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AMÉLIORATION DE L'EFFICACITÉ DE LA BANQUE MONDIALE : RAPPORT INTÉRIMAIRE

INTRODUCTION

En juin 1995, M. James Wolfensohn accédait à la présidence de la Banque mondiale, déterminé à «desserrer l'étau de la bureaucratie» au sein de l'organisme. Au fil des ans, M. Wolfensohn avait entendu énormément de critiques concernant l'efficacité de la Banque du point de vue du développement, et il en était venu à la conclusion que seule une transformation de la culture organisationnelle engendrerait une orientation axée sur des «résultats». Il a donc fait de l'«efficacité du développement» la plus haute priorité de la Banque mondiale et instauré un certain nombre de réformes en vue d'atteindre cet objectif.

Le Sous-comité de la Chambre des communes chargé des institutions financières internationales a décidé d'examiner la question de l'efficacité du développement en vue de fournir des recommandations additionnelles pour les réformes en cours. Pour le Sous-comité, il importait également de veiller à ce que le Canada, en tant qu'actionnaire important de la Banque, obtienne un rendement adéquat pour son investissement.1 Pour pouvoir continuer de compter sur l'appui des pays donateurs dans un climat de restrictions financières, la Banque mondiale doit à la fois être efficace et être perçue comme efficace par le public contribuable. La responsabilisation face aux contribuables canadiens, et face aux bénéficiaires de l'aide eux-mêmes, demeure une préoccupation importante des membres du Sous-comité.

QU'EST-CE QUE L'EFFICACITÉ DU DÉVELOPPEMENT?

«Le but ultime du développement est la réduction de la pauvreté et l'amélioration des niveaux de vie. Pour cela, il faut investir dans les gens et pouvoir compter sur une croissance économique durable.»2 On peut donc considérer le développement comme «efficace» dans la mesure où l'on atteint ces grands objectifs. Outre la lutte contre la pauvreté et l'amélioration du niveau de vie, il existe un certain nombre d'objectifs annexes : le développement du secteur privé; l'intégration de la femme au développement; l'édification d'un gouvernement efficace et d'une société civile forte; une croissance écologiquement viable; des investissements dans le capital humain et les infrastructures; l'avancement de la microfinance; et la réduction au minimum des impacts sociaux de l'ajustement.

Comme l'a indiqué M. Wolfensohn au Sous-comité, il n'est pas facile d'évaluer l'efficacité du développement. Comment peut-on, par exemple, évaluer l'efficacité d'un projet de production de maïs? Outre la hauteur des plants, on doit examiner des questions touchant la récolte, le transport et la distribution, l'effet de cette culture sur l'environnement et ainsi de suite. M. Wolfensohn a fait part de deux autres difficultés inhérentes au processus d'évaluation : (a) la détermination de la période sur laquelle le projet est évalué; et (b) le fait que les critères d'«efficacité» évoluent constamment avec le temps.

M. Robert McNamara, ancien président de la Banque mondiale, a lui aussi fait remarquer au Sous-comité qu'il est extrêmement difficile de mesurer l'efficacité du développement. Tout d'abord, a-t-il dit, on doit définir la notion de «développement», puis dégager les facteurs qui le déterminent. Par exemple, le développement de la Corée du Sud est imputable d'abord et avant tout aux politiques du pays même, et il est malaisé de déterminer dans quelle mesure la Banque mondiale a contribué à ce processus.

LES OPÉRATIONS DE PRÊT DE LA BANQUE MONDIALE AU MICROSCOPE

Au fil du temps, les activités de crédit de la Banque ont fait l'objet de passablement de critiques. Dans les années 1960 et 1970, la Banque prêtait surtout pour financer de vastes projets d'infrastructure, comme des barrages, des routes et des centrales électriques. D'après les critiques, ces projets ont parfois imposé des modèles de développement inadéquats et entraîné des retombées néfastes sur l'environnement de la société bénéficiaire.

Vers la fin des années 1970, la Banque a commencé à s'inquiéter du nombre de projets qui échouaient à cause soit d'un climat macro-économique instable soit d'une structure micro-économique inefficace. En 1979, elle a réagi en offrant des prêts à l'ajustement structurel (PAS) afin d'améliorer l'équilibre des facteurs macro-économiques, comme les déficits gouvernementaux et du commerce extérieur. Elle a aussi offert des prêts à l'ajustement sectoriel afin d'améliorer les conditions dans des secteurs comme l'agriculture et les forêts.

