[Enregistrement électronique]
Le mardi 30 avril 1996
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Au nom des membres du comité, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Arthur Eggleton, ministre du Commerce international, C'est la première fois que vous avez l'occasion de vous adresser au comité.
Quand votre collègue, M. Axworthy, a comparu, il nous a présenté une si longue liste de choses que le comité pourrait faire que nous avons décidé par après qu'au lieu de nous appeler le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international nous pourrions nous appeler le comité en «séance permanente» des affaires étrangères et du commerce international. Si vous nous réservez un programme aussi lourd, nous pourrions siéger indéfiniment.
Soyez le bienvenu, et merci d'avoir accepté notre invitation. Je crois savoir que vous voudrez d'abord nous adresser la parole, après quoi nous pourrons vous poser des questions.
Vous vous souviendrez que le budget est à l'ordre du jour, mais le ministre répondra aussi à des questions sur ce que nous réservent nos négociations sur les droits compensateurs et les droits antidumping en matière de commerce international. Les membres du comité voudront peut-être poser d'autres questions ayant trait au commerce.
M. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président, membres du comité, de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
Permettez que je vous présente les gens qui m'accompagnent. Rob Wright, sous-ministre au commerce; Jim Judd, sous-ministre adjoint aux services ministériels; Tom MacDonald, directeur général du commerce avec les États-Unis; et John Fried, directeur général de la politique commerciale.
Monsieur le président, je profite de la possibilité qui m'est offerte non seulement pour vous faire rapport des progrès réalisés par le gouvernement, mais aussi pour recueillir vos conseils et suggestions sur les moyens d'améliorer nos façons de procéder.
[Français]
La mission fondamentale de notre politique commerciale est très simple, mais souvent oubliée: créer des emplois et des occasions d'affaires au profit des Canadiens.
[Traduction]
La mission fondamentale de notre politique commerciale est très simple, mais souvent oubliée: créer des emplois et des occasions d'affaires au profit des Canadiens. Parfois, cette simple vérité se perd dans les détails des droits et des recours et dans les menus détails des accords et des négociations - droits compensateurs et droits antidumping et tout le reste - mais, malgré tout, nous ne devons pas la perdre de vue. Commerce international est synonyme de création d'emplois au Canada.
Inutile pour moi de rappeler au comité l'importance du commerce extérieur dans notre économie: il génère un emploi sur trois au Canada et près de 37 p. 100 de notre PIB. Il y a quatre ans, il en représentait 26 p. 100. Si nous estimions être une nation commerçante alors et l'avons affirmé, nous pouvons dire que nous avons encore accru notre importance à ce titre.
Ces dernières années, notre tenue en matière de commerce international n'a été rien de moins que spectaculaire, et nos concitoyens, d'un océan à l'autre, peuvent être très fiers de ce qu'ils ont accompli. Dans sa plus récente édition, l'Observateur économique canadien déclare que le Canada est le plus gros exportateur des pays du G-7. Si nous avons, à juste titre, raison d'en être fiers, nous devons toutefois éviter de nous reposer sur nos lauriers.
Les succès du passé nous obligent à maintenir, voire à dépasser, notre performance. Pour continuer à offrir des emplois de qualité aux Canadiens, il nous faut viser plus haut, et nous nous y appliquons.
L'une des raisons de notre solide performance commerciale réside dans le fait que nous avons réussi à libéraliser nos échanges, que ce soit au sein de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, ou avec l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA. En uniformisant les règles du marché pour toutes les entreprises canadiennes, notre politique commerciale a permis à de nombreux exportateurs aguerris d'investir de nouveaux marchés et à bien des entreprises canadiennes d'exporter pour la première fois.
Quand elles en ont eu la possibilité, les sociétés canadiennes ont su faire preuve d'initiative et d'imagination pour trouver des moyens de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux, et pour en tirer profit. Elles sont les artisans de leur propre succès et leurs réalisations nous profitent à tous.
Cependant, il nous faut continuer à faire progresser nos exportations et, pour ce faire, nous devons considérablement augmenter le nombre des sociétés exportatrices et encourager les exportateurs actuels à prospecter de nouveaux marchés. Nous nous sommes fixés pour objectif de doubler le nombre d'entreprises exportatrices d'ici l'an 2000.
Mais la médaille a aussi un revers. Tout comme il doit augmenter ses ventes à d'autres pays, le Canada doit attirer sur son territoire des investissements étrangers directs de qualité, à fort contenu technologique.
[Français]
Plus d'un emploi sur dix au Canada et plus de la moitié des exportations canadiennes sont directement le fruit de l'investissement international dans notre pays.
[Traduction]
Plus d'un emploi sur dix au Canada et plus de la moitié des exportations canadiennes sont directement attribuables à l'investissement international dans notre pays. L'investissement étranger introduit les plus récentes technologies au Canada et rend les filiales canadiennes mieux aptes à soutenir la concurrence sur le marché mondial, et toutes les régions du pays en profitent.
Les membres du comité le savent, le flux des investissements étrangers ne coulera pas vers nous sans effort de notre part. Cet investissement est l'objet d'une âpre concurrence et, pour l'attirer et le conserver au Canada, nous devons tout aussi bien faire preuve de dynamisme qu'agir en bon stratège. Notre pays est la meilleure destination au monde pour l'investissement, et nous ne pourrons jamais cesser de répéter ce message.
Il nous faut absolument offrir aux étrangers un climat d'investissement sans égal. C'est la raison pour laquelle nous sommes déterminés à réduire le déficit et que nous nous employons à alléger le fardeau de la réglementation, à abattre les obstacles au commerce interprovincial et à mettre fin aux différends et aux règlements qui restreignent l'activité commerciale et les entrepreneurs.
Aujourd'hui, j'aimerais très brièvement vous présenter les priorités de notre gouvernement au chapitre du commerce international, puis vous dire en quoi le budget des dépenses principal cadre avec ces priorités.
Pour assurer le développement continu de notre commerce extérieur, nous avons cerné trois priorités clés: tout d'abord, gérer efficacement notre relation commerciale la plus importante, notre partenariat avec les États-Unis; ensuite, libéraliser le commerce mondial et l'encadrer par des règles claires et équitables. À cette fin, nous mettons à contribution l'Organisation mondiale du commerce; et en troisième lieu, permettre aux compagnies canadiennes de tirer profit des avantages du marché international, c'est-à-dire soutenir ces compagnies à l'étranger, les aider à prospecter de nouveaux marchés, leur apporter une aide financière au besoin et attirer de nouveaux investissements au Canada.
Ces priorités, nous ne les avons pas inventées. Elles ont été établies après des consultations poussées auprès de nos partenaires de l'industrie canadienne et des administrations provinciales, et nous perpétuerons cette tradition de collaboration dans la poursuite de ces objectifs prioritaires.
Rien de surprenant que notre relation commerciale avec les États-Unis doive être notre principale priorité: 80 p. 100 de nos exportations - plus de 80 p. 100 - leur sont destinées. En fait, nos échanges bilatéraux quotidiens avec les États-Unis totalisent un milliard de dollars. Nous sommes leur plus important partenaire commercial et inversement.
Le climat commercial relativement stable et prévisible créé par l'ALENA et l'OMC a favorisé une expansion énorme du commerce entre le Canada et les États-Unis. Nos exportations vers ce pays ont augmenté de plus de 90 p. 100 au cours des neuf dernières années, stimulées par l'ALENA et l'ALE l'accord qui l'a précédé.
Au fil du temps, nous sommes parvenus à couvrir des pans de plus en plus larges de nos échanges bilatéraux avec les États-Unis par des règles mutuellement convenues. Toutefois, comme de récents événements nous l'ont montré, nous avons encore beaucoup à faire pour bâtir avec nos amis américains une relation commerciale qui soit totalement encadrée par des règles.
Par exemple, nous continuerons à défendre l'idée que les lois antidumping et les mesures compensatoires n'ont pas leur raison d'être dans une zone de libre-échange et, bien que nous n'en ayons pas encore convaincu les États-Unis, nous nous attacherons à édifier une relation commerciale bilatérale débarrassée de ces moyens de rétorsion. C'est l'un des objectifs clés que nous viserons lors de l'élargissement et du renforcement de l'ALENA.
Le récent litige à propos du bois d'oeuvre est un excellent exemple. L'entente que nous avons conclue est la meilleure possible dans une mauvaise situation. Nous faisions face à une menace réelle, de la part des États-Unis, d'imposer des droits compensateurs sur tout le bois d'oeuvre du Canada. Par l'entente conclue le 2 avril 1996, les États-Unis se sont engagés à ne pas prendre de mesures commerciales ni à appliquer de droits compensateurs à l'égard de nos exportations de bois d'oeuvre pendant les cinq prochaines années.
C'est une bonne nouvelle pour les fabricants de bois d'oeuvre canadiens, en ce qu'ils n'auront pas à craindre de recours de la part des Américains, recours qui se seraient traduits par l'imposition de droits de douane élevés et qui auraient forcé les entreprises canadiennes à verser des millions de dollars en droits au Trésor américain.
