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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 30 juillet 1996

.1403

[Traduction]

Le président: Nous tenons aujourd'hui la dernière d'une série de trois séances portant sur les coûts économiques et d'observation de nos régimes d'imposition des sociétés.

Nous sommes très heureux d'accueillir cet après-midi les cinq témoins que voici: Sean Finn, des Chemins de fer nationaux du Canada; John Lynch, du Chemin de fer Canadien Pacifique;Barry Pickford, de Stentor; Lise Lachapelle de l'Association canadienne des pâtes et papiers; et Francis Montreuil, de l'Université du Québec à Montréal. Je vous remercie tous de votre présence.

Je propose que nous commencions par demander à chacun de nos témoins de nous faire un bref exposé de sa position avant d'ouvrir la période des questions. Je vous assure que vous disposerez de tout le temps nécessaire pour faire valoir vos arguments. Avant de conclure, nous demanderons à chacun de nous faire une brève récapitulation. Merci encore une fois de votre présence.

Peut-être pourrions-nous commencer par vous, monsieur Finn.

M. Sean Finn (directeur et fiscaliste principal, Chemins de fer nationaux du Canada): Merci, monsieur le président. Avec votre permission, j'aimerais faire un exposé conjoint au nom de nos deux entreprises respectives, c'est-à-dire le CN et le CFCP, et des chemins de fer en général. John Lynch, administrateur fiscal adjoint pour CFCP, se joindra à nous pour faire cet exposé.

Au nom de mes collègues du CN et du CFCP, j'aimerais tout d'abord remercier le comité de nous donner l'occasion de vous parler des préoccupations des chemins de fer canadiens dans le contexte d'une économique concurrentielle. Le document que nous vous avons fait distribuer constitue un bref résumé des principales questions fiscales qui influencent quotidiennement notre compétitivité, vis-à-vis d'autres modes de transport et de nos concurrents américains, qui sont des chemins de fer de catégorie I.

.1405

La liste de préoccupations qu'on retrouve dans ce document ne doit pas être considérée exhaustive. Elle permettra néanmoins au comité d'avoir une idée générale des principales questions économiques et d'observation qui touchent les deux plus importants chemins de fer canadiens.

[Français]

Il me fera plaisir de répondre à vos questions dans l'une ou l'autre des deux langues officielles.

[Traduction]

Je passe maintenant à la page 2 du document: les chemins de fer sont essentiels au Canada. Tous les modes de transport sont essentiels à la stabilité économique et à la croissance de l'industrie canadienne. Le transport par rail est un élément clé du commerce canadien.

Au cours des deux ou trois dernières années, les chemins de fer ont lancé d'importants programmes de restructuration pour réduire leurs coûts et augmenter les dépenses en immobilisations afin d'améliorer le service à la clientèle. Le lourd fardeau fiscal des chemins de fer entrave notre capacité de poursuivre cette restructuration et de régler d'autres problèmes auxquels nous nous sommes attaqués dernièrement.

Ceci est d'ailleurs un euphémisme.

[Français]

De façon générale, on reconnaît bien qu'une réforme de la taxation ferroviaire au Canada est nécessaire. En se penchant sur le tableau 3 à la page 3, on voit que depuis plusieurs années, dans le cadre de différentes tables de concertation, on constate que les chemins de fer et l'industrie ferroviaire assument un fardeau fiscal très élevé.

La table de concertation de Vancouver en 1991, la Commission royale sur le transport des voyageurs en 1992, la Commission d'examen de la Loi sur les transport nationaux en 1993, l'initiative fédérale sur la relance du rail en 1994 et, tout récemment, en 1996, l'étude menée par l'Organisation pour la coopération économique dans l'Ouest canadien reconnaissent toutes la nécessité d'une réforme en matière de taxation ferroviaire.

Toute solution passe par une concertation du fédéral, des provinces et des municipalités. Nous sommes assujettis à ces trois niveaux de taxation. Il est indiscutable que nous sommes à la recherche d'un certain leadership de la part du gouvernement fédéral pour nous appuyer dans cette démarche.

[Traduction]

Les éléments du dossier sont relativement simples. D'abord, le CN et le CFCP paient environ40 p. 100 de plus sous forme de taxe sur le carburant, de taxe de vente, de charges sociales et d'impôts fonciers, que leurs homologues américains. Ces taxes et impôts constituent un élément important de la structure des coûts des deux chemins de fer.

Comme vous le savez, les chemins de fer possèdent, entretiennent et financent leur propre emprise - c'est-à-dire notre actif - qui est lourdement taxée - impôts fonciers, taxe sur le carburant et taxe de vente élevés. Les autres modes de transport, tels que le camionnage, utilisent des voies ou des actifs publics, et ces autres industries n'ont pas le même fardeau fiscal.

De plus, les taux d'amortissement ferroviaires sont bien moins avantageux au Canada qu'aux États-Unis. Il s'agit là d'un autre obstacle à l'investissement dans nos actifs.

En résumé, les taxes et impôts grugent une part plus grande de nos revenus au Canada, comparativement à nos itinéraires américains, où les taxes représentent une somme bien inférieure à d'autres modes de transport, comme le camionnage, et à d'autres secteurs d'activité au Canada. Ces charges plus lourdes sont composées des taxes de vente, des impôts fonciers, des taxes sur le carburant et d'autres taxes.

Je vais maintenant demander à John Lynch du CFCP de vous présenter des données quantitatives au sujet de ce fardeau fiscal.

M. John Lynch (administrateur fiscal adjoint, Canadien Pacifique Limitée): Si vous regardez la page 5 du document qu'on vous a remis, vous verrez un tableau indiquant l'incidence des taxes et impôts, autres que l'impôt sur le revenu des sociétés, de Canadien National et de Canadien Pacifique. La somme des charges sociales, des impôts fonciers, et des taxes sur le carburant et de vente représente un chiffre qui est plus élevé de presque 40 p. 100 au Canada, par rapport aux États-Unis.

Si l'on essaie de décomposer cette somme, on constate que le véritable problème se pose au niveau des impôts fonciers et des taxes sur le carburant et de vente. Les taux d'imposition canadiens sont de l'ordre de 45 p. 100, alors que pour les chemins de fer américains, un taux d'imposition typique serait de l'ordre de 40 p. 100.

Parlons donc des conséquences du plus lourd fardeau fiscal au Canada... D'abord, la vive concurrence des États-Unis entraîne le transit du trafic canadien par les États-Unis. À titre d'exemple, le bois d'oeuvre de l'Ouest du Canada qui est destiné au nord-est des États-Unis, au lieu d'être transporté par les chemins de fer canadiens, pourrait être transporté par camion depuis le point d'origine en Colombie-Britannique jusqu'à un chemin de fer américain de l'ouest des États-Unis, et être acheminé uniquement par un chemin de fer américain, au lieu d'emprunter un chemin de fer canadien.

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Comme autre conséquence, le trafic canadien passe par les ports américains plutôt que par ceux du Canada. Par exemple, le port de Vancouver fait face à une concurrence acharnée de la part de Seattle et de Tacoma. Les ports de Montréal et de Halifax doivent rivaliser avec ceux de New York, de Baltimore et de Norfolk.

En somme, les impôts plus élevés sur les chemins de fer canadiens aident les chemins de fer et les ports américains.

Le président: Avez-vous des chiffres indiquant le niveau de vos pertes en faveur de vos concurrents américains?

M. Lynch: Cette information a été fournie précédemment au ministère des Finances. Nous pourrions retrouver ces rapports et vous répondre par la suite. Malheureusement, je ne les ai pas à ma disposition aujourd'hui.

Le président: Merci.

M. Lynch: La page 7 de notre document présente un graphique du niveau des taxes sur le carburant, qui démontre que les taxes provinciales sur les carburants au Canada sont beaucoup plus élevées que celles des différents États américains. Mais en fait, le niveau élevé des taxes sur le carburant concerne à la fois le gouvernement fédéral et les administrations provinciales.

Quelques faits sur la taxation du CN et du CFCP: le CN et le CFCP paient environ 200 millions de dollars par année sous forme de taxes sur le carburant. En fonction d'une consommation analogue, les chemins de fer américains comparables paieraient environ 60 millions de dollars par année. La taxe d'accise fédérale sur le carburant est de 4¢ le litre; le taux américain est environ moitié moins grand. En moyenne, les taxes provinciales sur le carburant sont de l'ordre de 6,4¢ le litre, contre moins de 1¢ en moyenne aux États-Unis.

En ce qui concerne les impôts fonciers, le CN et le CFCP versent environ 160 millions de dollars par année en impôts fonciers sur leurs emprises. D'après nos estimations, cette somme est deux fois plus élevée que celle versée par les chemins de fer américains sous forme d'impôts fonciers.

M. Finn: Monsieur le président, les mesures que nous proposons abordent le problème de notre fardeau fiscal dans les deux secteurs où ce fardeau est particulièrement élevé. Nous sommes évidemment conscients du fait que certaines de ces initiatives seront fédérales, et d'autres provinciales; au niveau fédéral, cependant, une réduction des taxes fédérales sur le carburant, pour qu'elles atteignent le niveau des taxes américaines, nous permettrait de beaucoup mieux concurrencer les chemins de fer américains. Il s'agirait par conséquent d'une réduction des taxes sur le carburant de l'ordre de 1,8¢.

Deuxièmement, et c'est un élément encore plus important, à mon avis - tout cela figure à la page 10 de notre document - il est généralement reconnu que les deux grands chemins de fer et même certains chemins de fer secondaires vont devoir engager d'importantes dépenses d'immobilisation au cours des quelques prochaines années. Pour leur faciliter la tâche et pour encourager non seulement les chemins de fer mais aussi d'autres investisseurs à engager de telles sommes, il serait bon de leur offrir, pour une période de cinq ans, une formule de déductions pour amortissement semblable à celle qui existe aux États-Unis, c'est-à-dire prévoyant un amortissement fiscal linéaire de trois ans sur les nouveaux éléments d'actif. Ainsi les chemins de fer pourraient renouveler leur parc, leurs actifs et leurs équipements, ce qui nous permettrait d'être beaucoup plus concurrentiels sur nos itinéraires américains.

Il s'agirait là, évidemment, d'initiatives fédérales,

[Français]

...il est clair que les deux composantes les plus élevées de notre charge fiscale sont l'impôt foncier et la taxe sur l'essence qu'imposent les provinces.

Nous avons mené des discussions avec les provinces en vue de réduire l'impôt foncier sur notre voie ferrée qui ont été couronnées de succès en Colombie-Britannique, au Québec et en Nouvelle-Écosse. Il reste toutefois encore beaucoup de travail à faire et nous souhaitons que le gouvernement fédéral appuie nos initiatives visant à convaincre les provinces qu'il est important que nous demeurions compétitifs.

La deuxième composante vise une réduction en matière d'impôt sur l'essence. Là aussi, nous poursuivons nos discussions tant avec les provinces qu'avec le fédéral. Nous avons accompli des progrès au Manitoba et en Alberta. Toutes ces initiatives visent à réduire notre structure de coûts, un élément essentiel de notre survie à titre de chemin de fer canadien.

Je cède la parole à John, qui parlera brièvement de nos principales préoccupations en matière de conformité fiscale.

[Traduction]

M. Lynch: En ce qui a trait aux questions économiques et d'observation que nous aimerions aborder aujourd'hui, je voudrais dire tout d'abord que les chemins de fer appuient toute initiative visant à harmoniser les taxes fédérale et provinciales. La récente harmonisation de la taxe de vente par le gouvernement du Canada et trois administrations des quatre provinces maritimes constitue à notre avis une mesure fort positive. Nous appuyons vivement l'objectif d'une seule taxe de vente uniforme dans tout le Canada.

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Je passe maintenant à la question de la consolidation fiscale et du transfert des pertes des sociétés. À l'heure actuelle, la consolidation fiscale de facto n'est possible au Canada que par la mise en oeuvre de techniques et méthodes coûteuses et laborieuses, et de procédures telles que la réorganisation des sociétés, les frais intersociétés, les accords de financement, etc.

Nous croyons comprendre que le ministère des Finances et Revenu Canada donnent leur accord de principe au concept de la consolidation fiscale de sociétés canadiennes apparentées. Nous recommandons par conséquent que la législation fiscale canadienne prévoie un mécanisme pour la consolidation des profits et pertes des sociétés liées en propriété commune.

Merci beaucoup.

Le président: Merci. Les responsables du CN et du CFCP ont-ils l'habitude de collaborer de cette façon?

Des voix: Oh, oh.

M. Finn: Nous essayons, monsieur le président.

Le président: Avant de donner la parole à notre prochain témoin, M. Barry Pickford, je voudrais dire que nous sommes ravis d'accueillir parmi nous le Dr Jack Mintz. Son comité technique étudie en profondeur toutes ces questions, et nous attendons avec impatience son rapport.

M. Barry Pickford (représentant, Stentor Alliance): Je suis vice-président chargé de la fiscalité pour Bell Canada, mais je représente aujourd'hui Stentor Alliance.

