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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 30 octobre 1996

.1812

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Comme vous le savez, notre comité étudie le projet de loi C-32, loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.

De la Bibliothèque nationale du Canada, nous accueillons aujourd'hui Marianne Scott, administrateur général; Tom Delsey,

[Français]

directeur général de la politique et des communications; et Paul McCormick, directeur de la planification et de la politique.

[Traduction]

Madame Scott, la parole est à vous.

Mme Marianne Scott (administrateur général, Bibliothèque nationale du Canada): Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur le président, membres du comité, j'apprécie l'occasion qui m'est offerte de m'adresser à vous ce soir et de vous exposer mon point de vue concernant les amendements qu'on se propose d'apporter à la Loi sur le droit d'auteur par l'entremise du projet de loi C-32.

Comme vous l'avez dit, je suis accompagnée de deux membres de la haute direction de la Bibliothèque nationale, soit M. Tom Delsey, directeur général de la politique et des communications, et M. Paul McCormick, directeur de la planification et de la politique.

[Traduction]

Le mémoire que nous avons soumis au comité met en évidence le rôle que joue la Bibliothèque nationale dans la conservation du patrimoine canadien de l'édition et dans la facilitation de l'accès aux ressources des bibliothèques canadiennes, partout au pays. Par ailleurs, nous nous sommes efforcés, dans le cadre de ce mémoire, de souligner l'importance que revêtent les exceptions au profit des bibliothèques que propose le projet de loi C-32 à l'égard de l'atteinte de nos objectifs.

Au cours des dernières semaines, le présent comité a entendu un certain nombre d'intervenants qui ont avancé que l'envergure des exceptions que propose le projet de loi C-32 est trop grande. Certains ont même prétendu que la notion même d'exceptions au droit d'auteur n'était pas acceptable. Ils ont avancé que le seul objectif de la Loi sur le droit d'auteur consistait à protéger les droits économiques et moraux des auteurs. Ils ont dit que la Loi sur le droit d'auteur ne constituait pas l'outil dont le gouvernement devait se servir afin de protéger les intérêts des usagers d'oeuvres faisant l'objet d'un droit d'auteur.

Je dois vous dire que je n'accepte pas ce raisonnement, car j'estime que la législation sur le droit d'auteur constitue, en dernière analyse, un instrument de politique gouvernementale et qu'on ne peut pas l'interpréter d'une manière aussi étroite que ce que proposent les représentants des détenteurs de droits d'auteur.

De toute évidence, la protection des droits de propriété intellectuelle constitue une préoccupation centrale dont on veut traiter par l'entremise de cette loi. En effet, les amendements que propose le projet de loi ont été largement conçus afin de fournir une plus grande protection du droit d'auteur et des autres droits connexes aux détenteurs de ces derniers et de renforcer les recours disponibles en cas de violation de ces droits.

.1815

Cependant, la législation sur le droit d'auteur a des incidences importantes qui vont au-delà des droits de propriété. À titre d'instrument de politique gouvernementale, la législation sur le droit d'auteur doit traiter également des valeurs sociales plus générales. En effet, elle devrait servir à promouvoir la recherche, l'avancement des connaissances et l'apprentissage à long terme. Elle devrait aussi servir à assurer la promotion et la protection de notre patrimoine culturel.

En réalité, j'estime que ces objectifs plus généraux sont aussi importants pour les écrivains, les musiciens et les artistes en tant qu'individus qu'ils le sont pour l'ensemble de la société. Si on leur demandait ce que représente leur travail à leurs yeux, je suis convaincue que la plupart d'entre eux reconnaîtraient que bien que la récompense de nature économique de leurs efforts soit importante, il leur importe également de sentir qu'ils font partie de l'activité culturelle, sociale et économique du pays en général et qu'ils y contribuent. En outre, je crois qu'ils reconnaîtraient que les oeuvres qu'ils produisent aujourd'hui sont grandement redevables des oeuvres de leurs prédécesseurs.

La législation sur le droit d'auteur nous offre une occasion de protéger les oeuvres de nos écrivains, musiciens et artistes au profit des générations à venir et de faire tout notre possible afin d'assurer le maintien de la vitalité d'entreprises de nature aussi bien créative que savante.

Nous ne pouvons pas limiter l'envergure de notre législation sur le droit d'auteur strictement à la protection des droits de propriété individuels. Nous devons reconnaître que, tout en fournissant une vaste gamme de mesures en vue de la protection des droits économiques et moraux des auteurs, la législation sur le droit d'auteur doit aussi prévoir certaines exceptions et limites afin d'assurer l'équilibre de ces droits et d'autres valeurs sociales importantes et d'objectifs culturels de nature plus générale.

La Convention de Berne énonce clairement que de telles exceptions et limites sont tout à fait légitimes, à condition qu'elles n'entrent pas en conflit avec l'exploitation normale des oeuvres et qu'elles ne portent pas déraisonnablement atteinte aux intérêts légitimes des auteurs.

La législation sur le droit d'auteur des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et de certaines juridictions prévoit dans chaque cas des exceptions au profit des bibliothèques de nature semblable et, dans certains cas, beaucoup plus englobante, par rapport à celles que ce projet de loi propose.

Si nous reconnaissons l'idée de base selon laquelle le droit d'auteur dépasse la simple protection des droits de propriété individuels, et qu'on doit analyser la protection des droits dans un contexte de valeurs sociales et d'objectifs de politique gouvernementale de nature plus générale, il me semble que nous pouvons logiquement mesurer certaines propositions particulières d'exceptions à la lumière du sens commun et de notre perception, en tant que collectivité, de ce qui est raisonnable.

Je propose que nous nous posions deux questions de base afin d'évaluer les mérites de toute exception. D'une part, la première question consiste à se demander si l'exception entre en conflit avec l'exploitation normale d'une oeuvre ou si elle porte déraisonnablement atteinte aux intérêts légitimes de l'auteur. D'autre part, la deuxième question consiste à se demander si l'exception a une certaine utilité publique.

En ce qui concerne la première question, je crois qu'il est évident que les exceptions au profit des bibliothèques que propose le projet de loi ont été conçues de manière à fournir toutes les mesures nécessaires afin de protéger l'exploitation normale des oeuvres faisant l'objet d'un droit d'auteur ainsi que les intérêts des auteurs.

L'exception permettant aux bibliothèques de faire une copie d'une oeuvre pour des fins de gestion et de maintien de sa collection permanente renferme certaines limites qui font en sorte qu'on ne fera aucune copie d'une oeuvre si une copie de substitution adéquate est disponible sur le marché.

L'exception permettant aux bibliothèques d'agir au nom d'une personne faisant de la recherche, des études privées, un examen ou une critique est strictement liée aux dispositions relatives à l'utilisation équitable que la Loi sur le droit d'auteur a toujours reconnues. Par ailleurs, cette exception n'étend d'aucune façon l'envergure des exceptions présentement en vigueur.

L'exception permettant aux bibliothèques de faire une copie d'un article provenant d'un périodique au profit d'un usager qui en a besoin pour des fins de recherche ou d'études privées renferme certaines limites en vue de protéger les oeuvres de création et les oeuvres par écrit au profit des médias populaires.

Il est bien évident, à mon avis, que ces exceptions n'entrent pas en conflit de quelque manière que ce soit avec l'exploitation normale des oeuvres dont on fait des copies et ne portent pas déraisonnablement atteinte aux intérêts de leurs auteurs.

L'envers de la médaille nous pousse à évaluer l'utilité publique que serviront ces exceptions.

Je vous soumets que les exceptions au profit des bibliothèques ont été conçues de manière à favoriser l'atteinte de trois objectifs de politique gouvernementale. La conservation de notre patrimoine intellectuel et artistique constitue le premier objectif, la promotion d'un accès équitable à l'information est le deuxième alors que le soutien de la recherche et de l'avancement des connaissances en constitue le troisième.

La première exception au profit des bibliothèques permettrait d'appuyer celles-ci dans le cadre des efforts qu'elles déploient en vue d'assurer la survie des oeuvres individuelles au-delà de la vie des auteurs et des cinquante années de protection supplémentaire que leur accordent leurs droits d'auteur, d'assurer la conservation des oeuvres le plus longtemps possible à titre de composante de notre patrimoine culturel et d'assurer la disponibilité des oeuvres au profit des futurs universitaires et chercheurs. En dernière analyse, l'objectif consiste à assurer le maintien de ce que nous pourrions appeler «l'entreprise de la connaissance».

.1820

Cette exception est de la plus haute importance car nous nous devons de vaincre le temps et les principes de chimie. Les bibliothèques font ce qu'elles peuvent pour empêcher la détérioration physique des oeuvres que renferment leurs collections, mais elles n'ont pas suffisamment de ressources pour assurer la conservation sur microfilms des centaines de milliers d'oeuvres friables ou endommagées qu'on ne peut remplacer en en achetant des copies.

Les bibliothèques arrivent à peine à traiter des aspects physiques de leur effort de conservation. Le temps et les efforts supplémentaires déployés en vue de déterminer si les oeuvres sont toujours protégées par le droit d'auteur, d'identifier les détenteurs de ces droits et de demander la permission d'en faire des copies sont considérables. On pourrait dire que chaque heure que l'on passe à essayer d'identifier le détenteur des droits d'auteur est une heure de moins qu'on aurait pu consacrer aux efforts de conservation.

L'exception permettant aux bibliothèques de faire une seule copie d'un article de périodique pour des fins de recherche ou d'études privées a été conçue de manière à soutenir les efforts que déploient les bibliothèques pour faire en sorte que l'ensemble de la population canadienne ait accès aux ressources collectives des bibliothèques canadiennes, et ce peu importe le lieu de résidence.

À mon avis, le principe de l'accès équitable à l'information constitue un élément fondamental de nos objectifs économiques, sociaux et culturels, en tant que pays. Il s'agit d'un principe qui s'est toujours trouvé au coeur même du fonctionnement des sociétés démocratiques et qui s'avère de plus en plus crucial, dans le cadre de la transition présentement en cours vers une société de la connaissance.

Les exceptions au profit des bibliothèques que propose ce projet de loi visent clairement à soutenir les efforts de recherche au pays. Elles ont été conçues en vue de mettre les chercheurs canadiens sur un pied d'égalité avec leurs homologues des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et d'autres pays développés.

Elles ont été conçues de manière à permettre à la population canadienne de faire une contribution significative à l'avancement des connaissances, et ce à l'échelle mondiale. Il s'agit là, sans aucun doute, d'objectifs qu'on ne peut ignorer.

Au moment où les présentes audiences prendront fin, vous aurez assez entendu de raisonnements d'avocats et d'administrateurs, dont moi-même, à propos des détails de ce projet de loi. En dernière analyse, vous devrez juger ces exceptions selon leur mérite.

J'estime qu'il sera alors absolument essentiel que vous teniez compte des objectifs de politique gouvernementale plus généraux qui font partie du contexte dans lequel vous devez analyser cette loi. En fin de compte, vous devrez fonder vos décisions sur la conclusion à laquelle en arriverait une personne raisonnable à l'égard de ce qui constitue la valeur sociale de chaque exception, et ce par rapport à l'incidence qu'elle est susceptible d'avoir sur le droit de l'auteur de contrôler l'exploitation normale de son oeuvre.

Je crois que les dispositions de ce projet de loi assurent la protection nécessaire des droits économiques des auteurs et que les exceptions au profit des bibliothèques, loin d'entrer en conflit avec les intérêts légitimes des détenteurs de droits d'auteur, ont plutôt une utilité publique légitime et importante.

[Français]

Je vous remercie du temps et de l'attention que vous m'avez accordés. Je serai heureuse de répondre à toute question que vous poserez à propos de notre mémoire et au sujet de ce que je viens de vous exposer.

Le président: Merci, madame Scott.

Monsieur Leroux.

M. Leroux (Richmond - Wolfe): Merci pour votre mémoire, à vous madame Scott et aux gens qui vous accompagnent.

Je pense qu'il faut se rappeler et se redire que l'équilibre entre les droits d'auteur et ceux des usagers est quand même un objectif fondamental. Les auteurs rappellent constamment que lorsqu'ils créent une oeuvre, ils le font en général pour qu'il y ait des gens qui puissent être rejoints par cette oeuvre et des gens qui puissent avoir accès à leur oeuvre aussi.

Là-dessus, peu importent les champs de la société, les regroupements, les organismes et les institutions, tout le monde essaie de définir ici le champ de leur pratique en disant que, dans leur cas, leur mission et les objectifs qu'ils ont à poursuivre et à atteindre ont une très grande importance. Donc, le projet de loi devrait leur permettre, etc., tout en reconnaissant les droits des auteurs, ce que vous faites, je pense, assez bien ici.

J'aimerais prendre un exemple concret de ce que le projet de loi propose. Par exemple, j'aimerais que vous nous disiez comment pourrait se gérer chez vous l'exception qui veut qu'à des fins de recherche et d'étude, on puisse faire circuler une oeuvre ou une copie de l'oeuvre.

.1825

Comment se gère actuellement cette situation et comment pouvez-vous garantir aux auteurs qu'il n'y ait pas là, dans le projet de loi, une porte ouverte à la multiplication de l'oeuvre et au viol du droit d'auteur par une distribution plus large? Comment est-ce géré actuellement? Faites-vous remplir des formulaires? Comment procédez-vous?

[Traduction]

Mme Scott: Assurément, à la Bibliothèque nationale du Canada, le personnel chargé des photocopies pour les prêts entre bibliothèques est parfaitement au courant de la présente Loi sur le droit d'auteur et agit en conséquence. Il y a bien sûr des exceptions spécifiques. Nous avons l'intention de faire en sorte que le personnel soit formé et respecte la loi; par conséquent, en agissant ainsi, il n'ouvrira pas inutilement une porte. Il est intéressant de noter que les prêts entre bibliothèques que nous effectuons couvrent tout le territoire canadien et que c'est rarement la même bibliothèque ou la même personne qui revient. Nous desservons vraiment un large éventail d'usagers. C'est une ressource de secours pour le pays.

[Français]

M. Leroux: Les personnes qui demandent d'avoir accès à des oeuvres ont-elles des formulaires à remplir pour décrire la raison pour laquelle ils utilisent les oeuvres, entre autres si c'est à des fins de recherche ou d'étude, ou si elles n'ont qu'à faire une déclaration verbale que vous croyez et c'est tout?

[Traduction]

Mme Scott: Je dirais que c'est surtout une déclaration orale. Le prêt entre bibliothèques est généralement effectué par l'intermédiaire d'une bibliothèque, dans laquelle la personne se rend et utilise les ressources disponibles, qu'il s'agisse d'une bibliothèque publique ou universitaire. Si elle ne trouve pas ce qu'elle désire, et si le document a été localisé ailleurs, nous pouvons alors lui prêter l'ouvrage ou, s'il s'agit d'une modeste copie, nous pouvons en faire une photocopie.

[Français]

M. Leroux: On sait déjà que les collectifs de gestion ont des ententes avec plusieurs organismes d'éducation et des gouvernements et qu'ils prévoient même des exceptions dans les licences qu'ils accordent. D'après ce qu'on peut lire dans les mémoires qui nous sont soumis, la grande préoccupation des ayants droit, des auteurs, des créateurs et des créatrices, est de savoir comment pourront se gérer toutes les exceptions qui sont ajoutées dans le projet de loi, dans une procédure de gestion assez claire.

En regard de ce que vous venez de me décrire, ils ont peut-être raison d'avoir peur, parce que s'il n'y a aucun moyen de gérer ces exceptions, si on décide simplement de croire l'usager, il n'y a plus de contrôle.

Comment peut-on concilier ces positions? En fin de compte, ce que tout le monde cherche, c'est d'atteindre des objectifs clairement définis, n'est-ce pas? D'une part, il y a des usagers qui ont besoin, à des fins de recherche et de développement, d'avoir accès à des oeuvres sur lesquelles ils doivent travailler. D'autre part, les auteurs disent que le système ne doit pas être ouvert au point de devenir une passoire. Or, vous me dites qu'on se fie à la parole des gens.

Comment peut-on assurer les auteurs et les créateurs qu'il y aura des mécanismes de contrôle? Pouvez-vous nous suggérer des façons de faire ou devons-nous nous en tenir à celles que vous venez de décrire?

[Traduction]

Mme Scott: À mon avis, une grande partie de la documentation demandée n'est souvent pas très récente, ce qui est déjà exclu. Je suppose que l'on pourrait instaurer un système de signature d'un formulaire par le demandeur. Cela se fait dans certains pays. Il est certain que toutes les photocopies effectuées à la Bibliothèque nationale sont faites par le personnel, si bien que, comme je l'ai déjà mentionné, je ne vois pas de problème pour ne pas respecter les exceptions.

[Français]

M. Leroux: Seriez-vous d'avis que les collectifs de gestion des auteurs puissent éventuellement tenir des discussions avec vous sur la façon de gérer tout ça? Ce pourrait être des discussions mais aussi des échanges, des négociations. Les auteurs reconnaîtraient qu'il faut accorder des exceptions mais discuteraient aussi de la façon dont elles seraient gérées. Est-ce que vous avez une attitude d'ouverture vis-à-vis d'une telle possibilité ou si vous vous en tenez à votre volonté que ces exceptions soient contenues dans le projet de loi et que les échanges s'arrêtent là?

.1830

On ne discute plus avec les auteurs ou leurs collectifs parce que la loi prévoit maintenant qu'on puisse gérer d'une telle manière.

[Traduction]

Mme Scott: CANCOPY, qui détient la licence du gouvernement... Les négociations sont centralisées. Tom, je crois que vous avez participé à certaines des discussions.

M. Tom Delsey (directeur général, Politique et Communications, Bibliothèque nationale du Canada): Toutes les activités effectuées par la Bibliothèque nationale le sont sous la licence de CANCOPY. Cette licence demeurera en vigueur. J'ai examiné les statistiques sur lesquelles reposent les paiements effectués dans le cadre de la licence et, d'après mes calculs, l'exception concernant les articles périodiques photocopiés pour des prêts entre bibliothèques, en raison des chiffres concernés, toucherait nettement moins de 10 p. 100 des licences.

En vertu des conditions de ces licences, nous avons accepté d'afficher certaines choses, de suivre certaines modalités. Nous sommes seulement protégés pour le répertoire, si bien que nous devons nous assurer que nos photocopies se trouvent dans le répertoire. Rien de cela ne sera modifié et, si les règlements ou autres règles exigent des conditions supplémentaires pour mettre en place les exceptions, il n'y a là aucun problème en ce qui nous concerne. Nous sommes habitués à gérer ce genre d'activité.

[Français]

M. Leroux: Est-ce que vous demandez d'introduire ces exceptions dans le projet de loi parce que vous n'êtes pas capable d'en arriver à une entente avec CANCOPY, laquelle entente pourrait inclure le genre d'exceptions contenues dans le projet de loi, ou bien parce que vous pensez que c'est une disposition générale importante et fondamentale qui est sans rapport avec CANCOPY et une négociation qui permettrait d'insérer dans leur licence ce genre d'exceptions?

Vous avez l'air de me dire que les choses se passent bien avec CANCOPY, que c'est civilisé, que vous réussissez à vous entendre et à vous parler. Pourquoi faudrait-il introduire dans le projet de loi des exceptions qu'il serait possible de gérer et de prévoir dans les discussions avec un collectif?