Grâce à cette entente, nous jouissons encore d'un accès assuré au marché américain, à un niveau d'exportation qui atteint ou même dépasse la moyenne des exportations de bois d'oeuvre pour 1992, 1993 et 1994. Ainsi, l'entente protège les emplois au Canada.
Ces principes - l'encadrement du commerce par des règles et la disparition des mesures compensatoires - animent aussi notre action dans d'autres tribunes multilatérales et régionales, comme l'OMC et le forum de Coopération économique Asie-Pacifique, l'APEC. Nous participons également à des discussions sur la libéralisation régionale lorsqu'elle favorise les intérêts du Canada. Dans cette optique nous prévoyons, d'ici 2005, négocier une zone de libre-échange des Amériques, participer aux activités de l'APEC et nous consacrer à l'instauration d'une entente engageant le Canada, les États-Unis et l'Union européenne.
Sur le plan bilatéral, nous négocions en ce moment des accords de libre-échange avec Israël et le Chili, dans ce dernier cas pour préparer la voie à l'éventuelle accession de ce pays à l'ALENA.
Dans notre cheminement vers un système commercial bien encadré par des règles, nous pouvons nous attendre à des divergences sur certaines définitions comme celles de dumping, de subvention et de mesure compensatoire. Nous les avions prévues dans le cas de l'ALENA et créé des groupes de travail pour s'en occuper.
Par tous ces moyens - l'ALENA, l'OMC et les accords régionaux - nous avons tenté d'ouvrir aux compagnies canadiennes l'accès aux marchés étrangers dont elles ont besoin. Mais la bataille n'est pas gagnée pour autant. Les entrepreneurs canadiens doivent être renseignés sur les débouchés qui s'offrent à eux et ils doivent être soutenus dans leurs efforts en vue d'établir des têtes de pont sur ces nouveaux marchés, tandis que les investisseurs étrangers doivent être mis au fait de l'intérêt du Canada comme destination de l'investissement. Nous agissons dans tous ces domaines.
Les Canadiens sont bien au courant de l'énorme succès des missions du premier ministre et de l'Équipe Canada à l'étranger. La plus récente mission en Asie du Sud-Est a fait ressortir les mérites de cette approche unie, qui a abouti à la conclusion, pour les compagnies canadiennes, de nouveaux contrats d'une valeur approximative de neuf milliards de dollars; ceci s'ajoute à quelque 13 milliards de dollars générés par les deux missions antérieures de l'Équipe Canada en Chine et en Amérique du Sud.
Notre gouvernement n'a pas l'intention de s'arrêter là et, comme il est dit dans le discours du Trône, le premier ministre conduira d'autres missions de ce genre à l'avenir.
Ces missions sont une bonne illustration de tout ce que les Canadiens peuvent accomplir lorsqu'ils mettent tous l'épaule à la roue. Pour chaque tranche d'un milliard de dollars de retombés attribuables aux missions de l'Équipe Canada, évaluées respectivement à 20 milliards et 21 milliards de dollars chacune, 11 000 emplois ont été créés pour des Canadiens.
Nous devons maintenant adopter la même formule au même multiplier par deux, d'ici l'an 2000, le nombre de compagnies qui commercent avec l'étranger.
À cette fin, nous avons formé une Équipe Canada nationale, avec des partenaires des ministères et organismes fédéraux concernés - et il y a un grand nombre de ministères fédéraux qui s'occupent de commerce - ainsi que des provinces et du secteur privé, il va sans dire.
La mission de l'Équipe Canada nationale, qui poursuit les efforts de l'Équipe Canada, est simple: aider les exportateurs actuels à trouver de nouveaux débouchés et veiller à ce que tous les exportateurs canadiens aient accès aux meilleurs renseignements possibles sur les marchés mondiaux.
Au cours des trois prochains mois, tous les partenaires, à savoir le fédéral, les provinces et le secteur privé, détermineront ensemble les secteurs et les marchés que nous devrons cibler. La mission de l'Équipe Canada consistera à repérer, préparer et aider les entreprises ayant la capacité d'exporter ainsi qu'à stimuler leur intérêt pour les marchés étrangers.
Nous allons innover sur ce front, et même créer des postes apparentés aux charges de compte pour rechercher des entreprises et les amener à se faire connaître sur le marché, à exporter. Nous allons leur ouvrir l'accès à tous les programmes d'aide à l'exportation et faciliter leur engagement dans le domaine de l'exportation.
Pour en avoir au maximum pour notre argent, notre aide directe au financement du développement du commerce international sera destinée principalement aux petites et moyennes entreprises dynamiques.
Le succès des exportations passe, en dernier recours, par l'accès à un financement concurrentiel, qui détermine souvent si une société peut ou ne peut pas exporter. En cette période où les ressources diminuent, où les pouvoirs publics ne peuvent plus fournir tout le financement qu'ils voudraient offrir ou dont les compagnies auraient besoin, nous devons trouver une approche plus créative et imaginative. Les vieilles recettes de l'ancien temps, où les commandes à l'exportation étaient achetées avec un financement lourdement subventionné, doivent céder la place à de nouvelles formes de partage du risque avec le secteur privé.
Nous sommes conscients de ces nouvelles réalités et, par l'intermédiaire de la Société pour l'expansion des exportations, la SEE, nous nous attachons à élargir le système de financement des exportations en augmentant l'effet de levier des ressources des secteurs public et privé grâce à des méthodes innovatrices.
Nous tentons également de trouver des moyens d'encourager les institutions financières canadiennes à participer davantage au financement des exportations. Certaines banques ont déjà commencé à nouer des liens serrés avec la SEE, et nous aimerions que ces relations se transforment en de véritables partenariats de partage des risques.
Avant d'aborder le budget des dépenses principal, permettez-moi de vous faire un bref résumé sur la dernière réunion des ministres de la Quadrilatérale à Kobe, au Japon. Comme vous le savez, la Quadrilatérale est une rencontre informelle des ministres du Commerce international de l'Union européenne, du Japon, des États-Unis et du Canada. C'est une tribune importante pour le Canada, car elle lui donne l'occasion de discuter d'égal à égal avec les grandes puissances commerciales du monde.
À Kobe, nous avons discuté de ce que nous attendons de la réunion des ministres du Commerce de l'OMC à Singapour, et nous avons convenu de travailler ensemble à plusieurs initiatives visant une plus forte libéralisation du commerce. Cela suppose la négociation d'un accord sur la technologie de l'information, une accélération éventuelle des réductions tarifaires acceptées dans le Cycle d'Uruguay et l'examen de diverses options concernant la réduction des droits.
Les ministres de la Quadrilatérale sont d'avis que le succès de la conférence de Singapour sera un facteur déterminant qui rehaussera la crédibilité de l'OMC et confirmera la bonne santé d'un régime commercial qui est né avec le GATT L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, voilà près de 50 ans.
Revenant maintenant au Budget des dépenses principal, je voudrais souligner que, comme le reste de l'appareil gouvernemental, nous évoluons dans un milieu budgétaire plus austère. Comte tenu de l'importance du commerce pour le Canada, le défi pour nous consiste à agir aussi prudemment que possible sans fermer des débouchés aux compagnies canadiennes à l'étranger. Nos ressources se raréfient, mais nous intensifions nos activités.
Pour 1996-1997, le budget des dépenses du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, s'établit à 1,37 milliard de dollars, dont 313 millions seront consacrés à des activités liées au développement du commerce international ainsi qu'aux politiques économique et commerciale. Ce chiffre comprend les budgets des directions de l'Administration centrale chargées du développement du commerce international et des politiques économique et commerciale, ainsi qu'environ 190 millions de dollars destinés aux missions à l'étranger.
Lors de la première phase de l'Examen des programmes, notre ministère devait réduire son budget de 44 millions de dollars en 1995-1996, chiffre qui devrait passer à 121 millions de dollars en 1997-1998. De ces montants, 31 millions proviendront des activités du Développement du commerce international et des Politiques économique et commerciale.
Pour parvenir à cette économie de 31 millions, il faudra diminuer le financement du Programme de développement des marchés d'exportation, le PDME, éliminer 15 postes canadiens à l'étranger et réduire le Programme de développement du commerce international. Nous demanderons égalememt aux sociétés du secteur privé qui participent aux foires commerciales d'assumer une portion des coûts.
Comme le plus récent budget fédéral l'a annoncé, le ministère devra contribuer davantage à la réduction du déficit en procédant à une autre ponction de 32,6 millions de dollars de son budget à partir de 1998-1999. La façon d'y parvenir fait actuellement l'objet d'un examen ministériel exhaustif. Mon collègue Lloyd Axworthy vous en a peut-être déjà parlé. Ensemble, nous vous communiquerons ultérieurement les résultats de cet examen.
Pour terminer, je voudrais ajouter que la réputation de puissance commerciale du Canada est bien établie et continue de grandir. Les Canadiens ont prouvé leur aptitude à affronter le monde et à gagner. À titre de gouvernement, notre rôle est de consolider nos acquis, d'ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises canadiennes, d'encourager plus de compagnies canadiennes à vendre à l'étranger et de continuer à promouvoir le Canada comme un merveilleux pays où investir. Je m'engage à consacrer tous mes efforts à la réalisation de ces objectifs, et je sais que, chemin faisant, je pourrai toujours compter sur votre soutien.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre.
