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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 février 1997

.0928

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

Monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Bellehumeur (Berthier - Montcalm): Lors de la séance du comité directeur, on a discuté de la lettre que j'avais envoyée à votre bureau de circonscription et à celui d'Ottawa le 9 janvier 1997. Pour les fins du compte rendu, je vais vous la lire puisqu'elle est très courte.

L'affaire Airbus et les récentes révélations troublantes auxquelles elle a donné lieu soulèvent tellement d'interrogations chez le public et remettent en cause la crédibilité du gouvernement canadien tout entier à un point tel qu'il est du devoir du comité que vous présidez d'examiner scrupuleusement ce dossier.

C'est pourquoi je vous demande de convoquer le Comité de la justice et des questions juridiques dans les plus brefs délais de façon à ce que nous puissions entendre et interroger toutes les personnes impliquées dans cette affaire pour y faire la lumière.

Voici les noms de quelques-unes des personnes que le sous-signé aimerait pouvoir interroger:

Compte tenu de l'urgence de cette affaire, je vous prierais de bien vouloir accorder à la présente votre attention immédiate.

J'attends respectueusement votre réponse.

.0930

L'affaire Airbus est effectivement un dossier dont on a beaucoup entendu parler au mois de janvier et que l'Opposition officielle a surveillé de près. Nous avons interrogé le gouvernement à plusieurs reprises, et pas seulement depuis la rentrée parlementaire à la suite du congé des Fêtes. Nous avons entre autres interrogé le ministre de la Justice dès juin 1996 - je m'en souviens très bien puisque j'étudiais ce dossier - , alors que nous avions entendu par ouï-dire qu'il y avait une possibilité de règlement hors cour. Nous voulions obtenir plus de détails. M. Rock nous avait dit en Chambre qu'il n'en était aucunement question et que s'il avait pris les devants dans ce dossier, c'était parce que c'était un dossier sérieux. On n'entrevoyait pas de règlement hors cour dans les parages.

Quelques mois plus tard, nous entendons dire qu'effectivement il y a un règlement hors cour. Les honoraires juridiques de l'avocat, qui s'élevaient en juin 1996 à 250 000 $, seraient maintenant d'environ un million de dollars. Et si on ajoute à cette somme les frais qu'a déboursés le gouvernement, les frais de tous ceux et celles qui ont travaillé de près ou de loin à ce dossier à la demande de M. Rock et de M. Murray, commissaire à la GRC, je pense qu'au bout de la ligne, on se retrouve avec un dossier qui a coûté aux contribuables plusieurs millions de dollars. On aura bien les chiffres à un moment donné.

Cependant, dans un système parlementaire comme le nôtre, il doit y avoir des responsables pour répondre de telles gaffes monumentales. S'il n'y avait pas eu de gaffe, le ministre de la Justice, le solliciteur général du Canada et la GRC ne se seraient pas excusés. Je crois qu'il n'est pas suffisant pour les contribuables canadiens que deux ministres, non pas des ministres juniors, mais des ministres seniors d'un Cabinet, s'excusent d'avoir entrepris des actions ou une enquête alors qu'ils n'auraient pas dû le faire. C'est très nébuleux. Par surcroît, rien ne s'éclaircit lorsqu'on lit les déclarations de M. Rock, de M. Gray, de Mme Bourgon et de M. Spector. L'un contredit l'autre; l'autre le savait depuis huit mois, mais pensait que tout le monde le savait, alors il ne l'a pas dit... Tout le monde s'envoie la balle et personne n'en assume la responsabilité.

Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques n'est pas un comité fantoche; ce n'est pas un comité qui fait perdre ou brûler du temps à ses députés et aux backbenchers du gouvernement. Connaissant le rapport du premier ministre et de M. Rock, qui n'a pas l'intention, loin de là, de faire une enquête comme on l'a demandé à la Chambre des communes lors des périodes de questions, le Comité permanent de la justice et des questions juridiques devrait prendre l'initiative et convoquer, comme le Règlement le lui permet, ces personnes pour savoir ce qui est bel et bien arrivé dans ce dossier.

C'est grave. Quelqu'un à la GRC a pris l'initiative d'envoyer une lettre aux autorités suisses pour dire qu'il y avait des présomptions de pots-de-vin qui auraient été versés à un ancien premier ministre du Canada. C'est extrêmement grave. Ça ne se peut pas que M. Murray, qui est le commissaire, le patron de la GRC, ne savait pas que ses hommes enquêtaient sur un ancien premier ministre, tout comme ça ne se peut pas que le ministre de la Justice et le solliciteur général ne le savaient pas non plus. Par conséquent, ça ne se peut pas que Mme Bourgon, surtout avec les allégations de M. Spector, tout comme M. Chrétien, ne le savait pas non plus.

Pour faire la lumière, il faut interroger ces personnes. Il faut qu'elles viennent devant nous pour qu'on puisse leur poser des questions et avoir des réponses. Pour l'instant, on se lance la balle. C'est lugubre. C'est un dossier sur lequel on ne sait pratiquement rien. Plus les personnages parlent, plus c'est nébuleux. Mais une chose est certaine: il y a une facture au bout de la ligne et ce n'est pas le Parti libéral du Canada qui va la payer, mais bien les contribuables canadiens.

Donc, je soumets très respectueusement, madame la présidente, qu'en toute connaissance de cause et avec les pouvoirs dont dispose notre comité, nous devrions faire diligence et investir du temps pour étudier cette question et interroger ces personnes.

.0935

Peut-être pourrons-nous ajouter d'autres personnes pour réussir à véritablement faire la lumière. Je n'ai pas consulté le gouvernement à cet égard.

En terminant, je vous rappellerai une enquête qu'a menée ce Parlement: c'était l'affaire Jacob. On n'a pas niaisé sur cette question, n'est-ce pas? On a engagé un expert; on a entendu des témoins; ils sont venus l'un après l'autre pour dire si oui ou non il fallait quasiment pendre M. Jacob, un député bloquiste. C'était agréable, car c'était un méchant séparatiste, un bloquiste qui avait fait une affirmation qui ne coûtait rien aux contribuables.

Dans le présent cas, dans l'affaire Airbus, il y a une gaffe qui coûte des millions de dollars et on va invoquer qu'on manque de temps, que ce n'est pas assez sérieux, que c'est une cause pendante à la cour, qu'on a tenté de régler puis de minimiser les dommages, etc. C'est de la foutaise! Il faut examiner ce dossier scrupuleusement. Il faut que la population sache ce qui est bel et bien arrivé dans le dossier et surtout il faut qu'on mette le doigt sur le responsable.

La personne irresponsable qui a pris cette décision est peut-être encore dans vos rangs, est peut-être encore au niveau du commissaire de la GRC, peut-être encore à la GRC, au ministère de la Justice ou au ministère du Solliciteur général. C'est peut-être Mme Bourgon qui n'a pas fait son travail. Si elle l'a dit, eh bien, c'est M. Chrétien qui a été informé et qui n'a rien fait; c'est encore pire.

Je comprends que vous ne vouliez pas faire la lumière sur cette affaire. Je comprends que vous ne vouliez pas, étant donné l'arrogance habituelle du gouvernement libéral, qu'on mette le doigt sur le bobo. Mais la population veut savoir. Compte tenu que l'Opposition officielle est une opposition qui fait sa job, il faut examiner le plus rapidement possible l'affaire Airbus.

J'en fais une motion formelle, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Bellehumeur.

Monsieur Ramsay, je sais que vous voulez retourner à vos armes à feu. Aviez-vous quelque chose à dire?

M. Ramsay (Crowfoot): La motion ne manque pas de mérite, mais je crois que nous ferions preuve d'une grande naïveté si nous croyons un seul instant que le comité va approuver une motion de cette nature. Il serait agréable de pouvoir penser que le comité est indépendant - on nous a d'ailleurs dit qu'il l'était - mais nous allons voir maintenant ce que les autres membres présents ont à dire et comment ils vont voter.

L'affaire de l'Airbus soulève des doutes dans l'esprit du public. J'ai moi-même étudié le dossier et je comprends le processus dans une certaine mesure, mais il y a des questions que je voudrais poser aux personnes qui ont eu un rôle à jouer dans cette affaire.

Madame la présidente, j'appuie la motion. Je voudrais retourner à mon sous-comité, car nous sommes sur le point de conclure. Je n'ai rien à ajouter, sinon qu'il existe un certain nombre de domaines de préoccupation que le Comité de la justice a le pouvoir d'examiner, mais je doute fort que les membres du parti ministériel étudient sérieusement la question; ils se contenteront probablement de voter contre et...

M. Rideout (Moncton): C'est injuste. Madame la présidente, c'est injuste de préjuger de notre décision.

M. Ramsay: Alors, prouvez-moi que je me trompe.

M. Rideout: Continuons...

M. Ramsay: Prouvez-moi que je me trompe.

Madame la présidente, pourquoi m'interrompt-il?

M. Rideout: Le fait que nous ne soyons pas d'accord avec vous ne signifie pas que nous ne sommes pas...

La présidente: À l'ordre! Vous savez, monsieur Rideout...

M. Rideout: Excusez-moi, je perds un peu patience de temps à autre.

La présidente: Vous avez sans doute bu trop de café ce matin.

Monsieur Ramsay, vous aviez terminé?

M. Ramsay: Oui.

La présidente: Après tout, je suis peut-être plus drôle que je ne le croyais, je n'avais pas saisi.

Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): Merci, madame la présidente. J'estime aussi qu'il est présomptueux de décider d'avance de ce que nous allons dire, mais je voudrais exposer quelques faits.

Il y a eu une affaire au civil et une enquête judiciaire, il ne faut pas mélanger les deux. Pour l'affaire au civil, il y a eu un règlement à l'amiable qui a sans doute permis de faire économiser d'énormes sommes d'argent aux contribuables. Je n'accepte pas l'argument du Bloc québécois lorsqu'il dit que les contribuables canadiens se sont fait avoir. Nous savons tous parfaitement que si les audiences avaient duré deux ou trois ans, les frais judiciaires auraient été beaucoup plus élevés.

.0940

Mais dans cette action au civil, le gouvernement du Canada a présenté de pleines excuses qui ont été totalement acceptées par l'ancien premier ministre. Le texte du règlement public qui, ne l'oubliez pas, a été reproduit dans tous les journaux indiquait que M. Mulroney lui-même avait admis que la lettre envoyée aux autorités suisses était conforme aux procédures normales, procédures qui étaient utilisées même dans le gouvernement qu'il dirigeait.

Depuis lors, notre ministre de la Justice a éliminé cette faiblesse supposée de notre système judiciaire. J'ajouterai, madame la présidente, que notre gouvernement a aussi chargé un tiers de procéder à un examen indépendant de l'ensemble du système. J'estime donc que nous avons pris des mesures concrètes.

Je comprends, madame la présidente, que les membres de l'opposition seraient ravis de voir tomber quelques têtes, mais j'estime que ce que nous essayons de faire actuellement, comme l'a déclaré lui-même le ministre de la Justice à la Chambre des communes, c'est d'éliminer les failles du système.

Deuxièmement, madame la présidente, la GRC poursuit son enquête. Même l'ancien premier ministre Mulroney a reconnu que la GRC devrait se placer au-dessus de la mêlée politique. Les membres de l'opposition ont tout à fait tort de continuer à insinuer que le solliciteur général, voire le ministre de la Justice ou même le premier ministre, devraient avoir été au courant de la situation et devraient avoir pris des mesures. Les politiciens ne devraient pas se placer au-dessus de la loi et il ne devrait donc jamais y avoir d'ingérence de la part de politiciens de ce niveau.

La GRC doit faire son travail. Elle poursuit son enquête, avec la bénédiction de l'ancien premier ministre. Laissons-la faire.

J'entends dire toutes sortes de choses ici: j'entends parler d'enquête; j'entends dire, «Je me pose beaucoup de questions.» Si l'on veut poser tant de questions, madame la présidente, je rappellerai simplement aux membres de l'opposition que très bientôt, dans les prochaines semaines, je crois, nous allons étudier le budget des dépenses.

Vous aurez alors largement l'occasion de poser des questions au solliciteur général; vous aurez largement l'occasion d'en poser au ministre de la Justice; vous aurez largement l'occasion...

M. Ramsay: Dix minutes.

M. Discepola: Non, excusez-moi, mais vous aurez largement l'occasion d'interroger qui bon vous semble, au ministère de la Justice. Vous y trouverez réponse à vos questions.

M. Ramsay: Vous avez dix minutes pour poser une question et obtenir une réponse.

M. Discepola: Mais de dire tout d'un coup que nous essayons de cacher quelque chose - madame la présidente, je trouve cela inacceptable.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Je ne peux pas les accuser de sympathie conservatrice, non plus que de sympathie réformiste. Je respecte cependant les individus qui siègent ou qui ont siégé à un titre ou à un autre.

Dans le dossier réformiste, j'ai été l'un de ceux qui ont défendu avec beaucoup d'ardeur l'ingérence du Service canadien du renseignement de sécurité auprès de M. Manning. J'ai condamné dans mon rapport les activités qu'a tenues le Service canadien du renseignement de sécurité et j'en suis arrivé à la conclusion que le Parti réformiste avait politiquement souffert de l'intervention d'une source humaine qui avait été plantée auprès du chef, M. Manning, et de l'entourage immédiat du leadership réformiste. Cela ne fait pas de moi un réformiste, mais un démocrate qui se soucie de ce qui se passe dans la vie politique canadienne.

Dans l'affaire de M. Mulroney, il est évident qu'on se souvenait de tout ce qui s'était passé sous le régime Mulroney. On peut commencer par l'affaire Michel Côté, l'affaire Bissonnette et l'affaire Sinclair Stevens, dont la commission d'enquête à passé de longs moments à étudier le comportement. Il était facile, lorsque le nom de M. Mulroney est sorti, d'en faire un coupable par association. Il y avait des faisceaux qui venaient d'un peu partout et qui avaient rejoint certains de ses principaux collaborateurs.

Pour plusieurs personnes et même des journaux sérieux, M. Mulroney a été jugé avant de subir quelque procès que ce soit. Des gens se contredisent dans cette affaire; Me Bellehumeur le disait tout à l'heure. À première vue, au moins deux personnes, soit M. Spector et Mme Bourgon, se contredisent. L'un d'eux ne dit pas la vérité. Or, ils ont tous deux été nommés à des postes de très haute responsabilité par le premier ministre, M. Chrétien. Est-ce que ce sont ces gens qui ont mal informé le premier ministre ou est-ce que ce sont d'autres personnes comme le commissaire de la GRC? À quel niveau est-ce qu'une mauvaise décision a été prise?

Il y a eu une réparation civile, c'est vrai, et M. Mulroney s'en déclare satisfait. Si j'obtenais un million de dollars pour mes procureurs, je serais probablement aussi satisfait. Je passerais les voir pour ma campagne de financement d'ailleurs.

D'autre part, il y a un préjudice politique. Si on a réparé le préjudice politique à l'endroit du Parti réformiste et, dans d'autres cas, à l'endroit du Parti libéral, on n'a pas encore eu l'occasion de le faire à l'endroit du Bloc québécois, qui se comporte de façon généralement très civilisée, en Chambre particulièrement.

.0945

J'invite mes collègues des autres partis à en faire autant et à prendre une grande respiration, surtout lorsqu'il y a des accusations de racisme qui coulent. Mais c'est là un autre dossier.

Il serait intéressant de voir les tenants et aboutissants de cette affaire, mais encore faut-il en avoir la volonté politique. On ne les verra pas si notre comité n'a pas de volonté politique d'aller voir là-dedans, de démontrer que nous sommes de véritables parlementaires, bien que n'étant pas des secrétaires parlementaires ni des ministres, n'ayant d'autres sources de revenus que celle que nous procure notre statut de député et n'ayant de comptes à rendre qu'à nos électeurs. Je crois cependant que mon collègue de Vaudreuil est secrétaire parlementaire.

Nous devons examiner cette affaire pour rétablir les faits, sinon nous sombrerons dans une situation où on se foutera tranquillement du Comité permanent de la justice et des questions juridiques, tout comme on l'a fait avec le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. En raison de tout le temps qu'il a perdu au printemps pour étudier l'affaire du communiqué du député de Charlesbourg, communément appelée l'affaire Jacob, ce comité n'a pas pu s'adonner à ses tâches et travailler à l'étude de la Loi électorale. Il s'est donc retrouvé avec un projet de loi qu'il a dû adopter à la vapeur. Depuis ce temps, c'est un comité qui fonctionne avec deux béquilles; c'est le moins qu'on puisse dire.

Tranquillement, les comités de la présente législature, comparativement à ceux de la 34e législature, ont perdu de leur pouvoir en pratique, et non pas en théorie parce que les comités sont souverains. Ils sont libres d'exercer cette souveraineté ou de ne pas l'exercer. J'invite mes collègues, au-delà des considérations partisanes parce qu'il est sûr qu'on peut atteindre des personnes qu'on souhaiterait ne pas voir impliquées, à faire la lumière sur ce dossier qui mérite qu'on fasse ainsi puisque des accusations ont été portées.

Mon collègue de Vaudreuil disait tout à l'heure qu'il ne fallait pas mêler la poursuite civile et la poursuite criminelle. C'est justement parce qu'il y a eu une enquête criminelle et des révélations qui n'auraient pas dû se faire, de l'information qui a coulé et des demandes inappropriées qu'il y a eu une poursuite civile. Les deux sont intimement liées. Nous devrions au moins tenter d'aller au bout de la question. D'un autre côté, je ne me fais pas d'illusion en raison des quelques mois ou semaines qui restent à la législature et de l'importance que revêt l'affaire du Heritage Front. Il ne reste pas tellement de jours ouvrables pour étudier cette question.

Il y a un proverbe de je ne sais quel pays qui dit que quand on a un long voyage à faire, il est bien important de faire le premier pas. Nous devrions au moins entreprendre cette étude et peut-être, lors d'une séance du comité directeur, en fixer les lignes directrices, non pas pour en faire une chasse aux sorcières, mais simplement pour essayer de voir quels sont les véritables tenants et aboutissants de cette question. Pour ces raisons, j'appuie la motion de mon collègue de Berthier - Montcalm.