Au cours des années 1980, la Banque (et le FMI) ont fait l'objet de critiques virulentes pour n'avoir pas pris en compte les répercussions des prêts à l'ajustement structurel sur les pauvres. Selon les critiques en question, les réductions des dépenses gouvernementales exigées dans la plupart des cas pour les PAS se traduisaient souvent par le retrait de subventions et par des compressions dans des services publics comme la santé, l'éducation et le logement. Puisque les pauvres sont les principaux bénéficiaires de ces programmes, on a fait valoir que les PAS donnaient lieu à un accroissement de la pauvreté. Accusée de ne pas s'intéresser suffisamment aux pauvres, la Banque, piquée au vif, a remis l'accent sur la lutte contre la pauvreté en 1991.

La participation locale et la prise en charge des projets constituent un autre sujet de controverse. Par le passé, plutôt que de faire intervenir les emprunteurs dès le départ, la Banque agissait souvent seule pour définir et superviser les projets d'aide au développement. Cette méthode «descendante» de conception et de mise en oeuvre a réduit l'efficacité du développement. Mme Nancy Alexander (coordonnatrice, Development Bank Watchers' Project) a exprimé devant le Sous-comité l'opinion qu'un projet a peu de chance d'être efficace si les gens de «la base» n'ont pas participé à sa planification et à sa mise en oeuvre. De fait, si l'impulsion initiale vient de l'extérieur, il peut être difficile de concrétiser la prise en charge locale. «Les emprunteurs ne se sont pas eux-mêmes attachés aux objectifs du projet. On a cherché à les rendre «propriétaires» du projet en les chargeant de sa conception et de son exécution, au lieu de s'assurer que l'impulsion à l'origine du projet vient du pays lui-même et que le processus offre de réelles possibilités de formation d'un consensus.»3

La Banque a aussi fait l'objet d'une autre plainte, concernant sa lenteur à réagir à deux réalités nouvelles des années 1990 : (1) le rôle accru du secteur privé dans les pays en développement eux-mêmes; et (2) la croissance phénoménale des flux de capitaux privés vers ces pays. Certains ont soutenu que la Banque ne prenait pas suffisamment de mesures pour encourager le secteur privé et qu'elle devrait, idéalement, accroître ses activités de prêt par le truchement de sa filiale pour le secteur privé, la Société financière internationale (SFI). D'autres ont par contre accusé la Banque de n'avoir pas surveillé attentivement le financement accordé par ses filiales pour le secteur privé, la SFI et l'Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI). Mme Andrea Durbin (directrice, Projets internationaux, Amis de la Terre) a indiqué au Sous-comité que la Banque n'appliquait pas, dans le cas des prêts de la SFI et de l'AMGI, les mêmes critères généraux en matière d'environnement qui s'appliquent dans le cas de ses autres opérations.

Au début des années 1990, il est devenu évident pour les dirigeants de la Banque que le portefeuille de l'institution devait être renforcé de toute urgence. Dans le cadre d'une étude effectuée en 1992, un ancien vice-président (Willi Wapenhans) a constaté qu'une forte proportion des projets de l'organisme (37,5 p. 100 en 1991) ne parvenaient pas à atteindre des objectifs économiques minimaux. Pour être efficace, la Banque devait réaliser ses objectifs de développement de manière efficiente et rentable. Au lieu de cela, un pourcentage élevé de prêts ne répondaient pas aux propres critères de la Banque, l'un étant un taux minimal de rendement économique de 10 p. 100.4 Le rapport Wapenhans portait principalement sur la baisse de qualité du portefeuille, sur l'importance au sein de la Banque d'une «culture» d'approbation de prêts et sur le peu d'attention accordée à une exécution minutieuse des projets. La Banque mettait fortement l'accent sur la réalisation de certains objectifs en matière de prêt et récompensait son personnel en fonction de la quantité et non de la qualité des prêts en question, de sorte qu'elle ne parvenait pas à améliorer la viabilité à long terme de ses projets de développement.

