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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 mars 1997

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[Traduction]

La présidente (Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.)): La séance est ouverte.

Je souhaite la bienvenue au général R. A. Dallaire, chef d'état-major, SMA (personnel). Vous êtes accompagné, général. Vous pourriez peut-être présenter vos collègues.

[Français]

Mgén R.A. Dallaire (chef d'état-major, SMA (Personnel), ministère de la Défense nationale): Madame la présidente,

[Traduction]

J'ai amené un demi-régiment de conseillers techniques.

La présidente: Je vois. Vous n'êtes pas obligé de les présenter tous. Présentez seulement ceux qui sont autour de la table.

Mgén Dallaire: Merci de nous avoir permis de venir témoigner. Si vous me le permettez, je vais vous présenter mes collègues qui sont autour de la table, ce qui ne veut pas dire que ceux qui sont là pour nous seconder ne devraient pas être présentés également. J'espère que s'il y a une réponse d'ordre technique à donner, mes autres collègues pourront venir s'installer à la table également.

La présidente: Absolument.

Mgén Dallaire: Très bien.

Voici M. Bernard Butler, du ministère des Anciens combattants, ou Anciens combattants Canada, qui fait partie du triumvirat, de l'équipe concernée par le sujet de la discussion d'aujourd'hui; voici Jim Rycroft, de la Légion royale canadienne qui est au courant de tout ce qui concerne les dossiers de militaires qui ont demandé de l'aide; mes deux autres collègues sont le colonel McLelland, de nos services de santé, qui s'occupe de tout ce qui concerne la santé - il est également travailleur social de formation et s'est occupé d'un grand nombre de cas - et M. Ewart Thornhill, qui est responsable du soutien du personnel et qui a décidé après pas moins de 42 années au service du gouvernement du Canada...

Une voix: Quarante-huit années.

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Mgén Dallaire: Pardon, 48 années - de prendre sa retraite d'ici deux ou trois semaines. Ewart représente en quelque sorte la mémoire de notre ministère dans ce domaine et c'est pourquoi je l'ai fait venir aujourd'hui.

Voilà en quoi consiste l'équipe de base. En outre, je suis accompagné de toute une série de personnes, notamment de technocrates, de membres du personnel d'exécution et même d'un conseiller juridique très chevronné. Par conséquent, si je m'égare...

Madame la présidente, je vais maintenant lire mon texte en guise d'introduction à la discussion d'aujourd'hui; nous répondrons ensuite aux questions portant sur les services d'aide aux anciens combattants, aux accidentés et aux retraités.

Le gouvernement avait planifié avec beaucoup de soin le retour à la vie civile et la réintégration des anciens combattants après la guerre, et cela a très bien fonctionné après la Seconde Guerre mondiale. La démobilisation s'est faite rapidement et les mesures de réadaptation sont rapidement entrées en vigueur aussi. La prospérité économique a considérablement facilité les choses, mais c'est en majeure partie grâce à la politique fédérale que cette transition s'est faite sans heurts.

À mesure que le souvenir de ces guerres s'éloigne, nous avons tendance à croire que notre responsabilité à l'égard de nos anciens combattants s'estompe avec leur disparition; que nous ne produisons et ne produirons probablement plus d'autres anciens combattants; qu'étant donné que nous sommes en paix depuis plus de 40 ans, nous n'avons pas besoin de consacrer de l'argent ni du temps à prendre soin des militaires qui ont été récemment libérés du service, car ils ne sont plus que des fonctionnaires ayant les mêmes besoins que les autres employés de la fonction publique.

Le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes sont aussi coupables que le reste du Canada d'avoir perpétué un tel mythe. Après toutes ces années de paix, nous avons littéralement perdu la main en ce qui concerne les militaires blessés en service et nous avons perdu de vue leurs véritables besoins personnels et ceux de leur famille. Ajoutez-y la démobilisation de la guerre froide, appelée dividende de la paix, et le rythme opérationnel de missions complexes et à haut risque, comme on n'en avait plus vu depuis la Guerre de Corée, et vous comprendrez que l'aspect humain a été négligé au maximum, avec tout le manque de compassion et d'attention que cela implique nécessairement.

Je tiens à signaler trois faits. Le premier, c'est que bien que, sur le plan légal, nous confiions nos retraités, nos blessés et ceux que l'on pourrait appeler les anciens combattants des zones de service spécial à nos collègues du ministère des Anciens combattants ainsi qu'à d'autres organismes, et plus particulièrement à la Légion royale canadienne, on s'attend à ce que nos membres des forces terrestres, des forces navales et des forces aériennes fassent preuve de loyauté pendant toute leur carrière; par conséquent, lorsqu'ils doivent nous quitter, la Défense nationale et les Forces canadiennes ont certaines responsabilités envers les ex-militaires en raison même de cette loyauté et de cet engagement moral.

Le deuxième, c'est que notre volonté de prendre soin de notre personnel, de nous soucier de ses conditions de service ainsi que de sa qualité de vie et notre efficacité opérationnelle sont deux éléments indissociables.

Le troisième est que nous ne nous sommes pas acquittés de cette obligation aussi bien que nous l'aurions dû et que nous sommes en train d'améliorer les programmes dans l'espoir de mieux répondre aux besoins de notre personnel.

Je vais vous parler de quelques-uns de ces programmes et de certains aspects de la relation qui existe entre nous et notre personnel, en commençant par les conditions de service. Une des pierres angulaires des conditions de service offertes par les Forces canadiennes est le principe de l'universalité du service. Cette politique signifie que tous ceux qui font partie des Forces canadiennes, à quelque titre que ce soit, doivent être évalués en fonction des normes de rendement et d'aptitudes qui sont généralement applicables en temps de guerre et dans le contexte d'autres opérations militaires, en plus de certains critères d'ordre professionnel et environnemental. Le principe de l'universalité du service est énoncé dans la Loi sur la défense nationale, qui dit ceci:

Par conséquent, tout membre des Forces canadiennes, quel que soit son titre ou la région géographique où il se trouve, doit être en mesure de répondre aux exigences physiques de toute fonction que l'instruction militaire de base lui permet d'assumer en tout temps et dans n'importe quelles conditions.

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Cette politique a été confirmée dans la récente décision qui a été rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Robinson, qui dit notamment ceci:

Par conséquent, l'universalité du service est due à la nécessité d'adapter les politiques d'utilisation du personnel afin de pouvoir répondre aux exigences des engagements pris par le gouvernement dans le domaine de la défense. Compte tenu de nos engagements et de notre rythme opérationnels, nous disposons d'une réserve d'employés qui n'est pas très importante et qui a tendance à diminuer; par conséquent, un rendement et une souplesse maximums sont devenus des aspects inévitables et parfois impitoyables de notre politique de gestion du personnel.

Pour la plupart des groupes professionnels militaires, cette tendance à économiser et à utiliser au maximum le personnel a commencé avec l'intégration, il y a une trentaine d'années. Pour d'autres, ce sont les compressions budgétaires qui ont déclenché le processus. En fin de compte, l'universalité du service est une façon d'essayer de faire plus avec moins et pourtant, cette politique entraîne manifestement certains coûts. Mis à part le fait qu'il arrive de temps en temps que l'on garde des membres du personnel dont l'emploi est devenu permanent, les Forces canadiennes doivent se séparer de tous ceux qui ne répondent pas au critère de l'universalité. Il convient de se demander si cette inflexibilité est la meilleure méthode d'utilisation du personnel étant donné qu'elle nous prive des connaissances poussées, des compétences et de l'expérience de certaines personnes qui ne seront peut-être jamais appelées à participer à un déploiement dans le cadre de certaines opérations.

Quel effet cela produit-il sur le moral de nos membres quand ils savent que s'ils ne répondent plus à ce critère à cause d'accidents survenus en cours d'instruction ou dans le cadre d'opérations, ils seront privés de leur gagne-pain? Le caporal jouera-t-il pour l'équipe de hockey du régiment rien que pour la gloire de celui-ci quand il risque de se blesser et d'être renvoyé? Si la réponse est affirmative, c'est parfait. Sinon, nous nous trouvons dans une grave impasse.

À quelques rares exceptions près, deux plans de carrière s'offraient aux membres des Forces canadiennes jusqu'au 1er janvier de cette année: le plan d'orientation des carrières pour le personnel non officier et le plan d'orientation des carrières pour les officiers. Le premier consistait en deux périodes d'engagement de base de trois ans, suivies de périodes d'engagement intermédiaires d'une durée totale de 20 ans. Les membres étaient rengagés au bout de trois et de six ans sur la décision du commandant de leur unité. Au bout de 17 ans, et après avoir atteint le grade minimum requis pour leur groupe professionnel militaire, un comité de sélection envisageait de les rengager pour une période de service d'une durée indéterminée leur permettant de rester en service jusqu'à l'âge obligatoire de la retraite, qui est de 55 ans. Les membres qui n'étaient pas choisis étaient libérés au bout de 20 ans et on leur donnait une pension conforme aux conditions prévues dans la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.

Selon le plan d'orientation des carrières pour les officiers, les officiers s'engageaient pour une période initiale de neuf ans de service. À la fin de cette période, si on le jugeait approprié, on pouvait leur offrir un engagement intermédiaire dont la durée expirait au bout de 20 années de service, comme pour les MR. Par ailleurs, comme dans le cas des MR, on envisageait de rengager les officiers pour une période d'une durée indéterminée après la période initiale de 17 ou 20 ans. En outre, selon le groupe professionnel militaire auquel il appartenait, un officier devait atteindre au moins le grade de capitaine ou de major pour pouvoir être rengagé pour cette période de durée indéfinie. Tout comme les militaires du rang, les officiers dont les Forces canadiennes se séparaient au bout de 20 ans avaient droit à une pension. Par contre, les officiers non choisis pour un engagement intermédiaire - c'est-à-dire après les neuf premières années - avaient droit à une prime de départ d'un montant proportionnel à leur salaire.

Ces phases ont été instaurées pour produire les militaires jeunes et en pleine forme dont on avait besoin. Ce système prévoyait un apport de nouvelles recrues et le départ d'anciennes recrues à intervalles opportuns pour obtenir une efficacité opérationnelle maximale. L'échéance initiale de 20 ans de service ou de 40 ans d'âge a été choisie délibérément parce que l'on estimait que l'intéressé serait encore assez jeune pour entamer une seconde carrière dans le civil à cet âge.

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Les Forces canadiennes n'ont toutefois pas particulièrement facilité le processus de retour des militaires à la vie civile. Il n'existe pas de procédure établie en ce qui concerne la préparation des militaires qui quittent les forces armées à cette étape de leur carrière, c'est-à-dire pendant qu'ils sont toujours en service. Nous n'avons pas fait le nécessaire pour que nos membres suivent des cours de recyclage leur permettant d'acquérir des compétences en demande en suivant des cours dans un collège communautaire ou d'une autre façon.

Nous avons toutefois instauré un service dont je reparlerai plus tard. Il s'agit du Service de préparation à une seconde carrière (SPSC).

Depuis le 1er janvier 1997, tous les membres des Forces canadiennes ne sont plus soumis qu'à un seul plan d'orientation des carrières au lieu de deux. Ce plan est semblable aux deux qu'il remplace sauf qu'il comporte quatre changements importants.

Premièrement, le nouveau plan s'applique à la fois aux officiers et aux sous-officiers.

Deuxièmement, les membres ne sont plus obligés d'atteindre un grade de base ou minimum pour que l'on envisage de renouveler leur contrat pour une période de service d'une durée indéterminée, c'est-à-dire pour pouvoir être en service jusqu'à l'âge obligatoire de la retraite.

Troisièmement, conformément aux lignes directrices fournies par les chefs de service, les officiers peuvent se voir offrir la possibilité de signer des contrats d'engagement intermédiaire par le commandant de leur unité.

Enfin, les services peuvent désormais retenir les membres qui n'ont pas été choisis pour une période indéterminée pour des engagements continus dont la durée peut aller jusqu'à cinq ans, selon les besoins du service. Par conséquent, la période de 20 ans de service peut désormais être prolongée d'une durée maximum de cinq ans.

Une autre initiative qui vient se greffer à ce nouveau plan d'orientation des carrières est le nouveau rapport d'évaluation du personnel, qui est le rapport annuel établi sur chacun d'entre nous. Ce nouveau rapport aide à évaluer le potentiel des membres des Forces canadiennes et leur donne un avis plus éclairé sur cette possibilité de rester en service en permanence.

Par conséquent, longtemps avant que le membre n'atteigne une de ces échéances, surtout celle de 20 ans, il aura une idée beaucoup plus précise de ses chances d'être choisi pour une période indéterminée ou de participer au programme d'engagement continu d'une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans ou jusqu'à ce qu'il reçoive une promotion.

Tous ces changements ont pour but d'harmoniser la façon dont les officiers, les sous-officiers et les MR sont traités sur le plan de la carrière et de donner à ces trois services un meilleur contrôle et une plus grande liberté d'initiative dans le but de répondre à leurs besoins.

Chaque année, des membres des Forces canadiennes sont mis à la retraite pour des raisons d'ordre médical, à l'âge obligatoire de la retraite ou à une des diverses étapes du programme d'orientation des carrières.

Les membres des Forces canadiennes qui se trouvent dans cette situation ou qui font partie de cette catégorie ont servi leur pays en respectant leurs engagements et leur départ se déroule de façon honorable. Par contre, ils emmènent avec eux des compétences dans lesquelles les Forces canadiennes ont investi beaucoup d'argent et de temps.

