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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 mars 1997

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[Traduction]

Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord reprend ses audiences publiques sur le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.

Nous avons avec nous, de Moncton, représentant l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick, le chef Second Peter Barlow.

Chef Barlow, nous avons 40 minutes à passer ensemble. Cette période vous appartient, vous pouvez l'utiliser comme vous l'entendez. Toutefois, si vous pouvez laisser un certain temps aux députés après votre intervention pour vous poser des questions, nous l'apprécierons.

Cela dit, vous pouvez y aller.

Le chef Peter Barlow (Union of New Brunswick Indians): D'accord, monsieur le président. Mon intervention porte sur le projet de loi C-79 et sera très brève.

Ce projet de loi a pour effet de modifier la Loi sur les Indiens, et tout comme les autres dirigeants autochtones du Nouveau-Brunswick, nous pensons que cette disposition nous est imposée par le ministre des Affaires indiennes. Lorsqu'il a soumis ce projet de loi à la Chambre des communes, nous avons annoncé clairement que nous nous y opposions, parce qu'en effet, la population autochtone du Canada n'avait pas été consultée comme elle aurait dû l'être, et en particulier, les dirigeants autochtones du Nouveau-Brunswick. Notre participation à cet exercice a été minime.

Nous considérons que ce processus est excessivement paternaliste, et cela nous rappelle l'époque où la Loi sur les Indiens, régissant la population autochtone du Canada, fut adoptée. Si vous voulez vraiment forger de nouvelles relations avec la population autochtone du Canada, il faut le faire en consultation avec cette même population. Nous ne pouvons plus accepter que le gouvernement en place propose et adopte des lois en notre nom sans que nous puissions participer directement à l'exercice. Vous n'avez plus en face de vous les Autochtones des XVIIe et XVIIIe siècles. À l'heure actuelle, nous sommes beaucoup plus éduqués, et s'il y a des gens qui savent ce qu'ils veulent et ce dont ils ont besoin, c'est bien nous, et non pas le gouvernement du Canada et le ministre Ron Irwin.

Nos Premières nations se heurtent à de nombreux problèmes, c'est vrai, et le projet de loi tente d'en régler certains. Toutefois, si nous voulons entamer un dialogue raisonnable et utile, il faut nous consulter d'une façon véritablement utile. Or, cela n'a pas été le cas avec ce projet de loi. Nous considérons que c'est la suite du Livre blanc de 1969, ce processus amorcé par M. Irwin et le gouvernement libéral de M. Chrétien.

J'ai toujours considéré que les gens qui sont élus et qu'on envoie siéger à Ottawa doivent y aller avec des convictions bien arrêtées, doivent y aller dans l'intention de défendre les intérêts des gens qui les ont élus. Pour ma part, je suis un dirigeant d'une Première nation et je suis élu par les gens de mon peuple. Je ne fais pas ce que d'autres veulent me voir faire, je fais ce que les gens de mon peuple veulent que je fasse. Ce sont leurs intérêts que je défends. Je ne respecte pas les mots d'ordre de partis, je ne respecte aucun mot d'ordre particulier, je suis là pour faire ce que mes gens me disent de faire.

J'ai un peu pitié des députés au Parlement qui sont forcés de respecter un système de gouvernement qui est censé être démocratique mais qui en réalité devient très unilatéral. Quand vous arrivez ici, si vous ne respectez pas les mots d'ordre de votre parti, on vous éjecte de votre caucus ou de votre parti. Dans ces conditions, comment pouvez-vous gouverner d'une façon ouverte et utile, alors que vous ne pouvez même pas défendre les opinions des gens qui vous ont élus?

Dans les amendements qui ont été proposés, il y a des questions qui n'ont pas été soulevées. Je vais faire une comparaison.

En ce qui concerne la Loi sur les Indiens, il y a une disposition dont il n'est pas question, c'est la création de nouvelles Premières nations. Nos Premières nations disposent d'un territoire qui leur est propre mais qui est extrêmement limité. Pour atteindre notre autonomie gouvernementale et établir un dialogue véritable, nous avons besoin d'avoir des territoires en propre. Les membres de nos Premières nations sont entassés dans des espaces très restreints. C'est à l'origine de tous les maux sociaux auxquels se heurtent nos Premières nations.

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Le système que nous vous proposons, à vous députés au Parlement, c'est un système qui nous donne notre autodétermination.

Vous pouvez faire venir au Canada tous les Vietnamiens que vous voulez, vous pouvez faire venir tous les Allemands que vous voulez, lorsqu'ils deviennent citoyens canadiens, le système gouvernemental canadien leur permet de créer leurs propres collectivités. Pendant ce temps, nous sommes limités par la Loi sur les Indiens. Nous sommes les véritables Autochtones, les premiers habitants de cette terre, et pourtant nous ne pouvons pas établir de nouvelles collectivités quand nous le jugeons bon. C'est une attitude très paternaliste lorsqu'il s'agit de la population autochtone du Canada. Nous avons besoin de pouvoir constituer de nouvelles collectivités lorsque nous le jugeons bon.

Je suis accompagné aujourd'hui des représentants de plusieurs organismes autochtones des provinces de l'Atlantique. Il y a avec nous des gens de l'Union of Nova Scotia Indians qui prendront également la parole. Il y a aussi des représentants du Conseil des peuples autochtones du Canada ainsi que des représentants de la Confederacy of Mainland Micmacs. Tous ces gens-là ont également des exposés à vous faire.

Je ne savais pas au juste si nous disposions de 40 minutes au total ou de 40 minutes pour moi tout seul. J'aimerais que vous précisiez cela.

Le président: Nous sommes prêts à vous consacrer à vous 40 minutes. Si vous voulez partager ce temps avec quelqu'un d'autre, vous pouvez le faire. Nous avons d'autres personnes sur la liste, et nous allons siéger jusqu'à la fin de l'après-midi. Les gens qui ne sont pas sur la liste ne pourront pas intervenir à moins que vous ne partagiez votre temps avec eux.

Le chef Barlow: Quel est le prochain groupe que vous allez entendre?

Le président: C'est le groupe Atlantic Policy Congress qui sera suivi par le Nova Scotia Newfoundland Secretariat of the Assembly of First Nations. Viendra ensuite la Confederacy of Mainland Micmacs puis l'Assemblée des premières nations, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince-Édouard.

Cet après-midi, nous entendrons les représentants du Conseil tribal du traité numéro 8 des Territoires du Nord-Ouest.

Cet après-midi, nous serons branchés sur Yellowknife. Nous devons en terminer avec les Maritimes ce matin.

Comparaissant avec l'Atlantic Policy Congress, nous aurons le Conseil mawiw.

Je ne veux pas empiéter sur vos 40 minutes, mais si vous souhaitez partager ce temps avec quelqu'un d'autre, vous pouvez le faire.

Le chef Barlow: Je tiens à répéter que nous ne sommes pas en faveur du projet de loi et que le ministère doit mettre fin à cette attitude paternaliste et amorcer une consultation véritable avec notre population, et cela, avant l'adoption, en notre nom, de ce projet de loi.

Je vais maintenant céder la parole au second groupe, mais auparavant, je vous demanderais de respecter les désirs de la population autochtone du Canada. Nous vous demandons d'expliquer au Cabinet, au caucus, au premier ministre du Canada, que 85 p. 100 de notre population s'est prononcée contre ce projet de loi qui va nous toucher directement, et nous sera probablement préjudiciable, et de faire en sorte que le projet de loi soit retiré. Merci.

Le président: Avant de vous arrêter, quand vous dites que vous allez laisser la parole au deuxième groupe, est-ce que vous voulez parler de l'Atlantic Policy Congress? Normalement, ce groupe ne devrait pas comparaître avant la fin de vos 40 minutes. Mais peut-être voulez-vous partager votre temps avec quelqu'un d'autre?

Le chef Barlow: J'essaie d'accélérer les choses. Avez-vous des questions à me poser à ce sujet?

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Le président: C'est la raison pour laquelle je voulais savoir si vous vouliez partager votre temps avec quelqu'un d'autre ou si vous essayiez de nous faciliter les choses. Si vous cédez la parole à l'Atlantic Policy Congress, il est trop tôt, nous ne voulons pas les entendre avant quelques minutes. Pour l'instant, vos 40 minutes ne sont pas écoulées.

Avant de continuer, je précise que tous les groupes qui n'auront pas pu intervenir oralement pourront nous envoyer un exposé écrit, comme cela a été annoncé. Toutes les bandes ont été averties de cette possibilité, mais nous devons recevoir ces exposés mercredi de la semaine prochaine au plus tard.

Nous allons maintenant passer aux questions. Qui veut commencer?

Monsieur Claude Bachand, du Bloc québécois.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur Barlow, vous pourriez peut-être d'abord nous expliquer ce qu'est la Union of New Brunswick Indians et qui elle représente exactement au Nouveau-Brunswick. Est-ce que plusieurs groupes sont sous votre égide?

Le ministre affirme que la consultation a été faite parce qu'il a écrit quelques lettres aux Premières Nations et qu'il aurait reçu quelque 70 réponses des communautés contactées. Selon votre conception et la tradition autochtone, est-ce qu'une consultation par correspondance est valable? Vous devinerez en écoutant les questions que je vous pose que le Bloc québécois s'oppose naturellement lui aussi au projet de loi C-79.

Je vous demande donc de nous expliquer qui représente la Union of New Brunswick Indians. Expliquez-nous comment, selon la tradition autochtone, une véritable consultation devrait se faire. Jugez-vous qu'un échange de correspondance est suffisant?

[Traduction]

Le chef Barlow: À titre de président de la Union of New Brunswick Indians, je représente12 des 15 Premières nations de la province. Pour moi, une lettre envoyée à mon bureau par le ministre n'est pas de la consultation. J'écris bien des lettres en une semaine et je ne considère pas cela comme étant de la consultation.

Pour moi, la consultation est un dialogue sérieux et personnel avec un groupe de bureaucrates ou de représentants de gouvernement où nous pouvons faire valoir notre point de vue et en discuter. Une lettre envoyée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien à moi ou à n'importe quel autre chef n'est pas de la consultation. Ce n'est que de la correspondance.

Selon moi, le ministre Irwin confond la signification des mots «correspondance» et «consultation» en anglais. Pour ma part, je suis un Autochtone relativement peu instruit, mais je sais quelle est la différence entre de la correspondance et de la consultation. Pour avoir une bonne consultation, il faut s'asseoir et dialoguer pendant un certain temps, après quoi on en arrive à un document écrit sur le résultat du processus consultatif, c'est-à-dire ce sur quoi nous nous sommes entendus et ce sur quoi nous ne nous sommes pas entendus.

Dans le cas du projet de loi que vous étudiez maintenant, ma Première nation avait bien dit que nous n'étions pas en faveur de cette mesure. D'ailleurs, 85 p. 100 des Premières nations du Canada ont écrit au ministre pour lui dire de façon très éloquente et très claire qu'elles n'étaient pas en faveur du projet de loi. Ceux qui sont en faveur de ce projet de loi sont un petit groupe de personnes choisies par le ministre Irwin et qui essaient par un moyen détourné de vendre des pouvoirs d'imposition aux gouvernements des Premières nations.

Nous sommes en réalité très généreux quand nous disons que 15 p. 100 des Premières nations du Canada sont en faveur du projet de loi. Je ne pense pas que le pourcentage soit aussi élevé. J'ai l'impression qu'il est plutôt de 5 à 7 p. 100 et que le gouvernement considère simplement que les8 p. 100 qui n'ont pas répondu doivent être en faveur de la mesure.

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De toute façon, 15 p. 100 ne constitueraient certainement pas une majorité d'après moi ou d'après le public canadien. J'espère avoir répondu à vos questions. Si vous voulez poser une question supplémentaire, j'y répondrai aussi.

Le président: C'est le président qui vous parle maintenant. Comme nous avons encore une journée occupée devant nous, je tiens à préciser tout de suite que le projet de loi n'appartient plus au ministre, mais plutôt à la Chambre des communes.

À un moment donné, c'était le projet de loi du ministre, mais une fois qu'il a été déposé, il est devenu le projet de loi de la Chambre des communes. Nous ne pouvons donc pas demander au caucus, ou au premier ministre ou au ministre de le modifier. Le comité est formé de représentants de tous les partis et, une fois que nous aurons terminé l'étude du projet de loi, il sera renvoyé à la Chambre des communes. Je tiens à bien le préciser. Je signale aussi que l'adhésion au projet de loi sera facultative. Personne ne semble comprendre que les Premières nations peuvent accepter ou non les dispositions de cette mesure.

L'autre chose que je veux dire tout de suite, c'est que tous les témoins semblent vouloir que le ministre visite leur bande. Si je ne m'abuse, il y a 608 bandes au Canada, plus les territoires et le Yukon. S'il visitait une bande par jour, il faudrait deux ans au ministre pour aller partout. Ce serait sans doute très bien, mais ce n'est pas pratique.

Ce n'est pas la première fois qu'un comité du Parlement utilise le système de vidéotéléconférence. Tous les comités à Ottawa procèdent maintenant de cette façon pour la simple raison que nous n'avons plus assez d'argent pour faire ce que nous faisions auparavant.

Je tenais à le préciser pour que personne ne croie que notre comité est traité différemment des autres. Cela étant dit, je donnerai la parole à quiconque veut poser d'autres questions.

Monsieur Bachand, du Bloc québécois.

[Français]

M. Claude Bachand: Je voudrais juste apporter une précision, monsieur le président, sur ce que vous venez de soulever. Il est vrai que le projet de loi n'appartient ni au ministre ni au premier ministre. Au moment où on se parle, selon la procédure parlementaire, il appartient à l'ensemble de ce comité, dont la majorité des membres représentent la partie gouvernementale, c'est bien évident. C'est pourquoi, monsieur Barlow, je vous disais que je voulais absolument que vous compreniez que le Bloc québécois s'oppose au projet de loi et qu'il ne faut pas se faire d'illusions. Il est toutefois sûr qu'on va faire un travail assidu et qu'on va l'étudier attentivement.

Ce qui m'importe, c'est de savoir si les Premières Nations ont été consultées. Vous me dites que du côté du Nouveau-Brunswick, on juge qu'une correspondance ne suffit pas, ce que j'ai bien noté. À moins qu'il y ait un changement dramatique, nous continuerons de nous opposer au projet de loi. Le comité, même doté d'une majorité libérale, va évidemment faire son travail. Il faut également comprendre cela. C'est cela, la démocratie, c'est cela, le Parlement et c'est cela, sa composition actuelle. Je voulais juste faire cette mise au point, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: D'accord.

