[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 juin 1996
[Traduction]
Le président: Je suis heureux d'ouvrir cette séance du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Nous examinons certaines observations faites dans un rapport du vérificateur au sujet d'une décision de Revenu Canada.
D'entrée de jeu, permettez-moi de vous dire ceci, et je pense que tous les membres seront d'accord avec moi: le vérificateur général joue un rôle utile, critique et essentiel dans l'examen des activités du gouvernement et dans les rapports au Parlement à leur sujet.
Le 7 mai dernier, le vérificateur général a déposé son dernier rapport au Parlement. Dans une lettre qu'il m'adressait le lendemain, à titre de président du Comité des finances, le vérificateur général déclarait:
- Par le passé, votre comité s'est intéressé à l'imposition des fiducies familiales. Notre
observation de l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu porte sur cette question. Dans
cette observation, nous analysons des opérations susceptibles d'avoir frustré l'intention du
législateur à l'égard du mouvement de certains actifs fiduciaires à l'étranger et de l'imposition
des gains en capital. Le gouvernement a déjà annoncé son intention de demander à votre comité
d'examiner les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu...
Afin d'aider les membres du Comité des finances à prendre une décision, nous avons décidé de tenir la séance d'aujourd'hui pour entendre des experts externes en fiscalité. Les membres de tous les partis ont été priés de proposer des noms. Lundi, j'ai reçu une lettre du vérificateur général proposant que les deux experts suivants soient invités: le professeur Neil Brooks, du Osgoode Hall Law School, et M. James M. Parks, de Cassels Brock and Blackwell, de Toronto. M. Parks s'est excusé de ne pas pouvoir venir témoigner. Je crois comprendre que le professeur Brooks témoignera.
Le témoin proposé par le Parti réformiste est M. Ken Laloge, comptable agréé, de MacKay and Partners, de Kelowna, en Colombie-Britannique. Nous entendrons aussi M. Allan Lanthier, de Ernst and Young, de Montréal; M. Wolfe Goodman, de Goodman and Carr, de Toronto; M. David Smith, de Davies, Ward and Beck, de Toronto; M. R.B. Sirkis, de Bennett Jones Verchere, de Calgary;M. Scott Wilkie, de Stikeman Elliott, de Toronto; et M. Rob Spindler, de Coopers and Lybrand, de Toronto.
Je suis ravi que, malgré votre emploi du temps chargé, vous ayez pu vous libérer à si peu de préavis pour nous renseigner sur une question que nous jugeons cruciale et que nous trouvons très difficile à régler par nous-mêmes, sans votre assistance.
Afin de nous aider dans nos délibérations, pour que nous nous retrouvions dans ce dédale de questions fiscales complexes, j'ai demandé à la dernière minute aux Finances de préparer une liste des enjeux et de tenter de résumer de leur mieux la position du vérificateur général ainsi que la position du gouvernement à l'égard de la décision en matière d'impôt qui nous intéresse aujourd'hui. Si vous n'avez pas ce document, on en tire actuellement des copies qui vous seront distribuées. Nous venons tout juste de le recevoir.
Afin de nous aider dans nos délibérations, j'ai pensé que nous pourrions examiner cette décision sous quatre angles. Premièrement, la décision proprement dite. Frustre-t-elle, comme le soutient le vérificateur général, l'intention du législateur? Deuxièmement, quelle est l'incidence sur l'ensemble du processus de décision anticipée suivi par le gouvernement dans cette décision? Troisièmement, il y a une grande controverse sur la confidentialité des décisions anticipées en matière d'impôt. Dans ce cas-ci, un contribuable a été identifié, à tort ou à raison, à partir de l'information qui a été rendue publique.
Enfin, et cet aspect peut-être est peut-être ce qui préoccupe le plus le comité, nous devrions nous tourner vers l'avenir. Les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu applicables à ceux qui quittent le Canada sont-elles ce qu'elles devraient être? Y a-t-il une convention fiscale? Pouvons-nous apporter des améliorations pour instaurer une équité encore plus grande entre les contribuables canadiens, pour protéger encore plus les recettes fiscales canadiennes? En ce qui concerne nos propres lois et les conventions internationales, devrions-nous adopter des normes différentes face à ces questions?
Assez de préambules. J'aimerais commencer par la question fiscale proprement dite, la décision, et demander à nos experts si elle frustre l'intention du législateur. Le professeur Brooks, qui vient d'arriver, pourrait peut-être lancer le débat.
Le professeur Neil Brooks (Osgoode Hall Law School, Université York): Certainement.
Le président: Je suggère de limiter les remarques à un maximum de cinq minutes.
Le professeur Brooks: Oui, je pourrais être plus bref. Il s'agit uniquement de la première question, n'est-ce pas, monsieur le président?
Le président: Oui.
Le professeur Brooks: Au sujet de la pertinence par rapport au droit et à la politique fiscale appliquée dans la décision, je suis d'avis que la décision qu'a reçu le contribuable dans cette situation n'est pas fondée par rapport au droit, à la politique et au bons sens. Toute la décision repose sur la question de savoir si un résident canadien peut avoir des biens canadiens imposables. Il me semble que la réponse est un non catégorique, pour trois bonnes raisons.
Premièrement, les résidents canadiens paient de l'impôt sur leur revenu mondial. Pourquoi avoir besoin d'une notion comme «bien canadien imposable», étant donné qu'ils paient de l'impôt sur tous leurs revenus, peu importe le type de biens qu'ils possèdent? Il n'est pas logique répartir les biens des résidents canadiens en deux catégories, soit les biens canadiens imposables et les autres types de biens, parce que les contribuables canadiens paient de l'impôt sur tous leurs biens. Donc, du point de vue de la politique, il n'y a aucune raison de concevoir un régime fiscal qui appliquerait une notion comme les biens canadiens imposables aux résidents canadiens.
Deuxièmement, toutes les dispositions de la loi qui appliquent cette notion de biens canadiens imposables à un résident canadien qui quitte le pays sont très claires. Elles stipulent qu'un bien qui serait un bien canadien imposable si le contribuable était non-résident - et alors, la règle s'applique... toutes ces dispositions impliquent clairement qu'un résident canadien ne peut pas avoir de biens canadiens imposables. La seule exception est l'alinéa obscur 97(2)c), qui s'applique au roulement entre des associés, et j'ai quelques observations à faire à ce sujet.
Premièrement, cette disposition a été ajoutée dans la loi en 1982. Étant donné que toutes les autres dispositions de la loi de 1972 stipulent très clairement que la notion de biens canadiens imposables ne peut s'appliquer aux résidents canadiens, pourquoi devrions-nous supposer qu'une disposition ajoutée en 1982 changerait le sens de cette notion? Personne ne sait pourquoi cette disposition a été ajoutée, en particulier quand on s'aperçoit que tout évitement qu'elle tentait d'empêcher est visé par le sous-alinéa 115(1)b)(v). Ce sous-alinéa aurait dû être modifié si le ministère pensait qu'il devait l'être.
Deuxièmement, c'était simplement une erreur de rédaction, comme il en survient constamment. La disposition n'a aucun sens. Le rédacteur ou quelqu'un d'autre aurait dû s'apercevoir qu'on ne modifiait pas les biens canadiens imposables par cette petite expression employée dans toutes les autres dispositions - à savoir, biens canadiens imposables - s'il s'agissait d'un non-résident, ou par des mots de ce genre.
Troisièmement, quant à la raison pour laquelle la décision n'est pas fondée du point de vue du droit, de la politique et du bon sens, pensez aux résultats bizarres qui en découlent, selon la logique et la politique. Si la décision est fondée, alors elle établit une distinction entre un Canadien qui possède des actions achetées à la Bourse et qui quitte le pays et un Canadien qui possède des actions cotées à la Bourse et qui quitte lui aussi le pays mais qui a acquis ces actions avant de partir, en donnant en contrepartie des actions d'une société privée. En toute logique, pourquoi établir une distinction entre ces deux situations? Cela n'a absolument aucun sens.
Si cette décision est maintenue, cela signifie, du point de vue de la politique, qu'on peut transférer des biens à une fiducie dans un paradis fiscal et, bien souvent, éviter complètement l'impôt canadien en devenant non-résident. Autrement dit, la décision crée une échappatoire énorme dans notre loi, sans aucune justification. Voilà mes observations sur la première question.
Le président: Merci, professeur Brooks.
M. Scott Wilkie, s'il vous plaît.
M. Scott Wilkie (Stikeman Elliott, Toronto): Je pense que la décision est fondée et que ses conclusions sont solides dans les limites de la loi telle qu'exprimée dans la Loi de l'impôt sur le revenu et dans le contexte des relations fiscales internationales du Canada, qui se traduisent notamment par la série de conventions fiscales auxquelles le Canada est partie.
Je pense qu'il faut répondre à cette question, qui est en partie une question technique au sujet de l'interprétation de la loi et en partie une question plus vaste au sujet du droit résiduel du Canada d'imposer des gains en capital réalisés par des résidents canadiens qui s'expatrient, du point de vue de l'intérêt global du Canada, tel qu'exprimé dans la loi. En conservant un droit d'imposer des résidents qui quittent le pays, ce qui, sauf dans trois autres pays je crois, constitue une compétence unique que garde le Canada... Un aspect fondamental du pouvoir d'imposition, qui se traduit dans cette disposition sur les biens canadiens imposables, est la force du lien qu'un résident, désormais non-résident, doit avoir ou avoir abandonné afin de pouvoir protéger la capacité d'imposition du Canada.
En ce qui concerne la notion fiscale de biens canadiens imposables, ces règles définissent les circonstances et les biens par rapport à ces circonstances que le Canada peut imposer lorsque des gains sont réalisés et après qu'un résident a quitté le pays. Sur cette question pointue, il n'est pas inhabituel, aux termes de la loi actuelle, que des résidents qui quittent le pays et s'établissent dans un pays avec lequel le Canada a signé une convention fiscale ne paient plus d'impôt au Canada après un certain temps. Il a été concédé, par consensus international, qu'après cette période, les liens de cette personne sont plus étroits avec un autre pays qu'avec le Canada. En réalité, le Canada cède son pouvoir d'imposition à un autre pays; il ne s'agit donc pas pour le contribuable et pour le Canada de débattre si le contribuable a frustré ou non le fisc canadien.
Sur la question pointue des biens canadiens imposables, la loi définit cliniquement les biens imposables. Elle ne les définit pas précisément en fonction des résidents et des non-résidents. Elle définit une catégorie de biens pour lesquels, lorsqu'un résident cesse de l'être, le Canada conserve son pouvoir d'imposition. La décision portait sur une situation où le propriétaire des biens, s'ils avaient été identiques à ce qu'ils étaient au point de départ - des actions d'une société privée - aurait obtenu une franchise d'impôt lorsqu'il s'est expatrié, et le débat actuel n'aurait pas lieu. La seule question était si les biens, transformés en actions publiques, étaient assujettis à un impôt auquel ils n'étaient pas assujettis dans leur forme originale - des actions privées. C'est la seule question à laquelle la décision a répondu.
Que cette analyse se soit faite dans le contexte de la planification successorale chez des gens riches n'a rien à voir avec la question de politique fiscale qui sous-tend la détermination et la décision prise ni avec les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ou leurs liens avec les dispositions contenues dans les conventions fiscales qui protègent dans certains cas et empêchent dans d'autres les contribuables d'être imposés par le Canada plutôt que par un autre pays.
Voilà mes premières observations.
Le président: Merci, monsieur Wilkie. Monsieur Sirkis, s'il vous plaît.
M. Ronald S. Sirkis (Bennett Jones Verchere, Calgary): Monsieur le président, je suis d'accord avec les arguments de Scott. Je pense que la décision était fondée, d'après les dispositions de la loi et le plan de la loi.
À mon avis, en résumé, ce que le Canada a exprimé dans cette partie de la Loi de l'impôt sur le revenu c'est le droit d'imposer certains biens, appartenant à un résident ou à un non-résident, qui font partie de la catégorie de biens appelés biens canadiens imposables. Le Canada a gardé le droit d'imposer ces biens, sous réserve des dispositions des conventions fiscales, et a gardé le droit d'imposer tous les gains réalisés sur ces biens. Arriver à une autre conclusion que celle qui a été décrite dans la décision en matière d'impôt aurait signifié qu'en ce qui concerne les biens canadiens imposables, un ancien résident du Canada serait imposé sur une base différente d'une personne qui était non-résident du Canada et qui aurait acheté les biens. Il s'agirait alors de biens canadiens imposables, donc de biens assujettis à l'impôt sur tous les gains réalisés à la vente.
La décision protège le Canada, sous réserve d'une convention fiscale, pour qu'il puisse imposer l'ensemble des gains réalisés à la vente en considérant les biens comme des biens canadiens imposables aux fins de la résidence et de la non-résidence. Donc, lors d'une éventuelle vente, tous les gains réalisés sur cette catégorie de biens sont assujettis à l'impôt du Canada, sous réserve uniquement des dispositions d'une convention fiscale.
En ce qui concerne ces conventions, je pense que les observateurs n'ont pas raison d'en isoler certaines dispositions. Une convention est le fruit de longues négociations entre les signataires et c'est un peu comme si quelqu'un prenait un article d'un contrat de 30 à 40 pages et demandait pourquoi il se trouve dans le contrat. Il s'y trouve parce que, dans les négociations, on fait des compromis des deux côtés.
La plupart des commentaires négatifs sur la décision reposent sur le fait que le Canada a signé avec les États-Unis une convention qui prévoit qu'après un certain temps, les gains réalisés sur les actions ne seront pas imposés au Canada. C'est établi par convention, par accord entre des États. Je pense qu'il est incorrect d'en déduire, pour le contribuable ou le ministère, que c'est une raison permettant de considérer l'interprétation de la loi, qui est assez claire dans mon esprit à l'examen du plan de la loi, comme un aspect négatif de la décision. S'il y a eu une erreur de rédaction dans la loi - et je n'en suis pas convaincu - elle pourrait bien se trouver à l'alinéa 85(1)i), pas ailleurs dans la loi.
Voilà mes observations.
Le président: Merci, monsieur Sirkis. Monsieur Smith, s'il vous plaît.
M. David Smith (Davies, Ward and Beck, Toronto): Merci, monsieur le président.
J'ai examiné avec beaucoup de soin l'analyse de cette question, et je serais d'accord avec l'opinion du ministère de la Justice que la meilleure interprétation est que les actions en cause étaient des biens canadiens imposables au moment où la fiducie était prête à les distribuer. Je suis arrivé à cette conclusion en examinant diverses dispositions de la loi.
Lorsqu'on essaie de définir les biens canadiens imposables, il ne faut pas se contenter de considérer la nature des actifs. Il faut aussi tenir compte des circonstances dans lesquelles le contribuable a acquis ces actifs. Il y a au moins quatre dispositions de la loi que je décrirais comme des dispositions de roulement, par lequel un actif qui appartient à un contribuable fait partie d'une réorganisation et un nouvel actif est acquis. Ces dispositions stipulent que si l'ancien actif était un bien canadien imposable, le nouvel actif l'est lui aussi. Chacune de ces dispositions s'applique également aux résidents et aux non-résidents. Elles sont tout à fait neutres en ce qui concerne le fait que la règle qui suppose que le bien de remplacement est un bien canadien imposable ne s'applique... elles sont neutres en ce qui concerne leur application à un résident et à un non-résident.
Quand je lis le reste de la loi pour essayer de discerner un plan ou un objectif pour les dispositions générales, je pense que les dispositions de l'article 97 relatives aux sociétés de personnes sur lesquelles se fonde la décision sont très importantes. Elles indiquent clairement que les résidents peuvent détenir des biens canadiens imposables.
Je signale aussi une autre disposition, le paragraphe 85(2), qui porte sur le transfert de biens d'une société de personnes à une société par actions, où il y a une indication semblable, et une troisième disposition portant sur les corporations de placement appartenant à des non-résidents, qui sont des résidents à de nombreuses fins de la loi. C'est une corporation résidante et dans certains cas, elle est réputée être non résidante, mais c'est fondamentalement un résident, et dans l'article 133, il est clairement question de corporations de placement appartenant à des non-résidents et qui possèdent des biens canadiens imposables.
Il s'agit là, à mon avis, d'indications claires sur le plan de la loi et je suis d'accord que la meilleure interprétation est que ces actions étaient des biens canadiens imposables.
En ce qui concerne l'analyse de la politique, les dispositions sur la réorganisation auxquelles j'ai fait allusion sont essentiellement des dispositions anti-évitement, et je pense qu'il est important qu'elles continuent à s'appliquer, afin d'empêcher un abus du système.
Cette fiducie devait se demander si les actions publiques étaient des biens canadiens imposables, et je crois que les antécédents sont pertinents. Le Canada a choisi d'imposer tous les gains accumulés sur certains types de biens lorsqu'il y a eu réorganisation et que des biens de remplacement sont détenus, et je pense qu'il est conforme à cette politique d'arriver à cette interprétation. J'appuierais donc la conclusion du ministère de la Justice ainsi que celle du ministère des Finances dans ce dossier.
Je pense que cette décision a cependant fait ressortir certaines incohérences. Je pense qu'il y a une lacune au paragraphe 107(5), qui porte sur le transfert de biens à l'extérieur de la fiducie, et je pense qu'il est possible de corriger ce que j'appellerais des lacunes ou des anomalies techniques.
Je pense qu'il faut entreprendre un examen de toutes les décisions portant sur les biens canadiens imposables, qu'il y ait ou non une modification fondamentale de l'orientation de la politique.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Smith.
Monsieur Goodman, je vous en prie.
M. Wolfe Goodman (Goodman & Carr, Toronto): Merci, monsieur le président.
J'essaierai d'éviter de parler des aspects techniques de la question.
Le vérificateur général considère que cette décision a frustré l'intention du législateur et, à cet égard, monsieur le président, madame et messieurs les membres, je pense que la décision a appliqué correctement la politique qui sous-tend la loi.
La décision ne porte pas vraiment sur les fiducies comme telles, et il est très important de reconnaître que le principe est très simple. Si une personne qui réside au Canada quitte le pays lorsqu'elle possède, par exemple, des actions d'une société canadienne privée, elle n'est pas assujettie à l'impôt lorsqu'elle quitte le Canada, parce que ces actions seront un jour assujetties à l'impôt, c'est-à-dire lorsqu'elle en disposera à titre de non-résident.
Parce que son nouveau pays imposera probablement lui aussi la disposition de ces actions, des règles, énoncées dans nos conventions fiscales, définissent la répartition des pouvoirs d'imposition. Dans le cours normal des choses, en ce qui concerne les biens canadiens imposables autres que des biens immeubles, si la disposition survient dans un délai de dix ans et que le propriétaire est maintenant résident des États-Unis, le Canada a le premier droit d'imposer les gains - autrement dit, il est le premier à frapper le contribuable - et les États-Unis doivent accorder un crédit pour impôt étranger. Après dix ans, le lien avec le Canada est plus ténu; le Canada renonce donc à son droit d'imposition et les États-Unis ont pleinement le droit d'imposer le revenu.
Cela me semble un arrangement tout à fait raisonnable et il fonctionne aussi lorsqu'un résident américain vient vivre au Canada. Si ce résident américain possède des actions qui ont pris de la valeur, alors les États-Unis ne renoncent pas à leur droit d'imposition, règle générale, parce que la personne visée est citoyen américain.
Dans ces circonstances, les États-Unis conservent ce droit indéfiniment à l'égard de ce qui est appelé un intérêt dans des biens immeubles américains et, après dix ans, ils cèdent leur droit d'imposition au Canada. Il n'est donc pas étonnant, que le droit de frapper le premier dans ces circonstances appartienne aux États-Unis pendant dix ans dans la situation typique et, après dix ans, c'est l'inverse. Je ne pense donc pas qu'il y ait «évitement» de l'impôt.
En ce qui concerne le vérificateur général et le professeur Brooks, il me semble que ce n'est pas une affaire si compliquée. Je pense que la décision qui a été prise aurait pu être meilleure - avec le recul, ce qui fait de nous tous des génies. Je pense que, si j'étais préposé aux décisions, je n'aurais pas accepté un simple engagement, bien que je sois convaincu que les personnes qui l'ont pris étaient honnêtes et qu'elles tiendront parole. Je ne me soucie pas du tout de l'impossibilité de faire respecter l'engagement.
Aux États-Unis, aux fins de la convention et en vertu du code des taxes intérieures, des contribuables prennent souvent l'engagement de ne pas faire valoir leurs droits en vertu de certaines dispositions. Très récemment, dans notre protocole relatif à la convention entre le Canada et les États-Unis, les droits des successions canadiennes de jouir d'un crédit au lieu de la déduction relative au conjoint dans le calcul de l'impôt sur les successions américain n'existaient qu'à condition de renoncer à profiter des avantages de ce qu'ils appellent la législation fiduciaire intérieure qualifiée.
De même, lorsqu'une personne au Canada veut transférer des biens immeubles locatifs américains dans une société canadienne - ce qui peut se faire par roulement aux fins de l'impôt canadien - aux fins de l'impôt américain, elle peut le faire à condition qu'elle et la société promettent de ne pas profiter des avantages de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis.
Je ne vois donc rien de particulièrement bizarre dans cette situation, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Goodman.
Monsieur Lanthier.
M. Allan Lanthier (Ernst & Young, Montréal): Merci, monsieur le président. J'essaierai de ne pas répéter les arguments présentés par les autres ni d'être trop technique. À mon avis, la décision était tout à fait fondée dans son interprétation de la loi. Toute cette question semble être devenue beaucoup plus complexe et compliquée qu'elle devrait l'être, du point de vue de l'interprétation juridique. Je l'affirme en tant que comptable, en espérant qu'aucun de mes collègues avocats autour de la table n'intentera de poursuites contre moi.
Du point de vue de l'interprétation juridique, la décision portait sur une question très pointue, qui a été décrite - la notion de biens canadiens imposables n'est-elle pertinente que pour des biens détenus par des non-résidents ou s'applique-t-elle également à tous et aussi aux biens détenus par des contribuables résidents?
C'est une question très pointue. Le professeur Brooks a déclaré que des dispositions de la loi impliquent - il a dit «impliquent clairement» et je ne sais pas exactement ce qu'il veut dire - que la notion ne s'applique qu'à l'égard de biens détenus par des non-résidents, tandis que cette disposition «obscure», le paragraphe 97(2)... Rien ne saurait être moins obscur que le paragraphe 97(2). C'est une disposition très simple, limpide, qui s'applique aux transferts d'associés résidents canadiens dans une société de personnes. C'est écrit noir sur blanc; je ne pense pas qu'on puisse l'interpréter autrement. Il y a une certaine ambiguïté dans la loi, c'est ce qui explique que nous nous rencontrons pour discuter de cette question - la question très pointue des biens canadiens imposables. À mon avis, cette ambiguïté est démolie par le paragraphe 97(2), qui fait ressortir clairement le plan de la loi sur cette question pointue.
Mais c'est la question pointue. En ce qui concerne la politique générale, et avec tout le respect que je leur dois, je pense que le vérificateur général et peut-être aussi le professeur Brooks ont pris les vessies pour des lanternes. Si nous examinons la politique qui sous-tend la décision et renversons les étapes, il y a un contribuable - une fiducie ou un particulier, peu importe - qui possède des actions d'une société privée et qui émigre du Canada. Évidemment, il n'est pas soumis à l'impôt lorsqu'il quitte le pays. Je ne pense pas qu'il y ait de débat sur ce point. Le contribuable échange ensuite ses actions ou la fiducie échange ses actions contre des actions d'une société publique; là encore, il n'est pas soumis à l'impôt. Comme le déclaraient Wolfe Goodman et d'autres, les actions sont réputées être des biens canadiens imposables et restent assujettis au fisc canadien.
Cette décision portait sur une série de faits un peu obscure où les étapes ont été inversées et où l'échange des actions s'est fait en premier. Et la question était de savoir s'il fallait coincer le contribuable pour cette raison. Les étapes se sont déroulées à l'envers. On s'est demandé s'il était possible de coincer le contribuable. En réalité, en droit, c'est impossible, pour les raisons indiquées par les ministères des Finances et de la Justice et dans la décision qui a été rendue.
Monsieur le président, j'estime que la décision était fondée en droit et en vertu de la politique fiscale. J'ai quelques remarques au sujet des changements qui pourraient être envisagés. Je ne suis pas certain d'être d'accord avec la remarque de David Smith concernant le paragraphe 107(5) - je pense que c'était vers la fin. Le Canada a l'un des régimes les plus stricts au monde, comme le savent la plupart des gens dans cette salle. L'Australie et le Danemark sont les seuls autres pays au monde qui imposent une taxe de sortie.
Comme vous le savez tous, les Américains sont en train de discuter actuellement d'une taxe d'expatriation. On s'est demandé si la création d'une telle taxe par les États-Unis contreviendrait au droit international, qui interdit de limiter la liberté de mouvement et la liberté d'émigrer.
Jusqu'ici, l'Australie et, à un moindre degré, le Danemark, parce que le Danemark a une taxe de sortie très limitée... L'Australie a une taxe de sortie semblable à celle du Canada. Quand on quitte l'Australie, il y a une disposition à la juste valeur marchande des actifs non australiens, pas des biens australiens imposables, si je peux me permettre ce terme. La proposition américaine sur la taxe d'expatriation est exactement la même chose. Ils ne proposent pas d'imposer les intérêts dans des biens immeubles américains. D'ailleurs, les États-Unis n'imposent pas les gains en capital des non-résidents, pour toutes les catégories de biens sauf les biens immeubles, et les États-Unis semblent pourtant s'en tirer assez bien du point de vue économique.
Voilà mes observations, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lanthier.
Monsieur Laloge.
M. Ken Laloge (MacKay & Partners, Kelowna): Monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité, je me trouve dans la position un peu étrange d'avoir pu écouter certains autres témoins et de constater que je suis d'accord avec certains énoncés de politique mais aussi que je m'oppose à certaines des déclarations plus précises, presque au point de ne pas pouvoir éviter d'entrer dans certains détails pour décrire en détail pourquoi la décision était une erreur.
Le point de vue de politique avancé porte sur le mouvement de ces fonds à l'extérieur du pays et peut-être à l'extérieur du filet fiscal canadien. Comme l'ont indiqué certains de mes collègues, il y a des conventions fiscales, il y a d'autres dispositions applicables à cette situation et, très probablement, la perte subie aurait pu l'être d'autres façons ou l'est avec le temps, et le comité devrait y réfléchir pour l'avenir. Il faut examiner toute cette question, comme l'a mentionné un de mes éminents collègues.
En ce qui concerne la décision proprement dite, nous faisons affaire avec le régime fiscal tous les jours et nous nous butons à des difficultés parce que la loi n'atteint pas toujours les objectifs de la politique. En ce sens, je pense me trouver dans le camp du professeur et je dois entrer dans les détails pour expliquer pourquoi.
Je pense que le ministère de la Justice et certains des spécialistes ici présents ont tenté de démontrer que le paragraphe 97(2) est l'un des facteurs déterminants qui permet de conclure qu'effectivement il s'agit bien de cette situation et qu'une décision en ce sens pouvait être rendue. Le paragraphe 97(2) existe depuis une période limitée. Il existe depuis 1982. Donc, avant cette date, si la décision se fonde sur cet article, cette opinion n'aurait pas pu être donnée. Si c'était le facteur déterminant pour savoir si des biens canadiens imposables pouvaient être détenus par un particulier, alors il cesserait de l'être.
En ce qui concerne la politique visée dans le paragraphe 85(1), comme l'a fait remarquer Allan, est-il réaliste que l'ordre dans lequel se fait quelque chose renverse le résultat naturel auquel on devrait parvenir? Quelqu'un a déclaré que personne ne savait vraiment pourquoi le paragraphe 85(1) avait été ajouté. Je me tourne vers mes éminents collègues pour leur demander des précisions à ce sujet, mais cette disposition a été ajoutée lorsque la disposition de roulement a été élargie pour passer de 80 p. 100 ou plus des actions d'une société à tous les types de roulement. Cela remonte à 1974. À ce moment-là, la loi que nous devions appliquer était très récente, mais cette disposition a été ajoutée à ce moment-là parce que, selon moi, si elle ne l'avait pas été, la règle de 25 p. 100 applicable aux biens canadiens imposables - il existe une règle selon laquelle les biens canadiens imposables doivent comprendre au moins 25 p. 100 d'actions publiques - si la règle n'avait pas été instaurée il semble qu'on aurait pu transformer n'importe quelles actions publiques ou privées en biens canadiens imposables ou alors on aurait certainement affaibli cette disposition. Je le répète, j'aimerais entendre quelques commentaires sur cet aspect.
Est-il nécessaire, du point de vue de la politique, que le paragraphe 85(1) s'applique aux résidents? Je crois que nous convenons tous qu'il s'agit d'une disposition anti-évitement, mais je ne pense pas, autrement que pour la question d'équité soulevée par mes collègues et soulevée dans le résumé du ministère des Finances, qu'il y a un autre besoin de politique à cet égard.
Un Canadien a-t-il des biens imposables canadiens? Le professeur a expliqué comment diverses dispositions appuient cette position. Ces dispositions contiennent un libellé assez particulier lié aux anciennes dispositions de l'article 48, sur l'immigration. Elles comprennent les dispositions sur les corporations de placement appartenant à des non-résidents et le paragraphe 107(5) sur les fiducies. Au lieu d'employer des termes simples dans toutes ces dispositions qui stipulent essentiellement que les biens canadiens imposables sont telle ou telle chose, qu'il importe peu qu'on soit ici ou non, toutes ces dispositions insistent sur le fait qu'à aucun moment durant l'année le contribuable n'a été résident du Canada, ou quelque chose du genre. Si les rédacteurs en 1972 ou avant estimaient que cette disposition devait inclure les biens, que le contribuable soit résident ou non du Canada, ils n'ont ménagé aucun effort pour être obscurs.
Alors, je pense que ces dispositions, en particulier l'absence du paragraphe 97(2) avant 1982, ont beaucoup de poids, et les observations du ministère de la Justice le font ressortir clairement.
Les dispositions anti-évitement dont il est question ici comprennent l'alinéa 85(1)i), qui a beaucoup retenu l'attention des ministères de la Justice, du Revenu et des Finances, mais mes collègues ont fait ressortir cinq ou six autres dispositions formulées en des termes relativement simples. Elles se rapportent toutes à des problèmes précis qui surviennent après avoir quitté le Canada. Elles ne se rapportent pas à des problèmes qui surviennent quand on réside au Canada.
Je le répète, la conclusion du ministère de la Justice repose fortement sur le paragraphe 97(2) et je pense que si elle se fonde ainsi sur ce paragraphe, elle n'aurait pu être rendue avant 1982. Il aurait été impossible de démontrer que, dans ces circonstances, il s'agissait de biens canadiens imposables. C'est autre chose que de tirer la conclusion que c'est une bonne politique. C'est tout simplement lié aux aspects techniques de la question à laquelle devaient répondre les ministères des Finances et de la Justice.
Le président: Puis-je vous demander de résumer vos conclusions?