C'est pourquoi il serait bon de leur donner accès à un emploi dans la fonction publique. Il fut un temps où, à la fin de leur carrière militaire, les membres des Forces canadiennes pouvaient postuler un emploi dans la fonction publique. Ce n'est toutefois plus possible depuis juin 1993, en raison des modifications qui ont été apportées à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Comme vous le savez probablement, le Conseil privé est actuellement en train de procéder à une révision complète des règlements en la matière. Ces nouveaux règlements devraient être promulgués vers le milieu du mois prochain.

Cependant, étant donné qu'il n'est actuellement pas toujours possible de trouver un emploi dans la fonction publique, les Forces canadiennes mettent au point un programme visant à faire acquérir à leurs membres retraités les compétences nécessaires dans le civil. Nous pourrons en parler plus tard.

J'ai parlé tout à l'heure du SPSC ou Service de préparation à une seconde carrière. Il intervient au moment où l'une ou l'autre des différentes étapes de la carrière militaire approche.

Il existe effectivement un certain nombre de prestations et de services pour les retraités des Forces canadiennes. Bien que l'admissibilité puisse varier selon le nombre d'années de service et le motif de la retraite, il existe six sortes de prestations et de services: prestations de retraite prévues dans la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, l'allocation de retraite, le congé de réadaptation, les indemnités de déménagement, les prestations du Régime de soins de santé de la fonction publique ainsi que le Service de préparation à une seconde carrière ou SPSC.

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Le SPSC aide les membres des Forces canadiennes à planifier, préparer et réaliser leur transition personnelle et professionnelle à la vie civile. Cette aide est offerte aux membres des forces armées assujettis à diverses conditions de service: départ forcé à la fin de la période d'engagement de base, d'un engagement de courte durée et renvoi dû à une décision d'un conseil médical de révision des carrières ou à une compression des effectifs, comme ce fut le cas au cours des deux dernières années.

Normalement, les militaires doivent commencer à participer à ce programme dans les cinq années précédant leur retraite. Ils doivent au plus tard commencer à participer dès qu'ils sont avertis de leur libération. Notez que ce sont les intéressés qui doivent faire les démarches pour y participer.

Les militaires étaient-ils toutefois vraiment informés en temps voulu de leur engagement pour la carrière? Savaient-ils qu'ils ne franchiraient pas l'étape suivante? Avaient-ils prévu le coup? Avions-nous en fait adapté le profil d'emploi des personnes qui ne bénéficiaient pas de l'option de l'âge de la retraite obligatoire pour leur permettre de faire la transition à la vie civile? Non, pas vraiment.

Pour le moment, le remboursement des frais de formation pour une seconde carrière est limité à un maximum de 2 500 $. Cette somme doit être réclamée au plus tard un an après la date du départ forcé de la personne concernée.

Étant donné que notre société évolue, on envisage d'améliorer plusieurs volets de ce programme, notamment de remplacer les deux systèmes de paiement de prestations complètement séparés par un système de paiement d'une somme globale pour le recyclage et le SPSC, pour les personnes ayant plus d'un certain nombre d'années de service, y compris dans la Force de réserve.

On envisage d'instaurer le principe général du perfectionnement personnel et de rembourser la totalité des frais de formation et d'inscription aux cours, dans le but d'encourager les gens à se perfectionner et à accroître leur bagage de compétences en demande sur le marché du travail.

On se propose également d'offrir des prestations de recyclage aux conjoints de militaires ayant un certain nombre d'années de service, en raison des sacrifices qu'ils ont dû faire sur le plan carrière du fait de devoir continuellement changer d'endroit. Cela les aide à se préparer en prévision du jour où leur conjoint quittera les forces armées et où ils devront également chercher un nouvel emploi.

On envisage également d'organiser davantage de séminaires et d'ateliers pour aider les conjoints de militaires à se recaser, étant donné que les séminaires actuels ne sont qu'exceptionnellement accessibles aux conjoints.

On envisage de créer un programme d'encadrement pour aider les membres des Forces canadiennes à faire la transition à la vie civile, au lieu de les laisser tomber purement et simplement.

On envisage enfin de mettre à la disposition des membres des Forces canadiennes et de leurs conjoints la technologie informatique actuelle, notamment Internet, pour la recherche d'un emploi et la diffusion de leur c.v., afin d'augmenter leurs chances de se recaser et d'éviter qu'ils ne restent sans emploi pendant une certaine période.

Je vais maintenant parler des soins qu'il faut offrir aux blessés. À ce propos, je tiens tout d'abord à signaler que les Forces canadiennes estiment qu'il est extrêmement important d'offrir à leurs membres qui ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions les soins les plus attentifs et les plus professionnels possible. Il ne s'agit pas uniquement de fournir de l'aide et des soins médicaux mais aussi des services de soutien permettant aux blessés d'obtenir l'aide nécessaire, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique. Nous avons le devoir moral de faire ce minimum.

Cela dit, je vais vous parler de certaines politiques, de certains programmes et de certains processus qui existent pour aider nos blessés. Il n'est que trop vrai que, depuis peu, nous exposons de plus en plus nos membres au danger, que nous leur demandons, et du même coup à leur famille et aux personnes qui leur sont chères, de remplir des missions stressantes et dangereuses dans diverses zones de service spécial et qu'ils pourraient subir à cause de cela des blessures physiques et des traumatismes psychologiques.

Par conséquent, les Forces canadiennes font des efforts considérables pour essayer d'éviter les accidents de nature physique ou psychologique. Je pense notamment au programme de gestion du stress en cas de déploiement, qui a pour but d'éviter les problèmes de stress par des briefings de préparation au déploiement et certaines initiatives pendant le déploiement ainsi que par des briefings après la période de déploiement, pour les membres et pour leur famille.

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Par ailleurs, la politique des Forces canadiennes concernant la gestion du stress causé par les incidents critiques est une politique qui vise à aider nos membres à faire face à des événements traumatiques et à prévenir la névrose post-traumatique.

Alors que nous avons réalisé des progrès considérables sur le plan de la prévention des troubles psychologiques et du stress, nous ne disposons pas d'une méthode permettant de déterminer avec précision les besoins continus, surtout en ce qui concerne les membres des forces de réserve.

C'est pourquoi nous avons conçu un projet de suivi après le déploiement, ayant pour but de procéder à un certain suivi officiel pendant un minimum d'un an après une période de service dans le cadre d'une mission de maintien de la paix. Il visera à déterminer les besoins physiques et psychologiques continus du membre, voire de sa famille, et constituera un moyen d'envoyer instantanément quelqu'un en traitement lorsque c'est nécessaire.

Ce genre de suivi sera également efficace pour déterminer les besoins physiques continus. Il permettra également de mieux cibler les efforts déployés pour défendre les intérêts des personnes qui ont été blessées. Nous possédons un nombre suffisant de preuves récentes qu'il existe des lacunes dans ce domaine.

Certains organismes publics comme le ministère des Anciens combattants et des organismes privés comme la Légion royale canadienne peuvent jouer et jouent effectivement un rôle capital dans ce domaine. Nous espérons pouvoir mettre ce programme en oeuvre cet automne.

Il ne faut pas oublier par ailleurs qu'étant donné qu'il est possible de suivre les opérations militaires à la télévision, nos familles vivent quotidiennement notre expérience. Ce type d'aide doit être mis également à la disposition des familles de militaires.

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais parler de mon expérience personnelle au cours des quatre mois de la guerre au Rwanda. Chaque jour, ma femme et mes enfants regardaient toutes les émissions d'actualités à la télévision et écoutaient tous les bulletins d'information à la radio pour savoir si je n'avais pas été tué, blessé, ou fait prisonnier. Ma belle-mère, dont le mari a commandé un régiment pendant la Seconde Guerre mondiale, m'a dit à mon retour qu'elle n'avait jamais connu ce genre de stress parce qu'à cette époque, les informations étaient très limitées et très peu détaillées.

Maintenant, nos familles vivent les missions en même temps que nous. Je peux vous citer l'exemple des 11 soldats qui ont été faits prisonniers pendant les opérations de Bosnie. Leur famille vivait ce stress et suivait ce qui leur arrivait à tout moment de la journée.

On pourrait en tirer la conclusion qu'un jour il sera peut-être possible d'assister, de notre fauteuil, à l'exécution d'un soldat de l'un ou l'autre sexe, sous les objectifs des caméras, avec un commentaire détaillé, et que les familles des victimes pourront suivre ces événements en direct.

Quant aux blessés, un certain nombre d'organismes des Forces canadiennes pourraient leur offrir de l'aide, à commencer par les services médicaux en allant jusqu'au directeur général de la rémunération et des avantages sociaux. Cette situation a parfois été responsable d'une certaine confusion, d'un manque de soins appropriés et de l'impression générale d'être oublié qu'a le membre lorsque l'on ne répond pas à ses questions et que l'on ne lui fournit pas les services nécessaires.

J'ai entendu dire et j'ai lu que les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale se débarrassaient de leurs blessés en comptant sur les services médicaux civils. Alors que le service de santé des Forces canadiennes s'efforce de fournir les meilleurs soins médicaux possibles, il doit avoir recours de plus en plus aux services médicaux civils pour ce genre de soins. Par conséquent, le recours à un autre mode de fourniture du service doit constituer une solution rentable.

À plus d'une occasion, j'ai entendu parler de certains cas horribles, de certains membres des forces armées qui n'ont pas reçu les soins et l'attention qui leur étaient dus, non pas à cause de la négligence ou du refus du MDN ou des Forces canadiennes, mais à cause d'insuffisances d'ordre administratif.

Une autre critique qui a été faite à notre endroit est que nous oublions ceux qui ont été mis à la retraite à la suite d'une blessure reçue dans l'exercice de leurs fonctions et que les ex-membres des forces armées ont beaucoup de difficulté à se mettre au courant de toutes les démarches qu'il faut faire et de toutes les questions qu'il faut poser pour obtenir une pension, des soins médicaux ou les autres services disponibles.

On a constaté que les ex-membres des forces armées qui ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions et qui ont besoin de soins médicaux n'étaient pas toujours en mesure d'identifier les services nécessaires. Par conséquent, il faut que les Forces canadiennes soient en mesure d'identifier et de payer les services nécessaires aux membres de la Force régulière et de la Force de réserve qui ont quitté les forces armées et qui ne sont pas encore à la charge du ministère des Anciens combattants en ce qui concerne les pensions et les services. C'est sur le plan de la coordination de nos efforts que la situation laisse à désirer.

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Un certain nombre d'organismes du MDN et des Forces canadiennes sont chargés de fournir les soins médicaux nécessaires jusqu'à ce que la mise à la retraite soit proposée. En outre, certains services sont fournis par des organismes indépendants comme la Légion royale canadienne, qui vient également en aide aux blessés. Sachez toutefois que le MDN et les Forces canadiennes ne tiennent pas à se dérober aux responsabilités qu'elles ont envers leurs blessés. Moralement, elles ne peuvent pas le faire. Par conséquent, nous devons nous acquitter de cette obligation de façon plus efficace grâce à une collaboration beaucoup plus étroite avec le ministère des Anciens combattants et la Légion. Après tout, ils font par définition partie de la grande famille militaire.

C'est pour cela que, en plus des initiatives dont j'ai parlé, nous envisageons très sérieusement la création d'une sorte de centre d'aide aux blessés ayant pour objet de coordonner tous les efforts visant à satisfaire leurs besoins. Nous écoutons les critiques de nos membres et nous sommes disposés à réorienter nos efforts en conséquence - c'est d'ailleurs dans notre intérêt. Nous n'abandonnerons pas nos blessés quand ils sont en difficulté, après leur départ des forces armées. J'estime qu'il faut accorder la priorité absolue à cette initiative. Il faut régler le problème.

Que dire de tous les systèmes d'indemnisation qui existent? Comment fonctionnent-ils? La Loi sur les pensions est la loi par laquelle on reconnaît l'obligation du peuple et du gouvernement du Canada d'indemniser directement ou indirectement les anciens combattants des forces armées qui sont devenus invalides ou qui sont décédés des suites du service militaire, en leur versant une pension et d'autres prestations, à eux ou à leurs survivants. Autrement dit, la loi sert à indemniser les militaires pour les risques supplémentaires qu'ils courent dans l'exercice de leurs fonctions par rapport aux risques habituels, auxquels tout le monde est exposé.

Contrairement à la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes qui impose le versement d'une contribution proportionnelle au salaire, la Loi sur les pensions n'oblige pas les membres des forces armées à payer des primes. Cependant, toutes les prestations versées en vertu de cette loi sont exonérées de l'impôt sur le revenu. Ces prestations leur reviennent de droit et les autres revenus ne font généralement pas varier leur montant. Ces pensions sont indexées une fois par an, le 1er janvier, selon l'indice des prix à la consommation. La Loi sur les pensions est également la porte d'accès à toutes les autres prestations destinées aux anciens combattants. Elle représente donc l'obligation que contracte une nation reconnaissante envers quelqu'un pour les services rendus dans la défense de son pays.

La Loi sur les pensions repose sur deux principes fondamentaux: le principe de l'assurance et celui de l'indemnisation. Le principe de l'assurance s'applique à toutes les réclamations faites pour cause de décès et d'invalidité due au service militaire rendu au cours de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu'en vertu du décret concernant la pension pour service dans une zone de service spécial.

