une idée nouvelle. Habitat faunique Canada a vigoureusement défendu cette idée, et un certain nombre d'organismes agricoles l'ont fortement appuyée. Au lieu de payer pour faire pousser des cultures de peu de valeur, nous pourrions tout aussi bien faire pousser des habitats fauniques de grande valeur.

M. Neraasen: Si vous me permettez d'ajouter un mot, je suis d'accord pour dire que les habitants ruraux appuient énormément la conservation de la faune. Par exemple, la grande majorité des participants que nous avons sont des agriculteurs - des propriétaires fonciers sur leur terre. Ils font donc attention. Il est clair qu'il faut les dédommager si on leur enlève une partie de leur gagne-pain pour des motifs avec lesquels nous sommes tous d'accord - pour la protection des espèces en voie de disparition.

Des initiatives comme le programme de mise sous conservation des terres fragiles aux États-Unis constituent un bon exemple de ce que nous venons de mentionner à propos des avantages économiques. Les fonds versés aux propriétaires terriens aux États-Unis pour abandonner des terres cultivables sont payés directement par le ministère de l'agriculture. En gros, le coût d'abandon de ces terres pendant une période de 10 ans est moins élevé pour le ministère que les coûts antérieurs des intrants et les subventions, etc. qui étaient versés pour la production des cultures. Il n'est donc pas nécessaire de devenir pauvre pour protéger les habitats fauniques.

Le président: Merci, monsieur Steckle.

Madame Kraft Sloan.

Mme Kraft Sloan: Merci.

Monsieur Scott, vos remarques m'inspirent beaucoup. Pour revenir à certains des commentaires que vous venez tout juste de faire, le préambule du projet de loi stipule que «les espèces sauvages, sous toutes leurs formes, ont leur valeur intrinsèque». C'est un concept très important dont il faut se souvenir, un principe très important dont il faut se souvenir. Un témoin antérieur nous a réprimandés pour avoir inclus cette phrase dans notre préambule, mais sans en tenir forcément compte dans le contenu de certains des articles du projet de loi. Il nous a dit que le fait de déclarer qu'un organisme a une valeur intrinsèque équivaut à un principe d'éthique et entraîne des fonctions et des obligations d'éthique pour les personnes qui adoptent le principe d'éthique.

Je pense que personne ne peut nier le fait que c'est notre richesse naturelle qui sous-tend et engendre notre richesse matérielle et culturelle, et que nous ne sommes pas distincts de la nature mais que nous en faisons partie et que la nature est en nous. Je tiens à vous remercier pour avoir porté à nouveau ce point à l'attention des membres du comité.

M. Scott: Ayant passé 25 à 30 ans dans le milieu de l'éducation en matière d'environnement et de plein air, j'estime avoir échoué maintes fois. Nonobstant cela, je pense que le paradigme, la perspective mondiale, change progressivement. Bien que nous puissions être frustrés par la vitesse à laquelle cela se passe - et c'est vrai, votre déclaration d'éthique n'est pas concrétisée aussi nettement que je l'aimerais dans le projet de loi, et je vous encouragerais à en faire bien davantage - j'imagine que nous devons tous aller dans cette direction.

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Que nous soyons des citoyens qui, à cause du manque de fonctionnaires, devront prendre un braconnier sur le fait, étant donné que les braconniers n'ont pas tendance à se dénoncer... L'une des grandes mythologies de l'espèce de «philosophie de gouvernement» actuelle, c'est que les gens se dénonceront. Ce n'est pas ce qui se passe dans notre province, sauf très tardivement. Je ne connais pas de braconniers qui... et je viens d'une famille de braconniers de longue date. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a deux ou trois générations, c'était la façon dont les gens arrivaient à vivre. Ils ne le font plus maintenant.

Mais les gens ne se dénoncent pas, alors il faut une application des lois par les citoyens, que cela vous plaise ou non. C'est une responsabilité civique. J'apprécie donc cette partie du projet de loi, même si certains de mes collègues agriculteurs ne semblaient de toute évidence pas l'apprécier hier. C'est un volet qui me semble nécessaire, jusqu'à ce que tout le monde embarque dans la protection de l'environnement.

Mme Kraft Sloan: Merci.

Le président: Merci.