M. Laloge: Oui.
Il y a un autre groupe de dispositions que je veux faire ressortir. Un autre fait qui appuie la conclusion que les biens canadiens imposables n'existent pas lorsqu'on est au Canada est le libellé précis des anciens paragraphes 48(3) et 48(2). Dans un cas, on exige un choix qui donne un bien canadien imposable uniquement après qu'on a quitté le Canada, tandis que l'autre va aussi loin qu'annuler ce choix lorsqu'on revient au Canada.
Si les biens canadiens imposables pour les résidents existaient avant et après qu'on devienne résident du Canada, pourquoi auraient-ils ajouté cette disposition? Dans l'alinéa 48(3)b) de l'ancienne loi, pourquoi prendraient-ils la peine de déclarer que les biens canadiens imposables cessent de l'être lorsqu'on rentre au Canada?
C'est donc une question très complexe. Nous avons vu une situation où des dispositions anti-évitement ont été employées pour élargir une interprétation qui peut être qualifiée de vague.
Ma conclusion est que, seulement aux fins du paragraphe 97(2), lorsqu'un non-résident a la possibilité d'avoir des biens canadiens imposables, l'expression «biens canadiens imposables» a un sens pour un résident. Même dans ce paragraphe, elle n'a de sens que pour l'interprétation de la loi lorsqu'on est à l'extérieur du Canada.
Il est probable que l'alinéa 97(2)c) ne puisse être appliqué, parce qu'il est libellé en des termes vagues. Si nous posons la question à l'envers et nous demandons comment le ministère de la Justice pourrait faire appliquer cette disposition du paragraphe 97(2), ils auront quelque difficulté.
Le président: Merci, monsieur Laloge.
Monsieur Spindler, s'il vous plaît.
M. Rob Spindler (Coopers and Lybrand, Toronto): Merci beaucoup, monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité. Je suppose que c'est à moi de faire le ménage.
Ce sont toutes des remarques très intéressantes. Je pense que ma conclusion est que Revenu Canada a eu techniquement raison de prendre cette décision. Revenu Canada a pris toutes les mesures possibles pour s'assurer que sa décision était cohérente avec l'intention du législateur - dans la mesure où cette intention est perceptible dans le libellé de la loi - en demandant conseil au ministère des Finances et au ministère de la Justice. Cela pourrait avoir une influence sur les discussions ultérieures.
Il est intéressant de voir un groupe de conseillers fiscaux discuter à coup de dispositions de la loi. Comme l'a déclaré Wolfe Goodman et comme le démontre la conversation, c'est à la fois une question simple et une question complexe.
Il me semble que la Loi de l'impôt sur le revenu est une créature dynamique qui grandit et qui change, et elle a changé considérablement depuis 1972. Lorsqu'on est confronté à diverses dispositions et qu'on essaie de déterminer si un résident peut détenir des biens canadiens imposables, il faut tenir compte de l'état actuel de la Loi de l'impôt sur le revenu. Diverses dispositions évoquées par plusieurs, dont l'article 248, permettent, à mon avis, de tirer la conclusion qu'un résident peut détenir des biens canadiens imposables. Par conséquent, toutes les conséquences qui découlent de la décision en découlent naturellement et semblent tout à fait conformes à l'intention de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Je pense que cette distinction s'impose. Je pense que certains observateurs dans ce domaine ont confondu ce qui, d'après eux, devraient être les résultats de la loi et avec les résultats réels et l'intention perceptible. C'est une autre question dont le comité voudra peut-être discuter.
Je conviens avec David Smith qu'il faut probablement examiner la loi pour déterminer si sa structure interne est cohérente et si des changements devraient être apportés pour éliminer les anomalies. Je conviens aussi que le moment est peut-être bien choisi pour le Canada d'examiner comment il impose les biens en capital lors de l'immigration et de l'émigration dans le contexte de ses conventions internationales et de son besoin de recettes.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Spindler.
Nos experts aimeraient-ils commenter les remarques de leurs collègues?
Monsieur Brooks, je savais que vous ne pourriez résister.
Le professeur Brooks: Je dois vous féliciter, monsieur le président, pour votre sens de l'équité nouvellement acquis. Je pense que l'avant-dernière fois où je suis venu ici, nous nous demandions s'il fallait abolir la TPS. Vous aviez un groupe de 20 experts et je pense qu'un d'entre eux était en faveur de l'abolition de la taxe et les 19 autres en faveur de la TPS. Pour la question devant vous, il y en a un d'un côté et sept de l'autre, c'est donc un progrès, je crois.
Le président: Oui, deux contre...
Le professeur Brooks: Oh, il y en a deux? L'un d'eux était ambivalent.
Il n'y a pas d'ambivalence au sujet de ma position, monsieur le président. Mes propos ne portaient que sur l'aspect juridique; pas sur la politique. J'aimerais parler de la politique quand le moment sera venu.
Le président: Nous traiterons de la politique plus tard ainsi que des changements à la loi que nous pourrions envisager. Nous essaierons de terminer là-dessus.
Le professeur Brooks: Au sujet de l'interprétation juridique du sens de «biens canadiens imposables», encore une fois, je pense que cette interprétation est absolument claire. L'appliquer à des résidents canadiens entraîne des résultats de politique bizarres, c'est un raisonnement tordu et, me semble-t-il un affront au bon sens.
La disposition qui est interprétée ici, monsieur le président, et sur laquelle certains se sont penchés est l'alinéa 85(1)i). C'est celle qui stipule que lorsqu'on convertit des actions privées, qui sont effectivement des biens canadiens imposables, en actions publiques, les actions publiques sont des biens canadiens imposables. Cette disposition a été ajoutée dans la loi afin d'empêcher les non-résidents d'éviter l'impôt. L'interprétation bizarre que le ministère en a donnée est de permettre aux résidents d'éviter l'impôt. Cela me paraît drôle. La disposition a été ajoutée parce que le ministère ne voulait pas que les non-résidents détenant des actions privées, qui seraient assujetties à l'impôt parce qu'il s'agissait de biens canadiens imposables, évitent l'impôt canadien simplement en échangeant ces actions contre des actions publiques. Ces actions ne seraient pas définies comme des biens canadiens imposables dans la loi. Par conséquent, cette disposition stipule que, lorsqu'on convertit des actions privées ou des biens canadiens imposables en actions publiques, elles deviennent des biens canadiens imposables.
On visait clairement à empêcher l'évitement par des non-résidents. Absolument rien au monde ne justifie la nécessité d'appliquer une telle disposition aux résidents canadiens. Je défie quiconque de me donner un argument le moindrement raisonnable prouvant le contraire.
Le président: Pourrais-je le faire?
Des voix: Oh, oh.
Le président: Allez-y, Allan.
M. Lanthier: Si l'on suit le raisonnement du professeur Brooks jusqu'à sa conclusion impitoyable, l'alinéa 85(1)i) désavantage les non-résidents du Canada et avantage les résidents. Si la disposition est si limpide et si simple que le prétend le professeur Brooks, je me demande pourquoi cet alinéa ne stipule pas que, dans le cas d'actions détenues par un non-résident, les actions reçues en contrepartie sont réputées être des biens canadiens imposables.
Je ne suis pas rédacteur de lois, professeur Brooks. Il aurait été extrêmement simple et direct de rédiger une disposition limpide, comme on l'a fait dans le paragraphe 97(2). Je crois que cela démolit votre argument.
Je répondrais ainsi à cette question technique très pointue sur laquelle nous nous éternisons ici.
Le professeur Brooks: Cette réponse ne tient pas, selon votre raisonnement, et je le dis avec respect, monsieur le président. Elle ne porte nullement sur la politique. Elle dit simplement: voilà comment nous devrions interpréter la disposition parce qu'elle a été rédigée ainsi. D'ailleurs, dans l'alinéa 85(1)i), ils ont employé explicitement l'expression «biens canadiens imposables» parce qu'ils avaient compris, étant donné les termes employés dans d'autres dispositions, que les gens comprendraient que l'alinéa peut s'appliquer à un résident canadien.
Le président: Invoquant le règlement, M. Loubier voulait poser des questions. Je pensais que
[Français]
nous donnerions à chacun de nos témoins une dernière chance de questionner les autres et passerions ensuite aux questions des députés.
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Monsieur le président, nous avons entendu le point de vue de chacun des spécialistes, et les arguments invoqués de part et d'autre m'ont semblé fort clairs. Nous accueillons depuis presque un mois des spécialistes du ministère des Finances, du ministère du Revenu et du Bureau du vérificateur général.
J'aimerais bien que nous procédions maintenant à un tour de table pour poser des questions aux spécialistes parce que nous avons des questions très précises. Je veux bien qu'on amorce un débat ici, mais j'aimerais bien qu'on soit partie prenante à ce débat. Nous ne sommes pas ici uniquement pour regarder le train passer et attendre les réponses sans pouvoir poser nos véritables questions.
[Traduction]
Le président: Monsieur Williams.
M. Williams (St. Albert): Merci, monsieur le président. Je comprends M. Loubier, mais j'aurais espéré que, puisque nous avons fait venir ces messieurs ici aujourd'hui - ce sont des experts dans leur domaine et ils sont venus de loin - , nous ne serions pas tenus de lever la séance à 17 h 30. Nous voudrons peut-être poursuivre plus tard.
Si tel est le cas, monsieur le président, je pense que les questions que les experts se posent entre eux pour discuter en détail de certains sujets - et ils peuvent peut-être prendre une question à la fois et en discuter entre eux - pourraient être plus pertinentes que nos questions à nous, étant donné que nous sommes peut-être moins au fait de cette situation particulière. Après avoir entendu ces discussions, monsieur le président, je pense que les membres pourraient poser leurs questions.
Le président: Monsieur Loubier et monsieur Williams, en ce qui me concerne nous devons voter vers 17 h 30 ou la sonnerie nous appellera à 17 h 30, mais nous pouvons rester dans cette salle tant que nous le voulons ce soir. Je pense que nos témoins ont été informés que nous ne savons pas à quelle heure se terminera notre séance ce soir et je suis prêt, avec la permission de tous les membres, à continuer jusqu'à ce que nous devions aller voter, à revenir et à poursuivre ensuite nos délibérations. Nous pouvons faire venir un repas s'il le faut. De cette façon, nos témoins pourront discuter à fond des sujets, tous les membres auront la possibilité de leur poser toutes les questions qu'ils voudront et personne n'y perdra au change.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Loubier: Monsieur le président, je reviens sur mon observation de tout à l'heure. J'aimerais bien pouvoir poser des questions aux témoins. Ils sont là pour répondre à nos questions. Je suis prêt à poursuivre toute la soirée, même jusqu'à minuit si vous le voulez. Cela ne me dérange pas. Cependant, à partir des détails techniques de leurs exposés et de ce que nous avons appris depuis que durent les délibérations sur cette question, j'aimerais bien leur poser des questions précises par rapport à l'objet de nos préoccupations. C'est ce que je vous disais, monsieur le président.
Je suis prêt à siéger toute la soirée, et toute la nuit si vous voulez. Le sujet est fort intéressant. Mais j'aimerais qu'on procède immédiatement à la période de questions. Nous en avons à poser aux spécialistes et M. Williams en a aussi. Ils ne sont pas venus ici uniquement pour débattre entre eux. Ils sont venus aussi pour répondre à nos questions.
[Traduction]
Le président: Monsieur Campbell.
M. Campbell (St. Paul's): Merci, monsieur le président. Je rappelle simplement notre procédure à ces tables rondes. Nous en avons tenu quelques-unes, monsieur le président, depuis trois ans, et bien des membres, dont M. Loubier, y ont participé. La structure normale a toujours été la suivante, monsieur le président: nous avons commencé par de courtes déclarations et nous avons donné à nos invités l'occasion de commenter les déclarations entendues. Nous en sommes là actuellement. Nous passons ensuite aux questions des membres, qui stimulent la discussion davantage et, à la fin, nous donnons à nos invités une possibilité de faire quelques remarques en guise de conclusion. Nous avons toujours procédé ainsi.
Je trouve agréables les réparties, si je peux me permettre cette expression, de nos invités, car elles jettent un peu de lumière sur le sujet. J'ai hâte également de poser des questions. Je pense que, compte tenu de la disponibilité de nos invités, de la salle et de notre intérêt pour le sujet, nous pourrions les laisser commenter leurs déclarations et passer assez rapidement aux questions, mais je ne voudrais pas les priver de la possibilité de discuter entre eux. C'est l'une des raisons, monsieur le président, pour lesquelles nous avons adopté cette formule il y a trois ans et nous l'appliquons presque toujours.
[Français]
Le président: Monsieur Loubier.
M. Loubier: J'ai un compromis à vous proposer. Êtes-vous surpris? Je serais prêt à accepter que nos invités débattent entre eux jusqu'à 16 h 45 et qu'à ce moment-là débute la tournée des questions si M. Campbell, M. Shepherd et les autres l'acceptaient aussi. Ils discutent jusqu'à 16 h 45 et ensuite nous commençons nos questions. Je pense que ce n'est pas trop vous demander.M. Campbell semble d'accord sur cette proposition.
Le président: Franchement, je ne veux pas imposer de limite à nos témoins. Ils sont nos invités. J'aimerais profiter de leur expertise, de leur expérience et de tout ce qu'ils ont à nous offrir. Continuons et nous verrons.
[Traduction]
Monsieur Smith, vous vouliez intervenir, je crois.
M. Williams: Une remarque seulement. Je comprends que nous voulons avancer, mais est-il possible de procéder article par article - de mettre un peu d'ordre dans la discussion - au lieu de partir dans tous les sens?
Le président: Je pense que c'est possible, en résumant très brièvement.
M. Williams: Merci.
Le président: Monsieur Smith.
M. Smith: Merci, monsieur le président.
J'aimerais répondre à M. Brooks. Ce qu'il oublie c'est que ce plan porte aussi sur l'émigration hors du Canada ainsi que sur la façon d'imposer les non-résidents.
Supposons qu'une personne qui a résidé au Canada possède des actions d'une société privée et prévoie que la valeur de l'entreprise augmentera considérablement à l'avenir - ce pourrait être le cas d'une entreprise de technologie qui se développe et prend de l'expansion rapidement - et que cette personne prévoie aussi que les marchés pour ses services ou ses produits se trouveront surtout à l'étranger.
D'après l'interprétation de M. Brooks, elle pourrait, pas très longtemps avant de décider de quitter le Canada, échanger les actions de la société privée contre des actions d'une société publique, à l'occasion d'une fusion d'entreprises par exemple, en prenant soin de maintenir son intérêt en deçà de 25 p. 100, et quitter le Canada. Au départ, elle paierait peut-être un peu d'impôt sur les gains réalisés à ce moment-là, mais le Canada renoncerait au droit d'imposer tout gain ultérieur.
Si je comprends bien l'intention du législateur, le Canada pourrait continuer d'imposer le revenu dans ces circonstances, parce que les actions de la société publique reçues en contrepartie des actions de la société privée remplacent les anciennes actions de la société privée et que le Canada a établi qu'il souhaite conserver le droit d'imposer ces gains accumulés à l'avenir. Je crois que c'est la politique que d'autres et moi-même avons qualifiée de politique appropriée et que l'interprétation est conforme à cette politique.
Le président: Monsieur Sirkis.
M. Sirkis: J'aimerais répondre aux remarques énergiques du professeur Brooks, qui nous a mis au défi de présenter une raison pour laquelle la politique devrait être ainsi ou la loi devrait être interprétée ainsi. Je pense que la raison est assez simple, à savoir assurer un traitement transparent pour les résidents et les non-résidents.
Si un résident du Canada possède des actions d'une société privée, il sera imposé de la même façon, qu'il reste résident ou qu'il ait d'abord été non-résident. De même, si une personne possède des actions d'une société publique, elle sera imposée de la même façon, qu'elle ait été résident et soit devenue non-résident ou ait toujours été non-résident. Dans un cas comme dans l'autre, s'il avait d'abord des actions d'une société privée qu'il a converties en actions d'une société publique, le contribuable sera imposé sur l'ensemble du gain lorsque ces actions seront vendues.
C'est le principe qui assure la transparence du traitement pour les résidents qui deviennent non-résidents et pour les non-résidents.
Le président: Monsieur Wilkie.
M. Wilkie: J'ai deux brèves remarques pour faire suite à ces deux observations.
Premièrement, je pense qu'il est intéressant de se reporter à la disposition sur les associés dont il a été question ici aujourd'hui, dans les délibérations précédentes et dans le rapport du vérificateur général, mais en se reportant à cette disposition, on ne fait que confirmer une décision en vertu de la loi qui est évidente ailleurs, même en l'absence de cette disposition. Si la discussion ne le reconnaît pas, elle sera détournée par un point technique moins important qu'il le paraît.
Pour faire suite à aux deux remarques précédentes, la disposition contenue à l'alinéa 85(1)i), tout comme toutes les autres dispositions de la loi, a été qualifiée par d'autres témoins ici présents de disposition visant protéger la capacité du Canada d'imposer des biens qui se trouvent déjà dans le filet fiscal canadien et qui y échapperaient s'il était permis de les transformer en un bien qui ne se trouve pas dans le filet. En deux mots, les actions d'une société privée, en général, sont imposables lorsque les non-résidents en disposent. Les actions d'une société publique, autres que celles des grandes sociétés de portefeuille, ne le sont pas.
Comme le font remarquer M. Smith et M. Sirkis, en l'absence d'une disposition prévoyant, en pratique, un moyen d'établir une distinction par rapport au bien original, il serait possible de manipuler la loi. Il est cependant bizarre de tirer la conclusion que ce genre de disposition anti-évitement crée, comme l'a mentionné M. Goodman je crois, un assujettissement à l'impôt dont le régime n'a pas besoin autrement.
Enfin, pour mettre ces deux observations précédentes dans un contexte pratique, je donnerai quelques exemples. Si un résident canadien qui possède des actions privées quitte le Canada et vend ces actions plus tard, le Canada peut imposer le gain, sous réserve de certaines limites imposées dans des conventions fiscales. Si un non-résident vend des actions publiques, le Canada n'impose généralement pas ce gain. Si le résident canadien quitte le Canada avec ses actions privées, alors le Canada renonce à l'imposition immédiate du gain sur ce bien tant que le bien n'est pas vendu. Si un Canadien quitte le Canada avec des actions publiques, alors la loi permet à tout gain sur ces actions d'être reporté lui aussi jusqu'à ce qu'il soit réalisé.
Il y a une symétrie dans la loi. Il y en a une dans tous ces exemples, sauf peut-être pour une anomalie technique possible, à laquelle M. Smith a fait allusion. Considérer que l'interprétation de l'expression «biens canadiens imposables» pourrait aller jusqu'à créer un assujettissement à l'impôt supplémentaire donne, à mon avis, plus d'importance à cette expression qu'elle n'en a en réalité et entraîne des interprétations erronées quant à son sens pour les résidents et les non-résidents.
Le président: Merci, monsieur Wilkie.
Y a-t-il d'autres remarques à ce sujet? Monsieur Goodman, je vous en prie.
M. Goodman: Monsieur le président, puisqu'il est question d'une fiducie qui est devenue résident aux États-Unis, je pense qu'il est très important de reconnaître que, si la thèse du vérificateur général et du professeur Brooks était correcte, le Canada percevrait des sommes énormes en impôt à l'égard de l'appréciation des actions publiques depuis qu'elles ont été acquises ou depuis 1972, selon ce qui survient en dernier. Mais lorsqu'on disposerait de ces actions, les États-Unis percevraient eux aussi un impôt et cet impôt, contrairement à celui du Canada, se fonde uniquement sur la différence entre le produit de la disposition au moment de la disposition par le résident américain et le coût d'origine.
Nous prévoyons dans ce qui était autrefois l'article 48 que lorsqu'une personne devient résident du Canada, le coût des biens est majoré. Les États-Unis n'ont pas de disposition semblable et n'ont pas non plus de disposition sur l'expatriation.
Pour prendre un exemple bien simple, supposons que les actions de la société privée ne coûtaient rien lorsqu'elles ont été acquises en 1973, après que la nouvelle loi est entrée en vigueur, et qu'elles valent 2 milliards de dollars lorsque la fiducie devient non-résident du Canada. Supposons qu'elles sont vendues plus tard à un coût de 2,1 milliards de dollars. Les États-Unis vont alors imposer toute la somme, les 2,1 milliards, à titre de gain réalisé par un résident des États-Unis. Il serait tout à fait inconcevable que le Canada perçoive lui aussi un impôt sur ces 2 milliards sans qu'on craigne une double imposition.
Je ne crois pas que nous sommes arrivés à une position raisonnable lorsque l'impôt est perçu à deux moments différents, une fois par le Canada et une fois par les États-Unis. Le résultat final est la confiscation totale du produit.
Il me semble que reconnaître ce bien particulier comme un bien canadien imposable et que le Canada a le droit d'imposer durant les dix premières années après la fin de la résidence est une approche parfaitement réaliste. L'impôt sera perçu par le Canada si la disposition se produit dans un délai de dix ans. On demandera aux États-Unis d'accorder un crédit d'impôt à ce moment-là. Le moment où les deux impôts sont perçus fait une différence considérable. Merci.
Le président: Merci, monsieur Goodman.
Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Brooks?
Le professeur Brooks: Je donnerai trois brèves réponses.
Je ne comprends pas comment l'exemple du roulement d'actions privées en actions publiques justifie l'application de la notion de biens canadiens imposables à des résidents canadiens. Si vous échangez vos actions privées contre des actions publiques et que vous choisissez de le faire à la juste valeur marchande, nous allons percevoir l'impôt sur ce gain réalisé. Quelques années plus tard, si vous quittez le pays avec vos actions publiques, nous allons percevoir l'impôt sur ce gain. C'est ce qui arriverait, parce que le gain a été réalisé pendant que vous étiez résident canadien.
Si vous échangez vos actions privées contre des actions publiques, ces actions auront une valeur égale à celle de vos actions privées. Quand vous quitterez le pays, nous percevrons tout l'impôt. Là encore, c'est exactement ce qui devrait arriver, parce qu'un gain a été réalisé pendant que vous étiez au Canada.
Dans l'exemple de Wolfe Goodman, si on applique la règle selon laquelle quand vous quittez le pays, vous devez payer l'impôt sur la juste valeur marchande des actions publiques et que vous êtes réputé avoir disposé de ces actions à leur juste valeur marchande, alors les Américains vont percevoir eux aussi un impôt sur l'ensemble du gain. Ils vont considérer que le coût de base rajusté constitue le coût d'origine. C'est un problème fiscal américain. Je ne sais pas si c'est bien ou mal, mais c'est leur problème, pas le nôtre. Le fait est que le gain a été réalisé pendant que vous étiez résident du Canada et nous avons le droit de percevoir l'impôt.
De plus, cela va beaucoup plus loin que le problème exposé dans cet exemple. La loi établit fondamentalement une distinction à cette fin, aux fins des personnes qui émigrent, entre les actions de sociétés privées et les actions de sociétés publiques. Je sais qu'il y a certaines exceptions pour les actions publiques, mais règle générale, quand vous émigrez, vous êtes réputé avoir disposé de vos actions d'une société publique à leur juste valeur marchande et nous avons tout à fait raison de percevoir l'impôt.
Mon objection est que le fait que vous avez acquis ces actions d'une société publique dix ans plus tôt en contrepartie d'actions d'une société privée ne devrait avoir aucune influence sur le montant d'impôt que nous percevons. L'argument de M. Goodman est que nous ne devrions pas percevoir d'impôt sur ces actions d'une société publique. Il a peut-être raison. Il proposera probablement de changer la loi afin que toutes les actions soient des biens canadiens imposables lorsqu'une personne quitte le pays. Je vais proposer le contraire, je pense qu'il faudrait payer l'impôt sur la valeur de toutes les actions au moment de quitter le pays, que les actions soient privées ou publiques.
Mais cela soulève une question plus vaste. En réglant la question juridique qui se pose ici - et c'est un endroit un peu bizarre pour discuter de questions juridiques, je suis plus à l'aise pour discuter de questions de politique - il me semble que nous devons accepter le fait que la loi établit une distinction entre les actions d'une société privée et les actions d'une société publique, généralement, aux fins de l'imposition de la taxe de départ.
Le président: Monsieur Goodman.
M. Goodman: Je ne prendrai pas beaucoup de votre temps. Je fais simplement remarquer que si je possédais des actions d'une société publique, il ne faudrait pas en déduire nécessairement que, lorsque je cesse d'être résident canadien et que je deviens résident américain, par exemple, il y a disposition présumée à la juste valeur marchande. C'est la règle habituelle, mais j'ai le droit de choisir que ces actions soient considérées comme un bien canadien imposable.
Pour éviter l'impôt lorsque je quitte le Canada, tout ce que je dois faire c'est assurer le gouvernement que si je dispose de ces actions et que j'ai une obligation envers le fisc canadien, le gouvernement saura d'où vient l'argent. Si, par contre, j'ai conservé toutes mes actions d'Inco, pour prendre un exemple très simple, tant que je ne serai pas résident des États-Unis depuis onze ans et que je n'aurai pas disposé de mes actions, je serai soumis à l'impôt canadien conformément aux modalités de notre convention fiscale. Il est évident qu'à la fin de la dixième année j'aurais demandé le remboursement de mes titres.
Nous avons ce droit de convertir des actions qui ne sont pas des biens canadiens imposables en des biens canadiens imposables. Ce droit n'est pas accordé aux fiducies, mais je ne pense pas que ce soit crucial pour la question de politique qui se pose ici. Malgré la vigueur des remarques du professeur Brooks, la question de politique semble être parfaitement raisonnable; c'est une question sur laquelle que les négociateurs se sont penchés au fil des années dans de nombreuses conventions fiscales, au nom de divers pays.
Le président: Monsieur Spindler.
M. Spindler: Au risque de me répéter, je pense que nous continuons de passer de la question technique à la question de politique, et de ce que la loi stipule à ce qu'elle devrait stipuler. Je pense que la question posée au départ était si Revenu Canada avait techniquement raison dans sa décision et si cette décision frustrait l'intention du législateur.
L'intention du législateur n'est perceptible qu'à partir du texte de la loi et des documents connexes. Comme je l'ai déjà indiqué, c'est une créature dynamique. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Brooks, plusieurs dispositions ajoutées dans la loi ne définissent pas la nature des biens canadiens imposables en fonction de leur pertinence ou de leur application uniquement aux non-résidents. Plusieurs dispositions semblent impliquer clairement que les biens canadiens imposables peuvent être détenus par un résident. L'une des dispositions de base est l'article 248, qui semble avoir une application générale à toutes les fins de la loi.
Je pense qu'il faut voir ces ajouts à la loi et reconnaître que les fonctionnaires du ministère des Finances ont probablement été très prudents et très méticuleux dans la rédaction des dispositions, comme ils le sont habituellement. Il est peu probable qu'ils répètent constamment les mêmes erreurs. Il me semble qu'un lecteur de ces dispositions - et c'est la question qui a été posée, le lecteur étant Revenu Canada - pourrait conclure que la meilleure interprétation est qu'un résident du Canada peut posséder des biens canadiens imposables. Certaines conséquences découlent de cette conclusion.
La question de politique visant à savoir si le Parlement devrait décider de changer la loi et imposer les résidents et les non-résidents sur une base différente est une toute autre histoire.
Le président: C'en est une dont nous discuterons, nous l'espérons, avant minuit.
Monsieur Smith.
M. Smith: J'aimerais poser une question à M. Brooks. Le paragraphe 107(5), la disposition qui nous intéresse ici et qui s'applique lorsqu'une fiducie distribue des biens à un bénéficiaire, stipule - et je suis certain que M. Brooks en connaît le contenu - qu'on suppose en théorie que la fiducie est un non-résident. On se demande ensuite si les actifs de la fiducie seraient des biens canadiens imposables.
Supposons qu'en janvier 1996, la fiducie ait transféré les actions d'une société privée à une société publique. Il me semble que si l'analyse se fait en supposant que la fiducie est un non-résident, les actions de la société publique seraient clairement imposables en tant que biens canadiens imposables. M. Brooks estime que si la fiducie le faisait en décembre 1995, les actions de la société publique ne seraient pas imposables parce que l'article stipule qu'on suppose que la fiducie était un non-résident pendant l'année au cours de laquelle elle a distribué les biens. La distribution se produit en 1996. Quel raisonnement permet d'affirmer que, si la distribution se produit en janvier 1996, le Canada conserve le droit d'imposer les gains futurs sur les actions de la société publique, mais si elle se produit en décembre 1995, le Canada renonce à ce droit?
M. Williams: Je ne saisis pas l'importance des dates. Je me demande si vous pouvez reprendre cette comparaison. Mes excuses.
Le professeur Brooks: Je ne saisis pas moi non plus. L'échange s'est-il produit avant et après que les biens quittent le pays?
M. Smith: Permettez-moi de recommencer à nouveau.
La disposition stipule qu'on suppose que la fiducie n'a résidé au Canada à aucune moment de l'année au cours de laquelle elle a distribué les biens. Je vais supposer que la fiducie a distribué les biens en 1996. On se demande ensuite, si cette fiducie n'avait pas résidé au Canada en 1996, à quelle catégorie appartiendraient ces biens?
Supposons qu'en janvier 1996 la fiducie ait transféré les actions d'une société privée à une société publique et fasse le choix qui déclenche l'application de l'alinéa 85(1)i). Les actions de la société publique sont désormais réputées être des biens canadiens imposables. Parce qu'on suppose que la fiducie ne réside pas au Canada, je pense que même M. Brooks conviendra qu'il s'agit de biens canadiens imposables.
Je dis que si l'on changeait les faits un peu et supposait que l'échange des actions de la société privée contre des actions d'une société publique s'est produit en décembre, les actions de la société publique, selon l'interprétation de M. Brooks, ne seraient pas des biens canadiens imposables et le Canada renoncerait à son droit d'imposer les gains futurs. Si l'échange se produisait en janvier 1996, elles seraient des biens canadiens imposables et le Canada conserverait son droit d'imposer les gains futurs.
Je pense que M. Brooks insiste sur les gains qui se sont accumulés jusqu'à la date d'émigration, mais il oublie que notre système cherche à imposer les gains en capital futurs sur certains types de biens, même après que le contribuable a quitté le Canada. Je ne comprends pas son raisonnement entre les deux situations.
Le président: Monsieur Brooks.
Le professeur Brooks: Le raisonnement est absolument clair. Je ne comprends pas la question, je suppose. Quand vous êtes résident, nous voulons percevoir l'impôt qui s'est accumulé pendant que vous résidiez au Canada. Quand vous êtes devenu non-résident, nous avons donc présumé que vous aviez disposé des biens et nous avons perçu tout l'impôt qui s'était accumulé.
La seule raison pour laquelle nous donnons aux contribuables le droit de ne pas avoir une disposition présumée, s'il s'agit de biens canadiens imposables, n'est pas nécessairement que nous voulons continuer de percevoir l'impôt sur les gains lorsque les contribuables sont des non-résidents, encore que, si ces biens demeurent des biens canadiens imposables, nous le percevrons lorsqu'ils sont non-résidents, mais parce que nous voulons percevoir l'impôt qui s'est accumulé pendant qu'ils résidaient au Canada.
