[Enregistrement électronique]
Le mardi 14 mai 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Nous avons le quorum voulu pour entendre les témoins.
Aujourd'hui, nous accueillons, du Conseil du Trésor, Jean-Claude Bouchard, sous-secrétaire, Direction des ressources humaines; Ric Cameron, secrétaire adjoint, Planification et analyse stratégiques, Direction des ressources humaines; et Sharon Hamilton, secrétaire adjoint, Division des pensions, Direction des ressources humaines.
Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté de comparaître devant nous. Nous vous avons invités à la suite de témoignages de témoins précédents qui ont traité de l'impossibilité d'avoir recours à l'arbitrage. Nous voulions aussi savoir si le programme de remplacement proposé par le comité il y a un an avait été mis en place.
[Français]
Vous commencez, monsieur Bouchard?
[Traduction]
M. Jean-Claude Bouchard (sous-secrétaire, Direction des ressources humaines, Conseil du Trésor): Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'aborder ces points dans mon bref exposé, et ensuite mes collaborateurs et moi-même répondrons à vos questions.
[Français]
J'aimerais vous remercier, monsieur le président, ainsi que les membres du comité de me permettre de vous rencontrer aujourd'hui. Je sais que vous avez déjà discuté de la partie du projet de loi C-31 qui traite de la question des ressources humaines et que vous avez des questions à ce sujet, comme vous venez de le mentionner. J'espère que mes observations faciliteront le déroulement de vos travaux.
Deux questions ont suscité une attention particulière: les modalités visant les fonctionnaires touchés par les nouveaux modes de prestation des services et la suspension de l'arbitrage exécutoire. J'en traiterai en priorité pour ensuite aborder deux autres points qui ont été soulevés.
Vous savez tous que le gouvernement s'est engagé à repenser le rôle de l'État et vous êtes au courant des initiatives qui en découlent. L'examen des programmes continuera de marquer profondément les activités de l'État, qu'il s'agisse de réduire les dépenses ou de revoir la gamme des services offerts par le gouvernement fédéral et la façon la plus efficiente et efficace de les fournir aux Canadiens. À ce propos, nous voulons savoir si les mécanismes traditionnels de prestation de services, qui font couramment appel à un ministère fédéral, sont les mieux indiqués. En effet, le ministre des Finances a désigné dans son budget trois candidats au nouveau régime de prestation de services: Parcs Canada, l'Agence d'inspection des aliments et la Commission canadienne du revenu. Nous examinons avec ces organismes diverses options qui conviendront le mieux à leurs exigences de fonctionnement et de service tout en maintenant avec le Parlement une obligation de reddition de comptes adéquate. À mesure que nous continuerons à repenser le rôle de l'État, nous recenserons certainement d'autres candidats au nouveau régime de prestations des services.
Certains pays, plus particulièrement la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, ont changé leur structure administrative de façon dramatique. Notre gouvernement a décidé que chaque cas sera évalué au mérite et que chaque structure sera érigée en fonction de ses exigences propres, et le Parlement aura l'occasion d'examiner la loi habilitante de chacune de ces organisations. Il est important de le souligner.
[Traduction]
Nous savons que l'instauration de nouveaux modes de prestation des services touchera les employés dont les tâches relèvent à l'heure actuelle de la fonction publique traditionnelle. Nous voulons faire en sorte que ces employés dont la situation d'emploi changera soient traités de manière équitable et responsable. Mais nous devons concilier ce voeu avec l'intérêt des contribuables et le besoin d'intégrité financière.
Nous devons aussi veiller à ce que les nouvelles entités de prestation des services disposent des outils et des systèmes nécessaires à leur fonctionnement.
Nous estimons que la négociation avec les syndicats de la fonction publique serait la meilleure façon de concilier ces intérêts, et je suis heureux de pouvoir dire que nous nous sommes entendus avec 13 des 16 syndicats.
Ainsi, par le biais du projet de loi C-31, le gouvernement souhaite instaurer les droits prévus par la Directive sur le réaménagement des effectifs et les autres accords qu'il a conclus avec ces syndicats, sans oublier les droits des employés représentés par des syndicats qui n'ont pas signé d'entente.
Il souhaite également étendre les «droits de successeur», c'est-à-dire continuer d'appliquer les conventions collectives et préserver la représentation syndicale des fonctionnaires transférés à d'autres employeurs relevant de l'administration fédérale. Ainsi, lorsque les droits de successeur s'appliqueront, les conditions de travail des employés demeureront largement inchangées.
Afin de déterminer les droits des employés, des critères ont été établis pour classer des offres d'emploi de nouveaux employeurs dans un de trois types. Les droits des employés dépendent donc du type d'offre d'emploi qu'ils reçoivent. Généralement, plus le degré de continuité d'emploi est élevé, moins nombreux seront les bénéfices additionnels qu'ils recevront.
Le gouvernement tient à offrir des mesures de transition équitables à tous les employés dont les fonctions seront transférées à de nouvelles entités de prestation de service et à ce que les membres des syndicats ayant conclu un accord profitent des améliorations négociées. Par le biais des dispositions du projet de loi C-31, le gouvernement entend respecter les ententes qu'il a conclues de bonne foi avec les syndicats.
Nous recommanderons en outre aux ministres du Conseil du Trésor et au gouverneur en conseil de veiller à ce que les droits des membres des syndicats non signataires soient conformes à ceux que l'employeur a proposés au cours des négociations, le 12 janvier dernier.
Cela signifie que, pour les offres de type un et deux, le préavis des employés qui refusent un poste au sein d'une nouvelle organisation sera de trois mois au lieu des quatre mois négociés et que, pour les offres de type deux, la période de versement du complément salarial sera de 12 mois, au lieu des 18 mois avec l'option de payer six mois supplémentaires dans certains cas.
Il convient de noter, monsieur le président et membres du comité, que les «types» d'offres dont je parle sont compris dans l'entente, mais ne sont pas décrits dans la loi. Je vous fournirai donc avec plaisir des précisions à ce sujet si vous le désirez.
Nous croyons que ces mesures donnent suite à l'engagement du gouvernement de prévoir des dispositions transitoires équitables pour ses employés et qu'il ne faut pas y voir une mesure punitive à l'endroit des syndicats qui n'ont pas signé d'accord. Je tiens à souligner que ces derniers peuvent encore signer avec l'employeur la même entente que les autres syndicats.