[Traduction]

La présidente: Merci. Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Les questions qui nous préoccupent devraient sans doute être inscrites à l'ordre du jour. Voici ma question. Le ministre de la Justice a été avisé des objections du plaignant par téléphone, le 4 novembre. M. Roger Tassé, agissant au nom du plaignant, a ensuite écrit au ministre de la Justice une lettre dans laquelle il lui donnait plus de détails sur les points que le préoccupaient. Il demandait également que la première lettre d'autorisation adressée aux autorités suisses soit retirée et qu'en cas de besoin, soit on expédie une seconde lettre, cette fois dépouillée de tout terme inflammatoire, de manière à ne pas gêner l'enquête de la GRC. Si l'on avait retiré la première lettre au lieu d'en envoyer simplement une seconde, cela aurait mis un terme à la procédure civile, car celle-ci n'aurait plus eu aucun fondement.

Le ministre de la Justice aurait alors pu retirer la lettre et en envoyer une seconde, ce qui aurait donné à la GRC les moyens et les pouvoirs qu'elle réclamait. Il a préféré ne pas le faire, et cela a abouti à un procès de 50 millions de dollars et à des honoraires d'avocat nettement supérieurs à un million de dollars pour chacune des deux parties.

Pourquoi le ministre n'a-t-il pas saisi l'occasion qui lui était offerte? J'ai posé la question à la Chambre. Dans le feu de l'action à la Chambre, on ne s'attend pas toujours à obtenir des réponses précises à des questions précises. Mais aucune explication n'a été donnée au peuple canadien sur les raisons pour lesquelles plus d'un million de dollars de l'argent des contribuables ont été dépensés alors que l'on aurait pu mettre un terme à tout cela en novembre 1995, après que le ministre de la Justice eut été informé non seulement du contenu de la lettre mais du fait qu'elle était, à l'époque, sur le point de tomber dans le domaine public. La lettre de M. Tassé contient des citations directes de cette lettre d'autorisation. Le ministre de la Justice savait donc que les limites normales de la confidentialité de ce genre de procédure n'avaient pas été respectées. Il le savait parfaitement.

.0950

Selon un principe très clair de la loi, vous devez être capable de prévoir quelles pourraient être les conséquences possibles si ce genre de lettre était rendue publique. Le ministre n'a pas pris les mesures qui auraient permis de tout arrêter en novembre 1995. La question est de savoir pourquoi. Nous savons que dans un autre...

Êtes-vous...?

M. Rideout: Je parle à Nick.

La présidente: Monsieur Ramsay, continuez votre exposé. Il y a des témoins qui attendent.

M. Ramsay: Oui, eh bien, je voudrais qu'on ne m'interrompe pas lorsque j'ai la parole.

La présidente: Adressez vos remarques au fauteuil et non...

M. Ramsay: Il n'arrête pas de parler. Lorsque j'ai la parole, suis-je obligé de subir la véritable cacophonie de bavardages des gens d'en face?

La présidente: Pourrions-nous faire un peu plus attention à ce qui se passe et continuer? Il y a des témoins qui attendent.

M. Ramsay: Bien. Alors, maintenez l'ordre au comité, madame la présidente.

La présidente: Continuez, monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Il est prouvé que le ministre de la Justice, qui l'a d'ailleurs reconnu, a obtenu des informations des membres des médias, qu'il a rencontré la GRC et qu'il lui a communiqué ces informations. La copie que j'ai ici de la lettre de la GRC au ministre de la Justice indique que ces informations n'étaient pas exploitables, qu'il s'agissait simplement de rumeurs. La GRC a pris contact avec les membres des médias et les choses ne sont pas allées plus loin. Tout cela montre que le ministre de la Justice voulait non seulement signaler ou renvoyer à la GRC des personnes qui pouvaient détenir des renseignements relatifs à une affaire criminelle, mais qu'il avait tenu à porter lui-même la question à l'attention de la GRC.

Un certain nombre de points méritent donc d'être examinés. Le public a le droit de savoir. Le comité a-t-il la volonté politique nécessaire pour examiner ces questions? Qu'avons-nous à craindre? Absolument rien.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay.

Monsieur Telegdi, efforcez-vous d'être bref. Nous avons des témoins qui attendent.

M. Telegdi (Waterloo): Merci beaucoup, madame la présidente.

Ce qui m'inquiète dans cette motion, c'est qu'elle met en cause le principe selon lequel des personnes telles que le ministre de la Justice, le solliciteur général et le premier ministre ne doivent pas intervenir dans les enquêtes criminelles. Notre police est autonome, et M. Ramsay devrait le savoir, étant donné qu'il a lui-même travaillé pour la GRC.

En fait, si le maire d'une municipalité où le maintien de l'ordre est assuré par la GRC essaie d'intervenir dans une enquête ou de l'orienter, il peut être accusé de faire obstacle à la justice. Un chef de police qui essayerait d'entraver l'enquête d'un de ses subordonnés pourrait également être accusé de faire obstacle à la justice.

.0955

C'est un principe fondamental de la démocratie et si l'on en abusait, j'en serais bouleversé. C'est un principe que les parlementaires que nous sommes doivent conserver toujours présent à l'esprit.

Je pourrais vous donner l'exemple de toutes sortes de régimes totalitaires dans lesquels les politiciens interviennent directement dans les enquêtes. Lorsque le communisme régnait en Hongrie, mon pays natal, il était tout à fait courant que les politiciens orientent les enquêtes criminelles; il n'existait aucune ligne de démarcation entre eux et le système judiciaire. À celui qui me dirait que je suis opposé à cette motion pour des raisons purement partisanes, je peux simplement répondre qu'il se trompe car, en fin de compte, on doit adhérer à un ensemble de principes.

Si l'on en arrive au point où les politiciens guideront les enquêtes criminelles, nous pourrons dire qu'il y a un très grave problème au Canada. Personnellement, je crois ce que dit le ministre de la Justice, et cela me troublerait profondément que le solliciteur général ou lui ne demeurent pas totalement à l'écart de l'enquête. Je n'ai donc absolument aucune intention d'appuyer la motion pour les raisons que je viens de donner.

La présidente: Merci. Merci, monsieur Bellehumeur.

[Français]

M. Bellehumeur: J'aimerais répondre brièvement à M. Telegdi. C'est justement ce que je demande par la motion que je dépose ce matin. Effectivement, il y a une prémisse. La prémisse, c'est qu'il faut que le judiciaire et le politique soient séparés. Ce que je demande par cette motion, c'est que des gens viennent nous dire ce qu'ils ont fait, et on tirera nous-mêmes la conclusion à savoir si vous avez raison ou non, monsieur Telegdi. Est-ce que le judiciaire et le politique ont été séparés, oui ou non? Vous pouvez parler de pays totalitaire et de tout ce que vous voudrez, mais c'est ça.

Il y a également une prémisse que vous oubliez et qui est très importante: c'est qu'il y a une facture de quelques millions que paieront les contribuables. Ce ne sont pas seulement des petites excuses du bout des lèvres du ministre de la Justice et du solliciteur général qui vont satisfaire les Canadiens. C'est une autre prémisse que vous oubliez.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup. Vous voulez donc avoir un vote inscrit.

La motion est rejetée: voix contre, 6; voix pour, 4

La présidente: Nous avons le reste du rapport du comité directeur à examiner.

Les questions qui sont ensuite examinées dans le rapport du comité directeur sont le projet de loi C-55 sur les délinquants présentant des risques élevés de récidive, et le projet de loi C-254 présenté par Val Meredith. Le comité directeur recommande qu'on procède à un examen article par article pendant la semaine du 3 mars, ce qui devrait nous permettre d'entendre tous nos témoins.

Au point trois, nous avons le projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-205 deM. Wappel. Certains d'entre vous se souviendront que sa présentation a été l'occasion pour nous d'une journée fort divertissante. Nous allons essayer d'organiser des audiences pendant deux jours, en mars. Nous avons une liste de témoins établie en conséquence, et elle a été approuvée.

En ce qui concerne le projet de loi C-217, celui de Mme Venne, j'avais proposé d'attendre que le projet de loi C-46 nous soit renvoyé et de regrouper les deux, mais Mme Venne ne veut pas procéder ainsi, ce qui est parfaitement acceptable. Nous essayons de lui donner satisfaction. Apparemment, à cause d'autres obligations, il ne lui sera pas possible de participer avant le mois d'avril. Elle nous a donc demandé de réserver deux ou trois jours en avril. Personnellement, je n'y vois pas d'objections, même si ce n'était pas ce à quoi le comité directeur avait songé. Je vais donc modifier le rapport en conséquence.

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En ce qui concerne la Loi sur les jeunes contrevenants, Phil Rosen et Patty Bégin, nos recherchistes, ont informé le comité directeur qu'ils pourraient lui soumettre une ébauche de rapport dans la semaine du 3 mars, sans les recommandations. Nous leur avons demandé de rédiger une synthèse et nous préparerons alors nous-mêmes les recommandations pour le rapport.

Nous sommes également tenus d'effectuer un examen réglementaire des articles 129 à 132 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Le temps de le faire approche, et nous organiserons donc des audiences publiques en mars et en avril.

Je vous rappelle également qu'il y a eu deux autres demandes. La première était que nous procédions à un examen anniversaire de la loi sur les empreintes génétiques. Il va cependant bientôt y avoir aussi une loi relative à une banque de données ADN. À moins d'avis contraire, je crois que les témoins sont les mêmes et comme il est probable que nous aurons bientôt à étudier un projet de loi sur la banque de données ADN, nous essayerons de combiner les deux.

Enfin, Randy White, du Parti réformiste, a présenté une motion qui a été pratiquement accueillie à l'unanimité à la Chambre. Cette motion porte sur la déclaration des droits d'une victime - il s'agit d'un énoncé des principes fondamentaux de la justice pour les victimes de crime. J'ai reçu une lettre du ministre de la Justice, et nous allons la faire circuler.

Je crois que Randy proposait dans sa motion que le gouvernement demande au Comité de la justice d'étudier cette question. Dans la lettre qu'il m'a adressée, le ministre nous demande de le faire. Il rappelle également qu'en 1988, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice se sont réunis et ont présenté un énoncé de principe relatif au traitement des victimes dans notre système de justice pénale. Il nous a demandé de le joindre aux autres documents que nous allons étudier parce que cela s'est déjà fait. Il en a également informé M. White. Si le comité directeur le recommande, nous inscrirons donc cela à notre calendrier.

Avez-vous des questions à poser au sujet du rapport du comité directeur? Le projet de loi C-46 nous a été renvoyé. Je venais d'écrire une lettre dans laquelle je disais que nous ne l'avions pas encore reçu, mais son examen est terminé à la Chambre. Nous allons donc bientôt avoir à nous en occuper. Je vous avertis que de nombreux témoins veulent être entendus à ce sujet.

Quelqu'un a-t-il des remarques à faire sur le rapport du comité directeur? Val.

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): En ce qui concerne l'examen article par article du projet de loi C-54 et du projet de loi C-55, je suppose que nous commencerons par le projet de loi C-55 et que les deux ou trois premiers jours de mars lui seront consacrés.

La présidente: Préféreriez-vous cela?

Mme Meredith: Je ne pense pas être de retour avant mardi soir.

La présidente: Bien. De toute façon, nous ne nous réunirons sans doute pas lundi. Si vous ne pouvez pas être là plus tôt, nous attendrons votre retour avant de commencer l'examen de votre projet de loi.

Mme Meredith: Merci. Je suis sensible à cette attention.

La présidente: À d'autres, nous le ferions peut-être, mais certainement pas à vous.

Mme Meredith: Il va falloir que j'examine mon calendrier. Je vous remercie.

La présidente: Y a-t-il d'autres questions au sujet du rapport du comité directeur? Puis-je considérer que le rapport est accepté par le comité? Merci.

La motion est adoptée [Voir procès-verbaux]

Nous allons maintenant entendre le Dr Howard Barbaree, qui va nous parler du projet de loi C-55 et du projet de loi C-254. Le Dr Barbaree est directeur des services de médecine légale au Clarke Institute of Psychiatry. Il est professeur et chef du programme de médecine légale au Département de psychiatrie de l'Université de Toronto. Il est également chef de clinique à la Warkworth Sexual Behaviour Clinic.

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Docteur Barbaree, il m'est bien souvent arrivé dans le passé de renvoyer à vos services certains de mes honorables clients. Soyez le bienvenu. Je sais que vous avez un mémoire à nous présenter. Nous mettrons ensuite votre cerveau à contribution, si je peux m'exprimer ainsi.

Dr Howard Barbaree (chef, Forensic Division, Clarke Institute of Psychiatry): Merci beaucoup, madame la présidente, et bonjour. J'ai déjà distribué mon mémoire, mais tout d'abord, quelques mots d'explication sur ma personne et sur mon expérience dans ce domaine.

Chef de clinique à la Warkworth Sexual Behaviour Clinic depuis huit ans, j'ai dirigé la préparation d'environ 500 délinquants sexuels détenus dans un pénitencier fédéral en vue de leur réinsertion dans la société. Au sein de la division de médecine légale du Clarke Institute of Psychiatry, la clinique du comportement sexuel fournit chaque année des soins cliniques à environ 250 consultants externes qui sont des délinquants sexuels. Dans le cadre d'un contrat de service avec le Service correctionnel du Canada, dont j'assume la direction à la Clarke Institute, cette clinique offre en permanence des services à un groupe de 10 à 15 délinquants sexuels présentant des risques élevés de récidive, qui sont en liberté conditionnelle.

Je m'occupe des services cliniques offerts à cette population de délinquants depuis 1976. Mes recherches portent surtout sur l'évaluation des risques et sur l'efficacité du traitement des délinquants sexuels, et mes travaux ont donné lieu à de nombreuses publications. J'ai été corédacteur de deux ouvrages dans ce domaine.

D'une façon générale, je suis tout à fait favorable aux modifications proposées dans ces projets de loi. La loi actuelle offre une gestion insuffisante des risques présentés par le délinquant sexuel à deux stades: premièrement, lorsque le délinquant sexuel présentant des risques élevés de récidive est mis en liberté à l'expiration du mandat sans aucune ressource ni surveillance; deuxièmement, lorsque ce délinquant vit dans la collectivité en liberté conditionnelle et qu'il doit compter sur le traitement et le soutien fournis par son équipe de gestion et atteint la fin du mandat, auquel moment il n'a plus accès au soutien et aux soins fournis par l'équipe. Comme nous le savons, il est arrivé dans ces deux circonstances que ces individus récidivent et se livrent à des agressions sexuelles graves avec violence, qui ont des conséquences tragiques. Le projet de loi nous donne les moyens de mieux surveiller et soutenir ces délinquants au moment de leur réinsertion dans la collectivité.

La législation relative aux délinquants dangereux n'a jamais permis de régler ces problèmes de manière satisfaisante. Comme elle a conduit à l'imposition de peines de prison très longues, on a souvent hésité à l'utiliser dans le cas de délinquants qui pouvaient être gérés de manière efficace au sein de la collectivité. Les changements du Code criminel concernant le délinquant à contrôler créent une catégorie intermédiaire entre le délinquant dangereux et le délinquant condamné à une peine de durée déterminée. Le premier est un délinquant susceptible d'être désavantagé lorsque son mandat d'incarcération expire, comme je viens de le montrer, mais qu'il n'est pas nécessaire de maintenir en incarcération pendant de longues périodes. Grâce à ces changements, on pourra exercer une surveillance à long terme sur ces délinquants au sein de la collectivité.

Lorsque les délinquants demeurent incarcérés jusqu'à l'expiration du mandat, il arrive parfois que le personnel de l'établissement soit convaincu qu'ils récidiveront dès leur mise en liberté. Jusqu'à présent, dans la plupart des cas de ce genre, aucune intervention n'était possible. Lorsqu'on a tenté d'apporter remède à la situation, la seule recommandation possible était de prendre une ordonnance d'internement dans un établissement psychiatrique provincial. Bien que certaines de ces tentatives aient été couronnées de succès, la solution présente de nombreux problèmes, notamment du fait que la méthode ne permet pas toujours de maintenir le délinquant sous garde. La proposition en faveur de l'usage de la détention postérieure à la peine dans le cadre de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition offrira un mécanisme efficace de prévention de ces mises en liberté d'individus présentant des risques élevés de récidive.

Les modifications proposées présupposent que nous serons capables de déterminer les risques que présentent ces délinquants et que nous disposions de méthodes efficaces d'intervention au plan de la surveillance communautaire. Les méthodes modernes d'évaluation des risques et les pratiques actuelles de surveillance ne sont pas encore parfaitement au point, mais je crois qu'elles sont suffisamment élaborées et efficaces pour appuyer le projet de loi proposé.

La présidente: Merci beaucoup.

Madame Meredith.

Mme Meredith: Merci, madame la présidente.

Merci d'être venu aujourd'hui. Il est agréable de voir quelqu'un qui approuve le principe sur lequel ces deux projets de loi sont fondés.

En tant que professionnel qui s'occupe des délinquants sexuels - et j'imagine que cela comprend les pédophiles...

Dr Barbaree: Oui.

.1010

Mme Meredith: L'autre jour, un témoin croyait, à tort, qu'il n'est pas possible de traiter les pédophiles. En tant que professionnel, êtes-vous d'accord? Pensez-vous au contraire qu'il est possible de guérir les pédophiles de manière à ce qu'ils ne présentent plus de problème ni de risque sérieux?

Dr Barbaree: Les études spécialisées sur l'efficacité du traitement des pédophiles sont controversées. Un certain nombre d'études montrent que le traitement a permis de réduire le taux de récidive chez les pédophiles. D'autres études, aussi nombreuses, ont montré qu'il n'existait pas de différence entre les pédophiles qui avaient subi un traitement et les autres.

Le fait demeure que ces études comportent de nombreux problèmes méthodologiques et je ne crois donc pas que nous sachions vraiment pour le moment s'il est possible de traiter efficacement ces individus. Je pense par contre qu'on peut les gérer de manière efficace. Habituellement, la question que l'on pose est de savoir s'il existe une guérison possible et, sur ce plan, les études nous offrent des réponses qui prêtent à controverse.

Avec les mesures de soutien et de surveillance appropriées au sein de la collectivité, il est possible de gérer ces individus de manière à réduire considérablement les risques de récidive.

Mme Meredith: Pensez-vous que ce soit aussi le cas des délinquants sexuels récidivistes et qu'il soit possible de les gérer, sinon de les guérir, lorsqu'ils vivent dans la collectivité?

Dr Barbaree: Vous parlez de délinquants qui agressent des femmes d'âge adulte?

Mme Meredith: Oui.