On a souvent invoqué le manque de transparence de la Banque, tout comme sa reddition de comptes insuffisante, pour expliquer qu'elle a mis tant de temps à réduire l'importance accordée à la quantité. Certains observateurs ont déclaré que la Banque devait exiger que ses cadres hiérarchiques soient plus directement responsables du rendement des projets et qu'on produise systématiquement des rapports sur l'évolution de la situation afin de pouvoir apporter sans arrêt les correctifs appropriés. Selon eux, deux entraves majeurs s'opposaient aux changements : une lourde bureaucratie et une culture d'entreprise inadéquate. Mais en l'absence d'un leadership fort au sommet de la pyramide, les fonctionnaires à l'emploi de la Banque étaient peu disposés à accepter des changements radicaux susceptibles de mettre en péril leurs propres postes ou situations. Le manque de transparence des pratiques de la Banque faisait obstacle à l'évaluation de ses nombreuses activités. D'après Mme Lisa Jordan (secrétaire du Centre d'information de la Banque), qui a exprimé son point de vue devant le Sous-comité, auparavant la Banque n'était pas dotée de politiques adéquates en matière de divulgation de l'information. Bien que l'on ait adopté des mesures pour remédier à cette situation, le Centre d'information de la Banque continue de se préoccuper des comptes à rendre.

LE DÉFI DE L'EFFICACITÉ

(A) La réduction de la pauvreté

Il importe que l'aide au développement soit fournie de la manière la plus efficace et la plus efficiente possible. Heureusement, la Banque a réagi à certaines critiques justifiées en modifiant ses politiques. Sur la question de la réduction de la pauvreté, elle a adopté en 1991 sa stratégie actuelle qui consiste à promouvoir une croissance à forte intensité de main-d'oeuvre et à intervenir précisément afin d'améliorer des services sociaux comme l'enseignement primaire, les soins de santé de base, la planification familiale et la nutrition. En outre, la Banque considère maintenant que le développement social est une condition préalable au développement économique, et elle souligne l'importance d'investir dans le capital humain par le truchement de l'éducation. À l'heure actuelle, 18 p. 100 des prêts de la Banque sont consacrés au développement des ressources humaines. Sur le plan opérationnel, la stratégie de lutte contre la pauvreté se répartit en deux volets. Le premier est l'évaluation de la situation, qui permet de déterminer l'étendue du problème et d'établir les bases de l'intervention. Une fois cette étape terminée, la Banque élabore des stratégies spécifiques pour les différents pays afin de compléter leurs propres efforts.

Dans les pays les plus pauvres, la situation s'est détériorée davantage à cause des niveaux insoutenables de la dette qu'ils ont accumulée pendant les années 1980. La Banque mondiale participe d'ailleurs à une initiative majeure en vue de réduire les sommes qu'ils doivent à leurs créanciers commerciaux, bilatéraux et multilatéraux. De concert avec le FMI, le Club de Paris et d'autres intervenants, la Banque élabore un plan global en faveur des pays pauvres lourdement endettés, dont bon nombre se trouvent en Afrique subsaharienne.

(B) Les répercussions sur l'environnement

Depuis 1987, les politiques de prêt de la Banque font une plus large place à l'environnement. Critiquée à juste titre pour n'en avoir pas tenu suffisamment compte par le passé, la Banque a largement redressé la situation. «De fait, elle est devenue l'un des principaux défenseurs du développement écologique durable.»5 La «Directive opérationnelle sur les évaluations environnementales», publiée par la Banque en 1989, rend obligatoires les évaluations environnementales pour tous les projets qui risquent d'être fortement préjudiciables à l'environnement, tandis que toutes les évaluations sectorielles sont appliquées aux programmes d'investissement sectoriel. En 1993, la Banque a institué la vice-présidence Environnement et développement durable (ESD). En 1995, elle a effectué un examen environnemental de la totalité de son portefeuille de prêts. Dans toutes ses activités, la Banque essaie maintenant de prendre en compte les préoccupations environnementales. Parmi les autres changements importants, mentionnons l'élargissement du personnel responsable de l'environnement et l'établissement d'un rapport annuel sur les activités environnementales de l'institution. En 1995, un quart des projets examinés par le Département de l'évaluation rétrospective des opérations (OED) intégraient une composante environnementale.