Stentor Alliance représente l'ensemble des entreprises de télécommunications provinciales qui assurent toute une gamme de services de télécommunication d'un bout à l'autre du Canada. Cette alliance est composée d'entreprises qui vous sont bien connues - Bell, Canada, BC Tel, AGT, NB Tel, etc.

Je pense que nous tous, lors de discussions tenues avant cette réunion, avons convenu que notre régime fiscal fédéral et provincial a une incidence considérable sur nous du point de vue des coûts d'observation et économiques qu'il entraîne. Nous sommes donc très heureux de vous rencontrer aujourd'hui pour en discuter.

En 1995, les entreprises Stentor avaient environ 88 000 employés dans tout le Canada, et des charges de personnel de l'ordre de 4,3 milliards de dollars. Nos impôts et taxes se montent annuellement à environ 1,5 milliard de dollars et sont versés aux administrations à la fois fédérale, provinciales et municipales d'un bout à l'autre du pays. Dans le cas des municipalités, ces sommes sont versées sous forme d'impôts fonciers municipaux et de taxes professionnelles. De plus, dans bon nombre de provinces, il existe ce qu'on appelle une taxe sur les recettes brutes, cette taxe étant imposée uniquement, du moins dans la province d'Ontario, à Bell Canada.

En outre, nous percevons des taxes de vente d'environ 2 milliards de dollars que nous versons au gouvernement fédéral ainsi qu'aux administrations provinciales. Les retenues fiscales de nos employés se chiffrent à environ 1,5 milliard de dollars, sommes qui sont également versées aux gouvernements à la fois fédéral et provinciaux.

En 1996, les compagnies Stentor font partie d'une industrie en pleine transition. Nous prenons à présent toute une série de mesures pour rester compétitifs dans un contexte commercial mondial où la concurrence est de plus en plus vive. Car c'est le facteur concurrence qui est à l'origine de la plupart de ces mesures: la concurrence qui existe non seulement dans notre propre secteur dans des branches particulières, nous incitant à faire le maximum pour garder notre clientèle, mais celle qui existe également au niveau des nouvelles sources de financement. Par conséquent, il est essentiel que nos frais administratifs soient aussi bas que possible.

J'aimerais dire d'entrée de jeu, cependant, qu'à notre avis plusieurs initiatives fort positives ont déjà été prises dans ce domaine, notamment par Revenu Canada. Ce dernier a fusionné ses services chargés du revenu, de la TPS et des douanes. Il va sans dire que cela facilite grandement nos rapports avec Revenu Canada et aide à réduire nos coûts. Ce changement a permis la création d'un numéro d'entreprise unique, de sorte qu'on peut désormais discuter des sommes devant être versées au titre de différents impôts et taxes en nous adressant à un seul service. Ce service constitue essentiellement un guichet unique.

À notre avis, Revenu Canada a aussi réalisé des progrès pour ce qui est de faire davantage participer les contribuables aux décisions qui les concernent. Je songe, par exemple, au Comité de consultation des grandes entreprises sur la vérification.

.1420

Enfin, il a aussi commencé à assouplir les conditions très strictes, à notre avis, rattachées à la procédure de vérification suivie à tous les paliers de gouvernement en signant des protocoles de vérification avec les grandes entreprises qui paient beaucoup d'impôts; nos espérons que cette initiative aura pour résultat de faciliter et d'accélérer la vérification afin que cette dernière puisse nous permettre d'obtenir des données beaucoup plus actuelles que ne le permet la procédure actuellement en vigueur.

Malgré ces mesures, Stentor estime que le régime fiscal fédéral-provincial pose encore un certain nombre de problèmes en raison des coûts économiques et d'observation qu'il entraîne pour nos entreprises.

Il se trouve que, de tous les pays membres de l'OCDE, le Canada a actuellement le taux d'imposition des sociétés le plus élevé. De plus, une prolifération de taxes de toutes sortes, d'un bout à l'autre du pays, alourdit encore plus ce fardeau fiscal. À notre sens, une méthode de perception de ces taxes et impôts plus efficace permettrait peut-être de baisser quelque peu nos taux d'imposition.

Au sein de chacune des entreprises téléphoniques provinciales, comme on pourrait s'y attendre, différentes compagnies ont été créées pour les besoins de la réglementation ou encore pour fournir des services de nature différente. Chacune de ces compagnies devient à ce moment-là un contribuable distinct, ce qui signifie forcément que chacune doit produire ses propres déclarations d'impôt.

Dans le cas de Bell Canada, pour citer l'exemple d'une entreprise qui est active en Ontario et au Québec, nous devons présenter des déclarations fédérales ainsi que des déclarations provinciales en Ontario et au Québec pour l'impôt sur le revenu des sociétés et l'impôt sur le capital. Nous produisons également plusieurs autres déclarations de différents ordres. Mais dans le seul cas de l'impôt sur le revenu des sociétés et de l'impôt sur le capital, les taux d'imposition sont différents dans chaque province, le calcul du revenu imposable est différent dans chaque province, et le calcul du capital imposable est également différent dans chacune de ces provinces. Nous versons des sommes distinctes à chaque administration provinciale, bien entendu, et nos acomptes provisionnels peuvent être versés en fonction d'un régime ou d'une méthode différente, selon qu'il s'agit d'une province ou d'une autre.

Enfin, chaque province effectue sa propre vérification. Il arrive très souvent que les autorités provinciales fassent une vérification distincte de l'impôt sur le revenu des sociétés et de l'impôt sur le capital. Donc, à l'heure actuelle, comme bon nombre d'autres compagnies, d'ailleurs, nous travaillons encore à résoudre des problèmes qui remontent à sept ou huit ans, tout simplement parce qu'aucune décision définitive n'a encore été prise à leur sujet.

En plus des coûts d'observation qui en découlent, il y a évidemment des coûts économiques substantiels lorsqu'on fait sa planification en fonction d'une localité qu'on jugeait idéale pour l'entreprise mais où les taux d'imposition sont les plus élevés.

À notre avis, ce qui faciliterait le bon fonctionnement du régime actuel serait l'élaboration de méthodes cohérentes de calcul de l'impôt sur le revenu des sociétés et sur le capital. Nous sommes conscients du fait que bon nombre de ces difficultés découlent de stimulants économiques que souhaitent maintenir les autorités fédérales et provinciales; cependant, s'il était possible de maintenir ces stimulants en ajustant les taux d'imposition, au lieu d'exiger des calculs précis des revenus ou des capitaux imposables, le fardeau qu'implique l'observation des règlements serait pour nous bien moins lourd.

L'un des plus importants problèmes de planification touchant notre réseau de compagnies, et de nombreuses autres entreprises, d'ailleurs, concerne le traitement des groupes consolidés. Comme je le disais plus tôt, bon nombre de compagnies optent, pour les besoins de la réglementation, pour une structure chapeautée par une société de portefeuille qui contrôle une série de compagnies actives. Il peut très bien arriver que l'une des compagnies ait des pertes alors qu'une autre ait des bénéfices. Pour éviter d'être lésé dans une telle situation, on est obligé de prévoir des structures extrêmement complexes qui aident à la planification.

À notre avis, comme on vous l'a déjà dit précédemment, s'il était possible de consolider les déclarations d'impôt au Canada, il en résulterait un allégement important des coûts économiques et d'observation qui sont actuellement associés au régime fiscal canadien. Fait intéressant, c'est aux États-Unis qui ont justement un régime de déclaration consolidée, que nous faisons face à la plus vive concurrence. Ils ont même une règle relative aux pays voisins en vertu de laquelle une entreprise américaine qui est constituée en société au Canada ou au Mexique peut participer à la consolidation. Nous avons encore bien du chemin à faire avant d'en arriver là.

La troisième question que je voudrais aborder avec vous concerne la recherche et le développement. Les compagnies Stentor sont résolues à maintenir leurs efforts en matière de recherche et de développement. Nous sommes vivement en faveur des mesures incitatives fédérales visant à encourager la recherche et le développement, mesures qui devraient à notre sens être d'application générale au lieu d'être offertes à un secteur d'activité et non à d'autres.

.1425

Comme bon nombre d'autres compagnies, nous traversons actuellement une période difficile dans nos rapports avec Revenu Canada, car nous essayons de nous entendre sur les activités qu'englobent la recherche et le développement. Nous constatons que les règles et les interprétations qu'on en donne sont le plus souvent modifiées rétroactivement.

Ainsi, bien que les règles nous semblaient claires en 1991 ou 1992, et que Revenu Canada et le ministère des Finances encourageaient alors les entreprises à investir dans la recherche et le développement et, ce qui est encore plus important, à déclarer les activités qui pourraient être visées par des encouragements fiscaux, nous constatons maintenant que les règles ont changé. Par conséquent, quand nous avons remis nos déclarations pour 1991, 1992 et les années subséquentes, à chaque fois ces dernières donnaient lieu à de nouvelles cotisations. Les montants que nous réclamions pour la recherche et le développement nous étaient constamment refusés.

Ce n'est pas tellement le fait des nouvelles cotisations qui pose problème, mais plutôt les centaines et les centaines d'heures qu'entraîne la vérification qu'elles nécessitent. Je dirais que le soutien de cette vérification a exigé jusqu'à présent de nombreuses années-personnes, car au moment de produire ces déclarations, on encourageait les contribuables à inclure seulement un minimum d'information. Maintenant, par contre, on leur demande de fournir des renseignements très complets et détaillés qui peuvent remonter à cinq, six ou sept ans, alors que les employés qui ont effectué ce travail à l'époque peuvent ne plus travailler pour l'entreprise.

Nous vous faisons remarquer, toutefois, que Revenu Canada commence à modifier ses pratiques dans ce domaine. Les changements envisagés seront bien clairs une fois qu'ils auront été apportés au régime. Nous demandons simplement que les nouvelles règles ne soient pas nécessairement appliquées rétroactivement.

La dernière question que j'aimerais soulever concerne l'harmonisation des taxes de vente. Les entreprises Stentor sont en faveur de cette harmonisation.

Examinons pour les besoins de notre discussion le régime actuellement en place, c'est-à-dire un régime où les provinces maritimes et le Québec ont déjà harmonisé leur taxe de vente avec la TPS fédérale. Avec la situation dans les autres provinces, à notre sens, le statut des taxes de vente provinciales influence de plus en plus la décision d'une entreprise de s'implanter dans une localité par rapport à une autre. Pour nous, l'absence de neutralité dans tout cela est dangereuse du point de vue du pays dans son ensemble. Les provinces qui n'ont pas encore harmonisé leur taxe nous semblent nettement défavorisées.

Enfin, toujours sur la question des taxes de vente, étant donné que certaines taxes de vente provinciales ne prévoient pas de crédits de taxe sur intrants, il existe une sorte d'effet de cascade en ce qui concerne les coûts associés aux taxes de vente. Par exemple, en Ontario, les services taxables englobent les services de téléphone ou de télécommunications. Ces services-là sont visés par la taxe de vente, de sorte qu'une entreprise qui doit payer de tels services de télécommunications est obligée soit de répercuter le coût de ces services sur les consommateurs, soit d'absorber ce coût et de le considérer comme faisant partie de ses frais généraux. Un régime entièrement harmonisé mettrait tout le monde sur un pied d'égalité et permettrait donc d'éviter cet effet de cascade.

Enfin, vu le grand nombre de régimes différents de taxe de vente qui existent au Canada, les entreprises peuvent difficilement se conformer aux règlements de chacun sans supporter des coûts d'observation substantiels.

Je voudrais par conséquent faire quelques recommandations clés au sujet de ces multiples régimes et des taux d'imposition de notre régime fiscal fédéral et provincial. Nous recommandons que la méthode de calcul du revenu imposable et du capital imposable soit la même pour l'ensemble des provinces et pour le gouvernement fédéral. Ce changement est nécessaire parce qu'ils font maintenant payer un impôt sur le capital. Même si les taux sont différents, au moins la méthode de calcul de l'impôt exigible sera la même.

Nous avons également un besoin urgent de déclarations d'impôt consolidées au Canada. D'autres administrations, que ce soit des États ou des provinces, ont réussi à trouver des solutions au problème. À notre avis, il doit bien y avoir une solution canadienne au problème de la consolidation fiscale.

.1430

En ce qui concerne la recherche et le développement, l'incertitude entraîne évidemment des coûts économiques. Le Canada a besoin d'un régime qui prévoie des mesures d'incitation claires, lorsqu'on juge utile d'en offrir. Ceux qui peuvent se prévaloir de ces mesures doivent aussi savoir qu'ils seront tous sur un pied d'égalité et que cette mesure sera appliquée de façon uniforme et cohérente au fil des ans.

Enfin, dans le domaine de l'harmonisation des taxes de vente, nous encourageons le gouvernement fédéral à maintenir son dialogue avec les provinces qui n'ont pas encore de régime harmonisé en vue d'en arriver à un accord avec l'ensemble des provinces canadiennes au sujet de la taxe de vente.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pickford.

