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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 15 avril 1996

.1545

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous allons maintenant entendre, par vidéoconférence, le témoignage de trois groupes de Vancouver, Colombie-Britannique: tout d'abord la Affiliation of Multicultural Societies and Service Agencies of British Columbia, suivie par l'Institut Fraser, et ensuite le Business Council of British Columbia. Nous communiquerons ensuite avec Toronto, en Ontario, toujours par vidéoconférence.

Notre premier témoin est Mme Holly Whittleton, directrice générale de la Affiliation of Multicultural Societies and Service Agencies of British Columbia.

Soyez la bienvenue. Nous avons hâte d'entendre vos observations au sujet du projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada.

Je vous demanderais d'avoir l'obligeance de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Mme Holly Whittleton (membre du conseil d'administration, Affiliation of Multicultural Societies and Service Agencies of British Columbia): Merci beaucoup de nous permettre de participer à vos audiences aujourd'hui.

Je voudrais vous présenter la personne qui m'accompagne. Il s'agit de Mme Harpreet Bachra. Elle est directrice de l'emploi à la Société des services aux immigrants de Surrey-Delta, en Colombie-Britannique.

Nous allons présenter ensemble ce mémoire au nom de l'AMSSA, organisme cadre regroupant 78 organismes de services aux immigrants en Colombie-Britannique.

Parler de l'incidence du projet de loi C-12 sans envisager la situation globale, ce serait pratiquement parler dans le vide. En fait, la nouvelle loi devrait tenir compte de la situation économique et de l'augmentation du chômage au niveau mondial pour nous mener vers le 21e siècle. Dans le monde entier, le chômage est à son niveau le plus élevé depuis la grande dépression des années trente; le nombre de chômeurs et de personnes sous-employées augmente rapidement, puisque des millions de demandeurs d'emplois sont les victimes d'une révolution technologique.

Les ordinateurs, la robotique, les télécommunications et d'autres technologies remplacent à un rythme rapide les êtres humains dans pratiquement tous les secteurs industriels: la fabrication, la vente au détail, les services financiers, les transports et l'agriculture. Le gouvernement lui-même a adopté le système des kiosques automatisés dans les centres commerciaux pour faire des économies et faciliter l'accès à ses services.

Bon nombre d'emplois ne reviendront jamais, et de nombreux autres sont destinés à disparaître sous peu. Même si l'on crée certains emplois, il s'agit la plupart du temps d'emplois provisoires et très mal rémunérés. Ces emplois auront pour effet de constituer un groupe à tout jamais déplacé de travailleurs pauvres qui ne seront plus adaptés à l'ère de l'information.

La formation pour soutenir la concurrence au sein de cette nouvelle économie est essentielle. Le projet de loi C-12 a supprimé les modèles de formation communautaires, qui étaient jusqu'ici couronnés de succès et qui permettaient de préparer les gens à s'adapter à cette nouvelle économie grâce à une formation professionnelle pratique.

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Aux termes du nouveau projet de loi, tout un secteur de la population n'aura plus accès aux services de formation et d'emploi. Nous témoignons aujourd'hui en tant que porte-parole des immigrants et des réfugiés parrainés par le gouvernement qui tomberont dans cette catégorie.

Les nouvelles mesures de réemploi dans le cadre du Fonds d'investissement dans les ressources humaines sont limitées aux personnes qui touchent l'assurance-chômage ou qui l'ont touchée pendant une période de trois ans. Pour bon nombre d'immigrants qui viennent d'arriver au Canada et qui connaissent très peu l'anglais, qui n'ont pratiquement aucune expérience de travail au Canada et qui n'ont pas fait partie assez longtemps de la population active, ce projet de loi aura de graves conséquences en les empêchant d'avoir accès aux services et d'en profiter.

Nous avons cerné les problèmes suivants et leur incidence et nous voulons vous les soumettre.

Premièrement, l'accessibilité aux services de formation et d'emploi. Aux termes du projet de loi C-12, il faut toucher l'assurance-emploi ou avoir touché cette assurance-emploi au cours d'une période de trois ans pour être admissible au programme de formation. Lors d'un sondage effectué récemment grâce à la base de données sur les services d'emploi de MOSAIC, j'ai constaté que, au cours d'une période de deux ans, nous avions eu plus de 2 800 demandes pour participer à divers programmes d'emploi. Sur ces 2 800 demandeurs qui voulaient obtenir ce service, 400 seulement touchaient l'assurance-emploi et 200 l'aide sociale. Les 2 100 autres demandeurs étaient des clients réguliers, ou «clients du Trésor».

Les organismes de services aux immigrants ont depuis toujours énormément de mal à répondre aux critères d'admissibilité à la formation axée sur les projets, à la formation linguistique liée au marché du travail et à nos programmes visant les personnes fortement défavorisées sur le plan de l'emploi. Nous recommandons que le gouvernement affecte une partie du montant de 1,9 milliard de dollars qui sera débloqué du Trésor aux initiatives d'emploi et de formation destinées aux immigrants.

Je cède maintenant la parole à Harpreet.

Mme Harpreet Bachra (membre, Affiliation of Multicultural Societies and Service Agencies of British Columbia): Merci, Holly.

Notre deuxième observation porte sur la suppression des initiatives fédérales relatives à la formation professionnelle. Dans le cadre des mesures de réemploi prévues, le système n'est pas propice au perfectionnement des compétences ou à la formation professionnelle. Depuis toujours, les modèles de formation axée sur les projets et de formation linguistique liée au marché du travail prévoyaient une période prolongée de cours de formation permettant d'acquérir les compétences requises. Les nouvelles mesures semblent supprimer cela en ciblant les personnes qui ont les compétences voulues, sont prêtes à l'emploi et en mesure de se prévaloir elles-mêmes des subventions salariales ciblées.

Bon nombre d'immigrants ont besoin de formation pratique ou de formation professionnelle et de cours de perfectionnement linguistique pour s'adapter à une société axée sur le savoir et la technologie.

Il y a plus de dix ans, le gouvernement fédéral utilisait les subventions salariales, qui ont été supprimées dans le cadre des initiatives de formation professionnelle établies en vertu de la Planification de l'emploi. Des listes noires secrètes d'employeurs ont vu le jour et se sont développées, étant donné qu'un grand nombre d'entre eux utilisaient les subventions et mettaient l'employé à pied une fois la période de subventions terminée. Pour réagir à cette situation, bon nombre de conseillers en emploi ayant recours à la subvention en accordaient une pendant une certaine période pour permettre au client d'être admissible à l'assurance-chômage. Cela a donné lieu à un véritable cercle vicieux.

En ce qui concerne la création d'emplois, nous recommandons la mise en place de programmes qui offrent une formation holistique et prévoient des cours d'acquisition de compétences pour l'avenir, mais non pas pour obtenir un emploi au salaire minimum, ainsi que des programmes d'apprentissage de l'autonomie fonctionnelle, un élément expérience de travail et, dans le cas des immigrants, un cours de perfectionnement linguistique ou un cours de langue répondant aux critères précis d'un emploi.

Nous recommandons également que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file et conclue des ententes fédérales-provinciales au sujet de la formation et de l'adaptation au marché du travail.

Je redonne maintenant la parole à Holly.

Mme Whittleton: Troisièmement, les obstacles d'ordre linguistique et culturel. La réduction des bureaux qui offrent un service complet grâce à la transformation des Centres d'emploi du Canada en centres de ressources humaines et en kiosques, les systèmes informatifs interactifs, limitera l'accès des immigrants à ces services. Nous avons établi qu'il fallait avoir un niveau de connaissance de niveau quatre de l'anglais ou du français - ou encore un niveau d'examen - pour pouvoir se servir du système informatisé.

Bon nombre de nos clients connaissent à peine l'anglais et ne pourront pas lire ou comprendre les directives données à l'écran. Nous recommandons que le gouvernement fédéral, avant de mettre en oeuvre ces nouvelles initiatives, consulte les organismes de services aux immigrants en vue de tenir compte des problèmes d'ordre culturel et des connaissances linguistiques des nouveaux venus.

Mme Bachra: Notre quatrième point porte sur les travailleurs saisonniers. Le projet de loi C-12 part du principe que les travailleurs canadiens fixent leur propre salaire, leur emploi du temps, tant pour le nombre d'heures que pour le nombre de semaines de travail, et planifient et contrôlent leur mise à pied. Dans la vallée du Fraser et la vallée de l'Okanagan, en Colombie-Britannique, la majorité des travailleurs agricoles et dans les vergers sont des immigrants. Non seulement il leur faut trouver du travail tous les jours ou toutes les semaines, mais en outre le nombre d'heures où ils peuvent travailler dans la journée est limité. Les conditions environnementales, météorologiques et l'éclairage leur imposent le moment où ils peuvent tailler les arbres ou ramasser les fruits. La saison de travail est extrêmement brève pour les travailleurs des vergers, un peu plus longue pour les travailleurs agricoles dans la vallée du Fraser. Les travailleurs agricoles et ceux qui travaillent dans les vergers devront compter sur des conditions maximales de température et de lumière pour accumuler assez d'heures en vue d'être admissibles à l'assurance-emploi.

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Dernièrement, nous avons organisé un groupe de discussion avec des travailleurs agricoles qui suivaient des cours de perfectionnement linguistique dans notre organisme. Lorsque je leur ai demandé ce qu'ils pensaient du passage des semaines aux heures travaillées, ils étaient très enthousiastes au début. Toutefois, une fois confrontés à la réalité, ils se sont dits déçus de voir que même s'ils allaient travailler de 12 à 15 heures un jour où le soleil brille et la température est douce, il ne serait pas dans l'intérêt de l'employeur de compter ces 12 à 15 heures, étant donné les problèmes relatifs aux normes de travail.

La majorité de ces clients ont déclaré qu'ils travaillent en moyenne entre 12 et 13 heures. Le maximum qu'ils peuvent gagner est de 20 à 25$ par jour. Étant donné qu'il s'agit de travail à la pièce, la plupart du temps, lorsque la récolte est modeste, ils ne gagnent que de 5$ à 7$ pour 12 à 13 heures de travail.

Nous recommandons au gouvernement de tenir compte des conditions de travail de ces travailleurs et de ne réduire ni l'accès aux prestations ni le niveau de celles-ci.

Mme Whittleton: Notre cinquième point a trait à l'absence d'un engagement formel en ce qui concerne l'équité en matière d'emploi. Depuis la création des programmes d'emploi et de formation au Canada, on s'est toujours attaché à respecter l'équité en matière d'emploi pour ce qui est des groupes désignés. L'équité en matière d'emploi était un principe tant pour la Planification de l'emploi que pour la Stratégie de mise en valeur de la main-d'oeuvre.

Dans la nouvelle loi sur la formation, il n'est pas fait mention de l'équité en matière d'emploi et, surtout, il n'est pas fait mention des minorités visibles ni des femmes. Nous recommandons au gouvernement fédéral et à Développement des ressources humaines Canada de réaffirmer leur engagement de respecter le principe de l'équité en matière d'emploi dans la nouvelle loi sur la formation et de renforcer les mesures visant au respect des objectifs d'équité.

En outre, nous souhaiterions que vous incorporiez les recommandations de Dorothy Riddle sur la politique visant les groupes désignés dans les mesures concernant Le fonds d'investissement dans les ressources humaines.

Mme Bachra: Notre sixième point est la rentabilité et le taux de succès des programmes de services aux immigrants. Les frais généraux des organismes communautaires sont comparativement inférieurs à ceux des institutions publiques. En outre, nous avons la capacité culturelle et linguistique voulue et offrons des services de soutien, comme les services d'adaptation à l'établissement, des services de consultation aux familles ainsi que des interventions en cas d'incidents critiques. Pour ces raisons, les organismes de services aux immigrants ont un taux de diplomation et d'emploi de nos clients de 85 p. 100.

Le septième point a trait aux congédiements massifs dans le secteur de la formation professionnelle. Le secteur de la formation a subi des congédiements massifs en raison de la suppression de la Formation axée sur les projets, de la Formation linguistique liée au marché du travail et du programme des Personnes fortement défavorisées sur le plan de l'emploi. On estime qu'à Vancouver seulement on a perdu plus de 3 000 emplois dans ce secteur. La perte d'un personnel de programme culturellement et linguistiquement averti a eu un effet majeur sur les ressources humaines dans nos organisations.

Mme Whittleton: Le point huit a trait à l'attribution du financement selon des critères politiques. C'est un objet de grande préoccupation pour les organismes de services aux immigrants en Colombie-Britannique. Un bon nombre de ces organismes redoutent de plus en plus que la retenue par des politiciens de fonds désignés n'ait une incidence sur les programmes offerts aux immigrants. Toute approbation d'un programme au niveau opérationnel de la Planification de l'emploi nécessite l'approbation du député de la circonscription visée. Dans de nombreuses régions de la Colombie-Britannique, l'autorisation du financement est ainsi entravée ou retardée. Il en résulte des retards dans l'exécution des programmes de services aux clients ainsi que des mises à pied.

Voici ce que nous recommandons: à titre de gestionnaires de deniers publics, les organisations de services aux immigrants sont tout à fait en mesure de rendre compte des fonds qui leur sont confiés. Les taux de réussite et la reddition de comptes sont essentiels à l'approbation d'un nouveau programme ou d'un programme existant. Nous estimons que les services locaux de DRHC et les organismes de services aux immigrants ont les compétences voulues pour définir les besoins et les groupes cibles en tenant compte des fonds alloués.

Le neuvième point a trait à la décentralisation du bureau de Vancouver de la Planification de l'emploi. La décentralisation du bureau de Vancouver de la Planification de l'emploi vers trois bureaux de district va porter un dur coup à nos ressources humaines actuelles. À Vancouver, nous pouvions agir en tant que bureau central pour recevoir une information de qualité constante de la part des agents de projets de développement désignés. Les politiques et les procédures sont très claires, et les besoins de nos clients sont établis en fonction d'une très intense consultation. Si l'on procède à la décentralisation de ce bureau, nous devrons communiquer avec trois bureaux de district pour établir ce que nous avons pu établir à partir d'un seul bureau jusqu'à maintenant.

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En outre, nous allons perdre le personnel culturellement et linguistiquement averti de ces trois bureaux. Ce qui nous préoccupe encore, c'est le temps qu'il faudra pour communiquer avec ces trois bureaux pour établir des priorités et des politiques. Ce sera une exigence accrue pour nos ressources humaines déjà réduites.

Nous recommandons que vous envisagiez de réévaluer la fermeture en octobre 1996 du bureau central de Vancouver de la Planification de l'emploi.

Nous concluons ainsi notre exposé. Si vous avez des questions, nous sommes prêtes à y répondre.

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci beaucoup pour votre exposé. Vous aurez constaté que nous avons changé de place. Je suis la vice-présidente, Jean Augustine, et je remplace M. Bevilacqua, qui a dû nous quitter pendant votre exposé. Il m'a demandé de vous présenter ses excuses.