Je vous rappelle à tous que le ministre sera des nôtres pendant une heure. Lorsqu'un ministre comparaît, chacun des membres du comité se voit normalement attribuer 10 minutes pour poser ses questions lors du premier tour; celui-ci durera donc 30 minutes. En étant plus bref ou en partageant son temps de parole avec un collègue, chacun pourra intervenir.
Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Sauvageau (Terrebonne): Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir accepté de venir témoigner. Comme mes collègues du Bloc québécois l'ont souligné plus tôt, nous aurions beaucoup apprécié avoir une rencontre spécifique sur la question des droits compensateurs et des droits antidumping. Nous espérons que vous pourrez revenir dans les plus brefs délais pour qu'on puisse discuter exclusivement de ces droits si votre horaire vous le permet. Je vous rappelle qu'en juin et décembre derniers, ces rencontres étaient déjà prévues.
J'ai deux petites questions à vous poser et je vais vous laisser le loisir d'y répondre par la suite.
À la page 7 de la version française de votre déclaration, il semble y avoir une erreur dans les chiffres. Ce paragraphe se lit comme suit:
- Pour 1996-1997, le budget des dépenses du Ministère s'établit à 1,37 milliard de dollars, dont
313 millions seront consacrés à des activités liées au développement du commerce international
ainsi qu'aux politiques économique et commerciale. Ce chiffre comprend les budgets des
directions de l'Administration centrale chargées du développement du commerce international
et des politiques économique et commerciale, ainsi qu'environ 190 millions destinés aux
missions à l'étranger.
En deuxième lieu, j'ai une question concernant les groupes de travail mis sur pied dans le cadre de l'ALENA et de l'Accord de libre-échange au sujet des droits compensateurs et des droits antidumping en matière de recours commerciaux. Ces groupes de travail ont en principe pour but d'en arriver à une harmonisation dans ces domaines dans des délais raisonnables.
Ces dernières années, les États-Unis se servent de plus en plus des recours commerciaux en matière de droits compensateurs et de droits antidumping comme d'une barrière non tarifaire vis-à-vis des produits canadiens.
En effet, avec l'ouverture croissante des marchés entre les États-Unis et le Canada et l'abolition graduelle des tarifs sur l'ensemble des produits qui s'ensuit, on assiste à une nouvelle forme de protectionnisme américain. Cet aspect de notre relation commerciale avec les États-Unis devient donc de plus en plus un sujet d'inquiétude ou un problème important pour nos entreprises désireuses d'accéder à ce grand marché.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer pourquoi aucun résultat tangible n'a encore été atteint dans ce dossier, dont les enjeux sont très importants, malgré le fait que la date limite fixée pour en arriver à un accord était le 31 décembre dernier?
De même, pouvez-vous nous dire si, comme le ministre des Finances, vous jonglez avec l'idée de faire adopter dans un proche avenir - espérons qu'il sera plus proche que les conclusions du premier accord - une loi semblable à celle des États-Unis en matière de recours commerciaux au chapitre des droits compensateurs et des droits antidumping?
J'espère que vous allez avoir le temps, dans les minutes qui restent, de répondre à ces questions.
[Traduction]
M. Eggleton: Je vous remercie.
Votre première question porte sur notre budget de dépenses. Il est bien vrai que 313 millions de dollars plus 190 millions de dollars ne font pas 1,37 milliard de dollars. Où est passé le reste? Je rappelle que le ministère résulte du fusionnement du ministère des Affaires étrangères et du ministère du Commerce international. Le reste du budget sert donc à financer les activités relevant de mon collègue Lloyd Axworthy, et parmi lesquelles figurent nos missions à l'étranger et les opérations de maintien de la paix.
La somme de 1,37 milliard de dollars représente donc le budget total de l'ensemble du ministère. Les deux autres chiffres que je vous ai cités se rapportent plus spécifiquement à la composante commerce international.
Votre deuxième question porte sur le protectionnisme américain ainsi que les recours commerciaux et les droits compensateurs. Nous semblons avoir décelé une tendance à cet égard. Chaque fois qu'on tient des élections aux États-Unis - et elles reviennent assez souvent à notre goût - il est fait grand cas du protectionnisme, mais l'année suivante, les discussions reprennent leur cours normal. Blague à part, le problème des recours commerciaux se pose chaque année et pas seulement les années d'élections.
Un groupe sur les recours commerciaux a été créé au moment de la signature de l'ALENA, et comme je le soulignais dans ma déclaration, en avalisant la création de ce groupe, le gouvernement espérait qu'il recommanderait l'élimination des droits compensateurs et des droits antidumpings qui sont contraires aux principes du libre-échange. Nous nous opposons à ces droits. Les Américains ne veulent cependant pas en démordre. Ils tiennent à pouvoir invoquer ces mesures quand ils estiment que c'est dans leur intérêt de le faire.
Nous espérions donc que le groupe de travail sur les recours commerciaux permettrait de faire progresser ce dossier. Nous pourrons d'ailleurs sous peu vous faire rapport des progrès réalisés dans ce domaine. Un rapport, encore en préparation, sera bientôt rendu public.
Je peux cependant vous dire d'avance que nous n'aurons pas satisfaction sur toute la ligne. Pour nous, la publication de ce rapport ne signifiera pas le fin mot de l'affaire. Il faudra continuer d'insister pour que les recours commerciaux soient limités ou supprimés dans le cadre de l'ALENA.
J'ai aussi cru comprendre que vous voudriez voir le gouvernement faire preuve de plus de fermeté. Je crois que vous songiez à des mesures de représailles. Cette possibilité sera envisagée dans le cadre de l'examen de la Loi sur les mesures spéciales d'importation prévu cette année. Ces mesures, soit les droits compensateurs, ne seront cependant pas de mon ressort, mais plutôt du ressort conjoint des ministres des Finances et du Revenu.
J'ai cependant discuté de la question avec mes collègues puisque le recours à ces mesures entraîne aussi des conséquences dans mon domaine. Un examen de la question sera donc entrepris. Je ne peux pas pour l'instant vous fournir d'échéancier, mais l'examen sera certainement l'occasion de nous demander si nous souhaitons des changements aux dispositions pertinentes de la loi.
J'ose espérer que nous n'aurons pas à recourir à des représailles, mais c'est une possibilité qui sera certainement envisagée dans le cadre de l'examen dont je vous parle.
Le président: M. Mills.
M. Mills (Red Deer): Je vous remercie, monsieur le président.
À la suite de mon collègue du Bloc, je vais maintenant vous poser trois questions, et j'espère que vous pourrez répondre à chacune d'elles.
Je crois d'abord ne pas avoir à rappeler à qui que ce soit que 80 p. 100 de nos échanges commerciaux s'effectuent avec les États-Unis. Nous sommes aussi tous conscients que l'ALENA et l'ALE ONT des faiblesses, ce que reconnaît, d'ailleurs qui faisait ressortir quatre points sur lesquels nous aimerions des améliorations: code régissant les subventions, un code antidumping, un meilleur mécanisme de règlement des différends et un niveau de protection égal dans le domaine de l'énergie à celui consenti au Mexique.
Le ministre pourrait-il brièvement nous expliquer les progrès qui ont été réalisés en ce qui touche ces quatre points. Le cas du bois d'oeuvre résineux est un exemple de fiasco qu'on a cherché à prévenir sans vraiment y parvenir.
Ma deuxième question porte sur la gestion de l'offre. C'est une pomme de discorde entre le Canada et les États-Unis. Le sujet intéresse de nombreuses personnes. Le ministre peut-il nous dire s'il compte recommander au gouvernement de respecter une décision qui nous serait éventuellement défavorable dans cette affaire. Certains sont d'avis que nous devrions peut-être faire traîner les choses en longueur. Quelle que soit la décision qui sera rendue, elle risque d'avoir de graves conséquences pour nous.
Ma troisième question porte sur les prévisions budgétaires. Dans votre déclaration, vous recommandez que le ministère canalise ses ressources vers les marchés prometteurs en pleine croissance. J'ai donc été surpris de voir qu'on propose dans le budget de réduire de sept millions de dollars les crédits affectés au développement des marchés dans la région Asie-Pacifique et d'augmenter de huit millions de dollars les crédits affectés au développement des marchés en Europe. Je ne vois pas la logique de cette décision.
S'il me reste encore du temps quand vous aurez terminé de répondre à ces questions, je vous en poserai d'autres.
M. Eggleton: Avez-vous aussi posé une question au sujet du bois d'oeuvre résineux ou y avez-vous simplement fait allusion?
M. Mills: Dans ma circonscription, la décision sur le bois d'oeuvre résineux a suscité un véritable tollé. Les quotas posent de graves problèmes aux petits producteurs par opposition aux grands producteurs. Les premiers ne trouveront plus preneurs pour leur bois d'oeuvre résineux.
M. Eggleton: Votre question porte donc sur le régime des quotas.
M. Mills: Je signale simplement le fait qu'un problème grave se pose si nous avons dû nous résigner à un tel accord.
M. Eggleton: Le rapport du groupe de travail sur les recours commerciaux traitera des questions que vous soulevez, soit les subventions, les droits antidumping et le mécanisme de règlement des différends. Elles faisaient partie du mandat confié au groupe, mandat qui a expiré en décembre. Le rapport sera rendu public sous peu.