[Français]

Madame Lise Lachapelle, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Lise Lachapelle (présidente-directrice générale, Association canadienne des pâtes et papiers): Tout d'abord, l'industrie des pâtes et papiers souhaite vous remercier de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de présenter notre point de vue sur cette question.

Dans un premier temps, je voudrais vous parler brièvement de l'industrie forestière. Nous sommes les plus importants contributeurs à la balance commerciale du Canada; cette participation a atteint 34 milliards de dollars l'an dernier. De plus, nous employons, directement et indirectement, environ un million de personnes au Canada. Nos versements directs au gouvernement au titre de l'impôt sur le revenu, de la taxe de vente, des charges sociales, de l'impôt foncier, des droits de coupe et des paiements de redevances se sont chiffrés à plus de 5 milliards de dollars l'an dernier. Et cette somme ne comprend pas les 4,6 milliards de dollars versés par nos employés au régime fiscal.

Vous allez voir que certaines de nos recommandations sont les mêmes que celles faites par mes collègues ici présents.

[Français]

Je voudrais d'abord souligner qu'à chaque fois que nous entendons les remarques de l'industrie du transport ferroviaire relativement à la taxation, nous devons être conscients des implications de tout ce qui peut être fait dans ce secteur.

Deux éléments touchent un secteur comme le nôtre. Notre industrie forestière est le plus grand utilisateur du système de transport au Canada, si l'on tient compte du système ferroviaire, du système de transport par camion et du transport aérien.

Les coûts reliés au transport comptent pour à peu près 15 p. 100 des coûts de notre industrie, selon les compagnies. Vous constaterez ainsi l'importance de ce genre de recommandations pour nous. Un de nos messages vise à vous enjoindre de ne pas considérer le système de taxation par secteur particulier, mais de vous assurer de bien comprendre tous les liens qui nous relient l'un à l'autre tant dans le secteur manufacturier que dans le secteur des services.

[Traduction]

D'abord, le fait que le régime fiscal exacerbe, au cours d'un même cycle de prix, les fluctuations de la rentabilité de nos sociétés membres, au lieu de les atténuer, nous préoccupe vivement. Tout le monde sait que l'industrie forestière est une industrie fort cyclique. Or, le régime fiscal actuel aggrave, au lieu d'atténuer, ce caractère cyclique.

Les gouvernements, et notamment les administrations fédérale et provinciales, ont tendance à recourir de plus en plus à des impôts et taxes qui ne sont pas sensibles au revenu, tels que l'impôt sur le capital, les charges sociales et d'autres formes d'impôts minimums qui compromettent d'autres caractéristiques fort positives du régime fiscal. Je songe par exemple aux mesures touchant le transfert des pertes, le report rétrospectif et le report prospectif, qui étaient conçues au départ pour aider les entreprises à mieux équilibrer leur trésorerie après impôt.

Qu'est-ce que cela donne comme résultat? Eh bien, l'industrie se voit obligée de payer des impôts faramineux, même les années où nous subissons des pertes substantielles. Je vais vous citer l'exemple de 1991, où l'industrie forestière a enregistré des pertes de 2,5 milliards de dollars; malgré ces pertes, nos versements aux différentes administrations cette année-là se sont chiffrées à1,5 milliard de dollars. Si vous faites le calcul de nos pertes et des taxes et impôts que nous avons payés, vous verrez que cela représente une somme considérable qui n'a donc pas pu être investie.

.1435

Mon collègue de Stentor a fait allusion tout à l'heure à la recherche et au développement. La situation que je viens de vous décrire influe nécessairement sur nos dépenses en matière de recherche et de développement ainsi que sur nos dépenses sylvicoles. Certes, elles sont également influencées par le caractère cyclique de nos opérations.

Cela se répercute, entre autres choses, sur notre capacité de réunir des capitaux et surtout de le faire à un taux d'intérêt ou un coût raisonnable, c'est-à-dire qui va offrir à nos actionnaires le niveau de rendement auquel ils sont habitués.

Une deuxième préoccupation importante pour notre industrie - et encore une fois, on en a parlé tout à l'heure - est l'importance des coûts d'observation de la législation fiscale canadienne. J'insiste sur le fait que ces coûts sont très élevés. Nous cherchions des exemples qu'on pourrait vous donner. Une de nos compagnies membres, qui a une structure très simple avec quatre entités différentes, doit produire une déclaration de 1 100 pages. À notre avis, ce n'est pas normal. Nous ne comprenons pas pourquoi une compagnie de ce genre serait tenue de produire une déclaration de 1 100 pages.

Nous avons une autre compagnie membre - remarquez, elle englobe 70 compagnies actives, c'est-à-dire peut-être un peu plus qu'elle ne devrait - à qui nous avons demandé de nous indiquer le nombre de déclarations qu'elle doit remettre; eh bien, elle est encore en train de les compter. Le fait est qu'ils n'ont pas eu le temps de les sortir toutes et de les compter. À notre avis, au niveau de la conformité aux règles fiscales, cette situation nous semble tout à fait anormale.

L'autre élément qui nous pose problème concerne les modifications qui sont constamment apportées à la législation fiscale. Non seulement faut-il toujours avoir des experts sur place, même dans les plus petites compagnies, mais ces derniers doivent rester vigilants et essayer de savoir s'il y a eu des changements ou si, à cause d'une récente décision, Revenu Canada pourrait aller devant les tribunaux ou essayer de faire adopter ces changements sous forme législative.

L'autre coût - et c'est devenu une sorte de blague - découle de la présence permanente de tous ces vérificateurs dans vos bureaux. Certains de nos employés du service des ressources humaines envisagent de les faire participer à notre régime de retraite. Ils restent là pendant des mois et des mois. De plus, en ce qui concerne les vérifications elles-mêmes - et encore une fois, on y a fait allusion tout à l'heure - il y encore un certain nombre d'éléments du régime fiscal qui nous créent des problèmes, et quand on doit consacrer autant de temps à toutes ces vérifications et s'occuper en même temps de l'ensemble de nos opérations, qu'il s'agisse d'acquisition ou de vente, eh bien, vous pouvez vous imaginer les écritures supplémentaires que tout cela suppose. En ce moment - et cette information date d'hier seulement - on est encore en train de vérifier les déclarations d'impôt de certaines de nos compagnies membres pour 1990 et les années précédentes. Ce n'est pas ainsi qu'on gère efficacement une entreprise.

Encore une fois, l'incertitude a toujours une incidence négative, non seulement quand des problèmes restent sans règlement mais aussi lorsqu'on apporte des modifications rétroactives à la législation.

Voilà qui m'amène à mes recommandations. D'abord, nous recommandons fortement au gouvernement de renverser la tendance actuelle et de remplacer les impôts non sensibles au revenu par des mesures qui reflètent davantage la trésorerie et la capacité de paiement des entreprises.

Notre deuxième recommandation rejoint celle faite par mon collègue de Stentor. Elle concerne la possibilité de produire des déclarations consolidées. Encore une fois, nous avons un énorme travail administratif à faire en raison des structures très complexes que nous avons dû mettre en place à cause de l'absence d'harmonisation, entre autres choses.

Je passe donc à ma troisième recommandation, qui concerne la création d'un régime de taxe de vente unique et parfaitement harmonisé aux niveaux fédéral et provincial. Je n'en dirai pas plus. Nous sommes une industrie d'exportation, et donc la TPS ne nous pose pas tellement de difficultés, sauf que nous sommes tout de même obligés de respecter toutes les règles et conditions qui s'y rattachent en traitant avec nos différents fournisseurs, qu'il s'agisse de fournisseur de services de transport, de communications ou d'autres choses.

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Donc, nous devons supporter tous ces frais associés à toute cette structure qui inclut évidemment nos fournisseurs, et en même temps, nous devons assurer une présence sur les marchés mondiaux. Nous sommes déjà actifs dans une centaine de pays, mais si nous voulons poursuivre nos activités et continuer d'être un aussi important participant à la balance commerciale du Canada, des améliorations s'imposent.

Un dernier domaine qui nous semble très important concerne ce que j'appellerais «l'orientation service à la clientèle». Nous sommes tout à fait conscients des quelques améliorations apportées dans ce domaine, mais nous avons encore du chemin à faire. Le ministère n'accorde toujours pas suffisamment la priorité au service à la clientèle. Par conséquent, une amélioration s'impose dans ce domaine. Notre système judiciaire est fondé sur la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire, mais je pense qu'il conviendrait de le rappeler aux responsables de Revenu Canada, car de toute évidence, ils ne s'appliquent pas ce principe- là dans leurs vérifications.

Enfin, ce qui nous préoccupe au plus haut point dans tout cela est d'assurer... D'ailleurs, vous ne m'avez pas entendu parler de taux précis. C'est à dessein que nous n'en avons pas parlé. Pour nous, ce qui compte le plus est notre compétitivité internationale. C'est sous cet angle-là qu'il faut voir toute cette restructuration, et non sous l'angle d'un taux ou d'un autre.

Quand nous regardons nos résultats financiers, nous constatons nécessairement l'effet de l'impôt fédéral et provincial sur le revenu des sociétés, des droits de coupe, etc. Nous sommes également conscients des coûts additionnels que nous serons tenus de supporter à cause de la privatisation de certains services gouvernementaux. Mais il faut surtout avoir une vue d'ensemble, plutôt que de s'intéresser à des éléments précis. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas présenté de recommandations précises au sujet des taux à retenir, car nous préférons ainsi insister sur la nécessité de garder à l'esprit l'impératif de la compétitivité internationale en prenant des décisions qui nous touchent.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, madame Lachapelle.

Monsieur Francis Montreuil de l'Université du Québec à Montréal, s'il vous plaît.

M. Francis Montreuil (professeur au Département des sciences comptables, Université du Québec à Montréal): Merci, monsieur Peterson.

Le ministre Martin disait il y a quelques mois que tous, y compris les grandes entreprises, devaient faire leur part dans le cadre de l'effort fiscal canadien.

À la lumière des témoignages que je viens d'entendre, il semble que certaines entreprises font déjà pas mal plus que leur part. Il n'en demeure pas moins que la fiscalité des entreprises mérite d'être examinée sous un angle un peu plus vaste qu'un simple examen des coûts de conformité aux différents plans fiscaux.

En décembre dernier, le Fonds monétaire international recommandait à Ottawa d'augmenter les impôts sur les entreprises. Cet organisme n'a pourtant pas l'habitude de recommander une hausse des taxes des entreprises. Cependant, en examinant la situation fiscale canadienne, les compressions déjà réalisées et les hausses d'impôt promulguées au cours des dernières années, il constatait qu'il y avait encore une petite marge de manoeuvre pour augmenter le fardeau fiscal des grandes entreprises et des entreprises en général.

Cette étude semble indiquer que par rapport au produit intérieur brut, la fiscalité des entreprises canadiennes est légèrement moins lourde que celle des entreprises américaines. Nous devrions donc peut-être examiner si nous pourrions ainsi améliorer les perspectives d'emploi des Canadiens.

Par ailleurs, Statistique Canada qui, à ma connaissance, n'est pas un organisme politique, publiait il y a quelques années une étude dont on a peut-être déjà parlé et qui démontrait que les déficits qu'on a connus vers 1975 et au début des années 1990 étaient en grande partie attribuables aux préférences fiscales et aux mesures fiscales avantageuses dont profitent les petites et grandes entreprises. Les déficits n'étaient pas attribuables à une hausse du coût des programmes sociaux. Rien ne sert de regarder le passé dans un esprit peut-être revanchard; peut-être devrions-nous éviter de commettre les mêmes erreurs que par le passé.

Le milieu des entreprises critique justement la lourdeur de l'endettement canadien. Je ne parle pas des déficits annuels qui sont déjà élevés, mais de l'endettement cumulatif et des paiements d'intérêt qui doivent être effectués à chaque année. On déplore le fait que cette situation nuit à la compétitivité du système canadien. Peut-être devrions-nous voir s'il n'y a pas lieu de réduire ou même d'abolir certaines mesures fiscales préférentielles.

.1445

Au début des années 1980, un groupe de chercheurs comparait les systèmes fiscaux des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne de l'Ouest et de la Suède. À l'époque, en Grande-Bretagne, l'amortissement pour la machinerie était de 100 p. 100 dans l'année d'acquisition.

Les chercheurs comparaient deux éléments. Ils vérifiaient l'uniformité des taux marginaux d'impôt sur le capital selon 81 situations ou hypothèses différentes, en termes de qui investissait, dans quoi on investissait - en immeubles, inventaire ou machinerie - , d'où provenaient les fonds, etc.

Ils constataient qu'en Grande-Bretagne, le taux marginal effectif d'impôt était le plus faible des quatre pays et se chiffrait à 3,8 p. 100. Celui de l'Allemagne de l'Ouest était de 48 p. 100; même si on y notait le taux marginal effectif d'impôt le plus élevé, c'était l'endroit où existait la plus grande uniformité entre les 81 différentes hypothèses envisagées dans le modèle économique.