Je ne vois pas ce que cet exemple a de troublant. D'ailleurs, la disposition est absolument claire, me semble-t-il. C'est l'une de ces dispositions qui étaient en cause dans ce dossier, et elle définit clairement les biens canadiens imposables comme étant des biens qui seraient des biens canadiens imposables si la fiducie n'avait pas résidé au Canada.
Vous pouvez donc vous demander pourquoi cette expression a été ajoutée si les résidents canadiens peuvent posséder des biens canadiens imposables, mais c'est superflu. Cela n'a aucun sens. Je pense que pour atteindre les objectifs de la loi, il n'est pas nécessaire d'appliquer la notion de biens canadiens imposables aux résidents canadiens. Je ne vois pas pourquoi l'exemple est troublant, franchement, à moins que je sois à côté de la question.
Ce qu'il y a au départ, c'est l'hypothèse que la loi, aux fins de l'imposition des non-résidents, établit une distinction entre les actions privées et les actions publiques. Nous affirmons que nous portons un jugement, mais si la limite est clairement arbitraire, les actions d'une société privée ont généralement un lien suffisant avec le Canada pour que nous puissions justifier ce jugement. Nous imposons les non-résidents lorsqu'ils disposent des actions. En ce qui concerne les actions de sociétés publiques, c'est impossible, à moins que vous possédiez au moins 25 p. 100 des actions. Il n'est pas difficile de trouver des exemples qui font paraître cette limite arbitraire. Bien sûr qu'elle est arbitraire, mais c'est le propre de toutes les dispositions fiscales. On peut toujours trouver des exemples qui semblent arbitraires, à la limite.
Le président: Monsieur Loubier voulait que les questions commencent à 16 h 45, si j'ai bien compris. Voulez-vous interrompre ce dialogue entre nos experts? Il y a au moins trois mains levées actuellement.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Passons aux questions, s'il vous plaît.
Le président: M. Campbell.
M. Campbell: Je pense que M. Loubier a dit 17 h 15, monsieur le président.
[Français]
M. Loubier: Moins le quart.
[Traduction]
M. Campbell: Je suis désolé, vous avez raison, monsieur le président, c'était 16 h 45.
Le président: Je propose... J'ai vu trois autres mains. Il y aura de brèves interventions, parce qu'un autre aspect, que je trouve crucial, a été soulevé. J'ai vu M. Lanthier lever la main.
M. Lanthier: Monsieur le président, monsieur Brooks a peut-être du mal à comprendre l'exemple. J'ai moi-même du mal à le comprendre. Je pense que la remarque de David Smith est très convaincante. L'alinéa 85(1)i) suppose que le Canada ne renoncera pas à son pouvoir d'imposition parce qu'il y a eu un échange d'actions. Si le Canada avait voulu renoncer à ce pouvoir... Il y a des gens extrêmement brillants aux Finances - peut-être pas aussi énergiques que M. Brooks - qui auraient déclaré: «lorsque le bénéficiaire est un non-résident du Canada, le bien reçu et le transfert d'impôt pour obtenir le bien sont réputés être des biens canadiens imposables». C'est très simple. On ne dit pas ce qui arrive si le cédant est un non-résident du Canada et pour une raison très évidente, que David Smith et d'autres ont fait ressortir.
Le président: Merci, monsieur Lanthier.
Monsieur Laloge.
M. Laloge: J'ai trois observations, dont une pour faire suite à une remarque de Rob Spindler.
Je voulais confirmer que l'information que j'ai reçue ne permet pas de conclure que Revenu Canada Impôt a tiré une conclusion erronée dans sa décision anticipée. Mais l'information que leur ont fournie les ministères des Finances et de la Justice pour prendre cette décision était erronée et n'aurait pas dû être donnée. Autrement dit, l'information qui affirme qu'il s'agissait de biens canadiens imposables est erronée, et erronée en droit.
M. Lanthier: Je suis désolé, Ken. Est-ce une affirmation ou une question?
M. Laloge: C'est une affirmation. C'est une conclusion que je tire.
Le président: Nous le comprenons. Reste la question de savoir si un résident du Canada peut posséder des biens canadiens imposables.
M. Laloge: Oui. Pour en venir à cette question, nous sommes en face d'une décision où il faut faire un choix. Un résident du Canada peut-il posséder des biens canadiens imposables, oui ou non? Quand on examine ces dispositions, il y a une troisième possibilité.
Nous savons que les non-résidents peuvent posséder des biens canadiens imposables. Nous savons que lorsque les non-résidents rentrent au Canada, on leur enlève leurs biens canadiens imposables. Ne se peut-il pas aussi que ces diverses dispositions qui sont peut-être libellées de manière très pointue ne s'appliquent pas lorsqu'on est résident canadien et ne s'appliquent que lorsqu'on est non-résident? C'est quelque chose entre la question de savoir si on peut en posséder quand on est résident. Cela ne veut rien dire, de toutes façons.
Le président: Et si l'on est un extraterrestre?
M. Laloge: Nous n'avons pas discuté des biens canadiens imposables des non-résidents extraterrestres ni des créatures qui viennent d'autres planètes. Mais pour aller un peu plus loin, une certaine confusion s'est installée ici parce que le terme «biens canadiens imposables» est employé dans deux contextes tout à fait différents. Ce dont il a été question ici n'a vraiment rien à voir avec les gens qui sont des extraterrestres ou des non-résidents toute leur vie.
Le président: D'autres commentaires? M. Wilkie voudrait intervenir une dernière fois avant que nous passions aux questions des membres.
M. Wilkie: J'ai deux brefs commentaires.
Je ne pense pas qu'il soit juste de tirer la conclusion, à partir de la loi, que le Canada veut définir des biens comme des biens canadiens imposables simplement pour pouvoir protéger sa capacité d'imposer les gains accumulés au moment de l'expatriation ou les gains accumulés pendant qu'un non-résident était résident du Canada. De fait, qualifier un bien de bien canadien imposable pour d'autres raisons que l'application d'une convention fiscale est assez compréhensible.
Deuxièmement, pendant que nous discutons des biens canadiens imposables comme s'il s'agissait d'une espèce de catégorie spéciale qui explique d'une certaine façon la disposition fiscale, ce dont il est question vraiment c'est l'application de la loi, les aliénations de biens. La notion de biens canadiens imposables est liée au pouvoir d'imposition. Je crois qu'elle vise à protéger la capacité du Canada d'imposer les biens et les actifs sous forme de biens qui se sont substitués aux biens originaux, peu importe comment le contribuable organise ses affaires.
Je pense que perdre cette notion de vue dans le cadre d'une discussion comme celle-ci et trouver un sens plus métaphysique à la notion de biens canadiens imposables permet beaucoup trop facilement de conclure que certaines de ces dispositions techniques, ce bingo fiscal, ont plus de sens qu'elles n'en ont en réalité. Ce dont il est vraiment question, c'est le fonctionnement de la Loi de l'impôt sur le revenu et, à un niveau plus élevé, le fonctionnement des relations bilatérales du Canada avec d'autres pays, relations qui définissent dans quelles circonstances le Canada peut imposer les gains réalisés sur un bien qui a un lien avec le Canada. Nous qualifions cela de définition des pouvoirs, de biens canadiens imposables, quand il est question de biens.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Wilkie. Avec la permission des témoins, alors
[Français]
nous allons passer aux questions des députés. Nous allons commencer par entendre M. Loubier.
M. Loubier: Je vous remercie, monsieur le président. Je suis content que vous vous soyez rendu à nos arguments.
J'aimerais prendre quelques secondes pour parler du cas qui nous intéresse. Nous sommes face à une décision anticipée qui a été prise en décembre 1991 et qui a permis, à partir d'une analyse des dispositions fiscales dénoncée par le vérificateur général, à une fiducie de transférer deux milliards de dollars aux États-Unis sans qu'un cent d'impôt ne soit prélevé sur un capital d'une telle importance.
Dans un cas comme celui-là, normalement, on fait une analyse assez précise. On s'assure également, dans le cas d'un précédent comme celui créé en 1991 - qui n'a été rendu public qu'en mars 1996 et dont auraient pu se servir ceux qui le connaissaient - , que les témoins ne sont en aucune façon liés à cette décision anticipée et qu'ils n'ont pu en faire profiter d'autres fiduciaires ailleurs au Canada, par l'entremise de vos firmes, par exemple.
Je pose la question parce qu'on sait fort bien que les relations du milieu financier avec Revenu Canada et le ministère des Finances forment un petit monde; tout le monde se connaît, tout le monde a travaillé ensemble. Il y a même des gens qui sont passés par Revenu Canada ou par le ministère des Finances avant de se retrouver comme spécialistes dans des boîtes comme celles que vous représentez.
Je demanderais donc à quelqu'un qui a défendu avec acharnement la décision de 1991, àM. Wilkie par exemple, s'il est passé par Revenu Canada ou par le ministère des Finances de quelque façon, étant donné qu'il y a des échanges entre vos boîtes. Est-ce que vous ou une personne de votre connaissance à l'emploi de Stikeman Elliott êtes passé soit par Revenu Canada, soit par le ministère des Finances? C'est ma première question et j'en aurai deux autres, monsieur le président.
[Traduction]
M. Wilkie: Monsieur Loubier, je pense que votre question comporte trois volets; je répondrai à chacun d'eux séparément.
Vous avez demandé si l'un ou l'autre des membres de mon cabinet ont un lien professionnel avec Revenu Canada et le ministère des Finances ou s'ils ont déjà eu un tel lien par le passé. Ma réponse à cette question est oui. D'ailleurs, un de mes associés à Montréal est l'ancien ministre des Finances.
Le deuxième élément de votre question, auquel je voudrais répondre avec respect, est que mes relations avec Revenu Canada et le ministère des Finances, et celles de mes collègues chez Stikeman Elliott, ainsi qu'avec tous les professionnels que je me plais à appeler mes collègues, sont strictement professionnelles. Nous arrivons au deuxième aspect, soulevé par le vérificateur général, mais tous ceux qui sont autour de cette table se sont fait refuser des propositions aux deux ministères tout aussi souvent que nous avons été «satisfaits» par des décisions ou des opinions. Cela...
[Français]
M. Loubier: Monsieur le président...
[Traduction]
M. Wilkie: Oh pardon, pardonnez-moi!
[Français]
M. Loubier: Une seconde, monsieur Wilkie. Je pense que vous avez mal compris ma question.
Vous savez que pour être crédibles comme spécialistes dans un cas comme celui qui nous intéresse, pour donner une interprétation qui soit recevable et crédible face à la Loi de l'impôt sur le revenu et aux dénonciations du vérificateur général, les témoins ont tout avantage, me semble-t-il, à n'être liés en aucune façon à quelqu'un, qu'il s'agisse de vous ou de vos collègues actuels, qui serait passé par Revenu Canada ou par le ministère des Finances au moment où la décision anticipée de 1991 a été prise. Ce quelqu'un aurait pu faire bénéficier votre société, par exemple, des informations qui sont restées privilégiées jusqu'en mars 1996, car la décision anticipée n'a été rendue publique qu'en mars 1996. Personne ne se tire dans le pied ou mord la main qui le nourrit, ce qui fait en sorte que votre interprétation...
[Traduction]
Le président: Je peux peut-être intervenir à ce sujet. Permettez-moi de vous dire ceci. Les avocats et les comptables - vous en êtes tous, sauf un qui est professeur - sont soumis à un code de déontologie très strict, parce que leurs activités sont régies par leurs propres organismes, et ils ont toujours, d'après mon expérience, fait preuve de la plus grande probité pour s'assurer de ne pas être en conflit d'intérêts. Le nombre de personnes à qui j'ai demandé de venir ici et qui ont refusé notre invitation parce qu'elles se sentaient en conflit d'intérêts est à l'honneur des membres de ces professions.
Je suis convaincu que M. Loubier n'implique pas qu'un témoin viendrait comparaître s'il était en conflit d'intérêts. Nous avons réuni certaines des plus grandes sommités du pays dans leur domaine. Je ne sais pas combien vous en connaissez, monsieur Loubier, mais nous ne pourrions avoir être plus fortunés, vu l'expérience et le degré de probité des gens qui sont devant nous. J'espère qu'il n'y a aucune implication de conflit d'intérêts chez les témoins.
M. Campbell: Monsieur le président, j'aimerais intervenir à ce sujet. Depuis trois ans que je fais partie de ce comité, je ne pense pas que nous ayons jamais mis en doute l'intégrité des témoins devant nous et je suis convaincu que M. Loubier n'a pas l'intention de le faire.
Je sais que les services de M. Brooks ont été retenus par le ministère des Finances dans les années 80, pour donner des conseils sur la réforme fiscale. Je sais que, de temps en temps, les services de membres des cabinets représentés ici ont été retenus par les ministères ou que ces personnes y ont été détachées. C'est bon pour le ministère. C'est bon pour le secteur privé. Je pense qu'il est tout à fait déplacé pour les membres de notre comité de laisser entendre que quelqu'un, comme vous l'avez déclaré, comparaîtrait devant nous s'il existait un conflit d'intérêts caché. Je pense que c'est tout à fait inacceptable. J'ai hâte d'entendre l'opinion de ces personnes.
[Français]
M. Loubier: Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, monsieur le président. J'aimerais qu'on fasse la lumière sur le cas de 1991, comme vous le savez. Il y a des spécialistes autour de la table. Je ne vous dis pas qu'il existe un conflit d'intérêts. Voici ce que je demande. Si par hasard M. Wilkie, par exemple, travaillait avec quelqu'un qui a participé à la décision de 1991, est-ce qu'il accepterait d'être mis en contradiction avec son collègue?
[Traduction]
M. Campbell: Ce n'est pas la question que vous avez posée, monsieur Loubier. Si c'était votre question, vous auriez dû la poser en ces termes.
[Français]
M. Loubier: C'est cela, j'ai une question. Je vais poursuivre parce que j'ai des questions.
Le président: Monsieur Loubier, est-ce que par vos questions, vous voudriez bien ne pas insulter les témoins, s'il vous plaît?
M. Loubier: Comment accorder de la crédibilité à un témoin qui travaille avec un collègue s'appelant Hemant Tilak, lequel faisait partie de la Division des décisions anticipées jusqu'à tout récemment et a participé à la décision anticipée de 1991? Ce collègue aurait pu ensuite en faire bénéficier tout le monde, à partir de votre entreprise par exemple, parce que la décision anticipée du cas de 1991 n'a été rendue publique qu'en mars 1996. C'est ce que je veux dire, monsieur le président.
Quand vous avez des témoins qui sont liés de trop près à des décideurs qui ont pu participer de près ou de loin à une décision de ce genre, il est bon que le public le sache, monsieur le président. L'analyse présentée par M. Wilkie ne remet pas sa crédibilité en question. Cependant, s'il est trop lié avec des gens qui sont en lien direct avec la décision de 1991 et tous les autres cas qui ont pu survenir et sont devenus des précédents - parce que la décision de 1991 est un précédent - , il est important que les gens le sachent.
Le président: Que veut dire «trop lié»? S'il était séparatiste, serait-il trop lié à vous-même?
M. Loubier: Monsieur le président, est-ce que M. Neil Brooks est séparatiste? Est-ce que le vérificateur général est séparatiste? Est-ce que tous les spécialistes du vérificateur général et tous ceux qui contestent la décision de 1991, à l'heure actuelle, sont des séparatistes? Il y a tout de même une limite à être aussi démagogue. Je poserais la question à M. Spindler aussi...
Le président: M. Wilkie aimerait répondre à votre question.
M. Loubier: Eh bien, voilà! Les gens doivent savoir ces choses-là.
Le président: Peut-être pourriez-vous vous montrer civil envers nos témoins.
[Traduction]
M. Wilkie: Je le déclare publiquement, je n'ai pas participé personnellement et, à ma connaissance, mon cabinet n'a pas participé professionnellement à la décision de 1991. Les membres de mon cabinet, tout comme chez d'autres cabinets représentés ici, franchissent parfois la frontière pour aller travailler au ministère des Finances et au ministère du Revenu national afin de mieux appliquer et comprendre le système fiscal, sous réserve des limites concernant les renseignements privilégiés et confidentiels qu'ils doivent observer en tant qu'associés. Je sais que, lorsqu'ils vont au ministère, ils sont tenus par le gouvernement du Canada de ne pas divulguer des renseignements spéciaux qu'ils obtiennent dans le cours de leurs activités professionnelles à cet endroit. Ni cette personne ni aucun autre membre de mon cabinet, au meilleur de ma connaissance, n'en a profité de façon spéciale.
Je pense aussi qu'il est important pour le comité de savoir qu'il y a nécessairement, dans le cadre des activités professionnelles, un échange de vues constant entre les fiscalistes et les comptables d'une part, ainsi que Revenu Canada et le ministère des Finances d'autre part. Au cours de ces échanges de vues - et je pense que tous nos invités d'aujourd'hui le confirmeront - on ne s'attend à aucune faveur et aucune faveur n'est accordée. Nous appliquons la loi telle qu'elle existe et la politique telle que nous la comprenons, et il nous sommes tout aussi souvent en désaccord que d'accord.
[Français]
M. Loubier: Monsieur Wilkie, c'est la question que je vous posais. Quelles sont les règles qui empêcheraient par exemple M. Hemant Tilak, qui a été à l'emploi de la Division des décisions anticipées Revenu Canada et qui a pu prendre connaissance de la décision anticipée de décembre 1991, qui a été rendue publique uniquement en mars 1996, de faire profiter d'autres gens de votre entreprise de cette décision?
Deuxièmement, quelles sont les règles qui feraient en sorte qu'un témoin qu'on invite puisse être objectif face à une telle décision qui sert très bien son entreprise?
Ce sont les deux questions que je vous posais.
Le président: Il n'est pas nécessaire que vous répondiez à cela.
M. Loubier: Ah, oui? Il n'est pas nécessaire qu'il réponde?
[Traduction]
Le président: Quelles sont ces règles, monsieur Wilkie?
M. Wilkie: La première est l'intégrité personnelle et professionnelle. La deuxième est l'équilibre entre la responsabilité professionnelle du gouvernement du Canada, d'une part, pour la durée du mandat au ministère, et la responsabilité professionnelle de l'organisme qui régit les activités des avocats en Ontario d'autre part. Si le comité estime que je dois partir pour que cette discussion soit aussi constructive que possible, je suis très disposé à le faire.
Le président: Ne partez pas. Nous avons besoin de vous.
[Français]
M. Loubier: Ce que je veux mettre en lumière, c'est qu'en tant que spécialiste de cette question, vous êtes à la fois juge et partie. Vous présentez des analyses qui vont quelquefois tout à fait à l'encontre du sens commun, parce que cette décision de 1991 sert bien des entreprises comme Stikeman Elliott ou Coopers & Lybrand. On pourrait aussi en parler à M. Spindler, qui a travaillé avec M. Dancey, qui a été sous-ministre adjoint à la Direction de la politique de l'impôt au ministère des Finances jusqu'en 1994.
Ce que je veux dire, monsieur le président, et ce qu'il est important de mettre en lumière, c'est qu'il faut prendre les analyses des experts avec un brin de légèreté.
Je ne dis pas que, sur le fond, il n'y a pas d'arguments qui soient bons. Toutefois, sur le plan de certains conflits d'intérêts et sur le plan de certaines relations que ces gens ont pu avoir avec d'autres qui ont été associés de près ou de loin à la décision anticipée ou aux autres cas qui ont pu survenir parce que la décision de 1991 a servi de précédent...
C'est important que les gens le sachent, monsieur le président.
Le président: Nous sommes devant quelqu'un qui ne veut pas questionner les témoins sur leurs idées, mais qui préfère les attaquer personnellement.
M. Loubier: Ah, non! On voit bien, monsieur le président, que vous ne voulez pas faire la lumière sur le cas de 1991, mais noyer le poisson comme d'habitude au nom de votre gouvernement.
Le président: [Inaudible - La rédactrice] ...empêcher certaines attaques personnelles contre un nos témoins.
M. Loubier: Ce ne sont pas des attaques personnelles, mais des éclairages sur des précédents, des antécédents, des contacts que ces gens-là peuvent avoir avec Revenu Canada, avec le ministère des Finances et avec, de près ou de loin, la décision anticipée de 1991. Je pense que la population est en droit de connaître tous les dessous de la question.
Le président: Peut-être connaissez-vous des avocats ou d'autres grands experts qui n'ont jamais eu de contacts avec le ministère des Finances et avec Revenu Canada.
M. Loubier: Non, mais je connais des experts qui sont objectifs, monsieur le président, comme le vérificateur général, comme M. Minto, comme M. Elkin qui ont mis en lumière le cas de 1991, mais sur lequel vous refusez de faire toute la lumière.
Le président: Je suis vraiment désolé que nos experts doivent subir ces attaques personnelles, de type McCarthy. Je ne peux pas l'empêcher, car je n'en ai pas le pouvoir, mais je vais conseiller à chaque député de revenir, si c'est possible, aux questions fondamentales et de les poser aux témoins: ce que Revenu Canada a fait était-il
[Traduction]
conforme à la loi?
M. Lanthier: Sans vouloir être présomptueux, je me demandais si M. Loubier cherche réellement à demander si l'un ou l'autre des témoins ou leur cabinet ont participé personnellement à l'obtention de cette décision pendant qu'ils étaient à Revenu Canada, aux Finances, ou plus tard, aux critiques du vérificateur général sur cette affaire. C'est peut-être ce que M. Loubier tente de déterminer, plutôt qu'une attaque personnelle contre certaines personnes.
[Français]
M. Loubier: À moitié, monsieur Lanthier.
Ce que que je veux qu'on sache, c'est que certains d'entre vous - et ce ne sont pas des attaques personnelles contrairement à ce que M. Peterson vient de dire - ont été, d'une façon directe ou indirecte, en contact avec des gens qui ont pris cette décision anticipée, avec des gens qui ont pu en faire profiter d'autres par la suite.
Je nommais M. Hemant Tilak qui était à la Division des décisions anticipées au cours des dernières années, qui était même un des rares à connaître la décision anticipée de 1991 parce qu'elle a été rendue publique seulement en 1996.
Je vous demande s'il faut faire attention lorsque certains d'entre vous présentent des analyses, parce que, sans parler de conflit d'intérêts, vous entretenez des relations. Or, nous ne connaissons pas quel est votre code de déontologie, lequel aurait empêché que, d'une personne à une autre - je prends l'exemple de M. Hemant Tilak et de son employeur qui est Stikeman Elliott - , s'opère un transfert d'information privilégiée jusqu'en mars 1996, parce que c'est à cette date qu'on a rendu publique la décision anticipée.
C'est là ma question. Je pense que nous avons le droit de connaître ce genre d'information puisqu'on cherche à faire la lumière sur ce cas. On cherche également à trouver des façons d'empêcher que de telles choses se reproduisent à l'avenir.
Il faut se montrer très prudent par rapport à ce qu'on entend.
[Traduction]
M. Lanthier: Monsieur Loubier, pour que quoi ne se reproduise pas à l'avenir?
M. Loubier: Pardon?
M. Lanthier: Pour que quoi ne se reproduise pas? Vous avez déclaré que vous vouliez faire la lumière sur l'information afin d'empêcher que certaines choses ne se reproduisent à l'avenir. Qu'est-ce qui ne se reproduira plus à l'avenir?
[Français]
M. Loubier: C'est que le vérificateur général a mis le doigt sur la décision anticipée de 1991. Jusqu'à présent, on n'a pas eu de réponse sur le processus qui a conduit à cette décision anticipée. Pour 50 p. 100 des gens qu'on a rencontrés et avec qui on a discuté, pour une majeure partie des gens, cette décision est non fondée; pour d'autres, elle est fondée.
Chose certaine, on a un cas de deux milliards de dollars de transfert d'actifs de résidents canadiens sans qu'un cent d'impôt n'ait été prélevé là-dessus au bénéfice des coffres fédéraux canadiens. À l'avenir, ce seront probablement les Américains qui profiteront du prélèvement d'impôts qui sera fait sur les gains en capital. Vous trouveriez normal, monsieur Lanthier, que nous ne nous penchions pas sur la question? Que nous n'essayions pas de dépoussiérer ce qui s'est passé depuis 1991 de même que ce qui s'est passé en 1985, parce qu'il y a un autre cas qui a été soulevé? Vous trouveriez normal qu'on laisse aller les choses sans se poser de questions, sans tenter d'enrayer ou du moins d'atténuer ce genre de décisions qui se prend au détriment de l'ensemble des contribuables canadiens?
Le président: Merci beaucoup, monsieur Loubier. Le dernier mot reviendra à M. Wilkie ainsi qu'à M. Spindler, qui aimerait bien répondre lui aussi.
[Traduction]
M. Wilkie: M. Tilak a prêté serment, tout comme les autres membres de mon groupe de fiscalistes... Il n'a jamais été porté à ma connaissance que lui ou quelqu'un d'autre qui aurait pu avoir ou ne pas avoir des contacts occasionnels avec l'un des deux ministères a divulgué de l'information privilégiée ou spéciale à des associés chez Stikeman Elliott. Vous trouveriez probablement aussi que d'autres membres de cabinets qui ont servi eux aussi à des charges publiques semblables ont eu des occasions semblables de faire une utilisation malhonnête de l'information du gouvernement mais ne l'ont pas fait.
Je n'ai pas d'information et, à ma connaissance, mon cabinet n'en a pas. Que je sache, nous n'avons rien eu à voir avec cette décision. J'espère que cela nous permettra de continuer la discussion pour laquelle nous sommes venus ici.
Le président: Je n'en suis pas certain, mais je l'espère moi aussi.
M. Rob Spindler.
M. Spindler: Monsieur Loubier, j'aimerais faire quelques observations. Je pense que vous avez tout à fait raison de croire qu'il est très important d'examiner tous les aspects de ce processus et de faire la lumière sur ce qui s'est passé. C'est tout à fait légitime.
Je crois comprendre la question que vous aviez commencé à me poser. Vous vouliez savoir si mon cabinet a profité de ma connaissance de la décision entre 1991 et 1996. Je ne peux donner une réponse catégorique que pour moi-même, parce que j'ai quelques associés et qu'il y a un assez grand nombre de membres dans mon cabinet. Je n'ai pas eu connaissance de cette décision avant que le vérificateur général n'en parle dans son rapport.
Vous avez fait allusion à Kevin Dancey, qui était sous-ministre adjoint des Finances. Je ne sais pas s'il a participé au processus. Il n'en a jamais discuté avec moi, sauf pour parler de ma présence devant vous.
Je pense que cela commence à répondre à votre question, monsieur Loubier.
Le président: Je pense que vous êtes allé beaucoup plus loin que ce qui était nécessaire. Un seul autre suspect aurait pu manigancer toute cette affaire et c'est Neil Brooks.
Des voix: Oh, oh.
Le président: Monsieur Williams, je vous en prie.
M. Williams: Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions préparées à l'avance et certaines autres qui me sont venues à l'esprit au fil des discussions.
Premièrement, je suppose que tout le monde a pris connaissance des opinions juridiques rendues publiques par le ministère de la Justice. Ai-je raison de croire qu'elles ont été remises aux témoins, monsieur le président? Ils les ont tous.
Parlant des opinions juridiques et des positions qui y sont énoncées, la position deMM. MacGregor, Short et Bentley a été que le paragraphe 97(2) implique que l'alinéa 85(1)i) s'applique à un résident durant la période de résidence. Le paragraphe 97(2) a été ajouté en 1982. Faut-il en déduire que l'interprétation de l'alinéa 85(1)i) n'aurait pas pu s'appliquer aux résidents avant 1982? Dans l'affirmative, comment aurait-elle pu s'appliquer sans l'appui du paragraphe 97(2)?
M. Lanthier: Je pourrais peut-être commencer, monsieur le président. Je pense que nous en avons discuté, monsieur Williams, assez en détail. Les biens canadiens imposables sont définis dans l'article 248 à toutes les fins de la loi. L'alinéa 85(1)i) porte sur le transfert de biens canadiens imposables. Il stipule que les biens reçus en contrepartie sont réputés être des biens canadiens imposables.
La question dont nous avons discuté est si cette disposition s'applique uniquement aux non-résidents ou si elle s'applique aussi aux résidents. Je pense que Bob Sirkis, David Smith et Scott Wilkie ont donné des raisons convaincantes et des exemples démontrant pourquoi Revenu Canada ne voudrait pas renoncer à son pouvoir d'imposition, dans le cas d'un échange d'actions, à cause simplement du moment où l'opération a eu lieu.
M. Williams: Le montant d'impôt que nous percevrions ou ne percevrions pas ne m'intéresse pas. Là n'est pas la question.
M. Lanthier: Ma position serait que l'alinéa 85(1)i) en soi, par lui-même - et je pense que Scott Wilkie l'a expliqué plus éloquemment que je pourrais le faire moi-même - nous dit qu'il s'applique aux résidents et aux non-résidents.
Si le ministère des Finances et le Parlement ne l'avaient pas voulu ainsi lorsqu'ils ont adopté la loi, il aurait fallu ajouter les mots: «Biens détenus par un non-résident».
M. Williams: Mais vous affirmez que l'alinéa 85(91)i) est autonome.
M. Lanthier: Oui, monsieur.
M. Williams: Des témoins sont-ils en désaccord avec cette affirmation?
M. Smith: Je ne suis pas en désaccord, mais je pense qu'en 1991 il fallait agir en fonction de la loi qui existait en 1991. Si vous m'aviez demandé de manière hypothétique comment j'aurais interprété la loi en 1980, j'aurais dû tenir compte de toutes les dispositions de la loi telle qu'elle existait en 1980. Je ne suis pas retourné en arrière pour étudier les dispositions de la loi en 1980 afin de décider si je pouvais trouver d'autres indications de l'intention du législateur. Je suis du même avis qu'Allan. Je crois que la neutralité de l'alinéa 85(1)i) et ce que je considère comme le plan de la loi seraient cohérents, que le paragraphe 97(2) existe ou non.
M. Williams: Merci.
Monsieur Laloge, avez-vous déclaré que l'alinéa 85(1)i) tel qu'il se présente actuellement - et je pense que quelqu'un a déclaré, mais je crois que c'était vous, monsieur Laloge - a été ajouté en 1981 ou 1982? Est-ce exact?
M. Laloge: L'alinéa 85(1)i) a été ajouté en 1974. Je ne pense pas qu'il soit autonome. Je pense qu'il faut l'interpréter en fonction de l'article 115, qui définit les biens canadiens imposables. Je crois qu'il n'est pas possible, à en juger par le libellé actuel, qu'il soit autonome. Je pense qu'il a été ajouté dans un but très précis, et les fonctionnaires des Finances conviennent qu'il s'agit d'une disposition anti-évitement, liée à l'article 115.
