CHAPITRE TROIS
LES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS
COMMERCIAUX
LE BESOIN
La source, la qualité, l'utilité, l'à-propos et le coût des renseignements sont autant d'éléments qui influent sur la capacité d'une entreprise d'interpréter et d'utiliser l'information disponible pour se donner une stratégie d'exportation fructueuse. Voici les principaux besoins des PME en matière de renseignements :
- sources d'intrants à des prix compétitifs (y compris des sources de financement);
- innovations techniques susceptibles de réduire les coûts de production, de distribution et de commercialisation ou d'augmenter les débouchés commerciaux;
- principales caractéristiques de l'économie et du marché visés (notamment le niveau de concurrence et les chances d'acceptation du produit);
- formes et techniques organisationnelles pouvant aider l'entreprise à pénétrer un nouveau marché;
- facteurs institutionnels, tant nationaux qu'internationaux, susceptibles de contribuer ou de nuire à la capacité d'exportation d'une entreprise.
Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international fournit de l'aide financière et des services destinés à mieux renseigner les sociétés canadiennes sur les occasions d'affaires offertes par les marchés étrangers et réduire ainsi certains coûts de transaction. Le MAECI a produit des publications d'intérêt général et d'autres plus ciblées traitant des possibilités d'exportation sur la plupart des marchés internationaux. Les exportateurs ont aussi accès à plusieurs services d'information en direct. On accorde une importance accrue aux services aux entreprises, et les délégués commerciaux sont formés pour pouvoir répondre rapidement et efficacement aux demandes de renseignements des entreprises.
Quelle que soit la source des renseignements, dans leur quête de nouveaux débouchés, les entreprises adoptent en général une ou plusieurs des quatre démarches suivantes :
- Démarche exhaustive et rationnelle. Il s'agit de la démarche classique où l'entreprise attend d'avoir répertorié et évalué tous les risques avant de s'engager. Elle comporte plusieurs étapes, notamment : la clarification et l'évaluation des objectifs de l'entreprise ainsi que du rôle des marchés étrangers dans sa stratégie commerciale globale; l'analyse approfondie des risques et possibilités que comporte un projet de stratégie commerciale internationale; et l'analyse quantitative de données pour établir divers scénarios et examiner les facteurs influant sur la décision d'exporter.
- Démarche sélective. Cette démarche s'apparente à la précédente au sens où son objectif consiste à réduire les risques au minimum en faisant en sorte que la décision se fonde sur le maximum de renseignements et sur la meilleure analyse possible. La principale différence réside dans le fait que, dans ce cas-ci, le gestionnaire responsable prend une décision à partir d'une évaluation moins rigoureuse des autres choix possibles. La décision est fondée sur des facteurs comme l'expérience, les contacts d'affaires, les foires commerciales, les impressions lors de voyages, les annonces, les clients et les concurrents réels et éventuels.
- Démarche aléatoire. Dans cette démarche informelle, le gestionnaire cherche à réduire au minimum l'investissement financier et administratif dans sa stratégie de développement international. On explore les possibilités existantes par le bouche à oreille, la publicité, le franchisage et la sous-traitance à des distributeurs. Bien que cette démarche ne repose pas sur une stratégie mûrement réfléchie, environ 20 p. 100 des personnes interrogées pour une étude ont indiqué que c'est ce qu'elles font pour trouver de nouveaux marchés d'exportation.
- Démarche axée sur les occasions. Cette démarche décrit la situation d'une entreprise qui n'a aucune stratégie d'exportation, mais qui exporte sur les marchés étrangers par suite de commandes spontanées de la part d'un acheteur ou d'un intermédiaire. Ce genre d'entreprise n'a pas réellement de stratégie en matière de commerce international, mais saisit les occasions au fur et à mesure que celles-ci se présentent.
Le fait que la «démarche sélective» soit celle qui est le plus souvent évoquée dans l'étude lorsqu'il s'agit de s'implanter sur de nouveaux marchés, donne à penser que les PME impliquées dans les marchés étrangers se fient souvent à des renseignements plus ou moins fragmentaires pour tenter d'accéder à ces marchés. Cette constatation porte à s'interroger sur l'influence de facteurs comme l'«intuition» et d'autres facteurs du même genre qui «jouent» malgré ce que peuvent dire les «chiffres». Elle démontre aussi que, lorsque le coût de la collecte et de l'analyse des renseignements commerciaux risque d'être trop élevé ou trop longue, un gestionnaire ne peut se permettre d'attendre que tous les facteurs à considérer aient été évalués. On peut aussi en déduire que le marché canadien et son marché d'exportation par excellence, le marché américain, comportent tellement de similitudes apparentes que beaucoup considèrent inutile d'effectuer des travaux approfondis de collecte et d'analyse de données sur ce pays. Ce résultat peut également vouloir dire que bon nombre de PME canadiennes en arrivent à la conclusion qu'elles n'ont pas les moyens de se livrer à une analyse approfondie du marché d'exportation visé, ou qu'il n'est pas logique, du point de vue des coûts, de procéder à des études de marché coûteuses pour accéder à des marchés peu connus et lointains, en particulier pour un exportateur néophyte.
