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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 31 octobre 1996

.1532

[Traduction]

Le président: À l'ordre. Le Comité des finances de la Chambre des communes a le plaisir de tenir, cet après-midi, une table ronde avec des représentants de divers secteurs importants de notre économie et de notre société.

Nous allons commencer par des exposés de trois minutes sur ce que vous souhaitez nous voir faire dans le prochain budget. Nous passerons ensuite aux discussions et aux questions.

Je tiens à m'assurer que vous aurez tous suffisamment de temps après cela pour mieux faire valoir votre point de vue, si vous n'avez pas eu l'occasion de le faire. Chacun d'entre vous disposera, à la fin, de 30 secondes pour récapituler.

Nous avons le grand plaisir de recevoir aujourd'hui Brad Lavigne, président national de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Peut-être pourriez-vous commencer, monsieur Lavigne.

M. Brad Lavigne (président national, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants): Bon après-midi. Je voudrais remercier les membres du Comité des finances de la Chambre des communes de m'avoir invité ici aujourd'hui.

Pour ceux qui ne connaissent pas la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, elle comprend 400 000 étudiants de 60 collèges et universités des quatre coins du pays. Je ferai, aujourd'hui, des observations générales quant à la situation dans laquelle les étudiants se trouvent actuellement. Nous énumérerons ensuite un certain nombre de propositions concrètes que nous voudrions que votre comité et le gouvernement examinent pour le prochain budget.

Vous ne serez pas étonnés d'apprendre qu'un grand nombre d'étudiants du postsecondaire traversent des moments très difficiles à la suite de la réduction du financement, de la hausse des frais de scolarité, du manque d'emplois d'été, du taux de chômage élevé chez nos membres et les autres étudiants du secondaire, l'été dernier, ainsi que de l'alourdissement de la dette des étudiants.

L'endettement des étudiants canadiens a augmenté énormément depuis six ans. Jusqu'en 1990, les étudiants se retrouvaient avec une dette moyenne de 16 000 $ à l'obtention de leur premier diplôme. À compter de 1994, cette dette dépassait 24 000 $. C'est là une lourde augmentation. Je suis ici, aujourd'hui, pour présenter des plans raisonnables et pragmatiques dans le but de réduire cet endettement et d'apporter aux étudiants l'aide dont ils ont grand besoin.

Avant d'entrer dans les détails, je voudrais réitérer l'appui de notre fédération au programme d'infrastructure pour l'innovation proposé par l'Association des universités et collèges du Canada, l'Association canadienne des professeurs d'université et le Consortium national des sociétés scientifiques et pédagogiques.

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Le principe de base de cette proposition est fort simple. Nous recommandons qu'une partie du deuxième programme d'infrastructure du Canada soit consacrée à la modernisation de l'infrastructure de recherche des universités. En supposant que le budget total de la phase deux du programme d'infrastructure se chiffrera à 6 milliards, nous suggérons que 20 p. 100 des fonds soient réservés aux investissements dans l'infrastructure universitaire.

À notre avis, cette proposition contribuera à faire des investissements stratégiques dans l'avenir du Canada, selon l'objectif énoncé par le ministre des Finances, M. Martin, dans sa mise à jour économique et financière du 9 octobre. Les auteurs de la proposition n'ont pas souligné les avantages qu'elle présente comme programme de création d'emplois, mais il vaut la peine de considérer que, d'après une analyse du programme d'infrastructure actuel du gouvernement fédéral, la mise en oeuvre de ce programme créerait environ 20 000 emplois avec la somme de 1,2 milliard que coûterait le programme d'infrastructure pour l'innovation. Cela donne 60 000 $ par personne pour chaque année d'emploi. Cet investissement aurait un effet durable sur la croissance économique et les compétences commercialisables des Canadiens.

Par comparaison avec les options qui sont offertes au gouvernement, le programme d'infrastructure pour l'innovation que nous préconisons est tout à fait raisonnable. L'économiste en chef de la Banque royale, M. John McCallum, a démontré, à partir d'un modèle économétrique standard et de simulations des effets d'une réduction d'impôt de 3 milliards de dollars ou d'une réduction équivalente des cotisations d'assurance-chômage payées par les employés et les employeurs, que ces deux options, soit la réduction d'impôt et la réduction des cotisations d'assurance-emploi, créeraient moins d'emplois que le programme d'infrastructure. Une réduction d'impôt de 3 milliards de dollars créerait environ 15 000 emplois tandis qu'une réduction des cotisations d'assurance-emploi en créerait de 15 000 à 30 000 c'est-à-dire beaucoup moins que les 20 000 emplois que nous apporterait le programme d'infrastructure pour l'innovation, à un coût de 1,2 milliard de dollars.

Les trois conseils de subventionnement, le Conseil de recherches médicales, le Conseil de recherches en sciences humaines et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, auraient certainement un rôle important à jouer dans le cadre de notre programme d'infrastructure, s'il était mis en oeuvre. Nous estimons qu'il faudrait leur épargner toute nouvelle compression et nous voudrions que le Comité des finances de la Chambre des communes renouvelle, cette année, son appui à ces conseils.

Pour ce qui est de nos propositions en vue du prochain budget, je voudrais présenter trois éléments de notre programme d'aide. Le premier consiste à mettre à jour les déductions pour les subventions et les bourses. En deuxième lieu, il faudrait offrir des crédits d'impôt pour les frais accessoires obligatoires et les cotisations au syndicat des étudiants afin de les traiter de la même façon que les frais de scolarité. Troisièmement, il s'agirait de créer une nouvelle catégorie de subventions spéciales pour les étudiants ayant des responsabilités parentales.

Deux de ces mesures représentent, en fait, des dépenses fiscales. Nous nous sommes efforcés de quantifier le montant dont les recettes fiscales fédérales se trouveraient réduites si ces mesures étaient appliquées, mais nos chiffres sont purement estimatifs pour le moment. Toutefois, le président du caucus de l'enseignement supérieur du Parti libéral, M. Peter Adams, s'est dit prêt à faire évaluer ces chiffres préliminaires par les fonctionnaires du ministère des Finances, ce qui doit être fait très prochainement.

Examinons les trois éléments séparément. Il y a d'abord les déductions pour les bourses et subventions. Cette déduction existe déjà et a...

Le président: Je pense que nous connaissons le sujet. Pourriez-vous aller droit au but? Vous nous avez énoncé vos trois éléments. S'il nous reste du temps, vous pourrez y revenir, Brad.

M. Lavigne: Je vais donc seulement parler de la réduction des recettes. Je suis sûr que cela intéressera beaucoup le comité.

Une voix: Tout cela au nom de la simplification fiscale.

M. Lavigne: Oui.

Le montant pour les bourses et subventions passerait d'environ 5000 $ à 2 000 $ par personne. Cette mesure coûterait au gouvernement 255 $ par étudiant recevant une subvention. Le coût total se chiffrerait à environ 30 millions de dollars pour le gouvernement fédéral.

Pour ce qui est des crédits d'impôt pour les frais accessoires et les cotisations au syndicat des étudiants, à l'heure actuelle, les étudiants obtiennent un crédit d'impôt de 17 p. 100 pour leurs frais de scolarité.

Le président: Combien cela nous coûterait-il, monsieur Lavigne?

M. Lavigne: Cela coûterait 29 millions de dollars.

Je vais passer directement aux subventions spéciales pour les étudiants ayant des responsabilités parentales. Si nous suivons le modèle décrit dans le plan actuel, si nous offrons le même montant que celui dont bénéficient actuellement les étudiants handicapés et les femmes dans les domaines non traditionnels, le total serait d'environ... je n'ai pas le chiffre.

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Une voix: Ce serait 87 millions de dollars.

M. Lavigne: Au total, ce programme d'aide coûte 85 millions de dollars.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lavigne. C'est très intéressant.

Nous passons maintenant à M. William Day, de l'Association des collèges communautaires du Canada.

M. William Day (président, Association des collèges communautaires du Canada): Merci, monsieur le président. C'est un privilège que d'avoir été invité ici. Je suis déjà venu représenter notre organisation, il y a deux ans, et c'est un plaisir pour moi que de revoir la plupart des mêmes visages autour de cette table.

Le président: C'est un plaisir de vous revoir, monsieur.

M. Day: Merci monsieur.

Je représente aujourd'hui une organisation qui regroupe 175 collèges, CEGEP et instituts de technologie de l'ensemble du pays, mais je ne suis pas ici pour parler des besoins de ces institutions. Nous avons l'intention de décrire très rapidement les besoins que nous constatons dans l'économie, ainsi que les besoins de ceux qui continuent d'apprendre tout au long de leur vie. Personne, autour de cette table, ne doutera du fait que la nécessité d'apprendre sa vie durant est universelle et c'est donc une chose que nous tenons pour acquis.

Nous voulions parler plus précisément des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée dans des secteurs critiques et rappeler au comité que nous manquons actuellement de travailleurs qualifiés dans plusieurs secteurs de la haute technologie et de la nouvelle économie fondée sur le savoir. Récemment, les conseils sectoriels des télécommunications et des logiciels, tous deux mis sur pied sous la direction du gouvernement fédéral, bien entendu, ont déclaré publiquement qu'ils étaient confrontés à une pénurie de travailleurs qualifiés. Paradoxalement, nous savons tous que le Canada souffre d'un chômage persistent, qui se situe à environ 10 p. 100.

Les Canadiens, et surtout les jeunes, ont toujours compté sur le gouvernement national pour guider leurs choix de carrière et leurs possibilités de carrière. Le ministère du Développement des ressources humaines a joué un rôle important, bénéfique, et parfois crucial dans le domaine de l'orientation professionnelle. La publication du ministère intitulée Emploi-Avenir n'est qu'un exemple de cette participation.

Étant donné la situation de l'emploi des jeunes Canadiens et les difficultés persistantes que l'on a à leur faire connaître les débouchés formidables qui s'offrent actuellement dans ces secteurs en plein essor, nous croyons très important que le gouvernement fédéral lance une campagne d'information pour faire connaître ces débouchés aux jeunes et cela, avec toute la force de persuasion dont il sera capable.

De plus, nous tenons à souligner que le programme de bourses en science et en technologie, qui était géré précédemment par Industrie Canada, était un programme national qui adressait un message très direct aux jeunes Canadiens. Nous regrettons que ce programme ait été mis de côté. Nous recommandons que le gouvernement fédéral mette en place un programme de bourses visant à inciter les jeunes Canadiens à se lancer dans des études en science, en technologie et en génie. Ce programme devrait s'étendre notamment aux collèges communautaires, aux CEGEP et aux instituts de technologie. De toute évidence, cette politique devrait également s'appliquer aux universités et au niveau de la recherche.

Nous tenons à souligner que nous ne cherchons pas à défendre les intérêts d'un seul type d'institution. Nous visons au développement économique, au bien-être du pays et, bien entendu, aux débouchés des jeunes Canadiens. Nous croyons que le ministère du Développement des ressources humaines devrait lancer une campagne à l'appui de ce programme de bourses.

Deuxièmement - et c'est la dernière question importante que je voudrais soulever, en espérant que mon collègue, Robert Gillett, pourra vous en parler - nous voudrions aborder la question de l'allégement de la dette fédérale étudiante, sur laquelle nos collègues de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants ont insisté.