Y a-t-il d'autres questions ou commentaires?

Chef Barlow, voulez-vous dire un mot pour terminer?

Le chef Barlow: Oui. Pour répondre à votre affirmation selon laquelle le projet de loi appartient maintenant au comité ou à la Chambre des communes, vous devez comprendre que les recommandations que vous formulerez sont très importantes. Nous tenons donc à bien préciser que les 12 bandes que je représente n'appuient pas le projet de loi. Aucune d'entre elles n'appuie cette mesure.

Il y a un autre groupe ici appelé le groupe mawiw qui représente trois Premières nations. Peut-être que ce groupe appuie le projet de loi, je l'ignore, mais je les laisserai vous dire ce qu'ils en pensent.

Pour ce qui est d'inviter le ministre des Affaires indiennes à visiter les communautés des Premières nations qui ont témoigné devant le comité, je dois dire que je ne tiens pas moi-même à ce que le ministre des Affaires indiennes vienne nous visiter.

Nous sommes les Richibuctos. Nous sommes la nation micmaque. Cela fait bien des années que nous sommes une nation forte et fière. Nous avons combattu aux côtés des Français et nous avons combattu aux côtés des Britanniques. Nous avons combattu aux côtés du peuple américain quand il a voulu se séparer de la Couronne britannique. C'est George Washington qui nous avait envoyé ses représentants pour nous demander de lutter à ses côtés pour se séparer de la Couronne britannique.

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Je vous rappelle aussi que la seule et unique fois que les Micmacs se sont rangés du côté des Britanniques a été lorsque le Canada est devenu une possession de la Couronne britannique. Nous n'avons jamais été défaits à la guerre. Nous n'avons jamais accepté d'être dominés par une puissance étrangère. Nous sommes régis par des traités et les seuls traités que nous ayons signés avec qui que ce soit sont des traités de paix et d'amitié. Nous sommes encore une Première nation. Nous sommes encore une Première nation sur notre propre territoire. Merci.

Le président: Vos observations étaient très éloquentes et nous en avons pris note. Merci beaucoup de votre exposé.

Nous invitons maintenant John Paul, directeur exécutif de l'Atlantic Policy Congress, et ceux qui l'accompagnent à s'avancer.

Le chef Barlow: Me reste-t-il encore du temps?

Le président: Si vous avez besoin de plus de temps, allez-y.

Le chef Barlow: Je voudrais profiter d'un peu du temps qu'il me reste pour donner la parole à un aîné.

Le président: D'accord. C'est inusité, mais vous pouvez le faire. Nous sommes très souples.

Le chef Barlow: Non, ça va. Il fera son exposé en même temps que quelqu'un d'autre. Merci, monsieur le président. Je vous laisse continuer.

Le président: Merci beaucoup, chef Barlow.

Êtes-vous John Paul, de l'Atlantic Policy Congress?

M. John Paul (directeur exécutif, Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs): Oui. Vous entendrez aujourd'hui les deux coprésidents du Congrès. Ce congrès travaille pour les 35 chefs de l'est du Canada et représente les nations micmaque et mawiw dans cette région du pays. Vous entendrez donc les deux coprésidents du Congrès.

L'un d'eux est le chef Lawrence Paul, un Micmac de la Nouvelle-Écosse. Notre autre coprésident est le chef Floyd Bernard, de la Première nation Madawaska. Je crois que je vais demander au chef Paul de commencer.

Le président: Auparavant, chef Lawrence Paul, chef Floyd Bernard et directeur exécutif John Paul, je vous signale que vous disposez d'un maximum de 40 minutes. Vous pouvez utiliser ce temps comme vous voulez. Vous avez probablement déjà entendu mes explications. Ces 40 minutes sont à votre disposition; vous pouvez les utiliser comme bon vous semble. Nous voudrions bien cependant avoir le temps de vous poser des questions plus tard. Cela étant dit, vous pouvez commencer.

M. J. Paul: Merci.

Le chef Lawrence A. Paul (Première nation Millbrook): Merci. Je suis de la Première nation Millbrook, à Truro en Nouvelle-Écosse. Bonjour à tous.

Avant de commencer, monsieur le président, je voudrais qu'on me dise qui sont les membres du comité permanent pour que je sache exactement à qui je m'adresse. Je sais qu'il y a Raymond Bonin.

Le président: Je vais nommer ceux qui sont ici. J'aurais dû le faire à chaque fois. J'essaierai de m'en souvenir à l'avenir. Je suis Ray Bonin, je suis président du comité. Nous avons avec nous aujourd'hui M. Claude Bachand, du Bloc québécois, et du côté des libéraux, le Dr Bernard Patry et M. Elijah Harper.

Allez-y.

Le chef L. Paul: Moi-même et mon coprésident, le chef Floyd Bernard, vous saluons. Nous sommes venus aujourd'hui pour exprimer notre opinion au sujet des conséquences du projet de loi C-79 déposé par le ministre Ron Irwin le 12 décembre 1996.

Notre association de chefs parle au nom des nations micmaque et malecite. Nos peuples signalent que nous rejetons la façon de procéder et le projet de loi de M. Irwin. Je vous ferai parvenir des copies des diverses résolutions adoptées par nos chefs et reflétant nos préoccupations à ce sujet depuis le début de ce processus.

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Nos chefs ont demandé qu'on tienne des audiences chez les Premières nations, mais nous nous trouvons aujourd'hui dans un hôpital à Moncton. Comment pouvez-vous comprendre les conséquences du projet de loi si vous ne voyez pas nos communautés? Même si nos peuples ne sont pas ici, vous allez entendre leurs voix.

Le projet de loi est parvenu à l'étape de l'étude à votre comité et nous espérons que vous écouterez ce que nous allons vous dire et que vous y réfléchirez sérieusement. Si vous décidez de ne pas le faire, vous aurez tourné le dos à notre peuple et rejeté vos responsabilités à titre de législateurs. Selon nous, à titre de législateurs, vous devez protéger nos intérêts et non ceux de vos partis. C'est le peuple canadien qui vous a élus et je suis convaincu qu'il peut se débarrasser de vous et qu'il le fera si vous ne reflétez pas nos désirs.

D'après nous, le projet de loi ne reflète pas les désirs du peuple canadien. Il reflète plutôt le point de vue d'agent indien colonial du ministre Irwin. Il a déclaré que c'est pour nous qu'il veut adopter ces changements. Vous et lui devriez nous le prouver et nous dire pourquoi ces changements sont dans notre intérêt. Nous ne pensons pas qu'ils le sont. Si vous ne pouvez pas écouter les Canadiens ni ce que dit notre peuple, qui écouterez-vous? La règle de droit.

Cela m'amène à notre deuxième préoccupation. D'après nous, le projet de loi C-79 constitue une utilisation abusive des pouvoirs constitutionnels et fiduciaires conférés par le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Apparemment, vous et votre gouvernement avez fait un choix sélectif en décidant d'exercer vos pouvoirs, ce qui est contraire à ce que disait le gouvernement libéral dans le livre rouge au sujet du partenariat. Un partenaire utilise-t-il unilatéralement ses pouvoirs pour nuire à l'autre? Une telle façon de procéder ne serait pas tolérée entre non-Indiens, mais c'est acceptable si c'est entre le gouvernement fédéral et les peuples micmac et malecite.

Que fait le gouvernement pour répondre aux besoins réels de nos communautés, dans des domaines comme le logement, l'eau, les égouts, les problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie, la santé mentale, l'emploi, le développement économique et la pauvreté des enfants?

Une troisième chose qui nous inquiète, c'est la supposée nature provisoire du projet de loi C-79. Notre longue histoire nous a appris que toute mesure adoptée par le gouvernement fédéral est coulée dans le béton et que provisoire veut dire pour toute la vie. Un bon exemple de cela est le projet de loi C-31. Le ministre des Affaires indiennes de l'époque, M. Crombie, avait dit à nos chefs qu'aucune Première nation ne serait en plus mauvaise posture qu'auparavant à cause de ce projet de loi.

En réalité, notre population a augmenté et même doublé dans certains cas et cela a augmenté la demande de services et de ressources. Maintenant, il manque plusieurs millions de dollars pour répondre aux besoins de ces nouveaux membres.

En quatrième lieu, nous nous inquiétons de savoir comment le ministère des Affaires indiennes et du Nord va revoir ses priorités pour ajuster les dépenses de telle sorte que les Premières nations pénalisées qui adhéreront aux dispositions législatives soient dédommagées. Dans le Budget des dépenses du ministère des Affaires indiennes et du Nord, on dit et je cite:

Il est clair que le ministre et les fonctionnaires du ministère ont décidé de la façon dont ils forceraient les Premières nations à donner leur adhésion. Je pense qu'il faut en conclure que l'on aura encore recours au chantage financier et que l'on mènera des négociations intransigeantes concernant l'autonomie politique.

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Nous voici à un carrefour et chacun d'entre vous, en tant que législateur, doit et peut infléchir l'orientation à venir. Dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, se trouve la description d'une nouvelle relation qui mettrait fin aux conflits, au colonialisme et à l'assimilation. L'entente décrit en détail les coûts financiers, économiques et sociaux du maintien du statu quo.

Nous pouvons trouver là l'amorce d'une relation de nation à nation. Formez un véritable partenariat et commencez dès maintenant. Entamez des discussions réalistes avec les Premières nations. Pour ce qui est du rapport final de la Commission royale et de ses recommandations, commencez à mettre en oeuvre ce qu'affirme le livre rouge: complétez le programme constitutionnel; créez des débouchés pour enrayer la pauvreté des nations selon des moyens à la hauteur de leurs besoins.

Je suis le coprésident de l'Atlantic Policy Congress des Premières nations qui regroupe 35 chefs de la région Atlantique. Les provinces de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve et la péninsule de Gaspé dans la province de Québec y sont représentées.

Nous avons écouté avec beaucoup d'attention les paroles du ministre Irwin qui a affirmé: je veux nous libérer de cette relation paternaliste qui existe actuellement. À cela, je dis très bien. Quatre-vingt-sept pour cent des Premières nations rejettent les dispositions du projet de loi C-79. Face à cela, M. Irwin se dit que ces Indiens entêtés ne savent pas ce qu'ils font.

Il prétend vouloir cesser une relation paternaliste, mais il doit se rendre compte qu'il se contredit car voilà qu'encore une fois il utilise une approche paternaliste en nous forçant à accepter les modifications à la Loi sur les Indiens qu'il propose alors que nous les rejetons, et ce dans une proportion de 87 p. 100. Je ne trouve pas cela logique. Je m'appelle Joe, et non pas Slow. D'une part, le ministre dit aux Canadiens qu'il souhaite mettre un terme à la relation paternaliste qui existait auparavant et d'autre part, il se montre tout à fait paternaliste en nous forçant à accepter les modifications à la Loi sur les Indiens...

La Chambre des communes a une responsabilité morale à l'égard des premiers habitants du Canada. Comme vous l'avez dit, c'est désormais à la Chambre des communes de jouer. Par conséquent, nous nous attendons à ce que vous, les élus, et le public canadien en général, y compris les Autochtones, fassiez ce qu'il y a de mieux pour notre peuple.

Il y a trop longtemps que nous vivons sous la férule des bureaucrates d'Ottawa. Nous voulons exprimer nos objections et nous recommandons des solutions. On choisit de les ignorer car l'attitude paternaliste perdure.

Pour mieux expliquer ma pensée, je dirais que c'est comme si on en était encore au père blanc tout-puissant face au sauvage arrogant. Cette mentalité existe toujours.

La Chambre des communes... Je pense qu'il est grand temps que vous teniez compte du fait que nous, les Autochtones, sommes des êtres humains. On ne peut pas nous déplacer comme si nous étions des meubles dans un fourgon à bagages. Nous nous opposons à tout ce qui ne sert pas au mieux nos intérêts. Nous devons en conclure que le gouvernement fédéral du Canada ne considère pas les Autochtones comme des êtres humains mais comme des meubles, ou des bagages, étant donné qu'il n'en a fait qu'à sa guise à notre égard.

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Nous en avons un exemple éloquent dans le projet de loi C-31. J'ai participé aux négociations de 1984. Nous lui avons dit ce que nous voulions. Il a rejeté nos prétentions. Il a ensuite fait adopter le projet de loi C-31. Celui-ci a causé beaucoup de souffrances, beaucoup d'animosité, dressant frère contre frère, soeur contre soeur, père contre fils, mère contre fille. Voilà ce que le projet de loi a réussi à faire.

Le ministre des Affaires indiennes de l'époque, l'honorable Crombie, a affirmé que les Premières nations qui accepteraient la réintégration de certaines personnes ne souffriraient pas financement. Ce fut le plus gros mensonge du XXe siècle car le ministère n'a pas tenu ses promesses. Nous avons réintégré des gens de notre peuple, mais nous n'avons pas reçu de dédommagement, ni en argent ni en terrain.

Il y a un autre exemple flagrant et c'est quand on nous a dit qu'on nous donnerait une petite subvention, mais qu'en empruntant de l'argent à la Société centrale d'hypothèques et de logement, nous pourrions compter sur quantité de logements - que nous appelions des unités 56(1) - et qu'ainsi nous n'aurions jamais de pénurie de logements. C'est ce que nous avons fait. Que s'est-il produit? Le ministère des Affaires indiennes a très habilement renoncé à sa relation fiduciaire avec les Autochtones du Canada en matière de logement.

Ainsi, actuellement, cette responsabilité incombe à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, mais nous souffrons toujours d'une pénurie de logements et les Premières nations se sont endettées jusqu'au cou à cause de ces hypothèques. Nous ne pouvons pas dire que cela a été un succès.

Le Solliciteur général du Canada, il y a quelques années, a affirmé qu'il souhaitait que les provinces assument 48 p. 100 des services policiers dans les réserves autochtones; quant à lui, il s'occuperait des 52 p. 100 restant. Nous devions accepter cela. Que s'est-il produit? Le gouvernement provincial est le seul à décider des forces policières affectées aux réserves des Premières nations à défaut de quoi il n'accepte pas de fournir les 48 p. 100 qui lui incombent. Ainsi, le gouvernement provincial peut nous dicter quoi faire, à volonté, et nous devons nous incliner.