(C) La prise en charge locale

La Banque met maintenant l'accent sur la prise en charge locale des projets, et elle attache plus d'importance à l'obtention de résultats «sur le terrain» grâce à des consultations avec les citoyens et les ONG des pays emprunteurs. M. Wolfensohn a expliqué au Sous-comité que la Banque avait réduit le nombre d'examens internes liés à l'approbation des prêts et que, par conséquent, il restait plus de temps pour mener des consultations exhaustives avec les principaux intervenants du développement sans prolonger la période de lancement et de mise en oeuvre des projets. Selon lui, la Banque essaie d'harmoniser les intérêts des ONG, des gouvernements et des autres intervenants, mais il n'est jamais possible de faire l'unanimité. Par suite de ces consultations, la stratégie d'aide aux pays, qui est à la base du programme de développement par pays, tient davantage compte des besoins particuliers des clients et du point de vue des différents groupes d'intérêt.

(D) La participation du secteur privé

Comme on l'a déjà signalé, il y a eu une augmentation marquée de la participation du secteur privé dans le tiers monde au cours de la dernière décennie, résultat des réformes démocratiques et économiques sérieuses réalisées par de nombreux pays. La Banque a réagi en concentrant davantage d'efforts sur le secteur privé, convaincue que les firmes privées sont les principales sources de croissance économique, de revenu et d'emploi. M. Wolfensohn a reconnu qu'en général, le secteur privé réussissait mieux à engendrer la croissance économique; le problème, c'est que les marchés privés n'existent pas dans certains pays. En conséquence, a-t-il dit, la participation de la Banque mondiale demeurera nécessaire.

Puisque la Banque n'a pas la possibilité de prêter directement au secteur privé, sauf avec une garantie gouvernementale, l'encouragement aux firmes privées se fait principalement par l'intermédiaire de deux filiales du Groupe de la Banque mondiale : la Société financière internationale (SFI) et l'Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI). La première a pour mandat de promouvoir, à l'aide d'un capital de base relativement limité, la croissance d'entreprises privées productives et profitables dans les pays en développement membres. Pour sa part, l'AMGI fournit de l'assurance-investissement au titre des risques non commerciaux, par exemple la nationalisation ou la confiscation de biens par les gouvernements de pays en développement. Au cours de l'exercice 1996, afin de coordonner sa stratégie globale à cet égard, la Banque mondiale a établi un groupe de développement du secteur privé formé de cadres supérieurs de la Banque, de la SFI et de l'AMGI. «Il a pour rôle de promouvoir la synergie de toutes les activités liées au secteur privé en utilisant différents moyens : coordonner les stratégies d'assistance aux pays, faciliter les opérations liées au secteur privé qui font intervenir deux institutions du Groupe de la Banque mondiale ou davantage, établir des partenariats avec le secteur privé et partager l'expertise au sein du Groupe de la Banque.»6

M. Jemal-Ud-Din Kassum (vice-président aux Opérations d'investissement, Société financière internationale) a indiqué au Sous-comité que la SFI avait pour tâche première de réduire le profil des risques dans les pays du tiers monde. Selon lui, la SFI encourage la participation du secteur privé au moyen de trois catégories d'activité : le financement comme tel de projets du secteur privé, l'appui à la mobilisation de capital étranger et la prestation de conseils et d'assistance technique. Pour l'exercice 1996, un financement record de 3,2 milliards de dollars US a été approuvé pour le compte de la SFI, tandis que 4,8 milliards de dollars US supplémentaires ont été fournis par le truchement de syndications. L'ensemble du portefeuille engagé de la SFI est passé de 3,8 milliards de dollars US en 1987 à 16 milliards de dollars US pour l'exercice 1996.

Certains observateurs continuent de reprocher à la Banque mondiale de perturber les flux internationaux de capitaux et la prise des décisions dans les pays en développement. Toutefois, d'après un rapport récent du General Accounting Office des États-Unis (GAO), près de 90 p. 100 des entreprises privées interviewées ont dit que le Groupe de la Banque mondiale améliorait les conditions de l'investissement privé dans le tiers monde.7 En règle générale, «les prêts de la SFI à des emprunteurs du secteur privé encouragent les entreprises à prendre part à de nouveaux projets ou marchés.»8 Le déplacement de capitaux privés par la SFI n'a eu lieu que dans quelques marchés en développement où les intérêts du secteur privé étaient déjà bien établis. Il est aussi arrivé que la SFI déplace des firmes du secteur privé dans le cas de projets particuliers. «La SFI travaille à régler ces difficultés en diminuant sa présence dans des marchés contestés, et elle a révisé ses lignes directrices afin de préciser l'importance de ne pas concurrencer les investissements privés.»9