Je n'ai pas l'intention de reprendre les arguments éloquents invoqués au sujet de l'endettement des étudiants, mais nous sommes tous conscients, je crois, de l'endettement de plus en plus lourd que doivent assumer les étudiants. Nous sommes entièrement pour un plan d'allégement de la dette étudiante basé sur le revenu après l'obtention du diplôme. Notre organisme est prêt à travailler très fort avec toute organisation que le gouvernement fédéral chargera d'approfondir cette idée. Nous disposons de renseignements en provenance d'institutions analogues du monde entier qui ont déjà travaillé dans ce domaine. Nous nous ferions un plaisir de participer à ce genre d'initiative.

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Monsieur le président, je voudrais rappeler au comité que notre secteur de l'éducation s'occupe d'un nombre considérable de Canadiens, qui sont tous adultes. Nous avons environ 500 000 étudiants à plein temps par an - ce qui représente une proportion très importante de la population canadienne - ainsi que 1,5 million d'étudiants à temps partiel - ce qui donne une proportion encore plus importante de la population canadienne. Autrement dit, nos institutions voient passer, chaque année, une bonne partie de la population active du pays.

Les gens au nom desquels nous parlons sont des Canadiens moyens, au meilleur sens du terme. Ils ne sont pas privilégiés. Ce sont des gens ordinaires qui s'efforcent d'améliorer leur sort. Nous avons l'impression qu'un grand nombre de ces personnes ont de plus en plus de difficultés à retourner s'instruire, non pas à cause d'un manque d'établissements - car ils sont là et fonctionnent bien - mais simplement parce qu'ils n'ont pas les moyens de financer un retour aux études. Cela vaut autant pour les Canadiens qui travaillent que pour ceux qui ne travaillent pas. Encore une fois, toute l'information à cet égard est à votre disposition. Il vous suffit de nous en faire la demande.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Day.

Peut-être pourrions-nous maintenant donner la parole à M. Brown et M. Weiner, qui représentent la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants.

M. Harvey Weiner (vice-secrétaire général, Fédération canadienne des enseignantes et enseignants): Merci, monsieur le président. Je vais présenter notre exposé au nom de la Fédération, mais je voudrais d'abord remercier personnellement les membres du comité de nous avoir permis de présenter nos suggestions quant à la teneur du prochain budget.

Nous avons distribué quelques notes aux membres du comité, mais nous voulons bien préciser, dès le départ, qu'en raison du bref préavis qui nous a été donné, nous n'avons pas pu préparer le genre de mémoire détaillé que nous préparons normalement pour le ministre des Finances. Nous comptons quand même le faire et nous en distribuerons des exemplaires aux membres du comité. Nous aimerions beaucoup connaître la date à laquelle vous devez présenter votre rapport au ministre afin que nous puissions le faire dans les délais voulus.

Le président: Si possible, nous aimerions recevoir votre mémoire d'ici une dizaine de jours, du moins dans les grandes lignes. Et je vous avertis que vous serez de nouveau invité l'automne prochain...

M. Weiner: Merci beaucoup.

Le président: ...comme le reste d'entre vous.

M. Weiner: Vous constaterez toutefois que, malgré ce que je viens de dire, les principaux points sont assez bien abordés dans nos notes.

Tout d'abord, notre fédération considère que les besoins des enfants devraient être la première priorité pour le prochain budget. En répondant mieux aux besoins des enfants canadiens, nous répondrons aux besoins du milieu de l'éducation et nous aiderons les enseignants à faire un meilleur travail. Nous croyons possible de répondre à ces besoins de plusieurs façons différentes.

Nous croyons qu'il y a un certain déséquilibre entre les dépenses fédérales et les mesures relatives aux recettes. Il faut établir un meilleur équilibre et tenir compte également du taux de chômage beaucoup trop élevé qui a de graves répercussions sur les enfants auxquels nous enseignons.

Nous croyons aussi qu'une réforme fiscale plus progressive est à la fois nécessaire et possible. Nous constatons que la réduction du nombre de tranches d'imposition, de dix à trois, a réduit la progressivité au lieu de l'augmenter. Nous constatons également que la plupart des pays de l'OCDE ont augmenté la part de l'impôt sur le revenu des sociétés entre 1965 et 1993 tandis que le Canada l'a réduite pratiquement de moitié, de 3,9 p. 100 à 2 p. 100.

À notre avis, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux revêt une importance capitale. Selon nos propres études - et nous sommes prêts à vous en fournir les détails - il semble que le problème déjà grave de la pauvreté chez les enfants aille en s'aggravant. Ce phénomène a été également reconnu, je pense, par le congrès politique libéral, dans une motion qui a été adoptée, ce week-end, sur cette question, avec un «attendu que» indiquant que la proportion d'enfants canadiens vivant dans la pauvreté avait augmenté, passant de 14,8 p. 100 à 21,3 p. 100 en 1993.

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Nous croyons également qu'à la suite de certaines coupes effectuées dans les fonds fédéraux, un certain nombre de programmes très importants sont devenus plus vulnérables aux compressions. Au niveau provincial, cela a eu des conséquences négatives pour les enfants.

Voilà, monsieur le président, un certain nombre des questions que nous aimerions aborder. Lors de la discussion, nous serons prêts à avancer diverses idées. Nous croyons que quelques idées excellentes sont sorties du congrès politique et nous espérons qu'elles feront partie du programme gouvernemental qui précédera les élections, et qu'elles seront appliquées.

Une de ces idées consiste à concevoir une prestation fiscale pour enfant fédérale, en collaboration avec les provinces. C'est une idée tout à fait valide que nous aimerions voir suivie dans toute la mesure du possible.

Pour conclure, monsieur le président, je voudrais tirer mon chapeau au gouvernement, au moins une fois, pour l'engagement qu'il a pris récemment d'accorder une ristourne pour TPS aux commissions scolaires sur les achats de livres destinés aux élèves. Nous pensons que c'est un premier pas dans la bonne voie. Il faudrait toutefois faire davantage au sujet de l'imposition des livres destinés aux étudiants. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Weiner.

C'est maintenant le tour de M. Robert Gillett, du Algonquin College of Applied Arts and Technology.

M. Robert C. Gillett (président, Algonquin College of Applied Arts and Technology): Merci, monsieur le président. Je représente également, aujourd'hui, les présidents des collèges de tout l'Ontario.

Le président: Très bien.

M. Gillett: Les observations que nous aimerions faire au comité portent sur les étudiants et certains de leurs besoins.

Brad Lavigne a abordé certaines questions, mais nous pensons que le gouvernement fédéral devrait envisager un programme de remboursement des prêts dépendant du revenu qui reliera la capacité ultérieure de payer de l'étudiant au barème de remboursement établi pour son prêt.

Nous croyons qu'il y aura toujours un partage des coûts et que les étudiants auront leur part à assumer, mais comme Brad l'a déjà mentionné, les étudiants se retrouvent avec une dette de 20 000 $ à 30 000 $ après leurs études collégiales. Selon qu'ils trouvent du travail ou non ou leur situation personnelle, il leur est de plus en plus difficile de survivre. Vous avez entendu le témoignage de l'ACCC au sujet du projet de loi fédéral sur l'allégement de la dette étudiante. Nous pensons qu'il faudrait l'envisager et nous sommes certainement prêts à travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral à l'élaboration de nouvelles options pour les étudiants.

Nous pensons également, comme Brad l'a mentionné, que les régimes de prêt aux étudiants doivent tenir compte de la totalité des coûts. De nos jours, avec la technologie de l'information et le genre de frais que les étudiants doivent faire pour se doter de la technologie nécessaire pour travailler à la maison ou suivre les programmes offerts, il faudrait tenir compte de ces nouvelles dépenses dans l'équation.

Nous voudrions également inviter le gouvernement fédéral à réexaminer la question de l'apprentissage. Nous avons énormément besoin de programmes d'apprentissage au Canada et la décision du gouvernement fédéral de se sortir de ce domaine soulève de sérieux problèmes. Les gens ont grand besoin de ces programmes d'apprentissage qui disparaissent très rapidement. Nous avons des inquiétudes à cet égard et nous espérons que vous réexaminerez ces questions dans le prochain budget.

Nous voudrions également que le gouvernement favorise la formation par tous les moyens possibles. Nous savons qu'un bon nombre de ces questions sont du ressort des provinces, mais jamais la formation n'a été aussi nécessaire pour bâtir notre avenir économique. Comme vous le savez, le nombre d'admissions dans les collèges est maintenant deux fois moins élevé que le nombre de demandes parce que nous n'avons pas une capacité d'accueil suffisante. Nous examinons des moyens électroniques d'élargir notre capacité, mais étant donné que les employeurs exigent au moins 17 années d'études, il faut certainement trouver un meilleur moyen d'instruire plus de gens et de rendre le système le plus ouvert possible afin d'assurer le succès de nos étudiants... et je veux parler des étudiants de tous âges.

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Nous avons un groupe d'étudiants plus âgés qui fréquentent le collège. À Algonquin, l'âge moyen cette année est de 25 ans en première année. Pour l'ensemble des cours, je crois qu'il est de 27 ans. L'étudiant qui sort du secondaire n'est plus la norme. La majorité de notre clientèle arrive avec des responsabilités familiales et des responsabilités professionnelles. Nous pensons que le gouvernement doit en tenir compte dans son plan économique s'il veut faciliter les choses.

Nous demandons au gouvernement d'examiner très sérieusement la question, car notre prospérité économique future dépend de cette main-d'oeuvre bien formée qui pourra faire partie de la population active de demain.

Le président: Merci, monsieur Gillett.

Nous passons maintenant à la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités. Je souhaite la bienvenue à Betty Bayless et Susan Russell.

Mme Betty Bayless (présidente, Fédération canadienne des femmes diplômées des universités): La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités apprécie l'occasion qui lui est donnée de présenter ses opinions lors de vos audiences prébudgétaires. Notre fédération représente plus de 10 000 femmes diplômées des universités, qui font partie de 129 clubs des quatre coins du pays.

Nous croyons que toutes les affectations faites dans le cadre général du budget doivent faire l'objet d'une analyse attentive des répercussions selon le sexe. Compte tenu de notre politique et dans le but, d'assurer particulièrement le bien-être des femmes et des filles, nous avons mis en lumière sept domaines budgétaires prioritaires.

Le gouvernement canadien a pris des engagements à l'occasion de huit grandes conférences mondiales des Nations Unies depuis 1990. Cela visait l'égalité des femmes, les droits de l'enfant, les droits de la personne, l'élimination de la pauvreté, l'éducation pour tous dans le domaine de la santé génésique, la protection de l'environnement et les stratégies de logement. Nous espérons que le gouvernement prévoira des fonds pour donner suite à ces engagements.

Nous demandons également que les services de garderie et l'élimination de la pauvreté chez les enfants soient prioritaires dans ce budget. En tant que principal groupe chargé d'assurer le suivi de Beijing à l'égard de la situation des fillettes au Canada, nous exhortons le gouvernement canadien à recueillir des statistiques désagrégées sur les filles et les garçons.

Compte tenu de la mise en oeuvre de la série actuelle de réformes des pensions, il est essentiel d'examiner les répercussions de chacune de ces réformes sur les femmes, qui représentent 57 p. 100 des bénéficiaires du RPC. Les femmes constituent la majorité des travailleurs non typiques et à temps partiel, qui ont également besoin d'un régime de pension.

Notre programme en matière de santé comprend le maintien des normes de soins de santé, le financement du Bureau de la santé des femmes, le financement des centres d'excellence des femmes, la collecte de statistiques sanitaires et sociales pertinente, le soutien au Réseau pour la santé des femmes et la poursuite de la recherche sur les essais de médicaments pour les femmes. Nous demandons au gouvernement d'inclure ces considérations dans ses plans budgétaires.

