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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 17 avril 1997

.1037

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor - Sainte-Claire, Lib.)): Conformément à l'article 108(2), nous examinons le sujet de la motion 168 concernant la déclaration des droits des victimes.

Nous accueillons aujourd'hui Mme Arlène Gaudreault, directrice générale de l'organisation Plaidoyer-Victimes de la province de Québec. Madame, vous avez déjà comparu devant le comité; bienvenue de nouveau. Après vos remarques préliminaires, nous passerons aux questions.

[Français]

Mme Arlène Gaudreault (présidente, Plaidoyer-Victimes): Madame la présidente, membres du comité, je veux d'abord vous remercier de nous donner l'occasion de commenter le projet d'énoncé de principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes criminels. Je n'ai pas de mémoire à vous présenter, pour la raison assez simple qu'on m'a invitée à comparaître devant vous vendredi dernier, à la fin de la journée. Vous comprendrez que cela ne m'a pas donné beaucoup de temps pour rédiger un texte. J'ai quand même réfléchi à la question et je vais vous faire part verbalement de mes commentaires.

Je voudrais d'abord me présenter brièvement et situer mon travail dans le cadre de la question des droits des victimes. Je suis impliquée dans le dossier des victimes d'actes criminels depuis 1984 et j'ai été la coordonnatrice du premier centre d'aide aux victimes d'actes criminels au Québec au moment où le solliciteur général a financé des initiatives pour créer des services dans l'ensemble du Canada.

Je suis non pas la directrice exécutive mais la présidente de l'organisme qui s'appelle Plaidoyer-Victimes. C'est un organisme qui existe depuis 1984 et je le préside depuis l988. Il regroupe 250 membres individuels et membres représentants d'organismes à travers tout le Québec.

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Il s'agit de gens qui travaillent directement auprès des victimes, des policiers, des gens de la Commission des libérations conditionnelles, des gens qui travaillent en prévention du crime. Ils viennent de tous les secteurs qui s'intéressent à la question des victimes.

Mon implication m'a amenée à travailler à divers documents et à participer à diverses consultations. Ce n'est pas la première fois que je viens devant ce comité. J'ai aussi participé à un comité d'enquête, il y a deux ans, sur le meurtre commis sur sa conjointe par un ex-détenu en libération conditionnelle. J'ai fait ce travail à la demande du Service correctionnel du Canada et de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

J'ai également élaboré un mémoire lorsque nous avons révisé la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels au Québec. J'enseigne la victimologie à l'Université de Montréal depuis trois ans et je dois vous dire aussi que je suis commissaire communautaire de la Commission québécoise des libérations conditionnelles depuis 1984. Donc, j'ai une expérience assez diversifiée dans le domaine et je suis engagée comme bénévole dans le domaine des victimes depuis plus d'une dizaine d'années maintenant.

Je ne veux pas faire un long commentaire sur le traitement des victimes dans le système de justice. M. Dupuis a eu l'amabilité de m'envoyer certains documents et j'ai lu les représentations qui ont été faites devant vous, surtout par des parents de victimes et des membres d'organismes comme Mme de Villiers. Ce qui a été dit ici me préoccupe et m'intéresse beaucoup. Je pense qu'il est exact que les victimes d'actes criminels subissent de nombreux préjudices et des blessures secondaires et que nous sommes encore loin, actuellement, de répondre aux préoccupations des victimes d'actes criminels, même si le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont mis en place de nombreuses initiatives depuis les années 1970. On pourra y revenir dans le cadre de la discussion. Si vous me le permettez, je voudrais aborder directement la question de l'énoncé de principes fondamentaux, puisque c'est cela qui nous réunit ici. J'aimerais vous dire que je ne veux pas jeter de douche froide sur le travail qui a été accompli, mais vous percevrez probablement à certains moments que mes commentaires sont un peu critiques, peut-être même très critiques, par rapport au projet qui est devant nous.

Je dois dire d'emblée que je reconnais qu'il s'agit là de bonnes intentions, d'une bonne initiative de la part du député qui a présenté ce projet. J'ai vu que l'ensemble des députés ont adhéré assez spontanément à la motion et que M. Rock, le ministre de la Justice, a demandé que le comité en discute.

Cependant, à la lecture du document dans sa forme actuelle - je dis bien dans sa forme actuelle - , j'ai été un peu déçue du contenu de l'énoncé de principes fondamentaux. Il m'a semblé qu'on n'allait guère plus loin que l'énoncé de principes que nous avions en 1988, qui avait été adopté par le Canada, énoncé de principes qui est resté quelque part dans un tiroir ou sur une tablette. Il m'a semblé qu'on ne l'avait pas beaucoup dépoussiéré.

Qu'il s'agisse de la déclaration de l'ONU, de la convention du Conseil de l'Europe ou des lois qui ont été adoptées par les différentes provinces pour accorder des droits aux victimes - nous avons au Québec une telle loi qui s'appelle la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels - , l'intention et les préoccupations qui ont présidé à l'adoption de ces lois sont très valables. Je dis toujours à mes étudiants à l'université que nous approchons de l'an 2000 après Jésus-Christ et que nous venons de commencer à penser qu'il serait important de nous préoccuper des besoins des victimes d'actes criminels. Il n'est jamais trop tard pour bien faire.

Cependant, je veux formuler beaucoup de réserves quant à ces énoncés de principes et à ces déclarations, parce que ce sont des lois déclaratoires, des énoncés sur des choses que nous devrions mieux faire, mais qui, concrètement, n'accordent pas beaucoup de droits aux victimes d'actes criminels.

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Aucune de ces lois ne propose de recours aux victimes d'actes criminels dont les besoins ne sont pas satisfaits et dont les droits ne sont pas pris en compte. Ces lois ne créent aucune obligation, aucune imputabilité aux différents acteurs, que ce soit dans le système de justice pénal, dans le service correctionnel ou dans les secteurs sociaux.

On dit souvent que ces lois n'ont pas de dents. Ce sont des lois qui nous encouragent à bien faire, mais contrairement à la Charte canadienne des droits et liberté, elles donnent à toutes fins pratiques peu de pouvoirs aux victimes d'actes criminels dans l'exercice de leurs droits et il n'y pas vraiment de moyens concrets pour les mettre en application.

Ce qui me frappe toujours, c'est que ces énoncés de principes ne créent des obligations que pour les victimes d'actes criminels. Il y a toujours un énoncé qui dit que les victimes sont obligées de collaborer avec le système de justice. On comprend pourquoi c'est nécessaire, mais on ne nous parle jamais des obligations des procureurs, des juges et des policiers. On passe toujours cela sous silence et on a l'impression que le fardeau des obligations incombe uniquement aux victimes d'actes criminels. Si je dis que j'ai certaines réserves, c'est que ces lois sont des voeux pieux. C'est peut-être le premier pas que nous devons faire, mais à mon sens, ce n'est pas suffisant.

J'imagine qu'il s'agit d'une première ébauche d'un énoncé de principes. En commençant ma présentation, j'ai dit qu'il me semblait que nous n'allions pas plus loin qu'en 1988. Je trouverais gênant qu'on laisse le projet d'énoncé de principes dans son état actuel, parce que nos connaissances et notre sensibilité à la question des victimes ont beaucoup évolué au cours des 10 dernières années et que notre déclaration de principes canadienne est moins complète que la déclaration de l'ONU, la déclaration de l'Europe et même certaines lois québécoises.

C'est un peu gênant pour le Canada. Je pense qu'il faudrait beaucoup travailler à compléter cet énoncé de principes. Il serait souhaitable qu'on ajoute à cet énoncé une introduction comportant des attendus et des considérants qui démontrent nos préoccupations, notre sensibilité et les objectifs qu'on poursuit en rédigeant un tel énoncé de principes. Il serait aussi nécessaire de définir le mot «victimes» et d'inscrire explicitement qu'il s'agit des victimes directes, mais aussi des victimes indirectes, donc des familles et des proches.

