[Enregistrement électronique]
Le mardi 29 octobre 1996
[Français]
Le président: J'appelle l'assemblée à l'ordre.
- Il est ordonné que le projet de loi C-61, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de
libre-échange Canada-Israël soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé au Comité
permanent des affaires étrangères et du commerce international.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre le ministre. Comme il ne peut nous consacrer qu'une demi-heure environ, il a proposé que nous procédions comme s'il avait déjà lu ses commentaires. Je pense que les membres du comité seront d'accord. Si le ministre peut faire une brève déclaration préliminaire, nous passerons ensuite directement aux questions.
L'honorable Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international): Je suis heureux que vous ayez accepté de traiter mon texte officiel comme s'il avait été lu. Il reprend les remarques que j'ai faites à la Chambre en seconde lecture et qui me paraissent liées à la question qui fait l'objet de nos discussions. En procédant ainsi, nous disposerons d'un peu plus de temps pour les questions.
Je voudrais mentionner un point particulier. J'ai ici une lettre, que je vous remettrai, de Natan Sharansky, ministre de l'Industrie et du Commerce de l'État d'Israël. Dans cette lettre, il indique que le gouvernement israélien appuie la mise en oeuvre de cet accord dans les zones de la Cisjordanie et de Gaza qui sont placées sous le contrôle de l'Autorité palestinienne, et qu'il est prêt à coopérer à cette fin.
Comme vous le savez, nous avons offert d'étendre les dispositions de cet accord aux personnes qui vivent dans la zone placée sous le contrôle de l'Autorité palestinienne. La réaction des gens d'affaires de cette région a été tout à fait positive. Ils estiment en effet que cela les aidera dans leurs efforts de développement économique et de création d'emplois.
L'atteinte de cet objectif est important pour le Canada car elle représente un pas important sur le chemin de la paix. En contribuant à améliorer les perspectives économiques qui s'offrent aux habitants de la Cisjordanie et de Gaza, nous aidons également à accroître les chances de paix et de sécurité pour tous ceux qui vivent sur le territoire israélien.
Notre ambassadeur a également été en contact avec l'Autorité palestinienne et a discuté de ces questions avec elle. Au début de novembre, des séminaires destinés aux chefs d'entreprise palestiniens seront organisés pour leur expliquer que cet accord aura des retombées positives pour eux. Jusqu'à présent, les réactions des chefs d'entreprise à l'égard de l'accord ont été tout à fait favorables et elles l'ont été également à l'égard de la participation aux séminaires.
Après ces commentaires, ceux que j'ai faits dans mon texte officiel, monsieur le président, et ceux que j'ai faits à la Chambre des communes, je serais heureux de répondre aux questions des membres.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
[Français]
Monsieur Paré.
M. Paré (Louis-Hébert): Bienvenue, monsieur le ministre, au Comité des affaires étrangères et du commerce international. Il y a une grande inquiétude chez un certain nombre d'intervenants des domaines sociaux et économiques relativement à la dégradation des conditions environnementales, des normes de travail ou des conditions sociales. Il est relativement facile d'établir le lien entre la tendance dite néo-libérale et la réalité qu'on décrit. À chaque fois qu'un accord international se signe, qu'il soit bilatéral ou multilatéral, et qu'il ne tient pas compte des questions environnementales, des normes de travail ou des normes sociales minimales, on a l'impression que c'est un peu comme un rendez-vous manqué.
Or, l'Accord de libre-échange entre le Canada et Israël n'aborde pas ces questions. J'allais presque dire que l'accord entre le Canada et le Chili s'en tient à des normes minimales qu'on a un peu mises sous le couvert. Est-ce que le Canada n'aurait pas pu, sur ces questions, exercer un leadership que, manifestement, il ne semble pas vouloir exercer?
[Traduction]
M. Eggleton: Je dois ajouter que cet accord, notamment de par sa structure, est très similaire aux accords conclus avec les États-Unis et l'Union européenne. Nous nous en sommes donc inspirés. Israël applique cependant des normes relativement rigoureuses dans le domaine du travail et de l'environnement, si bien que la situation n'est pas la même que celle où nous nous trouvons lorsque nous négocions avec le Chili, étant donné que l'ALENA comporte déjà des dispositions concernant le travail et l'environnement. Le Chili négocie un accord bilatéral avec nous à cause de ses intérêts au Canada, bien sûr, mais aussi parce qu'il souhaiterait devenir membre de l'ALENA.
Dans nos discussions avec le Chili nous utilisons donc l'ALENA comme modèle. Dans le cas de l'accord de libre-échange avec Israël, nous avons utilisé comme guide, ainsi que je l'ai déjà dit, les autres accords de libre-échange avec les Européens et les États-Unis.
N'oubliez pas qu'un de nos objectifs essentiels dans cet accord était de permettre aux entreprises canadiennes de lutter à armes égales, alors qu'elles sont actuellement désavantagées par rapport aux entreprises américaines et européennes. Cet accord uniformise les règles du jeu.
[Français]
M. Paré: Monsieur le ministre, je peux comprendre qu'à cause de la compétitivité, les entreprises canadiennes ne souhaitent pas que le Canada négocie des clauses bilatérales qui les désavantageraient.
Ne sommes-nous pas devant un cercle vicieux si personne ne prend l'initiative, dans des accords bilatéraux ou multilatéraux, par rapport à ces grandes questions? L'OMC ne prendra peut-être pas davantage l'initiative si aucun pays ne semble intéressé à ouvrir la voie dans ces domaines.
[Traduction]
M. Eggleton: Je crois que nous avons examiné toutes les questions qui préoccupent les entreprises canadiennes. Effectivement, dans le secteur de l'environnement, elles veulent avoir accès au marché israélien. Notre compétence est indiscutable dans ce domaine et l'accord permettra à nos entreprises de collaborer avec leurs homologues israéliennes et de faire progresser la technologie de l'environnement et ses applications.
Comme je l'ai dit au début, les normes israéliennes dans le domaine du travail et de l'environnement sont très élevées. Certes, Israël doit faire face à bien d'autres difficultés sur le plan de la paix et de la sécurité, mais à bien des égards, c'est une économie très avancée, un pays dont les programmes sociaux et les prestations sociales sont aussi très avancés. Il en va de même des normes relatives au travail et à l'environnement. Je crois donc qu'il y a compatibilité en ce qui concerne l'accord de libre-échange.
[Français]
M. Bergeron (Verchères): Monsieur le président, si vous me permettez de prendre le relais de mon collègue de Louis-Hébert, j'aurais deux questions à poser. Je vais les poser concurremment, monsieur le ministre.
Les ténors libéraux, depuis un certain nombre de mois, depuis le référendum en fait, ne cessent de répéter au Québec que les difficultés économiques sont dues à l'instabilité politique. Il est donc assez étonnant de voir le gouvernement se féliciter de conclure des ententes de libre-échange avec des pays comme Israël et le Mexique qui connaissent des problèmes politiques assez graves. Il n'y a pas de Chiapas au Canada, ni de territoire occupé; il n'y a pas d'Intifada au Canada ni au Québec. Il est assez étonnant de voir cette ouverture et les mêmes ténors libéraux se féliciter en Chambre, lors des débats sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et Israël, de la conclusion de cet accord.
Vous vous souviendrez, sinon personnellement, du moins peut-être vous en aura-t-on fait rapport, monsieur le ministre, que l'année dernière, nous avons eu une séance spéciale de ce comité portant sur les bombardements israéliens au Sud-Liban. Nous avions à ce moment-là demandé à vos représentants si le gouvernement entendait suspendre les négociations avec Israël durant la période où cet État bombardait des populations civiles et violait ouvertement les frontières internationales d'un pays souverain.
On nous avait répondu à ce moment-là - c'était en avril 1995 - que les négociations étaient effectivement suspendues. Ce qu'on a appris il n'y a pas si longtemps, de la part du secrétaire du ministre des Affaires étrangères, c'est que les négociations n'étaient pas suspendues mais que l'accord était prêt à être signé en mars 1995, donc un mois avant que nous posions la question à vos représentants, monsieur le ministre.
Nous sommes préoccupés actuellement de voir que cette entente est non seulement conclue, mais qu'elle va possiblement entrer en vigueur à compter du 1er janvier prochain, alors qu'il existe une situation sociale assez explosive en Israël. Ceci m'amène à ma question. On cite en exemple l'accord de libre-échange conclu entre l'Union européenne et Israël. On cite en exemple l'accord conclu entre les États-Unis et Israël. Pourtant, on ne retrouve pas dans l'Entente Canada-Israël une disposition qui constitue l'article premier de l'accord conclu entre l'Union européenne et Israël et qui porte sur le respect des droits de la personne. Vous me permettrez de le lire:
- Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent
sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, qui inspire leurs politiques
internes et internationales et qui constitue un élément essentiel du présent accord.
Monsieur le ministre, puisqu'il est question au moment où on se parle de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et Israël, vous savez que nous sommes particulièrement préoccupés par les impacts potentiels de l'accord de libre-échange entre le Canada et Israël sur l'industrie canadienne, et québécoise particulièrement, des maillots de bain et de la lingerie fine.
Vous savez que les producteurs israéliens ont accès directement aux tissus européens sans droits de douane compte tenu de l'accord de libre-échange qui a été conclu entre l'Union européenne et Israël. Est-ce que vous entendez établir une période de transition, permettre des mesures d'adaptation ou encore faire en sorte qu'on en arrive à un accord permettant le libre accès aux tissus européens comme y ont accès les producteurs israéliens? Voilà ma première question.
Voici la deuxième. Par rapport à la situation politique et sociale qui prévaut actuellement en Israël, est-ce que le gouvernement serait favorable à ce que d'ici la reprise sérieuse des négociations de paix, le gouvernement suspende l'application du présent accord de libre-échange? Je me limiterai à cela pour le moment, monsieur le ministre.
Le président: On n'a presque plus de temps.
[Traduction]
M. Eggleton: Premièrement, je crois que vous avez dit que l'accord a été paraphé par les négociateurs en janvier 1996. En fait, nous avions l'intention de faire signer l'accord à Ottawa, à l'occasion de la visite de M. Peres, le premier ministre de l'époque.
[Français]
M. Bergeron: Permettez-moi, monsieur le ministre, d'apporter simplement une précision. Je ne parlais pas du moment où l'accord pouvait entrer en vigueur. Nous parlions à ce moment-là, en avril 1996, de la possibilité que les négociations soient suspendues et nous avons appris très récemment que les négociations étaient déjà conclues en mars 1996. L'accord, bien sûr, n'avait pas encore été signé à ce moment-là, mais il était prêt à être signé, comme vous le signalez. À ce moment-là, en avril 1996, on nous avait dit que les négociations étaient suspendues le temps de voir comment allaient se conclure les élections en Israël.
[Traduction]
M. Eggleton: Non, je peux vous dire que lorsque je suis devenu ministre du Commerce international en janvier, le texte de l'accord était pratiquement prêt.
Il ne s'agissait plus que de réunir les parties pour la signature, ce qui n'a pas pu se faire parce que M. Peres n'a pas été en mesure de venir à Ottawa. Il y a ensuite eu des élections. Il n'a jamais été question de suspendre la signature de l'accord; le retard a simplement été dû aux élections israéliennes et à un changement de gouvernement.
Mes collaborateurs pourront peut-être vous parler de la période antérieure à cela.
Mme Ellen Stensholt (avocate générale principale, ministère de la Justice): Je croyais que vous parliez d'une période de mars 1995.
M. Bergeron: C'était en 1996. Je me suis trompé.
Mme Stensholt: Bien.
M. Eggleton: Je le répète, il n'y avait aucun problème en mars 1996. Je vous ai simplement donné le déroulement chronologique du processus.
Passons à autre chose. Vous avez demandé pourquoi il n'y avait pas de dispositions concernant les droits de la personne, etc. dans cet accord. Comme tous les accords commerciaux, l'accord qui nous concerne porte sur des questions de tarifs, de règles d'origine et d'autres questions du même genre.
Il ne faudrait pas en conclure que nous ne nous préoccupons pas de la protection des droits de la personne dans le monde. Cela ne signifie pas non plus que le processus de paix au Moyen-Orient et les rapports entre les Israéliens et les Palestiniens ne nous préoccupent pas. Non, nos interventions dans ce domaine montrent clairement la force de nos convictions et la sincérité de notre engagement. Nous participons à des comités qui s'occupent de ce processus de paix. Nous présidons un comité qui s'occupe des réfugiés.
Je ne vois pas en quoi il y a contradiction entre la poursuite d'un programme de promotion des droits de la personne et la poursuite d'un programme de libéralisation du commerce. Ces deux activités me paraissent au contraire tout à fait complémentaires.
C'est exactement comme à Cuba. Nous considérons qu'il est important de maintenir les échanges commerciaux avec Cuba car cela nous permet de soulever les questions de droits de la personne. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec la politique des États-Unis qui vise simplement à isoler Cuba.
Naturellement, on peut étendre ce raisonnement à n'importe quel autre pays et faire valoir que cela permet de poursuivre nos efforts en faveur des droits de la personne. C'est ce que nous continuerons à faire, tout comme nous continuerons à soutenir le processus de paix au Moyen-Orient. Nous pressons les parties de poursuivre leur dialogue, de rétablir le calme et de poursuivre le processus de paix.
Cet accord de libre-échange joue, sur ce plan, un rôle complémentaire très important. En améliorant la situation économique, nous aidons à renforcer la paix et la sécurité dans la région.
Permettez-moi de passer maintenant à votre remarque suivante au sujet du vêtement. Plus précisément, vous avez parlé de maillots de bain et de l'importation de certains produits d'Europe à ce sujet.
Cela montre combien le gouvernement est attentif aux voeux de l'industrie. Nous avons constamment consulté l'industrie. Dans ce cas particulier, la société concernée ne faisait même pas partie de l'association industrielle. Lors de nos consultations, nous n'avons obtenu aucune réaction négative au sujet de l'élimination immédiate des tarifs douaniers mais par la suite, une société qui ne faisait pas partie du groupe consulté a protesté et nous avons tenu compte de ses désirs en déclarant que le tarif douanier sur les maillots de bain serait progressivement éliminé sur une période de deux ans et demi. Nous avons en effet jugé que les arguments de cette entreprise étaient légitimes, et nous lui avons dit qu'au cours de cette période de deux ans et demi, elle pourrait approcher le Tribunal canadien du commerce international afin de lui présenter le problème que pose le tarif de 19 p. 100 appliqué aux tissus qu'elle fait venir d'Europe.
C'est ce que nous avons expliqué à cette société. C'est en fait une procédure... Peut-être aurait-elle voulu que nous lui présentions la solution sur un plateau d'argent, mais je crois qu'elle a accepté la marche à suivre que nous lui avons recommandée pour régler son problème.
Nous nous sommes donc montrés très réceptifs et disposés à consulter les intéressés au cours du processus conduisant à cet accord, accord auquel il devrait maintenant être donné suite. Nous avons signé un accord dont l'entrée en vigueur devrait être le 1er janvier. Bien entendu, l'accord doit tout d'abord être approuvé par la Chambre et par le Sénat. Mais à mon avis, il faudrait qu'il entre en vigueur le 1er janvier de manière à ce que les entreprises canadiennes cessent d'être désavantagées lorsqu'elles traitent avec Israël.
N'oubliez pas que ce qui vaut pour l'un vaut aussi pour l'autre. Il ne s'agit pas de faire une faveur à Israël. Nous voulons signer cet accord parce qu'il est logique sur le plan économique pour Israël, pour le Canada et pour l'Autorité palestinienne.
Le président: Monsieur Flis.
M. Flis (Parkdale - High Park): Merci. Excusez mon retard.
Monsieur le ministre, le 3 octobre vous avez dit
- que le Canada a toujours l'intention d'étendre aux Palestiniens les dispositions de l'accord de
libre-échange au même titre qu'Israël, et que le Canada a l'intention d'étudier avec des
représentants palestiniens la prochaine étape du processus.
- Aujourd'hui, dans vos remarques préliminaires, vous dites que cette loi importante va
beaucoup contribuer à renforcer les liens qui nous unissent à Israël et à ouvrir de nouvelles
perspectives de collaboration et d'enrichissement réciproque. Pouvez-vous vraiment
m'assurer que si l'on insiste pour que la loi soit mise en oeuvre le 1er janvier, les deux parties
seront placées sur un pied d'égalité et le même genre de relations bilatérales et multilatérales
seront renforcées? Ne croyez-vous pas que nous allons un peu vite en besogne? Ne
devrions-nous pas attendre que le processus de paix avance un peu plus vite?
Avant d'aller plus loin, je crois qu'il serait bon que nous sachions exactement de quelles frontières nous parlons. Les deux parties seront-elles finalement traitées de manière juste et équitable? Je crois que nous devrions examiner ces questions avant de passer à l'examen article par article.
M. Eggleton: Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai remis au comité une lettre du ministre de l'Industrie et du Commerce d'Israël, M. Natan Sharansky, dans laquelle il indique clairement que le gouvernement israélien est d'accord pour que les avantages prévus soient étendus à l'Autorité palestinienne. C'est le gouvernement israélien qui administrerait l'accord en ce qui concerne l'Autorité palestinienne.
Nous parlons donc bien des frontières actuelles de l'État d'Israël et des frontières actuelles de l'Autorité palestinienne. Le processus de paix comporte naturellement d'autres questions relatives à ces frontières. Cela sort du cadre de notre discussion, mais comme je l'ai dit plus tôt, je vois là un important facteur de promotion du processus de paix, et une aide à l'amélioration de la situation économique des habitants d'Israël comme de ceux de l'Autorité palestinienne.
En fait, les réactions des Palestiniens ont été très positives. Les gens d'affaires ont favorablement réagi aux perspectives d'emploi et de croissance économique ainsi offertes et ils nous ont dit qu'ils étaient prêts à participer aux séminaires que notre ambassadeur et les membres de notre mission en Israël vont organiser au début de novembre dans les zones relevant de l'Autorité palestinienne, cela dit en passant. En fait, des séminaires destinés à leur montrer comment tirer profit de l'accord seront tenus à Gaza et à Ramallah.
Je crois que le respect de l'échéance du 1er janvier permettra d'accomplir un certain nombre de choses. Les possibilités d'échanges commerciaux et d'investissements entre nos deux pays seront accrues, ce qui contribuera à la création d'emplois et à la croissance économique au Canada. Les sociétés canadiennes cesseront également d'être désavantagées par le fait qu'Israël a déjà des accords de libre-échange avec les États-Unis, l'Union européenne et plusieurs autres pays - la Turquie, la République tchèque et la Slovaquie, je crois - ce qui lui permet d'avoir accès aux marchés de ces pays.
On m'a cité le cas précis d'entreprises qui ont partiellement fabriqué un produit au Canada et l'ont expédié aux États-Unis pour qu'il y soit fini afin de pouvoir ensuite les expédier comme produit des États-Unis en Israël et de bénéficier de l'accord de libre-échange entre les deux pays. Cela signifie que nous perdons des emplois au Canada, et c'est une raison supplémentaire de vouloir que l'accord entre en vigueur le 1er janvier. Il aidera la création d'emplois et la croissance économique dans notre pays.
Je vous le rappelle enfin, l'autre avantage est que cet accord permet aussi d'aider les Palestiniens ainsi que les Israéliens. Cela va les aider à créer des emplois et à se développer sur le plan économique, ce qui est une nécessité pour eux s'ils veulent que la paix et la sécurité s'instaurent.
M. Flis: Sur ces bonnes paroles, monsieur le président, poursuivons.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Flis.
Monsieur Loney.
M. Loney (Edmonton-Nord): Outre la question que M. Flis vous a posée, monsieur le président, pourriez-vous me dire si le projet de loi C-61 s'applique uniquement au tracé des frontières qui est antérieur à 1967? Pourriez-vous me dire exactement quelles zones ne sont pas couvertes?
M. Eggleton: Le projet de loi couvre toute la zone délimitée par les frontières actuelles d'Israël. Compte tenu de l'accord entre le gouvernement israélien et l'Autorité palestinienne, l'accord s'appliquera également aux régions relevant de l'Autorité palestinienne, c'est à dire la Cisjordanie et Gaza. Ce sont de ces frontières que nous parlons.
Il ne faudrait cependant pas considérer cela comme l'approbation du tracé actuel des frontières à la suite des guerres et des conflits du passé. Ce sont là des questions, tout comme la question de Jérusalem et de son contrôle, à propos desquelles nous avons vigoureusement recommandé que les parties s'assoient à la table des négociations de paix pour rechercher une solution.
M. Loney: Certaines zones sont-elles exclues?
M. Eggleton: Vous voulez dire à l'intérieur des frontières actuelles de l'État d'Israël? Je ne le pense pas.
Je crois qu'il est important de noter que puisque nous discutons ici d'un accord commercial, qui porte sur la question des tarifs, il l'applique au territoire sur lequel Israël exerce un contrôle douanier, donc, au territoire de l'Autorité palestinienne. C'est pourquoi il est important d'avoir cette lettre d'appui du gouvernement, d'autant plus qu'elle est signée par le ministre de l'industrie et du commerce.
M. Loney: Merci.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
[Français]
Madame Debien.
Mme Debien (Laval-Est): Bonjour, monsieur le ministre.
M. Eggleton: Bonjour.
Mme Debien: Vous nous avez dit tout à l'heure que le ministère avait négocié, dans le cadre de l'entente Canada-Israël, une diminution progressive concernant l'industrie du maillot de bain et de la lingerie fine. Cette diminution progressive des tarifs devrait s'échelonner sur une période de deux ans et demi.
Or, vous savez très bien que si, face à toute la question de l'accès au marché européen du textile, l'industrie n'était pas satisfaite, elle devrait s'adresser au Tribunal canadien du commerce extérieur. Vous savez que les démarches auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur sont très lourdes, très bureaucratiques et très compliquées pour une industrie qui a déjà des problèmes.
J'aimerais savoir si en négociant un libre accès au marché européen du textile, on pourrait permettre à l'industrie du maillot de bain et de la lingerie fine de solutionner en grande partie ses problèmes. Est-ce que vous êtes prêt à vous engager à négocier un libre accès au marché européen du textile pour cette industrie qu'on risque de ramasser en petits morceaux si le ministère ne fait rien?
[Traduction]
M. Eggleton: Je crois que la procédure appropriée pour les entreprises canadiennes consiste à s'adresser au Tribunal canadien du commerce international. Il faut pouvoir montrer à celui-ci que c'est un élément important de leur capacité de compétition sur le marché israélien, car si nous nous contentons de dire que le tarif devrait être éliminé, deux questions se posent.
Premièrement, n'oublions pas qu'il s'agit d'un tribunal indépendant et que le gouvernement ne peut pas se permettre de lui dire ce qu'il devrait faire.
Deuxièmement, si la décision n'est pas prise comme il se doit, l'industrie qui risque d'en souffrir est celle qui est implantée au Québec. En supprimant le tarif sans examiner les faits, nous pourrions donc porter préjudice à d'autres fabricants de maillots de bain du Québec, ainsi qu'à d'autres régions du Canada, et à d'autres secteurs de l'industrie textile canadienne.
[Français]
Mme Debien: Ce que j'ai demandé, monsieur le ministre, ce n'est pas que le ministère intervienne auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, mais si le ministre et le ministère étaient prêts à négocier un libre accès au marché européen du textile pour l'entreprise textile canadienne.
[Traduction]
M. Eggleton: C'est une question totalement différente.
[Français]
Mme Debien: Absolument.
[Traduction]
M. Eggleton: Excusez-moi, je croyais que vous parliez de l'autre...
[Français]
Mme Debien: C'était le sens de ma question.
[Traduction]
M. Eggleton: D'accord, mais c'est totalement différent de l'accord de libre-échange avec Israël.
Je dirai que, d'une façon très générale, nous voulons libéraliser le commerce, nous voulons abattre les barrières commerciales partout où nous le pouvons. Une tâche énorme nous attend déjà en ce qui concerne le libre-échange dans les Amériques d'ici 2005, et le programme de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique pour 2010-2020. Et il y a déjà un certain temps que nous voulons adopter un plan d'action avec la participation de l'Union européenne dont l'objectif est précisément ce dont nous parlons, la réduction des tarifs douaniers. En ce moment, nous nous heurtons là à un petit problème car un pays fait obstruction à cause de notre politique en matière de pêche. Nous espérons cependant pouvoir bientôt reprendre les discussions sur ce plan d'action, car cela nous fournirait le cadre nécessaire pour faire le genre de choses dont vous parlez.
Nous poursuivons donc la libéralisation du commerce partout où nous le pouvons. Nous pensons que c'est dans notre intérêt. Nous sommes une nation commerçante. Un tiers de notre économie est liée au commerce international. Nous voulons avoir accès à un plus grand nombre de marchés. Nous serions ravis d'en trouver d'autres pour l'industrie textile et l'industrie du vêtement du Canada.
Le président: Monsieur English.
M. English (Kitchener): Bonjour, monsieur le ministre.
Dans votre communiqué du 3 octobre, vous déclarez que le Canada a toujours l'intention d'accorder les mêmes avantages aux Palestiniens qu'aux Israéliens dans le cadre de l'accord de libre-échange. Vous ajoutez dans votre communiqué que le Canada a l'intention d'entamer des discussions avec des représentants palestiniens afin d'étudier la prochaine étape du processus.
J'ai trois questions à vous poser. Premièrement, des discussions avec des représentants palestiniens ont-elles déjà eu lieu? Deuxièmement, existe-t-il des documents émanant des Autorités palestiniennes qui sont dans le même esprit que la lettre du ministre Sharansky? Troisièmement, étant donné que l'Union européenne a accordé certains avantages à la Cisjordanie et à Gaza, et qu'apparemment, les États-Unis en ont fait autant dans le cadre de leur accord de libre-échange, pourquoi n'avons-nous pas procédé de la même manière puisqu'à bien des égards nous suivons l'accord américain?
M. Eggleton: À quel sujet? Excusez-moi.
M. English: L'extension des dispositions de l'accord à la Cisjordanie et à Gaza. Pourquoi ne s'agit-il encore que d'un projet d'avenir?
M. Eggleton: Mais ça existe déjà. C'est dans le projet de loi. S'il entre en vigueur le 1er janvier à la date prévue, il s'appliquera à la totalité du territoire d'Israël ainsi qu'à la zone placée sous l'Autorité palestinienne - même disposition, même date.
M. English: Avons-nous déjà eu des discussions avec l'Autorité palestinienne, ou des représentants palestiniens?
M. Eggleton: Oui.
M. English: Quelle a été leur réaction à cet accord de libre-échange?
M. Eggleton: Elle a été positive. Nos interlocuteurs palestiniens croient qu'il les aidera. C'est une question dont on a discuté dans les milieux d'affaires palestiniens. Ceux-ci connaissent l'existence de l'accord et sont très partisans de sa mise en vigueur.
Certaines des discussions se sont déroulées entre notre ambassadeur et l'Autorité palestinienne. J'ai vu une lettre de l'Autorité. Elle contient des commentaires très succincts, mais indique que les Palestiniens attendent ces séminaires avec impatience car ils seront l'occasion pour l'autorité gouvernante ainsi que pour les gens d'affaires, d'en apprendre plus sur les répercussions de l'accord.
M. English: Je ne suis pas allé en Israël depuis de nombreuses années, mais la lecture des récents communiqués de presse me donne l'impression que la frontière est en fait fermée, en tout cas à la population, à cause des événements récents, et que les marchandises ont bien des difficultés à franchir la frontière. Cela empêchera-t-il les Palestiniens de bénéficier des avantages de cet accord?
M. Eggleton: Le processus de paix traverse manifestement une passe difficile. Je ne suis pas spécialiste de la question et je ne sais pas exactement quand les passages frontaliers sont ouverts et quand ils sont fermés, mais j'imagine que lorsqu'il y a des risques élevés pour la sécurité, le contrôle se fait de manière un peu plus stricte. Mais ce que propose et facilite cet accord, ce sont les formalités douanières pour le mouvement des marchandises vers le territoire de l'Autorité palestinienne, dans les mêmes conditions que pour le reste d'Israël. Bien entendu, nous voulons aussi que le processus de paix aboutisse, que la paix et la sécurité s'instaurent de manière à ce qu'il y ait moins de fermetures de ces passages frontaliers et, même, nous l'espérons, qu'il n'y en ait aucune.
M. English: Je cite le Globe and Mail avec une certaine réticence après la période des questions d'aujourd'hui, mais dans son numéro du 17 octobre il y avait un article de Robert Mahoney, de Reuters, «Crumbling Pact Slows Israeli Economy». Selon M. Mahoney, comme l'État d'Israël est la grande puissance économique de la région, c'est lui qui a le plus à gagner de l'accord d'Oslo, mais en fait, la croissance se ralentit.
Jonathan Kolber, président de Claridge Israël Inc., succursale israélienne de la société d'investissement de Charles Bronfman à Montréal, a dit que les investisseurs étrangers refusent de desserrer les cordons de leur bourse en attendant de voir si le climat de confiance créé par le processus de paix pourra être préservé.
Je voudrais savoir si, au cours de nos discussions avec les Israéliens, nous leur disons que nous sommes préoccupés par l'avenir de leur économie et, en fait, de celui de toute la région, parce que le processus de paix semble marquer le pas pour le moment.