Je voudrais ajouter qu'au moment où on a parlé de la Société centrale d'hypothèques et de logement, on nous a bien dit que c'était facultatif. On nous a proposé le choix entre la politique de logement des Affaires indiennes ou la nouvelle. On nous a dit que c'était facultatif. Quelques années plus tard, c'est devenu obligatoire. Ces nouvelles modifications à la Loi sur les Indiens m'inquiètent vivement. On nous dit actuellement que c'est facultatif mais dans quelques années, cela deviendra obligatoire.

Certaines parties de la Loi sur les Indiens méritent d'être modifiées. En l'occurrence, l'une d'entre elles qui favorise l'assimilation de notre peuple. Un Autochtone ou une Autochtone peut épouser un non-Indien mais si cette personne qui n'est pas Indienne a dix enfants, l'Autochtone peut les adopter et ces enfants deviennent des Indiens de fait en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens.

Ce processus d'assimilation résultant de cette partie de la Loi sur les Indiens doit être modifiée pour stopper le processus d'annihilation du statut spécial de notre peuple. On ne se rend pas compte qu'on est en train de nous transformer en une personne morale qui peut ester en justice. Actuellement, nous pouvons le faire. Il est déjà précisé que cela peut nous arriver. Pourquoi alors est-il besoin d'une modification à la Loi sur les Indiens?

Monsieur le président, je pourrais poursuivre encore longtemps, mais je vais m'arrêter pour permettre aux membres du comité de me poser des questions sur ce que je viens de dire.

Le président: Merci beaucoup, chef Paul. Je vais demander au chef Bernard de faire son exposé, à moins que l'exposé de votre groupe ne soit terminé.

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Le chef L. Paul: Le chef Floyd Bernard souhaiterait faire son exposé maintenant, monsieur le président, après quoi, les membres du comité pourront lui poser des questions ainsi qu'à moi-même.

Le président: D'accord, dans la mesure où il restera du temps pour le faire, car nous disposons seulement de 40 minutes.

J'invite maintenant le chef Floyd Bernard à faire son exposé.

Le chef Floyd Bernard (Madawaska Maliseet First Nation): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis le chef Floyd Bernard, de la Première nation malecite de Madawaska au Nouveau-Brunswick. Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de vous exprimer notre avis sur le projet de loi C-79. Mon coprésident, Lawrence, et moi-même tenons à vous dire en personne pourquoi nous rejetons la démarche et la proposition du ministre Irwin.

Nous espérons qu'aucun d'entre vous ne se laissera abuser par le ministre ou le gouvernement. Vous aurez des comptes à rendre à vos électeurs et aux citoyens du Canada. Rafistoler la Loi sur les Indiens ne changera en rien la vie de ceux qui habitent dans nos communautés. Le sort des sans-travail désespérés qui vivent de l'aide sociale ne s'en trouvera en rien amélioré. Si vous voulez faire quelque chose, soyez nos partenaires, pas nos ennemis.

Le texte poursuit clairement la politique d'assimilation. J'en prends à témoin la constitution des communautés autochtones en municipalités, la consécration du droit canadien sur les biens immobiliers et sur le mariage et la famille ainsi que sur la fiscalité sur les biens meubles. Autrement dit, si les Premières nations se transforment en petites municipalités dociles, tout le monde sera content. Sur ce territoire, nous sommes les nations micmaque et malecite, pas un petit échevinage bien rangé. Nous constituons un gouvernement et nous voulons poursuivre la reconstruction de nos nations et de nos institutions dans le respect de notre culture et de nos valeurs.

Comme chef d'une petite Première nation, j'estime que ces modifications nous obligeront à recourir à des avocats et augmenteront nos frais administratifs. Le MAIN vous a-t-il dit ce que coûtera l'application de ce texte cette année et dans l'avenir? Si aucune somme ne nous est versée, ce seront des coûts supplémentaires qui nous seront imposés. Or, nos revenus sont fixes. Ce sera un autre exemple de dévolution sans argent à la clé.

L'actuelle Loi sur les Indiens ternit l'image du Canada et c'est tout ce que le ministre Irwin veut changer, parce que la démarche suivie jusqu'ici montre que le Canada n'a pas l'intention de changer et veut rester dans la voie tracée par l'actuelle loi.

Le Canada vient de recevoir le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Vous, les législateurs, pourquoi ne faites-vous rien? Pourquoi ne donnez-vous pas suite à ses recommandations? Prenez le virage. Établissez d'authentiques rapports de gouvernement à gouvernement. Les nations micmaque et malecite sont prêtes à collaborer avec vous, mais le ministre Irwin y est opposé. Lui et le Cabinet fédéral ont décidé d'eux-mêmes ce qui convient le mieux aux Indiens. Je vous conjure de ne pas faire la même chose. N'acceptez pas ce projet de loi. Rejetez-le.

C'est une injure pour moi d'être ici aujourd'hui. C'est une injure de me dire qu'il n'y a pas de fonds qui vous permettent à vous de venir ici ou à moi de me rendre à Ottawa pour vous parler face à face. Il faut passer par cette foutue télévision et par cette caméra. Pour nous, c'est une question importante et je veux en discuter en personne et non pas m'adresser à un foutu téléviseur.

.1020

Y a-t-il un seul argument qui vous convaincra enfin? Est-ce que cela compte pour quoi que ce soit, ce que nous vous disons? Est-ce que ce n'est que du vent? Sur toute l'étendue du territoire canadien, 85 p. 100 d'entre nous ont déjà dit non. À quoi ça sert, bon Dieu, de vous le redire encore une fois? Ce que l'on vous dit, ça ne vaut pas tripette?

Merci.

Le président: Merci de votre exposé.

Sachez que tous vos propos sont consignés et que tout ce qui touche le projet de loi C-79 fera l'objet d'un débat vigoureux, j'en suis sûr, puisqu'il s'agit d'un comité multipartite. Soyez convaincu que les membres de l'opposition, tout comme les membres de la majorité, ont de sérieuses questions à propos du projet de loi.

Nous écoutons ce que vous voulez nous dire. Lorsque nous étudierons en détail le projet de loi, jeudi prochain à 9 heures, nous résumerons en fait les commentaires que nous avons entendus. C'est à cette étape que nous abattons le plus gros du travail. Je crois donc qu'il est un peu prématuré de supposer que personne ne tiendra compte de vos commentaires.

Cela dit, nous passerons maintenant à la période des questions.

[Français]

Monsieur Bachand du Bloc québécois.

M. Claude Bachand: Je voudrais vous féliciter, messieurs Paul et Bernard, pour votre présentation. Monsieur Paul, vous aviez la voix éraillée ce matin, mais je sentais que votre coeur et votre courage étaient quand même toujours présents.

À titre de critique des affaires indiennes, je commencerai en vous disant que le Bloc québécois s'oppose au projet de loi qui est devant nous. Mes fonctions de porte-parole du Bloc québécois m'amènent à voyager beaucoup au Canada, mais je ne me suis malheureusement pas encore rendu au Nouveau-Brunswick.

Je me prépare à vous écrire une lettre à tous les deux afin que je puisse aller rencontrer les gens du Nouveau-Brunswick dans un avenir prochain. C'est une partie que je n'ai pas encore visitée et je suis impressionné par votre présentation de ce matin. J'ai hâte qu'on puisse discuter face à face et se pencher sur les conditions de vie dans les provinces de l'Atlantique. Une visite dans la vallée de la Matapédia et à Edmundston, qui est juste de l'autre côté, est la seule incursion que j'ai faite dans les provinces de l'Atlantique. Je compterai sur vous pour peut-être m'aider à organiser une visite. Nous pourrions en reparler.

J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous pensez de la consultation. Le ministre prétend que l'échange de quelques lettres constitue une consultation suffisante. À votre avis, est-ce une consultation suffisante, entre autres dans la tradition autochtone?

Il me semble qu'une consultation consiste davantage à se rencontrer face à face et à échanger. Comment auriez-vous souhaité que cette consultation soit menée? On sait que ce projet de loi touche aux conditions de vie des Premières Nations, et j'aimerais en savoir plus long sur la consultation. Est-ce que la correspondance est selon vous suffisante ou si vous voudriez qu'on aille plus loin?

Puisque M. Paul a soulevé la question du paternalisme, je lui adresserai la prochaine question. J'ai avancé qu'il n'y avait pas de différence entre le ministre actuel et le premier ministre des Affaires indiennes en 1876. Ces deux ministres, ainsi que leurs prédécesseurs et successeurs, se sont toujours dit qu'ils savaient ce qui était bon pour vous et ils vous l'ont imposé, que vous aimiez cela ou non. C'est un peu l'image que je me fais du ministre actuel. J'aimerais que vous reveniez sur la question du paternalisme et que vous l'expliquiez. Partagez-vous mon avis, à savoir qu'il n'y a pas de différence entre le ministre de 1876 et le ministre de 1997?

Parlons maintenant des notions d'appui ou d'opposition au projet de loi. M. Paul a dit qu'on accorderait certainement des faveurs à ceux qui appuieraient le projet et qu'on imposerait de petites punitions à ceux qui s'y opposeraient. Pouvez-vous nous expliquer par des exemples ce que vous entendez par ces punitions et faveurs? J'ai d'autres questions et je reviendrai si j'en ai le temps.

[Traduction]

Le président: Avant que vous ne répondiez à la question, j'aimerais signaler que peu importe ce que vous pensez du ministre... on vous a demandé votre avis. Le comité est un comité très ouvert et nous vous permettrons de répondre à cette question. J'aimerais cependant signaler que l'opinion que vous avez du ministre n'a absolument rien à voir avec le projet de loi C-79 et qu'elle n'entrera pas en ligne de compte lorsque nous étudierons le projet de loi article par article.

.1025

Nous sommes un comité ouvert et je laisse les gens poser les questions qu'ils désirent. C'est à vous d'utiliser vos 40 minutes comme vous l'entendez.

Le chef L. Paul: Pour répondre à votre question, je dois dire que nous comprenons ce que le président a dit quand il a parlé des comités permanents. Le projet de loi a été déposé à la Chambre. C'est à elle qu'il revient de l'étudier. Pourquoi devrions-nous perdre notre temps à critiquer Ron Irwin? Il n'est plus responsable du projet de loi, il l'a déposé. C'est à la Chambre qu'il revient maintenant de se prononcer.

Pour ce qui est des consultations, je suis d'accord avec mon collègue, le chef Floyd Bernard. Nous communiquons avec vous par voie de vidéoconférence.

Peut-être que même si on apporte des modifications à la Loi sur les Indiens, nous ne méritons pas d'aller à Ottawa et de discuter directement avec vous de la question, face à face, comme l'a signalé mon collègue. Nous vous faisons connaître notre opinion ce matin par des moyens artificiels et je ne trouve pas ça correct.

Parlons maintenant des consultations avec les Autochtones. Ce petit fiasco qu'on organise aujourd'hui n'est en fait qu'un effort de propagande et de relations publiques pour mes compatriotes canadiens, un moyen pour le gouvernement fédéral de leur dire qu'il a consulté les Autochtones, qu'il a écouté leurs doléances.

Nous savons que des députés du Parti québécois siègent à ce comité. Nous savons également que ce comité compte des représentants du Parti réformiste. Malheureusement le Parti conservateur n'y est pas représenté. Après tout, il ne compte que deux députés et ne pourrait probablement pas être représenté au sein du comité, n'est-ce pas? Nous savons cependant que les réformistes et le Parti québécois sont moins nombreux que les députés ministériels. Quoi que vous disiez, que vous vous opposiez à quelque chose ou que vous votiez contre une motion, peu importe, puisque les députés ministériels respecteront la politique du parti. Si la politique du parti est qu'il faut modifier la Loi sur les Indiens, cette loi sera modifiée peu importe ce qu'en pensent les Autochtones.

Voulez-vous ajouter quelque chose, Floyd?

Le chef Bernard: Messieurs et mesdames les députés, je vous supplie lorsque vous procéderez à l'article par article, on m'a dit que c'était jeudi prochain ou un jeudi quelconque je ne me souviens plus - je vous exhorte à lire le projet de loi et à le rejeter, le jeter à la poubelle. S'il vous plaît, rendez-nous ce service.

Merci.

Le président: Malheureusement, le projet de loi devra être renvoyé à la Chambre. Il appartient à la Chambre des communes. Il ne pourra pas être jeté à la poubelle. D'une façon ou d'une autre, modifié ou pas - selon les conclusions que tirera le comité - ce projet de loi sera renvoyé à la Chambre des communes.

Y a-t-il d'autres questions ou commentaires?

J'invite donc nos témoins à faire un dernier commentaire.

Le chef L. Paul: Monsieur le président, je tiens à vous remercier ainsi que les membres du comité de nous avoir offert l'occasion de vous faire part de notre opinion sur cette mesure législative. J'espère que le comité permanent abandonnera la politique de parti et fera preuve de compassion, qu'il tiendra compte de nos opinions comme Autochtones. Si nous pensions que ces amendements à la Loi sur les Indiens étaient dans l'intérêt des Autochtones, nous appuierions la décision du ministre Irwin à l'égard du dépôt de ce document à la Chambre des communes. Nous avons aussi des conseillers juridiques. Nous avons des personnes ressources. Nous pouvons interpréter ces amendements, et nous savons qu'ils ne sont pas dans notre intérêt.

.1030

Voici un comité permanent... J'ai déjà comparu devant un comité permanent à Ottawa. C'était à l'époque où le premier ministre était M. Trudeau. Le parti au pouvoir était le Parti libéral, et nous étudiions une autre question. Néanmoins, je crois que nous sommes maintenant à une époque où les Canadiens et d'autres nations, tout particulièrement les États-Unis, étudieront ce que fait le gouvernement canadien pour voir si les mesures qu'il prend sont dans les meilleurs intérêts des Autochtones.