Nous allons maintenant passer aux questions, à commencer par le Bloc québécois. Nous donnerons ensuite la parole au Parti réformiste et aux Libéraux. Pouvez-vous commencer, monsieur Crête?

[Français]

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): La qualité du son a fait que la traduction n'était pas très bonne. Donc, je vais plutôt poser mes questions en fonction du document déposé.

Dans ce document, vous faites allusion aux obstacles linguistiques et culturels liés au système informatique interactif. J'aimerais que vous élaboriez sur les types de problèmes que cet élément va poser à votre clientèle.

[Traduction]

Mme Whittleton: Merci. Nous avons parlé de difficultés linguistiques et culturelles dans le cas des kiosques, ce à quoi, je pense, vous faites allusion. Nous avons différents clients qui sont de nouveaux arrivants; nous en avons qui ne sont pour ainsi dire même pas au niveau de débutant en langue anglaise, qui peuvent avoir besoin de ce service et qui ne seront pas en mesure de comprendre les informations qui leur sont fournies pour s'inscrire au programme au kiosque ou pour comprendre ce qu'on montre à l'écran à ce kiosque. Ce qui nous inquiète, c'est que ces clients qui sont au niveau CLIC trois ou moins ne peuvent pas comprendre ce qu'on attend d'eux quand ils se présentent à ce kiosque.

[Français]

M. Crête: Je ne sais trop si vous considérez que la réforme est, en général, avantageuse pour les clientèles que vous rencontrez ou si vous avez des changements importants à suggérer à la loi. Si c'est le cas, quels sont-ils et quelle forme prendraient-ils?

[Traduction]

Mme Whittleton: Je vais répondre et je donnerai ensuite la parole à Harpreet.

Nous en avons beaucoup discuté. Avant d'entamer les audiences, nous avons discuté d'un appel que j'ai reçu ce matin d'un agent d'un Centre d'emploi du Canada qui nous demandait si nous avions un programme pour les réfugiés parrainés par le gouvernement. Nous avons maintenant un programme pour les personnes qui touchent des prestations d'assistance sociale. Ces personnes doivent avoir reçu des prestations d'assistance sociale pendant une période de sept mois pour avoir droit à une formation provinciale. Nous avons aussi une formation pour les personnes qui touchent des prestations d'assurance-emploi ou qui en ont reçu au cours des trois dernières années.

Il y a tout un ensemble de gens qui se trouvent entre les deux et qui n'ont accès à aucune formation. Pour y avoir droit, il leur faudrait toucher soit l'assistance sociale, soit l'assurance-emploi. C'est le groupe des oubliés. Il nous faut un programme ou des fonds pour que ces personnes... Et je l'ai mentionné dans le document que j'ai présenté, avec MOSAIC, c'est-à-dire mon organisation, qui existe depuis 22 ans... Quand j'ai consulté la base de données, j'ai constaté que plus de 2 100 demandeurs entraient dans cette catégorie. Seulement 400 avaient touché de l'assurance-emploi sur une période de deux ans.

Nous avons toujours eu du mal à attribuer ces places à des prestataires de l'assurance-emploi.

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Mme Bachra: Il en est de même pour notre organisme dans la région de Surrey-Delta. Pour ce qui est des places payées par le Trésor nous avions auparavant des listes d'attente de 20 à30 personnes, tandis que pour ce qui est des places payées par l'assurance-emploi nous devions vraiment travailler très fort pour trouver des preneurs. Nous comprenons donc bien cette inquiétude.

La vice-présidente (Mme Augustine): Je donne maintenant la parole au Parti réformiste.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, madame la présidente.

Comme presque tout le monde ici, je ne doute pas un instant de la valeur des services que des organisations comme la vôtre fournissent. Mais en tant que gardien des deniers publics, nous devons tenir compte du rendement des fonds dépensés, puisque, comme vous le savez, tout dollar qui vous est versé n'est plus disponible pour les soins de santé ni pour les retraités ni pour aucun autre service pourtant très important. Par conséquent, j'aimerais vous demander si vous avez vu l'article paru dans le Globe and Mail pendant la fin de semaine et si vous avez vu l'un ou l'autre des documents qu'a commandés le service de recherche de M. Axworthy au sujet de l'efficacité des programmes que vous appliquez.

Compte tenu des questions soulevées ici, je vous en pose une qui est bien précise. Pouvez-vous nous donner des renseignements sur le nombre de personnes qui ont trouvé de l'emploi après avoir suivi vos programmes, nous dire pendant combien de temps elles ont conservé ces emplois et quel est de façon générale le coût par travailleur qu'on a réussi à placer? Cela nous permettrait dans une certaine mesure de voir si les fonds qui sont dépensés et ceux que vous nous demandez de continuer de vous accorder sont bien utilisés eu égard à d'autres fins pour lesquelles ils pourraient servir et pour lesquelles la demande est très forte.

Mme Whittleton: J'aimerais répondre à cela. J'ai lu les articles du Globe and Mail, et je dois dire qu'en ce qui concerne la rentabilité de nos investissements, les organismes de services aux immigrants sont très rentables pour ce qui est des diplômés de nos cours et du nombre de personnes que nous réussissons à placer. À Vancouver, nous avons environ 85 p. 100 de diplômés et 85 p. 100 de personnes placées par ces services. C'est un excellent résultat.

On mesure l'efficacité du programme au nombre de personnes qui trouvent du travail, et c'est notre responsabilité: il ne s'agit pas simplement d'offrir une formation, mais de s'assurer que ces gens sont employés à long terme. La durée de leur emploi est déterminée par chaque organisation, et nous tenons une base de données à jour en assurant un suivi avec le client. Quant au coût par travailleur placé, si vous considérez le coût d'un programme de formation linguistique sur le marché du travail qui peut prendre jusqu'à 33 semaines, cela représente environ 4 500$. À long terme, si l'on économise ce que ces gens-là vont rendre à la société sous forme d'impôt et de contributions à l'économie, je ne pense pas que 4 500$ soit un investissement exagéré.

Vous devez vous souvenir aussi que la Planification de l'emploi impose des résultats en matière de placement. Si le taux de placement n'atteint pas les objectifs de 75 à 85 p. 100, le programme n'est pas maintenu. Nous sommes donc constamment tenus comptables de nos résultats, puisque nous avons signé un contrat et que nous devons donc nous assurer que nos clients obtiennent un emploi à temps plein.

Mme Bachra: J'aimerais également répondre à cela. Le succès de nos programmes vient du fait que notre personnel travaille avec ces clients, qui sont des immigrants qui ont des diplômes et titres étrangers, afin de les placer dans des domaines aussi proches que possible de leur spécialisation. Nous n'essayons pas de les mettre dans des postes au niveau d'entrée qui ne les satisferont plus après quelque temps et qu'ils abandonneront. Nous essayons dans toute la mesure du possible de les placer là où nous savons qu'ils pourront rester longtemps.

Nous assurons aussi un suivi pendant longtemps avec nos clients. Il ne s'agit pas d'un suivi de trois mois, mais habituellement d'un suivi qui peut se poursuivre jusqu'à deux ou trois ans. Nous avons ainsi avec cela plus de 85 p. 100 de nos clients qui sont placés.

Évidemment, le taux de placement varie selon la durée du programme. Certains programmes ne durent que trois mois et ne coûtent que 1 100 ou 1 000$ par participant. Dans certains cas, ils sont plus longs, de six à huit mois, et le coût total peut aller jusqu'à 4 500$.

M. Grubel: Ce sont des chiffres très impressionnants, et je suis surpris que les cibles que l'on vous donne soient de 35 à 38 p. 100 et que vous atteigniez un taux de succès de 85 p. 100. C'est très impressionnant, si j'ai bien compris les chiffres que vous me donniez.

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Si vous pouvez nous fournir ces chiffres ainsi qu'une description de la méthode que vous utilisez pour les réunir, je crois que le comité sera très heureux de les recevoir. C'est probablement dans votre ordinateur, et si vous pouviez les imprimer pour nous, ce serait très intéressant.

Merci.

La vice-présidente (Mme Augustine): Nous allons passer aux Libéraux, en commençant par M. Easter.

M. Easter (Malpèque): Bienvenue.

Vous avez soulevé un certain nombre de problèmes qui ne sont pas directement liés au projet de loi sur l'assurance-emploi. J'espère qu'ils sont couverts par d'autres aspects du développement des ressources humaines.

J'aimerais vous rappeler une ou deux choses qui me semblent très importantes. D'une part, les participants assurés aux termes du projet de loi sont des gens qui ont été prestataires de l'assurance-chômage au cours des trois dernières années, et cela inclut les immigrants. Ils auront encore accès aux services d'extension et d'emploi, qui représentent une nouvelle option dans le contexte du projet de loi.

Cela dit, une de nos plus grandes préoccupations, c'est d'offrir aux gens une formation et de les mettre sur le marché du travail. Estimez-vous que la partie II du projet de loi, les mesures d'emploi contenues dans ce projet de loi, satisfait vos besoins dans ce domaine?

Enfin - je vais poser toutes mes questions maintenant - vous avez dit tout à l'heure quelque chose qui m'inquiète. Vous avez en effet dit qu'il y avait un problème de répartition politique des fonds - que des politiques bloquaient des budgets. Je viens de la côte est, et je sais que cela ne se fait pas dans notre région. En fait, ce que nous essayons de faire, c'est, dans toute la mesure du possible, d'éviter toute considération politique. De quoi est-il donc question?

Mme Whittleton: Tout d'abord, lorsque nous avons préparé notre exposé, nous savions très bien qu'un client peut bénéficier de l'assurance-emploi sur une période de 36 mois. Ce qui nous inquiète, ce sont ceux qui viennent d'arriver au Canada, qui n'auront pas de droits parce qu'ils n'ont pas d'expérience professionnelle canadienne, qu'ils n'ont pas eu d'emploi au Canada et qu'ils ne parlent pas du tout ou très peu anglais. Ce sont eux qui auront des problèmes.

Nous savons très bien que s'ils ont touché des prestations d'assurance-emploi, il existe des programmes de formation qui leur sont destinés. Toutefois, certaines des mesures qui ont été exposées, les cinq mesures de réemploi prévues dans le Fonds d'investissement dans les ressources humaines, nous inquiètent en effet. Il peut se révéler difficile d'envisager des subventions salariales ciblées. J'ai utilisé cela il y a 10 ou 12 ans pour certains clients et j'ai constaté, comme d'autres, que dès que la subvention prend fin le client disparaît. Je ne peux pas dire que tous les employeurs ont abusé de la situation, mais il y en a certainement qui en ont abusé.

D'autre part, quant au temps de formation nécessaire à un immigrant ou à un réfugié parrainé par le gouvernement, touché par une subvention salariale, l'employeur n'a pas forcément le temps de lui offrir cette formation que nous offrons dans le cadre de nos programmes. Nous pouvons en 30 semaines d'affilée offrir une formation linguistique et une formation professionnelle. L'employeur n'aura pas le temps de faire cela dans le contexte des subventions salariales ciblées.

Pour certains des autres éléments dont nous disposons, comme les prêts et subventions, les partenariats pour la création d'emplois, il y a toujours beaucoup de points d'interrogation quand on ne sait pas dans quelle mesure cela va correspondre aux besoins de nos clients. Il y a des tas de renseignements qui n'ont pas encore été donnés sur la façon dont cela sera appliqué.

À propos de la troisième chose que vous avez soulevée, la répartition politique des fonds, il y a des gens qui se sont employés à bloquer des fonds destinés à des organismes de services aux immigrants. Nous savons que cela s'est produit dans la région de Surrey, en Colombie-Britannique, ainsi que sur la côte Nord et dans beaucoup d'autres régions de la Colombie-Britannique. Ce qui se passe, c'est qu'un programme est approuvé au niveau opérationnel et que lorsqu'il est soumis à l'approbation du député, celui-ci bloque ou retarde les choses.

Nous estimons que cela devrait être le rôle des représentants de Développement des ressources humaines Canada, qui définissent les priorités au palier local, et que nous devrions pouvoir travailler en collaboration avec eux à la définition de ces priorités, car nous savons ce dont ont besoin nos clients. Or, les subventions sont bloquées par d'autres.

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Mme Bachra: Je dirais que la majeure partie de ce blocage se fait lorsque les programmes destinés aux immigrants comportent un élément linguistique ou un élément de formation particulière. Il y a beaucoup d'exemples de ce genre de blocage en Colombie-Britannique.

M. Easter: À ce sujet, s'il y a des députés qui bloquent des programmes que le gouvernement a conçus pour aider les gens et s'il y a des preuves, j'espère que vous pourrez nous fournir ces renseignements, car cela n'est pas acceptable. Cela ne devrait pas se produire.

Je passe à autre chose. Je suis sûr que vous savez que les programmes d'emploi, les stratégies d'emploi à la partie II, seront négociés entre les localités, la province et le gouvernement fédéral. J'espère que vous participerez à cela. Je crois que ce que vous dites à ce sujet est tout à fait légitime.

La vice-présidente (Mme Augustine): Monsieur Allmand.

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Il semble y avoir confusion sur la position de ce groupe. Si j'ai bien compris, il y a quelques années, tous les programmes d'emploi et de formation étaient financés par le ministère de l'Emploi et de l'Immigration à même le Trésor public. Ce projet de loi prévoit un transfert - à vrai dire, une augmentation de 1,9 milliard à 2,7 milliards de dollars - en assujettissant les programmes de formation et d'emploi à la Loi sur l'assurance-chômage. Toutefois, pour avoir accès aux prestations d'emploi prévues à la partie II, vous devez être admissible aux termes de la Loi sur l'assurance-chômage. Vous faites valoir qu'en assujettissant ainsi les programmes d'emploi aux dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage, ceux que vous représentez, les immigrants, qui ne sont pas admissibles à l'assurance-chômage, ne pourront pas se prévaloir des programmes d'emploi prévus à la partie II.

C'est une préoccupation sérieuse. Il y a également les femmes au foyer depuis de nombreuses années qui reviennent sur le marché du travail qui ne sont pas admissibles. Elles ne peuvent se prévaloir de ces programmes.

Donc, plus les programmes de formation et d'emploi sont assujettis aux dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage, plus nous limitons ces programmes à ceux qui ont travaillé. Qu'arrive-t-il alors à ceux que vous représentez?

M. Easter a dit que les ententes avec les provinces permettraient de contourner cette difficulté. Ce n'est pas le cas. Les ententes avec les provinces ne porteront que sur la façon de gérer le programme à l'intention de ceux qui y ont droit. Ainsi, d'une façon ou d'une autre, il faudra nous assurer que ces personnes sont admissibles à d'autres programmes...

Dans la région de Vancouver, selon votre évaluation, combien y a-t-il d'immigrants et de femmes au foyer, qui cherchent de l'aide pour obtenir une formation ou un emploi, qui ne sont pas admissibles aux termes de la Loi sur l'assurance-chômage?