M. Eggleton: Je crois que les Israéliens comprennent parfaitement qu'il n'y aura de paix et de sécurité pour eux que s'il y en a également pour tous les autres habitants de la région du Moyen-Orient.
Les Israéliens ont conclu de nombreux accords avec les pays voisins, accords qui favorisent le développement économique et la coopération avec ces pays, comme nous le faisons nous-mêmes. Nous ne limitons pas nos activités au Moyen-Orient à un accord de libre-échange avec Israël qui s'étendrait aussi aux Palestiniens. Nous travaillons avec la Jordanie, avec l'Égypte, avec d'autres pays tels que l'Arabie Saoudite et la région, afin d'accroître les débouchés commerciaux, et d'aider tous ces pays à devenir membres de l'Organisation mondiale du commerce. L'État d'Israël le comprend très bien et a lui-même conclu de nombreux accords.
Lorsque j'étais en Israël en 1992, j'étais profondément frappé par le dynamisme de l'économie, l'esprit d'innovation, la capacité de développement industriel. Je crois que nous avons beaucoup de points communs avec les Israéliens. En fait, nous avons une fondation, la Fondation Canada-Israël pour la Recherche et le Développement Industriels à laquelle nos deux pays ont donné de l'argent. M. Rothschild, qui est présent et qui doit parler tout à l'heure, est président de cette fondation et il vous en parlera plus en détail. Les réalisations de la fondation sont nombreuses. Dans le domaine de la haute technologie, elle a aidé une douzaine de sociétés canadiennes et de sociétés israéliennes à conclure des ententes. Cela montre combien l'économie israélienne est avancée. C'est l'économie la plus avancée du Moyen-Orient et son potentiel de croissance est extraordinaire.
Indiscutablement, pour que tout cela se réalise sur le plan économique, il faudra établir un climat de paix et de sécurité grâce au processus déjà bien établi que devraient poursuivre les parties intéressées. Notre rôle à nous est un rôle de soutien.
M. Loney: Merci.
Le président: Je voudrais vous poser une autre question à ce sujet, monsieur le ministre. Je tiens à vous féliciter des efforts déployés par le gouvernement pour s'assurer que les bénéfices de l'accord de libre-échange seraient étendus aux zones palestiniennes. Je ne pense pas qu'on aurait été particulièrement heureux s'il en avait été autrement. Il aurait été difficile de voir en quoi cela aurait favorisé le processus de paix. Il s'agit donc d'une mesure très positive, et la lettre de M. Sharansky constitue elle-même un geste très positif et nous sommes heureux de la recevoir. Il n'y a plus qu'à attendre avec une certaine anxiété ce que sera la réaction de l'Autorité palestinienne.
Sans entrer dans les détails techniques, ce qui nous étudions ici, c'est la question de la règle d'origine. Nous, Canadiens, traiterons les produits fabriqués dans les zones palestiniennes comme des produits d'origine israélienne pour leur entrée au Canada. Les autorités israéliennes se sont elles-mêmes engagées à laisser librement transiter ces produits sur leur territoire lorsqu'ils sont destinés au Canada. Si je comprends bien ce que dit la lettre, les Israéliens traiteront les produits canadiens transitant sur leur territoire à destination d'autres régions actuellement occupées par eux comme s'ils étaient destinés à Israël. Cela revient donc pour les deux parties à appliquer une sorte de règle d'origine.
Ce qui pourrait être inquiétant, étant donné le climat du moment, c'est que le gouvernement actuel d'Israël, dont la position est manifestement très différente de celle de son prédécesseur à l'égard des négociations, exploite l'application technique de ces accords de manière à imposer sa volonté aux territoires occupés. Si cela était, l'accord ne serait plus considéré comme un facteur favorable au processus de paix, mais il deviendrait une arme supplémentaire qui permettrait en quelque sorte d'utiliser une autre forme de pression économique sur des personnes qui sont incapables de se défendre. Quelle serait alors la position du gouvernement canadien? Que faire pour nous assurer que cela ne se produira pas?
C'est probablement le problème qui inquiète les gens. Si nous étions certains qu'il n'existe pas, l'accord ne poserait certainement aucun problème. Je crois que tout le monde reconnaît qu'à long terme, c'est une solution merveilleuse. Tous les habitants de la région vont en profiter. Tout ce que nous voulons, c'est que l'accord soit appliqué comme il le faut.
M. Eggleton: Je tiens tout d'abord à dire que vous donnez une excellente description de la manière dont la règle d'origine s'appliquera au mouvement des marchandises destinées au Canada dans la zone couverte par l'Autorité palestinienne, sur le territoire d'Israël en général, ainsi qu'au mouvement des marchandises dans le sens contraire. Vous décrivez très bien la situation que vise cet accord.
En ce qui concerne la position exprimée dans cette lettre, je doute qu'il y ait un changement. Je ne pense pas que ce soit dans l'intérêt d'Israël de changer quoi que ce soit ou d'utiliser l'accord comme une arme car cela nuirait certainement au processus de paix. Cela provoquerait d'ailleurs des réactions non seulement de notre part, mais aussi de la part des Européens et des Américains. Il serait très risqué pour l'État d'Israël de faire volte-face car il a des accords de libre-échange avec de nombreux pays. Je ne pense donc pas qu'Israël fasse cela. Ce que dit M. Sharansky indique clairement que lui-même et le gouvernement de M. Netanyahu sont favorables à cet accord de libre-échange.
L'accord prévoit également un groupe chargé du règlement des différends dont les décisions seraient obligatoires en cas de difficultés d'interprétation de l'accord. Nous n'hésiterions pas à l'utiliser. Mais il est clair que le Canada veut que l'accord s'applique de manière égale et équitable à l'Autorité palestinienne au même titre qu'à toutes les parties d'Israël.
Le président: Merci, monsieur le ministre. Ces remarques nous sont utiles.
Je ne vois personne d'autre qui veut poser des questions. Si vous n'avez rien à ajouter, nous allons donc...
M. Eggleton: Je répéterai simplement que l'accord élimine pratiquement les tarifs. Il les élimine sur pratiquement tous les produits industriels, sous réserve d'une période transitoire dans deux cas, les maillots de bain de notre côté et les tissus de coton du leur. Les tarifs appliqués à de nombreux produits agricoles seront sensiblement réduits. Je crois qu'il y a de larges possibilités de coopération dans les secteurs de la haute technologie et de la biomédecine. Dans de nombreux domaines, le Canada a des compétences qu'Israël voudrait acquérir et vice versa. La situation se prête parfaitement à une augmentation considérable du commerce et des investissements. Comme nous le disons toujours, cela se traduit par des emplois et par la croissance économique pour les Canadiens.
Le président: Monsieur le ministre, Mme Gaffney ne voudrait pas vous laisser partir sans vous poser une question.
Mme Gaffney (Nepean): Il m'a dit que je ne pouvais poser qu'une petite question.
Monsieur le ministre, quelles sont les similarités et les différences entre l'accord canadien et l'accord américain? Avez-vous essayé de copier l'accord américain?
M. Eggleton: Nous nous sommes inspirés de l'accord américain et de l'accord européen avec Israël. Après tout, un de nos objectifs était de donner des chances égales aux entreprises canadiennes qui sont défavorisées par ces accords. Nous avons donc étudié ces accords avec soin et les avons utilisés comme points de référence au cours de nos négociations avec Israël.
Mme Gaffney: Les accords contiennent-ils des dispositions qui sont différentes des nôtres?
M. Eggleton: Notre accord est meilleur pour l'agriculture, ce qui est toujours bon. Il est toujours difficile d'obtenir un accord plus favorable dans le domaine agricole, mais Ralph Goodale n'a eu de cesse que j'obtienne les meilleures conditions possibles.
Le président: En fait, nous avions cru comprendre que les dispositions concernant l'agriculture avaient longtemps été un des obstacles principaux à la conclusion de l'accord. Vous pensez donc être parvenus au meilleur arrangement possible?
M. Eggleton: Absolument, et nous faisons la même chose avec le Chili.
Le président: Mme Debien va certainement vouloir vous envoyer à Bruxelles le plus tôt possible pour représenter les fabricants de maillots de bain. Vous avez beaucoup de voyages en perspective. Surtout, n'oubliez pas d'acheter votre maillot de bain à Montréal avant de partir.
Merci beaucoup, monsieur le ministre.
[Français]
Une voix: À Laval.
Le président: À Laval, excusez-moi. Il ne faut pas...
[Inaudible -Éditeur].
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre M. Rothschild, de la Fondation Canada-Israël pour la Recherche et le Développement Industriels. Bonjour, monsieur Rothschild.
Mes chers collègues, veuillez noter que nous avons pris une heure de retard. Il y a un vote important à la Chambre ce soir, ce qui risque d'interrompre nos travaux.
Monsieur Rothschild, vous allez sans doute faire une déclaration préliminaire d'une dizaine de minutes après laquelle vous serez prêt à répondre à nos questions. Si nous réussissons à limiter le temps consacré aux questions, nous pourrons passer plus rapidement au témoin suivant et, peut-être, rattraper le temps perdu. S'il y a des questions importantes à étudier... Je n'essaie pas de rogner les ailes à qui que ce soit. C'est simplement que nous avons déjà une heure de retard.
Monsieur Rothschild.
M. Henri Rothschild (président, Fondation Canada-Israël pour la Recherche et le Développement Industriels): Merci beaucoup, monsieur le président.
La Fondation Canada-Israël pour la Recherche et le Développement Industriels - j'utiliserai l'acronyme FCIRDI pour gagner du temps - a été créée à la suite d'un protocole d'entente entre le Canada et Israël qui a été signé en 1993. Un des principaux objectifs de cette entente était de promouvoir la recherche et le développement industriels.
Un des aspects les plus importants de ce protocole d'entente était la création d'un fonds d'investissement - comme le ministre l'a dit tout à l'heure - dans les projets de recherche et de développement industriels entrepris en coopération par des sociétés des deux pays. Pendant trois ans, chaque partie a investi un million de dollars par an. Une organisation a donc été créée pour gérer le fonds et assurer l'atteinte des objectifs du protocole d'entente. Cette organisation devait être non gouvernementale, sans lien de dépendance avec le gouvernement; elle devait avoir son siège au Canada et avoir un caractère bilatéral ou binational.
Selon l'accord passé entre le Canada et Israël, le président du Conseil d'administration serait un Israélien. Cet Israélien est l'expert scientifique en chef du ministère israélien de l'Industrie et du Commerce. Le président-directeur général serait un Canadien - en l'occurrence, votre serviteur - et il y aurait un conseil d'administration binational composé de trois personnes de chaque pays. Dès 1994, la fondation était opérationnelle.
En quoi consiste notre travail? Nous avons un triple mandat: faire valoir les avantages de la coopération bilatérale en matière de recherche et de développement; établir un service de liaison dans le domaine de la technologie; investir dans des projets, comme je viens de le dire.
Je voudrais maintenant parler de ces trois points. J'espère que je vous fournirai ainsi un contexte utile, ou du moins pertinent, pour vos délibérations. Premièrement, quelles sont nos réalisations au bout de deux ans et demi? Deuxièmement, qu'avons-nous appris? Troisièmement, quel rapport cela a-t-il avec le libre-échange entre le Canada et Israël.
Le président: C'est précisément la raison de notre réunion, cet après-midi.
M. Rothschild: Oui, et je serai ainsi certain de pouvoir utiliser tout le temps qui m'est accordé.
Premièrement, comme l'a dit le ministre, nous avons investi près de 4 millions de dollars, soit plus des deux tiers de l'argent de notre programme, dans 12 projets. Ces 12 projets représentent environ 9 millions de dollars de R et D bilatérale. Ce sont des projets de grande qualité qui ont été soumis à un contrôle et à un examen d'une rigueur rare dans ce domaine. Même si l'on ne réalise pas plus d'un quart des bénéfices commerciaux, nous nous attendons à des ventes de plus de 300 millions de dollars et à la création de 100 à 150 emplois de haut niveau, très bien rémunérés. Ce n'est pas un mauvais investissement. Je vous rappelle d'ailleurs qu'il s'agit de contributions remboursables.
Deuxièmement, nous avons établi des relations de travail officielles avec des organismes régionaux du gouvernement fédéral, avec l'APECA, avec le BFDR (Québec), avec Industrie Canada, avec les services commerciaux de l'ambassade d'Israël au Canada et de l'ambassade du Canada en Israël, et avec le Conseil national de recherches. Nous cherchons ainsi à établir un véritable service de liaison national dans le domaine de la technologie. Nous avons organisé des séminaires d'information dans toutes les régions du Canada ainsi qu'en Israël.
À titre d'exemple, l'an dernier, nous avons tenu un séminaire dans la région de Halifax auquel plus de 75 représentants du secteur de la haute technologie ont assisté. Nous avons maintenant 20 dossiers de liaison actifs pour le Canada-Atlantique. Rien qu'en Alberta, nous en avons dix autres. En janvier, nous espérons tenir un séminaire de liaison pour la création de service de partenariat à Québec. Il sera axé sur la biotechnologie et les télécommunications.
Qu'avons-nous appris? Ce que nous avons appris de plus important est sans doute que ce genre de partenariat dans le domaine de la R et D est important pour le Canada, quel que soit le partenaire. Pourquoi? Parce que notre programme économique prévoit une orientation plus novatrice et plus globale. C'est un point sur lequel tous les partis politiques, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont d'accord. Nous avons tous le même objectif. Il est indispensable que nos sociétés investissent plus dans la technologie, qu'elles adoptent une orientation plus novatrice et plus globale.
Deuxièmement, comme le Forum économique mondial l'a fait remarquer au printemps dernier en donnant une assez bonne note au Canada, si notre pays a une faiblesse, c'est qu'il n'a pas établi suffisamment de partenariats dans le domaine de la R et D. Contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays, nos sociétés n'ont pas tendance à établir ce genre d'alliance. C'est un domaine dans lequel le Canada est comparativement désavantagé, et dans lequel nous devrions faire plus d'efforts.
Ce que nous avons aussi appris c'est qu'Israël est un excellent partenaire pour le Canada. Je vais vous expliquer pourquoi.
[Français]
Premièrement, pour expliquer les avantages qu'offre Israël aux entreprises canadiennes, il est nécessaire d'analyser et d'expliquer la performance remarquable d'Israël dans le domaine économique.
Israël bénéficie d'une infrastructure technologique vaste et diversifiée. Ses compétences technologiques s'inscrivent à la pointe du progrès dans des domaines importants pour le Canada et pour d'autres pays, par exemple dans le domaine de la télécommunication et celui de la biotechnologie liée aux industries de la santé et aux industries de l'environnement.
La population active du pays comprend un pourcentage d'ingénieurs et de chercheurs parmi les plus élevés du monde.
[Traduction]
Si l'on considère les indicateurs de R et D, Israël a des titres de compétences exceptionnels, et même uniques. C'est ce que reflètent des investissements en R et D qui représentent un des pourcentages du PIB les plus élevés au monde. C'est un indicateur important lorsque l'on essaie de comprendre l'avantage comparatif d'un pays dans une économie basée sur la connaissance.
Outre le volume de R et D, sur le plan de la qualité, la recherche israélienne est une de celles qui sont le plus souvent citées et qui ont établi le plus de partenariats au monde. En effet, les équipes de recherche israéliennes se distinguent par le nombre et l'importance des liens qu'elles ont noués avec les chercheurs d'Europe de l'Ouest et de l'Est - ce qui est tout à fait exceptionnel - avec les États-Unis, et de plus en plus, avec l'Extrême-Orient. Ces liens technologiques s'accompagnent de liens commerciaux. Quel que soit le critère appliqué, Israël est un partenaire idéal pour le Canada dans le domaine de la technologie industrielle.
Nous avons également appris que toutes les régions du Canada souhaiteraient développer leurs liens commerciaux avec Israël, non seulement parce que chaque pays représente un marché haut de gamme - si petit qu'il soit - pour son partenaire dans le secteur des industries à base technologique, mais aussi parce que des liens technologiques plus étroits permettent ensuite d'entreprendre des opérations conjointes de commercialisation et de créer des complémentarités commerciales. Autrement dit, lorsqu'on a un partenaire technologique israélien, il est plus facile de pénétrer les marchés dans les pays du tiers monde.
Enfin, quel rapport tout cela a-t-il avec le libre-échange? Sur ce dernier point, je voudrais vous présenter mes vues sous l'angle de la R et D - car c'est le seul que je puisse utiliser ici - ce sont les raisons pour lesquelles le libre-échange avec Israël est profitable au Canada.
Le libre-échange nous aide à commercialiser la collaboration technologique en plaçant les entreprises canadiennes, en particulier les PME, sur un pied d'égalité avec celles des États-Unis et de la Communauté européenne, qui ont déjà des accords de libre-échange avec Israël. Cela contribuera à accroître la collaboration entre le Canada et Israël dans le domaine de la recherche industrielle et le commerce bilatéral des produits technologiques, qui se heurte actuellement à des barrières tarifaires dont ces concurrents n'ont pas à se préoccuper.
Je tiens à souligner que tous ces termes - partenariat, collaboration, commercialisation conjointe, commerce bilatéral et même trilatéral - sont des aspects du même éventail d'activités technologiques et commerciales. Les distinctions entre ces termes deviennent de plus en plus floues.
En conclusion, la politique commerciale du Canada doit viser à créer de nouveaux débouchés pour nos entreprises. Les domaines les plus prometteurs, ceux qui offrent les plus grandes possibilités de croissance - cela signifie aussi une croissance des emplois et, particulièrement, des bons emplois - sont celles des industries technologiques haut de gamme. Il est manifeste que le partenariat, la collaboration et le commerce bilatéral avec Israël dans de tels domaines sont dans l'intérêt du Canada et peuvent favoriser les perspectives commerciales de l'ensemble de la région. À notre avis, ce genre d'accord ne comporte aucun élément négatif.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Rothschild.
Une petite remarque: vous semblez avoir glissé sans vous y arrêter sur l'avantage comparatif d'Israël qui a profondément frappé au moins ceux d'entre nous qui se sont rendus dans ce pays. C'est la capacité technologique de la population et la richesse intellectuelle qu'on y trouve. Il est permis de penser que l'arrivée récente d'immigrants russes, combinée avec la formation très poussée de la population israélienne, est une des grandes raisons pour lesquelles Israël a remporté tant de succès dans le domaine de la R et D.
M. Rothschild: Je croyais l'avoir mentionné brièvement. Mais vous avez raison. Israël investit régulièrement trois pour cent environ de son PIB dans la R et D. Une des façons les plus faciles d'avoir un pourcentage de R et D élevé est d'avoir un PIB très faible. Or, celui d'Israël a toujours été élevé - en fait, la croissance de son PIB a été tout à fait remarquable au cours des cinq ou six dernières années - pourtant, trois pour cent du PIB continuent à être consacrés à la R et D, ce qui est considérable: plus du double du pourcentage au Canada.
D'autre part, le nombre des ingénieurs et des scientifiques dans la population active est un des plus élevés au monde.
Du point de vue technologique, Israël ressemble plus à un pays du Pacifique qu'à tout autre pays. Israël continue régulièrement à investir dans la R et D, et cet investissement a été renforcé, comme vous l'avez dit fort justement, par l'arrivée d'un nombre élevé d'immigrants de l'Ancienne Union soviétique, qui ont eux-mêmes un niveau d'instruction exceptionnellement élevé.
Le président: Merci.
Monsieur MacDonald.
M. MacDonald (Dartmouth): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Rothschild, merci de nous avoir décrit ce bel exemple de réussite. Comme vous le savez, puisque vous avez mentionné l'APECA et d'autres organismes de développement régional avec lesquels vous essayez de vous associer pour vous assurer que les régions bénéficient également des avantages économiques que ce type de programme apporte au Canada.
J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, je voudrais savoir si les entreprises qui appartiennent à des Palestiniens pourraient être considérées pour ce genre de partenariat. Deuxièmement, je voudrais savoir si Israël a des programmes similaires destinés à encourager les investissements en R et D, le développement et la création d'emplois dans les zones palestiniennes sur territoire israélien. L'expérience que nous avons vécue au Canada montre que ce n'est pas nécessairement une bonne politique économique de laisser jouer les forces du marché. Il faut parfois créer des organismes que certains considèrent comme quelque peu interventionnistes tels que l'APECA et le BFDR (Québec), ainsi que la FedNor et le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest, pour être sûr que les retombées industrielles, la création d'emplois et la croissance économique se produisent aussi dans les régions les plus désavantagées.
Lorsque je considère l'État israélien et les zones palestiniennes, il est très clair pour moi qu'un des obstacles à la stabilité et à la paix à long terme est créé par la disparité qui existe dans la région, en particulier dans les zones palestiniennes. Je présente donc ma question dans un contexte canadien et je voudrais savoir si...
Le président: Voilà bien une réaction d'habitant des Maritimes.
M. MacDonald: Ce que je voudrais savoir, car je l'ignore, c'est si le gouvernement israélien reconnaît qu'il n'y aura de paix et de stabilité durables que lorsque la croissance économique s'étendra également à l'ensemble d'Israël et des territoires palestiniens. Je voudrais aussi savoir si Israël a des programmes destinés à encourager le genre de partenariat qu'il a actuellement avec le Canada.
M. Rothschild: Bien évidemment, je ne peux pas répondre pour le gouvernement israélien. Il faudra sans doute que vous lui posiez la question.
M. MacDonald: La raison pour laquelle je vous la pose est que vous avez une vision beaucoup plus complète de la situation que n'importe quel membre de ce comité, puisque vous êtes le président d'une fondation qui fait un travail très important de création de partenariats en R et D, en collaboration avec le gouvernement israélien.
M. Rothschild: Premièrement, en ce qui concerne la participation de sociétés israéliennes, je vous rappelle qu'il s'agit d'un accord entre le gouvernement d'Israël et le gouvernement du Canada portant sur le financement de projets.
D'ailleurs, rien n'empêche la fondation d'utiliser les bases de données sur la recherche industrielle palestiniennes dans nos services de liaison. Nous pourrions le faire dès demain, sans rien devoir changer aux règlements de notre fondation. Je suis d'accord avec tous ceux qui disent que ce serait une décision très constructive de la part de tout le monde.
Je connais deux programmes israéliens qui font appel à la participation des spécialistes palestiniens de la R et D industrielle. Le premier est un composant de la fondation États-Unis-Israël de R et D industrielle, appelée la BIRD, pour Binational Industrial R and D. Cette fondation a même maintenant un composant trilatéral. Je crois savoir que, jusqu'à présent, cette initiative n'a connu que des succès.
Je sais que les universités israéliennes ont des programmes qui sont axés sur la promotion du développement technologique dans les zones palestiniennes ainsi que des travaux en collaboration qui s'y déroulent.
Les Palestiniens sont un des peuples les plus instruits et les plus compétents sur le plan technologique du monde arabe. Il n'y a aucune raison pour que cette région ne puisse pas faire concurrence aux pays du Pacifique sur le plan technologique - absolument aucune raison.
M. MacDonald: Pour terminer, je voudrais savoir si la Fondation Canada-Israël pour la Recherche et le Développement industriels a engagé des discussions avec ses homologues israéliens pour voir si elle a un rôle à jouer et si elle a essayé d'encourager le même genre d'expérience à succès dans les zones palestiniennes.
M. Rothschild: Il ne serait pas convenable que nous engagions des négociations avec des homologues israéliens car, - je ne me suis manifestement pas clairement expliqué plus tôt - nous sommes une fondation binationale. Nous n'avons donc pas d'homologues israéliens. Nous avons en quelque sorte une double personnalité. Nous sommes un instrument des deux gouvernements et avons prouvé, je crois, que nous sommes capables d'atteindre un certain nombre d'objectifs valables. C'est pour cette raison que si les deux gouvernements décidaient d'utiliser la fondation de manière plus novatrice et créatrice, nous serions prêts à les obliger.
M. MacDonald: J'ai une dernière question à vous poser. La fondation ne serait donc pas opposée à ce que l'on envisage au moins une telle possibilité.
M. Rothschild: Je ne peux bien entendu pas parler au nom du conseil d'administration, mais à titre personnel, je peux vous dire que je n'y serais pas opposé.
Le président: Merci, monsieur Rothschild.
[Français]
Madame Debien.
Mme Debien: Bonjour, monsieur Rothschild.
M. Rothschild: Bonjour.
Mme Debien: Au début de votre intervention, vous nous avez dit qu'actuellement, les deux tiers du fonds de la Fondation étaient affectés à 12 projets de recherche et de développement pour une valeur de 9 millions de dollars. C'est bien ce que vous avez dit?
M. Rothschild: J'ai dit que la valeur des projets était de 9 millions de dollars, mais notre investissement est inférieur à ce montant.
Mme Debien: Quels sont ces projets, quelle en est la nature et qu'en est-il pour le Québec?
M. Rothschild: Je peux vous donner la documentation particulière. Plus du quart des projets sont au Québec. En général, les secteurs de l'économie qui dominent, non seulement dans les projets où nous avons investi financièrement mais dans notre service de partenariat, sont dans les domaines biomédical et des télécommunications, y compris celui du logiciel.
Au Québec, je peux même vous nommer les compagnies, si cela vous intéresse.
Mme Debien: Je l'apprécierais, oui.
M. Rothschild: Il y a Biochem Pharma, Division Thérapeutique, dans la région de Montréal, qui est en partenariat avec une petite compagnie en Israël qui est un spin-off de l'Institut Weizmann pour le développement d'un vaccin pour l'hépatite C; il y a la compagnie Vapor dans la région de Montréal, qui fabrique des portes automatiques pour la compagnie Bombardier; là, c'est un système ultrason pour une meilleure automatisation de la porte. C'est un peu le type de projet dans lequel on investit.
Mme Debien: Je vous remercie.
M. Rothschild: Je vous en prie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Rothschild. Vos remarques ont été très valables et très utiles.
[Traduction]
Nos prochains témoins représentent le National Council on Canada-Arab Relations. Nous accueillons le professeur Kubursi, de l'université McMaster, et M. Lynk, qui est le secrétaire-trésorier du Conseil.
Soyez les bienvenus, MM. Kubursi et Lynk. Merci d'avoir bien voulu comparaître devant le comité. Vous m'avez sans doute entendu dire tout à l'heure que nous avions pris du retard. Je ne voudrais pas vous bousculer, mais essayons de faire avancer les choses. Veuillez donc faire une déclaration préliminaire, après quoi, nous passerons aux questions. Merci, messieurs.
M. Michael Lynk (secrétaire-trésorier, National Council on Canada-Arab Relations): Je m'appelle Michael Lynk et prendrai la parole le premier. Je crois qu'on a fait circuler une copie de notre exposé parmi les membres du comité.
Nous sommes très reconnaissants au comité de nous avoir invités à lui faire part de nos commentaires sur le projet de loi C-61. Ces commentaires porteront surtout sur certains aspects du droit international et sur les considérations économiques que soulève le projet de loi C-61. Nous avons un certain nombre de recommandations à présenter sur un point qui, à notre avis, révèle des lacunes graves dans le projet de loi.
À en juger d'après les remarques faites plus tôt par le ministre - tant dans son exposé que dans ses réponses aux questions qui lui ont été posées - j'en ai conclu qu'il existe un lien étroit entre l'économie et la politique, particulièrement au Moyen-Orient. Je ne pense pas qu'une analyse du projet de loi puisse négliger l'existence de ce lien.
Je crois qu'il importe d'attirer l'attention du comité sur certains aspects du droit international, en particulier en ce qui concerne les droits d'une puissance sur un territoire qu'elle occupe. Vous noterez, aux pages 3, 4 et suivantes de notre mémoire que nous présentons une brève description de la manière dont le droit international s'applique à Israël, aux pays occupés et aux Palestiniens. Ces dispositions découlent de la Convention de La Haye, de la Convention de Genève et de nombreuses résolutions des Nations Unies qui continuent à être aujourd'hui applicables à Israël, comme elles l'étaient déjà en 1967. Il s'agit notamment de l'acquisition d'un territoire à la suite d'une opération militaire ou d'une guerre; de l'installation d'une population civile sur le territoire occupé; et de l'imposition de sanctions collectives à la population du territoire occupé.
À la page 5 de notre exposé, nous indiquons que les impératifs du droit international se sont encore une fois avérés un test pertinent et absolument indispensable du progrès de la paix au Moyen-Orient. Nous attirons votre attention sur un certain nombre de points qui montrent que la politique actuelle du gouvernement israélien est contraire aux principes du droit international: ses efforts accrus pour créer de nouvelles colonies et étoffer celles qui existent déjà; l'extension du réseau de routes utilisées par les colons dans toute la Cisjordanie; les fermetures prolongées et très perturbatrices des accès aux territoires administrés par les Palestiniens, et la destruction de l'économie palestinienne qui en résulte - autant de questions dont M. Kubursi vous parlera plus en détail dans quelques minutes; il convient aussi de noter les prises de position très claires de représentants de haut rang du gouvernement israélien sur toutes les questions relatives au statut définitif qui devraient être discutées dans un proche avenir par Israël et l'Autorité palestinienne, notamment en ce qui concerne Jérusalem, les établissements de colons, les frontières, les réfugiés, l'utilisation de l'eau et la souveraineté palestinienne.