Un énoncé de principes comme celui-là doit aussi inclure les témoins qui, eux aussi, ont besoin de protection, d'information et d'aide lorsqu'ils font affaire avec le système de justice. Il faudrait consolider les bases de cet énoncé de principes. Par ailleurs, il faudrait faire l'exercice de revoir tous les droits énoncés dans cette déclaration, puisqu'il y a là des droits qui sont définis de façon trop étroite et qui sont trop liés à la participation de la victime au processus judiciaire.

Quand on parle du droit à l'information, ce n'est pas juste quand la victime devient témoin et participe au processus judiciaire. Elle a aussi droit à de l'information lorsqu'elle demande des services de santé et des services sociaux. Il faut porter une attention particulière à toute la question des besoins d'information pour ce qui a trait à l'exécution de la peine, à la libération conditionnelle, à des étapes comme la probation, etc.

Mon expérience m'amène à être très centrée sur la question des services aux victimes d'actes criminels et je trouve que cet énoncé de principes ne va pas assez loin en ce qui concerne l'obligation ou la nécessité d'offrir promptement des services aux victimes ou de leur faciliter l'accès aux services.

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Il faut penser aussi aux services qui rejoignent des clientèles, des groupes ou des familles plus vulnérables. Nous devons énoncer nos préoccupations dans un énoncé comme celui-là. Il faudrait aussi préciser certains aspects comme le droit au respect et à la protection de la vie privée pour les victimes et pour certains témoins qui témoignent, par exemple, dans des causes relatives au crime organisé. On n'aborde pas non plus la question de la restitution rapide des biens.

Donc, il faut décrire davantage les droits et être beaucoup plus précis qu'on ne l'est actuellement. On devrait aussi mettre l'accent sur la réparation du préjudice par l'auteur du délit et inscrire plus clairement dans cet énoncé de principes la prise en compte de l'impact du délit dans l'ensemble du système, soit en ce qui a trait au plea bargain, soit en ce qui a trait à l'évaluation du tort causé aux victimes en libération conditionnelle, soit en ce qui a trait au tribunal, avec le victim's impact statement.

On parle de la formation des intervenants. Ce n'est pas seulement le personnel de l'appareil pénal qui doit être mieux formé, mais aussi les médecins et les infirmière accueillent des victimes dans les services de santé et les travailleurs sociaux. Il faut aussi se préoccuper des futurs intervenants qui auront à composer avec la situation des victimes dans l'appareil de justice.

Je pense par exemple aux étudiants en droit. Il m'apparaît inacceptable qu'actuellement, en 1997, les écoles de droit ne donnent aucun cours sur la question du droit et des besoins des victimes. Je pense aux médecins. C'est un défi considérable, et ce genre de préoccupations devrait se refléter dans un énoncé de principes.

Donc, en résumé, si on veut proposer un énoncé de principes qui nous permettra d'aller plus loin, on doit le retravailler. On doit peut-être partir de ce qui existe déjà dans d'autres pays ou dans d'autres provinces et on doit être beaucoup plus concret et précis qu'on ne l'est actuellement. Cela me semble actuellement beaucoup trop vague et il faut donner le message. Les citoyens qui ne savent pas que le Canada avait un énoncé de principes en 1988 vont peut-être être très contents d'apprendre qu'on se propose d'en adopter un, mais si on leur dit qu'il y en avait un en 1988 et qu'il ressemble beaucoup à celui qu'on remet sur la table, ils seront frustrés. Donc, il faut aller plus loin.

Je sais que toute la question de l'administration de la justice et de la prestation des services relève des provinces. Ce n'est pas simple. Il y a des paliers de compétence différents et certaines provinces sont plus sensibles à cette question-là. Cela fait partie de nos compétences. Pour ma part, je suis au-delà des problèmes de compétences entre le fédéral et le provincial.

Je vais parler du fédéral, puisque je suis davantage dans ce contexte. Il faut d'abord réviser à fond cette déclaration, la mettre à jour, préciser les principaux aspects et couvrir l'ensemble des besoins des victimes d'actes criminels.

Si je pouvais me permettre d'émettre un souhait, ce serait que le gouvernement fédéral assume un leadership beaucoup plus grand qu'actuellement dans la question des victimes d'actes criminels. Je veux bien reconnaître qu'il y a eu de nombreuses initiatives. Je connais bien le rapport du groupe fédéral-provincial. J'ai suivi assez attentivement les modifications et je connais l'ensemble des modifications législatives qu'il y a eu avec le C-89, le C-127 et le C-15. Nous avons fait des pas en avant. Mais actuellement, au-delà de la rédaction d'un énoncé de principes, le rôle du fédéral, à mon sens, serait de faire un bilan des initiatives actuelles en collaboration avec les provinces et les territoires.

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Nous devrions voir où nous en sommes dans l'application des mesures législatives que nous avons adoptées. On peut bien dire que C-89 a permis la mise en place de la déclaration de la victime, une restitution plus rapide des biens et l'affidavit du droit de propriété, mais quand on enlève le vernis de ces dispositions et qu'on fouille un peu, on se rend compte qu'il y en a beaucoup qui ne sont pas mises en application dans l'ensemble des provinces.

Il est peut-être temps de voir dans quelle mesure ces dispositions sont mises en application et quelles difficultés les victimes rencontrent lorsqu'elles souhaitent s'adresser au tribunal pour faire connaître l'impact du crime, lorsqu'elles veulent récupérer rapidement leurs biens, lorsqu'elles veulent un dédommagement de l'agresseur.

Je dirais qu'il y a un certain ménage à faire dans ce qu'on a fait et qu'il faut faire le point. Il faut faire le point aussi sur les initiatives qui ont été mises en place au niveau de la création des services. Au milieu des années 1980, le gouvernement fédéral, particulièrement le ministère du Solliciteur général, a été très présent pour appuyer les initiatives provinciales en matière de services d'aide aux victimes et de services d'accueil aux victimes et aux témoins dans les palais de justice.

Je dois dire aussi que le fédéral, jusqu'en 1992 si ma mémoire est bonne, a appuyé financièrement les provinces en accordant des fonds pour les régimes d'indemnisation et pour les services directs dans la communauté, mais il s'est retiré du financement par la suite.

Dans le contexte économique que nous connaissons tous, nous sommes un peu en perte de vitesse. Beaucoup de services ont disparu. Du moins, c'est le cas au Québec. Je ne sais pas si c'est le cas dans les autres provinces. Dans les commentaires des personnes qui sont venues devant le comité, j'ai lu que dans d'autres provinces, des services pour les victimes avaient dû fermer leurs portes.

On devrait faire le bilan des services qui sont actuellement en place et voir comment ils répondent aux besoins des victimes et quelles sont les carences et les lacunes à combler. On devrait porter une attention particulière à certaines formes de victimisation. Si le gouvernement fédéral veut aller au-delà d'un énoncé de principes, il pourrait jouer un rôle de coordination pour nous aider à faire ce bilan. Dans un deuxième temps, en partant d'un énoncé de principes comme celui-là, on devrait énoncer des lignes directrices et un plan d'action et se donner des priorités en termes de ce qu'on veut faire concrètement pour améliorer la situation des victimes.

Je suis quelqu'un de très pratique. Je sais qu'on ne peut pas tout faire en même temps. Je sais qu'il y a d'importantes restrictions budgétaires pour les décideurs comme pour tous les citoyens. Nous sommes tous touchés par la situation économique. Cependant, on devrait se donner des priorités et établir des lignes directrices.

Je suis allée en Belgique dernièrement. Vous connaissez tous l'affaire Dutroux, qui a créé un très grand impact en Belgique. Les Belges ont décidé de prendre davantage leurs affaires en main. Ils ont élaboré une politique aux victimes, mais ils ne se sont pas contentés de cela. Ils ont décidé d'accorder du financement aux services de médiation et aux services d'accompagnement à la cour, par exemple. Leurs objectifs se sont traduits par des initiatives très concrètes.

Le gouvernement fédéral pourrait aider en établissant ce bilan et en se donnant une politique d'ensemble. On n'a pas le sentiment qu'il y a au Canada une vision d'ensemble de la question des victimes. Le gouvernement fédéral devrait peut-être se réimpliquer dans le financement des organismes qui travaillent auprès des victimes. Il a été souvent mentionné devant le comité que les victimes n'avaient pas de droits, que les délinquants avaient beaucoup plus de droits en vertu de la Charte.