Dr Barbaree: Oui, je crois que c'est vrai. Il faut cependant tenir compte de l'hétérogénéité de ces deux populations. Il existe un certain nombre d'individus dont la gestion est impossible ou, du moins, très difficile, et un échec est donc possible. Mais je crois que la majorité des membres de ces deux populations peuvent être gérés sans danger dans la collectivité.

Mme Meredith: Pensez-vous qu'il soit possible de séparer les deux, qu'il soit cliniquement possible de repérer les quelques individus qui sont impossibles à gérer?

Dr Barbaree: Avec un certain pourcentage d'erreur.

Mme Meredith: Un pourcentage élevé ou réduit...?

Dr Barbaree: Je dirais que le pourcentage d'erreur est faible, en ce moment. Ces dernières années, nous avons fait des progrès considérables qui nous permettent de détecter plus aisément les individus extrêmement dangereux. Je crois que le taux d'erreur est nettement plus faible qu'il ne l'était il y a 10 ou 15 ans. Les progrès de la recherche permettront de réduire encore ce taux, mais je ne pense pas que nous réussissions jamais à l'éliminer complètement.

Mme Meredith: Vous avez mentionné la solution qui consiste à placer ces individus dans des établissements psychiatriques afin d'essayer plus ou moins de régler le problème qui se pose à l'expiration d'une peine, lorsque l'individu se retrouve dans la société sans aucune forme de supervision ni de surveillance. On a donc essayé de placer ces personnes dans des établissements de soins psychiatriques. Pourquoi cela ne marche-t-il pas?

Dr Barbaree: Pour qu'il puisse y avoir une ordonnance d'internement, il faut un diagnostic fondé sur le DSM, le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, de l'American Psychiatric Association. Le problème est que certains des délinquants qui peuvent être fort dangereux n'ont pas de troubles mentaux, techniquement parlant, et qu'il n'est donc pas possible de les interner.

Mme Meredith: Autrement dit, ceux qui sont des criminels, qui ont commis des actes criminels, ne relèvent pas nécessairement des services de santé mentale. Ils n'ont pas de troubles mentaux. La difficulté est donc que certains individus peuvent être considérés comme criminellement dangereux et non pas dangereux parce qu'ils ont des problèmes mentaux.

Dr Barbaree: C'est exact.

Mme Meredith: Vous appuyez donc ces deux projets de loi parce qu'ils offrent des solutions, du moins nous l'espérons, au problème que pose le petit groupe de personnes appartenant à cette catégorie.

Dr Barbaree: Oui.

Mme Meredith: Pensez-vous que l'application du projet de loi C-55 est un moyen approprié de régler la question de ces individus en prévoyant, par exemple, une prolongation de six mois pour la déclaration de délinquant dangereux? Cela réglera-t-il la question des individus qui sont actuellement incarcérés et qui n'avaient pas été désignés comme des délinquants dangereux, dont la peine va prendre fin et qui sont considérés, et ils l'ont prouvé, comme dangereux pour la société? Le projet de loi C-55 permettra-t-il de régler leur cas?

.1015

Dr Barbaree: L'adoption de ce projet de loi nous permettrait de nous occuper de la vaste majorité d'entre eux. Ce qui est indispensable, c'est de pouvoir déterminer, assez tôt après qu'il ait commencé à purger la peine, si un individu est dangereux, compte tenu de ses antécédents, de ce que nous appelons les facteurs statiques, les facteurs historiques, son casier judiciaire et la manière dont il se présente au cours des entrevues à ce moment. À mon avis, cela permettrait de repérer la vaste majorité de ces individus et de les évaluer de manière appropriée.

Ce que je crains, c'est que certains individus échappent malgré tout à ce mécanisme car nous ne disposons pas toujours de tous les éléments d'information appropriés, même six mois après le début de l'expiration de la peine.

Des facteurs dynamiques contribuent également au risque. Ces facteurs ont trait aux changements psychologiques que connaît un individu. Ils ne font pas partie de ses antécédents, ils ne font pas partie de sa présentation au début de sa peine, mais ce sont des caractéristiques qui ressortent par la suite. Cela ne se produit pas très souvent, mais cela arrive dans certains cas où les professionnels sont fermement convaincus qu'au moins au moment de l'expiration de sa peine, l'individu est extrêmement dangereux.

Le recours à la procédure de l'internement civil permettrait de repérer bon nombre de ces individus puisque le facteur dynamique qui contribue au risque qu'ils présentent relève du domaine des troubles mentaux. Il demeure que, malgré cela, certains d'entre eux ne répondraient pas aux critères du DSM et ne seraient donc pas repérés.

Mme Meredith: Donc, en vertu du projet de loi C-55, ces individus réintégreraient la société à l'expiration du mandat.

Dr Barbaree: Oui.

Mme Meredith: Pensez-vous qu'il serait important que le système permette d'identifier ces individus qui sont très peu nombreux et étende la période de surveillance à dix ans, au moins?

Dr Barbaree: Oui. Dans le cas des individus que l'on juge être des délinquants à contrôler, au moment de la détermination de la peine, la possibilité de les surveiller et de les superviser pendant un certain temps après l'expiration du mandat constituerait un progrès par rapport à la mise en liberté sans surveillance. Cela permettrait de repérer certains des individus qui m'inquiètent. On n'aurait plus alors qu'à se préoccuper des individus qui n'ont pas été classés dans cette catégorie et dont les facteurs dynamiques de risque se manifestent au dernier moment. En fait, pour ramener le risque à un niveau acceptable, ils devraient être maintenus sous garde. De toute façon, cela ne concernerait qu'un nombre extrêmement réduit d'individus.

Mme Meredith: Il reste qu'actuellement, nous avons un nombre appréciable d'individus qui sont incarcérés depuis longtemps, avant même qu'il soit devenu à la mode, si je puis m'exprimer ainsi, d'envisager une loi sur les délinquants dangereux. Ces individus ne seront pas repérés au moment de la détermination de la peine puisqu'ils sont déjà incarcérés.

Si l'on sait qu'un détenu entre dans la catégorie des personnes qu'il serait difficile de superviser et de traiter, et que vous êtes à peu près sûr qu'il va récidiver, ne pensez-vous pas que la société devrait prendre des mesures pour que cet individu ne soit pas réinséré dans la société puisque nous sommes alors obligés d'attendre qu'il récidive pour pouvoir prendre les mesures applicables aux délinquants dangereux?

Dr Barbaree: Si, effectivement. Les dispositions du projet de loi C-55 ne s'appliqueront pas à certains individus actuellement incarcérés. Ceux-ci présenteront donc un risque à l'expiration de leur peine.

Il n'existe actuellement aucun mécanisme d'intervention. L'autre projet de loi établirait un mécanisme qui permettrait de les maintenir sous garde ou de les gérer selon une formule quelconque de libération conditionnelle après leur mise en liberté.

.1020

La présidente: Monsieur Discepola.

M. Discepola: Vous avez dit qu'à votre avis, certaines catégories de délinquants sexuels ne peuvent pas être traités ou ne réagissent pas de manière satisfaisante au traitement. Y a-t-il d'autres moyens de régler le problème qu'ils présentent sans recourir à une solution extrême comme aux États-Unis, où, dans certains États, on envisage ou on utilise même la castration chimique?

Dr Barbaree: Pour ce petit groupe d'individus qui ne réagissent pas au traitement, il s'agit souvent d'un simple refus de s'y soumettre. Ces gens-là refusent de reconnaître leurs antécédents sexuels. Ils nient avoir commis des infractions sexuelles et refusent donc de se soumettre à un traitement. Il est, par exemple, difficile de les amener à suivre une posologie. Pour de tels individus, dans la mesure du possible, je crois que la mise sous garde est la seule solution. Aux termes de la loi actuelle, une fois qu'ils ont purgé leur peine, ils sont naturellement mis en liberté et, tant qu'ils ne récidivent pas, il n'y a pas grand-chose à faire.

M. Discepola: Pourquoi faut-il attendre qu'ils récidivent? Si les professionnels considèrent qu'un tel individu peut commettre une infraction, pourquoi ne pourrait-on pas prescrire d'autres traitements ou prendre d'autres mesures, même si la loi ne le prévoit pas actuellement?

Dr Barbaree: Si c'est à l'internement que vous pensez, un problème se pose, car il exige la prise d'un certain nombre de mesures très précises, notamment le diagnostic d'un trouble mental, alors qu'un segment assez important de cette population ne satisfait pas aux critères de troubles mentaux. Ces individus ont des troubles de la personnalité qui peuvent en faire des êtres antisociaux. Ils peuvent être aussi diagnostiqués comme des psychopathes. Je crois que le Dr Hare va vous parler tout à l'heure des problèmes liés à la psychopathie. Malheureusement, ce diagnostic n'est en général pas jugé suffisant pour ordonner l'internement à la suite d'une action au civil.

M. Discepola: Iriez-vous jusqu'à dire que la castration chimique permettrait de régler le problème de ce genre de personnes, lorsqu'il s'agit d'hommes?

Dr Barbaree: La castration chimique pose un problème d'observation. Elle entraîne aussi des effets secondaires que les hommes trouvent fort désagréables, si bien qu'ils se refusent à suivre une posologie. Si vous leur donnez des pilules, ils ne les prennent pas.

M. Discepola: Là n'est pas la question. En tant que détenu, vous avez le choix.

Dr Barbaree: C'est juste.

M. Discepola: Vous pouvez vous soumettre au traitement et y réagir ou, si vous préférez ne pas suivre ce traitement, vous avez une autre option. Vous choisissez. Ma question porte plutôt sur le fait que nous savons que le traitement a un certain taux de succès.

Dr Barbaree: C'est vrai.

M. Discepola: Est-ce que la castration chimique, par exemple, ou un traitement hormonal quelconque donnerait d'aussi bons résultats si le détenu ou l'intéressé était obligé de suivre le traitement?

Dr Barbaree: Ce que vous proposez, c'est que l'intéressé soit tenu de choisir entre deux solutions. L'une serait la garde et l'autre, la castration chimique.

M. Discepola: Je cogite, simplement.

Dr Barbaree: C'est un peu la situation dans laquelle ces hommes se trouvent à l'heure actuelle. Par exemple, un homme en liberté conditionnelle peut être tenu, en vertu des conditions de sa libération, de satisfaire aux exigences d'un programme de traitement. Le prestataire du traitement peut décréter que ce traitement est en partie médical. Cela fait partie du programme. Si l'intéressé ne respecte pas cette condition, la libération conditionnelle peut être suspendue ou révoquée. Je crois donc que la situation que vous décrivez n'est pas tout à fait inconnue à l'heure actuelle.

Dans le cas des personnes qui choisissent le traitement médical, le risque de récidive est réduit. Leurs pulsions sexuelles et leur intérêt sexuel diminuent dans une certaine mesure. Cela peut s'inscrire dans le cadre d'un programme de gestion efficace. La difficulté, évidemment, survient lorsque vous n'avez plus d'autorité, à l'expiration du mandat. Cette possibilité de choix forcé disparaît.

.1025

M. Discepola: Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Telegdi, vous aviez une question à poser?

M. Telegdi: En effet. Lorsque vous parlez de gestion adéquate du risque, qu'est-ce que vous entendez exactement par là?

Dr Barbaree: Je parle d'une gestion efficace du risque. Nous travaillons en quelque sorte en équipe. Le surveillant de liberté conditionnelle et le prestataire de traitements dans la collectivité oeuvrent de concert et discutent souvent du comportement de l'intéressé, de son état émotif, du respect ou du non-respect des conditions de libération. La gestion comprend la participation à un programme de traitement. La plupart des intéressés suivent en même temps une thérapie de groupe, une thérapie individuelle et, parfois, dans les cas où cela s'impose, un traitement médical qui comprend, la plupart du temps, la castration chimique.

M. Telegdi: Quel est le taux de succès?

Dr Barbaree: Je crois que le programme que nous offrons au Clarke Institute of Psychiatry donne de très bons résultats. Les hommes qui participent au programme ont un taux de récidive très faible.

Si vous vous demandez s'il existe des méthodologies de recherche appropriées, je dois dire que ce n'est malheureusement pas le cas. Il n'y a aucune étude jugée valable sur le plan méthodologique qui montre en quoi se distinguent un participant à nos programmes actuels et un homme qui réintègre simplement la collectivité. Nous sommes tout simplement incapables de mener une telle étude. Nous ne pouvons créer de conditions dans lesquelles des hommes réintègrent simplement la collectivité sans supervision d'aucune sorte.

Je crois que des études qui présentent certaines faiblesses méthodologiques donnent tout de même une bonne idée des possibilités de réduction du taux de récidive qu'offrent ces méthodes, des méthodes de supervision combinées avec un traitement de réinsertion sociale.

M. Telegdi: Sur dix personnes libérées après avoir purgé une peine liée à une infraction sexuelle, combien vont récidiver? Avant de parler de traitement... Je ne veux pas connaître la ventilation. Combien commettront de nouveau une infraction?

Dr Barbaree: Il faut répondre à cette question en fonction du temps. Autrement dit, le taux au bout d'un an est différent du taux au bout de dix ans.

Nous venons d'effectuer une étude de suivi auprès d'hommes qui ont été traités à la clinique des comportements sexuels de Warkworth, et le taux de ce que nous appelons la récidive grave - ce qui comprend la commission d'une nouvelle infraction sexuelle ou d'une nouvelle infraction avec violence - est d'environ huit pour cent au bout de trois ans et demi de suivi. Pour en revenir à votre question, si nous nous en tenons à une période de trois ou quatre ans, le taux de récidive est de un sur dix.

M. Telegdi: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Telegdi.

Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois: Je vais peut-être élargir la question. Vous l'avez abordée un petit peu lorsque Mme Meredith est intervenue. Le pédophile a comme caractéristique particulière d'avoir une pulsion sexuelle pour un enfant. Il n'a pas nécessairement d'intérêt sexuel pour un adulte pour des raisons diverses, et c'est à cet égard que j'aimerais que vous précisiez votre pensée. On a vu des groupes restreints. Par exemple, à Mount Cashel, à Alfred en Ontario ou dans des groupes fermés, des gens vulnérables ont été soumis à des sévices sexuels. Doit-on distinguer ces cas de ceux des pédophiles qu'on retrouve en général dans la société? Retrouve-t-on des traits de caractère assez similaires?

Deuxièmement, comme vous le mentionniez tout à l'heure, il y a au moins deux écoles: l'une pense qu'il peut y avoir des traitements contre la pédophilie et l'autre, que c'est intraitable. Il y a probablement une troisième école qui doit être l'école objective, constatant pour sa part qu'il y a deux autres écoles.

.1030

Croyez-vous que le traitement de la pédophilie peut être efficace et de quelle façon peut-on tenter de réorienter la sexualité et les pulsions sexuelles d'une personne vers des personnes autres que des enfants?

[Traduction]

Dr Barbaree: Si vous me le permettez, je vais commencer par répondre à votre question au sujet du traitement de la pédophilie. Lorsque nous parlons de pédophilie, nous parlons d'une préférence sexuelle ou d'un intérêt sexuel à l'égard des enfants plutôt qu'à l'égard des adultes ou parallèlement à l'intérêt à l'égard des adultes.

Lorsque nous parlons de préférence sexuelle, les gens croient généralement que nous entendons la même chose que dans le domaine de l'homosexualité. Certains théoriciens soutiennent que cet intérêt sexuel envers les enfants est acquis à la suite d'expériences sexuelles avec des enfants, et d'autres croient que cet intérêt sexuel est d'origine génétique ou, du moins, prénatale.

Est-ce que la documentation contient des indications qui permettent de croire que l'on peut, par certains traitements ou interventions, modifier l'intérêt sexuel? La réponse est non.

La plupart des études révèlent simplement qu'il n'y a aucun effet à long terme sur l'intérêt sexuel. Par exemple, on a tenté de mesurer en laboratoire l'excitation sexuelle éveillée par des enfants pour appliquer ensuite diverses techniques y compris l'aversion, le conditionnement et d'autres techniques de modification du comportement ou de techniques cognito-comportementales en laboratoire, pour chercher à atténuer cette excitation sexuelle éveillée par des enfants.

Ces études ont montré qu'il était possible de réduire le niveau d'excitation. Autrement dit, ces hommes peuvent acquérir des techniques qui les aident à contrôler leur excitation, mais le suivi à plus long terme de ces individus montre qu'au moins certains d'entre eux continuent à avoir des activités sexuelles avec des enfants ou à manifester d'autres façons un intérêt sexuel à l'égard des enfants. Je crois que les spécialistes n'ont en général guère d'espoir d'arriver à véritablement modifier la préférence sexuelle en tant que facteur sous-jacent, en quelque sorte, aux comportements sexuels avec des enfants.

Cela est fort différent, il me semble, de la question de savoir si nous pouvons contrôler les comportements grâce à divers traitements et interventions. Par exemple, je crois que ce pessimisme au sujet des résultats des traitements sur l'intérêt sexuel sous-jacent a incité certaines personnes à considérer que les délinquants de ce type doivent être placés sous garde pour le reste de leur vie parce que le risque de récidive est toujours élevé.

Il demeure que des individus dont nous n'avons pas réussi à modifier l'intérêt sexuel sont libérés au sein de la collectivité et continuent à suivre un programme de traitement visant à contrôler leur comportement, et que nous sommes capables de contrôler assez bien leur comportement, dans la plupart des cas. Comme je l'ai dit, le taux d'échec ne sera sans doute jamais ramené à zéro, mais ce genre de programmes de gestion donne d'assez bons résultats dans ces cas.

Dans la première partie de votre question, je crois que vous faisiez allusion aux divers sous-groupes d'agresseurs d'enfants. Il est vrai que, parmi les hommes qui s'en prennent aux enfants, on peut discerner un certain nombre de sous-groupes. Je crois que la population considère généralement comme pédophile quiconque agresse un enfant, que tous ces agresseurs ont un intérêt sexuel sous-jacent à l'égard des enfants.

.1035

Le fait est que, d'après les études, seulement environ 50 p. 100 des hommes qui s'attaquent aux enfants ont un intérêt sexuel véritable à l'égard des enfants, si l'on fait exception de l'infraction commise. Ces infractions sont considérées dans ces cas comme plutôt opportunistes. Souvent, les individus qui commettent ces actes opportunistes contre des enfants ont d'autres comportements criminels.

Vous avez parlé des infractions commises contre des enfants dans divers cadres, les établissements scolaires ou religieux par exemple, et vous vous demandiez si ces délinquants étaient différents des pédophiles que nous voyons en milieu carcéral. À mon avis, il y a beaucoup de similarités entre ces délinquants et ceux qui commettent ce genre d'infraction en milieu scolaire ou religieux ou les délinquants qui commettent des infractions au sein de la collectivité.