Il est encourageant de voir croître le nombre d'entreprises privées au Canada qui sont en mesure de fournir aux PME des renseignements et des conseils pratiques sur les occasions d'affaires à l'étranger. Par exemple, Euroventure Consultants (Amérique du Nord), cabinet-conseil établi à Toronto, se spécialise dans la stratégie et le développement commercial international, et dans la formation spécialisée correspondante. Euroventure fournit des services de consultation professionnels dans plusieurs domaines : évaluation de marchés et de faisabilité, planification commerciale stratégique, réorientation organisationnelle, développement des marchés internationaux, développement du commerce et des exportations.
CORRUPTION DANS LE COMMERCE INTERNATIONAL
Selon plusieurs témoins, la pratique des pots-de-vin qui sévit dans certaines administrations nuit aux activités commerciales. Certains ont affirmé ne jamais offrir de paiements illicites, tandis que d'autres ont été moins directs. Dans certains cas, il semblerait que des «agents locaux» s'occupent des détails, sans que l'on y regarde de trop près.Le fait est que la corruption est endémique dans certains marchés. Ailleurs, les «pourboires de faveur», soit une modique somme versée à un petit fonctionnaire, constituent la norme. Il n'est pas facile de tracer une ligne de démarcation ou de justifier de telles manoeuvres, mais la loi américaine, pour sa part, établit des limites.
Comme l'a souligné récemment un rapport de l'OCDE, les pots-de-vin soulèvent d'importantes préoccupations morales et politiques et sont lourds de conséquences sur le plan économique puisqu'ils gênent et dénaturent l'investissement et le commerce à l'échelle internationale.
En général, le droit criminel canadien ne s'applique pas à l'extérieur du pays, mais dans le cas d'un paiement versé à un fonctionnaire étranger au Canada, le Code criminel canadien pourrait être invoqué. Par contre, la législation américaine (particulièrement la Securities Act sur les valeurs mobilières) s'applique à l'étranger, mais elle prévoit une exemption pour les «pourboires de faveur», mais vise plutôt les commissions illicites aux représentants gouvernementaux afin d'obtenir des contrats.
Dans certaines cultures, on ne voit rien à redire aux pots-de-vin pour obtenir des contrats gouvernementaux, mais cela crée une situation inéquitable pour les entreprises canadiennes, particulièrement celles qui n'ont pas d'expérience sur le marché. En outre, certains craignent que les entreprises qui adoptent des manoeuvres frauduleuses à l'étranger en fassent autant au Canada.
Le Comité reconnaît qu'il est peut-être impossible pour le gouvernement canadien seul de régler efficacement cette question qui doit faire l'objet de mesures internationales. Plusieurs initiatives lancées récemment à cet égard méritent d'ailleurs l'attention du gouvernement canadien.
Le Comité a été informé que plusieurs mesures existent. Transparence Internationale, une initiative allemande, est une organisation non gouvernementale qui a pour mission de contrer la corruption, tant au niveau des transactions d'affaires internationales, qu'au niveau national. Une section pourrait être mise sur pied au Canada.
L'OCDE a demandé, dans son rapport cité ci-haut, que soient supprimés les avantages fiscaux des entreprises qui versent des pots-de-vin et que des registres de telles opérations soient tenus et mis à la disposition pour consultation que pourrait consulter le fisc.
L'Organisation des États américains (OEA) a préparé récemment une Convention interaméricaine contre la corruption. Le Comité était informé que le Canada se propose de signer cette convention sous peu.