[Français]
Je veux aussi traiter du projet de suspension de l'arbitrage exécutoire comme mécanisme de résolution des différends dans le cadre de la négociation collective. Même si le gouvernement est nettement en voie d'atteindre ses objectifs financiers, il doit continuer d'exercer une gestion financière responsable. L'adoption de la Loi sur la rémunération du secteur public en 1991 et le gel des salaires qui l'accompagnait ont certes largement aidé le gouvernement à atteindre ces objectifs. Ce dernier est confiant de pouvoir maintenant rétablir la négociation collective avec les syndicats de la fonction publique et entend le faire sans réserve. Mais il faut noter que l'arbitrage exécutoire permet à des tiers indépendants, qui ne rendent des comptes ni au gouvernement ni aux contribuables canadiens, de prendre des décisions financières. Le gouvernement estime que cela pourrait donner lieu à des décisions d'arbitrage avec lesquelles le cadre financier ne pourrait tout simplement pas composer. Il se pourrait aussi qu'après un gel salarial de cinq ans, les arbitres soient tentés de trancher en faveur du rattrapage, annulant ainsi dans une certaine mesure l'effet de la loi sur la limitation des dépenses.
Même si le gouvernement propose de suspendre l'arbitrage exécutoire, le processus conciliation/grève demeurera en place. Certains syndicats craignent particulièrement que la suspension de l'arbitrage exécutoire ait des répercussions très significatives lorsqu'une grande proportion de leurs membres seront tenus de demeurer en poste pour assurer la sécurité du public et ne peuvent donc pas faire la grève. Ils soutiennent qu'en pareil cas, une grève peut n'avoir qu'un effet limité, ce qui est fort juste. Nous en sommes certes conscients, mais je tiens d'abord à signaler que la désignation des postes n'a pas encore débuté et que ce n'est qu'à la fin de cet exercice que son impact sur les divers groupes pourrait être connu. Nous ne voulons pas présumer des résultats. Nous nous engageons toutefois à collaborer avec les groupes les plus durement touchés pour convenir d'une façon de procéder.
Je tiens à signaler que ces options s'appliqueraient en cas d'échec des négociations. Le gouvernement croit que dans la plupart des cas, la négociation débouchera sur une entente. En effet, alors que nous nous préparons à la reprise de la négociation collective au début de l'an prochain, nous collaborerons avec les syndicats et d'autres partenaires stratégiques pour concevoir un processus de négociation collective qui offrira le plus de chances de succès à toutes les parties.
[Traduction]
Je voudrais aborder deux autres points parce qu'ils ont été soulevés par d'autres témoins. Il y a d'abord la question des étudiants salariés, et plus précisément la proposition visant à ne plus assujettir ces derniers à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.
Les gestionnaires de la fonction publique doivent avant tout, puisqu'ils font appel aux services d'étudiants, fournir à ces derniers une formation et des occasions d'apprentissage en plus de les aider à développer de bonnes habitudes de travail et des compétences en demande sur le marché du travail. Les gestionnaires et les employés contribuent largement à l'accroissement de l'employabilité des étudiants en orientant le développement des compétences de ces derniers en leur servant de formateur, de mentor et de personne-ressource.
La mesure proposée dans le projet de loi C-31 traduit le fait que, en qualité de «stagiaires», les étudiants ne devraient pas bénéficier des mêmes avantages et des mêmes droits que les employés.
Depuis le milieu des années 80, les étudiants forment environ 2,2 p. 100 de l'effectif de la fonction publique fédérale. Le gouvernement entend maintenir ce niveau de représentation des étudiants au sein de son effectif, et non déplacer des employés parfaitement compétents.
Enfin, le comité a aussi reçu des commentaires à propos des changements proposés à la Loi sur la pension de la fonction publique, notamment en ce qui a trait à l'application rétroactive de l'acquisition des droits à pension après deux ans et à la hausse du taux d'intérêt appliqué au remboursement des cotisations pour en faire bénéficier tous ceux qui ont quitté la fonction publique depuis 1995. Une telle proposition coûterait 55 millions de dollars de plus et aurait des répercussions marquées sur le plan administratif.
D'aucuns ont demandé au gouvernement d'appliquer le taux d'intérêt prévu par le compte de pension de retraite à toutes les cotisations antérieures plutôt qu'à compter de janvier 1997. Je tiens à préciser que le régime de pension de retraite de la fonction publique vise à assurer un revenu de retraite aux anciens employés. La hausse rétroactive des taux d'intérêt n'y contribuerait pas dans la mesure où elle inciterait les employés à demander un remboursement des cotisations au lieu de leurs prestations de pension.
En outre, il serait difficile d'appliquer cette mesure, puisqu'il n'existe aucun relevé historique du solde trimestriel des cotisations.
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de votre attention aujourd'hui. Si vous avez des questions, nous serons heureux d'y répondre.
Le président: Merci.
[Français]
Est-ce que vous avez des questions, monsieur Pomerleau?
M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): Oui, j'ai une question concernant la suspension de l'arbitrage exécutoire. Vous êtes conscient que dans cette circonstance, en l'absence d'un arbitre indépendant qui soit en mesure de prendre des décisions qui pourraient placer le gouvernement dans une mauvaise position financière, le gouvernement agit à la fois comme juge et partie.
M. Bouchard: Le processus de négociation doit toujours suivre son cours jusqu'à sa limite ultime, jusqu'à une entente - ce à quoi j'espère en arriver - ou jusqu'à une grève. Le jeu des pouvoirs des deux parties finit par prendre place. En bout de ligne, il faudra trouver un accommodement, s'entendre avec les syndicats.
L'arbitrage exécutoire est une formule qu'on peut se permettre, mais dont nous devons limiter les coûts dans notre cas. Si on demande à un arbitre de rendre une décision exécutoire, on s'engage à la mettre en oeuvre, quelle qu'elle soit.
Dans un cas pareil, notre dilemme porte sur notre capacité de payer. Nous avons donc suspendu - et je dis bien suspendu et non pas aboli - un tel recours jusqu'à la fin de notre exercice de revue de programmes, c'est-à-dire jusqu'à ce que nous ayons terminé nos réductions d'effectifs, et surtout de budget, dans la fonction publique.
Le processus de négociations continue de s'appliquer entre-temps parce qu'il y a possibilité que les employés fassent la grève si nos offres ne sont pas raisonnables ou si nous adoptons une position inacceptable. Il y a donc un processus qui n'est pas aussi biaisé qu'on aurait pu le laisser croire.
Le président: En raison de ce problème de rattrapage, serait-il possible d'énoncer quelque chose en ce sens dans les recommandations, de l'interdire?