À mon avis, il existe une différence importante entre les délinquants de ces deux catégories assez générales et les délinquants qui s'en prennent à des enfants dans leur propre foyer. En règle générale, ces derniers ont des liens avec les victimes, soit par consanguinité soit par suite du mariage avec la mère des enfants. Souvent, ils ne sont pas considérés comme pédophiles. Ils ne manifestent pas d'intérêt sexuel notable à l'égard des enfants. Leurs infractions ont un caractère plus opportuniste que celles des délinquants qui commettent des infractions à l'extérieur du foyer, parfois contre des inconnus mais surtout contre des enfants qu'ils ont rencontrés dans le cadre d'activités familiales ou de leur travail auprès des jeunes dans les écoles et les églises. Ces personnes sont plus susceptibles d'avoir un intérêt sexuel sous-jacent à l'égard des enfants.

Je ne suis pas certain que cela répond à votre question.

[Français]

M. Langlois: Est-ce qu'un parent qui a des comportements pédophiles n'a pas réussi à assumer son rôle parental et voit dans l'enfant un objet de convoitise sexuelle et non pas véritablement un enfant dont il a la responsabilité? Peut-on expliquer les comportements pédophiles de parents?

[Traduction]

Dr Barbaree: Comme je l'ai dit, la plupart du temps, le comportement des parents ne peut pas être assimilé à de la pédophilie. Dans les cas d'inceste, si vous étudiez l'excitation de ces hommes en laboratoire, vous constatez que leur intérêt sexuel n'est pas éveillé par des enfants. La plupart du temps, ils ne manifestent pas d'intérêt sexuel à l'égard d'enfants en dehors du foyer. Le comportement sexuel du père ou du beau-père avec l'enfant est le plus souvent le fait d'un homme qui a une préférence sexuelle pour les femmes adultes. À mon avis, et je crois que la documentation est relativement claire à ce sujet, dans les cas d'inceste, nous ne parlons pas de pédophilie. Nous ne parlons pas d'intérêt sexuel à l'égard des enfants.

[Français]

M. Langlois: Merci.

[Traduction]

Mme Meredith: Je sais que vous êtes spécialiste du comportement sexuel et des choses de ce genre. Lors de mes visites à des installations pour jeunes contrevenants, lorsque j'ai parlé aux personnes dans ces établissements, elles m'ont indiqué qu'il y avait des jeunes qui manifestaient cette déviation sexuelle. On s'inquiète de la façon dont il faut la gérer. Il y a aussi de jeunes détenus qui sont violents. Les responsables s'inquiètent vraiment lorsqu'ils ont un adolescent qui manifeste ces deux types de comportement, quand la déviation sexuelle s'allie à un comportement violent.

Y a-t-il des gens que vous considérez comme dangereux ou délinquants dangereux, des personnes qui ne devraient pas réintégrer la société, qui n'ont pas de comportement sexuel déviant, qui sont tout simplement violentes, sans déviance sexuelle?

.1040

Dr Barbaree: Sans que cette violence ait aucun caractère sexuel.

Là encore, le Dr Robert Hare vous parlera de psychopathie un peu plus tard. Les personnes ayant des antécédents criminels divers présentent dans l'ensemble un risque plus élevé de récidive avec violence après la libération, et une partie d'entre elles commettront des actes de violence sexuelle. Certaines n'ont peut-être jamais manifesté de déviation sexuelle par le passé. Il semble que la violence sexuelle ne soit qu'une des nombreuses formes de violence auxquelles ces hommes peuvent se livrer.

Certaines personnes, comme vous le dites, ont une déviation sexuelle manifeste, des antécédents d'actes sexuels déviants, un intérêt à l'égard des comportements sexuels déviants que l'on peut déterminer au moyen de tests en laboratoire. Ils ont des fantasmes. Ils ont une vie sexuelle où figurent des comportements et des partenaires liés au crime. Comme vous le dites, il arrive que des personnes qui ont de tels intérêts aient aussi des antécédents criminels variés et aient déjà posé des actes violents. Comme vous le laissez entendre, ce sont ces personnes qui, à notre avis, présentent le plus de risques. Ce sont ces personnes que vous définiriez comme devant peut-être être placées sous garde pour de longues périodes.

Mme Meredith: C'est donc la combinaison qui fait que la personne, à votre avis, est impossible à contrôler, à gérer.

Dr Barbaree: C'est juste.

Mme Meredith: C'est une combinaison de ces deux aspects plutôt que la personne qui manifeste seulement une déviation sexuelle ou seulement une propension à la violence.

Dr Barbaree: En effet, et l'évaluation du risque menée à la clinique de Warkworth fait intervenir très clairement ces deux facteurs. Il y a l'aspect déviation sexuelle et ce que l'on examinerait lors d'une évaluation, c'est-à-dire l'historique du comportement sexuel: l'ampleur de la déviance par le passé et la fréquence des comportements sexuels déviants avec des enfants ou d'autres partenaires. En outre, pour évaluer ce facteur, nous examinons les résultats obtenus en laboratoire. La déviance sexuelle est donc un élément très important de l'évaluation.

Outre la déviance sexuelle, il y a aussi le facteur que nous appelons la «criminalité». Nous utilisons essentiellement l'échelle de psychopathie pour évaluer cet aspect. Une personne peut obtenir une cote élevée sur cette échelle lorsqu'elle a des antécédents criminels relativement lourds et lorsqu'elle manifeste des traits de personnalité liés à l'exploitation d'autres personnes. Lorsque quelqu'un a une cote élevée à cet égard, nous considérons que cette personne est susceptible de récidiver et de commettre un acte grave. Il peut s'agir d'un acte sexuel accompagné de violence ou d'un acte purement sexuel.

Ces deux facteurs sont donc relativement indépendants et on les combine pour l'évaluation. Comme vous le laissez entendre, nous dirions que quelqu'un présente un risque élevé lorsqu'il obtient un fort résultat pour ces deux facteurs. Quelqu'un peut, par exemple, avoir un résultat très faible pour ce qui est de la criminalité mais avoir un lourd passé de déviance sexuelle, et nous dirions alors qu'il ne présente pas un risque sérieux puisqu'il n'a pas de résultats élevés pour les deux facteurs. Je crois que dans la plupart des cas nous serions d'avis que cette personne peut être assez facilement gérée dans un cadre communautaire, sans grand danger.

L'une des caractéristiques des personnes qui obtiennent des notes élevées sur l'échelle de la psychopathie, c'est la caractéristique d'être non conforme et peu coopératif. Ce qui les rend très difficiles à gérer dans un cadre communautaire, c'est le fait qu'elles ne se présentent pas aux rendez-vous, qu'elles ne suivent pas les instructions, qu'elles résistent à toute tentative d'établir une relation thérapeutique significative. Cette non-conformité, ce manque de coopération, font partie de la constellation des comportements criminels, et je crois que cela contribue à la difficulté que nous avons à gérer ces personnes au sein de la collectivité.

.1045

Mme Meredith: Merci.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Je veux poser deux ou trois questions. L'une des clauses du projet de loi qui me semble particulièrement controversée a trait aux modifications de l'article 810 du Code criminel. Ces modifications portent sur l'élargissement de l'engagement de ne pas troubler la paix publique. En fait, le projet de loi prévoit la possibilité d'avoir recours à la surveillance électronique pour des personnes libérées dans la collectivité mais considérées comme présentant encore un danger.

Je ne sais pas si vous connaissez bien les méthodes de surveillance électronique, mais j'éprouve certaines difficultés à comprendre de quelle façon un dispositif de surveillance électronique peut empêcher une personne déterminée à s'en prendre à quelqu'un ou de se transformer en prédateur sexuel. J'ai participé à titre de procureur ou d'avocat de la défense, au procès de certains de ces criminels et je ne peux pas voir de quelle façon un bracelet ou un système d'alarme serait d'une utilité quelconque.

Dr Barbaree: Je dois vous dire que je n'ai aucune expérience de la surveillance électronique. Je suis d'accord avec vous; la surveillance électronique nous dira où se trouvent les intéressés mais pas nécessairement ce qu'ils font.

La présidente: C'est une façon très naïve de formuler la chose, il me semble, dans un certain sens - les mots sont parfois inadéquats - , mais d'après mon expérience auprès de ces clients, lorsqu'ils agissent de cette façon c'est en raison de pulsions irrésistibles. Ils se réveillent un bon matin en se disant: «Eh, je crois que je vais aller harceler un enfant de six ans aujourd'hui.» Ce n'est pas comme cela qu'ils fonctionnent. C'est quelque chose qu'ils ne peuvent pas contrôler. N'est-ce pas exact?

Dr Barbaree: C'est juste. Je crois que le problème de la surveillance électronique, c'est qu'elle n'évalue pas ce facteur.

Parmi les problèmes créés par la surveillance électronique, il faut mentionner qu'elle réduirait dans de nombreux cas le temps que nous consacrons à une surveillance plus adéquate. Par surveillance plus adéquate, j'entends les multiples entrevues cliniques, les évaluations des surveillants de liberté conditionnelle, le suivi du comportement des sujets au travail, de leurs rapports avec leur conjoint, et le fait de savoir d'autres sources ce que les intéressés ont vécu au cours de la semaine.

Si nous adoptons la surveillance électronique, je crois que nous relâcherons un peu nos autres méthodes de surveillance, celles qui nous permettent concrètement d'évaluer dans une certaine mesure le comportement des intéressés. Dans la plupart des cas, il y a des signes avant-coureurs de la récidive. Comme vous le suggérez, certains indices révèlent que la pulsion devient de plus en plus difficile à résister et à contrôler. Les changements d'humeur sont souvent des signes précurseurs. L'état mental des intéressés, si vous me permettez ce terme, se détériore. Ces phénomènes peuvent être assez facilement repérés dans le cadre d'entrevues cliniques.

Lorsque nous cernons ces problèmes lors d'une entrevue clinique, nous prenons quelques mesures et nous menons d'autres études. Si l'on s'inquiète vraiment du niveau de risque, l'intervention peut comprendre la suspension de la libération conditionnelle ou du moins des séances de traitement plus fréquentes, peut-être, ou une autre mesure qui paraît appropriée.

Cette façon d'aborder la gestion, par opposition à la surveillance électronique, est, à mon avis, plus susceptible de donner de bons résultats.

La présidente: Il me semble - et là encore, je parle en termes généraux; je vous demande de bien vouloir m'en excuser, mais c'est peut-être en partie parce que le législateur trace parfois les grandes lignes plutôt que le détail - , en particulier lorsque nous parlons de prédateurs sexuels et d'attaques nocturnes sournoises, une question qui nous préoccupe tous, il me semble donc que la prévisibilité est relativement élevée, mais que le niveau de traitement est très faible. Il n'y a certainement pas de guérison possible - pour utiliser un terme médical - et on éprouve sans doute de grandes frustrations lorsqu'on s'attaque à ce phénomène.

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Dr Barbaree: Dans le cas d'individus qui ont des antécédents du genre que vous décrivez, qui ont eu des comportements de prédation, des comportements qui comprennent le rapt ou le fait d'aborder des étrangers dans la rue et autres choses du même genre, nous parlons d'un pourcentage minime d'un groupe plus large de délinquants sexuels. Je conviens que ces comportements correspondent à des risques assez élevés et je crois que ce risque élevé est relativement bien reconnu par les commissions des libérations conditionnelles et les juges qui déterminent les peines, et que ces personnes sont donc souvent placées sous garde pour de longues périodes. La majorité des délinquants n'ont pas de tels comportements à leurs casiers.

Malheureusement, je crois que l'une de nos difficultés vient de ce que nous avons tendance à considérer sur le même plan tous les délinquants sexuels et à étendre à l'ensemble de ce groupe nos préoccupations au sujet des délinquants qui abordent les gens dans la rue ou qui les enlèvent. Par conséquent, nous imposons des peines d'emprisonnement plus longues et nous supportons des coûts beaucoup plus élevés pour le traitement de ce problème que cela ne serait véritablement nécessaire. La majorité de ces délinquants peuvent être gérés assez facilement dans la collectivité. Je crois que nous sommes de plus en plus aptes à identifier ces délinquants gérables. Même si j'appuie le projet de loi, qui aura pour effet de maintenir certaines personnes sous garde pendant des périodes plus longues, en règle générale, je préconise des peines d'emprisonnement plus courtes dans le cas des délinquants sexuels et une gestion plus sensée de ces personnes au sein de la collectivité.

La présidente: Pendant que vous êtes ici et puisque c'est votre domaine de spécialité, je vais prendre une minute pour parler des jeunes. Nous venons de terminer une tournée d'audiences au sujet du système de justice pour les jeunes et l'un des domaines qui continue à faire problème est celui des jeunes susceptibles de devenir des délinquants à contrôler, en particulier des jeunes qui risquent de devenir des délinquants sexuels dangereux. Y a-t-il un point où ces délinquants sont plus impressionnables et plus susceptibles de bien réagir à la thérapie, et est-ce que lorsqu'ils sont plus âgés leur comportement criminel s'atténue, comme nous le constatons en ce qui concerne d'autres comportements criminels? Pouvez-vous nous parler de cette notion d'âge?

Dr Barbaree: Premièrement, pour répondre à la question au sujet des groupes plus âgés, je crois que les chercheurs et les cliniciens sont aujourd'hui généralement d'avis que l'activité criminelle des délinquants sexuels ne diminue pas avec l'âge comme c'est le cas pour les délinquants non sexuels ou simplement violents.

La présidente: En passant, les deux derniers procès auxquels j'ai participé concernaient des grands-pères.

Dr Barbaree: En effet, et je crois que, si vous veniez visiter nos installations, vous seriez étonnée de l'âge des délinquants. Il s'agit parfois de personnes âgées.

J'imagine que les chercheurs qui se sont penchés sur les catégories des jeunes ont généralement l'impression que si nous consacrions plus de ressources à l'intervention auprès des adolescents nos traitements seraient plus efficaces que par la suite. Une partie de la recherche, à l'heure actuelle, porte même sur les comportements sexuels inappropriés ou intrusifs des enfants avant l'adolescence. Certains croient qu'une intervention appropriée devrait être axée sur ces groupes d'âge.

À mon avis, rien ne montre à l'évidence que le traitement est plus efficace à un âge qu'à un autre. Même si l'on a parfois l'impression que le traitement pourrait être plus efficace auprès des jeunes, rien ne le prouve. Je ne peux donc pas répondre à votre question avec une certitude quelconque.

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Le traitement des jeunes contrevenants présente les mêmes difficultés que celui des délinquants adultes. Déjà à cet âge les délinquants ont commencé à manifester leurs tendances criminelles et à résister au traitement. Ce sont les individus de ce groupe d'âge qui sont le plus susceptibles de récidiver et le plus susceptibles de récidiver avec violence.

Les problèmes que nous pose le traitement des adultes, c'est-à-dire le refus d'accepter la réalité, la volonté de minimiser la gravité de leurs actes, les attitudes en matière de sexualité qui contribuent au comportement criminel, toutes ces caractéristiques se retrouvent aussi chez les jeunes contrevenants. En fait, je suis toujours plus surpris par les similarités que par les différences en ce qui concerne les jeunes contrevenants, le traitement des jeunes contrevenants, et les délinquants adultes. Je ne suis pas convaincu qu'en intervenant plus tôt on résoudra le problème.

La présidente: Voilà qui contredit tout ce que nous avons entendu au sujet des autres formes de comportement criminel.

Dr Barbaree: En effet.

La présidente: C'est intéressant, mais j'imagine que c'est un sujet dont nous pourrions discuter par téléphone.

Je dois vous dire que lorsque vous êtes avocat de la défense et que vous recevez une lettre du Clarke Institute au sujet d'un de vos clients, vous savez que l'on vous présentera la vérité sans fard. Cela est parfois très irritant mais, d'après mon expérience, l'Institut est un excellent interlocuteur. Nous sommes donc heureux d'avoir eu l'occasion de vous écouter aujourd'hui, même si vous n'êtes pas nécessairement porteur de bonnes nouvelles, Merci, docteur Barbaree.

Dr Barbaree: Je vous en prie.

La présidente: Nous allons nous interrompre quelques minutes pour permettre aux témoins suivants de s'installer.

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La présidente: Nous sommes de retour.

Nous accueillons maintenant Graham Stewart et Christine Leonard, des Sociétés John Howard de l'Ontario et de l'Alberta, ainsi qu'Elizabeth White, de la Société Saint Léonard du Canada. Nous entendrons aussi Stephen Jenuth, membre du Comité des questions sociales et membre du conseil d'administration de la Société Elizabeth Fry de Calgary, et Brenda Wadey, coordonnatrice des programmes auprès de cette société.

Je vous remercie tous d'être venus. Nous pouvons peut-être commencer par la Société John Howard.

M. Graham Stewart (directeur exécutif, Société John Howard de l'Ontario): Bonjour. Nous remercions le comité de nous donner l'occasion de lui exposer l'opinion de la Société John Howard. Christine et moi-même représentons l'Alberta et l'Ontario, respectivement, mais nous parlons au nom de la Société John Howard du Canada.

Nous serons brefs, pour pouvoir ensuite répondre à vos questions. Je vais me contenter d'aborder quelques thèmes généraux que reflète le projet de loi et certaines des hypothèses sous-jacentes qui inquiètent la société. Christine vous présentera ensuite des recommandations spécifiques.

Commençons par reconnaître qu'il y a effectivement certaines personnes très dangereuses, des personnes qui nous inquiètent à juste titre et qui peuvent faire un tort immense à la collectivité. Il faut aussi reconnaître, je crois, qu'il est justifiable de détenir celles qui sont violentes pendant de longues périodes de temps, sinon à perpétuité.

Reconnaissons en outre qu'il n'est pas indiqué d'emprisonner à perpétuité des personnes qui ne sont pas violentes. À nos yeux, c'est là la véritable question en ce qui touche ce projet de loi particulier. La véritable question, c'est la capacité de distinguer les membres de ces deux catégories.

L'incarcération fondée sur le risque n'est pas un concept nouveau au Canada, où il y a 160 personnes détenues à titre de délinquants dangereux. Le Code criminel prévoit environ 27 infractions qui peuvent être sanctionnées par l'emprisonnement à perpétuité. Plus de 2 000 personnes qui purgent actuellement des peines d'emprisonnement à vie. Environ 1 000 personnes sont détenues dans des établissements psychiatriques parce que l'on considère qu'elles ne peuvent pas être tenues criminellement responsables de leurs actes. Un nombre indéterminé de personnes sont internées parce qu'elles présentent un risque pour elles-mêmes et pour les autres.