[Traduction]

M. Delsey: Pour nous, le principal problème est assurément le fait que la licence que nous avons n'englobe que le contenu réel du répertoire de CANCOPY. La majeure partie de cette reproduction de préservation concerne des documents anciens. L'Institut canadien de microreproductions historiques effectue une certaine conservation sur microfilms. Ils ont présenté près de 1 100 noms à CANCOPY en leur demandant s'ils se trouvaient dans le répertoire. Pas un seul de ces auteurs n'y figurait.

Par conséquent, même si la licence englobera un large éventail de nos activités, il existe d'autres ouvrages très importants qui ne seront tout simplement pas couverts par la licence car ils ne figurent pas dans le répertoire. Même pour des ouvrages récents, d'importants éditeurs, dont les éditeurs juridiques qui étaient ici l'autre jour, se sont exclus du répertoire.

C'est difficile pour nous, surtout à cause du fait que nous travaillons dans le noir. Nous ne pouvons pas tellement voir le répertoire. On nous impose de rester à l'intérieur du répertoire, mais il n'est pas vraiment mis à notre disposition.

[Français]

M. Leroux: Votre réponse m'éclaire.

[Traduction]

M. Abbott (Kootenay-Est): Je me disais qu'au vu des caricatures et des attentes que nous avons lorsque nous rencontrons des banquiers, des avocats ou des politiciens, nous sommes vraiment gâtés ce soir de pouvoir rencontrer l'administrateur général. C'est vraiment formidable. Je sais que les bibliothécaires, comme c'est leur devoir, travaillent en respectant certains idéaux très élevés et certains principes stricts qui présentent pour eux une valeur exceptionnellement noble.

Je me demande si je pourrais connaître votre réponse à un défi que je qualifierai de modeste. J'essaie d'établir un équilibre entre les droits des auteurs et la position que vous adoptez. À la page 2 de votre exposé de ce soir, vous précisez:

.1835

Est-ce simplement un peu présomptueux de votre part d'avancer une telle hypothèse? Autrement dit, il me semble que les personnes qui ont témoigné devant nous et qui représentent directement ces écrivains, ces musiciens et ces artistes ont adopté une position tout à fait opposée.

Mme Scott: C'est peut-être présomptueux, mais il est exact, à mon avis, que les auteurs et autres créateurs devraient obtenir une rétribution équitable dont le fondement réside habituellement dans la publication de leurs oeuvres et leur diffusion sur le marché commercial. Mais je crois également dur comme fer - et c'est peut-être à cause de mes antécédents universitaires - que dans bien des ouvrages publiés au Canada, les auteurs veulent également que leurs connaissances dans un domaine particulier soient plus largement accessibles et soient connues. Ils apprécient donc le fait que les bibliothèques achètent des exemplaires de leurs ouvrages et les rendent accessibles sous forme d'un prêt.

J'estime que nos artistes créateurs et nos écrivains croient à leur contribution à l'ensemble du tissu culturel du pays. La réalisation procure une joie par la production d'une oeuvre d'art ou d'un livre et par leur grande accessibilité.

M. Abbott: Si l'on examine cet élément d'un point de vue très pragmatique, vous déclarez à la page 4 de votre exposé:

Je peux, à la rigueur, accepter cette déclaration mais mon côté pragmatique s'efforce de la pondérer par rapport aux droits de propriété des compositeurs et des auteurs. Aidez-moi à comprendre où nous devrions en arriver. Il s'agit véritablement d'un équilibre.

L'exception permettant la copie d'un article de périodique ne peut être accordée que si la personne à laquelle cette copie est destinée «convainc la bibliothèque qu'elle ne l'utilisera qu'à des fins d'étude privée ou de recherche». Pouvez-vous nous dire avec plus de précisions comment on peut «convaincre» la Bibliothèque nationale? Qu'implique ce processus?

Mme Scott: Comme je l'ai déjà mentionné, tout d'abord une grande partie de notre travail est effectuée avec d'autres bibliothèques. Il existe donc une sorte de deuxième niveau. Les personnes qui demandent le document sont déjà passées par leur propre bibliothèque. Nous inscrivons les usagers de notre bibliothèque et ils font de la recherche.

Je ne fais que supposer que les gens sont foncièrement honnêtes. Lorsqu'ils disent travailler à un projet, on ne procède pas à un contre-interrogatoire. Je veux dire que s'ils font des recherches sur un auteur particulier ou sur une période de notre histoire et ont besoin d'un article publié dans une revue de 1910 ou de 1940, vous savez qu'ils en ont besoin à des fins de recherche.

M. Abbott: Le prêt entre bibliothèques exige ensuite une certaine dose de paperasserie. Je suppose que l'on peut se demander comment la Bibliothèque nationale peut faire confiance et être convaincue qu'un tel prêt n'est pas, dans certains cas, un simple moyen d'éviter le paiement d'un abonnement?

J'essaie d'équilibrer les positions et j'éprouve beaucoup de difficultés à cerner entièrement la question.

Mme Scott: Dans les collections détenues par les bibliothèques au Canada, certains ouvrages de base peuvent se trouver en double, mais il est intéressant de noter que ces collections sont établies en fonction des besoins fondamentaux des usagers. Vous constaterez donc qu'une bibliothèque possède des documents qui ne se retrouvent pas forcément dans une autre. Lorsqu'une personne effectue des recherches dans un domaine particulier et trouve un article dans une revue, datant de cinq ou dix ans, il n'est pas très sensé de dire que les bibliothèques auraient dû s'abonner à cette revue pendant je ne sais combien d'années pour un article.

Il s'agit donc de partager ces documents qui ne sont pas utilisés très souvent dans une bibliothèque et de les rendre davantage accessibles.

M. Abbott: Très bien, je comprends.

Merci beaucoup, monsieur le président.

.1840

Le président: Merci, monsieur Abbott. Madame Phinney.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Merci beaucoup, monsieur le président.

À la page 6 de votre mémoire, vous laissez entendre que les dispositions du projet de loi visant à ne faire qu'une seule copie sur un support de remplacement pour les personnes ayant une incapacité perceptuelle peuvent ne pas servir adéquatement le but visé. Pouvez-nous nous dire pourquoi vous êtes de cet avis et pouvez-nous nous suggérer des améliorations à cet égard?

Mme Scott: Si je comprends bien la disposition législative, elle exige la destruction de la copie intermédiaire une fois la reproduction effectuée. Il ne me semble pas opportun d'entrer dans les détails à ce sujet, mais j'estime que nous devons véritablement comprendre les rapports qu'entretiennent avec leurs clients les personnes qui sont au service des déficients visuels et la nature de leurs besoins.

J'ai lu et réfléchi à ce sujet, mais ce qui me frappe c'est qu'ils ont besoin, pour permettre cet accès équitable à l'information, de conserver la copie originale afin de pouvoir la réutiliser tandis que, par exemple, lorsque nous faisons une copie, s'il y a un support intermédiaire, en particulier sous forme numérique, nous le détruisons. Nous ne le conservons pas. Je crois que c'est le texte de la loi mais ce n'est pas forcément pratique ou raisonnable pour les personnes au service des déficients visuels.

Mme Phinney: Ainsi donc, d'après votre expérience - ou d'après l'expérience des deux messieurs ici présents - à la bibliothèque, vous n'avez pas travaillé avec quelqu'un qui...

Mme Scott: Dans la réalité, nous ne faisons pas d'ouvrages en braille et nous ne préparons pas de bandes. En vous adressant aux représentants de l'INCA, vous aurez une meilleure idée de leurs besoins spécifiques.

Mme Phinney: Très bien. Qu'en est-il des gens ayant d'autres déficiences? Au fil des ans, vous n'avez eu aucune autre expérience au cours de laquelle, à votre avis, ils auraient pu -

Mme Scott: Nous avons évidemment des personnes déficientes parmi nos usagers, mais nous avons collaboré avec les bibliothèques pour améliorer la conception des locaux, du matériel et du mobilier afin que les personnes ayant toutes sortes de déficiences puissent mieux utiliser les bibliothèques. Nous venons tout juste de sortir une publication à cet effet pour aider les bibliothèques à trouver des moyens d'adapter leurs installations.

Mme Phinney: Votre suggestion repose donc essentiellement sur les dires d'un autre groupe, non pas sur votre propre expérience avec des personnes déficientes.

Mme Scott: Nous ne produisons pas de matériel, à l'exception de nos propres publications. Je dois avouer, je n'avais pas pensé à cela, mais en fait nous produisons des documents sur des cassettes audio et en braille dans des situations généralement uniques, tandis que quelqu'un qui met de la documentation à la disposition d'un plus large auditoire de personnes déficientes peut avoir besoin de plus d'une copie.

Mme Phinney: Je pensais que cela pourrait ne pas concerner seulement des personnes ayant des déficiences visuelles.

Mme Scott: Non - d'autres formes de déficiences.

Mme Phinney: Il pourrait s'agir de quelqu'un n'ayant pas l'usage de ses mains ou ayant d'autres déficiences que nous avons omises ici. Mais vous n'en connaissez pas par expérience personnelle.

Mme Scott: Assurément, bon nombre de personnes en dehors de celles qui ont des déficiences visuelles ont besoin d'utiliser des cassettes audio.

Mme Phinney: Très bien. Je reviendrai plus tard avec une autre question.

[Français]

Le président: Je vais permettre une question à M. McTeague.

[Traduction]

M. McTeague (Ontario): Merci, monsieur le président.

Lorsque vous faites des photocopies, facturez-vous des frais au client?

Mme Scott: Lorsque la bibliothèque fait une photocopie pour un prêt entre bibliothèques, non. Nous constituons en partie une collection de secours pour les bibliothèques au Canada. Nous avons envisagé de facturer les photocopies. Tom a étudié la question. Nous avons constaté qu'en raison de notre large éventail de clients, et du petit nombre de copies réalisées à chaque occasion, les frais de recouvrement seraient supérieurs aux sommes recueillies.

Est-ce plus ou moins exact, Tom?

M. Delsey: Oui. Les frais administratifs encourus pour facturer ce service ne se justifient pas.

M. McTeague: Recourez-vous à un service de livraison des documents dans votre travail ou dans vos échanges avec ces autres clients, ces autres bibliothèques?

Mme Scott: Par service de livraison des documents, vous voulez dire...

M. McTeague: Un organisme à but lucratif qui, par exemple, fournirait des renseignements à vos clients ou à vous-même.

Mme Scott: Non. Lorsque nous fournissons des renseignements, ils proviennent de notre collection.

.1845

M. McTeague: Très bien.

Je n'ai pas d'autres questions.

[Français]

Le président: Monsieur Leroux.

M. Leroux: Mme Phinney posait des questions en ce qui a trait aux groupes qui pourraient représenter des personnes déficientes. Connaissez-vous l'entente qui existe entre le collectif de gestion de la SODRAC et l'Institut national canadien pour les aveugles?

Plus tôt, on discutait de la raison des exemptions dans la loi. Il existe bel et bien une entente entre un collectif de gestion et l'Institut national canadien pour les aveugles, entente qui traite des exceptions et de l'accessibilité des oeuvres. Je voulais tout simplement savoir si vous étiez au courant. Il existe une entente et je vous en informe. Ce cas vient illustrer qu'il est possible qu'il y ait des exceptions, parce que déjà les collectifs de gestion accordent des exceptions avec leurs licences. Cela prouve que c'est possible par rapport à certains groupes.

La préoccupation que vous énoncez dans votre mémoire, il faut la conserver, parce que l'accessibilité est importante pour n'importe quel type de personne dans la société, peu importe son handicap. Dans ce sens-là, on retient que l'accessibilité des oeuvres pour toute personne vous préoccupe.

[Traduction]

Mme Scott: L'une des solutions que nous proposons, en raison de la complexité du domaine, serait de procéder à un examen plus approfondi en comité en consultant les gens les mieux informés pour savoir comment on pourrait améliorer la situation.

[Français]

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Je m'excuse de mon retard. On m'a demandé de rester quelques minutes de plus dans le lobby.

Je tiens à vous faire remarquer que je trouve remarquable le rapprochement de nos collègues de l'opposition.

Ma question est bien simple. Elle porte sur la première exception pour les bibliothèques dans le projet de loi en ce qui a trait à la préservation et à l'idée de pouvoir faire des copies lorsque le droit d'auteur est périmé. Vous dites que chaque heure consacrée à retrouver quiconque possède le droit d'auteur

[Traduction]

est une heure de moins qu'on aurait pu consacrer aux efforts de conservation.

[Français]

A-t-on songé, à un moment donné, à permettre à une bibliothèque - je songe à la Bibliothèque nationale mais peut-être pas à toutes les bibliothèques - de faire des copies et, ensuite, lorsque tout le matériel a été préservé, de voir s'il y a des droits d'auteur? Et là où le droit d'auteur existerait et où la personne qui le détiendrait refuserait qu'on fasse des copies, on renverserait le processus. Au lieu de passer beaucoup de temps à trouver quelqu'un qui est peut-être introuvable, a-t-on songé à faire le travail et à ensuite essayer de trouver cette personne, lorsque les choses auront été préservées?

Je pense que les gens ne seraient pas entièrement opposés à cela.

[Traduction]

Mme Scott: Oui, on pourrait, mais nous préférerions que cette permission soit énoncée clairement dans la loi.

M. Bélanger: Eh bien, avez-vous demandé? Leur avez-vous demandé d'aborder la situation de cette façon?

Mme Scott: Non.

M. Bélanger: Est-ce une solution que vous pourriez envisager avant l'adoption de ce projet de loi?

M. Delsey: Je suppose que nous continuons... Assurément, dans tous les cas où nous faisons des photocopies à des fins de préservation, si nous avons des raisons de croire que le document est encore protégé par un droit d'auteur, nous communiquons avec le détenteur du droit d'auteur. À l'heure actuelle, nous ne le faisons que dans des cas très limités. Il s'agit le plus souvent des annuaires municipaux qui tombent en ruines sur les étagères. Heureusement, le nombre d'éditeurs est limité et on peut raisonnablement le faire.

Si vous prenez l'exemple de l'Institut canadien de microreproductions historiques et des milliers de noms faisant l'objet de leurs recherches, en y consacrant des milliers d'heures, lorsqu'il parvient à retracer l'auteur ou les héritiers de la succession, ils sont plus que disposés à dire oui, nous voulons que vous le fassiez.

.1850

Nous supposons peut-être à tort que, lorsque le but est la préservation, il n'y aura pas de refus, même si le détenteur du droit d'auteur ou ses héritiers sont encore vivants. Je suppose qu'il serait possible de faire le contraire et de leur dire qu'ils auraient toujours le droit de se présenter et de dire que vous voulez qu'ils défassent ce qu'ils ont fait. Je ne peux pas m'imaginer -

M. Bélanger: Est-ce que cela économiserait du temps dans les efforts de préservation? Vous pourriez sauter le processus de recherche du droit d'auteur.

Mme Scott: Je ne sais pas vraiment ce que vous feriez -

M. Bélanger: Vous en assureriez la préservation.

Mme Scott: - en ôtant l'exception dans la loi.

M. Bélanger: Je ne propose pas d'ôter l'exception. Si le problème résulte du fait que vous consacrez beaucoup de temps à rechercher le titulaire du droit d'auteur, et qu'entre-temps le matériel friable dont vous parlez se désagrège et pourrait être perdu pour toujours, pourquoi ne pas inverser ce processus et préserver ce qu'il faut préserver avant de rechercher ensuite le titulaire du droit d'auteur?

Suis-je trop simpliste pour vous?

Mme Scott: Si ce n'est pas dans la loi -

M. Bélanger: Oui, mais c'est nous qui faisons les lois. Nous modifions tout le processus.

Des voix: Oh, oh!

Mme Scott: - et si nous avons l'exception, alors nous sommes sains et saufs, J'imagine que c'est ce que nous aimerions avoir.

M. Bélanger: Cette exception est donc suffisante.

Mme Scott: Telle qu'elle est, oui.

M. Bélanger: Très bien. Vous essayez de faire un cadeau et vous n'en avez pas la possibilité. C'est parfait.

Mme Scott: Nous sommes satisfaits.

[Français]

M. Leroux: Vous dites qu'il y a une liste. Mais quel est l'ordre de grandeur que vous identifiez par rapport à CANCOPY? À vous entendre parler, il y a énormément de choses qui existent mais pas d'auteurs, qui soient trouvables en tout cas.

[Traduction]

M. Delsey: En termes de volume, le défi de préservation est énorme. À la Bibliothèque nationale, nous nous concentrons cependant sur la préservation de l'article original, au moyen d'une désacidification massive ou d'une quelconque technique de restauration - ou en remplaçant l'objet par un autre exemplaire; en fait, c'est la solution la moins coûteuse.

Il y a quelques années, nous avons eu plusieurs milliers d'ouvrages endommagés par l'eau. Lorsque nous essayons de récupérer ce matériel, nous choisissons toujours de rechercher en premier lieu un exemplaire de remplacement sur le marché commercial. Cela coûte beaucoup moins cher que le travail de restauration ou la conservation sur microfilms. Les microfilms constituent le dernier recours lorsque vous ne disposez d'aucun autre moyen de préserver l'objet. Au cours d'une année, nous mettons 120 000 images sur microfilms. C'est l'équivalent de 120 000 pages par an. À mon avis, cela ne représente pas un gros volume de reproduction.

Le président: Merci beaucoup, madame Scott, monsieur Delsey et monsieur McCormick, pour vos témoignages et pour les connaissances que vous avez partagées avec nous. Nous l'apprécions beaucoup.

Mme Scott: Merci.

.1855

.1903

Le président: Bonsoir. Il est 19 heures et nous reprenons la séance.

Avant de faire les présentations, j'aimerais dire ceci. Afin que tous les témoins et les membres du comité s'entendent sur la marche à suivre, je crois comprendre que vous avez déjà convenu de l'ordre de présentation des exposés, en commençant par Mme Brown. Je vous demanderai d'être brefs, afin que chaque personne dispose d'une chance égale.

Nous allons continuer. Nous avons commencé en retard à cause du vote et nous poursuivrons jusqu'à 21 h 15, heure limite que nous vous accorderons.

En ce qui concerne les questions et les commentaires, nous suivons généralement un format qui, comme vous avez pu le constater, est assez strictement réglementé. Il y aura un échange libre au cours duquel les membres du comité et vous-même pourrez vous exprimer librement. Chacun pourra intervenir et faire un commentaire ou poser une question.

J'userai de ma prérogative pour m'assurer que chacun a une chance égale, afin que tous les membres du comité et les témoins soient traités le plus équitablement possible.

J'aimerais vous présenter M. Harvey Weiner, secrétaire général adjoint de la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants; Mme Donna Cansfield, présidente de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires; Mme Sally Brown, vice-présidente principale de l'Association des universités et collèges du Canada; M. Alan Andrews, président sortant de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université; Mme Jantje Dunn, directrice des opérations de la Central Alberta Media Services; et M. Pierre Killeen, agent des relations gouvernementales de l'Association des collèges communautaires du Canada.

.1905

Merci de votre présence. La parole est à vous, madame Brown.

[Français]

Mme Sally A. Brown (vice-présidente principale, Association des universités et collèges du Canada): Je représente l'Association des universités et collèges du Canada, un organisme non gouvernemental, sans but lucratif et porte-parole de toutes les universités canadiennes.