M. Bouchard: De telles expériences, où on tentait de donner des instructions précises à des arbitres, ont eu lieu à d'autres paliers de gouvernement. Dans de nombreuses instances, ces instructions n'ont pas été suivies et l'employeur, en l'occurrence le gouvernement, n'a pas eu beaucoup de recours. Nous nous sommes penchés sur un certain nombre de possibilités, mais avons rejeté celle-ci parce qu'elle présentait pour nous un trop grand risque.
Le président: Merci. Monsieur Benoit.
[Traduction]
M. Benoit (Végréville): Avez-vous envisagé d'autres types d'arbitrage exécutoire, par exemple l'arbitrage des offres finales, ou de la dernière offre la plus intéressante?
M. Bouchard: C'est comme si nous donnions des directives précises aux arbitres; nous ne pensons pas qu'une formule comme celle-là pourrait donner de bons résultats. C'est une formule qui pourrait peut-être fonctionner dans le cas de conciliateurs. Il faudra peut-être explorer une avenue comme celle-là.
Les groupes d'employés dont la majorité des membres sont désignés, ou étaient désignés auparavant, représentent de 10 000 à 15 000 fonctionnaires. Comme je l'ai dit dans mon exposé, le processus de désignation, c'est-à-dire la décision que nous prenons conjointement que certaines personnes devront travailler en cas de grève, n'a pas encore eu lieu. Nous supposons donc que la situation des années précédentes se répétera, et que les mêmes groupes verront leurs employés désignés en majorité. Pour le moment nous n'avons pas de certitude.
Nous voulons être justes. Nous voulons certes être équitables à l'endroit de ce petit groupe d'employés et nous envisagerons avec eux, au besoin, des mécanismes qui permettront de les traiter équitablement. Mais il est difficile de présumer quels seront ces mécanismes.
M. Benoit: Dans les faits, si ces employés faisaient la grève pendant une période prolongée, le gouvernement ne finirait-il pas par intervenir et par légiférer sur leur retour au travail?
M. Bouchard: Ce sont des conjectures. C'est effectivement une possibilité, étant donné que le gouvernement a le pouvoir de légiférer. Je peux vous dire que notre objectif est d'en arriver à une entente avec les syndicats à la table des négociations. Le président du Conseil du Trésor, le ministre, a annoncé un retour à la négociation collective. Autrement dit, nous sommes disposés à négocier. De concert avec les syndicats, nous souhaitons réinventer le processus de négociation, mais, chose certaine, nous sommes prêts à négocier et à nous entendre avec eux.
M. Benoit: Pouvez-vous m'expliquer ce processus?
M. Bouchard: Très brièvement, dans la fonction publique fédérale, on a toujours négocié les salaires, ainsi que certaines conditions d'emploi comme les vacances et les congés de maladie. C'est ce que nous appelons la négociation. Mais il y a toute une brochette d'avantages qui sont accordés aux fonctionnaires et qui sont négociés séparément, notamment les régimes de soins de santé, les régimes de soins dentaires, la directive sur les déplacements, etc. Il y a donc toute une série d'avantages qui ont été négociés séparément.
Lorsque je parle de réinventer le processus de négociation collective, j'entends par là que nous souhaitons discuter avec les syndicats, à une seule table de négociation, de l'ensemble des conditions de travail, et non pas seulement des augmentations salariales ou de l'octroi d'une semaine de vacances supplémentaire. Je voudrais m'assurer que dans ce contexte nous puissions tenir compte de changements éventuels au régime de soins de santé ou au régime de soins dentaires. Il y a un coût associé à tout, et je voudrais être sûr que nous en discutions à la même table. Cela ne s'est jamais fait auparavant.
M. Benoit: Comment les avantages pour les couples de même sexe ont-ils été intégrés à cet ensemble?
M. Bouchard: À mon avis, les avantages pour conjoints de même sexe ne font pas partie de cet ensemble. Nous n'en avons pas parlé.
M. Benoit: Il y a quand même des employés assujettis au Conseil du Trésor auxquels on a accordé de tels avantages.
M. Bouchard: Récemment, le gouvernement a décidé d'accorder à des employés certains avantages pour des raisons humanitaires, mais nous avons dit très clairement que nous ne changions pas pour autant la définition de couple figurant dans la loi. Pour des motifs humanitaires, nous avons accordé certains types d'avantages à des personnes vivant dans une relation homosexuelle.
M. Benoit: A-t-on déjà apporté d'autres changements pour des motifs humanitaires?
M. Bouchard: Pas à ma connaissance... peut-être. Il faudrait que je fasse des recherches.
M. Benoit: Il s'agit donc là d'un précédent.
M. Bouchard: Le passé, c'est long. Je n'ai pas toujours été là, mais je pourrais faire des recherches à ce sujet.
M. Ric Cameron (secrétaire adjoint, Planification et analyse stratégiques, Direction des ressources humaines, Conseil du Trésor): Si l'on regarde ce qui se faisait auparavant, le congé de deuil avait une portée très étroite: conjoint, parent. Cela englobe maintenant les beaux-parents et d'autres.
Mais la compassion vise l'individu touché et son entourage. En tant qu'employé, vos relations dépendent de votre famille et d'autres circonstances. Outre le fait qu'on ait élargi le champ des cas où la compassion peut intervenir, je ne pense pas qu'on ait reconnu collectivement d'autres groupes, car c'est l'individu dans ses relations avec autrui qui est visé.
Outre ce cas précis, encore une fois fondé sur la reconnaissance de relations personnelles, comme on a d'ailleurs fait dans d'autres situations, je ne pense pas que le Conseil du Trésor ait établi un précédent.
M. Benoit: Autrement dit, ce n'est pas une décision arbitraire de la part de l'employeur.
M. Bouchard: Non. Nous prenons rarement des décisions arbitraires; je l'espère.
M. Benoit: Je me posais la question.
M. Bouchard: Nous avons décidé d'accorder certains types d'avantages à des employés, mais encore une fois pour des motifs humanitaires. Évidemment, nous avons mûrement réfléchi à la question et en avons discuté en long et en large avant de prendre la décision.
M. Benoit: Mais étant donné que le Parlement vient de rejeter catégoriquement une mesure en ce sens à la Chambre des communes, pour empêcher précisément que cela ne se produise, comment pouvez-vous justifier que cela se fasse au Conseil du Trésor?
M. Bouchard: Je ne répondrai pas à la première partie de votre question, puisque vous portez un jugement sur ce qui s'est passé au Parlement et que cela déborde le champ de mes compétences.
Encore une fois, en accordant ce genre d'avantages à des employés qui vivent ce genre de relations - je le répète: dans bien des cas pour des raisons humanitaires - nous avons simplement emboîté le pas à environ 600 grands employeurs au Canada. Nous répondons en cela à un signal qui nous a été donné par les grands employeurs au Canada depuis déjà longtemps. Encore une fois, cette décision a été mûrement réfléchie.