M. Lanthier: Mais cela ne répond à rien du tout, Ken. Enfin, c'est...
M. Williams: Un instant, messieurs. Je lis la décision qui a été rendue en 1991, la pièce 1.1 du rapport du vérificateur général du 7 mai 1996. Permettez-moi de le citer:
- Notre décision est que la fiducie, lorsqu'elle cessera de résider au Canada, ne sera pas, par
application du paragraphe 48(1) de la loi, réputée avoir disposé de ses actions de corporations
publiques qu'elle a acquises en contrepartie d'actions d'une corporation privée qui lui
appartenaient. Cela, parce que ces actions constitueront des biens canadiens imposables visés
par l'alinéa 85(1)i) et par le sous-alinéa 115(1)b)(iii) de la loi.
M. Laloge: Nous tournons un peu en rond, monsieur le président. L'information dont nous disposons sur l'application de la première décision anticipée en matière d'impôt en 1985 est beaucoup moins détaillée que celle concernant la décision rendue en 1991.
M. Williams: Mon argument est qu'ils ont déclaré simplement, et je répète:
- Notre décision est que la fiducie, lorsqu'elle cessera de résider au Canada, ne sera pas, par
application du paragraphe 48(1) de la loi, réputée avoir disposé de ses actions de corporations
publiques qu'elle a acquises en contrepartie d'actions d'une corporation privée qui lui
appartenaient. Cela, parce que ces actions constitueront des biens canadiens imposables visés
par l'alinéa 85(1)i) et par le sous-alinéa 115(1)b)(iii) de la loi.
Je m'adresse à M. Laloge.
M. Laloge: Neuf ans se sont écoulés entre le moment où la loi a été changée et celui où une première décision a été rendue.
M. Williams: C'est exact, en effet. Nous ne savons pas quand l'échange d'actions privées pour des actions publiques s'est produit et on pourrait penser que Revenu Canada l'aurait indiqué dans la décision étant donné que les actions ont été transférées après que l'alinéa 85(1)i) a...
M. Laloge: Je pense que c'était...
M. Sirkis: Les autres témoins peuvent-ils répondre ou voulez-vous rétrécir le...
M. Williams: Bien, j'allais demander l'opinion de M. Laloge, puis la vôtre. Laissez-moi obtenir la sienne d'abord, puis je m'adresserai à vous.
M. Sirkis: Il semble que les témoins n'ont pas de réponse.
M. Williams: Donnez-lui une chance et il en aura peut-être une.
Le président: Nous laisserons M. Laloge essayer de répondre. Je n'ai pas la réponse au bout des doigts, je vous assure, monsieur Laloge.
M. Laloge: La réponse est que le vérificateur général et l'ampleur des travaux qu'ils ont pu nous communiquer ne fournissent pas cette information. Nous ne le savons pas.
Est-ce juste, Rob?
M. Sirkis: Tout ce que je veux ajouter c'est que la loi s'applique au moment où on l'interprète. Que le transfert ait lieu il y a 100 ans n'aurait aucune importance. Si la loi se prononce et traite l'opération comme un bien canadien imposable, à moins qu'une disposition concernant la date d'entrée en vigueur de cette disposition particulière stipule qu'elle ne s'applique qu'aux biens aliénés après une certaine date... Je ne pense pas qu'il y ait une disposition de ce genre.
Le président: Des témoins sont-ils d'accord avec cette réponse?
M. Williams: Ce que j'essaie de faire valoir, monsieur le président, c'est qu'à la page 5 de l'opinion juridique donnée le 13 janvier 1992 par M. Bentley à Revenu Canada - et j'espère que je ne fais pas une citation hors-contexte - on dit que cela pourrait suggérer que l'alinéa 85(1)i) devrait s'appliquer lorsque le cédant était un résident canadien. Il semble que Revenu Canada ne fait pas de... Ils laissent entendre que l'alinéa 85(1)i) s'applique aux résidents canadiens parce que l'alinéa 97(2)c) parle des résidents canadiens, alors ils reviennent en arrière et justifient le sous-alinéa 85(1)i)b) par l'alinéa 97(2)c)...
Vous, messieurs, déclarez que l'alinéa 85(1)i) est une disposition autonome qui n'a pas besoin de l'alinéa 97(2)c) pour l'appuyer. L'opinion juridique affirme que c'est peut-être le cas et nous constatons que Revenu Canada ne se demande pas si les actions ont été transférées avant que l'alinéa 85(1)i) entre en vigueur.
Il me semble que l'opinion juridique, ce qu'affirment les témoins et ce qu'affirme Revenu Canada sont trois choses différentes, monsieur le président.
Le président: Monsieur Lanthier, puis monsieur Wilkie.
M. Lanthier: Monsieur Williams, je ne sais pas dans quelle mesure vous connaissez le processus des décisions. Normalement, il y a un énoncé des faits. La date de la disposition des actions a probablement été indiquée dans l'énoncé des faits et fait partie de la décision confidentielle qui a été donnée au contribuable. Le vérificateur général a reproduit la décision sans les faits et les hypothèses sur lesquelles elle repose et, évidemment, la décision n'est fondée que dans la mesure où les faits et les hypothèses le sont eux aussi.
Alors, malgré la longue analyse dans son rapport, le vérificateur général ne parle pas assez en détail du processus, de la décision et des faits sous-jacents pour que je puisse répondre à votre question. Normalement, ils seraient exposés clairement dans l'énoncé des faits.
M. Williams: D'accord. Prenons la décision de 1990-1991 de Revenu Canada. Elle me semble être une décision plutôt tordue. Je cite:
- Nous confirmons que Fiducie Familiale sera réputée avoir disposé des actions de Publique Ltée
attribuées, pour une contrepartie égale à une somme déterminée conformément à l'alinéa
107(2)a) et que Fiducie Protectrice sera réputée avoir acquis les mêmes actions à un coût
déterminé conformément à l'alinéa 107(2)b).
- - autrement dit, la disposition et l'acquisition au coût d'origine. Nous sommes essentiellement
d'accord avec cette affirmation, je suppose.
- Le paragraphe 107(5) ne s'appliquera pas à l'attribution des actions de Publique Ltée par
Fiducie Familiale à Fiducie Protectrice.
M. Lanthier: Parce que c'est une disposition d'assujettissement à l'impôt. Le contribuable demande s'il est soumis à l'impôt en application de cette disposition, si nous pouvons rendre une décision à ce sujet. La réponse a été qu'il n'était pas assujetti à l'impôt, tout comme n'importe quelle décision, lorsqu'on demande si on est assujetti à l'impôt en application de la disposition générale anti-évitement. Parfois, on essuie un refus et parfois la réponse est positive, ce qui veut dire que l'article 245 ne s'applique pas. Il n'est pas mauvais d'obtenir une décision qui confirme qu'une certaine disposition fiscale ne s'applique pas à soi.
Le président: Monsieur Goodman.
M. Goodman: Monsieur Williams, le paragraphe 107(2) s'applique généralement aux transferts de biens en immobilisation d'une fiducie à un bénéficiaire de la fiducie et il prévoit ce que nous appelons un roulement au coût de base rajusté. Le paragraphe 107(5) est une dérogation qui stipule que lorsque le bénéficiaire à qui les biens sont distribués n'est pas résident, il y a une réalisation présumée à la juste valeur marchande au moment de la distribution, à moins que les biens ne soient des biens canadiens imposables. Il me semble que, dans ces circonstances, nous avons une raison tout à fait valide, comme l'a déclaré M. Lanthier, de demander la confirmation que le paragraphe 107(5) ne s'applique pas.
M. Williams: Mais si l'alinéa 107(2)b) permet de transférer les actions au coût des actions privées, pourquoi excluraient-ils expressément le paragraphe 107(5)?
M. Goodman: Parce que le paragraphe 107(5) est une dérogation au paragraphe 107(2) et l'emporte lorsqu'il s'applique, et il a été considéré non applicable dans ces circonstances.
Le président: M. Smith voulait intervenir lui aussi.
M. Smith: Monsieur Williams, je pense que la décision la plus importante ici est celle que le paragraphe 107(5) ne s'applique pas. La règle générale est que les biens sont transférés d'une fiducie. C'est la règle de base. Quand on fait un transfert d'une fiducie à un bénéficiaire, le transfert se fait au coût, pas à la juste valeur marchande. Le paragraphe 107(5) empêche ce roulement dans certaines circonstances. La question à laquelle a répondu la décision et le débat qui s'en est suivi est de savoir si le paragraphe 107(5) devrait s'appliquer pour empêcher le roulement. C'est en réalité la décision cruciale.
M. Williams: Je vais passer au processus par lequel l'opération...
Le président: Avant d'aller plus loin, M. Wilkie et M. Sirkis voulaient intervenir à ce sujet.
M. Wilkie: C'est lié à l'avant-dernière question, mais il y a aussi un rapport avec la dernière.
La conclusion au sujet de l'alinéa 85(1)i) ne dépend pas du paragraphe 97(2) pour être fondée. Le paragraphe 97(2) illustre un cas parmi tant d'autres, pensons-nous, et indique que la conclusion tirée au sujet de l'alinéa 85(1)i) et des autres dispositions était effectivement la conclusion fondée dans les circonstances. Je pense qu'il ne serait pas juste de déduire de la loi que la conclusion tirée au sujet de l'alinéa 85(1)i) dépend d'une interprétation de l'importance du paragraphe 97(2). Je ne peux pas interpréter l'opinion juridique de M. Bentley autrement. Il prend l'un des nombreux exemples qui l'aident à expliquer la conclusion qu'on peut justifier autrement.
M. Williams: J'y réfléchirai durant la pause, monsieur le président, et j'y reviendrai ensuite.
En ce qui concerne l'opération, le rapport du vérificateur général indique qu'une période considérable... Je pense que la conversion des actions publiques en actions privées s'est faite avant 1985. Je pense que nous pouvons tous convenir que c'était avant 1991.
Le président: C'était une conversion d'actions privées en actions publiques.
M. Williams: D'actions privées en actions publiques, d'accord.
C'est un fait historique. À ce moment-là, la fiducie résidait au Canada. Si la société avait fait un choix en application de la Loi de l'impôt sur le revenu...
Le président: La société?
M. Williams: Si la fiducie avait fait un choix en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour profiter du report d'impôt, quelle disposition de la loi aurait dû être invoquée pour demander le report et maintenir le coût de base rajusté original des actions?
M. Laloge: Ce n'est pas une question de choix lorsque la décision anticipée est reçue.
M. Williams: Non, je parle du moment où les actions ont été converties d'actions privées en actions publiques, soit plusieurs années avant la décision anticipée sur la distribution des actions. C'est une opération assez normale, je crois, de convertir des actions privées en actions publiques. Cela n'arrive pas tous les jours, mais c'est assez fréquent. Quelle disposition de la loi permet à un propriétaire d'actions privées de les convertir en actions d'une société publique dont il est propriétaire à plus de 25 p. 100?
M. Goodman: Le paragraphe 85(1).
M. Williams: Le paragraphe 85(1) ou l'alinéa 85(1)i)?
M. Goodman: Le paragraphe 85(1) en général.
M. Williams: Tout le paragraphe 85(1)?
M. Goodman: Tout le paragraphe prévoit que certains types de biens - presque tous les types de biens dans le cas d'un résident - peuvent être transférés à une société canadienne avec report d'impôt.
M. Williams: Si vous invoquez un alinéa du paragraphe 85(1), cela signifie-t-il que tous les alinéas de ce paragraphe sont réputés s'appliquer à l'opération?
M. Goodman: Divers types de biens font l'objet de divers alinéas.
M. Williams: Je le sais. Je demandais si chaque alinéa du paragraphe 85(1) s'applique à toutes les opérations, à tous les roulements?
M. Goodman: Pas nécessairement.
M. Spindler: Je pense que Wolfe a commencé à répondre à la question en déclarant que le paragraphe 85(1) comporte un certain nombre d'alinéas qui se rapportent à des circonstances particulières et à des biens en particulier. Il va actuellement des alinéas 85(1)a) à 85(1)i). Ces nombreux alinéas peuvent s'appliquer à diverses circonstances. Je ne suis pas certain...
M. Williams: Vous dites: «peuvent s'appliquer». Mon argument est que si vous invoquez le paragraphe 85(1) pour une opération en particulier, peu importe laquelle, c'est un roulement et vous demandez une dérogation en application du paragraphe 85(1). Tous les alinéas du paragraphe 85(1) s'appliquent-ils à toutes les opérations ou choisissez-vous ceux qui s'appliquent?
M. Lanthier: L'alinéa 85(1)i) s'applique automatiquement. Comme le déclarait Rob, certaines dispositions...
M. Williams: Pourquoi s'applique-t-il automatiquement?
M. Lanthier: Parce qu'il le stipule. Certaines dispositions imposent des limites aux choix qu'on peut faire. Si on choisit le mauvais montant, une autre disposition s'applique. Si on choisit le bon montant, cet alinéa du paragraphe 85(1) ne s'applique évidemment pas parce qu'on n'a pas choisi le mauvais montant; on a choisi le bon montant. Il y a donc certaines dispositions du paragraphe 85(1) qui...
M. Spindler: La réponse est liée au fait que diverses dispositions ne s'appliquent pas du tout à un type de biens par rapport aux autres.
M. Williams: Mon argument, monsieur Spindler, est que nous avons une fiducie qui réside au Canada et qui convertit des actions privées en actions publiques. Rien ne permet de prévoir, je suppose, que la fiducie ira s'établir à l'étranger. Pourquoi l'alinéa 85(1)i) s'appliquerait-il à cette opération lorsque la fiducie est canadienne, demeure canadienne et fait une opération assez normale?
M. Lanthier: Dans ce type de circonstances...
M. Williams: Vous me dites que pour tous ceux qui se sont prévalus des dispositions relatives au roulement prévues au paragraphe 85(1), peu importe de qui il s'agit ou les circonstances, l'alinéa 85(1)i) s'applique à eux aussi.
M. Spindler: Oui. On en a parfois discuté pour conclure que c'est automatique.
M. Williams: Par conséquent, toute fiducie...
Le président: Puis-je intervenir? Je ne veux pas interrompre le fil de vos pensées, mais il est très difficile de continuer à poser des questions qui exigent de la concentration quand on est dérangé par la sonnerie. Si vous avez encore une brève question, vous pouvez la poser, sinon il vaudrait mieux la reporter après le vote.
M. Williams: Je pense que nous venons tout juste d'entendre la confirmation, monsieur le président, d'après ce qu'ils viennent de me dire, que si l'alinéa 85(1)i) s'applique à tous ceux, particuliers ou fiducies, qui ont converti des actions privées en actions publiques, ils peuvent aller à l'étranger et reporter l'impôt parce que ce sont des biens canadiens imposables. Ils peuvent éviter les dispositions de l'impôt canadien comme le peut une fiducie.
M. Lanthier: S'ils vont à l'étranger, ils sont encore soumis à l'impôt. Vous pouvez considérer qu'il s'agit d'une disposition d'assujettissement à l'impôt. Le Canada conserve son pouvoir d'imposition sur ces actifs, à cause du préambule à votre question.
M. Spindler: Il garde ce droit pour toujours si la personne s'en va dans un refuge fiscal. Le Canada conserve ce droit pendant des années au cours du prochain siècle. C'est l'existence de conventions fiscales qui pose problème.
M. Wilkie: Nous pouvons répondre à la question pointue en lisant la disposition. La disposition stipule que lorsqu'un contribuable - n'importe qui - a disposé d'un bien, les alinéas suivants s'appliquent: a), b), c), d), e), f), g), h) et i). Ils n'ont peut-être pas d'effet dans une circonstance en particulier, mais ils s'appliquent tous.
Le président: Je propose que nous suspendions nos travaux et revenions juste après la mise aux voix. Nous devrions être de retour vers 18 h 15, pour poursuivre nos travaux, avec votre indulgence.
Le président: Nous allons maintenant reprendre.
Lorsque nous nous sommes arrêtés pour aller voter à la Chambre, c'est M. Williams qui avait la parole. Il m'a fait savoir qu'il lui reste au maximum encore cinq minutes de questions pour nos experts. Une fois qu'il aura terminé, s'il n'y a pas d'autres questions, j'ai pensé que nous pourrions peut-être avoir un bref résumé de la question que nous examinons présentement, pour passer ensuite aux autres questions dont nous sommes saisis.
J'ai promis aux témoins qui sont venus de Toronto qu'ils pourront prendre le dernier avion, qui est à 22 heures. Nous apprécions votre générosité.
Monsieur Williams.
M. Williams: Merci, monsieur le président.
Juste avant notre pause, je pense que nous en sommes arrivés à la conclusion que toute personne ou fiducie qui détenait des actions de société privée qui ont fait l'objet d'un roulement en actions de société publique en vertu du paragraphe 85(1) de la loi pouvait prendre ces actions avec elle si elle quittait le pays, sans devoir payer de taxes ni fournir de garantie, car ces actions seraient désignées «biens canadiens imposables».
L'article 48 de la loi, qui traite de l'imposition d'actions de société publique détenues par une personne qui émigre, qui quitte le pays, - je n'ai pas le texte exact sous les yeux - ne fait aucunement état des actions de société publique qui sont imposées suivant la comptabilité d'exercice lorsque la personne quitte le pays, et ne prévoit aucune condition. Il n'y a pas de condition.
Par conséquent, pourquoi les actions de société publique qui ont un prix de base rajusté remontant à l'époque où il s'agissait d'actions de société privée, bénéficient-elles d'une dispense spéciale en vertu de l'article 48, même si cet article 48 ne concède pas de dispense spéciale?
N'importe lequel d'entre vous peut répondre. Monsieur Spindler.
M. Spindler: Je viens tout juste de finir ma pizza.
M. Williams: Toutes mes excuses.
Une voix: Oh, oh!
M. Spindler: Eh bien, c'est une question difficile à poser.
M. Williams: Elle était facile à poser.
M. Spindler: Je voulais dire à laquelle il est difficile de répondre. Il était facile de la poser.
Je pense que ce que vous dites c'est que c'est là le résultat, clairement. La question est plutôt celle de savoir pourquoi le Parlement a décidé qu'il voulait aboutir à ce résultat avec la législation, à l'époque où ces lois sont entrées en vigueur. Il est assez difficile de s'aventurer là-dedans ici autour de cette table sans avoir fait de recherches sur les discussions qui ont peut-être eu lieu à l'époque. Il faudrait remonter dans le temps.
M. Williams: Ce que je veux dire, c'est que vous avez très bien réussi à exprimer une opinion sur le paragraphe 97(2), l'alinéa 85(1)i) et l'article 248, etc. Ici, on parle de l'article 48. J'aimerais qu'on me dise franchement pourquoi les actions de société publique, non admissibles, sont imposées selon la comptabilité d'exercice. Or, l'on constate qu'à cause de cette seule anomalie - et ce n'est même pas une anomalie - à cause de cette seule circonstance particulière, où la seule différence est que le prix de base rajusté remonte à la catégorie antérieure du bien... Pourquoi devrait-il y avoir une exonération en vertu de l'article 48?
Pourquoi ne commencerait-on pas par le professeur Brooks?
Le professeur Brooks: Excusez-moi, j'ai eu la tête ailleurs pendant quelques instants. Je n'ai pas tout à fait saisi la question. Je pensais que j'étais de votre côté, alors je ne m'attendais pas à une question.
Des voix: Oh, oh!
M. Williams: J'espérais que vous réaffirmeriez ce que j'essayais de dire.
Le président: Bien sûr qu'il le fait.
Le professeur Brooks: Bien sûr que je suis d'accord avec vous là-dessus.
M. Williams: Très bien. Merci.
Nous pourrions peut-être clore la séance là-dessus, monsieur le président.
Le professeur Brooks: Je pensais que vous aviez mis ces personnes en fuite et que vous vouliez qu'il en demeure ainsi.
Le président: Je pense que M. Goodman...
M. Goodman: Il n'est pas vrai que dans toutes les circonstances on considère qu'il y a eu réalisation de gains en capital pour des actions de société publique, laissant de côté la question des actions acquises dans le cadre d'un roulement en vertu de l'article 85. Si vous êtes un particulier, vous pouvez toujours choisir de traiter ces actions comme étant des biens canadiens liquidables.
M. Williams: Vous pouvez payer la taxe, vous pouvez fournir la garantie requise, ou bien l'on considérera qu'il s'agit de biens canadiens imposables. Voilà les trois catégories. Vous pouvez soit payer la taxe fondée sur la comptabilité d'exercice...
M. Goodman: C'est exact.
M. Williams: ...soit faire le choix et fournir la garantie, ou alors il s'agit de biens canadiens imposables, ce qui veut dire que la taxe est reportée jusqu'à une date donnée.
Vous me dites qu'en vertu d'une transaction antérieure, il s'agit de biens canadiens imposables. Or, l'article 48 dit que les actions de société publique sont imposables lorsqu'elles quittent le pays. En l'absence d'une exonération, les actions de société publique sont imposables en fonction de la comptabilité d'exercice ou avec fourniture d'une garantie à l'égard du paiement de l'impôt à une date ultérieure.
Vous me dites que tout cela ne s'applique pas car il s'agit d'un BCI en vertu d'un autre article. Pourtant, l'article 48 n'autorise ni ne reconnaît cette désignation.
M. Goodman: Ah bon?
M. Spindler: Non, je pense que l'article 48 le fait.
M. Goodman: Pourquoi ne le fait-il pas?
M. Spindler: C'est dans le contexte de la loi.
M. Goodman: S'il fait état de biens canadiens imposables, alors assurément...
M. Williams: Mais il dit que les actions de société publique sont...
M. Spindler: Non, l'article 48 ne dit pas cela. L'article 48 fait état de biens canadiens imposables et d'autres biens. Il ne fait pas état nommément des actions de société publique.
M. Williams: D'accord.
M. St. Denis (Algoma): C'est votre imagination, John.
M. Spindler: Non, c'est l'une des conséquences de l'application de l'article 48. L'article 48 doit être pris dans le contexte de la loi tout entière. Il dit qu'il s'agit de traiter les biens canadiens imposables et les biens autres que les biens canadiens imposables de trois façons différentes.
M. Williams: Permettez-moi de vous citer le texte de l'article 48, qui a pour titre «Disposition de biens présumée lorsque le contribuable a cessé de résider au Canada». Le préambule au paragraphe 48(1) dit ceci:
- Aux fins de la présente sous-section, lorsqu'un contribuable a cessé de résider au Canada à une
date donnée dans une année d'imposition, après 1971, il est réputé avoir disposé,
immédiatement avant la date donnée, de chaque bien autre
- - puis il y a «biens canadiens imposables» et les autres catégories.
M. Williams: Vous avez peut-être raison, et j'ai peut-être tort, mais j'avais pensé que c'était l'inverse.
Le président: M. Smith voulait intervenir là-dessus.
M. Smith: Monsieur Williams, posez-vous la question dans le contexte de la décision de 1991?
M. Williams: Non, je posais ma question dans le contexte du fait que j'avais l'impression - et peut-être que mon interprétation est mauvaise, mais je pensais l'avoir lue - que des actions de société publique sont imposables lorsqu'une personne quitte le pays, sauf que les biens canadiens imposables sont admissibles au report, et la personne peut soit payer, soit fournir une garantie. On a le choix.
Une voix: C'est l'inverse.
M. Smith: Je voulais tout simplement dire que l'article 48 n'est pas intervenu dans cette décision. Celle-ci est fondée sur d'autres articles de la loi. La question de la fourniture d'une garantie n'était donc pas en cause ici.
Je pense que les paragraphes pertinents sont les paragraphes 107(2) et 107(5); ce sont ceux-là qui sont mentionnés dans le texte de la décision. L'article 48 n'était pas pertinent. Ce n'était pas là la question posée à Revenu Canada.
Quand à la question plus vaste dont on discute depuis le début de l'après-midi - la détermination de ce qu'est un bien imposable canadien - lorsque vous arrivez à l'un de ces articles de la loi qui dit que vous devez décider si un bien constitue un bien canadien imposable, soit lorsqu'une personne quitte le pays, comme ce qui est prévu à l'article 48, soit lorsqu'une fiducie distribue des biens, comme le cas prévu au paragraphe 107(5), qu'est-ce qu'un bien canadien imposable? C'est là l'objet de tout le débat et des opinions sur la question ont été exprimées de part et d'autre.
D'aucuns estiment qu'il est clairement question de biens canadiens imposables tandis que d'autres disent le contraire. C'est là la question de droit à trancher dans le cadre de l'application de la loi ainsi que dans le cadre des audiences du comité.
M. Williams: Merci, monsieur le président.
Le président: Nous allons maintenant entendre quelques brèves observations de M. Goodman.
M. Goodman: Je n'ai pas vraiment pensé que le comité était une cour de justice. Il m'avait semblé que la fonction du comité était d'examiner les questions de politique, qui pourraient être de nature technique. Dans ce contexte, je m'attarderai tout particulièrement sur le document à l'onglet 7, qui est une très courte lettre de M. Alan Short, datée du 23 décembre 1991.
Personne au sein du gouvernement du Canada était mieux renseigné que M. Alan Short sur les politiques fiscales. Et si, avec sa vaste expérience, il a pu dire, catégoriquement, qu'il considérait que la question était close et que résidents et non-résidents peuvent détenir des biens canadiens imposables, alors je ne vois aucune raison d'en douter, surtout après avoir entendu les observations techniques supplémentaires qui ont été faites autour de la table.
Le président: Monsieur Goodman, je suis pour ma part tout à fait d'accord avec vous là-dessus, mais ce ne sera pas le cas de toutes les personnes réunies autour de cette table.
Une voix: Oh, oh!
M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): En effet.
[Français]
M. Loubier: Monsieur le président, lorsque le vérificateur général dénonce une chose, lorsqu'on est mandaté pour faire la lumière sur une autre, lorsque M. Goodman vient nous dire que Revenu Canada a eu raison d'arrêter de poser des questions, il y a un problème qui se pose.
Vous dites que vous êtes d'accord sur les propos de M. Goodman, qui nous dit tout simplement de rentrer chez nous, que Revenu Canada a eu raison d'appliquer la décision comme il l'a fait et qu'il faut ignorer le rapport du vérificateur général. Il y a une limite. Vous êtes spécial.
Le président: Y a-t-il d'autres questions concernant la première, soit celle qui concerne
[Traduction]
la décision en matière d'impôt sur le revenu disant qu'il y avait eu violation de l'intention du législateur?
M. Williams: Il semble, monsieur le président, qu'il y ait chez les témoins deux camps: celui qui dit qu'il y en a eu, et celui qui maintient qu'il n'y en a pas eu. Le professeur Brooks était parfaitement clair et il n'y avait aucune ambiguïté en ce qui concerne...
Le président: C'est toujours le cas avec lui.
M. Williams: Et je l'apprécie énormément.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Dans ce contexte.
M. Williams: Et je pense que M. Laloge a lui aussi dit très clairement qu'à son avis la décision selon laquelle des Canadiens peuvent détenir des biens canadiens imposables est totalement et absolument erronée.
Ai-je raison, monsieur Laloge?
M. Laloge: Parfaitement. Je trouve que la conclusion de M. Short...
Le président: Je vais accorder une minute aux témoins pour qu'ils puissent récapituler avant que nous ne passions à autre chose.
Cela vous va-t-il, monsieur Williams?
M. Williams: Oui, à condition qu'on n'abandonne pas tout simplement la question. J'aimerais savoir quelles questions d'autres députés voudraient poser.
Mme Brushett: Merci, monsieur le président. Je serai très brève, et j'aimerais revenir sur la prémisse de base. Le BCI a-t-il été conçu, a-t-il son origine dans la Loi canadienne sur l'impôt ou bien découle-t-il des conventions fiscales, ou encore a-t-il été conçu en vue de régler des problèmes par rapport à d'autres pays? Voilà donc la question que je vous pose: s'agit-il d'une création de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada ou d'autre chose? J'aimerais connaître l'opinion de chacun là-dessus.
Le président: Je pense qu'une seule opinion suffira. Monsieur Wilkie.
M. Wilkie: Comme nous l'avons déjà dit, il s'agit d'une création de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit d'une façon de décrire le bien afin que le Canada puisse continuer de l'imposer une fois qu'un résident a quitté le pays ou si le bien est détenu par un non-résident.
Mme Brushett: Cela étant, ne pensez-vous pas que cela ne devrait s'appliquer qu'à ces personnes qui se trouvent à l'extérieur du pays...
M. Wilkie: Non.
Mme Brushett: ...c'est-à-dire aux Canadiens qui sont partis? Cela n'a-t-il pas été prévu dans le cadre de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour intervenir lorsqu'une personne quitte le pays, soit par voie d'émigration, soit en vertu de sa non-résidence dans le pays?
M. Wilkie: Non. Comme moi-même et d'autres membres du panel l'ont déjà dit, ce texte est là pour déterminer les pouvoirs en matière d'imposition, et dans le cas des non-résidents, cette règle prévoit des circonstances où des résidents ne seront pas sur place.
Mme Brushett: Combien de personnes au Canada qui continuent de vivre ici vont, selon vous, utiliser cette catégorie des BCI?
M. Wilkie: Eh bien, le BCI est tout simplement un moyen de délimiter ou de décrire une caractéristique donnée d'un bien à des fins fiscales.
Mme Brushett: Oui, mais d'après ce que j'ai compris, c'est un moyen pour le Canada de percevoir des impôts auprès de personnes qui ont quitté le pays.
M. Wilkie: Eh bien, les gens ne s'en servent pas. Ce n'est rien de plus que ce que c'est.
Un bien est un bien canadien imposable s'il présente un certain nombre de caractéristiques qui sont décrites dans la loi. Si le bien présente ces caractéristiques et si un non-résident le vend, alors le Canada peut continuer de l'imposer.
De la même façon, si un résident canadien possède ce genre de bien et quitte le pays avec celui-ci, alors certaines conséquences s'ensuivent.
Mme Brushett: Ma question visait à savoir combien de Canadiens comme moi, vivant au pays, ne paient pas d'impôt, c'est-à-dire utilisent le BCI lors de la disposition de biens en vertu de... Vous qui travaillez dans le domaine, à combien évaluez-vous le nombre de personnes concernées?
M. Wilkie: Je ne dispose d'aucun moyen de mesurer cela statistiquement. Les gens ne s'en servent pas pour éviter de payer de l'impôt. De l'impôt n'est pas à payer à cause de ce dont il s'agit dans certaines circonstances.
Le professeur Brooks: Je pense quant à moi que le concept a été élaboré en vue de s'appliquer aux non-résidents. En d'autres termes, ce qu'on a tenté de définir...
Dans sa réflexion sur les changements qu'il conviendrait d'apporter, le comité devrait garder ceci à l'esprit: vous êtes appelés à déterminer dans quelles circonstances un bien détenu par un non-résident a un lien économique suffisamment fort avec le Canada pour qu'il soit justifié qu'on l'impose lors de son aliénation.
Une fois cela prévu dans la loi, il y a cette autre règle qui dit que lorsqu'un Canadien devient non-résident, il sera réputé s'être défait de tous ses biens.
Puis quelqu'un a dit qu'il s'agissait là d'une règle assez sévère, qu'il ne faudrait peut-être pas que ces personnes soient réputées s'être défaites de tous leurs biens canadiens imposables, car nous percevrons des impôts lorsque ces biens seront véritablement vendus.