Comme je l'ai dit plus tôt, il ne faudra pas s'attendre à des merveilles. Je pourrai cependant vous en dire davantage là-dessus après la publication du rapport. Pour l'instant, il ne s'agit encore que d'une ébauche.
Le groupe de travail ne s'est cependant pas penché sur la question de la protection en ce qui touche l'approvisionnement énergétique, mais le gouvernement a fait valoir au moment de la signature de l'ALENA que celui-ci ne devait pas contrevenir à nos intérêts nationaux. Le premier ministre a pris l'engagement à l'époque de protéger les intérêts canadiens dans ce domaine.
Je me permets de faire remarquer que l'industrie du bois-d'oeuvre nous a pressé de signer une entente avec les États-Unis pour empêcher l'imposition de droits compensateurs. L'industrie préférait l'entente que nous avons signée à des droits compensateurs.
Cela étant dit, certains producteurs se préoccupent effectivement des quotas. En fait, tous les producteurs s'en préoccupent.
M. Mills: Ce sont surtout les petits producteurs qui vont être touchés.
M. Eggleton: J'en conviens.
Nous allons mener des consultations auprès des diverses associations de producteurs afin d'établir quelles ont été jusqu'ici les exportations de ces producteurs vers les États-Unis.
Nous procéderons sous peu à ces consultations. Nous mettons actuellement sur pied le processus à cette fin.
Nous consulterons aussi les provinces.
Nous espérons être en mesure d'annoncer vers la fin juin comment les quotas seront attribués en vertu de la formule.
Nous procéderons donc à de très nombreuses consultations.
Comme vous le voyez, nous tâcherons d'être justes et équitables envers tous les exportateurs. Compte tenu de l'importance que nous attachons à la PME, nous nous pencherons tout particulièrement sur le cas des entreprises dont vous vous préoccupez.
M. Mills: Bon nombre de petits producteurs vendaient leurs produits par l'intermédiaire des grands producteurs. Ils seront maintenant exclus du marché. Ce droit de 10 p. 100 exclura du marché les petits producteurs et non pas les gros.
M. Eggleton: Il y a les exportateurs primaires, les entreprises de fabrication secondaire et ensuite les grossistes. Il faudra revoir tout le système.
Fort heureusement, le service du contrôle des exportations connaît bien le domaine. J'ai discuté avec les responsables du service l'autre jour et je suis convaincu qu'ils trouveront une solution juste et raisonnable. J'y veillerai d'ailleurs.
Pour ce qui est de la gestion de l'offre, les produits visés sont évidemment les produits laitiers et la volaille. Un comité spécial constitué en vertu du chapitre 20 de l'ALENA étudie actuellement la gestion de l'offre.
Qu'adviendra-t-il si nous n'avons pas gain de cause?
Nous nous attendons à avoir gain de cause. Nous sommes convaincus de la solidité de nos arguments et nous estimons que la gestion de l'offre ne contrevient pas aux dispositions de l'accord. Nous estimons également respecter les engagements que nous avons pris à l'OMC en ce qui touche les droits de douane. Nous avons donc bon espoir d'avoir gain de cause.
Notre réaction à la décision sera évidemment fonction de celle-ci. Pour l'instant, nous sommes convaincus de gagner.
Vous avez fait remarquer le fait qu'il y avait augmentation du budget pour l'Europe et diminution pour la région Asie-Pacifique. Je vous rappelle qu'il s'agit du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Comme vous le savez, la plupart de nos opérations de maintien de la paix ont été menées en Europe. C'est la composante Affaires étrangères du ministère.
Nous continuons à attacher beaucoup d'importance à nos relations commerciales avec l'Europe et comme je le faisais remarquer dans ma déclaration, nous concevons actuellement un plan d'action dans ce domaine. L'année prochaine, nous insisterons davantage sur nos relations avec les pays de la région Asie-Pacifique. Nous présiderons en 1997 l'APEC et pendant toute l'année nous axerons nos efforts vers cette région. Des activités de toutes sortes, dont des activités à caractère culturel, seront mises en oeuvre au cours de l'année pour bien faire connaître le Canada dans cette région du monde. Les exportateurs de la côte Ouest sont peut-être davantage conscients que ceux de la côte Est des perspectives qu'offrent ces marchés, mais nous ferons en sorte que leur importance n'échappe à aucun Canadien.
Nous tâcherons donc de bien informer tous les Canadiens des possibilités qu'offrent les marchés de la région Asie-Pacifique. Nous ciblerons cette région dans nos efforts de promotion commerciale.
Le président: Compte tenu de l'importance de sa population d'origine asiatique, je sais que vous considérez Toronto, monsieur le ministre, comme la plus importante ville du Canada de la région du Pacifique.
M. Eggleton: Vous pouvez vous permettre de dire cela beaucoup mieux que l'ancien maire de Toronto.
Le président: Je vous remercie, monsieur Mills. Monsieur Speller.
M. Speller (Haldimand - Norfolk): Monsieur le président, les deux partis d'opposition ont posé des questions dans la même veine que les miennes. J'aimerais remercier le ministre d'avoir bien voulu comparaître devant le comité et je remercie aussi Jesse de me permettre de poser ma question.
J'ai été heureux d'entendre le ministre nous dire que la Loi sur les mesures spéciales d'importation allait faire l'objet d'un examen. Bien que cette loi relève des ministères des Finances et du Revenu, je suis convaincu que le soutien de votre ministère leur est nécessaire pour mener à bien cet examen. Je suis d'ailleurs sûr qu'ils peuvent compter sur votre soutien.
J'ai attiré votre attention à plusieurs reprises sur l'importance que revêt l'industrie sidérurgique pour ma circonscription. Je vous ai part ainsi qu'aux autres membres du caucus de mes préoccupations au sujet des droits anti-dumping. Les formalités auxquelles doivent se plier les entreprises canadiennes souhaitant exporter leurs produits vers les États-Unis ne se comparent pas à celles auxquelles nous soumettons les entreprises américaines qui veulent vendre leurs produits chez nous. À titre d'exemple, on demande aux entreprises canadiennes de remplir 10 exemplaires d'un document de 331 pages alors que les entreprises américaines n'ont à remplir que deux exemplaires d'un document de 78 pages.
J'ai aussi été heureux de vous entendre dire que le gouvernement attache beaucoup d'importance aux groupes de travail qui ont été constitués ainsi qu'à l'engagement qu'il a pris dans le livre rouge pour régler les litiges commerciaux qui nous opposent aux États-Unis.
Monsieur le ministre, si les groupes de travail ne règlent pas certains de ces problèmes - et vous avez laissé entendre que nous n'aurions pas gain de cause sur toute la ligne - , je me demande si nous ne devrions pas prendre exemple sur les États-Unis et aligner nos règlements antidumping et nos formalités administratives sur les leurs. Je ne pense pas que ce soit nos industries qui y perdraient au change, mais plutôt les cabinets américains de Washington qui se spécialisent dans les litiges commerciaux.
Le président: Tous ces formulaires coûtent aussi très cher à leurs clients.
M. Speller: En effet.
L'un des objectifs des groupes de travail est d'apaiser les irritants commerciaux. Je me demande quelles sont les solutions qui ont été proposées par ces groupes afin de rendre les lois sur les recours commerciaux plus transparentes et finalement de les simplifier. Il faudrait faire en sorte que les entreprises n'aient pas besoin de recourir à tous ces avocats de Washington pour les aider à s'y retrouver dans toutes ces lois.
M. Eggleton: Je vous rappelle encore une fois que le groupe de travail portant sur les recours commerciaux n'ont pas encore publié ses conclusions. Le rapport est toujours en préparation. Nous examinons toujours la question. Je me permets cependant de vous dire que nous sommes encore loin d'avoir atteint notre objectif. Je ne peux cependant vous en dire davantage, mais j'espère que vous aurez ce rapport très bientôt.
Quant à ce différend dans le domaine de l'acier, et cela vaut pour tous les différends, si nous n'obtenons pas gain de cause auprès d'un comité comme le groupe de travail sur les recours commerciaux, il faudra essayer d'améliorer le régime réglementaire au cas par cas et essayer d'éliminer le plus possible le recours aux droits compensateurs et aux droits antidumping.
J'espère que ce sera possible pour l'acier. Beaucoup d'acier transite dans les deux sens. C'est comme l'industrie automobile, qui en consomme beaucoup. Il devrait pouvoir circuler librement comme les automobiles.
Ce serait ma priorité, voir si nous pouvons éliminer ce problème concernant l'acier plutôt que de susciter encore d'autres frictions invoquant la Loi sur les mesures spéciales d'importation ou d'autres mesures pour leur rendre la pareille. Je ne pense pas que l'on aboutirait à grand-chose. Nous ne sommes qu'un petit marché pour eux. Une telle mesure ne toucherait pas autant leurs entreprises que les nôtres.