Le principe de l'indemnisation signifie tout simplement qu'il faut fournir des preuves tangibles et crédibles que la blessure ou la maladie responsable de l'invalidité ou du décès est directement liée au service militaire en temps de paix. Dans la Loi sur les pensions, le terme «invalidité» est défini comme suit: «la perte ou l'amoindrissement de la faculté de vouloir et de faire normalement des actes d'ordre physique ou mental». C'est la politique du ministère des Anciens combattants qui décide en fait ce qui constitue une invalidité.

La Loi sur les pensions est administrée seulement et exclusivement par le ministre des Anciens combattants et ni le MDN ni les Forces canadiennes n'ont la moindre compétence à cet égard. Cependant, pour que la décision concernant une demande de pension soit prise dans les règles et au moment opportun en vertu du principe de l'assurance, le Quartier général de la Défense nationale - et plus précisément le directeur des pensions et des programmes sociaux, c'est-à-dire mon collègue Ewart - informe Anciens combattants Canada de la possibilité d'une réclamation et obtient une date protégée pour la demande lorsque cette information est disponible. Cette date protégée deviendra la date d'entrée en vigueur du droit en question lorsque la demande aura été réglée définitivement.

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Par conséquent, il est indispensable que notre directeur des pensions et des programmes sociaux soit mis au courant dès que possible du nom et des états de service du membre des forces armées qui est blessé ainsi que des problèmes de santé en vertu desquels il peut réclamer une pension d'invalidité. Il faut pour cela lui envoyer un message concernant les blessures ou utiliser la ligne téléphonique directe, dont je parlerai plus tard.

Nous n'avons pas très bien fait notre travail dans ce domaine et les unités n'ont pas toujours fourni les renseignements de base dont nous avons besoin pour pouvoir entamer le processus d'octroi éventuel d'une pension à la personne concernée.

Si c'est le directeur des pensions et des programmes sociaux qui obtient une date protégée pour une demande de pension d'invalidité, lorsqu'il en été informé, c'est à l'intéressé qu'il incombe de présenter la demande en question. C'est bien beau, mais les supérieurs et la chaîne de commandement ont aussi une responsabilité fondamentale à cet égard, en fin de compte.

Les requérants peuvent obtenir gratuitement des renseignements et de l'aide sur la façon de préparer et de présenter leur demande, en s'adressant au préposé aux pensions du bureau le plus proche d'Anciens combattants Canada. On peut également obtenir gratuitement le même genre d'aide en s'adressant à la Légion royale canadienne; ces organisations répondent effectivement. Certaines d'entre elles font même des recherches pour connaître les cas qui n'ont pas été signalés.

S'il est nécessaire d'examiner la possibilité de verser une pension au conjoint survivant ou aux enfants des membres des Forces canadiennes qui meurent dans une région de service spécial désignée, c'est la même direction générale des pensions et des programmes sociaux qui se charge des demandes.

En 1997, par exemple, le montant mensuel moyen des pensions pour le taux d'invalidité maximum, soit 100 p. 100, d'une personne mariée ayant deux enfants, s'élève à environ 2 500 $. Une série d'autres éléments entrent également en ligne de compte; nous pouvons d'ailleurs vous fournir des renseignements précis à ce sujet.

Une fois que l'on a déterminé qu'une personne a droit à une pension d'invalidité, celle-ci a le droit de recevoir des soins médicaux pour le problème de santé qui donne droit à la pension, par l'intermédiaire d'Anciens combattants Canada. C'est le cas même lorsque le versement d'une pension n'a pas été autorisé. Pendant les périodes de soins médicaux intensifs, c'est-à-dire pendant les périodes de séjour à l'hôpital, le taux de pension pourrait aller jusqu'à 100 p. 100.

En 1991, le champ d'application du Programme pour l'autonomie des anciens combattants, appelé PAAC, a été étendu aux retraités ayant été en service dans les zones de service spécial, c'est-à-dire aux militaires qui ont participé aux opérations dans lesquelles nous sommes actuellement engagés depuis environ cinq ans. Ce programme aide les retraités à rester en bonne santé et à vivre de façon autonome chez eux ou dans leur collectivité au lieu d'être placés dans un établissement. Ce programme n'a pas pour objet de remplacer d'autres programmes fédéraux, provinciaux ou municipaux mais de les compléter, pour répondre le mieux possible aux besoins des personnes concernées.

Le PAAC aide à payer les coûts de certains services fournis à domicile, comme l'entretien du terrain, l'entretien ménager, les services de soins personnels, les services d'appui à la santé, les services de transport, les services de soins ambulatoires, les services infirmiers, les services d'adaptation du domicile ainsi que d'autres services.

Nous avons instauré un service d'information et de consultation sur les indemnités d'invalidité qui commencera à fonctionner le 1er avril 1997; cela a d'ailleurs été annoncé dans les médias. La priorité de ce service est la publication d'un mémorandum ou d'une brochure décrivant les prestations accessibles aux membres des Forces canadiennes qui quittent ou sont sur le point de quitter les forces armées pour cause d'invalidité. Il continuera à s'occuper de la ligne directe et fournira toute l'aide nécessaire aux membres des Forces canadiennes atteints d'une invalidité permanente.

Toutes les questions concernant autre chose que les prestations de pension comme les soins médicaux, les prestations du Régime d'assurance-revenu militaire ou d'autres programmes seront communiquées au bureau compétent du Quartier général de la Défense nationale pour que l'on y donne suite.

Cependant, ce service devrait travailler en étroite collaboration avec le récent service à la clientèle du ministère des Anciens combattants et avec les agents d'aide sociale de la Légion royale canadienne. Tous ces services se communiquent mutuellement les dossiers et les renseignements.

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Indemnités d'invalidité dans la Force de réserve. Alors que les pensions prévues dans la Loi sur les pensions sont versées par le ministère des Anciens combattants, le versement des indemnités d'invalidité aux membres de la Force de réserve est autorisé par le Quartier général de la Défense nationale, conformément aux Ordonnances et Règlements royaux et aux dispositions supplémentaires des Ordonnances administratives des Forces canadiennes; elles sont versées par le contrôleur de la région où se trouve la personne en question.

L'objet des règlements concernant le versement d'indemnités d'invalidité aux réservistes est d'indemniser le membre de la Force de réserve pour toute perte de revenu, totale ou partielle, lorsqu'il devient invalide des suites du service militaire et est incapable de retrouver un emploi dans le civil.

Les indemnités d'invalidité sont considérées comme des prestations à court terme et elles correspondent au montant du salaire touché au moment où la blessure ou la maladie causant l'invalidité est survenue. La période d'invalidité et l'aptitude du membre à poursuivre son service doivent évidemment être établies conformément à la politique médicale des Forces canadiennes.

Par conséquent, les critères médicaux des Forces canadiennes doivent être appliqués aux réservistes. Ce système n'a pas été très efficace jusqu'à présent et il fait l'objet de nombreuses discussions chez les réservistes. Nous pourrons donner plus de précisions à ce sujet pendant la période des questions. Ce système n'a pas donné des résultats satisfaisants.

Nous avons établi une ligne téléphonique directe à l'intention des membres des Forces canadiennes, des commandants et des autres autorités responsables, ainsi que des personnes qui sont à leur charge. Ce service 1-800, permet d'obtenir des renseignements et des conseils pour s'arranger pour que les demandes de pension et d'indemnités soient faites le plus rapidement et le plus efficacement possible. Ce service est disponible dans tout le pays, à partir de n'importe quel téléphone du MDN. Le personnel en service à l'étranger peut également se mettre en contact avec le Centre des opérations de la Défense nationale à Ottawa, qui établira la communication.

Au cours des dernières décennies, la façon dont nous avons traité le cas de militaires blessés n'a pas été tout ce qu'il y a de plus holistique. Un grand nombre d'ex-militaires ont quitté les Forces canadiennes avec une certaine amertume et en ayant l'impression d'avoir été rejetés. Ceux qui sont toujours en service s'en sont rendu compte et ils se posent des questions sur l'opportunité de s'engager corps et âme dans un entraînement pénible et exigeant et dans des missions opérationnelles dangereuses. Il faut accorder une importance capitale à ce facteur si l'on veut maintenir le moral des troupes et inciter les militaires à continuer de prendre des risques dans le cadre d'opérations dures et complexes.

Je vais essayer de terminer, car j'ai probablement parlé beaucoup trop longtemps.

Pendant toute cette période de paix de plusieurs décennies, l'instauration de procédures administratives visant à s'assurer que nos petites forces sont composées d'éléments jeunes, en forme, disponibles et prêts à accomplir toutes les tâches opérationnelles, a émoussé notre compassion au point de friser parfois la cruauté pure et simple. Nous devons rendre nos procédures plus humaines. Nous devons rester équitables et respecter, cela va de soi, les procédures légales tout en ne perdant pas de vue que les membres des forces terrestres, des forces navales et des forces aériennes sont des êtres humains et pas des machines à tuer, et qu'ils doivent par conséquent être traités avec tous les égards possibles par une nation qui baigne dans la paix et la sérénité, une paix dont le prix est toutefois considérable pour un grand nombre de personnes et qui exige de grands sacrifices de la part de bien des familles.

Nous sommes moralement obligés de fournir à nos militaires les meilleurs services possibles lorsque leur carrière militaire est terminée. C'est une question d'intérêt collectif. Nous avons également intérêt à les préparer quand ils sont encore en service. Notre efficacité opérationnelle dépend dans une grande mesure de la conviction des personnes concernées, qu'elles ne seront pas abandonnées à leur sort.

Nous devons incorporer une fois de plus à notre culture militaire la prise de conscience du fait que les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale ont une obligation morale permanente envers leurs membres retraités. Celle-ci va bien au-delà de nos obligations légales et elle assure la création d'un lien permanent entre le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes, le ministère des Anciens combattants ou Anciens combattants Canada et la Légion. Ce n'est qu'en appliquant un tel principe que l'on pourra s'assurer que nos membres ne seront pas laissés pour compte et qu'ils ne seront pas confrontés à de dures épreuves ainsi qu'à une série d'obstacles administratifs après des années de service et de dévouement pour notre pays.

.1615

Par conséquent, il incombe aux trois membres du triumvirat - les FC et le MDN, le MAAC et la Légion - de s'efforcer, grâce à une collaboration étroite, de répondre aux besoins de nos militaires et de leur famille. Comme vous pouvez le constater par la présence des personnes qui m'entourent, ce rapprochement a déjà commencé.

En fin de compte, nous nous efforçons de nous acquitter de notre obligation morale, qui est d'être à la hauteur du principe énoncé par le premier ministre Robert Borden avant la Bataille de Vimy en 1917, dont nous célébrerons le 80e anniversaire le mois prochain. Voici ce qu'il a dit:

[Français]

Madame la présidente, je vous remercie de votre tolérance et de votre patience, et de m'avoir permis d'énoncer un document d'envergure. Nous pensions que cet exposé saurait établir un point de départ. Mes collègues ici présents et moi sommes tout à fait disposés à répondre à tout volet qui touche le soin de nos anciens combattants, de nos blessés et de ceux qui prennent leur retraite des Forces canadiennes.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, général.

Je demande à M. Leroux de commencer. Vous avez dix minutes.

[Français]

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Merci, madame la présidente. Heureusement qu'on a entendu quelques paroles en français à la fin. Nos interprètes français ont travaillé très fort tandis que leur collègues anglais se sont tout à fait reposés. Je suis très déçu de cette situation, et ce n'est pas la première fois qu'elle se produit. C'est la deuxième fois que j'ai le plaisir de vous rencontrer, major général Dallaire. Je vous avais rencontré lors d'une séance du Comité mixte de la défense et vous aviez présenté votre sujet complètement en anglais. Le sénateur De Bané vous avait questionné en français et vous aviez répondu en français. Le député libéral Robert Bertrand et moi vous avions questionné en français. J'aurais pensé qu'aujourd'hui on aurait pu entendre un discours bilingue. Je suis très déçu. C'est même choquant! Peut-être a-t-on aujourd'hui une image de ce que sont réellement les pratiques en matière de langues officielles dans l'Armée canadienne, mais j'espère que non.

Je m'excuse, parce que le général Dallaire est un héros du Rwanda. Chaque fois qu'il s'est présenté devant nous, il l'a toujours fait dans la même langue; c'est décevant.

J'ai une question à vous poser et je serai très bref parce que je suis un peu ému. Supposons qu'un officier prend sa retraite et que par la suite le ministère de la Défense l'engage à contrat, ce qui est possible, n'est-ce pas? Continue-t-il alors à recevoir sa pension? S'il a droit à une pension, est-ce qu'il reçoit sa pension et un salaire en plus?

Mgén Dallaire: Je ne peux passer sous silence votre intervention. Vous me permettrez de la commenter avant de répondre à votre question technique.

M. Jean H. Leroux: Parfait.

Mgén Dallaire: Votre intervention me tient à coeur. Mes enfants sont de douzième génération francophone et, puisque je me suis présenté devant vous avec un texte unilingue anglais, vous êtes pleinement en droit d'être offusqué.

.1620

Je ne suis pas ici pour vous énoncer les procédures ou les problèmes internes bureaucratiques qui nous ont mis dans ce contexte et ont fait en sorte que vous n'avez pas de texte en français. Je me sens personnellement responsable de ne pas avoir moi-même énoncé des éléments ou certainement au moins la moitié de mon texte en français. Je prends la pleine responsabilité d'avoir été mal préparé pour me présenter devant vous aujourd'hui. Votre objection est tout à fait à point et je suis personnellement outragé face à mes lacunes sur ce volet. Ne voulant aucunement excuser ce volet ou le passer sous silence, je reconnais que tout a nécessairement été produit en anglais malheureusement.