C'est alors qu'on a commencé à jongler avec cette règle, et lors de la réforme fiscale, le gouvernement était très préoccupé par la situation des cadres qui traverseraient souvent la frontière.
Si vous me permettez une remarque personnelle, je pense qu'en élaborant cette règle concernant les départs, les rédacteurs ont rendu le système beaucoup trop libéral. Je veux dire par là qu'ils ont commencé avec une prémisse raisonnable, mais qu'ils ont abouti à un système beaucoup trop libéral.
Je pense donc qu'il est juste de dire maintenant, en réponse à votre question, qu'un grand nombre de personnes qui quittent le pays utilisent ces règles, qui leur permettent d'éviter la disposition réputée, en faisant déclarer «bien imposable canadien» le bien concerné, ce qui leur permet d'éviter de payer l'impôt canadien. Je devine qu'un grand nombre de personnes qui prennent leur retraite à l'étranger utilisent ces règles pour payer sensiblement moins d'impôt qu'elles n'en paieraient autrement.
M. Laloge: Dianne, il y a chez les témoins deux camps, et ma réponse à votre question se rapprocherait davantage de celle de Neil: en d'autres termes, ce concept de «bien canadien imposable» n'a vraiment d'intérêt pour le Canadien moyen que lorsque celui-ci quitte ou a quitté le pays.
Cela s'appliquerait à quiconque détient des actions d'une société canadienne privée, possède de l'immobilier au Canada ou détient des actions d'une société publique. Pour la grande majorité des contribuables canadiens, cela n'a aucune importance.
M. Lanthier: Je trouve cette discussion très perverse, car ce n'est pas une question d'évitement fiscal au moyen de biens canadiens imposables. À l'exception du Danemark, qui a une taxe de sortie très générale et très limitée, le Canada est le seul pays... L'URSS a pendant un certain temps imposé des contrôles, et c'était également le cas de l'Allemagne il y a de cela quelques années. En dehors de ces deux pays, le Canada était le seul à imposer une taxe de sortie, jusqu'à ce que l'Australie adopte des règles identiques aux nôtres. Le Canada et l'Australie sont donc les deux seuls pays qui cherchent à percevoir des impôts lorsque quelqu'un quitte le pays.
C'est tourner la question à l'envers que de dire qu'il s'agit là d'un mécanisme d'évitement fiscal et de vouloir déterminer combien d'impôts nous échappent ainsi. Lorsqu'une personne quitte le pays, le Canada impose les gains ou bien conserve son droit de percevoir des impôts. Voilà ce que prévoient les règles canadiennes. Le Canada et l'Australie sont les deux seuls pays à agir de la sorte. Les États-Unis sont en train d'envisager la chose. D'aucuns reprochent à ces règles d'enfreindre certaines conventions internationales relatives à la liberté de circulation des personnes et des capitaux.
Il ne s'agit pas d'évitement fiscal. Il s'agit d'une disposition d'imposition qui permet au Canada de percevoir de l'impôt soit lorsqu'un résident quitte le pays, soit lorsqu'un non-résident liquide le bien.
M. Goodman: En vertu du paragraphe 107(5), lorsqu'une fiducie canadienne qui demeure résidente du Canada distribue des biens à un bénéficiaire de capital non-résident, alors la règle normale veut que la fiducie soit réputée avoir tiré un produit de ces biens. Cependant, cela ne s'applique pas aux distributions de biens canadiens imposables. On parle d'une situation dans laquelle personne ne quitte le pays. La disposition n'est pas le fait d'un non-résident. Par conséquent, certaines des observations qui ont été faites sont clairement erronées.
Le président: Merci, monsieur Goodman.
Monsieur Smith.
M. Smith: Étant donné l'échange que j'ai eu avec M. Brooks à la pause, je pense qu'il y a ici une divergence d'opinion fondamentale. Je pense que M. Brooks perçoit ces dispositions comme étant tout simplement le moyen d'imposer des non-résidents pendant qu'ils sont non-résidents. J'estime quant à moi qu'elles ont un objet politique plus vaste. Ce qu'essaie de faire le Canada c'est d'établir le lien approprié au Canada, afin que celui-ci puisse maintenir son droit de percevoir des impôts à l'avenir, maintenir sa compétence future dans ce domaine. Je crois que ces règles visent les non-résidents et ont également pour objet de dire que si vous avez au départ eu des actions de société privée, alors le Canada veut conserver son droit de les imposer à l'avenir.
On commence avec le lien à des actions de société privée canadienne, et peu importe que vous les convertissiez ou non en actions de société publique: on veut pouvoir les imposer à l'avenir. M. Brooks voit les choses différemment. Il dit non, et il dit qu'on ne doit se pencher sur la question qu'au moment où la personne quitte le pays, peu importe avec quoi elle a commencé au départ.
Je pense qu'il s'agit tout simplement d'une divergence d'opinion sur ce que visait la loi et sur ce que visaient ses rédacteurs, en 1971, lorsqu'ils l'ont écrite.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Smith. Merci, madame Brushett.
Si vous êtes d'accord, j'aimerais faire un bref résumé relativement à la première question. La question est la suivante: la décision rendue par Revenu Canada a-t-elle frustré l'intention du législateur? Si j'ai bien compris, le professeur Brooks dit que oui. M. Laloge dit quant à lui que la décision rendue par Revenu Canada était très bien, mais qu'elle s'appuyait sur une opinion erronée, opinion erronée voulant qu'un résident du Canada ne puisse pas posséder ni détenir de biens canadiens imposables.
Les six autres témoins - M. Spindler, M. Lanthier, M. Goodman, M. Smith, M. Sirkis etM. Wilkie - ne sont pas du tout du même avis que les deux premiers, dont je viens de parler, et estiment qu'en vertu de la loi un résident canadien, dans ces circonstances, devrait être considéré comme possédant des biens canadiens imposables, et que la décision rendue par Revenu Canada ne viole ni ne frustre l'intention du législateur.
Si vous estimez que j'ai mal schématisé vos positions, dites-le-moi.
M. Lanthier: Monsieur le président, si vous me permettez d'ajouter quelque chose, le vérificateur général, bien sûr, n'a pas dit que la décision avait frustré l'intention du législateur. Il a dit qu'elle peut avoir...
Le président: C'est exact.
M. Lanthier: ...frustré l'intention du législateur.
M. Pomerleau: Pas en français.
M. Lanthier: Et M. Loubier a dit que la décision a été dénoncée par le vérificateur général. Elle n'a pas été dénoncée. Le vérificateur général a dit que l'on peut arguer ceci ou arguer cela. Nous pensons quant à nous que si vous preniez cette interprétation de la loi, vous obtiendriez un résultat différent, ce qui est clairement le cas. Il a dit que la décision peut avoir frustré... Il a soulevé la possibilité.
Le président: Vous avez parfaitement raison. Il a dit qu'elle pouvait avoir...
M. Pomerleau: Pas en français. En français, il affirme que c'est le cas.
Le président: Très bien.
On est d'accord, monsieur Williams?
M. Williams: Avant qu'ils ne fassent un résumé, monsieur le président, j'aimerais...
Le président: Je ne vais pas leur demander de faire un résumé, car je pense que nous avons couvert tout cela.
M. Williams: Il me reste deux questions auxquelles j'aimerais qu'on me donne des réponses.
Le président: Combien de temps cela prendra-t-il?
M. Williams: Pas beaucoup, j'espère.
Le président: Pourriez-vous m'en donner une petite idée, car il faut songer à...
M. Williams: Il s'agit de questions simples, et j'ose espérer que...
Le président: Très bien.
M. Williams: ...nous pourrons obtenir des réponses assez directes.
M. Laloge a dit que les paragraphes 48(2) et 48(3) ont été remplacés à un moment donné, mais qu'ils stipulent très clairement que le BCI doit faire l'objet d'un choix exercé lorsque la partie concernée quitte le pays.
Ai-je raison de dire cela, monsieur Laloge? Pourriez-vous me préciser ce que disaient autrefois les paragraphes 48(2) et 48(3)?
M. Laloge: Pour certaines catégories de biens, il y a un choix, et des biens telles des actions de société publique peuvent être incluses dans la catégorie «biens canadiens imposables» après votre départ. Voilà ce que disait l'ancien paragraphe 48(1).
M. Williams: Quand cela a-t-il disparu?
M. Laloge: Cela n'a pas disparu. C'est plutôt devenu le nouveau paragraphe 128(1).
La loi n'a pas disparu. L'intention n'était pas de donner l'impression que la loi avait changé de façon dramatique. Le libellé a changé, mais l'article demeure le même.
Les autres passages que j'ai cités, soit les paragraphes 48(2) et 48(3) de l'ancienne loi, sont ceux pour lesquels l'avis de M. Short me pose le plus de problèmes.
M. Williams: Quelqu'un aurait-il quelque chose à dire là-dessus?
Le président: Non.
M. Williams: Cela étant, l'article 54 de la loi, qui traite de la disposition de biens, parle de la disposition de biens autres que par le transfert de biens à une fiducie résidente, à une fiducie non résidente, etc.
Y avait-il une disposition en vertu des paragraphes 54 c) et 54 e)?
Monsieur Brooks, auriez-vous quelque commentaire à faire là-dessus?
Le professeur Brooks: Eh bien, s'il y avait disposition, ils recouraient au roulement qui est explicitement prévu dans la loi, au paragraphe 107(5). Une façon de répondre est de dire qu'il y avait une disposition, mais que la loi prévoyait la non-reconnaissance du gain dans ces circonstances.
M. Williams: Donc, il y a une disposition, mais il n'y en a pas?
Le professeur Brooks: Non, il y avait une disposition, mais ce n'était pas reconnu à cause d'un paragraphe de la loi, notamment le paragraphe 107(5).
En vertu des principes généraux, il y a eu disposition. Des biens ont changé de mains. Mais dans certaines circonstances, la loi ne reconnaît pas une telle disposition, en règle générale pour une raison de politique ou parce qu'il a été décidé que la propriété et le bénéficiaire des biens n'ont pas suffisamment changé.
En effet, lorsqu'il y a transfert de biens d'une fiducie à un bénéficiaire, on peut décider qu'il n'y a pas suffisamment de changements dans le «beneficial ownership» de ce bien. Par conséquent, il n'y aura pas reconnaissance de gains par suite de la disposition. C'est ce qui est prévu au paragraphe 107(5) de la loi.
M. Williams: Mais ils font tout particulièrement état du cas du transfert d'une fiducie résidente à une fiducie non résidente...
Le professeur Brooks: Oui.
M. Williams: ...et vous dites qu'il s'agit d'un cas bien particulier et que le paragraphe 107(5) l'emporte sur...
Le professeur Brooks: Le paragraphe 107(5) envisage cette possibilité et dit que dans de telles circonstances, le gain ne sera pas reconnu.
Le président: Merci, monsieur Williams. Cela conclut donc...
Le professeur Brooks: Et la question est alors celle... Excusez-moi, monsieur le président, mais je tiens à ce que les choses soient bien claires: intervient alors la question de l'interprétation pour ce qui est de cette exception, selon que l'intéressé a ou non droit à cette exonération, et qu'il s'agit ou non de biens canadiens imposables. La question est de savoir si l'intéressé a droit à l'exemption, et il n'y a droit que s'il s'agit de biens canadiens imposables. C'est là la question.
M. Williams: Je sais ce que vous pensez.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Williams.
Finissons-en donc avec cette partie. En ce qui concerne la déclaration du vérificateur général, selon laquelle cette décision a peut-être frustré l'intention du législateur en matière d'imposition des gains en capital, il n'y a pas du tout unanimité parmi nos experts, sauf pour une question: la loi n'est pas très claire et elle est fort ambiguë.
Dans de nombreux cas, le sens est déterminé par le contexte de la loi. Il n'est pas déraisonnable que des gens de bonne foi ne s'entendent pas sur ce qu'est la loi, mais l'opinion de la grande majorité des experts réunis ici ce soir est que la décision rendue n'a pas frustré l'intention du législateur.
Je propose donc que nous passions maintenant à la deuxième question. J'inviterai Rod Spindler à nous faire un bref exposé là-dessus. Si je fais appel à Rob pour cela, c'est que non seulement il travaille pour Coopers & Lybrand, mais il est également président du comité de la fiscalité de l'Institut canadien des comptables agréés. Il est également président du comité mixte sur la taxation de l'Association du barreau canadien et de l'ICCA.
Monsieur Spindler, vous nous avez saisis d'un certain nombre d'inquiétudes que vous avez quant à l'effet que cette décision pourrait avoir sur tout le processus de décisions anticipées qui a été adopté et élargi par Revenu Canada par suite d'exhortations répétées du vérificateur général lui-même.
M. Spindler: Merci beaucoup. J'imagine, monsieur Peterson, que le comité et ses membres - et je parle ici pour le comité mixte et pour Don Watkins - avaient deux principales préoccupations.
Ils étaient très préoccupés par le rapport du vérificateur général et par la façon dont on procédait. Ils étaient tout particulièrement préoccupés par le fait que le rapport fasse deux choses qui soient susceptibles de porter préjudice à un processus qui est très précieux, et pour le gouvernement et pour les contribuables.
Je pense que la question de la confidentialité va être abordée un petit peu plus tard.
Le président: Si vous voulez parler de la question de la confidentialité et de l'impact sur le processus des décisions, c'est à vous de décider.
M. Spindler: Très bien. Dans ce cas, je vais laisser cela de côté.
Je pense que les experts partout au pays tiennent à ce que le processus des décisions ne subisse pas de préjudice. Il s'agit d'un processus qui fonctionne bien à l'heure actuelle. Comme dans le cas de tout processus, des améliorations sont possibles, mais la possibilité de communiquer librement et ouvertement avec Revenu Canada et d'obtenir ses opinions sur des lois toujours plus complexes est un élément essentiel du bon fonctionnement du système fiscal.
Cela est important et pour le gouvernement et pour les contribuables. Les contribuables jouissent d'une certitude en matière de traitement et le gouvernement jouit d'une certitude en matière d'impôts et d'une fenêtre sur ce qui se passe dans les milieux financier et des affaires . Il s'agit d'un processus auquel nous tenons énormément. Or, celui-ci pourrait subir un préjudice dans tout ceci. La crainte est que les agents des décisions hésitent de plus en plus à se pencher sur des questions autres que très élémentaires, pour lesquelles l'on n'a pas besoin de décisions.
Je ne prétends pas un seul instant qu'il ne devrait pas y avoir une enquête approfondie sur la question, mais je pense qu'il faut reconnaître, comme cela a été révélé ici, que Revenu Canada s'est comporté d'une façon appropriée. C'est à peu près tout.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Spindler.
Monsieur Laloge.
M. Laloge: J'ai les mêmes préoccupations que Rob. Je crains également que dans le cas qui nous occupe ici la façon dont certaines questions ont été soulevées nuise à la perception qu'a le public de notre régime fiscal. Il est important que le Comité des finances soit perçu comme s'occupant du dossier.
Lorsque vous avez dit que la deuxième question concernait l'incidence, vouliez-vous parler de l'incidence financière de la décision sur le régime fiscal ainsi que des autres effets?
Le président: Je serais heureux d'entendre toutes les observations que vous auriez à faire, mais la grosse question, d'après ce que j'ai lu et entendu, me paraît être celle de savoir ce qui se passe si une décision rendue par Revenu Canada est publiquement attaquée par quelqu'un d'autre qu'une cour. Revenu Canada se lancera-t-il aussi énergiquement dans le processus d'établissement de décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu lorsque ce sont des contribuables qui cherchent à se mettre à l'abri de l'incertitude à l'intérieur du système ou qui ont le droit de demander aux autorités fiscales comment ils vont percevoir et traiter une transaction future, si celle-ci sera imposable ou non et de quelle façon?
Si ces décisions vont être assujetties à ce genre de critique, est-ce sain pour le système? Est-ce malsain pour le système? Devrait-on favoriser une multiplication des décisions anticipées, comme semblait le recommander le vérificateur général? Devrait-on les rendre publiques, ce qui était sa suggestion il y a de cela quelques années et ce qui, je pense, est très...
[Français]
M. Loubier: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
J'ai trois questions à vous poser par rapport à ce que vous venez d'affirmer, monsieur le président.
Premièrement, êtes-vous ici pour justifier les agissements et la décision de Revenu Canada sans vouloir faire la lumière sur le cas de 1991? Voilà ma première question.
Voici la deuxième: quand vous parlez de préjudice, il y en a eu un, selon le vérificateur général, qui a été causé à l'ensemble des contribuables canadiens. Il a pu y en avoir d'autres, par la suite, basés sur le précédent créé en 1991, ce qui fait qu'il y a peut-être eu d'autres centaines de millions ou des milliards de dollars qui sont sortis du Canada en franchise d'impôt.
Les autres contribuables canadiens, les contribuables à revenu moyen qu'on égorge depuis une quinzaine d'années au Canada par des taxes et des impôts qui augmentent presque à tous les ans ont, eux aussi, droit à une certaine justice. Ils ont aussi droit à un certain éclairage. Ce sont eux qui paient. Ce sont les autres qui n'ont pas payé, monsieur le président.
Alors, quand vous parlez de préjudice, parlez du vrai préjudice, celui qui est causé par des décisions comme celles-là, sur lesquelles vous refusez de jeter un véritable éclairage au sein du Comité des comptes publics et qui sont préjudiciables aux Canadiens.
Troisièmement, est-ce qu'on va finalement analyser le cas de façon objective ou si vous êtes ici uniquement pour justifier l'inertie du gouvernement, pour protéger des gens?
Il faut faire attention, monsieur le président. Si vous voulez continuer à faire des enquêtes de cette sorte au niveau du cas et du mandat qui nous est donné par le ministre des Finances, il va falloir que vous soyez un peu plus objectif que vous ne l'avez été au cours des dernières minutes.
Le président: Monsieur Loubier, nous aurons l'occasion, d'ici une demi-heure ou une heure, de proposer des amendements. Est-ce que les Canadiens et Canadiennes ne sont pas pris? Est-ce qu'on pourrait avoir un système plus efficace, plus juste et plus équilibré? J'attends avec grande impatience vos suggestions d'amendements.
M. Loubier: De mon côté, j'attends avec grande impatience, monsieur le président, que vous agissiez en toute objectivité pour qu'on fasse toute la lumière sur ce cas-là au lieu d'essayer de noyer le poisson en calculant une moyenne arithmétique et en disant qu'il n'y a pas de problème puisque la majorité des spécialistes sont d'accord avec Revenu Canada. Ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder lorsqu'on fait une vraie investigation et qu'on a la volonté politique de jeter un éclairage sur une décision qui a été jugée préjudiciable par le vérificateur général.
Le président: Je suis prêt à recommencer, mais quelqu'un m'a demandé quelle était la question précise. C'est un aspect de la question. L'autre aspect est ce qu'a exactement déclaré le vérificateur général. Vous avez devant vous des notes qui vous rappellent que ce qu'il a fait a vraiment augmenté le pouvoir de Revenu Canada de présenter des opinions.
M. Loubier: Il est possible que le vérificateur général ait mis en lumière un cas fort important parmi d'autres, un évitement fiscal portant sur des actifs de deux milliards de dollars. Peut-être que cela vous ouvrira les yeux ou ouvrira ceux des contribuables sur le système qui est en place, sur des décisions anticipées que le vérificateur général, dès 1993, par souci d'équité, demandait de rendre publiques plutôt que de les laisser aux mains de certains initiés qui auraient pu prendre connaissance, par exemple, de la décision de 1991.
Comment se fait-il que le vérificateur général demandait depuis 1993 qu'on rende toutes ces décisions anticipées publiques et que, dans ce ce cas particulier d'un transfert de deux milliards de dollars, on a rendu la décision publique seulement en mars 1996?
Ces questions ne vous intéressent pas, vous, comme membre du gouvernement?
Le président: Elles m'intéressent beaucoup.
M. Loubier: Ah oui?
Le président: C'est la raison pour laquelle nous avons convoqué cette table ronde et avons invité, en vous donnant la possibilité d'en faire autant, les vrais experts que nous avons ici et qui sont respectés partout.
M. Loubier: Je n'en doute pas, monsieur le président.
Le président: C'est la raison pour laquelle nous leur avons demandé leur opinion concernant cette situation.
M. Loubier: Monsieur le président, je n'ai jamais remis en cause l'expertise des gens qui sont devant nous. Jamais. Ce que j'ai remis en question, c'est la possibilité qu'ils puissent nous donner une opinion tout en étant liés, d'une façon directe ou indirecte, à une décision anticipée prise en 1991 qui a créé un précédent, lequel a pu servir dans d'autres causes. Je n'ai jamais remis en question la compétence de ces personnes. Au contraire, monsieur le président, j'ai dit que ces gens étaient tellement experts qu'ils gagnaient leur vie en proposant des solutions pour éviter de payer de l'impôt. Voilà.
Le président: J'espère que nous pourrons aborder la question fondamentale: devons-nous modifier le code fiscal?
M. Loubier: Absolument.
Le président: Monsieur Laloge.
[Traduction]
M. Laloge: Je pense que je vais décomposer la question du préjudice causé au système dans trois domaines. Revenu Canada donne des avis négatifs. En d'autres termes, il reçoit des demandes qu'il rejette pour différents motifs, mais je ne sais pas si le pourcentage atteindrait les 50 p. 100 qui ont été mentionnés. Revenu Canada devrait continuer de ne pas hésiter à les émettre. À l'heure actuelle, les représentants des contribuables le critiquent rondement lorsqu'il en émet.
Deuxièmement, il y a les décisions que Revenu Canada retient, en un sens. Il s'agit ici des cas où il fait savoir au contribuable, de façon informelle, que la décision ne sera pas favorable, et le système se fige. Pour dire les choses simplement, il s'agit de cas qui ne valent pas la peine qu'on s'en préoccupe, car le coût des décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu est payé par les contribuables.
Il y a des cas où les décisions sont publiées dans l'intérêt du public, et si toutes les décisions étaient publiées alors les députés, les membres du comité auraient l'occasion de constater si le processus fonctionne.
La crainte de M. Spindler que ces décisions puissent avoir une valeur commerciale moindre ou une valeur personnelle moindre pour les contribuables, le ministère cessant de réagir de la même façon et le fardeau de la preuve étant plus lourd, est une chose sur laquelle il nous faudra nous pencher.
Si le processus des décisions devenait sensiblement plus coûteux pour les entreprises canadiennes de taille moyenne ou les contribuables canadiens qui n'ont pas les moyens de ceux visés par la décision qui nous occupe, le processus nous échapperait, et c'est une crainte tout à fait légitime.
M. Spindler: Ken, j'aimerais revenir ici sur quelque chose. Bien que ce soit une conséquence possible, je ne suis pas tant préoccupé par un ralentissement du processus ou par une augmentation du coût. Ce que je crains, c'est que Revenu Canada soit porté à ne tout simplement pas rendre de décisions.
Je ne voudrais pas qu'il refuse de rendre des décisions dans une vaste gamme de circonstances, craignant que s'il tranche en faveur du contribuable - nonobstant le fait que ce soit la bonne interprétation ou son opinion éclairée à ce moment-là - son choix soit systématiquement reconsidéré dans le cadre de processus semblables au rapport du vérificateur général. Cela pourrait amener une personne à se dire: «Pourquoi ferais-je cela? Pourquoi m'exposerais-je à cela? Pourquoi ne pas tout simplement décider de ne pas me prononcer et de laisser faire le contribuable. Il peut faire ce qu'il veut». Voilà ce qui me préoccupe.
Le président: Merci, monsieur Spindler.
Monsieur Lanthier.
M. Lanthier: Monsieur le président, j'aurais un bref commentaire à faire. Une observation au sujet de la décision de 1991 a été répétée de nombreuses fois dans la journée et ce soir: combien de compagnies ont pu en profiter, ont pu s'en servir?
La décision de 1991 n'a pas de valeur du tout. Si la fiducie a quitté le Canada, elle détient des actions d'une société privée; il s'agit de biens canadiens imposables. Il y a un échange d'actions contre des actions, et l'alinéa 85(1)i) s'applique. Je ne pense pas que quiconque autour de cette table, pas même M. Brooks, contesterait cela.
Cette décision est tout simplement très étrange et étant donné les montants très importants dont il est question, cela a créé beaucoup de controverse. Mais la décision n'a aucune valeur. Elle n'a pas été commercialisée par des initiés qui auraient été au courant, car elle n'a aucune valeur. Les règles visant les biens canadiens imposables sont relativement simples, même si certaines des discussions qu'on a eues ont peut-être donné l'impression contraire.
Monsieur le président, quant à l'effet du rapport sur des décisions futures et à la question de la confidentialité, je pense que l'avis universel chez les fiscalistes est qu'il y a un danger très réel que le rapport du vérificateur général ait porté un grave préjudice au système des décisions.
Le rapport du vérificateur général s'est attardé sur deux décisions. Il y en a environ 500 par an. Il a couvert la période de 1985 à 1991, alors on parle ici de près de 3 000 décisions, et le vérificateur général s'est concentré sur deux seulement d'entre elles.
Le rapport manque d'objectivité et d'équilibre et son auteur a arrêté sa position en se fondant sur une interprétation technique très discutable des dispositions de la loi. En conséquence, les fonctionnaires du ministère du Revenu ont été très sérieusement et très injustement critiqués. Et comme l'ont dit Rob et Ken, la vraie crainte est que surgisse le syndrome de la forteresse assiégée, avec des décisions qui ne pourront tout simplement pas être... les gens passeront leur temps à surveiller ce qui se passe derrière eux pour savoir si le vérificateur général va intervenir et contester une position donnée.
Si une question est simple, il n'y a aucune raison de recourir à des décisions. Le service des décisions est là pour s'occuper des questions complexes, ce qui est à l'avantage et de Revenu Canada et du contribuable canadien.
Outre les autres avantages dont les experts ici réunis ont fait état, cela réduit les coûts d'observation des contribuables. Cela réduit les coûts d'observation de Revenu Canada, car les résultats des transactions sont connus à l'avance.
Cela donne des certitudes aux contribuables confrontés à des lois de plus en plus complexes et protège l'assiette fiscale canadienne grâce à des refus, rejets, ou retraits de demandes , dont Ken a parlé.
En ce qui concerne la confidentialité, tout ce que j'aimerais dire c'est que je suis du même avis que M. Loubier. Nous voulons la transparence. C'est ce que le vérificateur général a suggéré en 1993.
D'après ce que j'ai compris, le programme s'est embourbé sur plusieurs mois. En novembre dernier, lors de la conférence annuelle de l'Association canadienne d'études fiscales, Mike Hiltz a annoncé qu'à compter du 1er janvier toutes les décisions seraient publiées sous une forme épurée. Il y a eu certains retards d'ordre administratif, mais si j'ai bien compris, toutes les décisions, comme c'est le cas aux États-Unis, seront publiées, et ce dans un avenir très proche.
Le président: C'était une suggestion du vérificateur général que les décisions soient rendues publiques?
M. Lanthier: C'est exact.
Le président: Merci, monsieur Lanthier.
Monsieur Goodman.
M. Goodman: Monsieur le président, je suis très choqué que le rapport du vérificateur général semble traiter d'une famille en particulier. Il n'y a pas beaucoup de familles qui possèdent un avoir de cette envergure et qui ont des bénéficiaires aux États-Unis, et l'on peut donc procéder par élimination. Je pense que cela est très néfaste pour le processus de production et d'émission de décisions et que le vérificateur général aurait très bien pu éviter cela en couchant ses remarques d'une façon plus discrète.
Deuxièmement, je pense - et cela rejoint des observations faites par d'autres précédemment - que de façon générale le vérificateur général devrait refuser de reconsidérer les activités de Revenu Canada relativement à ses décisions. Bien sûr, dans les cas plus énormes où il pense qu'il y a eu des erreurs ou que la décision est clairement erronée, il a pour responsabilité de porter cela à l'attention du Parlement et du public. Dans le cas qui nous occupe ici, il semble qu'il se soit appuyé sur ses propres experts internes.
J'ai été consulté par le vérificateur général, bien que je me trouve ordinairement en face du gouvernement, en situation contradictoire. J'ai néanmoins été consulté de temps à autre relativement à l'ébauche de chapitres d'un rapport devant être publié par le vérificateur général.
Il me faut poser la question suivante: dans ce cas précis, où la question était quelque peu délicate, c'est le moins qu'on puisse dire, n'aurait-il pas été approprié pour le vérificateur général de mener des consultations à l'extérieur du gouvernement avant d'arriver à une conclusion devant ensuite être rendue publique d'une façon aussi délétère?
Le président: Merci, monsieur Goodman.
Monsieur Smith.
M. Smith: Merci, monsieur le président.
Je pense que ce que nous avons ici c'est un exercice visant à équilibrer deux considérations. D'un côté, il y a le rôle du vérificateur général et celui des députés, qui tiennent à s'assurer que les fonctionnaires s'acquittent bien de leurs tâches. De l'autre côté, il y a Revenu Canada qui est chargé d'administrer et d'appliquer la Loi de l'impôt sur le revenu. Leur rôle - en tout cas c'est ainsi que je le perçois - est de ne pas être arbitraire. Dans l'exécution de leurs tâches, ils sont censés être raisonnables dans leurs décisions et faire preuve de jugement. Ils n'ont pas à être capricieux, ni arbitraires. On leur demande d'essayer d'être objectifs et raisonnables.
Les questions qui leur sont soumises sont des questions de jugement. Elles ne sont pas faciles. Ce sont les questions difficiles qui leur sont renvoyées. Vous ne demandez pas une décision si la question est simple. Vous le faites s'il s'agit d'une question difficile. La nature même de leur travail exige qu'ils fassent preuve de jugement.
Certains ont dit cet après-midi que différents groupes de personnes qui ont eu un rôle à jouer dans la décision ont peut-être manqué de jugement. D'autres intervenants ont dit le contraire.
La préoccupation que moi-même et d'autres avons maintenant est la suivante: il faut assurer un équilibre entre la nécessité d'un chien de garde comme le vérificateur général et les députés, pour veiller à ce que Revenu Canada s'acquitte bien de ses tâches, et la nécessité pour Revenu Canada d'être objectif et de faire preuve de jugement.
Si je me fonde sur mon expérience personnelle, demander une décision en matière d'impôt sur le revenu c'est comme subir une vérification. Chaque jour, Revenu Canada mène des vérifications sur le terrain auprès de nombreux contribuables.
Mais lorsque vous demandez une décision, c'est comme subir une vérification préalable. Vous leur donnez tous les faits et vous leur demandez de faire leur vérification à l'avance et de formuler leur jugement à l'avance.
Lorsque vous demandez une décision, les personnes avec lesquelles vous traitez sont, selon mon expérience... Certains des plus doués des éléments de Revenu Canada aboutissent à la direction des décisions en matière d'impôt, à Ottawa. Ce que j'ai constaté, c'est qu'ils vont systématiquement vous mettre à l'épreuve. Ils ne tiennent rien pour acquis. Il vous faut les convaincre. Ils vous demandent d'appuyer chacun des arguments que vous avancez.