Reportez-vous à notre note, au bas de la page 4, où nous citons une récente déclaration du gouvernement du Canada au sujet de son attitude à l'égard du Moyen-Orient. C'est une position que le National Council on Canada-Arab Relations approuve sans réserve.
- Le gouvernement du Canada a en effet déclaré qu'il ne reconnaît pas le contrôle permanent des
Israéliens sur les territoires occupés en 1967 (le plateau du Golan, la Cisjordanie,
Jérusalem-Est et la bande de Gaza) et qu'il est opposé à toute mesure unilatérale destinée à
décider d'avance du résultat des négociations, notamment l'établissement de colonies dans les
territoires et la prise de mesures unilatérales pour annexer la partie est de Jérusalem et le plateau
du Golan. Le Canada considère que de telles actions sont contraires au droit international et
qu'elles nuisent au processus de paix.
Premièrement, nous considérons que l'accord devrait contenir une disposition clairement énoncée concernant les droits de la personne, le droit international et les principes démocratiques. Nous indiquons à la page 10 que dans le traité de libre-échange entre Israël et l'Union européenne, qui a été signé en décembre 1995, le premier article de l'accord contient précisément une telle disposition. Nous avons cité la référence explicite aux droits de la personne et aux principes démocratiques contenus dans cet article qui constitue un élément essentiel de l'accord. Nous avons aussi des copies du traité entre les États-Unis et Israël au cas où les membres du comité voudraient pouvoir le consulter.
Deuxièmement, nous pensons que le projet de loi devrait être modifié de manière à ce qu'il soit mis en oeuvre progressivement, en fonction des progrès réalisés et des résultats concrets obtenus en ce qui concerne le processus de paix et le respect du droit international par Israël.
Troisièmement, nous voudrions que le projet de loi C-61 comprenne une disposition précise interdisant l'importation au Canada de marchandises fabriquées ou produites dans les entreprises de colonies israéliennes installées dans l'un ou l'autre des territoires occupés par Israël, ainsi qu'un moyen efficace de vérifier l'observation de cette disposition.
Je dois dire que j'ai été loin d'être satisfait par les déclarations faites plus tôt par le ministre lorsqu'on lui a posé de questions au sujet des frontières d'Israël. Il semble, du moins dans son esprit, que l'accord de libre-échange s'applique à tous les territoires actuellement contrôlés par Israël.
Nous vous rappelons que Revenu Canada a récemment rayé de ses listes une fondation charitable au Canada parce qu'elle envoyait de l'argent aux territoires occupés. Le Canada considère qu'il s'agit bien de territoires occupés et que les dispositions du droit international. Le processus de paix serait gravement compromis si, dans cet accord autorisant l'entrée non contrôlable et non réglementée de marchandises totalement ou partiellement fabriquées ou produites dans ces colonies.
Quatrièmement, nous réclamons aussi la mise en oeuvre d'un accord de libre-échange parallèle avec la Palestine et l'Autorité palestinienne. Je tiens cependant à insister sur un point dont le professeur Kubursi vous parlera sans doute plus en détail. C'est une chose de mettre en oeuvre un accord parallèle avec la Palestine, mais il s'agit de deux économies totalement différentes. Il serait certainement beaucoup plus utile, étant donné le caractère destructif du blocus israélien sur l'économie palestinienne, d'intervenir plus vigoureusement pour y mettre fin que de signer un accord quelconque de libre-échange avec l'Autorité palestinienne.
Pour terminer, nous demandons que ce projet de loi soit révisé en attendant que les recommandations présentées et les préoccupations exprimées soient prises en considération dans la loi.
M. Kubursi.
Le professeur Alif Kubursi (National Council on Canada-Arab Relations): Merci, monsieur le président.
Je me réjouis d'être ici pour pouvoir contester certaines des déclarations faites par l'honorable ministre et pour confirmer certaines des déclarations de mon collègue.
Les exportations représentent plus de 40 p. 100 du produit intérieur brut du Canada et plus de70 p. 100 de son commerce se fait avec un seul pays. Il est donc compréhensible et louable que le Canada continue à essayer d'ouvrir ses marchés et de garantir l'accès aux marchés traditionnels. Cependant, il est totalement inacceptable que nous le fassions aux dépens de certains objectifs auxquels nous sommes attachés de longue date et que nous ignorions un certain nombre de précédents importants et de conventions internationales. Il importe en effet que le Canada bénéficie de règles du jeu équitables sur le marché israélien, mais il n'est pas raisonnable qu'il ne garantisse pas les mêmes conditions aux Palestiniens.
La question suivante est encore beaucoup plus importante et il est peut-être plus légitime que nous la posions. Dans quelle mesure le Canada est-il sûr que certains des produits qu'il importera dans le cadre d'un régime de faveur ne sont pas produits sur des terres expropriées qui utilisent une eau dont on prive les Palestiniens, par une main-d'oeuvre exploitée à qui on verse un salaire de misère?
Il est également essentiel de ne pas confondre avec l'impunité la capacité des Palestiniens d'exploiter le fait que nous permettons à des colonies illégales dans des régions occupées de bénéficier de ce système, de ce traitement préférentiel et de ce nouvel accord.
Le point sur lequel nous tenons plus que tout à insister c'est que l'économie n'est pas la seule justification de cet accord de libre-échange et ne saurait l'être. Après tout, le commerce bilatéral entre Israël et le Canada, qui est d'environ 450 millions de dollars, n'est pas particulièrement important. À elles seules, les exportations canadiennes en Arabie Saoudite dépassent 500 millions de dollars. Les exportations canadiennes dans plus de 50 pays sont des multiples de ces exportations en Israël, qu'il s'agisse de la Corée, des Philippines, de la Thaïlande, du Brésil, du Chili ou de la Colombie. La liste est longue.
La question est de savoir pourquoi le Canada n'a pas cherché à uniformiser les règles du jeu commerciales dans un de ces pays et a préféré concentrer ses efforts sur Israël? À notre avis, le processus de paix, les nouveaux arrangements conclus après Oslo doivent avoir joué un rôle très important dans sa décision. Et c'est là où nous ne sommes plus d'accord.
En réalité, vous avez promis aux Palestiniens - et pas seulement à eux mais aussi aux autres Arabes - que la paix leur apporterait des avantages substantiels: le commerce et les investissements augmenteraient, le tourisme international aussi; ils pourraient réduire leurs dépenses militaires et inviter des investisseurs étrangers à venir dans la région pour tirer parti des vastes marchés qui s'y trouvent, et avec une stabilité accrue, la paix leur apporterait bien d'autres avantages.
Or, dans la pratique, ce sont les Israéliens qui en ont tiré d'énormes avantages. Ils se sont fait une place sur les marchés du Moyen-Orient dont ils avaient été exclus pendant de nombreuses années. Ils ont réussi à augmenter les investissements étrangers qui sont aujourd'hui de l'ordre de 1,6 milliard de dollars, alors que ces dernières années, ils ne parvenaient même pas à 200 millions de dollars; quant aux montants gagés, ils ont dépassé 2,5 milliards de dollars.
Et voici maintenant l'accord de libre-échange, un autre joli cadeau qui est fait aux Israéliens dans le cadre de ce processus de paix. À côté de cela, qu'ont donc les Arabes et les Palestiniens? À Gaza, le chômage a atteint 70 p. 100. En Cisjordanie, il est d'environ 40 p. 100. L'accès à la région est interdit par une série de barrages, et même dans les territoires occupés, les gens ne peuvent pas circuler librement. Les gens viennent déverser leurs fruits et légumes sur la route - comme vous pouvez le voir sur une des photos qui ont paru hier dans un grand journal arabe. Ils viennent les décharger au poste frontalier parce qu'ils ne peuvent pas les vendre. Ils n'ont pas les moyens de construire un port ou un aéroport et d'avoir des contacts avec le reste du monde.
Même si nous accordions aux Palestiniens - le ministre a en effet dit qu'il en avait l'intention, mais je ne sais pas exactement comment cela pourrait se faire puisqu'il n'existe aucune disposition dans l'accord... Mais comment diable peut-on vraiment s'attendre à ce que les Palestiniens tirent parti de l'accord de libre-échange s'ils sont soumis à un véritable blocus, si tout doit être totalement contrôlé par les Israéliens?
Ils ne peuvent pas être propriétaires de leurs terres dont plus de 70 p. 100 de la superficie a déjà été expropriée. Ils ne peuvent pas revendiquer la propriété de leur eau. Il y a plus de 800 millions de mètres cubes d'eau dans une formation aquifère commune sous les collines de Cisjordanie, mais les Palestiniens n'y ont pas accès parce qu'ils ne peuvent pas forer de puits dont la profondeur dépasse 15 pieds, alors que les Israéliens ont pleinement accès à cette eau.
Prenez l'accord de libre-échange lui-même. Le ministre déclare, et une partie de la documentation de son ministère le confirme, qu'Israël a exporté 6,9 millions de dollars de produits agricoles, en majorité des légumes et des fruits. Ce sont des produits dont la culture exige beaucoup d'eau. N'est-il pas curieux qu'un pays qui manque d'eau exporte de tels produits dans un pays qui, lui, a de l'eau en abondance, et que pour pouvoir le faire, il utilise illégitimement l'eau qu'il refuse à d'autres d'utiliser légitimement?
Ne faisons-nous point là un joli cadeau à Israël en lui permettant de continuer à exploiter l'eau de cette formation aquifère commune - qui est d'ailleurs une ressource non renouvelable - et de menacer ainsi un système écologique fragile?
Cela va plus loin que de simples encouragements à un gouvernement en transition qui a créé de plus en plus d'obstacles à l'avancement du processus de paix. Nous le récompensons économiquement pour son intransigeance. Nous lui donnons un accès accru à l'exploitation d'un environnement fragile, et de plus en plus, nous lui permettons d'exporter à des prix qui sont de parfaits exemples d'écarts par rapport aux prix de rareté, qui encouragent un gaspillage éhonté, et qui contribueront au maintien de l'exploitation et de la surexploitation de ressources qui ne lui appartiennent pas.
Je ne veux pas vraiment m'appesantir sur ce point. Comme l'a dit le ministre, l'économie est certainement un facteur important, mais ce n'est pas le seul. Ce qui est beaucoup plus important, ce sont les problèmes fondamentaux de défense des droits de la personne, les fleurs que l'ont fait à des gens qui sont censés favoriser le processus de paix alors qu'en récompense en réalité le parti qui a interrompu ce processus et qu'on encourage les pratiques écologiquement non viables, en particulier lorsqu'il s'agit d'une ressource aussi rare et importante que l'eau.
Quinze des 22 pays que la Banque mondiale a désignés comme ayant des ressources en eau faibles ou compromises se trouvent au Moyen-Orient, et la Palestine est le plus pauvre d'entre eux. Et tout cela se passe à une époque où ces gens se sont vu refuser leur part légitime de cette ressource. On sait aujourd'hui dans le monde entier que la propriété de cette eau est contestée; mais elle appartient en fait aux Palestiniens.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le professeur.
Madame Debien.
[Français]
Mme Debien: C'est M. Lynk, je crois, qui a suggéré tout à l'heure d'ajouter au projet de loi quatre dispositions qui aideraient au processus de paix et à la compréhension entre les deux pays. Une de ces dispositions avait trait aux droits de la personne.
Vous avez entendu comme moi tout à l'heure la réponse du ministre: un accord de libre-échange n'est pas l'endroit pour insister sur cette disposition. Nous trouvons le Canada très frileux à ce sujet-là, malgré l'exemple patent que mon collègue Stéphane Bergeron a donné concernant une entente entre l'État d'Israël et la Communauté européenne en décembre 1995 à ce sujet. L'article 1 de cet accord de libre-échange mentionne clairement:
[Traduction]
- Les relations entre les parties, ainsi que les dispositions de l'accord lui-même doivent être
fondées sur le respect des droits de la personne et sur les principes démocratiques, qui guident
leur politique interne et internationale et constituent un élément essentiel de cet accord.
Nous ne pouvons qu'être d'accord avec vous à ce sujet. La réponse du ministre n'a certainement pas tenu compte de cette entente importante qu'il y avait déjà eu.
[Traduction]
M. Lynk: Madame Debien, je suis parfaitement d'accord avec vous. À ce propos, vous noterez qu'à la page 10 de notre mémoire nous citons précisément la même clause de l'accord avec l'Union européenne. Dans ses réponses aux questions concernant les autres accords de libre-échange, le ministre a bien dit que nous avions étudié l'accord de libre-échange entre les États-Unis et Israël et l'accord de libre-échange entre l'Europe et Israël, pour nous assurer de l'uniformité des règles du jeu.
Nous pensons que la meilleure façon d'avoir des règles équitables, en particulier lorsqu'il s'agit d'un accord de libre-échange avec Israël, serait d'inclure cette clause de l'article 1 de l'accord avec l'Union européenne concernant les droits de la personne et les principes démocratiques. Quant au droit international et à la fragilité du processus de paix, lorsqu'il s'agit d'Israël, il est actuellement impossible de dissocier l'économie de la politique, le commerce, des aspects fondamentaux des droits de la personne.
M. Kubursi: Je voudrais ajouter un mot. Le ministre a dit que nous commercions avec Cuba et que la situation était la même. Ce n'est pas vrai.
[Français]
Mme Debien: Mais il n'y a pas de libre-échange.
[Traduction]
M. Kubursi: Oui. Ce n'est pas la même chose, parce que dans le cas de Cuba, les Américains avaient l'intention d'imposer un blocus total.
Il y a des échanges commerciaux entre Israël et le Canada. En fait, ces échanges ont augmenté sensiblement en 1995. Ils ont augmenté de 37 p. 100 par rapport à 1994, et les importations, de32 p. 100. En fait, s'il y a des obstacles, j'ai bien du mal à en trouver. Comment peut-on expliquer une augmentation aussi importante? S'il y en a une, on la trouve dans les avantages que, comme je l'ai dit, Israël peut tirer du nouvel état de paix, quelle qu'en soit la réalité. En fait, la situation n'a rien à voir avec celle de Cuba.
Ce dont vous parlez ici, ce n'est pas d'avoir des échanges commerciaux ou de ne pas en avoir. Ce n'est peut-être pas le moment de récompenser un gouvernement en transition qui, de plus en plus, crée des situations préjudiciables aux Palestiniens. Tous les jours, on construit de nouvelles déviations. Le nombre des établissements de colons augmente. Le gouvernement a l'intention de continuer à les augmenter. C'est son intention déclarée de revenir en arrière et de modifier les prémices même qui ont incité les gens à se réunir à Madrid pour engager un processus de paix, celles de la création d'un territoire où régnerait la paix.
Nous ne parlons pas d'interdire le commerce. Nous vous prions simplement de ne pas accorder pour l'instant une telle récompense aux Israéliens. S'il doit y avoir une récompense parce que les négociations de paix progressent, veillez à ce que ces échanges commerciaux offrent des choix systématiques et délibérés pour apparier les progrès de la paix avec une disparition graduelle des tarifs et des entraves au commerce international. Adoptons des dispositions pour faire en sorte que le Canada n'accorde pas de traitement de faveur aux exportations israéliennes qui arrivent sur nos marchés quand ces exportations ont été produites sur des terres expropriées et grâce à l'eau précieuse prise aux Palestiniens et vendue sous le prix du marché.
M. Flis: Je me demande si le professeur Kubursi ou M. Lynk peuvent nous expliquer ce qu'est le National Council on Canada-Arab Relations. Qui représentez-vous? Est-ce que vous exposez au comité les opinions des Canadiens d'origine palestinienne ou nous faites-vous aussi part des voeux et des aspirations des Palestiniens qui vivent dans leur pays natal?
Je distingue deux messages contradictoires. Vous réclamez tous deux sans ambages le retrait du projet de loi, ou au moins l'établissement de conditions si strictes que le projet de loi ne sera jamais adopté. Au Moyen-Orient, on semble au contraire trouver qu'il s'agit d'une mesure positive et on veut un traitement équitable. Si le projet donne de bons résultats, la Palestine devrait aussi pouvoir conclure un accord de libre-échange.
Je songe aussi aux travaux du comité sur la petite et moyenne entreprise. De nombreux Canadiens nous ont dit que nous ne pouvions pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. Nous devons chercher de nouveaux débouchés. Je crois que c'est une autre région du monde où nous voulons ouvrir des portes à la petite et moyenne entreprise.
Je me demande si quelqu'un peut me répondre, monsieur le président.
M. Kubursi: J'aimerais répondre à deux ou trois questions de M. Flis, puis laisser mon collègue parler du conseil national.
Il faut bien comprendre trois points. Premièrement, si un traitement similaire est réservé aux Palestiniens, il serait important, nécessaire et fondamentale que les Palestiniens participent directement au processus. Rien n'indique pour l'instant que les Palestiniens ont été consultés ou qu'ils ont collaboré d'une façon ou d'une autre à la définition de cet accord.
Si effectivement les Palestiniens doivent être inclus d'une façon quelconque, nous aimerions savoir dans quelle mesure ils considèrent que cet accord leur est favorable. Nous aimerions examiner quels genres de dispositions, d'exceptions, d'amendements, d'ajouts, de retraits, quoi que ce soit, seraient nécessaires pour protéger l'économie de la nation palestinienne.
En fait, on ne peut pas appliquer aux Palestiniens et aux Israéliens les mêmes tarifs et le même régime fiscal. Il s'agit de deux économies distinctes qui en sont à des étapes différentes de leur développement et qui ont des capacités et des ressources différentes. Il ne serait pas du tout dans l'intérêt des Palestiniens de fonctionner dans le même régime que l'économie d'Israël. Enfin, j'ai le sentiment que les Palestiniens, s'ils étaient consultés, proposeraient de nombreuses dispositions.
Donc, ce que nous vous disons, c'est que vous ne devez pas accepter le projet de loi dans sa forme actuelle. Si l'on a véritablement l'intention d'inclure les Palestiniens, alors il faut les appeler. Laissez-les se représenter eux-mêmes et ne permettez pas constamment aux Israéliens d'agir comme une force d'occupation paternaliste qui peut dicter aux Palestiniens ce qu'ils doivent faire. C'est le premier point.
Deuxièmement, si vous voulez vraiment servir l'intérêt des Palestiniens, alors je vous en prie, attaquez-vous aussi à leur situation. Je ne dis pas qu'il faille changer les lois. Si les Palestiniens ne sont même pas en mesure de se déplacer entre les villages, il ne sert à rien de leur donner accès à un régime de libre-échange. Ils n'ont pas de port; ils n'ont pas d'aéroport. Leurs fruits et leurs légumes se gâtent. Ils les jettent de l'autre côté de la frontière parce qu'ils ne sont pas vraiment en mesure de produire. Il est absurde d'envisager le libre-échange pour les Palestiniens si on ne leur permet pas de posséder des terres sur lesquelles faire pousser leurs fruits et leurs légumes. Il est absurde de penser qu'ils peuvent produire quoi que ce soit s'ils n'ont pas d'eau. On accorde moins de 100 mètres cubes d'eau par personne aux Palestiniens, alors que les Israéliens ont droit à 400 mètres cubes par personne. Dans certaines des colonies, l'allocation par personne est de 1 800 mètres cubes, et cela comprend toutes les utilisations.
Je crois que ce qu'il faut, si nous voulons vraiment faire participer les Palestiniens, leur offrir une récompense, un encouragement, en vue d'une participation accrue et de la paix, rendons, dans les faits, cette participation plus significative. Proposons des mesures concrètes. Pour obtenir des résultats concrets, il faut que vous vous attaquiez à des questions beaucoup plus vastes. Il ne suffit pas de passer par les Israéliens en leur permettant d'établir des circuits pour emmener les produits canadiens sur le marché palestinien ou les produits palestiniens sur le marché canadien.
Les questions sont beaucoup plus graves, beaucoup plus importantes. En fait, elles nécessiteraient des études beaucoup plus poussées. Cette façon précipitée de faire les choses ne sert peut-être pas les intérêts des Palestiniens. Nous vous implorons, vous, les Canadiens qui se préoccupent de la paix dans la région, d'adopter une approche plus symétrique et plus ferme, de manifester votre compassion, d'offrir des encouragements et des incitatifs aux Palestiniens qui s'engagent dans le long processus de la paix, processus qui, jusqu'à maintenant, et depuis si longtemps, n'a donné aucun des résultats concrets que le peuple souhaitait de tout coeur et espère encore obtenir.
M. Flis: Merci.
M. Lynk: Vous avez aussi posé une question au sujet du National Council on Canada-Arab Relations. Le conseil a été fondé en 1985. Il est composé de Canadiens d'origine arabe établis dans tout le pays. Il y a de 300 000 à 325 000 Canadiens d'origine arabe dans notre pays, et je crois comprendre que la position que nous exposons aujourd'hui en ce qui concerne le projet de loi représente l'opinion éclairée non seulement de la communauté arabe ou canadienne ici, au Canada, mais aussi de tous les groupes d'opinion du monde arabe.
Pour être précis, le conseil national ne s'oppose pas au commerce, nous ne sommes pas contre un accord de libre-échange avec Israël. Nous sommes contre l'accord de libre-échange sous sa forme actuelle, parce que nous croyons qu'il fait obstacle à la paix - et je ne peux que me ranger entièrement de l'avis de mon collègue, M. Kubursi, à cet égard.
La possibilité de conclure un accord de libre-échange parallèle avec la Palestine, dans les circonstances actuelles, ne représente pas une mesure symétrique. Il y a eu plus de fermetures en Cisjordanie depuis Oslo I, en 1993, que pendant la période qui a précédé. Pour chaque jour où la Cisjordanie est bouclée, l'économie palestinienne anémique perd 6 millions de dollars. Pour ce qui est des échanges commerciaux, c'est probablement beaucoup plus que ce que nous pourrions chercher à stimuler au cours d'une année entre la Palestine et le Canada dans le cadre d'un quelconque accord de libre-échange.
En ce qui concerne Israël, ce que le Canada peut faire de mieux pour l'économie palestinienne, et ce que nous pouvons faire de mieux pour favoriser le processus de paix, c'est de manifester très clairement qu'il faut mettre fin à ces fermetures qui paralysent l'économie, mettre fin aux ingérences dans l'économie palestinienne. Ce serait certainement beaucoup plus utile qu'un accord de libre-échange avec la Palestine. Nous sommes en faveur d'un tel accord, mais ce ne serait qu'une goutte d'eau par rapport à la destruction attribuable aux fermetures.
M. Flis: Je me suis rendu dans cette région à quelques reprises. Je comprends ce que vous dites au sujet de la pénurie d'eau, d'infrastructure, etc. Pourtant, lorsque le Canada a signé un accord de libre-échange avec les États-Unis, il s'agissait d'un accord bilatéral. Nous l'avons ensuite élargi, c'est devenu l'ALENA. Aujourd'hui, nous l'élargissons encore pour englober le Chili et peut-être même d'autres pays. Ne croyez-vous pas qu'une évolution similaire pourrait se produire dans votre cas; commençons par un accord bilatéral pour ensuite en faire un accord trilatéral et peut-être multilatéral dans l'ensemble de la région?
M. Kubursi: En effet, l'OMC - le nouveau GATT - et toutes les rondes de négociations commerciales tenues récemment ont toutes la même orientation. Elles visent à accroître le plus possible le multilatéralisme plutôt que les simples relations bilatérales. C'est là une évolution positive.
Il s'agit de forces auxquelles on ne peut résister. C'est un aspect de la globalisation de l'économie et de son évolution. Mais ce que nous disons, c'est qu'en effet, il s'agit peut-être de nouvelles tendances, il y a peut-être là des forces et beaucoup de stratégies qui permettent de gagner sur tous les tableaux, de sorte que tous peuvent profiter du commerce, mais nous devons veiller à ce que les retombées de ce commerce soient équitablement partagées et à ce que les conditions permettent aux gens d'en tirer parti.
Il est beaucoup plus important pour l'instant pour les Palestiniens et pour la cause de la paix non pas de promulguer des accords de libre-échange mais bien de permettre aux Palestiniens d'exercer leur souveraineté sur leur vie et sur une économie qu'ils peuvent stimuler et développer. La situation actuelle, l'occupation et les retards constants du processus de paix, nuit à l'économie et lui enlève toute énergie.
Il en coûte à cette économie anémique, comme mon collègue l'a mentionné, 6 millions de dollars par jour. Dans cette économie, le revenu par habitant est une infime fraction du revenu par habitant en Israël. Le revenu par habitant est actuellement de 16 000 $ à 17 000 $ US par personne en Israël. Dans la bande de Gaza, il est de moins de 1 000 $, en Cisjordanie, il n'est que de 1 800 $.
Il faut donc veiller à ce que le processus de paix aboutisse. Concluons une paix qui rendra au peuple sa dignité et le pouvoir de produire et de poursuivre des objectifs de développement. Ensuite, nous pourrons parler d'accords commerciaux.
À l'heure actuelle, vous donnez les avantages et les bénéfices du libre-échange aux Israéliens à une époque où ils ne devraient pas être récompensés. Vous n'utilisez pas cette carotte de façon judicieuse pour améliorer, favoriser, accélérer et élargir le processus de paix.
Le président: Merci.
Monsieur Paré.
[Français]
M. Paré: Il y a un vieux proverbe qui dit: «Mieux vaut tard que jamais.» C'est dommage que nous n'ayons pas reçu ces renseignements un petit peu plus tôt. Je ne suis pas sûr que l'alignement des partis aurait nécessairement été le même au moment de la deuxième lecture.
Monsieur Kubursi, vous avez fait un certain nombre de parallèles entre les échanges commerciaux Canada-Israël et d'autres échanges semblables entre le Canada et d'autres pays, arabes entre autres, qui sont plus importants que ceux entre Israël et le Canada. Vous avez laissé entendre que le Canada s'était hâté de conclure un accord de libre-échange pour donner un signal positif à Israël relativement au processus de paix. Si telle était l'intention du Canada, est-ce qu'il n'aurait pas été plus logique de dire qu'on a un accord qui entrera en vigueur lorsque le processus de paix aura abouti?
[Traduction]
M. Kubursi: Je suis parfaitement d'accord avec vous, et c'est vraiment la base de notre raisonnement.
Vous ne pouvez envisager cet accord de libre-échange uniquement en termes économiques ou de flux économiques, parce que, comme je l'ai dit, les volumes ne sont pas très importants. Ils sont modestes en comparaison du total des échanges commerciaux du Canada et en comparaison du type de commerce et des volumes de marchandises que nous échangeons avec de nombreux autres pays, en particulier les pays riverains du Pacifique et les pays d'Amérique latine.
Cet accord doit donc être lié d'une façon ou d'une autre aux accords d'Oslo et au processus de paix. En fait, s'il est né de ces ententes dans ce contexte, le contexte a évolué. Je crois donc que l'accord ne devrait pas se concrétiser tant que nous n'aurons pas obtenu une paix véritable. Il serait alors réel, significatif, substantiel et contextuel.
Le président suppléant (M. Dupuy): Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Assadourian.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): Mon nom figure sur la liste.
Le président suppléant (M. Dupuy): Je m'excuse.
Mme Gaffney: Il y a une liste. Je crois qu'ensuite c'est à moi.
Le président suppléant (M. Dupuy): Je vois les noms de M. MacDonald, de Mme Gaffney puis de M. Assadourian.
M. Assadourian: Vous pouvez inverser l'ordre, si vous le désirez, monsieur le président.
M. MacDonald: Merci, monsieur le président.
Jusqu'à maintenant, le débat de ce soir a bien montré les difficultés que présentent certaines des questions qui touchent le Moyen-Orient et plus particulièrement les relations entre les Palestiniens et le gouvernement israélien. Pour ma part, je suis toujours un peu inquiet des négociations de paix et du respect des droits et des obligations découlant du droit international dans la région.
Une de mes inquiétudes, à l'heure actuelle - et je vais faire écho à monsieur Flis - , c'est que nous entendons des messages contradictoires.
Le gouvernement est conscient de la situation. Après les élections générales tenues en Israël, le processus de paix semble s'être enlisé. Certaines choses se sont produites qui ne sont pas dans l'intérêt d'Israël, de l'État palestinien ni, effectivement, des relations entre les deux entités et le reste du monde.
Mais le peuple d'Israël a démocratiquement choisi un gouvernement qui pose des gestes qui ne sont pas nécessairement dans l'intérêt de l'économie ni dans l'intérêt de la population d'Israël. Les élections ont été chaudement disputées.
Le gouvernement canadien a toujours été d'avis que les avantages qui pourraient découler d'un accord de libre-échange avec Israël devaient aussi englober les terres palestiniennes, les territoires occupés. En fait, il y a eu des négociations et des discussions, dès janvier de l'an dernier je crois, si ma mémoire est bonne.
Même si, d'après la correspondance qu'il m'a été donné de voir, l'Autorité palestinienne a toujours soulevé les questions, avec autant de ferveur que vous le faites aujourd'hui, messieurs, elle reconnaît aussi que tout ce qu'on peut faire pour contribuer à développer l'économie palestinienne sert l'intérêt de l'État palestinien, de l'OLP, des Palestiniens et de la paix dans la région.
Il me semble que nous sommes pratiquement dans une impasse. Faut-il attendre que les choses s'améliorent? Dans ce cas, j'espère qu'elles s'amélioreront rapidement. Faut-il au contraire aller de l'avant et chercher à optimiser les avantages dans les territoires occupés?