Un des efforts qui pourraient être faits par le gouvernement fédéral serait d'appuyer le travail des organismes qui se portent à la défense des droits des victimes d'actes criminels, qui sont actuellement très peu nombreux au Canada. Ce sont des parents pauvres dans l'ensemble des services, parce que les quelques services qui réussissent à obtenir du financement sont ceux qui offrent des services directs. Je suis dans ce domaine depuis plus de 10 ans et je me rends compte que nous avons très peu de moyens d'étudier les dossiers et de nous porter à la défense des droits des victimes. Nous faisons tout ce travail bénévolement le soir et les fins de semaine. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises devant ce comité. C'est insuffisant.

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Les droits des détenus sont défendus. Des instances comme le Barreau et les comités d'avocats sont très présents. Je trouve que le travail de défense des droits des victimes n'est pas appuyé par le gouvernement actuellement.

Par exemple, un organisme comme le nôtre reçoit une subvention annuelle de 40 000 $ depuis quatre ans et il existe depuis 1984. Vous savez tous ce qu'on peut faire avec une subvention de 40 000 $. Si on veut faire avancer la question des droits des victimes, il faut appuyer les différents groupes qui ont pour mandat de protéger les droits des victimes. Le gouvernement fédéral devrait reconnaître davantage l'apport des groupes communautaires.

Cet énoncé de principes fondamentaux ne nous amènera pas plus loin que nous ne le sommes actuellement si nous n'avons pas une vision d'ensemble et si le gouvernement fédéral n'élabore pas un plan d'action, n'exerce pas un leadership important auprès des provinces, n'établit pas des priorités et ne fixe pas un échéancier de travail. Si on ne fait pas tout ce travail pour concrétiser l'énoncé de principes, je ne défendrai pas cet énoncé de principes. Il y a longtemps que j'entends parler de bonnes intentions et que je vois des documents comme celui-là. Je me dis que c'est bien, mais qu'il faut aussi passer à l'action.

Les victimes ou les parents des victimes qui sont venus devant vous ont exprimé le même souhait. On peut simplement se contenter d'écrire. Si vous ne voulez pas vous faire reprocher que ce projet correspond uniquement à des visées électoralistes, vous devez aller beaucoup plus loin. La première des choses serait de le retravailler en profondeur. Cela étant dit, je vais attendre vos commentaires et vos questions.

Je me limiterai à cette présentation pour le moment. Je m'excuse; j'aurais aimé présenter un mémoire. Je me sens beaucoup plus en sécurité quand j'ai un document écrit, mais on m'a parlé de cette présentation vendredi à 16 h 45. Vous comprenez que pour moi, c'était la fin de session à l'université. Cela a été difficile, mais je trouvais important de venir ici ce matin pour au moins échanger. Je vous remercie de votre attention.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci beaucoup. Monsieur Langlois, 10 minutes.

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Madame Gaudreault, merci pour le témoignage que vous avez rendu de façon à couvrir largement le sujet. Personnellement, je désirerais le restreindre, ce qui ne vous empêchera pas de l'ouvrir à nouveau dans votre réponse.

Dans un État fédéral comme le Canada, le droit criminel, de par l'article 91, est de compétence fédérale et la procédure criminelle est aussi de compétence fédérale. Par ailleurs, l'administration de la justice étant de compétence provinciale, mais en tenant compte de certains paramètres établis dans l'arrêt Miller, on peut se demander où s'arrête la compétence de la province en matière d'administration de la justice.

Au niveau législatif, outre les lois fédérales qui pourraient intervenir dans le domaine de l'aide aux victimes en rendant plus facile, dans le cadre des ordonnances de restitution, la reprise des biens par les victimes, en donnant une voix aux victimes pour les représentations sur sentence, en permettant aux victimes et à leurs proches ou à leurs représentants de se faire entendre par la Commission nationale des libérations conditionnelles, quelles autres mesures législatives de compétence nettement fédérale voyez-vous?

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Certains secteurs comme le travail social, l'aide aux victimes, l'indemnisation des victimes... On a eu au Québec, il y a 25 ans, la première loi d'indemnisation.

Mme Gaudreault: La nouvelle loi, à laquelle j'ai travaillé et que j'ai mentionné plus tôt, a été sanctionnée, mais n'a pas été promulguée.

M. François Langlois: Donc, on fonctionne toujours avec la loi d'indemnisation.

Mme Gaudreault: On fonctionne toujours avec la loi de 1972 et je pense qu'on va apporter de nouvelles modifications.

M. François Langlois: Sans l'avoir appliquée.

Mme Gaudreault: Je crois que ce projet va mourir au Feuilleton et qu'on va probablement proposer des modifications à la loi actuelle sans en faire une révision complète. Je vous dis cela sous toutes réserves, parce que je ne suis pas dans le secret des dieux au ministère de la Justice.

M. François Langlois: Lorsque j'ai fait mes études de droit, au Québec, on fonctionnait avec un bon vieux principe qui était la marotte des professeurs d'université: Ne venez pas nous parler des responsabilités des accusés face aux victimes autres que pénales; comme 1053 est là, qu'elles prennent leurs recours selon les procédures civiles et ensuite on verra. On ne parlait même pas d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Il y a eu des études là-dessus et des pressions ont été faites pour casser cette espèce de résistance qui voulait que les victimes soient obligées de s'adresser aux tribunaux en matière civile. Cela ne donnait pas de résultats.

Je vais recibler ma question. Au niveau fédéral, dans quels domaines particuliers ou spécifiques voyez-vous des interventions législatives qui pourraient donner des mesures concrètes et non pas des voeux pieux, comme vous l'exprimiez plus tôt?

Mme Gaudreault: Ce n'est pas une question facile que vous me posez là.

M. François Langlois: C'est pour cela que je vous la pose, madame.

Mme Gaudreault: Je vous dirai que l'ensemble des autres pays n'ont pas trouvé non plus de réponse à cela. Dans l'ensemble, que ce soit aux États-Unis, en Belgique ou en France, on fonctionne actuellement avec des énoncés de principes comme celui-là. Lorsqu'on parle de lois qui permettent de donner plus de droits aux victimes, que ce soit en termes de protection ou en termes d'être entendu, c'est généralement à partir de modifications au Code criminel, qui répondent à des besoins ponctuels. Il y en a eu beaucoup au cours des dernières années.

Vous avez fait allusion à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui a été modifiée en 1992 et qui devrait l'être encore, à mon sens, pour aller un peu plus loin par rapport aux besoins des victimes, parce qu'on a juste entrouvert la porte par rapport aux besoins des victimes. Je pense qu'on va la modifier encore prochainement. Par exemple, en ce qui a trait à la question du droit des victimes d'être entendues par la Commission des libérations conditionnelles, on ne va pas assez loin.

J'ai assisté à une audience de la Commission nationale des libérations conditionnelles et j'ai accompagné dernièrement une famille dont le frère avait été tué. J'ai vu que le fait de ne pas pouvoir s'adresser à la Commission lors de l'audience était un facteur de traumatisme pour les victimes, une blessure qui venait s'ajouter à d'autres éléments. Vous demandez dans quels domaines on pourrait légiférer. Avec la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, on a ouvert une petite porte.

Quand je suis venue devant le comité, en 1992, je n'étais pas vendue à la question de la présence des victimes aux audiences. Je n'étais même pas convaincue que les victimes devaient parler à la Commission. Actuellement, j'irais plus loin et je dirais que les victimes devraient être entendues aussi. Il faudrait trouver des façons de le faire. Ce ne serait pas au moment où le détenu est entendu, mais je pense que les victimes devraient être entendues. Il y a des questions qui préoccupent beaucoup les victimes et auxquelles on n'a pas de réponses.

Quand les victimes transmettent des renseignements à la Commission nationale des libérations conditionnelles ou en détention, ces renseignements ne peuvent demeurer confidentiels. Ils mettent en danger certaines victimes. Ce sont des questions qu'on devrait examiner, et c'est du ressort du fédéral. Je ne vois pas de loi qui pourrait régler tous les problèmes.