Mme Whittleton: En ce qui concerne le nombre, tout dépend du nombre de nouveaux venus au pays. Nous pourrions trouver ces chiffres dans notre base de données, si cela vous intéresse.

M. Allmand: Environ combien?

Mme Whittleton: Il y en aura des milliers. J'ai constaté que sur 2 100 personnes, sur une période de deux ans, financées à même le Trésor public, il n'y en avait que 400 qui étaient admissibles à l'assurance-emploi.

Qu'arrivera-t-il à ceux qui n'ont pas travaillé au cours d'une période de 36 mois? Eh bien, probablement que ces personnes se retrouveront à l'assistance sociale. Si elles ne peuvent bénéficier de programmes de formation, si elles ont peu ou pas d'expérience de travail au Canada, si elles parlent peu ou pas l'anglais, elles doivent pouvoir s'inscrire à un programme pour franchir la première étape. Si elles ne la franchissent pas elles ne pourront pas se lancer sur le marché du travail; elles n'ont aucune économie, souvent elles viennent de pays pauvres, et donc ces personnes se retrouveront probablement à l'assistance sociale et devront attendre sept mois avant de pouvoir participer à un programme de formation.

Si nous n'intervenons pas au début, cela peut devenir un mode de vie qui se transmet d'une génération à l'autre. Je ne sais pas. Vers qui ces personnes pourront-elles se tourner, sinon vers l'assistance sociale? Je suis persuadée que la province ne voudra pas entendre parler de cela maintenant, mais où s'adresseront l'ensemble de ces personnes s'il n'y a pas de programmes de formation, si elles ne peuvent obtenir la formation linguistique qu'il leur faut, ainsi que la formation professionnelle?

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci beaucoup. Votre exposé nous a donné beaucoup de matière à réflexion. Si vous pouvez faire parvenir au greffier l'information promise, nous serons heureux de la distribuer aux membres du comité.

Avant d'entendre nos intervenants suivants, nous allons nous arrêter pendant deux ou trois minutes.

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La vice-présidente (Mme Augustine): Nous reprenons nos travaux.

Monsieur Lippert, le Comité permanent du développement des ressources humaines vous accorde une demi-heure. Vous avez quelques minutes pour nous faire un exposé, et ensuite nous ferons un tour de table pour vous poser des questions.

M. Owen Lippert (analyste principal en matière de politiques, Institut Fraser): En venant ici ce matin je lisais mon horoscope - je suis Vierge - qui disait: «Vous allez avoir la chance de vous attaquer à un problème financier ou commercial de longue date qui vous préoccupe. Il n'en tient qu'à vous de saisir l'occasion qui s'offre. Si vous nous le faites pas, il vous faudra attendre très longtemps avant que cette chance ne se représente.» J'espère que vous êtes tous nés au mois de septembre comme moi.

La vice-présidente (Mme Augustine): Je suis Vierge aussi, et il y a une autre Vierge ici à la table, Warren Allmand. Nous partageons donc cette caractéristique avec vous.

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M. Allmand: Les gens brillants.

La vice-présidente (Mme Augustine): C'est quelque chose que nous avons en commun.

M. Allmand: J'ai tout mon temps pour vous écouter; allez-y.

M. Lippert: Le gouvernement canadien consacre beaucoup d'argent aux Canadiens qui intègrent ou qui quittent le marché du travail: environ 50 milliards de dollars. Comme vous le savez, l'assurance-chômage constitue la plus grande composante de cette somme, soit environ 20 milliards de dollars; il y a donc lieu de se demander si, en fait, nous en avons pour notre argent. Quand on songe que le taux de chômage au Canada est supérieur à 10 p. 100, que nous sommes confrontés à toute une gamme d'autres problèmes sociaux et économiques, il y a lieu de se demander si cet argent est utilisé comme il se doit.

Au cours de mon exposé, je vous présenterai quelques suggestions. Tout d'abord, transformons l'assurance-chômage en pur régime d'assurance, et non pas en politique fédérale de soutien du revenu. Si ce n'est pas possible, et si nécessaire, remettons l'assurance-chômage aux provinces pour la confondre avec les autres charges sociales, comme l'assurance-invalidité. Quoi qu'il en soit, Ottawa devrait abandonner sa position actuelle et assumer le rôle de réassureur pour aider ainsi les Canadiens à traverser les crises imprévues du marché de l'emploi.

Il est à noter, lorsque nous disons qu'il faut transformer l'assurance-chômage en régime d'assurance, qu'au départ le programme d'assurance-chômage au Canada était un régime d'assurance. Grâce à la documentation, je suis persuadé que vous connaissez l'historique du projet de loi de 1935 et de celui qui a fini par être adopté pour devenir la Loi sur l'assurance-chômage de 1940. Le tout a commencé par un programme d'assurance. Toutefois, au fil des années, le programme s'est transformé en autre chose. En fait, tous les comités qui se sont penchés sur l'assurance-chômage ont repris le même refrain, à savoir qu'en tentant de jouer le rôle de politique de soutien du revenu et celui de régime d'assurance le programme d'assurance-chômage ne répondait pas aux attentes ni sous une forme ni sous l'autre.

Je regrette, mais il y a quelques questions qu'il nous faut explorer si nous voulons répondre à la question de savoir pourquoi il n'y a pas de régime privé d'assurance-chômage. Deux concepts en sont responsables: le risque subjectif et l'antisélection.

Le risque subjectif signifie que si vous vous assurez contre un péril, les risques sont plus élevés que l'événement se produira en fait parce que vous n'en assumez pas le plein risque. Cela explique pourquoi il y a un plus grand nombre de restaurants assurés qui passent au feu.

L'antisélection signifie simplement que devant l'offre d'une police d'assurance, ce sont les personnes qui en auront fort probablement le plus besoin qui la souscrivent, alors que les personnes qui ne croient pas en avoir besoin ne sont pas intéressées.

Il y a plusieurs façons de faire face et au risque subjectif et à l'antisélection. Dans le cas du risque subjectif, on pourrait proposer des options de coassurance, y compris une franchise et un remplacement du revenu inférieur à 100 p. 100, qui en fait existe déjà maintenant dans l'assurance-chômage. On pourrait inclure un facteur d'expérience, un peu comme dans l'assurance-automobile, où les taux d'assurance dépendent de votre dossier de conducteur. Dans ce cas-ci, vos cotisations d'assurance-chômage seraient fondées sur vos antécédents de travail. On retrouve vaguement quelque chose de ce genre dans le projet de loi, mais, pour plusieurs raisons, ce qui y est proposé est clairement inadéquat. Nous pourrons peut-être y revenir plus tard. Ensuite, évidemment, vous pouvez exiger que les prestataires cherchent activement du travail et acceptent l'emploi qui leur est offert.

En ce qui concerne l'antisélection, on peut la rendre obligatoire, comme le fait l'assurance-chômage, encore que dans ce cas des groupes de tous acabits ne manqueront pas de s'en plaindre en disant que l'assurance-chômage n'est plus totalement obligatoire, si bien que certaines personnes vont s'en trouver écartées par souci d'économie.

.1630

Ensuite, si l'on fait de l'assurance-chômage un véritable régime d'assurance, il va falloir trouver un ensemble de principes d'assurance qui lui conviennent.

Je voudrais très brièvement citer l'un de vos prédécesseurs, le comité de l'assurance-chômage de 1962, qui a donné une bonne indication de ce que devrait être l'assurance:

Pour qu'un régime d'assurance-chômage soit un véritable régime d'assurance, on en déduit que (1) la personne assurée ne peut avoir un intérêt assurable que si elle risque de perdre un élément représentant une valeur réelle, et que (2) il doit être facile de vérifier si l'éventualité s'est effectivement produite, et le fardeau de la preuve doit être énoncé dans le contrat d'assurance.

En ce qui concerne la première exigence, dans le régime d'assurance-chômage l'éventualité correspond à la perte d'emploi, et donc de revenu. Une personne qui n'a pas véritablement eu d'emploi assurable sur une période récente n'a pas de véritable valeur à perdre à cet égard et n'a donc pas d'intérêts assurables. Pour la deuxième exigence, il doit être possible de déterminer quand la personne assurée a eu un emploi et si elle répond aux conditions minimales d'obtention des prestations.

D'après les changements que vous proposez, vous semblez vouloir revenir sur ces principes d'assurance, mais à mon avis vous n'allez pas assez loin, compte tenu notamment de la nature même du programme d'assurance-chômage. Au cours de ses 55 ans d'existence, il a fait l'objet de pressions politiques, sans doute bien intentionnées, mais qui visaient non pas la gestion d'un programme d'assurance, mais plutôt les possibilités de péréquation et de redistribution offertes par les montants considérables que l'on prélevait sur les chèques de paye des employés.

On a donc vu apparaître des écarts régionaux, et on a ajouté toutes sortes d'autres éléments au régime d'assurance-chômage pour essayer de tirer parti de cet argent et pour l'utiliser à des fins autres que la protection contre le chômage.

Ce sont les pressions politiques exercées sur le fonds de l'assurance-chômage qui sont à l'origine de la situation actuelle.

On reconnaît désormais que les cotisations sont trop élevées et qu'il existe effectivement des groupes de Canadiens qui misent trop sur l'assurance-chômage, la situation la plus flagrante à cet égard étant sans doute celle de Terre-Neuve.

Personne n'a quoi que ce soit à gagner dans une situation où la moitié des Terre-Neuviens de 19 ans sont au chômage, bénéficient de l'assurance-chômage ou essayent d'en bénéficier. Une telle situation n'est pas souhaitable, pas plus d'un point de vue économique que social.

Il existe un certain nombre de possibilités. On peut commencer par comparer la solution canadienne à celle des États-Unis. Si l'on compare le Canada et les États-Unis, on fait très vite un certain nombre de constatations.

Tout d'abord, le Canada, dont la population active représente un onzième de celle des États-Unis, consacre près de 70 p. 100 de plus que les États-Unis aux prestations de chômage.

Cela n'a pas toujours été le cas. Avant les changements majeurs apportés à l'assurance-chômage, les deux pays consacraient environ 0,9 p. 100 de leur produit intérieur brut aux prestations de chômage.

Imaginons qu'on ne puisse pas obtenir les statistiques du chômage au Canada. On pourrait raisonnablement faire une extrapolation à partir des données américaines et constater, une fois qu'on aurait les statistiques canadiennes, qu'elles sont en fait assez semblables.

.1635

À partir de 1971, on constate une différence. Les chiffres canadiens commencent à augmenter, et le chômage est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Plusieurs professeurs se sont penchés sur ce problème, comme Craig Riddell, de l'Université de la Colombie-Britannique, de même que le député Herb Grubel, ainsi que mon propre employeur, Mike Walker, de l'Institut Fraser.

Tout d'abord, si l'on considère l'admissibilité et la conception générale du programme, on voit qu'effectivement l'admissibilité est plus généreuse, mais cela n'explique pas tout. On constate deux différences essentielles dans la conception des régimes canadien et américain. Tout d'abord, aux États-Unis, les programmes sont gérés par les États. Deuxièmement, ils ont recours à la fixation de taux particuliers. J'ai fait tout à l'heure un parallèle avec l'assurance-automobile. Aux États-Unis, la fréquence d'utilisation de l'assurance-chômage a une incidence sur les montants de la cotisation à payer.

Si l'on envisage une véritable refonte de l'assurance-chômage, plutôt qu'un remaniement superficiel qui resterait dans l'histoire du gouvernement canadien comme la preuve qu'on a étudié ce programme sans le modifier véritablement, il va falloir envisager un ensemble de mesures radicales. À mon avis, l'une des mesures que vous pourriez prendre consisterait à intégrer l'assurance-chômage à la sphère de compétence des provinces, ce qui leur permettrait de l'harmoniser avec leur régime d'indemnisation des travailleurs.

Sans être irréalisable, une telle mesure pose quand même certains problèmes. Tout d'abord, la loi de 1940 sur l'assurance-chômage a nécessité une modification de la Constitution, car jusqu'alors l'assurance-chômage relevait de la responsabilité des provinces. En fait, c'est sans doute la seule chose qu'on ait pu changer dans la Constitution.

L'autre problème, me direz-vous, c'est qu'une telle formule va se traduire par des niveaux de couverture différents d'une province à une autre. C'est effectivement une possibilité, mais qui serait conforme aux conditions locales; il se pourrait même qu'on puisse mettre ainsi un terme à la situation actuelle, où les provinces sont en concurrence pour l'obtention de l'argent de l'assurance-chômage, sous prétexte de provincialisation de la formation professionnelle, afin de satisfaire toutes sortes d'intérêts différents, pour la plupart de nature politique, à mon avis.

Sur la question de la formation, je voudrais attirer votre attention sur le dernier numéro de la revue The Economist, qui prouve de façon très convaincante que la formation professionnelle n'est pas la panacée en matière d'emploi.

Donc, si l'on confie la gestion de ce fonds aux provinces, elles devraient avoir moins tendance à «aller se servir», car si elles se «servent», elles devront payer une pénalité, ce qui aura un effet dissuasif pour les autres provinces. Peut-être n'êtes-vous pas prêts à considérer cette formule comme une véritable option, même si, du point de vue de l'efficacité, c'en est une.

Si vous n'êtes pas prêts à la considérer comme telle, je vous recommande de vous efforcer d'intégrer les principes de l'assurance au régime d'assurance-chômage, ou au régime d'«assurance-emploi» - la formule peut paraître contradictoire, puisqu'on ne s'assure pas contre la possibilité d'un emploi, mais elle doit faire appel à d'autres considérations - et de voir à ce que le montant et la durée des prestations soient proportionnels au montant de la cotisation, et que cette dernière soit soumise à des taux particuliers. En outre, vous devrez veiller à l'intégrité du régime, car pour qu'il conserve une portée fédérale ou nationale, il doit être doté d'une intégrité qui force le respect des Canadiens, au lieu d'être considéré comme une façon commode d'aller chercher des prestations qui n'ont rien à voir avec l'emploi ou la perte d'emploi.

J'ai probablement étoffé autant que je le pouvais. Pour terminer, je dois dire qu'il ne s'agit pas ici d'une question très complexe. C'est tout simplement une question d'assurance. Mais, comme l'a si bien dit l'un des fondateurs de l'Institut Fraser, la simplicité se complique du fait qu'il n'est pas si simple de la reconnaître lorsqu'on l'a devant soi.

Merci beaucoup.

.1640

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci beaucoup de votre exposé.

M. Grubel a dit qu'il ne vous reconnaissait pas.

Nous passons maintenant à un tour de questions. Commençons par le Parti réformiste. Ensuite nous passerons au Bloc, puis aux Libéraux.

M. Johnston (Wetaskiwin): Vous dites souhaiter que l'assurance-emploi ou l'assurance-chômage en tant que véritable régime d'assurance relève des provinces. Comment réagiraient les provinces à une telle proposition, d'après vous?

Également, que pensez-vous de l'idée d'un compte à l'abri de l'impôt, analogue à un compte REER, où on pourrait puiser en période de chômage?