À notre avis, le gouvernement fédéral doit continuer à surveiller, et même atténuer certaines des répercussions des paiements de transfert. La mise en oeuvre du TSCSS a eu des répercussions négatives sur l'enseignement postsecondaire sous la forme d'une hausse des frais de scolarité, d'une réduction des services et des programmes pour les étudiants et d'une diminution du nombre de professeurs qualifiés.

Pour ce qui est du nouveau programme canadien de prêt aux étudiants, nous nous inquiétons du fait que les femmes ont besoin, en moyenne, de quatre ans de plus que les hommes pour rembourser leurs prêts, parce qu'elles ont des responsabilités familiales et occupent des emplois moins payants.

Je voudrais faire une digression pour féliciter le gouvernement. À la réunion que nous avons tenue, dans les Prairies, au début d'octobre, le secrétaire d'État Jon Gerrard a annoncé un financement de contre-partie de 1,25 million de dollars pour cinq chaires de femmes dans les sciences et la technologie, dans les universités du pays. C'est une chose que nous apprécions vivement.

Nous suggérons au gouvernement de rétablir le financement pour l'élimination de la violence faite aux femmes. Cela continue à poser un sérieux problème pour les femmes et leurs enfants.

Enfin, comme les femmes ne sont pas encore parvenues à la pleine égalité au Canada, nous souhaitons le maintien d'un ministère à la situation de la femme bien financé et viable, capable de soutenir les projets communautaires, d'élaborer des politiques et de faire des recherches indépendantes.

Merci de votre temps.

Le président: Merci. Vous nous avez donné là toute une liste de desiderata, madame Bayless.

Mme Bayless: Nous en avons effectivement toute une liste.

[Français]

Le président: De l'Académie canadienne des ingénieurs, Léopold Nadeau.

[Traduction]

M. L. M. Nadeau (directeur général et secrétaire, Académie canadienne des ingénieurs): Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant le comité.

Nous avons déjà présenté tout un éventail de recommandations concernant la science et la technologie au Canada. Un bon nombre des recommandations que je résumerai aujourd'hui coïncide avec celles de divers autres groupes, dont le Comité permanent des finances, ainsi que le rapport du CCNST et le rapport du gouvernement intitulé La science et la technologie à l'aube du XXe siècle.

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Le président: Et le livre rouge?

M. Nadeau: Compte tenu de l'amélioration récente de la situation économique au Canada, il est maintenant essentiel de s'attaquer au grave problème de chômage qui existe, comme chacun sait, d'un bout à l'autre du pays. Nous devons reconnaître, au Canada, que pour créer des emplois, de la richesse et de la prospérité, il est indispensable qu'une série de mesures soient prises ou renforcées.

La profession que je représente ici aujourd'hui, est entièrement d'accord avec l'opinion déjà exprimée par le comité, selon laquelle l'avancement de l'éducation, de la recherche, de l'innovation, de la science et de la technologie, qui est essentiel pour bâtir notre avenir économique, doit constituer une priorité nationale. En renouvelant, récemment, sa politique et sa stratégie en matière de science et de technologie, le gouvernement fédéral a fait un pas dans la bonne voie, mais il faut que ce soit suivi, sans retard, de plusieurs décisions fermes et pratiques quant aux mesures immédiates à prendre. Ces rapports sont très bien, mais s'ils ne débouchent pas sur des actes, ce n'est qu'une perte de temps.

À notre avis, le gouvernement doit reconnaître qu'un facteur important de la création d'emplois, par exemple, est notre capacité à traduire la recherche fondamentale en produits et services créateurs de prospérité. Le gouvernement doit prendre des mesures pour atteindre cet objectif. Il devrait favoriser la fusion des activités de recherche des facultés et des écoles d'ingénierie du Canada avec les intérêts industriels et économiques du pays. Dans la plupart des pays européens industrialisés, la profession d'ingénieur est considérée comme faisant partie intégrante de l'économie; ce n'est pas le cas chez nous.

Selon nous, le gouvernement devrait favoriser et consolider les ententes de recherche stratégique entre le gouvernement et les laboratoires universitaires et industriels et promouvoir des partenariats intersectoriels et multidisciplinaires. Le gouvernement devrait fournir au CNRSNG les fonds nécessaires à la réalisation des objectifs et des rôles de l'université et de l'industrie exprimés dans son dernier plan stratégique, surtout en ce qui concerne l'aide financière dont les universités ont besoin pour faire de la recherche en collaboration avec l'industrie.

Le gouvernement devrait accroître ses efforts pour favoriser l'innovation au Canada. Il devrait assurer la stabilité et la prévisibilité de son financement de la recherche. Il est très difficile pour les établissements de recherche, tant des universités que d'ailleurs, de savoir où aller quand ils ne sont pas sûrs, d'une année à l'autre, du montant d'argent qui peut être mis à leur disposition pour les aider. Le gouvernement devrait adopter une attitude plus ouverte et au service de la clientèle dans toutes ses activités reliées à la science et à la technologie. Il devrait promouvoir l'esprit d'entreprise technologique et permettre aux PME, surtout aux nouvelles entreprises de haute technologie, d'avoir plus facilement accès aux capitaux dont elles ont besoin. Enfin, il devrait ouvrir les laboratoires gouvernementaux à l'industrie et songer peut-être à transférer la recherche fondamentale dans les universités pour les aider à remplir leur rôle.

Il s'agit là d'un bref résumé des opinions que nous avons exprimées bien souvent à divers organismes gouvernementaux. Nous serons prêts à en discuter plus à fond si nécessaire.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Nadeau.

Enfin, nous avons l'Association canadienne des troubles d'apprentissage, des gens que nous connaissons bien, James Horan, président, et Chandra Hapuarachchi. Vous êtes les bienvenus.

[Français]

M. James Horan (président, Association canadienne des troubles d'apprentissage): Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci beaucoup de cette invitation.

[Traduction]

Au nom des trois millions d'enfants canadiens qui ont des troubles d'apprentissage, je vous remercie de nous avoir invités.

L'Association canadienne des troubles d'apprentissage traverse une crise financière, comme les autres organismes de bienfaisance. Oui, cela résulte en partie des compressions effectuées par le gouvernement, mais nous savons également que tous les secteurs, y compris le nôtre, doivent réduire leur dépendance vis-à-vis des fonds gouvernementaux. Le problème vient de ce qu'on attend des organismes de bienfaisance qu'ils comblent les lacunes que le gouvernement a laissées dans les programmes sociaux. Mais ce n'est pas réaliste. Le défi consiste, en fait, à établir un partenariat sain entre les organismes de bienfaisance, d'une part, et les secteurs privé et public, d'autre part.

.1605

À la suite des compressions, les organismes de bienfaisance comme le nôtre ont travaillé très fort, et continueront à le faire, pour essayer de diversifier leurs sources de financement, trouver de nouveaux fonds, et essayer d'accroître leurs efforts de financement auprès du secteur privé. Nous avons eu beaucoup à apprendre et nos résultats préliminaires sont modestes. Nous espérons que votre comité incitera les sociétés à soutenir les organismes de bienfaisance.

En septembre 1996, l'Association canadienne des troubles d'apprentissage a présenté, au gouvernement, un mémoire sur le crédit d'impôt pour handicapés. Ce mémoire demandait que le crédit d'impôt tienne compte des frais des parents d'enfants ayant des troubles d'apprentissage et reconnaisse qu'il s'agit de dépenses légitimes. Il s'agit, par exemple, d'évaluations psycho-éducatives, de services de tutorat, de dispositifs d'assistance, d'enregistrements de livres qui permettent aux jeunes d'écouter l'information et de toutes sortes de services de thérapie, que ce soit d'orthophonie ou d'ergothérapie. Il y en a toute une liste, mais nous savons que les parents ont besoin de ce crédit d'impôt pour handicapés et nous savons que leurs dépenses sont légitimes.

Cet automne, notre conseil honoraire a présenté un mémoire concernant la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est le deuxième exemple de ce qu'un organisme bénévole comme le nôtre peut apporter aux discussions actuelles. C'est une contribution très importante. Savez-vous que 75 p. 100 des jeunes contrevenants ont des troubles d'apprentissage? Il est temps de faire quelque chose. Nous sommes d'accord pour que le gouvernement rende les rues plus sûres. C'est important. Mais la réduction du taux de criminalité est étroitement reliée à l'alphabétisation et se rapporte autant à l'alphabétisation qu'à la loi.

Nous proposons que tous les adolescents qui ont besoin d'être dépistés, le soient lorsqu'ils deviennent à risque ou, au moins, lorsqu'ils commettent leur première infraction et que nous ayons de bons programmes pour les jeunes à risque. Il faudrait une coordination entre les agences de traitement pour certains de nos jeunes à très haut risque.

À mon avis, Paul Martin a bien résumé la situation lorsqu'il a dit qu'il s'agissait de dépenser un peu d'argent maintenant ou de dépenser, plus tard, des sommes considérables pour construire de plus grosses prisons. Nous sommes certainement d'accord avec le ministre.

À notre avis, nous avons la possibilité d'apporter des changements très importants dans notre pays. Je voudrais vous donner deux exemples.

L'année dernière, j'ai parlé à votre comité d'un guide que nous songions à établir, un guide pour comprendre les problèmes d'apprentissage et de comportement des très jeunes enfants, âgés de quatre à sept ans. J'ai dit comment nous allions réaliser ce projet. Nous devions le faire dans le cadre d'un partenariat, et c'est ce que nous avons fait. La fondation de la famille Bronfman, le Programme stratégique pour la santé mentale des enfants, le Service jeunesse de Santé Canada et Imperial Oil y ont tous contribué. C'est sidérant. Les parents ont trouvé ce guide convivial, car il donne des réponses très simples à certaines des questions qu'ils se posent depuis toujours. Comme un parent me l'a dit récemment: «Cela m'a enlevé un poids des épaules, car j'ai maintenant des réponses».

Notre deuxième réalisation, qui est toute nouvelle et qui facilite l'accès à l'alphabétisation est le «Cue Cards for Learning». Ce projet vise à dépister les adultes ayant des troubles d'apprentissage et à leur enseigner. Il a pu être réalisé grâce au Secrétariat national à l'alphabétisation. Il reconnaît que l'individu possède des droits fondamentaux: la possibilité d'apprendre à lire, à écrire et à compter.

Ces dernières semaines, nous avons offert des ateliers aux éducateurs du Service correctionnel et ils ont eu énormément de succès. C'est un tel succès que nous nous retrouvons devant une nouvelle difficulté. Comment réimprimer les manuels quand vous manquez d'argent? Nous constatons également que dans certains grands centres urbains où travaillent certains de nos agents... vous pouvez vous servir du manuel et vous verrez qu'il est utilisé.

Je pense qu'on ne reconnaît pas toujours les mérites quand il le faudrait. Nous voudrions féliciter le gouvernement d'avoir soutenu le groupe de travail sur la situation des personnes handicapées, car nous appuyons - non pas toutes - mais certaines de ses recommandations. Il s'agit notamment d'une disposition fiscale pour les Canadiens handicapés qui assurerait l'uniformité des mesures, une coordination et une reddition des comptes; l'accessibilité aux services d'information du gouvernement; des changements au crédit d'impôt pour handicapés; la désignation d'un ministre ou d'un secrétaire d'État comme ministre responsable de la situation des personnes handicapées; et le soutien du gouvernement canadien, sous la forme d'un financement de base, aux organisations nationales de personnes handicapées.