N'oubliez pas que ce sont les entreprises du secteur canadien de l'automobile - et je les ai convoquées - celles des pièces automobiles en particulier, qui ont particulièrement réussit bien et qui ont créé des milliers d'emplois, qui seraient obligées de remplir ces rapports de 300 pages. Nous nous retrouverions dans une situation qui irriterait les entreprises canadiennes et qui mettrait certaines d'entre elles dans une situation précaire.
Je n'écarte donc pas cette possibilité. Je sais que M. Telmer a dit, par exemple, utilisons-la comme jeton de marchandage. Certes, l'examen prévu dans la Loi sur les mesures spéciales d'importation nous donne la possibilité d'examiner la chose de plus près. J'espère toutefois que nous tâcherons d'abord d'éliminer cet irritant.
M. Speller: Merci.
J'ai également été heureux que vous parliez de toute la question de la gestion de l'offre. Lors de notre dernière réunion, nous avons eu une question du Parti réformiste - le président s'en souviendra - à ce sujet. Le Parti réformiste n'était pas d'accord avec nous là-dessus car nous avions pris une position très ferme qui est appuyée en fait par tous les secteurs auxquels s'applique la gestion de l'offre. Nous vous remercions d'avoir pris cette position.
Quand nous considérons d'autres secteurs, on peut voir là une façon qui permette au secteur privé de collaborer avec les autorités publiques à l'élaboration de certaines positions, etc. Y a-t-il d'autres exemples semblables au sein de votre ministère, d'autres secteurs qui viennent discuter avec le ministère de la position à présenter? Il me semble que cela nous permet d'avoir une position beaucoup plus ferme. C'est certainement une position qui a retenu l'attention des Américains. À mon avis, nous allons gagner là-dessus.
M. Eggleton: Je suis d'accord. Nous devrions gagner. Nos arguments sont bons. Nous consultons ce secteur ainsi que les producteurs laitiers et les agriculteurs. Nous sommes fréquemment en contact avec eux. En fait, j'ai parlé à certains d'entre eux tout récemment. Le ministre de l'Agriculture, qui est un grand défenseur du système de gestion de l'offre, est fréquemment en contact avec eux et nous présentons des arguments très solides qui à mon avis devraient nous permettre de gagner. J'espère que tout le monde appuiera notre effort à cet égard.
Le processus de consultation est très important en matière de commerce international. Nous ne sommes pas là pour mener à bien une politique du gouvernement mais pour mettre au point une politique qui aide nos industries.
La meilleure façon de déterminer ce qui les aidera est évidemment de les consulter. Ainsi, dans tous les grands secteurs dans lesquels les Canadiens ont la possibilité de vendre des produits ou des services à l'étranger, nous avons ce que nous appelons les SAGIT, ces groupes de consultation sectorielle pour le commerce international.
Nous avons un échantillon représentatif. Nous avons l'acier, le bois d'oeuvre et beaucoup d'autres secteurs. Je sais que vous et beaucoup d'autres membres du groupe parlementaire libéral s'intéressent à ces questions pour lesquelles nous avons constitué des groupes, dont certains bénéficient aussi de la participation d'autres intervenants afin de s'assurer que notre ministère est bien conscient de ce que veulent les industries pour les aider à se développer et à ouvrir d'autres marchés.
Je continuerai ce qu'a fait mon prédécesseur.
[Français]
M. Bergeron (Verchères): Monsieur le ministre, j'aimerais joindre ma voix à celle deM. Sauvageau pour vous souhaiter la bienvenue et pour souhaiter que nos rencontres soient de plus en plus nombreuses.
D'autre part, je voudrais aussi déplorer le fait que cette rencontre sur les groupes de travail relatifs aux droits compensateurs et aux mesures antidumping ait été remise à plusieurs reprises et remplacée par des rencontres avec des fonctionnaires de votre ministère. Ils étaient bien agréables, mais nous voulions avoir des points de vue politiques sur cette question-là et nous ne les avons pas eus.
Nous avons aujourd'hui l'occasion de vous rencontrer sur cette question, mais malheureusement, cette rencontre a été jumelée à une rencontre portant sur le budget des dépenses, avec le même temps qui était prévu à l'origine. Cela a pour effet de noyer le poisson des deux discussions et, finalement, on doit passer très rapidement sur toutes les questions.
Vous avez fait état de la possibilité pour le gouvernement d'envisager une modification de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, mais vous ne semblez pas convaincu de la pertinence ou de l'utilité d'une telle modification. Cependant, vous envisagez la possibilité de faire ces modifications.
Il faut comprendre que, dans le cas de l'industrie de l'acier, particulièrement, il y a un avantage certain à durcir nos lois concernant les mesures antidumping et compensatoires dans nos relations bilatérales avec les États-Unis. Également, ces droits peuvent avoir un impact sur nos relations avec un pays tiers.
Je vous donne un exemple bien concret. Récemment, une entreprise sidérurgique de ma circonscription soumettait à mon attention le cas des importations turques d'acier. Ces importations devaient se diriger vers les États-Unis, mais les États-Unis ont des lois et des règlements qui permettent d'imposer près de 20 p. 100 en frais de dumping lorsque l'acier concerné est «dumpé» aux États-Unis.
Donc, on peut penser que le bateau turc ne va pas décharger sa cargaison aux États-Unis pour ne pas se faire imposer des frais de dumping de 20 p. 100. Il préférera débarquer sa cargaison au Canada.
En l'absence d'une loi semblable, le Canada risque de devenir, à terme, une espèce de dumping ground pour les importations qui n'auront pu débarquer aux États-Unis en raison de la loi américaine qui est beaucoup plus sévère que celle du Canada.
J'aimerais que vous gardiez à l'esprit ce genre de situation qui implique également des pays tiers.
Cela dit, j'aimerais poser une question assez rapide sur le projet de loi Helms-Burton. Devant la probabilité de plus en plus grande que ce projet de loi soit adopté par le Congrès américain, une espèce de psychose s'est développée au Canada, largement entretenue par nos collègues du Parti réformiste qui ont réagi de façon intempestive, demandant au gouvernement d'établir un panel bilatéral sur cette question-là.
Nous savons pertinemment que le gouvernement canadien a entrepris des négociations avec la contrepartie américaine, une fois que ce projet de loi a été adopté par le Congrès, sur les dispositions et les modalités d'application de la Loi Helms-Burton relativement au Canada.
Êtes-vous en mesure d'informer les membres de ce comité de l'état des négociations avec les autorités américaines sur les modalités d'application de la Loi Helms-Burton relativement aux relations commerciales du Canada et du Québec avec Cuba?
[Traduction]
M. Eggleton: Tout d'abord, quant à ce que votre collègue et vous-même avez dit à propos des efforts que nous avons déployés précédemment pour que le ministre du Commerce international vienne nous parler des mesures antidumping et compensatoires, vous savez qu'il y a eu un remaniement ministériel et que ce changement a peut-être retardé un peu les choses, indépendamment du fait que nous avons eu aussi les prévisions budgétaires.
Toutefois, je suis heureux de revenir vous parler de cette question. En fait, la publication du rapport sur les recours dans le cadre de l'ALENA devrait être l'occasion de reparler de tout cela.
Deuxièmement, vous semblez penser que je ne suis pas convaincu de l'utilité de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. J'estime au contraire qu'elle est nécessaire. Nous devons pouvoir protéger nos industries s'il y a en effet des cas de dumping. Nous surveillons cela de très près pour ce qui est des pays tiers. Par exemple, pour l'acier, nous avons un comité de surveillance en collaboration avec le secteur privé canadien qui nous permet de surveiller de très près ce que font les pays tiers. Nous pouvons certainement appliquer nos règles antidumping dans de tels cas s'il y a des cas de dumping de cette provenance.
Vous avez dit que je n'étais peut-être pas assez convaincu. Je vous parlais en particulier de l'acier. Nous sommes en fait un marché d'exportation assez peu important pour les États-Unis et, très franchement, si nous adoptons une mesure antidumping, nous n'obtiendrons pas forcément le succès que nous souhaitons. Je n'écarte toutefois pas cette possibilité car, comme l'a déclaréM. Telmer, nous pouvons y avoir recours aux fins de la négociation. La question reste donc ouverte.
Ce que je dis, c'est que je préférerais négocier la paix. Je préférerais négocier une situation qui nous permettrait de faire le commerce de cet acier de part et d'autre. Ces échanges commerciaux sont déjà assez nombreux actuellement dans le secteur automobile puisque nous avons les mêmes acteurs des deux côtés de la frontière. De fait, pour l'acier, ce sont dans bien des cas les mêmes acteurs également des deux côtés de la frontière. Beaucoup de gens exportent en fait à eux-mêmes.
Je suis prêt à consulter le secteur privé et les constructeurs automobiles - les fabricants de pièces automobiles sont déjà venus me rencontrer - pour voir si l'on ne pourrait pas faire encore autre chose à ce sujet. Sinon, d'accord, nous pourrons avoir recours à la loi et peut-être même à d'autres mesures. Nous sommes certainement prêts à examiner tout cela.