M. Lippert: Votre deuxième question est plus intéressante que la première. En réalité, elle est fort intéressante, mais je dois tout d'abord répondre à la première.

À l'heure actuelle, les provinces sont impatientes de voir le gouvernement fédéral se retirer de la formation professionnelle. Est-ce parce que les provinces ont un amour inhérent de la formation professionnelle? Non. C'est qu'elles souhaitent faire main basse sur les fonds d'assurance-chômage qui sont consacrés à la formation professionnelle à l'heure actuelle. Le gouvernement fédéral s'est montré réticent à donner aux provinces l'occasion de le faire. Voilà pourquoi, en dépit de promesses répétées, le Québec et le gouvernement fédéral n'en sont pas encore arrivés à une entente en matière de formation professionnelle. Le gouvernement fédéral est bien prêt à transférer les responsabilités, mais il ne veut pas renoncer à l'argent. De son côté, la province de Québec est prête à assumer les responsabilités, mais elle veut surtout l'argent qui va avec.

Si cela arrive, je suppose que les provinces, sauf peut-être certaines des plus petites, assumeront leurs nouvelles responsabilités avec enthousiasme et, bien entendu, elles devront se discipliner - s'il s'agit d'un programme d'assurance - du fait qu'elles ne pourront pas faire ce qu'elles veulent avec l'argent.

Je pense donc que les provinces seraient favorables au départ et y réfléchiraient par la suite. Il faut ajouter que la fusion avec le programme d'indemnisation des accidents du travail donnerait lieu à des gains d'efficacité.

Pour ce qui est de votre deuxième idée, ce serait l'aboutissement le plus logique. Passons par-dessus les provinces et allons directement au travailleur. Que ce dernier mette sur pied son propre programme d'épargne en prévision du chômage. Si le gouvernement fédéral ou provincial était disposé à cotiser à un tel régime enregistré, alors il serait possible de prendre une décision.

On pourrait juger valable que tout Canadien mérite qu'on verse tel ou tel montant à son compte en prévision d'une période difficile. L'idée mérite qu'on l'approfondisse.

Par contre, un tel régime ne serait pas géré par le gouvernement. Le régime pourrait être obligatoire et comporter une cotisation gouvernementale, mais il pourrait être administré par le secteur privé, et ce serait vraisemblablement la façon la plus efficace de le faire.

Mais on pourrait aboutir à ce même problème de mauvais ciblage qui existait auparavant, à savoir que ceux qui n'en ont pas besoin n'y participeront pas et que ceux qui s'en serviront seront ceux qui s'en serviront le plus. Toujours est-il qu'il s'agit d'une bonne idée, qui mérite d'être approfondie.

La vice-présidente (Mme Augustine): Nous avons quatre questions des Libéraux. Je vous demande de poser des questions très succinctes, et je demanderais également à ceux qui répondent de faire preuve de concision, de manière à ce que nous puissions terminer en sept minutes.

Monsieur Scott.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): J'aimerais approfondir votre hypothèse selon laquelle la réforme de l'assurance-chômage doit nécessairement passer par un retour aux intentions de départ plutôt que correspondre aux nouvelles réalités du marché du travail au Canada, et le fait également que vous semblez dire que si nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec votre objectif, c'est que nous ne sommes pas prêts à reconnaître qu'il existe une solution fort simple.

.1645

Il me semble, en fin de compte - c'est tout au moins une possibilité que je vous propose - que lorsque le programme d'assurance-chômage a été conçu, on voyait le chômage comme un problème cyclique, et il s'agissait essentiellement de gagner du temps pour permettre à la plupart des gens de revenir sur le marché du travail à la faveur d'une reprise économique. Il s'agissait tout simplement d'assurer les gens par rapport à ce genre de situation.

Je viens de la région de l'Atlantique. Bon nombre d'entre nous se rendent compte que, dans bien des cas, le chômage est d'ordre structurel et exige donc une solution du même ordre. Nous avons donc accepté le fait qu'il n'est pas suffisant de gagner du temps tout simplement en fournissant un revenu aux gens pendant qu'ils attendent la reprise de l'économie, en supposant qu'ils vont être réembauchés. Il faut des mesures plus actives.

Je me demande pourquoi il faudrait, conformément à vos attentes, faire en sorte que la réforme de l'assurance-chômage s'inspire de ce qui se passait il y a bon nombre d'années pour être pertinente par rapport aux conditions actuelles du marché du travail et pourquoi elle ne devrait pas être réformée pour tenir compte de tels changements. Il faudrait ainsi reconnaître que le chômage n'est pas cyclique et qu'il faut des mesures actives pour que les gens puissent trouver des emplois. C'est pour cela qu'on parle désormais d'assurance-emploi, et non plus d'assurance-chômage, et non pas pour les motifs inavoués que vous semblez nous prêter.

M. Lippert: Je répondrais tout d'abord que l'assurance-chômage ou, si vous voulez, l'assurance-emploi, selon la nouvelle appellation, doit avoir un effet nul sur l'emploi. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. D'après les données actuelles, il semble qu'elle contribue au chômage, puisque les gens modifient leur comportement de manière à recevoir des prestations. Nous avons devant nous aujourd'hui toute une génération de personnes qui ont modifié leur comportement pour recevoir des prestations.

Voilà un aspect. À partir de cela, pour ce qui est de dire que le chômage constitue un problème, non pas cyclique, mais structurel, j'estime que s'il s'agit d'un problème d'ordre structurel, c'est largement parce qu'on a créé des raisons d'ordre structurel, on a vicié la structure, devrais-je dire, de telle sorte que les gens ne sont pas disposés à faire tous les efforts voulus pour trouver du travail.

Prenons, par exemple, votre région du pays: les Maritimes. Il y a, dans les Maritimes, un problème de pauvreté. C'est évident. Personne ne dira le contraire. Je dirais peut-être pour ma part que c'est parce que certaines mesures d'incitation ont des effets pervers. D'autres auraient peut-être d'autres explications à fournir. D'une manière ou d'une autre, je crois qu'il vaut mieux traiter le phénomène de la pauvreté dans les Maritimes comme étant une question distincte, et mettre en oeuvre toute politique pertinente à cet égard, mais ne pas confondre cette question avec celle de l'assurance-chômage. Or, on pose le problème de toutes ces difficultés que connaissent les Maritimes pour passer ensuite à une solution d'un autre ordre, à savoir un régime d'assurance-chômage pour l'ensemble du pays qui a des effets pervers.

Je veux bien croire qu'il existe un problème dans les Maritimes. Réglons séparément le problème des Maritimes. Je crois que le problème en est un de transition. Je ne crois pas que les gens des Maritimes souhaitent continuer encore longtemps à être dépendants comme ils le sont à l'heure actuelle. Ils souhaitent prendre les mesures voulues pour assurer la création d'emplois. Il s'agit de trouver les moyens de passer d'une situation à une autre. Pour le moment, toutefois, nous n'allons nulle part. Il faut convaincre les gens qu'il existe un avenir pour eux sur le plan économique, mais cet avenir n'est certainement pas fondé sur des transferts toujours plus considérables du gouvernement fédéral.

M. Scott: Je dois dire que certains collègues que vous connaissez acceptent avec une certaine réticence l'idée que les Maritimes puissent être considérées comme une région distincte. Certains ont peut-être l'impression que cela nous donnerait un statut particulier.

Des voix: Oh, oh!

M. Scott: Les gens des Maritimes me crient après actuellement, en insistant sur le fait qu'ils ont déjà ce statut.

Une brève observation. Lorsque vous dites qu'il devrait y avoir un régime individuel qui assure contre le chômage - et vous mentionnez l'assurance-automobile comme exemple d'assurance pure - si j'assure moi-même mon automobile et que j'aie un accident... J'aime bien la notion du regroupement des risques, en ce qui me concerne. Si je perds ma maison dans un incendie, je n'aurai pas les moyens d'en faire assurer une autre si je dois passer par un régime individuel.

.1650

Je vois d'un mauvais oeil votre suggestion visant l'abandon du principe du regroupement des risques. Vous comprenez sûrement ma position, compte tenu de la région d'où je viens, mais il pourrait y en avoir d'autres qui soient forcés de prélever des prestations d'un régime auquel ils cotisent.

M. Lippert: Je n'ai rien contre la notion de regroupement des risques. Elle est très importante. C'est probablement le fondement de l'argument selon lequel l'assurance-chômage est un bon exemple de risque pouvant être réparti par un organisme public.

Je m'interroge un peu à ce sujet, mais je pense qu'on peut avancer l'argument - certains économistes le font - disant que, compte tenu de la nature du cycle commercial, ce risque doit être partagé.

N'importe quel régime d'assurance se fonde sur une estimation actuarielle du risque regroupé. Ce principe est donc respecté.

M. McCormick (Hastings - Frontenac - Lennox and Addington): Je n'ai également qu'une brève observation à faire. Cette loi touche des gens personnellement. Comment annonceriez-vous au jeune homme de 19 ans à Terre-Neuve que vous refusez de lui donner des chances et qu'en plus vous n'entendez pas partager quoi que ce soit?

Ne croyez-vous pas qu'il est préférable d'offrir des mesures actives plutôt que passives? Ne risquent-elles pas de rapporter plus tard?

En toute déférence, si votre institut se trouvait sur le Rocher, à Terre-Neuve, pourriez-vous aller au travail demain?

M. Lippert: Pour ce qui est de la première question au sujet du jeune homme de 19 ans, vous l'incitez maintenant à ne pas chercher, en plus de tous les autres problèmes qui existent déjà. C'est se montrer pour le moins négligent que de donner un avantage à court terme à ce jeune homme de 19 ans pour l'entraîner dans un régime qui lui fera perdre ses chances à long terme.

Pour ce qui est des mesures actives, il y en a qui sont effectivement possibles. Cependant, selon The Economist et d'autres sources, ces programmes de formation uniquement pour la forme ne donnent jamais de bons résultats, ou du moins ne sont jamais efficaces par rapport au coût.

Pour vous dire la franche vérité, si j'avais un jeune homme de 19 ans de Terre-Neuve devant moi, je lui dirais d'essayer de se trouver du travail chez lui, près de sa famille, ou, à défaut de quoi, de chercher ailleurs, comme beaucoup d'autres l'ont fait.

Cette suggestion peut sembler cruelle. Je sais à quel point il est difficile pour les gens de se déplacer, mais il y en a qui le font pour se donner des chances.

C'est plus souvent pour des raisons politiques que pour des raisons économiques que les gens refusent de chercher ailleurs.

Serais-je prêt à déménager pour pouvoir travailler? Certainement.

La vice-présidente (Mme Augustine): Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Monsieur Lippert, ma première observation - j'aimerais savoir ce que vous en pensez - c'est que le projet de loi prévoit que ceux qui se rendent admissibles pour la première fois et ceux qui redeviennent membres de la population active devront être prêts à travailler pendant beaucoup plus d'heures, presque le double. Cette exigence devrait répondre à votre préoccupation au sujet de l'admissibilité au régime pour les jeunes de 19 ans de Terre-Neuve et des autres provinces de l'Atlantique.

Je songe également à la situation des personnes de 50 ou 55 ans qui ont travaillé toute leur vie comme journalier ou pêcheur. Vous dites aux jeunes - et aux moins jeunes, dans ce cas - d'aller vers l'Ouest. Je me demande ce que vous conseilleriez à un pêcheur qui aurait une 4e année, par exemple, pour qu'il acquière les aptitudes nécessaires en vue de s'intégrer à la nouvelle économie en Colombie-Britannique, en Alberta ou ailleurs. Comment devrions-nous traiter son cas? Deuxièmement, croyez-vous que rendre l'admissibilité deux fois plus difficile pour ceux qui se présentent la première fois et ceux qui redeviennent membres de la population active crée un obstacle important à la participation au régime, un obstacle suffisant à vos yeux?

La vice-présidente (Mme Augustine): C'est toute une question, mais j'espère que la réponse sera brève.

.1655

M. Lippert: Brièvement, oui, j'ai examiné la recommandation à laquelle vous faites allusion. Mon impression a été qu'on commence à comprendre la situation. On met en place des règles qui, sans pénaliser les réitérants, ont de bonnes chances de les répartir dans le temps.

En examinant les détails de la recommandation, cependant, je me suis aperçu que, d'abord, ces dispositions n'entreraient pas en vigueur avant un certain temps. Le compte des 260 semaines, par exemple, ne remonte pas plus loin qu'à juillet 1995. Également, la formule d'indexation du revenu signifie que pour bien des réitérants qui ont un enfant ou dont le revenu chute sous les 30 p. 100 ces dispositions ne s'appliquent pas.

À première vue, la règle semble stricte. Mais un examen minutieux révèle autre chose. Je soupçonne que dans la pratique elle ne sera jamais appliquée, sauf dans les très rares cas où il s'agira de célibataires riches qui seront comme par hasard des usagers chroniques de l'assurance-chômage, ce qui ne semble pas tellement possible de toute façon.

Pour ce qui est des gens plus âgés, je ne sous-estime pas l'expérience que quelqu'un peut acquérir pendant toute une vie de travail. Ces gens ont fait beaucoup d'efforts et se sont probablement tirés d'affaire. Le fait qu'ils aient 50 ans n'est pas nécessairement un désavantage. En réalité, une personne de 50 ans est probablement beaucoup mieux placée, tant sur le plan émotif que sur le plan des compétences - ces compétences peuvent inclure la facilité à s'entendre avec ses collègues, à travailler pour un patron et à travailler fort - pour faire les choix difficiles, mais nécessaires.

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci. Monsieur Allmand.

M. Allmand: Je n'ai pas très bien compris votre position en ce qui concerne la formation. En réponse à une question antérieure, vous avez indiqué que les provinces seraient intéressées à prendre l'assurance-chômage en charge parce qu'elles auraient ainsi accès aux fonds prévus pour la formation.

Si, comme vous semblez le proposer, vous revenez aux principes de l'assurance pure pour l'assurance-chômage, vous n'aurez rien pour la formation; le régime ne ferait que fournir un revenu en période de chômage; les dépenses pour la formation devraient être assumées par le Trésor.

Convenez-vous qu'avec un régime d'assurance pure pour l'assurance-chômage - soit dit en passant, le régime initial mis en place dans les années 40 était un régime d'assurance pure et l'est resté jusque dans les années 60; les autres mesures se sont rajoutées par la suite - il n'y aurait pas de formation? Ce serait le résultat.

M. Lippert: Oui. Je pense que le régime d'assurance-chômage devrait être uniquement un régime d'assurance. De la façon dont je vois les choses, les modifications qui ont fait la différence sont survenues en 1971.

Il reste que les provinces seraient tentées. Si elles mettaient la main sur le régime, elles seraient tentées d'en supprimer la formation. Je ne les encouragerais pas à le faire. La réalité politique les empêcherait sans doute de supprimer immédiatement la formation; elles pourraient continuer de faire comme le gouvernement fédéral et financer la formation à même le régime.