Je dois rappeler au comité permanent qu'un sondage a été effectué il y a quelques semaines;40 p. 100 des Canadiens ont dit qu'ils voulaient que les gouvernements fédéral et provinciaux améliorent la situation dans laquelle vivent les Autochtones - c'est extraordinaire, 40 p. 100. Je veux que le comité permanent s'en souvienne bien. Quarante pour cent des Canadiens veulent que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux améliorent les conditions de vie des Autochtones au Canada.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci; je peux vous dire en toute confiance que chaque député membre de ce comité fait partie de ce 40 p. 100. On nous demande souvent d'être les porte-parole de ceux que nous représentons. Quatre-vingt mille personnes vivent dans ma circonscription. Moins de 500 d'entre eux sont Autochtones, et je passe pratiquement tout mon temps à Ottawa pour essayer d'améliorer la vie des Autochtones. Et je ne suis pas le seul. Chaque membre de ce comité a accepté d'être ici pour cette raison; je peux dire cela sans hésiter de tous les membres du comité, peu importe le parti qu'ils représentent.

Je tiens à vous remercier de votre excellent exposé.

Y a-t-il quelqu'un dans la salle qui s'appelle Alex Dedam et qui représente le Conseil mawiw.

Nous avons prévu deux témoins pour la même période pour vous permettre de vous adresser au comité. Si vous êtes là, je peux vous dire que vous disposez de 30 minutes.

M. J. Paul: Monsieur le président, avant que vous ne poursuiviez, j'aimerais savoir si l'Atlantic Policy Congress dispose de plus de temps ou s'il ne disposait que de 40 minutes?

Le président: Il ne vous reste plus de temps. Vous avez terminé votre exposé. Il n'y avait plus de questions des députés et je vous ai permis de présenter une conclusion. Nous passons maintenant au Conseil mawiw.

Pouvez-vous m'entendre? Quiconque désire présenter un commentaire par écrit, s'il désire ajouter quelque chose, peut nous le faire parvenir. Nous devons cependant le recevoir avant mercredi prochain.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Alex Dedam du Conseil mawiw.

Monsieur Dedam, quel poste occupez-vous au sein de ce groupe?

M. Anthony Francis (représentant, Mawiw Council of Chiefs): Je ne suis pas Alex Dedam. Il ne pouvait être des nôtres.

Le président: Quel est votre nom?

M. Francis: Je m'appelle Anthony Francis. Hier soir le chef de la réserve Big Cove m'a demandé de représenter le Conseil mawiw aujourd'hui.

Le président: Très bien. Vous disposez de 30 minutes.

M. Francis: Je désire signaler que j'approuve les commentaires qu'ont faits les deux derniers intervenants; je désire également appuyer la position adoptée par l'Assemblée des premières nations.

Je m'inquiète des répercussions possibles du projet de loi C-79, et je n'aime pas du tout cette option qui est offerte. Je crois qu'il s'agit de la façon la plus dangereuse de présenter un projet de loi, et dire qu'il ne s'agit là que d'une option. Cela ne représente pas l'opinion des groupes de base. On peut avoir un conseil qui se compose de sept, huit, ou douze personnes qui pourraient décider d'empiéter sur les droits du reste de la communauté.

.1035

Je crois que le projet de loi C-79 pourrait mener à l'assimilation à certains endroits. Les questions territoriales - l'aliénation des terres indiennes, l'imposition de taxes foncières, d'hypothèques, l'aliénation des terres pendant de longues périodes - tout cela représente une forme d'empiétement sur les droits des Autochtones à l'égard de leurs terres. Je crois que tout cela va à l'encontre des dispositions de la Constitution, parce que le gouvernement doit aux termes de la Constitution protéger les terres indiennes et respecter ses obligations fiduciaires à l'égard des Autochtones.

Si le gouvernement adopte des lois qui autorisent l'aliénation des terres indiennes pendant de longues périodes - supposons par exemple, des hypothèques de la SCHL... si ces terres sont grevées d'hypothèques qui empiètent sur les droits des Autochtones d'utiliser ces terres. Il s'agit là de l'aliénation de nos droits. C'est pourquoi je m'oppose au projet de loi C-79.

Je crois que la meilleure façon de procéder aurait été de laisser les Autochtones eux-mêmes s'attaquer au problème. Par exemple, s'ils n'étaient pas heureux de certaines dispositions de la loi actuelle, peut-être une ou deux, on aurait pu apporter des modifications au lieu de faire ce que l'on a fait, soit apporter des modifications de grande envergure à l'ensemble de la loi. Pensons par exemple à la définition d'une réserve dans la Loi sur les Indiens où on dit que Sa Majesté détient des réserves à l'usage et au profit des Autochtones. J'ai étudié de près cette disposition. Je crois que ces terres appartiennent aux Autochtones et qu'elles sont détenues à cette fin par Sa Majesté. On n'a jamais modifié cette disposition.

Il existe d'autres dispositions importantes. Par exemple l'article 4 de la loi donne au gouverneur en conseil beaucoup trop d'autorité et de pouvoir. Les Autochtones eux-mêmes auraient dû proposer des modifications à ces dispositions. Par exemple, l'article 29, lui, protège les terres des Autochtones.

Je crois que le gouvernement est confronté à de gros problèmes en ce qui a trait aux rapports de la SCHL avec la majorité des réserves au Canada. Certaines de ces politiques étaient optionnelles au début. Je m'en souviens parce que j'étais président de la Union of New Brunswick Indians lorsque cette politique a été adoptée. J'étais également président de La fraternité des Indiens du Canada. Nous nous sommes opposés carrément à ce que ces terres soient grevées par des hypothèques. Nous avons dit, comment procéderez-vous par exemple si les gens ne peuvent pas payer leur hypothèque? Comment trouver pour eux de l'argent? Si vous les forcez à quitter leur maison et que vous leur dites qu'ils ne peuvent plus y vivre parce qu'ils ne paient pas leur hypothèque, comment leur trouver un autre endroit où vivre? Que faire de ces gens dans les réserves?

Il faudrait prévoir une garantie par laquelle nous pourrons toujours jouir de cet endroit spécial, qui s'appelle aujourd'hui une réserve, pour que nous puissions utiliser nos terres pour y exercer nos droits, nos traditions et notre culture. Nous pourrons toujours avoir ces réserves, mais certaines de ces politiques permettront une assimilation. Une fois que le statut juridique des terres change, d'autres choses changeront, parce que quelqu'un d'autre pourra prendre ces terres. Qui? Les Autochtones ou les non-Autochtones? Et ceux qui seront forcés de quitter leur maison, où iront-ils?

.1040

Beaucoup de maisons sont assujetties à des ententes avec la SCHL; cependant il est impossible d'obtenir de l'argent pour ces maisons parce que les terres en sont exclues. En effet, ces dernières sont la propriété commune des Autochtones.

Les droits juridiques des Autochtones - par exemple les droits qu'on leur garantit en matière d'éducation, de biens-fonds, qui ne peuvent être saisis, et toute une série d'autres droits qui sont garantis par les articles 88, 89 et 90... Je ne crois pas que vous puissiez décider de retirer ces droits au peuple.

Tout comme les organismes autochtones qui sont ici aujourd'hui, je m'oppose à l'adoption du projet de loi C-79 et de ces modifications à la Loi sur les Indiens.

C'est tout ce que je veux dire.

Le président: Merci beaucoup. Nous disposons d'environ 10 minutes pour les questions.

[Français]

M. Claude Bachand: Bonjour, monsieur Francis. Je suis très heureux de votre présentation. Je sais que vous avez été très impliqué dans la lutte contre le Livre blanc de 1969, qui visait beaucoup entre autres l'assimilation. Vous venez de souligner que cette fois-ci, avec le projet de loi C-79, cette assimilation pourrait se faire par les terres parce que certaines dispositions de la loi disent qu'on peut maintenant hypothéquer ces terres. Vous semblez craindre cette assimilation par les terres.

Croyez-vous que le projet de loi C-79 a une certaine similitude avec le Livre blanc? Est-ce que finalement l'assimilation est toujours présente du côté du gouvernement fédéral depuis que vous oeuvrez dans le domaine autochtone et que vous défendez votre peuple? Le projet de loi C-79 s'inscrit-il dans cette tradition du gouvernement fédéral, qui tente d'assimiler les autochtones à la société canadienne?

Je me reporte tout particulièrement au Livre blanc de 1969 et à la bataille dans laquelle vous avez été beaucoup impliqué, je crois. Pourriez-vous nous donner une brève description et nous dire si mes affirmations sont exactes? Le Livre blanc de 1969, le projet de loi C-79 et tout ce qui les a précédés au cours des 100 dernières années visent-ils à assimiler les peuples autochtones?

[Traduction]

M. Francis: Oui, c'est justement ce que je pense de toutes les politiques actuelles du gouvernement.

Depuis 1969, j'ai vu les divers programmes et politiques adoptés par le gouvernement. J'en ai mentionné une, la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Depuis 1984, il n'y a pas eu d'augmentation des subventions au logement accordées par le ministère des Affaires indiennes. Pourquoi? Pour transférer la responsabilité du logement des Autochtones à la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

Le Livre blanc de 1969 annonçait très clairement qu'une fois que le ministère des Affaires indiennes n'existerait plus, tous les programmes seraient confiés à divers ministères ou aux provinces. Le gouvernement a déployé nombre d'efforts pour y parvenir. L'aspect le plus important de toute cette affaire est le statut des terres réservées dans la Loi sur les Indiens aux Autochtones; il s'agit après tout d'une notion de propriété commune.

.1045

Lorsque l'homme blanc est venu dans ce pays, il s'est dit que les Autochtones n'étaient pas propriétaires de terres en particulier. Ils avaient le droit d'occuper diverses parcelles. Lorsque la Loi sur les Indiens a été adoptée, les Indiens ont continué à vivre en fonction de ce concept. Lorsque le Livre blanc a été rédigé en 1969, on y recommandait que des terres dans les réserves soient divisées pour donner des lopins aux particuliers, de numéroter ces lopins. Je suppose que ces terres pourraient un jour être occupées à titre de propriétés libres, et seraient à ce moment-là assujetties à des saisies, des hypothèques et des choses du genre. Elles pourraient alors être aliénées. C'est ce qui m'inquiète dans le projet de loi C-79.

Il existe un autre programme optionnel depuis plusieurs années, un programme offert par les Affaires indiennes; il s'agit des modes optionnels de financement, les MOF. On y parle également de taxation et de terres occupées à titre de propriétés libres. Je crois que le chef d'Edmundston, le chef Bernard, a très bien expliqué la situation. Je crois qu'on a fait des efforts afin d'appliquer les propositions formulées dans le Livre blanc de 1969 même si ce document a été rejeté sans équivoque par les Indiens du Nouveau-Brunswick et du reste du pays.

Le président: Merci. Nous devons vous demander d'être bref parce qu'il ne reste que quelques minutes. La raison pour laquelle je procède plus rapidement c'est que nous avons reçu votre demande après les autres et nous avons réussi à vous trouver une brève période pour comparaître. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous donner les 40 minutes qui sont habituellement réservées aux témoins, mais nous avons essayé de vous offrir le plus de temps possible.

Monsieur Murphy.

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants, Lib): Merci, chef Francis. Je m'intéresse à vos commentaires sur les terres. Je me demande comment on pourrait mettre en oeuvre une politique qui protégerait vos terres. Que devrions-nous faire d'après vous? Vous rejetez la vieille notion selon laquelle Sa Majesté détient ces terres pour votre profit. Comment composer avec ce problème? Pourriez-vous m'aider à mieux comprendre en fait la situation?

M. Francis: J'ai mentionné l'article 29 de la Loi sur les Indiens. Il y a des dispositions dans cette loi qui précisent que dans le cas d'un processus juridique, les terres indiennes ne peuvent pas être assujetties à des hypothèques, à des saisies, ou ne peuvent être aliénées. Ça c'est une garantie qui nous est accordée.

Si vous assujettissiez une de ces terres à une hypothèque, si vous vous adressiez à la SCHL et que vous empruntiez de l'argent pour construire une maison sur cette terre, vous l'aliéneriez. C'est impossible parce que nous, les Indiens du Nouveau-Brunswick, avons recommandé que ces terres ne soient, dans quelque circonstance que ce soit, jamais assujetties à des hypothèques. Ces terres devraient toujours exister. Aux termes de la Constitution canadienne, comme l'a mentionné M. Paul, au paragraphe 91(24) le gouvernement a l'obligation fiduciaire de protéger ces terres et de protéger les Premières nations.

Je ne sais pas s'il nous faut d'autres politiques spéciales. Je crois que ce que nous avons suffit. Je crois qu'il faudrait respecter les lois actuelles et cesser d'appliquer les programmes de la SCHL aux réserves indiennes, parce qu'elles ne sont pas après tout comme une municipalité.

Le président: Merci beaucoup. Ce commentaire a été dûment enregistré. Je tiens à vous remercier de votre exposé. Ceci met fin à cette partie de nos audiences.

J'aimerais maintenant inviter le chef adjoint régional, M. Rick Simon du Secrétariat de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve de l'Assemblée des premières nations à témoigner.

Pendant qu'il s'installe à la table des témoins, j'aimerais signaler que nous accueillons aujourd'hui un groupe de jeunes Canadiens qui sont à Ottawa pour voir comment le gouvernement et les comités fonctionnent. Les gens que vous voyez s'avancer sont des jeunes Canadiens - certains représentent les Premières nations - qui visitent Ottawa.

.1050

Si personne ne s'y oppose nous pourrions les inviter à prendre place à la table à titre d'observateurs, pour qu'ils voient vraiment ce qui se passe en comité. Ils pourront vous voir sur l'écran. Ce sont des gens doués. Ce sont des Canadiens de marque.

Je m'excuse donc, vice-chef Simon, et je vous remercie de votre collaboration. Je suis certain que vous êtes comme nous très heureux que ces jeunes Canadiens soient ici.

Vice-chef Simon, je vous remercie beaucoup d'être venu. Nous avons 40 minutes à vous consacrer. Vous pouvez disposer de ces 40 minutes comme vous voulez. Nous tiendrons compte de votre témoignage lors de notre discussion sur le projet de loi C-79 pendant notre étude article par article avant de renvoyer le projet de loi à la Chambre. Je vous serais cependant reconnaissant de laisser le temps aux membres du comité de vous poser des questions.

Vous pouvez commencer si vous êtes prêt.

Le vice-chef Rick Simon (Assemblée des premières nations, Nations de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve): Bonjour au Comité permanent des Affaires autochtones et du Nord canadien qui étudie le projet de loi C-79 sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens.