.1610

Pour conclure, je voudrais reconnaître qu'il y a un an, l'Association canadienne des troubles d'apprentissage a comparu devant le comité pour faire valoir la nécessité d'apporter des améliorations au crédit d'impôt pour les dons de charité et les dons personnels. Nous voudrions simplement remercier le comité de nous avoir entendus et d'avoir veillé à ce que des changements positifs soient apportés. Merci beaucoup.

Le président: C'est un plaisir de vous revoir.

[Français]

Nous pouvons commencer par les questions de M. Dubé.

M. Dubé (Lévis): J'aimerais d'abord poser une question très précise. Le témoin qui représente l'Association canadienne des troubles d'apprentissage vient de dire qu'il leur était difficile de faire imprimer trois ou quatre manuels. J'aimerais savoir s'il prévoit les faire imprimer également en français.

[Traduction]

M. Horan: Oui. Bien entendu, tous les documents que nous publions au niveau national sont dans les deux langues officielles. Celui-ci n'est pas encore prêt, car nous voulons nous assurer que la traduction est fidèle.

[Français]

M. Dubé: Cette question m'intéresse beaucoup. J'adresserai ma question plus générale à qui voudra bien y répondre. J'étais membre du Comité permanent du développement des ressources humaines. On sait que depuis un an, le Transfert social canadien fait en sorte qu'on a regroupé en un seul programme trois secteurs: la santé, l'aide sociale et l'éducation. Vous avez probablement une vue plus ciblée sur le comportement de chacune des provinces à cet égard.

Sans les blâmer, puisqu'elles sont libres de répartir les montants entre les différents secteurs, on a constaté que la santé a fait face au virage ambulatoire au Québec et que des restrictions budgétaires ont été imposées ailleurs au Canada.

Il me semble que le champ où on a sabré le plus, et vous me le direz si je me trompe, c'est l'éducation. Malheureusement, ce n'est pas tellement bon pour l'avenir de nos jeunes. On pourrait également parler de l'autre programme d'aide aux étudiants, mais je pense que c'est assez clair. Les gens estiment que l'endettement des étudiants est suffisant. Selon vous, les provinces ont-elles réagi de façon assez égale face au Transfert social canadien ou si certaines ont sabré davantage que d'autres dans l'éducation? C'est une bonne question, mais elle est aussi délicate.

Le président: Qui aimerait répondre à sa question?

[Traduction]

M. Day: C'est une question extrêmement difficile. J'ai toutefois le plaisir de travailler avec des gens de plusieurs provinces. J'ai constaté que les gouvernements provinciaux, en général, avaient tendance à considérer l'éducation, à tous les niveaux, comme une priorité importante. C'est du moins ce que laissent entendre les discours.

En tant qu'administrateur, je dirais que, même s'il y a eu des réductions dans toutes les provinces, cela reste une priorité importante, y compris au Québec. La tactique des provinces, a toutefois été de déclarer publiquement, à la quasi-unanimité, qu'elles ne remplaceraient pas les programmes directs financés par le fédéral.

Autrement dit, nous savons tous que les provinces reçoivent des paiements de transfert globaux qu'elles répartissent comme elles le jugent bon. Jusqu'ici, de très gros montants ont été dirigés vers les institutions des provinces ou directement aux étudiants. Ces fonds ne sont pas enlevés. Ce dont nous avons parlé au comité c'est plutôt des étudiants qui sont touchés par ces retraits.

En général, les provinces canadiennes ne remplacent pas ces fonds. Par exemple, si les fonds destinés au programme d'apprentissage sont enlevés, les provinces ne vont pas les remplacer automatiquement. Je l'ai constaté personnellement en Colombie- Britannique et en Saskatchewan, mais d'après ce que m'ont dit mes autres collègues, telle est la position des provinces. Par conséquent, quand le gouvernement fédéral se retire des programmes financés directement, cela se traduit directement par une réduction de l'aide aux étudiants.

.1615

Monsieur le président, j'espère que ce n'était pas trop long. Mais je dois dire que c'était là une question très très complexe.

Le président: Une question d'une difficulté diabolique et très longue.

Wilfred Brown.

M. Wilfred Brown (directeur, Services économiques, Fédération canadienne des enseignantes et enseignants): Merci, monsieur le président.

Pour ce qui est de l'éducation primaire et secondaire, entre 1995-1996 et 1996- 1997, les compressions prévues dans le financement provincial se chiffrent à 928 millions de dollars, soit 3 p. 100. Comme on peut s'y attendre, cela varie beaucoup d'une province à l'autre, c'est-à-dire d'une légère augmentation dans deux ou trois provinces à une réduction de 8,5 p. 100 en Ontario.

Également, nous avons d'autres preuves que les dépenses faites dans les écoles, par élève, ont commencé à baisser en termes réels. Le ratio élève-enseignant et la taille des classes ont commencé à augmenter également depuis deux ou trois ans. La preuve nous en est donnée par les chiffres de Statistique Canada.

Le président: Monsieur Weiner.

M. Weiner: Je pense que la question nous demandait, implicitement, de donner notre avis - ou peut-être même la preuve - que ces réductions ont été effectuées de façon équitable.

[Français]

d'une façon équitable. Est-ce la question que vous posiez? Est-ce que les provinces les ont réparties équitablement entre l'éducation, les services sociaux et la santé?

M. Dubé: C'est ça.

M. Weiner: Si tel est le cas,

[Traduction]

nous avons ici certaines données. Elles sont fournies par David Perry et Karin Treff, du Canadian Tax Journal, volume 44, no 3, 1996, page 760 à 778. Le chiffre que vous a donné M. Brown représente une réduction de 2,9 p. 100. Pour ce qui est des coupes dans les services de santé et les services sociaux, qui ne sont pas ventilées, le pourcentage est de 1,1 p. 100 soit 677 millions de dollars.

Les chiffres que M. Brown a cités pour l'enseignement primaire et secondaire proviennent, comme il l'a dit, de l'indice des prix à l'éducation de Statistique Canada. Ils témoignent d'une baisse considérable, comme il l'a déjà mentionné. Ces chiffres sont disponibles et nous pourrons certainement les mettre à la disposition des membres du comité.

Le président: Merci, monsieur Dubé.

Monsieur Benoit.

M. Benoit (Végréville): Merci, monsieur le président.

Ma première question s'adresse à M. Day. Vous avez parlé de la clientèle de vos collèges de tout le pays, qui comprend près de deux millions d'étudiants, à plein temps et à temps partiel. Vous avez dit qu'elle représentait un éventail de la population canadienne qui cherchait à améliorer son sort. Je voudrais vous demander de quelle façon la situation de ces personnes a changé depuis trois ans. Les choses sont-elles maintenant plus faciles pour les étudiants qu'elles ne l'étaient il y a trois ans, sont-elles semblables ou plus difficiles?

M. Day: Je voulais dire ce que j'ai dit quand j'ai déclaré que notre clientèle représentait vraiment les diverses couches de la population. En pratique, il y a peut-être une différence entre l'enseignement supérieur représenté par les universités et les collèges et les instituts et CEGEP. Cela ne veut pas dire que les étudiants des universités appartiennent tous à la classe aisée, mais il y a une différence profonde dans la situation socio-économique de notre population étudiante moyenne. Par conséquent, la réponse doit être nuancée.

.1620

Vous ne pouvez pas généraliser au sujet de notre clientèle étudiante. On peut toutefois dire que l'étudiant moyen d'un CEGEP, d'un collège communautaire ou d'un institut du Canada est un adulte. Il se situe généralement dans le milieu de la vingtaine, comme mon collègue l'a souligné. La plupart de ces étudiants sont mariés. Un bon nombre d'entre eux sont chefs de famille monoparentale.

Nous comptons également, dans notre clientèle, une très forte proportion de travailleurs en transition. Un nombre de plus en plus grand d'étudiants ont quitté l'école secondaire après leur diplôme ou avant, ils ont travaillé pendant plusieurs années et, étant de jeunes adultes, ils commencent à mieux comprendre comment le monde fonctionne et la nécessité de prendre rapidement des décisions importantes. Ces personnes se retrouvent généralement dans des programmes d'une durée de deux ans, parfois trois, mais le plus souvent deux. Leur situation financière ne leur permet pas de faire des études pendant quatre, cinq ou six ans. Ces personnes ont généralement de plus en plus de difficultés à étudier à plein temps. Bien entendu, nous savons que les études à temps partiel sont très longues à terminer et sont donc davantage stressantes pour les jeunes. Quand je parle des jeunes, à mon âge pratiquement tout le monde est jeune.

Le président: Attention.

M. Day: Pas de problème, monsieur le président, vous l'êtes aussi.

Sérieusement, je dirais que nos étudiants ont de plus en plus de difficulté à suivre des programmes à plein temps pendant plus d'un an. Les taux d'attrition des programmes le confirment, comme pourront également vous le confirmer ceux d'entre nous qui venons de provinces défavorisées. Je ne viens pas de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique. Je parle de mon expérience personnelle de ces derniers mois, en Saskatchewan.

Des groupes entiers de gens ont cessé de fréquenter nos écoles. Ils sont toujours au sein de la population, comme nos collègues des CEC nous le confirment, mais ils ne peuvent plus trouver les ressources voulues pour participer à nos programmes. Je travaille au Wascana Institute, de Regina. Nous constatons que des groupes entiers d'étudiants, qui ont besoin de nos programmes, ne fréquentent plus notre établissement. C'est parce qu'ils perdent les systèmes de soutien.

C'est la meilleure réponse que je puisse donner, monsieur.

M. Benoit: Pour pousser la question un peu plus loin, comme vous le savez, les budgets de Paul Martin de l'année dernière, de cette année et des deux prochaines années prévoient des transferts fédéraux de 6 à 7 milliards de dollars pour la santé, l'éducation et l'aide sociale... Vous devez certainement le ressentir dans votre secteur, qui est financé en partie par le fédéral. Par contre, dans notre programme Nouveau départ, que nous venons de présenter dans l'ensemble du pays et que nous continuerons à promouvoir, nous proposons de rétablir 4 milliards de dollars pour soutenir l'éducation. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.

Il y a un domaine, en fait deux, soit la santé et l'éducation, pour lesquels le Parti réformiste a dit, dès le départ, qu'il ne fallait pas réduire les dépenses. Notre plan d'élimination du déficit en trois ans, que nous avons présenté très honnêtement et très ouvertement en 1993, un plan solide, ne prévoyait aucune réduction dans le budget de la santé et de l'éducation.

Soit dit en passant, si ce programme avait été suivi, nous parlerions aujourd'hui des utilisations à faire de l'excédent, quant à savoir s'il faudrait abaisser les impôts, augmenter les dépenses dans certains secteurs clés, réduire l'endettement ou probablement une combinaison des trois. C'est ce que nous proposons également dans notre nouveau programme, mais c'est beaucoup plus difficile maintenant. Je voudrais que vous nous parliez des conséquences que cela pourrait avoir pour les étudiants qui fréquentent vos établissements.

Le président: Qui voudrait répondre? Monsieur Day?

M. Day: Monsieur le président, y a-t-il une raison pour laquelle les questions diaboliques me sont toutes adressées?

M. Benoit: Celle-là peut s'adresser à quiconque voudra y répondre.

M. Day: Cette réponse a été donnée dans un bon esprit, monsieur le président. C'est un privilège que d'essayer d'y répondre.

Je vais aborder la question par la tangente. Selon moi, il ne faut pas oublier que, pour une personne relativement jeune qui s'efforce de se tailler une place dans une économie très mouvementée où les emplois traditionnels disparaissent littéralement sous nos yeux, la possibilité de recevoir une formation est pratiquement sa seule chance de s'en sortir. Il n'y a pas d'autre solution pour les gens dont l'ancien emploi a disparu.