J'aimerais poser une question brève, que je pourrais peut-être adresser aux représentants de Grassland Community. Au cours des trois dernières années et demie, le groupe qui a exprimé le plus d'inquiétudes et d'hésitations à propos du projet de loi est celui qui fait l'élevage des bovins. Ce sont des gens qui vivent là-bas sur le terrain, évidemment, tous les jours. Leur participation est extrêmement importante; leur collaboration positive et leur appui sont extrêmement importants pour le bon fonctionnement de ce projet de loi.

J'imagine qu'il y a des conversations constantes, fréquentes, quotidiennes entre vous et les éleveurs de bovins. Mais je me demandais s'il existe un cadre officiel pour un dialogue entre vous et eux, au moyen de rencontres régulières au cours desquelles vous exprimez des points de vue différents, vous planifiez ensemble afin d'élaborer une sorte de compréhension mutuelle des enjeux, ce qui aboutit également, il faut l'espérer, à certaines actions conjointes dans le domaine de la protection des espèces en voie de disparition. S'agit-il d'un processus suivi?

M. Scobie: Depuis des années, nous collaborons étroitement avec la Commission de l'élevage bovin de l'Alberta, parce qu'en ce qui concerne la chouette de terrier, son habitat exige que l'herbe soit broutée par des mammifères. À l'heure actuelle, dans les prairies, la seule chose que nous devons apporter, ce sont les bovins, si bien que nous collaborons vraiment étroitement avec la Commission de l'élevage bovin pour promouvoir un pacage judicieux. Je sais que la Commission de l'élevage bovin et le PNAGS ont participé à l'étude de la biodiversité des oiseaux selon différentes méthodes de pacage - les avantages de certaines initiatives comme le pacage à l'arrière-saison et les méthodes de pacage en rotation.

En 1993, l'Association canadienne des éleveurs de bovins a tenu son assemblée annuelle à Calgary. Elle a organisé une vente aux enchères silencieuse qui servait à recueillir des fonds pour financer ce vidéo sur la chouette de terrier, dont je vous laisserai une copie afin que vous puissiez le visionner. Il a été réalisé en 1993, si bien qu'il est un peu désuet. Il parle de la chouette qui était menacée et, comme vous le savez, elle est maintenant en voie de disparition. Mais ces consultations et ces relations avec la Commission de l'élevage bovin sont suivies.

Le président: Ce serait assurément utile d'intensifier ce processus de consultation et ce dialogue au cours des mois et des années à venir afin de garantir un appui au projet de loi.

Permettez-moi maintenant, à l'heure qu'il est -

M. von Busse: Si vous me permettez un commentaire sur ce que vous venez tout juste de dire, je suis tout à fait d'accord avec vous que les partenariats constituent la méthode de l'avenir, et notre association en est parfaitement consciente. Nous collaborons avec un grand nombre de groupes différents.

Ceci étant dit, ce qui nous inquiète, comme je l'ai déjà mentionné, ce sont certaines des orientations du projet de loi. Bon nombre des intervenants d'aujourd'hui ont mentionné que nous devons le faire reposer sur de bons renseignements scientifiques. Certains des articles contenus dans le projet de loi s'éloignent de ce concept et il s'agira de savoir qui aura le meilleur avocat et non les meilleurs renseignements scientifiques. Nous devons être très prudents car, si le projet de loi est adopté dans son libellé actuel, c'est là que nous aboutirons et cela nous inquiète. Certains des partenaires avec lesquels nous avons collaboré dans le passé ne seront peut-être pas aussi disposés à continuer à travailler dans de telles conditions. C'est une question importante.

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À propos du financement, ce n'est pas tant le fait que bon nombre d'entre nous veulent plus d'argent. Le financement public n'est pas une réalité. Il n'y en aura pas au niveau fédéral, pas plus qu'au niveau provincial. Il n'y en a tout simplement pas. Cela signifie que nous devrons travailler en partenariat et que nous devrons nous assurer que le projet de loi que nous proposons nous aidera à travailler de cette façon, plutôt que d'une manière litigieuse.

Le président: Très bien. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus.

Nous allons maintenant mettre fin à nos séances. C'est la quatrième journée des consultations. Elles ont débuté lundi matin à Vancouver. Nous allons rentrer dans nos circonscriptions respectives qui s'étendent de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. Nous ferons bon usage de vos commentaires. Vous pouvez en être certains. Notre comité se réunira à nouveau lundi après-midi à Ottawa.

Nous vous remercions infiniment pour vos témoignages et vos conseils.

La séance est levée. Merci.

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