M. Benoit: Si l'on met dans la balance le fait que le Parlement a clairement rejeté cette idée et la décision de certains grands employeurs, comme vous le dites, je pense que le Parlement devrait avoir prépondérance par rapport à n'importe quel employeur.
M. Bouchard: En outre, un élément qui a contribué à cette décision a été le fait que nous avons reçu une décision arbitrale nous intimant d'agir ainsi. La Commission des relations de travail dans la fonction publique nous a fait savoir dans un cas très précis que nous devions accorder ces avantages, de sorte que nous avons décidé de les accorder pour des motifs humanitaires. Dans un cas particulier, nous avons agi selon les voeux de la Commission des relations de travail dans la fonction publique.
M. Benoit: Le fait que le Parlement du Canada ait rejeté cette idée et que la fonction publique n'en ait cure montre bien qu'il y a un problème dans le processus.
M. Bouchard: Je pense qu'une fois que le Parlement du Canada aura décidé de modifier la loi, et particulièrement la définition de «couple», alors cela ouvrira la porte à toute une série d'avantages qui devront être accordés.
Dans le cas de certains avantages - et je songe au congé de deuil - , nous avons décidé de les accorder pour des motifs humanitaires. De toute façon, nous étions assujettis à une décision arbitrale en ce sens.
M. Benoit: Encore une fois, cela montre qu'il y a un problème au niveau de l'arbitrage. Si les tribunaux ont dit non aux avantages pour les couples de même sexe, et que le Parlement lui aussi a rejeté l'idée, il me semble que le Conseil du Trésor n'est pas à l'écoute des décideurs, qui sont au premier chef les parlementaires et le Parlement.
M. Bouchard: Corrigez-moi si je me trompe, mais je ne pense pas que le Parlement ait décidé, par voie législative, d'interdire l'octroi d'avantages aux couples de même sexe. Je pense que le Parlement n'a pas encore envisagé cela, mais je pourrais me...
M. Benoit: Nous l'avons fait, au cours des six derniers mois. Un projet de loi d'initiative parlementaire a été catégoriquement rejeté.
Le président: Je voudrais être sûr de bien comprendre votre position. Êtes-vous totalement contre le fait d'accorder un congé de deuil à un couple de même sexe ou à deux personnes de même sexe qui vivent ensemble, qu'elles aient une relation d'ordre sexuel ou non?
M. Benoit: Non. Je pense que le Parlement devrait prendre cette décision après un débat approfondi; ce n'est pas aux fonctionnaires ou aux bureaucrates qu'il appartient de le faire. Voilà ma position.
Le président: Quelle serait votre décision si le Parlement était saisi de cette question? Peut-être pourrions-nous...
M. Benoit: D'accord, parlons-en. Je vais écouter le débat et y participer. J'espère que si le Parlement est saisi de la question - je ne pense pas qu'il le devrait - , il y aura un débat très approfondi, contrairement à ce qui s'est passé pour d'autres mesures législatives, où on a invoqué la clôture et mis un terme à la discussion sans que tous les citoyens, et non seulement les parlementaires, puissent y contribuer comme il se doit.
Le président: Permettez-moi de vous dire officiellement que si je vivais avec mon frère et que ce dernier venait à mourir, et que je travaillais pour la fonction publique, je voudrais un congé de deuil et je m'attendrais à ce qu'on me l'accorde.
M. Benoit: Encore une fois, c'est au Parlement qu'il appartient de prendre cette décision.
Le président: Je suis bien prêt à dire cela. Merci, monsieur Benoit.
Monsieur Duhamel.
M. Duhamel (Saint-Boniface): Corrigez-moi si je me trompe, mais lorsqu'on parle de congé de deuil et d'autres avantages négociés, ils existent en vertu d'une entente conclue entre l'employeur et le groupe d'employés. À moins que le Parlement ne dise expressément que cela ne devrait pas se faire, alors cela peut se faire. Ai-je bien interprété ce que vous avez dit?
M. Bouchard: Oui, vous avez raison.
M. Duhamel: Pouvez-vous me rafraîchir la mémoire? Vous avez dit qu'il y avait au Canada quelque 600 sociétés qui font... quoi? Pouvez-vous me dire ce qu'elles font?
M. Bouchard: Oui. Six cents grands employeurs au Canada ont accordé certains types d'avantages à des couples de même sexe. Parmi ces employeurs se trouvent les grandes banques. L'été dernier, lorsque j'ai été nommé à ce poste, j'ai lu dans le journal que la Banque Toronto-Dominion avait accordé ces avantages. Cette tendance a cours au Canada depuis quelques années.
M. Duhamel: C'est parce que la banque, en l'occurrence, a décidé de négocier cela avec ses employés.
M. Bouchard: Dans certains cas, les employeurs n'ont pas de personnel syndiqué. Je pense qu'il n'y a pas de syndicat à la Banque Toronto-Dominion, de sorte que c'était une décision de l'employeur.
M. Duhamel: Qu'en est-il des gouvernements provinciaux et territoriaux et des administrations municipales? Quelle est la situation à ces niveaux de gouvernement? Si vous n'avez pas la réponse aujourd'hui, vous pourriez peut-être...
M. Bouchard: Je pourrais vous faire parvenir la réponse. Je ne me souviens pas. Je sais qu'il y en a qui le font, mais je ne pourrais vous en donner la liste tout de suite.
[Français]
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Cela existe à Montréal.
[Traduction]
M. Duhamel: D'accord.
[Français]
J'aimerais maintenant poser quelques autres questions si vous me le permettez, monsieur le président.
Le président: Seulement six autres.
M. Duhamel: D'accord. À la page 3 de votre mémoire, vous dites:
- Nous estimions que la négociation avec les syndicats de la fonction publique serait la meilleure
façon de concilier ces intérêts, et je suis heureux de pouvoir dire que nous nous sommes
entendus avec 13 des 16 syndicats.
M. Bouchard: Nous avons négocié avec les syndicats des termes et conditions qui devraient prévaloir, lorsque le gouvernement décide de transférer un de ses programmes à un autre employeur - ce pourrait être un employeur du secteur public ou privé ou d'un autre palier du gouvernement - , pour les employés dont le poste est transféré à un autre employeur. C'est ce dont nous avons discuté avec les syndicats l'été dernier pour tenter de nous entendre sur ces termes et conditions. Ces discussions ont culminé de janvier à la mi-février en de très intenses négociations.