(E) Améliorer les résultats du portefeuille

Par le programme «Prochaines étapes», créé en juillet 1993, Banque mondiale répondait au Rapport Wapenhans qui, en 1992, avait constaté une baisse de la qualité de son portefeuille de prêts. Ce programme comportait 87 mesures visant à améliorer la gestion du portefeuille. L'élément principal en était la mise en place d'une gestion par pays des opérations de prêt courantes de la Banque. Les diverses mesures étaient regroupées en sept grands domaines, correspondant chacun à l'une des priorités définies dans le rapport Wapenhans :

Les rapports d'étape sur le programme «Prochaines étapes» montrent que la haute direction est en train d'instiller une «culture de l'exécution» à la Banque. L'institution s'appuie sur les leçons du passé (c'est-à-dire sur les résultats des évaluations) pour améliorer la qualité des nouveaux projets, facteur déterminant de réussite. Pour réduire encore davantage les risques initiaux, la Banque pourrait commencer plus souvent par consentir des prêts pilotes avant d'appuyer financièrement les grands projets. Pour devenir vraiment efficace, le processus d'exécution des projets devra être plus transparent, et l'«optimisation des ressources» être la première considération présidant à chacune des étapes. D'ailleurs, la mise en place de mécanismes d'exécution plus transparents pourrait aussi se révéler être la meilleure manière de lutter contre la corruption.

Au cours de l'exercice 1996, afin d'intégrer une proportion plus grande de contrôle et d'évaluation dans les activités de la Banque, M. Wolfensohn a créé le Groupe du contrôle de la qualité, qui devait fournir aux chefs de service des évaluations indépendantes de leur travail. Le Rapport annuel sur les résultats du portefeuille, établi par le personnel opérationnel de la Banque, contient aussi des évaluations rétrospectives des opérations courantes. De plus, les cadres reçoivent instruction d'évaluer eux-mêmes leurs propres travaux achevés, et le Département de l'évaluation rétrospective des opérations a reçu le mandat d'évaluer indépendamment un échantillon représentatif des opérations terminées. Les quatre buts du processus de l'ODE sont :

Un suivi et une évaluation rétrospective efficaces sont absolument essentiels à l'obtention de résultats sur le terrain. Au cours des prochaines années le plus difficile sera de faire en sorte que les emprunteurs deviennent vraiment parties prenantes dans l'amélioration de l'efficacité de l'aide. Le critère ultime à cet égard devrait être la satisfaction des bénéficiaires. Pour cela, il faudra faire participer davantage les emprunteurs au processus de suivi et d'évaluation. Il est donc indispensable de rehausser leur capacité à évaluer les projets (en formant du personnel sur place). Le Comité a été encouragé d'apprendre que les emprunteurs ont l'occasion de prendre part au processus d'évaluation indépendant de l'OED. De plus, on les incite à y faire participer les bénéficiaires locaux des projets. Le Sous-comité se réjouit de ce recours à une méthode plus participative.

(F) La restructuration de la Banque

C'est avec l'intention de restructurer la Banque que M. Wolfensohn en a assumé la présidence. L'un des principaux éléments de cette restructuration a été la décentralisation de l'institution et la création de réseaux régionaux grâce auxquels elle sera «mieux responsabilisée à l'égard de ses clients et plus souple dans l'application des multiples facettes de son savoir-faire en matière de développement10». La Banque formera des équipes interculturelles d'experts techniques qui concluront des ententes avec les équipes nationales travaillant sur le terrain. Les plans d'action dévoilés en février 1997, lors d'une réunion des administrateurs, montrent que la Banque a l'intention d'accroître la proportion de son personnel opérationnel, en le faisant passer de 52 p. 100 à 60 p. 100 de son effectif total. Ce plan prévoit également le licenciement de 500 à 700 employés et le recrutement de personnes possédant des compétences différentes. Toutefois, sa réalisation risque d'augmenter le budget d'administration de la Banque, particulièrement à court terme.