En outre, de nombreuses personnes sont détenues chaque jour pour des périodes plus brèves aux fins de l'évaluation du risque; cela va de celles à qui le juge de paix a refusé le cautionnement parce qu'il considérait qu'elles présentaient trop de risques pour être libérées à celles à qui l'on a refusé la permission de sortir, une libération conditionnelle ou une libération conditionnelle de jour parce qu'on jugeait qu'elles présentaient trop de risques. Ces personnes sont actuellement maintenues en incarcération alors qu'elles pourraient être dans la collectivité.

Il y a des gens maintenus en incarcération après leur date de libération d'office parce que l'évaluation a révélé un risque au sein de la collectivité. Le plus important, peut-être, c'est que nous nous attendons régulièrement à ce que les personnes considérées comme présentant un risque élevé reçoivent des peines beaucoup plus longues que les autres.

Alors chaque jour, au Canada, il y a des milliers et des milliers de personnes qui sont détenues parce que quelqu'un a jugé que ces personnes présentaient un risque pour la collectivité. Le fait est que la grande majorité de ces personnes ne se livreront à aucun acte de violence.

La question véritable, pour nous, n'est pas de déterminer si la loi peut être élargie de façon à englober plus de personnes en vertu des dispositions relatives au maintien en incarcération, mais plutôt de savoir ce que nous pouvons faire sans englober ces personnes qui ne méritent pas ce traitement. Nous nous inquiétons qu'une grande partie de la discussion que nous avons entendue au sujet du projet de loi semble supposer que l'identification des personnes très dangereuses est garantie, que cela semble acquis.

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Les personnes qui semblent se présenter devant le comité bon an mal an pour se plaindre amèrement de l'incapacité de la Commission des libérations conditionnelles et des tribunaux à évaluer avec précision les risques. Elles déplorent qu'on libère des délinquants présentant des risques élevés pour la collectivité alors qu'on croyait qu'ils en présentaient peu. Elles semblent pourtant n'avoir absolument aucune hésitation à accorder le même pouvoir aux mêmes personnes qui décideront de la même façon que des gens seront emprisonnés pour des périodes indéterminées. Cela nous inquiète beaucoup.

Nos systèmes n'ont pas donné de très bons résultats jusqu'à maintenant. Je peux vous fournir quelques exemples: les dispositions relatives au maintien en incarcération pendant la période prévue pour la libération d'office ont été adoptées en 1987. À l'époque, le commissaire du Service correctionnel du Canada et le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles ont comparu devant le comité et ils ont expliqué que cette mesure très exceptionnelle était nécessaire dans environ 50 cas par année. L'an dernier, près de 500 personnes ont ainsi été maintenues en incarcération. C'est dix fois plus que prévu, dix fois plus que les chiffres sur lesquels le gouvernement s'était fondé pour accepter la recommandation sur une période de dix ans.

Des études récentes de Service correctionnel Canada, en particulier une étude de Brian Grant portant sur les cas renvoyés pour maintien en incarcération, ont montré que, malgré l'importance de ce groupe, les personnes maintenues en incarcération présentaient concrètement moins de risques que celles qui ont été libérées. Au cours d'une période de suivi de deux ans, celles qui ont été maintenues en incarcération - c'est-à-dire le fond du panier - ont fait l'objet d'une nouvelle condamnation dans 16 p. 100 des cas. Ce taux se compare seulement à celui qu'on trouve dans le groupe des personnes en liberté conditionnelle totale. Le risque de récidive de ce groupe est plus faible que celui du groupe qui n'a pas été maintenu en incarcération - les personnes qui ont été libérées à la date de libération d'office.

En ce qui concerne la libération conditionnelle, la principale inquiétude, là aussi, et c'est compréhensible, a trait à la violence. Nous constatons un taux d'infractions avec violence d'environ six pour cent pour l'ensemble des personnes qui ont été libérées des pénitenciers fédéraux au cours de la période de supervision. Cela comprend les libérations conditionnelles et les libérations d'office. Toutefois, 66 p. 100 des personnes libérées ne le sont pas en vertu d'une mesure de libération conditionnelle mais font l'objet d'une libération d'office. On pourrait soutenir que le fait de garder dix personnes en prison pour éviter d'en libérer une est exagéré.

Compte tenu de toutes ces expériences et d'autres facteurs, les études qui ont été menées dans le cadre de versions antérieures de la loi en ce qui concerne les délinquants dangereux, les délinquants sexuels dangereux et les psychopathes sexuels dangereux ont permis de conclure que, de toute évidence, d'autres facteurs que la dangerosité entrent en compte lors de l'évaluation du risque. Cela dit, nous croyons qu'il est très important que le comité ne place pas trop d'espoirs dans des systèmes qui ne peuvent fonctionner sans inclure un grand nombre de personnes non violentes et qu'il évite d'élargir les pouvoirs sur la base d'un projet de loi qui ne contient pas les critères précis qui, à notre avis, permettraient d'identifier clairement les personnes le plus susceptibles de poser des gestes de violence.

Mme Christine Leonard (directrice exécutive, Société John Howard de l'Alberta): La Société John Howard du Canada n'appuie pas la majorité des dispositions du projet de loi C-55. En ce qui concerne les délinquants dangereux, nous recommandons plutôt que les dispositions relatives aux délinquants dangereux dans la loi actuelle soient abrogées et remplacées par une disposition de peine exceptionnelle, comme le recommande la Commission canadienne sur la détermination de la peine. En outre, si à la fin d'une peine exceptionnelle le délinquant est encore jugé dangereux pour la collectivité, à cause d'une maladie mentale ou d'un trouble mental quelconque, nous recommandons qu'il soit alors maintenu en incarcération dans un établissement de santé mentale.

Comme solution de rechange aux dispositions visant les délinquants à contrôler et la retenue judiciaire, nous proposons l'abrogation des dispositions relatives au maintien en incarcération dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition; l'interdiction d'avis public de la libération des délinquants sexuels et des délinquants déclarés dangereux; la mise en liberté graduelle obligatoire dans chaque peine; une importance accrue à la supervision communautaire et des ressources de traitement pour les personnes qui en ont le plus besoin et qui présentent le plus de risques; la fourniture d'un traitement communautaire de bonne qualité, bien financé, et d'installations résidentielles communautaires pour les personnes libérées; un financement adéquat au titre du soutien au traitement au-delà de la date d'expiration du mandat.

Enfin, pour être raisonnablement certains que nous traitons les délinquants de la façon la plus appropriée, indépendamment du risque qu'ils présentent, nous recommandons que le gouvernement crée une commission permanente de la détermination de la peine qui sera chargée d'élaborer des lignes directrices pour permettre à la population canadienne de croire que des peines appropriées sont imposées à toutes les catégories de délinquants.

Toutefois, sachant que le projet de loi sera sans doute adopté sous une forme ou sous une autre, nous présentons les recommandations suivantes en ce qui concerne les modifications proposées.

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Dans le cas des délinquants dangereux, nous croyons que les peines de durée déterminée devraient constituer une option et qu'il ne faut pas les éliminer.

En outre, nous croyons que les dispositions actuelles quant au témoignage de psychiatre devraient être maintenues.

Pour ce qui est des délinquants à contrôler, nous croyons qu'un modèle d'infraction sexuelle devrait être adopté. Il ne devrait pas être possible qu'en vertu de la législation, une personne condamnée une fois pour exhibitionnisme puisse être considérée comme un délinquant à contrôler et ait à en subir les conséquences.

Enfin, en ce qui concerne la retenue judiciaire, la surveillance électronique ne devrait pas figurer parmi les conditions d'engagement.

Toutes ces recommandations sont étayées dans notre mémoire par les études et par les positions de principe de la Société John Howard du Canada.

La présidente: Merci.

Madame White.

Mme Elizabeth White (directrice exécutive, Société Saint Léonard du Canada): La Société Saint Léonard offre des services communautaires à la collectivité; elle est administrée par des bénévoles. Quand nous étudions un projet de loi comme celui-ci, nous tentons de déterminer son incidence sur le mode de vie de nos collectivités. Nous avons toujours souhaité la réinsertion, dans la communauté, de prisonniers devenus respectueux des lois.

De notre point de vue, ce projet de loi élargit la gamme des interventions applicables aux gens qui sont considérés, pour un certain nombre de motifs, comme des personnes à risque, en créant de nouvelles catégories de sanctions telles que la surveillance à long terme et les engagements proposés à l'article 810.2. Avant de chercher à savoir si ces sanctions contribueront à réduire la criminalité et à accroître la sécurité publique, ce qui ne peut être déterminé qu'a posteriori, nous devons, afin de conclure à leur nécessité, savoir si elles peuvent vraiment combler les lacunes du système.

Au Canada, le taux de criminalisation et d'incarcération de la population est déjà très élevé. D'aucuns, s'appuyant sur l'absence de preuves de l'efficacité des prisons pour la prévention du crime, diront qu'il s'agit d'un taux excessif. En outre, notre société est fortement réglementée, gouvernée et mandatée, par voie de règles et de procédures, dans presque toutes ses entreprises.

Le mémoire de la Société Saint Léonard est entre vos mains; il couvre plusieurs aspects du projet de loi. J'ai l'intention de me limiter à quelques-uns d'entre eux ce matin.

L'article 810.2, tel que proposé, attire dans le système de justice pénale des gens qui échapperaient autrement à son emprise. Il crée une nouvelle infraction criminelle pour des personnes qui n'ont pas été accusées d'une infraction au Code criminel ni de toute autre infraction. Il favorise l'établissement d'une série de restrictions s'appliquant à une personne, sans souci de ses besoins.

L'expérience des ordonnances de probation devrait nous éclairer à ce sujet. Il y a quelques années, les conditions des ordonnances de probation étaient adaptées aux besoins de la personne qui comparaissait devant le tribunal. Toutefois, on a pris récemment l'habitude de faire figurer dans le corps d'une telle ordonnance toutes les conditions disponibles, sans égard aux considérations d'ordre personnel. Une personne peut ainsi se trouver si contrainte dans l'exercice de sa liberté qu'il lui devient difficile ou impossible de respecter les conditions imposées. Les gens sont voués à l'échec.

La Société Saint Léonard craint que l'article 810.2 du projet de loi n'ait les mêmes effets; à savoir qu'au lieu de risquer d'oublier une menace potentielle, on impose un grand nombre de restrictions d'une efficacité douteuse, qui peuvent élargir l'emprise du système de justice pénale. Plutôt que de contribuer, comme nous pensons devoir le faire, à une vie collective exempte de comportements criminels, les mesures proposées auront pour effet d'attirer dans le système un nombre croissant de personnes. Ce souci vient s'ajouter aux préoccupations, plus vives encore, que soulève l'article 810.2 en créant une nouvelle infraction pour sanctionner le refus de s'astreindre à une peine infligée sans infraction.

La surveillance à long terme repoussera également les limites du système. La sanction est infligée après l'expiration du mandat - une peine après une autre peine - et la violation entraîne une autre inculpation criminelle. Ce qui est proposé équivaut, en quelque sorte, à une sentence perpétuelle.

Il y a un certain manque d'honnêteté et de transparence à créer des lois qui imposent une forme de peine déguisée et qui placent la personne concernée dans une situation où, même après avoir purgé sa peine, elle n'est pas quitte pour autant. C'est un véritable vice de forme. Ces délinquants à contrôler ne pourraient-ils être tout simplement surveillés dans le cadre de leur libération conditionnelle? Comment allons-nous évaluer l'efficacité présumée de cette nouvelle forme de sanction?

Le principe de certitude inhérent à notre système de justice pénale est par ailleurs mis davantage encore en lumière par le délai de six mois accordé pour établir si le délinquant doit être tenu pour dangereux. Les préoccupations liées à la crainte de l'erreur de droit en l'absence de tout avis d'intention encourageront, nous l'estimons, un recours abusif à cette disposition et accentueront les zones grises de notre régime pénal.

Le rôle de la surveillance électronique soulève d'autres préoccupations. La Société Saint Léonard est d'avis que même si cette forme de surveillance peut parfois être utile, elle ne contribuera au respect des lois que si l'on offre parallèlement aux personnes concernées un encadrement thérapeutique dynamique, sous forme de counselling ou de programmes éducatifs.

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Ce dispositif est un outil très puissant et, selon nous, séduisant à plus d'un égard puisqu'il donne l'impression que la sécurité des personnes ne dépend que d'un écran d'ordinateur. Toutefois, à moins que nous n'ayons l'intention d'exercer cette surveillance à vie et sans interruption, nous n'améliorerons pas, en fin de compte, la sécurité publique. On peut parler de sécurité lorsqu'une personne réagit aux interventions dans le sens voulu et mène une vie honnête. Nous insistons sur le fait que la surveillance électronique ne devrait pas être autorisée si elle ne s'accompagne pas de programmes de soutien.

Le projet de loi proposé voudrait établir un système qui soit à l'épreuve de l'échec; c'est une prétention qui inquiète au plus haut point la Société Saint Léonard. Il n'existe dans aucun système de justice pénale de sécurité absolue, pas plus qu'il n'en existe à notre avis dans tout autre système de notre société. Lorsque nous tentons de réaliser un système sans faille, nous risquons de créer un milieu où, par hantise de l'échec, nous encourageons le recours excessif aux sanctions pénales. Un tel système, incapable d'atteindre la cible irréaliste qui a été fixée, s'expose ainsi à notre mépris.

En guise de conclusion, je voudrais vous renvoyer à la page 7 de notre mémoire, où est présenté le résumé de recommandations qui sont similaires à d'autres propositions présentées par les intervenants qui m'ont précédée.

Nous recommandons que soient revus les motifs invoqués à l'appui de l'ajout, au Code criminel, de dispositions concernant la surveillance à long terme. Nous recommandons que les peines minimales obligatoires, proposées au nouveau paragraphe 753.1(3) du Code criminel, soient éliminées. Nous recommandons que la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, proposée au nouveau paragraphe 761(1), et le délai prévu pour la demande de déclaration de délinquant dangereux ne soient pas étendus; que l'article 810.2 proposé soit éliminé et que des ressources appropriées soient fournies pour garantir la pleine évaluation et l'analyse des programmes proposées au nouvel article 84.1 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Je vous remercie de votre attention.

Mme Brenda Wadey (coordonnatrice de programme, Société Elizabeth Fry de Calgary): Bonjour, mesdames et messieurs. La Société Elizabeth Fry est un organisme local au service de femmes qui ont enfreint la loi et elle se prononce sur diverses questions qui touchent ces femmes.

Stephen Jenuth, membre de notre conseil d'administration, et moi-même, aborderons plusieurs des préoccupations que soulève, à nos yeux, le projet de loi C-55.

M. Stephen Jenuth (membre, conseil d'administration, Société Elizabeth Fry de Calgary): Je commencerai par la loi et les règlements sur les délinquants dangereux.

C'est en 1987 que la Cour suprême du Canada a envisagé l'adoption de dispositions législatives sur les délinquants dangereux. Même si, à titre de société, nous ne souscrivons pas à ces mesures, la Cour suprême les a maintenues, prétendant qu'elles satisfaisaient aux critères les plus rigoureux de rationalité et de proportionnalité.

Il nous semble que le projet de loi C-55 risque de détruire l'équilibre que la Cour suprême avait établi dans la loi. Par exemple, le projet de loi C-55 tente de commuer une peine d'une durée indéterminée infligée en vertu du Code criminel en une peine d'emprisonnement à perpétuité en portant de trois à sept ans l'admissibilité à la libération conditionnelle. En dépit de la remarque de la Cour suprême rappelant que la Commission nationale des libérations conditionnelles a pour mandat d'examiner tous les facteurs, y compris la gravité de l'infraction et la dangerosité du détenu, avant d'octroyer la liberté conditionnelle, la modification proposée prétend différer de quatre ans l'intervention de la commission. Nous alléguons qu'en agissant ainsi, on crée une peine arbitraire qui risque, à plus d'un point de vue, de ne pas être proportionnelle à la gravité du crime.

Par ailleurs, le projet de loi C-55 élimine toute possibilité d'éviter, lorsque les circonstances le justifient, d'infliger une peine d'emprisonnement d'une durée indéterminée. Ici encore, la Cour suprême du Canada a fait remarquer que même si une peine d'une durée indéterminée peut revêtir un caractère arbitraire et violer la Charte à certains égards, le droit était sauf, en raison même de ce pouvoir discrétionnaire permettant à un tribunal de ne pas infliger cette sorte de peine indûment. Le projet de loi C-55, en éliminant cette discrétion, vise à rendre obligatoire l'imposition d'une peine d'emprisonnement à perpétuité de durée indéterminée.

Ce projet de loi propose également la modification de certaines dispositions qui concernent l'équité de l'audience. Il enlève l'obligation de faire comparaître des experts de la défense et il autorise la Couronne à en appeler de n'importe quelle sentence, pourvu qu'elle donne avis d'une demande de déclaration de délinquant dangereux et attende que cette demande soit traitée; si la Couronne n'est pas d'accord avec la sentence, il lui suffira de demander que le délinquant soit considéré comme dangereux à l'avenir et jugé comme tel. Il s'agit selon nous d'un grave manquement à l'équité.

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Nous soutenons que les députés doivent, dans le cadre de leurs nombreuses obligations, reconnaître leur responsabilité à l'égard de la Constitution de notre pays. Il ne s'agit pas seulement d'une responsabilité dont doivent s'acquitter les tribunaux du pays; c'est également la vôtre. Il serait pour le moins ironique qu'en faisant adopter une loi pénale, les députés s'exposent à enfreindre la loi suprême du pays.

Nos recommandations répondent dans les grandes lignes aux préoccupations soulevées ici. Nous proposons que la période d'inadmissibilité actuelle, qui est de trois ans, soit maintenue et qu'on y ajoute en outre, par souci de logique, une disposition permettant à un délinquant de demander sa mise en liberté en tout temps après y avoir été autorisé par la commission. Cette demande d'autorisation peut être présentée par écrit, mais elle devrait indiquer que la commission peut à tout moment, à sa discrétion, libérer le délinquant quand les circonstances, y compris la gravité du crime et la dangerosité du délinquant, l'y autorisent.