Les grandes lignes de ces termes et conditions stipulent que l'employé dont le poste est transféré à un autre employeur devra accepter toute offre d'emploi considérée raisonnable, par exemple un salaire équivalant à 95 p. 100 de celui offert dans la fonction publique ou des avantages sociaux presque semblables. Nous avons discuté des dispositions que nous étions prêts à accorder aux employés dans de tels cas. Je ne vous résume ici que les grandes lignes de ce qui a été dit.
M. Duhamel: Y a-t-il une possibilité qu'on en arrive à une entente avec les trois autres syndicats ou y a-t-il un grand point d'interrogation en ce moment?
M. Bouchard: Nous espérons toujours, tout comme notre ministre, en arriver à une entente. Nous le répétons ici ce matin.
M. Duhamel: Pourriez-vous préciser si on suit présentement le même processus que lors de négociations dans une situation régulière ou normale, sauf qu'on n'a pas recours à un arbitre si on n'arrive pas à une entente? Est-ce bien ce qui a été suspendu? Ai-je bien compris?
M. Bouchard: Avant même le début des négociations, le syndicat doit décider si, dans l'éventualité où ne s'entendait pas, on pourrait faire appel à un conciliateur et peut-être éventuellement recourir à la grève, ou en appeler d'une arbitre dont la décision serait exécutoire. Nous avons retiré une de ces solutions de rechange et résolu que l'arbitre dont la décision est exécutoire n'était plus une possibilité pour les syndicats jusqu'à la fin de 1998.
M. Duhamel: J'aimerais des précisions relativement aux trois candidats auxquels vous faites allusion dans votre mémoire. Quels sont-ils? Est-ce une nouvelle façon d'aborder le système salarial ou la rémunération?
M. Bouchard: Cela peut être tout ça. Certains pays tels la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont changé le fonctionnement d'une grande partie de la fonction publique. Ils ont accordé des statuts très particuliers à certains programmes, tout en leur donnant des outils de gestion des ressources humaines ou d'appropriation de fonds très différents afin de les aider à donner un meilleur service. C'est ce que nous essayons d'examiner avec ces trois agences.
M. Duhamel: Ce sont donc trois projets pilotes?
M. Bouchard: Oui, ce sont trois projets pilotes.
M. Duhamel: Je m'excuse de vous interrompre, mais je veux bien comprendre. La majorité des employés était-elle d'accord pour faire partie d'un tel projet pilote? Combien étaient d'accord?
M. Bouchard: Dans ces cas précis, la décision a été prise par le gouvernement. Ces trois programmes de la fonction publique fédérale seront graduellement transférés vers une nouvelle forme d'emploi. Nous n'avons pas consulté les employés; ce fut une décision du gouvernement. Ce que nous avons négocié, c'est, selon leur statut, quels seront les termes et conditions qui prévaudront pour les employés transférés à ce nouvel employeur.
M. Duhamel: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Dhaliwal.
[Traduction]
M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Merci, monsieur le président.
Aux fins du compte rendu, je tiens à dire qu'à mon avis le Parlement n'a pas à légiférer en matière de compassion. Je pense que notre travail exige que nous fassions preuve de compassion, et s'il faut pour cela accorder certains avantages pour des motifs humanitaires, fort bien. Je ne pense pas que le Parlement serait contre le fait que vous preniez une décision fondée sur la compassion. Je ne suis pas d'accord avec les commentaires que vient de faire l'un de mes collègues.
Je voudrais maintenant aborder une autre question, soit celle de l'arbitrage exécutoire. Comme vous le savez, de nombreux syndicats ont comparu devant nous pour s'y opposer, peut-être avec raison. Dans le cadre du processus de négociation collective, un certain nombre de mécanismes entrent en jeu en cas de désaccord. L'un d'eux est la médiation; il y a d'autres étapes intermédiaires, la dernière étant l'arbitrage exécutoire, lorsque les deux parties estiment qu'elles sont dans l'impasse.
Ne pensez-vous pas que la possibilité de recourir à l'arbitrage exécutoire est une option qui favorise un règlement? Les deux parties savent que ce mécanisme ultime est à leur disposition - que l'arbitrage exécutoire demeure une possibilité - et par conséquent cela les incite à s'entendre. Ne croyez-vous pas?
L'arbitrage exécutoire est la dernière étape si, au bout du compte, on ne réussit pas à négocier une convention collective. Ne convenez-vous pas que le seul fait que cette option soit disponible aide les parties à s'entendre, comme le montre l'expérience de la négociation collective? Une fois supprimée cette option, il sera plus difficile d'en venir à un règlement, plus difficile pour les parties de s'entendre. D'après l'expérience, le fait que cette option soit disponible favorise un règlement.
M. Bouchard: Il est difficile de porter un jugement global sur une chose comme celle-là. Tout dépend des parties. D'après notre expérience, il y a eu des négociations qui ont avorté et d'autres qui ont très bien progressé parce qu'existait cette possibilité d'en référer à une tierce partie pour obtenir une décision. Je ne suis pas sûr de pouvoir tirer la même conclusion que vous.
Dans certains cas, vous avez sans doute tout à fait raison, mais cela dépend des parties en cause. La charte de certains syndicats les oblige à aller en arbitrage. Autrement dit, ce ne sont pas eux qui prennent la décision. Au moment où le syndicat a été constitué, il a été décidé d'opter pour l'arbitrage exécutoire. Il y a un syndicat qui fonctionne ainsi.
Je ne suis pas sûr que cela soit utile. J'irais même jusqu'à dire qu'en l'absence de ce mécanisme nous serons forcés de tout faire pour nous entendre à la table des négociations, puisque nous ne pourrons compter sur notre tierce partie pour le faire à notre place. Mais il est difficile de généraliser. Encore une fois, cela dépend des parties.
M. Dhaliwal: Je sais, mais je pense que dans le contexte du processus normal de négociation collective, l'arbitrage exécutoire est la dernière étape. Un certain nombre d'étapes ont précédé, et, dans la plupart des cas, on ne se rend pas à l'arbitrage exécutoire, pour la raison que vous avez expliquée, soit que si l'on ignore quel sera le résultat de cette démarche, une entente négociée est préférable au fait de devoir accepter la décision d'une tierce partie.
Le processus de négociation collective existe depuis longtemps, et je m'inquiète d'entendre dire que l'on ne fait pas confiance à la décision indépendante issue de l'arbitrage exécutoire et que, par conséquent, on a l'intention de retirer ce mécanisme sous prétexte que la décision finale pourrait ne pas être acceptable. C'est tout le processus de négociation collective que l'on met en doute, alors que cette tierce partie prend en fait en compte tous les points en litige à la table des négociations et rend une décision finale. C'est comme dire que nous ne faisons pas confiance au système et que nous ne pensons pas que le processus de négociation collective ou d'arbitrage exécutoire donne de bons résultats.