.1625

J'essaie de choisir mes mots soigneusement pour ne pas donner l'impression que je défends les intérêts des établissements d'enseignement. Comme je l'ai déjà dit, les établissements sont là. Ils ne vont pas disparaître. Le problème c'est l'accès à ces programmes et mon collègue de l'Ontario en a également parlé. Nous voyons qu'un nombre de plus en plus grand de gens ne peuvent pas avoir accès au seul mécanisme que la société leur offre pour améliorer leur sort.

Toute mesure que le gouvernement prendra pour aider les étudiants à participer aux programmes de formation est à mes yeux une mesure positive et bénéfique, tant pour l'économie - donné que les gens sont notre seule ressource - que pour les intéressés, vu que l'augmentation du nombre de gens qui ne peuvent pas se tailler une place dans l'économie entraîne un niveau dangereux d'instabilité sociale. Imaginez quel serait notre état d'esprit à vous et moi si nous étions sans emploi depuis deux ans. Qu'advient-il de votre système de valeurs? Qu'advient-il de votre attitude? Qu'advient-il de votre sens du bien et du mal? Telle est la situation à laquelle nous faisons face, en première ligne, dans les établissements d'enseignement.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Day et monsieur Benoit.

Madame Whelan, s'il vous plaît.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Un ou deux témoins ont parlé de l'endettement des étudiants à la fin de leurs études postsecondaires. C'est M. Day, je crois, qui a suggéré de s'inspirer de différents modèles en vigueur dans le monde. Je me demande s'il ne pourrait pas nous en décrire un ou deux.

M. Day: Compte tenu de notre structure gouvernementale, les meilleurs modèles à considérer sont probablement ceux de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, que la plupart des gens autour de cette table connaissent sans doute comme les chefs de file actuels de la réforme de l'éducation.

La Nouvelle-Zélande qui est, bien entendu, un pays petit et très intégré, est probablement allée plus loin que tout autre pays possédant notre éventail de possibilités d'éducation. On a trouvé là-bas qu'il était extrêmement difficile de mettre en oeuvre ce genre de programme. À l'heure actuelle, en Nouvelle-Zélande, les grands espoirs d'équité du départ ont été très difficiles à matérialiser, car il est très coûteux de suivre les gens et leurs revenus pour établir un barème de remboursement. Néanmoins, les résultats ont été suffisamment positifs pour que l'on veuille continuer. Le gouvernement n'a pas renoncé au remboursement en fonction du revenu. Il cherche toujours le bon moyen d'appliquer cette formule.

Je dirais que tels sont donc les pays dont nous devrions tenir compte le plus pour inventer notre propre système.

Mme Whelan: Si j'ai bien compris la façon dont fonctionne le système néo- zélandais, un certain pourcentage de votre dette est ajouté à votre revenu et vous payez de l'impôt sur ce montant. C'est ainsi que votre dette est effacée. C'est bien cela?

M. Day: À peu près, oui.

Mme Whelan: L'Australie a-t-elle le même système?

M. Day: Non. Cela varie d'un État à l'autre.

Mme Whelan: Y a-t-il une grosse différence en Australie?

M. Day: J'ai bien peur de ne pas pouvoir faire de généralisation à propos de l'Australie. À sa manière, l'Australie est aussi diversifiée que le Canada pour l'application de ses formules.

Mme Whelan: J'ai une autre brève question concernant les programmes d'apprentissage. Comme chacun sait, le gouvernement fédéral n'a pas pour rôle de s'ingérer dans un domaine strictement de la compétence des provinces, mais on m'a dit, à plusieurs reprises, qu'une formation pouvait être assurée par l'entremise de notre armée, qui est un organisme fédéral. Je me demande si M. Gillett ne pourrait pas dire quelques mots à ce sujet.

.1630

M. Gillett: Nous avons vu le gouvernement fédéral jouer un rôle clé sur le plan de l'apprentissage. Rien qu'en Ontario, depuis 1988, il a réduit de 174 millions de dollars son financement de l'apprentissage. Ce financement se limite actuellement à 38 millions de dollars et, d'après ce que nous avons compris, il sera entièrement éliminé d'ici 1998.

Nous ne pensons pas que ce soit une mesure progressiste. Le gouvernement s'oriente dans la mauvaise direction. Un bon nombre de gens se retrouvent maintenant sans possibilité d'apprentissage.

Je pense que la question de M. Dubé était juste. Quand vous êtes sorti de ce domaine, personne d'autre n'a pris votre suite. On a seulement laissé tomber une possibilité d'éducation dont un groupe de la société a désespérément besoin.

C'est donc là un problème bien réel et j'espère que le gouvernement fédéral réexaminera sa stratégie. Je ne pense pas que cette solution soit rentable, sur le plan économique, à long terme. Nous avons certainement besoin d'apprentis au Canada. Selon tous les prédicteurs de croissance, cette croissance se fera dans les secteurs exigeant une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Nous avons besoin de gens hautement qualifiés et capables de produire, et c'est ce que nous donnaient les programmes d'apprentissage.

Le président: Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Monsieur Nadeau, vous avez laissé entendre que les laboratoires gouvernementaux devraient peut-être laisser tomber la recherche scientifique fondamentale et la confier entièrement aux universités. La recherche fondamentale devrait-elle être entièrement laissée aux universités?

M. Nadeau: Pas entièrement, mais une partie de la recherche fondamentale réalisée dans les laboratoires du gouvernement pourrait très bien être faite dans les universités. Cela aiderait ces dernières à mieux former des gens pour l'avenir. C'est une des recommandations que les ingénieurs ont faites au gouvernement à de nombreuses reprises: certaines activités des laboratoires gouvernementaux pourraient très bien être confiées aux universités.

Cela répond-il à votre question?

Mme Brushett: Oui. Comme je fais partie de groupes de travail qui se penchent sur certaines de ces questions, j'apprécie vos commentaires.

J'ai une autre question au sujet du genre d'aide financière que vous souhaitez pour les étudiants en ingénierie. Envisagez-vous une formule comparable à l'ancien programme de bourses du Canada ou quelque chose d'un peu différent?

M. Day: Du point de vue de l'enseignement tertiaire - c'est-à-dire les instituts de technologie, les collèges et les CEGEP - les bourses en science et en technologie ont donné d'excellents résultats, sur deux plans. D'une part elles ont souligné, dans les collèges, les instituts et les écoles secondaires, la valeur que l'ensemble de la société accorde à ce genre d'éducation et de formation. Cela a donc incité les gens, et surtout les jeunes femmes, à envisager sérieusement des carrières auxquelles ces dernières n'auraient jamais songé autrement, car l'ensemble de la société leur a signalé que c'était non seulement acceptable, mais souhaitable. La plupart des gens répondent aux attentes, si bien que la réduction et l'élimination de cette expression du soutien de la société a un effet immédiat sur la participation à ces programmes.

Deuxièmement, toujours selon notre point de vue, le programme de bourses offrait, pour la première fois, des possibilités de formation en technologie et pas seulement en recherche, un domaine extrêmement précieux qu'il faut certainement soutenir. Cela ouvrait de nouvelles voies, de nouvelles attentes, pour les jeunes gens brillants qui pouvaient penser à des applications technologiques et scientifiques, que la société canadienne, comme nous le savons tous, a jusqu'ici sous-évaluées ou minimisées. N'oubliez pas que notre pays a été bâti par des gens qui avaient reçu leur formation ailleurs et non pas au Canada. Nous continuons à lutter pour faire changer l'attitude de la société à cet égard.

.1635

Nous estimons donc que les bourses offrent des possibilités bien réelles à des gens qui autrement n'en auraient pas. Mais surtout, elles valorisent ce genre de formation et d'éducation. Comme chacun sait, nous continuons à pâtir d'un manque de formation de ce genre.

J'espère que cela répond à votre question.

Mme Brushett: Je suis entièrement d'accord. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Horan, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Horan: Merci, monsieur. Quand une personne qui a des troubles d'apprentissage va à l'université, le simple fait d'y entrer est déjà une grande victoire. Toutes sortes de jeunes, des quatre coins du pays, qui ont des troubles d'apprentissage et qui fréquentent une université ou un collège, travaillent parfois très fort parce qu'ils ne voient pas les choses ou ne peuvent pas calculer, de la même façon que vous et moi.

Il leur faut tellement de temps pour faire certaines choses qu'ils ont parfois besoin de services spécialisés. Il peut s'agir de tutorat. Parfois, ils auront besoin d'un dispositif d'assistance. Nos jeunes constatent que ces services commencent à être réduits dans certains établissements, sans que ce soit de la faute de l'université ou du collège. Certains de nos jeunes disent qu'ils doivent occuper un deuxième emploi ou que leur mère ou leur père doivent vraiment s'occuper d'eux, parce qu'ils doivent assumer non seulement leurs frais de scolarité et de manuels scolaires, mais aussi les frais de tutorat et de dispositifs d'assistance. Et il y a toute une liste d'autres dépenses.

Nous constatons que certains de ces jeunes, qui veulent désespérément aller jusqu'au bout de leurs études et qui ont la capacité de le faire, sont obligés d'abandonner parce que les services dont ils ont besoin n'existent pas. Il faut trouver un moyen de répondre à certains de ces besoins.

Mme Brushett: Merci beaucoup. J'apprécie vos commentaires. J'ai vu également de nombreux cas de ce genre. Les jeunes femmes qui étudient en science et en génie en ont bénéficié énormément - elles ne se seraient jamais lancées dans ces domaines - et cela a valorisé ce secteur de la société, sur lequel notre avenir repose en partie.

Le président: Merci, madame Brushett. Monsieur St. Denis, s'il vous plaît.

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président, et merci à tous d'être venus aujourd'hui. Comme toujours, ce sont là des discussions stimulantes.

Ma question porte sur une notion abordée dans la déclaration de M. Weiner et M. Brown, à la page 3. C'est au sujet de normes nationales et des répercussions possibles du TCSPS. On laisse entendre qu'elles sont négatives.

Tout d'abord, une observation a été faite lors d'une table ronde précédente sur la R-D réalisée au Canada et le lien entre le secteur privé, les laboratoires de recherche du gouvernement, les universités et tous les secteurs qui font de la R-D. J'ai l'impression que, dans le domaine de l'éducation, nous ne faisons généralement pas le lien entre le milieu de travail futur et le milieu scolaire d'aujourd'hui ni entre la R-D et ce qui se passe dans le monde industriel, etc.

Vous dites ici, monsieur Weiner, que le TCSPS pousse à établir des normes nationales. En fait, pour le moment, le gouvernement fédéral donne de l'argent aux provinces dans le cadre du financement de l'enseignement postsecondaire et nous avons établi un plancher pour cela. Même si les compressions fédérales dans les transferts aux provinces étaient de 4 p. 100 - pendant que nous avons nous-mêmes réduit nos dépenses de 7 p. 100 - nous ne reconnaissons généralement pas l'absence de normes nationales dans le domaine de l'éducation.

Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer, peut-être en faisant ce lien, dans l'établissement de normes nationales qui amèneront tout le monde à travailler ensemble afin que nous puissions, non seulement atteindre nos objectifs financiers au niveau fédéral et provincial, mais également fournir à l'industrie des étudiants mieux instruits et plus satisfaits?