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Le Comité recommande donc :
- a) Que le gouvernement signe et présente au Parlement pour ratification la
convention de l'OEA et qu'il continue de travailler en collaboration avec
les pays d'Amérique latine;
- b) Que le Canada participe pleinement aux travaux de l'OCDE et
encourage l'élaboration d'un code de conduite de l'OCDE dans ce
domaine;
- c) Que le gouvernement favorise la mise sur pied d'une section
canadienne de Transparence Internationale;
- d) Que le gouvernement envisage la possibilité d'adopter des mesures
législatives visant les manoeuvres frauduleuses dans le commerce
international;
- e) Que le gouvernement du Canada prenne l'initiative pour faire avancer
ce dossier au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
En attendant que des mesures efficaces soient négociées et adoptées à l'échelon international, il importe que les gens d'affaires soient mis au courant de la position du gouvernement canadien, de même que des coutumes et des particularités culturelles locales en la matière, et qu'ils se documentent avant de chercher à pénétrer sur les marchés internationaux, les meilleures sources de conseils à cet égard étant les experts-conseils du secteur privé et les agents locaux.
PROGRAMMES ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Les activités du MAECI en matière d'expansion du commerce international ont pour but «de contribuer à la croissance économique du Canada en aidant les entreprises canadiennes à réussir sur les marchés mondiaux et en amenant les décideurs étrangers à choisir le Canada pour partenaire commercial14». La poursuite de cet objectif incombe principalement au Secteur de la promotion du commerce international (SPCI) du Ministère.À cet égard, les trois tâches principales de la SPCI sont les suivantes :
- recueillir des renseignements sur les marchés d'exportation et sur les technologies disponibles, et les communiquer aux entreprises afin de les aider à mettre au point leurs stratégies de développement international;
- faire part aux entreprises étrangères des possibilités d'investissement au Canada;
- de concert avec les secteurs géographiques, participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de politiques et programmes destinés à aider les entreprises canadiennes à trouver des débouchés à l'étranger15.
Les programmes et les services parrainés par le MAECI sont assurés par les délégués commerciaux, qui fournissent des services de renseignements commerciaux, notamment pour ce qui est de16 :
- repérer les occasions sur les marchés internationaux;
- guider les entreprises désireuses d'accéder à ces marchés;
- défendre les politiques et les vues du Canada concernant diverses questions économiques et commerciales;
- surveiller les événements internationaux susceptibles d'influer sur les activités commerciales et industrielles du Canada.
Soutien aux foires et aux missions commerciales parrainées par le gouvernement
Le Comité a entendu des opinions fort positives au sujet des activités du gouvernement fédéral au chapitre des foires et des missions commerciales. Les PME, qui ont insisté sur la nécessité pour elles de se montrer sélectives dans le choix des moyens de promotion des exportations, nous ont dit qu'en général, elles trouvaient que les foires et les missions commerciales constituaient un moyen de promotion valable et efficace.M. Holger Peterson de Stony Plain Records a mentionné que la participation de son entreprise aux foires commerciales internationales était son «principal instrument de commercialisation à l'extérieur du Canada». Il a signalé que la participation aux foires commerciales pouvait être coûteuse et que l'aide offerte pour supporter une partie des coûts était bienvenue. Le président d'Abegweit Seafoods Inc., M. Garth Jenkins, s'est dit d'accord avec cette idée :
[notre société] a bénéficié d'une aide financière pour assister à des foires commerciales, pour participer à des missions commerciales et pour recevoir des clients éventuels d'autres pays. Ces mesures, ainsi que l'aide que les missions et le gouvernement nous ont accordée, nous ont permis d'accroître notre chiffre d'affaires, de mieux pénétrer les marchés existants et d'étendre nos activités dans de nouveaux pays.M. Philip Rosson, professeur à la Faculté d'administration de l'Université Dalhousie, a évalué l'utilité des foires commerciales parrainées par le gouvernement. Voici ses conclusions :
- la participation à des foires commerciales revêt de l'importance pour les exportateurs canadiens actuels et éventuels;
- les foires donnent aux entreprises l'occasion de sonder les marchés possibles, d'investir ceux qui réussissent l'épreuve d'admission et de renforcer leur position sur les marchés existants;
- même si les coûts de participation ne sont pas exorbitants pour la société moyenne, l'aide gouvernementale revêt une grande importance pour les petites sociétés et pour les nouveaux exportateurs;
- en moyenne, les sociétés tirent profit de leur participation aux foires commerciales;
- les foires commerciales offrent aux compagnies d'excellentes occasions de se renseigner rapidement sur un marché étranger et de cerner les conditions de réussite commerciale.