Je tiens d'abord à préciser que nous appuyons le projet de loi C-32. Ce texte de loi, notamment les importantes exceptions ayant trait aux domaines de l'éducation et des bibliothèques, ainsi que d'autres dispositions relative aux limites de la responsabilité des établissements d'enseignement, établit un équilibre juste et raisonnable entre les droits des créateurs et les besoins des utilisateurs des oeuvres protégées par le droit d'auteur.

[Traduction]

Nous jugeons que, dans ses grandes lignes, le projet de loi C-32 respecte l'engagement que le gouvernement a pris, il y a longtemps, envers les établissements d'enseignement et les bibliothèques du pays. C'est pourquoi nous sommes en faveur de son adoption rapide.

La législation canadienne du droit d'auteur assure depuis toujours l'équilibre entre les droits des créateurs d'être payés pour leur travail d'une part, et l'intérêt public d'autre part, en favorisant l'accès raisonnable aux oeuvres protégées pour des objectifs tels que l'éducation, l'érudition et la recherche.

À titre de créateurs et d'utilisateurs importants d'oeuvres protégées, les établissements membres de l'AUCC comprennent que la législation sur le droit d'auteur doit établir cet équilibre. En effet, comme peuvent en témoigner mes collègues de l'ACPPU, les incitatifs qui président à la création dans le milieu universitaire renvoient autant à la diffusion à grande échelle des travaux et à l'accès aux travaux des collègues qu'à la rémunération de l'action créatrice. Actuellement, notre législation n'est pas équilibrée.

Les modifications apportées dans le cadre de la première phase devaient avantager les créateurs en instaurant, par exemple, la protection des nouveaux types de travaux, la nouvelle Commission du droit d'auteur, des mesures propres à faciliter la formation de sociétés de gestion du droit d'auteur, mais aussi en augmentant les sanctions criminelles.

Avant et après l'adoption des réformes constituant la première phase, le gouvernement avait organisé une série de consultations tant auprès des groupes de créateurs que des groupes d'utilisateurs pour discuter du contenu des exceptions relatives à l'éducation et aux bibliothèques qui devaient être incluses dans la réforme du droit d'auteur. Ces échanges ont mené à un ensemble d'exceptions proposées, qui sont notamment décrites dans une lettre adressée à l'AUCC en 1990 par le sous-ministre adjoint des Communications, M. Paul Racine. Nombre des exceptions relatives à l'éducation et aux bibliothèques, exposées dans cette lettre, ont maintenant été incorporées dans le projet de loi.

À notre avis, le gouvernement précédent a commis un faux pas dans l'histoire du droit d'auteur en choisissant de diviser la réforme de cette loi de 1988 en deux phases. À cause des ajournements répétés de la législation visant à mettre en oeuvre les dispositions traitant des exceptions, certains groupes de créateurs trouvent aujourd'hui que le projet de loi les prive de quelque chose.

Ce n'est pas le cas. Le principe prépondérant de la réforme de la législation sur le droit d'auteur a toujours été d'équilibrer les intérêts des créateurs et des utilisateurs d'oeuvres protégées.

De toute évidence, le projet de loi C-32 n'est pas parfait. À notre avis, le gouvernement aurait eu grand avantage à y inclure des dispositions touchant les lignes directrices et les critères réglementaires sur l'utilisation équitable.

De plus, diverses dispositions du projet de loi doivent être nuancées ou clarifiées. Le mémoire que nous avons remis au comité contient un certain nombre de recommandations visant à améliorer le projet de loi. Citons notamment le fait de permettre tant la confection d'une diapositive que la projection d'une image sur diapositive; la clarification de la définition des locaux de manière à ce que l'éducation à distance ne soit pas désavantagée; le fait de permettre la projection d'une oeuvre audio-visuelle ou cinématographique à un auditoire d'étudiants et de professeurs à des fins pédagogiques, comme c'est le cas pour les enregistrements sonores; et le fait de tenir compte de la pratique du prêt entre bibliothèques, comme vous en avez entendu parler hier soir, en définissant le terme «reprographie» de façon à permettre la confection d'une copie intermédiaire numérique à la condition qu'elle soit détruite raisonnablement peu de temps après la production d'une copie papier par la bibliothèque destinataire.

Certains groupes d'éditeurs poussent à l'extrême l'applicabilité des exceptions énoncées dans le projet de loi en prétendant qu'elles ne sont pas obligatoires en raison de l'existence des licences collectives. Ces dernières apportent un complément aux exceptions statutaires; elles n'en constituent pas un substitut.

.1910

Notre expérience en la matière nous amène à penser que la licence collective ne peut pas garantir à elle seule la couverture complète, ni la continuité de cette couverture, ni la stabilité des prix. Dans de nombreux pays, les licences collectives cohabitent en harmonie avec les exceptions statutaires.

Nos établissements membres s'efforcent d'éduquer leurs corps professoral, leurs étudiants et leur personnel pour qu'ils respectent le droit d'auteur. Nous avons été l'un des premiers secteurs à avoir conclu une entente de reprographie avec CANCOPY. Ces licences récompensent généreusement les détenteurs de droits, principalement les éditeurs, pour la reproduction de leurs travaux dans les universités canadiennes. Rien, dans ces exceptions, ne viendra désavantager financièrement les détenteurs des droits. Il convient par ailleurs de souligner que les licences excluent spécifiquement les copies effectuées en vertu de l'exception relative à l'utilisation équitable.

Il est extrêmement difficile d'en arriver à des ententes en l'absence d'exceptions ancrées dans la législation. L'adoption du projet de loi C-32 facilitera les futures négociations car ce texte clarifiera certaines ambiguïtés de la loi.

En conclusion, nous demandons au comité de tenir compte des messages clés suivants dans ses délibérations: l'intention des réformes constituant la phase deux, promises depuis très longtemps, y compris par l'actuel gouvernement, était à l'origine de corriger le déséquilibre créé par les réformes de la phase un; les exceptions limitées et raisonnables touchant les bibliothèques et l'éducation, qui sont incluses dans le projet de loi C-32, sont déjà le fruit de longues négociations ainsi que de compromis et elles constituent le strict minimum si le gouvernement entend respecter son engagement; les incitatifs qui président à la création dans le milieu universitaire renvoient autant à la diffusion à grande échelle des travaux et à l'accès aux travaux des collègues qu'à la rémunération de l'action créatrice; et la licence collective est un complément et non pas un substitut aux exceptions statutaires.

[Français]

Je remercie le comité d'avoir invité l'AUCC à intervenir dans le cadre de cette table ronde.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Brown.

Monsieur Andrews.

M. Alan Andrews (Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Merci, monsieur le président.

Je dois préciser que je ne suis plus le président sortant de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université. Ils m'ont relégué aux oubliettes en mai dernier mais ils m'ont rappelé par la suite pour vous présenter notre mémoire ce soir.

Le président: Vous êtes l'ancien président sortant.

M. Andrews: Ancien président, ancien président sortant, président relégué aux oubliettes -

Des voix: Oh, oh!

M. Andrews: - ou ce que vous voulez, monsieur le président.

Je suis professeur de théâtre à l'Université Dalhousie. Maintenant que je ne suis plus le président sortant de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, je suis le rédacteur en chef du Dalhousie Review.

L'ACPPU représente quelque 29 000 membres du personnel universitaire dans l'ensemble du Canada, dans toutes les provinces. Je tiens au départ à préciser que nos membres sont, de toute évidence, des créateurs d'oeuvres visées par un droit d'auteur - en réalité, je soupçonne qu'une forte proportion des oeuvres visées par un droit d'auteur créées au Canada le sont par les membres de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université - et nous sommes évidemment aussi des utilisateurs intensifs d'oeuvres visées par un droit d'auteur. Dans les exposés que nous avons présentés au gouvernement du Canada au fil des ans, nous avons dû prendre conscience des besoins de ces deux groupes et nous nous sommes efforcés de le faire.

Nous avons appuyé la phase un de la réforme du droit d'auteur en 1988. De fait, en feuilletant nos dossiers aujourd'hui, j'ai constaté que le président de l'ACPPU avait alors écrit à la ministre, Mme Flora MacDonald, pour lui mentionner que notre appui à la phase un de la réforme du droit d'auteur était subordonné au dépôt rapide de la phase deux de cette même réforme. Dans sa lettre, il suggérait que nous aurions pu escompter la phase deux de la réforme en juillet ou août 1988 puisque la Chambre siégeait durant tout l'été cette année-là.

Néanmoins, monsieur le président, nous remercions bien évidemment le gouvernement qui propose la phase deux de la réforme du droit d'auteur. Nous estimons que le projet de loi proposé constitue assurément une tentative courageuse en vue de concilier les intérêts des créateurs et des utilisateurs.

Permettez-moi de vous rappeler que l'intention de la phase deux était d'aborder principalement les besoins des utilisateurs du droit d'auteur. On supposait que la phase un avait abordé les besoins des créateurs et que la phase deux aborderait les besoins des utilisateurs.

Maintenant, en ce qui nous concerne, les exceptions prévues dans le projet de loi C-32 y parviennent dans une certaine mesure. À titre d'utilisateurs d'oeuvres protégées par un droit d'auteur, nous avons besoin que les connaissances soient disponibles en temps opportun. Nous estimons que les exceptions prévues dans le projet de loi y parviennent dans une certaine mesure.

.1915

Permettez-moi de dire rapidement que l'ACPPU s'oppose à toute suggestion voulant que les exceptions contenues dans le projet de loi actuel ne soient pas incluses lorsque des sociétés de gestion des droits des créateurs disposent d'une entente de fonctionnement avec les établissements. Cette mesure annulerait dans le fond la signification du projet de loi destiné à aborder les besoins des utilisateurs.

Un sujet n'a pas été abordé du tout dans le projet de loi et touche assurément nos membres et nos établissements membres de l'ACPPU. Il s'agit de l'utilisation des films et des vidéos en salle de classe dans les universités canadiennes. Il faut que la loi réponde aux pratiques réelles d'enseignement dans nos établissements.

C'est une lapalissade de dire que nous vivons dans une société de plus en plus touchée par l'imagerie visuelle sous toutes ses formes. Non seulement dans les programmes universitaires de cinématographie et de théâtre, mais aussi dans l'étude des communications, les sciences sociales, la littérature, l'imagerie visuelle est devenue un élément prépondérant des études et de la recherche dans les universités.

La législation américaine stipule très clairement que pourvu que la copie visionnée dans la salle de classe soit une copie légale, il n'y a pas de violation de la législation sur le droit d'auteur lorsqu'un tel vidéo ou film est projeté dans la salle de classe. Nous estimons que cette disposition devrait également figurer dans le projet de loi C-32 et, s'il est impossible de l'inclure dans ce projet de loi, alors nous espérons que les rédacteurs responsables du projet de loi pendant la phase trois de la réforme du droit d'auteur prendront soin, monsieur le président, de cette omission.

Je ne voudrais pas épuiser complètement mon temps de parole. Je tiens à mentionner rapidement deux autres préoccupations avant de passer à la question des sanctions criminelles et civiles.

Nous sommes quelque peu préoccupés par la disposition du projet de loi concernant l'importation parallèle. Nous ne sommes de toute évidence pas des libraires, mais nos campus ont des libraires sur place, des libraires universitaires. Pour eux, il est très important de pouvoir fournir aux étudiants et aux chercheurs la documentation utile en temps opportun.

Le projet de loi lui-même ne semble pas contenir de dispositions pour en arriver à une entente entre les distributeurs et leurs clients, les libraires. Mais nous croyons savoir qu'un projet de loi est en gestation et qu'il protégera les libraires contre la situation dans laquelle se trouve un distributeur canadien qui, bien que possédant les droits de distribution, n'est pas en mesure de fournir en temps opportun les ouvrages disponibles en librairie.

Je suis persuadé que les membres de votre comité se rendent bien compte que si les étudiants ne peuvent obtenir à temps les livres dont ils ont besoin pour leurs cours, ils ne peuvent pas étudier convenablement. Et je n'ai vraisemblablement pas besoin de vous persuader que les chercheurs doivent également obtenir la documentation lorsqu'ils en ont besoin.

Deuxièmement, en ce qui concerne les redevances sur la vente des cassettes, nous tenons à mentionner, comme d'autres groupes l'ont peut-être déjà fait devant vous, qu'il existe des utilisations légitimes des cassettes audio qui n'impliquent pas le recours à du matériel protégé par un droit d'auteur. Il faudrait prévoir un système de remise pour les universités et les chercheurs dans les cas où la cassette qu'ils utilisent ne sert pas à copier des enregistrements qui sont autrement protégés par le droit d'auteur.

Monsieur le président, nous avons abordé en détail, dans notre mémoire, les sanctions criminelles et les dommages-intérêts civils préétablis. Je ne veux pas entrer dans les détails mais je tiens à dire que le projet de loi élargit trop l'horizon en ce qui concerne les sanctions criminelles.

Nous estimons qu'il devrait y avoir un seuil précis, à propos de la valeur des droits d'auteur éventuellement enfreints, et qu'il devrait se situer à 5 000 $. Nous pensons également qu'il faudrait prouver la présence de l'intention criminelle en vue de tirer un avantage financier du matériel protégé par le droit d'auteur, ou d'une autre intention frauduleuse, avant d'imposer des sanctions criminelles.

Nous constatons que, si tel était le cas, cela serait conforme à la législation en vigueur aux États-Unis et nous faisons également remarquer que le Royaume-Uni a des lois moins sévères - j'allais dire draconiennes, mais ce ne serait pas un terme approprié - que le projet de loi C-32.

Nous pourrions vous mentionner, car cela nous a été dit par l'un de nos membres, que le gouvernement et les membres de votre comité devraient faire preuve de vigilance car, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, il pourrait très bien déclencher une contestation en vertu de l'article 7 de la Charte, si les sanctions criminelles demeurent telles quelles.

Essentiellement, nous estimons que les sanctions civiles constituent le recours approprié pour une éventuelle violation du droit d'auteur, et nous accepterions en règle générale le régime proposé dans le projet de loi, bien que nous soyons préoccupés par le fait que la Commission du droit d'auteur devrait pouvoir réglementer efficacement les activités des sociétés de gestion du droit d'auteur.

.1920

Pour conclure, monsieur le président, je tiens à souligner un point important qui concerne les définitions contenues dans le projet de loi. L'article 18, texte proposé de l'article 29.3, et l'article 20, texte proposé du paragraphe 38.2(1), se rapportent aux établissements d'enseignement. Le corps enseignant, c'est-à-dire les employés des établissements d'enseignement, sont probablement inclus implicitement dans l'article 29.3 proposé, car les questions soulevées dans cet article sont censées être des activités exécutées par le corps enseignant.

Néanmoins, nous estimons qu'il est important que le corps enseignant soit clairement identifié parmi les personnes agissant sous l'autorité des établissements d'enseignement. C'est particulièrement important à l'article 20, texte proposé du paragraphe 38.2(1), qui traite du plafond des dommages-intérêts qui peuvent être obtenus par les personnes qui choisissent d'intenter des poursuites lorsqu'il y a une entente de fonctionnement avec une société de gestion.

Il importe pour nos membres de préciser assez clairement que, s'ils sont poursuivis séparément, en fait la restriction touchant les dommages-intérêts s'applique autant à eux qu'à l'établissement d'enseignement mentionné dans cette partie du projet de loi.

Je soupçonne qu'il s'agit d'une modification dans la rédaction du projet de loi et que la proposition n'est pas controversée. En tout cas, monsieur le président, nous demandons que le projet de loi soit modifié pour y mentionner clairement que là où il est fait mention des établissements d'enseignement, cette notion inclut les employés de cet établissement. En ce qui concerne nos membres, nous désignons ainsi le corps enseignant.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Andrews.

Monsieur Killeen.

M. Pierre Killeen (agent, groupes d'affinités et relations gouvernementales, Association des collèges communautaires du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis personnellement très honoré d'être parmi vous aujourd'hui.

Il est réconfortant de constater que les membres du comité ont reconnu que l'Association des collèges communautaires du Canada, au nom de laquelle je témoigne devant vous aujourd'hui, est le porte-parole, à l'échelle nationale et internationale, des 175 collèges communautaires, instituts de technologie et cégeps publics au Canada.

Même si je ne suis pas impliqué depuis assez longtemps dans le domaine du droit d'auteur, comme c'est le cas de mes collègues assis à la table, je peux peut-être commencer par une note personnelle. Lorsque j'ai été embauché par l'Association des collèges communautaires du Canada, l'une des premières réunions auxquelles j'ai assisté portait sur le droit d'auteur. Il s'agissait d'une rencontre convoquée par le ministère du Patrimoine canadien et par Industrie Canada. La salle devait être 10 fois plus grande que celle-ci. Environ 175 personnes étaient présentes, chacune représentant à la table les intérêts de sa circonscription. J'imagine que vous avez vécu des expériences semblables dans le cadre de ces audiences.

Avec ce projet de loi, il faut féliciter le gouvernement qui tente de concilier les nombreux intérêts divergents représentés ou touchés par le droit d'auteur.

Je voudrais faire un autre aparté et j'aborderai ensuite le coeur de la question. Avant de siéger au Parlement, je suis persuadé que vous n'aviez jamais pensé que le droit d'auteur serait une question aussi importante et concernerait autant de gens, et qu'en acceptant votre poste au sein de ce comité, vous seriez inondés par une marée d'appels téléphoniques portant sur un sujet que nous avions l'habitude de juger aussi insignifiant que le droit d'auteur.

Mais aujourd'hui, le droit d'auteur est très important. Il est crucial pour les collèges communautaires, les enseignants, les apprenants, les étudiants. La raison fondamentale, c'est que nous vivons à l'ère de l'information et que le droit d'auteur est l'outil économique que nous utilisons pour régir le coût de cette information.

Dans la perspective des collèges, l'information est également le moteur de l'apprentissage et de l'éducation. C'est l'outil de base de notre métier. Si les étudiants des collèges ne disposaient pas de cette information, ils seraient probablement en vacances. J'imagine que cela ne serait pas mauvais tout le temps, mais au moment de trouver du travail, ce ne serait pas dans leur meilleur intérêt.

Il s'ensuit que les enseignants et les apprenants sont intéressés par une large diffusion de l'information, et par la capacité de nos établissements à être ces diffuseurs de l'information, des endroits où les étudiants peuvent venir, apprendre et échanger de l'information. Quand je dis «gratuitement», je ne veux pas dire qu'il n'en coûtera rien. J'aurais peut-être dû dire que nous recherchons une «large» diffusion.

À bien des égards, l'importance de ces audiences découle de l'importance du droit d'auteur. Ce serait peut-être surestimer le dossier, mais les membres de l'Association des collèges communautaires du Canada estiment que les résultats de ces audiences définiront les paramètres du coût de l'information pour les usagers des bibliothèques pédagogiques à l'ère de l'information. C'est pourquoi elles sont si cruciales pour nous aujourd'hui.

.1925

Je ne sais pas combien de membres de votre comité sont au courant de l'environnement entourant le droit d'auteur qui prévaut dans les collèges communautaires. Si l'un des membres de votre comité souhaite visiter un collège communautaire, un cégep ou un institut technique, nous nous ferons un plaisir de l'y aider. À l'heure actuelle, les collèges et instituts canadiens font de leur mieux pour respecter nos lois sur le droit d'auteur. Dans la plupart de nos établissements, sinon la totalité, cela signifie qu'au moins une personne - voire deux - se consacre uniquement aux questions concernant le respect du droit d'auteur.