Quant à votre question, lorsque nous retenons les services d'un individu à contrat qui travaille à titre d'expert-conseil pour une firme, nous l'embauchons comme citoyen, qu'il ait travaillé à la Défense nationale ou à tout autre ministère au niveau provincial. Il reçoit la pension à laquelle il a droit et s'il fournit un service au ministère de la Défense nationale à contrat par l'entremise d'un processus contractuel transparent, nous le payons pour le travail qu'il accomplit.

M. Jean H. Leroux: Combien de gens travaillent pour la Défense nationale et bénéficient de ce double dipping?

Mgén Dallaire: Si vous me le permettez, je pense que vous faites un saut dans la logique de votre argumentation.

Une personne qui est s'est retirée des Forces armées canadiennes, qui a rempli son mandat chez nous et qui a droit à une pension se prévaut d'un volet des statuts et des règlements qui sont établis. Si elle a certaines compétences et qu'elle fonde une firme ou si une firme retient ses services et que cette firme obtient un contrat de la Défense nationale, elle n'est pas traitée différemment d'une personne qui vient d'un autre ministère et qui obtient un contrat de la Défense nationale, d'un autre volet de la fonction publique ou de l'industrie privée.

Je ne dispose pas à ce moment-ci de tels chiffres. J'avoue qu'il serait peut-être assez pertinent d'aller chercher ce chiffre. Si vous le désirez, nous poursuivrons ce volet.

M. Jean H. Leroux: Je suis allé en Bosnie-Herzégovine rencontrer les troupes canadiennes en 1994, je crois. Les Canadiens n'étaient là que depuis deux semaines et nous n'avons donc pas pu réellement tester le moral des troupes. C'était au mois de mai. Je pense qu'à certains temps de l'année, c'est plus facile. La paix était quelque peu rétablie et le premier ministre Chrétien était venu. Nous n'avons pas pu réellement évaluer le moral des troupes sur le terrain parce que les gens arrivaient. Si jamais je faisais partie du prochain Parlement et que je siégeais au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, peut-être pourrais-je aller réellement vérifier sur le terrain comment est le moral des troupes après le troisième mois.

Je ne suis pas un expert en la matière et c'est peut-être une bonne chose, parce que vous êtes les experts. Nous, nous questionnons. À mon avis, nous avons une armée de fonctionnaires, une armée dont les effectifs atteindront 60 000 hommes et qui compte beaucoup de hauts gradés et très peu de simples soldats.

Je pense que le Canada en entreprend beaucoup. Peut-être ne pouvez-vous pas commenter cette affirmation, mais je trouve qu'on a beaucoup de missions à l'étranger. Notre pays s'est taillé une bonne réputation dans le monde et s'est beaucoup prêté au maintien de la paix. À mon avis, notre armée est un petit peu trop vieille. Je me souviens d'avoir rencontré des militaires français. La plupart de nos militaires sont mariés et ont déjà des enfants. Lorsqu'ils vont en mission de paix, ils laissent derrière leur conjoint et leurs enfants.

.1625

Je pense que c'est un problème au sein des Forces canadiennes. Ne devrait-on pas avoir une armée plus jeune et dont la majorité des soldats n'y demeureraient que 10 ans, après quoi ils feraient autre chose? On les recyclerait et on les aiderait. Ne devrait-on pas avoir une armée formée pour faire le travail? Je pense que c'est ça, le problème; on a une armée de métier et, à cause du downsizing, elle n'est composée que de hauts gradés et de gradés et non pas de soldats. Bien qu'on accepte des engagements partout dans le monde, on n'a pas le personnel nécessaire pour les assumer.

Mgén Dallaire: Vous avez soulevé une foule de sujets. Je tenterai de vous donner quelques réponses.

Il faut se rappeler que plusieurs pays d'Europe avec lesquels vous établissez des comparaisons sont des pays où il y avait la conscription. Il y a donc un roulement de jeunes. La jeunesse est là d'emblée. De ce fait, leurs armées renouvellent continuellement leurs effectifs, ce qui leur donne une allure de jeunesse. Ces armées sont en train de se convertir à des armées de professionnels qui feront appel à des cadres professionnels et à certains éléments professionnels. Vos observations relativement aux échelons supérieurs et subordonnés de notre structure prendront une nouvelle orientation lorsque ces armées auront tout l'encadrement nécessaire pour maintenir des armées professionnelles en opération. Il serait donc sage de retourner voir les Français, les Hollandais et les Italiens quelques années après cette transition et d'étudier alors la nature de leurs forces.

La moyenne d'âge de notre armée est basse; elle est inférieure à 25 ans. Il est aussi intéressant de noter que nos généraux sont jeunes, bien que plusieurs me traitent déjà de vieux croulant. Nos généraux quittent habituellement l'armée à 55 ans, tandis que nos collègues des autres pays sont âgés de 60, 61, 62 ou 63 ans à leur départ. On établit dans ces pays une permanence de la hiérarchie, tandis que nous avons un roulement beaucoup plus jeune et adoptons une différente philosophie. Nous semblons peut-être avoir des gens plus vieux, mais relativement, dans l'ensemble, je pense que l'équilibre existe. On verra bien ce que ces autres pays vont faire.

Quant au nombre de nos généraux, il est vrai que pendant certaines périodes, il était plus élevé qu'à d'autres. Il faut se rappeler que dans certains pays, on ne porte ce titre que lorsqu'on a deux étoiles, tandis qu'au Canada, quand on a deux feuilles d'érable, on est considéré être un général. Dans ces pays, ceux qui ont l'équivalent d'une étoile, c'est-à-dire l'équivalent d'un brigadier général, sont tout simplement appelés brigadiers et ne portent pas le qualificatif de général. Le qualificatif de général est éliminé du nom de toute une couche d'officiers plus juniors. Donc, les chiffres dont nous disposons peuvent nous induire en erreur. Il y a quelques années, nos effectifs comptaient plus de 110 généraux tandis qu'aujourd'hui nous ne sommes qu'environ 70. Je crois comprendre que ce nombre continuera de décroître et que la proportion de ce volet sera certainement appelée à être révisée lorsqu'on aura terminé ces compressions budgétaires. Regardez la structure du quartier général de la Défense nationale, les responsabilités et les niveaux d'autorité d'ordres public et militaire, et ce qu'on aura comme ensemble de part et d'autre.

[Traduction]

La présidente: Vous pouvez attendre la deuxième série de questions.

Monsieur Martin, vous avez dix minutes.

M. Keith Martin (Esquimalt - Juan de Fuca, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente. Serait-ce le moment de présenter une motion au comité?

La présidente: Non. Vous pouvez présenter une motion au comité quand il aura fini d'entendre le témoin.

M. Keith Martin: D'accord.

.1630

Major-général, je voudrais commencer par des observations personnelles. Je tiens à vous féliciter pour le nombre d'exposés que vous avez faits au cours des deux dernières années dans le but de décrire en détail une nouvelle vision de la politique étrangère du Canada qui tienne compte des menaces auxquelles nous serons tous confrontés au cours du 21e siècle, une politique qui est axée sur la prévention des conflits et non sur leur gestion

[Français]

et qui ont été faits dans les deux langues.

[Traduction]

J'ai écouté ces exposés avec grand plaisir. Je tiens à vous féliciter et j'espère que vous continuerez ainsi.

J'ai deux observations à faire, qui sont de deux ordres: l'une est d'ordre économique et l'autre d'ordre social.

Je vous signale que j'habite Victoria et, par conséquent, les MARPAC se trouvent dans ma circonscription.

Vous avez parlé des difficultés économiques auxquelles nos militaires sont confrontés et je n'ai pas besoin de les rappeler. Par contre, il me semble qu'il existe un certain nombre de solutions possibles et je voudrais connaître votre opinion à leur sujet. D'une part, un certain nombre de membres des forces armées qui ont déménagé à Victoria où les loyers sont élevés ont manifestement d'énormes difficultés à s'en sortir. Certains d'entre eux sont, comme vous le savez, des assistés sociaux. À mon avis, si l'on ramenait les loyers des logements familiaux au niveau où ils étaient à l'époque du gel des salaires, c'est-à-dire en 1992, cela allégerait certainement leurs difficultés financières, ce qui est grandement nécessaire. À Esquimalt, les loyers ont augmenté à deux reprises au cours des 13 derniers mois, ce que je trouve extrêmement difficile à accepter étant donné le gel des salaires depuis 1992.

La deuxième observation que j'ai à faire à ce sujet est la suivante: je voudrais savoir si le ministère de la Défense nationale est disposé, oui ou non, à se mettre en contact avec le ministre des Finances pour lui recommander de faire en sorte que l'indemnité d'aide au logement soit exonérée d'impôt pour nos membres. Ceux-ci ne réclameraient pas une augmentation de salaire mais cela les aiderait un peu sur le plan financier.

Ma troisième observation concerne les voyages que font les membres de leur famille pendant qu'ils sont au loin. C'est très coûteux et, comme vous le savez, lorsque certains membres de la famille sont au loin pour quatre ou cinq mois, c'est très dur pour leur famille. À l'heure actuelle, les voyages sur les vols commerciaux coûtent de l'argent à ces familles et aux contribuables. Je me demande si les forces armées ont envisagé la possibilité d'utiliser certains appareils militaires. Je ne sais pas si le Challenger autrefois utilisé par le Cabinet pourrait être remis en service et s'il pourrait être utilisé pour permettre à certaines familles de retrouver des parents qui sont pour ainsi dire à l'autre bout du monde. Si on utilisait ces appareils au lieu des vols commerciaux, qui sont coûteux, cela ferait économiser de l'argent aux contribuables.

Je m'excuse de vous bombarder sans répit, mais je profite de l'occasion qui se présente pour dire ce que j'ai à dire.

La présidente: Vous avez 10 minutes.

M. Keith Martin: Je compte et je surveille ma montre, madame la présidente.

La présidente: C'est bien.

M. Keith Martin: Le Centre de recherches pour la défense d'Esquimalt doit fermer ses portes et il va déménager dans la circonscription de Mme la présidente. Ce sera extrêmement coûteux. Le motif de ce déménagement est censé être de réaliser une économie mais quand on examine les chiffres, on constate que ce sera extrêmement coûteux à plusieurs égards. Les frais de déménagement dépasseront de loin les économies. Le déménagement de ce détachement de recherche sur la côte fera considérablement diminuer la capacité des six nouveaux vaisseaux MCDV qui vont être mis en service sur la côte Ouest, sans parler du fait que nos services de recherches arctiques et électromagnétiques seront pour ainsi dire émasculés.

La dernière observation que j'ai à faire concerne le déploiement de nos troupes à l'étranger. Existe-t-il certaines restrictions quant à la fréquence à laquelle les troupes peuvent être déployées ou quant au délai qui doit s'écouler entre deux déploiements pour un même individu?

Cela suffira probablement pour l'instant.

Mgén Dallaire: Je m'en tirais pas mal jusqu'à ce que vous abordiez la question du déménagement du centre de recherches pour la défense dans la circonscription de Mme la présidente. Vous tenez beaucoup à ce que j'en parle.

La présidente: Allez-y.

.1635

Je vais vous interrompre très brièvement. Je sais que mes collègues de l'opposition seront tous surpris d'apprendre que je n'étais pas du tout au courant de cette décision avant d'avoir lu cela dans les journaux, mais c'est un fait. J'en suis très heureuse.

Vous utilisez probablement le terme «contester» mais allez-y.

M. Keith Martin: Pardon, j'utilise «insinuer»; je n'insinuerai rien d'autre.

Mgén Dallaire: Je vais répondre dans le désordre, si cela vous convient, monsieur. En ce qui concerne le déménagement du centre de recherches, nous sommes maintenant obligés d'établir ce que l'on appelle un plan d'entreprise donnant une description des coûts, des compromis financiers ainsi que d'autres renseignements pour une période de cinq ans. Les plans posent les questions suivantes: Est-ce raisonnable de faire telle ou telle chose? Est-ce que nous économisons? Est-ce que nous n'économisons pas? Quels sont les paramètres? Certaines personnes les appelleraient des plans d'activité, mais ce sont en fait des plans d'entreprise. J'aurais beaucoup de difficulté à croire que l'on n'a pas établi un tel plan détaillé pour justifier le déménagement de cet établissement.

Cela dit, je n'ai aucune responsabilité ni aucune compétence dans ce domaine. Cependant, j'ai pris note de ce que vous avez dit et nous vous donnerons une réponse à ce sujet.

Lorsque je commandais la garnison de Québec, j'ai fait établir le même genre de scénario par un spécialiste. Nous avons dû faire cela et une dizaine de personnes ont travaillé là-dessus, mais c'est devenu une décision importante parce qu'il s'agit d'un laboratoire très important. La politique est évidemment intervenue dans la décision finale.

Je vous fournirai cette réponse plus tard, si vous me le permettez.

Je vais maintenant parler des loyers qui s'appliquent aux logements familiaux et de l'indemnité d'aide au logement. L'étude des besoins socio-économiques des militaires consiste en partie... à examiner les systèmes qui existent et à vérifier s'ils sont efficaces et s'ils répondent aux besoins de notre personnel, pas nécessairement dans une perspective historique mais plutôt dans le présent, à voir comment nous allons aborder le prochain millénaire et si nous y sommes préparés.

En ce qui concerne les logements, je crois que vous avez entendu un exposé important à ce sujet la semaine dernière. Nous sommes reliés au système de la Société centrale d'hypothèques et de logement. C'est notre point de repère pour établir les loyers que nous faisons payer à nos membres et nous essayons d'alléger ce fardeau, les 12,5 p. 100 d'intérêt, en fonction du milieu d'autres critères.