Pour répondre à votre question, il faut continuer à faire ce qu'on fait au plan fédéral. Par exemple, dans les dernières années, on a été sensible à des questions comme l'intoxication volontaire, et le ministre de la Justice a réagi rapidement. Les modifications qui ont été apportées pour protéger les enfants sont, à mon sens, de bonnes mesures.

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On a restreint la révision judiciaire avec l'article 745. On a resserré un peu la passoire en faisant en sorte que certains criminels ne puissent pas se prévaloir de la révision judiciaire. Cela correspond en partie aux besoins des victimes.

Il y a eu des ajustements ponctuels. On doit continuer à légiférer pour changer des choses. Le problème que je vois est surtout au niveau de l'application des mesures. Par exemple, le fédéral a adopté, en 1989, une mesure que je trouve excellente, soit la création d'un fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. C'est une excellente mesure. Certaines provinces n'ont pas encore créé de fonds d'aide et les amendes compensatoires vont au Trésor public. Elles ne vont pas là où elles devraient aller, c'est-à-dire au financement des services.

C'est un problème auquel on devrait porter attention et c'est en lien direct avec des préoccupations qu'on retrouve dans l'énoncé de principes. Il faut surtout voir à la mise en application de la loi. C'est pour cela que je disais qu'on pourrait faire le ménage dans ce qu'on a adopté et voir quelles sont les difficultés au niveau de la mise en application.

Tout le monde parle de la déclaration de la victime. Tous ceux qui sont venus au comité en ont fait largement état. Chez nous, au Québec, la déclaration de la victime n'a été mise en application dans l'ensemble des districts judiciaires qu'en juin 1995. Cela veut dire que les victimes de toutes les autres régions du Québec n'ont pu se prévaloir de cette mesure avant cela. Au moment où l'on se parle, dans le système de justice pour les mineurs, la déclaration de la victime n'est pas mise en application. Je n'ai pas le sentiment qu'elle l'est dans les autres provinces.

Donc, même si on adopte des lois ou même si on fait des énoncés de principes, si, à toutes fins pratiques, on n'est pas capable de les appliquer parce qu'on n'a pas d'argent et de ressources, on ne soulage pas la souffrance des victimes et on ne répond pas à leurs besoins.

M. François Langlois: Plus les questions sont brèves, plus cela vous donne du temps. Je vais essayer d'être encore plus bref.

Quelle approche favorisez-vous, dans un État fédéral comme le Canada, en matière d'aide aux victimes en général? Êtes-vous plutôt favorable à des négociations multipartites qui donneraient lieu à des lois provinciales qui seraient sensiblement les mêmes ou si vous souhaitez que le fédéral, par le biais de normes nationales, mette de l'argent à la disposition des provinces à la condition qu'elles se conforment aux normes dites nationales?

Mme Gaudreault: C'est une question difficile. La deuxième question est intéressante. C'est la conformité aux normes. Il va de soi que s'il y a distribution d'argent dans les provinces, le gouvernement fédéral doit pouvoir s'attendre à ce que les services soient effectivement rendus ou qu'on se conforme aux normes, dans la mesure où on laisse aux provinces une certaine flexibilité.

Le gouvernement fédéral devrait avoir des ententes multipartites avec les différentes provinces. Il m'apparaît clair que le gouvernement fédéral devrait financer davantage les services dans les provinces, quitte à ce qu'il établisse des normes fédérales et qu'on s'y conforme. Prenons la question de l'indemnisation que le gouvernement fédéral appuyait il y a quelques années et pour laquelle on n'obtient maintenant plus de financement. Je vais parler du Québec, mais je pense que le problème se retrouve dans d'autres provinces.

Vous savez qu'actuellement, les familles qui ont perdu quelqu'un suite à cause d'un homicide ne peuvent recevoir de services psychologiques en vertu des régimes d'indemnisation. C'est une lacune très importante de la loi et je sais que d'autres lois comportent cette lacune. Par exemple, en finançant le régime d'indemnisation, le gouvernement fédéral pourrait exiger qu'une partie des sommes d'argent aille spécifiquement à la réadaptation psychologique des proches de victimes d'homicide ou des familles de victimes d'enlèvement.

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On parle de crimes très graves, de crimes qui ont des répercussions à long terme. Actuellement, ces gens ne reçoivent pas d'aide psychologique. Ils ne reçoivent que le remboursement des frais funéraires. Au Québec, c'est de l'ordre de 600 $.

Il y a aussi de très grandes lacunes au niveau des victimes. Au Québec, et probablement dans l'ensemble du Canada, notre réseau est assez bien organisé pour traiter de cas où des enfants sont victimes d'abus par des membres de la famille, mais quand des enfants sont abusés par des tiers, par des étrangers ou par des inconnus, ces familles ne reçoivent pas d'aide, que ce soit en termes indemnisation ou d'appui de la part des services sociaux. Chez nous, les services sociaux considèrent que ce sont de bonnes familles et qu'elles sont capables de répondre aux besoins de leurs enfants.

Il existe des lacunes très importantes et il faudrait les examiner. C'est pourquoi je disais qu'il faudrait qu'on établisse des priorités et que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces. Il me semble que le gouvernement fédéral a pris une distance importante par rapport au financement des initiatives. Pour des organismes comme le nôtre, il est même très difficile de savoir qui s'occupe du dossier des victimes au fédéral, à quelle porte on doit frapper. Il n'y a pas de coordination générale; on ne connaît pas la politique gouvernementale. C'est inacceptable. Il y a une absence actuellement.

Je ne dis pas que le fédéral n'a rien fait, mais il y a des lacunes. Je crois me rappeler que Mme de Villiers avait dit que si on allait de l'avant avec un énoncé de principes comme celui-là, il devrait peut-être y avoir un ombudsman pour les victimes. Nous avons déjà fait une suggestion semblable à M. Rémillard, lorsqu'il était ministre de la Justice du Québec. Même si on dit que les victimes ont droit à ceci et à cela, qu'elles devraient être traitées comme ceci et comme cela, quand ça ne se passe pas comme on le dit, qu'est-ce que les victimes peuvent faire et à qui peuvent-elles s'adresser? Je pense qu'il faudrait examiner l'idée d'un ombudsman ou du moins d'une porte d'entrée où les victimes pourraient faire valoir les difficultés qu'elles ont rencontrées dans la prestation des services ou faire part de la façon dont elles ont été traitées dans le système de justice ou dans le système correctionnel.

M. François Langlois: Merci.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup.

Monsieur Ramsay, vous avez dix minutes.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la présidente, merci. Je suis arrivé en retard et je prie notre témoin de m'excuser, car j'ai raté une partie de son exposé.

Le gouvernement fédéral accorde des droits aux contrevenants déclarés coupables, et il en résulte un fossé énorme entre les droits des criminels et les éventuels droits des victimes. Je suppose que c'est ce qui nous amène à étudier la motion 168 aujourd'hui. Avez-vous lu et analysé la déclaration des droits des victimes, qui constitue essentiellement la motion 168?

[Français]

Mme Gaudreault: Oui.

[Traduction]

M. Jack Ramsay: Puisque le gouvernement fédéral accorde le droit à des visites conjugales par exemple, il se trouve un détenu du Nouveau-Brunswick qui demande à être déplacé vers la Nouvelle-Écosse pour bénéficier de visites conjugales avec sa femme, qui en l'occurrence est aussi en prison pour le même meurtre. Si cela se faisait, cela coûterait très cher au contribuable. Les détenus ont le droit de vote. Ils ont droit à toute une série de choses également.

Essentiellement, la déclaration des droits des victimes que nous étudions demande que les autorités renseignent les victimes. On demande ni plus ni moins que des renseignements leur soient transmis. Il est aussi question de restitution, mais, essentiellement, beaucoup de victimes ne demandent pas plus que d'être renseignées quant à la date des mises en accusation, des comparutions au tribunal, quant à la possibilité que le chef d'accusation soit modifié ou qu'il y ait une négociation de plaidoyer, et les victimes d'agression sexuelle voudraient avoir le droit de savoir si le contrevenant est atteint d'une maladie contagieuse. Il s'agit de ce genre de choses.