Pour ce qui est de Helms-Burton, la semaine dernière nous avons eu une journée de consultation. Dans le processus de contestation prévu par l'ALENA, au chapitre 19, il faut d'abord procéder à des consultations. Elles ont eu lieu la semaine dernière. Ce n'est pas terminé. Nous cherchons toujours d'autres renseignements. Pour le moment, nous ne savons pas comment les Américains vont appliquer la loi en ce qui concerne le titre IV.
Le titre IV traite de la question de l'accès des entreprises et des cadres de direction canadiens, plus leur famille, ajouterais-je, aux États-Unis. On pourrait leur refuser de traverser la frontière. Nous pensons que l'on va établir un genre de liste. Nous ne savons pas qui figurera sur cette liste et nous ne savons pas exactement comment cela sera mis en application ni quand cela sera mis en application.
Nous avons demandé d'autres renseignements suite aux consultations que nous avons eues. Lorsque nous les aurons obtenus, nous déciderons de ce qu'il nous faut. Il est évident que si nous ne pouvons parvenir à une solution satisfaisante avec les Américains quant à l'application de cette loi, nous aurons le droit de demander un panel aux termes du chapitre 19 de l'ALENA.
Le président: Monsieur Assadourian.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Mon collègue du Bloc québécois a posé ma troisième question mais je voudrais vous poser une question sur la page 2 de votre déclaration, monsieur le ministre.
Vous avez dit que d'ici l'an 2000 le nombre de compagnies exportatrices aura doublé. Pouvez-vous me dire combien il y en a maintenant? Combien pensez-vous qu'il y en aura?
Et puis, beaucoup de PME font faillite à cause des banques qui les obligent sans raison valable à rembourser leurs prêts. Avez-vous communiqué avec le ministère ou le ministre des Finances ou avec le ministre afin d'aider ces petites entreprises à exporter leurs produits, à maintenir les emplois au Canada et à réduire le nombre de faillites?
M. Eggleton: Il y a environ 5 000 entreprises exportatrices aujourd'hui; nous voulons que ce chiffre passe à 10 000.
Il est intéressant de noter qu'environ la moitié de toutes les exportations canadiennes, soit la moitié des 37 p. 100 du PIB, provient de 50 entreprises. Il est donc possible de faire beaucoup plus pour encourager les autres entreprises à exporter leurs produits. Nombre de ces 50 entreprises se trouvent dans les grands secteurs de l'économie: le bois d'oeuvre, le secteur de la forêt, de l'énergie et ainsi de suite. Évidemment, le secteur le plus important est celui des pièces automobiles.
Il y a largement place pour l'expansion dans ce secteur, et c'est pourquoi je dis que nous devons faire tout ce que nous pouvons pour aider les entreprises qui n'exportent pas encore à le faire.
Il existe plusieurs programmes. Par exemple, une entreprise voudra peut-être commencer à exporter ses produits vers les États-Unis, ou même simplement les États voisins. Il existe un programme pour ceux qui veulent exporter vers les États limitrophes. Certaines entreprises le font peut-être déjà. Nous essaierons par la suite de les encourager à se tourner vers la région Asie-Pacifique ou vers l'Europe ou vers d'autres régions où leurs produits seraient de bons vendeurs.
Si l'on veut doubler le nombre d'entreprises exportatrices, il faudra prendre les devants.
Évidemment, il faut de plus concentrer nos efforts sur les PME pour convaincre un plus grand nombre d'entre elles d'exporter.
Pour ce qui est des banques, la Société pour l'expansion des exportations est en contact avec elles et les autres institutions financières pour discuter de la question. Nous essayons de les encourager. La SEE essaie de conclure des ententes de partage des risques avec les banques. Nous avons encore beaucoup de pain sur la planche, et je suis heureux de consulter mon collègue, le ministre des Finances, pour savoir s'il a des idées particulières sur cette question afin de trouver des façons de faire avancer le dossier.
Nous avons fait certains progrès. Lorsque j'ai participé à de récentes missions commerciales, des représentants de diverses banques canadiennes... par exemple, j'ai récemment été en Grèce et la Banque de Nouvelle-Écosse est très présente dans la région. Je crois que nous pouvons intéresser un bon nombre de banques aux perspectives d'exportation qui s'offrent aux entreprises canadiennes, aux possibilités d'investissement, pour qu'elles aident financièrement celles qui veulent exporter.
Je pense que ces banques, lorsqu'elles ont une plus grande expérience à l'étranger, sauront voir de plus en plus les perspectives commerciales qui s'offrent aux entreprises canadiennes; je crois que nous pourrons les convaincre d'accorder plus d'aide aux entreprises.
Le président: Monsieur Mills.
M. Mills: J'aimerais avoir une petite précision. Vous avez dit que les producteurs de pièces automobiles doivent préparer des rapports de quelque 300 pages. Est-ce que j'ai bien entendu?
M. Eggleton: Je dis simplement que si nous créons le même régime qui existe aux États-Unis à l'égard des mesures antidumping, si nous établissons les mêmes mécanismes de contrôle que les Américains, en raison desquels il faut remplir toutes sortes de questionnaires, il se pourrait que pour les entreprises canadiennes qui importent de l'acier... Si on voulait prendre des mesures aussi strictes pour l'importation de leur acier au Canada que celui qui existe pour l'importation de l'acier dans leur pays, il se pourrait que nombre d'entreprises canadiennes aient à remplir beaucoup d'autres documents. Cela alourdirait considérablement la paperasserie.
M. Mills: Tout le monde n'est pas de cet avis. Nul besoin de parler de la question maintenant, mais je peux vous dire que tout le monde n'est pas de cet avis.
J'aimerais maintenant vous poser une question sur le rééchelonnement de la dette. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long sur ce rééchelonnement?
J'aimerais de plus savoir ce qu'il en est sur la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Qu'arrive-t-il aux règles et conditions spéciales? Les choses vont-elles changer?
M. Eggleton: Parlez-vous toujours du rééchelonnement de la dette?
M. Mills: Je vous pose toutes mes questions le plus rapidement possible parce que j'ai appris comment les choses se passent en comité.
Le président: Vous faites le dumping de vos questions.
Des voix: Oh, oh!
M. Eggleton: D'accord, poursuivez et j'essaierai de répondre aussi vite que vous posez les questions.
M. Mills: J'ai trois questions à vous poser. Vous avez déjà répondu à l'une d'entre elles. J'aimerais en connaître un peu plus long sur le rééchelonnement de la dette dans le cadre du...
M. Eggleton: Très bien. J'ai répondu à une de vos questions. Nous disons que nous essayons de réduire la paperasserie pour les entreprises canadiennes, mais il y a toutes sortes de types d'acier. Certains de nos fabricants de pièces automobiles doivent acheter de l'acier au Canada et de l'acier importé. C'est parce que certaines pièces sont fabriquées à partir de certains aciers spéciaux. N'oubliez pas que ces pièces sont utilisées des deux côtés de la frontière. Ces pièces seront utilisées par l'industrie automobile pour la fabrication de voitures qui sont vendues des deux côtés de la frontière. Ainsi, dans certains cas, pour obtenir un acier particulier il faut l'importer. Je parle ici d'une compagnie canadienne qui fabrique des pièces automobiles.
Si on veut rendre l'importation de l'acier de notre pays aussi difficile qu'elle l'est pour l'acier canadien aux États-Unis, nous pourrions multiplier les documents, comme je l'ai déjà dit. C'est un problème, et les gens d'affaires me l'ont dit. Ils m'ont rencontré pour me parler justement de ce genre de choses. Cependant, il se pourrait que nous devions procéder de cette façon, même si ce n'est pas vraiment ma préférence.
Bon, pour ce qui est du rééchelonnement de la dette pour les pays en voie de développement, et je suppose que vous parlez des activités de l'ACDI, je ne suis pas responsable de cette question. Je m'excuse.
M. Mills: Très bien.
M. Eggleton: La troisième question était...
M. Mills: La troisième question portait sur la Loi sur les mesures spéciales d'importation. On nous a promis qu'il y aurait un examen de toute la question, des changements aux règlements et aux procédures. Quand est-ce que ça se fera, si ça doit se faire?
M. Eggleton: Je ne sais pas si cela a été officiellement annoncé, mais je crois que cet examen aura lieu. Il était prévu. Encore une fois, je ne suis pas responsable de la question; elle relève du ministre des Finances et du ministre du Revenu national. Je crois que cet examen commencera sous peu et qu'il y aura toute une série de consultations. Mon sous-ministre me dit que c'est le cas.
Le président: Merci, monsieur le ministre. Savez-vous si c'est notre comité plutôt que le comité des finances qui effectuera cet examen?
M. Eggleton: C'est au ministre des Finances ou au ministre du Revenu national qu'il revient de se prononcer sur la question. Vous devriez peut-être leur en parler.
Évidemment, cette question m'intéresse moi aussi parce que cela a quand même une incidence sur le commerce en général, quoi que cela touche les importations, ce qui est un domaine qui relève directement de lui.
M. Mills: Plusieurs des témoins qui se sont adressés à nous ont fait des commentaires en ce sens. Ils s'inquiètent beaucoup de la situation.
M. Eggleton: Vous devriez peut-être à ce moment-là parler au ministre des Finances quant au type de consultations qui seront organisées.
Le président: Monsieur Dupuy.