En plus des redevances que nos établissements paient aux sociétés de gestion des droits d'auteur, ces salaires administratifs sont considérables et importants. Les collèges et les instituts ont signé des licences avec la CANCOPY et l'UNEQ et sont en train de renégocier ces licences.

Même si je sais que j'ai probablement déjà utilisé trop souvent le terme «important», l'association estime qu'il est important pour les membres du comité de comprendre que la demande d'exceptions au profit des établissements d'enseignement et des bibliothèques n'est pas une demande d'exemption du versement des droits d'auteur. Les collèges ont payé et continueront à payer pour le droit d'utiliser et de reproduire les oeuvres protégées par un droit d'auteur. Cependant, nous nous tournons vers le projet de loi C-32 pour rétablir l'équilibre au sein de la relation entre les usagers du secteur de l'éducation et des bibliothèques et les titulaires des droits d'auteur.

Je ne veux pas parler au nom d'une autre personne présente ici, mais s'il y a un message cohérent, c'est que ces modifications rétabliront un certain équilibre de la relation que nos établissements et nos apprenants ont établie avec les titulaires et les propriétaires des droits d'auteur. Les membres de notre association estiment que, moyennant quelques modifications, le projet de loi C-32 rétablira l'équilibre nécessaire en matière de droit d'auteur.

En raison du peu de temps dont nous disposons ce soir pour vous exposer ces problèmes, je vais clore ici mes commentaires généraux pour parler en faveur de trois modifications particulières et ensuite nous serons très heureux de répondre à vos éventuels commentaires ou questions sur nos propos.

La violation du droit d'auteur est un délit criminel. C'est quelque chose qui, étant donné la nature incertaine de ce qui constitue une défense, comme l'utilisation équitable, ou la nature incertaine des exceptions... Bon nombre d'entre elles seront incorporées pour la première fois dans notre loi.

Cela crée un environnement très instable pour les apprenants, les enseignants et les administrateurs dans nos établissements. Au sein de l'association, nous recevons tous les jours des appels nous demandant: puis-je faire ceci, puis-je faire cela? Dans cette ambiance particulière, nous sommes d'avis que la menace d'une sanction criminelle est trop sévère, essentiellement pour une faute de jugement.

La Partie IV de la loi instaurera également des dommages-intérêts préétablis. De l'avis de nos membres, l'effet combiné de ces dispositions contenues dans les articles 38.1 et 38.2 du projet de loi assujettirait les établissements à un régime différent de dommages-intérêts, selon qu'ils détiennent ou non une licence avec la société de gestion en place.

Selon notre interprétation de la loi, les établissements ayant une licence feraient l'objet de sanctions sous forme de dommages-intérêts simples dans les cas de violation, tandis que les établissements sans licence feraient l'objet des dommages-intérêts préétablis minimums, qui vont de 500 à 20 000 $.

Tandis que la raison d'être de cette disposition n'est pas clairement énoncée dans la loi - et je crois comprendre que ces choses ne sont habituellement pas précisées noir sur blanc dans les textes législatifs - les membres de l'association ont l'impression que la loi semble dire ici que les établissements qui ont des licences de droits d'auteur se conforment à la loi tandis que les établissements sans licence ne le font pas.

Sauf votre respect, ce n'est pas le cas. Les établissements peuvent et doivent se conformer à loi sur le droit d'auteur et y consacrent beaucoup de temps, qu'ils aient en fait ou non une licence de droits d'auteur.

J'aimerais me faire l'écho des commentaires émis par mes collègues de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université à propos de l'ajout des oeuvres cinématographiques au libellé proposé de l'article 29.5. Cet article prévoit un certain nombre d'exceptions pour l'utilisation de matériel audio, d'émissions de télévision, mais ne dit rien sur la notion d'oeuvres cinématographiques, par laquelle nous désignons les films et les vidéos. Il s'agit d'outils d'apprentissage cruciaux pour nos salles de classe et cette omission plaide en faveur de la nécessité d'inclure cette exception.

.1930

J'aimerais conclure mes commentaires, remercier les membres du comité, et

[Français]

m'excuser auprès de M. Leroux de ne pas avoir parlé en français. Mais je suis pleinement prêt à répondre à vos questions en français. Merci.

M. Leroux: Je trouve que vous vous exprimez très bien.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Killeen. Monsieur Weiner.

M. Harvey Weiner (secrétaire général adjoint, Fédération canadienne des enseignantes et enseignants): Il me fait plaisir d'être parmi vous aujourd'hui pour vous présenter notre mémoire conjoint avec l'Association canadienne des commissions et conseils scolaires. Ma collègue, Mme Donna Cansfield, m'accompagne.

Notre organisme est une fédération pancanadienne qui coordonne et facilite l'échange d'idées, de connaissances et de compétences. Parmi ses 13 organisations provinciales et territoriales membres aux niveaux primaire et secondaire, nous représentons plus de 240 000 enseignantes et enseignants.

[Traduction]

Ayant été personnellement impliqué dans le dossier traitant du droit d'auteur depuis mon embauche à la FCEE, qui remonte à septembre 1988, j'aimerais également, monsieur le président, profiter de l'occasion pour vous faire partager un peu de son histoire.

Dans nos archives, nous possédons un riche trésor de dossiers sur la question du droit d'auteur et de nombreuses lettres d'anciens premiers ministres, ministres, députés fédéraux et provinciaux, qui remontent jusqu'en 1987. Certaines de ces personnes occupent aujourd'hui des postes plus élevés et peut-être plus intéressants, mais ce n'est malheureusement pas le cas pour d'autres.

Des voix: Oh, oh!

M. Weiner: Voici quelques extraits de certaines de ces lettres. En fouillant dans ces archives, j'ai pensé qu'il serait intéressant de les partager avec les membres de votre comité. À mon avis, elles renforcent très bien... les commentaires de Sally Brown en particulier.

L'une est signée de Nancy Betkowski qui, comme certains s'en souviendront, était alors ministre de l'Éducation de l'Alberta. Elle écrivait dans une lettre adressée en décembre 1987 à notre organisme affilié en Alberta:

Celle-ci est tirée d'une lettre adressée en mars 1988 par Flora MacDonald à notre nouvelle présidente d'alors Sheena Hannley:

Lors d'une rencontre avec mon prédécesseur en juillet 1988, avant d'assumer mes fonctions, il m'a dit: "Harv, c'est un dossier dont tu n'auras pas à te soucier car Flora s'en occupera à l'automne".

Des voix: Oh, oh!

M. Weiner: Eh bien, nous savons ce qui s'est passé. En 1988, un «net» était un filet au tennis et un «web site» était une toile d'araignée dont on cherchait à se débarrasser.

Aujourd'hui, nous parlons de réseaux, de sites web et d'une phase trois de la réforme du droit d'auteur qui abordera la nouvelle technologie. Et huit ans après, nous n'avons toujours pas traité l'objectif principal que le projet de loi déposé aujourd'hui devant vous aborde enfin, à savoir les préoccupations et les besoins particuliers de la collectivité des usagers des établissements d'enseignement et des bibliothèques. À titre de fédération, nous pensons qu'il est temps, grand temps.

Nos enseignantes et nos enseignants ne sont pas en mesure de déterminer quel matériel sera acheté, quel matériel sera disponible, pour l'usage quotidien des étudiants. Ils savent seulement qu'à notre époque, les étudiants auxquels ils enseignent, auxquels nous enseignons, ont besoin d'avoir pleinement accès au plus large éventail possible de matériel pédagogique.

Lorsqu'il s'agit des questions de droits d'auteur, nous avons besoin de certitude et de clarté. Et nous estimons que même si le projet de loi n'est pas parfait - nous avons plusieurs suggestions à faire en vue de l'améliorer - , il s'agit néanmoins d'un projet de loi qui définit clairement les domaines d'accord et de consensus, ceux qui existent, ceux qui ont été atteints il y a longtemps lorsque - je peux revenir à des lettres signées par Paul Racine après de nombreuses réunions auxquelles certaines de vos personnes-ressources ont assisté et au cours desquelles elles ont été très actives pour aider à préparer - des domaines dans lesquels il y avait énormément de convergence, à défaut de consensus parfait, sur chaque point.

.1935

Ces audiences et ces discussions, qui se sont poursuivies lorsque Communications Canada a été fusionné au sein d'autres ministères, et encore dans d'autres ministères, ont été suivies d'autres audiences et réunions. Pierre vous a parlé de l'une d'elles à laquelle j'ai également assisté en présence de 170 participants.

Les domaines de désaccord et d'accord sont donc bien connus. Généralement parlant, nous estimons qu'ils sont bien reflétés dans un projet de loi qui présente un bon équilibre et nous prions le gouvernement au pouvoir de poursuivre le travail afin que nous puissions aborder la phase trois, qui est également une phase extrêmement cruciale et importante, avant que certains des enjeux abordés dans la phase deux ne deviennent désuets. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Weiner.

Madame Cansfield.

Mme Donna Cansfield (présidente, Association canadienne des commissions/conseils scolaires): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un honneur de présenter un exposé devant vous avec mes collègues du milieu de l'éducation et de vous faire un petit historique.

À titre de présidente de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, je représente plus de 400 conseils et commissions scolaires répartis dans neuf provinces. Cela se traduit par plus de 3 millions d'enfants et quelque 16 000 écoles, qui possèdent toutes des bibliothèques. Il s'agit donc d'une question primordiale pour nous, d'assurer un équilibre raisonnable entre les droits des créateurs et créatrices et les besoins de la communauté scolaire utilisatrice.

Au lieu de continuer et de répéter les déclarations qui ont déjà été faites, j'aimerais plutôt appuyer les commentaires en toute solidarité car ils représentent en fait le milieu de l'éducation, également dans la perspective des commissions et des conseils scolaires.

Nous sommes d'avis que le projet de loi C-32 aurait plus de mordant s'il incluait dans son texte les lignes directrices et les critères permettant une utilisation équitable. Mais nous sommes également présents ici aujourd'hui pour vous dire que nous appuyons fermement le projet de loi C-32 qui constitue un compromis bien ficelé, et que nous encourageons le gouvernement à l'adopter sans plus tarder.

Vous avez entendu parler d'un certain nombre de clarifications et de modifications, et nous appuyons celles qui ont été mentionnées par nos collègues. Je crois qu'au lieu de les passer en revue et de les répéter, il est important pour vous de savoir que nous formons une équipe assez solidaire lorsque nous siégeons ensemble à la table pour y représenter le milieu de l'éducation.

Les 240 000 enseignantes et enseignants qu'Harvey vous a qualifiés d'employés sont également des créateurs. La quantité de programmes produits dans nos écoles sous la responsabilité des commissions et des conseils scolaires est phénoménale. Encore une fois, nous acceptons cet équilibre raisonnable et le fait qu'il faut une utilisation équitable des deux côtés.

Nous attendons avec impatience l'adoption du projet de loi et je suis absolument ravie d'apprendre que le président a mentionné que la phase trois débuterait cet été.

Des voix: Oh, oh!

Mme Cansfield: Puis-je espérer l'obtenir par écrit?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Cela ne sera toujours pas utile.

Mme Cansfield: Cela ne sera pas utile. Ensuite, nous pourrons peut-être commencer avec le classeur suivant.

Je tiens à vous remercier encore une fois de m'avoir donné l'occasion de présenter un exposé et je serai ravie de répondre à vos éventuels commentaires ou questions. Merci.

Le président: Merci, madame Cansfield. Je vous donnerai un formulaire d'entente verbale.

Mme Cansfield: D'accord.

Le président: Enfin, pour clore cette partie de la séance, voici madame Jantje Dunn, de la Central Alberta Media Services. Madame Dunn.

Mme Jantje Dunn (directrice des opérations, Central Alberta Media Services): Merci. Je suis également très heureuse d'avoir cette possibilité, au nom des centres de ressources régionales et éducatives de l'Alberta, plus spécialement de demander des clarifications sur ce que constitue une exécution ou représentation en public dans la Loi canadienne sur le droit d'auteur. Je sais que le projet de loi n'en fait pas mention, mais nous espérions qu'il aurait pu le faire.

Nous prétendons que la projection dans une salle de classe de copies légitimement achetées ou louées de films sur vidéo ne viole pas l'actuelle Loi canadienne sur le droit d'auteur, car une école n'est pas un lieu public, et le visionnement n'est pas effectué pour faire des bénéfices personnels. Il est insensé de classer les écoles et l'utilisation des vidéos à des fins éducatives dans la même catégorie que les théâtres publics.

L'article 21 de la School Act identifie nettement les écoles comme des propriétés privées. Certains distributeurs - notamment VEC, Visual Education Centre, et ACF, Audio CineFilms Inc. - prétendent que la projection de longs métrages sur vidéo en salle de classe constitue une exécution ou représentation en public et qu'il faut soit louer le long métrage sur vidéo, soit payer un permis d'établissement de prestation publique.

.1940

Pour l'information des membres de votre comité, les frais de location pour VEC se situent entre 250 et 300 $ par impression pour un bail de cinq ans. Passé ce délai, si la vidéocassette est encore utilisable, il faut acheter un nouveau bail de cinq ans pour le même prix. Le prix de détail normal de ces articles, pour lesquels les écoles doivent payer entre 250 et 300 $, se situe entre 20 et 30 $ ou moins, et pour la durée de vie de la vidéocassette.

ACF propose un contrat de 175 $ pour un bail de trois ans. Le prix de détail normal des vidéocassettes disponibles par le biais d'ACF est le même que pour celles qui sont disponibles par le biais de VEC.

Au cours des trois dernières années, le coût moyen pour notre centre des vidéocassettes éducatives courts métrages s'est situé entre 83,44 et 90,73 $. Il y a donc un écart énorme entre la somme que nous payons normalement pour la durée de vie de la cassette d'un produit éducatif sur vidéo et le montant que nous devons payer pour un long métrage. Et dans la plupart des cas, le vidéo éducatif a un rapport plus étroit avec le programme de cours qu'un long métrage.

J'ai parlé des coûts des permis d'établissement de prestation publique. Ensemble, les centres de ressources régionaux et urbains de l'Alberta ont pu négocier le prix, qui est tombé d'un dollar par étudiant à 25c. par étudiant par distributeur, soit un total de 50c. si vous voulez une licence complète couvrant la majorité des producteurs de longs métrages.

Il y a trois ans, nous n'avions à traiter qu'avec un seul distributeur car Visual Education Centre représentait la majorité des producteurs. Maintenant, deux sociétés sont concernées. Nous payions 35c. et nous payons maintenant 50c. par étudiant. Que se passera-t-il si ces licences sont vendues à un plus grand nombre de distributeurs et si nous devons traiter avec plus de deux distributeurs? Nos coûts grimperont.

Le scénario le plus favorable touchant un permis national d'établissement de prestation publique pour les écoles qui veulent les deux licences, pour les élèves de la maternelle à la douzième année - et j'ai estimé qu'il y a 5 672 300 étudiants au Canada - atteindrait 2 836 150 $ par an, exclusion faite des frais d'administration. La moitié de cette somme reviendrait annuellement à chaque distributeur.

Cette estimation se fonde sur le calcul qui est mentionné dans mon annexe. J'ai calculé le nombre d'élèves au Canada d'après le nombre d'élèves en Alberta en fonction de la population; j'ai pris ce pourcentage et je me suis contentée de l'extrapoler à l'échelle nationale. Je ne sais pas si ce chiffre est précis, mais je soupçonne qu'il ne doit pas être trop loin de la vérité.

Nous estimons que la structure actuelle constitue une véritable manne pour les distributeurs. Ces derniers prétendent que 50 à 70 p. 100 des montants qu'ils recueillent sont ensuite reversés aux producteurs sous forme de redevances, mais je crois que les redevances sont déjà inclues dans le coût de la vidéocassette et que ces licences sont des doubles frais pour les écoles.

Tel que mentionné dans notre mémoire, quand les éducateurs lisent un extrait de la Dernière classe, ils ne versent pas un droit à l'éditeur. Pourquoi devraient-ils payer des frais de location représentant jusqu'à 10 fois le prix de détail du film sur vidéo ou payer et administrer chaque année le coût d'un permis d'établissement de prestation publique en plus des frais de location dudit vidéo? Nous estimons que cela ne constitue pas un traitement juste et équitable des 5 millions d'élèves du Canada.

Vient ensuite la question de l'école à domicile. Si les élèvent sont scolarisés à la maison, comme c'est de plus en plus le cas en Alberta - et je ne sais pas si cela est vrai à l'échelle du Canada - il ne fait aucun doute que l'utilisation de longs métrages pour étudier à domicile serait parfaitement légitime. Nous prétendons que cela est parfaitement légitime dans une salle de classe aussi, mais les distributeurs ne sont pas du même avis.

Pour l'information des membres du comité, j'ai annexé une copie des pages 42 à 45 tirées d'une publication intitulée Unfair Use - Intellectual Property Law in Canada. Les passages les plus pertinents sont soulignés pour votre gouverne.

.1945

Tôt ou tard, il faudra clarifier la définition d'une exécution ou représentation en public en rapport avec la salle de classe, car de nombreuses écoles achètent ces licences et versent ces droits. Il n'y a pas vraiment de consensus pour savoir si ces licences sont même nécessaires. M. Spetz prétend qu'elles ne sont pas nécessaires et il n'est pas le seul à le penser.

Je sais que le problème n'a pas été abordé au cours de cette ronde d'amendements, mais j'espère qu'il pourra l'être et que les écoles n'auront pas à continuer d'assumer les frais de ces licences.

Merci beaucoup de votre invitation à présenter un exposé.

Le président: Merci, madame Dunn.

Tel que mentionné précédemment, il y aura un échange ouvert, sans ordre de préséance. Je noterai le nom des personnes qui veulent poser des questions et j'espère que nous pourrons faire un tour de table afin que chacun ait la chance de s'exprimer.

La parole est à qui veut bien commencer. Monsieur Leroux.

[Français]

M. Leroux: L'échange que nous allons avoir ce soir est très important, parce que dans le projet de loi, il y a un élément majeur qui est tout à fait nouveau.

Je vous remercie d'avoir déposé des mémoires et d'avoir expliqué vos positions d'une façon aussi claire et nette.

Vous avez dans vos propres constituantes beaucoup d'auteurs, d'écrivains et de créateurs. Pendant plus de cinq ans, j'ai enseigné moi-même à l'université et, parmi mes amis, il y a des auteurs, des créateurs qui enseignent dans les cégeps, dans les collèges, etc. Je dois vous dire qu'ils ne sont pas contents de ce projet de loi.

Les ayants droit du côté des créateurs parlent des nombreuses exceptions que prévoit le projet de loi. Ils sentent que leurs propres droits sont expropriés. Ils sentent qu'on leur envoie le message qu'on ne peut discuter des exceptions. On nous exproprie et on insère dans le projet de loi 13 pages qui traitent des droits que les auteurs n'ont pas. Ils préfèrent donc qu'on revienne à l'ancienne loi, qui comportait, non pas 13 pages, mais une page d'exceptions spécifiques.