Le rôle et la représentation des PME au sein des missions commerciales officielles soulèvent toutefois certaines préoccupations. Plusieurs témoins sont consternés de voir qu'ils n'ont pas droit aux mêmes égards que les grandes sociétés au sein des missions commerciales. Certains s'inquiètent aussi de la façon dont le gouvernement fait la promotion des entreprises lors de ces missions. M. Robert Shore, président de Shore Holsteins International Limited, s'est dit frustré de la façon dont les offres d'entreprises canadiennes concurrentes sont présentées au cours des missions commerciales :
Lorsque plusieurs entreprises canadiennes concurrentes tentent de rencontrer des acheteurs potentiels, cela cause une certaine confusion chez les nouveaux clients puisqu'ils doivent décider non seulement s'ils achètent ou non du Canada, mais également avec quelle entreprise ils doivent faire affaire.En général, les PME sont d'accord avec la décision du gouvernement de se concentrer sur quelques foires et missions commerciales internationales clés et reconnaissent la nécessité d'une plus grande participation du secteur privé au processus de sélection.
Dans l'ensemble, on s'entend sur la nécessité de critères d'admissibilité non flexibles. Les PME prennent habituellement leurs décisions à partir de renseignements plus ou moins complets. Comme l'a expliqué M. Gordon Sharwood, président de Sharwood and Company, à titre d'investisseur en capital de risque, «je ne m'embarrasse guère de plans d'entreprise et de grandes déclarations. Il m'arrive souvent de prendre une décision sur la base d'un entretien en face à face avec un entrepreneur, où je sens si je peux avoir confiance dans son jugement».
Si les PME peuvent prendre des décisions à partir d'un minimum de renseignements, elles trouvent par contre que les demandes d'aide financière exigent généralement plus de renseignements et de documents qu'il ne leur en faut elles-mêmes pour prendre des décisions. Lorsqu'elles envisagent de demander de l'aide, les PME évaluent donc ce qu'il leur en coûtera en argent et en temps pour obtenir l'aide en question par rapport aux avantages possibles qu'elles en tireront. M. Robert Shore résume ainsi le point de vue de bon nombre de PME : «Le nouveau PDME ne couvre que la moitié du prix des billets d'avion; le jeu n'en vaut pas la chandelle compte tenu du temps et des efforts que cette aide nous coûte. Il est peu probable que nous fassions une demande auprès du PDME à moins que nous ne participions à une exposition commerciale.» Il insiste aussi sur l'importance d'adapter le programme aux besoins des PME :
Il est très important de se rappeler que les occasions commerciales changent rapidement. Une politique gouvernementale ou une fluctuation du taux de change peut créer une demande immédiate [pour un produit ou un service]. Nos entreprises doivent réagir rapidement à la demande. Si les programmes gouvernementaux comme le PDME sont trop rigides et exigent trop de planification, les bonnes occasions sont perdues.
Le Service des délégués commerciaux
Le Service des délégués commerciaux (SDC) est généralement bien perçu, surtout pour le soutien logistique, les contacts initiaux et les renseignements sur le pays et le marché en général, qu'il est en mesure de fournir. Ceux qui ont déjà fait affaire avec différents délégués commerciaux ont noté un manque d'uniformité dans le niveau et la qualité du service offert. Ils attribuent cela à la fois au degré d'intérêt et de connaissance du délégué commercial et à l'existence de problèmes administratifs systémiques. En général, on reconnaît l'importance d'avoir un représentant du gouvernement en place à l'étranger pour venir en aide aux particuliers et aux missions commerciales. Cela est particulièrement vrai dans le cas des PME qui n'ont généralement pas les moyens d'avoir des bureaux à l'étranger. On ne s'entend toutefois pas sur le rôle que les délégués commerciaux ont, ou devraient avoir, dans la prestation de renseignements spécialisés. Certains ont aussi le sentiment que le gouvernement devrait réfléchir à la question des attentes : de façon réaliste, qu'est-ce que les délégués commerciaux peuvent offrir aux entreprises canadiennes; et qu'est-ce que les entreprises canadiennes attendent du gouvernement?Le Comité a entendu parler de plusieurs cas où les délégués commerciaux et les missions canadiennes à l'étranger ont joué un rôle de premier plan dans l'obtention d'un contrat à l'étranger par une PME. Pour sa part, M. Shore est d'avis que les délégués commerciaux ont été d'une aide précieuse dans ses efforts pour promouvoir l'exportation de ses produits :
Ils jouent un rôle très important dans la résolution des problèmes. Dans certains cas, un marché n'aurait pas été ouvert ou aurait été perdu si ce n'avait été de l'aide opportune et efficace apportée par les délégués commerciaux.Aux dires de M. David Killins, l'utilité des délégués commerciaux dépend en partie du genre d'industrie dont fait partie l'entreprise et de ce qu'il faut pour conclure le marché. Ainsi, les entreprises canadiennes de technologie de pointe comme la sienne «comprennent assez bien leur marché», compte tenu en particulier du fait qu'elles sont souvent obligées d'exporter pour survivre. En conséquence, l'expérience de ce témoin avec les délégués commerciaux a été jusqu'ici plutôt limitée. Il a par contre indiqué que l'un de ses associés, qui oeuvre dans l'industrie des maisons préfabriquées, trouve que les délégués commerciaux du Canada à Beijing et Hong Kong lui ont été «d'une aide inestimable» lorsqu'il a cherché à vendre ses produits sur le marché chinois.