Avant de commencer, je dois dire que je suis très heureux de voir que de jeunes Canadiens soient là. Cela m'a bien inquiété de lire un article l'autre jour dans le journal disant qu'une jeune femme micmaque de la Nouvelle-Écosse, je pense, s'était présentée à la Chambre des communes avec une plume d'aigle et qu'on avait refusé de la laisser entrer. S'il y en a parmi les jeunes Canadiens qui nous écoutent qui ont décidé de suivre son exemple, j'espère qu'ils n'ont pas eu les mêmes ennuis.

Le président: Si vous me le permettez, je voudrais dire un mot à ce sujet. C'est un incident pour lequel notre gouvernement s'est excusé. Le ministre des Affaires indiennes s'est excusé de cet incident. C'est la décision d'une personne qui a causé cet incident.

Je peux vous dire que, à la réunion suivante de notre comité, Elijah Harper est arrivé avec une plume et que nous l'avons chaleureusement accueilli.

Nous tenons donc à nous excuser à vous et à cette jeune femme pour cet incident qui a été causé par une décision d'un employé de la Chambre des communes et qui ne se reproduira sans doute jamais.

Je vous remercie d'en avoir parlé.

Le vice-chef Simon: Très bien.

Je suis vice-chef régional de l'Assemblée des premières nations de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. Mes collègues et moi sommes venus répéter ce que vous avez probablement déjà entendu lors de vos audiences dans d'autres régions du pays. Nous devons cependant nous répéter encore une fois. Nous n'appuyons pas le projet de loi C-79.

Chaque fois que nous avons eu l'occasion de le faire depuis un an environ, nous avons répété au ministre des Affaires indiennes, M. Ron Irwin, que nous n'appuyons pas le projet de loi. Partout dans le pays, 85 p. 100 des Premières nations ont dit la même chose dans leurs résolutions et dans leur correspondance, mais les Premières nations de l'Atlantique sont venues répéter la même chose encore une fois aujourd'hui.

Nous sommes obligés de manifester notre opposition de façon officielle pour que, quand le gouvernement du Canada aura imposé sa volonté aux Premières nations du Canada, nous puissions, que cela serve à quelque chose ou non, déclarer avec fierté que nous avons rejeté cette mesure et que les documents le prouvent.

Les délibérations du comité permanent feront partie de ces preuves documentaires. Seule l'histoire pourra dire si vous avez fait ce qu'il fallait ou non. Vous pouvez maintenant choisir de respecter la politique du parti ou bien d'écouter les Premières nations du Canada, pour lesquelles le projet de loi C-79 aura d'énormes conséquences négatives.

.1055

J'ai insisté sur le rôle du comité et j'ai essayé de faire appel à vos sentiments à titre de députés au Parlement pour une raison bien simple. Nous ne nous faisons aucune illusion quant au rôle de votre comité dans ce processus. Le gouvernement a déjà annoncé qu'il comptait se servir de sa majorité au comité pour aller de l'avant avec le projet de loi C-79 même s'il a été rejeté par la très grande majorité des Premières nations.

Ce qui est encore plus grave, votre comité compte deux membres autochtones, M. Jack Anawak et M. Elijah Harper, qui, soit dit en passant, sont tous deux tombés mystérieusement malades la semaine dernière quand le chef national Ovide Mercredi est venu témoigner. Je doute sérieusement que ces deux députés autochtones feront la bonne chose quand viendra le temps de rejeter le projet de loi. La politique du parti l'emportera.

Le noble geste de rejet de l'entente du Lac Meech sera enseveli à jamais sous les documents montrant un choix qui reflétera la politique du parti. J'espère sincèrement...

Le président: Excusez-moi, mais je dois intervenir. Nous tenons ces audiences publiques non pas pour vous permettre de critiquer certains membres du comité, mais pour que vous puissiez recommander au comité soit de renvoyer le projet de loi à la Chambre tel quel ou bien de le modifier.

Je refuse donc que l'on critique des membres du comité. Je vous prie de vous contenter de faire des commentaires généraux et de ne pas faire de critiques personnelles.

Merci beaucoup.

Le vice-chef Simon: Je ne voulais pas m'attaquer à M. Harper, mais simplement faire la lumière sur le processus.

Apparemment, le gouvernement a utilisé une procédure spéciale pour accélérer le processus législatif à la Chambre et renvoyer la mesure à votre comité avant la deuxième lecture. Le ministre avait promis qu'il y aurait des audiences publiques complètes sur le projet de loi, mais nous avons eu droit plutôt à une petite semaine d'audiences devant votre comité, par téléconférence, de surcroît.

Cela ne nous étonne pas. Cela reflète à peu près ce qu'il a essayé de faire croire à votre comité et au public canadien au sujet de sa méthode de consultation. La consultation par correspondance, voilà comment le ministre des Affaires indiennes a procédé pour son projet de loi. Il ne s'est nullement efforcé de s'en tenir à la définition la plus fondamentale d'une consultation.

Quand seulement quelques rares Premières nations ont répondu à la lettre du ministre où il demandait des recommandations pour modifier la Loi sur les Indiens, il a refusé de reculer et il nous a envoyé d'autres lettres en espérant que les Premières nations avaient mal compris ce qu'il voulait faire.

Ce n'était pas un malentendu. Nous savions très bien qu'il y a des choses plus importantes qui prépareront la voie à notre autonomie gouvernementale, la première et la plus importante étant les traités signés dans la région de l'Atlantique avant même la Confédération.

Nous n'avons pas accordé la priorité à un projet de loi qui favorise les intérêts du gouvernement du Canada. Nous voulons l'autonomie gouvernementale, l'autodétermination et non pas l'autodestruction. Cependant, ce sont nos priorités à nous, pas celles du gouvernement du Canada, qui veut avant tout dans ce projet de loi éroder les rapports spéciaux qu'il entretient avec les Premières nations du Canada.

Il semble bien que le gouvernement fera tout pour imposer sa volonté à notre peuple, même s'il doit pour cela nous nier notre droit démocratique fondamental d'exprimer notre point de vue sur une question qui risque de modifier de façon spectaculaire nos rapports avec la Couronne fédérale aux yeux de la loi.

C'est ce que nous avons toujours affirmé dans nos assemblées régionales et nationales. Quand le ministre des Affaires indiennes a assisté à une réunion spéciale organisée par l'Assemblée des premières nations pour discuter des modifications à la Loi sur les Indiens à Winnipeg en septembre dernier, les chefs lui ont demandé les uns après les autres de reculer. Il a refusé. Il était bien évident à l'époque que le ministre s'était fait sa propre idée au sujet du projet de loi. Si ce n'était pas le cas, cette mesure aurait été mise en veilleuse.

À la suite de cette réunion, les chefs des Premières nations du Canada ont adopté une résolution pour rejeter le projet de loi, laquelle résolution faisait partie, je pense, des documents que vous a remis le chef national Mercredi, la semaine dernière. J'incite votre comité à étudier cette résolution parce qu'elle reflète la volonté collective des chefs du Canada et parce qu'elle a été adoptée après un plein débat démocratique.

De son côté, le ministre a préféré passer par la porte d'en arrière pour tenir un plein débat démocratique. Il a demandé aux chefs de lui recommander des changements à la loi en leur envoyant des lettres. Certains ont répondu. La plupart n'ont pas répondu du tout. Cependant, une fois que le processus était lancé, il n'y avait pas moyen de vérifier ou de guider ce que ferait le ministère. Comme dans le passé, les bureaucrates ont pris les choses en main. La liste des amendements proposés a commencé à s'allonger à mesure que les bureaucrates eux-mêmes ont pensé à des choses à y ajouter. Le ministre a donc tort de prétendre que tous ces amendements ont été proposés par les Premières nations elles-mêmes.

.1100

Je pourrais vous parler indéfiniment du déroulement du processus, mais je suis persuadé que les représentants des Premières nations du Canada vous ont déjà dit la même chose et donc je vais passer à la question de fond.

L'objectif ultime du projet de loi C-79, c'est l'assimilation, non l'autonomie de nos peuples. Cela ressort clairement du fait que ce projet de loi est censé déléguer aux Premières nations les pouvoirs internes de nos communautés, les pouvoirs intégraux de nos cultures dans les domaines du choix de dirigeants, de la succession et des terres.

Même dans le cadre de sa politique des droits dits inhérents, aussi étroit soit-il, le gouvernement concède qu'il s'agit là de questions déjà reconnues et affirmées à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

La Commission royale sur les peuples autochtones, dans son rapport final, conclut que ce sont là des domaines clés de compétence des Premières nations, protégés par l'article 35, que les Premières nations peuvent exercer librement, sans l'ingérence des autres paliers de gouvernement. Pourquoi dans ce cas, le ministre se propose-t-il de déléguer ces pouvoirs et demande-t-il le consentement des Premières nations à cette fin?

En fait, le ministre veut obtenir le consentement des Premières nations pour contrôler les Premières nations - consentement qui n'a pas été obtenu en 1876 lorsque nos nations se sont fait imposer la première Loi générale sur les Indiens.

Voilà le résultat de la participation; vous consentez au projet de loi. Une fois cela fait, il vous faut suivre ou périr. Il n'y a aucune disposition de désengagement. Pour participer, il suffit d'une majorité simple au conseil de bande. On n'a pas prévu de référendum de la communauté. Qu'arrive-t-il si les membres de la communauté regrettent, en grande majorité, leur participation, mais l'engagement est déjà pris à cause d'un vote à la majorité simple au conseil de bande? Il se peut que le chef du conseil soit remplacé par des moyens démocratiques, mais les membres de la communauté demeurent parties au projet de loi sans moyen de s'y soustraire.

L'article 8 du projet de loi confère aux bandes la capacité d'une personne physique et introduit le concept de société. Ce concept est étranger à notre peuple et porte atteinte directement à nos coutumes, pratiques et traditions.

Le ministre Irwin justifie cette disposition particulière en disant que cela permettrait aux bandes de conclure des contrats, d'intenter des poursuites et de faire l'objet de poursuites. Pourtant, la jurisprudence existe déjà, les bandes peuvent conclure des contrats, intenter des poursuites et faire l'objet de poursuites. À quoi sert donc cette disposition? On peut supposer qu'à l'avenir, les avocats du ministère de la Justice feront valoir qu'une Première nation qui a souscrit à ce projet de loi ne possède plus le droit inhérent à l'autonomie puisqu'elle est devenue une personne mobile, notion qui n'a rien à voir avec les pratiques, coutumes ou traditions qui faisaient intégralement partie de sa culture avant son contact avec les Européens.

Le ministre a affirmé que ce projet de loi augmentera les pouvoirs des Premières nations et diminuera ses pouvoirs à lui. Il a réagi aux allégations que de nombreuses dispositions dans le projet de loi augmentent en fait ses pouvoirs en disant que c'est simplement afin d'atteindre une plus grande efficacité. Toutefois, en pratique, cela signifie que les responsabilités actuelles du cabinet fédéral sont transférées au ministre afin d'augmenter les pouvoirs de ses fonctionnaires et de ses cadres supérieurs.

Comme on l'entend dire dans les communautés des Premières nations, nous venons des Affaires indiennes et nous sommes ici pour vous aider. Nous aider à faire quoi, je vous le demande. Consolider le pouvoir des fonctionnaires sur nos vies consiste à perpétuer les abus auxquels nous avons été assujettis depuis des siècles. Ce projet de loi ne règle en rien la question des comptes que le ministre a à rendre à nos nations ni ne met fin aux mesures arbitraires des fonctionnaires qui jusqu'à présent ont échappé à toute forme d'examen ou de transparence dans leurs transactions avec notre peuple.

Si le ministre tient absolument à adopter ce projet de loi, pourquoi ne pas y préciser la nature et la portée des responsabilités fiduciaires de la Couronne fédérale à l'égard des Premières nations? Pourquoi ne pas y confirmer l'engagement de la Couronne fédérale à la mise en oeuvre des traités pré-Confédération ici dans la région de l'Atlantique pour les nations micmaque et malecite. Pourquoi ne pas utiliser le projet de loi pour constituer une assise légale solide aux relations financières entre les Premières nations et le Canada?

.1105

Le ministre refuse d'accueillir de telles idées parce qu'elles sont énoncées par les Premières nations et que le gouvernement du Canada tient toujours à avoir la haute main et à nous mener à l'assimilation. Il nous faut une procédure, un ordre du jour et des priorités convenus entre nous dans le cadre d'une collaboration réelle si nous voulons que les initiatives législatives tiennent compte des priorités et des objectifs des Premières nations et pas uniquement de celles du Canada.

Comme je l'ai dit précédemment, voici la documentation qui définit certains de nos objectifs et aspirations réels. L'histoire et très probablement les électeurs canadiens jugeront si ce comité a fait ce que veulent les Premières nations du Canada et non pas ce que leur dictait la politique du parti. Merci.

Le président: Merci beaucoup de cet excellent exposé des plus pertinents sur ce projet de loi que nous examinons.

Nous allons maintenant passer aux questions. Je peux vous expliquer que s'il ne reste queM. Bachand du Bloc québécois et moi-même, c'est qu'il y a un vote en Chambre. Votre exposé a été enregistré.

Je vais céder la parole à M. Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur Simon, je vous remercie pour votre présentation. Elle présente une certaine similitude avec celle de votre prédécesseur à la table, M. Francis, sur la question de l'assimilation. M. Francis avait été très impliqué dans le Livre blanc de 1969 sur l'assimilation et il semble dire que les politiques du gouvernement depuis ce temps vont un peu dans la même veine.

J'estime que le gouvernement a trouvé une façon originale d'essayer d'amenuiser cette situation en disant que le projet de loi n'était qu'optionnel, que ceux qui veulent se prévaloir de l'ancienne loi peuvent rester sous l'égide l'ancienne loi tandis que ceux qui veulent se prévaloir de la nouvelle loi peuvent le faire.

Selon vous, est-ce tout simplement un truc qu'utilise le gouvernement pour créer deux types d'autochtones ou deux types de loi, une loi ancienne et une loi nouvelle? Plusieurs intervenants nous ont dit que ceux qui sauteraient dans la nouvelle loi seraient probablement favorisés, qu'on leur accorderait certaines faveurs, tandis que ceux qui resteraient en dehors et ne voudraient pas opter pour la nouvelle loi pourraient être pénalisés.