Comme vous l'avez dit, Esquimalt pose un problème. Nous avons eu des problèmes à Toronto ainsi qu'à d'autres endroits. Le critère était le suivant: il s'agissait d'équilibrer tous ces frais quand les gens déménageaient plus souvent. Mais les déménagements seront moins fréquents à l'avenir. Nous possédons un moins grand nombre de bases et nous nous regroupons dans des bases et des garnisons d'une taille de plus en plus importante.

Comment allons-nous entretenir et améliorer les logements familiaux pour les militaires dans ces garnisons? Nous avons créé l'Autorité en matière de logement au sein des Forces canadiennes, qui est l'organisme chargé d'examiner la question et d'instaurer les politiques nécessaires, non seulement pour être équitables, mais aussi pour adopter une bonne gestion financière et veiller notamment à la qualité et à la sécurité des logements.

Vous avez proposé une solution qui consiste à ramener le montant des loyers au niveau où ils étaient lors du gel des salaires et à revoir l'indemnité d'aide au logement. Je dirais que si l'on change un élément, il faut les modifier tous. Cependant, cela n'empêche pas les commandants locaux - le commandant des MARPAC - de continuer à soulever ces problèmes, pour voir comment nous nous adaptons aux circonstances locales et si notre système est efficace.

Vous allez donc vous rendre dans cette région et je pense que cela mérite le déplacement, pour aller vérifier sur place si notre système est équitable envers les soldats, si les loyers exigés sont raisonnables et si l'on fournit un niveau de service raisonnable aux militaires et à leur famille.

Je vous ai donné une très longue réponse de façon à vous faire comprendre qu'il ne faut pas examiner chaque élément isolément. À mon avis, il faut examiner le système dans son ensemble pour voir s'il est efficace.

.1640

M. Keith Martin: Serait-il possible, major-général, qu'un membre de votre personnel réponde vraiment à ces questions du comité?

Mgén Dallaire: Nous pouvons vous faire parvenir des réponses précises.

M. Keith Martin: Aux questions que je vous ai posées et auxquelles vous avez répondu de votre mieux. Ce serait apprécié.

Mgén Dallaire: Certainement.

M. Keith Martin: Merci beaucoup.

Mgén Dallaire: Au sujet de la possibilité de se servir des avions militaires pour réunir les familles et des restrictions du déploiement, c'est important non seulement pour le conjoint mais aussi pour les enfants... J'ai moi-même trois enfants et une épouse. J'ai passé une année outremer. Ce serait rapidement beaucoup trop pour un petit Challenger. Notre flotte aérienne avait déjà peine à me... avec un avion au sol au Rwanda, entretenu et prêt à décoller. Notre flotte aérienne est incapable de répondre à une telle demande.

De plus, ce ne serait pas particulièrement agréable. Un vol de 13 heures dans un avion Hercules ne donne pas vraiment le goût de voyager. Néanmoins, nous leur fournissons les moyens financiers de se retrouver et la possibilité de le faire. Ce n'est peut-être pas aussi efficace que nous le souhaiterions, mais c'est tout de même raisonnable. C'est ce que je veux dire - raisonnable.

Pour ma famille, c'est vital. Pour nombre de mes collègues, c'était vital de pouvoir se retrouver. Y a-t-il un moyen plus économique de le faire? Vous posez la question et je l'ai notée, mais je crois qu'étant donné le nombre...

Prenez par exemple un bataillon de 700 militaires qui font un roulement. Ils obtiennent une permission et essaient de prendre deux semaines de congé pendant une période de service de six mois. Si on commence à déplacer les familles, ça monte vite. Je sais que notre flotte aérienne est incapable de répondre à une telle demande. Y a-t-il une autre dimension économique? Je ne crois pas, monsieur.

En ce qui concerne les restrictions du déploiement, si vous me permettez de commenter la durée des périodes de service, c'est vrai que nous tentons d'en arriver à un rapport de un pour six. C'est-à-dire que pour six mois passés à l'extérieur du pays, on passe 30 mois au Canada. Pendant ces 30 mois, il se peut qu'on passe trois mois à se préparer pour la prochaine mission après laquelle il y a aussi un mois de congé et la remise en condition.

Il est arrivé que des gens soient réaffectés au bout d'à peine douze mois, mais le minimum, c'est un an. Nous voulons que les gens restent une année au pays avant une autre affectation de six mois. Nous faisons des exceptions parfois et réaffectons les gens au bout de 11 mois ou même 10 mois seulement, mais dans toute la mesure de ce qui est humainement possible, nous nous en tenons à une année complète au pays.

Ce qui est capital, c'est de s'assurer que dans l'année où le militaire rentre chez lui, tous les stress, les tensions, le stress post-traumatique, les retrouvailles familiales, etc., se passent comme il faut et que la vie reprenne son cours normal, comme avant le départ. Si le militaire n'y arrive pas, sa prochaine période de service ajoutera aux stress et tensions de la première, qui ne se sont pas résolus. Quand le stress continue de s'accumuler ainsi, les problèmes de moral, de stress et d'aide s'aggravent exponentiellement.

Il faut du temps pour ramener les gens à la réalité, pour les faire renouer avec leur famille, pour les amener à tourner la page en famille sur la dernière mission et pour repartir sur une bonne base lors de la prochaine affectation. Douze mois, c'est un minimum.

M. Keith Martin: Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, général.

Je donne maintenant la parole à Mme Phinney du parti ministériel.

Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier, madame la présidente, de m'avoir autorisée à prendre la parole. Je ne fais pas partie du comité habituellement, mais je suis députée libérale.

Si je tiens à prendre la parole, c'est surtout à cause des articles publiés par la chaîne de journaux Southam, dont vous avez sûrement entendu parler. Le député dont il est question dans ces articles, c'est moi. C'est moi qui ai aidé l'un de vos militaires, blessé, à obtenir un fauteuil roulant et une rampe d'accès. Il s'agissait de l'adjudant Tom Martineau qui, en passant, vous fait le meilleur agent de relations publiques possible. Il adore l'armée. Je pense qu'il en fait partie depuis 18 ans et il convaincrait n'importe quel jeune du Canada de s'engager dans les Forces. Il demeure convaincu que les jeunes devraient y entrer, même s'il a eu les deux jambes emportées par une explosion.

C'est aussi quelqu'un qui, même s'il a des motifs de se plaindre - deux plaintes bien précises qui n'ont rien à voir avec la pension - , a aussi des suggestions à faire. Ça fait du bien de lui parler. Vous devriez lui faire faire le tour du pays parce qu'il vous ferait certainement un représentant génial.

.1645

Il avait trois problèmes. Le premier, c'était l'absence d'aide pour les blessés, dont vous avez déjà parlé. Il a suggéré au départ une unité d'aide centralisée et je suis contente d'apprendre que vous avez retenu cette idée.

Le deuxième, c'est un recyclage inadéquat. Une fois que quelqu'un a été blessé, évalué, qu'il a suivi un programme de réadaptation et appris qu'il ne pourra plus être utile aux Forces, on le laisse en plan sans lui offrir la moindre formation si la réadaptation a duré assez longtemps. Par conséquent, l'armée le sort de ses rangs, sans lui donner faire acquérir une compétence particulière.

Il arrive que cet homme est très intelligent et qu'il souhaite faire quelque chose dans la vie. Il ne se plaint pas de la pension qui lui est versée, mais il aimerait faire quelque chose et il estime que l'armée devrait l'aider à se recycler.

La troisième chose, c'est l'idée, dont je reparlerai tantôt, que si le ministère de la Défense nationale n'est pas préparé pour s'occuper des blessés et si ce n'est pas son rôle, alors on a pensé, après en avoir longuement discuté, de confier temporairement au ministère des Anciens combattants la responsabilité de ceux qui reviennent blessés. J'en ai parlé à nos deux derniers ministres de la Défense et aussi à celui des Anciens combattants. Ces blessés pourraient relever provisoirement des Anciens combattants, le temps de terminer leur réadaptation, étant donné que les fonctionnaires de ce ministère savent comment trouver un fauteuil roulant en moins de six mois.

Il a fallu six mois à M. Martineau pour obtenir un fauteuil roulant parce que pour en avoir un, il faut avoir une rampe d'accès. Il en a donc fait aménager une, mais chez sa mère parce que lui, il n'a pas de maison puisqu'il a été dans l'armée pendant des années. C'est donc chez sa mère qu'il est allé vivre. Or, il est impossible d'obtenir un fauteuil roulant si la rampe n'est pas sur sa propre maison. Voilà pourquoi l'armée ne lui a pas fourni un fauteuil roulant. Au bout de six mois, nous lui en avons trouvé un, mais il a fallu littéralement des centaines de coups de téléphone. De toute façon, ce n'est qu'un exemple.

Bref, aux Anciens combattants, on sait tout de suite où s'adresser pour trouver un fauteuil roulant parce qu'on est habitué à s'occuper du monde. Les gens de la Légion auxquels j'en parle dans tout le Canada n'en reviennent pas lorsque je leur raconte l'histoire. Au ministère, on a parlé à ce militaire et on pense pouvoir s'occuper de ces affaires.

Alors si cet employé de la Défense est confié provisoirement aux Anciens combattants, on peut décider, à l'issue de sa réadaptation, soit qu'il retourne à la Défense dans son ancienne unité ou dans une unité différente parce qu'il est réadapté, soit qu'il doit être réformé et qu'il continuera à relever des Anciens combattants. C'est l'idée qui a germé et les gens semblent la trouver bonne.

Le 25 septembre, j'ai rencontré le Secrétaire d'État MacAulay et des représentants de la Défense nationale. Je pense que c'est le lieutenant-colonel Desautels qui s'occupe du numéro 800 dont vous avez parlé pour le guichet unique. Il a été très franc et m'a dit que vous tentiez de mettre cette unité sur pied le plus rapidement possible. Je l'ai d'ailleurs rencontré le 25 septembre et nous avions le numéro de téléphone le 9 octobre. Le problème, c'est qu'il n'y a rien à l'autre bout du numéro 800. On ne nous aide pas. Il n'y a personne là qui puisse répondre à toutes les questions. Vous avez du chemin à faire. Il y a une ligne téléphonique, mais pas de service.

On a pu lire dans les journaux d'ici, si on vous a cité correctement, que le service serait prêt d'ici l'été. Vous venez de nous dire cet après-midi que ce serait prêt à l'automne. Je commence à me décourager. J'étais contente d'apprendre la mise sur pied de ce guichet unique, mais ce devait être pour l'automne dernier, puis pour l'été, et vous parlez maintenant de l'automne prochain. Pouvez-vous me donner une idée du moment où ce service sera effectivement mis sur pied et répondre à mes deux autres questions, l'une sur ce que vous allez faire au sujet des militaires qui quittent les forces armées sans aucune compétence particulière et l'autre sur ce que vous pensez de l'idée de confier la responsabilité des blessés aux Anciens combattants?

Mgén Dallaire: Je vous remercie beaucoup pour ce que vous avez dit.

En ce moment, la personne qui répond au numéro 800, c'est ce monsieur, Ewart, qui, je vous l'ai dit tout à l'heure, est notre mémoire vivante de toute la dimension attribution et montant des pensions, et services d'aide au personnel. Il assure la permanence pendant que nous tentons d'engager du monde pour répondre au téléphone. Vous avez raison pour ce qui est de l'automne et de l'été, mais tout se passe bien. Nous avons prévu quelque chose dans l'intervalle et nous allons embaucher quelqu'un bientôt pour s'en occuper.

Le problème, c'est qu'il faut trouver quelqu'un qui connaît bien toutes les facettes complexes de la situation. C'est ce que nous sommes en train de préparer. Nous essayons de transmettre toutes les informations nécessaires.

.1650

Je vais laisser Ewart vous donner des précisions, si vous permettez.

Mme Beth Phinney: Major-général, il y a toute cette compétence aux Anciens combattants que vous n'allez pas laisser se perdre, j'espère.

Mgén Dallaire: Non, nous allons d'ailleurs réagir.

En ce qui concerne le recyclage, j'ai dit dans mon mémoire que nous ne nous occupions même pas comme il faut de ceux qui partent parce que leur contrat est arrivé à terme. Nous avons lancé le programme 20-40. Nous avons aussi le Service de préparation à une seconde carrière, le SPSC, qui vise un grand nombre de militaires. Cependant, nous n'avons jamais eu pour politique d'annoncer à un caporal ayant 15 ans d'ancienneté qu'il n'ira pas au-delà de 20 années de service et que, par conséquent, nous allons réduire le nombre de ses affectations et l'aider à acquérir de nouvelles compétences afin que, au bout des cinq années qui lui restent, il se trouve dans la région où il a choisi de s'établir, où son épouse a probablement un emploi et où il pourra entreprendre une nouvelle carrière grâce aux compétences que nous lui aurons fait acquérir.

Nous n'avons jamais fait cet effort supplémentaire mais nous essayons de le faire et nous espérons y arriver. Alors nous sommes loin de pouvoir aider un soldat d'infanterie ou d'artillerie, qui est devenu invalide, à se recycler pour lui permettre de se trouver du travail dans le civil. Je crois d'ailleurs que nous devrions aussi faire plus à ce chapitre. C'est une de nos lacunes.