M. Weiner: Vous soulevez une excellente question, mais nous sommes tous conscients, autour de cette table - et vous l'avez mentionné, je pense, dans votre préambule - des susceptibilités à l'égard des champs de compétence. Quand je parle de l'enseignement primaire et secondaire à des élus politiques fédéraux, il arrive qu'ils ne veuillent rien entendre parce que leur réaction initiale est que ce n'est pas de leur ressort. Ils s'occupent de l'enseignement postsecondaire.

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Mais le lien est là, même en ce qui concerne le financement ou l'absence de financement de la part du gouvernement fédéral. Même si, comme nous le savons, une partie du financement est destinée à l'enseignement postsecondaire, à la santé ou aux services sociaux, les provinces qui essaient de jongler avec tout cela vont se tourner inévitablement vers notre secteur, comme elles le font pour d'autres.

Je tiens à relever votre commentaire quant à l'absence de lien... Je crois que d'excellentes initiatives ont été prises pour essayer de combler certaines lacunes qui ont toujours existé, malgré certains de ces facteurs. Il est possible de faire davantage. J'ai l'impression que, dans le monde d'aujourd'hui et dans le pays où nous vivons, tout le monde reconnaît que l'éducation et la formation sont des priorités.

Nous pouvons donc certainement faire mieux et faire plus. Dans le cas du gouvernement fédéral, il s'agit de trouver, avec les provinces, des moyens de coopérer pour que ces diverses transitions entre les différents types d'éducation permanente deviennent plus efficaces. C'est certainement un de mes rêves et objectifs personnels. Je sais que c'est une chose à laquelle les gens tiennent beaucoup au sein de notre fédération.

Notre fédération - et je serai très franc à ce sujet - connaît parfois les mêmes problèmes que le gouvernement fédéral dans ses rapports avec les provinces. Mais je pense que nous devons nous efforcer davantage de surmonter ces difficultés.

Comme nous le disons dans notre mémoire, l'absence de normes, de lignes directrices et de moyens de régler ces questions pose un problème. Cela devient de plus en plus grave étant donné que les fonds s'amenuisent et que les décisions prises créent davantage d'injustices pour un bon nombre des enfants que nous essayons d'instruire.

Le président: Monsieur Day.

M. Day: Je pourrais peut-être ajouter un petit détail à ce que M. Weiner a dit, uniquement en ce qui concerne le secteur tertiaire de l'enseignement, le genre d'établissements dont nous avons parlé.

À mon avis, la situation est légèrement différente. Tout d'abord, le Conseil des ministres de l'Éducation est, selon moi, un mécanisme informel de plus en plus efficace pour donner l'uniformité nécessaire aux divers systèmes. Le conseil parraine des réunions annuelles et bisannuelles regroupant des gens de tout le pays.

Néanmoins, dans les collèges et les instituts, nous ressentons un mouvement très salutaire et positif vers des normes uniformes, qui vient de deux directions. Il y a d'abord les normes internationales qui nous touchent tous. Peu importe la province où nous nous trouvons, nous connaissons tous l'ISO. Ces mouvements nous poussent tranquillement, mais irrésistiblement, vers un marché international ayant des normes uniformes.

D'autre part, les conseils sectoriels, qui sont une invention du gouvernement fédéral, se révèlent de plus en plus puissants et salutaires pour nous diriger tous gentiment vers des normes nationales. Les répercussions du travail des conseils sectoriels sur l'élaboration des programmes, dans les deux langues officielles, contribuent à assurer une uniformité. Elle n'est pas partout, mais elle se développe inexorablement au sein de cinq conseils sectoriels. Selon moi, d'ici dix ans, les 20 autres seront également dans cette position.

Le retrait du gouvernement fédéral du secteur de l'apprentissage assombrit ce tableau, comme mon collègue de l'Ontario l'a déjà souligné. Bien des gens estiment que ce retrait pourrait signer l'arrêt de mort du programme dit du Sceau rouge qui établit des normes nationales pour la formation professionnelle. De plus en plus, les provinces se trouvant obligées d'administrer leurs propres programmes d'apprentissage, elles auront tendance à s'éloigner les unes des autres. Ce serait triste, mais conforme à la tendance croissance à dresser des barrières empêchant le déplacement de la main-d'oeuvre entre les provinces. On le ressent surtout en Ontario et au Québec en raison de l'existence de frontières provinciales que les gens traversent en grand nombre.

.1645

Dans la mesure où les provinces administrent leurs propres programmes d'apprentissage, on verra un protectionnisme se manifester de plus en plus dans les divers métiers. Il vaudrait la peine d'en tenir compte lorsqu'on examinera les effets à long terme du retrait du gouvernement fédéral des programmes d'apprentissage.

M. Lavigne: Une autre question à laquelle le comité et le gouvernement fédéral devraient s'intéresser à propos des normes nationales c'est le domaine de l'aide aux étudiants. Comme les ressources provinciales s'amenuisent et que les provinces ont de moins en moins d'argent à donner, nous commençons à voir s'ériger des murs en ce qui concerne l'aide aux étudiants. Comme chacun sait, il est crucial de favoriser la mobilité afin que les étudiants puissent étudier dans une autre province et y obtenir l'éducation de leur choix.

Il faut que le gouvernement fédéral s'engage à continuer un rôle énergique et influent dans le domaine de l'aide aux étudiants en plus de tous les domaines déjà mentionnés. Nous devons préserver la mobilité et, pour ce faire, il faut maintenir la présence fédérale dans le domaine de l'aide aux étudiants.

M. Gillett: Avec l'arrivée du World Wide Web et de la diffusion des cours par ordinateur, il devient essentiel d'avoir des normes mondiales. Nous allons devoir régler cette question très rapidement, car votre auditoire n'est plus local ou national, mais international. Tout le monde juge les normes d'accréditation en fonction de ce qu'on obtient et le Canada se fait juger de la même façon que tous les autres pays sur le Web.

Le président: Monsieur St. Denis, c'était une excellente question.

Monsieur Grubel, s'il vous plaît.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je voudrais poser une question au sujet du programme d'apprentissage. Dans l'ancien temps, avant que le gouvernement ne prenne des proportions démesurées, et maintenant en Europe, on dispensait deux types de connaissances qui s'ajoutaient au capital humain de deux façons différentes. Il y avait la connaissance, un capital humain tout à fait transférable. Par exemple, si vous avez reçu une formation de plombier, vous êtes un plombier. Dans l'ancien temps et en Europe, vous commenciez par devenir l'apprenti d'un plombier qui ne vous payait pratiquement rien. Au moyen âge, ces personnes payaient même leur maître pour apprendre quelque chose. En fait, elles payaient pour leur propre formation du capital humain.

Je suis passé par là dans le cadre d'un programme de gestion allemand. Je n'ai été payé presque rien pendant deux ans. Mais je me disais que c'était une très bonne affaire, car je savais qu'une fois mon stage terminé, je pouvais récupérer facilement le manque à gagner de ces deux années. Également, comme professeur assistant dans une université... j'étais très peu payé et j'ai suivi le même genre d'apprentissage par la suite.

Il y a également l'autre côté de la médaille. Si les compétences acquises peuvent seulement servir dans l'entreprise où elles peuvent être utilisées, l'employeur paie la formation en rémunérant les gens à un niveau plus élevé, même s'ils ne sont pas encore très productifs du fait qu'ils continuent d'apprendre. En effet, une fois que cette personne quitte l'entreprise, les connaissances qu'elle a acquises ne valent plus rien. C'est donc ainsi que l'on procède.

Avons-nous totalement abandonné, au Canada, ce modèle de la formation du capital humain au moyen de l'apprentissage? En quoi a-t-on tellement besoin de fonds fédéraux si nous procédons comme je viens de l'indiquer?

M. Gillett: Je ne pense pas que cela ait été totalement abandonné, mais je ne crois pas que de nombreux travailleurs d'aujourd'hui voudraient en revenir à ce modèle où ils étaient pratiquement les serfs et les esclaves des entreprises.

Je vais prendre votre exemple allemand. Vous savez sans doute aussi que, dans le modèle européen, les entreprises doivent offrir des postes à des apprentis. Cela fait partie du programme de financement. Elles sont pénalisées assez lourdement sur le plan fiscal si elles ne collaborent pas avec le gouvernement en offrant des postes d'apprenti. Nous n'avons pas le même système au Canada.

.1650

Le débat actuel semble porter sur le montant que doit payer l'intéressé, le montant que devrait payer le gouvernement et le montant que devrait payer l'employeur. Il s'agit de voir comment partager les coûts. Malheureusement, tant que cette question ne sera pas réglée, si le gouvernement fédéral continue de se désister, il ne sera pas possible de faire aboutir le débat et d'établir un modèle satisfaisant pour tout le monde.

M. Grubel: C'est une histoire légèrement différente de celle dont vous nous avez parlé.

M. Gillett: Je ne le pense pas.

M. Grubel: Laissez-moi expliquer comment j'interprète les choses. Vous dites que ces programmes s'effondrent, que les gens n'y participent plus. S'ils veulent vraiment s'assurer d'un haut revenu pour le restant de leurs jours, ils devraient consentir un petit sacrifice au départ. Je ne les blâme pas et je ne vous reproche pas de demander plus quand vous obtenez déjà quelque chose gratuitement. Vous êtes libre de demander cela ici, mais est-il juste que le reste d'entre nous aient à payer au moyen de leurs impôts pour quelqu'un qui va devenir plombier et gagner un gros salaire? Vous avez sans doute dû faire venir un plombier récemment. Pourquoi devrions-nous payer pour lui alors que, par le passé, les choses marchaient très bien quand une personne faisait un sacrifice lorsqu'elle était jeune en sachant qu'elle en serait récompensée plus tard?

M. Gillett: Tout d'abord, il est important de tenir compte des salaires des apprentis. La plupart n'ont pas un salaire très élevé. Ils contribuent eux-mêmes au coût de leur formation à bien des égards. Ce n'est pas un apprentissage entièrement financé.

Je comprends ce que vous dites, mais nous n'avons jamais laissé entendre qu'on devait pouvoir étudier gratuitement, aux frais du gouvernement fédéral, pendant une longue période, sans obligation en retour. Néanmoins, il n'y a pas de solution de rechange au système actuel. La formation est en train de disparaître.

M. Grubel: C'est une chose que je ne comprends vraiment pas. Si nous manquons de plombiers, d'électriciens, de peintres et de gens de tous ces métiers, demain, les salaires augmenteront. Les gens se précipiteront vers les programmes de formation, sans subvention du gouvernement fédéral, et ils travailleront pendant deux ans comme apprentis en se disant qu'ils gagneront ensuite un très gros salaire.

Nous avons ici un système délibéré - et je ne vous reproche pas d'en faire partie - selon lequel on vous dit que vous avez un oncle riche sur lequel vous pouvez compter, mais qu'il a maintenant la méchanceté de réduire son financement, ce qui va causer l'effondrement du système.

Je trouve que vous cherchez à défendre vos propres intérêts. Je ne vois pas en quoi il est dans l'intérêt de la société qu'en tant que contribuables... Une partie de l'argent dont profite le riche plombier, le riche charpentier, tous ces riches qui bénéficient de ces programmes d'apprentissage, vient de la poche de gens très pauvres. Où est la justice? Les billets ne sont pas imprimés à Ottawa. Ils doivent sortir de la poche de quelqu'un d'autre. Est-ce vraiment équitable? Peut-être est-ce une bonne chose que le gouvernement n'ait pas d'argent pour financer ce genre de programmes d'apprentissage.

Je vais vous donner matière à réflexion. Je voudrais poser une question à M. Weiner. S'il vous plaît, monsieur Weiner, pourriez-vous me décrire comment vous proposez, vous-même et votre fédération, de rendre l'impôt sur le revenu plus progressif dans le monde d'aujourd'hui? Nous avons maintenant un taux d'imposition marginal maximum de 55 p. 100 en Ontario. À quel niveau voudriez-vous l'amener?