D'autres se sont interrogés sur la capacité du gouvernement, compte tenu de son mode de fonctionnement et de prestation des services, de fournir des renseignements commerciaux «utiles». En anglais, l'expression «market intelligence» sous-entend qu'une partie jouit d'un avantage stratégique privilégié par rapport à une autre. Or, il y a lieu de se demander ici s'il appartient au secteur public d'avantager une entreprise canadienne par rapport à une autre. La situation est différente si les renseignements fournis servent à aider une PME canadienne à damer le pion à un concurrent étranger. Dans ce cas, il peut être justifiable de fournir au soumissionnaire canadien de l'information privilégiée.
Il y a aussi la question du niveau de service que les compagnies peuvent raisonnablement s'attendre du gouvernement. M. Garth Jenkins estime que la frustration des entreprises dans leurs rapports avec les délégués commerciaux découle en partie de leurs attentes irréalistes :
Pour ce qui est du rôle du gouvernement au niveau du commerce international, je pense que le secteur privé a tendance à en demander trop au gouvernement. On s'imagine qu'il suffit de s'adresser au gouvernement ou à ses missions, et que celles-ci devraient pouvoir fournir instantanément [ . . . ] les informations voulues. C'est vrai dans le cas de renseignements d'ordre général et historique, mais quand il s'agit d'une analyse à jour du marché et de savoir ce qui se passe sur le marché, je pense qu'on en demande trop au gouvernement. Je crois qu'il n'est pas équipé pour cela, et je pense d'ailleurs que ce n'est pas son rôle.
En ce qui nous concerne, nous nous servons des renseignements que nous fournissent les missions et les services gouvernementaux, et qui nous permettent d'avoir une toile de fond, et nous trouvons nous-mêmes nos informations sur les conditions actuelles du marché (70:13).Dans sa recherche sur l'efficacité du SDC, M. Philip Rosson de l'Université Dalhousie a constaté que la plupart des perceptions négatives pouvaient être attribuées à des problèmes administratifs/systémiques, à un manque de consensus quant à ce que les délégués commerciaux peuvent faire et, encore une fois, au caractère irréaliste des attentes. Voici ses conclusions à cet égard :
- Tout le monde reconnaît que le volume de travail des délégués commerciaux a atteint des proportions démesurées. Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation : le financement de programmes plus nombreux; la réduction des fonds de fonctionnement; l'intérêt accru de la part des sociétés; une participation plus active du gouvernement; un meilleur accès aux services pour les gens d'affaires. Parmi d'autres facteurs, on pourrait mentionner la complexité accrue des affaires et de la technologie et le principe de l'universalité du service;
- L'absence de méthodes de filtrage claires et la nécessité d'organiser des foires et des missions laissent aux délégués commerciaux moins de temps pour effectuer les tâches pour lesquelles ils sont le plus précieux, c'est-à-dire les entretiens avec des gens d'affaires canadiens de passage et la fourniture de renseignements sur les marchés et les contacts de la région;
- Un filtrage plus rigoureux des entreprises aiderait à réduire la charge de travail des délégués commerciaux, ce qui leur permettrait de consacrer plus de temps et d'efforts aux sociétés bien préparées et qui, par conséquent, ont une meilleure chance de réussir sur les marchés étrangers.
Comme les rémunérations des délégués commerciaux sont inférieures à celles du secteur privé, le bassin de candidats du MAECI est surtout constitué de personnes pour qui le salaire n'est pas un facteur primordial. En gelant des salaires déjà modestes, on a attiré l'attention sur cet aspect des conditions d'emploi des délégués commerciaux. Cette préoccupation est d'autant plus vive que les facteurs qui, dans le passé, compensaient le faible niveau des salaires - travail intéressant et satisfaisant, affectations à l'étranger - sont en recul, face à l'accroissement des charges de travail et à la diminution des postes à l'étranger. À cela doit s'ajouter la perte de la sécurité d'emploi.
Finalement, le MAECI doit s'attaquer au problème général de la baisse de moral, qui résulte de l'accumulation d'un grand nombre de changements récents. La haute direction aura certainement beaucoup à faire pour renverser la situation.