Je conviens que ce serait une erreur de supprimer la formation, mais je pense que l'intérêt actuel des provinces pour la formation professionnelle dans le cadre de l'assurance-chômage tient justement à leur désir d'avoir accès aux fonds. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il serait difficile de maintenir les provinces au pas, mais le succès que certaines d'entre elles obtiendraient en matière de formation forcerait les autres à bien se comporter.

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci beaucoup de votre témoignage. Je m'excuse de vous avoir demandé des réponses brèves, mais en une demi-heure je n'avais pas le choix. Nous vous sommes reconnaissants et vous disons au revoir. Merci encore une fois.

M. Lippert: Merci beaucoup, madame la présidente.

.1700

La vice-présidente (Mme Augustine): Nous vous souhaitons la bienvenue au Comité permanent du développement des ressources humaines. Je suis Jean Augustine, vice-présidente. Nous recevons aujourd'hui le Business Council of British Columbia, qui est représenté par M. Tim McEwan.

Bienvenue au comité; je vais vous demander de nous présenter ceux qui vous accompagnent.

M. Jock A. Finlayson (vice-président, Politique et Analyse, Business Council of British Columbia): Merci, madame la présidente. Je suis Jock Finlayson, et je suis vice-président du Business Council of British Columbia. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Gary Johncox, vice-président, Ressources humaines, pour la compagnie MacMillan Bloedel Limited et membre du groupe consultatif sur les relations avec les employés du Business Council, de mon collègue,M. Doug Alley, vice-président des Ressources humaines au Business Council of British Columbia, et, enfin, de M. Tim McEwan, analyste des politiques dans les secteurs du marché du travail et des ressources humaines. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté de nous entendre grâce aux merveilles de la technologie moderne.

Je vais passer en revue très rapidement, en une dizaine de minutes, nos observations sur le projet de loi C-12. Ensuite, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions et à celles des autres membres du comité.

Pour vous donner une idée, le Business Council est une association industrielle qui représente environ 150 grosses et moyennes entreprises en Colombie-Britannique. Nos membres viennent de tous les secteurs de l'économie provinciale, notamment la foresterie, le secteur manufacturier, la construction, le commerce de détail, l'énergie, le pétrole et le gaz, les services financiers, les télécommunications et les produits chimiques. Au total, les compagnies et associations membres représentées au Business Council emploient approximativement le quart des employés rémunérés de la Colombie-Britannique.

Très rapidement, le Business Council est d'accord avec les principes établis par le gouvernement dans le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada. Notre organisation souhaite le maintien d'un régime d'assurance-chômage national fort dont les objectifs clés sont d'offrir une source de revenu temporaire aux gens qui se retrouvent sans emploi sans l'avoir prévu.

Nous pensons également que le régime devrait jouer un rôle en ce qui concerne les Canadiens au chômage qui ont besoin de perfectionner leurs compétences ou qui ont besoin d'un autre type d'aide lorsque le marché du travail subit des changements.

Depuis son adoption en 1940, la loi sur l'assurance-chômage a subi des changements considérables. Dans l'ensemble, la plupart des changements, surtout depuis les années soixante, se sont écartés d'un régime destiné exclusivement à offrir une source de revenu temporaire aux chômeurs. Toute une série d'objectifs supplémentaires sont venus se greffer sur ce programme.

.1705

Avec le temps, ces changements ont eu des effets regrettables sur l'économie canadienne. Ils ont découragé certaines personnes d'accepter le travail qu'on leur offrait; ils ont multiplié les obstacles à la mobilité de la main-d'oeuvre canadienne dans l'économie nationale; ils ont trop facilement permis à certains employeurs d'utiliser les mises à pied comme outil de gestion des ressources humaines et, enfin, ils ont encouragé le travail à court terme et encouragé beaucoup de gens à recourir systématiquement à l'assurance-chômage.

Un grand nombre des problèmes que j'ai cités viennent du fait que les gouvernements passés ont eu tendance à utiliser le régime d'assurance-chômage pour atteindre toute une série d'objectifs sociaux et économiques qui ne devraient pas occuper une place importante dans un régime d'assurance-chômage.

Pour nous, le projet de loi C-12 est une initiative positive qui devrait donner au Canada un régime d'assurance-chômage plus ponctuel et plus rentable. Toutefois, avant de soumettre ce projet de loi à la Chambre des communes, il nous semble important d'en examiner attentivement certains éléments et certains principes.

Je vais maintenant commenter quatre ou cinq éléments de ce projet de loi. Nos observations sont sélectives et ne portent pas sur toutes les dispositions du projet de loi. En effet, nous allons nous pencher plus particulièrement sur des éléments qui ont une importance clé pour notre organisation.

Premièrement, le passage d'un système fondé sur les semaines de travail à un système fondé sur les heures de travail. À notre avis, il est logique de passer à un système basé sur les heures de travail pour déterminer l'admissibilité. C'est une initiative dont nous félicitons le gouvernement. En effet, cela devrait encourager les gens à travailler tout en réduisant le fardeau administratif associé au système.

Nous sommes en faveur d'un système fondé sur les heures de travail, mais nous sommes en même temps déçus de constater qu'on n'a pas retenu la proposition que nous avions faite au ministre Axworthy lorsqu'il détenait ce portefeuille, proposition approuvée par un grand nombre d'autres groupes d'employeurs au Canada. Je fais allusion en particulier à la notion d'une norme minimale nationale d'admissibilité qui pourrait être de 20 semaines ou 700 heures de travail.

À notre avis, il n'est pas dans l'intérêt public de fonder l'admissibilité aux prestations sur les taux de chômage régionaux, comme ce projet de loi continuera à le faire. Une telle structuration du programme décourage la mobilité et encourage les recours répétés à l'assurance-chômage et déstabilise l'emploi.

D'après les constatations faites au Canada on a lieu de croire que les travailleurs et les employeurs pourraient avec le temps s'adapter à un seuil d'admissibilité uniforme de 20 semaines ou 700 heures.

Nous constatons que le Canada est le seul grand pays industrialisé à avoir conservé dans son système d'assurance-chômage des conditions d'admissibilité variables. Nous encourageons donc le gouvernement à reconsidérer cette question avant d'adopter ce projet de loi.

La deuxième question importante est celle du maximum hebdomadaire de la rémunération assurable. Aux termes du projet de loi C-12, le maximum de la rémunération assurable baissera de 815$ à 750$ par semaine. Cette initiative répond aux préoccupations exprimées par un certain nombre de groupes d'employeurs et autres, qui considèrent que le maximum de la rémunération assurable a eu tendance à augmenter beaucoup plus rapidement que les salaires moyens depuis 10 ou 15 ans. Cette tendance s'est traduite par une augmentation des coûts du programme ce qui fait que le maximum de la rémunération assurable n'est plus compatible avec les échelles salariales et les tendances de l'économie.

Nous approuvons la décision que prend ce projet de loi de réduire le maximum hebdomadaire de la rémunération assurable et nous espérons que cette disposition sera conservée.

Troisième sujet que j'aimerais aborder rapidement, celui de la formule de calcul des prestations et de la durée. Nous approuvons également les changements apportés à la formule de calcul des prestations aux termes de l'article 14 du projet de loi C-12. Cette mesure alignera plus étroitement les prestations sur la rémunération. Dorénavant, les prestations seront fondées sur la rémunération au cours d'une période fixe de 16 à 20 semaines. Nous sommes d'accord avec cette proposition et, là encore, nous félicitons le gouvernement de l'avoir retenue.

Son principal avantage, c'est que plus élevée est la rémunération d'un prestataire pendant la période du calcul, plus ses prestations seront élevées s'il perd son emploi. Autrement dit, cela encouragera les gens à travailler un nombre supplémentaire d'heures ou de semaines ce qui n'est pas toujours le cas avec les règles actuelles.

Le projet de loi entend également ramener la durée maximum des prestations de 50 à45 semaines. Nous sommes également d'accord sur ce point.

Je passe maintenant à la règle dite de l'intensité, un aspect de la loi qui a fait l'objet de nombreuses critiques et observations dans tout le pays. Aux termes du projet de loi, pour chaque période de 20 semaines de prestations touchées au cours des cinq dernières années, un prestataire verra son taux de prestation normal, qui est de 55 p. 100, diminuer jusqu'à ce qu'il ait perdu un maximum de 5 p. 100.

.1710

Si nous avons bien compris cette disposition, cette nouvelle règle de l'intensité devrait servir à réduire la fréquence des demandes. Pour nous, c'est un pas timide dans la bonne direction et nous sommes d'accord avec la règle de l'intensité qui figure dans le projet de loi. En fait, nous aimerions même que cette règle de l'intensité aille en deçà de la limite de 50 p. 100 pour atteindre, peut-être,45 p. 100 du taux de prestations normal.

J'arrive enfin à la question des primes d'assurance-chômage; nous sommes heureux que le gouvernement ait décidé de réduire quelque peu les primes des employeurs et des employés au début de cette année. Dans le cas des employeurs, leurs primes passent de 4,20$ par 100$ de rémunération assurée à 4,13$. Dans le cas des employés, les primes passent de 3$ à 2,95$. Nous constatons également que les cotisants, aux termes du projet de loi C-12, verront leurs coûts réduits grâce aux dispositions de la loi qui prévoient une baisse du maximum de la rémunération assurable.

En raison de cette petite réduction des primes et des changements apportés ces dernières années, on prévoit que le nouveau compte d'assurance-emploi aura un énorme excédent d'environ cinq milliards de dollars d'ici la fin de l'année civile 1996. Nous acceptons l'argument du gouvernement voulant qu'il faut un certain excédent pour ne pas avoir à augmenter le montant des primes advenant une récession. Toutefois, il est difficile de s'entendre sur la taille de cet excédent. Il faut trouver un juste milieu entre l'ampleur de l'excédent dans le compte, d'une part, et l'impact positif des primes d'assurance-chômage moins élevées sur la création d'emplois, d'autre part. Au minimum, nous ne voyons aucune raison qui légitimerait l'accumulation d'un excédent de plus de cinq milliards de dollars dans ce compte.

Nous trouvons généralement que les charges sociales représentent un obstacle majeur à la création d'emplois au Canada. Plusieurs études universitaires l'ont d'ailleurs démontré, tout comme l'a fait la Banque du Canada dans un rapport l'an dernier. L'étude sur l'emploi de 1994 publiée par l'Organisation de coopération et de développement économique a trouvé qu'il y avait un rapport inverse entre le niveau des charges sociales et les avantages sociaux et le taux de création d'emplois dans les pays industrialisés. Les primes d'assurance-chômage constituent un volet important du total des charges sociales payées au Canada, et nous croyons que le gouvernement devrait saisir chaque occasion pour réduire ce fardeau. Plus précisément, nous préconisons des réductions supplémentaires des primes d'assurance-chômage à partir de 1996.

Enfin, je voudrais dire quelques mots à propos des dispositions sur les prestations d'emploi qui se trouvent dans le projet de loi C-12. Nous approuvons la décision du gouvernement de regrouper la longue liste de programmes d'emploi en cinq nouvelles catégories de prestations d'emploi, à savoir les subventions salariales, les suppléments de revenu, l'aide au travail indépendant, les projets de création d'emplois directs, et enfin le perfectionnement et la formation. Si nos renseignements sont justes, le gouvernement a l'intention de consacrer 800 millions de dollars par année au programme relié à ces prestations d'emploi.

Même si nous voulons qu'on regroupe la multitude de programmes existants, nous doutons de l'efficacité de tous les programmes. D'après notre expérience, les programmes fédéraux de formation et de création d'emplois n'ont pas toujours produit les résultats escomptés. Il y a peut-être toujours le risque de gaspillage de fonds et de résultats médiocres. Dans son rapport l'an dernier, le vérificateur général du Canada écrit que les programmes fédéraux relatifs au marché du travail n'ont pas toujours été rentables. Des évaluations effectuées par le ministère du Développement des ressources humaines en sont venues à des conclusions semblables.

Nous proposons donc une étude plus approfondie de cette question avant de consacrer la somme importante de 800 millions de dollars par année à ces nouveaux programmes de prestation d'emploi. Nous proposons qu'il y ait des projets-pilotes dans plusieurs secteurs afin de déterminer quel genre de programme serait le plus efficace. Le secteur des affaires est généralement d'avis que les initiatives de formation et de perfectionnement, y compris celles visant les chômeurs canadiens, auraient probablement des meilleurs résultats si elles sont étroitement liées aux réalités du milieu de travail. À notre avis, il faudrait mettre l'accent sur les partenariats et le secteur visé, dans la mesure du possible. Nous pensons aussi que le gouvernement devrait se fixer des buts précis pour tous ses programmes de développement de l'emploi et que chaque programme devrait être évalué régulièrement pour voir si les buts fixés sont atteints.

En conclusion, le Business Council partage l'opinion des décideurs fédéraux, à savoir qu'il faut rationaliser le régime d'assurance-chômage, réduire les coûts, améliorer le fonctionnement du marché du travail, améliorer la qualité des services offerts aux Canadiens, et réduire les obstacles actuels à la participation à long terme de la main-d'oeuvre au marché du travail. Nous trouvons donc que le projet de loi C-12 est une bonne initiative. Dans l'ensemble, les réformes proposées encourageront davantage les gens à accepter du travail et à se recycler. En outre, ces réformes devraient décourager de quelque peu les recours répétés à l'assurance-chômage et la dépendance excessive du programme.

.1715

Ceci dit, j'aimerais ajouter que notre enthousiasme pour la mesure législative serait plus grand si les réformes proposées avaient une plus grande portée, mais en général, nous appuyons le projet de loi C-12.

Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de faire des commentaires sur ce projet de loi. Nous serons maintenant heureux de répondre à toutes questions ou observations des membres du comité.

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci. Je vais maintenant demander au Bloc québécois de commencer. M. Crête.

[Français]

M. Crête: À écouter ce mémoire, je n'ai pas l'impression d'apprendre grand-chose de l'histoire. Si on avait eu la situation que vous proposez lors de la récession de 1991-1992, il aurait probablement été nécessaire de mettre des barreaux dans les fenêtres de plusieurs maisons pour que les gens puissent continuer à vivre, à manger et à dormir chez eux. Il faut se souvenir que les programmes sociaux ont été mis en place à la suite d'une grande crise économique, alors qu'il était nécessaire d'avoir des barèmes d'équilibre de l'économie et de faire en sorte qu'on ne se retrouve pas dans une société composée seulement de riches et de pauvres.

Vous dites à la page 2 de votre mémoire que le système actuel aurait encouragé certains travailleurs à demeurer dans des régions with poor long-term economic prospects. J'aimerais vous rappeler que s'il avait fallu évaluer le potentiel économique de plusieurs pays d'Asie il y a cinq ou dix ans, on leur aurait peut-être dit qu'il n'y avait pas d'avenir chez eux; la situation a changé rapidement depuis ce temps.