Nous sommes d'avis que la discrétion devrait être maintenue pour permettre au tribunal de n'imposer une peine d'emprisonnement d'une durée indéterminée que dans les cas où une telle peine lui semble justifiée et de ne pas en infliger dans le cas contraire.

Nous sommes d'avis qu'il convient de maintenir l'obligation de garantir l'équité du procès, ce qui inclut: des psychiatres de la défense; la possibilité pour les délinquants de faire comparaître des experts et d'être évalués par eux, une garantie d'aide financière à la lumière des coupes effectuées dans l'aide juridique, à tout le moins dans la province de l'Alberta; l'obligation, pour le Service correctionnel du Canada, d'offrir des programmes optionnels susceptibles d'aider les délinquants à devenir moins dangereux pour la société.

En outre, nous sommes d'avis que s'il existe une procédure postsentencielle permettant de déterminer la dangerosité du délinquant, son application devrait être conditionnelle au consentement de ce dernier. À défaut de ce consentement, la Couronne devrait avoir l'obligation de demander une déclaration de délinquant dangereux, d'attendre le résultat - positif ou négatif - ou encore de renoncer à cette démarche pour s'en remettre aux dispositions régissant le prononcé d'une peine normale.

Par ailleurs vous pourriez examiner la possibilité de traiter différemment la peine d'une durée indéterminée infligée à un délinquant dangereux au sens où elle ne serait maintenue que tant et aussi longtemps que la personne concernée serait considérée comme dangereuse. Après quoi le délinquant serait libéré. Les autres conditions normalement prises en considération par la commission ne s'appliqueraient pas.

Les dispositions législatives s'appliquant aux délinquants à contrôler semblent corriger ce que nous avons toujours considéré comme une anomalie du Code criminel au sens où, pour une peine de moins de deux ans, le juge peut exiger une période de probation sous surveillance subséquente alors que dans le cas d'une peine de plus de deux ans, il n'y en a pas.

Selon mon expérience en Alberta, par exemple, la probation sous surveillance a permis de raccourcir la durée des peines. Nous prétendons, en nous fondant sur la situation dans cette province, que la surveillance des délinquants à contrôler réduirait la durée de leur incarcération. Pour autant que cette surveillance soit effective, il s'agit probablement d'un changement souhaitable.

Nos préoccupations concernant les délinquants à contrôler sont de nature essentiellement technique et concernent l'exécution rationnelle, uniforme et sans heurts des ordonnances de surveillance de longue durée prises à l'égard de ces délinquants.

Il faudrait d'abord savoir qui serait soumis à une telle ordonnance. Nous faisons respectueusement observer qu'il devrait s'agir de ceux ou celles qui pourraient en tirer avantage, ceux qui seront condamnés à une peine de plus de deux ans, plutôt que ceux qui seraient susceptibles de l'être, et seulement dans le cas où cette ordonnance de surveillance contribuerait à la réintégration sociale du délinquant. Sans cela, il n'y aurait vraiment pas lieu d'infliger une peine de surveillance de longue durée.

Nous soutenons également qu'un régime de surveillance de longue durée devrait coïncider avec le régime de libération conditionnelle. Le régime de surveillance des délinquants à contrôler devrait débuter au moment de la mise en liberté conditionnelle totale. Autrement, nous courrions le risque de voir un détenu libéré conditionnellement qui viole une des conditions de sa libération juste avant l'expiration de sa peine et qui est renvoyé au pénitencier. À la date d'expiration du mandat, les détenus sont tout simplement libérés sous un régime de surveillance de longue durée.

Parallèlement, une infraction commise dans le cadre d'une ordonnance de surveillance de longue durée devrait faire l'objet du même examen qu'une violation des conditions de la libération. Toute autre disposition ne ferait qu'apporter de la confusion dans le système. Et c'est vraiment - la confusion - la dernière chose dont on a besoin dans le système de justice pénale.

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Enfin, en ce qui a trait aux infractions à une ordonnance de surveillance à long terme, nous notons que, d'après le Code, le délinquant peut être renvoyé au pénitencier par la Commission nationale des libérations conditionnelles et que cette commission a l'obligation de déterminer s'il est dangereux et de recommander des poursuites.

Nous prétendons qu'il s'agit là de la seule porte d'accès aux poursuites dans le cas d'une infraction à une ordonnance de surveillance de longue durée. Si le délinquant est renvoyé au pénitencier pour être ensuite relâché au motif qu'il n'est plus dangereux, les procédures devraient s'arrêter là. Le délinquant a été renvoyé au pénitencier pour l'infraction commise, il a purgé sa peine, et il ne devrait pas faire l'objet d'une autre sanction par voie de mise en accusation.

Le procureur général ne devrait pas remettre en question ce qui a été fait par la Commission nationale des libérations conditionnelles; bien au contraire, les diverses branches du système devraient collaborer au lieu de se combattre.

Par ailleurs, les contraventions mineures pour lesquelles la Commission nationale des libérations conditionnelles a décidé de ne pas renvoyer le délinquant au pénitencier et de ne pas lui imposer de surveillance pourraient donner lieu à une autre forme de sanction. Toutefois, nous prétendons que cette infraction ne devrait pas être traitée comme un acte criminel et donner lieu à un procès devant jury. Nous soutenons au contraire qu'il pourrait s'agir d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité donnant lieu aux procédures habituelles et débouchant sur une amende ou sur toute autre sanction appropriée.

Je laisse maintenant la parole à Brenda.

Mme Wadey: Notre mandat nous donne l'occasion de travailler avec un grand nombre de femmes à qui on devrait offrir la possibilité de bénéficier des dispositions relatives à l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. Nous constatons souvent qu'une loi conçue pour protéger les femmes se retourne contre elles et nous croyons que le projet de loi proposé en est un bon exemple.

En réalité, les engagements de ne pas troubler l'ordre public actuellement en vigueur n'assurent pas la sécurité des femmes; ils ne font que leur en donner l'illusion. Par ailleurs, nous ne croyons pas que l'inclusion de systèmes de surveillance électronique augmentera l'efficacité des engagements actuels. Nous sommes au contraire persuadés qu'ils empiéteront sur les droits des délinquantes.

Étant donné les limites de la technologie actuelle, les systèmes de surveillance ne permettent pas de situer la personne dans l'espace, mais de préciser où la personne en cause ne se trouve pas. Notre organisme croit que pour augmenter la sécurité publique, nous n'avons pas besoin d'ajouter aux mesures de sécurité en vigueur, des cloches ou des sifflets en plus grand nombre ou de meilleure qualité. Il serait plus efficace et plus efficient d'ajouter des dispositions qui aideraient le délinquant à modifier son comportement.

À notre avis, des rapports réguliers avec un surveillant, combinés avec des options et des occasions de traitement, permettraient d'atteindre ce but et réduiraient la probabilité d'enfreindre l'engagement de ne pas troubler l'ordre public.

Du point de vue du délinquant, la norme de preuve n'est pas adéquate. Nous savons tous que bon nombre de personnes sont accusées et acquittées sur la base de règles similaires quant au fardeau de la preuve. Je soupçonne que, dans cette même salle, on pourrait invoquer bien des motifs raisonnables pour justifier que l'on impose, à bon nombre d'entre nous, un engagement de ne pas troubler l'ordre public.

En outre, il n'est pas raisonnable de croire qu'il s'agirait d'une mesure nécessaire. Dans notre recommandation numéro 18, nous proposons qu'il y ait une obligation de fournir une preuve substantielle du danger. Cette recommandation protège de manière efficace les droits des délinquants et permet d'affecter les ressources financières aux seules causes qui satisfont à ces dispositions sur le fardeau de la preuve.

Nous croyons que l'alinéa 125(1)a.1) ne devrait pas être ajouté à la Loi sur le service correctionnel et la mise en liberté sous condition. Les personnes accusées de complicité après le fait sont des mères, des soeurs, des amies ou des conjointes de droit commun répondant aux besoins d'une personne qu'elles aiment beaucoup ou à laquelle elles sont apparentées. La loi actuelle reconnaît le statut particulier des conjointes en vertu du paragraphe 23(2), mais elle ne parle pas des autres membres de la famille. À ce titre, nous nous demandons pourquoi ces personnes devraient être traitées plus sévèrement que d'autres délinquants primaires. En conséquence, nous croyons qu'elles devraient être admissibles à la procédure d'examen expéditive.

Merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité.

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La vice-présidente (Mme Torsney): Je vous remercie de vos mises au point sur la question. La plupart d'entre nous n'avons pas besoin de nous engager à ne pas troubler l'ordre public, n'est-ce-pas?

Madame Meredith.

Mme Meredith: Merci, madame la présidente.

Je veux souligner qu'aucun d'entre vous n'a abordé la question du projet de loi d'initiative parlementaire C-254, et ce, même si la préoccupation que vous soulevez dans le cadre du projet de loi C-55 est réglée dans ce projet de loi qui s'adresse particulièrement aux quelques rares individus déclarés délinquants dangereux. La principale différence tient au fait qu'en se contentant de s'adresser à ceux qui sont déclarés délinquants dangereux, ce projet de loi d'initiative parlementaire ne permet pas de se prononcer clairement pour une peine d'une durée déterminée ou pour une peine d'une durée indéterminée. Il n'élimine nullement la possibilité d'infliger une peine d'une durée déterminée. Il reconnaît par ailleurs également que les personnes peuvent changer de comportement lorsqu'elles ont accès à des programmes thérapeutiques et à la liberté conditionnelle et qu'il faudrait, à l'expiration de leur peine, autoriser la prise d'une décision qui les habiliterait à modifier leur comportement, à manifester du remords ou à réagir d'une quelconque manière au traitement.

N'avez-vous pas l'impression qu'en créant de la confusion par suite de l'adoption de dispositions sur les délinquants à contrôler, les engagements de ne pas troubler l'ordre public et la surveillance électronique, le projet de loi C-55 s'est d'ores et déjà écarté du vrai problème: ceux qui détiennent le pouvoir et le contrôle libèrent sciemment des individus qui, de toute évidence, sont fortement susceptibles de causer des lésions corporelles graves ou la mort quand ils sont en liberté, ils les libèrent en toute connaissance de cause dans la collectivité en attendant une récidive, pour pouvoir ensuite les renvoyer sous garde?

M. Jenuth: Je ne crois pas que j'ai ce projet de loi, mais je pense que je comprends sa portée, laquelle consiste, si je ne m'abuse, à préciser la notion de dangerosité. Est-ce que c'est exact?

Mme Meredith: Oui.

M. Jenuth: Je sais que notre société a écrit un mémoire à ce sujet il y a quelques années et je pense que la plus grande difficulté que pose à nos yeux un jugement postsentenciel est que cela équivaut à condamner une personne une deuxième fois après le prononcé de la sentence originale. De toute évidence, il s'agit là d'une chose à ne pas faire. Au contraire, si quelqu'un qui purge une peine de durée déterminée dans un pénitencier arrive à la fin de cette peine et est sur le point d'être libéré - habituellement il s'agit de problèmes de santé mentale ou de problèmes apparentés - cela devrait se faire dans le cadre du système provincial. Les mandats délivrés en vertu de la Loi sur la santé mentale et des lois des diverses provinces devraient être invoqués plutôt que de faire appel à une sanction pénale.

Mme Meredith: Avant votre arrivée, nous avons entendu le témoignage d'un expert indiquant que bon nombre de délinquants à risque ne s'inscrivent tout simplement pas dans les limites des paramètres de santé mentale. Ils ne pourraient pas être détenus dans un établissement psychiatrique parce que le système n'assimile pas les comportements dangereux ou les comportements criminels à des problèmes de santé mentale. En conséquence, le système de santé mentale n'est pas prêt à accueillir les délinquants criminels.

M. Jenuth: Je veux laisser à la Société John Howard le soin de répondre et je suis frappé par le fait que c'est le système de soins de santé mentale qu'il conviendrait de réformer plutôt que le système de justice pénale, lequel s'occupe principalement des peines et des sanctions plutôt que de la réadaptation, un mandat qui relève du système de soins de santé mentale. En outre, il faudrait renvoyer la balle aux provinces qui doivent faire face à leurs propres problèmes.

Mme Meredith: Nous avons eu des entretiens avec les personnes qui oeuvrent au sein du système de soins de santé mentale. Elles sont préoccupées par le fait que ni leurs installations ni leur personnel ne sont équipés pour traiter des gens qui, quoique mentalement sains, ont été impliqués dans des agissements criminels. Ils n'ont pas l'impression que ce serait à l'avantage de leurs patients atteints de problèmes de santé mentale d'être logés sous le même toit que des criminels, au lieu d'être avec des malades.

M. Stewart: Il s'agit sans aucun doute d'un problème. Toutefois, le fait est que les installations de soins de santé mentale accueillent des personnes qui sont à la fois des criminels et des malades mentaux, et la distinction entre ce qui ressortit à la criminalité et à la maladie mentale est, pour de nombreux citoyens, souvent une abstraction. Si une personne qui ne contrôle pas son comportement est nettement atteinte d'une déficience mentale, bien qu'elle n'entre pas dans le champ sémantique du terme «folie», on a un motif suffisant pour la maintenir en incarcération.

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Je pense que vous avez raison et que ce projet de loi complique terriblement les choses. Les dispositions relatives au maintien en incarcération de longue durée nous préoccupent énormément. Elles semblent étendre considérablement la portée du système et prévoir des mécanismes qui n'offrent que très peu de protection. Une peine de 10 ans pour une infraction aux conditions de libération est excessive et finit par atteindre des personnes qui ne sont pas des criminels, mais qui ont simplement des difficultés à s'astreindre aux conditions de la mise en liberté, et à se transformer en pratique - c'est le cas pour beaucoup - à une peine d'emprisonnement à perpétuité.

Autre point à signaler: nous entendons régulièrement des personnes qui oeuvrent dans le système de justice pénale exprimer les préoccupations que soulève, à leurs yeux, l'élargissement de personnes qu'elles savent être violentes. Naturellement, nous savons que des délinquants violents sont remis en liberté, mais il y a très peu de motifs de croire que ces mêmes personnes puissent vous dire avec précision qui va avoir des comportements violents. De toute évidence, ces responsables désignent, de façon répétitive, régulière et abusive, toutes sortes de gens non violents comme étant des personnes enclines à la violence.

Ainsi nous affirmons tout simplement que dans tout grand groupe de personnes, on découvrira des gens violents, mais la vraie question à se poser, c'est de savoir combien de personnes non violentes nous sommes prêts à inclure par erreur dans le groupe des gens violents. Je pense que nous devons être très prudents et que nous devons prendre avec un grain de sel les affirmations des décideurs qui prétendent maîtriser parfaitement ces sortes de jugements. Car s'ils ont vraiment cette capacité, les résultats devraient en témoigner; or, on est loin du compte.

Mme Meredith: Je voudrais remettre en question les chiffres que vous avancez. Vous donnez l'impression que nous parlons d'un système qui comprend une foule de gens. Les chiffres que vous avez cités montrent que 167 délinquants ont été déclarés dangereux sur les dizaines de milliers, peut-être davantage, qui ont eu affaire à notre système de justice pénale au cours d'une période de temps donnée. Ainsi l'intention du projet de loi d'initiative parlementaire n'est certainement pas d'élargir le cercle, mais plutôt d'être en mesure de détecter, en toute confiance, le pourcentage infime de ceux qui, d'après les prévisions, vont commettre des infractions graves qui menacent la société.

Je ne défendrai pas le projet de loi C-55 parce que je crois qu'on a dilué ces paramètres en y ajoutant d'autres infractions, des engagements de ne pas troubler l'ordre public, des mécanismes de surveillance électronique et toutes sortes d'autres choses. Mais je pense que vous laissez une impression fort erronée lorsque vous prétendez que le Service correctionnel et son personnel tentent de faire entrer tout le monde dans la catégorie des délinquants dangereux. Je ne pense pas que ce soit son intention et je pense qu'il est injuste de donner cette impression.

Ce qui préoccupe les responsables, qu'il s'agisse de la Commission nationale des libérations conditionnelles ou du Service correctionnel, tient au fait que lorsqu'ils doivent prendre une décision et libérer une personne qu'ils savent capable selon toute vraisemblance de causer à une victime innocente des lésions corporelles graves ou la mort, ils se sentent très vulnérables de ne pas pouvoir faire appel à un mécanisme de tri officiel permettant d'établir qui il convient de maintenir en incarcération à titre préventif pour sa propre sécurité et pour le bien de la société.

La loi ne contient aucune disposition en ce sens. Je pense que c'est essentiellement ce que les projets de loi C-55 et C-254 tentent de faire. Je me permets également de vous faire remarquer, par rapport à ce qui a été dit sur la double condamnation d'une personne, que je ne crois pas que ce soit là l'intention du législateur. Je crois plutôt que ce qui ressort du projet de loi, c'est qu'on est en présence d'un délinquant qui a eu l'occasion d'obtenir des services de counselling et qui a montré par son comportement et par sa personne - pas simplement par ce qu'il a fait, qui n'est qu'une partie de l'image globale - qu'il ne mérite pas de reprendre sa place dans la collectivité.

Je ne vois pas cela comme une seconde condamnation pour la même infraction. Je pense qu'il s'agit là d'un jugement d'expert établissant que l'individu en question présente trop de risque pour être réintégré dans la société.

Selon moi, nous ne sommes pas ici en présence de grands nombres. Je pense au contraire qu'il s'agit de très petits nombres. Vous avez vous-même admis que seuls 167 délinquants ont reçu cette appellation au fil du temps dans un système en place, si je ne m'abuse, depuis plus de 10 ans.

M. Stewart: Oui.

Mme Meredith: Nous sommes donc loin ici des grands nombres auxquels on a fait allusion.

M. Stewart: Ce qu'il faut souligner, c'est que les demandes de déclaration de délinquant dangereux, qui sont des décisions prises par les tribunaux, ont certainement été traitées avec une retenue beaucoup plus marquée que les décisions prises par les autorités correctionnelles. Ce que je veux souligner, c'est que si vous examinez la question du maintien en incarcération, le nombre de cas était dix fois plus élevé que les prévisions de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel au moment où le présent comité en a été saisi. La multiplication des conditions particulières ne permet pas d'entrevoir la fin de cette progression.

Ainsi, 500 personnes par année sont désignées par la Commission nationale des libérations conditionnelles comme des personnes à maintenir en incarcération. Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que si on ajoute de nouvelles mesures comme la surveillance de longue durée et ainsi de suite, et si on commence à changer les critères et les présupposés, on s'expose, dans les faits, à augmenter de façon spectaculaire le nombre de personnes maintenues en incarcération et le nombre de personnes considérées comme des délinquants à contrôler.