(G) La création d'institutions

Depuis quelques années, la «création d'institutions» est reconnue par la Banque mondiale comme étant une composante importante du développement. «Les efforts visant à promouvoir la réduction de la pauvreté, l'entreprise privée et la protection du milieu naturel exigent des gouvernements plus efficaces et l'instauration d'une société civile forte11». Faute d'un cadre de politique approprié, la croissance économique est difficile à réaliser et à maintenir. Ce cadre comprend : la primauté du droit, la protection des activités et des intérêts économiques légitimes, la responsabilisation du gouvernement devant les citoyens, des mesures efficaces de lutte contre la corruption, une approche participative au développement, un accès facile à l'information et aux services importants et un bon processus de prise de décisions.

M. Wolfensohn a beaucoup insisté sur la nécessité de lutter contre la corruption. Ce problème n'est pas nouveau pour la Banque, mais M. Wolfensohn l'a ramené à l'avant-scène dans le discours qu'il a prononcé devant le Conseil des gouverneurs, lors de l'assemblée annuelle de 1996 de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. «N'ayons pas peur des mots : nous devons nous attaquer au cancer de la corruption [...]. Pays après pays, ce sont les populations nous demandent d'agir à cet égard [...]. La corruption est un obstacle majeur au développement sain et équitable.»

(H) Les femmes dans le développement

D'après les estimations, la proportion des femmes parmi les pauvres absolus du monde serait de 70 p. 100. La Banque mondiale a été critiquée pour sa lenteur à reconnaître l'importance du rôle des femmes dans le développement. Toutefois, depuis le milieu des années 80, elle en tient compte très sérieusement. Au début, elle a surtout investi dans les domaines de la santé, de la population et de l'éducation. Depuis quelque temps, elle s'intéresse aussi aux femmes en tant que travailleuses. Par exemple, elle a lancé des projets de micro-financement, en vertu desquels de petits prêts sont consentis à des femmes pour leur permettre de créer une entreprise. De plus en plus, la Banque cherche à donner une place plus grande aux femmes dans ses projets et à attirer l'attention de l'opinion majoritaire sur elles en intégrant leurs préoccupations dans tous les aspects de ses activités.

(I) La coopération multilatérale

Le rapport du Groupe de travail sur les banques multilatérales de développement réclame une coordination et une coopération accrue de ces institutions entre elles et avec le FMI, de manière à diminuer les chevauchements d'activités et à améliorer la coordination sur le terrain. La Banque mondiale et le FMI ont annoncé en septembre 1995 leur intention de procéder à des examens conjoints de leurs dépenses. En outre, comme M. Wolfensohn l'a déclaré au Sous-comité, lui-même et M. Michel Camdessus, directeur général du FMI, se réunissent deux fois par mois. Lorsque M. Camdessus est absent, le FMI lui fait parvenir un document d'information.

LA NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE L'ACTION

Les résultats de l'évaluation de l'OED pour 1995, même s'ils indiquent une légère amélioration par rapport à l'année antérieure, ne traduisent pas un changement majeur par rapport au rendement habituel de la Banque. Sur les 264 opérations de prêt menées à terme et évaluées en 1995, 32 p. 100 ont abouti à des résultats insatisfaisants12. «Le programme d'amélioration du portefeuille est en marche, mais il faudrait beaucoup plus que les changements actuellement en cours pour en arriver à une amélioration sensible. Il y aurait lieu que la Banque se montre plus sélective lorsqu'elle accorde des prêts, et qu'elle tienne compte de des efforts des pays emprunteurs en faveur de la croissance et de la réduction de la pauvreté, ainsi que de leur engagement à assurer une exécution de qualité des projets de développement13

Le Sous-comité approuve l'adoption d'un tel ciblage des prêts. Cette section du rapport contient d'autres suggestions concernant : l'accroissement de la surveillance des projets assurée par des parlementaires; l'élaboration d'indicateurs objectifs de l'efficacité du développement; et l'instauration d'incitations financières à l'intention des gestionnaires qui réussissent à améliorer les résultats des projets.

(A) Vers un ciblage plus précis des prêts

Les facteurs qui revêtent le plus d'importance pour l'amélioration des taux de croissance et de réduction de la pauvreté et pour la hausse du rendement de la Banque en matière de prêts sont, pourrait-on dire, les situations et les politiques macro-économiques des pays emprunteurs eux-mêmes. Les pays bénéficiaires doivent faire preuve d'un engagement à l'égard du développement économique en appliquant des politiques saines et en gérant bien leur secteur public. Certes, la bonne performance de la Banque réduira les risques d'échec, mais il faut des efforts extrêmes pour surmonter un cadre d'exécution déficient dans un pays bénéficiaire.