.1120

Je pense que cela est tout à fait logique. Apparemment, le ministre de la Justice estime que les provinces se sont acquittées de cette tâche en partie, mais certains témoins que nous avons entendus affirment que les dispositions provinciales concernant les droits des victimes ne sont pas musclées. Dans certaines régions d'une province elles seraient respectées, alors qu'elles ne le seraient pas dans les autres.

Que pensez-vous de ces dispositions prévues par les gouvernements provinciaux qui ne semblent pas être assorties de sanctions dans l'éventualité où les droits ne sont pas accordés, ne sont pas respectés par les autorités judiciaires, c'est-à-dire les tribunaux, la police, le procureur de la Couronne? Pensez-vous qu'à ces droits conférés en vertu de dispositions législatives il faudrait ajouter des sanctions qui seraient prises en cas de violation de ces droits?

[Français]

Mme Gaudreault: Vous avez raison de dire que dans beaucoup de cas, les droits, qui sont énoncés quand même depuis 1985, ne sont pas respectés. Vous avez raison de dire aussi qu'il y a un déséquilibre important entre les droits des victimes et ceux des accusés. Maintenant, est-ce qu'on peut légiférer sur l'ensemble de ces questions? Je pense qu'on ne peut pas légiférer sur tout.

Par rapport à la question des victimes, il y a un long travail à faire et, selon moi, tout ne passe pas par la loi. Il y a des choses qui doivent passer par la sensibilisation, par la formation des intervenants et peut-être par une plus grande imputabilité des décideurs et de ceux qui sont dans les différents organismes.

Je ne vois pas, par exemple, un cas où on dirait que les victimes ont le droit d'avoir de l'information sur tous leurs droits et leurs recours. Si une victime n'a pas été informée de ses droits et de ses recours et qu'elle s'adresse à un ombudsman, serait-il bon qu'il y ait des sanctions pour tout à partir du moment où un droit n'est pas reconnu? Je crains qu'on se lance dans un système qui risque d'être très lourd et très coûteux.

Il faut avoir une stratégie à long terme permettant d'encourager les divers paliers de gouvernement à poser des gestes. Par exemple, au Québec, on a mis en place un programme d'information à l'intention des victimes au sujet du tribunal qu'on est en train de parachever. Dans l'ensemble, ce n'est pas un mauvais programme d'information, bien qu'il ne réponde pas à tous les besoins. Il faut informer les victimes, mais il faut aussi informer le grand public de l'existence de certains services, droits et recours. Il faut informer les intervenants et bien les former puisqu'ils seront en contact avec les victimes.

Donc, tout ne se règle pas par des questions de lois et de sanctions, parce que c'est un processus coûteux. Vous avez raison: il y a des choses inacceptables et on doit peut-être légiférer sur certaines questions. Par exemple, les victimes peuvent transmettre de l'information à la Commission nationale des libérations conditionnelles et on ne respecte pas la confidentialité de ces renseignements, risquant ainsi de mettre en danger les victimes. Je pense qu'on devrait légiférer sur de telles questions.

Est-ce qu'on devrait légiférer pour dire que dans tous les cas, on devrait transmettre de l'information aux victimes et les impliquer lorsqu'on négocie des sentences? Je me dis que dans un premier temps, il faut essayer d'adopter des mesures incitatives parce qu'on sait que les recours judiciaires sont actuellement extrêmement coûteux.

.1125

Vous pourriez me dire que les détenus nous coûtent très cher et vous auriez raison. Il y a un déséquilibre entre ce qu'on fait pour faire reconnaître les droits des accusés et la possibilité pour les victimes d'exercer des recours.

Ces questions devraient être examinées par des instances comme l'Association du Barreau canadien plutôt que pas moi, qui ne suis pas une juriste. Il serait peut-être temps qu'on cesse de discuter de ces questions, que des spécialistes en droit les examinent et qu'on puisse voir si certains droits des victimes ne pourraient pas être intégrés dans la Charte canadienne des droits et des libertés, par exemple.

Si on veut aller plus loin dans la question des droits, il va falloir que le monde juridique nous prête assistance. Ce ne sont pas les organismes de défense des victimes ou les associations de victimes qui sont capables de faire ce travail. Il va falloir qu'on ait de l'aide et que d'autres personnes se mettent à la tâche avec nous.

[Traduction]

M. Jack Ramsay: Certains membres du comité ont assisté à des audiences tenues en vertu de l'article 745. Cet article permet à un meurtrier de demander une libération conditionnelle anticipée, ou encore une réduction du délai d'admissibilité à la libération conditionnelle, une fois qu'il a purgé 15 ans d'une peine à perpétuité.

Les tribunaux ont littéralement éviscéré les déclarations des victimes. Ils ont biffé certaines parties des déclarations écrites de sorte qu'une fois présentées au jury ces déclarations ne ressemblent en rien aux témoignages donnés par les familles. On craint vraiment que le système judiciaire ne se fasse tirer l'oreille pour reconnaître les droits des victimes.

Ceux qui seraient donc plus compatissants et plus sensibles aux besoins des victimes fournissent des renseignements selon la politique en vigueur. Il y a des recours quand les droits des contrevenants sont violés. Si les droits des contrevenants déclarés coupables sont violés et ne sont pas respectés, des sanctions sont prévues. Il suffit de lire le rapport du juge Louise Arbour sur l'émeute qui a eu lieu à la prison pour femmes de Kingston. Pourtant, il n'existe aucune sanction, aucune responsabilisation, aucune répercussion, quand la politique en vigueur actuellement dans nombre de provinces, selon le ministre de la Justice, n'est pas respectée par les autorités - alors qu'elle prévoit presque toutes les modalités, voire toutes, établies dans les dispositions de cette déclaration des droits.

À quoi bon une loi si l'on ferme les yeux? À quoi bon un droit si ce droit n'est pas reconnu par les intervenants et si les victimes ne jouissent pas des avantages conférés par la loi? Il semble que ces droits dépendant du bon vouloir du procureur de la Couronne, des enquêteurs policiers ou du tribunal. Lors des audiences tenues en vertu de l'article 745, les victimes sont à la merci du juge, qui a le pouvoir de tout simplement biffer une partie de leur déclaration s'il estime qu'elle ne convient pas, alors que dans bien des cas il s'agit de l'expression de convictions très sincères.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Ramsay, puis-je vous demander d'abréger?

M. Jack Ramsay: Voilà le problème qui se pose et auquel nous sommes confrontés. Avez-vous des remarques à faire là-dessus?

.1130

[Français]

Mme Gaudreault: Ce que vous soulignez par rapport à la question de la déclaration des victimes est tout à fait exact. En fait, face à toute la question des victimes, il y a de nombreuses résistances actuellement dans le système. Quand on parle de la déclaration de la victime ou du pouvoir pour la victime d'être entendue au moment de la révision judiciaire, ce sont des dispositions nouvelles qui bousculent beaucoup les façons de faire.

Des juges m'ont déjà dit: Écoutez, madame Gaudreault, nous sommes des avocats et nous avons de l'expérience; nous connaissons ça, des victimes; des victimes d'agression sexuelles, nous en avons déjà vu; on sait ce qu'elles font et on n'a pas besoin qu'une victime vienne nous raconter les conséquences de son agression pour évaluer l'impact d'un tel crime. J'ai trouvé que ce commentaire manquait beaucoup de sensibilité parce que pour les victimes, il est important d'être entendues à cette étape de la procédure ainsi qu'au moment de la révision judiciaire par la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Vous avez raison de dire qu'à toutes les étapes, on filtre. On filtre parce qu'on est mal à l'aise, parce que ce ne sont pas des droits stricts et parce que dans le fond, les victimes sont isolées aussi. Les groupes de défense des droits des victimes n'ont pas toutes les ressources dont elles auraient besoin pour travailler et pour les appuyer. Donc, à toutes fins pratiques, à mon avis, on ne peut pas parler de droits des victimes; on parle de besoins ou de préoccupations envers les victimes. Si on voulait aller dans le sens des droits, il faudrait agir comme vous l'avez dit, c'est-à-dire légiférer afin qu'il y ait une conséquence à l'acte et une sanction.