Il semble que l'Autorité palestinienne nous dise clairement ce que vous nous dites aussi, mais c'est une voie parallèle. Les arguments sont présentés, mais parallèlement on indique nettement que l'on veut que les retombées profitent aussi aux territoires palestiniens.
Autrement dit, nous préférerions que le processus de paix se poursuive. Tous aimeraient que la chose se fasse. Nous voudrions voir les questions en suspens résolues. Tout le monde le souhaite. On aurait aimé que les élections aient donné des résultats différents. Certains l'auraient bien voulu. Mais si les choses continuent à tourner, ce qu'elles font, si des liens sont noués, au bout du compte, s'il y a un accord quelconque, on cherchera à en optimiser les avantages.
Nous poursuivons donc les négociations avec l'Autorité palestinienne. Nous procédons de bonne foi de part et d'autre pour voir si, effectivement, c'est quelque chose qu'il convient de faire. Je signale que l'Autorité palestinienne traite avec nous. Elle continue de soulever les arguments difficiles et réalistes que vous avez soulevés.
Que ce soit ou non dans l'intérêt des Palestiniens, à ce point de l'histoire de la région et des négociations de paix, aller de l'avant et signer l'accord, ce qui donnera aux entreprises canadiennes un accès égal au marché israélien...
L'accord vise d'abord et avant tout à uniformiser les règles du jeu pour les entreprises canadiennes. Il y a effectivement un très important aspect macropolitique, et c'est un aspect dont il faut certes tenir compte. L'accord a cependant été négocié d'abord et avant tout pour faciliter l'accès des produits canadiens à ce marché, tout comme l'ont fait les États-Unis et l'Union européenne.
Si c'est la base que nous utilisons dans ce contexte et si nous ajoutons la condition que l'accord doit s'appliquer également dans les zones palestiniennes - et l'Autorité palestinienne, après nous avoir exposé son point de vue, négocie avec nous - qu'est-ce que cela signifie? Est-ce que c'est un message distinct ou est-ce simplement que le message est complexe et que nous devons comprendre que l'Autorité palestinienne s'intéresse à la fois à la politique et à l'économie?
M. Kubursi: Je comprends très bien vos préoccupations et je suis conscient que nous sommes tous dans le même dilemme. C'est une situation complexe, qui se prête fort mal aux hypothèses et aux réponses simplistes.
Il y a trois aspects que nous tentons de faire valoir ici. Premièrement, il serait vain d'élargir maintenant l'accord aux Palestiniens, sous l'occupation actuelle, parce que les bénéfices seraient asymétriques. Les Israéliens tireraient beaucoup mieux parti de l'accord que les pauvres Palestiniens.
Deuxièmement, s'il faut en passer par là, il serait très logique de laisser les Palestiniens dire eux-mêmes ce qu'ils en pensent, présenter leurs demandes et exposer leurs points de vue sur la question. Comme vous le savez, le commerce se fait à deux. Il ne doit pas profiter qu'à une seule partie. Les deux parties doivent y trouver leur intérêt et participer aux négociations. Pour l'instant, je ne vois pas de Palestiniens à la table de négociation. Les Palestiniens sont absents.
Il y a un autre élément absolument essentiel dont nous ne semblons pas avoir déjà parlé. J'aimerais vraiment que l'on profite de cette occasion pour l'aborder maintenant. Quels signaux envoyons-nous au reste du monde arabe? Est-ce que le Canada essaie maintenant de favoriser Israël et ne serait pas vraiment disposé à signer le même type d'accord avec d'autres partenaires commerciaux?
Le Canada entretient des relations commerciales importantes avec le Maroc, la Tunisie, l'Arabie saoudite, la Jordanie et l'Égypte. Qu'est-ce que nous disons ici? Est-ce vraiment le moment d'agir même si aucune paix n'a été conclue - et sans que la région ne soit en mesure d'agir à titre collectif - et de favoriser une partie sans accorder de traitement symétrique aux autres? Est-ce que c'est ce qu'on appelle uniformiser les règles du jeu pour les entreprises canadiennes en Israël, est-ce leur refuser l'égalité des chances dans le reste du monde arabe où le commerce pourrait être plus lucratif?
M. Lynk: J'aimerais simplement ajouter quelque chose à ce que M. Kubursi vient de dire. J'ai vécu en Cisjordanie pendant six mois, en 1989. J'y travaillais comme avocat pour les Nations Unies. J'y ai encore passé plusieurs semaines en janvier dernier, pour surveiller les élections avec un certain nombre de vos collègues qui faisaient partie de la délégation du gouvernement canadien.
J'ai parlé à plusieurs hommes d'affaires palestiniens, à des personnes qui avaient des idées pour fabriquer, exporter, importer, etc. Si vous leur demandez ce qu'ils veulent en tant que gens d'affaires, si vous leur demandez ce qu'ils veulent en ce qui concerne la façon dont l'économie doit croître et dont ils peuvent attirer les investissements, ils vous disent qu'ils aimeraient signer des accords avec le Canada, avec l'Union européenne, avec le reste du monde.
Mais si vous leur demandez quel est le problème le plus urgent - et même si je leur demandais quels sont les dix problèmes les plus graves - on en reviendrait toujours au contrôle insidieux qu'Israël exerce sur l'économie palestinienne. Israël a la capacité de boucler les frontières autour de la Cisjordanie et de Gaze, la capacité d'empêcher l'importation de produits, la capacité d'empêcher toute circulation entre ces deux territoires non contigus, Gaza et la Cisjordanie. Tous les graves problèmes économiques actuels sont liés à la situation d'État occupé de la Palestine et à la lenteur anémique du processus de paix.
Je crois que cela vient appuyer ce que j'ai dit précédemment. Pour injecter une énergie nouvelle à l'économie palestinienne, plutôt que de signer un accord de libre-échange, il vaudrait beaucoup mieux exercer des pressions concertées - de diverses façons qui sont à la disposition du Canada et de certains de ses partenaires - pour accélérer le processus de paix, aplanir les obstacles et mettre fin à l'occupation.
M. MacDonald: Je veux vous remercier de cette réponse, mais j'aimerais d'abord faire un dernier commentaire, parce qu'une question a été soulevée au sujet de la possibilité que le gouvernement canadien accorde un traitement de faveur à Israël relativement aux autres pays arabes. J'ai posé la question aux représentants du ministère - et certains sont ici ce soir - et on m'a répondu qu'en effet, ce n'était pas le cas, que le Canada souhaitait vivement accélérer les discussions avec d'autres États arabes dans ce domaine. Toutefois, je crois qu'Israël est le seul État qui ait franchi toutes les étapes en vue de la signature d'un accord de libre-échange avec nous pour le moment.
M. Kubursi: Oui, mais voyez-vous, je peux rétorquer immédiatement à vos éminents collègues ici présents et à mes amis. S'il ne s'agit vraiment pas d'accorder un traitement de faveur à Israël, alors pourquoi avons-nous besoin des conditions préférentielles d'un accord de libre-échange? Tout serait fantastique et équitable. Nous n'avons pas du tout besoin d'un tel accord; nous perdons notre temps et vous aussi.
Une voix: Voilà qui est parlé!
Le président suppléant (M. Dupuy): Merci.
Madame Gaffney, puis monsieur Assadourian, puis nous devrons...
Mme Gaffney: Je n'ai jamais eu le plaisir de visiter Israël, contrairement à certains de mes collègues. J'aurais aimé y aller. Je m'intéresse certainement à ce qui s'y passe, aussi bien en Israël qu'en Palestine.
Mais je suis vraiment troublée par certaines des réponses qui nous ont été fournies. Comme le disait M. MacDonald, nous entendons des échos contradictoires, malgré ce que le ministère et le ministre affirment. Vous soutenez que les négociations bilatérales entre le Canada et Israël nuiront à l'économie de la Palestine, est-ce à dire qu'Israël et l'Autorité palestinienne doivent être considérés comme une seule et même entité, un seul organe? Vous ne pouvez séparer une partie d'un corps et vous attendre à ce que l'autre fonctionne bien. J'aimerais que vous répondiez à cette question.
Dans le deuxième paragraphe de vos notes, monsieur Kubursi... La seule question que j'ai posée au ministre était de savoir si l'accord entre le Canada et Israël était différent de l'accord canado-américain; avons-nous suivi les mêmes règles dans cet accord? Il m'a répondu que tel était le cas, sauf en ce qui concerne l'agriculture. Pourtant, ici, dans votre première phrase, vous affirmez le contraire. Vous dites que le Canada, contrairement aux États-Unis et contrairement à l'Europe, n'a pas accordé d'accès préférentiel aux Palestiniens. Vous contredisez ce que le ministre m'a dit.
J'aimerais que vous répondiez à ce sujet aussi.
M. Kubursi: Vous soulevez plusieurs questions ici. Vous abordez certains aspects très intéressants.
Premièrement, les Palestiniens et les Israéliens ont signé le protocole de Paris. Le protocole de Paris est presque plus strict qu'un accord de libre-échange. Dans un certain sens, il contient nombre des éléments d'un marché commun, pour ainsi dire, ce qui est un pas en avant, parce qu'il prévoit la mobilité des personnes. Mais ce qui s'est passé, concrètement, ne correspond pas vraiment à l'esprit de cet accord et n'est pas mis en oeuvre.
En effet, pour l'instant, vous ne pouvez accorder à une partie de ce corps quelque chose que vous n'accordez pas à l'autre. Mais ce n'est pas une relation transitive. Vous ne procédez pas vraiment de façon logique; si A est plus grand que B et B est plus grand que C, alors A est plus grand que C. Dans le cas qui nous occupe, nous voulons veiller à ce que dans les faits, et non pas sur le plan de la logique, ce soit bel et bien le cas.
Pour l'instant, je ne vois pas dans l'accord de libre-échange de dispositions qui garantissent aux Palestiniens un accès égal au marché canadien. Où sont-elles, ces dispositions? Si vous pouvez me les montrer, je serai ravi de les accepter.
L'autre aspect important ici c'est, en effet, ce que mon collègue vous a exposé au sujet de l'accord européen qui n'est pas repris dans l'accord canadien. Le préambule du document exige le respect des droits de la personne, il faut que ce soit vraiment en accord avec les principes généraux du droit international et les principes démocratiques. Nous n'avons aucune de ces déclarations ici.
Il y a aussi plusieurs dispositions dans l'accord européen qui portent sur les règles d'origine, pour que les Palestiniens ne se voient pas refuser l'accès au marché. Les Israéliens ont toujours voulu que les exportations palestiniennes passent par Israël. Les Européens ont donné l'occasion aux Palestiniens d'exporter directement. Pour l'instant, la chose semble peu pratique, parce que les Israéliens ont veillé à ce que les Palestiniens n'aient ni port ni aéroport. Toujours, où qu'ils aillent, les Palestiniens doivent s'adresser aux Israéliens. Israël a un droit de veto sur l'économie de la Palestine.
C'est pourquoi il n'est pas logique de donner aux Palestiniens quoi que ce soit tant que leur pays sera occupé. Il est tout à fait logique de donner aux Palestiniens, habitants d'un pays pauvre, l'accès à un marché riche comme le Canada s'ils sont libres, s'ils ont des ressources, s'ils peuvent en profiter. Pour l'instant, ce serait un acte gratuit, sans signification, et on susciterait ainsi de faux espoirs parce qu'en réalité il n'y a rien.
Le président: Monsieur Assadourian.
M. Assadourian: J'ai fait une remarque au cours de la dernière discussion que nous avons eue, monsieur le président. J'ai dit qu'une semaine était une très longue période en politique nord-américaine, et qu'un jour était une très longue période en politiques au Moyen-Orient. Je viens du Moyen-Orient, je sais de quoi je parle.
J'aimerais qu'on me précise quelque chose. Premièrement, il y a quelques semaines, lors d'une réunion du comité des affaires étrangères à laquelle participait M. Michael Bell, ambassadeur auprès de l'OTAN, M. Bell a déclaré que la politique du gouvernement était de consulter les Canadiens de diverses origines ethniques au sujet de leurs pays d'origine qui ne joignent pas les rangs de l'OTAN. Je me demande si le gouvernement du Canada a consulté la communauté canado-arabe et la communauté juive canadienne avant de signer cet accord de libre-échange.
Deuxièmement, pouvez-vous nous dire à quelle étape en est cet accord à la Knesset, le parlement israélien? A-t-il été approuvé? Je ne veux pas jouer les Cassandre, mais que ce passera-t-il si le traité de paix n'est pas conclu? Qu'adviendra-t-il de cet accord d'ici le 1er janvier?
M. Kubursi: Vous avez posé trois questions. Je peux parler seulement en mon nom.
M. Lynk: Je peux répondre à la première de vos questions. Nous avons appris par les journaux, je crois en même temps que bon nombre des députés, que l'accord avait été signé en juillet 1996. Nous ne l'avons pas appris avant. Nous n'avions pas été consultés, nous ne l'avons pas été depuis.
M. Kubursi: Au sujet de la deuxième question, je ne peux pas vous dire où en est le projet à la Knesset.
M. Assadourian: Les représentants du ministère peuvent peut-être nous dire où nous en sommes.
Le président: Je suis désolé, monsieur Assadourian; je n'aime pas vous interrompre, mais c'est une question qui porte sur la constitution interne d'Israël. Je ne crois pas que ces messieurs la connaissent à fond.
M. Assadourian: Les représentants du ministère peuvent peut-être nous donner certains renseignements.
Le président: Oui, quelqu'un pourrait peut-être répondre à la question, mais seul un avocat spécialiste de la constitution israélienne pourrait nous dire dans quelle mesure les accords internationaux doivent être appliqués ou mis en oeuvre par le Parlement. Certains pays n'ont pas du tout besoin de passer par là et d'autres oui. Le Canada est à peu près au centre de ce continuum.
M. Kubursi: Que se passera-t-il si la paix n'est pas conclue? C'est vraiment notre combat. C'est un accord en gestation dans le sein de la paix. Sans la paix, la situation sera très difficile. C'est pourquoi, à mon avis, il est précipité de vouloir mettre en oeuvre quelque chose qui était conçu pour la paix avant que la paix ne règne. Ce serait beaucoup plus logique, ce serait beaucoup plus défendable, ce serait beaucoup plus durable et soutenable s'il s'agissait du couronnement de la paix.
Le président: Merci infiniment, messieurs. Nous vous sommes reconnaissants de ce témoignage. Je dois vous dire, à titre de président du comité, que les modifications que vous nous recommandez d'examiner sont beaucoup plus globales que ce que prévoit le mandat du comité à l'étape de l'examen. Les modifications que l'on peut envisager à cette étape doivent toucher l'esprit du projet de loi et sont souvent plutôt techniques. Les modifications que vous proposez vont beaucoup plus loin, mais c'est là un excellent sujet de réflexion.
Je veux simplement vous remercier, à titre d'ancien professeur de droit international. Il est toujours agréable de rencontrer quelqu'un qui s'intéresse au droit international, mais je suis un peu sceptique face à la proposition que vous fondez sur une analogie avec l'Union européenne. Il me semble que l'accord de l'Union européenne, dont nous avons tous copie, fait effectivement mention de tous les droits dont vous avez parlé, mais, à ce que je sache, l'Union européenne continue d'appliquer son accord de libre-échange avec Israël. De toute évidence, on ne se soucie pas beaucoup de ce qui a été dit dans l'accord, alors pourquoi en irait-il autrement si nous faisions la même chose?
Je préfère ne pas énoncer dans l'accord des principes qui devront être bafoués par la suite, mais c'est une question de tactique. Nous aurons tous l'occasion d'examiner ces questions de plus près. Je crois que tous les membres du comité tiennent eux aussi à ce que cet accord soit appliqué d'une façon qui favorisera le processus de paix et nous vous sommes reconnaissants des commentaires très constructifs que vous nous avez proposés.
M. Lynk: Merci.
Le président: J'aimerais proposer que nous nous interrompions cinq minutes pour manger une bouchée, messieurs, car nous en avons encore pour un moment.
Le président: Un peu de silence, s'il vous plaît, au fond de la salle.
Une voix: Envoyez le gorille.
Le président: Où est la maréchaussée lorsqu'on a besoin d'elle?
Nous allons reprendre les délibérations. La séance est de nouveau ouverte. Merci beaucoup.
Nous sommes très heureux d'accueillir M. Shimon Fogel, du Comité Canada-Israël, M. Fogel, nous vous souhaitons la bienvenue. Je vous remercie infiniment de bien vouloir comparaître devant nous de matin.
M. Shimon Fogel (directeur, des relations gouvernementales, Comité Canada-Israël): Monsieur le président, je suis conscient des délais qui nous sont impartis, c'est pourquoi je vais simplement faire quelques commentaires d'introduction. Si vous avez des questions par la suite - et je ne suis pas du tout certain qu'il y en aura - je me ferai un plaisir d'y répondre.
En passant, et si vous me le permettez...
[Français]
chers députés, je suis en train d'apprendre le français. Donc, il m'est un peu difficile de m'exprimer dans cette langue. Mais après ma présentation, je vais essayer de répondre aux questions dans cette langue, s'il y a lieu.
[Traduction]
Je suis venu, monsieur le président, dans l'espoir de véritablement définir quelques dimensions de l'accord de libre-échange qui me paraissent prometteuses et intéressantes, mais certains des commentaires présentés dans le cadre de la réunion jusqu'à maintenant m'ont fait réfléchir à certaines choses. Cela dit, je vais peut-être m'écarter un peu de ce que j'avais l'intention de traiter afin de faire quelques remarques au sujet des questions qui ont été soulevées.
Sans vouloir tomber dans le mélodrame, je rappellerai qu'il y a exactement un an jour pour jour nous avons souligné le décès du premier ministre Yitzhak Rabin. Pour mettre en contexte l'intervention du Comité Canada-Israël, j'aimerais vous faire partager un peu ce qui s'est produit ici, dans cette ville, ce soir-là.
Le soir où nous nous sommes réunis pour célébrer la mémoire de M. Rabin, divers orateurs se sont adressés à un auditoire de plus de 2 000 personnes. Tous les commentaires des orateurs ont profondément touché l'assistance, et nombre d'entre eux étaient d'une grande sincérité. Mais comme les journalistes l'ont rapporté avec à-propos, la réaction la plus marquée a été celle du tout nouveau représentant de l'OLP au Canada, qui a eu le courage de s'engager. Je crois qu'il faut aussi remercier les organisateurs qui l'avaient invité. Si vous aviez été dans cette salle, il y a un an, vous auriez été émus aux larmes, non seulement parce que quelqu'un comme Yitzhak Rabin nous avait quittés, mais aussi parce qu'il nous avait laissé un héritage. Cet héritage, c'était un espoir nouveau pour les Israéliens et les Palestiniens, et les personnes assemblées ont payé un touchant hommage à sa contribution au processus de paix.
C'était il y a un an. Comme nombre d'entre vous l'ont mentionné, les tensions se sont depuis accentuées et multipliées. C'est peut-être vrai, comme on l'a signalé, qu'il y a eu plus de fermetures dans les territoires occupés depuis la conclusion d'Oslo I. Il serait aussi juste de dire, hélas, que plus d'Israéliens ont été tués par les terroristes depuis Oslo I qu'au cours des 20 années précédentes.
Je ne veux pas faire de surenchère, mais bien rappeler que nous examinons collectivement un ensemble complexe de circonstances et de problèmes. Personne ne possède la vérité absolue, il y a toujours de nombreux angles sous lesquels on peut examiner une évolution particulière de la situation.
Il est peut-être utile d'adopter cette perspective pour proposer que le fait pour le Canada de s'abstenir de toute initiative équivaut à un jeu à somme nulle. Les ententes avec les Israéliens ne sont pas mutuellement exclusives, elles n'écartent pas les Palestiniens. Les interventions et les initiatives menées par le Canada dans l'intérêt des Palestiniens, comme la plus grande partie des 70 millions engagés sur cinq ans, n'ont pas été consenties aux dépens des relations bilatérales du Canada avec Israël.
Je crois que la perspective canadienne est que plus le Canada s'engage dans la région, plus il établit de contacts, des contacts le plus larges et le plus significatifs possible, et plus il a de chances d'influer de façon constructive sur la situation dans cette région du monde. Cela dit, je crois qu'il est important de mentionner quelques réalités objectives.
Premièrement, nous devons nous tourner vers la genèse de cette entente particulière. Il ne s'agit pas d'une récompense politique accordée à Israël, aspect que j'examinerai plus en détail dans un instant, mais d'une évaluation par le premier ministre du Canada, selon les renseignements et les conseils de divers représentants ministériels et de l'ambassade du Canada qui examinaient la question du commerce non pas au Moyen-Orient mais globalement. Le premier ministre du Canada a constaté quelques anomalies troublantes dans les relations commerciales bilatérales que le Canada entretient avec Israël par comparaison avec d'autres rapports commerciaux, des écarts, des tarifs, etc., qu'il ne pouvait véritablement justifier.
Peu de temps après l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, le premier ministre a rencontré le premier ministre israélien de l'époque, Yitzhak Rabin. C'est au cours de cette rencontre que notre premier ministre a soulevé la question des possibilités d'un accord de libre-échange, pour permettre au Canada, comme l'a dit le ministre, de bénéficier de règles équitables. Il était dans l'intérêt du Canada à l'époque, comme je crois qu'il l'est encore maintenant, de chercher à ouvrir le plus de perspectives possibles pour les exportateurs canadiens dans le monde et, dans la mesure où la conclusion d'un accord de libre-échange avec Israël pouvait contribuer à ouvrir au Canada une région comptant une population de 200 millions d'habitants, je crois que le projet offrait un grand attrait.
Je pense que nous devons faire preuve d'une grande prudence lorsque nous regroupons la politique et l'économie. Il n'est pas illégitime de le faire, mais je crois que ceux qui ont pris la parole juste avant moi, qui ont présenté un point de vue selon lequel vous ne pouvez séparer la réalité politique et les considérations économiques, ont apporté des arguments très convaincants. Ce n'est toutefois pas le seul raisonnement que le Canada puisse faire. Le Canada a adopté une philosophie très différente quant à la façon dont il aborde sur la scène internationale les questions liées au commerce, aux droits de la personne et à l'ensemble des relations bilatérales.
Contrairement aux Américains qui, je crois, ont adopté, au moins en ce qui concerne le Moyen-Orient, la notion du double endiguement, nous parlons d'une intervention constructive. C'est la politique étrangère que le Canada applique de façon constante, non seulement depuis longtemps, mais aussi dans l'ensemble de la communauté internationale. Cela peut expliquer pourquoi des missions d'Équipe Canada visitent l'Extrême-Orient et la Chine. Cela peut expliquer pourquoi le Canada a d'importantes relations commerciales avec un pays comme l'Iran et pourquoi on s'efforce d'établir une distinction entre les impératifs de l'économie qui contribuent à faire progresser les intérêts canadiens en matière d'exportation et la contribution canadienne au processus de paix.
Si le gouvernement a établi une distinction entre les deux, il ne l'a pas fait aux dépens de l'un ou de l'autre. Je crois que nous pouvons regarder la contribution du Canada au processus de paix, en particulier en ce qui concerne le soutien des aspirations légitimes des Palestiniens et dire qu'en tant que pays nous n'avons rien à envier aux autres en matière d'engagement. En acceptant la présidence d'un comité particulièrement difficile dans le contexte multilatéral du processus de paix, nous nous sommes placés au centre de ces négociations. On ne peut pas dire qu'un accord commercial donné se fasse aux dépens d'autres considérations si le Canada met par ailleurs toutes ses énergies à veiller au respect des droits des Palestiniens et à définir un modèle qui leur permette d'exprimer pleinement leur identité, de s'épanouir, etc.
J'aimerais aussi rappeler aux membres du comité, parce que la question a été soulevée à plusieurs reprises, que l'idée qu'un accord de libre-échange avec Israël représente en quelque sorte une récompense accordée à Israël est tout simplement non fondée. Cet accord a d'abord été envisagé - avec tout le respect dû à sa mémoire - par un homme qui venait d'accéder au poste de premier ministre d'Israël et qui s'était fait remarquer par des poèmes sarcastiques où l'on parlait de pierres et d'os brisés.
Bien avant les négociations d'Oslo, le Canada et Israël ont commencé à envisager un accord commercial. Il me semble également important de signaler que longtemps après que cette page de l'histoire du Moyen-Orient aura été tournée, quand, il faut l'espérer, les Israéliens, les Palestiniens et tous les habitants de la région auront établi des rapports constructifs et harmonieux, cet accord sera encore valable. Il reflétera le fait que le Canada n'isole pas une époque déterminée et ne définit pas l'avenir des exportations canadiennes en fonction d'incidents examinés isolément.
Permettez-moi simplement de conclure sur une note d'espoir, un espoir que j'espère avoir réussi à exprimer au début de mon intervention.
J'ai été ravi d'apprendre, car je n'en avais pas été informé au préalable, que le ministre Sharansky a adressé au ministre du Commerce international une note dans laquelle il exprime l'engagement d'Israël à veiller à ce que l'accord de libre-échange soit élargi, comme je crois que le Canada espérait que ce serait le cas, aux Palestiniens et aux régions relevant de l'Autorité palestinienne.
Nous voudrions - et c'est certainement quelque chose que nous reconnaissons - que, sans progrès significatif en ce qui concerne le bien-être physique de la communauté palestinienne, il n'y ait pas d'espoir de paix.
En dernière analyse, il faut tenir compte de questions comme la nourriture sur la table, les vêtements et les soins de santé pour les enfants, et espérer un avenir meilleur. Nous espérons très sincèrement que le genre de déclaration que le Canada formule en concluant un accord de libre-échange avec Israël ne vise pas simplement à améliorer les relations bilatérales avec Israël, mais bien à mieux s'établir dans cette région du monde pour parvenir à accroître la prospérité, car c'est certainement ce que nous croyons que l'accord de libre-échange offrira aux Canadiens et aux entreprises canadiennes.
Cela met fin à mes remarques d'introduction, je vais maintenant vous céder la parole.
Le président: Merci beaucoup, monsieur.
Monsieur Morrison.
M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Fogel.
Vous avez mentionné qu'il ne pouvait y avoir au Moyen-Orient de paix durable sans stabilité économique et sans prospérité pour les Palestiniens. Je crois que nous comprenons tous très bien cet aspect. J'aimerais toutefois savoir ce que vous pensez de ce que nous a dit le professeur Kubursi. De quelle façon peut-on améliorer la situation économique des Palestiniens s'ils vivent sous des contraintes si strictes qu'ils ne peuvent se déplacer pour transporter leurs produits, sauf selon le bon vouloir, ou les caprices peut-être, du gouvernement israélien? De quelle façon les Palestiniens peuvent-ils profiter de cet accord si le gouvernement d'Israël ne le permet pas?
M. Fogel: Je crois que c'est une question tout à fait légitime. Je pense qu'elle reflète aussi, pour l'instant, les réalités concrètes de l'existence des Palestiniens dans les territoires.
Il faut toutefois tenir compte du fait que cette situation n'est pas entièrement arbitraire. Israël a des préoccupations légitimes et prioritaires en matière de sécurité. Il a le devoir d'assurer la sécurité de ses propres citoyens.
Je ne suis pas certain qu'il convienne d'entamer ici une longue discussion à ce sujet, mais j'aimerais mentionner que rien au Moyen-Orient, certainement rien dans le conflit israélo-arabe, ne constitue une vérité absolue et éternelle. Les choses évoluent incroyablement vite et la situation se modifie, parfois rapidement, parfois plus lentement.
D'après le dernier sondage réalisé en Israël, ce n'est pas simplement une majorité mais bien une majorité écrasante d'Israéliens, plus de 80 p. 100 de la population, qui appuient encore le principe défini par les accords d'Oslo. Je crois que nous avons un jeune gouvernement qui a adopté une perspective particulière mais qui s'efforce aussi de se définir et de préciser la façon dont il traitera avec les Palestiniens en tant que partenaires.
Je crois que dans ce contexte on ne peut conclure hâtivement que la situation actuelle des Palestiniens est une donnée définitive. La même chose s'est produite lorsque le dernier gouvernement israélien était en place, celui qui a conclu les accords d'Oslo.
M. Morrison: Pour l'instant, nous semblons être dans une impasse. Vous ne pouvez accéder à la prospérité économique sans la paix et vous ne pouvez conclure la paix sans prospérité économique. C'est un cercle vicieux.
M. Fogel: Je devrais peut-être être plus précis. Lorsque je dis que la prospérité est un élément nécessaire à la paix, surtout chez les Palestiniens, je parle de paix durable. Je ne parle pas de conclure un accord ni de signer un document.
La prospérité ne viendra pas du jour au lendemain pour les Palestiniens, peu importe ce qui se produira demain. Compte tenu du niveau auquel leur économie fonctionne actuellement, il faudra compter des années. Il faudra beaucoup de soutien de la part de la communauté internationale et il faudra aussi beaucoup de soutien et de collaboration de la part du gouvernement israélien. Nous ne parlons pas d'une paix que l'on peut conclure du jour au lendemain ni sur la base d'un accord particulier. Je crois que nous devons prendre un peu de recul et examiner ce que peut être notre contribution à la réalisation de ces objectifs à long terme.