Puis ils constataient que le taux de croissance économique était le plus élevé en Allemagne, là où les taux d'impôt étaient non seulement les plus élevés, mais aussi les plus uniformes. Dans cette situation, l'uniformité des taux d'impôt sur le capital impliquait très peu de préférence fiscale d'un secteur à un autre de l'économie et on jouissait d'une croissance économique élevée.

Tant le gouvernement canadien que la plupart des gouvernements des grands pays industrialisés décidaient de prendre cette direction, d'abolir les mesures fiscales préférentielles, d'élargir l'assiette fiscale et d'abaisser les taux d'impôt corporatifs.

La réforme de 1988 a donné quand même de bons résultats en dépit de sa neutralité au niveau des recettes fiscales. Elle n'a pas permis au gouvernement d'augmenter les recettes fiscales provenant du secteur des entreprises. On a donc aboli et éliminé des mesures fiscales préférentielles, mais on a aussi abaissé les taux. Nous constations toutefois au cours des années 1970 et 1980 que la part des recettes fiscales provenant du secteur des entreprises diminuait constamment.

Comme le recommande le Fonds monétaire international, ne devrions-nous pas nous demander s'il ne serait pas temps de penser à augmenter légèrement le fardeau fiscal des entreprises? Rappelons qu'en 1987, la réforme était neutre en termes de recettes fiscales. On a aboli des préférences fiscales, mais substantiellement abaissé les impôts corporatifs.

Lors du budget de 1992, on faisait un pas, mais dans la mauvaise direction. Dans la perspective d'une économie efficiente, où aucun secteur d'activité particulier n'est privilégié par rapport à un autre et où on veut une certaine uniformité dans la taxation entre différents secteurs, on a fait un pas dans la mauvaise direction. On a augmenté le taux d'amortissement sur les équipements de fabrication et de transformation en le faisant passer de 25 à 30 p. 100, puis on a augmenté les crédits d'impôt pour bénéfices de fabrication et de transformation à 7 p. 100.

Il faudrait peut-être voir si ces mesures sont les plus efficaces pour assurer la meilleure croissance économique et atteindre le niveau le plus élevé d'emploi au Canada.

Il y a des mesures fiscales préférentielles dont je n'ai jamais compris la logique et que j'aimerais mentionner brièvement pour que vous puissiez peut-être y réfléchir quelques instants.

Je n'ai jamais compris la logique de la taxation du gain en capital aux trois quarts. Je n'ai jamais d'ailleurs compris la logique de l'exemption des gains en capital de 500 000$. Les nombreux fiscalistes que je côtoie et qui enseignent avec moi à l'université me disent qu'ils n'y comprennent rien.

.1450

Récemment, un rapport était déposé par l'Institute for Policy Analysis à la suite d'une étude menée conjointement avec le ministère des Finances. Alain Dubuc qualifiait cette mesure de véritable gaffe, une gaffe coûtant des milliards de dollars. L'étude démontrait qu'on avait pas favorisé l'investissement ni la prise de risques. Cette mesure était tout à fait inéquitable et profitait aux particuliers les plus fortunés. Elle n'apportait rien en termes de création d'emplois ou de stimulus économique. Je ne vois toujours pas en quoi la taxation du gain en capital seulement aux trois quarts peut aider l'économie.

Nous ne sommes pas en période de prospérité fiscale; nous avons des problèmes, bien qu'ils ne soient pas insurmontables. Au cours des prochaines années, nous devrions tenter d'identifier quelles mesures nous pourrions adopter pour diminuer le plus rapidement possible les déficits annuels, après quoi nous pourrons commencer à prévoir le remboursement de la dette. Le milieu des affaires devrait applaudir les initiatives ou les mesures qui nous amèneraient à cette situation-là.

Quant à l'amortissement fiscal et aux commentaires que j'ai entendus ici, ma perspective est générale pour toute l'économie. Pourquoi doit-on permettre, aux fins fiscales, d'amortir le coût des investissements plus rapidement que ce que les règles comptables prévoient? Pourquoi imputer comme dépense, aux fins fiscales, le coût d'un placement, d'une machine qui va nous durer 20 ou 30 ans? Pourquoi amortir cette dépense sur quatre, cinq, six ou sept ans? Si l'équipement va nous durer 20 ou 25 ans, la logique veut qu'à des fins fiscales, le coût de cet équipement soit amorti sur sa durée de vie utile.

Je n'étais pas ici présent hier ni ce matin, mais on m'a fait part de suggestions visant à augmenter la limite à l'égard de laquelle les petites entreprises sont taxées à un faible taux d'impôt.

Actuellement, la première tranche de 200 000$ de revenus d'une entreprise exploitée activement est taxée à 20 p. 100. Les fiscalistes me disent qu'il est effrayant de voir le nombre de professionnels qui ont décidé d'exploiter leur entreprise de consultation ou autre, non pas à titre personnel, mais par le biais d'une société par actions. Ces particuliers profitent d'un système selon lequel la première tranche de 200 000$ de revenus d'entreprise est taxée à 20 p. 100. Tant et aussi longtemps qu'ils ne sortiront pas les revenus de la société, ils vont reporter à peu près 33 p. 100 des impôts qu'ils auraient eu à payer s'ils les avaient gagnés directement.

Cette mesure coûte 2 milliards de dollars par année au gouvernement. Si on veut réexaminer la situation de la taxation des entreprises, n'y aurait-il pas lieu de réfléchir sur l'opportunité de revoir cette mesure? Désirons-nous vraiment aider les consultants qui font beaucoup d'argent et leur dire qu'ils ne paieront que 20 p. 100 d'impôt sur les premiers 200 000$ de leurs revenus?

Je suis conscient de la nécessité d'intégrer l'impôt corporatif à celui de l'actionnaire dans la petite entreprise. La mécanique de la majoration du dividende et du crédit d'impôt pour dividendes nous permet d'y arriver dans le cas des petites sociétés pour les premiers 200 000$ de revenus d'entreprise et les revenus de placement, mais pour les grandes sociétés...

Je lisais un texte sur la compétitivité du système fiscal canadien. Il y avait là une suggestion de Robert Couzin, à mes yeux un grand fiscaliste, relativement à l'abolition du crédit d'impôt pour dividendes. Cette subvention n'est peut-être pas appropriée dans un contexte de globalisation des marchés, puisque le financement des entreprises devrait pouvoir venir d'un peu partout dans le monde.

.1455

Si ce financement vient d'un peu partout dans le monde, il faut savoir que les institutions exemptées d'impôt qui toucheront ces dividendes ne profiteront pas du crédit, pas plus que les investisseurs étrangers. Il faudrait peut-être aussi examiner la possibilité de revoir le mécanisme du crédit d'impôt pour dividendes.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Montreuil.

Nous commencerons par les questions de M. Loubier.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Bienvenue au Comité permanent des finances et merci d'avoir accepté notre invitation. Vos exposés étaient très intéressants. J'aimerais poser deux brèves questions, la première à Mme Lachapelle et la deuxième à M. Montreuil.

Madame Lachapelle, dans votre conclusion, vous disiez souhaiter une harmonisation des impôts fédéraux et provinciaux en un seul régime à l'avenir. Appuyez-vous l'orientation du gouvernement libéral qui vise à mettre sur pied une commission nationale du revenu chargée de faire la collecte de toutes les taxes et impôts prélevés auprès des entreprises et des particuliers au Canada?

Mme Lachapelle: La commission à laquelle vous faites allusion ne m'est pas familière et je ne peux donc pas vous répondre. Mes propos relatifs à l'harmonisation visaient les taxes provinciales et fédérales et pas nécessairement tout le système de taxation.

M. Loubier: Vous seriez donc en faveur d'une réforme telle que celle suggérée par le gouvernement et entre autres par la ministre du Revenu, Mme Stewart, qui créerait une commission nationale du revenu chargée de recueillir graduellement toutes les taxes et impôts sur le revenu auprès des corporations ou des particuliers et qui retirerait graduellement aux provinces la capacité de prélever des impôts et des taxes sur leur territoire. Au nom de l'efficacité, on céderait cette responsabilité à cette commission fédérale.

Mme Lachapelle: Cette proposition ne m'est pas assez familière pour que je puisse me prononcer. Nos recommandations visaient essentiellement deux paliers, l'un au niveau de l'harmonisation des taxes et l'autre au niveau de la possibilité pour les gens de soumettre des rapports d'impôt faits sur une base consolidée. C'est là notre optique et elle ne touche pas forcément les domaines de compétence fédérale et provinciale. Nous ne nous sommes pas encore penchés sur les conséquences d'une telle commission pour nous.

M. Loubier: Je poserai donc ma question au président. L'idée d'une commission nationale du revenu n'est-elle pas une proposition visant entre autres, au nom de l'efficacité, à enlever au gouvernement du Québec la capacité de prélever des taxes et des impôts sur son territoire à l'avenir? Est-ce bien la proposition que nous avons devant nous? C'est ce dont nous discutons et ce vers quoi tendent les questions des députés libéraux depuis deux jours. Est-ce bien cela?

Suggère-t-on qu'à l'avenir, le gouvernement du Québec, par exemple, ne prélève plus de taxes ni d'impôts sur son territoire et qu'une entité fédérale le fasse à sa place et décide de l'allocation et de la redistribution de ces impôts auprès du gouvernement du Québec?

Le président: Vous savez que des discussions sont en cours et que les provinces seront en mesure de décider ce qu'elles voudront faire pour harmoniser non seulement les impôts, mais aussi l'administration. Nous entendions ce matin un témoin de l'Alberta qui disait qu'une administration unique, composée de délégués des provinces et du fédéral, serait peut-être souhaitable.

M. Loubier: Vous proposeriez ainsi au gouvernement du Québec de délaisser sa capacité de prélever des taxes et des impôts sur son territoire et de se départir de son autonomie fiscale, au nom de l'efficacité, pour la confier à un organisme fédéral, à une commission nationale du revenu. J'ai bien compris cette chose-là.

Le président: Comme vous le savez, le gouvernement du Québec est bien capable de protéger sa souveraineté dans le domaine de l'administration des impôts. Si les Québécois et Québécoises souhaitent avoir deux administrations et en acceptent la complexité et les coûts, il en sera ainsi. Ce sera leur décision.

.1500

M. Loubier: Avouez qu'il faut être un peu tordu pour penser que le gouvernement du Québec et les Québécois et les Québécoises, qui ont gagné de haute lutte l'autonomie fiscale qu'ils ont aujourd'hui, à partir de Duplessis et de Jean Lesage surtout, en 1964, vous céderont cette autonomie fiscale sans rien dire et accepteront des arguments démagogiques comme ceux que vous venez de présenter sur la double administration.

Le président: Je ne suis pas disposé à entamer une telle discussion avec vous, monsieur Loubier. Vous pouvez faire de la politique n'importe où et essayer de créer un pays ...

M. Loubier: J'aurais une question pour M. Montreuil.

Le président: Excusez-moi. Vous pouvez poursuivre l'indépendance pour la province de Québec. C'est votre choix.

M. Loubier: Oui. À chaque fois que nous parlons de vraies affaires, de propositions qui ne sont pas enrobées, et que nous voulons faire le point sur vos visées centralisatrices et votre ambition de tasser le Québec, ça vous fait mal et vous vous embarquez dans des arguments démagogiques comme ceux-là.

J'aurais une question à poser à M. Montreuil. Vous parliez plus tôt d'une étude sur l'uniformité des taux de taxation et de l'effet de tels taux sur la croissance économique et l'emploi. J'aimerais que vous nous parliez davantage de cette étude qui m'apparaît fort intéressante. Elle pourrait être un point de départ pour une vraie révision de la fiscalité, et non pas une révision cosmétique comme celle que semble vouloir faire le gouvernement. Je n'ai pas bien saisi la relation entre l'uniformité des taux de taxation et la croissance économique.

M. Montreuil: L'étude, qui avait initialement été entreprise par King et Fullerton, a été reprise quelques années plus tard par quatre chercheurs qui ont appliqué le même modèle.

Ils ont cherché à mesurer le taux de taxation effectif de chaque secteur et essentiellement démontré, face à 81 hypothèses différentes de taxation de capital - nous pourrions inviter des représentants de 81 secteurs économiques différents ici autour d'une table - , que plus le taux de taxation de chacun des groupes d'un pays était uniforme, donc moins il y avait d'écart entre le fardeau fiscal d'un type d'industrie par rapport à celui d'un autre type d'industrie, plus la croissance économique s'en trouvait favorisée.

Par ailleurs, ils ont démontré qu'un taux élevé de taxation en présence d'une grande uniformité n'était pas un handicap à la croissance économique.

L'étude remonte aux années 1980, époque où il n'y avait pas de rideau de fer entre les pays de l'OCDE. J'admets qu'il y avait peut-être alors un peu moins de libre-échange qu'aujourd'hui, en 1996, et c'est un facteur dont il faudra peut-être tenir compte, mais il existait tout de même des échanges entre pays, ce qui n'empêchait pas l'Allemagne avec son taux élevé de taxation d'être compétitive sur les marchés mondiaux.