Est-ce qu'on veut aller vers un tel système? C'est une question qui doit être posée. Comme je le disais plus tôt, ça peut être très lourd. Est-ce que le moment est propice pour aller dans ce sens? Je crois que nous avons quand même franchi des pas importants par rapport à la question des victimes. Il y a des attitudes à changer, et ce n'est pas uniquement par la loi qu'on va changer des attitudes. Je pense qu'il faut changer en convainquant et en donnant aux gens des outils. Il faut faire ce travail auprès des policiers et auprès des procureurs.

Les procureurs voudraient bien donner de l'information aux victimes. Au Québec, on vient de supprimer je ne sais combien de postes de procureurs de la Couronne et ça doit être la même chose dans les autres provinces. On dit que les procureurs devraient rencontrer les témoins, les informer et leur donner une certaine aide dans les procédures. Nous venons d'écrire au ministre de la Justice pour lui signaler que les réductions importantes qu'il a effectuées font en sorte que les procureurs arrivent le matin et ont 40 dossiers sur leur bureau. Il est évident qu'ils ne rencontrent pas les témoins, qu'ils ne prennent pas le temps nécessaire.

Si on légifère, qu'est-ce qu'on va faire? Porter des accusations contre les procureurs? Écrire des articles dans les journaux? Le problème n'est pas simple. Je ne suis pas meilleure que les autres et je n'ai pas de solution magique à vous apporter; c'est pourquoi je vous disais plus tôt qu'il fallait peut-être dans un premier temps regarder certains problèmes et établir certaines priorités.

Pourquoi le gouvernement dépense-t-il quelque 4,8 millions de dollars en vue de soutenir l'unité nationale? Cette dépense est-elle nécessaire? N'aurions-nous pas pu accorder une partie de cette somme aux services aux victimes? Je peux dire la même chose pour le Québec, où on a dépensé beaucoup d'argent pour des questions relatives au référendum et à la séparation du Québec. On investit beaucoup d'argent dans ces choses tandis qu'on accorde peu ou pas d'attention à certains secteurs ou problèmes sociaux.

Si on veut changer des choses, il faut que les victimes aient des services; c'est la chose la plus importante. Si vous voulez que les victimes aient de l'information, qu'elles soient accompagnées dans leur démarche et qu'elles aient de l'aide psychologique, il faut qu'il y ait financement de services.

Quand un centre d'aide pour les victimes d'agression sexuelle a des listes d'attente d'un an et demi, on ne peut pas parler de services aux victimes, je regrette. Je vais parler du Québec parce que j'y connais la situation, mais elle n'est pas différente ailleurs. Quand un centre d'aide aux victimes d'actes criminels dans une ville comme Montréal n'engage que deux intervenants à temps plein, c'est évidemment insuffisant pour répondre aux besoins des victimes.

Si vous voulez que ces choses se fassent aussi, ce ne sera pas juste par la loi, mais aussi par le financement des organismes. Il faut dire aussi que ce sont des organismes de la communauté et des femmes qui sont impliqués dans la question des victimes, et non des hommes. Les hommes sont peut-être les décideurs, les législateurs, mais ils ne sont pas impliqués sur le terrain.

.1135

Les changements vont passer par les services. Je trouve inacceptable qu'en 1997, les proches des victimes n'aient aucun soutien psychologique. Je pense notamment aux cas d'enlèvement d'enfant. Ce sont des situations inacceptables. Les citoyens canadiens et plus particulièrement les victimes seraient heureux de voir qu'on s'attaque à des problèmes particuliers et qu'on commence à apporter des réponses à des besoins particuliers. Ils seraient heureux qu'il y ait une vision, qu'il y ait une porte d'entrée, parce qu'il n'y en a pas actuellement au fédéral pour les victimes. Je regrette, mais il n'y en a pas.

Vous pouvez dire que le ministère de la Justice fait toutes sortes de bonnes choses. C'est vrai, mais quand les victimes ou même les groupes comme le nôtre ont une plainte à formuler, à qui doivent-ils s'adresser? Qui se préoccupe de ces questions au niveau du gouvernement fédéral? Ce n'est pas clair actuellement.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci.

Monsieur DeVillers.

[Français]

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Étant donné que les provinces ont leur propre énoncé de principes sur les victimes et étant donné que vous venez de nous dire que le fédéral devrait jouer un rôle de leadership pour coordonner les services, pensez-vous que le fédéral devrait se pencher sur la question de préparer des énoncés des droits des victimes ou qu'il devrait se pencher plutôt sur son rôle de coordination? On sait aussi que certaines provinces n'aiment pas que le fédéral essaye de s'impliquer dans leurs compétences.

Mme Gaudreault: Je pense que ce n'est pas un vain travail que de faire des énoncés de principes. Je ne dis pas ça. Cela témoigne d'une sensibilité à la question des victimes. Cependant, on ne doit pas consacrer l'essentiel de notre énergie à la rédaction ou à l'approfondissement d'un projet. On doit faire quelque chose de bien et je pense que ce projet ne nous rendrait pas service face aux autres pays.

Je pense qu'on doit avoir une déclaration d'intention qui dirait: Nous, au Canada, sommes préoccupés par ces questions, attendu que... etc. Qu'est-ce que c'est pour nous, une victime? On doit inclure les témoins dans cela, comme je le disais plus tôt. Le plus gros de votre énergie et de votre temps devrait être consacré à l'examen de certains problèmes particuliers afin d'alléger la souffrance et le fardeau des victimes et d'établir ou de rétablir dans certains cas...

Je sais qu'au Québec, pendant moult années, on ne participait même pas aux discussions avec le Canada. Je trouve cela bête parce que cela privait les organismes comme le nôtre d'information qui venait du fédéral et de certaines collaborations avec le fédéral. Mais on n'avait pas de pouvoir sur ces questions. Quand j'aborde la question des victimes, je suis au-dessus de toute partisanerie. Je me centre sur les besoins des victimes et sur ce qu'on devrait faire. On pourrait cibler quelques problèmes pour lesquels on est prêt à travailler et à investir un peu d'énergie, de temps et de ressources. On peut travailler à la coordination. Je pense que le rôle du fédéral est de travailler avec l'ensemble des provinces à la coordination, dans le respect de leurs attributions. Je m'attendrais à cela de la part du Canada.

M. Paul DeVillers: Madame, vous connaissez l'expérience de la Belgique et peut-être celles des autres pays européens. Est-ce qu'ils ont les mêmes problèmes de coordination et de compétences?

Mme Gaudreault: Je suis allée en Belgique dernièrement. En Belgique, comme vous le savez, il y a la partie flamande et la partie wallonne et il y a toutes sortes de juridictions. Alors, je dirais qu'ils ont sensiblement les mêmes problèmes. Je pense que c'est Mme de Villiers qui disait que le Canada était très en retard par rapport à d'autres pays. Personnellement, ce n'est pas ma perception. Je ne crois pas que, même si la Belgique vient d'établir une politique, on soit en retard. On est en retard dans certains volets, mais on est très en avance dans d'autres. Je trouve qu'au niveau de la loi, notamment pour certaines questions qui touchent les libérations conditionnelles, on est en avance. Je ne dirais pas que le Canada est en retard.

.1140

J'ai commencé ma présentation en vous disant que c'était une loi déclaratoire, etc. Quand vous examinez les documents qui portent sur ces différents énoncés de principes, vous voyez qu'ils disent tous la même chose. Le Canada n'est pas pire que d'autres pays. Dans le fond, ce n'est pas mauvais d'avoir une déclaration de principes. C'est une bonne chose, mais si on ne va pas plus loin, il vaut mieux ne pas en faire. Dans le fond, on reproduit ce qu'on a fait en 1988. L'ensemble des citoyens et des organismes connaissent-ils la déclaration de 1988? Je ne le pense pas. Je pense qu'elle est restée dans un tiroir quelque part.