M. Morrison: D'après vous, est-ce que le gouvernement Netanyahu veut vraiment conclure une paix permanente, et non pas une pax romana. Y a-t-il un peu de bonne volonté quelque part? M. Rabin est mort.
M. Fogel: Je crois que ce que les Israéliens voulaient signifier, lorsqu'ils ont élu le gouvernement Netanyahu, où plus précisément lorsqu'ils ont mis M. Netanyahu à la tête du gouvernement, c'était qu'indépendamment de leur appui au processus de paix, ils s'inclinaient devant des préoccupations prioritaires au sujet de leur sécurité, car la situation devenait rapidement intenable pour eux.
Je ne crois pas qu'il s'agisse de positions mutuellement exclusives. Je crois que les Israéliens aimeraient qu'une série de mesures d'instauration de la confiance soient prises pour qu'ils puissent sentir que l'Autorité palestinienne contrôle effectivement la population, que les Israéliens peuvent vraiment prendre l'autobus sans craindre d'être victimes d'un attentat à la bombe, et que, sur la foi de ce genre de mesures, ils peuvent réaliser des progrès significatifs dans le cadre du processus de paix.
En ce qui concerne le gouvernement actuel d'Israël, je le crois lorsqu'il affirme qu'il veut la paix. Il ne m'en a pas fait part directement, mais il a indiqué ses intentions à certains de ses principaux partenaires de la communauté internationale, qui, je crois, veilleront à ce qu'il respecte sa parole. Je crois donc qu'il y a un engagement véritable en ce sens.
M. Morrison: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Paré.
M. Paré: Vous avez dit, en répondant à la question de M. Morrison, que les objectifs de paix au Moyen-Orient seraient forcément des objectifs à long terme. Je ne suis pas certain que la situation permettra d'attendre que les objectifs à long terme soient atteints.
Je pense qu'il faut absolument regarder quelle était la situation. Au fond, je suis probablement très mal placé pour en parler, mais je me risque quand même.
Si on regarde le cheminement parcouru par l'organisation palestinienne en regard de la paix, en regard de la présence d'Israël là-bas, par rapport au cheminement vers la paix et vers l'acceptation de l'autorité palestinienne pour le pays d'Israël, j'ai l'impression qu'il y a un écart extrêmement grand entre le cheminement des deux groupes.
Je suis porté à penser que le chemin parcouru par les Palestiniens est infiniment plus important et a été infiniment plus laborieux pour arriver à ce qu'Arafat accepte de s'engager dans un processus de paix.
Je ne pense pas que l'on pourra attendre d'atteindre des objectifs à long terme si, chaque fois qu'on s'approche d'un processus de paix, il arrive toujours un premier ministre israélien qui remet tout en cause. Il fait de beaux discours, il est pour le processus de paix, mais dans la réalité, dans les vraies choses, il se comporte un peu comme s'il n'était pas intéressé à la paix.
Je trouve que c'est jouer avec de la dynamite. Penser que les objectifs là-bas peuvent être à long terme, c'est faire fausse route. Je sais qu'il est difficile d'atteindre une paix complète, parfaite, mais il va falloir que des signaux se donnent rapidement, sans quoi l'autorité palestinienne n'arrivera pas à contrôler l'énergie qui va se dégager tôt ou tard. Si on n'arrive pas rapidement à des conclusions qui démontrent aux Palestiniens que la paix est rentable, on va forcément retomber dans des excès tout à fait prévisibles.
Je suis extrêmement déçu que cette séance de travail n'ait pas eu lieu plus tôt. Je comprends davantage, maintenant, pourquoi les négociations entre le Canada et Israël se sont faites en catimini, sans que la population canadienne soit au courant de ces choses-là.
Je ne suis pas sûr que le résultat serait le même si les Canadiens en général - je ne parle même pas des Arabes qui sont Canadiens et des juifs qui sont ici - était capable de faire la démarcation entre ces choses-là et de se rappeler que les relations commerciales du Canada peuvent être sur une ligne tout à fait parallèle à la question des droits de la personne et de la démocratie. C'est tout à fait conforme à la politique canadienne. Avec tout le respect que je vous dois, on n'avait pas besoin de vous pour l'entendre dire. On l'entend régulièrement du ministre qui vous a précédé à cette table.
[Traduction]
M. Fogel: Eh bien, ce n'est pas vraiment une question, je crois. Mais permettez-moi de suggérer que vous ne l'auriez pas seulement entendu de la bouche du ministre, vous l'auriez aussi entendu de Gerry Shannon, autrefois ambassadeur du Canada au GATT puis à l'OMC, et de Dennis Browne, au Centre de la politique commerciale internationale, qui tous deux vous auraient indiqué qu'il existe d'autres tribunes pour discuter de questions précises.
Les droits de la personne relèvent d'une infrastructure distincte, que ce soit à l'ONU ou dans les ministères des Affaires étrangères ici et ailleurs. Je comprends que vous disiez que les choses auraient pu évoluer différemment si la séquence des événements avait été différente, mais je crois que dans le cadre de son examen de la politique étrangère le Canada a adopté une orientation particulière et je crois que c'est simplement cohérent avec cette approche générique.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Merci beaucoup, monsieur Fogel, vos commentaires étaient fort judicieux, éclairés et équilibrés.
Avant de vous laisser aller, permettez-moi de vous poser une question, parce que ceux d'entre nous qui examinent ce dossier doivent tenir compte d'un contexte plus vaste tout comme de la question plus étroite de l'accord lui-même, et c'est probablement ce dont nous devrions parler - nous laissons peut-être les délibérations nous entraîner très loin de la teneur de l'accord.
Si nous ramenons l'accord dans le contexte du processus de paix, on nous dit que nous encourageons peut-être le gouvernement israélien à se comporter d'une façon qui ne favorise pas le processus de paix. Mais en Israël, d'après ce que j'ai lu, il est bien clair qu'il y a d'autres opinions, pas seulement celles du gouvernement, à ce sujet. Israël est une société très complexe, comme la nôtre, où un grand nombre de personnes appuient énergiquement le processus de paix et tentent actuellement de répondre elles aussi à cette question.
Quel effet l'accord a-t-il sur ces personnes? Si nous posions la question à un pacifiste israélien, est-ce qu'il nous répondrait, comme le professeur qui nous exposait le point de vue palestinien, que ce n'est pas le moment de passer à l'action - que c'est une erreur? Est-ce qu'un partisan du processus de paix en Israël, soucieux du bon déroulement de ce processus, demanderait qu'on interrompe les négociations commerciales pour l'instant? Dirait-il plutôt que c'est un facteur propre à accélérer la pacification?
C'est une question terriblement subjective, je le sais, mais pouvez-vous nous aider à y réfléchir?
M. Fogel: J'ai laissé entendre il y a un instant que la très grande majorité des Israéliens font encore confiance aux accords d'Oslo et à notre excellente tenue dans le cadre du processus de paix. Ce serait certainement le cas de près de la moitié de la population, qui n'a pas appuyé le gouvernement actuel mais plutôt les autres partis, dont la plupart s'inscrivent plus ou moins à gauche, y compris bien sûr le Parti travailliste, qui a lancé le processus ayant conduit aux accords d'Oslo.
Je crois que les Israéliens eux-mêmes font la distinction entre les questions de sécurité et celles qui ont trait à l'économie et à d'autres sphères de la vie sociale. Vous verrez que ce groupe dont vous parliez s'efforce plus encore de rejoindre ses voisins et amis palestiniens qui vivent des temps difficiles et cherche à améliorer leur situation. Il n'irait toutefois pas, à mon avis, jusqu'à conclure que le Canada doit s'abstenir de signer un accord commercial quelconque à titre de mesure punitive contre le gouvernement d'Israël. Ce que je veux dire, c'est que cela ne serait pas conforme à la politique canadienne. Les Israéliens se feraient la même réflexion.
Le président: Merci beaucoup. Vous voyez, nous avons commencé... Oh, pardon. Madame Gaffney.
Mme Gaffney: Je suis désolée. J'ai une brève question qui se rapporte à une affirmation que vous avez faite.
M. Fogel: Je ne l'ai jamais faite.
Mme Gaffney: Vous avez dit - et je ne me souviens pas exactement de vos paroles, mais j'en conserve assez justement le sens, je crois - vous avez dit qu'Israël avait le devoir d'assurer la sécurité et la réussite des entreprises israéliennes.
M. Fogel: Non, lorsque j'ai parlé de la responsabilité d'Israël en matière de sécurité, je n'ai jamais utilisé le mot «réussite». J'ai uniquement parlé de la sécurité de la population.
Mme Gaffney: Très bien. Nous ne parlerons pas de réussite.
Par contre, vous avez dit que si vous aviez une entreprise de haute technologie en Israël et une entreprise de technologie de l'autre côté, en Cisjordanie ou ailleurs, qui est la propriété d'un Palestinien, la réussite de cette entreprise israélienne se fera aux dépens de l'entreprise palestinienne. Est-ce que j'ai raison?
M. Fogel: Je ne peux pas vous dire si vous avez raison ou tort. Mais je peux vous dire que ce n'est pas du tout ce à quoi je faisais allusion. Je disais que, dans le contexte du processus de paix, les Israéliens se préoccupaient d'abord de sécurité publique et que le gouvernement en place en avait fait sa priorité absolue, qu'il s'agissait d'assurer la sécurité individuelle des Israéliens.
En ce qui concerne le point que vous soulevez, où vous mettez en concurrence une entreprise israélienne et une entreprise palestinienne, je ne crois pas que ce serait plausible simplement parce que la réalité concrète c'est que les deux économies sont à des niveaux tout à fait différents et se concentrent sur des secteurs différents. Je ne pense donc pas que l'on puisse se trouver dans une situation où une entreprise de haute technologie israélienne ferait concurrence à une entreprise de haute technologie arabe ou palestinienne dans les territoires.
Ce que je peux vous dire, toutefois, c'est qu'il y a des dizaines - M. Rothschild, qui a témoigné devant le comité, serait en mesure de vous fournir un répertoire - d'initiatives conjointes entre Israéliens et Palestiniens dans le domaine de la haute technologie où, parfois, la main-d'oeuvre n'est pas très importante. Nous ne parlons pas ici d'usines perfectionnées comme celle de la GE, nous parlons d'entreprises de logiciel et d'autres projets menés en collaboration.
Franchement, du point de vue canadien, il y a toujours tout un ensemble de critères à utiliser pour déterminer avec quelle entreprise on fera affaire. C'est ce qu'on fait partout, y compris ici, au Canada. Par conséquent, j'imagine que les décisions seront prises par l'entreprise ou l'acheteur canadien concerné plutôt que de l'autre côté.
Le président: Poursuivons dans le sens que vous proposez. Je crois que cela fait suite à certaines des remarques que nous avons entendues quand nous étions dans la région. On pourrait par exemple envisager une production quelconque en Israël, mais utiliser certains éléments fabriqués dans les territoires occupés, les territoires palestiniens, en raison d'un avantage comparatif du prix de la main-d'oeuvre ou d'un autre facteur qui donnerait aux Palestiniens un avantage comparatif. Nous parlons là de quelque chose d'un peu semblable à l'accord sur les pièces automobiles entre le Canada et les États-Unis, où l'on a une combinaison...
M. Fogel: En effet, je crois que c'est un aspect tout à fait plausible.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Du Centre d'études arabes de Montréal
[Traduction]
et de la Fédération canado-arabe...
Est-ce que je peux demander à M. Mahmoud de s'avancer? Voulez-vous venir aussi? Vous avez deux témoins?
[Français]
Du Centre d'études arabes de Montréal, nous recevons MM. Rachad Antonius et Jawad Skalli.
[Traduction]
M. Muhammed Mahmoud représente la Fédération canado-arabe.
Une voix: Est-ce qu'il représente Alternatives? Qu'est-ce qu'il fait là?
Une voix: Il n'est pas sur ma liste.
Une voix: Je crois que je l'ai inscrit pour le Centre par erreur.
[Français]
Le président: Il ne fait pas partie du Centre.
[Traduction]
Une voix: Il vient aussi d'Alternatives. Il représente Alternatives.
Le président: Bon, très bien.
[Français]
M. Paré: Je trouve un petit peu pénalisant pour les témoins qu'on les regroupe et qu'on les oblige à s'asseoir à la même table, à moins que vous me disiez qu'on va prolonger le temps proportionnellement. Si on ne fait pas cela, on ne respecte pas une sorte d'engagement moral qu'on avait pris envers nos témoins en leur faisant part de l'heure à laquelle ils comparaîtraient. On ne l'a pas fait avec les témoins précédents, mais peut-être n'était-ce pas possible. En tout cas, je me questionne sur ce procédé-là.
Le président: Vous trouvez qu'on les pénalise, mais ils étaient d'accord qu'on débute comme cela. On pourrait prolonger le temps. On accordera du temps à la Fédération canado-arabe. Après les deux autres témoins, on verra comment cela se passe au niveau du temps. Ça va?
[Traduction]
Alors pourquoi ne nous dit-on pas...
M. Speller (Haldimand - Norfolk): Monsieur le président, c'est toujours ce que nous faisons. Nous accueillons toujours différents groupes qui viennent ensemble. Il faut peut-être un peu plus de temps, mais je ne crois pas que nous leur manquons de respect d'une façon ou de l'autre, si nous les entendons ensemble.
Le président: Je ne crois pas que M. Paré voulait dire que nous manquions de respect aux témoins. Je crois qu'il faisait allusion au temps qui nous est imparti.
[Français]
Si j'ai bien compris, monsieur Paré, c'était le temps, n'est-ce pas?
[Traduction]
Nous pouvons, en effet, procéder ainsi. Nous pouvons demander à M. Mahmoud de s'avancer lui aussi. Nous poserons des questions aux trois témoins.
S'il vous plaît, joignez-vous à nous. Nous allons vous écouter, puis nous poserons des questions. Si nous dépassons les 45 minutes prévues, nous acceptons tous de continuer à travailler. Nous sommes ici pour travailler.
M. Speller: Monsieur le président, avant que les témoins ne commencent leurs exposés, je veux informer la présidence que je devrai quitter la réunion. Je sais que M. Sauvageau n'est pas ici pour m'entendre, mais je dois assister à une autre réunion un peu plus tard. J'ai des motifs valables pour m'absenter. Merci.
Le président: Très bien. Merci de nous en avertir.
Monsieur Antonius.
M. Rachad Antonius (Centre d'études arabes de Montréal): Est-ce que M. Jawad Skalli pourrait commencer? Il sera plus bref que moi, il représente Alternatives.
Le président: Certainement. La brièveté est toujours considérée comme un atout par le comité.
[Français]
M. Jawad Skalli (Centre d'études arabes de Montréal): Mesdames et messieurs, je voudrais tout d'abord, au nom d'Alternatives, un réseau d'action et de communication pour le développement international, vous remercier pour l'occasion que vous nous donnez d'exprimer nos points de vue sur la question de l'Accord de libre-échange Canada-Israël.
Plusieurs autres intervenants avant moi ont parlé devant vous des crimes commis par l'État d'Israël contre les droits du peuple palestinien, contre les droits du peuple libanais, contre les droits de tous les autres peuples de la région, des violations de droits de la personnes, des violations des conventions internationales, notamment la Convention de Genève, et du mépris total pour les résolutions des Nations unies.
Tout en partageant complètement les points de vue qui ont été exprimés sur ce plan, je ne vais pas revenir là-dessus. Je ne vais pas vous faire subir la répétition de la même chose. Je m'attacherai plutôt, dans mon intervention, à amener quelques éléments d'analyse à l'appui de trois idées que je voudrais vous communiquer.
Premièrement, j'estime que l'accord projeté de libre-échange serait contraire aux principes de politique étrangère du Canada. Deuxièmement, il serait contraire aux intérêts économiques, politiques et sécuritaires du Canada. Et, troisièmement, il est perçu - et ce n'est pas au conditionnel, mais à l'affirmatif - par les 300 millions d'Arabes et par les 300 000 Canadiens d'origine arabe comme un geste d'hostilité et de mépris par rapport à eux, vu le moment précis où il intervient.
C'est un accord contraire aux principes de la politique étrangère du Canada. Je pense que des intervenants ont démontré avant moi la genèse de cet accord, et il faut bien s'y fier. Cet accord est arrivé en plein processus de paix, dans une période d'espoir où le discours dominant disait que la région était en train de découvrir de nouveaux paradigmes, qu'on n'en était plus à la logique de l'affrontement, que les perspectives de paix étaient là. Malgré le caractère extrêmement limité des acquis de ce processus, il a créé un momentum; il a créé une certaine attitude chez les différents protagonistes qui permettait tous les espoirs.
Je ne vous apprends rien en vous disant que ce processus a été stoppé de manière brutale, abrupte par le gouvernement israélien qui vient d'être élu et qui est fondamentalement une coalition entre une partie d'intégristes religieux et une autre partie de faucons extrémistes militaires dont le seul rêve est de faire une autre guerre dans laquelle ils pourraient conquérir de nouveaux territoires.
Comment ce refus est-il arrivé? C'est d'abord par la marche arrière sur le droit du peuple palestinien à l'autodétermination et à avoir son propre État, que M. Peres avait fini par reconnaître à la fin de son mandat.
Il y a donc eu la reprise massive du processus de colonisation et donc d'expropriation des terres palestiniennes et des biens palestiniens, la multiplication des provocations au sujet de Jérusalem - vous avez tous entendu parler du tunnel qui a été creusé à un moment choisi pour faire de la provocation, pour provoquer la riposte des Palestiniens et pour trouver une prétexte pour réprimer les Palestiniens - , le refus total de négocier de bonne foi avec la Syrie à propos du Golan, avec le Liban à propos du Sud-Liban occupé, la poursuite des agressions perpétuelles contre la population civile du Sud-Liban sous prétexte qu'il y a des groupes qui résistent à l'occupation étrangère, des groupes qui exercent leur droit de résistance reconnu par toutes les conventions internationales que le Canada appuie et approuve et, enfin, le refus total d'aborder la phase de négociations sur le statut définitif de la question des réfugiés palestiniens, qui est très pertinente au propos de la séance d'aujourd'hui.
Elle est très pertinente parce que de la solution apportée à cette question va dépendre la réponse sur la légitimité des propriétés sur lesquelles portent le commerce, aussi bien des terres que des usines, etc., dont les propriétaires sont encore vivants et sont encore dans des camps de réfugiés aujourd'hui.
C'est seulement après l'accord avec eux sur les moyens de les dédommager ou sur les moyens de leur permettre de revenir chez eux qu'il sera possible de discuter en toute légitimité avec un État qui représente réellement ce qu'il prétend représenter, où les victimes de ces expropriations auraient reconnu, dans un processus quelconque, que oui, elles s'estiment suffisamment dédommagées pour accepter la légitimité du pouvoir en place sur leurs propres terres.
Cette nouvelle donne a déjà réduit à néant les espoirs d'une grande partie des populations arabes qu'elles avaient fondés sur le processus de paix.
Je voudrais m'adresser à ceux qui s'estiment des amis proches d'Israël, ou à ceux qui s'estiment des amis proches des Palestiniens, ou à ceux qui, tout simplement, s'estiment des amis de la paix. Si réellement on veut travailler pour la paix, il n'y a qu'une seule chose à faire en ce moment. C'est d'exercer de très fortes pressions sur Israël pour qu'il respecte le droit international et pour qu'on puisse arriver à une solution pacifique, parce qu'on n'a jamais vu dans l'histoire et qu'on ne verra pas dans le Proche-Orient un peuple accepter de ne pas défendre ses droits par la violence lorsque les voies de la solution pacifique lui sont hermétiquement fermées.
La patience de tous les peuples a des limites, et il ne faudra pas se surprendre - ce n'est pas souhaitable, et personne ne le souhaite - si le blocage et l'absence de perspective de solutions pacifiques conduisent à une nouvelle flambée de violence dans la région, dont nul n'est capable de dire quels en seront les résultats sur le plan des pertes économiques, des pertes humaines et des pertes tout court.
Pourquoi des pressions sur Israël? Parce que, dans tout processus de paix, dans toute négociation, il y a un principe sacro-saint universel. Il faut une médiation. Le rôle principal de la médiation est de rétablir un rapport de force. Lorsqu'une négociation se passe entre une partie forte et une partie faible, s'il n'y a pas un médiateur pour renforcer la partie faible et atténuer les prétentions de la partie forte, on n'arrive pas à des solutions, à des ententes.
Or, avec le monopole des États-Unis sur le processus de négociation, nous assistons à un type de médiation qui renforce la partie forte et qui affaiblit la partie faible, transformant ainsi le processus de négociation en un processus de diktats à travers lequel une puissance forte peut dicter toutes les règles et toutes les issues à la puissance faible, qui n'a d'autres moyens que de se retourner vers l'Europe, vers le Canada en espérant qu'ils pourront un jour jouer leur rôle de contrepoids à l'influence américaine sur le processus de paix.
En conformité avec sa position traditionnelle de neutralité et de facilitation de la paix, le Canada ne doit absolument pas contribuer à renforcer la position de la partie agressante dans un conflit qui n'est pas à la veille de se résoudre.
Le message envoyé par le Canada, avec la signature de cet accord, dans le contexte actuel, est un message d'encouragement à l'arrogance et à l'intransigeance d'un gouvernement de faucons extrémistes. C'est un message de prime à la violation du droit.
Cet accord serait contraire aux intérêts économiques, politiques et sécuritaires du Canada. Je pense que je ne ferai pas à ce comité l'insulte de lui expliquer en quoi une bonne perception est un facteur positif pour la coopération économique et la coopération politique.
Le Canada bénéficie au Proche-Orient d'une image qui n'en fait pas un protagoniste du conflit. Personne, dans la région du Proche-Orient, ne considère le Canada comme un ennemi dans le conflit actuel, et c'est dû au fait que, tant bien que mal et malgré des tas d'attitudes critiquables, on peut dire en gros que le Canada a su maintenir, au moins sur le plan officiel et formel, une position de neutralité.
L'un des principaux dividendes de cette position, et non pas le moindre, est que le Canada a été complètement épargné par les groupes d'action violente qui prolifèrent dans la région. Le seul cas où le Canada a été victime de terrorisme relié à la question du Proche-Orient est l'assassinat de l'ingénieur canadien Gerald Bull par les services secrets israéliens. À part cela, le Canada est resté à l'abri de tout ce qui secoue cette région.
Mettre des choses comme cela sur la balance, ce n'est pas faire preuve de prévision ni de prévoyance. Bien qu'il n'y ait aucun automatisme et qu'absolument aucune force n'ait menacé à ce jour le Canada, je souligne le danger inhérent au fait que certaines forces dans la région puissent commencer à considérer le Canada comme une partie dans le conflit et, par conséquent, comme un ennemi. Ce n'est pas la vocation du Canada que d'être un ennemi de qui que ce soit dans la région. Le Canada était plutôt connu comme le pays des forces de maintien de la paix et de facilitation de la négociation en vue de l'obtention de la paix.
Sur le plan économique, si on a construit l'idée du libre-échange avec Israël sur l'idée qu'il n'était pas incompatible avec un libre-échange avec les autres pays arabes, les autres pays de la région, on l'a fait à un moment où ce n'était pas incompatible, c'est-à-dire l'année dernière et les deux ou trois années précédentes.
Dans un contexte de normalisation dans la région, il était possible de dire que ce n'était absolument pas contradictoire, d'un côté, de développer ses relations avec Israël et, de l'autre côté, de les développer avec le monde arabe.
Aujourd'hui, dans le contexte précis où on se parle, et j'espère qu'on pourra changer d'attitude, c'est absolument incompatible. Même des États complètement dépendants de la diplomatie américaine, comme l'Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats, vont être obligés, sous la pression de leurs opinions publiques, de réactiver le boycott arabe anti-israélien, tout simplement parce qu'Israël ne fait rien, absolument rien pour faciliter une quelconque normalisation du monde arabe avec eux. Aucun peuple n'accepte une normalisation sur la base de sa propre spoliation, de sa propre humiliation.
Les pays arabes ne sont pas l'exception dans cette règle. Ils sont pour la paix dans la dignité, mais absolument pas pour l'humiliation dans l'acceptation des diktats d'Israël sous prétexte qu'il est allié avec la première puissance du monde.
Enfin, en tant que membre d'un organisme regroupant entre autres des membres de la communauté arabe, je voudrais vous souligner à quel point la majorité des 300 000 Arabes du Canada se sentent vraiment bafoués, méprisés par un geste qui, peu importe comment il est conçu par ceux qui l'ont posé, est interprété comme un geste de partialité dans un conflit où il semble que les responsabilités sont assez clairement établies maintenant, avec le gouvernement Netanyahu d'un côté. C'est à ce côté, précisément, qu'on donne une prime à l'intransigeance.
J'espère que les recommandations de votre comité n'iront pas dans le sens d'avaliser la signature de ce traité.
Merci beaucoup pour votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Skalli.
Monsieur Antonius.
M. Antonius: Je voudrais d'abord remercier le comité de nous avoir donné la possibilité de nous exprimer dans ce contexte. Je vais essayer d'être très bref.
Je voudrais axer mon intervention sur trois points. Premièrement, l'accord de libre-échange qui est proposé va à l'encontre des principes mêmes de la politique étrangère canadienne et minent cette politique. Deuxièmement, il apporte un appui à une politique très agressive. Il faudrait donc reconsidérer cet appui. Troisièmement, je parlerai très brièvement de ses effets à la fois au niveau international et au niveau local ici, au Canada.
Je voudrais rappeler brièvement la position officielle du Canada telle qu'elle a été énoncée les communiqués du ministère des Affaires étrangères.
Je cite le document officiel canadien:
- Le Canada ne reconnaît pas la permanence du contrôle israélien sur les territoires occupés en
1967 (le plateau du Golan, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza) et s'oppose à
toute mesure unilatérale visant à déterminer d'avance le résultat des négociations, y compris
l'implantation de colonies de peuplement dans les territoires et les mesures unilatérales pour
annexer Jérusalem-Est. Le Canada considère ces mesures comme étant contraires au droit
international et nuisibles au processus de paix.
Enfin, lorsque, par sa résolution sur l'applicabilité de la Quatrième convention de Genève aux territoires occupés, les Nations unies estimaient injustes certains gestes d'Israël, le Canada, à l'instar de presque tous ses alliés occidentaux, l'a appuyée.
Cela, je le cite pour insister sur le fait que le Canada considère que la Quatrième convention de Genève s'applique aux territoires occupés. Cette Quatrième convention est violée de façon systématique, actuellement.
Je voudrais développer un tout petit peu ces points-là.
Premièrement, la politique actuelle d'Israël viole le droit international à Jérusalem-Est et dans les territoires occupés. Je voudrais mentionner, juste à titre d'exemple, l'article 49 de la Convention de Genève qui dit:
[Traduction]
- La puissance d'occupation ne doit ni déporter ni installer une partie de sa population civile dans
le territoire qu'elle occupe.
Donc, cette politique, qui est celle d'implantation de colonies, va à l'encontre du droit international et de la Convention de Genève que le Canada reconnaît et dont le Canada estime qu'elle s'applique.
Apporter maintenant un appui à cette politique israélienne mine les fondements mêmes de la politique canadienne telle que projetée ici.
Ce que nous demandons, au fond, c'est simplement que le Canada applique sa propre politique, rien d'autre.
Vous savez que non seulement il y a un appui aux politiques israéliennes, mais que les taxes canadiennes servent à financer des projets dans les territoires occupés, que le Canada considère illégalement occupés.
La dernière fois que j'ai eu l'occasion de parler à M. Axworthy là-dessus, je lui ai mentionné que j'avais des documents là-dessus. Ils sont là, si quelqu'un veut les voir. Ce sont des lettres de sollicitation qui mentionnent le lieu où vont être dépensées ces sommes d'argent et qui mentionnent explicitement le fait qu'elles sont déductibles de taxes et qu'elles vont à Canada Park, qui est dans les territoires occupés après 1967.
Donc, les taxes canadiennes servent à appuyer des projets, dont certains sont de nature économique, qui sont dans des territoires que le Canada considère être occupés illégalement.
Il faut se souvenir du fait que la politique actuelle israélienne est, si on regarde le texte des accords d'Oslo, une politique d'apartheid, et je mesure bien mes mots, monsieur le président. J'ai demandé qu'on fasse circuler un texte qui est une analyse des dimensions juridiques de la politique d'Oslo, où ce point est développé.
Je voudrais que vous considériez un tout petit peu la carte des accords d'Oslo. Les petits points vert foncé sont ceux qui sont sous l'autorité palestinienne directe. Ce sont des petits points fragmentés, un peu comme des bantoustans.
Avant les accords d'Oslo, quand il y avait une fermeture des territoires, c'était l'ensemble des territoires qui étaient fermés. Un paysan pouvait aller à son champ cueillir ses tomates pour se nourrir. Aujourd'hui, quand il y a une fermeture de territoire, c'est l'ensemble du territoire qui est fermé. Ces petits points verts que vous voyez ici sont isolés les uns des autres. Un paysan ne peut se rendre à son champ et il ne peut se rendre au village voisin s'il travaille.