Le RÔLE QUE DEVRAIT JOUER LE GOUVERNEMENT DANS LA PRESTATION DE RENSEIGNEMENTS COMMERCIAUX
Les témoins divergent d'opinion quant au rôle des délégués commerciaux et du gouvernement en général dans la prestation de conseils et de renseignements spécialisés sur les marchés. M. Jan Fedorwicz de Prospectus Inc., une entreprise privée de renseignements commerciaux, soutient que le gouvernement et le secteur privé jouissent d'avantages comparatifs différents et ont, par conséquent, des rôles différents à jouer dans la prestation de conseils et de renseignements spécialisés aux entreprises canadiennes :
[ . . . ] les gouvernements sont les mieux placés pour fournir les renseignements au sujet des règles et des règlements, des normes et des procédures officielles. Ils sont aussi bien placés pour constituer des répertoires et des annuaires. Dans le cas des renseignements liés au commerce, le réseau international des délégués commerciaux du gouvernement fédéral lui donne la possibilité d'offrir des services de repérage des occasions d'affaires et des services d'aide aux gens d'affaires pour qu'ils établissent les premiers contacts à l'étranger. [ . . . ] le secteur privé est en meilleure position pour fournir des conseils personnels, des évaluations, des services de consultation et de formation ainsi qu'une aide au niveau de l'établissement de partenariats et de la conclusion des marchés.M. Jeff Carruthers, qui fait partie de la direction des services d'information du Globe, estime que le gouvernement n'est ni organisé ni structuré pour offrir aux sociétés le genre de renseignements commerciaux dont elles ont besoin, et sous la forme voulue :
[ . . . ] les entreprises ont besoin d'une information qui leur rapporte. C'est ce que nous appelons une «information utile». Pour qu'elle soit «utile», quelqu'un doit la tirer de la masse toujours croissante de renseignements qui arrivent de partout à tous les instants; cette information doit ensuite être mise en contexte, puis «acheminée» au bureau des décideurs ou, de plus en plus, à leur ordinateur.
[ . . . ] le gouvernement fédéral s'acquitte très bien de plusieurs tâches comme recueillir et analyser de l'information. Toutefois, quand il s'agit de discerner ce dont les entreprises ont vraiment besoin et de le leur fournir, ses réalisations sont très médiocres.MM. Fedorwicz et Carruthers proposent tous deux l'établissement de rôles clairement délimités pour le gouvernement et le secteur privé en ce qui a trait à la collecte et à la diffusion de renseignements commerciaux. À partir de là, ils recommandent la création d'un mécanisme pour lier les deux services. M. Carruthers donne des précisions :
[ . . . ] ce qu'il faut, c'est un partenariat stratégique entre le gouvernement, qui possède l'information, et le secteur privé, qui désire créer des produits d'information nouveaux et variés qui répondent vraiment à des besoins connus des entreprises canadiennes, mais qui n'ont pas encore été satisfaits.M. Ron MacSpadyen, directeur de l'expansion commerciale chez 11 Corinfo, partage leur avis, mais soutient que le gouvernement doit aussi faire en sorte qu'il y ait une concurrence équitable entre les fournisseurs de services du secteur privé :
La réalisation d'études de marché et la prestation de renseignements sur les concurrents devraient être laissées au secteur privé. Le rôle du gouvernement à cet égard devrait se limiter à soutenir l'établissement d'un réseau d'aiguillage juste et équitable qui permet aux consommateurs de faire leurs propres choix.
-
Étant donné ces divergences d'opinion sur le rôle du gouvernement comme
fournisseur de renseignements commerciaux, et compte tenu du nombre
croissant de fournisseurs dans le secteur privé, le gouvernement fédéral
doit mieux définir son rôle comme fournisseur de ces services, notamment
pour les PME. Pour aider le gouvernement à mieux définir son rôle, le
Comité recommande :
- a) Que le MAECI et les autres ministères qui ont des programmes dans le
domaine du développement du commerce international établissent la
liste des services de renseignements commerciaux qui sont à la
disposition des PME;
- b) Qu'on fournisse aux PME canadiennes qui ont besoin de services qui
ne sont pas normalement fournis par le gouvernement, une liste des
fournisseurs du secteur privé, avec la description des services qu'ils
fournissent. Pour faciliter l'accès à cette liste, le MAECI devrait recourir
aux voies existantes de communication et de diffusion de l'information;
- c) Le gouvernement devrait, sur demande et à partir de critères préétablis,
mettre des fonds à la disposition des PME pour les aider à obtenir des
informations concernant le financement, le développement des
marchés et les services de renseignements commerciaux, lorsqu'il leur
faut payer pour les obtenir du secteur privé.