Selon mon expérience, ils demandent souvent une opinion juridique aux avocats du ministère de la Justice. Ils vont souvent aller se renseigner auprès du ministère des Finances pour tenter de cerner la politique, lorsque celle-ci ne ressort pas clairement des autres sources publiques. D'après mon expérience, ils sont très rigoureux dans leur évaluation du processus et ils s'efforcent d'agir avec discernement.
Le problème est que lorsqu'un dossier comme celui-ci attire autant d'attention, la réaction de ces personnes, qui ne sont que de simples humains, est de vouloir se retirer et de dire: «Si on va me faire subir tout cela, c'est beaucoup plus simple de dire non que de donner un jugement en essayant d'équilibrer le tout. Il est beaucoup plus facile de tout simplement dire non».
Si cela porte atteinte au processus en ce sens qu'ils arrêtent de faire ce qu'ils font, nous aurons perdu beaucoup, car pouvoir obtenir des certitudes relativement à certaines questions très difficiles est une chose extrêmement précieuse lorsqu'on veut mener à bien des transactions. Il s'agit en même temps d'une fenêtre très précieuse pour Revenu Canada pour voir très tôt ce qui se passe dans tous les secteurs d'activité des Canadiens et pour bien comprendre l'incidence de ces activités sur l'impôt. Il s'agit là d'une fonction très importante.
Voilà les commentaires que j'avais à faire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Smith.
Monsieur Sirkis.
M. Sirkis: Merci.
J'aimerais souligner ce que les autres ont dit relativement à l'effet néfaste que le rapport du vérificateur général pourrait avoir sur la division des décisions.
Dans la façon dont il est présenté, le rapport dit une chose aux personnes qui sont sans cesse en train de négocier avec des avocats et des comptables de l'extérieur, c'est-à-dire la division des décisions. Il dit que lorsqu'il y a ambiguïté il ne faut pas prendre une position qui est favorable au contribuable. Il le dit en caractères gras, et nous autres, membres de la profession, nous attendrons dorénavant à cela dans nos relations avec Revenu Canada.
Je dirais que le rapport du vérificateur général est très déséquilibré. Les déclarations qui y sont faites sont vraisemblablement incendiaires. L'annonce du chiffre de 2 milliards de dollars relève, je pense, d'un calcul visant tout simplement à attirer l'attention, car s'il n'avait jamais été question de ce montant, on n'aurait sans doute jamais prêté autant d'attention à cette transaction. Or, si l'intéressé avait des problèmes avec le processus ou le mécanisme, il aurait dû avoir le même résultat dans le cadre de ses relations avec le Parlement et avec les ministères.
Du point de vue de la profession, en tout cas de notre point de vue, dorénavant, notre conseil général sera de prendre son temps et de bouger très lentement si l'on veut poser des questions à la division des décisions en matière d'impôt sur le revenu.
Je pense qu'il y a un malentendu quant au rôle de la division des décisions. Celle-ci a pour fonction d'aider lorsqu'il y a ambiguïté, d'aider dans le cas de transactions commerciales ainsi que de transactions comme celle-ci. Les transactions commerciales qui sont souvent portées à l'attention de la division des décisions sont des transactions qui vont bénéficier au pays en plus de produire un gain privé.
Il y a de ceux qui ont l'impression que de ce côté-ci de la table on se consacre entièrement à l'élaboration de mécanismes pour permettre aux gens d'éviter de payer de l'impôt. La division des décisions a une fonction, et celle-ci est de veiller à ce que le système fonctionne. Les bénéficiaires du système, si celui-ci fonctionne bien, ce sont tous les contribuables du pays.
Le président: Merci, monsieur Sirkis.
Monsieur Wilkie.
M. Wilkie: Je ne saurais pas dire de façon plus éloquente ce qui a déjà été dit par MM. Smith et Sirkis.
Je me contenterai de souligner un autre aspect qui devrait être clair mais qui ne l'est, je pense, pas. Il n'est pas clair parce qu'il semble qu'il soit sous-entendu que par le biais de ce processus de décision la division des décisions en matière d'impôt sur le revenu de Revenu Canada a fait une dépense mal avisée en émettant cette décision.
Le processus des décisions n'est pas un processus grâce auquel des lois sont créées à l'extérieur du processus législatif. Il ne s'agit pas non plus d'un processus grâce auquel on fait preuve de largesse à l'égard de ceux et celles qui en font la demande et dans le cadre duquel les fonctionnaires du ministère du Revenu sont convaincus qu'ils méritent cette générosité. Il s'agit en fait, comme l'a dit M. Smith, d'un système de prévérification ou de préévaluation dans le cadre duquel les contribuables et les fonctionnaires tentent de prévoir quelles sont et quelles seront les questions épineuses dans le contexte de leurs transactions ou de leurs affaires. Ils s'efforcent de les résoudre à l'avance, d'une façon constructive et réfléchie, avant que des engagements ne soient pris ou par les contribuables ou par les autorités, surtout lorsque les choses sont complexes. Ce n'est rien de plus que cela. Je pense qu'il est important de garder cela à l'esprit.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilkie.
Et maintenant, le dernier, mais non le moindre, Neil Brooks.
Le professeur Brooks: Je pourrai peut-être dire quelques mots au sujet des préoccupations en matière de confidentialité également. Le devrais-je, ou bien...
Le président: Laissez-le faire cela, car seule une personne...
Le professeur Brooks: Très bien. Si nous allons y revenir.
Le président: Nous allons revenir là-dessus.
Le professeur Brooks: Dans ce cas, permettez-moi de parler du processus des décisions.
Encore une fois, je pense que ce processus des décisions joue un rôle très utile et fonctionne bien de façon générale. Cependant, je n'ai aucun problème dans ce cas-ci avec le rapport du vérificateur général. Il me semble que c'est Revenu Canada qui est chargé d'exécuter la loi.
Le Parlement a, certes, le droit de se prononcer sur la qualité de ce travail. Le vérificateur général a non seulement pour rôle, mais également pour responsabilité, de dire au Parlement dans quelle mesure Revenu Canada s'acquitte bien de ses fonctions quant à l'application de la loi.
Je pense que ce chapitre et que cette décision font ressortir un certain nombre de préoccupations relativement au processus d'exécution de la loi, et le Parlement a le droit d'en être informé. Il me semble que l'on ne peut pas mettre le processus à l'abri, de peur que cela ne décourage certains de demander des décisions anticipées.
En dehors du fond, dont nous avons traité, c'est-à-dire de la question de savoir si c'est bien ou mal - et je pense que cela soulève déjà une question, si Revenu Canada rend des décisions dans des cas du genre - permettez-moi d'aborder deux autres questions. Je pense que de nombreuses autres questions sont soulevées par le processus de décision dans cette affaire en particulier, mais je vais me contenter d'en mentionner deux.
Tout d'abord, il s'agit ici d'un cas très particulier parce qu'il concernait non seulement un résident canadien qui devenait un non-résident, mais également un résident canadien qui transférait des biens à un non-résident, les deux étant dans ce cas-ci des fiducies. Ce qui rend les choses très difficiles est que même si l'on accepte l'hypothèse qu'il s'agissait de biens canadiens imposables - et je ne pense pas que c'était le cas, mais admettons-le aux fins de la discussion - le non-résident qui a acquis ces biens dans ce cas-ci aurait pu les liquider dès le lendemain.
En vertu de la convention fiscale, le Canada n'aurait pas perçu d'impôt car, tout d'abord, cette fiducie non résidente n'avait pas été résidente du Canada au cours des dix années antérieures. Deuxièmement, la fiducie non résidente n'était pas propriétaire des biens lorsqu'elle est devenue un non-résident. La disposition en vertu de l'entente protégeant l'impôt canadien ne s'appliquait donc pas. Par conséquent...
Le président: Excusez-moi, je ne veux pas vous interrompre, mais nous allons aborder un peu plus tard la question des changements qui devraient être apportés à la loi.
Le professeur Brooks: Non, non, je sais cela. J'ai tout simplement une meilleure idée. Cela concerne le processus de décision.
Ce que Revenu Canada a fait dans ces circonstances difficiles - et cela prouve bien que les fonctionnaires étaient préoccupés par les conséquences de ce qu'ils faisaient - c'est obtenir auprès des contribuables un engagement et une renonciation. Cela me préoccupe énormément.
Il me semble que cela signifie que Revenu Canada estime qu'il peut en définitive infléchir la loi tant et aussi longtemps qu'il obtient un engagement et une renonciation qui aboutissent à ce qu'il estime être le résultat désiré. Je ne pense pas que ce soit là la responsabilité du ministère. Sa responsabilité est d'appliquer la loi et la convention fiscale et de ne pas négocier d'entente avec les contribuables en vue d'obtenir un résultat qui leur conviendrait, même si la loi dit que ce ne devrait pas être le cas.
Peut-être que le mécanisme de l'engagement ne pouvait pas être mis en application. Cela aurait exigé que le contribuable cède quelque chose qui lui revenait en vertu de la convention. Bien franchement, je ne peux pas imaginer que cela aurait pu être mis en application.
Voilà donc un aspect de cette décision qui me préoccupe, soit l'utilisation d'un engagement et de renonciations dans le processus d'établissement de décisions, et je pense que le comité devrait s'y pencher.
Deuxièmement, je suis très troublé par le rôle joué par le ministère des Finances en donnant des conseils sur ces décisions. Le rôle du ministère du Revenu est d'exécuter la loi, et il a structuré le processus de façon à mettre ses jugements à l'abri des pressions politiques.
Le rôle du ministère des Finances, quant à lui, est de formuler la politique fiscale. Il s'agit là d'une tâche qui est truffée de politiques fiscales, et c'est pourquoi je m'inquiète lorsque le ministère des Finances intervient non pas dans l'élaboration de politiques mais bien dans l'application de la loi, en donnant des conseils à Revenu Canada.
À un certain niveau, qu'est-ce que cela peut faire, en effet, ce que Len Farber ou quelqu'un d'autre pensait qu'ils voulaient faire lorsqu'ils ont rédigé l'article? La question juridique est celle de savoir s'ils l'ont fait? C'est là la question à laquelle doit répondre le ministère du Revenu. Il s'agit d'une question juridique. Je n'aurais pas pensé qu'on vous aurait beaucoup aidés si vous aviez demandé à quelqu'un au ministère des Finances quelle avait été son intention lorsqu'il a rédigé l'article. Ce n'est pas de cette façon que l'on règle les problèmes d'interprétation. Et étant donné les énormes possibilités d'ingérence politique qui existent dans le cas d'un processus comme celui-ci, je pense que cela laisse une mauvaise impression quant à l'intégrité du processus.
J'aurais pensé qu'une autre question sur laquelle le comité voudrait se pencher serait celle du rôle qui devrait revenir au ministère des Finances en matière de conseils à donner au ministère du Revenu pour les décisions anticipées. Je pense qu'il y a là au moins une apparence de possibilité d'ingérence politique, et cette apparence ne devrait pas être là.
Le président: Merci, monsieur Brooks. Des députés auraient-ils des observations à formuler?
[Français]
M. Loubier: J'avais prévu une autre réunion depuis longtemps et j'aimerais faire deux petits commentaires avant de quitter et de laisser la place à mes collègues qui eux, vont continuer.
Le président: Monsieur Loubier, nous ne pouvons pas fonctionner sans vous.
M. Loubier: Je n'en suis pas sûr. De toute manière, monsieur le président, j'ai une autre réunion aussi importante.
Plus tôt, j'entendais M. Goodman qui disait que le vérificateur avait frappé de plein fouet la crédibilité du processus. Il faut le faire!
Le vérificateur général est quelqu'un de très respecté et très respectable, qui présente son rapport le Parlement, et chaque fonctionnaire est imputable des décisions qu'il a à prendre, les décisions d'administration ou les décisions d'influence, comme le soulignait M. Brooks plus tôt, en ce qui a trait au ministère des Finances dans le processus qui a conduit à la décision de 1991.
Vous disiez que Revenu Canada se sentirait assiégé. J'ai mon voyage! Je n'ai jamais entendu une chose aussi déplorable. Parce qu'on a mis le doigt sur une décision douteuse, il ne faudrait pas en parler, tenir les gens dans l'ignorance et, comme l'ont dit MM. Goodman et Smith, laisser l'avenir de décisions concernant des milliards et des centaines de millions de dollars entre les mains de vos brillants fonctionnaires du ministère du Revenu national et du ministère des Finances?
Il y a toujours une limite! Il y a un système, et je ne suis pas certain qu'il faille le maintenir tel qu'il est. Il y a une poignée d'initiés, des fiscalistes et de très riches familles canadiennes, qui se prévalent de décisions anticipées, décisions qui ne sont même pas rendues publiques au nom de l'équité dans les semaines qui suivent la décision de Revenu Canada, et vous dites que le vérificateur général a très mal fait de dénoncer ces décisions douteuses.
Vous dites que le vérificateur général ne devrait pas faire son travail, qui est de faire en sorte que les deniers publics soient bien dépensés et que les dépenses de chacun des ministères soient effectuées dans le sens de l'intérêt du public en général, et non pas dans l'intérêt d'un public restreint, comme dans le cas de la fiducie qui a transféré deux milliards de dollars aux États-Unis.
Il y a toujours une limite. Si vous n'êtes pas d'accord sur l'imputabilité, il y a un fichu problème. C'est parce que vous avez des intérêts qui sont tout à fait différents de l'intérêt du public en général.
Si j'étais à votre place, je ferais attention, parce que c'est vous qui êtes en train d'entacher la crédibilité du processus, en disant que qu'il est tellement complexe qu'il ne faut rien rendre public.
Cela me fait penser aux vieilles histoires de ma grand-mère qui disait de ne pas trop poser de questions, parce que plus on en savait, plus on devenait malheureux. Il y a toujours une limite.
Si on doit remettre le système en question, on va le remettre en question. On a été élus pour cela. On est redevables devant le peuple. Vous pouvez bien rire, monsieur Smith, mais je vais vous dire qu'il y a de plus en plus de gens qui sont au courant des processus qui sont entrepris à Revenu Canada et au ministère des Finances, et des relations très étroites entre vos boîtes de fiscalistes et Revenu Canada.
Je pense que les gens en ont soupé. On leur demande de faire des sacrifices et de se serrer la ceinture, mais quand on a plein de compassion pour un fiduciaire qui a transféré deux milliards de dollars et qui n'a pas payé un cent d'impôt et qu'on se soucie plus de l'intérêt de ces gens-là que de l'intérêt général du public canadien, eh bien, il y a un problème.
S'il y a eu une tache quelque part, ce n'est pas le vérificateur général qu'il faut blâmer, car il a fait son travail et va continuer de le faire. On a beaucoup de respect pour lui, même si vous semblez en avoir un petit peu moins.
Je vous remercie. Mes collègues vont continuer. Ils ont d'excellentes questions à vous poser. Quant à moi, je suis un peu déçu de votre comparution.
[Traduction]
Le président: Je ne suis pas certain que c'était là le sujet dont nous discutions, mais je suis certain que quelqu'un voudra répondre. Monsieur Smith.
M. Smith: Je pense que M. Loubier a dû me confondre avec quelqu'un d'autre, car je n'ai fait aucune observation au sujet du rapport du vérificateur général. Je pense qu'il oublie quelque chose. Supposons qu'il n'y ait pas eu de décision dans le cas qui nous occupe, que cette transaction ait eu lieu et que les fonctionnaires de Revenu Canada se sont présentés pour l'examiner. À mon avis, ils auraient suivi exactement le même processus en matière d'examen de la transaction, de vérification des faits, d'interprétation de la loi, de demande de conseils auprès des avocats du ministère de la Justice et d'analyse de l'intention du législateur. Ils auraient suivi exactement le même processus que celui qui a été suivi par la division des décisions.
La seule différence est qu'ils ont fait ce travail avant plutôt qu'après les faits. Même s'il y a eu une décision, les fonctionnaires du ministère du Revenu ont dû se prononcer. Je suis tout à fait d'accord pour dire que les fonctionnaires ont des comptes à rendre.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Williams, puis monsieur Pomerleau.
M. Williams: J'aimerais répondre aux remarques faites par les témoins, monsieur le président.
Premièrement, je tiens à féliciter le professeur Brooks de ce qu'il a dit au sujet de la convention fiscale, dont nous n'avions pas eu le temps de parler encore, et de l'intervention du ministère des Finances dans un domaine qui est traditionnellement l'apanage de Revenu Canada: rendre des décisions anticipées.
Lorsqu'ils condamnent le vérificateur général, je dois dire que j'y vois de l'hypocrisie, monsieur le président. Je n'ai aucune sympathie pour eux. J'aimerais rappeler ce que le vérificateur général nous a dit. N'oubliez pas qu'il est notre comptable et que c'est à nous que le vérificateur général fait rapport - la Chambre des communes.
Si nous regardons le déroulement des événements, le 3 décembre 1991, Revenu Canada informe le ministère des Finances de la transaction proposée et indique qu'il a l'intention de refuser la décision favorable demandée et, si nécessaire, de porter l'affaire devant le Comité de la règle anti-évitement générale. Revenu Canada ne voit absolument rien de bon à dire sur cette opération et fait savoir qu'il pourrait appliquer la règle anti-évitement et tout enrayer - le 3 décembre. Le6 décembre, les fonctionnaires de Revenu Canada et du ministère des Finances se rencontrent pour discuter des éléments de la lettre du 3 décembre.
Le président: Juste une seconde. Je pensais que le Comité des comptes publics s'était penché sur bon nombre de ces questions. Nous n'avons pas ici le témoignage décrivant toutes les étapes antérieures à la décision favorable. Je ne suis pas sûr qu'il soit pertinent d'en parler ici, mais je ne cherche pas à étouffer le débat.
M. Williams: Je veux passer ces étapes en revue et montrer comment l'affaire s'est déroulée. Il y a eu un renversement complet de position, car le 12 décembre, le Comité d'examen des décisions de Revenu Canada a décidé qu'il n'y avait pas lieu de rendre une décision favorable. Il a renoncé à appliquer la règle anti-évitement, le comité ayant simplement décidé de ne pas rendre de décision anticipée.
On arrive ensuite au 19 décembre: un avis juridique provisoire a été reçu, auquel moment a été demandé un avis juridique sur la question de savoir si un bien canadien imposable peut être détenu par des Canadiens. Il conclut en disant, entre autres: «Bien que ce soit ambigu, je partage l'avis qu'il est possible d'arguer que seuls des non-résidents peuvent disposer d'un bien canadien imposable».
Le 23 décembre est la journée cruciale, monsieur le président. J'imagine que cela s'est passé le matin. Une note de service révisée a été adressée au sous-ministre l'informant que la proposition du contribuable n'est pas acceptable pour telle et telle raison etc. La note poursuit en disant qu'une taxe serait percevable.
Le président: Encore une fois, je ne veux pas vous interrompre et les députés sont libres de poser toutes les questions qu'ils veulent, mais en quoi les témoins pourraient-ils répondre à cette question?
M. Williams: Je ne leur demande pas de répondre à cela. Je dis qu'ils ont critiqué le vérificateur général. Voici le déroulement des événements jusqu'au 23 décembre. Revenu Canada prend une position dure, disant non, nous ne rendrons pas de décision anticipée et, d'ailleurs, nous sommes totalement en désaccord.
Le 23 décembre, tout d'un coup, les réunions ont lieu, mais sans procès-verbal. Les hauts fonctionnaires se sont réunis deux fois, mais aucun procès-verbal n'a été établi. Le 23 décembre, les hauts fonctionnaires rencontrent ceux du ministère des Finances - pas de procès-verbal. Les hauts fonctionnaires se rencontrent de nouveau le même jour, le 23 décembre, et il y a eu alors un virage complet, à 180 degrés, et une décision a été rendue sans que soit donnée aucune justification.
Nous avons entendu ici le personnel du vérificateur général, monsieur le président, dont un vérificateur. Ces gens sont des avocats, des comptables et des vérificateurs et ils savent qu'un vérificateur doit faire son travail. Lorsqu'il tombe sur un dossier qui porte sur une grosse somme, une somme d'argent très importante, et que tous les documents dans le dossier disent non, non, non et que, tout à coup, un beau jour, il y a un virage à 180 degrés et une décision rendue sans que rien ne vienne l'étayer, est-ce que le vérificateur a fait son travail en informant ceux qui le paient pour signaler ce genre de chose? Il a fait son travail.
Voilà à quoi je veux en venir, messieurs, et c'est pourquoi je ne suis pas du tout réceptif à vos doléances lorsque vous dites que le processus des décisions anticipées a été sapé par le vérificateur général.
Si Revenu Canada avait étayé sa position - expliqué clairement ses raisons - le vérificateur général aurait dit que le processus s'est déroulé normalement. Il ne lui appartenait pas de dire si la décision était absolument justifiée, mais il a signalé, en tant que vérificateur, que le processus suivi était complètement et absolument vicié. Nous, en tant qu'actionnaires et contribuables du Canada, sommes exposés à une perte financière importante et c'est pourquoi l'affaire figure dans son rapport. Il a fait son travail et l'a bien fait.
M. Sirkis: Je pense que si c'est tout ce qu'il avait dit, nous n'aurions aucun reproche à lui faire, mais ce qu'il a écrit va beaucoup plus loin. Si vous regardez ce qu'il écrit sur Revenu Canada, il a dit qu'une disposition de la loi va dans tel sens, mais il ajoute que d'autres dispositions de la loi vont dans le sens inverse.
Tout son texte est manifestement celui d'un partisan et non d'un vérificateur rédigeant un rapport. Je pense que ceux qui ont vu des rapports de vérificateur savent à quoi les rapports de vérificateur ressemblent, et ils ne ressemblent pas à ceci - ils ne prennent pas position.
M. Williams: Monsieur le président, le vérificateur général a réalisé qu'il s'agit là d'un cas ambigu, mais le dossier menait à une conclusion absolue et définitive, et c'est le dossier de Revenu Canada. Or, il y a eu un virage à 180 degrés, sans pièce justificative aucune. En tant que vérificateur, il devait faire son travail et informer la Chambre des communes du fait que ce genre de chose se pratique et que nous, la Chambre des communes, devions faire quelque chose pour y remédier. Il a fait son travail.
Le président: Monsieur Lanthier et monsieur Goodman.
M. Lanthier: Juste quelques mots. Il est très courant, au fur et à mesure qu'un avis fiscal remonte la chaîne, que des fonctionnaires de rang subalterne tirent des conclusions erronées. En bout de chaîne, la décision correcte est prise par des fonctionnaires de rang supérieur. Le fait que les subalternes se soient accrochés pendant longtemps à une conclusion erronée et aient bloqué la transaction dément d'autres opinions exprimées ici, voulant que les gens de ce service se soient laissés marcher dessus.
Pour ce qui est de la documentation, je ne sais pas trop ce que voudrait le... Il y a une lettre d'opinion. Je suis totalement en désaccord avec M. Brooks concernant l'interprétation des lois et l'intention du législateur. Cette dernière compte pour beaucoup dans l'interprétation, comme il le sait bien. Je ne sais pas quels autres documents il faudrait fournir, autre qu'une lettre du ministère des Finances disant quelle est l'intention du législateur. Voici l'interprétation de Revenu Canada: est-elle conforme à l'objectif de la politique? Oui. Une lettre du ministère de la Justice? Elle est là.
Je ne sais pas quelles autres pièces justificatives le vérificateur général voudrait. Je n'ai pas pris de procès-verbal de notre réunion ici. Étais-je censé le faire? Le vérificateur général va-t-il me dénoncer?
M. Williams: Monsieur le président, j'aimerais rétorquer sur deux points. Premièrement, lorsqu'il parle de fonctionnaires subalternes... Permettez-moi de dissiper ce mythe. Ces notes de service ont été rédigées par des sous-ministres adjoints et des sous-ministres. Deuxièmement, le12 décembre, Revenu Canada fait savoir au ministère des Finances qu'il ne va pas rendre de décision et lui demande de s'en remettre à lui pour interpréter la loi, en d'autres termes demande au ministère des Finance de ne pas s'en mêler.
Le président: Sauf votre respect, je ne vois pas trop comment ces témoins - vu qu'ils n'ont pas été partie prenante à ce processus - pourraient jeter beaucoup de lumière sur cet aspect. Je pense qu'il faudrait aborder cela avec les fonctionnaires concernés. Mais loin de moi l'idée de priver quiconque de sa liberté de parole. Je prendrai même des notes pour m'assurer de faire tout ce qu'il faut.
M. Williams: Je vous remercie.
[Français]
M. Pomerleau: J'ai une question.
Le président: D'accord. Excusez-moi un instant.
[Traduction]
Je pense qu'il nous reste moins d'une heure et 15 minutes, si je veux tenir ma promesse de vous libérer à l'heure pour votre avion de 10 heures. Les membres sont-ils d'accord pour clore ce chapitre et passer à la confidentialité, puis à ce qu'il faudrait faire pour réparer la loi si nous jugeons qu'elle est défectueuse?
M. Smith: Monsieur le président, pourrais-je juste rectifier une chose qui a été dite au sujet de la convention? M. Brooks a dit qu'il y a deux problèmes avec la convention. L'un est que la fiducie n'était pas résidente depuis dix ans - la nouvelle fiducie. Je suis d'accord là-dessus. Mais je pense que le deuxième argument, celui sur la propriété, n'est pas exact, car la nouvelle fiducie détenait le droit au capital de l'ancienne, et lorsqu'elle a reçu les actions, c'était en échange de son droit au capital. La convention dit expressément que le bien échangé est couvert et la fiducie détenait le droit au capital lorsqu'elle a quitté le Canada.
Le professeur Brooks: C'est peut-être exact; cela fait longtemps que je n'ai pas regardé la convention. Mais mon argument principal était que cette disposition ne s'appliquait pas. Le fait est que la fiducie aurait pu vendre ce bien le lendemain et le Canada n'aurait touché aucun impôt.
Le président: Nous reviendrons là-dessus lorsque nous parlerons des améliorations à apporter à ce système de façon à ce que les Canadiens en retirent davantage de recettes fiscales, et c'est vraiment à cela que je veux en venir.
Le professeur Brooks: Certainement, c'est très bien. M. Smith et moi sommes en désaccord sur l'interprétation de la loi, apparemment. Mais je voulais faire ressortir que le problème est tout simplement que nous avons renoncé à des impôts dans cette affaire. Ils auraient pu vendre les biens le lendemain et nous n'aurions pas touché un sou.
Le président: Eh bien, regardons la loi et voyons si elle est bonne. Mais je pense que M. Smith a un argument très valide concernant l'existence de ce droit au capital.
M. Lanthier: Désolé, monsieur le président, mais il se trompe complètement et il le sait.
Le contribuable a remis une renonciation pour garder l'année ouverte. Si le contribuable avait fait ce que dit M. Brooks - c'est-à-dire vendu le bien le lendemain - la renonciation aurait été invoquée, le contribuable aurait reçu une facture d'impôt, l'affaire serait allée en justice car le contribuable aurait dit: «D'accord, je vais procéder sans décision anticipée et saisir la justice. Réglons nos comptes en tribunal». C'est exactement ce qui se serait passé, et M. Brooks le sait.
Le professeur Brooks: Non, non, monsieur le président.
Je n'admets pas que vous m'imputiez ce que je sais et ce que j'ignore, pour commencer. Mais mettons les choses au clair.
M. Lanthier: Très bien, c'est peut-être parce que vous n'avez pas lu la convention...
Le professeur Brooks: Mon principal argument est que la convention ne s'appliquait pas. Ils auraient pu vendre le lendemain et ne rien payer. C'est pourquoi on leur a demandé l'engagement et la renonciation. Je ne pense pas que l'on aurait pu faire exécuter la renonciation. C'est ce que j'ai dit, je ne pense pas qu'on aurait pu la faire exécuter. Je ne pense pas que l'on aurait pu faire exécuter la renonciation et pour... Non, excusez-moi, je ne pense pas que l'on aurait pu faire exécuter l'engagement, c'est-à-dire percevoir l'impôt auprès de non-résidents. Je ne pense pas que ce soit exécutable. Mais c'est là une question juridique et je pense que des gens raisonnables pourraient être en désaccord à ce sujet.
Pour ce qui est de la renonciation, le ministère n'aurait pu s'en prévaloir pour réclamer l'impôt qu'en invoquant pour motif que ces actions n'étaient pas des biens canadiens taxables, le contraire de ce qu'il a dit implicitement dans la décision.
M. Lanthier: Et vous dites qu'elles ne le sont pas, alors pourquoi contestez-vous?
Le professeur Brooks: Non, non. Je dis simplement que cela aurait été une position bizarre à prendre pour Revenu Canada. Il aurait été amené à prendre une position exactement inverse de la position implicite qu'il a prise dans la décision.
M. Sirkis: Non, je pense que s'il avait exercé la renonciation, il aurait invoqué la règle anti-évitement générale pour dire: «Vous avez joué un tour de passe passe et vendu les actions par une deuxième transaction, en la structurant de façon à échapper à la règle de la convention». Et il les aurait coincés non pas sur la base du bien canadien taxable mais sur la base de la règle anti-évitement générale.
Le professeur Brooks: Eh bien, c'est juste. Je suppose qu'il avait deux motifs à invoquer. Il aurait été bizarre d'invoquer...
M. Sirkis: C'est la raison pour laquelle il a exigé la renonciation.
Le professeur Brooks: Oh, je ne pense pas que ce soit la raison.
Le président: Par souci de préserver nos témoins de...
Le dernier mot là-dessus, je vous prie, monsieur Wilkie.
M. Wilkie: À ce sujet, on pourrait bien considérer que dans ces circonstances, pour protéger le système, ayant déjà jugé sur le fond, Revenu Canada a obtenu quelque chose que la loi ne lui aurait pas autrement permis d'exiger, à savoir un engagement de bonne foi de ce contribuable de se comporter comme s'il était une personne physique.
Un autre élément à prendre en considération dans ce débat est que lorsque vous demandez une décision fiscale anticipée, vous avez l'obligation de divulguer au ministère tous les faits pertinents - c'est l'engagement que vous devez prendre. Dans la mesure où vous ne divulguez pas tous les faits pertinents, la décision que vous avez obtenue ne vaut pas le papier sur lequel elle est rédigée. J'estime que si ce contribuable avait obtenu cette décision et le lendemain, la semaine suivante, le mois suivant ou l'année suivante avait dit: «Oh, soit dit en passant, je viens de vendre les biens», ce serait là un fait pertinent. Revenu Canada serait parfaitement fondé - et c'est déjà arrivé, bien que rarement - d'annuler la décision.
Le président: Une autre intervention sur cette question, monsieur Pomerleau, avant que nous passions à autre chose?
[Français]
M. Pomerleau: Je voudrais poser une question et faire un commentaire. Ma question va s'adresser à M. Brooks.
On a entendu dire plus tôt que le cas dont on parle avait créé un précédent et que ce précédent-là ne pouvait être utilisé par d'autres personnes dans la même situation.
Qu'en pensez-vous, monsieur Brooks?
[Traduction]
Il ne pourrait être invoqué.