Au sujet de la transition, c'est là que nous avons échoué. Les articles sont truffés d'exemples. Qu'arrive-t-il en cas de libération? Quel est le suivi? Quels résultats avons-nous obtenus? Ce ne sont pas des questions purement techniques sur des gens qui assument leurs responsabilités bureaucratiques selon les règles de droit. Il y a bien des interventions humaines qui n'ont pas été réalisées.

Autrement dit, comment les commandants, ceux qui ont la responsabilité de diriger ces militaires, réagissent-ils après 40 années de paix pendant lesquelles les seuls blessés étaient des gars qui avaient un accident de voiture le vendredi soir, à leur sortie d'un 5 à 7 dans un bar? On ne peut pas comparer ces situations à celles dont il est question ici, mais il faut néanmoins se demander si on s'est adapté au nouveau scénario. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait? Pourquoi ne nous sommes-nous pas occupés de l'individu dans le passé et aujourd'hui, dans sa nouvelle vie?

La chaîne de commandement doit faire son mea culpa. Nous avons eu un certain nombre de blessés. Il a été question de plus de 1 200 ou 1 300 militaires de différents grades qui ont présenté des demandes d'indemnité. Nous avons plusieurs cas de stress post-traumatique, mais nous n'en savons pas encore le nombre exact. Nous attendons toujours les retombées de ces histoires et nous verrons comment nous réagirons.

Comment allons-nous nous y adapter? Nous avons bien agi dans de nombreux cas, mais dans d'autres, nous n'avons pas été efficaces du tout. Il faut apporter les corrections nécessaires.

Alors votre suggestion d'une meilleure transition... nous avons proposé une coordination bien meilleure et plus serrée de la capacité avec réévaluation interne de la manière dont il faut accorder les pensions, les indemnités et le reste, en fonction de l'état de santé, ainsi que la façon dont les choses se passent afin que les invalides ne soient pas constamment renvoyés d'un bureau à l'autre.

Si vous permettez, je vais maintenant céder la parole à certains de mes collègues qui vont répondre à vos questions.

Ewart, s'il vous plaît.

M. Ewart Thornhill (chef de section, Enquêtes - Blessures et pensions, Pensions et programmes sociaux, Personnel, ministère de la Défense nationale): Vous avez mentionné tout à l'heure la ligne sans frais. Cette cellule n'est qu'un prolongement de ce numéro 800 qui existe depuis plus de trois ans. Pendant plusieurs années, la voix au bout du fil, c'était la mienne.

J'ai parlé au moins une fois à la plupart des soldats qui ont été blessés. La plupart des cas m'ont été transmis bien après que les soldats eurent commencé à avoir des difficultés que nous avons généralement pu résoudre. Mais comme l'a dit le général dans sa déclaration d'ouverture, tant que nous ne sommes pas au courant des circonstances qui peuvent être problématiques, nous ne pouvons pas faire grand-chose.

Mme Beth Phinney: Si un soldat blessé en Bosnie se retrouve dans un hôpital militaire au Canada, comment se fait-il que vous l'ignoriez? Vous voulez dire qu'une personne a les deux jambes emportées par une explosion et vous ne le savez même pas? Personne dans l'armée ne le sait? Voilà peut-être un problème que vous devez régler.

.1655

Pourquoi ne communique-t-on pas immédiatement avec vous pour vous faire savoir que vous aurez à vous occuper de quelqu'un pendant les trois prochaines années, jusqu'à la fin de sa réadaptation? Peut-être ce soldat a-t-il besoin de se faire donner votre numéro 800, étant donné le piteux état dans lequel il se trouve à l'hôpital. Je ne comprends pas, toutefois, pourquoi ce serait à lui de vous téléphoner. Il me semble que quelqu'un dans l'armée devrait être chargé de vous faire savoir que cette personne a besoin de votre aide pour sortir de l'hôpital parce qu'il n'arrive pas à trouver un fauteuil roulant, qu'il n'arrive pas à se déplacer ou je ne sais quoi d'autre et que personne d'autre ne sait comment l'aider.

Pourquoi dire que lui ne vous a pas téléphoné pour vous confier ses problèmes? C'est vrai qu'il ne vous a pas téléphoné parce qu'il a obtenu votre numéro de téléphone après avoir fait 200 appels et que personne ne savait quoi faire.

M. Thornhill: Vous avez tout à fait raison. Je vous ai probablement induite en erreur quand j'ai dit que nous n'étions pas au courant. J'ai toujours su dans quel état il se trouvait. Dès le lendemain de l'incident, une demande de pension était présentée en son nom.

Mme Beth Phinney: Il ne s'inquiète pas pour sa pension; il se préoccupe de trouver un fauteuil roulant.

M. Thornhill: Je sais, mais j'ignorais le problème du fauteuil roulant avant que la personne concernée m'appelle. Je ne savais même pas que...

Mme Beth Phinney: Il avait appelé beaucoup de monde avant vous.

M. Thornhill: Oui, je sais et je comprends, mais le problème s'est réglé après son téléphone. Nous avons trouvé une source et tout s'est bien terminé.

Comme je vous l'ai dit, tant que les gens ne nous ont pas fait part de leur problème, nous ne pouvons pas savoir parce que nous ne suivons pas les blessés jusqu'au bout.

Mme Beth Phinney: Pourquoi pas? Vous avez demandé à cet homme de sacrifier sa vie en allant se battre pour notre pays et vous - enfin, quelqu'un - ne peut pas s'occuper de lui jusqu'au bout? Les voilà vos lacunes. Ces gens sacrifient leur vie pour aller là-bas.

M. Thornhill: Vous avez tout à fait raison. Je suis d'accord avec vous. C'est la responsabilité du commandant.

Mme Beth Phinney: Je ne sais pas, mais il y a bien un responsable.

Mgén Dallaire: Permettez-moi d'intervenir à nouveau pour insister sur le fait que, comme je l'ai dit tout à l'heure, maintes personnes se blessent à l'entraînement depuis des années. Certains se blessent dans des opérations à bord de navires. Il est arrivé que des chaudières explosent, que des avions s'écrasent; il y a eu des accidents sur des champs de tir et dans des opérations en Allemagne et j'en passe. Aucune des régions où nous effectuons des opérations n'a été épargnée. Les blessés ont été traités selon leur garnison et la situation. Soit on les laisse dans leur garnison, soit on les rapatrie mais c'est vraiment exceptionnel.

Depuis la crise d'Oka en 1990, les conditions ne sont plus du tout les mêmes. Il faut se demander si nous nous sommes adaptées à ces nouvelles conditions - le rythme, le tempo, le nombre - et si les participants aux opérations étaient suivis individuellement jusqu'au bout ou s'il y avait des départs forcés, techniquement... c'est mon territoire, et ainsi de suite?

Vous avez mis le doigt en plein dessus. Pour ce qui est de la chaîne de commandement et de ceux qui ont cette responsabilité et l'autorité, comment le suivi s'est-il fait? Y en a-t-il eu un ou est-ce que ces soldats ont été traités comme n'importe quel quidam qui prend un verre de trop le vendredi soir? Il n'y a que 700 personnes dans mon bataillon et j'ai toutes ces tâches à assigner. Si j'inscris quelqu'un sur la liste du personnel non disponible, je ne l'ai plus pour mon bataillon; je peux donc obtenir quelqu'un d'autre qui est en forme et mon bataillon peut continuer à faire son travail.

À propos, quand j'écarte un militaire, je le remets entre les mains de qui et comment? C'est là que nous avons des torts. Vous avez mis le doigt dessus.

Autrement dit, ce n'est pas seulement entre nous trois: le MAC, la Légion et nous, mais c'était à l'interne avant que le militaire soit confié au MAC ou encore à la Légion. Bien souvent, nous avons vu la Légion intervenir même plus tôt que nécessaire. Ce côté humain, cette compassion, la dimension suivi; ce jeune homme, Anderson, dit qu'il n'a eu aucun visiteur pendant quatre mois.

La présidente: Si vous permettez, je vais vous interrompre maintenant, général, parce que le temps alloué a été largement dépassé. Comme Mme Phinney vient rarement au comité de la défense, j'ai décidé d'être indulgente avec elle.

Oui, je serai indulgente avec vous aussi dans un moment.

Pour faire suite à vos propos, vous avez dit que c'était la responsabilité du commandant. Ensuite, vous avez fait remarquer qu'il s'agissait d'écarter quelqu'un pour obtenir quelqu'un d'autre. Est-ce qu'il y aura dorénavant une certaine continuité ou est-ce que la même chose pourrait se reproduire?

.1700

Mgén Dallaire: Madame la présidente, pourquoi Grand Dieu! cela s'est-il produit?

La présidente: C'est précisément ce que je veux savoir. Je veux savoir si ça pourrait se reproduire.

Mgén Dallaire: C'est vrai. Moi, je suis censé répondre aux questions.

La présidente: Soyez tranquille, je vous surveille.

Mgén Dallaire: C'est bien ça l'affaire. Est-ce que ça pourrait se reproduire?

J'avoue que nous avons ressassé toutes ces choses. J'ai passé trois heures avec le chef d'état-major de la Défense, ce matin, à disséquer ces questions.

Le commandant de l'armée, Jean Baril, a soulevé plusieurs points concernant le major Henwood et deux ou trois autres cas et il se demande comment tout cela a pu arriver. Les commandants, pas l'état-major, doivent vraiment tous faire une prise de conscience. L'état-major est là pour soutenir le commandement; il a des règles à respecter, etc. Il a un travail à faire. Il faut parfois montrer un visage humain. Néanmoins, les commandants ne peuvent pas jouer les Ponce Pilate et esquiver leurs responsabilités en les faisant assumer par d'autres.

La présidente: Avec tout le respect que je vous dois, général, je veux savoir si vous avez maintenant pris des mesures pour éviter que l'histoire ne se répète?

Mgén Dallaire: En ce moment même? Non, madame. C'est précisément ce qui ressort de ces incidents. Est-ce que le commandant de la garnison doit agir, à moins que ça ne soit plutôt le commandant local?

Il faut dire qu'il est question ici des membres de la Force régulière. Ce n'est pas plus simple du tout pour les réservistes. Qu'est-ce que nous faisons et comment se passe la transition?

C'était intéressant de constater que si l'adjudant Martineau avait été libéré plus tôt, il aurait pu obtenir un fauteuil roulant bien plus facilement. Ça signifie que nous n'avons pas les outils qu'il faut pour nous occuper de cette phase.

Pourquoi ne les avions-nous pas? C'est arrivé combien de fois? Nous en sommes-nous rendus compte? Nous sommes-nous adaptés? Est-ce que le commandant de la base s'est adapté? Va-t-il prendre 1 000 $ dans son budget de service de la base pour faire construire une rampe à une maison du centre-ville? A-t-il le droit de le faire? Non. S'il n'est pas autorisé à le faire, quelle sorte de système avons-nous et pourquoi trouve-t-on une telle stupidité?

En temps de paix...

La présidente: Comme vous ne pouvez pas me répondre maintenant, nous y reviendrons.

Mgén Dallaire: Vous avez parfaitement raison. Vous avez soulevé la question et je vous mentirais effrontément si j'affirmais que tout est réglé, parce que c'est faux. Mais une réévaluation par la chaîne de commandement des responsabilités d'exécution de ces personnes sera déterminante. Vous allez voir.

La présidente: Très bien. C'est tout, Beth; vous avez dépassé le temps alloué.

Monsieur Leroux.

[Français]

M. Jean H. Leroux: J'aimerais vous demander, major général Dallaire, s'il est possible d'avoir vos notes parce que le contenu de ce que vous nous avez communiqué était assez dense. Est-ce possible?

Mgén Dallaire: Oui.

M. Jean H. Leroux: Vous avez abordé le sujet de la réserve. J'aimerais en parler parce que je pense que c'est un problème. Je vous demanderais d'abord si vous avez quelqu'un dans votre entourage qui représente la réserve, quelqu'un de proche, quelqu'un de votre bureau.

Mgén Dallaire: Mon adjoint, le lieutenant Culliton, est un officier de la marine de réserve.

M. Jean H. Leroux: C'est intéressant. Comme vous le savez, lorsqu'on envoie des missions, on comble les places vides avec des réservistes. Je pense que ces gens sont souvent considérés comme une armée de deuxième classe. Cela existe dans plusieurs milieux, entre autres dans le domaine de l'enseignement au Québec. Au cours des 10 premières années d'enseignement, on a un statut précaire et on n'a pas de droits. À chaque fin d'année, on est congédié. C'est un peu la même chose dans l'armée de réserve.

Qu'est-ce qui devrait être fait, selon vous? Vous savez que la réserve a un rôle important à jouer; elle est partout au Canada et au Québec, dans toutes les grandes et plus petites villes. Ce que les gens voient des Forces armées canadiennes, ce sont souvent des réservistes. Alors, qu'est-ce que vous avez l'intention de faire ou qu'est-ce qui devrait être fait pour leur donner à eux aussi des conditions de salaire, de travail et peut-être d'avancement qui feraient que ce serait viable pour eux aussi?

Je pense qu'il faut d'abord régler le problème des petits salariés, de ceux qui entrent dans les Forces. Je gagne peut-être deux fois ce que mon voisin gagne chez nous. Avec deux fois plus, je suis capable de faire un peu plus que lui. Et les députés ne font pas de gros salaires, comme vous le savez. Nous gagnons à peu près la moitié de ce que vous gagnez. Qu'est-ce qu'on pourrait faire concrètement pour que la réserve soit fière d'appartenir aux Forces armées? On leur en demande beaucoup; ne devrait-on pas leur en donner davantage?