M. Loubier: Quelles seraient les implications d'une telle réforme de la fiscalité fédérale? Quelles seraient les implications de ces conclusions?

M. Montreuil: Il est évident qu'une entreprise qui utilise énormément de machinerie et peut bénéficier de mesures fiscales, donc d'un amortissement fiscal accéléré qui n'a aucun lien avec la durée de vie utile de ses équipements, bénéficie d'un avantage par rapport à une autre entreprise qui n'utilise pas de capital ou de machinerie. Il s'agit en somme d'arriver à une détermination du revenu net et du revenu imposable aux fins fiscales qui soit à peu près comparable d'un type d'entreprise à un autre.

Ceci implique l'abolition de certaines mesures fiscales et de toutes les dispositions contenues dans la loi ayant pour effet de favoriser un secteur. Il est évident que les représentants de ce secteur pourront apporter de bons arguments et convaincront peut-être le gouvernement de les favoriser.

.1505

Le problème surgit lorsqu'une multitude de ces industries présentent de telles demandes au gouvernement; l'avantage que chacune d'elles reçoit dans le système fiscal diminue peut-être en valeur et devient moins efficace.

Une industrie seule à profiter d'un avantage est vraiment concurrentielle vis-à-vis de l'ensemble du reste de l'économie. Si une multitude d'industries profitent d'avantages fiscaux, c'est l'économie entière qui se retrouve défavorisée.

Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je voudrais d'abord vous remercier de votre présence. Nous apprécions grandement toutes vos interventions. Vous nous fournissez des renseignements très utiles qui semblent correspondre au consensus qui s'est dégagé au cours des deux autres séances que nous avons tenues au cours de la dernière journée et demie.

Je voudrais soulever une question un peu différente - une question quelque peu radicale, surtout pour M. Lynch, qui est parmi nous aujourd'hui. Vous avez tous entendu dire que les grandes sociétés ne paient pas d'impôts; ce sont les gens qui en paient. Chez les économistes, les avis sont très partagés en ce qui concerne l'incidence de l'impôt sur le revenu des sociétés; on se demande s'il se répercute sur les consommateurs, qui paient plus cher pour leurs biens de consommation, ou s'il se répercute sur les travailleurs qui touchent des salaires moins élevés ou qui sont victimes de chômage. On se demande aussi s'il ne se répercute pas sur les actionnaires - c'est en tout cas ce que croient certaines idéologues qui sont convaincus que ce sont les capitalistes qui en écopent. Cela nous ramène au conflit classique du XIXe siècle entre la classe possédante et la classe ouvrière.

Supposons, monsieur Pickford, que les gouvernements au Canada, aux États-Unis et dans le reste du monde décident d'augmenter de 50 p. 100 le taux d'imposition des sociétés. Que ferait votre entreprise? Est-ce qu'elle accepterait tout simplement un plus faible rendement de ses capitaux propres investis, alors qu'il serait plus profitable, dans l'hypothèse d'un rendement de 8 p. 100 sur les obligations d'État, de placer ses capitaux en obligations plutôt que de continuer de les investir dans l'entreprise? Que feraient les compagnies qui font partie de votre réseau Stentor si l'on décidait demain matin, comme le souhaite M. Montreuil, d'augmenter le taux d'imposition des sociétés?

M. Pickford: Vous m'avez peut-être suggéré la réponse. Je ne suis pas économiste, mais comptable. D'après mon analyse, si les impôts devaient être augmentés dans le monde entier - et c'est un facteur clé, car nous avons longuement discuté aujourd'hui de l'importance de la compétitivité internationale et de la position du Canada par rapport à d'autres pays - donc, dis-je, si l'on augmentait les impôts, les prix augmenteraient aussitôt, d'après moi.

M. Grubel: Les prix augmenteraient, et donc les consommateurs...

M. Pickford: Les revenus nets finiraient par retrouver leur niveau antérieur et les gains des actionnaires recommenceraient à progresser.

M. Grubel: Si je comprends bien votre réponse, ceux qui disent: «Augmentez les impôts» ont tort s'ils croient que ce sont les actionnaires qui paient. En fait, c'est le Canadien moyen qui consomme les produits en question qui paie.

Mais ce qu'on a dit au sujet d'une augmentation des impôts s'appliquerait aussi si nous passions du jour au lendemain de zéro impôt sur le revenu des sociétés à un taux de 20 ou de 30 p. 100, peu importe. Votre analyse semble indiquer que c'est tout à fait illusoire de croire que ce sont les grandes sociétés qui paient les impôts.

Une conclusion un peu radicale que je pourrais tirer de cette discussion, professeur Lynch, c'est qu'il faut en fait éliminer l'impôt sur le revenu des sociétés. Si l'on prenait une telle mesure, les prix que paient les consommateurs baisseraient. Leurs revenus augmenteraient. Ils seraient alors en mesure de payer davantage, etc., etc. Les gens qui touchent des dividendes en toucheraient davantage. Peut-être qu'ils pourraient, eux aussi, payer plus. Cela reviendrait au même puisque de toute façon, les gens finiraient par payer. Imaginez un peu tout ce qu'on pourrait faire pour simplifier l'impôt sur le revenu des sociétés.

.1510

Si vous me permettez, monsieur le président, je voudrais faire une petite expérience et demander à un autre de nos experts en la matière de répondre à une question, même si je me rends bien compte qu'il s'agira d'une simple supposition de leur part. Si le Canada décidait demain matin d'augmenter de 50 p. 100 le taux d'imposition des sociétés, sans autre changement de quelque nature que ce soit, qui finirait par en supporter le coût?

M. Lynch: Ce genre d'augmentation fiscale serait nécessairement répercuté sur les consommateurs. Mais quand on parle d'impôt sur le revenu, il faut aussi se rappeler qu'il existe, notamment pour l'industrie ferroviaire, plusieurs formes d'impôts et de taxes - des taxes sur les marchandises, des taxes sur les carburants, des impôts fonciers - qui sont versés aux différents paliers de gouvernement. Pour calculer avec précision les impôts et taxes payées par une société, il faut évidemment inclure toutes ces différentes formes d'imposition et de taxation.

Mais vous soulevez un point très intéressant. Le fait est que nos activités sont tirées par le marché. Nous sommes obligés de suivre ce que font nos concurrents et de faire le nécessaire pour rester compétitifs.

M. Grubel: Lorsque j'étais professeur d'université il y a très longtemps, j'ai fait une analyse d'un tableau national entrées- sorties en vue d'évaluer les taux de protection effective qu'offrent les tarifs. Les tarifs qui visent les intrants réduisent évidemment la marge bénéficiaire des entreprises qui utilisent ces intrants. Ce qu'il y avait de novateur dans mes calculs, c'est que je soutenais que les taxes d'accise comme celles dont vous avez parlé ont exactement le même effet que les tarifs: elles compromettent sérieusement la capacité de certaines industries, surtout celles qui vendent leurs produits sur des marchés mondiaux concurrentiels, d'ajouter de la valeur à leurs produits. Telle est votre thèse et elle est tout à fait exacte.

Que pensez-vous de l'idée de supprimer complètement l'impôt sur le revenu des sociétés - finis tous les cauchemars administratifs et comptables; si cela entraînait une augmentation des bénéfices des sociétés, eh bien, les gens qui touchent les dividendes paieraient les impôts. Serait-ce une solution à envisager?

Le président: Madame Lachapelle.

[Français]

Mme Lachapelle: Une des hypothèses de base que vous mentionniez ne se réalise pas forcément, et ne se réaliserait certainement pas dans notre industrie. Vous supposez que les consommateurs absorberaient automatiquement les frais d'une augmentation de taxe des sociétés de l'ordre de 50 p. 100. Pour plusieurs grands secteurs, dont le secteur secteur minier et le nôtre, ce ne serait absolument pas le cas.

Il est certain que tout le monde porte beaucoup plus d'intérêt à la flambée des prix de la pâte et du papier journal, par exemple. Par contre, si vous regardez où sont actuellement les prix par rapport à l'an dernier, vous constaterez qu'ils ont chuté d'environ 60 p. 100. Ainsi, toute cette partie de l'hypothèse ne se réalise pas forcément. Qu'arrive-t-il à ce moment-là lorsque vous êtes en compétition partout dans le monde, tout comme nous dans 100 pays?

Nous subissons des pertes importantes; l'argent n'ira pas nécessairement dans les poches des actionnaires et les augmentations de prix ne seront pas forcément transférées. Je conviens qu'il s'agit d'une situation qui peut être différente selon l'élasticité de prix de certains secteurs ou services. Cette élasticité de prix n'en est certainement pas une que vous retrouveriez dans beaucoup de secteurs de ressources naturelles.

[Traduction]

M. Grubel: Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est d'ailleurs ce qu'on nous a fait valoir hier. Il est clair que les industries minières, forestières et même ferroviaires sont preneuses de prix et qu'elles ont donc la possibilité de faire répercuter leurs coûts sur d'autres. Dans l'immédiat, les gains de vos actionnaires seront plus faibles, mais à ce moment-là, où obtiendrez-vous vos capitaux à long terme?

Mme Lachapelle: Nous n'en obtiendrons peut-être pas; voilà la réponse.

M. Grubel: Justement, vous n'en aurez pas. Il s'agit donc de savoir qui paie en fin de compte. Si l'industrie se contracte, nous aurons un problème de chômage, n'est-ce pas? L'industrie se contracte et vous n'avez plus les capitaux nécessaires pour créer dans le secteur forestier les emplois qui vous permettent de fabriquer les produits que vous vendez aux cours mondiaux. C'est un fait.

.1515

Donc, pour répondre aux questions que pose mon collègue à chaque séance au sujet de l'incidence de notre régime fiscal sur le chômage, nous y voilà enfin: certaines industries ont la possibilité d'augmenter leurs prix et de faire payer leurs impôts par les consommateurs. Eh bien, les consommateurs sont à présent plus pauvres. Ils paient moins d'impôts.

Par contre, dans certaines industries qui sont forcées d'accepter les prix du marché, ce sont les capitaux qui sont touchés. Mais les capitalistes du monde ont tellement de possibilités qu'ils ne vont pas s'accomoder d'une baisse des taux au Canada - ils vont investir ailleurs, peut-être placer leur argent en obligations d'État. On se retrouve alors avec moins d'investissement, un capital national réduit et une main-d'oeuvre moins productive. Et si cette dernière insiste pour conserver les salaires élevés qu'elle avait précédemment, on se retrouve avec du chômage, etc.

Je voulais vous faire part de mon analyse, surtout pour répondre aux préoccupations du professeur Montreuil et d'autres membres du comité concernant la notion de juste part. C'est quoi une juste part? C'est une question tout à fait pertinente si l'on veut créer un régime vraiment équitable. Si vous augmentez les impôts, vous vous contentez à ce moment-là de faire répercuter ces coûts supplémentaires sur d'autres personnes qui vont ensuite en subir les conséquences. La raison en est la suivante: les sociétés ne sont que des personnes morales; elles ne sont pas des personnes physiques et ne vont donc pas ressentir les effets néfastes, si ce n'est dans l'immédiat, d'une augmentation des impôts.

Je tiens à vous remercier, monsieur le président, de m'avoir permis de poser des questions aussi radicales, audacieuses et peu conventionnelles.

Le président: Merci, monsieur Grubel. Monsieur St. Denis, vous avez la parole.

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président. Et monsieur Grubel, je voulais vous dire que vous avez parfaitement le droit de le faire.

D'abord, permettez-moi de vous remercier de votre présence. J'ai une très courte question et ensuite une deuxième question un peu plus longue.

La première s'adresse à M. Lynch du CN. À la page 15 de votre document, vous faites allusion à la consolidation fiscale et au transfert des pertes et des sociétés. Vous avez dit que le gouvernement aurait à supporter une dépense de l'ordre de 300 à 400 millions de dollars la première année pour mettre en place un système de déclarations consolidées. Est-ce que vous parliez du coût relativement à votre seule entreprise ou pour toutes les entreprises?

M. Lynch: Non, pour toutes les entreprises. En fait, ce chiffre est tiré du document de travail publié par le ministère des Finances dans les années 1980.

M. St. Denis: Très bien, merci. Je voulais simplement obtenir cette précision.

Je voudrais maintenant poser une question à Mme Lachapelle. Ma circonscription d'Algoma comprend la Compagnie E.B. Eddy implantée à Espanola, et par conséquent, j'essaie de me tenir au courant des dossiers touchant l'industrie des pâtes et papiers. Vous avez dit dans votre résumé que le régime fiscal actuel accentue inutilement le caractère cyclique de votre industrie. Il est vrai que le régime fiscal reste relativement constant, alors que l'industrie connaît des hauts et des bas, mais y a-t-il vraiment moyen d'éviter cela? D'autres industries sont également cycliques. Je songe à l'agriculture et peut-être au tourisme. Il est possible que la majorité des secteurs d'activité soient cycliques jusqu'à un certain point.