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Nous souscrivons certainement au fait que toute mesure ayant pour but de maintenir en incarcération à perpétuité les gens dont on est certain qu'ils sont violents devrait être une mesure très précise. Nous reconnaissons qu'il devrait y avoir des mécanismes de protection considérables. Notre préoccupation est de veiller à ce que les dispositions sur les délinquants à contrôler restent faciles à interpréter.

Mme Meredith: Mais si vous jetiez un coup d'oeil au projet de loi C-254, vous y trouveriez ces dispositions. Tout passe par un processus judiciaire qui ne dépend pas de l'arbitraire du Service correctionnel. On peut faire appel, dans le cadre des dispositions législatives actuelles, à un processus judiciaire complet.

La seule différence entre ce qui se passe maintenant et ce que propose le projet de loi C-254 tient au fait que le projet de loi prend en considération la surveillance étroite d'une personne et la capacité de contrôler son comportement, pas simplement à cause de ce qu'elle a fait - même si cela en fait partie - , mais à cause de ce qu'elle est, de la façon dont elle se présente, de ce qui peut constituer pour la société une menace inacceptable.

Je pense donc que ce projet de loi (C-254) s'attaque directement aux préoccupations que soulèvent les demandes de déclaration de délinquant dangereux.

Je ne crois pas, comme je l'ai dit plus tôt, que le projet de loi C-55 sème la confusion parce qu'il ne définit pas avec précision les catégories de personnes auxquelles il s'applique. Il ne crée pas de nouveaux types d'infractions et d'autres manières de traiter les grandes tendances des comportements criminels. Je pense que si vous deviez examiner le projet de loi C-254 et si vous pouviez comprendre qu'il ne s'agit pas de condamner quelqu'un une deuxième fois pour la même infraction - il s'agit plutôt d'une gamme d'autres motifs et préoccupations - vous pourriez vous trouver en position de l'appuyer, contrairement au projet de loi C-55.

M. Jenuth: Je voudrais intervenir brièvement à ce sujet. Il semble que le projet de loi C-254 soit très semblable au projet de loi déposé par le précédent gouvernement.

Lorsque nous examinons les cas de blocage, ces cas dans lesquels la Commission nationale des libérations conditionnelles a statué que la personne était trop dangereuse pour être libérée d'office, nous constatons, à la lecture du mémoire de la Société John Howard, qu'il y a eu erreur dans 84 p. 100 des cas. Je suis frappé par la grande difficulté que présentent l'établissement des critères de dangerosité et le dépistage des délinquants dangereux. Et, en fait, si nous pensons à élargir la portée du système, il ne faudrait pas que le système de justice pénale et les pénitenciers soient touchés.

Mme Meredith: Sur quel...

La vice-présidente (Mme Torsney): Excusez-moi madame Meredith, j'ai déjà prolongé votre temps de parole de façon assez substantielle... mais je dois avouer que vous en avez fait bon usage.

Monsieur DeVillers, vous avez 10 minutes.

M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci, madame la présidente.

Je m'intéresse à la discussion et à la recommandation formulée par au moins deux de vos groupes pour que nous examinions de plus près le système de soins de santé mentale en vue de résoudre ces problèmes. Je connais bien la situation en Ontario - le centre de soins de santé mentale d'Oak Ridge est situé dans ma ville natale de Penetanguishene, c'est l'établissement ontarien qui s'occupe des personnes que lui adressent le système correctionnel et les tribunaux.

Je voudrais savoir si, dans le cadre de vos recommandations, vous avez étudié les moyens de favoriser ce genre de collaboration entre les deux systèmes. Le Dr Barbaree, du Clarke Institute, qui était ici un peu plus tôt, a déclaré que l'application des définitions de la Loi sur la santé mentale de l'Ontario entraînait des difficultés d'ordre médical et psychiatrique. Avez-vous entrepris des démarches par l'entremise d'une de vos organisations en vue d'approcher les autorités provinciales et de faire avancer le dossier de la coopération entre les deux systèmes?

M. Stewart: La réponse est non. Nous reconnaissons qu'il s'agit d'un domaine très complexe. En fait, nous abordons la question sous l'angle des principes. Si nous maintenons une personne en incarcération, non pas dans une perspective de sanction pour le crime commis, mais parce que nous pressentons que la personne ne contrôle pas son comportement, il s'agit, de notre point de vue, d'une question de santé mentale.

Nous comprenons que les problèmes de compétence et les définitions légales font obstacle à cette façon de voir et que la répartition des responsabilités entre les provinces et le fédéral complique les choses encore davantage. Nous sommes persuadés qu'il faudra abattre un volume de travail considérable avant d'éliminer les hiatus entre les deux systèmes.

Nous sommes d'avis qu'une prison est essentiellement un lieu de détention des personnes à des fins punitives et lorsque nous les transformons en des endroits où ces personnes sont détenues à des fins préventives, nous changeons de façon radicale la nature du milieu carcéral. À notre avis, lorsque nous avons affaire à un maintien en incarcération préventif, il ne semble pas approprié de traiter la question dans un système qui se soucie essentiellement de la sanction par opposition à un autre système axé sur les questions de santé mentale.

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M. DeVillers: Oui, et la définition, en vertu de la loi ontarienne, précise que les délinquants pourraient devenir dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres. C'est une définition très vague ou très large. Je me demande donc lequel des deux systèmes - le système en vigueur ou le système proposé ou amendé ici - est, du point de vue des libertés civiles, le plus approprié.

M. Stewart: Nous sommes du même avis.

M. DeVillers: Ma deuxième question concerne l'article 810.2 tel que proposé ainsi que les questions de constitutionnalité, etc. Quand le ministre de la Justice a comparu devant le comité, il a exprimé l'opinion que ce projet de loi était constitutionnel et qu'il résisterait à toute contestation en vertu de la Charte. Toutefois, il a suggéré certaines modifications susceptibles de répondre à diverses préoccupations. L'un d'eux consisterait à limiter l'application de l'article 810.2, l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, aux seules situations où les personnes concernées ont déjà fait l'objet d'une condamnation; ou à limiter son application à celles qui ont des antécédents de comportement violent pour lesquels une condamnation était de mise, mais pas nécessairement décisoire, ou encore à appliquer un système de catégorisation (je pense que c'est une de nos recommandations) - semblable à l'article 518 du Code criminel dans lequel est présentée une liste de catégories de facteurs.

Si le comité devait recommander une de ces trois options ou modifications combinées, cela modifierait-il votre opinion sur le nouvel article 810.2?

Mme White: Si la question est semblable à celle qui s'applique également au projet de loi C-254 et qui fait appel au droit criminel comme mécanisme prospectif. Dans notre mémoire, nous proposons que le rôle du Code criminel soit limité. Il s'agit d'un outil puissant et particulièrement punitif. Il devrait être restreint aux cas où on a prononcé un verdict de culpabilité. Ces recommandations ne sont d'aucun secours puisqu'elles proposent d'évaluer les risques potentiels plutôt que les faits réels.

M. Jenuth: Je pense que nous avons proposé de changer le fardeau de la preuve prévu par l'article 810.2 pour une disposition qui exige la preuve d'un danger substantiel, plutôt que des motifs simplement raisonnables. Des motifs raisonnables correspondent à ce qu'il faut pour porter des accusations contre quelqu'un, et dans de nombreux cas, la Couronne est déboutée. Dans certaines autres instances, la Couronne abandonne même les poursuites.

Il s'agit là d'un très faible fardeau en matière de preuve. On est en présence de quelque chose de beaucoup plus substantiel.

Quant à la constitutionnalité des dispositions, nous disposons actuellement de l'article 810; il s'agit d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Nous avons aussi l'article 810.1 qui institue un autre genre d'engagement de bonne conduite. Nous pouvons également invoquer un engagement en common law dans le cadre duquel tous les juges ont le pouvoir d'obliger certaines personnes par cautionnement à ne pas troubler l'ordre public. Ces dispositions sont en vigueur depuis longtemps. Elles peuvent très bien résister à toute contestation en vertu de la Charte. Toutefois, c'est dans le but de limiter la portée des applications, particulièrement lorsqu'on s'apprête à prendre des mesures plus intrusives qui exigent de mettre l'accent sur les rapports ou sur la surveillance électronique, pour autant bien sûr que ce soit utile, qu'on devrait renforcer le fardeau de la preuve.

M. Stewart: En ce qui concerne la surveillance électronique, je pense que ceux qui sont sceptiques quant à la capacité du système d'offrir au public une protection réelle disposent d'un argument assez valable. La surveillance électronique a été généralement adoptée pour offrir aux délinquants à très faible niveau de risque une alternative à l'incarcération, cette dernière étant un dispositif punitif, qui ne sert pas à la réadaptation. En outre, il s'agit d'un système moins onéreux. Le fait est que la surveillance électronique est une forme de maintien en incarcération, une forme d'incarcération à domicile qui, dans l'état actuel des choses, ne dit pas où la personne se trouve, mais précise qu'elle n'est pas à la maison.

Nous pensons que c'est une chose de contraindre, pour des motifs valables, une personne qui présente un haut niveau de risque pour la collectivité d'éviter certains endroits comme des cours d'école; c'est une autre chose de maintenir la personne en incarcération dans sa propre maison. Je pense qu'il s'agit là d'un bon qualitatif. En même temps, nous ne croyons pas qu'il s'agisse d'autre chose qu'une mesure punitive. Il ne s'agit pas vraiment d'une mesure de sécurité. Par exemple, s'il s'agit d'un délinquant sexuel compulsif, nous ne croyons pas que la surveillance électronique puisse jouer un rôle dissuasif.

D'autres facteurs pourraient jouer un tel rôle. Les programmes qui visent à prévenir la récidive sont les plus importants. Les résultats ne sont pas garantis mais c'est le meilleur moyen dont nous disposions. Il serait beaucoup plus utile de mettre l'accent sur ce genre de prévention que de faire appel à une forme de quasi-incarcération pour ceux qui ne sont pas sous le coup d'une accusation et qui dans certains cas n'ont même pas commis d'infraction.

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M. DeVillers: Merci.

Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci.

Monsieur Telegdi, voulez-vous faire usage des quelques minutes qui nous restent? Je vous redonnerai la parole plus tard.

M. Telegdi: En fait, juste pour donner suite à vos commentaires sur la surveillance électronique, vous avez mentionné que c'était efficace en terme de coût. Je m'interroge vraiment à ce sujet. L'autre jour, j'ai demandé à la personne qui est chargée d'appliquer le programme en Colombie-Britannique ce que ça coûtait. On nous a dit que ça coûtait environ 35 à 45 dollars par jour. Je jette ensuite un coup d'«il aux programmes de cautionnement éliminés dans la province de l'Ontario; ils coûtaient dix fois moins cher!

Naturellement, la surveillance électronique n'a d'autre fonction que de sonner l'alarme lorsque quelqu'un n'est pas dans sa résidence au couvre-feu. Le problème tient au fait que si on veut éviter la récidive, si on veut éviter que les personnes à risque commettent une infraction, il faut pouvoir, pour aider la personne, aborder quelques-uns des autres problèmes très réels auxquels elle fait face. En conséquence, il faut être particulièrement prudent quand on parle d'efficience à 35 ou 45 $ par jour. Le programme de cautionnement à Toronto coûte 4 $ par jour.

J'apprécie vraiment que des organismes non gouvernementaux se présentent devant le Comité de la justice. La question que je vous pose vise à préciser jusqu'à quel point nous, à titre de gouvernement, supportons les organismes communautaires dans ce domaine par l'entremise du ministère du Solliciteur général. Si je pose la question, c'est que l'intégration dans la collectivité peut être souvent beaucoup plus efficace lorsque les organisations communautaires y participent par nos soins en lieu et place du personnel du Ministère.

M. Jenuth: Si vous voulez bien, je vais commencer.

La Société Elizabeth Fry de Calgary dispose de certains programmes qui bénéficient du soutien du solliciteur général du Canada. L'organisme, qui reçoit des subventions modestes, a tendance à se concentrer sur l'aide donnée aux quelques rares détenues condamnées à une peine fédérale qui se retrouvent dans certains des établissements des environs de Calgary. Dans la foulée du processus de régionalisation des pénitenciers réservés aux femmes et du rapatriement des détenues à l'établissement pour femmes d'Edmonton, il y aura des libérations conditionnelles supplémentaires. Il est à souhaiter qu'elles se produisent dans la collectivité.

Notre organisme n'a nullement l'intention d'administrer une prison. Toutefois, il souhaite très certainement participer à la prestation des programmes et aider le ministère du Solliciteur général. Il semble que, d'un point de vue constitutionnel, ce dernier n'ait affaire qu'aux femmes purgeant une peine fédérale alors qu'il semble exister, dans le secteur des femmes qui purgent une peine provinciale, une véritable dichotomie qui ne va pas sans problème. Ainsi, alors que nous serions souvent en mesure d'offrir des programmes aux quelques rares détenus ou détenues autochtones qui font face à des problèmes dans le cadre des services offerts par le solliciteur général et par les divers autres organismes fédéraux, nous ne pouvons offrir nos programmes qu'au palier provincial. Un peu plus de coordination entre les deux systèmes de justice serait donc souhaitable.

M. Stewart: Je voudrais maintenant laisser Christine aborder la deuxième partie de votre question, mais, pour mettre les choses au point dès le départ, je ne pense pas que la surveillance électronique constitue un moyen efficient. En fait, je pense qu'il s'agit en réalité d'un gaspillage éhonté. Il existe des options beaucoup plus efficaces. Tout ce que je prétendais, c'est qu'on pouvait le justifier par le fait qu'il s'agissait d'une solution moins coûteuse que l'incarcération, mais bien sûr c'est seulement lorsqu'on y fait appel en tant qu'alternative à l'incarcération. Je voudrais toutefois éviter que vous pensiez que moi-même ou la Société John Howard estimons qu'il s'agit d'un programme efficient.

M. Telegdi: D'accord.

Mme Leonard: Nous sommes certainement d'accord sur le fait que le rôle des ONG est essentiel au succès de la réinsertion sociale. Nous jouons un rôle différent dans la collectivité. Nous sommes plus en contact avec ces collectivités que le gouvernement peut l'être lorsqu'il surveille et assiste les délinquants.

Si l'on aborde la question de l'aide que nous recevons pour ce genre d'intervention, on se trouve en présence de deux sources: l'appui du fédéral pour le travail accompli auprès des détenus fédéraux, et l'aide provinciale. En Alberta, les types de programmes qu'offraient les Sociétés John Howard il y a trois ans ont sans l'ombre d'un doute été décimés par les coupes dans les subventions. Notre partenariat avec le ministère de la Justice dans la province de l'Alberta appartient définitivement au passé.

Au palier fédéral, nous avons toute une gamme de programmes actuellement financés par le gouvernement - nos programmes de prévention de la récidive et les maisons de transition - et nous avons avec ce palier de gouvernement une relation de partenariat des plus fructueuse en ce moment.

La vice-présidente (Mme Torsney): Madame White.

Mme White: Je voudrais ajouter quelques mots.

Sous l'égide du solliciteur général actuel, les organismes nationaux bénéficient d'un réel appui, d'un point de vue à la fois théorique et philosophique. Je dirais que les remarques de Christine sur les coupes au niveau du financement et sur les effets terriblement disproportionnés qu'elles ont sur les organismes communautaires par rapport à leurs «partenaires» gouvernementaux vont droit au but. En réalité, le gouvernement dispose d'une énorme infrastructure de services dans ses propres locaux, et le déplacement de ces services vers la collectivité est parfois entravé par le fait même de l'existence de ces locaux.

.1210

La vice-présidente (Mme Torsney): Madame Meredith, vous disposez de cinq minutes.

Mme Meredith: C'est parfait, je n'ai rien à dire.

La vice-présidente (Mme Torsney): Monsieur Telegdi, avez-vous une autre question?

M. Telegdi: Je sais que le Conseil sur la sécurité communautaire et la prévention du crime est généralement très en faveur de la prise en charge, par les collectivités, des questions de sécurité publique, de criminalité et de justice. Je suppose que c'est une tendance que nous devrions encourager. J'imagine qu'il y a eu des coupes dans tout le pays sauf au Québec.

Le Québec semble avoir une meilleure gestion dans tout ce dossier. Chaque fois que je remarque quelque chose, cela va dans le même sens. Ils ont moins de personnes condamnées dans la catégorie des délinquants dangereux; ils disposent de plus de ressources et il règne, dans la province de Québec, un esprit totalement différent à ce propos.

Personnellement, je crois - comme bon nombre des membres du comité - qu'il y a lieu de renforcer les liens avec la collectivité, qui peuvent être tissés de la manière la plus efficace par les ONG ainsi que par les bénévoles et les professionnels. J'ose espérer qu'une des recommandations sera mise en oeuvre à un moment donné, du fait qu'elle a été présentée à de nombreuses reprises; il s'agit de la prévention du crime et de l'aide fédérale à la sécurité publique offerte aux collectivités d'un bout à l'autre du pays.

M. Stewart: De notre point de vue, je suis très heureux de l'entendre. Cela vient certainement appuyer la raison d'être de notre existence.

La Société John Howard de l'Ontario a été fondée en 1929, par le général Draper qui était alors chef de police à Toronto parce qu'il reconnaissait qu'une fois qu'une personne a commis une infraction, qu'elle a été appréhendée, jugée, condamnée et envoyée en prison, nous avons un problème sur les bras. Ce problème, c'est la réinsertion sociale du détenu. En dernière analyse, les systèmes officiels d'incarcération et de contrôle sont impuissants; ce qu'il faut, c'est une collectivité qui est prête à accueillir la personne et, si possible, à l'encourager, en cours de route, à se réinsérer dans la communauté.

Nous avons des motifs d'être très optimistes à ce sujet. Je pense que nous oublions qu'il existe au Canada trois millions de personnes qui ont un casier judiciaire et qu'il y en a environ 30 000 dans nos prisons. La grande majorité des délinquants sortent de la délinquance et se réinsèrent dans la collectivité à un moment ou l'autre. Tout ce qui peut être fait pour les encourager dans ce sens, pour encourager les gens à penser qu'ils ont une place et à penser qu'il existe pour eux un peu d'argent et de soutien, est d'une importance cruciale dans ce processus. On ne peut laisser ça entièrement entre les mains du gouvernement. C'est la collectivité qui doit encourager cette réinsertion. Nous en sommes absolument persuadés.