Qu'est-ce qui autoriserait un gouvernement à déterminer que des régions ont un potentiel économique faible? De quel droit un gouvernement, ou des citoyens à l'intérieur de ce gouvernement, peut-il se permettre ce genre d'estimation? À mon avis, les Canadiens ont été très contents que les Maritimes et l'Est du Québec existent; ils ont longuement profité des ressources naturelles qu'on trouvait à ces endroits. Je suis d'autant plus étonné de la position de la Colombie-Britannique qu'elle a accueilli les assistés sociaux qui venaient par autobus de l'Alberta. Cette province n'a sûrement pas apprécié ce genre de situation.

Alors, dites-moi qui peut décider que des régions à l'intérieur d'un pays ont un potentiel économique faible.

[Traduction]

M. Finlayson: Permettez-moi d'aborder premièrement la question du revenu et de l'égalité. Dans votre question vous faites allusion à l'écart entre riches et pauvres.

Je pense que c'est un problème réel. Je ne crois pas qu'il faille imposer au système d'assurance-chômage la responsabilité politique de faire face à un problème vaste et bien ancré tel que le revenu et de l'égalité. En principe, ce programme doit être fondé sur les principes de l'assurance.

Nous avons beaucoup d'autres programmes au Canada, y compris les transferts de péréquation et un système progressif d'impôt sur le revenu, qui servent à réduire le degré d'inégalité qui existe dans notre société. Selon nous il n'est donc pas très logique de faire de cela l'unique objectif du régime d'assurance-chômage et certainement pas l'objectif principal.

En ce qui concerne la question difficile du développement économique régional, il est clair que dans une société libre, les gens ont le droit de demeurer là où ils veulent, et ce n'est pas le rôle du gouvernement de forcer des gens à déménager ou même à rester. Mais nous tous, en tant qu'individus et en tant qu'entreprises, répondons aux encouragements créés par la politique du gouvernement. Bon nombre de secteurs de la politique officielle au Canada ont encouragé des personnes, nous pensons, à rester dans des régions, dans des secteurs, et aussi à garder des emplois, dans lesquels, peut-être, les perspectives d'emploi à long terme et l'autosuffisance économique ne sont pas tellement bonnes.

Il est difficile de prédire où se produira la croissance dans l'avenir, mais nous savons qu'à long terme, il est bon pour l'économie d'encourager la mobilité des personnes, des capitaux, et des entreprises au sein de l'économie car ainsi des individus iront dans des régions pour poursuivre des carrières et profiter des occasions qui sont les plus logiques pour eux.

À notre avis cette mesure législative est un pas timide dans la bonne voie pour améliorer cela, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous l'appuyons.

Honnêtement, nous ne pensons pas que ce soit une bonne politique pour le gouvernement que d'encourager des personnes à ne pas se déplacer. Le gouvernement ne doit pas les forcer à déménager ou les forcer à changer de profession, mais la politique officielle doit être conçue pour encourager les personnes à faire ce qui est, à la longue, dans leur meilleur intérêt et celui de leur famille. C'est vraiment le critère qu'on devrait appliquer pour évaluer une mesure législative comme celle-ci.

.1720

[Français]

M. Crête: J'ai une question sur la règle d'intensité. Est-ce que votre mémoire ne laisse pas sous-entendre que ceux qui utilisent fréquemment l'assurance-chômage le font de façon volontaire parce qu'ils auraient moins le goût de travailler dans certaines régions du Canada qu'ailleurs?

[Traduction]

M. Finlayson: Pour apaiser toute préoccupation qu'il y aurait à porter un jugement moral sur le comportement des gens, je vais à nouveau revenir sur ce que j'ai dit il y a un moment. Il ne s'agit pas de critiquer ou de louer le comportement individuel, mais simplement de remarquer que les gens répondent de façon rationnelle aux encouragements qui existent pour eux dans leur propre vie, et notamment leur comportement dans le domaine de l'emploi et le marché du travail. Donc je n'insinue pas que les personnes qui utilisent fréquemment et de façon répétée l'assurance-chômage agissent toutes par choix délibéré. Il y a en peut-être certaines qui le font, mais je ne veux pas du tout insinuer que c'est la majorité d'entre elles. Il y a des raisons complexes qui expliquent le recours répété à l'assurance-chômage.

Cependant, si les personnes sont encouragées à rester dans des secteurs, des professions ou des régions où l'emploi est probablement moins stable, alors il s'ensuit, plus ou moins logiquement, qu'il y aura une plus haute fréquence de recours répété à l'assurance-chômage dans cette situation-là.

Donc, nous sommes en faveur de cette règle de l'intensité. C'est un changement relativement mineur au niveau du pourcentage de diminution du taux moyen de prestation. Nous croyons que c'est un pas dans la bonne direction. Nous comprenons qu'il s'agit d'une question délicate et qu'il aurait été difficile au ministre, M. Young, d'aller plus loin que ce qu'il propose dans le projet de loi C-12.

Dans nos commentaires à propos de la règle de l'intensité, nous ne portons pas de jugement moral sur le comportement ou les actes de qui que ce soit.

[Français]

M. Crête: Dois-je comprendre que le gouvernement, selon vous, n'est aucunement tenu d'assurer à des gens la possibilité de vivre dans certaines régions du pays et que vous considérez les humains seulement comme des travailleurs qui ne réagissent qu'à des critères d'ordre purement économique et mathématique?

[Traduction]

M. Finlayson: Cela ne vous surprendra pas si je vous dis que ce n'est pas ainsi que je m'exprimerais.

Tout d'abord, le programme d'assurance-emploi n'est qu'un seul programme dans les 15 à16 milliards de dollars; il est donc très important. Il y a toute une gamme d'autres programmes au niveau fédéral et encore plus au niveau provincial qui offrent des compléments de revenu ou de l'aide à des gens dans toutes sortes de circonstances. Il n'est donc pas très logique, à mon avis, de faire porter la responsabilité première en matière de soutien du revenu au niveau de toute l'économie canadienne, à ce seul programme du gouvernement fédéral visant le marché du travail et qu'on appelle le programme d'assurance-emploi.

Encore une fois, c'est ce qu'il y a de plus logique à long terme. C'est une mesure destinée à changer le système d'assurance-emploi pour les cinq ou dix ou peut-être même 15 prochaines années et c'est dans ce contexte à long terme qu'il faut voir les choses. Les changements ne s'effectueront pas du jour au lendemain.

C'est un projet de loi qui vise à encourager les gens à travailler. Il s'efforce d'encourager un peu plus la main-d'oeuvre à la mobilité. Nous sommes convaincus qu'à long terme, il s'agira là d'une bonne politique gouvernementale. Nous reconnaissons qu'elle va poser quelques problèmes à certains qui se sont habitués à se servir du programme traditionnel, mais nous constatons que bon nombre des changements proposés s'accompliront de façon graduelle. Le projet de loi prévoit la mise en réserve de certains fonds de transition pour en atténuer les effets.

En tout, l'effort nous semble bien équilibré et crédible.

La vice-présidente (Mme Augustine): M. Grubel.

M. Grubel: Je souhaite la bienvenue au Business Council of British Columbia.

J'ai vraiment aimé votre allocution, monsieur Finlayson.

Mon collègue et moi-même, indépendamment l'un de l'autre - nous venons tout juste de comparer nos notes - vous avons entendu dire au tout début que votre conseil est en faveur des programmes de recyclage et d'amélioration des compétences, mais un peu plus loin dans votre allocution, vous avez souligné que ces méthodes ne sont pas tellement efficaces par rapport aux coûts impliqués. Vous pourrez peut-être nous donner des éclaircissements à ce sujet.

.1725

Profitant de ce que la communication est toujours ouverte, je pourrais peut-être vous poser la question suivante. Si vous en aviez le choix, préféreriez-vous que ces programmes de recyclage et d'amélioration des compétences soient gérés par le gouvernement fédéral ou par les provinces, à supposer que le financement demeure le même?

M. Finlayson: À propos des programmes de formation et de développement, monsieur Grubel, nous croyons en général que le projet de loi apporte beaucoup de nouveau dans ce domaine. Nous ne sommes pas vraiment en mesure d'en faire une évaluation définitive. Si l'on se fie au passé, cependant - et c'est pour cela que nous hésitons à croire que beaucoup de ces programmes seront très efficaces - nous savons, dis-je, que les résultats de beaucoup de programmes de formation et de développement d'emploi au niveau fédéral n'ont pas connu un franc succès. Si l'on prend les cinq composantes sous le titre «Prestations d'emploi», dans le projet de loi, nous sommes très sceptiques à propos de la logique en faveur des subventions salariales. Que des projets de création d'emploi directs par le gouvernement fédéral constituent un bon usage des fonds publics, cela nous laisse sceptiques. D'autre part, nous croyons que la composante du projet qui propose un appui financier à la formation et à l'investissement au niveau de l'amélioration de la formation et des compétences semble quand même prometteur.

Nous conseillons donc la prudence avant d'effectuer ces dépenses. Nous avons proposé l'idée de projets pilotes pour tester l'efficacité des programmes avant d'y consacrer d'énormes sommes d'argent. Dans l'ensemble, nous préférons que moins d'argent soit consacré aux prestations d'emploi et qu'on diminue davantage les primes qui découragent la création d'emplois.

Pour ce qui est de la question fédérale-provinciale, nous sommes en train d'étudier tout le sujet de la décentralisation et du partage de pouvoir fédéral-provincial, autrement dit la modernisation de la fédération. Nous ne pouvons pas encore dire quelles seront nos recommandations. Nous voyons certains avantages, je crois, à l'intégration la plus étroite possible des programmes de formation et de perfectionnement, non seulement pour le milieu de travail mais aussi avec la politique et les programmes d'enseignement. Comme ce domaine relève de la compétence provinciale, il se pourrait qu'il y ait un préjugé favorable quant à entreprendre ce genre d'activité au niveau provincial.

M. Grubel: Pour continuer rapidement dans la même veine, êtes-vous d'accord pour dire que la réponse donnée plus tôt par le représentant des groupes de formation d'immigrants était assez incomplète quant à l'évaluation du bien-fondé de ces programmes? Elle semblait dire que 85 des 100 personnes qu'ils forment trouvaient des emplois par la suite. Ne devrait-on pas plutôt se demander quel serait le chiffre, par rapport aux 100, qui auraient trouver un emploi s'ils n'avaient pas participé à ce programme? Il se pourrait que, plutôt que d'en avoir 85 qui se trouvaient un emploi, 80 auraient été employés, et qu'en gros le résultat de toutes ces dépenses n'aurait été qu'une augmentation de cinq personnes employées. Croyez-vous que ce soit la façon d'examiner l'efficacité de ces programmes?

M. Finlayson: Nous n'avons pas eu l'occasion d'entendre l'autre exposé, alors j'hésite à trop en parler. Mais en général, nous sommes d'accord pour dire que c'est plutôt l'effet cumulatif de ces programmes qu'il faut mesurer, et non l'effet global du nombre de personnes qui trouvent un emploi.

Je dirais aussi qu'en examinant un grand nombre d'études entreprises pour évaluer les programmes fédéraux de formation et d'emploi, ainsi que le rapport du vérificateur général de l'an dernier, bien des programmes étudiés n'ont même pas le taux de réussite dont vous parlez - pour ce qui est des programmes d'immigrants, soit 85 p. 100 - si l'on reconnaît qu'à long terme, ce sont vraiment les emplois et les avantages cumulatifs qu'il faut mesurer. Évidemment, il est très difficile de mesurer ce taux de succès dans ces études d'évaluation, mais sur le plan conceptuel, la façon que vous l'avez présenté me semble valable.

M. Grubel: Il est curieux que des études internationales arrivent au même résultat. Il est tout simplement très difficile de faire en sorte que ces avantages nets soient assez élevés, par rapport aux coûts, pour justifier cette petite augmentation. Je m'étonne de voir que vous espérez qu'en l'occurrence l'expérimentation aura du bon. Pourquoi ne pas dire tout simplement que vous êtes très sceptique qu'on puisse faire quoi que ce soit, ou même que les résultats seront négatifs?

.1730

M. Finlayson: Nous ne sommes pas une organisation de recherche. Des membres de l'Institut Fraser ont comparu devant vous plus tôt. Ils sont un groupe de réflexion et une organisation de recherche. Il se peut qu'ils aient eu le temps de revoir les centaines d'études qui existent, non seulement au Canada mais, comme vous l'avez bien signalé, sur le plan international. Nous ne l'avons pas fait.

D'après notre expérience, nous savons qu'il faut faire preuve de prudence et de scepticisme en ce qui concerne les avantages de ces programmes. Je ne crois pas qu'il y ait de mal à lancer certains projets-pilotes pour voir ce qui marche. Il est certainement concevable que certains programmes de formation et de développement d'emplois réussiront mieux que d'autres, et il se pourrait qu'un certain nombre donnent de très bons résultats. Il me semble qu'un degré d'expérimentation est tout à fait approprié pour tenter de le déterminer, et il convient certes de se servir de programmes pilotes et d'expériences avant d'engager des sommes importantes dans des programmes pancanadiens.

Ce que nous voulions montrer, mais peut-être pas avec assez de clarté c'est qu'il faut un degré approprié d'expérimentation ainsi que des projets-pilotes pour voir ce qui fonctionne. Ensuite, si le gouvernement veut engager des fonds dans ce domaine, il sera bien avisé d'affecter les ressources à ces programmes plutôt qu'à ceux qui donnent de moins bons résultats. Nous craignons un peu que ce ne soit pas le cas ici, mais on va en quelque sorte déployer à l'échelle nationale ces cinq nouveaux programmes sans aucune garantie qu'ils donnent de bons résultats. Cela nous préoccupe.

La vice-présidente (Mme Augustine): M. Nault.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Merci, madame la présidente. J'ai deux questions et je vais les poser ensemble.

La première question qui semble fort intéressante dans tout ce débat, est que votre organisme s'est prononcé tout à fait en faveur de maintenir un système national d'assurance-emploi solide, tandis que d'autres groupes de diverses régions du pays, même quelques partis régionaux, affirment que ces programmes devraient être confiés aux provinces. Premièrement, pouvez-vous me dire pourquoi le Business Council préconise que ce programme relève du gouvernement fédéral, et quels avantages en découlent d'après vous? Je pense que c'est important que ce soit inscrit au procès-verbal. Puisque vous êtes de la Colombie-Britannique, qui a un nombre disproportionné de députés de l'opposition, ils éprouvent peut-être des problèmes à représenter leurs électeurs lorsqu'il s'agit de cette question de compétence fédérale ou provinciale.

Et d'une. L'autre question porte sur le fait que dans votre exposé, vous parlez de mesures dissuasives qui ont été intégrées dans le système au fil des ans. Entre autres, il est très tentant pour les employeurs de se fier aux mises à pied à court terme comme outil de gestion des ressources humaines. Je pense que c'est une reconnaissance très importante du changement de comportement que nous recherchons à ce chapitre, et il s'agit des sociétés petites et grandes que vous représentez.