Quant à l'évolution du droit d'auteur depuis 1925, une première révision a été faite en 1988, une deuxième en 1996 et il y en aura une troisième en 2001. L'histoire de la gestion du droit d'auteur est donc très courte. Cela fait à peine quelques années qu'ils ont réussi à mettre sur pied des collectifs de droit d'auteur, à entreprendre des négociation et à établir des ententes avec des collèges. Notamment, on sait qu'il y a une série d'ententes. Dans vos trois provinces, il y a des ententes entre CANCOPY et les ministères de l'Éducation.

Ils trouvent que le projet de loi vient leur couper les jambes et ne reconnaît pas leur qualité d'ayants droit et leur capacité de négocier, de se rencontrer entre personnes qui ont des droits et des responsabilités.

Vous parlez d'un équilibre juste et raisonnable. Ils trouvent que le projet de loi ne propose pas cet équilibre juste et raisonnable, parce qu'il envoie aussi un message aux secteurs extrêmement névralgiques que sont l'éducation, les bibliothèques, etc.

Il y a donc une possibilité qu'on ne puisse pas négocier les droits d'auteur parce qu'il y a des exceptions. Cela déresponsabilise le rapport entre les institutions et les ayants droits.

.1950

J'aimerais savoir comment vous comprenez leur position. Quelle importance accordez-vous au message d'exceptions qui est lancé par le projet de loi et qui pourrait s'avérer un message négatif de déresponsabilisation, selon eux?

Vous avez déjà des ententes avec eux. Comment cela fonctionne-t-il? Êtes-vous vraiment déçus? Qu'est-ce qui est difficile? Arriver à une entente ou payer?

Je reviendrai à d'autres aspects, mais j'aimerais d'abord élucider cette question de l'équilibre entre l'ayant droit et l'usager. Je pense que tout le monde comprend bien cela, mais comment pourrait-on faire pour chasser la mauvaise humeur qui s'est installée chez les auteurs?

M. Weiner: Je vais essayer de répondre en partie à votre question et mes collègues pourront compléter.

Je pense que les gens qui abordent les questions de cette façon-là essaient de réécrire l'histoire. J'ai déjà cité la lettre de 1987 de Mme Betkowski. Je pense qu'elle disait tout. Mme Betkowski,

[Traduction]

lorsqu'elle a dit que le projet de loi C-60 n'abordait pas les préoccupations des utilisateurs, a écrit:

[Français]

Si on examine l'histoire comme il le faut, on verra que le projet de loi C-60 devait inclure des exceptions pour fins d'éducation, etc. Cela n'a pas été fait.

Donc, on peut dire que dans le rapport de force qui existait pour les négociations tenues entre 1988 et aujourd'hui, la force n'était pas de notre côté, si vous voulez.

On doit comprendre que l'intention, non seulement du gouvernement actuel, mais des gouvernements antérieurs, était d'en arriver à un équilibre équitable entre les droits des créateurs et ceux des usagers. C'est comme cela qu'on explique les choses à nos gens, les créateurs. Ils acceptent cela.

M. Leroux: Vous êtes en train de me dire que les collectifs de gestion sont de grosses machines qui détiennent le monopole, qu'ils nous ont entre les mains. C'est ce que vous êtes en train de me dire.

M. Weiner: Écoutez, je ne veux pas exagérer...

M. Leroux: Mais c'est de cette façon que vous le mettez dans vos textes.

M. Weiner: Certaines choses ne se sont pas réglées de façon satisfaisante et, selon moi, certaines choses qui ne devaient pas l'être ont été incluses. Si le gouvernement avait légiféré comme il aurait dû le faire à l'époque, elles n'auraient jamais été incluses dans ces ententes.

Le président: Merci de votre commentaire.

[Traduction]

Quelqu'un veut-il émettre d'autres commentaires à ce sujet?

Madame Brown.

Mme Brown: J'aimerais répondre à deux ou trois points qui ont été soulevés car il me semble vous avoir entendus mentionner que, dans la province de Québec, la collectivité des créateurs universitaires pense différemment. Nous représentons toutes les universités, y compris celles du Québec, et je dois avouer que nos membres du Québec sont plutôt plus préoccupés par l'exception touchant l'utilisation équitable, plus agissants pour préserver dans la loi les exceptions touchant l'utilisation équitable et les exceptions au profit des établissements d'enseignement et des bibliothèques et ils se sont déclarés ouvertement en faveur de ce projet de loi. La licence de l'UNEQ, qui a été négociée par l'intermédiaire du gouvernement québécois pour les universités situées au Québec, exclut toute copie simple, tandis que la licence de la CANCOPY, négociée dans le reste du pays, laisse supposer que certaines copies uniques, utilisées à des fins administratives, pourraient ne pas constituer une utilisation équitable.

Mon impression est donc assez différente de celle que vous avancez. Sans être simpliste, il importe de faire un commentaire. Des préoccupations ont été exprimées à propos du nombre de pages que couvrent les exceptions dans le projet de loi mais, comme l'ont mentionné tous les rédacteurs du ministère de la Justice, les droits des créateurs sont libellés dans un langage très expansif; les exceptions sont libellées dans un langage très restrictif et c'est ce côté restrictif qui donne les 13 pages, pas le fond des exceptions, et il me semble important de le souligner.

.1955

[Français]

M. Killeen: Monsieur Leroux, je ne suis pas en mesure de porter un jugement sur la réaction de la communauté créatrice du Québec en ce qui a trait au projet de loi, mais j'ai pu en discuter avec mes collègues des cégeps et à la Fédération des cégeps. Leur sentiment est qu'au moment où on s'assoit pour négocier les ententes collectives, ils se sentent dépourvus de pouvoir. Ils ont un manque de pouvoir, pas total, mais la balance penche maintenant en faveur de la communauté créatrice, qui a des collectifs et un grand pouvoir.

La majorité de nos membres n'ont pas la force d'une grande université comme l'Université de Toronto ou de l'Université Queen's, où j'ai fait mes études. On n'a pas le pouvoir ou les muscles qu'ont nos collègues des universités pour s'asseoir en tant qu'égaux à la table de négociations.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires de la part des invités?

[Traduction]

Monsieur Andrews.

M. Andrews: Je suis surpris d'entendre M. Leroux déclarer que les membres du milieu universitaire qu'il connaît sont opposés aux exceptions touchant l'utilisation équitable qui figurent dans le projet de loi. Nous parlons de copies uniques d'articles de revues, créées dans le simple but de partager et de communiquer la connaissance, et je dirais que c'est généralement vrai dans la profession universitaire - je suis persuadé qu'il y a des exceptions - que leur principale préoccupation est la communication de cette connaissance et de cette information. Ce qu'ils veulent, à la fois dans l'intérêt de leur réputation et dans l'intérêt impartial de promouvoir l'avancement de la connaissance, c'est voir cette connaissance communiquée aux gens qui sont intéressés à la recevoir.

En dehors de cette salle, j'ai entendu des commentaires sur ce projet de loi qui laissent entendre que, par exemple, la photocopie nuit énormément aux droits des auteurs et des créateurs. J'estime qu'il y a un argument à l'effet contraire. La réputation et la connaissance des travaux des créateurs sont répandues par les nombreuses photocopies qui en sont faites.

La plupart de mes collègues préféreraient acheter l'ouvrage ou l'article dans la revue elle-même au lieu d'en obtenir une photocopie. L'obtention de photocopies survient dans les cas où il n'est ni commode, ni facile de se les procurer. En règle générale, les gens ne font pas des photocopies de matériel qu'ils ont l'intention d'utiliser dans leurs activités de recherche. Ils préféreraient avoir le matériel en leur possession.

Je ne suis donc pas certain que tout cet argument, laissant entendre qu'il faut obtenir une permission pour faire des copies uniques et restreindre la reprographie des documents en vertu des dispositions de ce projet de loi, qui est plus restrictif que dans des pays voisins, avec lesquels le Canada se compare, est vraiment préjudiciable pour les intérêts des créateurs. À mon avis, on aurait pu prétendre que cela favorise en fait les intérêts des créateurs en élargissant leur réputation et en répandant la connaissance. Je soupçonne que les membres créateurs du milieu universitaire sont eux-mêmes des utilisateurs de matériel protégé par un droit d'auteur et qu'ils accueilleront favorablement les exceptions prévues dans le projet de loi qui leur permettront d'utiliser du matériel protégé par un droit d'auteur de la façon prévue par la loi.

[Français]

M. Leroux: Continue-t-on?

Le président: Je vais passer à M. Abbott.

[Traduction]

M. Abbott: Permettez-moi de commencer par ma prémisse, à l'effet qu'il existe des droits de propriété et que nous devons comprendre de façon pragmatique comment ces droits de propriété s'équilibrent par rapport aux usages dont nous parlons ici. C'est donc le fondement de ma question.

J'ai été particulièrement intéressé par les points soulevés par Mme Dunn à propos de l'audio-visuel. Si j'ai bien compris votre exposé de ce soir, vous prétendez qu'il y aura des doubles frais ou une double facturation pour les établissements d'enseignement. Où vouliez-vous en venir?

.2000

Mme Dunn: Je pense que c'est le cas actuellement car le droit d'auteur ne définit pas clairement ce qui constitue une exécution ou représentation en public et parce que certaines personnes pensent qu'une école n'est pas un lieu public et que ce qui se passe dans une salle de classe ne peut en aucune façon être interprété comme une exécution ou représentation en public. Par conséquent, les distributeurs qui ont acquis les droits pour la représentation publique de longs métrages ne devraient pas forcer les écoles à croire qu'elles doivent acheter ces licences.

Nous estimons que la salle de classe n'est pas une exécution ou représentation en public et que la projection ne se fait pas dans un but lucratif, et d'après le libellé actuel de la loi sur le droit d'auteur, nous estimons que c'est ce qui doit se produire avant de devoir acheter ces licences. Il faut qu'il y ait une exécution ou représentation en public et qu'elle soit faite dans un but lucratif, et aucune de ces deux conditions ne s'applique dans une salle de classe. Alors pourquoi les écoles devraient-elles même devoir acheter ces licences?

M. Abbott: Permettez-moi de me faire pendant un instant l'avocat du diable. J'ai vraiment apprécié la remarque de Mme Brown qui justifie le nombre de pages touchant les exceptions par le fait qu'elles sont très restrictives et très bien définies. Cette remarque a vraiment été utile ce soir. J'ai apprécié ce commentaire.

Parlons - nous d'y ajouter encore quelques pages ou bien -

Mme Dunn: Pas du tout. Je ne le vois pas de cette façon car nous ne demandons pas de reproduire du matériel et de l'utiliser dans les salles de classe. Nous demandons de préciser clairement qu'une salle de classe n'est pas une exécution ou représentation en public et qu'un permis d'établissement de prestation publique n'est donc pas nécessaire. Nous voulons pouvoir acheter des copies légitimes ou les louer d'un magasin vidéo. Il me semble que le coût de ces copies devrait inclure une redevance. Les producteurs seraient dédommagés pour leur travail artistique. Nous ne suggérons pas que les écoles devraient faire des copies de ce matériel et les utiliser dans une salle de classe, mais devraient acheter des copies, les utiliser dans une salle de classe et ne pas avoir à les louer ou à les acheter au départ.

M. Abbott: C'est encore une sorte d'exception, n'est-ce pas?

Mme Dunn: Je ne le vois pas de cette façon. C'est une définition.

M. Abbott: Très bien. Aidez-moi à comprendre le raisonnement qu'a très bien présenté un témoin précédent en disant que les contribuables paient pour les bureaux, pour les salaires des enseignants et pour les écoles, etc., alors pourquoi ne devraient-ils pas être tout aussi responsables de payer pour les oeuvres qui sont utilisées par ces enseignants sur ces bureaux ou dans ces salles de classe? Je ne fais que vous lancez cette idée générale.

Mme Dunn: Je ne dis pas que ce ne devrait pas être le cas. Tel que mentionné dans mon exposé, au cours des trois dernières années notre centre a payé en moyenne entre 80 et 90 $ pour un programme éducatif et nous ne nous opposons pas à ces coûts. Nous nous rendons bien compte que si nous voulons de bonnes ressources, nous devons en payer le prix. Notre budget des achats se situe aux environs de 180 000 $. Mais nous nous objectons à devoir louer ces ressources au lieu de pouvoir les acheter, ou bien que notre école soit obligée d'acheter un permis d'établissement afin de pouvoir utiliser des copies d'un magasin de location de vidéocassettes pour la maison.

Le président: Monsieur Andrews, si vous voulez patienter encore un peu, Mme Phinney souhaite poser une question. Mais avant de lui donner la parole, sur ce sujet particulier, lorsque vous parlez de 250 à 300 $ pour cinq ans, pour un bail ou un AFC-175, qui coûte 50 à 60 $ par an, voulez-vous dire par école, par conseil scolaire ou - ?

Mme Dunn: Par impression. Lorsque notre centre achète des ressources, nous nous en procurons au départ cinq exemplaires s'il s'agit d'une ressource pour le primaire ou l'élémentaire supérieur, trois exemplaires à des fins de circulation si c'est une ressource pour le secondaire junior ou senior et nous achetons des exemplaires supplémentaires en fonction de la distribution. Dans certains cas, comme par exemple pour les articles saisonniers, nous avons jusqu'à 100 exemplaires d'un produit. Dans le cas d'un long métrage populaire, à de tels prix nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un nombre suffisant d'exemplaires à des fins de circulation. Nous avons donc un nombre très limité de titres et ces titres nous coûtent très cher, environ trois fois plus que tout autre vidéo ou long métrage éducatif.

.2005

Le président: Vous parlez donc de 50 à 60 $ par an par vidéo?

Mme Dunn: Non, nous devons payer au départ les 175 $ par vidéo. Nous ne pouvons pas les payer par versements échelonnés sur trois ans. Nous devons payer ce montant lorsque nous achetons le produit et ensuite nous pouvons l'utiliser pendant trois ans, et lorsque la période de trois ans est écoulée, nous devons à nouveau payer 175 $.

Le président: Je comprends.

Mme Dunn: Et pour chaque autre vidéo éducatif. Comme je l'ai mentionné, le prix des vidéocassettes éducatives varie d'un minimum de 21 $, si vous avez une entente avec l'Office national du film, à un maximum de 900 $.

Le président: Disons que vous louez un film, un vidéo, que vous avez versé vos 175 $ et que vous êtes autorisé à l'utiliser pendant trois ans. Pouvez-vous le projeter partout dans la province ou uniquement dans une région en particulier?

Mme Dunn: Nous ne pouvons le faire circuler qu'à nos seuls membres. Nous ne pouvons pas le faire circuler en dehors de nos membres.

Le président: Madame Phinney.

Mme Phinney: Je pense que c'est Mme Brown de l'Association des universités et collèges du Canada qui a soulevé la question des déficiences perceptuelles.

Est-ce dans votre rapport?

Mme Brown: Oui.

Mme Phinney: Vous avez fait remarquer, à bon escient, que le projet de loi aborde la déficience visuelle mais pas auditive, et vous avez contesté ce fait en déclarant qu'il faudrait le modifier. Pouvez-vous développer un peu plus la question et nous parler de votre expérience à ce sujet? Pouvez-vous nous dire pourquoi il faudrait modifier ce point?

Mme Brown: Je suis désolée, j'entendais la version française dans mes écouteurs pendant que vous posiez la question. Pouvez-vous simplement...?

Mme Phinney: Vous avez mentionné, à bon escient, que les déficiences perceptuelles sont abordées. Nous parlons des déficiences visuelles mais pas des déficiences auditives. Vous avez proposé de modifier cela pour parler de déficiences perceptuelles, qu'il faudrait changer le texte pour y inclure tout, pas seulement les déficiences visuelles.

Mme Brown: C'est exact.

Mme Phinney: Pouvez-vous nous expliquer la raison de votre intervention?

Mme Brown: Nos membres et bon nombre de nos professeurs estiment qu'il y a un nombre croissant de personnes ayant des déficiences perceptuelles dans nos universités, et pourquoi une exception profiterait-elle à une déficience perceptuelle en particulier par rapport à d'autres qui sont tout aussi débilitantes dans un milieu éducatif? J'estime qu'il existe un principe général à propos des déficiences perceptuelles qui s'appliquerait indépendamment de la déficience perceptuelle, en autant qu'elle entrave l'aptitude de cette personne à fonctionner dans un milieu éducatif. Il convient donc simplement de savoir pourquoi il y aurait une restriction. Cela n'était pas très judicieux de notre part de restreindre la situation à un seul type de déficience perceptuelle.

Mme Phinney: Pourquoi l'avez-vous limité à deux? Avez-vous une expérience personnelle à cet égard? Nous voudrions rendre le projet de loi aussi complet et aussi -

M. Andrews: Non, la réponse réside probablement dans le fait que Sally et moi-même avons assisté à la même conférence, peu après le dépôt du projet de loi, au cours de laquelle cette question a été soulevée par des personnes présentes. Nous nous sommes alors rendu compte tous les deux que cela s'applique de façon assez spécifique, dans le contexte d'apprentissage des universités et des collèges, aux déficiences perceptuelles autres que les déficiences auditives qu'il fallait aborder. C'est de là que vient la remarque. Si vous nous demandez qui nous a donné l'idée, cela a été présenté comme une lacune dans le projet de loi.

Dans notre mémoire, nous soulignons que le Conseil canadien des personnes handicapées vous a fait des recommandations et nous y sommes essentiellement favorables car nous pensons que cela tiendra compte des besoins existants en milieu d'apprentissage.

Mme Phinney: Dans votre mémoire, vous demandez que le projet de loi soit modifié pour exclure le milieu éducatif de l'application des sanctions criminelles. Pouvez-vous nous citer des exemples dans lesquels le système de justice pénale a été invoqué dans le milieu éducatif?

Mme Brown: Cela n'a pas été le cas, et je pense que l'une des difficultés et l'une des raisons qui nous ont poussés à parler de cette question dans notre mémoire provient du fait que nous franchissons à l'heure actuelle une étape dans les établissements d'enseignement et ailleurs où nous essayons de nous conformer à la loi sur le droit d'auteur, et les sanctions criminelles présentent l'ensemble de la loi dans un cadre très différent. Vous n'êtes pas un criminel si vous photocopiez par erreur quelque chose qui est faux. La sanction nous semble tout à fait inappropriée pour le niveau d'infraction et il existe d'autres sanctions appropriées pour une telle violation. Celle-ci n'est pas appropriée et ne devrait pas s'appliquer.

.2010

Mme Phinney: Quelles autres sanctions sont appropriées?

Mme Brown: Il y a des sanctions non pénales Il y a des amendes. Un certain nombre de ces sanctions sont mentionnées dans le projet de loi à propos de... Il y a un enjeu et il y a un débat dans le milieu éducatif pour savoir si les dommages-intérêts préétablis devraient s'appliquer uniquement si vous fonctionnez dans un régime de licences, ou s'ils devraient s'appliquer même si vous ne fonctionnez pas dans un régime de licences. C'est un débat permanent et c'est un enjeu sur lequel nous ne sommes pas tous d'accord autour de la table.

Pour ce qui est des sanctions non criminelles, elles sont nombreuses et elles ont trait à des amendes et à d'autres types de sanctions. Nous estimons qu'elles sont appropriées pour la nature du crime, telles qu'elles sont.