Donc, la pression économique, lors des fermetures, est dix fois plus lourde à porter depuis les accords d'Oslo qu'avant. Cela est bien documenté. Cette carte vient du Monde Diplomatique du mois de décembre 1994, et les textes des accords d'Oslo expliquent très clairement ce qui se passe là.
Vous savez aussi qu'Israël a mis sur pied une politique de construction de voies de contournement, de bypass roads. Ces voies de contournement sont réservées à l'usage exclusif des colons juifs. Quand il y a des fermetures, elles ne s'appliquent pas à eux. Cela signifie que ce ne sont pas les territoires qui sont fermés, mais une population. C'est le statut des gens et la religion, dans ce cas-là, qui déterminent s'ils peuvent ou non circuler sur ces routes et s'ils peuvent ou non sortir des territoires. C'est cette politique à laquelle cet accord de libre-échange va apporter un appui.
Les constructions de logements sont réservés à l'usage exclusif des colons juifs. Même les citoyens israéliens non juifs n'y ont pas accès. Cela veut dire que c'est une politique ouvertement raciste. Elle cible des gens en fonction de leur religion et leur donne des droits différents selon leur appartenance religieuse. Cela s'applique non seulement aux Palestiniens des territoires occupés, mais aussi aux citoyens israéliens à l'intérieur.
Je trouve que cette situation des droits de l'homme en général, qui a été analysée et synthétisée dans le document qui vous a été distribué et qui a été produit par un organisme palestinien de défense des droits de la personne, doit absolument être prise en considération lorsqu'on fait des traités comme celui qui est proposé ici.
Il y aurait d'autres points que je pourrais développer, mais je voudrais être bref. Donc, je vais m'arrêter. Je pourrais ajouter beaucoup de détails là-dessus pour appuyer les points que je vous présente.
En dernier lieu, très brièvement, je voudrais parler des effets négatifs pour le Canada de ce traité proposé de libre-échange, à la fois sur la politique étrangère et le commerce et sur la situation des citoyens d'ici.
Au niveau international, comme il a été souligné plus tôt, les gouvernements arabes ne pourront ignorer ce traité dans les circonstances actuelles. Il y a quelques années, le Canada concevait que le développement des relations économiques, le renforcement de l'économie de l'ensemble des gens de la région, était un appui positif à la paix. Ce n'est pas un zero-sum game, comme il a été dit plus tôt.
Au contraire, le développement de relations économiques, tant d'un côté que de l'autre, pouvait contribuer à la paix. C'est ce qui justifiait beaucoup d'interventions canadiennes. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
En dernier lieu, on a parlé de l'effet de ce traité sur les citoyens canadiens d'origine arabe. Le message qui leur est donné par un traité comme celui-là, est que... Je vais d'abord faire une parenthèse.
La grande majorité des citoyens canadiens d'origine arabe se comportent, en ce qui a trait à la politique canadienne, comme des citoyens canadiens et il n'y a pas de prise de position monolithique dans un sens ou dans l'autre.
Le message qui leur est donné par un tel traité est qu'ils doivent mettre leur poids électoral pour faire pression sur le gouvernement pour qu'il tienne compte de leurs aspirations. Je crois que cela est très négatif, monsieur le président.
Le message qu'on doit donner à tous les citoyens est que nous sommes des citoyens, point, et que ce ne sont pas les coalitions, sur une base ethnique ou religieuse, qui doivent dicter le comportement électoral des gens. Ce point doit être pris en considération quand on émet des principes de politique étrangère.
Je vous remercie et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Antonius. Je sais que vous avez abrégé votre présentation en fonction du temps. Cependant, je suis certain que vous aurez la chance de revenir pour répondre à des questions. Vous nous fournirez les détails à ce moment-là. Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Mahmoud, de la Fédération canado-arabe, nous vous écoutons.
[Français]
M. Muhammed Mahmoud (directeur, Fédération canado-arabe): Au nom de la Fédération canado-arabe, un organisme pancanadien - c'est le seul - qui regroupe tous les organismes arabes canadiens, j'ai l'honneur de m'adresser à vous dans le cadre du comité parlementaire sur le traité de libre-échange entre le Canada et le gouvernement de l'État d'Israël.
Il y a à peu près 27 ans, un jeune garçon de sept ans a été chassé de chez lui. Ce jeune garçon n'est pas Palestinien. Il est Syrien. Il a été chassé du Golan par les forces de défense israéliennes, forces de défense qui ont pris l'initiative d'attaquer un autre pays et d'en chasser les civils.
En 1987, j'avais demandé à un ami français - vous devinerez que je suis ce petit garçon - qui partait en Israël de photographier mon village, là où j'avais vécu mon enfance, là où j'avais tous mes espoirs. Il est revenu bredouille, les mains vides parce que les Israéliens avaient rasé le village pour le remplacer par des champs de culture de produits qu'ils exportent en Europe, en France, là où j'étudiais à l'époque.
Ces forces de défense ont attaqué d'autres pays arabes pour occuper d'autres terres pour qu'Israël ait de plus en plus une position de force. Je reviens au présent.
Si je comprends les actions et les soucis du gouvernement de mon pays, celui que j'ai choisi - on m'a dit que c'était un pays de justice, de liberté, d'égalité, mais qu'il y manquait la fraternité peut-être - , pour promouvoir les relations tant économiques que politiques et culturelles avec les autres pays, chose que j'honore, il est entendu que ces actions doivent s'inscrire dans un cadre général compatible avec les idéaux, les traditions démocratiques et les principes de justice du Canada.
On doit comprendre aussi qu'il nous est difficile de comprendre l'initiative de ce traité étant donné le choix du moment de sa mise ne oeuvre, à un moment où l'actuel gouvernement de l'État d'Israël est en train de tout faire pour saper les efforts de paix qui ont été initiés par l'ancien premier ministre israélien, un faucon de la guerre qui avait conclu qu'en fin de compte, la guerre ne servirait à rien au Moyen-Orient et ne résoudrait aucun problème au Moyen-Orient.
Donc, on a un gouvernement qui met tout en oeuvre pour arrêter le processus de paix et la mise en oeuvre d'accords signés entre l'ancien gouvernement de feu M. Rabin et l'autorité nationale palestinienne.
Mais comment pourrais-je échapper à ce parallèle alors que tout y invite? On a fait circuler plus tôt une photocopie d'un journal arabe - peut-être que la légende n'a pas été traduite - où on nous montre deux paysans palestiniens en train de jeter à la poubelle leurs fruits pourris sous le soleil, parce que les Israéliens leur ont fermé le passage qui leur permettait d'exporter leurs marchandises et leurs productions.
Donc, on a des bouches affamées encore et encore en territoire palestinien, au profit d'exploitants israéliens, de sous-traitants israéliens, qui mettent de l'argent dans leurs poches au profit de ces pauvres Palestiniens.
Si je comprends bien, en tant que citoyen canadien, les tournées de Team Canada et que j'encourage certaines des actions de M. le Premier ministre pour relever les défis économiques de cette fin de siècle, il m'est difficile de comprendre le pourquoi de cet accord, qui ne porte que sur un marché bien petit par rapport au vaste marché des pays arabes, qui ne demandent qu'un tel accord pour exporter vers le Canada et pour importer.
L'année dernière, il y a eu des débats entre le Liban et la Syrie d'un côté, et le Canada, pour que ces deux pays puissent exporter 500 000 T-shirts au Canada, en coton délavé, s'il vous plaît. À la fin de ces débats, on avait pu aboutir à 300 000 T-shirts seulement.
J'ai lu quelque part, dans le texte du projet de traité, que les marchés canadiens seront totalement ouverts aux exportations de coton israélien.
Un tel accord apportera de l'argent dans les caisses d'un État qui n'hésite pas à tuer des civils, comme c'est le cas au Liban, comme c'est le cas à Gaza, comme c'était le cas tout récemment, il y a à peu près trois semaines, qui n'hésite pas à bloquer un processus de paix qui a généré tant d'espoir dans les pays arabes, qui ont perdu presque tout, chez les Palestiniens qui ont presque tout perdu et qui ont accepté, en fin de compte, que ce processus de paix soit installé. Ils ont accepté le minimum, alors qu'ils vivent dans des conditions de misère que nous, au Canada, on ne peut pas imaginer, et je pèse mon mot.
Croyez-moi, on ne peut pas imaginer ce que les Palestiniens vivent sur le terrain. On ne peut pas imaginer qu'un million et demi de réfugiés palestiniens vivent dans la misère tous les jours, avec des égouts à ciel ouvert, sans eau potable, sans installations sanitaires, sans rues. Rien. Ils vivent, ou ils survivent, tout simplement.
Donc, c'est un État qui maltraite tout un peuple, dont des centaines de milliers de personnes sont privées de l'essentiel d'une existence digne d'êtres humains.
Dans ces conditions, allons voir les accords de paix et ce qu'ils ont apportés aux Palestiniens. Eh bien, les Palestiniens doivent exporter, car Israël leur a permis d'exporter, mais à travers Israël. C'était en 1991. Cela veut dire qu'ils peuvent exporter vers la CEE, à condition que les marchandises palestiniennes transitent par Israël, qu'elles soient étiquetées Made in Israel et exportées vers le monde extérieur. Cela veut dire que les Palestiniens n'existent pas.
[Traduction]
Pour exporter, les Palestiniens doivent passer par un agent israélien. Ils n'ont pas la possibilité de traiter directement avec des partenaires extérieurs.
Un autre élément me vient à l'esprit. À la suite des accords de paix d'Oslo, il a été décidé qu'un aéroport et un port seraient construits dans la bande de Gaza et que le Canada serait partie prenante dans ces deux projets. Des équipements de 35 millions de dollars US rouillent à Gaza depuis maintenant deux ans. Les Israéliens ne veulent ni dédouaner ni laisser repartir ces marchandises tout simplement parce qu'ils ne veulent pas que les Palestiniens aient un simple iota d'autonomie.
Il y a une autre analogie qui me vient aussi à l'esprit. Ce traité donnera plus d'argent aux Israéliens et au gouvernement qui est en place, le Likoud. Rappelez-vous que c'est le Likoud, dont une partie a plus ou moins réclamé la tête de Yitzhak Rabin, qui a initié les efforts de paix au Moyen-Orient et que la femme de M. Rabin a refusé de serrer la main de Netanyahu, qui était venu aux funérailles de M. Rabin - rappelez-vous cela - et qui est l'actuel premier ministre israélien.
L'analogie est la suivante. En mettant plus d'argent dans les caisses d'Israël, vous allez encourager les intégristes israéliens, ceux qui ont tué Rabin, ceux qui continuent à réclamer qu'on chasse les Palestiniens de chez eux, de la mosquée al Aqsa, qu'on rapatrie tout aux Juifs et qu'on rapatrie tous les Juifs du monde vers la Palestine. Cela encouragera encore d'autres intégristes, qui sont des intégristes de l'autre côté, parce qu'ils trouvent que leurs populations sont privées de tout. Une fois qu'elles sont privées de tout, on a un terrain fertile à toute idéologie.
Encouragez les uns et vous allez encourager les autres. Mettez de l'argent ici, privez les autres de cet argent et vous pousserez les deux à la confrontation. Voilà ce à quoi j'arrive, à la fin.
Nous vous demandons d'ajourner la mise en oeuvre de cet accord et d'en lier la mise en oeuvre future à l'application, par le gouvernement israélien, de tous les accords d'Oslo, si minimes soient-il, et à une véritable reprise des négociations de paix entre l'État d'Israël, la Syrie et le Liban, dont les territoires sont occupés depuis de longues années par les forces de défense israéliennes.
Rappelez-vous, en fin de compte, que les Palestiniens souffrent tous les jours, quotidiennement, qu'ils sont privés de tout et qu'ils s'accrochent. Récemment, je suis allé à un festival de films arabes, à Montréal, où on montrait les espoirs des Palestiniens qui ne savent plus quoi faire. À un moment donné, ils espéraient que la paix s'installe et qu'ils puissent vivre, en fin de compte, libres de toute oppression et de l'occupation israélienne. Mais, en fin de compte, ils ne voient rien venir.
Ils s'attendaient aux merveilles de la paix qui ont été promises par tant de personnes et tant d'États. Ils ne voient rien arriver. Vous vous rendez compte de cela? Ne poussez pas au désespoir les gens qui ont eu tant d'espoir. Ne demandez pas aux gens de tout accepter alors que, d'un côté, vous ne donnez rien et que, de l'autre, vous donnez tout à l'autre partie qui a agressé, qui a pris le territoire. Un exemple de cela est le traité de libre-échange entre le Canada et Israël.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Bergeron.
M. Bergeron: Nous écoutons vos commentaires et vos témoignages avec beaucoup de consternation puisque, dans un premier temps, notre position initiale était de nous montrer favorables en principe à l'accord de libre-échange avec Israël, dans la mesure où, fondamentalement, nous sommes libre-échangistes. Nous considérons qu'il faut absolument abolir les barrières tarifaires et ouvrir les marchés avec nos partenaires commerciaux. Mais encore faut-il que ces partenaires commerciaux nous semblent être des partenaires qui respectent les valeurs qui sont les nôtres.
J'ai eu l'occasion d'avoir un échange, il y a quelques minutes, avec le ministre du Commerce international. Je ne sais pas si vous étiez présents au moment de cette intervention. J'ai posé la question suivante au ministre: Peut-on, compte tenu des circonstances, compte tenu du fait que l'accord de paix n'est pas respecté et que l'État d'Israël viole ouvertement les droits des Palestiniens particulièrement, envisager une suspension de l'application de l'accord au-delà du 1er janvier 1997? Le ministre n'a pas répondu.
[Français]
Ce que je comprends un peu du processus dans lequel nous sommes engagés, c'est que le gouvernement fédéral peut, sans avoir à demander l'autorisation du Parlement, conclure des accords internationaux. Il n'y a pas au Canada de processus de ratification. L'accord est en soi ratifié lorsque le gouvernement fédéral le signe.
La démarche qui est la nôtre actuellement est simplement d'adopter le projet de loi de mise en oeuvre de cet accord, c'est-à-dire le projet de loi qui va modifier la loi canadienne de telle sorte qu'elle s'adapte à cet accord qu'a signé le gouvernement fédéral.
Nous ne sommes pas autorisés, comme Parlement, à nous-mêmes suspendre l'application du projet de loi ou à suspendre l'application du traité. Je ne sais pas si vous avez une suggestion, une idée qui pourrait nous aider à convaincre le gouvernement fédéral de lui-même suspendre l'application du traité.
J'ai compris de ce que nous disait le ministre plus tôt que le traité est signé et que la date prévue de mise en oeuvre du traité est le 1er janvier 1997. Finalement, ce qu'on demande aux parlementaires, c'est de prendre acte du fait que le traité est signé et doit entrer en vigueur à compter du 1er janvier 1997.
On est un peu pieds et poings liés au moment où l'on se parle, dans la mesure où les possibilités d'intervention sont plutôt limitées. Du moins, à prime abord, je me sens un peu démuni.
Mme Debien: Sauf pour le rapport.
M. Bergeron: Pour le rapport, il y aurait une possibilité pour nous d'intervenir?
Mme Debien: Pour le gouvernement.
M. Bergeron: Enfin, je ne sais pas si vous avez des suggestions ou des commentaires à formuler par rapport à cela, mais je vous exprime un peu mon désarroi à cet égard.
M. Skalli: Par rapport à un accord signé qui ne serait pas mis en oeuvre, le gouvernement israélien serait le dernier des gouvernements à devoir se formaliser d'une telle chose. Il y a un an, il a signé des accords qu'il a remis en cause six mois après, sous prétexte qu'il y avait eu d'autres élections.
Je pense que le Canada a signé cet accord dans un contexte bien précis, et je donne crédit aux fonctionnaires qui l'ont négocié et à l'équipe politique qui l'a mené. Cela a été fait dans un contexte où on voulait agir dans le sens de faciliter l'établissement de la paix, de pousser en avant un processus qui était déjà en marche.
Je pense que ces politiciens et ces fonctionnaires sont capables de comprendre que les choses ont changé très vite et que ce qui, hier, était de nature à faciliter un processus d'apaisement, jette maintenant de l'huile sur le feu. Il faut avoir le courage politique de s'arrêter et de dire qu'au moins, on va laisser cela en suspens, on ne va pas le mettre en pratique tout de suite, on va attendre.
Si on ne peut avoir assez de courage pour émettre des conditions et dire qu'on ne le mettra en pratique que lorsqu'ils auront fait telle chose, même sans aller jusque-là, on peut dire que la situation ne s'y prête pas. Et il y a des questions supplémentaires qui sont soulevées. Encore une fois, je vous dis que le gouvernement israélien nous a prouvé qu'il ne se formalisait pas d'une signature signée au bas d'un document. Il nous a montré ce qu'il en faisait.
M. Paré: À quelques reprises, aujourd'hui, on a entendu parler de la question très importante, vitale, de l'utilisation de l'eau potable. Serait-ce possible que vous nous décriviez un peu l'usage de l'eau qui est réservée aux Palestiniens par rapport, entre autres, aux colons juifs qui sont dans les territoires occupés? Existe-t-il des chiffres pour illustrer cela?
M. Antonius: Très brièvement, puisque ce n'est pas l'enjeu principal de la discussion, on peut dire que là encore, les résidents des territoires occupés, selon leur religion, ont un droit différentiel à l'eau. Les colons juifs ont le droit de creuser des puits allant jusqu'à 600 mètres de profondeur pour puiser l'eau.
Il faudrait expliquer une chose. L'eau de la Cisjordanie vient essentiellement de l'eau de pluie qui, à un moment donné de l'année, s'accumule dans des aquifères. Les puits palestiniens ont, en moyenne, un maximum de 200 mètres de profondeur; ils sont donc beaucoup moins profonds.
Les colons israéliens ont le droit de creuser des puits allant jusqu'à 600 mètres de profondeur, droit qui est refusé aux propriétaires palestiniens des terres.
Dans les accords d'Oslo, la question de l'eau n'est pas résolue de façon définitive, mais pour le moment, il y a des quotas qui sont émis et qui, là encore, sont différents. J'ai les chiffres ici quelque part, mais je ne pense pas que ce soit très pertinent. En gros, on peut dire que les colons israéliens ont accès à deux ou trois fois plus d'eau, et peut-être même beaucoup plus, que les agriculteurs palestiniens.
Donc, d'un point de vue purement économique, si on est libre-échangiste, on voit qu'il faudrait donner à tout le monde les moyens de cultiver de la même façon, et ce n'est pas le cas.
Si vous êtes intéressés à voir des documents plus précis, je pourrai vous les faire parvenir. Je les ai.
Le président: Monsieur Mahmoud.
M. Mahmoud: Monsieur Paré, plus tôt, vous vous êtes étonné du fait qu'il n'y avait pas eu de première consultation avant la première lecture.
En ce qui a trait aux eaux, j'ai des chiffres. Les Palestiniens, en moyenne, dans tous les territoires occupés de la bande de Gaza, consomment 35 litres d'eau par jour. C'est l'équivalent de deux chasses d'eau dans nos W.-c. occidentaux.
Les citoyens israéliens ont droit, eux, à 175 litres d'eau. Cela veut dire que c'est un pourcentage de un à neuf. Cela vous donne une idée des difficultés qu'un Palestinien, une mère palestinienne, une femme de ménage palestinienne ont à rencontrer tous les jours pour subvenir à leurs besoins essentiels.
Vous n'avez pas le droit, par exemple, dans ce contexte, à avoir le minimum de confort. Le minimum de confort n'existe pas. Ce n'est pas une norme palestinienne. C'est une norme dont les Palestiniens ne peuvent pas profiter parce qu'ils ne la connaissent pas.
[Traduction]
Le président: Monsieur Morrison.
M. Morrison: Merci, monsieur le président.
Messieurs, je crois que vous avez tous trois accordé peut-être plus d'importance à ce traité qu'il n'en mérite. Je ne crois pas que ce soit un document aussi marquant que ce que vous semblez dire. Toutefois, je comprends votre passion et je respecte votre jugement à cet égard.
Je suis un partisan indéfectible du libre-échange, mais je dois dire que certains des arguments que nous avons entendus ici aujourd'hui m'ont ébranlé.
C'est une remarque plutôt qu'une question. J'ai tendance à me ranger à l'avis de M. Bergeron, qui considère que nous ne devrions pas nous précipiter pour instaurer cet accord. Il n'y a pas le feu. Laissons Israël et la Palestine régler leurs différends avant de venir brouiller les cartes.
C'est mon opinion. Je ne vous demande pas d'y répondre. Je voulais simplement l'exprimer, pour mémoire.
M. Antonius: J'aimerais pourtant commenter ce que vous venez de dire.
Je suis d'accord avec vous, le traité n'a pas autant d'importance, objectivement, que ce qu'on semble lui accorder. Toutefois, c'est un symbole et c'est aussi un élément de la politique globale.
J'ai toujours eu le sentiment que la politique officielle du gouvernement canadien au sujet du Moyen-Orient était excellente - la façon dont elle est rédigée, son libellé. La façon dont elle est mise en oeuvre va totalement à l'encontre de ce qu'on peut y lire. C'est ce que je veux dire ici. Ce traité n'est qu'une nouvelle preuve que la mise en oeuvre de la politique contrevient aux principes énoncés.
Pour ce qui est de Jérusalem, par exemple, on indique à trois endroits différents dans la politique officielle que le gouvernement du Canada ne reconnaît pas l'annexion de Jérusalem. Pourtant, lorsqu'on organise une marche pour Jérusalem à Montréal, les gouvernements municipaux, à tout le moins, et peut-être aussi le gouvernement fédéral, accordent des fonds et la manifestation reçoit certainement le soutien politique de divers partis. Cela va à l'encontre de la politique officielle.
Tout ce que je demande, c'est que la politique officielle du gouvernement du Canada soit mise en oeuvre. Je soutiens que le projet de loi dans sa forme actuelle...
C'est un élément. Ce n'est pas si important que cela, j'en conviens avec vous, parce que ce n'est qu'un élément parmi bien d'autres. Mais je veux faire valoir que la mise en oeuvre de notre politique relative au Moyen-Orient va à l'encontre des principes énoncés et les mine.
La seule requête que je veux présenter au comité c'est, au-delà de ce projet de loi, de se pencher sur la politique officielle. Examinez la situation actuelle, concrète, regardez ce que les cartes nous disent; tirez vos propres conclusions et définissez vos politiques.
M. Morrison: En fait, je suis désolé, monsieur, mais nous ne sommes pas ici pour discuter de macropolitique; nous examinons simplement le traité.
Je voudrais poser une question, puisque nous avons entamé un débat. Si le traité contenait des dispositions pour garantir que les Palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie profiteront équitablement de ce traité - que rien ne les empêchera de participer activement à cet accord de libre-échange avec le Canada, que ce soit des contrôles frontaliers menés par les Israéliens, la fermeture des secteurs, etc. - cet accord vous semblerait-il acceptable puisqu'au moins il représenterait un certain progrès? L'accepteriez-vous?
M. Antonius: Oui, s'il s'inscrivait dans une politique globale de développement économique pour tous les habitants de la région. La région dont je parle, c'est Israël et les territoires occupés, pour l'instant. Si nous nous restreignons à cela, oui, je l'appuierais.
Mais cela signifierait que les exportations de la Palestine devraient être assujetties aux mêmes contraintes que les exportations d'Israël, si nous croyons dans le principe et la logique du libre-échange. Cela signifie que les Palestiniens qui veulent importer du matériel pour fabriquer quelque chose devraient avoir le droit de le faire.
On a posé la question précédemment, que se passerait-il s'il y avait concurrence entre des entreprises palestiniennes dans le secteur de la haute technologie? Il n'existe pas d'entreprises palestiniennes de haute technologie pour une raison bien simple: Israël empêche toute importation de matériel de haute technologie. Même l'équipement donné à un hôpital par un organisme caritatif autrichien pourrit au soleil depuis deux ans, sous prétexte que c'est du matériel de haute technologie et donc dangereux et qu'il ne faut pas en autoriser l'entrée.
Si nous établissons des garanties et si nous veillons à ce qu'elles soient respectées, pourquoi pas? Je crois - et c'est la position que j'ai adoptée bien avant que le dialogue sur la paix ne soit à la mode, dans les années 70 - que le dialogue sur la paix et la reconnaissance mutuelle entre les Palestiniens et les Israéliens est la seule solution possible. C'est encore ma position aujourd'hui: la reconnaissance mutuelle et des droits symétriques. Si l'accord commercial contient ces mesures, c'est très bien. Mais à l'heure actuelle, il ne les contient pas.
M. Morrison: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Mahmoud.
M. Mahmoud: C'est méconnaître Israël et les politiques israéliennes. Rappelez-vous qu'en avril dernier, Israël avait une guerre au sud et était allé bombarder, à 160 kilomètres au nord, une station d'électricité au Liban.
Israël ne permettra pas à une autre partie dans son entourage de le concurrencer, ni économiquement ni militairement. Il ne faut pas oublier cela. Il ne faut pas oublier cet élément. C'est un élément essentiel de la supériorité israélienne, initié par l'esprit de l'État lui-même.
Vous avez parlé de passion dans vos interventions. Ce n'est pas seulement de la passion. C'est la réalité qui est là. On ne peut pas ne pas dire cela. On ne peut pas oublier tous ces éléments qu'on voit tous les jours. Ils sont là. Ce sont des faits, monsieur.
[Traduction]
Le président: M. Loney, puis M. Assad.
M. Loney: Monsieur le président, est-ce que le document relatif à l'utilisation de l'eau peut être déposé?
Le président: Certainement.
M. Antonius: Puis-je vous faire remarquer qu'il existe une étude beaucoup plus détaillée et bien supérieure, qui a été financée par le CRDI et, par conséquent, par le gouvernement du Canada. Certains chercheurs canadiens très compétents ont examiné la question de l'eau pendant deux ans et ont publié un important ouvrage sur le sujet. Cet ouvrage est disponible et, évidemment, je suis disposé à vous le fournir.
M. Loney: Pourriez-vous nous en fournir un exemplaire, s'il vous plaît?
M. Antonius: Certainement. C'est intitulé Watershed; l'auteur en est Steve Lonergan. Si vous le souhaitez, je peux vous en faire parvenir un exemplaire. Je ne l'ai pas ici, mais je peux très certainement vous en faire parvenir un exemplaire.
M. Loney: Merci.
Le président: Le comité a des contacts réguliers avec le CRDI, qui comparaît devant le comité à l'époque du budget. Nous donnerons suite à cette question.
M. Antonius: C'est pourquoi j'ai mentionné cet ouvrage. C'est un ouvrage très important. Il représente deux ans d'étude.
Le président: Merci de cette recommandation. La question de l'eau est évidemment d'une importance primordiale, si l'on songe aux dimensions géopolitiques de la question. Je conviens que c'est là une question litigieuse et très difficile à régler.
M. Loney: Monsieur le président, pouvons-nous déposer le document?
Le président: Le témoin a eu la bonté de dire qu'il allait nous laisser sa carte. Nos recherchistes se procureront aussi la publication du CRDI dont parlait le témoin. Cet ouvrage sera mis à la disposition des membres du comité, si la chose les intéresse. La bibliothèque du Parlement doit aussi en avoir un exemplaire.
Monsieur Assad.
[Français]
M. Assad (Gatineau - La Lièvre): J'aurais une courte question.
Monsieur Skalli, avez-vous déjà visité ou même vécu dans les territoires occupés au Moyen-Orient?
M. Skalli: J'ai visité les territoires occupés à quelques reprises, mais je n'y ai pas vécu.
M. Assad: J'ai toujours hésité à accepter des invitations d'aller visiter les territoires occupés. J'avais trop peur de revenir non seulement affecté, mais enragé. Cependant, j'ai lu beaucoup de témoignages.
M. Skalli: Vous le seriez.
M. Assad: Je n'en doute pas.
Le ministre a semblé dire qu'on défendait les droits de la personne, etc. Cela avait l'air un peu faible dans mon esprit.
De toute façon, certains hommes d'affaires auraient exigé du ministère qu'il y ait cette entente avec Israël parce que les États-Unis en ont une et que les hommes d'affaires canadiens seraient avantagés par des ententes commerciales.
Je me pose la question suivante. Le Moyen-Orient compte plusieurs pays et, d'après votre témoignage, j'ai l'impression que certains hommes d'affaires ont une vision extrêmement étroite. Ils vont réussir à nous mettre à dos un bon nombre de pays de cette partie du monde, simplement pour une entente commerciale avec Israël.
Donc, sur le plan commercial, il me semble que ce n'est pas aussi avantageux que le ministre essaie de nous le faire croire que de littéralement chasser des clients de cette partie du monde pour en sauvegarder un.
M. Skalli: Je pense que, de toute manière, on peut faire pression sur des États arabes, surtout quand ils sont en situation de faiblesse, comme le Koweït ou les Émirats, pour qu'ils acceptent une politique déterminée favorable à Israël.
De plus en plus, ce ne sont plus les États qui font de l'économie, mais de simples citoyens avec la privatisation. Je puis vous dire que s'il existe, par exemple, une politique du gouvernement du Koweït ou de l'Arabie saoudite qui ne se formalise pas de ce qu'on puisse avoir des relations privilégiées avec Israël, l'homme d'affaires individuel, celui avec qui vous allez signer le contrat pour le Koweït ou pour l'Arabie saoudite, a des sentiments nationaux et se sent humilié du fait que vous avez préféré privilégier vos relations avec Israël. Pourquoi? Soyons très clairs: le potentiel d'échanges de l'économie israélienne par rapport au Canada est - je m'excuse - presque négligeable.