Si l'on se fonde sur cette hypothèse, j'aimerais savoir si vous êtes également d'accord pour dire que le phénomène des employés à temps partiel a augmenter considérablement à cause de cette utilisation du système d'assurance-chômage, comme moyen de contourner le système ou d'éviter de payer des cotisations en ayant des employés qui travaillent moins de 15 heures, et si la raison pour laquelle vous appuyez l'exemption de la protection au premier dollar c'est parce que vous aimeriez voir changer ce comportement. Il importe à mon avis que cela figure au procès-verbal.

En dernier lieu, ce groupe semble représenter le secteur du détail, et ce secteur ainsi que le secteur des services nous demandent une exemption pour les étudiants. J'aimerais savoir si vous êtes en faveur d'une exemption pour les étudiants pour ce qui est de la protection de la première heure dans cette réforme proposée de l'assurance-chômage.

M. Finlayson: Je vais parler brièvement du système d'emploi national plutôt que provincial. Ensuite, mon collègue M. Johncox vous parlera de la question des mesures dissuasives. Ensuite je reviendrai répondre à votre question à propos du secteur des ventes au détail.

Nous n'avons pas réfléchi à la question de changer le système d'assurance-emploi ou d'assurance-chômage pour qu'il devienne de compétence provinciale. En théorie, cela pourrait se faire. Aux États-Unis, les États jouent un beaucoup plus grand rôle que les provinces canadiennes dans le paiement des prestations d'assurance-chômage. D'un autre côté, c'est probablement avantageux pour notre marché du travail d'avoir quelques programmes nationaux dans plusieurs de ces domaines. Un des avantages d'un système national d'assurance-chômage est qu'il fournit des mesures incitatives ou des mesures qui facilitent la mobilité que nous voulons voir dans l'économie canadienne.

.1735

Un autre facteur clé dans le cas du Canada est que le degré de transfert inter-régional d'une région du Canada à une autre dans le système actuel est très important. Ce n'est pas une critique mais plutôt une contrainte si l'on songe à adopter un modèle provincial. Si nous nous éloignons du système actuel en créant au moins dix systèmes distincts d'assurance-chômage provinciaux, ce serait un changement révolutionnaire dans notre politique du marché du travail qui y causerait sans doute de grandes perturbations.

De plus, vous pouvez être certain que de nombreuses provinces ne voudraient pas d'un système d'assurance-chômage provincial. Elles ne voudraient pas que cela se développe au niveau provincial. Or il est presque impossible, au niveau de la législation, de s'engager dans cette voie là.

Nous n'avons pas examiné en détail les avantages d'un modèle fédéral par rapport à un modèle provincial, mais nous ne demandons certes pas un changement dans le système d'assurance-chômage national qui existe en ce moment. Nous croyons que le défi le plus important est de corriger certains des défauts du système actuel et, espérons-le, obtenir de meilleurs résultats à l'échelle nationale.

M. Gary Johncox (vice-président, Ressources humaines, MacMillan Bloedel Limitée): Quant aux facteurs dissuasifs, je crois que représente sans doute assez bien la plupart des grands employeurs du pays. Normalement, nous avons une idée assez précise de la date et de la durée d'une fermeture temporaire. Nous prenons une telle décision pour des raisons relatives au marché et à l'entretien et pour une foule de raisons commerciales. Mais ce qui arrive inévitablement, c'est que nos syndicats réussissent à nous convaincre de la nécessité de fermer l'entreprise d'une manière qui permettrait à ses membres et à nos employés de toucher des prestations d'assurance-chômage.

Par conséquent, cette fermeture devient une question assez importante de relations de travail, surtout si sa durée dépasse une semaine. Normalement on nous convainc de satisfaire aux désirs du syndicat à cet égard.

Alors, pour répondre à votre question très rapidement, je dirais que oui, il y a effectivement un facteur dissuasif dans le système actuel. Cependant, ce facteur sera quasiment éliminé si le gouvernement décide d'adopter un système reposant sur le calcul des heures au lieu du nombre de semaines. J'imagine que cette tension va ensuite disparaître.

M. Finlayson: Très brièvement, nous n'avons pas étudié, en particulier, l'exemption de la protection au premier dollar qui s'appliquerait aux étudiants travaillant dans le secteur du détail. Nos membres qui sont détaillants n'ont pas attiré notre attention à ce sujet.

Par contre, j'ai pris connaissance de certains documents qui parlent de cette question. Cette exemption pourrait être intéressante pour certaines industries, comme le secteur du détail, qui emploie un bon nombre de jeunes.

Parmi les jeunes, le taux de chômage est très élevé, ce qui constitue un problème horrible au Canada. Par conséquent, nous accueillerions favorablement toutes mesures qui favorisent l'emploi des jeunes.

Par contre, si l'impact de cette mesure qui permet aux étudiants d'être exempts de la protection au premier dollar ne fait qu'encourager les employeurs à embaucher les étudiants et congédier d'autres, ou embaucher des employés plus jeunes pour ensuite congédier les employés plus vieux, eh bien, à ce moment-là, je ne suis pas certain qu'on serait plus avancé.

Nous sommes tout à fait prêts à examiner cette possibilité. Jusqu'à présent nous n'avons pas encore fait d'études et alors nous ne sommes pas en mesure de prendre position aujourd'hui.

La vice-présidente (Mme Augustine): Je tiens à vous remercier de votre exposé et de votre comparution cet après-midi. Merci beaucoup.

J'annonce aux membres du comité que nous allons prendre une courte pause de deux minutes avant d'entendre le prochain témoin.

Je vous remercie d'avoir participé à notre travail.

.1738

.1751

La vice-présidente (Mme Augustine): À l'ordre.

Nous tenons compte du fait qu'il va falloir aller voter et que la cloche va sonner. Donc il va falloir être très rapide.

Nous souhaitons la bienvenue aux membres de l'Association des manufacturiers canadiens qui nous viennent de Toronto. Ce sera le dernier témoignage aujourd'hui. Nous sommes désolés de vous avoir fait attendre. Nous avons accusé un certain retard pendant les témoignages aujourd'hui.

Je vous prie de commencer. Vous pouvez nous faire un exposé de quelques minutes, et ensuite nous allons profiter du temps qui reste de cette demi-heure pour vous poser des questions.

M. Ian T. Howcroft (directeur, Politique des ressources humaines, Association des manufacturiers canadiens): Bonjour.

Je m'appelle Ian Howcroft et je suis directeur des Politiques des ressources humaines à l'Association des manufacturiers canadiens. Je suis accompagné de Sandy Douglas, le président du comité des ressources humaines de notre association et directeur des relations de travail de la Compagnie Consumers Gas, et de Susan Houston, un membre de notre comité des ressources humaines, qui est également directrice du service des questions des relations de travail de la société Dow Chemical Canada Inc.

L'Association des manufacturiers canadiens remercie le Comité permanent de lui fournir l'occasion de formuler des commentaires et des recommandations concernant le projet de loi C-12, Loi sur l'assurance-emploi. Nous avons soumis notre mémoire au comité le 25 mars 1996.

La plupart des membres du Comité savent que notre association s'intéresse depuis longtemps au régime d'assurance-chômage. Nous avons également participé à l'examen du régime de sécurité sociale.

Nous sommes heureux que le gouvernement ait reconnu que le système actuel ne répond plus aux besoins et que des changements importants doivent y être apportés.

Le monde, celui du travail en particulier, a évolué énormément au cours des vingt dernières années, et il faut réformer et adapter nos lois et nos règlements de manière à tenir compte de cette réalité.

Avant de formuler des commentaires importants au sujet de la réforme de l'assurance-chômage, nous souhaitons mentionner quelques faits concernant l'AMC.

Notre association, qui célébrera cette année son 125e anniversaire, est un organisme bénévole comptant des bureaux dans toutes les provinces. Les entreprises membres de l'AMC fabriquent presque 80 p. 100 des produits manufacturés canadiens. Presque deux millions de personnes travaillent directement dans le secteur de la fabrication, et quelque trois millions d'autres occupent des emplois liés directement ou indirectement à ce secteur.

Le secteur de la fabrication compte par ailleurs pour 18,5 p. 100 du Produit intérieur brut du Canada. La contribution totale des fabricants et de leurs fournisseurs, du secteur des biens et services, s'élève toutefois à environ 55 p. 100 du PIB canadien si l'on tient compte de leur contribution indirecte à l'activité économique. Ces chiffres montrent clairement que le secteur de la fabrication, considéré avec raison comme le moteur de l'économie, joue un rôle des plus importants au Canada.

Vu la mondialisation des marchés, le gouvernement doit faire de son mieux pour être le plus compétitif possible. Nous devons réduire les coûts, supprimer les pratiques inefficientes et créer un système permettant à notre économie de croître de manière à financer et à protéger nos programmes sociaux et d'autres programmes tels que l'assurance-chômage, qui à l'avenir s'appellera l'assurance-emploi.

Ce programme a pris une ampleur beaucoup plus grande que prévue à l'origine. Il faut reconnaître que l'assurance-chômage a des limites. Si nous reconnaissons ces limites, nous pouvons élaborer un système qui permettra d'aider plus efficacement ceux qui perdent involontairement leur emploi, en faisant notamment en sorte qu'ils reviennent sur le marché du travail le plus rapidement possible.

.1755

Il y a plusieurs années, l'Association s'est penchée sur la question de l'assurance-chômage avec une coalition d'autres organismes de gens d'affaires. Un rapport renfermant de nombreuses recommandations a été produit et présenté au gouvernement en juin 1994. Or une grande partie du contenu et des recommandations de ce rapport sont toujours d'actualité.

Le fait que plusieurs importantes associations de gens d'affaires aient collaboré et aient consacré les ressources nécessaires à la production de ce document montre l'importance que les employeurs accordent à la question. L'assurance-chômage est un très gros programme. Les prestations versées en 1995 s'élèvent en effet à plus de 16 milliards de dollars.

J'aimerais faire quelques commentaires à propos du taux de cotisation. Bien qu'une faible réduction des cotisations ait été accordée en 1996, nous estimons qu'elle est insuffisante. Nous croyons d'ailleurs que le gouvernement devrait réduire encore davantage les cotisations le plus rapidement possible! Il importe de mentionner qu'à la fin de 1995, le compte d'assurance-chômage accusait un excédent d'environ 1,5 milliard de dollars. On prévoit actuellement que le compte d'assurance-chômage accusera un excédent de 5 à 6 milliards de dollars à la fin de 1996.

Le gouvernement a reconnu que les charges sociales font disparaître les emplois. Leur réduction constituerait donc un excellent moyen de promouvoir la création d'emplois. Pour ce faire, il faut réduire sensiblement le taux de cotisation des employeurs et des employés. Par cette mesure, le gouvernement signifierait qu'il continue d'appuyer la création d'emplois et prend les mesures nécessaires pour créer le contexte favorable à la poursuite de cet objectif et aux investissements.

Une réduction appréciable du taux de cotisation permettrait quand même de maintenir un compte d'assurance-chômage excédentaire. Nous sommes en faveur de la création d'un tel excédent, qui doit toutefois s'étaler sur une période de temps raisonnable. Nous croyons par ailleurs que cet excédent ne devrait pas dépasser 5 milliards de dollars. Ce montant est suffisant pour prévenir des hausses substantielles du taux de cotisation d'assurance-chômage pendant les ralentissements de production ou pendant les périodes difficiles. Il est contre-productif de créer un excédent aussi important pendant une période trop courte. Nous croyons qu'en ce moment il faut favoriser la diminution des taux de cotisation.

Nous nous réjouissons également de la décision du gouvernement de réduire de 750$ le montant de la rémunération hebdomadaire assurable, décision que nous approuvons. Nous nous réjouissons également du fait que le gouvernement ait décidé de bloquer le maximum à ce niveau jusqu'à ce que le salaire moyen dans l'industrie ait atteint le même niveau. Nous espérons que le gouvernement est toujours de cet avis.

Je demanderais maintenant à Susan Houston de faire des observations supplémentaires sur certaines des questions de fond qui sont abordées dans le projet de loi C-12.

Mme Susan Houston (membre, Comité des ressources humaines, Association des manufacturiers canadiens): L'Association appuie l'orientation globale du projet de loi C-12. Nous estimons toutefois qu'à de nombreux égards, celui-ci ne va pas assez loin. Le projet de loi ne supprime pas d'importantes injustices du système. L'Association a toujours maintenu que le régime d'assurance-chômage doit être fondé sur les principes de l'assurance.

Le Régime ne doit pas être un programme social, étant donné qu'il est financé uniquement par les employeurs et les employés. Il est inacceptable que le Régime serve à transférer des fonds aux régions les plus pauvres du pays plutôt qu'à aider les sans-emploi en trouvant des solutions à long terme. Pareille orientation ne fait que perpétuer la situation et aggraver les problèmes.

Le régime d'assurance-chômage a permis aux divers gouvernements de s'en tenir à une dépendance passive pour régler les problèmes du chômage au lieu de créer des solutions durables vraiment axées sur la création d'emplois. Dans les régions où le taux de chômage est élevé, il faut trouver des solutions plutôt que de se contenter de verser des prestations plus généreuses à ceux qui sont malheureusement sans-emploi.

Nous reconnaissons qu'il faut tenir compte de l'élément humain, et privilégier l'approche humanitaire. Les personnes vivant dans les régions où sévit un fort taux de chômage sont tenues de travailler un moins grand nombre de semaines pour être admissibles aux prestations d'assurance-chômage, qu'elles peuvent en outre recevoir pendant une période plus longue. Le projet de loi C-12 resserrera les critères d'admissibilité mais ne résout pas l'ensemble du problème. Le régime d'assurance-chômage ne devrait pas nuire à la mobilité de la main-d'oeuvre. Dans les régions où le chômage est élevé, on ne devrait pas encourager les gens à demeurer là où il n'y a pas de travail en leur versant des prestations plus élevées. Le régime devrait plutôt encourager les sans-emploi à chercher du travail dans des endroits où des débouchés existent.

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Nous admettons que presque tout le monde préfère avoir un emploi et être productif sur le marché du travail plutôt que de recevoir des prestations d'assurance-chômage. Le gouvernement est du même avis et a même affirmé dans son premier document de travail qu'avoir un emploi constitue la meilleure forme de sécurité sociale. Le système actuel permet toutefois de percevoir plus facilement des prestations plus généreuses dans les régions frappées par le chômage. Or une telle orientation n'est pas viable sur le plan économique. C'est pourquoi nous recommandons que des critères d'admissibilité élevés soient appliqués dans toutes les régions du pays. La durée des prestations devrait également être la même d'un bout à l'autre du Canada.

Le régime d'assurance-chômage ne devrait pas être considéré comme un programme social au moyen duquel le gouvernement peut poursuivre d'autres objectifs sociaux de redistribution du revenu, comme cela se fait par exemple pour les pêcheurs. Les pêcheurs indépendants ne sont pas des employés et ne devraient pas, à notre avis, avoir droit à des prestations d'assurance-chômage. Nous reconnaissons que l'industrie de la pêche fait face à de graves problèmes, mais nous estimons que ceux-ci ne devraient pas être résolus au moyen du régime d'assurance-chômage. Des solutions et des programmes adaptés devraient plutôt être élaborés par le ministère des Pêches, qui possède les compétences et les ressources voulues pour trouver des solutions concrètes à ces problèmes.