Pour faire en sorte que les projets atteignent de hauts niveaux de rendement, il serait peut-être bon que la Banque soit plus sélective lorsqu'elle consent des prêts et qu'elle n'accepte d'établir des partenariats d'aide solide qu'avec les pays qui sont de véritables «bénéficiaires». Cela supposerait que seuls les pays ayant prouvé leur engagement en faveur de la croissance et de la réduction de la pauvreté (par une bonne gestion macro-économique) se verraient offrir une aide financière. Le Département de l'évaluation rétrospective des opérations de la Banque a même envisagé la possibilité de procéder à une annulation générale des projets de mauvaise qualité, qui représentent plus de 20 p. 100 du portefeuille de prêts actuel.

Il est urgent que les pays en voie de développement se montrent plus résolus à poursuivre les objectifs opérationnels de la Banque. Cet engagement pourrait se traduire par une prise en charge participative par le pays bénéficiaire (et éventuellement par les localités de ce pays) de la conception des projets et de l'évaluation rétrospective de l'aide. L'expérience montre que les programmes et les projets élaborés sur place réussissent mieux à tenir compte des contraintes institutionnelles intérieures et à répondre aux besoins des gens directement touchés. Par contre, le fait d'accorder des appuis financiers lorsque la participation est faible entraîne généralement une mauvaise utilisation des ressources, les projets aboutissant souvent à des échecs ou à des résultats très insatisfaisants. Le Sous-comité se réjouit que la Banque mette maintenant l'accent sur la prise en charge à l'échelon local. Toutefois, les ONG continuent de déplorer l'absence d'une telle participation locale aux prêts que la Banque accorde au titre du rajustement structurel. D'après M. Douglas Hellinger (The Development Group for Alternative Policies), la Banque devrait accepter d'écouter les bénéficiaires lorsqu'elle établit ses politiques d'ajustement structurel.

Les pays en voie de développement doivent veiller à assurer un niveau minimal de «saine conduite des affaires publiques», de manière à disposer d'un secteur public efficace, doté de mécanismes transparents de lutte contre la corruption, à limiter les dépenses militaires, à offrir un système juridique sain, à établir des droits de propriété clairement définis propres à protéger les activités et les intérêts économiques légitimes et à rendre le gouvernement plus responsable devant la population. Les pays qui ont le plus besoin d'aide sont souvent ceux qui sont le moins à même de l'absorber, en raison généralement de la faiblesse de leur capacité. Les bailleurs de fonds doivent collaborer avec les pays en développement au renforcement de ces capacités. La Banque cherche à promouvoir l'efficacité des gouvernements et le renforcement de la société civile, tout en luttant contre la corruption.

De l'avis du Sous-comité, il faut éviter de récompenser les pays en développement peu performants. L'aide à grande échelle ne devrait être accordée qu'aux États disposés à améliorer de façon marquée leurs méthodes de gouvernement en se libéralisant politiquement et économiquement. Par conséquent, le Sous-comité recommande :

Recommandation no 1 :

Que le gouvernement fédéral encourage la Banque mondiale à axer ses activités de prêts sur les pays qui acceptent de s'engager à une bonne gestion macro-économique, à la réduction de la pauvreté et à une bonne exécution des projets de développement en tenant compte du respect des droits de la personne et du niveau des dépenses militaires. Dans les pays où le cadre de politique et la capacité d'exécution des projets sont faibles, la Banque devrait envisager, plutôt que de consentir des prêts, de dispenser des services consultatifs et des services de création de capacités.

(B) Assurer une meilleure responsabilisation

Pour que les opérations de la Banque mondiale fassent l'objet d'une meilleure reddition des comptes, on pourrait songer à soumettre les projets de la Banque à un examen mené, sur le terrain, par des parlementaires de divers pays. Cet examen, qui tiendrait compte de l'opinion locale quant à la valeur des projets, permettrait de donner périodiquement «un coup de projecteur» sur les activités de la Banque, laquelle se devrait de faciliter le plus possible la tâche des parlementaires qui procéderaient à cette évaluation externe de l'efficacité de ses activités de développement. Le Sous-comité recommande :

Recommandation no 2 :

Que le gouvernement fédéral s'attache, à l'échelon multilatéral, à persuader les actionnaires de la Banque mondiale d'organiser annuellement une enquête détaillée sur un échantillon représentatif des projets d'aide au développement de la Banque. Cet examen devrait être effectué, en collaboration avec des représentants des ONG locales, par des représentants élus des pays parrains, quelques membres du Sous-comité ou des comités analogues d'autres Parlements, et porter principalement sur l'efficacité des projets. La Banque mondiale devrait envisager d'instituer un mécanisme officiel d'examen annuel de l'efficacité de ses opérations par un groupe international de parlementaires.