L'arbitrage exécutoire est une option pour les deux parties. Ce n'est pas seulement nous qui avons le choix, ni seulement les syndicats. Les deux parties ont cette option. Elle nous a bien servi dans le processus de négociation collective, et nous la supprimons.
M. Bouchard: Je voudrais ajouter un commentaire. Les négociations collectives dans la fonction publique fédérale remontent à 1967. Si l'on jette un coup d'oeil sur ce qui s'est passé pendant ces presque 30 ans, on constate qu'il n'est pas arrivé très souvent que les parties se livrent à un véritable exercice de négociation collective. Dans bien des cas, nous, l'employeur, avons fixé à l'avance le montant des augmentations de salaires: 0 p. 100, 0 p. 100, 3 p. 100, 6 p. 100 et 5 p. 100. C'est toujours une décision très difficile à prendre.
En terminant, je voudrais dire ceci. Un arbitre indépendant pourrait décider qu'après six ans de blocage des salaires dans la fonction publique, compte tenu de ce qui s'est passé dans le secteur privé... Pendant toute cette période, le secteur privé a connu des augmentations de salaires, et nous avons des données pour expliquer tout cela. Un arbitre tiendrait compte de cela et proposerait un règlement de... je ne sais pas, ce n'est que conjecture de ma part, mais disons 6 p. 100.
Chaque point de pourcentage d'augmentation de la masse salariale du gouvernement vaut160 millions de dollars. Par conséquent, une décision exécutoire d'accorder 6 p. 100, par exemple, aurait des conséquences importantes, compte tenu de la situation financière du gouvernement. Franchement, c'est de cela que nous avons tenu compte. Nous estimions que nous ne pouvions pas prendre un tel risque.
M. Dhaliwal: Vous avez évidemment d'autres options pour respecter les contraintes financières. Vous pouvez réduire les effectifs et prendre d'autres mesures de ce genre, à supposer que des décisions pareilles soient prises. Ce n'est pas comme si vous n'aviez absolument pas d'autre choix. Vous avez à votre disposition d'autres outils pour redresser la situation financière quand des décisions sont prises qui ne concordent pas avec l'entente ou avec vos attentes.
M. Bouchard: Il y a toujours d'autres solutions aux problèmes, mais la fonction publique aura bientôt 45 000 employés de moins. Cela a également des répercussions sur les services. Il faut tenir compte de tout cela.
M. Dhaliwal: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Dhaliwal.
Monsieur Benoit.
M. Benoit: Je voudrais commenter l'observation de M. Dhaliwal selon laquelle le fait que vous ayez le choix de recourir à l'arbitrage pourrait encourager un règlement dans le cadre de la négociation collective. Dans son propre coin du pays, l'histoire vient de lui donner tort dans l'affaire des manutentionnaires du grain. Ces derniers en sont venus à compter sur le gouvernement pour qu'il légifère afin de mettre un terme au conflit de travail. Ils s'en sont très bien tirés avec ces règlements légiférés, et, à cause de cela, il n'y a pas vraiment de négociation collective.
Je sais que ce dont je parle n'est pas tout à fait la même chose, mais je crois qu'il est vraiment important, si vous voulez compter sur le processus de négociation collective - ce que vous auriez raison de faire - que les deux parties aient une certaine assurance que personne ne va intervenir trop rapidement. En fait, il faut même espérer que personne ne va s'ingérer dans le processus et qu'on laissera le processus de négociation collective se dérouler sans ingérence.
Si le besoin surgit de conclure un règlement quelconque à l'extérieur des négociations collectives ou encore de modifier le processus de négociation collective, je pense que l'arbitrage des offres finales est vraiment le modèle à suivre, c'est-à-dire que l'on accepte tout l'un ou tout l'autre. Ainsi, l'offre finale devient une offre très sérieuse.
En fait, quand les deux parties savent que quelqu'un va probablement intervenir, cela enlève à mon avis beaucoup de légitimité au processus de négociation collective.
Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Est-ce la raison pour laquelle vous vous éloignez du modèle de l'arbitrage?
M. Bouchard: C'est pour des questions financières. Je le répète, compte tenu de la situation financière du gouvernement, nous ne voulions pas prendre le risque de nous faire imposer une décision qui compromettrait toutes les économies réalisées ces dernières années grâce au blocage des salaires et aux compressions d'effectifs. C'était strictement pour des considérations d'ordre financier.
M. Benoit: Dans ce cas, n'est-il pas légitime pour un gouvernement de dire qu'il a tel montant à dépenser, pas un sou de plus, et qu'il doit conclure un règlement à l'intérieur de cette enveloppe de dépenses? Le gouvernement peut dire qu'il y a différentes façons de s'y prendre, mais qu'il ne faut pas dépasser une limite fixée d'avance. N'est-ce pas là une position légitime pour un gouvernement?
M. Bouchard: Évidemment, au début des négociations, nous discuterons des sommes d'argent à la disposition des syndicats, des représentants des employés.
Également, des économies pourraient être réalisées. Comme je l'ai mentionné rapidement en réponse à une autre question, nous pensons qu'on pourrait mieux administrer certains avantages, comme les directives sur le service extérieur, le régime de soins de santé, le régime de soins dentaires, ce qui permettrait de réaliser des économies. Grâce à ces économies, peut-être pourrions-nous renflouer quelque peu le budget modeste dont nous disposons pour les règlements salariaux. C'est à ce niveau-là qu'on devrait négocier. Et c'est ce que nous souhaitons.
M. Benoit: Merci.
Le président: Merci, monsieur Benoit. Y a-t-il d'autres questions?
Peut-être n'ai-je pas entendu, mais en ce qui concerne la substitution, si c'est le terme juste...
M. Bouchard: Oui.
Le président: ...l'IPFPC a dit que cela donne de bons résultats dans certains ministères et que dans d'autres cela n'a aucune chance. L'IPFPC précise d'autre part que Statistique Canada refuse catégoriquement de faire des substitutions.
Les gens de l'institut pense que nous devrions peut-être demander à chaque ministère un rapport sur les efforts qui ont été faits pour rendre plus humaine cette terrible transition qu'on impose à 14 p. 100 des fonctionnaires, c'est-à-dire 45 000 personnes. L'année dernière, ce comité a déclaré que ces substitutions étaient un moyen beaucoup plus humanitaire, puisqu'il permet à ceux qui le souhaitent de prendre leur retraite volontairement tout en permettant à ceux qui veulent rester de prendre les emplois ainsi libérés.