.1705

Mgén Dallaire: Je puis vous parler du rapport publié l'an dernier qui avait été rédigé par le juge Dickson et le général Belzile sur les réformes à apporter à la réserve.

On me dit aussi que le ministre, dans le document qu'il prépare, comme il l'a énoncé ici d'ailleurs quand il s'est présenté devant vous, va justement toucher au volet de la réserve afin de clarifier l'évolution des recommandations de la Commission sur la réforme de la réserve. Ce sont là les actions des grands joueurs, des hauts fonctionnaires.

En ce qui a trait aux réservistes et à leurs conditions de travail, vous avez entièrement raison de dire qu'ils sont souvent traités comme des employés à temps partiel, et cela dans le sens péjoratif du terme. On essaie souvent d'obtenir d'eux le plus possible en les payant le moins possible.

Bien que nous ayons récemment augmenté leur salaire afin qu'il représente 85 p. 100 de celui du personnel permanent, nous avons aussi modifié les conditions de leur retraite et les indemnisations qu'ils touchent lorsqu'ils reviennent au pays après avoir été blessés. Nous sommes en train de réexaminer ces nouvelles conditions. Comme je l'ai précisé dans mon texte, il faut les améliorer.

Pourquoi semblons-nous accuser un retard dans ce volet? Ce n'est que depuis que nous sommes dans les opérations, depuis les dernières cinq années, que nos réservistes sont vraiment considérés comme une entité fondamentale à notre capacité d'accomplir nos missions. Pendant plusieurs années, plusieurs gens ont pensé que les réservistes n'étaient qu'un problème. J'ai commencé dans la réserve et mon fils est présentement second lieutenant dans la réserve des Voltigeurs de Québec. On était loin d'apprécier le réserviste pour sa valeur dans l'ensemble de l'armée. Selon les plans, l'armée de la régulière sera l'armée de terre et elle comptera près 20 000 soldats, tandis qu'on aura quelque 20 000 réservistes. Cela fait 40 000 gens. Doit-on dire que nos effectifs s'élèvent à 40 000 ou à 20 000 plus une gang? Si c'est plus qu'une gang, nous devons nous assurer que ces réservistes soient traités équitablement et bien préparés, équipés et entraînés.

Les cinq dernières années nous ont démontré que leur présence était absolument nécessaire pour mener à bien la mission que nous avons entreprise outre-mer. On dit que jusqu'à 20 p. 100 de réservistes se joignent à nous dans ces opérations, bien que dans certaines opérations, cette proportion soit de 37 p. 100. Entre autres, dans le Medac pocket, dont ont parlé les médias et où a eu lieu une opération significative en Bosnie-Herzégovine, de nombreux réservistes étaient sur la ligne de front, se sont battus et nous ont très bien défendus. Nous travaillons donc en vue d'éliminer la perception péjorative que certains ont de ces personnes qu'on a qualifiées d'employés à temps partiel. Notre ligne directrice se fonde sur les réformes qu'a énoncées la commission. Plusieurs de ses quelque 20 recommandations ont déjà été mises en oeuvre tandis que d'autres sont en pleine évolution. Le problème n'est pas résolu, mais il faut que change cette atmosphère de we and they, eux autres et nous autres, qui existe encore.

M. Jean H. Leroux: Supposons qu'un réserviste et un membre de la force régulière sont dans la même Jeep en Bosnie-Herzégovine, qu'ils sont tous deux blessés et deviennent presque impotents pour un certain temps. Seront-ils traités tous deux de la même façon et auront-ils les mêmes droits?

Mgén Dallaire: Tout dépend si l'individu revient ou non à sa condition physique et psychologique antérieure et peut retourner sur le marché du travail. À ce moment, il n'y aurait pas de problème.

M. Jean H. Leroux: Sinon, vous le prenez en charge?

Mgén Dallaire: Il se prévaudrait alors du système de pensions d'invalidité. Je laisserai mon collègue vous donner quelques explications.

.1710

[Traduction]

Lieutenant-colonel Rick McLelland (chef, Services de santé, ministère de la Défense nationale): Puis-je vous répondre en anglais?

M. Jean Leroux: Bien entendu. Je suis aussi bilingue que le général.

Lcol McLelland: Si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir si un réserviste et un membre de la Force régulière, qui se trouvent dans la même Jeep et qui sont tous deux blessés en même temps, recevront les mêmes soins médicaux. Ils recevront effectivement les mêmes soins, sans aucun doute.

M. Jean Leroux: Jusqu'à la fin de leurs jours, s'ils sont incapables de retourner au travail?

Lcol McLelland: Eh bien! il faut mettre un bémol. Les deux vont recevoir des soins et nous allons essayer de les rééduquer, mais si nous n'avons pas le choix parce qu'ils ne peuvent plus travailler pour nous, nous allons les confier au MAC.

M. Jean Leroux: Merci.

Le vice-président (M. Bertrand (Pontiac - Gatineau - Labelle, Lib.)): Merci.

Monsieur Wood.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vais parler moi aussi des réservistes. Comme mon collègue M. Leroux l'a dit, nombre de nos casques bleus étaient des réservistes et je me demande, général, si l'on s'attend qu'ils réintègrent immédiatement la société ordinaire dès leur retour au Canada ou si l'on s'efforce de les débreffer et de les conseiller? Aussi, au bout de combien de temps sont-ils libérés du service?

Mgén Dallaire: J'avoue que quand nous avons commencé ça, au moment où j'étais encore commandant de ma brigade à Valcartier en 1992-1993, les réservistes avaient droit à un congé de trois semaines après leur mission, après quoi on se contentait de les remercier et de leur demander de rejoindre leur régiment ou leur unité de milice, et ils reprenaient le service normal dans leur unité de milice de la classe A, c'est-à-dire le soir et les fins de semaine.

Quand nous avons commencé à saisir tout le concept du syndrome de stress post-traumatique et à comprendre la possibilité que cela découle de ces missions complexes - et le colonel McLelland a joué un rôle déterminant dans cette prise de conscience - nous avons immédiatement prolongé jusqu'à un minimum d'un mois la durée du congé accordé aux réservistes après leur déploiement. Nous avons donc le temps maintenant de les interroger, de faire le nécessaire et de dépister, grâce à la chaîne de commandement, les signes de difficultés ou les problèmes latents. Ensuite, le réserviste reprend son travail habituel ou ses études et rejoint son régiment.

En tant qu'ancien commandant régional... j'ai commandé la région de Québec où il y a des réservistes et des membres de la Force régulière. Dans les unités, nous avons lancé un programme selon lequel il devait y avoir dans chaque unité deux personnes aptes à reconnaître notamment les symptômes du stress post-traumatique et chargées de servir de personne-ressource à ceux qui en étaient atteints. Dès qu'elles décelaient un problème, elles devaient le signaler à la chaîne de commandement qui ramenaient les personnes concernées.

Est-ce que ça a toujours bien marché? Non, et dans certains cas...

M. Bob Wood: Pourquoi ça n'a pas marché?

Mgén Dallaire: Eh bien! dans certains cas, nous n'avons pas reconnu le syndrome. Les personnes qualifiées n'ont pas été remplacées parce que le commandant n'a envoyé personne de la nouvelle équipe suivre la formation nécessaire. Dans d'autres cas - et c'est le maillon vraiment faible - les personnes atteintes ont tout simplement quitté la Réserve à la fin de leur engagement, ce qui est courant vu le taux de roulement, et se sont fondus dans la population en général.

Je ne vous cacherai pas qu'on m'a parlé de cas où le réserviste s'est présenté à un hôpital militaire pour obtenir de l'aide et où son officier a lui-même demandé ensuite de l'aide pour ce réserviste à l'hôpital, mais on a refusé de l'aider parce que, d'après les règles, un réserviste qui n'est pas employé à temps plein doit s'adresser à un hôpital civil ordinaire pour se faire soigner. Évidemment, lorsque nous avons commencé à entendre parler de ces histoires, nous avons conclu que c'était insensé, d'autant plus que le syndrome résultait du fait que la personne avait été assignée au théâtre des opérations.

M. Bob Wood: Est-ce que les choses ont changé maintenant ou y travaillez-vous toujours?

Mgén Dallaire: Nous sommes en train de montrer à notre monde qu'il faut effectivement acquiescer à de telles demandes. Le problème, c'est lorsqu'une personne ne fait plus du tout partie des Forces - c'est-à-dire lorsqu'elle n'est plus dans la Réserve - au moment où elle demande de l'aide. Là encore il faut se demander à qui échoit la responsabilité? Abandonne-t-on ces cas au système provincial? Avons-nous une certaine responsabilité?

.1715

Nous avons remarqué qu'un certain nombre d'unités de milice, dont des membres ont participé à ces opérations, ont fait le nécessaire pour s'occuper de ces problèmes, mais il faut dire, malheureusement, que c'est plutôt sporadique.

Lcol McLelland: Je crois que notre talon d'Achille, c'est le manque de suivi. Qu'arrive-t-il lorsqu'un soldat ou un caporal de Hoboken dans le nord de la Saskatchewan, s'il y a une localité de ce nom là-bas...

Une voix: Il n'y en a pas.

Lcol McLelland: D'accord. Qu'arrive-t-il s'il retourne dans son unité et abandonne la Réserve, comme l'a dit le général? Comment pouvons-nous connaître ses besoins en la matière?

J'ai la nette impression que ce programme de suivi post-déploiement qui est envisagé vérifiera ce qui arrive au bout de trois, six et neuf mois. Si Boggins veut quitter les Forces et qu'il disparaît dans le nord de la Saskatchewan ou de l'Alberta, comment pourrons-nous le retrouver pour déterminer s'il souffre de troubles psychologiques ou autres à la suite de son service? Je pense que ce programme nous permettra de surmonter le problème.

M. Bob Wood: J'ai une dernière question.

Je suppose que l'une de vos principales tâches au personnel consiste à soutenir le moral des troupes. À mon sens, nous croyons que notre rôle à nous est de créer un climat tel que les militaires et leurs familles soient satisfaits de leurs conditions de vie et de travail. Qu'est-ce qui est le plus important pour soutenir le moral: le salaire, le logement, de meilleures communications ou autre chose? Général, pourriez-vous recommander un domaine ou un sujet que nous devrions examiner plus attentivement?

Mgén Dallaire: Si vous voulez parler d'un projet donné ou de quelque chose de précis qui est vraiment déterminant et sur lequel vous pourriez vous concentrer, il y a l'argent. Certains disent que la paye ou la rémunération est vraiment l'atout principal, mais il y a aussi le fait d'être traité équitablement.

Toutefois, je présenterais les choses sous un angle un peu différent, si vous n'avez pas d'objection. Je trouve qu'il est vraiment fondamental d'entreprendre cette tâche importante qui n'a jamais été effectuée jusqu'à présent et c'est pourquoi je félicite le comité d'avoir pris cette initiative.

M. Bob Wood: Du moins depuis les années 70.

Mgén Dallaire: Les militaires veulent savoir ce que la nation, son Parlement et ses représentants pensent d'eux. Pour eux, c'est le fin du fin.

Imaginez que nous avons envoyé et que nous envoyons actuellement des troupes dans des endroits dangereux, dans des zones de guerre. Je suis allé à la guerre. Le pays vit en paix mais les troupes se trouvent dans des zones de guerre pour effectuer des tâches que notre nation croit essentielles pour garantir notre sécurité et nous donner un monde meilleur. Je me réjouis du rôle de chef de file que joue le Canada. C'est normal que nous agissions ainsi puisque nous sommes un pays comblé.

Cependant, comment répéter à nos soldats et à leurs familles que leurs sacrifices et ces risques ne sont pas indemnisés par un régime quelconque? En fait, notre nation croit que la qualité de vie des militaires, l'attention et l'aide qui leur sont fournies à eux et aussi à leurs familles à cause des risques qu'ils ont courus - que ce soit le fait d'être à bord d'un bateau dans l'Adriatique, d'un avion Hercules en train de se poser au Rwanda ou se trouvant au sol en Bosnie, ou encore le fait de se faire descendre - sont des exigences fondamentales pour ses forces armées et pour nous faire un monde meilleur. Notre nation le sait et elle est prête à négocier un contrat ou un arrangement équitable avec ses militaires.

Or, ce contrat n'existe pas encore. Il faut le porter à un niveau supérieur pour montrer que notre nation doit le faire savoir à ses militaires. Ça devrait servir de référence pour encourager ceux et celles qui servent encore, pour récompenser leurs familles qui font des sacrifices et les préparer à toutes ces séparations et à ces risques, et enfin, pour attirer nos jeunes et les inciter à servir leur pays.

Qu'est-ce qui encouragerait mon fils, la quatrième génération de militaire du côté de mon épouse et la troisième de mon côté, à rester sous nos drapeaux? Voilà, à mon avis, quel doit être notre objectif ultime?

.1720

Les Américains, eux réussissent bien à le faire. Ça pourrait être un simple paragraphe disant ce que les militaires devraient recevoir, selon la nation, pour leurs sacrifices à son service, une déclaration qu'on afficherait dans tous les casernements, quartiers généraux et unités. Si on le faisait, ce serait déjà un progrès.

Votre collègue a beaucoup parlé de la bureaucratie et on peut dire que notre armée est bureaucratique. Vus de l'extérieur, nous sommes des tarés et certains trouvent que moins ils nous entendent, mieux ils se portent. Je pense qu'il faudrait au moins une déclaration générale.