Est-ce que vous êtes d'accord sur ces affirmations relatives aux politiques d'assimilation qui se poursuivent, ainsi qu'à l'octroi de faveurs à ceux qui optent pour la loi et à l'imposition de petites punitions à ceux qui n'optent pas pour la nouvelle loi?

[Traduction]

Le vice-chef Simon: Oui, en effet. Merci de cette question, monsieur Bachand. En fait, n'était-ce de vous, il n'y aurait sans doute aucune question pour nous aujourd'hui.

Qu'il s'agisse du Livre blanc de 1969, du rapport Nielsen de 1984-1985, ou de ce que propose aujourd'hui le gouvernement libéral... peu importe la couleur, libéral ou conservateur, c'est la même chose. Chaque parti au pouvoir jusqu'à présent a essayé de se soustraire à ses responsabilités à notre égard et a tenté de le faire dans toute une gamme de domaines.

Si l'on songe à ce qui se passe actuellement, le ministre affirme que notre droit inhérent est reconnu mais fait maintenant partie d'une politique. Dorénavant donc, toutes les initiatives du gouvernement libéral qui touchent les Premières nations du Canada seront assujetties à cette politique des droits inhérents. Toute initiative que nous voulons lancer à l'avenir sera liée à cette politique que nous avons rejetée tout comme nous rejetons le projet de loi C-79.

.1110

Les initiatives que privilégient les peuples des Premières nations sont liées aux politiques de financement que nous préconisons. D'après ce que nous avons compris des analyses que nous avons effectuées dans le cadre de l'examen des programmes, non seulement dans les régions mais au niveau de l'organisation nationale, l'Assemblée des premières nations, aucune somme n'a été réservée sauf dans le cadre de cette politique des droits inhérents pour financer ceux qui accepteront d'être assujettis à cette nouvelle Loi sur les Indiens.

On crée ainsi deux catégories de personnes, comme cela s'est déjà fait. C'était la même chose avec le projet de loi C-31.

Jusqu'à présent, quel que soit le parti du gouvernement au pouvoir, c'est la même chose: on mine la relation que l'on a avec les Premières nations du Canada.

Le président: Vice-chef Simon, s'il n'y a que M. Bachand et moi-même ici, nous avons une entente entre les deux partis. Nous éliminons le vote de l'autre. C'est pourquoi nous pouvons continuer. Si je partais voter, il faudrait que M. Bachand fasse la même chose, ou s'il est ici, je dois l'être aussi. Nous avons conclu cette entente pour faciliter les séances publiques de façon à entendre le plus grand nombre de témoins possible. Voilà pourquoi nous sommes deux ici.

S'il y avait un autre député de l'opposition, il faudrait un autre député ministériel, maisM. Bachand, comme un bon soldat, est toujours là.

Je pense qu'il veut vous poser une autre question.

[Français]

M. Claude Bachand: Vous voyez, monsieur Simon, que le Bloc québécois est très accommodant quand vient le temps de discuter de la question autochtone. D'ailleurs, je ne sais pas si vous la voyez à la télévision, mais je suis très fier d'avoir près de moi Mme Labrador, qui a reçu des excuses de la Chambre hier, qui a sa plume et qui l'a fièrement à côté d'elle ici. Je suis très fier d'être à côté d'elle et je tenais à le préciser.

Monsieur Simon, j'ai une autre question sur la consultation. La tradition autochtone consiste depuis toujours à faire face, de nation à nation, aux gens avec qui on veut s'entendre. Je parle ici des Premières Nations en tant que nations comme telles. Au cours de l'histoire, elles se sont toujours assises en face d'intervenants à une table et ont considéré qu'elles n'ont jamais été défaites dans quelque guerre que ce soit. Elles ont toujours été traditionnellement pour la Couronne britannique ou la Couronne française. Il y avait certaines façons de faire pour échanger des points de vue. Aujourd'hui, le ministre prétend avoir tenu une consultation parce qu'il a envoyé des lettres aux Premières Nations.

Estimez-vous que cette façon de consulter les gens constitue un bris de la tradition autochtone? N'est-ce pas passer par la porte d'en arrière pour adopter un projet de loi significatif qui aura des répercussions importantes sur les conditions socioéconomiques des autochtones? Est-ce une façon de faire un peu cavalière que de dire que puisque 70 des 600 Premières Nations ont répondu par lettre, on se sent justifié de procéder à l'adoption d'un projet de loi qui va toucher tout le monde et qu'on pense bon pour elles? Finalement, n'est-ce pas un bris de la façon traditionnelle de procéder pour discuter de questions qui touchent les Premières Nations du Canada?

[Traduction]

Le vice-chef Simon: Merci, monsieur Bachand. En ce qui concerne le ministre et son style de consultation, je dois considérer qu'il s'agit de son plan B. Il a traité directement avec les Premières nations partout au pays, comme je l'ai mentionné au cours de mon exposé. Il a rencontré personnellement les chefs du Canada à Winnipeg, en septembre dernier, où nous lui avons répété, encore et encore, que nous n'appuyons pas ce projet de loi et qu'il y avait des failles dans cette procédure. Il a eu l'occasion alors de rectifier la situation.

Ce matin, vous avez entendu les deux coprésidents de l'Atlantic Policy Congress. À l'occasion de nos colloques régionaux, nous avons réuni ici dans l'Atlantique 35 chefs avec le ministre, et nous avons discuté de tout ce processus. À ce moment-là, nous l'avons rejeté d'emblée. Sauf pour l'idée de tenir certaines de ces audiences dans la collectivité pour élargir le débat au-delà des dirigeants élus, qu'il ne semble pas écouter de toute façon. Il aurait sans doute été bon qu'il puisse entendre directement les habitants des collectivités. En ce qui a trait à la question des consultations, il a sa propre idée.

.1115

D'ailleurs, cela me ramène à ce que je disais au sujet de la politique du parti. Cela est clair depuis le début de cette comédie entourant l'organisation même de ces audiences. Nous avons dû faire un long voyage pour venir ici présenter des exposés afin de faire consigner officiellement ce que nous vous avons déjà dit à maintes reprises. Est-ce si difficile de comprendre non? Nous rejetons le projet de loi C-79.

Le président: Nous vous remercions d'être venus de si loin pour comparaître. Étant donné que nous avons passé beaucoup de temps à parler des consultations ministérielles, je tiens à dire, aux fins du compte rendu, que le projet de loi n'appartient plus au ministre. Une fois déposé, il appartient à la Chambre des communes. Le comité n'est pas là pour évaluer l'efficience du processus de consultation mené par le ministère ou par le ministre. Nous sommes là pour examiner le projet de loi. L'enjeu, c'est le projet de loi C-79, et non pas les personnes qui y sont associées, ou encore la façon dont certaines d'entre elles ont fait leur travail avant qu'il soit déposé.

Vous avez exprimé clairement votre désaccord et cette objection, et tout ce que vous avez dit a été consigné.

[Français]

Monsieur Bachand, vous voulez continuer?

M. Claude Bachand: Puisque vous mettez votre petit grain de sel, je mettrai aussi le mien. C'est bien évident que selon la procédure parlementaire, le ministre dépose un projet de loi qui fait l'objet d'une première puis d'une deuxième lecture, et qui est ensuite renvoyé au comité. Certaines gens ont soulevé le fait que la majorité des membres du comité étaient du gouvernement. C'est bien évident, puisque que la démocratie a décidé qu'il y aurait au Canada plus de libéraux que de députés du Bloc québécois.

Je considère que la consultation est importante. On ne traite pas d'un projet de loi sur les affaires indiennes comme d'un projet de loi sur les mines ou sur les ressources naturelles. On discute des conditions de vie des gens. Il m'apparaît important qu'un comité qui étudie les ressources naturelles se demande combien d'arbres seront coupés, tandis que celui qui étudie les mines doit se demander jusqu'à quelle profondeur on va creuser. Quand on parle d'un projet de loi qui a trait aux Premières Nations, il est important de savoir si elles ont été consultées puisque ce sont elles qui devront vivre avec le projet de loi par la suite. C'est pourquoi je m'attarde sur la façon dont cette consultation a été faite. Pour moi, il y a là une portée morale, même si je sais que nous étudierons la semaine prochaine l'aspect juridique, c'est-à-dire le projet de loi article par article, et que la consultation n'y apparaîtra pas. Cependant, tant que comparaissent les témoins, il m'apparaît important d'essayer de voir s'ils ont été consultés puisque leurs conditions de vie seront affectées à la suite de l'adoption du projet de loi. Ce sont eux qui vont en vivre les conséquences au jour le jour. C'est pourquoi je m'attarde sur la consultation comme telle. Je ne fais qu'une mise au point.

[Traduction]

Le président: Vice-chef Simon, avez-vous certaines observations à faire au comité en guise de conclusion?

Le vice-chef Simon: Oui, mais j'ai aussi une question à poser au comité.

Le président: Non, c'est nous qui posons les questions, et non pas les témoins. Si vous avez des observations à faire, prenez tout le temps qu'il vous faut car vous êtes loin d'avoir utilisé les40 minutes allouées. Vous avez tout le temps voulu de conclure. Cependant, le comité n'accepte pas de questions de la part des témoins.

Le vice-chef Simon: Vous semblez contrôler le processus. Je trouve plutôt insultant qu'après avoir parcouru quelque 200 milles, je ne puisse poser ne serait-ce qu'une seule question. Cette question est simple: jusqu'à maintenant, y a-t-il des Premières nations qui ont appuyé le projet de loi?

Le président: Oui.

En l'occurrence, c'est une audience publique, et non une séance de comité qui est en cours. Une audience publique s'apparente à une audience devant un tribunal. Les témoins ne se présentent pas devant un tribunal pour poser des questions. Si je vous autorisais à poser des questions - ce que j'aimerais bien faire, je devrais accorder la même chose à tous les autres témoins. Nous en sommes à notre troisième jour d'audience, et il serait injuste pour les autres de commencer maintenant à permettre que les témoins posent des questions.

.1120

C'est la façon normale de procéder. C'est la procédure courante des audiences publiques. Je n'ai rien inventé.

Je vous invite donc à conclure.

Le vice-chef Simon: J'aimerais m'attacher à une chose, soit le fait que vous ayez dit clairement que ce projet de loi n'est pas le projet de loi de M. Irwin, qu'il appartient maintenant au comité. L'unique recommandation que je fais au comité est de jeter le projet de loi à la poubelle car il n'est certes pas avantageux pour les Premières nations de l'Atlantique et je doute sincèrement qu'il le soit pour toute autre Première nation ailleurs dans le pays.

Cela dit, je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci. J'apporterai une petite nuance. Le projet de loi n'appartient pas au comité. Il appartient à la Chambre des communes, qui nous a demandé d'en faire l'examen, de consulter les Canadiens et de lui faire rapport, avec ou sans amendements ou recommandations. Cela ne modifie en rien la teneur de vos propos, mais le projet de loi appartient effectivement à la Chambre des communes.

M. Bachand a quelque chose à ajouter et je lui permettrai de le faire.

[Français]

M. Claude Bachand: Je voudrais préciser qu'habituellement, les témoins ne posent pas de questions. Cependant, s'ils en ont, ils peuvent toujours téléphoner par la suite au greffier du comité. Si M. Simon veut savoir quelles Premières Nations se sont ou ne se sont pas jusqu'à maintenant opposées, le greffier sera sans doute en mesure de lui indiquer lesquelles. J'offre également àM. Simon mon concours et l'invite à m'appeler n'importe quand. Il me fera plaisir de lui transmettre ces renseignements.

[Traduction]

Le président: Vous pouvez communiquer avec M. Bachand, ou avec le greffier du comité, ou avec votre député. Il y a toutes sortes de façons de prendre connaissance de ce qui a été consigné au compte rendu. Chose certaine, vous avez accès à cette information.

Cela dit, je vous remercie beaucoup d'être venu d'aussi loin et d'avoir présenté un excellent exposé. Voilà qui met fin à cette partie des audiences.

Merci.

Nous invitons maintenant le directeur général de la Confederacy of Mainland Micmacs,M. Donald J. Julien.

À ce stade-ci, nous avons 20 minutes de retard, ce qui n'est pas mal du tout, étant donné que nous avons commencé une demi-heure plus tôt et que nous avons pu entendre un groupe supplémentaire. Autrement dit, les choses vont très bien.

Monsieur Julien, je vous souhaite la bienvenue. Je m'appelle Ray Bonin, et je suis le président du comité. Je siège ici avec Claude Bachand, du Bloc québécois. Les autres membres du comité sont allés voter pour le moment, mais tout ce que vous direz sera consigné au compte rendu.

Nous avons l'honneur d'avoir avec nous une vingtaine de jeunes Canadiens. Il s'agit de jeunes qui sont ici à Ottawa pour observer le fonctionnement du gouvernement et, en l'occurrence, ils sont venus voir par eux-mêmes les délibérations d'un comité. Nous les avons invités à s'asseoir à la table avec nous, ce qui est sans doute une première, mais étant donné que les jeunes Canadiens sont très importants à nos yeux, nous avons voulu faire quelque chose de spécial pour eux.

À vous deux, vous avez 40 minutes maximum. Ce délai vous appartient. Cependant, j'espère qu'après votre exposé, vous nous laisserez suffisamment de temps pour poser des questions. Le but de cette consultation est d'examiner le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix.

Je vous invite maintenant à présenter votre exposé.

Avant que vous ne commenciez, je vois que vous êtes accompagné d'un collègue. Aux fins du compte rendu, pourriez-vous nous donner le nom et le titre de cette personne?

M. Donald J. Julien (directeur principal, Confederacy of Mainland Micmacs): Mon collègue est Eric Zscheile, conseiller juridique pour la Confederacy of Mainland Micmacs. Il prendra brièvement la parole après que j'aurai terminé mon exposé, et il répondra aux questions avec moi.

.1125

Merci, monsieur le président, membres du comité et membres du Groupe des Jeunes Canadiens. Et à M. Murphy, nous présentons des salutations particulières.

La Confederacy of Mainland Micmacs a été fondée le 5 décembre 1986 par six Premières nations de la partie continentale de la Nouvelle-Écosse. Nous avons tiré partie du financement que le conseil tribal avait obtenu du ministère des Affaires indiennes au milieu des années 80. Nous assumons la responsabilité de fournir des services consultatifs à nos six membres des Premières nations en matière de développement économique, de logement, de services techniques, de conseils financiers, pour n'en nommer que quelques-uns. Nous oeuvrons aussi dans plusieurs autres domaines dans l'intérêt des Premières nations, notamment l'exploitation forestière, consultations sanitaires, etc. Je pourrais sans doute vous parler fort longuement de notre organisation.