Je me demandais donc si certaines caractéristiques de l'industrie des pâtes et papiers la rendent unique si ce plan-là. Mais que ce soit vrai ou non, pensez-vous qu'on puisse faire quelque chose, dans le cadre du régime fiscal, pour atténuer les problèmes associés au caractère cyclique de certaines industries?

Mme Lachapelle: Oui. Notre intention n'était pas de vous faire croire que nous sommes tout à fait uniques. Il n'en reste pas moins que les cycles que nous connaissons dans notre industrie sont marqués par les fluctuations plus extrêmes que dans bon nombre d'autres branches d'activité. À mon avis, dans bon nombre d'autres industries, les fluctuations sont moins extrêmes.

Ce que nous voulons éviter, c'est que notre régime fiscal aggrave ce problème.

M. St. Denis: Il s'agit donc d'éviter d'intensifier les hauts et les bas.

Mme Lachapelle: C'est exact. Quand vous êtes au creux d'un cycle et que vous devez en plus payer tous ces impôts à partir de votre base plutôt que vos liquidités, c'est là que vous avez un problème.

Et nous ne sommes pas les seuls à être concernés. Nous sommes convaincus que si le régime fiscal était axé sur la trésorerie plutôt que sur l'utilisation des capitaux, et sur une sorte de niveau de référence qui resterait stable, nous aurions tous plus de marge de manoeuvre pour contrer les effets des fluctuations qui caractérisent nos industries. Ce serait très utile, à notre avis.

M. St. Denis: Très bien, merci. Je cède la parole au prochain intervenant, monsieur le président.

.1520

Le président: Merci, monsieur St. Denis.

[Français]

Monsieur Bélisle, s'il vous plaît.

M. Bélisle (La Prairie): Monsieur Montreuil, vous parliez d'une étude sur l'influence de81 hypothèses sur le taux marginal d'imposition des entreprises et donniez des exemples très intéressants. Je crois comprendre qu'en fin de compte, très peu de mesures fiscales ont un effet uniforme ou neutre sur l'ensemble des secteurs d'activité dans l'économie, à moins que nous imposions peut-être une taxe sur les transactions commerciales et sur les revenus des entreprises.

Quelle mesure proposeriez-vous dans ce contexte afin d'en arriver à un effet uniforme ou plus neutre sur l'ensemble des secteurs d'activité?

M. Montreuil: Je n'ai pas de boule de cristal, vous savez. Je pense que cet exercice vise en premier lieu à réexaminer notre impôt sur le revenu, un des impôts qui contiennent le plus de mesures fiscales préférentielles. Ce qui me frappe, c'est qu'à chaque fois que des études sérieuses sont faites sur une mesure fiscale préférentielle et un abri fiscal important, les conclusions sont catastrophiques. Ces mesures n'arrivent pas à atteindre les objectifs qu'on s'était fixés.

Mme Lachapelle parlait d'un impôt sur les flux monétaires. Si on se donne la peine de réexaminer notre impôt sur le revenu et les mesures qu'il renferme, pourquoi ne profitons-nous pas de l'occasion pour étudier d'autres possibilités?

Nous vivons une situation problématique. Notre endettement nous coûte une fortune. Au cours des prochaines années, on nous demandera de faire des réductions budgétaires. Je suis conscient que le mandat du comité n'est pas un examen de la fiscalité des particuliers. Cependant, si on ne fait rien, on devra s'attendre à ce que les services offerts à la population soient réduits d'ici quelques années.

Peut-être devrions-nous prendre le temps d'examiner si nous pourrions faire quelque chose au sujet de la fiscalité des entreprises. Je ne m'oppose pas à une fiscalité tout à fait différente. Certaines institutions estiment que le Canada peut augmenter légèrement le fardeau fiscal des entreprises. Il ne s'agit pas ici d'augmenter de 50 p. 100 l'impôt des sociétés.

Quant à la réduction de l'impôt des sociétés, si vous avez lu le livre de David Stockman, The Triumph of Politics: How the Reagan Revolution Failed, qui porte sur la révolution Reagan aux États-Unis, vous avez constaté qu'on ne peut attendre grand-chose d'une baisse dramatique des impôts sur le revenu payés par les gens les plus fortunés ou par les entreprises.

On n'a pas obtenu les résultats escomptés aux États-Unis, mais plutôt engendré les problèmes de déficit qu'on connaît depuis lors. Je n'ai pas de boule de cristal. Je pense qu'il faudrait prendre le temps de rouvrir les livres et de réexaminer cette question. Nous ne sommes peut-être pas prêts à tout chambarder. Nous avons tout de même vécu l'introduction de la TPS. Les gens sont peut-être fatigués d'avoir à vivre avec de nouveaux impôts.

Nous pourrions peut-être en profiter pour réexaminer les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et nous demander s'il est souhaitable d'augmenter légèrement le fardeau fiscal des entreprises canadiennes sans les défavoriser par rapport aux entreprises américaines. Les mesures que j'ai indiquées sont parmi celles qu'on pourrait examiner.

Enfin, je me permets de parler à nouveau de cette première tranche de 200 000$ de revenus des entreprises qui bénéficient d'un taux d'imposition de 20 p. 100. Peu de gens peuvent prétendre gagner 200 000$ et ne payer que 20 p. 100 d'impôt. Je conviens qu'ils ne peuvent disposer de cette somme et qu'il doivent la laisser dans la société.

De nombreux fiscalistes qui travaillent dans de petits bureaux me disent qu'ils veulent quitter la pratique fiscale, qu'ils en sont fatigués, que la fraude est répandue et que les petites entreprises ne paient pas leurs impôts. Les statistiques sur lesquelles nous nous penchons sont celles d'entreprises qui ont déclaré des revenus. Je ne suis pas le seul à entendre parler de cette situation; le vérificateur général du Canada lui-même affirmait que c'était un problème important.

M. Bélisle: Monsieur le président, j'aurais une dernière question pour Mme Lachapelle.

.1525

Madame Lachapelle, vous proposiez une série de mesures et parliez d'inverser la tendance en supprimant les impôts qui ne sont pas fonction des revenus ainsi que de deux autres types de mesures en vue d'harmoniser les impôts fédéraux et provinciaux.

Si ces mesures se soldaient par un manque à gagner, seriez-vous en faveur d'un impôt sur les transactions commerciales? Vous disiez plus tôt que la TPS n'était pas le problème principal. Que pensez-vous d'un impôt genre TVA accrue ou taxe sur les transactions commerciales pour combler le manque à gagner qui pourrai être créé par les mesures que vous avez proposées?

Mme Lachapelle: Pourriez-vous préciser de quelle façon elles seraient appliquées?

M. Bélisle: Vous faisiez allusion aux propos de M. Montreuil quant à la perception d'un impôt sur les flux monétaires des entreprises ou sur les échanges commerciaux entre les entreprises. On en reviendrait aux revenus finalement. Seriez-vous en faveur d'une taxation plus élevée sur les revenus des entreprises ou les profits des entreprises en vue de pallier au manque à gagner résultant des mesures que vous proposiez?

Mme Lachapelle: Nous ne proposons ni augmentation ni réduction. Nous parlions simplement au niveau de la taxation, non pas des intrants utilisés dans la production, mais plutôt au niveau des revenus. Si on nous offrait des réductions d'impôt, il est bien sûr que ce serait parfait aussi.

Nous n'avons pas parlé des niveaux; nous indiquions simplement que la méthode de taxation actuelle nous nuit en tant qu'industrie cyclique. Il existe peut-être d'autres mesures qui ne seraient pas basées sur tous les intrants qui sont là, et ce à perpétuité, qui seraient plutôt basées sur des revenus, dont les transactions commerciales, comme vous le mentionniez.

C'est peut-être à cet égard que j'aurais besoin de plus d'explications. C'est au niveau des revenus entiers de nos sociétés et non pas au niveau de transactions précises qui font déjà entre autres l'objet d'une taxation par la TPS.

M. Bélisle: Si on diminuait les impôts sur les intrants dont vous parliez, il y aurait un manque à gagner pour le gouvernement fédéral. Seriez-vous d'accord qu'on augmente l'impôt sur l'output, sur les revenus des entreprises? Il faudrait combler ce manque à gagner qu'entraînerait la baisse de la taxe sur les intrants. Il faudrait que le gouvernement aille chercher des revenus correspondants au niveau de l'output, au niveau des revenus. Seriez-vous en faveur d'une augmentation des impôts sur les revenus?

Mme Lachapelle: Pour nous, il ne s'agit pas d'un accord au niveau d'une baisse ou d'une hausse, mais d'une nouvelle façon de taxer. Si, pour équilibrer ses revenus, le gouvernement doit ajuster l'un et l'autre, nous appuierons ces mesures.

M. Bélisle: D'accord. Merci.

Le président: Merci, monsieur Bélisle.

Madame Brushett.

[Traduction]

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.

Avant de poser ma question, je voudrais raconter une histoire à nos témoins, et notamment les représentants des chemins de fer. Lorsque j'étais dans ma circonscription il y a environ deux semaines, j'ai reçu un appel d'une électrice qui se plaignait du nombre de trains qui passent au milieu de la nuit. Elle disait que son motel n'a presque plus de clients à cause de cela.

Je lui disais que c'était plutôt positif, puisque cela prouvait que le port de Halifax était en plein essor. Je lui disais que tous ces trains qui passaient par Truro et Amherst à destination de Montréal créaient en réalité des emplois. C'était donc une plainte qui a porté une bonne nouvelle. Je lui disais qu'elle devrait peut-être offrir un verre de cognac à tous ses clients avant qu'ils se couchent pour qu'ils puissent bien dormir et que tout le monde puisse conserver son emploi.

S'il y a une chose qui ressort très clairement de vos témoignages cet après-midi et des autres audiences que nous avons tenues au cours des deux derniers jours, c'est qu'un système de consolidation fiscal profiterait à l'ensemble du pays.

Mes électeurs m'ont dit que si je pouvais faire un cadeau au Canada qui lui permettrait de bien entamer le XXIe siècle, ce serait peut-être un régime fiscal moderne qui reflète notre adhésion à l'ALENA et l'ampleur de notre commerce d'exportation.

En parlant de tous ces éléments - et ma question s'adresse à M. Pickford et aux autres témoins qui voudraient y répondre - il me semble important de mentionner que nous avons déjà conclu des accords dans le cadre desquels nous envisageons de créer des parcours pour camions dans toute l'Amérique du Nord qui permettront de d'accélérer grandement ce commerce et le trafic ferroviaire. Autrement dit, nous prenons à présent toutes sortes d'initiatives pour favoriser les exportations, et il convient par conséquent de se pencher sur notre régime financier et fiscal au Canada pour que ce dernier progresse au même rythme que les accords commerciaux, c'est-à-dire un rythme adapté au XXIe siècle.

.1530

J'aimerais savoir si vous pensez que nous pourrions élaborer une politique qui communique aux gens, dans nos règlements concernant les impôts et taxes consolidés, l'impôt sur le revenu des sociétés - tout ce qui concerne les impôts et les taxes au Canada, quoi - que ce pays est un pays sûr avec une main-d'oeuvre qualifiée où il faut investir son argent. Quelle en serait l'incidence sur les emplois? Est-ce que ce serait à la même situation que nous connaissons actuellement avec les exportations et les produits? Pourrait-on atteindre le même objectif avec des capitaux, si l'on éliminait le délai de 10 ans pour la vérification, qui oblige les vérificateurs de Revenu Canada à camper dans les bureaux des entreprises canadiennes, alors que ces dernières paient le chauffage, les coûts d'électricité et les frais généraux? Comment accélérer ce processus pour que notre régime financier et fiscal au Canada soit aussi efficace que notre système de vente de nos biens et services à l'étranger?

J'aimerais bien avoir votre réaction, car ce sera à mon avis l'un des plus importants défis que nous aurons à relever au cours des deux ou trois prochaines années.

M. Pickford: Je suis tout à fait d'accord; c'est un défi de taille. Je vous fais remarquer, cependant, qu'un certain degré de consolidation fiscale est permis parce que le ministère des Finances et Revenu Canada le jugent approprié. Le problème qui se pose, comme l'ont déjà mentionné plusieurs participants, non seulement aujourd'hui mais à d'autres réunions auxquelles j'ai assisté, c'est que c'est extrêmement compliqué. Il faut obtenir des décisions de l'administration fiscale et déployer énormément d'efforts pour y arriver.

À notre avis, un système de consolidation fiscale semblable à celui des États-Unis nous permettrait de nous conformer au climat commercial international. Au Royaume-Uni, ils ont un régime analogue, comme c'est le cas de bon nombre d'autres pays du monde qui sont nos concurrents.