M. Andrews: J'aimerais faire un commentaire à propos des sanctions criminelles. Je viens de Halifax, pas d'Ottawa, mais je crois savoir qu'il y a eu une poursuite criminelle ici à Ottawa, tout près de l'Université d'Ottawa.

Mme Phinney: Que voulez-vous dire par «tout près de»? Est-ce que cela avait affaire avec l'université?

M. Andrews: Oui. C'est ce que je crois savoir et cela figure dans le mémoire que nous avons présenté au comité, que des professeurs de l'Université d'Ottawa ont presque été traînés devant les tribunaux comme des criminels dans ce dossier particulier.

Nous n'affirmons pas, dans notre mémoire, qu'il ne devrait pas y avoir de sanctions criminelles, et nous ne disons pas non plus que des personnes, même des professeurs, qui vivent dans notre société et qui peuvent violer le droit d'auteur avec l'intention d'en tirer un gain commercial ou d'en faire une autre activité frauduleuse devraient alors être exemptes de poursuites. Mais ce que nous prétendons, c'est qu'il doit y avoir une intention criminelle claire pour justifier des poursuites criminelles et des sanctions criminelles. Les dommages causés à la réputation des personnes, par suite de poursuites criminelles erronées, posent un problème grave pour nous.

Si des crimes sont commis et qu'on peut le prouver, nous ne disons pas que les personnes devraient alors être à l'abri de sanctions légales normales parce que ce sont des professeurs. Ce n'est évidemment pas notre propos. Ce que nous affirmons, c'est que les activités des professeurs devraient être convenablement reconnues pour ce qu'elles sont.

[Français]

M. Leroux: Vous avez raison par rapport à cela. C'est un point bien important. Mais on insère dans le projet de loi une notion de no fault. Quand quelqu'un se fait prendre à violer le droit d'auteur, la loi prévoit qu'il a simplement à dire qu'il ne savait pas qu'il contournait le droit d'auteur, et ça marche parce que c'est dans le projet de loi.

Il faut atteindre un équilibre. Je comprends très bien la position que vous exposez, mais il faut un équilibre. J'essaie de voir un peu toute l'évolution de cela. Elle est récente.

Entre 1925 et 1988, la bataille a été très longue avant que les auteurs puissent se faire reconnaître, avant qu'il y ait des mécanismes de perception. Reconnaissez-vous que la bataille a été très longue?

Je voudrais revenir sur les mécanismes que l'on a par rapport aux collectifs de gestion et à la Commission du droit d'auteur. Je voudrais vérifier cela avec vous en ce qui a trait au rapport de force que vous décrivez comme étant complètement déséquilibré.

Croyez-vous que, dans les cas où vous identifiez vraiment un rapport de force déséquilibré, la Commission du droit d'auteur pourrait intervenir pour régulariser certaines situations?

Les outils qui sont en place ne sont-ils pas suffisants pour développer des rapports corrects et civilisés entre les ayants droits et les institutions, les utilisateurs?

.2015

Les outils actuellement en place ne sont-ils pas suffisants pour atteindre l'objectif d'un équilibre juste et raisonnable? On ne peut faire autrement que de créer des exceptions, parce que les mécanismes en place ne sont pas suffisants.

Croyez-vous que la Commission peut jouer un rôle par rapport au déséquilibre que vous craignez?

M. Killeen: Pour mes collèges communautaires et des cégeps, la Commission du droit d'auteur est une quantité qu'ils ne connaissent pas. On n'avait aucune idée de la façon de se présenter devant un tel tribunal ni de ce que cela pourrait coûter. Notre association compte 175 membres. Tous ces membres doivent-ils payer des frais d'avocat pour faire trancher des questions de nature politique qui, selon nous, doivent être décidées par ce comité?

M. Leroux: Quelqu'un peut-il compléter la réponse? Vous connaissez la Commission du droit d'auteur. Ce que monsieur soulève là, en termes de coûts de représentation, est réel et fondé. Cela va représenter des frais d'avocat, des dépenses, etc.

M. Killeen: C'est nouveau pour nous.

M. Leroux: C'est nouveau. Vous connaissez le fonctionnement de la Commission du droit d'auteur?

M. Killeen: J'ai une certaine connaissance juridique.

M. Leroux: Vos mémoires sont quand même très clairs et très nets, et je veux savoir si les outils qu'on a actuellement sont suffisants pour régler des situations.

[Traduction]

M. Andrews: Je pense que toutes les personnes assises à cette table attendaient que la phase deux de la loi sur le droit d'auteur rétablisse un certain équilibre au niveau des réalisations de la phase un. C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné dans mon exposé au comité ce soir que je voulais préciser que la phase un avait pour but de tenir compte des créateurs du droit d'auteur et c'est ce qu'elle a fait en réalité.

L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université a appuyé pour cette raison la phase un de la réforme de la loi sur le droit d'auteur. Mais il était bien compris et convenu à cette époque - en fait c'était une condition de notre appui à la phase un de la réforme législative - qu'il était nécessaire de procéder à la phase deux, qui tiendrait compte des besoins des usagers du droit d'auteur.

En particulier, et pour être plus précis, nous avions mentionné à l'époque - et c'était bien avant les changements dans les communications mentionnés par des personnes présentes ici ce soir - que l'exemption pour les copies uniques d'articles de recherche à des fins d'études privées et de recherche constituait un élément essentiel de la phase deux de la loi sur le droit d'auteur.

Il est tout à fait erroné de suggérer maintenant que nous avons des méthodes en place ou d'autres mécanismes qui tiendront compte d'une certaine façon de la situation, si bien que nous n'avons plus besoin de ces exceptions. Nous en avons besoin et nous continuerons d'en avoir besoin même avec les sociétés de gestion des droits d'auteur. Ces dernières ne garantissent pas aux chercheurs qu'ils peuvent en fait obtenir les connaissances et les renseignements dont ils ont besoin pour effectuer leur travail dans des délais raisonnables et opportuns.

[Français]

M. Leroux: Monsieur Killeen, dans le processus, des licences sont accordées par la société de gestion et ces licences prévoient certaines exceptions.

Vous ne m'avez pas convaincu que ces outils-là étaient utilisés à fond, qu'on était capable d'aller plus loin que ces outils-là nous le permettent. On est en train d'en faire l'expérience. Vous avez des ententes qui comportent des exceptions. Il y a la Commission, mais vous ne me faites pas la preuve qu'on a bien utilisé ou qu'on va bien utiliser ces outils-là.

Cela me fait penser aux radiodiffuseurs qui, avec tous les échanges avec le gouvernement, s'attendaient à ce que la copie éphémère soit exemptée. Ils ne l'ont pas, cette exemption. Ils sont bien déçus. Leur lobbying n'a pas marché.

Vous dites, d'une façon plus précise, que vos discussions étaient menées de bonne foi et que ces exceptions-là devaient être incluses. Enfin, vous parlez de discussions et d'engagement au processus de révision.

[Traduction]

Le président: Madame Brown.

Mme Brown: J'aimerais répondre sur ce point.

Les universités disposent d'une licence de reprographie avec CANCOPY et ce système fonctionne dans une certaine mesure. Nous avons négocié une licence de deux ans avec CANCOPY pour toutes les universités situées à l'extérieur du Québec, car ces dernières ont négocié séparément avec l'UNEQ. Nous avons dû être d'accord d'être en désaccord avec la définition d'une utilisation équitable. Essentiellement, nous avons dit: nous pensons qu'une utilisation équitable est A, vous pensez que c'est B, alors nous acceptons que vous nous versiez 2,50 $ par étudiant et nous ne préciserons pas ce que cela couvre. Cela a fonctionné pendant deux ans. Nous avions espéré que la législation nous fournirait des lignes directrices concernant l'utilisation équitable afin de pouvoir dire au moment de la renégociation: nous avons maintenant une définition plus claire et nous pouvons en arriver à une nouvelle entente.

.2020

Pour le moment, nous n'avons pas réussi à renégocier l'entente. Deux ingrédients sont nécessaires. Nous faisons des représentations devant la Commission du droit d'auteur. Nous appuyons les modifications contenues dans le projet de loi en vue d'améliorer l'efficacité de la Commission du droit d'auteur; c'est un processus légitime en cas de désaccord sur les tarifs. Nous avons failli ne pas nous entendre sur l'autre volet de la licence car, en raison de ces tergiversations, la société de gestion est revenue à la charge en disant: nous pensons que les prêts entre bibliothèques ne constituent pas une utilisation équitable et nous allons donc vous facturer 24c. par copie pour un prêt entre bibliothèques. Nous avons rétorqué: non, non et non, nous pensons que c'est une utilisation équitable. À mon avis, c'est uniquement parce que le projet de loi mentionne une exception pour les prêts entre bibliothèques que la société de gestion a alors déclaré qu'elle reviendrait à sa position antérieure.

Sans cet éclaircissement inséré dans la loi, les sociétés de gestion ne fonctionneront pas. Les licences de sociétés de gestion ne peuvent exister dans un vide. Il n'existe pas de régime réglementé d'une façon quelconque dans lequel il n'y a pas d'objectif de politique publique pour apporter certains éclaircissements. C'est tout ce que nous demandons. Nous sommes tout à fait disposés à signer des ententes de licence. Le projet de loi facilitera leur signature au lieu de la compliquer.

Puis-je ajouter simplement, madame Phinney, car je pense vous avoir induite en erreur, qu'à propos de l'affaire mentionnée par mon collègue, que vous avez reprise, il y a eu un cas. La poursuite a en réalité été intentée contre une entreprise privée de photocopie qui se trouvait par hasard près de l'Université d'Ottawa. Et il est intéressant de savoir qu'au départ un certain nombre de professeurs de l'Université d'Ottawa étaient cités comme témoins.

Le président: Madame Brown, je dois vous préciser qu'ils viendront témoigner devant nous, si bien que toute cette question sera -

Mme Brown: Oui, je m'en rends compte. Puis-je cependant ajouter qu'en fin de compte les professeurs n'ont pas été cités comme témoins, car je pense que même la poursuite était peu encline à le faire et tout le monde pensait que des sanctions criminelles n'étaient pas vraiment appropriées pour les professeurs. La poursuite concernait une entreprise privée de photocopie et c'est la raison pour laquelle je n'ai pas dit qu'il s'agissait d'un dossier universitaire.

Le président: La parole est à Mme Cansfield et ensuite je passerai à M. Bélanger, qui a été très patient.

[Français]

M. Weiner: Je pense que Mme Brown a fourni de bons exemples de la situation actuelle.

Si, par exemple, l'histoire avait été écrite comme elle aurait dû l'être à l'époque, en 1988, avec les exceptions qui auraient dû être incluses dans la loi - l'intention était d'inclure ces exceptions dans la loi - , je pense que nous serions dans une meilleure situation actuellement.

Par exemple, dans notre secteur, dans chaque province et dans chaque commission scolaire, il n'y a pas d'ententes, même actuellement. Les ententes sont différentes d'une province à l'autre.

On doit regarder à l'extérieur des frontières de notre pays. Dans les lois des États-Unis et de l'Australie, il y a une base qui a créé, selon moi, un meilleur équilibre entre les droits des créateurs et ceux des usagers. Donc, on doit regarder ailleurs.

Dans la loi, on a établi une base équitable pour tout le monde. D'après cette base, on pourra entamer des négociations d'une façon qui sera plus satisfaisante. Ce serait une démarche beaucoup plus appropriée, selon moi, que celle qui existe actuellement.

M. Leroux: Parlez-vous de la clarté de la définition ou du coût établi?

M. Weiner: Je parle de la clarté. Comme ancien négociateur je sais que dans une négociation, si on se met d'accord sur les faits et qu'on commence avec la même connaissance des faits, c'est beaucoup plus facile.

.2025

M. Leroux: Dans l'exemple que vous donniez par rapport à l'Australie, vous avez bien dit que c'était 2,50 $ par étudiant? Vous parliez tantôt du coût qui a été établi, après négociation, pour un étudiant. Au Québec, c'est 88 cents, alors qu'en Australie, c'est 11 $ par étudiant. Quelle est la raison? Est-ce que les négociations se sont mal passées?

M. Weiner: Je parle de clarifier le terme fair dealing et de distinguer les choses qui sont couvertes des choses qui ne sont pas couvertes.

M. Leroux: Mais on dit que dans les pays où il y a moins de...

M. Weiner: Je ne parle pas de prix, parce que cela est négocié, mais on commence avec les mêmes règles, la même connaissance et la même interprétation de ce que cela veut dire.

[Traduction]

Le président: Madame Cansfield.

Mme Cansfield: Merci.

Je tiens à vous répéter que mon expérience au niveau national est évidemment limitée mais que j'ai acquis une certaine expérience au niveau ontarien avec la négociation concernant CANCOPY. Dire qu'elle a traîné en longueur est une expression pour le moins minimaliste. Sans aucun doute, ce fut probablement la situation la plus exaspérante. Ceci est arrivé en partie à cause du fait qu'il n'y avait pas de règles du jeu équitables en termes de lignes directrices ou de critères, ou de niveau raisonnable pour amorcer les négociations.

Toute l'idée sous-jacente à des négociations consiste en fin de compte à les mener à bien et je peux vous assurer que nous avions terminé. Nous en étions à la phase suivante des deux années ultérieures alors que l'encre n'était pas encore sèche, parce qu'ils savaient combien de temps cela allait prendre. Les avocats, les intervenants, et le coût a été absolument phénoménal. L'autre élément qui est devenu très difficile était le volet élaboration des politiques, en raison du manque de confiance qui régnait. Cela est dû à l'absence de lignes directrices qui auraient dû être en vigueur.

Je crois que c'est raisonnable. Nous avons tous négocié dans nos provinces - et je me servirai des enseignants comme exemple. Dans ma province, nous avons négocié dans le cadre de ce que l'on appelle le projet de loi 100. Cela nous donne au moins une base de démarrage de nos négociations. Il ne me semble pas déraisonnable d'exiger cela d'un gouvernement. Après tout, cela fait partie des fonctions de gouverner: il s'agit d'aider les personnes qui se trouvent à d'autres paliers administratifs à en arriver à certaines des conclusions qui s'imposent, et la négociation en fait partie.

Pour moi en tant que personne, beaucoup moins en tant que contribuable, il est capital de bien utiliser les dollars. Mais il appert que je suis également mère de deux enfants, un dans le système universitaire et un dans le système scolaire, et une bonne éducation est d'une importance absolument capitale. Et je répète qu'il est raisonnable de demander à tous les paliers de gouvernement de se rencontrer pour aboutir à une sorte de processus rapide dans lequel toute la négociation pourrait se dérouler.

[Français]

M. Leroux: C'est important quand on parle des coûts.

Le président: Non, monsieur. Je pense qu'il faut donner une chance à tout le monde.

Monsieur Bélanger.

M. Bélanger: Si vous voulez le laisser continuer, allez-y.

Le président: Alors, allez-y, monsieur Leroux.

M. Leroux: Les coûts, c'est important. Vous avez mentionné, quand on parlait de récompenses généreuses, des rémunérations généreuses et je pense que ces coûts sont importants. Mais, d'après Statistique Canada, le Canada est l'un des pays au monde où ces coûts de rémunération sont les plus bas. On est l'un des pays ayant les coûts de rémunération les plus bas.

C'était le commentaire que je voulais faire, et je remercie M. Bélanger de m'avoir laissé la parole.

[Traduction]

Le président: Un instant. Je vous donnerai la chance de faire des commentaires si vous avez les faits, ensuite ce sera terminé et je passerai à M. Bélanger. Nous ne voulons pas entamer ici un long débat.

Mme Brown: L'une des raisons pour lesquelles les coûts sont si différents dans les divers secteurs de compétence réside dans la structure totalement différente des ententes de licence. En Australie, pays qui a le système de licences le plus comparable, le coût par page est de 2,2c. Nous avons entamé nos négociations à 3,5c. la page; nous ne sommes donc pas les moins chers. Et il faut se rappeler que les États-Unis ne disposent même pas d'un système qui exige une grande partie de ce que nous versons aux sociétés de gestion, si bien qu'il est presque impossible de comparer les coûts.

[Français]

Le président: Monsieur Bélanger.

[Traduction]

M. Bélanger: Ma première question s'adresse à Mme Brown et à M. Andrews. Je veux simplement savoir, en règle générale, comment vos organismes considèrent la Commission du droit d'auteur. Favorablement? Défavorablement? Lui faites-vous confiance? Ne lui faites-vous pas confiance?

M. Andrews: Je vais répondre très rapidement pendant que Sally prépare sa réponse.

En autant que je sache, nous n'avons eu aucune expérience avec la Commission du droit d'auteur, si bien que je n'ai aucune base pour vous donner une réponse honnête à votre question - et je ne voudrais assurément pas vous donner une réponse malhonnête.

.2030

Mme Brown: Je dois dire que nous avons également très peu d'expérience à ce sujet. Je dirais qu'elle est neutre. La Commission du droit d'auteur ne s'est pas impliquée dans autre chose que les licences de SOCAN. Elle ne s'est pas lancée dans le domaine de la reprographie, qui est celui qui nous préoccupe le plus.

Je dirais que, dans la majorité des cas de représentation musicale dans le domaine où fonctionne la Commission du droit d'auteur - et par le biais des licences de SOCAN - je crois savoir, et c'est l'opinion de nos membres, que la Commission est bien considérée. C'est un système qui fonctionne.

Mais comme je l'ai déjà mentionné, nous sommes en train de préparer un mémoire destiné à la Commission du droit d'auteur, si bien que nous le saurons dans six mois.

M. Bélanger: La raison pour laquelle j'ai soulevé le point, c'est parce que, dans le mémoire de l'ACPPU, l'une des recommandations - je pense que c'est la dernière - vise à établir un ensemble de critères, dans la loi ou dans le règlement, pour guider la Commission dans ses délibérations. Presque tous les témoins qui se sont présentés devant nous jusqu'à présent ont recommandé le contraire. Le projet de loi mentionne en deux ou trois occasions que la Commission du droit d'auteur devrait prendre cela en considération, mais ces autres témoins ont dit de laisser la Commission du droit d'auteur faire son travail. Je me demande donc d'où cela provient.

C'est à la page 25.

M. Andrews: Oui, je sais où cela se trouve.

Nous étions d'avis que quelqu'un devait le faire. Nous avons pensé qu'il était souhaitable d'établir ces critères.

M. Bélanger: S'ils n'existaient pas, vous devriez vous fier à la Commission pour les utiliser au moment de défendre vos dossiers et ainsi de suite.

M. Andrews: Oui.

M. Bélanger: Bon, d'accord.

Passons à la deuxième question. Je ne me souviens pas qui, mais quelqu'un a suggéré qu'il y ait...

[Français]

Il doit y avoir un seuil de 5 000 $ de dommages.

[Traduction]

M. Andrews: C'est notre suggestion.

M. Bélanger: Très bien. Vous avez suggéré qu'il y ait un seuil de 5 000 $. Ce n'est pas le montant des dommages-intérêts, mais le vol du droit d'auteur, je suppose.