Est-ce qu'on veut faire quelque chose qui va rester dans un tiroir ou si on veut faire quelque chose qui va nous donner un certain regain pour qu'on aille plus loin dans nos actions? Je vois plus la situation comme ça. Vous avez soulevé un désir de reprendre le dossier et d'en faire plus pour les victimes. Je vous encourage, mais je dirais que vous devez retravailler certaines choses.

M. Paul DeVillers: Merci, madame.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je tiens à vous souhaiter la bienvenue au comité. Vous avez fait valoir certains points de vue auxquels je souscris tout à fait: une déclaration des droits qui ne serait pas assortie des ressources nécessaires ne rime à rien. Jusqu'à un certain point, je me désole que nous opposions les victimes aux contrevenants.

Je ne doute pas un instant qu'il faille des services pour les victimes. Les services pour les victimes sont nécessaires aux tribunaux, surtout quand les gens y défilent. Il y a les victimes de viol et les victimes d'autres agressions. Il est vrai qu'il faut sensibiliser tous les intervenants du système judiciaire aux droits des victimes, mais les victimes ont besoin de leur propre défenseur au tribunal. Je sais que dans ma circonscription les adjoints au procureur de la Couronne touchent un traitement de plus de 100 000 par année. Il vaudrait beaucoup mieux confier certaines tâches à quelqu'un que l'on paierait moins, mais qui aurait beaucoup plus d'expérience du counselling pour les victimes, et qui pourrait les accompagner aux tribunaux si l'affaire est grave.

Tout d'abord, sommes-nous d'accord sur le besoin de ressources supplémentaires et sommes-nous d'accord sur le fait que sans elles tout droit qui serait conféré aux victimes ne rimerait à rien?

[Français]

Mme Gaudreault: Vous avez soulevé la question du droit à l'assistance juridique. Il y a un problème qu'on pourrait examiner et qui, à mon sens, est un problème très concret. On dit qu'on pourrait légiférer. Si on veut légiférer, il faut légiférer sur des problèmes concrets.

Les victimes qui ont fait une demande d'indemnisation et qui vont en révision ou en appel de la décision doivent souvent se défendre elles-mêmes. Elles doivent faire leurs représentations elles-mêmes. On ne verrait jamais la même chose du côté d'un accusé ou d'un détenu. Il est assisté et représenté par un avocat.

À ce stade, au plan de l'indemnisation, ce sont souvent des dossiers complexes où il y a des expertises. Souvent les victimes abandonnent parce qu'elles n'ont pas droit à l'assistance d'un avocat et qu'il n'y a pas d'avocats formés pour travailler avec elles à ces questions d'indemnisation. Pourquoi? Parce que la formation en droit est actuellement orientée vers la défense ou les droits des accusés plutôt que vers les droits des victimes.

.1145

Si on parle d'exercice de droits, c'est un des aspects qu'on pourrait examiner pour voir comment on pourrait aider les victimes. Mais encore là, à la base, il faut évidemment des ressources. Il faudrait débloquer des ressources. Je ne pense pas qu'on puisse atteindre des objectifs comme ceux-là où que ce soit au Canada sans accorder des ressources et de l'aide. Il y a beaucoup de bénévoles dans ces secteurs. Ce ne sont pas des bénévoles qui travaillent auprès des détenus la plupart du temps; ce sont des gens qui sont formés à l'université. Dans le cas des victimes d'actes criminels, ce sont souvent des bénévoles qui travaillent quelques mois. Tout est à recommencer parce qu'ils travaillent quatre mois, et il n'y a pas de suivi auprès des victimes. Je ne dirais pas que c'est le cas partout, mais ce problème est très important. Actuellement, les services reposent en grande partie sur la bonne volonté des bénévoles et des femmes qui se sont intéressés à la question des victimes. Il faut voir les problèmes sous cet angle aussi.

[Traduction]

M. Andrew Telegdi: Le témoignage de quelqu'un qui a comparu devant le comité me hante encore. C'est celui de Mme McCuaig. Elle nous a parlé des difficultés énormes que sa famille a connues, sa fille en particulier, quand son petit-fils a été assassiné. Je pense que son cas nous permet de prendre conscience de certaines choses évidentes. On pourrait prévoir des mesures législatives pour les difficultés financières qui découlent d'un enterrement, ou encore pour l'obtention de services de counselling permettant de composer avec la tragédie et les autres conséquences que Mme McCuaig a décrites, comme l'impossibilité de remplacer un manteau détruit ou volé.

Si l'on comble ces besoins matériels, on contribue au rétablissement psychologique à long terme. En l'absence de cette aide-là, les coûts pourraient être beaucoup plus élevés plus tard. Je constate donc là des besoins bien réels. C'est essentiellement une question de ressources, de disponibilité des ressources. Le gouvernement fédéral a assurément un rôle à jouer, mais les provinces aussi parce qu'elles sont responsables de la prestation des services sociaux, par l'intermédiaire d'organismes communautaires ou gouvernementaux qui ont quand même besoin de ressources même s'ils font appel à des bénévoles.

Je vous remercie de votre témoignage.

Mme Gaudreault: Merci.

La présidente: Monsieur Kirkby.

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert - Churchill River, Lib.): On a dit que les inculpés ont pu invoquer la Charte des droits pour que soient établis au tribunal, par l'intermédiaire des avocats qu'ils avaient retenus ou qui étaient fournis par l'État, les droits qui leur sont conférés par la Charte.

Je pense néanmoins que la Charte prévoit des droits qui peuvent également être invoqués pour protéger les victimes de la criminalité.

Est-ce que vous, ou peut-être d'autres groupes de défense des victimes, avez fait des démarches auprès des procureurs généraux des provinces afin que, grâce à l'aide juridique, les victimes puissent se faire représenter par des avocats pour faire valoir leurs droits? Y a-t-il eu des cas où l'on a pu se prévaloir du Programme de contestation judiciaire pour obtenir les fonds nécessaires à la défense des droits des victimes?

.1150

[Français]

Mme Gaudreault: Non, pas à ma connaissance.

[Traduction]

M. Gordon Kirkby: Je vais vous poser une question pratique. Comment selon vous que le gouvernement fédéral devrait-il procéder pour ce qui est de l'examen de la déclaration des droits? Cette déclaration des droits porte sur bien des choses qui sont de compétence provinciale, en vertu des obligations des provinces pour ce qui est de l'application de la loi. Puisque le gouvernement fédéral est compétent en matière de droit pénal, nous pourrions imposer certaines exigences, des mesures pratiques, et c'est pourquoi je vous demande comment le gouvernement fédéral pourrait dans un effort commun avec les provinces mettre au point une déclaration des droits? Pensez-vous que c'est une bonne idée? Pensez-vous que cela soit nécessaire? Comment devrions-nous nous y prendre à cet égard?

[Français]

Mme Gaudreault: Il faut que le travail soit remis sur la table et qu'un comité d'experts examine le contenu en ce qui a trait aux droits et à certaines dimensions dont j'ai parlé, notamment la définition de «victimes». Il faut des experts pour examiner toute la question des compétences fédérales et provinciales. Des organismes comme le nôtre ne détiennent pas ce type de compétence.

Il y a un travail de fond à faire. Pour déterminer comment on devrait aborder les provinces, il devrait y avoir un comité d'experts, un comité restreint qui travaille pendant quelque temps, sans que cela devienne un plan quinquennal. Si on veut que cela donne des résultats, il faut s'associer aux provinces malgré les susceptibilités. La question des victimes en est une qui touche beaucoup la sensibilité des gens. C'est une question qui est politisée d'une certaine manière, mais c'est une question qui nous touche tous. Personne n'est à l'abri du crime. C'est une question qui touche notre sensibilité.

Un comité de travail pourrait examiner le fond, la façon dont on pourrait mettre cela en place, la façon dont le fédéral pourrait travailler avec les provinces, la façon dont on pourrait établir des priorités et avoir une vision d'ensemble.