Avez-vous cherché à déterminer dans quelle mesure cela s'est fait, et pensez-vous que nous devrions recommander cette suggestion de l'IPFPC: demander à chaque ministère de déclarer le nombre de substitutions qui ont eu lieu.
M. Bouchard: Je veux faire des observations d'ordre général sur les substitutions, après quoi mon collègue, Ric Cameron, vous donnera des précisions sur le nombre de substitutions qui ont eu lieu.
Pour commencer, lorsque le gouvernement a décidé de réduire la taille de la fonction publique dans le cadre d'un examen des programmes, il ne s'agissait pas de dire: il faut réduire de 3 p. 100, et vous pouvez couper partout. En effet, on visait des programmes et des services bien particuliers.
En notre qualité d'employeurs, nous devions donc nous assurer que les gens qui possèdent les compétences nécessaires resteraient dans la fonction publique et que les autres partiraient. Dans ces conditions, cela ne pouvait être totalement volontaire, mais, malheureusement, c'est la solution que préfèrent les syndicats. Ils pensent que cela devrait être totalement volontaire.
Dans le cas de Statistique Canada...
Le président: Non, nous n'avons jamais dit cela. Notre comité a toujours recommandé que l'employeur conserve la décision finale, ajoutant qu'il n'était pas question d'essayer d'enfoncer une cheville carrée dans un trou rond.
M. Bouchard: Dans le cas de Statistique Canada - et vous pourriez consulter M. Fellegi, le statisticien en chef - ce ministère est en mesure de comprimer ses effectifs sans congédier qui que ce soit. Le statisticien en chef et son comité de gestion ont garanti un poste dans l'organisation à tous les employés de Statistique Canada. Autrement dit, les compressions ne sont pas terminées, mais ils pensent pouvoir y arriver - c'est un petit ministère - grâce aux départs normaux. Pour cette raison, s'ils acceptent, à titre de substitutions, des employés qui viennent de l'extérieur, ils vont avoir beaucoup de mal à y arriver. Voilà la raison de cette décision.
D'autres ministères acceptent beaucoup de substitutions. Peut-être pourrions-nous vous donner des exemples de cas où cela marche bien.
Le président: Certainement.
M. Cameron: Comme l'IPFPC l'a dit, cela fonctionne plus ou moins bien selon les endroits. J'aimerais rappeler au comité les initiatives qui ont été prises, et pour commencer celles qui consistent à déterminer qui serait prêt à partir, avant de déclarer certains postes excédentaires. Il y a les programmes d'encouragement au départ, dont la générosité relative prête toujours à controverse.
En fin de compte, les gens qui n'acceptent pas un des programmes d'encouragement et qui ne réussissent pas à trouver un emploi courent le risque d'être déclarés excédentaires... Si vous regardez le dernier rapport trimestriel - un nouveau doit sortir d'ici peu - à la fin du mois de décembre, nous avions réduit de 12 000 le nombre d'employés nommés pour une période indéterminée. La semaine dernière, quand j'ai vérifié, dans toute la fonction publique, deux personnes avaient le statut d'excédentaire non payé. Dans l'ensemble, je trouve donc que cela est assez bien administré.
Le président: Les premiers 26 ou 27 p. 100 sont toujours les plus faciles, n'est-ce pas?
M. Cameron: Effectivement, les choses vont devenir plus difficiles, mais les ministères ont tout de même fait des efforts considérables pour placer leurs employés.
Je peux laisser un exemplaire de ce document à votre greffier, si vous le voulez. Comme nous travaillons en étroite collaboration avec tous les comités mixtes de réaménagement qui se sont constitués dans tout le pays, nous avons certaines données à ce sujet. Ce rapport date de la fin de décembre, et certains ministères ont été mis à jour. Nous poursuivons cette mise à jour. Elle permet de constater que jusqu'en décembre - avec une mise à jour jusqu'à la fin de mars pour certains ministères - il y avait eu 996 échanges officiels. Là encore, il faut tenir compte du processus interne qui permet aux unités de travail d'identifier certaines personnes, mais sans qu'il y ait jamais vraiment d'échanges officiels.
Dans ce contexte, la plupart des ministères travaillent très fort. Lorsque des difficultés surgissent dans le cadre du processus de réaménagement mixte, nous travaillons avec les ministères. Des fonds ont été mis à la disposition des comités mixtes de réaménagement. S'ils ont besoin d'aide ou de ressources, les ministres du Conseil du Trésor ont établi un fonds pour y pourvoir.
Je considère donc que tout cela fonctionne d'une façon satisfaisante, et continue même à s'améliorer au fur et à mesure que les ministères et les syndicats trouvent de meilleurs moyens de collaborer, de partager les informations, surtout entre les ministères.
Le président: Monsieur Duhamel.
M. Duhamel: J'aimerais revenir sur cet aspect. Je crois comprendre que le gouvernement, pour de bonnes raisons, a refusé d'accéder tout simplement à la demande de ceux qui veulent partir. C'était la position des syndicats, une position que je respecte. Effectivement, si je travaillais pour un syndicat, c'est un objectif que je rechercherais activement.
Si j'ai bien compris, après quelques discussions, on a fini par trouver une sorte de compromis, ce qui est positif, et on a autorisé les substitutions qui ne menacent pas l'ensemble des ressources humaines dont nous avons besoin pour fournir des services de qualité. Je veux simplement m'assurer que j'ai bien compris; n'hésitez pas à me reprendre si je me trompe.
Deuxièmement, monsieur le président, je croyais que nous avions demandé un rapport officiel sur ces substitutions. Si ce n'est pas le cas, j'aimerais faire cette demande officiellement aujourd'hui. J'aimerais savoir combien il y a eu de substitutions, et également pourquoi leur nombre est si élevé dans certains ministères. Il doit y avoir une raison. Pourquoi y en a-t-il eu si peu dans d'autres ministères? Je suis certain que cela doit se justifier également. Que les chiffres soient élevés ou bas, je tiens à savoir pourquoi pour pouvoir juger de la situation.
Après ces requêtes, j'ai une dernière question; quels sont les trois ministères dont les effectifs sont les plus importants, et combien y a-t-il eu de substitutions dans ces ministères-là? J'imagine, par exemple, que Revenu Canada est un des ministères les plus gros, avec environ 40 000 employés, si je me souviens bien. Combien y a-t-il eu de substitutions à Revenu Canada?