M. Andrews: C'est exact, en termes de sanctions criminelles -

M. Bélanger: Qu'est-ce que cela représente? Pouvez-vous quantifier cela en nombre de copies ou en nombre d'ouvrages qu'il faut copier entièrement? Je veux savoir si c'est un -

M. Andrews: Non, je ne peux pas vous répondre de cette façon. Je dois vous dire que c'est le seuil contenu dans la loi américaine en ce qui concerne -

M. Bélanger: Mais qu'est-ce que cela signifie dans la pratique?

M. Andrews: Cela signifie que la valeur du droit d'auteur est perdue.

M. Bélanger: Voulez-vous me donner un exemple si vous le pouvez. Je comprends la notion de seuil, mais je veux croire que le seuil n'est pas ridiculement élevé ou ridiculement bas.

M. Andrews: Non. Comme je vous l'ai dit, nous avons emprunté ce chiffre, nous l'avons pris dans la loi américaine en vigueur. Nous avons supposé qu'il serait comparable à ce qui serait raisonnable ici.

M. Bélanger: Si nous parlons de copier un ouvrage, combien faudrait-il faire de copies avant d'atteindre une valeur de 5 000 $ en droits d'auteur?

M. Andrews: Cela dépendrait de l'entente sur les redevances, je suppose.

M. Bélanger: Disons qu'un livre coûte 20 $ - ou 100 $, puisque c'est ce que coûtent les ouvrages de nos jours. Quel est le droit d'auteur là-dessus?

Mme Brown: Dix dollars reviennent à l'auteur.

M. Bélanger: Disons que 25 $ reviennent à l'auteur.

Mme Brown: Vous demandez quelle est la valeur du droit d'auteur dans l'ouvrage.

M. Andrews: Le droit d'auteur qui serait perdu si quelqu'un devait -

M. Bélanger: Je veux un exemple concret, même si nous devons le fabriquer de toutes pièces.

M. Andrews: Pouvons-nous vous revenir sur ce sujet?

M. Bélanger: Je commence à croire que vous devriez peut-être photocopier plusieurs centaines de livres.

M. Andrews: C'est une bonne question, mais je n'ai pas de bonne réponse pour vous.

M. Bélanger: Dans ce cas, combien de fois un tel seuil serait-il même atteint?

M. Andrews: Le problème, dans ce cas, c'est qu'il y a une intention criminelle en vue de tirer un certain profit commercial de la violation du droit d'auteur.

Je ne pense pas que nous soyons particulièrement attachés à l'idée de 5 000 $, mais j'estime que vous avez le droit de poser la question au sujet de ce que cela représente au sens strict. Mais que constituerait un vol criminel du droit d'auteur dans de telles circonstances où quelqu'un chercherait à...? Et qu'est-ce qui justifierait une poursuite criminelle?

M. Bélanger: Non, j'essaie de déterminer quel genre de seuil vous demandez, en termes pratiques. C'est tout ce que je veux savoir.

.2035

En ce qui concerne l'utilisation équitable, fair use, si nous incluons la définition américaine dans le projet de loi, comme vous semblez le suggérer, combien de pages d'exceptions disparaîtraient?

C'est pour M. Leroux.

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Cela représente beaucoup de pages à imprimer.

M. Bélanger: Mais sérieusement, cela pourrait être quatre ou cinq pages. Il est très clair que vous préféreriez la définition de l'expression «utilisation équitable» qui se trouve dans la loi américaine.

Mme Brown: Oui.

M. Andrews: Oui.

M. Bélanger: Il y a une autre question.

Le président: Monsieur Weiner.

M. Weiner: Je voulais simplement ajouter que si je suppose que les chiffres concernant les coûts sont exacts, les créateurs le feraient aussi, car leurs redevances augmenteraient considérablement.

En tenant compte de la question de M. Leroux, je dis cela sur un ton ironique.

M. Andrews: Pour être sérieux, cependant, cette proposition ne se justifie pas simplement par la réduction du nombre de pages du projet de loi qui traitent des exceptions, évidemment.

M. Bélanger: Vous auriez un texte plus clair... Un droit d'auteur entraînerait plus de travail.

M. Andrews: Mais on aurait un texte plus clair.

M. Bélanger: Avant de passer à ma dernière question, j'ai apprécié vos commentaires sur le «net» et le «web», mais il y a un autre mot que vous pourriez ajouter à votre liste. Je me rappelle quand le mot «java» désignait du café.

Des voix: Oh, oh!

M. Andrews: Je pensais que java avait quelque chose à voir avec le chocolat.

M. Bélanger: Qui a fait allusion à une contestation en vertu de l'article 7 de la Charte?

M. Andrews: C'est nous.

M. Bélanger: Pourriez-vous être plus clairs à ce sujet?

M. Andrews: Si je comprends bien, le débat découle du fait que le projet de loi contient une disposition trop lâche pour le côté criminel à l'heure actuelle, pour qu'une poursuite criminelle puisse être intentée. La contestation surviendrait en vertu de l'article 7 à propos de la sécurité de la personne. C'est un point qui nous a été exprimé par des avocats à propos de l'actuelle disposition criminelle contenue dans le projet de loi. Nous estimons que les membres du comité devraient en tenir compte, mais vous aurez indubitablement vos propres experts pour vous conseiller.

M. Bélanger: Voudriez-vous inviter gentiment cet avocat à soumettre cet avis au comité? Nous aimerions peut-être y jeter un coup d'oeil.

M. Andrews: Certainement, nous pouvons le faire.

M. Bélanger: Merci.

Le président: Avant de passer au deuxième tour de questions, je voulais vous poser une question sur les exceptions et les sociétés de gestion. Ce sujet est évidemment crucial pour nos audiences. Il revient sans cesse sur le tapis.

Certains intervenants ont laissé entendre que si l'on avait des exceptions ou une sorte de filet de sécurité, les exceptions seraient contenues dans la loi et elles n'entreraient en jeu qu'en l'absence d'entente avec une société de gestion, du genre CANCOPY ou autre. Une telle entente équivaudrait en réalité aux exceptions, s'occuperait des exceptions. En l'absence d'une entente, les exceptions s'appliqueraient. Quelle est votre réaction à cette idée?

Mme Brown: Notre vive réaction - et je l'ai mentionnée dans mes remarques d'ouverture - est que les licences collectives ne remplacent pas les exceptions. Il ne fait aucun doute que cette question revient de plus en plus souvent dans nos négociations.

Voulez-vous dire que si une exception relève d'une licence collective, c'est un élément non indemnisable de cette licence? Si c'est indemnisable dans cette licence, ce n'est pas exempté, alors qui fixe le tarif pour cette activité? Si l'activité que vous envisagez constituait une exception pour utilisation équitable - la copie d'un article périodique scolaire à des fins de recherche - et vous avez dit que cela ne serait pas exempté à moins de relever d'une licence collective, voulez-vous dire que cela deviendrait alors un élément indemnisable de cette licence? Si tel est le cas, il n'y a alors pas d'exceptions. Tout ce que vous faites, c'est de dire que chaque activité que vous entreprenez est indemnisable.

Il existe une exception touchant l'utilisation équitable dans la loi. À notre avis, c'est une notion beaucoup plus vaste que n'importe laquelle des exceptions existantes. Nous avons eu cette discussion avec CANCOPY à propos du prêt entre bibliothèques. S'il n'y a pas d'exceptions dans la loi, alors que voulez-vous dire en mentionnant que le prêt entre bibliothèques relève de l'entente de licence. Voulez-vous dire que c'est indemnisable? Qui fixe le tarif? Qui décide ce que c'est? La société de gestion peut-elle dire que si vous voulez copier ce matériel, cela vous coûte 5 $ la page?

.2040

Si, en tant que gouvernement, vous pensez qu'il y a un objectif de politique publique à avoir certains types de reproductions exemptées parce qu'elles facilitent la diffusion de la connaissance, alors leur suppression de la licence collective ne permet pas d'atteindre cet objectif. Nous ne voyons pas du tout le mérite de l'argument qui est avancé.

Le président: Monsieur Weiner et ensuite monsieur Killeen.

M. Weiner: Pour poursuivre sur le sujet, je pense que Sally a mentionné que les licences collectives ne remplacent pas les exceptions, et je croyais qu'elle avait expliqué pourquoi. Si nous revenons à l'historique de cette question, et au besoin d'équilibre et à son acceptation après maintes discussions ayant impliqué à la fois les créateurs et les utilisateurs, il y avait une convergence de vues sur bon nombre de ces points. Mais les gens ont oublié leur histoire.

Je tiens également à dire que les exceptions - et nous n'en avons jamais discuté - ne remplacent pas les licences collectives. Cela joue dans les deux sens. Nous ne voyons pas la nécessité d'avoir des exceptions. Nous n'avons jamais demandé d'exceptions pour notre secteur en l'absence de licences collectives. Nous avons accepté le concept des licences collectives. Nous avons accepté que, dans de très nombreux cas, il faut des ententes dans le cadre desquelles les créateurs reçoivent un dédommagement équitable. L'un ne remplace donc pas l'autre.

Le président: Monsieur Killeen.

M. Killeen: Merci, monsieur le président. Je voudrais appuyer les commentaires de Mme Brown à propos de la nature de la relation entre les exceptions et les licences collectives, mais je pourrais peut-être ajouter une brève déclaration à ce sujet - et j'espère ne pas vous contredire là-dessus, Sally.

Sans les exceptions, j'estime que nos établissements seraient à la merci des sociétés de gestion au moment de s'asseoir à la table pour négocier ces droits. Il est important que les membres du comité comprennent qu'il n'y a qu'une société de gestion. Nous ne pouvons nous adresser nulle part ailleurs. Il n'y a pas de marché libre.

M. Andrews: C'est un monopole.

M. Killeen: C'est un monopole. Essentiellement, nous sommes assis à la table et ils nous disent que si nous ne sommes pas satisfaits de leurs conditions, ils disposent d'un certain nombre d'atouts dans leur manche leur permettant d'accroître leur pouvoir de négociation. Notre pouvoir de négociation découle des exceptions.

[Français]

M. Leroux: Vous avez l'air de prendre ça comme un monopole, mais la Commission du droit d'auteur est là et on peut l'utiliser comme un outil.

M. Killeen: Si on demande à la Commission de trancher une question ou une dispute entre un collège et un collectif, elle aura recours à une loi qui ne contiendra aucune exception.

M. Leroux: La Commission donne déjà des droits aux collectifs de gestion et elle peut aussi trancher les litiges, mais elle n'est pas utilisée complètement. Est-ce qu'on passe à un autre sujet?

Le président: Oui, on passe à un autre sujet. Monsieur Leroux, je vais donner la parole à M. Abbott.

[Traduction]

M. Abbott: J'essaie de fouiller dans ma mémoire en remontant jusqu'à il y a deux semaines, lorsque nous parlions de l'ampleur des sanctions et que nous sommes arrivés exactement à cette question. Autrement dit, qui détient le marteau dans les négociations? Avez-vous des préoccupations au sujet de la loi sur droit d'auteur en vigueur ou des propositions contenues dans le projet de loi C-32 à propos de l'ampleur et de l'application des sanctions financières? Ma question découle directement de nos derniers propos.

M. Killeen: Si je peux effleurer le sujet, j'estime que nous sommes peut-être tombés ici dans un véritable guêpier au sujet des dommages-intérêts préétablis. Je ne crois pas qu'il s'agit d'un raisonnement facile à présenter ou à comprendre. Et si je ne suis pas très clair, laissez-le moi savoir.

De la façon dont le projet de loi C-32 est structuré, nous croyons comprendre que, dans le cas où un établissement a une licence et, pour une raison quelconque, enfreint l'une des dispositions de la Loi sur le droit d'auteur, les dommages-intérêts auxquels il sera assujetti équivaudront au montant qu'il aurait versé dans le cadre de la licence. Dans une situation semblable, ou même dans une situation identique, si un établissement n'a pas de licence en vigueur pour les droits d'auteur et commet une infraction, il est passible de dommages-intérêts préétablis qui commencent à 500 $ par infraction et vont jusqu'à 20 000 $.

.2045

Je pense que dans la situation A les dommages-intérêts seront versés à la société de gestion ou à l'auteur qui a subi le préjudice de l'infraction. En vertu de la licence, cela pourrait atteindre, disons, 7c. la page. Mais sans licence, vous êtes coincé pour 500 $. Dans notre mémoire, nous estimons que c'est un outil très puissant que l'on a accordé aux sociétés de gestion.

Personnellement, notre association s'est posé un véritable cas de conscience pour savoir si nous allions appuyer ou non le projet de loi en raison des dangers de la Partie IV. En premier lieu, nous essayons d'encourager les étudiants à apprendre dans nos environnements. Soudainement, on leur dit que s'ils sont trop actifs dans leur apprentissage, ils pourraient faire face à une sanction criminelle. Sinon, c'est 500 à 20 000 $ pour une infraction.

Je m'arrêterai là.

M. Abbott: J'aimerais pousser le débat un tout petit peu plus loin avec le groupe de témoins. Je me demande si nous pourrions obtenir une recommandation globale.

Si un montant de 5 000 à 20 000 $ est trop élevé, ce que je suppose être le consensus, alors quelles seraient des pénalités ou des sanctions plus appropriées? Quel niveau est plus approprié?

M. Killeen: Je dirai que la structure des dommages-intérêts dans le cadre de la législation actuelle satisferait notre association, à savoir essentiellement les dommages-intérêts jurisprudentiels. Quelle est la perte subie par le demandeur par suite de l'infraction?

Prenez le cas d'un étudiant qui pourrait copier un poème en entier au lieu des trois quarts du poème. Cela l'exclut de la protection en vertu de l'exception touchant l'utilisation équitable, si bien qu'il s'agit d'une sanction de 500 $. En vertu du cadre législatif en vigueur, on pourrait demander à cet étudiant de payer disons 7c., ce qui représenterait la perte subie par la société de gestion par suite de sa décision.

M. Abbott: Juste pour conclure là-dessus, j'aimerais savoir si les autres témoins sont d'accord avec ces points de vue.

M. Andrews: Je ne suis assurément pas en désaccord.

M. Weiner: Je ne proposerai pas une clause ou un chiffre précis, mais il y a assurément un consensus en la matière, à savoir que les pénalités sont excessives telles qu'énoncées dans ce projet de loi. En comparaison avec les sanctions qui seraient imposées lorsque la licence existe, je pense qu'il est ridicule de proposer des chiffres d'une telle ampleur.

Le président: Merci. Madame Phinney.

Mme Phinney: Les nouvelles technologies ne font pas partie de cette phase de la réforme de la Loi sur le droit d'auteur. Si cela demeure le cas, et si l'éducation à distance n'est pas couverte par les exceptions contenues dans le projet de loi C-32, cela touchera-t-il vos établissements et, si oui, de quelle façon?

Mme Brown: Ma réponse comportera deux volets. Actuellement l'éducation à distance, chose peut-être surprenante, n'est pas très perfectionnée sur le plan technologique. C'est essentiellement la reprographie de matériel qui est envoyée par correspondance. Mais si nous n'en arrivons pas à une solution pour définir une utilisation équitable dans l'environnement numérique, le Canada risquera de ne pas développer une énorme capacité potentielle en matière d'éducation à distance.

À l'heure actuelle, les Américains n'ont pas d'obstacles. Comme vous le savez, ils ont ouvert un vaste débat à propos de leur livre blanc sur l'application globale de l'utilisation équitable dans l'environnement numérique. Il ne fait aucun doute que les États-Unis investissent des sommes considérables dans l'éducation à distance. Ils diffusent maintenant la matière de part et d'autre de la frontière.

Très franchement, la perte potentielle n'est pas une perte pour nos établissements. C'est un énorme marché potentiel pour le Canada car nous avons une expertise considérable pour ce qui est de desservir nos collectivités éloignées. Nous avons un réseau de centres d'excellence qui font énormément de recherches sur l'apprentissage à distance. Si nous ne réglons pas ce problème pour savoir ce qui est permis ou non dans l'environnement numérique à des fins d'enseignement et de recherche, nous pourrions perdre un marché énorme.

Mme Phinney: C'est très bien, merci.

Le président: Monsieur Abbott.

M. Abbott: J'ai une question plutôt bizarre, mais elle est importante pour les membres de notre comité. En essayant de dresser la liste des témoins appelés à comparaître devant notre comité à propos du projet de loi C-32, l'un des défis que nous avons eu à relever était la représentativité des témoins.

.2050

Je regarde les conseils et commissions scolaires, les fédérations, les collèges et universités canadiens. Pensez-vous que nous avons cerné de façon exhaustive les idées et les problèmes auxquels font face les collèges, les universités et les conseils et commissions scolaires?

Mme Brown: D'après moi, les témoignages présentés devant votre comité ont caractérisé les étudiants universitaires, collégiaux et autres comme des abuseurs cupides du droit d'auteur, et les étudiants n'ont pas eu la possibilité de se défendre. Même s'il ne fait aucun doute que certains étudiants copient l'ensemble du manuel de cours au bureau de leur père, ce n'est pas la norme. Ils sont très préoccupés par les questions intellectuelles. Ils utilisent le web. Ils sont très informés sur le plan technologique, beaucoup plus que nous ne le sommes.

Il s'agirait donc d'un groupe qui se fait un peu injustement taper sur les doigts en termes de malentendu et «d'abus cupides du droit d'auteur». Nous ne le voyons pas, et aucune des études portant sur les bibliothèques ou les photocopieuses, ni autre chose, ne le justifie à mon avis. Ce pourrait donc être un groupe oublié.

M. Killeen: Je ne peux vraiment pas faire de commentaires équitables sur la représentativité des témoins présents aux audiences de votre comité, mais je tiens à mentionner que vous auriez peut-être intérêt à entendre le témoignage du Collège Algonquin. C'est un établissement situé ici dans la capitale nationale.

Le Collège Algonquin a rédigé un mémoire très détaillé sur le droit d'auteur. Il a demandé à comparaître. Chacun reconnaît la tâche difficile du comité au moment de sélectionner les personnes et les établissements qu'il faut inviter à témoigner. Le Collège Algonquin se trouve dans une situation tout à fait unique dans le cadre de ses négociations avec les sociétés de gestion à propos de l'accès aux ressources. Le comité pourrait profiter d'un éclaircissement au sujet de leur situation.

Merci.

M. Weiner: Sans suggérer forcément d'autres groupes qui pourraient être invités à témoigner, mais plutôt pour reprendre les points soulevés par Sally à propos des étudiants, je ferai les mêmes commentaires à propos des professeurs. Nous avons transmis des instructions très scrupuleuses à cet égard aux professeurs, tout comme les conseils et commissions scolaires.

Je précise aux membres du comité que des choses se sont passées au cours des dernières années en l'absence d'exceptions et de clarté, qui n'ont pas été très favorables aux étudiants. Dans de nombreux cas, certaines ressources auraient pu et auraient dû être utilisées, mais ne l'ont pas été ou n'étaient pas faciles d'accès. C'est en raison du manque de clarté pour savoir si, en fait, on pouvait y accéder ou si l'échéancier pour obtenir l'autorisation d'avoir accès à ces ressources était trop long pour permettre leur utilisation en temps opportun par les étudiants.

Par conséquent, j'exhorte en quelque sorte les membres du comité - je pense l'avoir déjà fait dans mes remarques d'ouverture - à poursuivre leur travail. Ne revenez pas sur les exceptions contenues dans ce projet de loi. Examinez certaines des propositions constructives pour essayer d'affûter quelques - uns des points du projet de loi.