M. Weiner: Quand nous examinons l'ensemble de la fiscalité, soit l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, nous constatons - comme tous ceux qui ont des yeux pour voir - que les disparités entre les riches et les pauvres se sont accentuées et que le fardeau est de plus en plus lourd pour les moins bien nantis. Nous nous souvenons sans doute tous de l'époque où il y avait dix tranches d'imposition au lieu de trois.

M. Grubel: C'est cela que vous proposez?

M. Weiner: Nous ne suggérons pas nécessairement d'établir dix tranches, mais il pourrait y en avoir neuf ou un autre chiffre.

.1655

M. Grubel: Où se situerait la tranche supérieure?

M. Weiner: Nous disons qu'il y a beaucoup d'améliorations à apporter à notre fiscalité pour la rendre plus équitable et nous ne sommes pas les seuls à le dire. C'est également ce qui a été reconnu, à l'unanimité, si je me souviens bien, au dernier congrès politique libéral. Les délégués, dans une résolution sur les priorités...

Le président: Malheureusement, ce congrès n'avait aucune influence sur M. Grubel.

M. Weiner: Oui, je comprends.

M. Grubel: Monsieur Weiner, pourquoi ne répondez-vous pas à ma question?

M. Weiner: Ce que je vous dis, monsieur Grubel - et c'est notre avis, même si vous ne le partagez peut-être pas - c'est que le régime fiscal actuel n'est ni juste ni équitable.

M. Grubel: D'accord, mais que proposez-vous?

M. Weiner: Pour ce qui est de l'impôt sur le revenu, nous croyons qu'on peut le rendre plus équitable afin que le fardeau des moins bien nantis soit réparti plus équitablement. Nous croyons aussi que les sociétés peuvent, au moyen d'un impôt minimum, payer une part plus importante qu'elles ne le font actuellement.

M. Grubel: Très bien, merci. Vous avez répondu à ma question.

M. Weiner: Nous pouvons négocier les détails.

M. Grubel: Oui. Écoutez-moi. Vous êtes ici, à la télévision nationale, et vous dites que nous vivons dans un pays inique, que nous avons besoin d'un impôt sur le revenu plus progressif. C'est une accusation très grave, car des gens sont venus nous dire que le taux d'imposition marginal - la progressivité qui existe actuellement - est en train de tuer nos industries de haute technologie.

Je voudrais que vous me disiez une chose: le taux est de 55 p. 100, mais voudriez- vous le relever à 65 p. 100 ou 75 p. 100? Devrait-il atteindre 95 p. 100, comme c'était le cas après la guerre? Vous avez réfléchi à la question. Vous êtes un homme très réfléchi, le représentant d'une organisation très importante qui examine ce genre de choses très attentivement avant de venir déclarer que notre pays a besoin d'un régime d'imposition plus progressif. C'est ce que vous avez dit. Qu'envisagez-vous?

M. Weiner: Monsieur Grubel, je ne suis pas certain de pouvoir en dire plus que je n'ai déjà dit. Ce n'est pas à moi de vous dire si le taux de 55 p. 100 devrait passer à 52 p. 100, 80 p. 100 ou 90 p. 100. Je pense qu'en travaillant ensemble, les Canadiens peuvent mettre au point un système plus équitable que le régime actuel. Quand on voit le pourcentage de familles qui vivent dans la pauvreté, le taux de chômage que nous avons et le fardeau que ces personnes doivent assumer par rapport aux autres - qui sont peut- être imposées lourdement, mais qui peuvent quand même bien vivre, bien manger et bien s'instruire et jouir d'un tas de luxes - je pense que nous avons un très sérieux problème au Canada.

M. Grubel: Monsieur Weiner, pouvez-vous écouter? Je peux vous dire que les gens qui gagnent 50 000 $ par an gagnent plus que 90 p. 100 de tous les Canadiens. Est-ce exact? Vous faites partie des 10 p. 100 de privilégiés. Tous vos enseignants, qui ont une certaine ancienneté, font partie de ces 10 p. 100. Savez-vous quel est le pourcentage de l'ensemble de l'impôt sur le revenu des particuliers que ces 10 p. 100 de contribuables paient? Dites un chiffre.

M. Weiner: Nous reconnaissons que c'est la majeure partie...

M. Grubel: Nous payons 50 p. 100 de tout l'impôt sur le revenu des particuliers, mais vous venez nous dire que l'impôt devrait être plus progressif. Par définition, cela veut dire que les10 p. 100 qui se situent en haut de l'échelle des revenus ne doivent pas se contenter de payer 50 p. 100... Dites-moi quelle proportion de l'ensemble de l'impôt sur le revenu perçu ces personnes devraient payer? Vous êtes un homme réfléchi. Vous n'êtes pas seulement un idéologue, n'est-ce pas?

M. Weiner: Monsieur Grubel, je vous ai donné une réponse générale. Je vais demander àM. Brown de la compléter. Je ne vais pas, au cours de ce débat, citer des pourcentages précis quant à ce que chaque Canadien devrait payer. Je crois avoir signalé l'existence d'un problème - non seulement pour l'organisation que je représente, mais aussi pour de nombreux Canadiens et partis politiques du pays qui ont une conscience sociale et qui veulent s'assurer que tous les citoyens puissent bénéficier, non seulement d'un niveau de vie décent, mais de certains des agréments de la vie que nous souhaitons tous.

.1700

M. Grubel: Des gens instruits comme vous et moi, qui occupent des postes de responsabilité, ne doivent pas se contenter de beaux discours. J'ai également posé ces questions aux membres du NPD. Il ne suffit pas de dire aux Canadiens que c'est injuste et qu'il faut y remédier d'une façon ou d'une autre. En tant que personne très instruite qui est venue ici expressément pour faire cette déclaration, vous êtes en mesure de nous préciser votre pensée. Les 10 p. 100 de contribuables en haut de l'échelle doivent-ils payer 50 p. 100, 80 p. 100 ou quel taux? Qu'envisagez-vous? À quel point l'impôt devrait-il être progressif?

M. Brown: Monsieur le président, nous n'avons pas de formule précise quant à la progressivité de l'impôt. Ce qui nous inquiète c'est que les réformes fiscales de 1988, associées à l'importance décroissante de l'impôt sur le revenu des sociétés, ont fini par réduire la progressivité globale du régime fiscal au Canada.

Je vais vous citer un extrait d'une étude de l'incidence fiscale réalisée par W. Irwin Gillespie: «L'évolution de l'incidence de l'impôt sur les sociétés contredit les nombreux propriétaires de capital qui prétendent que leur fardeau fiscal a augmenté».

M. Grubel: Qui sont les propriétaires du capital au Canada? En fait, 70 p. 100 du capital appartient aux caisses de retraite des travailleurs. Ce sont elles qui profitent des avantages, si toutefois il y en a, qu'offre le régime fiscal. Le savez-vous? Êtes-vous au courant?

Monsieur le président, je pense avoir révélé à ceux qui écoutent ce genre d'émission, que la gauche, qui vient ici pour présenter ses positions idéologiques, n'a aucune idée de la réalité.

Le président: Monsieur Weiner, voulez-vous répondre?

M. Weiner: Je conclurai en disant que nous avons un dialogue de sourds. Vous croyez avoir convaincu les gens et nous aussi. Nous croyons que la majorité des Canadiens seront d'accord avec nous pour dire que le système actuel n'est certainement pas parfait et qu'il est possible de l'améliorer pour permettre à ceux qui sont moins fortunés que les personnes assises à cette table de jouir de la vie dans la société canadienne.

Le président: Susan Russell.

Mme Susan Russell (membre du Comité national, Fédération canadienne des femmes diplômées des universités): Au nom de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, je voudrais souscrire à ce qu'ont dit mes collègues. Je voudrais également rappeler àM. Grubel que le Canada se classe à l'avant-dernier rang des pays industrialisés pour la façon dont il traite les enfants pauvres. Nous avons 1,6 million d'enfants vivant dans des familles pauvres. C'est une honte nationale. Tant que le régime fiscal ne sera pas révisé pour donner un certain confort à ces enfants - nous ne demandons pas beaucoup - nous aurons certainement un problème au Canada.

M. Grubel: Madame, je dois vous dire que je ne suis pas prêt à accepter la mesure de la pauvreté que vous utilisez, sauf sur le plan théorique. N'oubliez pas que cela représente environ les 20 p. 100 de gens qui se situent en bas de l'échelle des revenus. Ces personnes sont relativement pauvres. Elles ne vivent pas dans la pauvreté. Si le revenu des Canadiens triplait demain, selon la définition que vous utilisez pour parvenir au chiffre de 1,6 million, ces enfants vivraient toujours dans la pauvreté. Ce n'est pas ce que la majorité des Canadiens considèrent comme la pauvreté, si demain nous pouvions doubler ou tripler le revenu de tous les Canadiens. C'est une mesure de revenu relative.

.1705

Les choses devraient peut-être être plus équitables. Je suis prêt à entendre vos suggestions quant à la façon d'y parvenir afin que je puisse faire valoir l'autre côté de la médaille - par exemple le fait que tous les dirigeants des entreprises de haute technologie et les ingénieurs partiront - afin que nous puissions en discuter de façon rationnelle. Mais je n'entends rien de ce genre. Ayons plus d'égalité, si possible, mais en limitant le coût.

Je n'accepte pas votre chiffre de 1,6 million d'enfants vivant dans la pauvreté.

Mme Russell: Je crois que ce sont là des statistiques assez fiables qui ont été acceptées. L'Association nationale anti-pauvreté... les a présentées.

M. Grubel: Bien sûr.

Mme Russell: Monsieur Grubel, j'ai voyagé dans le monde entier. J'ai vécu dans d'autres pays. Croyez-moi, il y a des enfants canadiens qui souffrent de malnutrition et de mauvais traitements et c'est une véritable honte nationale. Je n'en dirai pas plus.

M. Grubel: Mais pas 1,6 million. Il y en a un petit nombre.

Il est terrible que cela se produise dans notre riche pays, mais vous ne servez pas votre cause en définissant ainsi le concept de la pauvreté. Le concept de la pauvreté que vous utilisez se fonde sur les chiffres de Statistique Canada. Chaque fois que ces chiffres sont publiés, Statistique Canada précise que ce n'est pas une mesure de la pauvreté; cela mesure le pourcentage de personnes qui se trouvent dans le dernier quintile de la répartition des revenus. Vous ne vous rendez pas service en exagérant le problème de façon aussi radicale.

Nous devrions prendre soin, très bien nous occuper de ceux que vous avez trouvés et mettre en place des systèmes pour ce faire. Mais n'allons pas dire que le cinquième de tous les enfants du pays vivent dans la pauvreté.

M. Day: Monsieur le président, je voudrais répondre très brièvement à certaines des questions que M. Grubel a posées sur l'apprentissage. Je vais passer du sublime au modeste.

Monsieur Grubel, je voudrais répondre directement à certaines de vos observations. Vous avez laissé entendre, ou c'est du moins ce que j'ai cru comprendre, qu'à la belle époque, au Canada, les apprentis travaillaient pour un très petit salaire, à un très jeune âge et qu'ils en étaient reconnaissants. Votre description est très exacte pour ce qui est de l'Europe de l'Ouest. Le modèle que vous décrivez est le modèle dit allemand qui est, bien sûr, à la fois allemand, scandinave et autrichien.