C'est pour ce motif que nous nous opposons à la pratique actuelle qui consiste à diffuser l'identité des personnes libérées exemple. Les gens qui sortent des établissements ont peur d'être pointés du doigt dans leur nouveau milieu. Cela crée une situation absolument intolérable pour la personne puisqu'elle n'a alors aucune possibilité d'obtenir un soutien communautaire. En fait, c'est le contraire: L'information qui circule dans la communauté joue contre la personne. Il est donc évident que ce genre de situation va à l'encontre des efforts que nous faisons à cet égard. En fait, de notre point de vue, cela accroît le risque de façon importante parce que la personne est mise au ban de la société.

Par ailleurs, nous avons eu, avec les gouvernements, de bonnes relations de travail qui varient toutefois d'un gouvernement à l'autre. En Ontario, nous n'avons pratiquement aucune relation de travail avec le gouvernement. Au niveau fédéral, ces relations sont bien meilleures même si elles sont toujours mises à l'épreuve par la rareté des ressources. Toutefois, nous sommes en principe d'accord avec la raison d'être du système correctionnel fédéral, telle que formulée dans la loi.

Les objectifs de réadaptation sont clairement énoncés dans la loi; la réadaptation est une réalité en laquelle nous croyons et qui constitue la seule mesure de sécurité publique efficace en dernière analyse. Nous y croyons fermement. Nous sommes très désireux de travailler de manière constructive avec n'importe quel palier de gouvernement qui reconnaît qu'en fin de compte, la réinsertion sociale assistée est notre meilleur gage de succès. C'est une entreprise qui vaut l'investissement et qui a donné de très bons résultats dans le passé.

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Mme Wadey: Il est vrai qu'il y a beaucoup moins de femmes dans le système, mais il y a aussi beaucoup moins de programmes pour elles. Dans la ville de Calgary deux places sont réservées aux détenus pour ce genre de traitement. Il y a aussi, je pense, 14 places accessibles aux femmes dans des maisons de transition conçues pour les hommes. Les programmes sont beaucoup moins nombreux pour les femmes que pour les hommes.

M. Jenuth: Je pense que nous aimerions que le gouvernement fédéral participe aux programmes communautaires.

La Société Elizabeth Fry de Calgary administre, entre autres, le programme d'intervention en cas de vol à l'étalage. Ce programme offre aux personnes qui se livrent au vol à l'étalage, une infraction relativement mineure traitée habituellement dans le cadre du système provincial, et il tente d'établir la nature des problèmes et de travailler avec les détenus dans le cadre de séances de counselling individuelles ou collectives. Il s'agit d'un programme exceptionnellement efficace. Les juges à Calgary nous envoient constamment des personnes aux prises avec ce problème.

Ce programme est actuellement totalement privé de ressources. Le gouvernement provincial refuse de le financer. L'Alberta Law Foundation a décidé qu'elle ne veut plus y consacrer d'argent par manque de ressources. La collectivité et les services sociaux de la ville de Calgary estiment qu'il s'agit du mandat du ministère de la Justice de l'Alberta et ils refusent de se mêler des problèmes de ce ministère. On nous renvoie d'un organisme à l'autre et nous sommes finalement obligés de financer nous-mêmes ce programme grâce aux contributions de nos bénévoles et, à la grâce de Dieu, avec l'aide des casinos. Je ne suis pas convaincu que le fait de financer une initiative du système de justice pénale par l'entremise des casinos soit une option positive ou productive.

La participation du gouvernement fédéral à ce genre de programme aurait des retombées positives dans la collectivité, même si le comité se limitait à ne recommander que le financement de petits programme comme le nôtre, qui ne pèsent pas lourd dans la balance budgétaire.

M. Telegdi: Dans ma collectivité, la région de Kitchener-Waterloo, nous avons établi un conseil de sécurité communautaire axé sur la prévention du crime, qui vient de faire paraître son rapport. Le conseil comprend le chef de police, le procureur en chef, des intervenants d'organismes communautaires, des organismes juridiques communautaires, les conseils scolaires et les municipalités. Il a pour mandat d'étudier la question de la sécurité communautaire dans une optique globale. La question a été abordée dans le cadre du colloque sur la prévention du crime et la sécurité communautaire, qui s'est tenu au Royal York à Toronto en mars 1993.

Le financement a été assuré par l'administration régionale. La tâche a été confiée à un coordonnateur, mais la police et certaines des municipalités ont également apporté une aide considérable. Je vous signale cela parce qu'il se peut que vous puissiez vous procurer ce rapport et que vous commenciez à appliquer certaines de ces idées dans vos propres collectivités. Je crois fermement qu'il s'agit là d'une entreprise dans laquelle nous participerons tous d'une façon ou d'une autre au Canada. Je vous encourage à examiner la chose et à commencer à en parler dans votre milieu pour concrétiser certaines de ces idées.

La vice-présidente (Mme Torsney): J'ai une question technique à poser aux représentants de la Société Elizabeth Fry. D'après votre quatrième recommandation, lorsque la Couronne a l'intention de demander une peine d'emprisonnement pour un délinquant dangereux, aucune peine ne devrait être imposée tant que le tribunal n'a pas statué sur la demande de déclaration de délinquant dangereux, à moins que l'accusé n'y consente.

J'essaie aujourd'hui d'envisager comment ce système fonctionnerait. Le procès se termine, le prévenu est déclaré coupable, la Couronne informe de son intention de demander une déclaration de délinquant dangereux et elle dispose de six mois à cette fin. Où est la personne condamnée dans ce processus?

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M. Jenuth: À mon point de vue, la Couronne devrait donner avis de son intention de faire une demande. L'accusé pourrait ensuite soit consentir, à ce stade, à recevoir une peine d'une durée déterminée, la Couronne ayant alors la possibilité de présenter une nouvelle demande dans les six mois, ou encore, au cas où l'accusé refuserait, la Couronne pourrait se prévaloir de son droit de recours en vertu des dispositions législatives sur les délinquants dangereux pour pouvoir ensuite, à sa discrétion, imposer à la personne concernée de se soumettre à un examen psychiatrique.

La vice-présidente (Mme Torsney): Ainsi elle devrait ordonner que la personne soit évaluée.

M. Jenuth: Oui elle le ferait si la Cour se montrait d'accord parce qu'il y a dans la loi une procédure à cet effet dans le cadre de la demande de déclaration de délinquant dangereux. Il semble qu'il y ait une période d'évaluation préliminaire. Essentiellement, la Couronne peut donner avis et l'accusé peut se plier aux directives reçues ou éviter de s'y soumettre.

À Calgary, comme partout au Canada, des poursuites pour conduite avec facultés affaiblies sont intentées. Presque tous mes clients, qu'il s'agisse de délinquants condamnés pour la première fois ou la quatorzième fois, reçoivent un avis d'intention de la Couronne réclamant une peine plus sévère. Il s'agit simplement de quelque chose qui apparaît sur l'avis de comparution même si la Couronne n'a aucune intention d'y donner suite. Nous ne souhaitons pas que cet avis devienne une simple formalité chaque fois qu'on a affaire à une infraction relativement grave.

La vice-présidente (Mme Torsney): D'accord. Si une personne a décidé de ne pas accepter la peine d'une durée déterminée suivie éventuellement par une déclaration de délinquant dangereux, pourrait-elle être gardée pendant six mois en vertu d'une ordonnance d'évaluation?

M. Jenuth: Si une ordonnance d'évaluation était rendue, la personne en question serait détenue en vertu de cette ordonnance.

La vice-présidente (Mme Torsney): Pendant six mois.

M. Jenuth: ... pendant la période stipulée dans l'ordonnance d'évaluation comme si la Couronne faisait la demande immédiatement plutôt que dans six mois et commençait tout de suite la démarche. De cette façon, nous évitons également la possibilité qu'une simple demande de déclaration de délinquant dangereux ou une demande de peine appropriée ne donne lieu à un appel. La Couronne doit interjeter appel devant la Cour d'appel et elle peut décider qu'elle n'a pas suffisamment de motifs, mais elle peut également, dans le cadre de l'étude du dossier, lorsqu'il s'agit d'une demande de déclaration de délinquant dangereux, décider de faire une deuxième tentative, quitte à avoir deux appels en instance.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci. Puisque vos recommandations m'intéressaient, j'ai voulu savoir si elles étaient applicables étant donné l'autorité qu'il faudrait exercer sur la personne concernée. Je pense que vous avez explicité ce point.

M. Jenuth: Il n'y aurait aucun problème puisqu'en ce moment la Couronne peut demander une déclaration de délinquant dangereux immédiatement après la condamnation ou le plaidoyer de culpabilité. Cela consisterait en une simple mention précisant ce qu'elle devrait faire si l'accusé ne consentait pas à ce qu'elle fasse la demande dans les six mois qui suivent le prononcé de la sentence.

La vice-présidente (Mme Torsney): Je pense que vous comprenez tous pourquoi nous essayons de faire passer ce projet de loi. Je me demande si vous avez d'autres recours à proposer. Du point de vue de la Société Elizabeth Fry, il est évident que vous jouez sur les deux tableaux: vous essayez de protéger les gens, et je sais que la Société John Howard veut elle aussi protéger le public, mais vous travaillez activement avec les gens des deux camps.

Il est clair que les dispositions sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public n'ont pas été très efficaces pour certaines femmes. C'est très frustrant étant donné le fait que nous essayons de mettre sur pied une initiative qui, aux yeux de tous, s'avère nécessaire, parce qu'il existe des cas où chacun sait qu'il va se passer quelque chose, mais où personne ne peut rien faire. C'est une véritable comédie et néanmoins, quand nous essayons de faire quelque chose, tout le monde dit que nous n'en avons pas le droit.

Donnez-nous donc une autre solution.

Mme Wadey: Nous constatons que les gens n'ont pas non plus accès à un traitement. Il serait donc raisonnable de leur offrir de bons programmes de traitement.

Bien des hommes qui ont tué leur conjointe à Calgary - et il semble y en avoir eu beaucoup dernièrement - ont déclaré, et cela a été vérifié, qu'ils avaient essayé de s'inscrire à des programmes de traitement avant le meurtre mais qu'ils n'avaient pu le faire.

La vice-présidente (Mme Torsney): D'accord, monsieur Stewart.

M. Stewart: Pour résoudre le problème que vous avez signalé et la frustration que vous ressentez, il faudrait maintenir en incarcération tous ceux qui, de l'avis de quiconque, peuvent être considérés comme dangereux. Le fait est que chaque fois qu'un crime est commis, c'est de toute évidence parce que quelqu'un a échappé aux mailles du filet. Chaque infraction devient ainsi un argument en faveur de l'élargissement de l'emprise du système judiciaire, du renforcement de ce mécanisme.

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Je ne peux que répéter ce que j'ai dit auparavant. Je suis frappé par le manque de modestie des gens qui se sont chargés d'établir les probabilités de récidive et par le nombre d'erreurs commises. Le fait est que chaque fois qu'un crime est commis, il n'avait pas été prévu. Il est également vrai que quelqu'un était au courant dans chaque cas. C'est comme pour les émeutes dans les prisons. D'après mon expérience, il n'y a jamais eu une seule émeute en milieu carcéral sans que quelqu'un, quelque part dans l'établissement, n'en ait été averti ou du moins ne s'en soit vanté a posteriori.

Je pense qu'en fait, lorsqu'on examine une infraction après coup, on peut découvrir une foule de facteurs alarmants dans les antécédents du délinquant. Ce que cela ne dit pas, c'est le nombre de personnes qui présentent les mêmes facteurs, mais qui ne commettent pas d'infraction. Il faut donc en conclure qu'il s'agit là d'une analyse rétrospective des cas qui ne donne tout simplement pas une image claire du profil de la personne par rapport à celui de tous ceux qui ont des antécédents semblables.

En réalité, nous vivons dans une société libre et démocratique qui répugne à priver les gens de liberté et en particulier à leur imposer les peines les plus sévères prévues au Code criminel en se fondant sur les intentions qu'on leur prête. Il s'agit là d'une intrusion si draconienne dans la vie d'une personne qu'on ne peut de toute évidence l'appliquer qu'avec retenue. Aussitôt que nous l'appliquons avec retenue, nous reconnaissons inévitablement qu'en agissant ainsi nous permettons à certaines personnes qui usent de violence de pas être maintenues en incarcération et que chaque fois que nous adoptons une mesure pour resserrer ces critères, nous agissons à l'inverse; nous gardons en prison des gens qui ne devraient pas y être.

Ce que je veux défendre, c'est que lorsqu'on examine les décisions tant positives que négatives de remise en liberté de ceux que nous considérons comme présentant de faibles risques et qui récidivent et que nous relâchons les délinquants à haut risque qui ne récidivent pas, nous n'avons aucun motif de croire qu'il s'agit là d'un système sans faille ou scientifique, ou peu s'en faut. Le nombre d'erreurs est épouvantable des deux côtés et en conséquence, tout mécanisme doit être appliqué avec énormément de retenue si nous ne voulons pas transformer tout simplement le système de justice pénale en un système qui victimise un grand nombre de personnes qui ne le méritent pas. C'est au coeur de nos préoccupations.

La vice-présidente (Mme Torsney): Mais c'est également au centre de mes préoccupations qu'en l'absence de certaines mesures que le public pourrait utiliser pour croire davantage en ce système, nous faisons face à un nombre croissant d'initiatives d'autodéfense où les gens chassent les délinquants et les obligent à s'installer ailleurs. Mais apparemment tout ce processus et les initiatives d'autodéfense qui ont lieu un peu partout où on pense qu'une personne représente une menace pour la société... Je pense que nous essayons de contrebalancer certains des maux du système en opposant un processus efficace à un système complètement arbitraire sans aucune procédure officielle. Cela m'effraie au plus haut point.

M. Jenuth: Un système comme la surveillance électronique est particulièrement compliqué à mettre en oeuvre; cela crée un problème.

Disons qu'il y aurait suffisamment de motifs de croire que quelqu'un pourrait être à mes trousses et que cette personne porterait un dispositif de surveillance électronique dans le cadre de son engagement à ne pas troubler l'ordre public. Quel serait le libellé de la condition? Que le matin du 6 février, la personne ne serait pas autorisée à s'approcher à moins de 20 pieds du sentier qui part du Château Laurier, suit l'édifice de l'Est et traverse l'édifice du Centre par le tunnel; elle emprunterait le mauvais corridor, passerait devant les gardes de sécurité et monterait à la salle 308 où siège le Comité permanent de la justice de la Chambre des communes; quelqu'un devrait pendant tout ce temps-là suivre la scène sur un écran d'ordinateur de telle sorte qu'au cas où la personne en question franchirait subitement la limite prescrite des 10 ou 15 pieds, un policier pourrait être envoyé sur les lieux pour tenter de la trouver et de l'arrêter pour son écart de conduite.

Je ne suis pas convaincu que la surveillance électronique soit la réponse, mais peut-être davantage un système impliquant une surveillance relativement étroite, exigeant que la personne se présente devant les autorités correctionnelles conformément aux dispositions du projet de loi et tel que Mme Wadey l'a noté, suive les programmes de traitement ou autres mis à sa disposition, même si elle ne fait qu'y assister passivement ou refuse carrément d'y participer.

D'après mon expérience, du moins, ce n'est pas la meilleure chose de forcer les gens à suivre des programmes de traitement, mais il arrive qu'après un certain temps, ils commencent à s'y intéresser et en tirent profit. Je ne sais pas si c'est la solution ni si cela peut faire grandir la confiance du public, mais je ne pense vraiment pas que la surveillance électronique puisse résoudre le problème.

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La vice-présidente (Mme Torsney): Mme White voudrait ajouter quelque chose.

Mme White: La question de la confiance du public est une question intéressante. C'est une question qui ne sera jamais résolue par la voie législative puisqu'il y aura toujours des cas d'exception. Il n'y aura jamais de solution qui marche à 100 p. 100. Il existe par contre de nombreuses possibilités de renseigner davantage le grand public sur ce qui fonctionne bien et de le sensibiliser ainsi aux paramètres qui conditionnent le succès de l'intervention du système de justice pénale.

Il s'agit là d'un domaine que le gouvernement et les organismes communautaires intéressés à informer le public devraient explorer bien davantage. Cela profite à toutes les parties en cause lorsque le public est davantage au courant des réussites et des échecs en la matière. Se faire justice n'est jamais la solution, mais nous encourageons l'autodéfense lorsque nous ne donnons pas au public la pleine mesure des possibilités éducatives dont nous disposons et que nous ne lui donnons accès qu'à l'information choisie par les médias sur ces questions. Nous devons adopter une vision plus large.

Mme Wadey: Le fait de maintenir le public dans un faux sentiment de sécurité ouvre également la porte à la victimisation des gens.

Mme Leonard: Je lisais l'autre jour, en me préparant à venir ici, un article du Edmonton Journal qui traitait du système de soins de santé de la province. La femme en question avait été transférée dans trois hôpitaux différents en pleine crise cardiaque et elle en est morte. Tout le monde réclamait des changements dans le système des soins de santé.

Voici la réaction du gouvernement:

Il s'agit de circonstances particulièrement difficiles et dans la perspective de l'ensemble du système de soins de santé, nous devons prendre ces cas au sérieux.

Mais nous devons reconnaître que des milliers et des milliers de personnes reçoivent tous les jours dans ce système des soins de santé de très bonne qualité.

...

Il y aura toujours des grains de sable. Rien n'est parfait. ... Il y avait également des imperfections dans le système quand l'argent coulait à flot.

Cela m'a frappé de voir que dans le domaine de la santé, le gouvernement est en mesure de dire qu'il fait de son mieux. C'est un incident malheureux qui n'aurait pu être évité. Lorsque nous faisons face aux mêmes circonstances malheureuses dans le domaine de la justice, nous nous affolons, mais cela n'améliore pas la situation. Notre capacité de prédire et d'administrer n'atteindra jamais le niveau de qualité que le public attend de nous.

La vice-présidente (Mme Torsney): Je vous remercie infiniment chacun d'entre vous pour avoir entrepris le long voyage qui vous a amené devant le comité. Je souhaite que vous continuiez à faire oeuvre utile dans ce domaine, madame White; nous nous efforçons nous-mêmes de le faire de temps à autre, mais, de toute évidence, vos groupes consacrent beaucoup de temps et d'efforts.

La séance est levée.

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