Dans l'ensemble, reconnaissez le genre de travail, de discussion et de participation. J'estime qu'il y a eu une consultation approfondie sur cette question avec des groupes à la fois d'utilisateurs et de créateurs, au cours des huit dernières années, et des améliorations au niveau des gens qui ont étudié les questions, rédigé les clauses, étudié ces dernières dans le contexte des divers ministères fédéraux et les ont mises à l'essai avec le ministère de la Justice, etc. Si nous n'avançons pas vraiment maintenant, Dieu seul sait si nous le ferons jamais.

M. Andrews: C'est une question intéressante. D'après ce que j'ai pu observer à l'Université Dalhousie, assurément au cours des deux dernières années depuis l'entrée en vigueur de l'entente avec CANCOPY, les gens sont extrêmement sensibles à la question du droit d'auteur. Nous avons tous été informés et sensibilisés à propos des questions touchant le droit d'auteur. Nous comprenons de mieux en mieux, même chez les professeurs mais assurément chez les étudiants, la signification du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle et de quelle façon ils servent des intérêts culturels et éducatifs.

.2055

Je voulais ajouter autre chose. Mes premières recherches comme universitaire concernaient une personne qui a passé une bonne partie de sa vie à copier des documents à la main dans de vieux journaux à la British Library, comme c'était alors la coutume. En grande partie, bon nombre des photocopies effectuées à l'heure actuelle représentent exactement ce que des gens copiaient autrefois à la main.

Autrement dit, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une solution de rechange à l'achat d'un ouvrage qui pourrait se trouver sous forme d'un livre, d'un magazine ou autre. C'est une formule de rechange pour une vieille méthode d'étude que chaque personne ici présente a pratiquée à l'âge étudiant, lorsque les photocopies n'étaient pas disponibles.

J'estime que c'est l'utilisation fondamentale des photocopieuses. On fait beaucoup de sensationnalisme mélodramatique à propos de l'abus du droit d'auteur par l'utilisation de photocopieuses, en particulier depuis que nous avons maintenant des ententes qui régissent les permissions concernant la reprographie.

Je ne me laisserai donc pas persuader très facilement par des gens qui déclarent allègrement qu'il y a un abus flagrant et systématique du droit d'auteur dans les établissements d'enseignement. Je ne crois pas que ce soit le cas.

M. Abbott: Si vous me permettez de recentrer la discussion, je voulais plus précisément m'assurer que, de l'avis des témoins ici présents, nous avons fait un travail juste et équitable pour nous assurer d'avoir une représentation équitable de tous les groupes d'utilisateurs dans le milieu de l'enseignement: étudiants, professeurs, établissements, conseils, etc. Il faudrait que tous les groupes du milieu de l'enseignement soient représentés.

M. Andrews: Je ne peux vous répondre à ce sujet car je ne suis présent ici que ce soir.

Le président: Allez-y, madame Cansfield.

Mme Cansfield: Merci. Comme dans la plupart des cas, j'estime qu'il est important de revenir en arrière et de méditer là-dessus pour nous assurer que nous n'avons pas omis certains groupes. Je sais que nous avons probablement fait des représentations exhaustives sur la question du droit d'auteur dans l'ensemble du Canada, mais il pourrait y avoir un problème à propos de deux anomalies.

L'une touche le degré d'alphabétisation des adultes et de toute la population adulte vis-à-vis de l'immigration, des réfugiés et des langues secondes.

L'autre question sera abordée dans les nouvelles technologies, comme tout le domaine des anomalies avec les enfants ayant des déficiences. L'impact de ces technologies sur leur vie et sur les débouchés qui leur sont offerts est phénoménal. En raison de cet impact, il sera crucial, au cours de cette phase trois, que vous allez amorcer d'ici peu, qu'il y ait un spectre très large visant à reconnaître ce groupe particulier.

Voici l'autre sujet sur lequel il serait intéressant de s'interroger. C'est quelque chose que je soulèverai à mon retour en Ontario. C'est toute la question des autochtones pour ce qui est de leur première langue et de la façon dont elle est influencée. C'est un autre domaine que je vous suggérerais d'aborder.

Le président: Nous arrivons à la fin de la séance. J'aimerais passer la parole à monsieur Leroux et à monsieur Bélanger. Comme il restera quelques minutes, je pense que nos recherchistes aimeraient poser quelques questions à Madame Dunn avant que nous ajournions la séance.

[Français]

Monsieur Leroux.

M. Leroux: Je voudrais aborder avec vous, monsieur Andrews, une dimension tout à fait nouvelle qui se trouve dans votre mémoire et que je considère très audacieuse. On parle des droits d'auteur et vous voulez faire partie de ceux qui réclament des redevances. À la page 14 de votre mémoire, vous proposez d'établir une redevance sur les cassettes vierges.

Vous voudrez bien regarder le mémoire de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, à la page 14, sous le titre «Redevances sur les cassettes vierges». Je cite:

.2100

Et là vous faites la demande fort surprenante d'avoir une redevance sur les cassettes vierges. Je voudrais vous demander comment c'est possible.

Le président: Je pense qu'on ne veut pas qu'il y ait une redevance pour les cassettes vierges qui seront utilisées à des fins autres que la copie.

M. Leroux: Dans le fond, c'est une exemption à la base. Il faudrait, et c'est d'ailleurs ce que prévoit la loi, prélever cette redevance directement auprès du manufacturier. Mais comment peut-on gérer cela?

Est-ce que ça peut s'étendre à toutes les utilisations pédagogiques quand on sait qu'on utilise énormément la vidéo en sciences de l'activité physique ou dans les institutions où on s'occupe du développement des athlètes? Comment fait-on pour gérer une proposition comme celle-là?

[Traduction]

M. Andrews: J'aimerais simplement avoir quelques éclaircissements à propos des points que nous avons soulevés ici devant le comité. Nous croyons comprendre que le projet de loi prévoit une redevance sur les cassettes vierges d'enregistrement audio au moment de l'achat.

La philosophie - si je peux l'appeler ainsi - sous-jacente à cette proposition, c'est qu'il y a une reproduction généralisée d'enregistrements audio protégés par un droit d'auteur. Pour dédommager les détendeurs des droits d'auteur, une redevance sera imposée sur les cassettes vierges et les produits de cette redevance seront distribués par la Commission du droit d'auteur. C'est elle qui déterminera la répartition des produits entre les créateurs originaux.

Ce que nous écrivons dans notre mémoire, c'est que les cassettes vierges peuvent être utilisées à des fins qui n'impliquent pas une violation du droit d'auteur de quiconque. Bon nombre de ces usages se retrouvent dans le milieu de l'enseignement. Les chercheurs utilisent des cassettes pour interviewer les gens à propos de l'histoire orale et des enquêtes sociales.

Je suis professeur de théâtre. Les étudiants de notre programme utilisent des cassettes dans le cadre de leur formation et de leur enseignement. Les étudiants en musique utilisent des cassettes. Nous n'estimons pas qu'il est légitime d'imposer une redevance sur les cassettes utilisées à ces fins.

Je suppose que vous pourriez faire cette distinction d'une certaine façon au moment de la vente, mais il serait plus judicieux de prévoir un remboursement à l'intention des personnes qui utilisent les cassettes à des fins n'entraînant pas une violation du droit d'auteur. À notre avis, une telle disposition devrait être incluse dans le projet de loi. Dans d'autres cas, le gouvernement a offert des remboursements lorsqu'il le jugeait approprié, et c'est ce qu'il devrait faire dans ce cas.

[Français]

M. Leroux: C'est bien ce que j'avais compris. Vous demandez qu'il y ait une redevance, mais une partie de celle-ci serait reversée à celui ou celle qui utiliserait une cassette vierge à des fins pédagogiques. Donc, vous confirmez qu'il y a une demande pour une redevance.

[Traduction]

M. Andrews: Oui, il le faudrait.

[Français]

M. Leroux: Cela couvrira donc toutes les activités pédagogiques. On s'entend bien. Beaucoup de secteurs utilisent la vidéo à des fins d'apprentissage ou pédagogiques, comme les cours de danse, les cours de théâtre ou autres, et cela pourrait s'étendre assez largement.

[Traduction]

M. Andrews: Oui, c'est l'ingéniosité des législateurs qui est en fait mise au défi.

[Français]

Nous allons donc demander à ceux qui reçoivent des droits voisins de consentir à une belle grosse part! Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Bélanger, vous pouvez poser une dernière question.

M. Bélanger: Je voudrais revenir sur la question du seuil de 5 000 $. À 3,5 cents la copie, il faudrait faire à peu près 142 000 copies avant d'atteindre ce seuil. On parle vraiment de quantités industrielles. Mais je ne sais pas si c'est cela qu'on envisageait.

Je voudrais maintenant poser une question sur les nouvelles technologies. Je voudrais savoir si, dans les universités et les collèges, l'utilisation du balayeur électronique devient de plus en plus répandue.

[Traduction]

Mme Brown: Voulez-vous dire pour numériser l'ouvrage?

M. Bélanger: Vous balayez électroniquement une feuille de papier ou de texte pour l'introduire dans une banque de données.

Mme Cansfield: L'imagerie.

.2105

Mme Brown: Si vous le permettez, ma réponse comportera deux volets. Il existe maintenant une photocopieuse de deuxième génération qui numérise le travail et le mémorise, si bien que nous pouvons fournir sur demande à l'étudiant qui le souhaite ce que nous appelons des blocs de cours.

M. Bélanger: Est-ce que cela sort de la même machine?

Mme Brown: Oui, il existe une machine. Elle produit simplement une copie plus propre et les produits peuvent être imprimés sur demande, plutôt que d'en imprimer 10 000 et de n'en vendre que 100. Ce genre de photocopieuse de deuxième génération, même s'il s'agit d'une image numérisée et même si la société de gestion CANCOPY et la loi n'abordent pas les images numérisées, est autorisé dans le cadre de l'entente avec CANCOPY, car ils reconnaissent qu'il n'y a pas de transmission de cette image. Elle est mémorisée dans la photocopieuse pour pouvoir produire une copie papier.

Dans notre mémoire - j'estime que c'est extrêmement important - il y a un autre type de technologie appelée la technologie Ariel, qui est utilisée dans 80 p. 100 de tous les prêts entre bibliothèques. C'est essentiellement une numérisation de l'image.

Au lieu d'envoyer une copie par télécopieur, qui est transmise à la bibliothèque de destination, on produit une copie papier. Ce que nous disons dans notre mémoire - cela rehausse l'image - c'est que nous faisons un balayage électronique, si bien que l'exception doit englober cette technologie, qui est semblable à celle que la société de gestion a déjà reconnue dans la production des blocs de cours. Mais il n'y a pas de mise en réseau de cette image; une fois que la copie papier est produite, l'image est détruite.

À cet égard, toutes ces technologies produisent donc une deuxième génération. Nous affirmons que, dans la mesure où il n'y a pas de réseautage - c'est une question relevant de la phase trois, et nous en sommes conscients - , il faut reconnaître que l'image utilisée pour produire une copie intermédiaire produit une copie papier à l'autre bout.

M. Bélanger: Sur cette question, pensez-vous que la distinction faite dans la loi entre les bibliothèques à but lucratif et à but non lucratif est équitable? Ou bien est-elle inéquitable?

Mme Brown: De l'avis de l'AUCC, elle est équitable. Nous nous sommes déjà mis d'accord avec CANCOPY.

Je dois avouer que nous avons présenté un mémoire conjoint à la Commission du droit d'auteur en espérant que nous pourrons encore en arriver à une entente négociée. Dans la négative, nous irons devant la Commission. Nous avons convenu avec CANCOPY que les copies fournies à des destinataires à but lucratif des prêts entre bibliothèques seront assujetties à un tarif. Je dirai donc que nous sommes d'accord avec cette distinction.

M. Bélanger: Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Avec la permission des députés, je vais donner l'occasion aux recherchistes de poser une ou deux questions.

[Traduction]

Mme Wanda Noël (recherchiste du comité): Merci, monsieur le président.

Je me demande si vous pourriez clarifier quelques-uns de ces chiffres pour moi. Ces questions ont déjà été soulevées auparavant et j'ai été incapable de fournir les réponses. J'espère que vous pourrez m'aider.

En ce qui concerne la licence de VEC, vous déclarez qu'elle coûte 250 à 300 $ pour une période de cinq ans. C'est un des éléments du paiement, mais combien d'étudiants seraient desservis par ces copies? Vous avez parlé de vos membres, mais qui sont vos membres, et combien d'étudiants desservent-ils?

Mme Dunn: C'est variable. Si le matériel est gardé dans la collection d'une école, il desservira en général seulement la population de l'école. Si le matériel est gardé dans la collection d'un district scolaire, il pourrait desservir un certain nombre d'écoles.

Notre centre dessert 271 écoles. À titre de lignes directrices, nous pouvons faire circuler un article 11 fois au cours d'une année. En moyenne, une copie pourrait donc généralement circuler 11 fois au cours d'une année.

Mme Noël: Votre licence impose-t-elle une restriction à cela?

Mme Dunn: Non. Nous pouvons prêter le document à nos membres. Il n'y a pas de restrictions sur le nombre d'utilisations.

J'ai inclus ce coût uniquement dans le but de comparer ce que nous devons payer pour ce genre de ressource comparativement à toute autre ressource. Pour moi, il n'est pas raisonnable de devoir payer davantage pour un long métrage dont l'auditoire principal n'était pas le milieu de l'enseignement. Pourquoi devrions-nous payer beaucoup plus pour ce produit que nous ne le faisons pour des produits davantage en rapport avec nos programmes? Il me semble que la seule raison pour laquelle nous payons davantage, c'est parce que personne d'autre n'offre ce produit.

.2110

Mme Noël: Pourriez-vous nous donner une idée du nombre d'étudiants qui seraient desservis par le service que vous offrez?

Mme Dunn: Nous desservons environ 80 000 étudiants.

Mme Noël: Pourriez-vous me dire, dans la mesure du possible, combien vous avez dépensé pour ces étudiants à titre de droits pour des exécutions ou représentations en public en 1995?

Mme Dunn: Visual Education a mentionné que 160 écoles parmi celles que nous desservons détiennent une telle licence. J'ai obtenu un chiffre d'une autre région disant que 86 p. 100 des écoles desservies ont acheté une telle licence.

Mme Noël: Avez-vous un chiffre global en dollars?

Mme Dunn: Non, je n'en ai pas parce que les écoles traitent directement avec les distributeurs. Nous avons fait circuler une note de service à nos écoles pour les informer qu'une telle licence était disponible. Nous n'avons pas précisé qu'elle était nécessaire, parce qu'à mon point de vue elle ne l'est pas. Mais les distributeurs disent que c'est nécessaire. Il incombe aux écoles de décider si elles veulent prendre le risque d'être poursuivies.

Aucune école n'a jamais été poursuivie, mais les distributeurs font circuler aux écoles des brochures indiquant qu'une telle licence est nécessaire si elles veulent utiliser ce matériel.

De nombreuses écoles de l'Alberta - je ne peux pas parler pour le reste du Canada - ont choisi d'acheter une telle licence. Le Calgary Board of Education a une licence. Le Edmonton Catholic School Board a une licence.

Comme je l'ai mentionné, dans une autre région que je connais, 86 p. 100 des écoles ont une licence, et un fort pourcentage des écoles que nous desservons détiennent une licence.

Mme Noël: Vous êtes passée maintenant des frais de VEC à des frais par étudiant.

Mme Dunn: Oui.

Mme Noël: Vous êtes maintenant passée à l'autre méthode de paiement.

Mme Dunn: Il existe deux façons légitimes d'acquérir cette ressource, selon les distributeurs. Ils disent que nous pouvons soit la louer, soit acheter un permis d'établissement. Ce permis représente des frais annuels. Les écoles doivent payer ce montant chaque année.

Mme Noël: Je comprends cela. Merci beaucoup.

Le président: Nous sommes prêts à conclure. J'aimerais poser une brève question à M. Killeen simplement pour chasser tout doute de mon esprit.

Je pense que vous avez soulevé la question dans votre mémoire, et à nouveau ce soir, à savoir qu'il y a une distinction injuste entre les collèges détenant une licence ou non à propos des dommages-intérêts préétablis. Pourriez-vous m'expliquer cela à nouveau?

M. Killeen: Certainement.

Le président: S'agit-il d'un point de vue de votre association?

M. Killeen: Nous avons effectué une analyse des répercussions des articles du projet de loi. D'après notre compréhension de la façon dont ils seraient interprétés par un tribunal, si cela devait arriver, les établissements qui détiennent une licence sont assujettis à ce que l'on pourrait appeler des dommages-intérêts jurisprudentiels, tandis que les établissements n'ayant pas de licences sont assujettis aux dommages-intérêts préétablis, que l'on pourrait qualifier de punitifs.

Pour notre association, la raison d'être de cette distinction, même si elle n'est pas énoncée dans la loi, semble indiquer que les établissements qui ont des licences respectent la loi tandis que ceux qui n'ont pas de licences ne la respectent pas.

Ce que nous nous efforçons de dire c'est que les établissements peuvent se conformer à la loi en dehors du mécanisme des licences prévu dans la loi.

Le président: Cette opinion est-elle partagée par vos collègues présents autour de la table?

M. Killeen: Je n'oserais jamais parler en leur nom.

Le président: Non, je sais. Ce n'est pas à vous que je pose la question, c'est à eux.

M. Andrews: Si vous y réfléchissez, c'est certainement un sujet intéressant.

Mme Brown: Nous n'avons pas débattu de ce point. Nous avons considéré que les dommages-intérêts préétablis sont destinés, très franchement, à une collectivité cible autre que la collectivité à but non lucratif.

Là où nous ne sommes pas d'accord avec l'ACCC, c'est que nous avons une certaine foi dans le système à l'effet que ce n'est pas l'intention de cette disposition.

.2115

C'est un sujet de préoccupation, car la prise volontaire d'une licence n'est pas la seule option offerte aux établissements. Ils peuvent choisir d'avoir des licences pour des transactions individuelles avec certains éditeurs, ce qui n'est pas le genre de licence envisagée dans la section portant sur les dispositions de la loi.

J'estime qu'il faudrait réfléchir davantage sur ce sujet, parce que vous pourriez être un établissement, mais sans être en infraction, avoir des licences pour des transactions, utiliser clairement les exceptions contenues dans la loi et l'utilisation équitable seulement et mettre un frein à toute autre infraction.

Je pense que c'est une question importante. En tant que collectivité, nous avons estimé que la disposition ne nous visait pas et nous avons cru à la façon dont elle serait appliquée.

Le président: Madame Brown, monsieur Andrews, monsieur Killeen, monsieur Weiner, madame Cansfield, madame Dunn, nous apprécions vraiment votre contribution ce soir.

Comme vous le savez, nous avons entendu beaucoup de groupes. Les points de vue varient. Ils vont et viennent.

En fin de compte, ce qui est utile sans nous c'est d'entendre les points de vue de personnes qui s'expriment bien, qui prennent partie pour leur cause et qui connaissent bien leur domaine. Cela nous est vraiment utile pour nous forger une opinion définitive. Lorsque nous aurons entendu tous les groupes, l'image sera beaucoup plus claire.

Nous apprécions vraiment votre présence ici et vos témoignages. Ils nous seront extrêmement utiles. Nous tenons à vous remercier infiniment.

La séance est levée.

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