M. Dupuy (Laval-Ouest): J'aimerais vous poser une question de nature plutôt générale sur le commerce canado-américain. Lorsqu'on a créé la zone de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, nous savons tous que le Parti libéral s'inquiétait de ce qui pourrait se passer. Nous avons dit, beaucoup de gens, que l'on pouvait s'attendre à une forte expansion du commerce bilatéral, et c'est ce qui est arrivé. Les chiffres que j'ai obtenus indiquent qu'entre 1989 et aujourd'hui nos exportations vers les États-Unis ont presque doublé, ce qui est tout à fait extraordinaire.
Nous avons également dit à l'époque que notre part relative du marché international continuerait de baisser, et nous avions raison. Notre part du marché américain a augmenté, mais notre part du marché international a baissé. De plus, et c'est encore plus important, le marché intérieur canadien a chuté en importance si l'on compare avec les chiffres semblables pour les États-Unis.
Du côté des investissements, ce qui me frappe, c'est le volume et l'allure des investissements canadiens aux États-Unis. Nous en sommes rendus au point où les investissements canadiens aux États-Unis représentent environ la moitié des investissements américains au Canada. Qu'est-ce que cela signifie? Qu'il y a restructuration industrielle et intégration entre l'économie des deux pays. Cela m'amène à ma question.
À l'époque de la signature de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, nos amis européens disaient que nous allions bientôt voir qu'il n'est pas vraiment pratique pour deux grands pays industrialisés d'adopter le libre-échange, comme cela semblait être ce que nous souhaitions faire avec les États-Unis, et que nous finirions par devoir adopter leur système et nous acheminer vers l'union économique, c'est-à-dire l'harmonisation de nos politiques économiques et commerciales.
Ce que je voudrais savoir, c'est si nos amis européens avaient raison. Si nous assistons maintenant à une intégration économique à l'échelle de l'Amérique du Nord, ne devrions-nous pas examiner des politiques pour faire face à cette intégration au lieu de nous occuper uniquement des aspects commerciaux? Cela veut dire, bien sûr, de nouvelles négociations avec les États-Unis et, d'un autre côté, nous devrons être prêts à envisager davantage d'harmonisation entre les deux économies. D'autre part, les conflits commerciaux auxquels nous assistons montrent essentiellement que nous avons mis l'accent uniquement sur nos relations commerciales avec les États-Unis au lieu d'examiner une intégration économique plus vaste. Comme vous l'avez dit, c'est vraiment intéressant de voir que ce sont les mêmes gens qui ont des activités d'un côté et de l'autre de la frontière. C'est une autre manifestation de l'intégration économique.
Pour en revenir à ma question, pensez-vous que nos amis européens avaient raison de dire que, si nous mettions le doigt dans l'engrenage du libre-échange, nous devrions nous diriger de plus en plus vers l'harmonisation et l'union économique?
Le président: Vous serez certainement heureux de savoir, monsieur le ministre, que vous avez deux minutes pour répondre.
M. Eggleton: Si une telle chose était possible, et il y a bien d'autres aspects de la question à envisager, nous sommes certainement loin d'une solution. Nous atteignons maintenant nos objectifs économiques dans le cadre de l'Accord de libre-échange et de l'ALENA. Même s'il y quelques irritants, 95 p. 100 de tout le commerce entre le Canada et les États-Unis, ce qui comprend les services aussi bien que les marchandises, de même que les investissements, ne posent aucun problème. Tout se passe bien. Dans 95 p. 100 des cas, les échanges se font tous les jours sans problème. À mon avis, c'est excellent. C'est une réalisation très importante pour deux pays qui sont chacun le principal associé commercial de l'autre.
Nous devons cependant réduire les irritants commerciaux et augmenter les possibilités d'accès au marché. Nous continuerons à viser cet objectif. Le groupe de travail sur les recours commerciaux visait à réduire ces irritants et à améliorer le système fondé sur les règles. Il y a encore beaucoup à faire et nous ne réussirons peut-être pas à atteindre tous nos objectifs grâce à des négociations avec les États-Unis dans le cadre de l'ALENA. Nous réussirons peut-être beaucoup mieux grâce à des négociations multilatérales dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Nos arguments auront plus de poids si nous nous allions à un certain nombre d'autres pays pour faire accepter un système basé sur les règles auquel participeront aussi les États-Unis.
Je pense donc que nous devons poursuivre nos efforts en ce sens. Nous comptons aussi examiner les possibilités de libéraliser le commerce avec l'Asie-Pacifique et le reste de l'Amérique et trouver de meilleurs débouchés commerciaux en Europe. Je pense que, dans l'ensemble, nous devrons insister sur ce genre de choses dans le cadre des activités multilatérales mondiales de l'OMC.
Un système basé sur les règles qui augmentera notre accès et libéralisera nos marchés, c'est l'objectif que nous visons, et nous atteindrons cet objectif dans nos rapports multilatéraux et aussi grâce aux négociations que nous poursuivrons avec les États-Unis pour améliorer nos rapports commerciaux.
Cependant, nous sommes encore bien loin d'une union économique complète.
Le président: Madame Debien.
[Français]
Mme Debien (Laval-Est): Bonne fin d'après-midi, monsieur le ministre, et bienvenue. En vous écoutant plus tôt, j'ai eu quelques moments de réflexion. J'ai pris quelques notes, et ce sont des commentaires que j'aimerais bien partager avec vous. C'est peut-être aussi l'influence de mon collègue M. Dupuy qui me porte à faire ces commentaires.
Un vieux dicton dit qu'il faut être très prudent quand on dort avec un éléphant. Le Canada, qui dépend des États-Unis pour 80 p. 100 de ses exportations, risque de voir sa liberté et sa marge de manoeuvre réduites, comme vous le savez mieux que quiconque, je pense. L'ALENA, malgré ses effets économiques certains, risque d'entraîner une diminution de la souveraineté politique canadienne et l'affaiblissement du pouvoir du gouvernement fédéral. Comme on l'a vu lors des derniers événements sur le bois d'oeuvre, et vous l'avez dit vous-même dans votre déclaration, l'entente que nous avons conclue est la meilleure possible dans une mauvaise situation. Nous faisons face à une menace réelle de la part des États-Unis.
Vous allez peut-être penser que mon propos n'a rien à voir avec le cadre de nos discussions de cet après-midi, mais je pense totalement le contraire. Vous allez peut-être trouver cela cocasse venant de la part d'une député bloquiste, mais je pense l'ALENA risque d'affaiblir aussi l'identité historique et culturelle du Canada anglais.
J'en parle avec beaucoup de liberté, d'autant plus que la culture québécoise est complètement différente de celle des États-Unis. Vous comprendrez que je veux parler ici de la culture qui est en train de devenir la culture des affaires, de la culture globale elle-même, aurait dit un certainM. McLuhan.
On sait que ce qui fait essentiellement la différence entre le Canada et les États-Unis, c'est la culture canadienne. Quelqu'un a dit que le vrai danger qui guettait la culture canadienne, c'était sa commercialisation, à l'américaine bien sûr. Or, les derniers budgets du gouvernement fédéral ont réduit de façon dramatique les subventions aux maisons d'édition, à Radio-Canada, à Radio-Canada international.
Si le Canada ne veut pas se retrouver en bas du lit parce que l'éléphant est devenu trop gros et trop envahissant, le gouvernement fédéral ne devrait-il pas, entre autres, mener la lutte sur les questions culturelles? Dans le fond, je me pose la question suivante: qu'y a-t-il à protéger, sinon la culture canadienne? Si ce n'était qu'une question de gros sous et de commerce, il suffirait que le Canada adhère aux États-Unis. Il deviendrait riche d'un seul coup.
[Traduction]
Le président: Vous avez une minute pour nous enrichir, monsieur le ministre.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
Mme Debien: Tout en protégeant la culture canadienne.
[Traduction]
M. Eggleton: La meilleure façon de bâtir notre pays dans toutes les régions, c'est d'avoir une économie forte qui puisse créer des emplois et c'est justement ce que je pense que nous pouvons faire grâce au commerce.
Dans le cas des États-Unis, nous avons très bien réussi dans le cadre de l'ALENA à créer une économie forte ou plus forte qu'elle ne l'était auparavant. L'ensemble de notre économie a tourné au ralenti, mais nous avons très bien fait sur le plan des échanges commerciaux et c'est ce qui soutient notre économie depuis quelques années.
J'ai déjà dit que le commerce présente 37 p. 100 de notre PIB. Le commerce avec les États-Unis représente la plus grande partie de ce total, soit 30 p. 100, ce qui nous a permis de créer bon nombre d'emplois grâce à notre activité commerciale.
La culture est exemptée des dispositions de l'ALENA, mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas un irritant commercial. C'est un irritant qui prend de plus en plus d'importance. Nous devons défendre le droit du Canada de maintenir son identité culturelle propre et faire en sorte que les Canadiens puissent débattre avec les autres Canadiens et avec le reste du monde des questions qui leur tiennent à coeur.
Le cas des revues à édition dédoublée est un bon exemple. La majorité des revues en vente au Canada viennent des États-Unis. C'est vraiment la grande majorité. Plus de 70 p. 100 des revues vendues au Canada viennent des États-Unis. On peut même acheter le Sports Illustrated.