Profiter des avantages linguistiques, multiculturels et géographiques du Canada
Dans son rapport, le Comité mixte spécial chargé d'examiner la politique étrangère du Canada consacre un chapitre à l'examen du rôle de la culture dans les relations extérieures du Canada. Il constate notamment que la diffusion de la culture et des études canadiennes à l'étranger devrait être considérée comme une dimension fondamentale de la politique étrangère du Canada.Si le Comité mixte a constaté que les Canadiens comprennent encore mal le rôle de la culture comme atout dans la capacité du Canada de mener une action efficace et indépendante sur le front des affaires étrangères, notre Comité a été étonné de voir que les gens d'affaires canadiens sont encore loin d'exploiter à fond les avantages linguistiques, multiculturels et géographiques du Canada. De nombreux témoins ont évoqué en termes généraux le besoin de renseignements et de conseils pratiques sur les marchés étrangers. Mais seulement quelques-uns ont mentionné expressément la nécessité de comprendre la culture d'entreprise des autres pays.
Le Comité en arrive à la conclusion évidente que la diversité multiculturelle et linguistique du Canada est une ressource sous-exploitée par les entreprises canadiennes qui envisagent de se lancer sur les marchés étrangers.
Pour cela, il faut connaître les marchés cibles et savoir y adapter ses produits. Connaître les pratiques commerciales et les us et coutumes des marchés, et posséder des contacts locaux capables d'aider à présenter les produits aux acheteurs éventuels peuvent faciliter la pénétration des marchés étrangers. Il va sans dire que la connaissance de la culture et de la langue est également très utile. Les gens d'affaires qui immigrent au Canada apportent dans leurs bagages cette connaissance spécialisée, en plus de leurs qualifications professionnelles, de leur expérience des affaires et de leurs contacts.
L'importance de cette riche ressource multiculturelle est également reconnue à l'extérieur du Canada. Examinant la situation aux États-Unis dans un article du Business Week, Mandell et Farrell notent que «les entrepreneurs immigrants ont beaucoup contribué à l'expansion des exportations américaines. Les entreprises dirigées par des immigrants asiatiques, par exemple, ont automatiquement des liens avec l'étranger. Les immigrants apportent aux entreprises américaines insulaires une perspective mondiale et des contacts internationaux18». Le gouvernement australien, pour sa part, reconnaît que «les personnes de culture différente peuvent jouer un rôle important dans l'établissement de contacts avec les marchés asiatiques. En outre, les talents et compétences des femmes et des membres de communautés ethniques sont généralement sous-utilisés en gestion. Or, c'est là une perte significative de notre capital intellectuel19». Dans son rapport intitulé Enterprising Nation, un groupe de travail australien a recommandé que les services gouvernementaux relevant d'AusTrade et d'AusIndustry «élaborent des stratégies particulières pour utiliser d'une façon efficace dans les programmes de développement commercial et industriel la diversité culturelle et linguistique de l'Australie».
Au Canada, le rapport entre immigration et commerce d'exportation n'a fait l'objet d'aucune recherche systématique. Comme M. Steven Globerman l'écrivait dans un article récent, «peu de recherches ont porté sur les liens potentiels entre l'immigration et le commerce20». Dans Le multiculturalisme, une bonne affaire : Répertoire à l'intention des gens d'affaires, Patrimoine Canada souligne l'importance des collectivités ethnoculturelles du Canada. Au sujet de ces ressources commerciales, les auteurs du répertoire précisent que, dans la mesure où les Canadiens reconnaissent la valeur de telles ressources et apprennent à les exploiter, elles peuvent améliorer la position concurrentielle du Canada dans l'économie mondiale. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration constatait récemment que le programme canadien d'immigration continue d'exercer une influence positive sur l'économie et il a recommandé que le gouvernement fasse des changements pour accroître l'apport économique des gens nés à l'étranger.