On parle de l'économie israélienne comme d'une économie ultradéveloppée. En réalité, c'est une économie qui a une industrie de pointe dans le domaine militaire, qui a quelques petites pointes de haute technologie ici et là, mais qui, par ailleurs, est exactement une économie du Tiers monde, qui fabrique des poufs, des chemises, des objets en aluminium, des ustensiles ménagers, enfin de tout. C'est cela, l'économie israélienne.
Pourquoi le revenu israélien est-il de 16 000 $ par habitant par an? Il faut dire qu'avant même de commencer à produire quoi que ce soit, ils ont 5 000 $ par habitant par an d'aide internationale, d'aide américaine principalement.
Il serait plus juste de situer le revenu israélien à 10 000 $ par an qu'à 15 000 $ par an, si on veut tenir compte de ce qu'ils produisent réellement. Dans ce 10 000 $, on exclut le domaine militaire, où ils seraient plus des concurrents du Canada que des clients ou des partenaires, parce qu'ils n'ont rien à vous vendre dans ce domaine et qu'on n'a pas grand-chose à leur vendre. On est plus en compétition avec eux. Cela ne représente pas vraiment un marché très attrayant pour l'économie.
Peut-on en dire autant de l'économie égyptienne, par exemple? Pourra-t-on en dire autant de l'économie irakienne, lorsque l'Irak aura commencé à se reconstruire? Il faut voir un peu plus loin qu'à quelques mois d'avis, même quelques années d'avis. Potentiellement, il est évident qu'on fait complètement fausse route, en favorisant...
Je voudrais revenir sur un point. C'est sûr qu'on est là au niveau du symbole, que la portée même de cet accord n'est pas extraordinaire. Mais tout, au Moyen-Orient, se joue par les symboles. Par cet accord de libre-échange maintenant, nous intervenons dans le débat israélo-israélien, et nous intervenons en faveur l'extrême droite israélienne. Il y a un débat, aujourd'hui, en Israël, de M. Peres et de ses amis, qui disent: «Grâce à nous, grâce à notre politique d'ouverture, grâce à notre politique vers la paix, nous avons pu promouvoir le développement économique, développer les échanges avec le monde, normaliser des relations économiques.» Et il y a M. Netanyahu qui lui, dit: «Je peux, sans faire aucune concession, obtenir la même chose que vous.» Et nous nous sommes en train de dire à M. Netanyahu: «Oui, vous avez raison, vous n'avez pas besoin de faire de compromis pour la paix. Nous vous donnons ce que nous donnions à M. Rabin et à M. Peres.»
Est-ce le message qu'on veut envoyer? À écouter parler tous les honorables parlementaires, à écouter nos gouvernements, je n'ai pas l'impression que c'est le message qu'on veut envoyer, mais qu'on se dise bien que c'est le message qu'on envoie, parce qu'il y a ce débat en Israël aujourd'hui. Nous sommes partie à ce débat. Nous renforçons l'extrême droite israélienne contre ce que nous appelons nos amis en Israël. S'il vous plaît, ne soyez pas mon ami, mais soutenez-moi.
Le président: Je vous remercie beaucoup, messieurs, d'avoir fait part de vos avis et opinions au comité.
[Traduction]
Voici notre dernier groupe de témoins. Il comprend M. Sigler, professeur à l'Université Carleton, M. Shawky Fahel de la Kitchener-Waterloo Arab-Canadian Association ainsi queM. William Janzen du Mennonite Central Committee, qui a demandé à la dernière minute s'il pouvait prendre brièvement la parole et être le dernier témoin.
Bienvenue, M. Sigler. Je vous suis reconnaissant d'être venu, monsieur. MM. Fahel et Janzen, merci à vous d'être venus.
Je propose de donner la parole aux témoins dans l'ordre où ils figurent sur la liste. Nous allons commencer avec M. Sigler et nous allons entendre les trois témoins avant de passer ensuite aux questions.
M. John Sigler (témoignage à titre individuel): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais être bref ce qui ne va pas vous déplaire. J'ai écouté attentivement ce qui s'est dit jusqu'ici et je ne voudrais pas revenir sur les mêmes sujets. J'aimerais également beaucoup connaître le point de vue de mes collègues, dans la mesure où ils ont quelque chose de nouveau à ajouter.
Mes premières remarques concernent le moment choisi pour ratifier cet accord. Il est évident qu'il s'agit là d'un processus très politisé qui s'est déroulé entre spécialistes sans qu'il soit tenu compte des aspects politiques qu'allait soulever le moment choisi pour l'adoption de ce projet de loi. Je crois que l'Union européenne et les États-Unis eux-mêmes n'auraient pas pris cette décision à ce moment-ci.
Cela dit, nous intervenons à un moment particulièrement délicat pour ce qui est du processus politique. Je crois qu'il faut se demander sérieusement pourquoi le gouvernement a décidé de procéder à la signature de ce document le 31 juillet, à un moment où il demeure beaucoup d'incertitudes au sujet des politiques que va suivre le nouveau gouvernement israélien, qui a adopté une attitude de confrontation avec la plupart des autres gouvernements, y compris avec ses anciens amis, et même avec Washington, si l'on regarde derrière les apparences. Le moment semble donc particulièrement délicat.
Ce que vous venez d'entendre va être vu comme une ingérence de la part du Canada dans ce processus politique. Je ne pense pas que cela a été voulu mais c'est à cause du moment choisi. Je suis extrêmement surpris que l'on vous demande de vous prononcer dans un délai aussi court, parce qu'il suffit de jeter un coup d'oeil dans la salle pour savoir qu'il n'existe guère d'occasions d'aborder les aspects économiques et politiques de la situation qui règne au Moyen-Orient et la question soumise à l'étude du comité, bien qu'assez restreinte, soulève tous ces aspects.
Il y a un aspect particulier de cet accord qui m'inquiète. Je sais qu'il a déjà été abordé mais je vais le reformuler légèrement différemment. J'ai cru déceler un manque de logique dans la politique canadienne et le comité pourrait peut-être obtenir des précisions, point qui n'a d'ailleurs rien à voir avec cette procédure de ratification.
Revenu Canada vient d'adopter toute une série de mesures destinées à retirer aux dons faits aux colonies israéliennes de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza le statut de don de charité. Un flot de visiteurs israéliens ont lancé une campagne très active pour obtenir de l'argent pour ces colonies. Jusqu'à aujourd'hui, on leur avait toujours accordé le caractère de don charitable. Revenu Canada a jugé après avoir soigneusement étudié la question que ces colonies étaient illégales d'après la politique étrangère canadienne et qu'on ne pouvait donc qualifier de charitables les dons destinés à ces colonies.
Comme on vient de le mentionner, cet accord commercial ne définit pas ce qu'est Israël, ni ce qui est fabriqué en Israël. Cela veut dire, comme l'a déclaré le ministre, que les objets fabriqués dans les colonies du plateau du Golan et de la Cisjordanie ont droit au label «fabriqué en Israël», et donc, sont exonérés de tout droit de douane, ce qui revient à avantager des entreprises commerciales qui sont considérées comme illégales par le gouvernement canadien.Revenu Canada a donc adopté une politique sur ce sujet et il en existe une autre très différente dans l'accord.
Je me demande si le service du contentieux du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a produit une opinion juridique sur les conséquences que peut avoir sur la politique étrangère canadienne la définition de «fabriqué en Israël». Il me semble qu'il y ait là une contradiction particulièrement frappante.
Mon dernier point porte sur des simples détails techniques. Je ne connais pas la réponse et il faudrait peut-être approfondir la question. Depuis 1985, la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre Israël et les États-Unis pose de nombreuses difficultés aux autorités américaines. J'espère que les spécialistes qui ont négocié cet accord ont examiné toute la liste des griefs auxquels il a donné lieu et qu'ils ont tenté de les résoudre à l'avance. Certains ont été réglés après le 1er janvier 1996 grâce aux mesures prises par l'Organisation mondiale du commerce mais d'autres ne le sont toujours pas. Le principal grief américain porte sur le montant de la taxe dont doit faire l'objet les articles importés - il ne s'agit pas de droits de douane. C'est une taxe de vente qui vient s'ajouter au prix de vente. Cela a même un nom en Israël, la procédure TAMA. Cela a entraîné toutes sortes de discrimination contre les Américains.
Les Américains font également remarquer qu'aux termes de cet accord, Israël enregistre un excédent important dans ses échanges avec les États-Unis, et ces derniers connaissent un déficit important. Par contre, Israël est largement déficitaire dans ses rapports avec l'Europe et l'on craint que les Israéliens utilisent leurs relations commerciales avec les États-Unis pour compenser les pertes qu'ils subissent dans leurs rapports avec l'Europe.
Si j'examine les chiffres, je constate que les chiffres canadiens reflètent le même déséquilibre, sur une période de temps considérable, que pour les États-Unis, mais d'une amplitude beaucoup plus faible. Il ne semble pas que cet accord soit avantageux pour le Canada sur le plan économique, en particulier si l'on tient compte de la faible valeur des échanges commerciaux. On est obligé de conclure qu'il s'agit d'un accord très politique. Je suis convaincu qu'il ne s'agissait pas là pour le gouvernement canadien d'une priorité sur le plan économique.
Merci.
Le président: Merci, M. Sigler.
Monsieur Fahel.
M. Shawky Joe Fahel (président, Kitchener-Waterloo Arab-Canadian Association): Monsieur le président et messieurs les membres du comité. Lorsqu'on me demande de m'adresser à quelqu'un, je dis habituellement que je m'appelle Shawky Fahel et que je suis Canadien, Arabe, Palestinien et que je possède un passeport israélien. Voici qui suffirait à vous rendre claustrophobe.
J'ai exécuté ce qui s'est dit depuis trois heures. J'ai préparé un discours que j'allais vous livrer mais tout comme mon collègue ici, je vais être bref.
En tant que partisan du libre-échange - et je dis partisan parce que c'est Roy MacLaren qui a lancé l'initiative de libéraliser les échanges commerciaux avec Israël - j'ai écrit une lettre au ministre et je vais vous lire sa réponse. Cela remonte à décembre 1994:
- Merci, monsieur Fahel, pour votre lettre du 24 octobre 1994 dans laquelle vous exprimez votre
appui au projet d'accord de libre-échange Canada-Israël.
Il s'est passé un certain nombre de choses. J'ai assisté à la signature de la première partie de l'accord de libre-échange à Toronto au mois de juillet. Lors de la cérémonie, M. Sharansky avait parlé d'étendre l'accord de libre-échange aux Palestiniens. Le ministre a lui aussi parlé aujourd'hui d'étendre cet accord aux Palestiniens. Il ne suffit pas d'en parler mais il faut le faire.
D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, cet accord va sûrement être ratifié - à quoi servirait-il de demander de reporter cette ratification de 24 heures ou de quatre mois. Le libre-échange avec Israël va donner à ce pays un avantage économique dans la région.
Nous pouvons bien dire que nous allons accorder le libre-échange aux Palestiniens. Même si nous le faisions, cela ne voudrait rien dire, parce qu'il faut que Israël accepte lui aussi le libre-échange avec les Palestiniens. Il faudrait qu'ils ouvrent les frontières qu'ils maintiennent fermées à un coût de neuf millions de dollars par jour pour les Palestiniens. Il faudrait qu'ils permettent aux fruits et aux légumes de passer.
Je vais vous donner un exemple très simple. Je parlais à Fayçal Hussein hier. Il a pris la parole devant le comité et a parlé de développement économique l'année dernière et il a aussi parlé à la communauté juive à Ottawa. Il a dit que les Jordaniens avaient envoyé du blé aux Palestiniens de Cisjordanie. Les Israéliens ont retenu le blé pendant deux mois et lorsqu'ils l'ont finalement laissé passer, il était inutilisable.
Les Saoudiens ont envoyé de la viande aux Palestiniens par l'intermédiaire de l'Égypte. Les Israéliens l'ont retenue pendant quelques mois. Lorsqu'ils l'ont finalement laissé passer, la viande était avariée à cause de la chaleur.
Nous avons des obligations en tant que pays. Depuis 50 ans, nous avons la réputation d'être le pays le plus respecté du Moyen-Orient et cela remonte à feu Lester Pearson - Dieu ait son âme - et au prix Nobel qui lui a été décerné pour tout ce que nous avions fait dans la région. Nous avons toujours conservé une attitude équitable à l'endroit du Moyen-Orient. Nous devrions peut-être envisager de conclure un accord de libre-échange, comme celui que le ministre a mentionné tout à l'heure, avec l'Égypte, avec la Jordanie et avec les Palestiniens.
Il faut être juste. Les Rotariens se demandent toujours si la décision qu'ils envisagent est juste pour tous les intéressés. Est-ce que cela est avantageux pour toutes les personnes concernées? Est-ce avantageux pour les Palestiniens? Est-ce avantageux pour les Israéliens? Est-ce avantageux pour nous, les Canadiens, parce que nous devons essayer de créer des emplois et de retirer des bénéfices de la libéralisation des échanges, que ce soit avec Israël ou un autre pays.
La seule chose que je puisse dire est que la ratification de cet accord arrive à un très mauvais moment, étant donné ce qui s'est produit ces trois derniers mois. Il ne faut pas donner au gouvernement israélien actuel des munitions qui lui permettent de penser qu'en signant cet accord, notre gouvernement leur donne carte blanche.
J'aimerais demander à notre ministre des Affaires étrangères de faire une déclaration disant que nous acceptons de signer cet accord de libre-échange mais nous n'approuvons d'aucune façon ce que le gouvernement israélien est en train de faire, pour qu'il ne puisse pas s'en servir comme argument. Je crois que cela satisferait la plupart des pays arabes. J'ai rencontré des ambassadeurs aujourd'hui et je tiens à ce que vous sachiez tous que les pays arabes respectent tout à fait la position de notre gouvernement, avec notamment le discours qu'a prononcé M. Axworthy aux Nations Unies et les communiqués que nous avons émis au cours des trois dernières semaines.
J'aimerais terminer en disant que nous sommes tous ici en tant qu'humaniste, et non pas en tant qu'Arabe, et non pas en tant que Juif, non pas en tant que Canadien, non pas en tant que Noir, non pas en tant que Blanc. Notre devoir ici est de tendre la main et de voir ce que nous pouvons faire pour que se poursuive la réconciliation des Arabes et des Juifs, des deux adversaires, qui a commencé le13 septembre avec la poignée de mains qui a ébranlé le mur. C'est notre devoir et également celui de notre gouvernement d'exercer des pressions sur tous les Netanyahu de ce monde et de dire qu'il faut que se poursuive le processus de paix. Nous ne pouvons permettre que ce processus ralentisse.
Avec ou sans cet accord de libre-échange, il y a le contexte. Il est regrettable que Ross, le négociateur américain, soit retourné dans son pays. Il est également regrettable, d'après ce que j'ai appris aujourd'hui en parlant à des gens à Jérusalem, qu'aucun progrès n'ait été enregistré malgré trois semaines de négociations intensives. Et nous sommes ici en train de parler de l'accord de libre-échange.
J'ai lu aujourd'hui un article qui avait été publié dans le Ha'Aretz. Ha'Aretz est une des revues israéliennes de Tel Aviv. Je voulais simplement vous lire cela. Voici:
- Il y a des chroniqueurs qui ont choisi de sonner l'alarme. Il est joli de voir des gens pleurer
Yitzhak Rabin et se réunir dans des parcs publics pour allumer des cierges et chanter des
chansons tristes.
- Amnon Dankner a écrit cela dans Ha'Aretz.
En septembre et en octobre 1993, le ministère des Affaires extérieures a organisé la première table ronde entre hommes d'affaires arabes et juifs dans ce pays après la poignée de mains de Washington et cela a été très positif. Voilà le genre d'esprit qu'il faut développer. C'est à vous de décider, après avoir entendu les témoignages, s'il faut ou non retarder la signature de l'accord mais n'oublions pas tout ce qui se passe en ce moment dans l'ensemble du Moyen-Orient.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, M. Fahel.
Monsieur Janzen.
M. William Janzen (directeur, bureau d'Ottawa, Mennonite Central Committee): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je représente le Mennonite Central Committee qui est un petit organisme humanitaire. Nous travaillons avec les Palestiniens depuis 1949.
J'ai eu le privilège, au début du mois, de passer une semaine dans les territoires palestiniens et j'ai entendu de nombreuses histoires émouvantes au sujet des troubles tragiques de la fin du mois de septembre au cours desquels près de 70 personnes ont été tuées et 1 600 blessées. J'ai parlé avec plusieurs leaders palestiniens et je leur ai demandé ce qu'ils pensaient de l'accord de libre-échange Canada-Israël. Ils ont dit qu'ils n'étaient pas contre le principe du libre-échange, ni contre la libre circulation des biens et des activités économiques mais Israël viole gravement ces principes dans ses rapports avec les Palestiniens.
Ils m'ont alors expliqué la situation que l'on vous a décrit ici aujourd'hui. Il y a eu tout d'abord les fermetures, qui empêchent les gens d'aller travailler, que ce soit en Israël ou dans d'autres villes palestiniennes, qui empêchent les Palestiniens d'exporter leurs produits, qui empêchent les investisseurs palestiniens de construire des usines parce qu'ils ne savent pas s'ils pourront recevoir leurs matières premières. Tout cela nuit gravement à la libre circulation des biens et des personnes et cela appauvrit les gens. Il y a des gens à Gaza qui vivent dans un dénuement presque complet.
Il existe un autre aspect. S'il s'agissait uniquement des fermetures, il serait assez facile d'y mettre fin mais il y a la question des politiques. J'ai trouvé une carte assez grande qui m'a très bien fait comprendre cela.
C'est une carte de la Cisjordanie, pas de Gaza. Les secteurs en blanc sont les secteurs qui se trouvent sous le contrôle exclusif des Israéliens. Les secteurs jaunes sont sous contrôle conjoint israélien et palestinien et à l'intérieur des secteurs jaunes, il y a des petits cercles bleus qui sont eux sous le contrôle exclusif des Palestiniens. Ils représentent trois pour cent du territoire de la Cisjordanie. Il est vrai que la plupart des centres de population sont situés dans ce trois pour cent du territoire. Néanmoins, la fermeture des frontières interdit toute circulation entre ces centres et les territoires avoisinants.
Cette carte ne montre pas le réseau routier, ni les colonies qui ont été construites là mais si l'on regarde cette carte, elle fait penser à certaines choses. Elle comporte des similarités troublantes avec le système des Bantustans que l'on retrouvait à une certaine époque en Afrique du Sud. Le Canada s'était vivement opposé à ce système et j'estime qu'il devrait également s'opposer aujourd'hui à un système qui en est très proche. Nous sommes très loin du territoire palestinien d'un seul tenant qu'on avait espéré au début du processus de paix, un territoire unifié qui bénéficiait également de l'appui des résolutions de l'ONU sur lesquelles le Canada avait fondé pendant des années sa politique dans cette région. Sans territoire palestinien unifié, il est pratiquement impossible de créer une société palestinienne, une économie palestinienne et de construire l'infrastructure nécessaire.
Mon organisme et moi ne soulevons pas ces objections pour le plaisir. Comme la plupart des Occidentaux, nous souhaitons garantir la sécurité des Israéliens mais à long terme, cela ne sera possible que si l'on accorde une importance égale aux droits et au bien-être des Palestiniens.
Pendant que j'écoutais ce que me racontaient les gens là-bas, des histoires très émouvantes, je pensais au contexte historique, tel que je l'avais compris, et il me semble que le monde occidental a demandé aux Palestiniens de faire toute sorte de concessions importantes. En 1947, les pays occidentaux ont, avec la participation du Canada, proposé un projet de partition, qui demandait aux Palestiniens de renoncer à une partie de leur territoire pour qu'on puisse y créer l'État d'Israël. En 1948, cet État a été créé de façon unilatérale avec des frontières qui dépassaient sensiblement le projet de 1947, ce qui n'a pas empêché les Occidentaux de reconnaître ces frontières et, d'une certaine façon, de demander aux Palestiniens de les reconnaître, et donc, de donner encore des terres.
En 1967, Israël s'est emparé de territoires considérables, la Cisjordanie, le plateau du Golan, Jérusalem est, Gaza, le Sinaï et les autres pays ont dit non, vous ne pouvez pas prendre ces territoires; il est mal d'acquérir des territoires par la force, il faut les rendre. Mais peu à peu, on a multiplié les colonies. On a tracé des routes et mis au point des systèmes d'utilisation des ressources. Et aujourd'hui, le monde demande encore aux Palestiniens de faire une autre concession pour avantager ces colonies, ces routes, ce système de contrôle des Israéliens.
Il faut, je crois, à un moment donné reconnaître que ce n'est pas la bonne façon de garantir la paix à long terme, ce que nous souhaitons tous, et qui est dans l'intérêt de toutes les parties, aussi bien là-bas qu'ici.
Merci.
Le président: Merci, monsieur. Monsieur Penson.
M. Penson (Peace River): Merci, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du panel. Je vais commencer en disant que le Canada a toujours été un partisan du libre-échange et de la libéralisation des échanges commerciaux, et je suis tout à fait d'accord avec cette idée. En 1992, lorsqu'on a finalement signé, après sept ans de négociations, les accords du GATT de l'Uruguay Round, la situation au Moyen-Orient était bien différente, comme nous le savons tous. À l'époque, quelque 120 pays avaient signé l'accord de libre-échange, le GATT et créé ensuite l'Organisation mondiale du commerce.
Je m'interroge au sujet de deux choses. Je me demande tout d'abord comment cet accord de libre-échange entre le Canada et Israël va faire avancer les choses dans cette direction. Nous savons que la situation politique en Israël et en Palestine s'est gravement détériorée ces derniers mois, ce qui est une grave source de préoccupations pour mon parti et pour moi-même. Mais si nous envisagions de remettre la mise en oeuvre de ce projet de loi, comment savoir quel moment choisir pour favoriser le libre-échange entre ces deux pays?
Faudrait-il retrouver les conditions qui existaient au moment de la signature des accords du GATT en 1992, là où il y avait quelque espoir de paix, et où l'ambiance politique s'y prêtait? J'aimerais qu'on me propose un indicateur qui nous permettrait de savoir comment avancer dans ce domaine et faciliter la tâche de notre comité.
M. Fahel: John, voulez-vous répondre à cette question?
M. Sigler: Je vais répondre très brièvement. Vous avez utilisé l'expression «entre deux pays». Le problème, que j'essaie de signaler, est qu'Israël est un pays très particulier parce que nous ne savons pas où sont situées ses frontières, qui sont d'ailleurs fort controversées. Cela constitue au départ une différence importante avec les autres accords de libre-échange, pour lesquels il est très facile de savoir où sont les frontières et qui assume les responsabilités politiques et économiques.
Le flou des frontières pose de nombreuses questions. Par exemple, s'il y a fabrication à l'intérieur de ces frontières, à quoi prêtons-nous notre appui? Sommes-nous en train de consolider une situation politique, qui est je crois ce qui motive ici les Israéliens? Je ne pense pas que ce soit une motivation économique avec l'Organisation mondiale du commerce. Cet organisme s'intéresse de près à ces nouvelles procédures. Il s'occupe principalement des barrières tarifaires mais aussi, depuis le 1er janvier 1966, de barrières non tarifaires, mais dans un domaine très soigneusement circonscrit. Les services ne sont pas visés par cet accord, comme vous le savez. C'est un ensemble de produits qui a été défini très soigneusement.
M. Penson: Puis-je explorer un peu cet aspect, monsieur Sigler? En 1992, lorsque tous les pays membres ont décidé qu'Israël devrait faire partie de l'Organisation mondiale du commerce, ou lors de la signature du GATT, il y avait déjà une situation où deux groupes importants visant l'autonomie utilisaient conjointement un pays. Si cette situation existait déjà au moment où tous les pays membres ont signé cet accord en 1992, qu'est-ce qui a changé sinon une certaine détérioration - une grave détérioration que tout le monde a remarquée - du processus de paix? J'aimerais aller un peu plus loin.
M. Sigler: Pour aller un peu plus loin, rapidement, et je crois que cela a été mentionné ici un peu plus tôt, ces négociations ont débuté dans une atmosphère extrêmement optimiste concernant l'aboutissement du processus de paix, qui devait s'accompagner, après des concessions mutuelles consenties rapidement, d'une intégration économique. Ce n'est pas ce qui s'est produit. Il y avait déjà eu un blocage mais on parle maintenant de recul. Bien évidemment, les deux parties sont en cause. Je ne le nie pas mais il est également vrai que le fait de conclure un accord de nature uniquement économique a en réalité des conséquences politiques considérables; le Canada est un acteur mineur et vous avez vu la vive irritation de la communauté arabe canadienne, pourquoi agir ainsi?
M. Penson: J'aimerais poursuivre ce sujet et il y a peut-être d'autres membres du panel qui peuvent intervenir.
On a présenté aujourd'hui au comité des arguments très convaincants pour retarder la mise en oeuvre de cet accord par le Canada et je me demande si vous pourriez nous aider à choisir les critères à utiliser. Nous pourrions tout simplement voir si le processus de paix va redémarrer. Je le conçois mais remettre cela indéfiniment jusqu'à ce que cela se produise - est-ce bien ce qui est recommandé ce soir?
M. Fahel: J'aimerais tout d'abord revenir sur l'aspect économique. J'ai assisté au sommet économique mondial pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Casablanca et j'ai été à Amman en Jordanie. J'ai eu le privilège de parler à de nombreux dirigeants israéliens, y compris à Shimon Peres, et il m'a dit à Amman, en Jordanie, «c'est le nouveau Moyen-Orient». Le prince héritier de Jordanie a déclaré à Amman l'année dernière et je le cite:
- Le monde, et cette région, changent, il faut prendre part au changement ou être laissé de côté; il
y a suffisamment de pays et de gens qui sont prêts à s'y joindre pour que cela se fasse.
Toute cette région a connu des changements économiques considérables jusqu'à ce que le nouveau gouvernement soit élu en Israël au mois de juin. Allons-nous retarder la signature? Y a-t-il un bon ou un mauvais moment pour le faire?
Nous avons entendu plus tôt le ministre. Quelqu'un d'autre a parlé de la vigueur de l'économie israélienne et a déclaré que l'économie israélienne allait encore se développer grâce à l'ouverture de missions dans plusieurs pays et grâce à l'arrivée de spécialistes venant de différents pays après le traité de paix et le reste.
Les Israéliens ont commis une erreur. S'il y en a qui lisent le New York Times, il y a deux ou trois semaines, il y avait un article où l'on demandait qui serait bien prêt à investir, ne serait-ce qu'un sou, aujourd'hui en Israël, sans parler du reste du monde arabe. Israël fait face à des réactions très négatives. Il y a les Bronfman ici. J'aimerais demander à Charles Bronfman s'il serait prêt dans la situation actuelle très incertaine, à un moment où les Syriens parlent de faire des manoeuvres à la frontière pour la première fois depuis des années et des années.
Quel moment choisir? Y a-t-il un bon et un mauvais moment? Évidemment, le bon moment était quand les choses étaient positives, lorsque la situation évoluait, lorsque les Arabes et les Juifs étaient en train de constituer, pour la première fois, un bloc économique. Ils parlaient commerce. Des milliards de dollars étaient en jeu. J'ai écrit quelque chose au sujet de la paix et de la stabilité quand je suis revenu, je voulais encourager les sociétés canadiennes à être très agressives, à se rendre là-bas et y rechercher des contrats, de ne pas tout laisser aux Américains, aux Japonais et aux Européens. Nous sommes toujours contents de nous. Nous sommes toujours les derniers arrivés. Nous n'arrivons même pas à vendre tout près de chez nous.
Il y a beaucoup de possibilités là-bas, alors quel est le bon ou le mauvais moment? Si nous augmentons les échanges commerciaux, cela veut dire 11 000 emplois au Canada pour chaque milliard de dollars. C'est pourquoi je pense que le moment est mauvais.
Qu'est-ce qui se passe là-bas depuis trois ou quatre mois? Lorsqu'on vend des appartements ou construit de nouvelles colonies, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Il faut faire face à la réalité et M. Netanyahu doit comprendre que les Palestiniens seront avec lui s'il veut la paix. S'il choisit cette voie, je crois que nous pourrons faire de grandes choses.
J'espère que j'ai répondu ou abordé certains aspects.
M. Morrison: Oui. Nous voulions aller un peu plus loin.
M. Penson: La seule chose que je tiens à dire est que si nous attendons le moment parfait, il n'arrivera jamais. J'ai bien compris ce que vous dites: nous en sommes à un moment très critique pour ce qui est du processus de paix et il faut le remettre en marche.
M. Janzen: Je tiens simplement à ajouter qu'il faut respecter davantage la notion de justice économique pour les Palestiniens. C'est là le critère essentiel. Or, à l'heure actuelle, il n'en est aucunement tenu compte, le moment est donc mauvais.
Le président: Monsieur Flis.