Je préférerais qu'on établisse deux ou trois priorités et qu'on se dise qu'on va faire ceci ou cela et qu'on se donne tant de temps pour le faire plutôt que de dire qu'on va changer l'univers et qu'on va améliorer toute la question des victimes. Je n'y crois pas. Il faut dire que c'est une question récente. Il y a énormément de résistance, même chez mes propres étudiants en criminologie. J'enseigne à125 étudiants le jour, et même les étudiants en criminologie ont beaucoup de résistance par rapport aux victimes. Ils viennent en criminologie pour travailler avec des délinquants et non pour travailler avec des victimes. Ils me disent parfois des choses que je trouve très dures. Ils me disent: Tu sais, Arlène, les femmes battues, je les secouerais un peu; moi, cela ne m'arrivera pas.

Donc, il y a un travail d'apprivoisement et de sensibilisation à faire, qui est aussi un travail à long terme. Vendredi prochain, je participerai au colloque de l'administration canadienne de la Justice. Il y aura des rencontres avec les juges. M. Ramsay a parlé de la question de la déclaration de la victime. Nous allons revenir sur ces questions. Il faut continuellement rappeler les choses et inciter les intervenants à s'impliquer davantage. C'est un travail de longue haleine, comme le travail que vous poursuivez ici au sein du comité. Il n'y a pas de solution magique. Il n'y a pas de loi qui va pouvoir tout régler.

.1155

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Je pense qu'il faut rétablir les faits. Je ne sais pas si c'est une question d'interprétation, mais j'ai entendu qu'on parlait de M. Ramsay comme du «juge Ramsay», ce qui ne serait pas...

M. Jack Ramsay: Je n'ai rien entendu.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Mettez votre écouteur.

M. Jack Ramsay: Je ne sais pas si je veux écouter ce que vous avez à dire.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Faites-moi confiance. On vous a fait un compliment par mégarde.

Monsieur Kirkby, une dernière courte question.

M. Gordon Kirkby: J'ai l'impression que vous avez dit que dans sa forme actuelle la déclaration des droits des victimes comporte des lacunes à certains égards. Vous avez dit que vous recommanderiez lors du processus de mise à jour, de modernisation, ou que sais-je encore, que la teneur en soit modifiée. Une fois cela fait, une fois ces principes ou ces déclarations entérinés par les gouvernements fédéral et provinciaux, comment alors les victimes pourraient-elles les faire exécuter? Comment les choses pourraient-elles se passer selon vous? Il existe une déclaration de principes depuis 1988, insuffisante à certains égards, il faut en convenir. Comment pourrait-on mettre en oeuvre ces déclarations de principes?

[Français]

Mme Gaudreault: Même si on retravaille cet énoncé de principes et qu'on le rend plus précis, je ne pense pas que cela va répondre davantage aux besoins que la déclaration de 1988, la déclaration de l'ONU ou la convention de l'Europe, à moins qu'on y inscrive des recours très précis ou des sanctions par rapport à certains droits. À mon sens, on serait alors le seul pays à être allé de l'avant à cet égard. Je ne pense pas qu'on puisse avoir des sanctions ou des recours pour tous les aspects de la loi.

Je ne sais pas comment on pourrait élaborer un énoncé de principes qui permettrait cela. Partant des énoncés de principes, devrait-on apporter d'autres modifications au Code criminel? Peut-être. Devrait-on établir des normes de qualité, des critères d'évaluation? Qu'est-ce qui fait que la police donne des renseignements? Que devrait faire la police pour donner de l'information? Quand considère-t-on que la police a répondu aux besoins d'information des victimes et qu'on a des mesures incitatives?

On ne doit pas se contenter d'un libellé général qui dit que les victimes ont droit à une information. Il faut dire à quelle étape précisément les policiers doivent donner de l'information et comment ils peuvent le faire. On a déjà des éléments de réponse à cela. On sait que les policiers devraient remettre un dépliant dans tous les cas. On sait que les policiers, dans certains corps de police, envoient une lettre aux victimes en disant qu'ils ont fermé leur dossier. La plupart des corps de police ne le font pas. L'Association canadienne des Chefs de police, par exemple, pourrait-elle adopter ces normes et se donner pour objectif d'aller plus loin, cela en collaboration avec les différentes associations provinciales?

Il y a peut-être des étapes comme celles-là à franchir avant de parler de recours stricts et de sanctions. Il faudrait que ces questions-là soient examinées. Il y a un ensemble de droits qui sont des questions très importantes, des questions incontournables au sujet desquelles on pourrait dire dans l'énoncé de principes qu'il y a des recours prévus. Il y a peut-être des aspects des énoncés de principes qui pourraient rester généraux ou être accompagnés de directives aux procureurs et aux policiers.

Prenez l'exemple de la formation du personnel. On ne peut avoir de sanctions quant à la formation du personnel. Il faut avoir des mesures incitatives. Il faut avoir des budgets. Il faut travailler avec les établissements d'enseignement pour amener des changements dans les programmes de formation. Ce sont des objectifs à long terme. On peut décréter que dans les écoles qui forment la police, partout à travers le Canada, il y aura un minimum de tant d'heures de formation sur les victimes.

.1200

Ce serait une mesure concrète qui ne déboucherait pas nécessairement sur une loi. Cette mesure incitative serait mise en place avec la collaboration de certaines associations ou de certains établissements d'enseignement. Le Québec pourrait profiter de l'expérience d'autres provinces dans certains domaines et vice et versa.

Je trouve qu'il n'y a pas beaucoup de partage d'information entre les gens qui sont impliqués dans le domaine. On travaille tous de façon assez isolée. Le leadership du fédéral nous permettrait de travailler davantage ensemble et de mettre à profit les expertises des gens qui travaillent dans d'autres provinces. Personnellement, en tant que représentante de mon organisme, je suis très intéressée à connaître, à comprendre, à apprendre ce qui se fait ailleurs, à profiter de ces expériences pour me les approprier dans le cadre de mon association. Notre association a un modèle de concertation unique et intéressant qui pourrait être adopté dans d'autres provinces. Quand on dit aux gens que notre association regroupe des instances comme la Commission nationale des libérations conditionnelles ou le Service correctionnel canadien, les gens ne comprennent pas. Ils se disent que c'est inconciliable.

Vous avez pu comprendre que je suis très pro-victimes, que je ne suis pas anti-détenus non plus. J'ai une formation en criminologie. Je travaille dans le système de la justice et je crois qu'il faut concilier les droits des uns et des autres. Il faut rétablir un meilleur équilibre pour les victimes. Ce n'est pas une question mathématique. Ce n'est pas parce qu'on enlève des droits aux détenus qu'on va en donner forcément aux victimes ou vice versa.

Il faut travailler pour que notre pays soit beaucoup plus sensible, donne beaucoup plus de services et intervienne beaucoup plus rapidement. J'ai aimé vos propos, parce que vous avez parlé d'une intervention rapide pour empêcher l'aggravation des traumatismes. Si on avait plus de services de premier plan, on dépenserait peut-être moins au niveau de l'indemnisation et d'autres services. On intervient beaucoup trop rapidement. Le public en général ne sait pas ce qui se fait, ce qui a été adopté; il ne connaît pas non plus les lois.

Beaucoup de bonnes lois, qui ne sont pas connues par l'ensemble des citoyens et qu'il faudrait faire connaître, ont été adoptées par le Parlement fédéral. Il y a beaucoup de choses qui passent par l'information. Les citoyens devraient savoir qu'ils peuvent s'adresser aux juges avec la déclaration de la victime et que la politique aux victimes existe, qu'ils peuvent assister aux audiences de libération conditionnelle, qu'ils peuvent se prévaloir d'un régime d'indemnisation.

De 10 à 15 p. 100 des victimes voient chaque année leur demande rejetée parce que le policier ne leur a même pas dit qu'elles pouvaient se prévaloir du droit à l'indemnisation. Si on parle de droits, c'en est un. On va en faciliter l'exercice si on fait de la formation auprès des policiers. C'est un peu ma vision des choses.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Étant donné qu'il n'y a pas de représentants de l'opposition pour poser des questions, j'ai été un peu coulante pour ce qui est du temps. C'était un tour d'au moins 27 minutes, mais je compte sur vous pour ne pas le dire à l'opposition.

Merci beaucoup d'être venue ici aujourd'hui. Nous vous souhaitons bon succès dans votre entreprise.

La séance est levée.

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