M. Bouchard: Nous pouvons vous donner tous ces chiffres. Revenu Canada est effectivement un ministère important, qui emploie environ 40 000 personnes, mais ce n'est pas le ministère le plus touché. Les coupures exigées dans ce ministère n'en font pas un des ministères les plus touchés. Il y a donc eu comparativement moins de substitutions.
Nous pourrions vous soumettre un rapport détaillé sur chaque ministère.
Quant à votre première observation, au départ le gouvernement avait décidé d'interdire les substitutions entre les ministères. Puis, à la suite de discussions avec les syndicats et à la suite d'un complément d'analyse, nous avons décidé d'autoriser ces substitutions. Mais, en même temps, nous avons imposé un certain nombre de règles. On ne peut pas échanger n'importe qui contre n'importe qui; il y a des règles.
Nous avons progressé.
Pour ce qui est de réduire de 45 000 les effectifs d'une organisation, nous n'avons pas beaucoup d'expérience, et je suis le premier à reconnaître que c'est la première fois que je fais ce genre de chose. J'espère aussi que ce sera la dernière. Nous faisons donc des analyses approfondies, mais nous sommes tous en période d'apprentissage. D'après les données que nous avons, nous ne nous sommes pas si mal débrouillés.
Notre position change au fur et à mesure que nous évaluons la situation, et après deux ou trois rapports trimestriels de plus, nous constaterons peut-être que quelque chose de bizarre se produit et nous devrons trouver une solution. Notre politique est en train d'évoluer parce que nous sommes en train d'apprendre, mais avant de changer une décision, nous faisons très attention à ce que nous faisons.
M. Duhamel: Merci de m'avoir dit que Revenu Canada n'était pas un des ministères les plus touchés. Je l'avais oublié.
Je ne vise pas particulièrement Revenu Canada, mais il me semble que les ministères qui ont des employés qui seraient prêts à partir pourraient avoir des débouchés pour d'autres employés, à condition, bien sûr, qu'ils aient la compétence nécessaire. Avec de tels effectifs, j'aimerais être certain qu'on fait des efforts dans ce sens. Peut-être pourriez-vous parler de cette dimension-là dans votre rapport.
M. Bouchard: Certainement.
M. Dhaliwal: A-t-on des informations sur les effets de ces mesures sur certaines personnes? Une fois qu'ils ont quitté la fonction publique, dans quelle mesure ont-ils réussi à trouver un nouvel emploi? J'aimerais savoir - cela pourrait intéresser l'ensemble du comité, monsieur le président - , si des études ont été faites, ou si on a l'intention de faire des études sur l'avenir des personnes touchées.
Je sais qu'on a fait des efforts considérables pour faciliter la transition dans toute la mesure du possible et que le gouvernement a beaucoup fait dans ce sens. Mais en dernière analyse, ce sont les résultats qui permettront de juger. Ce genre de chose serait intéressante.
M. Bouchard: Nous avons une étude en cours sur les gens qui ont quitté la Défense nationale. Ils ont été les premiers à partir dans le cadre d'un programme d'encouragement. Une étude est en cours qui devrait nous permettre de déterminer ce que sont devenus les gens par la suite, et de déterminer également quels ont été les effets de nos programmes d'encouragement au départ.
Nous envisageons d'étudier également le cas du reste de la fonction publique. Nous discutons actuellement de la teneur de ces études. Les résultats ne seront probablement pas disponibles avant un certain temps, mais je vais voir ce que nous avons déjà, en particulier en ce qui concerne la Défense nationale.
[Français]
M. Pomerleau: Pourriez-vous préciser, monsieur Bouchard, quel pourcentage des employés sont représentés par ces 13 syndicats avec lesquels vous en êtes venus à une entente? S'agit-il des13 syndicats les plus importants ou des 13 syndicats les plus petits?
M. Bouchard: Parmi les trois syndicats avec lesquels nous ne nous sommes pas entendus, se retrouve l'Alliance de la Fonction publique qui représente presque 100 000 employés. Vous avez donc raison; les 13 syndicats avec lesquels nous nous sommes entendus représentent à peu près 50 000 des 200 000 employés de la fonction publique. Je me permets de préciser que nous travaillons avec 16 syndicats et que nous devons nous entendre avec chacun d'entre eux.
J'étais particulièrement fier que nous nous soyons entendus avec 13 des 16 syndicats. Vous savez que réunir 16 interlocuteurs autour d'une table comporte des problèmes de logistique particuliers. Il est vrai que nous devons toujours en venir à une entente avec trois syndicats. L'un d'eux représente les contrôleurs aériens qui n'ont pas signé d'entente parce qu'il feront désormais partie de la nouvelle société NAV CANADA et qu'ils n'avaient pas intérêt à conclure une entente. Les termes et conditions de leurs employés qui seront affectés à NAV CANADA ont été réglés avant que nous commencions les négociations. Ils n'ont donc rien signé parce que ce n'était pas nécessaire.
Quant aux deux autres syndicats, il s'agit du syndicat qui représente quelque 5 000 économistes et de l'Alliance de la Fonction publique...
M. Loubier: Les économistes, on a de la misère à s'entendre avec eux.
M. Bouchard: Je ne voudrais pas faire de commentaires sur les économistes. C'est ce qui s'est passé.
M. Pomerleau: C'est bien.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
[Traduction]
Au nom de tous les députés, je tiens à remercier nos trois témoins.
J'imagine que les députés de tous les partis seraient heureux d'être tenus au courant périodiquement, comme M. Duhamel l'a suggéré. Ce n'est pas un rapport compliqué que nous demandons.
En fin de compte, c'est le résultat final de cet horrible exercice de compression qui va compter. Ce qui comptera, c'est le nombre de gens qu'on aura réussi à substituer ou pour lesquels on aura trouvé une solution qui n'aura pas détruit leur vie tout entière. Notre comité considère que cela est particulièrement important pour le moral de l'ensemble de la fonction publique, pour nos relations avec tous ces employés en tant qu'employeur, collègue, etc. Je sais que vous allez continuer à déployer des efforts assidus pour que ces fonctionnaires qui ont joué un rôle tellement important soient traités d'une façon humaine et décente. On pourra juger le résultat final sur la base de ces chiffres-là quand tout cela sera terminé.
Je pense que nous avons tous intérêt à travailler ensemble et à encourager ce genre de chose tout en respectant les contraintes financières et la nécessité de conserver des employés hautement qualifiés pour accomplir une tâche qui n'est pas facile.
Au nom de tous les députés, je vous remercie pour votre intervention.
M. Bouchard: Merci.
Le président: Nous devons maintenant siéger en comité directeur, et j'invite tous les députés qui le souhaitent à rester.
La séance est levée.