Premièrement, nous n'appuyons pas le projet de loi C-79. Du 4 avril 1985 au 13 décembre 1996, nous avons envoyé à maintes reprises des lettres signées par nos chefs rejetant les modifications proposées à la Loi sur les Indiens.

Permettez-moi de faire un bref historique. L'assimilation dont nous parlons a commencé en 1830 et 1850. Le Haut et le Bas Canada avaient une loi spéciale qui s'intitulait «Émancipation du peuple indien». Or, l'histoire se répète constamment. En 1886, il y avait deux lois sur les Indiens, l'une pour les Indiens qui souhaitaient vivre dans les réserves et l'autre prévoyant l'émancipation graduelle du peuple indien. Nous avions donc à cette époque deux lois sur les Indiens qui n'ont rien donné.

L'histoire s'est encore une fois répétée en 1947-1948, lorsque le ministère des Affaires indiennes a demandé à un comité permanent d'examiner les changements proposés qui ont débouché sur la Loi sur les Indiens de 1951. À cette occasion, on a fait fi de l'opinion exprimée par les Premières nations de tout le Canada.

Enfin, le gouvernement du Canada a reconnu que les Autochtones du Canada étaient des citoyens canadiens quand il a modifié la Loi sur l'immigration en 1956. C'est donc en 1956 que nous sommes enfin devenus citoyens canadiens.

Une fois de plus, en 1996-1968, des groupes spéciaux de consultation ont été constitués d'un bout à l'autre du Canada. Des groupes consultatifs provinciaux, régionaux et nationaux ont été créés pour indiquer quels changements il fallait apporter à la Loi sur les Indiens et aux programmes du ministère des Affaires indiennes. Malheureusement, la recommandation a une fois de plus été écartée et notre ministre des Affaires indiennes, Jean Chrétien, a présenté en 1969 un Livre blanc dont l'objectif était d'assimiler une fois pour toutes les Indiens du Canada et de se débarrasser du statut spécial.

Je m'excuse si je parle un peu vite, mais c'est que je suis un peu nerveux.

Le gouvernement libéral a présenté le livre rouge, dans lequel on trouve un certain nombre d'énoncés qui ressemblent à ceux du Livre blanc de 1969.

J'en arrive maintenant aux années 90. Le ministre des Affaires indiennes a signalé certaines de ses préoccupations au sujet de la Loi sur les Indiens à l'occasion du sommet des chefs de l'Alberta, tenu à Calgary le 16 mars 1995. Le ministre a expliqué pourquoi il était contre tout changement fondamental à la relation fiduciaire du gouvernement fédéral ou aux obligations découlant des traités conclus avec les Premières nations. Il a indiqué plusieurs sujets qui soulèvent la controverse dans les provinces de l'Ouest, notamment les règlements, la répartition des terres, les exploitations agricoles, le bois d'oeuvre et l'extraction du gravier, les revendications territoriales issues des droits ancestraux et des traités, et les élections.

Nous reconnaissons que la Loi sur les Indiens est à bien des égards ambiguë, incohérente et inefficace, même si elle confère au ministre des pouvoirs discrétionnaires sur des questions purement locales. C'est ainsi que le gouvernement fédéral assume seul la responsabilité fiduciaire ainsi que la responsabilité de traduire en actes cette responsabilité fiduciaire envers les Premières nations, aux termes du paragraphe 91(24) de l'ancien Acte de l'Amérique du Nord britannique et maintenant de la Loi constitutionnelle de 1982.

.1130

Le ministre a dit qu'il sait qu'il y a des «questions controversées» et qu'il voudrait entendre «les points de vue et opinions des Premières nations». Il a ajouté qu'il ne peut pas se permettre un processus de modifications long et coûteux, car «nous n'avons pas beaucoup de temps et nous n'avons assurément aucun fonds supplémentaire à consacrer à cette initiative».

Il ajoute plus loin:

Une fois de plus, le 1er septembre 1995, nous avons reçu une lettre du ministre des Affaires indiennes, dans laquelle ce dernier disait:

On a proposé une autre échéance, à savoir le 31 octobre 1995.

Le ministre a en outre laissé entendre qu'en décembre 1995, on ferait un nouveau rapport sur la réaction des Premières nations du Canada. Il ferait alors rapport à ses collègues du Cabinet et demanderait l'autorisation de faire rédiger des modifications à la Loi sur les Indiens, pourvu que cette entreprise bénéficie d'un appui ferme des Premières nations.

Dans la lettre du ministre datée du 4 juin 1996, adressée aux chefs et aux organisations des Premières nations, il dit ceci:

Le ministre ajoute:

Une fois de plus, en juin 1996, à la réunion annuelle de l'Assemblée des premières nations, les propositions du ministre relativement aux modifications à la Loi sur les Indiens ont été examinées et rejetées. En dépit de cela - et je ne veux nullement m'en prendre à M. Irwin - le ministre a fait savoir publiquement qu'il avait l'intention de poursuivre sa démarche.

Puis, en septembre 1996, il y a eu une assemblée spéciale des chefs à Winnipeg, au Manitoba.À cette occasion, le ministre a personnellement passé en revue les modifications qu'il proposait avec les chefs, pour demander leur point de vue. À Winnipeg, les chefs ont une fois de plus réitéré qu'ils rejetaient les modifications elles-mêmes et le processus que le ministre utilisait dans cette démarche.

.1135

Une fois de plus, toutefois, le Ministre des Affaires indiennes a dit obstinément qu'il poursuivrait, en dépit de la position sans équivoque des chefs. Depuis octobre 1996, des conseils de bande et des organisations de Premières nations d'un bout à l'autre du pays ont adopté des résolutions pour formuler individuellement leur rejet de la proposition globale et du processus.

Plus de 85 p. 100 des Premières nations du Canada ont officiellement rejeté les modifications proposées ainsi que le processus, au moyen de résolutions de conseils de bande ou par lettres. En dépit du clair message que les Premières nations ont envoyé au ministre Irwin, ce dernier a persisté dans son intention de s'adresser au Cabinet pour obtenir l'approbation finale en vue de présenter un projet de loi à la Chambre des communes au plus tard le 13 décembre 1996.

Le 12 décembre 1996, le Ministre des Affaires indiennes a présenté le projet de loi C-79, Loi permettant la modification de l'application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens aux bandes qui en font le choix. Il s'agit d'une nouvelle loi distincte qui s'appliquera aux Premières nations qui en font le choix. L'actuelle Loi sur les Indiens continuera de s'appliquer aux Premières nations qui choisissent de ne pas s'intégrer au nouveau régime créé par la loi proposée.

Nous portons notre regard vers l'avenir, à titre de chefs du peuple micmac, et nous ne sommes pas certains que le fait de nous retirer du projet de loi C-79 aura un sens quelconque.

Vous l'ignorez peut-être, mais on s'attend à ce que les Premières nations et leurs organisations concluent un nouvel accord de financement appelé FTA. Nous nous demandons s'il faudra souscrire au projet de loi C-79 si l'on veut recevoir des fonds.

Par ailleurs, nous avons des préoccupations relativement à l'entente en matière d'éducation que viennent de conclure cette année 9 de nos 13 Premières nations de Nouvelle-Écosse. Une fois que cette loi sera en vigueur en septembre, est-ce que ceux qui sont assujettis à l'entente MK, Mi'kmaw Kina'masuti, devront choisir d'être assujettis au C-79?

Nous avons d'autres préoccupations. Nous craignons que lorsque des Premières nations ou des organisations voudront accroître les responsabilités qu'elles assument dans le cadre d'initiatives d'autonomie gouvernementale, il leur faudra souscrire au C-79. Est-ce que ce sera le cas? Je suppose que notre objection peut se résumer à ceci: nous ne faisons pas confiance à ce fiduciaire, puisqu'il fait ce qu'il veut sans la moindre consultation ou appui des Premières nations.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie de cet excellent mémoire.

John Murphy - que vous connaissez bien, je crois - m'a prié de vous présenter ses excuses parce qu'il ne pourra pas être ici. Il participe à un vote à la Chambre des communes. Il y participe par devoir et non pas par choix. Il est possible qu'il arrive avant votre départ, mais quoi qu'il en soit, il m'a demandé de vous saluer et de vous présenter ses excuses.

La période de questions est ouverte.

Monsieur Béland.

[Français]

M. Claude Bachand: Je vous remercie, monsieur Julien, de votre présentation. Un premier concept que soulevait un de vos prédécesseurs à cette table est que le projet de loi C-79 pourrait créer deux classes de personnes: une classe régie par la loi actuelle et une classe régie par la loi que nous étudions. Il a aussi fait allusion au projet de loi C-31, qui créait aussi à l'époque deux classes de personnes. En arrière-pensée, croyez-vous que le gouvernement s'exerce depuis longtemps à fractionner le plus possible les classes d'Indiens en vue de briser leur solidarité et d'isoler les gens classe par classe? C'est ce que je semble comprendre lorsqu'on me dit qu'il y a deux classes de gens pour les projets de loi C-31 et C-79 et qu'à l'avenir il y aura peut-être deux classes de gens pour d'autres choses.

Ma deuxième question porte sur l'assimilation. Certains de vos prédécesseurs nous ont parlé du Livre blanc de 1969 et estiment que les politiques gouvernementales visent l'assimilation depuis ce temps. Ils ne faisaient pas exception du projet de loi C-79 et affirmaient qu'il était dans la même veine d'assimilation. Est-ce une opinion que vous partagez?

Finalement, vous nous avez dit qu'au chapitre de la consultation, le ministre se targue d'avoir fait une consultation, d'avoir envoyé de la correspondance et de s'être fait répondre par des gens.

.1140

Que pensez-vous du fait que le ministre aille de l'avant avec son projet de loi en se basant sur la correspondance qu'il aurait supposément reçue? Vous savez que ces lettres ne sont pas publiques. Nous n'avons actuellement en main que ces 70 lettres, et elles sont tellement censurées qu'on ne sait pas de qui elles proviennent. Iriez-vous jusqu'à dire que, compte tenu de la consultation dont il a fait l'objet, le projet de loi se base presque sur une fausse représentation? Comment peut-on présenter un projet de loi en disant qu'on a mené des consultations, que 70 personnes nous ont répondu et qu'on est prêt à y aller? Est-ce que je vais trop loin en supposant que le fond de votre pensée, c'est que le ministre agit actuellement sous de fausses représentations?

[Traduction]

M. Julien: Voilà qui fait beaucoup de questions à la fois, mais je vais essayer d'y répondre une à la fois.

Malheureusement, le projet de loi C-79 va créer deux catégories de gens: ceux qui seront assujettis à l'actuelle Loi sur les Indiens, et ceux qui seront assujettis à la Loi sur les indiens modifiée. L'histoire risque de se répéter. Si l'on se reporte à ce qui s'est passé en 1830 et 1850 alors que les gouvernements coloniaux ont alors essayer d'émanciper les Autochtones et d'en faire de bons petits Blancs, on voit que cela a entraîné la création de deux catégories d'Autochtones.

Au moment de l'adoption de la Loi sur les Indiens en 1876, le ministère des Affaires indiennes de l'époque continuait de vouloir créer deux catégories d'Autochtones: les Indiens régis par la Loi sur les Indiens et les Indiens qui seraient émancipés et qui perdraient leur statut d'Indien.

La Loi sur les Indiens de 1876 privait de leurs droits les femmes autochtones qui épousaient un non autochtone. La loi créait ainsi deux catégories de femmes autochtones.

En 1886, il existait donc deux Lois sur les Indiens: l'une s'appliquant aux Indiens vivant dans les réserves et l'autre à ceux qui voulaient être émancipés. C'était une injustice.

Parlons maintenant du Livre blanc de 1969, c'est-à-dire le projet de loi C-31. On aurait dû étudier le projet de loi C-31 encore plus à fond qu'on ne l'a fait et on aurait constaté qu'il créait une autre catégorie d'Autochtones. À l'issu des changements que proposait le projet de loi C-31 à la Loi sur les Indiens, des familles indiennes se sont entre-déchirées parce que certains membres de la famille devenaient des Indiens inscrits tandis que d'autres ne pouvaient pas le devenir en raison de lacunes du projet de loi. On aurait dû aller un peu plus loin.

Les femmes non autochtones qui ont épousé des Indiens vont sans doute m'en vouloir beaucoup, mais je crois qu'on aurait dû aller plus loin dans le projet de loi C-31. Les époux non autochtones d'Indiennes auraient aussi dû perdre leur statut et auraient dû être traités comme on traitait les non Autochtones épousant des Indiennes.

On a encore une fois créé deux catégories de gens. Et cela cause des difficultés au sein des Premières nations parce qu'il y a des gens qui croient que nous devons tous travailler et vivre ensemble comme le veulent les vieilles coutumes micmaques. Le ministère des Affaires indiennes et le gouvernement du Canada s'en prenaient à notre façon de penser et à notre mode de vie avec le projet de loi C-31 et d'autres amendements proposés dans le passé à la Loi sur les Indiens.

Peut-on dire qu'il y a fragmentation chez les Autochtones? On a créé des dissensions au sein des familles dont tous les membres n'avaient pas le même statut, certains vivant dans la réserve et d'autres à l'extérieur de celle-ci.

Le projet de loi C-31 a créé un autre dilemme. Le ministère des Affaires indiennes et le gouvernement fédéral semblent croire qu'il y a deux catégories d'Indiens, ceux qui vivent dans la réserve et ceux qui n'y vivent pas.

Dans ma langue, la Nouvelle-Écosse se dit mi'kma'ki, c'est-à-dire notre réserve. On ne fait pas de distinction entre ceux qui vivent dans la réserve et ceux qui n'y vivent pas. Nous revendiquons comme nôtre toute la province de la Nouvelle-Écosse. Tant que le gouvernement ne nous aura pas dédommagés pour la perte de notre territoire en Nouvelle-Écosse, nous considérons toute la province, soit mi'kma'ki, notre territoire. Il n'y a pas de distinction à faire entre ceux qui vivent dans la réserve et ceux qui n'y vivent pas.