M. Flis: Je remercie les témoins parce qu'ils ont abordé non seulement le contenu du projet de loi mais également le moment choisi pour l'adopter. J'aimerais revenir un peu sur le contenu de ce projet.
M. Sigler, vous avez fait remarquer qu'il y avait une contradiction entre la politique étrangère et la politique intérieure du Canada puisque le ministre de Revenu Canada a supprimé de la liste des organismes de charité canadiens un organisme qui avait transmis des fonds pour des activités israéliennes dans les territoires occupés. Un autre témoin, le National Council on Canada-Arab Relations recommandait à la page 11 de son mémoire sous le point 3 que l'on adopte l'amendement suivant:
- Que le projet de loi C-61/ALECI contienne une disposition interdisant expressément
l'importation au Canada de biens fabriqués dans les colonies d'Israël, dans les territoires
occupés par Israël, et prévoyant un mécanisme efficace d'application de ces dispositions.
M. Sigler: Soyons pratiques. Cela serait tout à fait inacceptable pour les Israéliens. Il s'agit là d'un accord international qui a été négocié, et même si cette position serait souhaitable du point de vue canadien, cela ne se fera pas. Si l'on introduisait une telle condition à la dernière minute, il n'y aurait pas d'accord.
M. Flis: Mon autre question est...
M. Sigler: Maintenant, si l'on devait signer l'accord maintenant... Je cherchais uniquement à démontrer qu'il ne fallait pas signer l'accord.
M. Flis: Revenons donc à la question du choix du moment. Devrait-on geler ce projet de loi pendant un an ou plus longtemps? Lorsque les chefs de deux États ont convenu de négocier un accord de libre-échange et que nous le retardons d'un an, quel genre de message envoyons-nous au Moyen-Orient?
M. Sigler: Il y a le principe traditionnel de droit international - rebus sic stantibus - pourvu que la situation n'ait pas changé. On pourrait soutenir que la situation n'est plus la même que celle qui existait au moment des négociations. Ces principes permettent de dire que la situation n'est plus favorable à l'accord et que nous allons attendre qu'elle le devienne.
M. Flis: Je n'ai pas d'autres questions.
[Français]
M. Paré: C'est plus un petit mot pour réconforter M. Penson. M. Penson dit: «Est-ce qu'il y aura un moment idéal?», mais il reconnaît en même temps que le moment, aujourd'hui, est critique. Je lui dis qu'à défaut de ne pas trouver le moment idéal, au moins, ne choisissons pas le moment critique.
Le président: Il faut mettre cela dans les termes que comprend M. Penson. On ne sème pas le bon grain dans un hurricane, dans une tempête.
[Traduction]
Vous voyez, nous pouvons vous remercier d'être venus. Vous avez finalement réussi à amener le Bloc et le Parti réformiste à collaborer et à devenir amis, ce que nous n'avions pas réussi à faire en un an. Il aura fallu tous ces bouleversements au Moyen-Orient pour en arriver là. Je vous en remercie.
Monsieur Assadourian.
M. Assadourian: Merci, monsieur le président.
Lorsque je suis arrivé ici cet après-midi, je ne savais pas trop quoi penser. Maintenant, je le sais encore moins. Lorsque nous quitterons cette salle, nous en saurons encore moins. Je vais donc vous poser des questions pour essayer d'éclaircir les choses.
Vous avez dit, M. Sigler, que l'accord de libre-échange États-Unis-Israël avait été signé il y a deux ans. En quelle année était-ce?
M. Sigler: L'accord de libre-échange É.-U.-Israël a été négocié en 1985. Il est lui aussi l'aboutissement d'un processus très politique. Il a été négocié par l'administration Reagan qui était très pro-israélienne à l'époque. Ce processus était donc très politique dès le départ.
La mise en oeuvre de l'accord a soulevé de nombreux problèmes qui ont fait l'objet de négociations à diverses reprises. Elles portaient principalement sur le fait que le côté américain s'opposait aux mesures discriminatoires que prenait Israël contre les importations américaines. Du point de vue américain - ce devait être l'opinion de leurs négociateurs - les États-Unis laissaient entrer librement les produits israéliens. C'est pourquoi la mise en oeuvre de l'accord a été tout à fait déséquilibrée.
M. Assadourian: Très bien.
M. Sigler: Avec l'accord européen, qui est entrée en vigueur en 1975, il y a eu de nombreuses interventions à cause de la discrimination contre les Palestiniens...
M. Assadourian: Vous voulez dire 1995?
M. Sigler: L'accord avec l'Union européenne a été signé en 1975. L'accord avec les Américains en 1985. L'accord avec les Européens remonte à 1975. Celui-ci a soulevé de nombreuses difficultés sur la question plus vaste dont nous parlons ici, celle des Palestiniens, en particulier, la question de savoir si les produits palestiniens devaient être autorisés à entrer en Europe. Les Européens ont imposé des conditions très rigoureuses aux Israéliens. Ils étaient prêts à ne pas renouveler l'accord si les Israéliens ne permettaient pas aux produits agricoles palestiniens d'arriver en Europe. Les Israéliens appliquaient ces conditions mais ils bloquaient à la frontière les agrumes en provenance de Gaza pendant deux mois et les chargements pourrissaient.
Là encore, cela fait longtemps que dure cette discrimination, que connaissent d'ailleurs très bien les Européens et les Américains qui s'occupent de libre-échange.
M. Assadourian: C'était avant qu'intervienne le deuxième élément, qui a compliqué les choses davantage.
M. Sigler: C'est exact.
M. Assadourian: C'est l'accord de paix entre les Palestiniens et les Israéliens.
M. Sigler: Les Européens n'avaient pas inclus de clause palestinienne au départ mais ils l'ont ajoutée par la suite.
M. Assadourian: Je me demande si, avec l'arrivée d'un autre facteur d'incertitude dans la situation politique, il serait plus difficile de mettre en oeuvre cet accord avec Israël que celui qui existe entre les Américains et les Israéliens?
M. Sigler: Étant donné son caractère limité et la faiblesse des sommes en jeu, je dirais que non. L'Europe et les États-Unis sont les deux principaux partenaires commerciaux d'Israël. Le Canada est très loin sur la liste, des deux côtés. Nous parlons donc de sommes très faibles. La moitié de un pour cent des échanges commerciaux canadiens s'effectue avec Israël. Nous parlons de montants minimes.
En outre, il y a maintenant l'abolition des barrières non tarifaires ordonnée par l'Organisation mondiale du commerce qui doit entrer en vigueur le 1er janvier, ce qui va faire disparaître une bonne partie des griefs qu'entretenaient les Européens et les Américains à l'endroit des obstacles non tarifaires imposés par Israël. Les Israéliens vont maintenant être obligés de penser davantage à leurs équipiers.
M. Assadourian: Très bien.
L'autre point que je souhaite aborder est le suivant. On affirme que le Canada a l'intention d'accorder aux Palestiniens les avantages qu'il accorde aux Israéliens.
Prenons un cas hypothétique. Il y a deux sociétés qui fabriquent des micros, une qui se trouve en Israël, et l'autre dans les territoires occupés de la Cisjordanie ou de la bande de Gaza et je veux envoyer des marchandises du Canada à une société qui se trouve en Cisjordanie. Ces marchandises vont transiter par un port israélien. Les douanes israéliennes vont regarder ces marchandises et dire «Nous ne pensons pas qu'on devrait les laisser passer parce qu'elles risquent de contenir des composantes militaires». Ils arrêtent donc l'expédition.
Peut-on garantir que la société qui se trouve en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza va être traitée de la même façon que la société qui se trouve en Israël pour faire affaire avec le Canada? S'il existe une telle garantie, où est-elle? Si elle n'existe pas, comment prétendre qu'Israël et la Palestine vont bénéficier d'un traitement identique aux termes de l'accord de libre-échange?
M. Fahel: Je vais répondre à votre question, monsieur Assadourian.
Un peu plus tôt, lorsque M. Flis parlait au ministre, il a demandé si les Palestiniens bénéficieraient du même traitement, ce qui voulait dire s'ils bénéficieraient de cet accord de libre-échange de la même façon que les Israéliens?
La réponse à votre question est non. La société israélienne va en bénéficier davantage que la société palestinienne. Cela vient, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, de la fermeture des frontières.
Il y a quelqu'un qui a signalé un aspect très important tout à l'heure: le point d'origine. Le comité pourrait introduire certains changements dans l'accord pour que le lieu d'origine des produits palestiniens soit le côté palestinien et qu'ils n'aient pas à transiter par Israël. Peut-être qu'au début, pendant les six premiers mois, nous serons obligés de passer par le territoire d'Israël mais notre gouvernement accorderait beaucoup d'importance à une telle disposition.
Cela est essentiel. C'est essentiel pour la croissance économique. C'est essentiel pour que la société palestinienne soit compétitive. C'est absolument essentiel pour la croissance d'une économie.
J'aimerais ajouter quelque chose. J'ai reçu cette nouvelle du service des médias et des communications de Jérusalem. On dit que les États-Unis vont accorder le libre-échange à la Cisjordanie et à Gaza. Je vais simplement vous lire ce paragraphe:
- Un projet de loi que le président Bill Clinton a signé au début du mois va abolir les droits de
douane sur les produits importés, en provenance de la Cisjordanie et de Gaza.
Nous pouvons aider à la mise en oeuvre de cet accord. Nous pouvons aider les Palestiniens. Nous pouvons aider les Palestiniens à devenir compétitifs si le point d'origine se trouve en Cisjordanie ou à Gaza et n'a pas à passer par Ashdod, Haifa ou un autre port. C'est un aspect important.
J'espère que j'ai fait un peu de lumière là-dessus.
M. Sigler: Il faudrait que ces négociations - qui en sont à l'heure actuelle au point mort pour ce qui est des arrangements relatifs au statut définitif, qui traitent de la mise en oeuvre des arrangements commerciaux entre une entité palestinienne... Il va falloir tenir compte de l'issue de ces négociations.
À l'heure actuelle, il y a toutes sortes de règlements militaires qui s'appliquent. Il faut que près de 90 p. 100 des produits palestiniens soient transportés par des camions israéliens.
Il existe donc toutes sortes de mesures discriminatoires qui doivent être résolues dans le cadre de ces négociations, qui ont été remises à plus tard mais les ententes d'Oslo prévoyaient que l'on tiendrait ces négociations maintenant. C'est pourquoi je m'interrogeais sur le choix du moment.
Il n'y a absolument rien de mal à vouloir étendre cet accord mais dans la réalité, s'il n'y a pas de port d'exportation, comment un tel accord pourrait-il fonctionner si l'on ne tient pas compte de la façon dont Israël administre les territoires?
M. Assadourian: Merci.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Bergeron.
M. Bergeron: J'aurais une très courte question à adresser à M. Fahel. Vous avez fait état d'une lettre que vous auriez reçue de M. Eggleton, ministre du Commerce international. Serait-il possible d'en obtenir une copie?
[Traduction]
M. Fahel: Elle ne venait pas de M. Eggleton. C'est M. MacLaren qui m'a envoyé cette lettre. C'est M. MacLaren qui a déclenché les négociations sur l'accord de libre-échange avec les Israéliens et M. Chrétien a demandé en novembre 1994, je crois, à nos députés de donner leur accord. J'ai effectivement une copie de celle de M. MacLaren... Je serais heureux de la remettre à un des membres.
Pendant que j'ai la parole, monsieur le président, j'aimerais prendre un bref instant pour vous remercier tous. C'est une séance très longue.
Le président: C'est un coup d'état à la Waterloo.
Des voix: Oh, oh!
M. Fahel: J'aimerais également remercier le ministre d'avoir déployé tant d'efforts. Il nous a invités quand il est venu ici ce soir à calmer la situation. Je n'ai pas oublié ses paroles. Nous devrions, je crois, remercier le ministre, le personnel et tous les gens qui sont ici. Les Canadiens ne savent pas que les députés travaillent autant. Nous devrions le leur faire savoir.
Une voix: Bravo!
Le président: J'accepte la motion de M. Assadourian et, nous allons tirer à part ce passage du procès-verbal et nous le distribuerons.
Monsieur Loney.
M. Loney: M. Sigler, pourriez-vous faire savoir au comité ce qui se passe avec l'aéroport de Gaza?
M. Sigler: Comme vous le savez, le gouvernement canadien s'occupe activement de ce projet, tout comme les Européens, mais tout est bloqué par Israël pour des motifs de sécurité. Les avions sont immobilisés. Nous avons exécuté nos contrats. Il y avait des contrats canadiens importants mais rien ne va se faire. C'est la même chose pour le port, qui figurait également dans l'accord d'Oslo.
C'est pourquoi je pense que tout cela est très bien mais faute de négociations, la mise en oeuvre est complètement bloquée. Si vous choisissez d'aller de l'avant avec un des partenaires, cela revient à dire que nous sommes récompensés avant même que les négociations ne soient achevées.
M. Loney: Merci beaucoup.
Le président: J'aimerais remercier les trois derniers témoins. La plupart des témoins qui sont venus aujourd'hui sont encore là et j'aimerais les remercier tous avant de libérer les membres de notre panel et de décider ce que nous allons faire ensuite. J'aimerais faire quelques commentaires à titre de président du comité.
M. Sigler, vous avez laissé entendre que l'on procédait avec beaucoup de hâte. Je peux vous dire que nous avons entendu beaucoup de choses aujourd'hui au sujet du cadre géopolitique dans lequel s'insère cet accord. Habituellement, lorsqu'on confie au comité l'examen article par article d'un projet de loi ou la mise en oeuvre d'un accord, celui-ci n'a pas à se demander si l'accord est une bonne ou une mauvaise chose. Cela relève du Parlement. Notre tâche consiste à examiner le projet de loi pour vérifier s'il est conforme à la volonté du Parlement et à faire en sorte qu'il soit adopté.
Néanmoins, je sais que tous les membres du comité ont manifesté le sincère désir de mieux comprendre la question... Je peux vous assurer que la plupart d'entre nous ont déjà eu l'occasion de voyager au Moyen-Orient et de suivre ces questions. Je suis convaincu que tous les membres du comité souhaitent que leur décision ne nuise d'aucune façon au processus de paix.
Nous avons entendu des témoins qui nous ont dit qu'adopter cet accord en ce moment-ci serait une erreur fatale. Je crois que tous les témoins nous ont dit que le libre-échange va favoriser la prospérité de tous les habitants de la région et que c'est donc une bonne chose. La difficulté est de savoir si l'adoption de cet accord à ce moment-ci risque de nuire à la région. Le ministre, de son côté, a clairement indiqué que le gouvernement va essayer de faire en sorte que cela soit le cas. D'autres personnes très bien informées ont indiqué très clairement - et je crois que vous figurez parmi les dernières qui l'ont fait - que le moment est très mal choisi.
Voilà la question que nous allons devoir trancher mais nous allons également devoir examiner les dispositions techniques et déterminer si le projet de loi correspond à l'accord. C'est ce que doit faire maintenant le comité.
Encore une fois, j'aimerais remercier les témoins ainsi que les membres du comité pour la patience dont ils ont fait preuve et pour le temps qu'ils nous ont consacré. Nous pouvons peut-être libérer les témoins et examiner ensemble ce qu'il conviendrait de faire maintenant.
Merci beaucoup.
M. Assadourian: M. Flis a peut-être...
M. Flis: J'ai une question de règlement. Je pourrais la soulever après la sortie des témoins, à moins que vous ne préfériez que je la présente maintenant.
Le président: Vous pourriez en parler maintenant parce que je crois que M. Assadourian va proposer une pause de cinq minutes. Il est possible que votre question nous permette de couper court.
M. Flis: Oui. Monsieur le président, je crois que nous avons entendu d'excellents témoignages sur les deux côtés de la question. J'aimerais personnellement pouvoir réfléchir à tout ce que nous avons entendu ce soir au lieu de passer immédiatement à l'examen article par article, alors que tout le monde est fatigué. Comme je l'ai dit, nous avons entendu d'excellents témoignages.
Je propose d'ajourner la séance et de nous réunir un autre jour pour l'examen article par article, monsieur le président.
Le président: Je vois que M. Morrison approuve de la tête et M. Penson...
[Français]
M. Bergeron m'a déjà indiqué qu'il était ouvert à cette suggestion.
[Traduction]
Personne ne semble s'opposer à cette proposition et vous allez peut-être avoir mieux qu'une pause de cinq minutes, monsieur Assadourian. Cela me paraît une suggestion tout à fait appropriée.
Messieurs les membres, j'aimerais toutefois vous rappeler que nous allons nous rendre en Russie et dans les pays scandinaves la semaine prochaine. Il nous faudra donc procéder à l'étude article par article jeudi. J'ai demandé au greffier si cela était possible. Nous le ferons jeudi après-midi en sachant qu'il est possible que la séance se poursuive jeudi en soirée. Il nous faut terminer l'étude du projet de loi avant de partir en voyage. Jeudi est le seul jour possible. Voilà où nous en sommes.
M. Dupuy a proposé d'avoir une discussion ou un débat entre nous au sujet des principes qui ont été soulevés aujourd'hui avant de passer à l'étude article par article. C'est pourquoi je propose de consacrer la première heure de notre réunion à un examen de ces questions. Nous passerons ensuite à l'étude article par article.
La séance est levée jusqu'à 9 heures jeudi, pour la séance d'information au sujet du voyage en Russie. Ceux qui se rendent dans les pays scandinaves ne sont pas obligés d'y assister.
[Français]
Merci beaucoup à tous. Nous nous rencontrerons de nouveau à 9 h jeudi matin.
La séance est levée.
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE ART EGGLETON,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
DEVANT LE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
RELATIVEMENT AU PROJET DE LOI C-61,
LOI PORTANT MISE EN OEUVRE DE
L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE CANADA-ISRAËL
BR>
OTTAWA (Ontario)
Le 29 octobre 1996
Chers collègues,
Cette loi importante va beaucoup contribuer à renforcer les liens qui nous unissent à Israël et à ouvrir la voie à de nouveaux domaines de collaboration et d'enrichissement réciproque.
Partout dans le monde, on assiste à l'augmentation des possibilités de commercer avec l'étranger et à la chute des obstacles au commerce.
Dans ce nouveau monde d'association et d'interdépendance, aucun pays ne peut se permettre de se réfugier derrière des droits de douane protectionnistes.
Le Canada comprend la dynamique de ce nouveau monde. Nous comprenons la nécessité de libéraliser le commerce et de renoncer aux anciennes façons de faire. En tant que pays relativement peu peuplé, nous comprenons la nécessité de chercher des marchés au delà de nos frontières. En fait, de tous les pays développés du monde, c'est le Canada qui est le plus tributaire du commerce extérieur pour la création d'emplois et la croissance économique.
Ces dernières années, le commerce extérieur est devenu le moteur de notre économie. Nos exportations ont fait un bond gigantesque, pour représenter aujourd'hui le tiers de notre produit intérieur brut [PIB].
Les exportateurs canadiens n'auraient pas connu ce genre de succès si chaque fois qu'ils frappaient aux portes d'un nouveau pays ils se heurtaient à des droits de douane hostiles. Au contraire, grâce à des ententes comme l'Accord de libre-échange nord-américain [ALENA], l'accès aux marchés est assuré. C'est pourquoi nous nous efforçons d'augmenter le nombre de pays prêts à ouvrir leurs portes et leurs marchés à nos exportateurs. Un de ces pays est le Chili, que le Canada fait tout son possible pour inclure dans l'ALENA.
Comme nous connaissons en outre le potentiel de l'Amérique latine et des Antilles, nous sommes un des pays qui fait le plus d'effort pour créer une zone de libre-échange des Amériques.
Israël s'est également rendu compte des avantages de la libéralisation du commerce. C'est pourquoi il a signé des accords de libre-échange avec les États-Unis, l'Union européenne, la Turquie, la République tchèque et la Slovaquie.
Quoi de plus naturel donc que deux pays qui cherchent à libéraliser leurs échanges commerciaux avec d'autres pays décident d'en faire autant entre eux?
Le Canada et Israël ont toujours été unis par des liens étroits. Ces liens ont de tous temps été fondés sur la collaboration et le respect mutuel. Aux liens d'amitié peuvent s'ajouter les liens commerciaux, et aux avantages de l'amitié peuvent s'ajouter les avantages des investissements.
Le Canada et Israël essaient de resserrer leurs liens économiques. En 1994, le premier ministre du Canada, M. Chrétien, et le premier ministre d'Israël, M. Rabin, se sont rencontrés pour commencer à négocier un accord de libre-échange entre leurs pays respectifs. Après deux années de négociations fructueuses, cet accord a été signé le 31 juillet de cette année.
Pourquoi le Canada a-t-il accepté de conclure un accord de libre-échange avec un petit pays comme Israël? Parce qu'ainsi les entreprises canadiennes bénéficieront dorénavant d'un accès direct immédiat et en franchise de droits aux marchés israéliens et les entreprises israéliennes, aux marchés canadiens, et ce, pour pratiquement tous les biens industriels. Et les deux pays tireront profit de la réduction ou de l'élimination des droits de douane sur les produits agricoles.
Fait encore plus important peut-être, cet accord mettra les entreprises canadiennes sur un pied d'égalité avec leurs concurrents des États-Unis et de l'Union européenne, qui, comme je l'ai dit, ont déjà signé des accords de libre-échange avec Israël. Avant la conclusion de l'Accord de libre-échange Canada-Israël, une entreprise canadienne qui souhaitait exporter en Israël aurait pu se voir imposer des droits de douane élevés.
J'ai entendu dire que des entreprises canadiennes dans cette situation choisissaient parfois de fabriquer leurs produits aux États-Unis et de les expédier en franchise de droits vers Israël aux termes de l'accord de libre-échange que les États-Unis ont conclu avec Israël. Nous voulons garder ces emplois au Canada. L'Accord de libre-échange Canada-Israël peut nous permettre de le faire.
Pour le Canada, Israël représente un important marché en expansion. Malgré les conditions difficiles qui y règnent actuellement, Israël a un niveau de vie élevé et affiche une croissance économique impressionnante. La construction résidentielle est en plein essor, le taux de chômage est faible et l'investissement étranger monte en flèche.
Pour le moment, les échanges commerciaux entre nos deux pays sont modestes, mais ils se développent. L'an dernier, le commerce bilatéral s'est accru de 37 p. 100 par rapport à l'année précédente, pour se situer à 450 millions de dollars. Je suis convaincu qu'avec la signature de cet accord et l'ouverture de nos marchés respectifs, ce commerce va connaître une croissance considérable.
Israël offre un grand nombre de débouchés qui intéresseront particulièrement les Canadiens. Les biens de haute technologie, les télécommunications, les projets dans le domaine de l'électricité et de l'énergie en général, l'exploration pétrolière et gazière, l'agro-alimentaire, les pêches et l'environnement sont autant de secteurs qui présentent énormément de potentiel pour les entreprises canadiennes.
Pour ces raisons et d'autres encore, nous sommes très heureux que le nouveau gouvernement d'Israël ait choisi de conclure cet accord de libre-échange avec le Canada. Et nous avons été honorés que M. Natan Sharansky, ministre israélien de l'Industrie et du Commerce, ait pu être présent à Toronto au mois de juillet pour signer cet accord.
M. Sharansky est un homme qui a pu, par sa détermination courageuse et tenace, persévérer et triompher. Il personnifie la volonté d'Israël de réaliser la paix et de créer un nouveau Moyen-Orient dynamique, qui accepte le changement et s'ouvre à toutes les possibilités.
Cet accord vient à un moment crucial pour Israël et les autres pays du Moyen-Orient. Les événements qui se sont produits récemment à Gaza et en Cisjordanie nous préoccupent tous. Nous sommes absolument navrés que d'autres Israéliens et Palestiniens aient perdu la vie. Nous avons exhorté les dirigeants des deux pays à explorer toutes les options, à faire tous les efforts et à examiner toutes les possibilités pour prévenir d'autres éruptions de violence.
Certains affirment que, à la lumière des événements qui se sont produits récemment au Moyen-Orient, nous devrions reporter à plus tard la présentation de ce projet de loi. À notre avis, cet accord raffermit la présence du Canada dans la région et constitue la déclaration de notre confiance dans le processus de paix, ainsi qu'un investissement dans notre avenir commun. Nous allons donc aller de l'avant avec le projet de loi C-61 pour mettre en oeuvre l'accord de libre-échange. Nous sommes convaincus qu'il entraînera la création d'emplois pour les Canadiens ' qu'il sera une bonne chose pour les Canadiens.
Nous sommes encouragés par l'engagement qu'on pris tant les dirigeants palestiniens que les dirigeants israéliens au Sommet de Washington de renoncer à la violence, et accueillons favorablement la reprise des pourparlers bilatéraux. Nous espérons sincèrement que ces négociations aboutiront à la mise en oeuvre rapide des accords intérimaires et, en particulier, au redéploiement des forces israéliennes postées à Hébron.
Depuis plus de 50 ans, le Canada a appuyé sans relâche les efforts de paix au Moyen-Orient. C'est après tout un Canadien, Lester B. Pearson, qui est à l'origine de la première véritable mission de maintien de la paix des Nations Unies, en 1956, pendant la crise de Suez, ce qui lui a valu un prix Nobel.
Le gouvernement actuel, et le pays tout entier, tirent une grande fierté du fait que, depuis, le Canada a participé à toutes les missions de maintien de la paix au Moyen-Orient.
Aujourd'hui, le Canada participe aussi plus directement aux efforts de paix, puisqu'il a accepté de présider le Groupe de travail sur les réfugiés dans le processus multilatéral de négociation de la paix. Ce groupe de travail a pour tâche d'améliorer les conditions de vie des réfugiés et de trouver une solution globale au problème des réfugiés. Nous faisons également partie des quatre autres groupes de travail multilatéraux et avons été très actifs dans le domaine de l'eau et de la sécurité régionale.
Le Canada est aussi membre du Comité spécial de liaison, qui est chargé de coordonner l'assistance internationale à l'Autorité palestinienne.
De plus, comme nous l'avons fait dans le passé, nous continuons de fournir une généreuse aide au développement. En effet, le Canada verse en moyenne, 11 millions de dollars par année à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies [UNRWA], qui fournit de l'aide aux Palestiniens des territoires occupés. L'aide du Canada au Moyen-Orient a totalisé, en moyenne, 50 millions de dollars par année au cours des cinq dernières années.
Et ce ne sont pas là nos seuls efforts. Récemment, par exemple, nous nous sommes engagés à aider à rebâtir le Liban. En juillet, nous avons annoncé la création d'un groupe de consultation et de liaison qui appuiera la participation du secteur privé aux efforts de reconstruction.
Ce groupe, composé de représentants des secteurs public et privé, s'efforcera de mobiliser les entreprises et d'en coordonner les efforts pour que ceux-ci donnent les meilleurs résultats possibles.
Notre participation à la reconstruction du Liban s'inscrit dans une longue tradition de soutien de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de ce pays. Notre engagement repose sur la conviction que ces trois principes sont essentiels à l'instauration d'une paix vraiment durable dans la région.
En outre, bien que cet accord soit conclu avec Israël, le Canada a offert d'en étendre l'application aux biens produits à Gaza et en Cisjordanie, et Israël a accepté cette proposition. Nous discutons actuellement avec l'Autorité palestinienne de la meilleure façon de procéder à cet égard.
Et nous sommes prêts à étudier des manières d'accroître les échanges avec d'autres pays du Moyen-Orient.
Nous avons l'intention d'étendre nos rapports commerciaux à l'ensemble du Moyen-Orient. Les échanges avec cette région sont déjà importants : la valeur des exportations est supérieure à 2,5 milliards de dollars par année, et les échanges se soldent pour nous par un excédent d'environ 500 millions de dollars. À cela s'ajoutent les échanges de services, qui portent à plus de 3 milliards de dollars par année la valeur globale de nos exportations.
Si nous prenons les pays de la région un à un, les échanges bilatéraux avec l'Arabie saoudite représentent une valeur de plus de 1 milliard de dollars. Les exportations canadiennes au Liban continuent de croître et dépassent maintenant nos importations. Nous dégageons un surplus commercial de plus de 190 millions de dollars par an avec les Émirats arabes unis. Les échanges avec la Jordanie augmentent aussi, surtout dans le domaine de l'exploration pétrolière et gazière, où se déroulent actuellement un certain nombre de projets auxquels participent plusieurs entreprises de Calgary.
Bref, le Moyen-Orient est un marché riche en possibilités pour le Canada, et la signature de l'Accord de libre-échange avec Israël est une étape importante vers la réalisation de ces possibilités.
Pour le Canada, la prochaine étape est celle que nous nous apprêtons à franchir, à savoir l'adoption du projet de loi. Une fois l'accord entré en vigueur, le flambeau passera au secteur privé de chaque pays, à qui il reviendra de mettre l'accord en application et ce, de manière à en tirer les meilleurs résultats.
Chers collègues, le Canada et Israël sont unis par une grande amitié, qui repose sur le partage de valeurs démocratiques et d'espoirs communs. Le moment est maintenant venu d'exploiter le potentiel économique de nos liens et, ce faisant, d'appuyer les efforts déployés par Israël et les pays voisins en vue de l'instauration d'une paix juste, durable et globale.
À notre avis, cet accord servira à raffermir ces liens et à réaliser nos espoirs communs.
Merci.