Les membres du Comité sont très conscients de la contribution de la communauté pluriethnique du Canada aux exportations du pays. Plusieurs ont mentionné qu'ils connaissaient des électeurs qui, une fois établis au Canada, ont fondé des entreprises exportatrices prospères. Ils abondent dans le même sens que Mme Regina Pierce, directrice générale du Conseil des entreprises de la Baltique, selon laquelle les entrepreneurs qui montrent le plus d'enthousiasme pour les débouchés sont les gens d'affaires de cette partie du monde établis au Canada. M. Patrick Wong de la Canadian Chinese Business Development Association a précisé que des associations comme la sienne pouvaient épauler les entreprises canadiennes en matière d'exportation. Le Conseil canadien pour les Amériques a lui aussi des liens étroits avec des gens d'affaires nés à l'étranger qui peuvent aider les PME canadiennes à réaliser leurs projets d'exportation. La mairesse de Toronto, Mme Barbara Hall, a souligné que des villes comme la sienne, avec leur diversité culturelle et l'importance qu'elles accordent au commerce international, constituent pour les PME canadiennes des liens importants avec les marchés étrangers. Voici ce qu'a déclaré M. Jean Précourt, président-directeur général de l'Association des comptables généraux agréés du Canada :
Les petites et moyennes entreprises disposent d'autres moyens pour relever leur capacité sur le marché de l'exportation, notamment en puisant à la riche mine de renseignements que constituent les immigrants. Nombre d'immigrants canadiens sont des professionnels compétents qui arrivent ici avec un vaste répertoire de contacts commerciaux, de connaissances sur les marchés et les systèmes de distribution, sans oublier les compétences linguistiques et culturelles qui sont nécessaires pour réussir en affaires sur les marchés d'exportation. Les entreprises canadiennes n'ont commencé que lentement à cultiver les contacts avec les néo-Canadiens et à exploiter leurs compétences (68:26).
-
Le Comité recommande que le gouvernement cherche à profiter pleinement
des avantages linguistiques, multiculturels et géographiques du Canada,
c'est-à-dire qu'il fasse en sorte que :
- a) les gens d'affaires canadiens apprennent à tirer pleinement parti, sur
les marchés internationaux, du fait que les deux langues officielles du
Canada sont parmi les grandes langues du commerce international;
- b) les PME à la recherche de marchés internationaux tirent pleinement
parti des liens linguistiques et culturels que les membres des
communautés ethnoculturelles du Canada entretiennent avec leur pays
d'origine, car ces liens avec des pays aux quatre coins de la planète
représentent pour les entreprises canadiennes une importante valeur
d'exportation, souvent mal exploitée, qui pourrait contribuer de façon
appréciable à la création d'emplois au Canada;
- c) pour bien mettre à profit l'«avantage multiculturel» du Canada, les PME
connaissent l'expertise commerciale des diverses associations de
gens d'affaires et des associations professionnelles et
communautaires des groupes ethnoculturels; ces associations sont
d'importantes sources d'information, elles peuvent aider à établir des
contacts d'affaires et donner des conseils judicieux sur les
caractéristiques culturelles des marchés étrangers;
- d) les PME canadiennes à la recherche de marchés internationaux tirent
pleinement parti de la position géographique du Canada qui est bordé
au sud par un des plus riches marchés du monde, qui est proche des
marchés en pleine expansion de l'Asie-Pacifique et qui a des liens
transatlantiques avec les marchés de l'Union européenne, ainsi que le
marché grandissant de l'Arctique.
Les Canadiens à double nationalité doivent être informés que lorsqu'ils retournent dans leur pays d'origine, ils pourraient être considérés comme des citoyens de ce pays, soumis de ce fait à ses lois et règlements. Dans ces circonstances, en droit international, le gouvernement canadien pourrait ne pas être en mesure de leur fournir toute l'aide qu'il accorde normalement aux citoyens canadiens à l'étranger. En plus d'offrir aux titulaires de la citoyenneté canadienne des services consulaires là où ils existent, le Comité recommande que le gouvernement fédéral continue à exploiter tous les moyens dont il dispose, y compris la possibilité de suspendre l'aide bilatérale, pour protéger les citoyens canadiens qui sont impliqués dans des différends commerciaux à l'étranger, et même conclure des accords consulaires à cette fin lorsque cela est possible.
13John A. Chenier et Michael J. Prince, Aid for Small Business Exporting Firms: The role of governments and information networks, (Halifax : Institut de recherches politiques, 1990).
14Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Budget des dépenses 1995-1996 (Partie III) Plan de dépenses, (Ottawa : MAECI, 1995), p. 28-B.
15Ibid.
16MAECI, Budget des dépenses 1995-1996 (Partie III), p. II-29.
17Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Guide du Programme de développement des marchés d'exportation, (Ottawa : MAECI, 1995), p. 5.
18Business Week, 13 juillet 1992, pp. 114-118.
19Winning Enterprises, 1995, p. 80.
20«Immigration et commerce», p. 243, Don J. DeVoretz, éd., Diminishing Returns.