Parlons de l'assimilation et du Livre blanc. Les Autochtones sont représentés par des groupes consultatifs, régionaux et nationaux. M. Anthony Francis appartenait sans doute à l'un de ces groupes consultatifs qui ont formulé de nombreuses et excellentes recommandations sur les changements à apporter à la Loi sur les Indiens et aux programmes du ministère des Affaires indiennes. Qu'est-il advenu de ces recommandations? On n'en a absolument pas tenu compte.

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Qu'a-t-on proposé? Je ne sais pas si c'était le gouvernement libéral qui a proposé ce Livre blanc, mais je pense que c'était le cas. En fait, c'est Jean Chrétien, qui est maintenant notre illustre premier ministre, qui a présenté le Livre blanc proposant d'assimiler une fois pour toutes les Indiens, de leur enlever leur statut spécial, d'éliminer la Loi sur les Indiens et de faire de nous de bons petits citoyens canadiens.

Je vais maintenant laisser la parole à mon collègue Eric qui va vous parler de la façon dont le ministre conçoit les consultations.

M. Eric Zscheile (conseiller juridique, Confederacy of Mainland Micmacs): Je vous remercie beaucoup. On a beaucoup parlé ce matin de l'importance ou de la futilité des consultations dans le cadre de ce processus.

Pour que vous compreniez bien ce qu'il en est au sujet de votre rôle à la Chambre des communes, et dans ce processus législatif, il importe de comprendre que pour la nation micmaque, la Couronne est la Couronne. Il s'agit d'une affaire entre la nation micmaque et la Couronne du Canada qui peut être représentée par un comité parlementaire, un ministre des Affaires indiennes ou un bureaucrate du ministère des Affaires indiennes. Ces personnes ou ces institutions représentent toutes la Couronne. Voilà comment nous interprétons leurs propos.

Pour ce qui est des consultations, la nation micmaque est certainement d'avis que le gouvernement a l'obligation juridique de tenir des consultations. Il ne s'agit pas d'une obligation morale, éthique ou politique. La jurisprudence de la Cour suprême du Canada établit clairement qu'il incombe à la Couronne, et à son représentant, le gouvernement fédéral, de consulter les Premières nations sur les questions qui touchent leurs droits fondamentaux. Voilà pourquoi les consultations sont importantes.

J'hésite beaucoup à m'en prendre personnellement au ministre ou à dire qu'il présente les choses sous un faux jour. Tout ce que je dirai, c'est que lorsque les Premières nations se prononcent clairement sur un aspect fondamental de leur vie, lorsqu'on les consulte évidemment, il incombe au gouvernement fédéral de respecter ses obligations envers les Premières nations peu importe l'auteur du projet de loi ou de l'idée. La nation micmaque est d'avis que c'est aussi le devoir de tout représentant de la Couronne, qu'il soit député ou fonctionnaire.

Voilà pourquoi nous avons demandé au comité de se pencher dans ses audiences sur la question des consultations et de se demander si ce projet de loi a bien été présenté dans les formes comme il se doit étant donné son incidence sur les Premières nations.

Le président: En ma qualité de président du comité, voici le problème que je vois avec ces consultations. Nous voilà à notre troisième jour d'audiences, et d'après moi, ce qui n'est peut-être pas l'avis de tous, 75 p. 100 des témoignages que nous avons entendus jusqu'ici ne se rapportent pas au projet de loi. Nous étudions pourtant le projet de loi C-79.

Lorsque nous passerons à l'étape de nos délibérations, je n'hésiterai pas à dire à un membre du comité que ses propos sont irrecevables s'il s'écarte du sujet. Je ne le fais pas dans le cadre de ces consultations. La raison pour laquelle la question des consultations est si souvent soulevée, c'est que nous passons la majorité de notre temps à écouter des témoins nous parler de questions qui n'ont rien à voir avec le projet de loi C-79. Je tenais à le signaler.

On nous a beaucoup parlé aujourd'hui du projet de loi C-31 dont nous ne sommes pas saisis et qui ne proposait pas une modification facultative. C'est pourtant le cas du projet de loi C-79, et je crois qu'on ne le répète pas assez.

J'ai une question à vous poser. Les personnes que vous représentez n'estiment-elles pas que les membres du conseil de bande élus sauront s'il convient ou non d'accepter d'être assujettis à cette modification? J'aimerais bien le savoir avant que nous ne passions à l'étape des délibérations étant donné qu'il s'agit d'une modification facultative. Dans une démocratie, les gens qu'on élit pour nous représenter sont d'habitude ceux à qui on confie le soin de prendre des décisions en notre nom. Croyez-vous que les conseils de bande ne sont pas capables de prendre la bonne décision au nom de leurs communautés respectives ou pensez-vous qu'ils ne sont pas suffisamment informés pour le faire? Pourriez-vous répondre à cette question?

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M. Zscheile: Merci, monsieur le président.

À mon avis, cela soulève deux questions. Premièrement, il y a la question de la nature facultative du projet de loi. Deuxièmement, il y a la question des conseils de bandes. Comme d'autres témoins l'ont fait valoir, et comme M. Julien l'a dit dans son exposé, cette notion d'options nous pose beaucoup de problèmes.

Nous sommes confrontés quotidiennement à des questions et politiques qui sont facultatives pour les Premières nations. Malheureusement, comme vous l'avez entendu dire par des témoins précédents, nous avons de sérieuses inquiétudes fondées sur des faits historiques - ce qui s'est produit avec la SCHL et les ententes de financement - et nous croyons donc que pour connaître un certain progrès, dans un domaine donné, l'option de participer à ce nouveau projet de loi sera la seule qui sera ouverte aux Premières nations.

Un exemple serait le Mi'kmaw Kina'masuti, l'autorité en matière d'éducation, qui vient de s'y joindre. Deux des amendements précis dans cet ensemble de mesures facultatives portent sur l'éducation, mais pour avoir accès à ces deux amendements précis, il faut accepter plus de70 changements à la Loi sur les Indiens concernant le territoire et l'éducation. Comment se fait-il que pour avoir accès à des dispositions particulières, ces bandes individuelles doivent opter pour toute une série de mesures?

Je pense qu'il y a énormément d'appui pour les conseils de bandes sur les réserves ainsi que pour la capacité de ces conseils de prendre des décisions. Cependant, dans toute démocratie... si je disais que la Chambre des communes allait maintenant adopter un projet de loi dont elle ne pourrait pas se dégager à l'avenir, et si un autre gouvernement était élu sans avoir la capacité de changer ce régime législatif précis, cela causerait d'énormes difficultés. En fait, je crois que cela aliénerait le processus démocratique.

Pourquoi ne peut-on pas faire en sorte que le fait de participer à la Loi sur les Indiens soit une question politique pour les chefs et le conseil qui désirent se faire élire? Pourquoi les élections de chef et de conseil ne peuvent-elles pas porter sur notre adhésion ou non à la nouvelle Loi sur les Indiens? Ce que nous avons devant nous signifie qu'on y participe et on n'y peut rien, il vaut donc mieux espérer bien que cela plaira aux générations futures.

Le président: Voilà où je voulais en venir. Pourquoi ne faites-vous pas de recommandations à notre comité pour modifier le projet de loi en réponse à ses préoccupations? Voilà ce que je cherche; de l'aide pour le comité afin que dans nos délibérations nous puissions dire que les témoins ont fait valoir très clairement que cela ne devrait pas être une simple résolution du conseil de bande; il faudrait trouver une autre formule.

Nous n'obtenons pas cette aide. Je n'essaie pas de voir si on est pour ou contre le projet de loi, mais plutôt de l'améliorer. Vous êtes les experts, c'est pourquoi nous vous invitons. Voilà l'aide que nous cherchons de votre part.

M. Zscheile: Nous voulions l'améliorer, tout comme les gens avant moi, le chef Lawrence Paul et le chef Floyd Bernard. Ils m'ont dit de mettre ce projet de loi directement à la poubelle. C'est exactement ma recommandation.

Les choses ne peuvent probablement pas se passer ainsi mais notre recommandation, c'est de vous en tenir à l'ancienne Loi sur les Indiens jusqu'à ce qu'il y ait un processus approprié où nous pouvons changer tout plutôt que de le faire par brides semant ainsi la discorde entre les Premières nations du Canada.

Ma recommandation à la Chambre des communes serait de s'en débarrasser.

[Français]

M. Claude Bachand: Je voudrais faire un commentaire à titre de conclusion. Je sais que vous êtes de la Nation Micmac et que beaucoup de gens des nations Micmac sont présents dans la salle. J'ai été initié à la Nation Micmac, pour laquelle j'ai beaucoup d'admiration, par Mme Brenda Miller de Listuguj. J'ai rencontré Mme Miller à plusieurs reprises et je crois qu'elle est une très bonne représentante de la Nation Micmac. Je tenais à vous faire part de ma grande admiration pour votre Nation et souligner que Mme Miller est une excellente représentante de la Nation Micmac au Québec. Je vous remercie de votre présentation.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Avez-vous des remarques en guise de conclusion?

M. Zscheile: Non, je ne pense pas que nous en ayons si ce n'est ce que les autres chefs ont dit. Nous n'appuyons pas les amendements à la Loi sur les Indiens.

Merci beaucoup.

Le président: C'est dûment noté et je vous remercie beaucoup d'être venu de si loin pour nous aider dans nos délibérations futures.

Cela met fin à cette partie de notre réunion publique.

.1155

Avant de passer au prochain exposé, j'aimerais remercier nos excellents jeunes Canadiens, ces jeunes Canadiens spécialement sélectionnés qui sont ici à Ottawa cette semaine pour voir comment fonctionne le Parlement.

Comme vous le voyez, c'est l'étape du processus gouvernemental, où la Chambre des communes envoie un projet de loi à un comité qui a pour tâche de consulter les Canadiens.

Une fois cette consultation terminée, les membres du comité représentant tous les partis se réunissent entre eux, et c'est là si l'on peut dire, que nous nous en prenons les uns aux autres. Dans notre comité, il y a un bon esprit de coopération entre tous les partis. Nous ne sommes pas toujours d'accord, en fait, la plupart du temps nous ne sommes pas d'accord. Tous les partis sont représentés par d'excellents membres.

À un moment donné, nous renvoyons le projet de loi approuvé, soit par tous les membres du comité, soit par certains d'entre eux. Le projet de loi est donc renvoyé à la Chambre des communes soit avec des amendements, ou encore, sous la forme où il nous est parvenu.

Voilà donc le travail que nous faisons en comité. Lorsque vous ne nous voyez pas à la télévision lorsque vous vous branchez sur le canal du gouvernement, la plupart du temps, nous sommes en train de travailler dans des salles comme celles-ci.

À l'heure actuelle, nous avons deux députés, car nous avons un système de pairage qui nous permet de neutraliser les voix en équilibrant le nombre de députés. Cela doit être approuvé d'avance par les deux partis, et c'est ce qui s'est produit aujourd'hui.

Merci beaucoup. J'espère que vous aurez une bonne semaine. M. Bachand a peut-être quelques mots à vous adresser.

[Français]

M. Claude Bachand: Je m'adresserai à vous en français, l'autre langue officielle au Canada. Je suis moi aussi heureux de votre présence ici. Il y a des gens de partout. Je vois même qu'il y a une demoiselle de Westmount, au Québec. C'est un peu la vie au jour le jour sur la Colline du Parlement que de participer à des votes et aux travaux des comités. Vous avez de la chance d'être ici présents et d'être témoins des travaux du comité.

Le dossier autochtone est vraiment passionnant. On y apprend que le Canada compte 630 communautés qui sont toutes différentes les unes des autres. Il y a plusieurs nations; certains disent qu'il y en a 80. C'est très intéressant pour nous. Même si on a quelquefois tendance à penser que la question autochtone est litigieuse, on se rend compte que les membres de ce comité sont tous habités par un souhait, celui d'essayer d'améliorer les conditions socioéconomiques des autochtones. Maintenant que vous avez goûté un peu à nos travaux, on compte sur vous pour participer.

Je voudrais aussi féliciter Mme Labrador pour le courage qu'elle a eu hier et avant-hier. Elle croyait qu'elle serait peut-être refusée, mais elle a quand même réussi à faire valoir son point de vue. On a fait le point hier, et c'est le genre de chose qui fait avancer la question autochtone. Les Canadiens ne comprendraient pas qu'on puisse refuser l'accès à quelqu'un parce qu'il a une simple plume dans les mains. Son intervention a finalement permis de faire un débat sur cette question et de voir l'importance de la culture autochtone, non seulement au Canada, mais aussi au Québec.

Vous, les autochtones, êtes les premiers arrivants et nous vous devons un grand respect. Je pense que dorénavant nous ferons en sorte que vous puissiez mettre en relief toutes vos questions et vos objets à valeur symbolique et que vous puissiez démontrer que vous avez une grande culture.

Merci, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion d'adresser la parole à ces jeunes étudiants. Tout comme vous, je leur souhaite un bon séjour à Ottawa pour le reste de la semaine.

Le président: Merci, monsieur Bachand.

[Traduction]

Merci. Si vous avez trouvé les sièges confortables, continuez à travailler fort et peut-être qu'un jour vous siégerez vous aussi au Parlement, assis sur des chaises comme celles-ci. Je vous le souhaite sincèrement. C'est une bonne occupation.

Des voix: Merci beaucoup.

Le président: Nos invités nous excuseront de ne pas leur serrer la main et de ne pas leur dire au revoir personnellement, mais nos audiences publiques se poursuivent.

J'invite maintenant le vice-chef Leonard Tomah de l'Assemblée des premières nations du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le vice-chef Simon: Je vous présente les excuses de mon collègue. Il n'est pas ici ce matin, mais il a envoyé un court message que je vais répéter en son nom. C'est un message très court et très clair.

Le président: C'est très bien. Je vous en prie, lisez-nous ce message.

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Le vice-chef Simon: C'est un message sans ambages: débarrassez-vous du projet de loi.

Le président: D'accord. Nous en avons pris note. Merci beaucoup.

Le vice-chef Simon: Merci de nous avoir consacré votre temps. Je vous souhaite bonne chance au Yukon ou aux Territoires du Nord-Ouest, je ne sais pas où vous allez ensuite.

Le président: Merci à vous tous à Moncton. Nous suspendons maintenant ces audiences publiques jusqu'à 12 h 30. À ce moment-là, nous serons branchés sur Yellowknife.

La séance est levée.

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