Dans l'intervalle, il y aurait lieu que le Sous-comité pousse plus loin son enquête sur la Banque mondiale, qu'il recueille des renseignements autres que ceux fournis par la Banque mondiale, les ONG et le gouvernement fédéral et qu'il se rende dans plusieurs pays où la Banque a exercé ses activités. Il faudrait en outre que le Sous-comité se fasse lui-même une opinion sur l'efficacité de la Banque. Il pourrait pour cela examiner les propres normes de performance de la Banque et en évaluer l'adéquation.

(C) L'élaboration d'indicateurs d'efficacité objectifs

Le Sous-comité considère comme très prioritaire l'élaboration d'indicateurs de l'efficacité opérationnelle qui soient à la fois objectifs et de haute qualité. Comme il est assez difficile de mesurer l'efficacité des flux de ressources non financières de la Banque, il faudrait apprécier les projets avec une rigueur analytique beaucoup plus grande, surtout en ce qui concerne la réduction de la pauvreté. Dans l'idéal, ces indicateurs mesureraient les écarts enregistrés, pendant une période déterminée (p. ex. cinq ans), sur les plans des revenus, de la santé, de l'éducation, de la consommation, de la richesse et de l'emploi. Les résultats obtenus pourraient servir à l'élaboration de projets de meilleure qualité et, de manière générale, à améliorer la reddition des comptes par les institutions comme la Banque mondiale.

Le Comité pour l'efficacité du développement (CODE) a fortement incité la direction de la Banque à élaborer des indicateurs de l'efficacité du développement de ce genre. Le Sous-comité préférerait toutefois qu'ils aient une portée plus large, soient internationalement reconnus et conçus ailleurs qu'à la Banque mondiale, de manière à ce qu'on puisse les appliquer à tous les types de projets d'aide multilatérale, voire bilatérale. Il recommande donc :

Recommandation no 3 :

Que le gouvernement fédéral, dans le cadre d'un forum multilatéral, incite la communauté mondiale à établir un ensemble d'indicateurs de l'efficacité qui soient objectifs, de haute qualité et internationalement reconnus, et qui permettent de mesurer exactement les effets de l'aide au développement dans les pays bénéficiaires.


1 La contribution financière totale du Canada au fil des ans, de plus de quatre milliards de dollars, est fort appréciable.

2 Banque mondiale, Strengthening the Effectiveness of Aid - Lessons for Donors, mai 1995, p. 1.

3 Robert Picciotto et Rachel Weaving, «Un nouveau cycle des projet pour la Banque mondiale?», Fi nances et Développement, décembre 1994, p. 43.

4 Il convient de noter qu'un certain nombre de projets évalués avaient des taux de rendement proches du seuil de 10 p. 100. Même s'ils ne répondaient pas aux critères d'efficacité de la Banque, les re sponsables de celle-ci croyaient qu'ils apportaient malgré tout des avantages tangibles, notamment pour la création d'institutions, aux pays bénéficiaires.

5 Bretton Woods Commission, Bretton Woods: Looking to the Future, juillet 1994, p. A-7.

6 Banque mondiale, «Increasing Development Effectiveness», World Bank News, 26 septembre 1966, p. 2.

7 GAO, World BanK: U.S. Interests Supported, but Oversight Needed to Help Ensure Improved Per formance, GAO/NSIAD-96-212, 26 septembre 1996.

8 Ibid., p. 8.

9 Ibid.

10 «A New World Bank Order», The Banker, octobre 1996.

11 Development Committee, Serving a Changing World, Report of the Task Force on Multilateral De velopment Banks, Washington (DC), 15 mars 1996, p. 8.

12 Banque mondiale, Département de l'évaluation rétrospective des opérations, «Résultats de l'éva luation de 1995», OED Précis, numéro 131, décembre 1996, p. 2.

13 Ibid., p. 1.


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