Quelqu'un a laissé entendre que nous voulions interdire le Sports Illustrated. Pas du tout. Il ne s'agit pas d'interdire le Sports Illustrated. On peut toujours l'acheter comme revue étrangère, tout comme n'importe quelle autre revue étrangère. Le problème, c'est que ses propriétaires voudraient y mettre de la publicité canadienne, ce qu'ils peuvent faire à peu de frais parce que tout est payé d'avance. Le contenu rédactionnel est déjà payé par l'édition américaine. C'est ce que les propriétaires voudraient faire.
Cela réduit la part du marché de l'industrie canadienne et, comme le marché est tellement petit au Canada, si l'on enlevait ce genre de publicité, la viabilité de l'industrie canadienne des revues serait compromise. Pourtant, cette industrie joue un rôle culturel important, nous permettant d'exprimer notre identité culturelle.
Le président de Time Warner, l'éditeur de Sports Illustrated, a dit, et je pense que cela montre ce que bien des gens pensent aux États-Unis, que ce n'est pas une question de culture, mais une question d'argent. C'est peut-être vrai pour lui et pour bien d'autres gens au sud de la frontière, mais pour nous, il s'agit de préserver notre identité culturelle.
Dans le domaine culturel, nous avons l'un des marchés les plus ouverts du monde. De 70 p. 100 à 95 p. 100 de tout ce qui passe à la télévision, des films dans nos cinémas et des revues que nous pouvons acheter vient des États-Unis. Tout ce que nous essayons de faire, c'est de préserver une petite partie de notre identité. C'est d'ailleurs l'un des principaux objectifs, des principaux piliers de notre politique étrangère. Le troisième pilier de cette politique consiste à promouvoir notre identité culturelle et les valeurs canadiennes, et cela dépend en partie des médias.
C'est donc effectivement quelque chose d'important à nos yeux et nous allons certainement continuer à lutter pour nous assurer que nous conserverons des industries canadiennes viables dans tous ces secteurs.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Flis.
M. Flis (Parkdale - High Park): Combien de temps me reste-t-il?
Le président: Cinq minutes, si le ministre peut rester encore quelques minutes.
M. Flis: Très bien.
Monsieur le ministre, vous avez dit dans votre exposé que, si la chance leur en est donnée, les compagnies canadiennes qui ont suffisamment d'esprit d'initiative et d'imagination savent être concurrentielles et réussir sur les marchés mondiaux. Vous avez dit qu'elles sont les artisans de leur réussite et que leurs réalisations profitent à tous les Canadiens.
Il y a des agriculteurs dans l'Ouest qui ont fait exactement ce que vous avez dit. À l'époque où ma famille avait une exploitation agricole dans l'Ouest, nous prenions une voiture tirée par des chevaux pour amener notre grain au silo le plus proche, et le grain était ensuite transporté ailleurs par chemin de fer. Certains de ces agriculteurs ont maintenant leur propre silo et n'ont pas à s'en remettre au réseau ferroviaire. Ils n'ont pas à s'en remettre au monopole Commission canadienne du blé. À l'heure où nous nous parlons, ils peuvent vendre leur blé directement aux acheteurs et obtenir 1,50$ de plus le boisseau qu'ils ne pourraient en obtenir de la Commission canadienne du blé.
Je ne sais pas si vous avez eu des discussions avec votre collègue, le ministre de l'Agriculture. Le moment serait-il venu de se demander si la Commission, qui était nécessaire en 1935, l'est toujours? Le moment serait-il venu d'éliminer la Commission, dans l'intérêt des échanges commerciaux?
M. Eggleton: Vous avez enfin réussi à me coincer.
Une voix: Bonne question, Jesse.
M. Eggleton: Le ministre de l'Agriculture a un comité d'examen du grain. C'est vrai, il en a un. Nous avions un différend avec les États-Unis, mais nous l'avons réglé, de sorte que le marché est de nouveau ouvert. Dans le cadre de cet examen, un certain nombre de recommandations ont été formulées. Je me souviens qu'il s'agissait d'un groupe binational. Les recommandations sont maintenant à l'étude au comité d'examen du grain qui fera rapport au ministre de l'Agriculture. Je suppose donc que la question sera examinée, et je vous invite certainement à lui faire part de votre point de vue à ce sujet.
M. Flis: Nous sommes en train de rédiger un rapport sur les moyens d'aider les PME à pénétrer le marché des exportations. Nous semblons toutefois avoir du mal à nous entendre sur la question de savoir si l'ACDI Inc. devrait continuer à relever de l'ACDI, qui relève du ministre compétent ou si l'ACDI Inc. parce qu'elle a pour objectif la promotion des échanges commerciaux, ne devrait pas relever plutôt de votre ministère? Je me demande si vous pourriez nous éclairer un peu sur l'orientation que nous devrions suivre à ce sujet.
M. Eggleton: L'ACDI Inc. s'occupe naturellement de la promotion des échanges commerciaux, tout comme de l'aide à l'ouverture de débouchés. Elle fait de l'excellent travail, et nous retirons des avantages considérables des investissements qu'elle fait.
C'est paradoxal, l'ACDI Inc. dispose d'environ 65 millions de dollars pour ce programme. Par contre, le programme que nous avons pour venir en aide aux petites et moyennes entreprises, le PDME, ne dispose que de 11 millions de dollars. Ainsi, l'ACDI Inc. dispose d'environ six fois plus d'argent que nous n'en avons pour la promotion des échanges commerciaux chez les PME.
Nous pourrions peut-être les rencontrer afin de discuter de la façon dont nous pourrions mieux coordonner nos efforts, car nous voulons mettre davantage l'accent sur les PME.
Le président: Vous êtes déjà resté plus longtemps que prévu deviez, monsieur le ministre, et je vous en remercie beaucoup.
J'avais deux ou trois questions à vous poser, et je me demande si je pourrais simplement vous en faire part et si quelqu'un pourrait y répondre par écrit. Comme cela, je ne prendrais pas trop de votre temps, puisque nous avons déjà dépassé l'heure.
Ma première question concerne une étude que nous faisons sur l'Arctique. Au cours des prochains mois, nous examinerons en profondeur la politique étrangère canadienne dans l'Arctique. Votre ministère pourrait-il nous dire quels types de dépenses il envisage de faire pour étendre et encourager le commerce de produits de l'Arctique, notamment le commerce dans la région arctique comme telle? Cela nous serait utile. Nous voudrons sans doute obtenir pas mal d'information à ce sujet, puisque nous sommes censés inclure l'aspect budgétaire dans notre étude.
Ma deuxième question porte sur ce que vous avez dit au sujet du commerce international. Vous avez fait remarquer que le commerce représente 37 p. 100 de notre PIB. Je croyais que ces 37 p. 100 du PIB représentaient les exportations, et c'est pourquoi j'ai toujours dit que les échanges commerciaux pèsent pour 70 p. 100 dans notre PIB, car quand on tient compte des importations, la proportion est beaucoup plus élevée. Je me demande si votre ministère l'entend de la même façon.
Troisièmement, vous dites que, dans 95 p. 100 des cas, nos exportations aux États-Unis se font sans la moindre anicroche. Cela ne fait aucun doute. En ce qui concerne les investissements qui nous viennent, non pas des États-Unis, mais d'autres pays, le ministère a-t-il une idée de la mesure dans laquelle les problèmes qui peuvent se poser dans 5 p. 100 des cas dissuadent ces investissements? En deux mots, l'investisseur londonien et qui se demande où il devrait installer son usine se dit-il: «Vais-je m'installer dans le sud-ouest de l'Ontario ou irais-je plutôt au Michigan, parce que j'ai examiné les différends commerciaux et, bien que la proportion de risque ne soit que de 5 p. 100, pourquoi irais-je risquer 500 millions de dollars en Ontario, alors que je pourrais installer mon usine au Michigan et exporter mes produits dans l'autre sens?»
Dans quelle mesure les recours commerciaux invoqués par les États-Unis inhibent-ils les investissements étrangers au Canada - c'est vraiment là la question à laquelle il faut répondre - et y a-t-il moyen de savoir dans quelle mesure ce facteur entre en ligne de compte? Je comprends qu'il est très difficile d'évaluer l'importance de ce facteur puisqu'il est difficile de savoir qu'est-ce qui entre en ligne de compte quand les investisseurs prennent une décision qui nous défavorise. Je me demandais simplement si le ministère avait des informations quelconques à ce sujet.
Je suis sûr que c'est une question qui intéresse aussi les autres membres du comité, mais comme je ne veux pas vous retenir, je demanderais que quelqu'un nous réponde par écrit.
M. Eggleton: Nous vous ferons parvenir une réponse à ces questions.
Le président: Je vous remercie encore d'être venu nous rencontrer et d'avoir offert de revenir, peut-être quand le groupe de travail sur les recours commerciaux aura terminé son rapport. Il pourrait nous être utile, là aussi, d'aller jusqu'au fond des choses.
Nous vous sommes reconnaissants d'avoir bien voulu accepter de témoigner devant nous.
La séance et levée. Nous nous réunissons à nouveau demain, à 15 h 30.