Cette situation n'a jamais existé au Canada, monsieur. Dans ce pays, il n'y a jamais eu de système d'apprentissage présentant les caractéristiques que vous décrivez. Pour les apprentis du Canada, l'âge moyen à l'heure actuelle est de 24 ou 25 ans et, dans bien des cas, ces personnes peuvent avoir 40 ou 45 ans. Je ne vais pas expliquer pourquoi c'est le cas. Je décris simplement la situation.

M. Grubel: Merci. Je vous demandais ce renseignement.

M. Day: Telle est la situation. Les apprentis du Canada sont des adultes. Très souvent, ils font la transition d'un très mauvais emploi à un emploi légèrement meilleur. Ils ont généralement des responsabilités familiales. C'est donc un contexte très différent. Telle est la situation pour laquelle nous parlons de l'aide fédérale.

Le président: Monsieur Weiner, vous vouliez répondre.

M. Weiner: Brièvement, car nous abordons certainement la question de la pauvreté de deux points de vue différents.

J'ai l'esprit ouvert et je suis toujours prêt à apprendre. Si la thèse de M. Grubel est meilleure ou plus exacte, il faudrait l'annoncer au public canadien.

M. Grubel: Cela a été fait.

M. Weiner: Bien des gens qui croient vivre dans la pauvreté et connaître le genre de difficultés dont on a parlé seront sans doute heureux et réconfortés d'apprendre qu'il n'en est rien et qu'ils jouissent d'un niveau de vie adéquat et satisfaisant.

M. Grubel: C'est trop facile. Il s'agit d'établir s'il y a 1,6 million ou 150 000 enfants qui vivent dans la pauvreté et nous demandons si la politique gouvernementale devrait viser ou non ce1,6 million d'enfants, qui sont toujours, par définition, dans le quintile inférieur, ou centrer son attention sur ceux qui en ont vraiment besoin. Ce chiffre de 1,6 million est renversant.

Le président: Monsieur Benoit, vouliez-vous poser une dernière question?

M. Benoit: Oui, j'ai une question très précise à poser à M. Weiner.

.1710

Vous êtes ici au nom de la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants. Quel pourcentage des enseignants que vous représentez appuie ce mouvement vers un régime fiscal plus progressif, cette augmentation des impôts et des déductions sur le salaire alors que bien des gens - en fait, la plupart - paient déjà 50 p. 100 de leur salaire en impôts et autres déductions?

M. Weiner: Les politiques que nous avons énoncées dans notre exposé ont l'appui de notre fédération. Elles ont fait l'objet de discussions approfondies.

Je suis fier de dire que les enseignants sont des professionnels qui ont une conscience sociale très développée. Dans leurs classes, ils constatent quotidiennement les effets de la pauvreté sur les enfants. Ils voient des enfants venir à l'école le ventre creux, mal nourris, maltraités, etc., autant de conditions reliées à la pauvreté. Ils sont tout à fait pour un réexamen et une révision de la fiscalité visant à assurer une répartition plus équitable du fardeau fiscal, dans l'intérêt des familles et des enfants qui vivent dans ces conditions.

Je suis très fier d'être ici pour le dire aujourd'hui. Ce n'est pas seulement la position d'une ou deux personnes ou d'un comité exécutif. Ce sont là des prises de position qui ont obtenu l'appui de chacune de nos organisations membres, après de solides discussions avec les enseignants qu'elles représentent.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

Quelqu'un estime-t-il ne pas avoir eu suffisamment de temps pour présenter son point de vue? Dans l'affirmative, je vous accorderai le temps que vous voulez; autrement, je vous demanderais de résumer. Chacun d'entre vous aura au maximum 30 secondes pour soulever la question à laquelle vous voulez que nous réfléchissions quand nous irons nous coucher, ce soir.

Monsieur Weiner.

M. Weiner: Je voudrais plaider la cause d'une génération qui risque d'être perdue. Je crois que le public tient beaucoup à ce que l'on investisse dans les enfants, ainsi que dans l'éducation et les services sociaux. Si vous examinez le budget, compte tenu de la situation financière du pays, j'exhorte vivement les membres du comité à faire de gros efforts dans ce domaine.

Le chômage pose également un sérieux problème. Comme chacun sait, le chômage est l'une des principales causes de la pauvreté. À notre avis - et c'est ce que j'ai dit l'année dernière - il est temps que le ministre établisse, dans le budget, des objectifs pour la réduction du chômage.

Le président: Merci, monsieur Weiner.

Monsieur Brown.

M. Brown: Je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le président: Monsieur Day.

M. Day: Merci de nous avoir écoutés avec courtoisie et de nous avoir posé ces questions inquisitrices, ce qui nous montre que vous nous avez écoutés attentivement. Nous l'apprécions beaucoup.

La dernière chose que j'aimerais dire est qu'il y a peut-être quelques riches plombiers, mais très peu de riches charpentiers.

Le président: Monsieur Gillett.

M. Gillett: En deux mots, nous pensons que si le gouvernement fédéral continue d'investir dans l'éducation et la formation, ce sera payant et nous espérons que vous en tiendrez au moins compte dans vos plans à long terme.

Le président: Merci. Madame Bayless.

Mme Bayless: Nous sommes venus avec toute une liste de desiderata et nous appuyons un grand nombre des propositions dont on a parlé dans le domaine de l'éducation. Nous voudrions simplement vous rappeler, quand vous examinerez les divers domaines du budget, de tenir compte des conséquences des changements que vous apporterez pour les femmes et les enfants.

Le président: Merci. Monsieur Horan.

M. Horan: Si le gouvernement nous demandait de lui indiquer une chose qu'il peut faire pour nous, ce serait d'examiner le crédit d'impôt pour handicapés et de reconnaître que les dépenses faites par les parents d'enfants ayant des troubles d'apprentissage sont légitimes.

Deuxièmement, pour ceux d'entre vous qui nous regardent à la télévision, nous nous sommes engagés, envers tous ceux qui ont des troubles d'apprentissage, à continuer à travailler dans le domaine de l'alphabétisation, de la lecture, de l'écriture et du calcul et en voici le dernier exemple. Nous reviendrons, l'année prochaine, avec un exemple de plus.

Le président: Merci. Monsieur Nadeau.

M. Nadeau: Nous exhortons le comité à faire comprendre au gouvernement qu'il est essentiel de ne pas réduire davantage le financement de la recherche appliquée et ciblée.

Le président: Merci, monsieur Nadeau.

C'est vous qui avez le dernier mot, Brad Lavigne.

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M. Lavigne: L'aide tellement nécessaire dont les étudiants ont besoin peut prendre la forme de changements très modestes au régime fiscal. Nous espérons qu'il sera mis à jour. Nous ne demandons rien de nouveau. Nous demandons simplement une mise à jour des dispositions de l'impôt visant les étudiants de façon à leur apporter l'aide dont ils ont tant besoin et d'alléger la dette globale des étudiants.

Merci beaucoup de votre temps.

Le président: Merci beaucoup.

Brad Lavigne, j'ai commencé par vous aujourd'hui et j'ai terminé également par vous pour une raison précise. Nous nous soucions de votre avenir. Tout le monde, autour de cette table, parlait en fonction de ce que vous avez dit quant au genre de système d'éducation propre à donner à nos jeunes, non seulement des possibilités, mais la capacité d'exceller, c'est-à-dire en atteignant des normes non pas provinciales ou nationales, comme on l'a dit ce soir, mais internationales.

C'est un véritable défi. Les étudiants ont été durement touchés. Cela ne fait aucun doute. Vous avez parlé de l'augmentation des frais de scolarité et de la difficulté d'obtenir un emploi pour payer vos études. Vous avez présenté des arguments très convaincants dans bien des domaines.

Madame Bayless et madame Russell, vous nous avez rappelé que malgré les gros efforts déployés depuis 25 ans, les femmes ont toujours des besoins particuliers dans notre société. Vous avez également parlé, avec éloquence, au nom des enfants et surtout des enfants pauvres, comme d'autres l'ont fait.

Monsieur Nadeau, vous avez présenté un bon argument. Si l'on fait davantage dans le domaine des sciences et de la recherche appliquée, cela aidera notre économie.

Je me réjouis toujours de recevoir les représentants de nos collèges. Vous êtes parfois venus en même temps que les universités, mais pas toujours. Je sais toutefois que vous éduquez 500 000 étudiants à plein temps et 1,5 million à temps partiel. Vous représentez parfois la seule chance de s'en sortir pour les gens qui ont des difficultés ou un niveau d'instruction insuffisant ou même pour ceux qui sortent de l'université mais qui n'ont pas de compétences, ou encore pour les travailleurs en transition. Je sais quel merveilleux travail vous accomplissez d'après ce que j'ai constaté moi-même, dans ma circonscription. Vous nous avez lancé des exhortations très importantes ce soir. Vous avez parlé de la nécessité d'avoir des programmes d'apprentissage et de formation et vous nous avez rappelé que, jusqu'à maintenant, le Canada a été bâti par ceux qui ont reçu une formation à l'étranger.

Monsieur Weiner et monsieur Brown, je vous exhorte, dans votre mémoire détaillé, à indiquer si les personnes qui gagnent 50 000 $ ou plus devraient payer plus ou moins d'impôts. Dans cette salle, nous sommes tous d'accord quant à la nécessité de rendre la fiscalité plus équitable. Nous allons y travailler. La question est de savoir comment, et voilà pourquoi nous vous demandons votre contribution.

Permettez-moi également de dire ceci. Un enseignant du secondaire de l'Ontario gagne peut-être 65 000 $ ou 70 000 $ s'il ne devient pas directeur ou directeur adjoint. Est- ce exact?

M. Weiner: C'est le maximum.

Le président: Oui, et ce n'est pas beaucoup d'argent. Nous savons que les enseignants ne se lancent pas dans cette profession dans le but de s'enrichir. Ils y ont renoncé en devenant enseignants. Ils le font par amour de l'enseignement.

Nous avons une lourde dette envers ces personnes qui, si nous avons eu de la chance, nous ont inspirés lorsque nous étions jeunes, à l'école secondaire ou à l'université. C'est toujours un ou deux enseignants qui nous ont pris par la main et nous ont poussés à nous surpasser et à avoir des rêves et des aspirations. Ce sont des gens qui ont fait des heures supplémentaires sans rémunération pour travailler avec nous et nous enseigner, et nous sommes tous extrêmement reconnaissants envers la profession que vous représentez.

.1720

Enfin, monsieur Horan, je me souviens très bien que, quand vous étiez assis là, l'année dernière, vous disiez que vous aviez un programme pour publier des manuels visant à aider les personnes ayant des troubles d'apprentissage à s'instruire. Vous nous avez dit que vous manquiez d'argent, que vous ne saviez pas où vous alliez en trouver, mais que vous en trouveriez d'une façon ou d'une autre et que ces manuels seraient publiés. Vous êtes revenu avec ces manuels.

Nous vous rendons hommage. Votre détermination est une merveilleuse source d'inspiration pour nous tous, tout comme le travail que vous faites pour aider ces personnes. Non seulement elles méritent votre aide, mais il serait insensé de laisser de côté le potentiel de chaque Canadien. Nous avons tous intérêt à le relever.

M. Horan: Merci, monsieur, car je reviendrai et j'aurai autre chose à vous présenter.

Le président: Vous êtes formidables. Poursuivez votre bon travail.

Merci à tous, au nom de tous les membres de notre société. Vous travaillez dans un des domaines les plus importants pour l'avenir de tous les Canadiens. Vous méritez notre appui.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci.

La séance est levée.

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