M. Bob Wood: Vous êtes dans les Forces depuis bon nombre d'années. Qu'est-ce que vous en pensez? Vous êtes responsable du personnel. C'est votre travail d'essayer de soutenir le moral et c'est aussi le nôtre. Si nous nous y mettons ensemble, comment allons-nous procéder? C'est ce que nous essayons de faire. Vous devez bien avoir une petite idée là-dessus.

Mgén Dallaire: Voulez-vous un exposé détaillé sur la façon de faire?

M. Bob Wood: Oui.

Mgén Dallaire: J'ai quelques idées, tout comme mes collègues. J'en reviens à ma perspective d'ensemble, à la reconnaissance de ce que c'est. Nous, le peuple canadien, la nation canadienne, le Parlement déclarons que ces gens en uniforme devraient toucher tant en rémunération pour être capables d'accomplir leur mission. C'est la première chose à déclarer.

Dans une seconde déclaration, on pourrait aborder toutes sortes d'autres questions concernant la façon d'adapter les structures en temps de paix afin qu'elles soient capables de s'occuper des opérations qui placent nos militaires et leurs familles dans des zones dangereuses, même en temps de paix. Le soutien aux familles est important pour que nos militaires sachent qu'ils n'auront pas un second combat à livrer quand ils rentreront chez eux. Ils se seront battus une fois; quand ils rentreront chez eux, ce sera à nous de nous occuper d'eux, de les prendre en charge.

Mon père a passé une vingtaine d'années à discuter avec le MAC au sujet d'une pension de 5 ou 10 p. 100. Je me rappelle que ça a duré des années. Mon beau-père a fait pareil des années durant. Il y a certainement une meilleure façon de montrer aux militaires que ce n'est pas une autre bataille à remporter. Au contraire, nous voulons bâtir un système plus humain et mieux adapté.

Faire la différence entre la population en général et nous ne veut pas dire nous en isoler. Pendant que le mari de Mme Latulippe est parti exécuter sa troisième période de service, que ce soit sur un bâtiment naval, avec l'équipage d'un Hercules, dans un bataillon ou un régiment, elle, elle habite au centre de Loretteville. L'un de ses voisins est un fonctionnaire provincial qui rentre chez lui tous les soirs et qui est là toutes les fins de semaine et un autre est un travailleur qui, lui aussi, est régulièrement à la maison. Mme Latulippe, elle, doit s'occuper toute seule de l'entretien, des factures et de tout le reste.

Elle se sent peut-être seule et ses enfants aussi alors que la population ne lui fait sentir que de l'antagonisme. Elle n'a peut-être aucun repère, aucun endroit où aller se réconforter. Si son mari et elle sont prêts à faire ces sacrifices - et leurs enfants aussi - , à vivre de cette manière et que nous n'avons pas les outils nécessaires pour les aider - que ce soit plus de LF ou de meilleurs systèmes de soutien personnel près de nos bases et de leurs garnisons pour être attentifs à leurs besoins et avoir les ressources voulues pour y répondre - nous allons perdre de bons éléments. Nous en avons déjà perdus et nous risquons d'en perdre beaucoup d'autres.

Ce n'est pas seulement pour ceux qui servent en ce moment que je crains le plus. Je me demande si de bons éléments vont se joindre à nous demain. Voudront-ils servir? Allons-nous répondre à leurs attentes et à leurs espérances?

Je suis certain que vous trouverez les réponses à vos questions précises lorsque vous tiendrez vos audiences dans les régions, mais vous devez commencer par avoir une vue d'ensemble de la situation.

Le vice-président (M. Robert Bertrand): Merci.

M. Bob Wood: Je m'excuse, monsieur le président, d'avoir dépassé le temps qui m'était alloué. J'apprécie votre réponse.

Mgén Dallaire: Veuillez m'excuser de ma brève réponse.

Le vice-président (M. Robert Bertrand): Merci.

M. Richardson et M. Collins ont demandé la parole. Vous avez droit à des questions courtes.

.1725

M. John Richardson (Perth - Wellington - Waterloo, Lib.): Mes questions seront brèves, mais je ne peux rien promettre pour ce qui est des réponses.

Il est certain qu'autrefois, le facteur le plus important pour le moral des soldats, surtout pour les combattants, c'était de savoir s'il y avait lieu de procéder à l'évacuation et s'il y aurait des infirmiers à leur disposition. Ils pensaient constamment à ce qui leur arriverait s'ils étaient blessés. Ça, c'était pendant la guerre.

Nous sommes maintenant en temps de paix et c'est un peu plus décousu parce que le roulement est moins fréquent, etc. Mais il faudrait néanmoins graver dans leur esprit qu'un soldat blessé doit être pris en charge à partir du moment où les services médicaux le font évacuer et, s'il est susceptible de rester invalide, tout le temps que durera sa convalescence, etc.

C'est encore l'un des facteurs du moral des militaires. S'ils apprenaient que certains des leurs ne sont pas bien traités en ce moment, beaucoup remettraient en question leur volonté de servir pour le Canada à l'étranger.

Je sais que vous avez pris certaines mesures et que les Forces font de leur mieux pour s'adapter à ce nouveau phénomène des opérations, dangereuses quoique menées en temps de paix, qui entraînent des blessures causées par des mines, des armes légères, des tirs au mortier, etc. D'après les cas que m'ont présentés mes collègues, ceux qui reviennent après avoir perdu une main ou un autre membre sont forcés de quitter l'armée à cause du principe de la disponibilité parfaite qui les oblige à être toujours prêts à faire ce qu'on leur demande. Une fois qu'ils ont reçu leur prothèse ou ce dont ils ont besoin, on les renvoie au MAC.

On saute une étape. Tout le monde, y compris tout ceux qui sont dans la pièce, veut avoir l'impression d'être un citoyen canadien à part entière. On veut se sentir utile et apporter quelque chose à la société. Ces militaires invalides veulent se recycler afin de pouvoir jouer leur rôle de père, servir la famille et gagner leur vie.

Le MDN n'a pas assez d'argent pour répondre à ce type de besoins à moins qu'il y ait moyen de profiter du nouveau régime d'Emploi Canada. Le ministère offre périodiquement toutes sortes de programmes de recyclage dans tout le Canada. J'ignore si le MDN a la possibilité d'en tirer parti, mais ces militaires se sentiraient bien mieux. Ils ont reçu leurs prothèses et ils pourront maintenant se recycler parce que s'ils ne peuvent plus être des militaires polyvalents, ils peuvent encore être utiles. Ils reprendraient confiance en eux parce qu'ils pourraient à nouveau faire leur part comme Canadiens.

Je voudrais que vous arriviez à intégrer ça dans le système d'une façon ou d'une autre, parce que c'est la seule étape qui fait défaut jusqu'à présent. Je ne pense pas que vous pourriez mettre sur pied votre propre programme parce que c'est cher. Vous devriez vous renseigner pour savoir si vous ne pourriez pas adhérer au régime d'assurance-emploi, comme on l'appelle maintenant, ou profiter des programmes de recyclage d'Emploi Canada, qui ont dorénavant pour objet de recycler les chômeurs afin de les préparer à occuper les emplois de l'avenir.

Mgén Dallaire: Oui, monsieur. Je vais demander à Bernard et à Jim de traiter du volet recyclage. Je demanderais également à mon collègue du RARM, M. David Roberts, de vous en exposer les aspects techniques puisque l'une de vos questions porte sur les possibilités du MDN à ce chapitre. Le MDN devrait-il explorer cette solution ou est-ce que ça devrait faire partie de la transition? Je leur demanderais de commencer par nous exposer leurs observations.

M. Bernard Butler (conseiller juridique, Centre de ressources, ministère des Anciens combattants): Général, le RARM s'occupe sans doute plus de recyclage que les Anciens combattants.

Vous vous souviendrez qu'un programme de recyclage a existé pendant de nombreuses années après la guerre. Il a pris fin il y a quelques années, probablement parce que les types de blessures avaient changé. Pourtant, on recommence à en voir parce que le rôle de nos Forces tend à évoluer et que nos militaires sont redevenus susceptibles de subir des blessures invalidantes. Vous avez donné comme exemple la perte d'un membre et il y en a d'autres.

À partir du moment où le MAC prend en charge les militaires libérés, il peut leur offrir de nombreux traitements et des prestations mais pas grand-chose côté recyclage. Je crois cependant que les militaires auxquels vous pensez seront normalement pris en charge par le RARM dont vous voulez sans doute nous parler.

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M. David W. Roberts (président, Régime d'assurance-revenu militaire (RARM)): Tout d'abord, le RARM est le régime d'assurance-revenu militaire pour les Forces canadiennes. Il comprend un régime d'invalidité de longue durée. La cotisation au régime est obligatoire pour les membres de la Force régulière et facultative pour ceux de la Réserve. En réalité, quelque 25 000 membres de la Force régulière cotisent volontairement.

La majorité des membres de la Force régulière, si l'on veut, a une assurance invalidité de longue durée. Ceux qui présentent une demande de prestations - après avoir quitté l'armée - et dont la demande est approuvée ont alors droit à la réadaptation. À l'heure actuelle, il y a plus de 700 prestataires dont 350 suivent des cours de recyclage ou font une forme quelconque de réadaptation; ça peut être un travail à temps partiel, suivre des cours au collège... une foule d'activités que nous organisons pour eux.

Ceux qui ne touchent pas une indemnité pour invalidité prolongée, et il y en a, peuvent profiter dans une certaine mesure de l'assurance-emploi. Ce sont ceux qui passent entre les mailles de notre filet. On pourrait sans doute faire quelque chose pour eux.

Quant à ceux auxquels nous versons une indemnité pour invalidité prolongée, ils peuvent suivre des programmes de rééducation. D'ailleurs certaines des personnes mentionnées dans les articles y participent déjà.

Mgén Dallaire: C'est pour ça que Martineau aurait reçu son fauteuil roulant. S'il avait été libéré, il l'aurait reçu en vertu de ce régime. Malheureusement, il ne l'avait pas été. La situation est différente.

M. John Richardson: Je pense que tous les réservistes devraient adhérer au régime avant de partir en mission, s'ils y vont...

M. Roberts: Nous nous efforçons de les convaincre d'y adhérer.

Mgén Dallaire: Mais étant donné leur solde et tout le reste, nous pouvons difficilement leur imposer quoi que ce soit.

M. Roberts: C'est exact.

M. John Richardson: Merci.

Le vice-président (M. Robert Bertrand): Bernie, vous voulez poser une question?

M. Bernie Collins (Souris - Moose Mountain, Lib.): Merci beaucoup. Je vous prie d'excuser mon retard. J'ai trouvé la discussion intéressante.

Vous avez mentionné qu'il aurait pu y avoir jusqu'à 60 suicides. Je me demande si vous avez des statistiques montrant que ces personnes ont pu subir un stress tel durant une période donnée qu'elles ont fini par se suicider.

Mgén Dallaire: Non, monsieur. D'ailleurs, nous avons effectué une étude exhaustive de la question, dont les résultats ont été publiés l'automne dernier. Dans le rapport, il y avait toutes les données concernant les personnes assignées à ces opérations, qui nous ont amené à conclure qu'il n'y avait aucun lien direct entre ces missions et le taux de suicide comme tel. Cependant, je ne vous cacherai pas qu'étant donné ce que j'ai vécu, je n'écarte pas cette possibilité quand les gens ont subi certains des stress que je connais.

Les anciens combattants d'aujourd'hui font partie d'une nouvelle génération. Ça ne dépend pas seulement des aspects physiques. Le stress post-traumatique fait bien plus de dommages que les blessures corporelles. Les choses qu'on voit de nos jours... Prenez n'importe quel film sur la Seconde Guerre mondiale et n'importe quel camp de concentration et comparez-les à bien des choses qu'ont vécues nombre d'entre nous et vous verrez que c'est une tout autre paire de...

M. Bernie Collins: Ayant enseigné pendant 32 ans, je peux vous assurer, monsieur, que si je devais raconter aux élèves, d'après les opinions émises par le public... Certains sont autodestructeurs quand ils créent une image avec laquelle bien des gens devront malheureusement vivre. J'aurais du mal à raconter aux jeunes que, d'après les informations disponibles, ils auraient intérêt à s'engager dans l'armée, l'aviation ou la marine. Il nous incombe à nous tous d'agir et nous avons ici la tribune idéale.

Je ne peux pas demander à un réserviste d'aller risquer sa vie, sachant qu'à son retour, la Force régulière ne le traitera pas équitablement. Je ne veux pas qu'un gars soit obligé d'aller achaler le MAC. Je crois que le service doit être offert spontanément. Comme John l'a dit à la fin de son intervention, une fois que le militaire a terminé sa mission, il faut lui fournir le moyen de retourner sur le marché du travail et de vivre comme tout le monde. En ce moment, on ne le fait pas et ça n'a rien d'étonnant. C'est à nous de régler le problème en travaillant avec vous et je suis certain que nous y parviendrons.

.1735

Mgén Dallaire: Monsieur, au cours des prochains mois, nos blessés auront la priorité pour les emplois de fonctionnaires fédéraux parce que la Fonction publique du Canada a pour politique d'embaucher des handicapés et qu'ils sont considérés comme tels. Nous avons donc beaucoup... et votre comité va nous aider considérablement à faire du chemin.

[Français]

Le vice-président (M. Robert Bertrand): Merci beaucoup, major général Dallaire. Je vous remercie énormément, ainsi que les autres témoins qui ont comparu cet après-midi.

[Traduction]

Je sais que vos réflexions et vos commentaires seront vivement appréciés au moment de rédiger notre rapport. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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