2. Comparaisons internationales
Pour placer en contexte les règles canadiennes en matière d'imposition des migrants, le Comité estime utile de donner, comme élément de comparaison, un aperçu de celles qu'appliquent d'autres pays, surtout les pays industrialisés à économie ouverte. Cela permet de faire des observations utiles pour l'orientation future à donner à la politique canadienne en la matière. Le présent chapitre porte sur les quelques autres pays qui ont adopté des règles fiscales à l'égard des migrants (8).
8 - Dans la préparation de ces descriptions, le Comité s'est inspiré abondamment de travaux de recherche effectués par le comité mixte des questions fiscales du Congrès des États-Unis. En particulier, un rapport produit par le personnel du comité intitulé Issues Presented by Proposals to Modify the Tax Treatment of Expatriation (U.S.G.P.O., 1er juin 1995), contenait des renseigne ments utiles sur les régimes fiscaux d'autres pays.
a) États-Unis
Les régimes canadien et américain diffèrent entre autres dans l'imposition des citoyens non résidants. Le Canada impose les revenus de toutes sources des résidents du Canada et les revenus de source canadienne des non-résidents. Aux termes de la législation américaine, les résidents comme les citoyens doivent payer de l'impôt sur leurs revenus à l'échelle mondiale. Un dégrèvement annuel de 70 000 $ protège beaucoup de citoyens non résidants de l'impôt américain. En outre, ceux-ci sont généralement autorisés à se prévaloir, vis-à-vis de leur impôt américain exigible, d'un crédit équivalant au montant des impôts étrangers qu'ils paient.
Les ressortissants étrangers (non-citoyens) non résidants ne paient de l'impôt aux États-Unis que sur leurs revenus de source américaine ou les revenus associés à des opérations commerciales ou des entreprises aux États-Unis. Ils doivent aussi payer de l'impôt américain sur les gains en capital réalisés à l'aliénation d'une participation dans un bien immobilier américain.
Les États-Unis n'ont pas de régime fiscal particulier à l'égard des émigrants. Jusqu'à tout récemment, un ressortissant étranger qui cessait de résider aux États-Unis n'en subissait aucune conséquence fiscale particulière. En revanche, un citoyen américain qui renonce à sa citoyenneté pourrait être visé par des règles spéciales, correspondant essentiellement aux règles d'imposition des citoyens, s'il est déterminé que cette renonciation est motivée par des considérations fiscales. On n'essaye nullement de mesurer la valeur accumulée des gains en capital au moment de l'émigration ou d'un changement de citoyenneté.
L'administration américaine actuelle a proposé des modifications importantes de ces règles dans son budget de 1996. Elle proposait entre autres que les Américains qui renoncent à leur citoyenneté et certains ressortissants étrangers qui quittent les États-Unis après y avoir résidé pendant longtemps soient réputés avoir disposé de leurs biens à leur juste valeur marchande. Les biens immobiliers américains et certaines participations dans des instruments de retraite seraient dispensés de cette disposition réputée. Les gains nets excédant 600 000 $ (ou 1,2 million de dollars dans le cas d'un couple qui s'expatrie) seraient assujettis à l'impôt sur le revenu, dont le paiement pourrait être différé moyennant une sûreté convenable.
Le Congrès n'a pas souscrit à cette proposition. Plusieurs autres solutions ont été étudiées et finalement rejetées, et des modifications plus modestes ont été adoptées. Les nouvelles règles ne comportent pas la disposition réputée, mais élargissent en revanche l'application de l'impôt à l'expatriation, les migrants à revenu élevé et riches (incluant certains ressortissants étrangers) étant réputés avoir renoncé à la citoyenneté américaine pour des raisons fiscales. Cette règle s'applique aux migrants qui ont affiché un impôt fédéral sur le revenu exigible de plus de 100 000 $ pour chacune des cinq années précédentes et aux migrants ayant un actif net de 500 000 $ ou plus.
b) Royaume-Uni
Le Royaume-Uni n'impose pas les gains accumulés des particuliers qui émigrent et qui ne sont pas des fiducies. Les sociétés qui émigrent sont assujetties à une série de règles sur la disposition réputée, et les fiducies sont considérées (depuis 1991) comme ayant disposé de tous les biens qui quittent l'assiette fiscale du pays.
c) Australie
Le régime de l'impôt sur le revenu de l'Australie est à maints égards similaire à celui du Canada. Comme au Canada, les émigrants sont réputés avoir disposé de leurs biens en immobilisation et les avoir rachetés immédiatement avant leur départ de l'Australie. Sont exclus de la disposition réputée les «biens australiens imposables», une catégorie de biens presque identique à celle des «biens canadiens imposables». L'Australie prévoit aussi une évaluation à leur juste valeur marchande des biens en immobilisation non-australiens détenus par un immigrant.
d) Danemark
Depuis 1987, le Danemark impose un impôt de sortie sur les gains en capital accumulés afférents à des obligations, à certaines actions et à certains instruments financiers. Moyennant une sûreté, un émigrant peut différer le paiement de l'impôt exigible jusqu'à l'aliénation du bien (ou son décès). Si le gain en capital effectivement réalisé est inférieur au montant sur lequel l'impôt a été payé, l'impôt de sortie peut être révisé. Depuis 1994, le Danemark prévoit aussi une r#valuation de la valeur des biens d'un immigrant pour les fins de l'impôt.
e) Autres pays
À la connaissance du Comité, aucun autre pays ne perçoit de l'impôt sur les gains accumulés des émigrants. Quelques pays appliquent d'autres règles aux anciens résidents et aux immigrants. Certains appliquent des dispositions pour imposer les revenus mondiaux d'anciens résidents dans des conditions précises : l'Érythrée, la Finlande, la France (pour les résidents de Monaco seulement), l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, les Philippines et la Suède. Dans plusieurs cas, il s'agit simplement d'une résidence réputée. Israël permet aux immigrants d'aliéner en franchise d'impôt les biens qu'ils possédaient avant de s'établir dans le pays à la condition que l'aliénation ait lieu dans les sept ans suivant leur arrivée.
f) Résumé
Malgré un certain resserrement récent des dispositions fiscales de certains pays comme le Danemark et les États-Unis, le régime fiscal du Canada demeure l'un des plus restrictifs du monde en ce qui concerne le traitement des particuliers émigrants. Dans une certaine mesure, si les autres pays n'ont pas de règles de réalisation réputée comme le Canada, c'est souvent parce qu'ils ont en revanche un impôt sur la fortune plus lourd. Si les particuliers doivent acquitter régulièrement un impôt sur la fortune relativement important, il est moins nécessaire d'imposer leurs gains accumulés lorsqu'ils quittent le pays. Il se peut aussi que peu d'autres pays connaissent une aussi grande mobilité des particuliers. La proximité physique et culturelle du Canada et des États-Unis et, dans une moindre mesure, de la région de Antilles, fait en sorte qu'il est peut-être particulièrement facile pour les Canadiens de quitter leur régime fiscal. Quoi qu'il en soit, le Comité conclut que le Canada applique déjà un régime d'imposition des émigrants bien plus strict et complet que ceux de la plupart des autres pays.