Le professeur Brooks: Il est vrai que c'était là une circonstance très inhabituelle et il est peu probable qu'elle se répète exactement. D'autres que moi sont peut-être mieux placés pour le dire, mais mon argument est que la décision dit implicitement que les résidents canadiens peuvent posséder des biens canadiens imposables. Cette interprétation de la loi pourrait certainement être invoquée dans beaucoup d'autres cas pour éviter le paiement d'impôts qui autrement...
M. Lanthier: Monsieur le président, pourrais-je juste...?
Monsieur Pomerleau, c'est une question très pertinente et j'aimerais juste y répondre. Cela est sans doute au-delà du mandat de ce comité, mais il y a effectivement eu des propositions visant à... Vous avez mentionné que les fonctionnaires n'ont pas tenu au courant leur ministre, et il n'est pas inhabituel que décision après décision ne soit pas portée à la connaissance du ministre. Des gens très réfléchis ont suggéré dans divers écrits de dépolitiser Revenu Canada, de ne plus nommer un ministre à sa tête afin de ne pas créer l'apparence d'une influence politique. Ainsi, comme aux États-Unis où l'IRS rend compte au Trésor, Revenu Canada pourrait rendre compte au ministère des Finances ou à quelque commission du revenu, sans être placé sous l'autorité d'un ministre. C'est une question plus large et qui rejoint certaines de celles que vous soulevez.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Pomerleau.
[Traduction]
Monsieur Goodman.
M. Goodman: Je suis étonné que l'on dise que cette décision a créé un précédent. J'ai vu des centaines de décisions dans le courant de mon examen des décisions publiées. J'ai trouvé, au moment où je les lisais, que certaines étaient erronées; certaines ont depuis été inversées par Revenu Canada. Seule la personne à laquelle une décision s'adresse peut s'y fier. Nous n'avons aucun droit de tenir pour acquis que Revenu Canada va suivre une décision de 1991, ni même une décision rendue hier à l'égard d'un contribuable différent. Si Revenu Canada pense toujours que la décision est bonne, il va évidemment continuer à l'appliquer. Mais j'ai personnellement connaissance d'un revirement massif touchant le transfert de biens à certains types de fiducies révocables, pour lesquels Revenu Canada avait tranché il y a quelques années qu'il n'y avait pas lieu de les traiter comme des dispositions aux fins de l'impôt. Mais c'était dans un contexte purement intérieur.
M. Hiltz, lors de la conférence de l'Association canadienne d'études fiscales de novembre dernier, a confirmé certains renseignements que j'avais reçus, à savoir que le ministère avait inversé sa décision et qu'à l'avenir il trancherait que les transferts à une telle fiducie sont une disposition imposable. Personne n'en sera terriblement surpris.
Le président: Monsieur Goodman, même les gouvernements - c'est très rare - peuvent faire des erreurs et devoir changer d'avis.
Avec votre permission, puis-je résumer?
[Français]
J'ai quelque chose à proposer. Il ne reste qu'une heure et il nous reste deux questions primordiales. Je vais vous accorder autant de temps que vous en voudrez, mais j'aimerais en finir avec cela.
[Traduction]
J'ai entendu... Au sujet de la deuxième partie, y a-t-il une possibilité qu'un avis comme celui donné par le vérificateur général entraîne une diminution du nombre des décisions de Revenu Canada ou des problèmes? Je pense que la plupart des intervenants ici, ce soir, ont dit qu'il fallait veiller à ce que cela n'arrive pas.
La question de la confidentialité...
[Français]
M. Rocheleau (Trois-Rivières): Monsieur le président, ma question porte là-dessus.
[Traduction]
Le président: Nous en avons fini avec cela. Pouvons-nous maintenant passer à la question de la confidentialité?
[Français]
M. Rocheleau: Non. J'ai une dernière question sur le vérificateur général.
[Traduction]
Le président: Je m'en remets au comité.
[Français]
M. Rocheleau: Monsieur le président, la plupart des témoins ont laissé entendre que la façon dont le vérificateur général s'était conduit en divulguant ce genre d'information pouvait miner la crédibilité de notre régime fiscal.
Si, à la suite de cette révélation du vérificateur général et des recherches que vous effectuez ici, au Comité permanent des finances, et qui seront effectuées au Comité permanent des comptes publics et peut-être ailleurs sur ces deux cas de décisions anticipées qui ont privé le fisc de quelques centaines de millions de dollars, on en venait à apprendre - comme on l'a laissé entendre au Comité permanent des comptes publics - que le fisc a été privé non plus de centaines de millions de dollars, mais de quelques milliards pour ne pas dire de quelques dizaines de milliards de dollars depuis que cette mesure a été mise sur pied par M. Trudeau dans les années 1970, est-ce que les témoins diraient encore en majorité que c'est notre régime fiscal qui risque d'être miné ou s'ils penseraient plutôt à l'intérêt public, dans l'éthique qui les anime?
J'aimerais savoir à quelle enseigne vous vous logeriez si jamais on découvrait qu'il s'agit d'un processus qui a privé le fisc canadien d'argent de gens qui seraient normalement appelés à contribuer au Trésor et qui ont trouvé des stratagèmes pour y échapper, cela sur une échelle beaucoup plus grande que ce qu'on peut constater aujourd'hui. J'aimerais avoir une réaction globale...
[Traduction]
Le président: J'aimerais...
[Français]
M. Rocheleau: ...de M. Goodman, notamment.
Le président: Il s'agit de la quatrième question:
[Traduction]
Y a-t-il un problème d'évitement fiscal? Faut-il modifier la loi?
[Français]
C'est notre quatrième question. Est-ce que je pourrais retarder votre question pour le moment?
M. Rocheleau: S'il y en a qui veulent réagir... Jusqu'où va-t-on dans le régime fiscal actuel?
[Traduction]
M. Goodman: J'ai écouté très attentivement la question. Je ne suis toujours pas certain qu'elle soit aussi simple que le président l'a indiqué. Y avait-il un évitement fiscal en jeu? À mon sens, ce n'était pas le cas. À mon avis, les dispositions de la loi étaient relativement claires et je pense que les résultats le sont aussi. Y avait-il évitement fiscal? Non. C'était un report d'impôt et, comme le sous-ministre l'a indiqué au comité, si ces actions sont vendues dans les dix prochaines années, le gouvernement canadien percevra l'impôt. Si la vente intervient dans plus de dix ans, le gouvernement américain seul percevra. Cela ne me surprend pas, car lorsque la chaussure est sur l'autre pied - lorsque des Américains viennent au Canada, cela fonctionne exactement de la même façon.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rocheleau.
[Traduction]
Au cours de la dernière heure, M. Goodman a évoqué brièvement la question de la rupture de la confidentialité, ou encore la possibilité qu'elle le soit à l'avenir. Est-ce que les autres membres du panel ont une opinion sur cette question de la confidentialité - notre troisième question? Monsieur Spindler.
M. Spindler: Je pourrais peut-être essayer d'assembler quelques morceaux épars queM. Rocheleau... Cela pourra peut-être préciser au moins ma propre position concernant le vérificateur général et le processus des décisions anticipées.
Je conviens pleinement avec vous que le vérificateur général a un rôle très important sur le plan de l'examen du processus des décisions et de certaines décisions en particulier. Son rôle est de protéger le contribuable canadien moyen. Ma préoccupation principale recouvre en fait les deux éléments: premièrement, le processus des décisions anticipées et, deuxièmement, la confidentialité. C'est la façon dont le vérificateur général a divulgué et la nature des renseignements divulgués qui est le problème. La manière et la nature de la divulgation faisaient qu'il était très facile d'identifier le contribuable, de savoir qui était concerné, les montants en jeu et Dieu sait quoi, alors que le processus était censé être hautement confidentiel.
Je crains beaucoup que les contribuables, voyant cela et constatant que d'autres contribuables se retrouvent en première page des journaux et que leurs affaires sont discutées sur la place publique chaque jour, pour le seul fait de s'être adressés au gouvernement et d'avoir demandé une décision anticipée, sans même que cette dernière soit favorable... Cela pourrait grandement dissuader les contribuables d'approcher le gouvernement - ou, ce qui est encore plus dangereux, cela pourrait les amener à limiter les renseignements qu'ils divulguent.
Je pense qu'il est absolument essentiel pour tout le processus que la divulgation soit entière et complète, et la nature du rapport du vérificateur général et la nature des renseignements qu'il a communiqués, à mon avis, risquent d'avoir un effet dissuasif énorme.
Le président: Je vous remercie. Monsieur Wilkie.
M. Wilkie: Par ailleurs, et presque indépendamment de l'aspect dissuasif de la divulgation, je pense que le comité doit tenir compte de deux choses. Premièrement, il est illégal de divulguer des renseignements fiscaux sur un contribuable et je pense que les deux ministères que l'on a critiqués font tout pour éviter que cela arrive, soit directement, soit indirectement, soit même par déduction. Ce n'est même pas un sujet de débat. On ne peut pas dire que c'est une bonne chose ou une mauvaise chose. Cela existe. C'est ce que dit la loi, et il est dans l'intérêt de tout le monde qu'il en soit ainsi.
Le deuxième élément est que cette même enquête sur le fond de la loi telle qu'elle est rédigée, sur la qualité du processus par lequel elle est interprétée, et sur la question de savoir si la loi telle qu'elle existe est meilleure ou pire qu'une autre loi susceptible d'être rédigée, aurait pu être faite avec autant de sérieux et produire autant de débats si le vérificateur général s'était contenté de dire: «Nous avons découvert un dossier pour lequel il ne semble pas exister de procès-verbal des délibérations. La question dans ce dossier est de savoir si des résidents canadiens peuvent détenir des biens classés «biens canadiens imposables» et l'une des répercussions de cette décision est qu'une planification fiscale pourra résulter en un montant d'impôt qui pourrait être perçu ultérieurement et ne l'a pas été dans l'instant».
Le dernier aspect que je ferai ressortir, incidemment, est que ce débat donne parfois à entendre qu'il y a eu perte de recettes fiscales, en ce sens que l'on aurait renoncé d'une certaine façon à percevoir l'impôt. Je pense que le mot «perte» figure dans le rapport du vérificateur général. Vous ne pouvez dire cela que si vous pensez que la décision correcte sur la question de fond était que l'impôt aurait été dû autrement.
Je peux formuler cela différemment. On peut dire que l'impôt n'a pas été perçu. C'est certainement le cas, et selon la réponse que vous donnez à la première question, il n'était pas dû non plus.
La deuxième question, qui n'a pas encore été débattue ici, est de savoir si, dans un système différent, on pourrait avoir un droit de sortie plus absolu ou plus étendu? La réponse est évidemment oui. La question plus difficile est de savoir: faudrait-il le faire? C'est une autre question et nous en débattrons. Mais je pense qu'il faut séparer les deux.
Le président: Je vous remercie, monsieur Wilkie.
Monsieur Brooks.
Le professeur Brooks: Juste un petit mot sur la confidentialité, et je ne le dis pas uniquement pour provoquer mes collègues panellistes, mais il pourrait avoir cet effet. Ce sera votre problème s'ils se précipitent tous pour répondre.
Je dois confesser que je ne vois pas quel problème de confidentialité il pourrait y avoir. Le Parlement a le droit de savoir comment la législation fiscale est administrée. Le vérificateur général a pour mission de faire rapport au Parlement sur la manière dont la législation fiscale est administrée. L'importance des sommes en jeu est un élément pertinent à cet égard.
Par conséquent, le fait que l'importance de la somme en jeu ait été signalée ne signifie pas du tout qu'il y ait eu rupture de confidentialité. Sans cette indication, le rapport ne signifierait rien. S'il n'y a que six personnes dans le pays aussi riches, tant pis. Par ailleurs, il n'y a vraiment pas eu de rupture sérieuse de confidentialité ici. Tout ce que nous savons de ces gens, qui qu'ils soient - et personne n'en est certain - c'est qu'ils ont transféré 2 milliards de dollars du Canada aux États-Unis. Nous avons donc appris qu'il y a des gens très riches au Canada. Nous le savions déjà. Nous avons appris également qu'ils ont sorti de l'argent du Canada pour éviter nos impôts. Nous le savions tous déjà. Nous n'avons rien appris de leurs affaires personnelles ou commerciales.
Le président: Professeur Brooks, permettez-moi de vous le demander carrément. Ce n'était pas vous, n'est-ce pas?
Le professeur Brooks: Eh bien, non.
Permettez-moi de dire ceci. Je porte un intérêt personnel à cela et je ne suis peut-être pas la bonne personne à qui poser la question. Il y a deux mois, le gouvernement ontarien a décidé que quiconque en Ontario travaille pour le gouvernement et gagne plus de 100 000$ doit divulguer son formulaire T4. Il s'agit donc de révéler le salaire.
Je le signale uniquement parce que cela me paraît être le sommet de l'hypocrisie de la part du Globe and Mail, qui a publié tous nos noms et le montant de nos salaires. Or, dans l'affaire qui nous occupe, au moins certains des chroniqueurs s'inquiétaient de la rupture de confidentialité. Il me semblait que, dans notre cas, c'était aussi des renseignements personnels.
J'ajouterais que cela m'a causé un énorme embarras personnel, car jusqu'alors ma mère trouvait toujours que mes cadeaux de Noël étaient plutôt généreux. Depuis qu'elle a découvert combien je gagne, elle pense que je suis un pingre.
Je peux vous dire que les personnes concernées ici n'ont pas eu à se sentir gênées devant leur mère. Tout ce que nous avons appris, c'est qu'ils ont déplacé 2 milliards de dollars. Je ne vois tout simplement pas le problème de confidentialité.
En outre, monsieur le président, voici un élément réellement pertinent sur lequel le comité voudra peut-être se pencher plus tard. On peut se demander dans quelle mesure le gouvernement n'accordait pas une subvention à ces personnes par le biais du régime fiscal. Peut-être la règle générale est-elle qu'il y a disposition réputée lorsqu'on quitte le pays, et pour encourager la mobilité de la main-d'oeuvre ou pour quelque autre raison, on accorde une exonération à certains et reporte ainsi leurs impôts. Si c'est la justification de cette exonération particulière, alors il s'agit en pratique d'un prêt sans intérêt consenti par le gouvernement à ces contribuables, à hauteur du montant de l'impôt qu'ils auraient autrement payé.
Le président: Nous verrons cela plus tard.
Le professeur Brooks: Mon argument est que si le gouvernement accorde des prêts sans intérêt par le biais du régime fiscal, tout doit être divulgué. Lorsque le gouvernement accorde directement des prêts sans intérêt, des subventions directes, nous savons qui en bénéficie. Lorsqu'il le fait indirectement par l'intermédiaire du régime fiscal, nous ne savons rien.
Le président: Pourrions-nous parler de cet aspect dans le cadre de la quatrième question?
Monsieur Lanthier, puis monsieur Smith, s'il vous plaît.
M. Lanthier: Je ne suis pas juriste et je ne peux parler de cela. Ce que dit M. Brooks au sujet des cadeaux à sa mère etc. est très intéressant.
Ainsi que Scott Wilkie l'a dit, il est contraire à la loi de divulguer des renseignements permettant directement ou indirectement d'identifier un contribuable. Je ne suis que comptable et je n'ai pas de réponse, mais la question a été posée de savoir si le vérificateur général contrevient aux dispositions de l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu et commet un délit en divulguant directement ou indirectement l'identité du contribuable.
Le président: Je pense qu'il a un avis juridique disant que non, et je ne pense pas que notre comité ait l'intention de faire couler le sang de qui que ce soit. Ce n'est pas notre but.
Monsieur Smith.
M. Smith: Comme il fallait s'y attendre, M. Brooks a injecté dans le débat quelque chose qui n'a rien à voir. Il a fait allusion à une loi qui exige la divulgation. Or, nous traitons d'une loi qui interdit la divulgation.
Mon point de vue personnel est que le vérificateur général aurait pu s'efforcer davantage de préserver la confidentialité tout en soulignant la gravité de la question.
Pour ce qui est de la divulgation des décisions anticipées et l'effet de cela sur la confidentialité, je pense qu'à notre ère informatique, avec la quantité de renseignements actuellement disponibles sous forme d'interprétations techniques, il faudrait divulguer toutes les décisions. Revenu Canada a indiqué qu'il s'engagerait dans ce sens et je pense que nous devrions veiller à ce qu'il le fasse effectivement.
Encore une fois, en publiant les décisions, je pense qu'il importe de veiller à préserver la confidentialité aussi bien que possible, afin qu'il n'y ait que peu de risques que les renseignements divulgués permettent d'identifier le contribuable.
Le président: Je vous remercie. Pourrions-nous passer à la question suivante ou bien y en a-t-il encore qui veulent intervenir sur la confidentialité?
Le professeur Brooks: La question suivante.
M. Williams: J'ai une remarque, monsieur le président. Le vérificateur général s'est penché sur le processus des décisions anticipées et en a parlé dans son rapport. Mais il s'inquiétait également de l'érosion de l'assiette fiscale, et c'est pourquoi il fallait qu'il indique l'ampleur de la transaction.
Les membres du panel ont objecté que l'on peut deviner de qui il s'agit par élimination. Mais on peut également prendre le chapitre 11 du rapport du vérificateur général, où il traite d'autres érosions de l'assiette fiscale, monsieur le président. C'est un sujet de préoccupation pour lui et il mentionne les échanges de créances entre institutions financières canadiennes.
Je pense qu'il y a à peu près autant de banques canadiennes qu'il y a de gens avec 2 milliards de dollars dans leurs jeans.
Mais que pourrait-il dire d'autre, qu'ils sont tous agriculteurs? Il est obligé de dire que ce sont des institutions financières. Combien de gens dans ce pays traitent avec des pays en développement et échangent des créances sur l'étranger, etc.? Il doit nous dire que ces choses se font, de la même façon qu'il doit nous parler de ce problème de fiducie. Il est peut-être regrettable que le Canada ait un nombre si restreint de milliardaires qu'il soit possible de peut-être deviner de qui il s'agit. Peut-être faudrait-il davantage de milliardaires. Mais le fait est que le vérificateur général était dans une situation difficile et qu'il avait aussi un devoir à remplir.
Le président: Passons-nous à la question suivante?
Des voix: Oui.
Le président: Merci.
Voici donc la dernière question. Nous avons vu un exemple ici de la perception du grand public, à savoir qu'il y a eu ici un abus fiscal de proportion énorme. Des capitaux ont quitté le Canada de telle manière que les gains accumulés n'ont pas été imposés et ne le seront jamais.
Est-ce le genre de régime fiscal que nous voulons pour l'avenir? Est-ce bien l'effet de cette décision? J'aimerais que vous considériez cette décision comme un catalyseur de la question de savoir s'il faut modifier la loi à l'égard des Canadiens qui quittent le pays ou des fiducies ou sociétés résidentes qui quittent le pays. Quelles sont les répercussions sur la mobilité internationale des capitaux? Le Canada serait-il bénéficiaire ou perdant si des modifications étaient apportées, sur la base de la réciprocité, à nos conventions fiscales internationales? Nous aimerions beaucoup connaître l'avis à ce sujet de certains des plus grands experts du pays.
Qui veut commencer? Allan Lanthier.
M. Lanthier: Monsieur le président, cela va peut-être susciter un léger conflit, mais je n'ai rien à reprocher à la politique fiscale actuelle. Comme je l'ai mentionné déjà trop de fois, le Canada, l'Australie et, dans une mesure très limitée, le Danemark, sont les seuls pays à imposer des droits de sortie.
Cela dit, j'ai considérablement réfléchi à la question. Personnellement, je ne serais pas opposé à une modification qui aurait pour effet de traiter les fiducies et les sociétés de la même manière. Il y a beaucoup de raisons qui peuvent amener des personnes à quitter un pays donné. Il y a des raisons personnelles, des raisons de santé, des raisons professionnelles et familiales.
Certains de mes co-panellistes ne seront peut-être pas d'accord avec moi, mais il n'y a pas nécessairement de raison contraignante pour une société ou une fiducie de quitter le Canada. Beaucoup de gens pourraient penser qu'une raison suffisante pour changer le pays de résidence d'une fiducie serait, par exemple, la démission des fiduciaires canadiens et leur remplacement par des fiduciaires étrangers. Mais il n'y a pas de raison contraignante dans la plupart des cas.
Je ne serais donc pas opposé à une modification de la politique, sans rétroactivité, de façon à ce que les fiducies et les sociétés aient à payer un droit de sortie. Ce serait le droit de sortie le plus lourd du monde entier, mais indépendamment de cela, les fiducies, tout comme les sociétés, seraient imposées sur tous leurs biens, sans exception - sans excepter les biens canadiens imposables, sans possibilité de report ni d'étaler le paiement sur six ans.
Les personnes physiques, en revanche, sont dans une situation entièrement différente. Les personnes peuvent avoir une multitude de raisons de vouloir quitter le Canada. Si le Canada en venait jamais à imposer un droit de sortie aux personnes qui doivent quitter le pays pour quelque raison que ce soit, une raison personnelle, de santé, peu importe, cela équivaudrait à ériger un mur de Berlin autour du pays, et l'étape suivante serait le contrôle du change. La fuite de capitaux à laquelle on assisterait serait... Ce serait une politique fiscale désastreuse.
Je ne serais donc pas opposé à une modification des règles applicables aux fiducies. Mais je serais totalement opposé à les appliquer aux personnes. Dans le contexte du paragraphe 107(5), une distribution par une fiducie à une personne physique non résidente est exactement la même chose que le départ du Canada d'une personne. Je ne pense pas qu'il faille toucher non plus à cette règle particulière.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lanthier. Monsieur Brooks.
Le professeur Brooks: Je vais adopter la position opposée. Je suis d'accord en ce qui concerne les fiducies et les sociétés et, franchement, je pense qu'il faudrait appliquer la même règle aux personnes physiques. Lorsqu'une personne quitte le Canada, elle devrait payer l'impôt sur ses gains en capital accumulés.
L'exonération accordée à un bien canadien imposable ne me paraît absolument pas fondée, et ce pour trois raisons.
Premièrement, elle se prête trop facilement à l'évitement fiscal. Souvent, ces gains ne sont jamais imposés au Canada. De fait, ils ne sont jamais imposés nulle part au monde lorsqu'ils quittent le pays en tant que biens canadiens imposables.
Deuxièmement, cela signifie que les Canadiens qui prennent leur retraite à l'étranger paient moins d'impôts que s'ils étaient restés résidents du Canada. Il me paraît plutôt bizarre d'avoir une règle fiscale qui encourage les gens à prendre leur retraite à l'étranger. Il importe de signaler que cette règle n'a absolument rien à voir avec la mobilité des capitaux. Elle intéresse la mobilité des personnes.
Troisièmement, la distinction que nous faisons au sujet des biens canadiens imposables repose sur une distinction conceptuellement incohérente entre les gains en capital et d'autres sortes de revenus. Tout bon fiscaliste vous dira qu'un gain en capital n'a pas de substance économique. Il est facile de convertir diverses formes de revenus en un type ou un autre. Cela signifie également que si je vis au Canada et gagne mon revenu en travaillant, par exemple, je devrai payer l'impôt sur tout mon revenu avant de partir. Mais si je gagne une partie de mon revenu sous forme de gains en capital, je n'ai pas à payer l'impôt sur tout mon revenu avant de partir. Cela me paraît totalement insensé.
J'établirais comme règle que lorsqu'une personne part, elle doit payer l'impôt sur tout le revenu gagné pendant qu'elle résidait au Canada. Je ferais une seule exception, et c'est cela qui a gêné le ministère en 1972 et qui a donné naissance, je pense, à ces règles assez bizarres que nous avons. Le ministère s'inquiétait pour les personnes qui vont travailler à l'étranger pour de courtes périodes. Nous ne voulons pas décourager les cadres de société et d'autres d'aller travailler à l'étranger pendant deux ou trois ans, puis de revenir, et ce serait le résultat de la disposition réputée. C'est pourquoi je prévoirais comme exception que si vous ne quittez le pays que pour une courte période, il y aura disposition réputée à la juste valeur marchande. Vous devrez évaluer le bien et verser une caution pour le montant d'impôt dû. Si vous revenez dans les cinq ans, ou peu importe la période prévue, vous n'aurez pas à payer. Si vous ne revenez pas, nous percevrons l'impôt en puisant dans la caution.
La seule objection que l'on puisse opposer à cette règle, celle que l'on entend le plus couramment, hormis le spectre du mur de Berlin, est que lorsque les gens quittent le pays, il est difficile de chiffrer leur patrimoine, et aussi qu'ils n'ont pas forcément les liquidités pour payer l'impôt. Ce sont les arguments que l'on oppose habituellement.
Pour ce qui est de l'évaluation des biens, cela signifie que nous n'aurons qu'à évaluer votre patrimoine à un moment de votre vie. Nous le faisons actuellement lorsque vous décédez, mais il me semble que l'on pourrait le faire aussi bien à votre départ.
Pour ce qui est de l'argument des liquidités, je n'ai jamais compris que l'on accorde une exonération fiscale à quelqu'un parce qu'il manque de liquidités. Cela m'a toujours frappé que lorsqu'une personne perd son emploi de manière totalement indépendante de sa volonté, on la contraint à chiffrer tous ses biens et même à vendre tous ses biens avant qu'elle ait droit à l'aide sociale. Cela ne semble préoccuper personne. Or, lorsqu'un Canadien veinard, propriétaire de quantité de biens, s'en va prendre sa retraite à l'étranger, nous nous fendons en quatre pour préserver ses avoirs. À mes yeux, cela n'a pas de sens.
Le président: Merci beaucoup, professeur Brooks. Monsieur Goodman.
M. Goodman: Je suis on ne peut plus en désaccord avec le professeur Brooks.
Le professeur Brooks: Vous avez tout de même été en désaccord davantage avec moi sur d'autres points, ne pensez-vous pas, Wolfe?
M. Goodman: Il faudrait que je réfléchisse beaucoup pour en trouver.
Il y a une distinction logique, que le professeur Brooks rejette et minimise. Les actions de sociétés publiques sont généralement très liquides. Il n'est par conséquent pas du tout déraisonnable, lorsque quelqu'un cesse d'être résident du Canada, qu'on perçoive l'impôt à ce stade. Les actions de sociétés privées et les biens immobiliers et d'autres types de biens sont relativement difficiles à liquider. J'y vois une excellente raison pour, non pas les exonérer d'impôt au moment du départ du Canada - car ce n'est pas ce qui se passe - mais pour reporter le paiement de l'impôt jusqu'à la disposition ultérieure du bien. Si la personne s'en va vivre dans quelque paradis fiscal, elle conservera cette obligation fiscale indéfiniment.
Si nous avons besoin de meilleures mesures pour garantir le paiement de l'impôt, peut-être faudrait-il modifier la loi de manière à exiger diverses formes de garanties, pas seulement dans le cas du choix actuellement prévu, mais aussi lorsque, par exemple, des actions d'une société privée sont échangées contre celles d'une société publique tout en restant un bien canadien imposable. À ce stade, elles sont relativement liquides et il ne me paraîtrait pas déraisonnable de demander une caution.
Les problèmes ne sont pas insurmontables. Il s'agit de trouver un compromis entre des intérêts divergents, non seulement à l'intérieur du régime fiscal national, mais également au niveau international. Personnellement, je serais réticent à apporter des changements majeurs. Je conviens que le paragraphe 13(5) présente quelques problèmes techniques qui apparaissent lorsqu'il s'agit d'une fiducie récemment formée et qui n'a donc pas résidé au Canada pendant dix ans. Mais c'est un élément dont il faudrait discuter avec les États-Unis afin d'apporter les modifications nécessaires à la convention fiscale.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Goodman. Monsieur Laloge.
M. Laloge: Les changements à envisager comprennent celui mentionné par Allan, à savoir d'appliquer à toutes les fiducies, sauf peut-être les fiducies de conjoints, des règles similaires à celles régissant les sociétés, au lieu des règles actuelles. Il y a d'autres modifications mineures qui permettraient de rétablir l'intégrité du système, du moins dans l'esprit du public, par exemple certaines de celles proposées par M. Goodman.
Il importe de montrer que l'on traite les résidents canadiens au moins aussi bien, sinon mieux, que ceux qui partent. J'aimerais que mes collègues me disent si la balance nette des capitaux du Canada est positive ou négative, c'est-à-dire si les partants emmènent plus ou moins de capitaux que n'en apportent les nouveaux arrivants. Dans ma région du pays, nous voyons un afflux d'immigrants du monde entier. Je ne suis pas certain qu'il en soit de même à l'échelle nationale.
Quel que soit le processus suivi, je pense qu'il importe de considérer deux choses. L'une est l'opportunité d'avoir un livre blanc avant d'apporter ce type de changements. L'une des raisons pour lesquelles nous avons tant de problèmes avec notre régime fiscal, dans ce domaine et ailleurs, est que depuis 20 ans on procède par petites retouches successives. Malheureusement, tous ces compromis font que le système d'aujourd'hui est bien différent de celui qui avait été établi initialement et qui reposait sur une conception philosophique très claire, ainsi que Neil Brooks l'a souligné ce soir.
Deuxièmement, je crois que le ministère des Finances a constitué un autre comité de spécialistes, au nombre de six ou sept, qui se penchent sur certains éléments de l'imposition des sociétés et des personnes. Je ne crois pas que ce groupe se penche sur la question qui nous occupe, mais il faudrait vérifier avec lui.
Le président: Si j'ai bien compris, il s'occupe uniquement de la fiscalité publique.
M. Laloge: Oui, mais s'il propose des changements majeurs, par exemple éliminer l'intégration dans le régime d'imposition des sociétés, il serait plutôt stupide pour nous de proposer un régime d'imposition de type société pour les fiducies. Il faut coordonner ce que font la main gauche et la main droite.
Le président: Je vous remercie, monsieur Laloge. Monsieur Smith, s'il vous plaît.
M. Smith: Monsieur le président, je pense que le comité devrait étudier comment la plupart des pays du monde règlent ce problème. Je pense qu'il y a deux points à considérer.
Premièrement, la norme internationale est que les gains en capital sont imposés lors de la réalisation plutôt que sur la base d'une comptabilité d'exercice. Le Canada impose les gains accumulés au moment du décès, parce que nous n'avons pas d'impôt sur les successions et que cela sert de substitut à la taxation des successions. Mais je ne pense pas que le fait d'imposer les gains accumulés lorsque la personne quitte le pays entre dans la même catégorie. Si nous avions un impôt sur les successions et que quelqu'un quitte le pays, la personne échapperait à l'impôt sur les successions et n'aurait pas non plus, si vous voulez, à payer d'impôt sur la succession cumulée.
Je pense donc que le comité devrait se pencher sur cette question. Est-ce que l'imposition sur la base d'une comptabilité d'exercice est appropriée lors d'un départ, ou bien faudrait-il recourir à la même méthode que la plupart des pays du monde et n'imposer que les plus-values réalisées?