Je suis d'accord avec vous. Si nous réussissons à le faire, et si nous pouvons obtenir l'aval des provinces - voilà justement l'un des obstacles à la consolidation fiscale que nous avons connus par le passé - le Canada pourrait très bien se présenter au reste du monde comme un pays dans lequel on peut investir sans crainte. Je ne veux pas dire par là que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle; mais c'est l'un des éléments qui va nous permettre de créer le même genre d'environnement économique qui existe dans d'autres pays. Un entrepreneur, au lieu de se dire: «Oh, mon Dieu, si j'implante une entreprise au Canada, ce sera beaucoup plus difficile et j'aurai à me conformer à des règles beaucoup plus complexes», ce même entrepreneur pourra se dire: «Maintenant je peux mener mes affaires là-bas en fonction de règles qui sont comparables à celles de mon propre pays.»

L'une des choses qui distinguent les entreprises américaines des entreprises canadiennes est que ces dernières ont tendance à vouloir, dans la mesure du possible, garder la grande majorité de leurs éléments d'actif dans une seule entité. Très souvent, elles vont dire qu'elles ne sont pas préoccupées par le risque de responsabilité légale associé au rapport actif-passif d'une nouvelle entreprise là-bas, alors qu'aux États-Unis, il arrive très fréquemment qu'un groupe de sociétés englobe plusieurs compagnies différentes, surtout parce que selon la nature de ces activités, ces compagnies peuvent être concentrées dans une localité plutôt qu'une autre, peuvent être exposées à différents degrés de risque financier et constituent par conséquent des personnes juridiques distinctes, même si ces dernières peuvent être consolidées pour les besoins de l'impôt sur le revenu.

Mme Brushett: Y a-t-il des choses très simples qu'on peut faire? Comment mettre tout ce processus en branle? En fait, il est déjà lancé, étant donné ces audiences et les enquêtes Mintz, etc. C'est d'une ampleur telle...

M. Pickford: Oui, c'est vrai, mais nous avons longuement étudié la question vers le milieu des années 1980. Beaucoup de gens pensaient à l'époque que nous étions... Peut-être pas «près» d'appliquer un système de consolidation, mais que nous étions au moins sur bonne voie. Pour moi, la première étape consiste à recirculer toute cette information et à examiner les raisons pour lesquelles la consolidation serait justifiée ou injustifiée, et surtout à étudier en profondeur les obstacles à la consolidation; je pense que nous devons aller plus loin cette fois-ci en vue de trouver un mécanisme susceptible de donner les résultats escomptés.

Je pense que tous les témoins autour de cette table représentent des compagnies qui sont actives, à des degrés variables, sur les marchés mondiaux. Elles font donc concurrence à d'autres entreprises qui ont cette possibilité. Nos concurrents trouvent des moyens tout à fait légitimes de rapatrier leurs pertes aux États-Unis, même si ces pertes ont été subies au Canada.

Mme Brushett: Pour moi, cette question de concurrence est la clé de tout ce que nous avons entendu au cours des deux derniers jours. Il faut absolument voir cela sous l'angle de la concurrence, et les emplois suivront. Tout rentrera dans l'ordre à ce moment-là.

Merci beaucoup.

M. Pickford: Je vous en prie.

.1535

Le président: Monsieur Grubel.

M. Grubel: Je voudrais donner une précision à M. Montreuil. Quand j'ai dit tout à l'heure qu'une augmentation de 50 p. 100 du taux d'imposition aurait toutes ces conséquences néfastes, j'ai laissé entendre que ce serait l'inverse si nous décidions de réduire de 50 p. 100 le taux d'imposition, c'est-à-dire que cette mesure aurait des conséquences très positives.

De plus, on nous a dit que les grandes sociétés du monde sont très habiles lorsqu'il s'agit de transférer leurs bénéfices à des pays qui ont un taux d'imposition faible. Imaginez un peu tous les bénéfices additionnels que nous pourrions attirer vers le Canada si notre taux d'imposition était plus faible? Non seulement nous aurions des prix inférieurs, mais nous serions plus compétitifs sur le plan international, il y aurait de meilleurs apports de capitaux vers nos industries, et pour couronner le tout, tous ces bénéfices fictifs seraient déclarés au Canada. Nous finirions par avoir des revenus plus élevés.

Je dirais à Mme Brushett que si nous prenions une telle mesure, tous les coûts relativement faibles associés aux mesures que nous prendrions pour nous conformer aux régimes d'autres pays nous sembleraient tout à fait négligeables comparativement aux avantages d'une diminution du taux d'imposition des sociétés.

Voilà donc ce que je proposerais comme solution de rechange. Par rapport au reste du monde, nous sommes un pays suffisamment petit pour pouvoir profiter d'une telle mesure sans avoir à craindre que les Américains en fassent autant pour se venger. L'avantage, c'est que les Japonais viendraient au Canada, ainsi que les Européens.

J'adresserais une autre observation à M. Montreuil: si seulement nous pouvions connaître les mêmes problèmes économiques que les Américains, ceux entraînés par la décision de M. Reagan de diminuer le taux d'imposition pendant les années 1980. Ne pensez- vous pas qu'il serait formidable d'avoir un taux de chômage de 5 p. 100, plutôt que de 10, ce qui serait à mon avis la conséquence d'une diminution du taux d'imposition des sociétés? Ne serait-il pas formidable de connaître un taux de croissance soutenu, sans inflation, comme c'est le cas actuellement?

Ce matin, on m'a raconté une histoire tout à fait étonnante. On m'a dit qu'au siège social de Shell Canada, il y a des employés de Revenu Canada qui sont devenus des résidents permanents et qui sont là depuis entre six et 10 ans et ne trouvent rien d'autre à faire que de harceler les autres membres du personnel comptable en demandant constamment d'autres choses à vérifier. Comme vous le savez, on trouve toujours de quoi occuper son temps.

Je me permets donc de vous poser la question: Est-ce vrai? Avez-vous également, dans vos entreprises, des vérificateurs de Revenu Canada qui sont devenus résidents permanents? Et tout cela s'ajoute aux vérifications spéciales qui sont menées de temps à autre en raison d'un différend ou parce que le ministère a décidé de mener la vie dure aux entreprises. La situation est-elle la même pour les chemins de fer? Avez-vous des vérificateurs au siège social du CN et du CFCP?

M. Finn: Oui, nous avons des vérificateurs, et pas seulement des vérificateurs fédéraux. Nous avons en permanence des vérificateurs provinciaux dans nos locaux. Vous pouvez vous imaginer que, du point de vue des coûts d'observation, ce que cela représente - le fait est que les responsables de Revenu Canada sont dans nos locaux huit mois de l'année, de même que des vérificateurs représentants toutes les provinces. Par conséquent, nous consacrons énormément de temps à cette activité.

Mais je dois admettre à la décharge du ministère - et je crois que Barry l'a dit tout à l'heure - que dans le cas de vérifications de grande envergure, Revenu Canada essaie de se concentrer sur des périodes récentes. Autrement dit, lorsque nous faisons l'objet d'une vérification maintenant, ils ne vont pas remonter quatre ou cinq ans en arrière. Ils vont faire porter la vérification sur une plus courte période. Et ils sont beaucoup plus disposés à remettre aux administrateurs fiscaux un plan ou schéma de la vérification qu'ils comptent faire. Il est donc possible... non pas de limiter l'étendue de la vérification mais, disons, de l'orienter. Souvent ces gens-là reviennent chaque année, et par conséquent, ils connaissent bien l'entreprise.

Mais pour répondre à votre question, même si la situation s'est un peu améliorée, les vérificateurs sont encore très présents dans les grandes entreprises canadiennes.

M. Grubel: On me dit que mon temps est écoulé, mais je voudrais vous poser une dernière question bien précise. D'après ce que j'ai pu comprendre ce matin, il y a trois bureaux au siège social de Shell Canada qui sont occupés en permanence par les mêmes personnes qui sont là tout le temps et qui peuvent rester là pendant six ou peut-être même 10 ans d'affiliée. Ce sont les mêmes personnes. Elles mettent leurs photos de famille sur le bureau et tout. Est-ce que cela vaut aussi pour les compagnies de chemin de fer? Dans votre entreprise, par exemple?

.1540

Mme Lachapelle: Dans le cas de certaines de nos compagnies membres, des vérificateurs seraient présents, comme quelqu'un l'a déjà dit, mettons sept ou huit mois de l'année. Il y en a qui viennent faire une vérification spéciale alors que d'autres restent là en permanence. Je ne dis pas qu'ils restent six ou huit ans. Je ne peux pas vous dire exactement. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a des bureaux qui leur sont réservés sur une base quasi permanente. Ça, c'est tout à fait vrai.

M. Pickford: Notre situation est à peu près la même. Nous avons un bureau distinct qui leur est réservé. L'une de nos préoccupations était le déménagement temporaire de notre siège social, qui est à Montréal. Pour cette raison, il n'était plus possible d'offrir un bureau distinct aux vérificateurs du Québec, de l'Ontario et du gouvernement fédéral. Ils vont devoir apprendre à partager et à vivre ensemble. J'espère qu'ils vont y réussir, parce que ce changement de locaux a eu lieu il y a un mois seulement.

Mais il faut faire attention. Il peut y en avoir un certain nombre qui restent là pendant cinq, six ou sept ans, mais à vrai dire, c'est avantageux pour l'entreprise - pas le fait qu'ils soient là en permanence, mais que ce soit toujours les mêmes personnes qui reviennent pour faire la vérification et qui connaissent l'entreprise, plutôt qu'un nouveau qui serait obligé de recommencer à zéro et d'apprendre tout ce qu'il a besoin de savoir au sujet de l'entreprise. Mais il est vrai qu'ils passent beaucoup de temps dans les bureaux de toutes les grandes entreprises.

Le président: Monsieur Campbell.

M. Campbell (St. Paul's): Merci, monsieur le président.

Monsieur Pickford, pendant que votre micro est encore ouvert, je vais vous poser une question. Je voudrais revenir sur quelque chose que vous avez dit dans vos remarques liminaires concernant la nécessité pour les entreprises de tenir compte dans leurs décisions en matière d'investissement de toute la gamme de taxes et d'impôts qu'elles doivent payer.

Je ne crois pas me tromper en disant que vous étiez vivement en faveur de l'effort d'harmonisation. Vous avez même dit que les provinces qui n'ont pas un régime harmonisé sont défavorisées par rapport à celles qui en ont un.

Dois-je en conclure que parmi les nombreux facteurs qui pourraient influencer votre décision d'investir dans une province plutôt qu'une autre figure un régime de taxe de vente harmonisé, ou du moins un certain degré d'harmonisation? Ai-je bien résumé la situation?

M. Pickford: Je pense que oui. J'aimerais bien que notre entreprise puisse déménager et s'implanter ailleurs aussi facilement. Mais ce qui m'inquiète encore plus, c'est la possibilité que les clients aillent d'une province à l'autre.

Les centres d'appels ont suscité certaines préoccupations dernièrement. Le Nouveau-Brunswick a cherché activement à faire établir des centres d'appels dans la province. L'un des avantages de ces centres est l'exonération prévue pour la taxe de vente. Maintenant ils ont un système harmonisé. Heureusement pour nous, en Ontario, le gouvernement a annoncé dans son dernier budget que les numéros 1-800 et 1-88, qui sont des numéros de centres d'appels, seraient désormais exonérés de la taxe de vente provinciale. Donc, ce problème-là ne se pose plus. Je crois que ce sera un gros atout pour notre entreprise et pour tous nos clients.

M. Campbell: Et en général?

M. Pickford: Eh bien, si l'on a le choix entre une province qui a un système harmonisé et une autre qui n'en a pas, toutes choses étant égales, on opterait en général pour celle qui a un système harmonisé.

M. Campbell: Merci.

[Français]

J'aimerais demander à M. Montreuil de clarifier ses propos que j'ai peut-être mal compris. Vous parliez d'un rapport du Fonds monétaire international qui suggérait une augmentation du taux de taxation des sociétés.

M. Montreuil: C'est exact.

[Traduction]

M. Campbell: Je ne suis pas sûr que vous ayez raison, monsieur Montreuil. Si vous parlez des consultations normales tenues en prévision de son rapport au sujet du Canada, je pense qu'il a plutôt recommandé qu'on se penche sur les dépenses fiscales associées aux subventions directes accordées aux entreprises en 1991. Les auteurs du rapport ont dit qu'une réduction des subventions se traduirait peut-être par certaines économies et une augmentation des recettes. Ils ont parlé entre autres de la recherche et du développement et d'autres secteurs, et nous avons justement pris de telles mesures en 1991.

Conformément aux recommandations du comité, le gouvernement va les réduire de presque les deux tiers d'ici la fin de l'année prochaine. Je ne me souviens pas d'une recommandation - et j'ai le rapport sous les yeux - proposant une augmentation du taux d'imposition des sociétés.

Il est intéressant de noter, toutefois, qu'il a recommandé à un moment donné une augmentation du taux de la TPS, d'autres réductions des transferts aux provinces et toutes sortes d'autres mesures que je ne veux pas aborder en détail maintenant. Mais je ne vois nulle part dans ce rapport une recommandation qui proposerait une augmentation générale des taux d'imposition des sociétés.