Deuxièmement, en ce qui concerne l'imposition des non-résidents, la plupart des pays du monde conservent la juridiction sur les biens immobiliers ou assimilés. Virtuellement tous les traités fiscaux signés par le Canada limitent l'imposition des non-résidents aux biens immobiliers. La plupart des autres pays ont la même approche. Nous nous distinguons en ce sens que nous cherchons à élargir notre assiette fiscale au-delà des biens immobiliers pour imposer d'autres actifs ayant une connexion avec le Canada.
Je pense qu'il vaudrait la peine d'envisager sérieusement d'établir un régime où les gains en capital ne sont imposés qu'à la réalisation, sauf s'il y a décès, et qui limitent notre assiette fiscale aux biens immobiliers. Lorsque quelqu'un s'établit au Canada, il n'y a pas d'accroissement de la base de coût, et lorsque quelqu'un quitte le Canada, il n'y a pas de taxes. Si la réalisation intervient pendant la période de résidence au Canada, le Canada impose. Si la réalisation intervient ailleurs, c'est l'autre pays qui impose. Je pense que cela mérite un examen sérieux lorsqu'il s'agit de décider l'orientation future de la fiscalité.
Je vous remercie.
M. Lanthier: David, pourriez-vous m'éclairer? Ce que vous dites est très important et j'aimerais savoir si cela s'appliquerait aux sociétés, aux fiducies ou aux particuliers.
M. Smith: Je songe particulièrement aux personnes physiques, Allan. Je ne sais pas si les sociétés... Je ne pense pas que beaucoup d'autres pays aient une taxe de sortie, comme nous, lors du départ de sociétés. Pour les fiducies, je ne sais pas, mais il n'en existe pas pour les particuliers.
M. Sirkis: Monsieur le président, je suis d'accord avec David et j'ajouterai une chose.
Nous avons, à l'heure actuelle, un régime complet d'imposition des personnes qui quittent le Canada. Nous avons établi un système, par le biais de nos conventions fiscales, où nous décidons lors de négociations avec nos partenaires nous décidons sur quelle période nous allons percevoir cet impôt. Avec le Royaume-Uni, je crois que c'est sur cinq ans, c'est à peu près la même chose avec l'Australie et, avec les États-Unis, c'est dix ans. Je pense qu'il faut revoir cela dans le contexte des négociations et décisions touchant les conventions fiscales, car nos partenaires fiscaux ont manifestement des intérêts concurrents avec les nôtres et c'est dans la négociation des traités que les compromis nécessaires sont réalisés. Je pense qu'il faut englober cet aspect dans l'examen.
Une autre considération, dont je crois savoir que le professeur Brooks la rejette, est que la fiscalité dans notre pays est très lourde. Dire aux gens qui veulent quitter le pays qu'avant de partir ils doivent nous payer un paquet d'argent est un autre obstacle si nous voulons convaincre des personnes de venir créer des richesses au Canada. Je sais que cela ne compte guère dans certains cercles, mais je pense que c'est un aspect que le comité ne devrait pas perdre de vue.
Le président: Je vous remercie, monsieur Sirkis.
Monsieur Wilkie.
M. Wilkie: Suite aux propos de M. Smith et de M. Sirkis, je pense qu'il faut ajouter deux autres éléments. M. Smith a établi une distinction entre l'imposition par le Canada des gains cumulés au moment du décès, et l'a comparée à la situation où le contribuable ne décède pas mais ne fait que déménager. Je pense qu'une façon d'appréhender cela et d'illustrer l'importance de la distinction est de dire qu'au moment du décès l'implication du contribuable dans le bien prend fin, c'est-à-dire qu'il y a, dans la pratique, un règlement de comptes.
Lorsque le contribuable quitte le pays, son implication dans le bien ne prend pas nécessairement fin. De fait - et je ne dis pas cela pour trivialiser le facteur liquidité, car je pense que c'est différent de la liquidité - les caractéristiques intrinsèques du bien peuvent aussi bien faire monter que baisser la valeur de celui-ci, et ces caractéristiques peuvent bien avoir été incorporées, et l'étaient probablement, dans le bien au moment du départ du contribuable. Or, le Canada prétend conserver ce bien de façon permanente dans son assiette fiscale.
Que le Canada choisisse de renoncer à l'imposer, dans le contexte d'accords bilatéraux qui sont la norme internationale - c'est-à-dire les conventions fiscales - , cela est une autre question. D'autres vous ont expliqué comment fonctionnent les conventions fiscales et quel est leur rôle.
Je pense qu'il vaut la peine de faire ressortir qu'à ce stade de la discussion, lorsque la relation du contribuable avec les deux pays concernés est encore pertinente - à moins qu'il s'agisse d'un paradis fiscal et il n'y en a pas beaucoup dans lesquels les gens choisissent effectivement de s'établir - le débat monte d'un cran. C'est un débat entre deux pays sur la question de savoir comment se partager un magot fiscal. En effet, lorsque le Canada choisit d'imposer un non-résident qui dispose d'un bien canadien imposable, cela représente un coût fiscal pour quelqu'un d'autre, un autre pays, ou son régime de crédit pour impôt étranger, sous réserve de certaines limites.
À ce stade, les pays doivent décider entre eux à qui appartient cette assiette fiscale, et cet enjeu de politique fiscale internationale ne peut être ignoré ou obscurci par une perspective canadienne purement nationale, ou la perspective nationale de tout autre pays, concernant ce que pourrait être le résultat dans d'autres circonstances, en l'absence de ces tensions ou préoccupations.
Le président: Je vous remercie, monsieur Wilkie.
Monsieur Spindler, vous n'avez pas encore eu l'occasion de vous exprimer sur cette question. Vous êtes le seul que j'ai négligé.
M. Spindler: Je ne me sens pas terriblement rejeté. Je n'ai pas l'impression d'avoir souffert.
Il me semble que tout cela revient à la question de savoir s'il faut resserrer le filet fiscal canadien de façon à imposer clairement divers gains accumulés pendant la période de résidence d'une personne au Canada. Je pense que la réponse dépend - et je n'élude pas la question, même si j'en ai probablement l'air - de l'effet négatif à long terme que cela pourrait avoir sur le Canada, même s'il perçoit quelques recettes fiscales à court terme, et notre capacité à attirer des capitaux et à accumuler des capitaux.
Je pense qu'il faut dépasser le sujet précis et s'interroger sur le genre de système que l'on veut avoir. D'autres que moi ont dit à peu près la même chose. Voulez-vous avoir un système ouvert qui se contente d'imposer les gains réalisés pendant que la personne est au Canada, ou voulez-vous un système qui enferme le contribuable dans les mailles d'un filet? Je pense qu'il faut répondre non pas sur la base du court terme et du montant d'impôt que l'un ou l'autre régime rapporte dans l'immédiat, mais en déterminant lequel est susceptible d'engendrer le plus de capital et de richesse au Canada pour les Canadiens. Je ne pense pas que quiconque dans cette pièce puisse apporter la réponse ce soir. Je pense que c'est le défi lancé au comité.
Le président: Je vous remercie, monsieur Spindler.
Monsieur Grubel, madame Brushett et monsieur Williams.
M. Grubel: Je voudrais commencer par une déclaration. Je pense que le problème que nous avons ici en est un d'idéologie. Je pense que le système actuel est très souhaitable car il préserve une concurrence internationale entre pays pour attirer les migrants riches. En fait, j'aimerais que nous ayons les impôts les plus faibles afin qu'ils viennent tous chez nous pour échapper à la fiscalité chez eux. Je pense que le monde s'en porterait mieux. Personnellement et idéologiquement, je pense que plus le rôle de l'État est réduit et plus faible l'impôt, mieux nous nous portons tous.
Je sais où se situe M. Brooks. Il l'a assez montré dans son témoignage. Il pense exactement le contraire - que plus l'État est présent et plus les taxes sont élevées, plus le gouvernement peut faire le bien. Par conséquent, il est totalement cohérent sur le plan idéologique que vous cherchiez à faire en sorte que les gens restent ici, une fois qu'ils sont là. Mais vous négligez le genre de facteurs queM. Spindler a fait ressortir. Je suis pleinement d'accord avec lui et je n'hésite pas un instant à affirmer que la maximisation du bien-être de tous interviendra si nous encourageons la concurrence internationale, tant pour les migrants que pour les capitaux.
J'ai une courte question pour M. Lanthier. Je cherche juste un renseignement. Si General Electric - disons une société X - est une société canadienne et a des actions en circulation, mais décide de déménager son siège social du Canada aux États-Unis, dans quelle mesure devra-t-elle payer un impôt sur les gains en capital, sur quels éléments d'actif?
M. Lanthier: Par le seul fait du déménagement du siège social?
M. Grubel: Oui.
M. Lanthier: Il n'y aura pas d'impôt à payer. Nous en avons vu pas mal d'exemples avec des sociétés publiques canadiennes. En dépit de ce qui a pu être dit ici, nos règles d'émigration des sociétés sont extrêmement strictes et rendent prohibitivement coûteux le départ de la plupart des sociétés qui voudraient quitter le Canada en raison de sa fiscalité élevée.
M. Grubel: Le déménagement du siège social?
M. Lanthier: Oui.
M. Grubel: Je ne sais pas ce que cela signifie, sur le plan légal, de déménager une société.
M. Lanthier: Cela ne signifie rien. Nous avons une société publique canadienne avec des actions émises dans le public et qui fait affaire au Canada et à l'étranger par le biais de diverses filiales. Elle prend simplement son siège social et, au lieu de le laisser à Vancouver, Montréal ou Toronto, elle l'établit en Caroline du Sud. Vous déménagez 40 ou 50 cadres et vous commencez à fonctionner à partir de là-bas.
M. Grubel: D'accord.
M. Lanthier: Nous avons donc perdu 40 ou 50 cadres de valeur.
M. Grubel: Le temps nous manque. Donc, pour rester sur ce sujet, pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendez lorsque vous dites que les fiducies devraient être traitées comme les sociétés?
M. Lanthier: Nous empêchons les sociétés d'échapper au filet fiscal canadien autrement que...
M. Grubel: Autrement qu'en faisant quoi?
M. Lanthier: ...à un coût prohibitif.
M. Grubel: Lorsque les sociétés font quoi?
M. Sirkis: Je pense que votre question est de savoir si une société, lorsqu'elle change de lieu de résidence, doit des impôts au Canada? La réponse est oui. Elle change son lieu de résidence par une procédure juridique formelle et en devenant incorporée dans un pays étranger. C'est généralement ainsi que cela se passe. Elle peut également changer la composition de son... Mais c'est généralement ainsi qu'elle procède.
M. Lanthier: Massey Ferguson était une société publique bien connue. Verity, qui avait essuyé des pertes si énormes...
M. Grubel: Oui, j'allais justement dire...
M. Lanthier: Et elle a fait exactement ce que Rob a dit. La compagnie a déménagé et a cessé d'être régie par la Loi sur les sociétés par actions canadienne. Elle est passée sous le régime juridique américain.
M. Grubel: Par conséquent, dans la mesure où les sociétés se heurtent à une barrière aussi prohibitive lorsqu'elles veulent déménager, vous voulez imposer la même barrière prohibitive aux fiducies. Est-ce là votre intention?
M. Lanthier: Je dis cela, monsieur Grubel, parce que la raison majeure qui amène les sociétés à vouloir quitter le Canada est souvent d'ordre fiscal. C'est entièrement différent pour les personnes physiques, bien entendu. Nous empêchons de partir une société qui a été fondée ici, qui fonctionne ici depuis 50 ans, qui est une société publique canadienne et qui n'apprécie plus nos taux d'imposition élevés ni notre régime de filiales étrangères et certains des changements récents. On peut débattre de la question de savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais souvent l'une des raisons majeures pour vouloir quitter le Canada est d'échapper au filet fiscal canadien. C'est totalement différent pour les personnes.
M. Grubel: Oui, mais vous considérez... La conclusion logique de ce que vous avez dit est que vous considérez que les fiducies veulent déménager surtout pour éviter les impôts élevés du Canada, tout comme les sociétés. Donc, vous êtes d'accord avec l'idée de M. Brooks d'ériger une barrière.
M. Lanthier: Je ne le dirais pas en termes aussi généraux que vous, monsieur Grubel, mais je dis que les «entités artificielles» ou les «personnes sociales», si je peux les appeler ainsi, les sociétés ou les fiducies, sont différentes des particuliers comme vous et moi.
M. Grubel: Je saisis bien. Je voulais simplement souligner clairement la conclusion qui découle de votre affirmation. Si une société veut partir pour des raisons fiscales, il faut la punir. Vous dites qu'il faudrait faire de même pour les fiducies. Cela découle logiquement de ce que vous avez dit, d'après toutes les indications que vous m'avez données.
M. Lanthier: Je ne le dis pas de façon aussi peu nuancée que cela. Je ne prétends pas que chaque fiducie qui quitte le Canada - très franchement, nous en voyons très peu - a pour seule motivation, dans tous les cas, de minimiser l'impôt futur. Je dis qu'il n'y a souvent aucune raison contraignante autre que la fiscalité, et je pense que la conclusion s'ensuit logiquement. Je ne serais pas opposé à un tel changement de la politique.
M. Grubel: Dans ce cas, vous créez des injustices nouvelles. Peut-être 10 p. 100 déménagent pour éviter l'impôt, mais 90 p. 100 seront traités inéquitablement. Je sais, évidemment, que nous ne pouvons nommer la famille qui a déplacé ses 2 milliards de dollars, mais en réalité, étant donné les taxes sur la succession qu'elle va devoir payer lorsque le bénéficiaire principal décédera, elle finira par payer davantage d'impôt sur la succession que si elle avait gardé l'argent ici, si c'est après dix ans. Donc, même dans le plus grand exemple de l'histoire récente, celui qui nous amène ici, c'est l'inverse qui est vrai. Qu'est-ce qui vous fait dire qu'ils veulent éviter de payer des impôts? Comment éviteraient-ils de payer l'impôt, particulièrement si nous n'avons pas de convention préventive de double imposition? Nous maintenons nos droits sur ces fiducies pour le restant de nos vies.
M. Lanthier: Votre question, monsieur Grubel, repose sur un certain nombre de suppositions et je ne peux répondre sans connaître la situation particulière du contribuable.
Le régime fiscal américain diffère du nôtre. Comme M. Goodman l'a dit, aux États-Unis il y a une base d'imposition historique. Que la base historique, en l'occurrence, soit une base ancienne ou très récente... une juste valeur marchande beaucoup plus grande au Canada, je ne sais pas. Que le bénéficiaire soit là-bas lorsqu'il ou elle décède et sera sujet aux droits de succession américains, ou à d'autres impôts - je ne sais pas.
M. Grubel: Mais ce n'est pas du tout clair. J'aimerais établir pour le procès-verbal que même dans ce cas, avec toute la spéculation sur le nom de la famille et le fait que ce déménagement est motivé par des considérations fiscales, j'ai entendu dire que si cette société s'établit à New York et que cette personne décède à New York, le fardeau fiscal sera probablement plus élevé que si la personne était restée au Canada.
M. Lanthier: Il s'ensuivrait logiquement que le fardeau fiscal serait énorme, et je comprends bien votre argument. Mais un autre facteur est qu'aucun bien n'a réellement quitté le Canada. Je ne sais pas de qui il s'agit ni quels sont les biens, mais si c'est une entreprise de fabrication, l'usine est toujours là, les emplois sont toujours là, les salaires continuent à être versés aux gens d'ici.
M. Grubel: Je suis très surpris, dans ces conditions, que vous recommandiez de les traiter comme des sociétés.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Grubel.
La parole est à M. Williams et le dernier tour appartiendra à Mme Brushett. Ensuite, je veux permettre à chacun de nos invités de dire quelques mots de conclusion. Je sais que nos experts ont encore diverses choses à dire.
M. Williams: Si j'ai moi aussi une aversion à payer des impôts très élevés, j'ai apprécié la remarque de M. Brooks lorsqu'il a dit que les gens qui gagnent de l'argent au Canada et partent ne devraient pas payer moins d'impôt que les Canadiens qui gagnent de l'argent au Canada et restent. Il semble injuste de donner un avantage fiscal à ceux qui partent.
On semble vivre sous l'illusion que les impôts canadiens sont beaucoup plus élevés qu'ailleurs. C'est peut-être vrai dans bien des cas, mais je signale également que les revenus du travail sont imposés aux États-Unis où qu'ils soient gagnés, et même si vous ne mettez pas le pied aux États-Unis pendant des années et des années. Il y a de grosses injustices là-bas aussi.
Je m'inquiète également de voir que le Canada est considéré comme un pays d'immigration pour les jeunes et un pays d'émigration pour ceux qui se sont enrichis et veulent partir. C'est un aspect à ne pas négliger.
J'ai une dernière question sur un point qui n'est pas clair pour moi. C'est une simple question. Si une société quitte le Canada, peut-elle avoir néanmoins un bien canadien imposable? Par exemple, si elle a une usine ici au Canada, ici à Ottawa, et qu'elle part, est-ce que cette usine est un bien canadien imposable?
M. Lanthier: Non. Lorsqu'une société quitte le Canada, de la manière décrite par Rob Sirkis, c'est-à-dire abandonne sa résidence au Canada, deux choses se passent: il y a une disposition de tous ses biens à la juste valeur marchande, et il y a une taxe secondaire tenant lieu de retenue d'impôt sur les dividendes. Si donc vous avez une valeur accumulée sur tout bien, vous êtes massivement imposé et c'est d'un prix prohibitif.
M. Williams: C'est là le coût prohibitif dont vous parlez.
Le président: Je vous remercie, monsieur Williams. Pour terminer, madame Brushett, très rapidement, je vous prie.
Mme Brushett: Deux choses. J'aimerais revenir à la divulgation des décisions anticipées. Puisqu'il y en a tellement, serait-il raisonnable et approprié de les publier dans la Gazette du Canada, dans les 24 heures, et ne pas laisser subsister ce vide de six ans pendant lesquels personne ne sait ce qui se passe?
Le président: Scott Wilkie a une réponse à cela.
M. Wilkie: Ce serait impossible à faire, mais un programme est effectivement en cours pour publier toutes les décisions. Certaines l'ont été par le passé, mais il faut les expurger de toute description des circonstances qui permettraient d'identifier les contribuables, et ce sans déformer ou diminuer l'interprétation de la loi qu'elle donne.
Mme Brushett: Mais n'est-il pas possible d'enlever les éléments qui permettent l'identification?
M. Wilkie: Oui, mais cela ne peut pas se faire si vite.
Mme Brushett: Vous dites donc qu'on ne peut publier ces décisions rapidement.
M. Wilkie: Je ne pense pas. Mais elles peuvent être publiées.
Mme Brushett: Vous parlez des sorties de capitaux. C'est tout ce que ce pays a jamais connu, pour une raison ou pour une autre. J'aimerais donc quelques éclaircissements là-dessus, car nous avons ce gros écart lorsque vous parlez de cette fuite de capitaux.
Je pense que c'est David Smith qui a mentionné cela, mais j'aimerais savoir ce qui serait différent, car les capitaux partent déjà, et vous dites que si nous traitons les particuliers comme des sociétés ou des fiducies, il y aura cette grande fuite. Je ne suis pas d'accord avec vous, et je me demande...
M. Smith: Je ne pense pas que c'est moi qui ai parlé d'une fuite de capitaux.
Mme Brushett: C'est peut-être M. Lanthier.
M. Smith: Je pense que c'était M. Lanthier.
Mme Brushett: Je pense que c'est très important. Pourquoi dites-vous qu'il y aura une fuite? Nous l'avons déjà. Je n'ai jamais vu tant de personnes de ma vie, même dans ma petite localité, qui ont des fiducies partout dans le monde, des gens ordinaires de classe moyenne. Cela dépasse mon entendement. Il y a déjà une fuite de capitaux maintenant.
M. Lanthier: Il y a deux façons de sortir des biens du pays. On peut rester ici et, par exemple, créer une société ou une fiducie à l'étranger dont on est propriétaire et qui a des avoirs. Ces avoirs sont toujours au Canada parce que vous ou moi sommes toujours au Canada. Nous sommes propriétaires de ces biens. Les biens sont physiquement à l'étranger, mais sont tous assujettis à la fiscalité canadienne, à nos règles sur les fiducies étrangères et à nos règles sur les filiales étrangères etc. Il y a beaucoup de publicité à ce sujet à cause des nouvelles règles sur la déclaration des biens à l'étranger que le ministre des Finances et le ministre du Revenu national ont introduites.
L'autre façon, pour vous ou moi, est de faire nos valises et de quitter le pays, et cela se passe dans une certaine mesure. J'en ai parlé à M. Brooks pendant le dîner, et il ne semble pas voir le phénomène, mais je le vois chaque jour de ma vie professionnelle. De jeunes entrepreneurs dynamiques, disposant de capitaux, font leurs valises et partent investir à l'étranger pour diverses raisons. Le niveau des impôts et des déficits publics sont les principales raisons.
Donc, oui, les gens partent; nous vivons dans une société libre et les gens sont libres de partir quand ils le veulent, dans notre régime politique.
Le président: Puis-je vous interrompre ici? Je vous ai promis que vous pourriez partir d'ici à temps pour attraper ce vol, ce qui nous laisse cinq minutes. Habituellement, lorsque j'ai un groupe de personnes, je présume qu'il m'incombe de conclure. Mais nous avons ce soir un groupe de gens tellement intelligents, informés et diserts, que je vous demande à chacun de conclure. Pourriez-vous le faire en 30 secondes?
Neil Brooks.
Le professeur Brooks: Je vais résumer. Permettez-moi de faire ressortir deux aspects triviaux, sans vouloir provoquer qui que ce soit. J'en profite pour vous remercier de m'avoir invité. C'est toujours un plaisir que de comparaître ici et d'apporter une modeste contribution aux importants travaux de votre comité.
Le premier point est que je pense qu'il n'y a aucun doute qu'ils ont fait cela pour éviter l'impôt. Je pense que c'est indiqué dans la décision. Ils voulaient éviter la règle des 21 ans. Deuxièmement, il est un fait que cette fiducie ne paiera de l'impôt nulle part, en toute probabilité. En effet, si elle attend dix ans aux États-Unis, elle pourra revenir au Canada avec une base de coût accrue déductible de la juste valeur marchande, et ne payer d'impôt nulle part sur cette plus-value.
Toutes sortes de biens canadiens imposables quittent le pays et ne sont imposés nulle part. C'est pour faire cela que l'on paie beaucoup d'argent à ces fiscalistes et ils sont très retors, je peux vous l'assurer.
Le deuxième élément trivial est que, en décidant ce que vous allez faire de cela, il importe de considérer l'ensemble du régime fiscal lorsque vous comparez les pays les uns aux autres. L'une des raisons pour lesquelles les Européens n'ont pas de taxe de sortie sur les capitaux est qu'ils perçoivent déjà un impôt sur la fortune. Ils imposent les gens chaque année sur la valeur nette de leur patrimoine. La plupart des pays européens imposent également la valeur locative théorique des résidences. Peu leur importe donc que vous quittiez le pays, puisque vous avez payé des impôts chaque année sur la valeur de votre capital.
Le président: Je vous remercie, monsieur Brooks.
Scott Wilkie.
M. Wilkie: Madame Brushett, lorsqu'un contribuable présente une demande de décision anticipée, on pourrait lui demander quels renseignements il accepte de voir divulguer lors de la publication de cette décision. Cela se pratique dans certains pays. On pourrait donc, dans la pratique, avoir deux décisions parallèles.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que j'ai déjà pu dire. Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité et de nous avoir tous écoutés.
Le président: Je vous remercie.
M. Sirkis: Même chose pour moi. Je vous remercie de m'avoir demandé de venir.
M. Smith: J'ajoute moi aussi que je suis honoré de l'invitation à participer à ces travaux.
J'aimerais dire plusieurs choses. Le premier sujet dont nous avons traité aujourd'hui est une affaire très importante et grave, mais j'espère que le comité, dans ses délibérations et dans son rapport, ne perdra pas de vue le quatrième, qui me paraît également très important. J'espère qu'il recevra une attention au moins égale à celle accordée au premier sujet.
Avant que le comité ne fasse sienne dans son rapport la proposition de M. Lanthier, je veux réitérer que nous avons déjà un impôt de sortie sur les fiducies. Deuxièmement, une fiducie n'est pas quelque entité magique, elle n'est rien d'autre que les personnes qui en sont bénéficiaires, et ces bénéficiaires sont aussi des personnes. Si ces personnes sont installées à l'étranger, je pense qu'il est tout aussi justifié que la fiducie soit installée à l'étranger.
Le président: Je vous remercie, monsieur Smith.
M. Goodman: Je vous remercie de m'avoir invité. J'allais faire une brève remarque concernant les fiducies qui décident de quitter le pays.
L'affaire dont nous parlons met en jeu des personnes qui résident aux États-Unis depuis très longtemps, crois-je savoir. Il est extrêmement malcommode, c'est le moins que l'on puisse dire, qu'une fiducie résidant au Canada reste au Canada alors qu'elle a été créée pour le bénéfice d'un résident des États-Unis.
Normalement, ce résident américain voudra investir aux États-Unis et voudra que sa fiducie investisse aux États-Unis. Le revenu de ces investissements est alors frappé d'une retenue d'impôt lorsqu'il est versé à la fiducie au Canada. Une retenue d'impôt est payable une deuxième fois lorsque la fiducie distribue son revenu aux résidents américains. Il peut y avoir d'autres raisons pour lesquelles la fiducie peut vouloir partir, mais le souci d'échapper à une double imposition dans ces conditions est un motif plutôt évident que tout conseiller fiscal compétent recommandera. Il y a des obstacles à surmonter.
À mon avis, l'idée de M. Lanthier d'assimiler les fiducies aux sociétés est inappropriée et doit être rejetée.
Le président: Je vous remercie, monsieur Goodman.
M. Lanthier: Monsieur le président, c'est un privilège que de me trouver ici.
Neil Brooks a parlé d'une règle des 21 ans. Je ne sais pas d'où il tire ces renseignements confidentiels sur cette transaction particulière, mais la règle des 21 ans ne prend effet, en général, que le 1er janvier 1999.
Le professeur Brooks: Elle fait partie des règles. Elle allait s'appliquer en 1993.
M. Lanthier: Je vous remercie, Neil.
Je voudrais réitérer tout mon soutien à Revenu Canada. Tout au long des 25 années, ou presque, que j'ai traitées avec le ministère, je n'ai jamais vu chez ces fonctionnaires autre chose que le plus haut degré de compétence, de professionnalisme et de probité, et je serais désolé que ce débat nuise en quoi que ce soit au processus des décisions anticipées.
La troisième question était de savoir s'il faut assimiler les fiducies à des sociétés, et manifestement il n'y a pas unanimité à cet égard parmi mes collègues. J'encourage le comité à continuer d'étudier cet aspect, ainsi que l'interrelation entre les règles applicables aux fiducies et nos conventions fiscales et les possibilités d'évitement qui en résultent, afin de déterminer quelles modifications s'imposent.
Enfin, quatrièmement, le fait que des personnes quittent le Canada est une réalité. Le capital doit être mobile et les personnes doivent avoir la liberté de mouvement. À mon sens, imposer aux particuliers un impôt de sortie sur la valeur de réalisation ferait de nous un pays tellement hostile que les capitaux fuiraient et qu'il n'en entrerait plus. Cela ne ferait qu'aggraver un problème qui se manifeste déjà.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie, monsieur Lanthier.
Monsieur Laloge.
M. Laloge: Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité.
Il est absolument indispensable que le comité formule des recommandations très fermes dans le but de remédier au sentiment d'injustice que les Canadiens individuels éprouvent face à l'impôt sur le revenu. La somme des capitaux qui fuient notre pays est considérable et les effets à long terme en sont très néfastes pour notre avenir. Vous ne pouvez laisser perdurer ce problème. Il faut le régler le plus rapidement possible.
Le président: Je vous remercie, monsieur Laloge.
Monsieur Spindler.
M. Spindler: Pour reprendre certains des arguments d'Allan, au sujet de la première question posée, je pense que Revenu Canada a agi de façon appropriée. Je pense que le vérificateur général a fait un excellent travail en mettant en lumière un élément du régime fiscal qu'il pourrait y avoir lieu de modifier, mais la façon dont il s'y est pris laisse quelque peu à désirer. Si des changements sont apportés et qu'ils vont plus loin que la simple rectification d'incohérences internes et d'anomalies, et modifient fondamentalement le régime, on risque, à mon sens, d'engendrer une grosse désincitation pour régler un problème mineur.
C'est un système qui doit être équilibré à l'échelle internationale. Il se peut que l'on puisse apporter quelques aménagements sans répercussions négatives ailleurs, mais l'enjeu est assez gros et toute modification devra être très raisonnée et réfléchie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Spindler.
Nous avons entendu ce soir un plaidoyer de chacun des témoins, de même que de certains membres du comité, en faveur d'un examen approfondi de la loi fiscale, particulièrement sur le plan de l'émigration. Il n'y a pas unanimité sur les mesures à prendre, mais vous nous avez indiqué certaines orientations que nous pourrions suivre.
Je ne vois pas comment nous pourrions trouver ces solutions rapidement sans votre participation continue et celle des autres Canadiens à ce processus. Peut-être tout ce que nous pourrons faire, sera-t-il de recommander certaines orientations et lancer un processus de concertation détaillée en prévision d'une modification future de la loi.
Comme je l'ai dit au début, le vérificateur général joue un rôle précieux dans notre vie à tous, en obligeant le gouvernement à rendre des comptes - à nous les parlementaires et, par notre intermédiaire, aux Canadiens, qui sont les actionnaires dans tout ce processus. Je ne veux rien faire qui diminue le rôle du vérificateur général ou réduise sa capacité à faire le travail le plus rigoureux possible pour le compte de ses actionnaires et du public canadien.
Nous avons entendu ce soir un certain nombre de critiques adressées à Revenu Canada concernant une certaine décision et les répercussions qu'elle pourrait avoir. Bien sûr, il n'y a pas eu unanimité à ce sujet, mais nous vous remercions de nous avoir fait bénéficier de votre savoir. J'espère que les Canadiens se rendent compte combien nous avons de la chance, en tant que Comité des finances, de pouvoir compter sur certains des experts les plus compétents et les plus expérimentés qui sont au sommet de leur carrière - particulièrement Wolfe Goodman - au service de leurs clients canadiens et étrangers. Si je devais rémunérer leurs services sur une base horaire, je paierais probablement bien plus de 5 000$ de l'heure pour ces huit personnes. Elles jouissent d'une réputation internationale, car la fiscalité internationale est un art mondial, une profession mondiale. Je suis bien placé pour le savoir, ma carrière m'ayant fait effleurer ce domaine, il y a de nombreuses années. Je connais la haute réputation de ces personnes.
Nous avons beaucoup de chance de pouvoir faire appel gratuitement à vos services et à vos conseils. La célérité avec laquelle vous avez accepté de venir ici, à un ou deux ou trois jours de préavis, est un atout énorme pour un système à l'amélioration duquel vous êtes prêts à consacrer votre temps et vos efforts, tout comme nous.
Je vous remercie infiniment.
Des voix: Bravo, bravo!
Le président: La séance est levée.