.1545

Je voudrais donc vous donner l'occasion de clarifier vos propos au sujet des dépenses fiscales associées aux grandes entreprises et aux subventions en particulier, parce que c'est bien ce qu'on dit dans le rapport.

[Français]

M. Montreuil: À la lecture de ce rapport, j'ai cru comprendre que le Fonds monétaire international indiquait qu'on pouvait augmenter le fardeau fiscal des entreprises. Que l'on augmente le fardeau fiscal par une hausse des taux ou par une baisse des crédits d'impôt et des subventions fiscales, là n'est pas la question.

M. Campbell: Il y a une grande différence entre les deux.

M. Montreuil: Quant à l'efficacité du système, oui. On a mentionné plus tôt qu'un système serait plus efficace s'il comportait moins de mesures fiscales préférentielles. Mais en termes de recettes fiscales, est-ce que certaines personnes ou certains organismes de la société canadienne seraient en mesure de faire un petit effort supplémentaire, comme le ministre Martin l'a demandé? Le pourraient-ils? Est-ce que certaines entreprises peuvent faire un petit effort supplémentaire? Le Fonds monétaire international a dit qu'elles le pourraient peut-être.

[Traduction]

M. Campbell: Parlons-en alors, puisque nous avons maintenant établi qu'ils n'ont pas recommandé une augmentation des taux d'imposition. Ils ont évoqué la possibilité d'une augmentation de recettes grâce à l'élimination de certaines subventions, le tout sous l'angle des dépenses fiscales qu'engendrent ces dernières. Maintenant, je pense qu'on se comprend.

Parlons un peu du fardeau plus important que certains membres de la société, et notamment les grandes entreprises, pourraient supporter, d'après vous. Ai-je bien compris que vous recommandez l'élimination du taux d'imposition spécial qui s'applique aux revenus des petites entreprises?

[Français]

M. Montreuil: Je ne recommande pas l'abolition de la déduction pour les petites entreprises. Je suggère aux membres du comité et au comité technique de regarder attentivement qui profite de cette mesure qui coûte 2 milliards de dollars au gouvernement. Les petites entreprises n'oeuvrent pas toutes dans la production. Il y a une foule de situations.

Ne devrait-on pas reconsidérer le fait que chaque entreprise qui bénéficie de cette déduction sur les 200 000$ se voit accorder par le gouvernement fédéral une subvention de 32 000$ par année? Je pense qu'il vaut la peine d'examiner la situation.

[Traduction]

M. Campbell: Donc vous mettriez fin au traitement privilégié actuellement réservé aux exploitations agricoles familiales. Et vous n'auriez pas non plus de taux d'imposition spéciaux pour la petite entreprise.

Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous recommandez.

[Français]

M. Montreuil: Je pense que la fiscalité des petites entreprises doit être examinée à la loupe. Quand je regarde l'exemption de 500 000$ et que je lis ce que cela apportait à la société et ce que cela a coûté, je me demande qui en a profité. Ce sont les petits entrepreneurs et les actionnaires de PME.

[Traduction]

M. Campbell: Et la même chose pour les exploitations agricoles familiales?

[Français]

M. Montreuil: Je sais que l'agriculture est un...

[Traduction]

M. Campbell: C'est différent?

[Français]

M. Montreuil: Je ne vois pas de différence entre l'agriculture et le transport. On peut avoir une vision canadienne.

M. Campbell: Il y a peut-être ici des députés qui ne partagent pas votre opinion.

M. Montreuil: Certains d'entre vous représentent peut-être le milieu agricole, tandis que d'autres représentent des industries à forte capitalisation; cela ne m'a pas empêché de dire qu'il faudrait peut-être revoir les dépenses d'amortissement. Mes propos visaient à ouvrir la discussion. Si on croit pouvoir réduire les coûts d'observation pour les différents impôts, il faut regarder ces aspects.

Compte tenu de la situation dans laquelle se trouve le Canada face à la fiscalité des entreprises, il me semble que nous ferions preuve d'une vision vraiment trop étroite si nous nous limitions ainsi. Pourquoi ne pas rouvrir le débat sur d'autres éléments? Je n'ai pas réponse à tout. Ce sont des éléments qu'on devrait regarder.

[Traduction]

M. Campbell: Mais si je comprends bien votre thèse... Vous avez parlé de l'ampleur de la fraude qui existe ou qui semble exister, à votre avis, et du fait que les gens profitent, par exemple, du faible taux pour les entreprises. Ce que je trouve curieux, c'est que vous concluiez que nous aurions moins de fraude et plus de recettes si nous augmentions le taux. Si je vais au bout de votre logique, il me semble que vous préconisez des taux plus élevés pour tout le monde.

.1550

[Français]

M. Montreuil: Il y a 15 ans, il n'y avait pas de problème à prendre le volant de sa voiture en état d'ébriété; la société ne se préoccupait pas de cette question. Ce genre d'attitude ne se change pas avec un budget ou une nouvelle loi sociale. Cela peut aider, mais cela prend des années. Je ne suis pas le seul à constater ces faits relativement à la fiscalité des entreprises; on n'a qu'à lire les journaux, à parcourir les rapports du vérificateur général et tout particulièrement à écouter ce que les fiscalistes bien renseignés nous disent de leur clientèle.

Ils ne viendront pas vous raconter cela à propos de leurs clients. Ils me disent que cela n'a aucun sens; ils sont témoins de cette économie souterraine, de ces petits entrepreneurs qui ne déclarent pas les revenus qu'ils réalisent. Le gouvernement devrait peut-être se demander s'il ne devrait pas adopter une nouvelle attitude et se fixer un objectif réaliste de 10 ou 15 ans afin de changer la mentalité des gens et leur faire prendre conscience qu'il y va de l'intérêt de tous de payer sa part.

Vous m'avez peut-être mal compris tout à l'heure. Je n'ai pas relié la question de la fraude fiscale à la question de la faible taxation de la première tranche de 200 000$ des revenus d'entreprise.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Campbell.

[Français]

Si les députés n'ont plus de questions,

[Traduction]

Je demanderais à nos témoins de nous faire un résumé d'une minute des points les plus importants de cette discussion.

[Français]

Commençons par vous, professeur Montreuil.

M. Montreuil: Merci, monsieur Peterson.

Le comité a l'occasion de réfléchir à différents problèmes qui touchent la fiscalité des entreprises. Je crois qu'il faudrait examiner la possibilité de revoir certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui contribuent à la complexité de la loi, dont celle sur la taxation du gain en capital qui ne l'est qu'aux trois quarts. La loi renferme un nombre incroyable de règles complexes. Je pense qu'il vaudrait la peine de réexaminer ces mesures. Merci.

Le président: Merci, professeur Montreuil.

Lise Lachapelle.

Mme Lachapelle: Je reviens rapidement à nos recommandations. Premièrement, nous proposons que dans cette nouvelle analyse du système de taxation, on envisage d'autres façons d'utiliser la taxation des sociétés qui soient davantage fonction du revenu que de la base de capital qui est utilisée.

[Traduction]

Nous aimerions également avoir la possibilité de produire des déclarations consolidées. Nous sommes vivement en faveur de l'harmonisation des taxes fédérale et provinciale de manière à créer un régime unique. Nous sommes toujours convaincus qu'il y a moyen d'éliminer certains coûts d'observation. Nous recommandons aussi que le ministère du Revenu national attache plus d'importance au service à la clientèle.

Mais en ce qui nous concerne, l'idée la plus importante que vous devez retenir, c'est que dans cette restructuration du régime fiscal, vous ayez toujours présente à l'esprit la nécessité de garantir la compétitivité internationale des industries canadiennes.

[Français]

Le président: Merci, Lise Lachapelle.

[Traduction]

Barry Pickford.

M. Pickford: Je vais passer très rapidement en revue certaines questions, et un point en particulier.

À notre avis, l'harmonisation des taxes de vente est de toute première importance pour le pays dans son ensemble. Bien sûr, la question de la recherche et du développement et de l'interprétation des règles y afférentes sont également très importantes pour les compagnies qui font partie du réseau Stentor, et même pour bon nombre d'autres entreprises. À notre avis, un système de consolidation fiscale serait très bénéfique pour le pays en général.

Mais ce qui est encore plus important... En fait, nous n'avons pas abordé directement la question. Nous avons parlé de la possibilité de modifier ou de réduire ou même d'augmenter de50 p. 100 les taux d'imposition. Je pensais que l'objet de la discussion d'aujourd'hui était d'examiner le taux d'imposition actuellement en vigueur au Canada et de se demander s'il y a des raisons pour lesquelles nous devons le maintenir à ce niveau - c'est-à-dire le quatrième taux le plus élevé de tous les pays membres de l'OCDE. Étant donné les complexités de l'actuel régime fiscal, nous devons produire des déclarations dans de nombreuses provinces différentes et pour le gouvernement fédéral également. Nous devons calculer nos revenus et nos capitaux de façon différente dans chacune de ces provinces. Tout cela coûte cher. Il faudrait trouver le moyen d'éliminer ces coûts et peut-être même envisager de réduire les taux d'imposition, car à mon sens, tout le monde en profiterait. Merci.

.1555

M. Lynch: L'idée sur laquelle nous voulons insister auprès du comité, c'est que nous ne demandons pas de passe-droit pour l'industrie ferroviaire; nous vous demandons simplement de nous mettre sur un pied d'égalité avec nos principaux concurrents, c'est-à-dire les entreprises de camionnage et les chemins de fer américains. La part de marché des chemins de fer canadiens se contracte depuis plusieurs années. Voilà pourquoi nous estimons qu'une réduction des taux de taxation sur le carburant, pour les rendre conformes à ceux qui existent aux États-Unis, de même que des taux de DPA semblables à ceux offerts à l'industrie du camionnage et aux chemins de fer américains aideraient grandement à nous mettre sur un pied d'égalité.

Le président: Merci infiniment monsieur Lynch et monsieur Finn.

La séance de cet après-midi représente la dernière de notre série d'audiences sur les coûts d'observation que doivent supporter les entreprises canadiennes pour se conformer au régime fiscal actuel. Je comprends de tous vos témoignages que le thème de la compétitivité internationale est d'importance primordiale.

En ce qui concerne les chemins de fer, vous avez indiqué que parce que nos taxes et impôts sont beaucoup plus élevés au Canada qu'aux États-Unis, les producteurs canadiens vont s'adresser à des compagnies de chemin de fer américaines pour transporter leurs marchandises. À ce moment-là, nous sommes perdants non seulement au niveau de nos chemins de fer, mais aussi au niveau de l'activité de nos ports et de l'incidence de tout cela sur les emplois.

C'est d'ailleurs ce que nous a fait valoir Lise Lachapelle au nom de l'industrie des pâtes et papiers. Elle nous a dit que le choix d'une localité dépend très souvent des charges fiscales globales qu'on doit supporter.

Nous avons également reçu des témoignages fort convaincants au sujet de la nécessité d'un système de consolidation fiscale et d'harmonisation. Pour un pays comme le Canada, qui a moins de 30 millions d'habitants, nous avons une structure fiscale globale extrêmement compliquée avec les régimes des 10 provinces, du gouvernement fédéral et des municipalités. Chaque administration lève plusieurs différents types de taxes ou d'impôts, ce qui entraîne nécessairement des coûts d'observation pour chacun et la nécessité de répondre aux demandes d'information de différents vérificateurs et agents du fisc.

Après avoir écouté vos propos et ceux d'autres témoins dans le cadre de nos audiences, j'ai un peu l'impression que la multiplication des administrations au Canada pose vraiment problème. En tant que petit pays, du point de vue de notre économie et de notre population, qu'est-ce qui nous empêche de créer le régime fiscal le plus efficace et convivial possible, le meilleur, quoi? Pourquoi traînons-nous ce boulet en ayant un régime qui nuit aux emplois et augmente les coûts des entreprises et des particuliers?

Je pense que le message est bien clair, et vous nous l'avez clairement communiqué.

[Français]

Certains d'entre nous autour de cette table souhaitent que subsistent des chevauchements et des dédoublements pour des raisons de souveraineté. Je pense qu'un seul système d'administration et un seul ensemble de lois régissant les impôts seraient souhaitables pour chaque Québécois, Québécoise, Canadien et Canadienne.

[Traduction]

Au nom des députés de tous les partis, je voudrais vous remercier pour vos excellents exposés. Je sais qu'ils seront d'une grande utilité aux membres du comité technique dans l'élaboration de ses recommandations, qui seront renvoyées devant le comité.

.1600

La prochaine réunion du Comité des finances se tiendra ici à Ottawa le 16 septembre, lorsque nous examinerons la Loi sur les banques. Entre temps, encore une fois, au nom de tous les membres du comité, je voudrais remercier notre personnel, notre greffier, tous les employés de la Chambre des communes qui ont fait le nécessaire pour nous obtenir une salle et des services, et surtout nos témoins, pour leurs excellents exposés. Je vous remercie tous infiniment.

La séance est levée.

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