Les objectifs sociaux du Programme d'assurance-chômage sont à l'origine des cotisations exceptionnellement élevées que doivent verser les employeurs et les employés. En fondant le Programme d'assurance-chômage, ou le régime d'assurance-emploi, sur les principes de l'assurance et en établissant des objectifs raisonnables, il serait possible de réduire encore davantage les cotisations. À notre avis, il serait possible d'améliorer grandement le régime en supprimant l'interfinancement.

Voici maintenant quelques observations et recommandations précises relativement au projet de loi C-12 et aux objectifs poursuivis par le gouvernement en créant le nouveau régime d'assurance-emploi. Comme nous l'avons dit au début de notre exposé, l'Association appuie l'objectif de réduire les coûts du régime d'assurance-chômage. Nous souhaitons toutefois une réforme plus poussée qui permette de créer un meilleur régime qui tienne davantage compte du contexte actuel.

Nous approuvons prudemment le passage d'un régime fondé sur le nombre de semaines de travail à un autre basé sur le nombre d'heures de travail, ce qui devrait alléger le fardeau administratif actuel.

Nous continuons par ailleurs de nous demander s'il y a lieu d'étendre la protection du régime aux employés à temps partiel. Nous avons toujours soutenu qu'une personne doit avoir travaillé pendant une assez longue période pour recevoir des prestations d'assurance-chômage. Nous proposons donc d'accroître le nombre minimum d'heures requis pour recevoir des prestations. Dans les mémoires antérieurs, nous avons recommandé que 20 semaines de travail soient exigées dans toutes les régions pour avoir droit aux prestations. En fondant le calcul sur une semaine normale de 35 heures, 700 heures équivaudraient à 20 heures de travail. Nous recommandons par conséquent que le nombre d'heures ouvrant droit aux prestations soit augmenté, c'est-à-dire que le minimum soit de 700 heures pour tous.

Il est également essentiel d'appliquer des critères d'admissibilité uniformes d'un bout à l'autre du pays, c'est-à-dire qu'il ne faut pas appliquer des critères différents selon le taux de chômage.

L'Association approuve la décision du gouvernement de réduire la période d'admissibilité quoique nous souhaiterions que cette réduction soit plus substantielle. Il est proposé que la période maximale actuelle de 50 semaines soit réduite à 45 semaines. Dans les mémoires précédents, nous avions proposé que la période maximale de prestations soit de 26 semaines. Nous avons également suggéré qu'une semaine de prestations soit versée pour deux semaines de travail, et que la période maximale de prestations soit établie à 26 semaines. Nous estimons donc qu'une période de prestations de 45 semaines est encore trop généreuse, et devrait être réduite considérablement.

Nous approuvons en outre la décision de réduire les prestations dans le cas de demandes successives. Pour garantir l'équité du système, il est raisonnable, sur le plan économique, qu'il y ait un lien entre le recours au régime, les coûts et les prestations.

.1805

Nous préconisons également, afin de rendre le régime plus équitable, d'étudier la possibilité de fixer des taux particuliers de cotisation des employeurs. Beaucoup de ceux-ci, en particulier dans le secteur manufacturier, continuent de verser des cotisations d'assurance-chômage beaucoup plus élevées que ce qui est versé aux employés par l'entreprise ou dans le secteur dans son ensemble.

Nous admettons que le régime permettrait un certain degré d'interfinancement, que nous souhaitons toutefois voir réduit. Une façon de régler la question consisterait à établir une tarification selon l'expérience de l'employeur. Il est injuste qu'une entreprise ou un secteur ait toujours à payer des cotisations plus élevées pour subventionner les employés d'autres secteurs. Il faudrait toutefois que la fixation de taux particuliers soit rentable et facile à administrer. Cela ne rimerait à rien si le coût d'administration dépassait les avantages qu'en tirerait l'employeur ou le régime dans son ensemble.

Sandy prendra maintenant la parole pour vous parler des prestations d'emploi.

M. R.A. Sandy Douglas (président, Comité des ressources humaines, Association des manufacturiers canadiens): Merci, Susan.

Bonsoir. Je m'appelle Sandy Douglas, et je préside le Comité des ressources humaines de l'Association des manufacturiers canadiens. Je suis également directeur des relations avec les employés à la Consumers Gas Company ici à Toronto.

Le nouveau régime d'assurance-emploi sera par ailleurs davantage axé sur les prestations et les services d'emploi. Bien que cette orientation paraisse très concrète et pratique, nous souhaitons soulever quelques questions.

Dans le cadre des programmes actuels d'utilisations productives, environ 2 milliards de dollars par année sont dépensés pour la formation et les programmes connexes. L'Association soutient depuis longtemps que bon nombre de ces programmes ne réussissent pas à remettre les chômeurs sur le marché du travail. Avant de consacrer davantage de fonds et de ressources à de tels programmes ou à des programmes nouveaux qui n'ont pas encore été mis à l'essai, il y a lieu d'effectuer une évaluation et un examen complet des programmes et des moyens de formation actuels.

Nous n'arrivons pas ou à peu près pas à améliorer le système bien que nous dépensions déjà des milliards de dollars à la formation. La réussite d'un programme doit être évaluée en fonction du nombre de personnes qui trouvent un emploi utile plutôt qu'en fonction du nombre de personnes qui y participent. Il semble que l'objectif de certains programmes de formation soit d'allonger la période de prestations plutôt que de permettre aux prestataires de se trouver un emploi.

L'Association est en faveur de la formation, à condition que celle-ci soit axée sur l'emploi ou permette de trouver du travail. Nous appuyons l'orientation et le but de ce volet de la Loi sur l'assurance-emploi, mais nous croyons que beaucoup d'autres études doivent être réalisées avant d'injecter des centaines de millions de dollars dans le régime. Il y a lieu d'essayer de remplacer le régime existant, qui se fonde sur la dépendance passive à l'égard des prestations, par un régime qui encourage les travailleurs assurés à se chercher activement un nouvel emploi. Il est vrai qu'il faut trouver de meilleures façons de procéder et que certaines des recommandations sont peut-être valables, mais nous devons avoir des preuves tangibles que ces programmes permettraient véritablement de remettre les gens au travail pour que nous puissions approuver les propositions et l'affectation de ressources.

Il est possible de créer des partenariats qui permettront de déterminer plus précisément le type de formation qui favorisera davantage le retour sur le marché du travail. Plus la formation sera axée sur ce marché, meilleurs seront les résultats. Quelques programmes ont donné d'excellents résultats et pourraient servir de modèles. Nous devons faire fond sur nos réussites.

Je voudrais maintenant vous parler de programme de travail sur le terrain de l'Association, en vertu duquel des professionnels ayant des connaissances en matière d'hygiène et de sécurité au travail et de questions environnementales sont affectés à des postes opérationnels. Le programme donne d'excellents résultats. En effet, 70 p. 100 de ceux qui participent au programme ont un emploi à plein temps à la fin du stage de travail. Je suis persuadé qu'il s'agit d'un des programmes les plus efficaces, sinon le plus efficace - qui sont financés à même le fond pour utilisations productives. Nous recommandons que ce programme, qui a fait ses preuves, soit étendu tandis que d'autres devraient être éliminés ou améliorés. Il s'agit d'utiliser à bon escient les ressources limitées qui existent et qui sont en baisse constante.

Enfin, il a également été recommandé d'étendre la protection aux personnes qui ont présenté une demande de prestations d'assurance-chômage au cours des trois dernières années - cinq ans dans les cas de prestations spéciales. Cette possibilité nous inquiète. Il est essentiel que le compte d'assurance-chômage soit utilisé de la façon la plus efficiente possible. Il serait logique que seules des personnes qui participent au régime reçoivent des prestations. Par conséquent, nous n'appuyons pas cette recommandation.

.1810

L'Association serait ravie d'aider à définir les changements à apporter à l'ensemble du système de formation proposé dans la Loi sur l'assurance-chômage et la formation qui est actuellement offerte dans le cadre des programmes d'utilisations productives pour faire en sorte que le système soit fondé sur les résultats. Il ne sert à rien de consacrer des ressources à la formation si celle-ci ne permet pas aux gens de trouver un emploi ou n'accroît pas leurs chances de s'en trouver un. On a consacré trop d'argent à des programmes de formation qui n'ont bénéficié à personne sauf aux formateurs.

En conclusion, nous espérons que ces observations pourront être utiles aux membres du comité lorsqu'ils étudieront la Loi sur l'assurance-chômage et feront des recommandations en vue de l'améliorer.

Il faut manifestement réviser en profondeur le régime d'assurance-chômage pour trouver des solutions concrètes et humaines aux problèmes auxquels font face les chômeurs. Le régime doit voir à ce que tout soit fait pour que les personnes qui perdent involontairement leur emploi reçoivent des prestations, et fournir une aide aux personnes pouvant tirer parti de la formation ou d'autres programmes véritablement axés sur l'emploi.

Le régime doit en outre être abordable, car des cotisations ou des charges sociales élevées nuisent à la création de nouveaux emplois.

L'Association des manufacturiers canadiens remercie le Comité permanent de lui avoir donné l'occasion de soumettre ces observations.

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci beaucoup.

Nous passons maintenant aux questions, et nous commencerons par le Bloc. Monsieur Crête.

[Français]

M. Crête: Qu'est-ce que l'Association des manufacturiers canadiens est prête à faire de plus pour permettre la mise en place des programmes sociaux dont nous aurons besoin de toute façon, même si, comme elle le dit dans son mémoire, nous devrions avoir un régime d'assurance-chômage qui ne serve qu'à cette seule fin? Le cas échéant, dans quelle mesure l'Association est-elle disposée à remettre à la société une partie des gains de productivité qu'elle tirerait d'un tel régime?

[Traduction]

M. Howcroft: Nous serions heureux de collaborer avec le gouvernement afin de déterminer les domaines où il serait possible de mettre en oeuvre des programmes ciblés qui soient plus efficaces que ceux qui sont prévus en vertu du régime d'assurance-chômage. Nous avons notamment cité en exemple le cas des pêcheurs. Nous croyons que c'est le ministère des Pêches qui serait le mieux placé pour régler les problèmes de chômage... [Difficulté technique - Éditeur]... et trouver des solutions possibles.

[Français]

M. Crête: Vous proposez qu'il y ait un régime national uniforme avec 20 semaines. Vous savez que la mise en place d'une telle mesure entraînerait des coûts sociaux très importants. En tant qu'association, vous y voyez des bénéfices en termes de productivité possible, mais que dire des coûts sociaux éventuels, de la mobilité obligatoire imposée à des gens ou même du choix entre la survie et la mobilité? De façon concrète, qu'est-ce que votre association serait disposée à faire si le régime d'assurance-chômage n'était qu'un régime d'assurance et que vous faisiez des gains de productivité? Accepteriez-vous que l'État aille chercher dans vos poches au moins une partie de l'argent tiré de votre productivité accrue?

[Traduction]

M. Howcroft: Je conviens que le fait de passer rapidement à un régime comme celui-là entraînerait des difficultés. C'est pourquoi, dans notre mémoire, nous disons qu'il faudrait prévoir une période de transition raisonnable. Nous mettons l'accent sur la nécessité de tenir compte de considérations humanitaires dans la recherche de solutions qui permettent de régler le problème de façon productive.

Quant à votre dernière question, j'y réponds par un non catégorique: nous verrions d'un mauvais oeil tout alourdissement de notre charge fiscale. Ce que nous voulons, c'est alléger les charges fiscales et sociales des employeurs canadiens. C'est ce qui permettrait, à notre avis, de créer un climat plus compétitif, qui serait susceptible d'attirer les investissements et qui favoriserait au bout du compte la création d'emplois. Comme le gouvernement l'a si bien dit, le meilleur programme social c'est un emploi. C'est pour cette raison que nous voudrions que les gens aient des emplois. Ce n'est pas en alourdissant le fardeau fiscal et en rendant le Canada moins propice aux investissements qu'on pourra réaliser cet objectif.

.1815

La vice-présidente (Mme Augustine): Nous passons maintenant au Parti réformiste.

M. Grubel: Je suis heureux que vous ayez soulevé la question des excédents qui s'accumulent dans le compte de l'assurance-chômage. Je crois que ces excédents ne tiennent même pas compte des économies qui résulteraient de la réforme proposée.

J'ai fait quelques calculs. À la fin du présent cycle du dernier budget, l'excédent cumulatif s'élèverait sans doute à près de 20 milliards de dollars. D'après mes calculs, si nous faisons ce que vous proposez, c'est-à-dire si nous réduisons les cotisations, de sorte qu'en 1997-1998, ou un an plus tard, l'excédent cesserait de grossir, le gouvernement au pouvoir verrait son déficit passer de17 milliards à 22 milliards de dollars, et il ne réaliserait pas son objectif à cet égard.

Je me demande donc si vous croyez vraiment que vos efforts à ce chapitre seront fructueux et que vous réussirez à obtenir que les cotisations soient réduites, comme elles devraient l'être selon moi.

M. Howcroft: Je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu toute la question. Je ne vous entends pas très bien d'où je suis.

D'après les projections que j'ai vues, l'excédent se situerait entre 5 milliards et 6 milliards de dollars à la fin du présent exercice.

Nous souhaiterions que la plus grande partie de ce montant soit retourné aux employeurs et aux employés grâce à une réduction des cotisations; pareille réduction ferait baisser les charges sociales, ce qui contribuerait à créer un climat plus compétitif qui serait susceptible d'accroître les investissements et qui entraînerait la création des emplois dont nous avons un besoin urgent.

Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question, monsieur, mais, je le répète, je n'ai pas entendu toute la question.

M. Grubel: Oui. Pour chacun des deux prochains exercices et pour chaque exercice subséquent, l'excédent grossirait de 5 milliards de dollars. Si le gouvernement donnait suite à votre proposition, il serait loin de pouvoir réaliser ses objectifs. Ainsi, le gouvernement prévoit que le déficit atteindrait 17 milliards de dollars en 1998-1999, mais sans l'excédent de la caisse d'assurance-chômage, il s'élèverait en fait à 22 milliards de dollars.

J'espère donc que vous réussirez à obtenir ce que vous demandez, car je suis d'accord avec vous pour dire qu'il est inacceptable que les employeurs et les employés contribuent de façon aussi importante à la réduction du déficit qui est la responsabilité de tous les Canadiens.

Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Augustine): Merci. Vous entendez une sonnerie. C'est la sonnerie qui convoque les membres du comité à un vote à la Chambre des communes.

Il nous reste une dizaine de minutes. Nous accorderons cinq minutes aux libéraux pour qu'ils puissent poser des questions. Je vous demande donc de bien vouloir essayer de ne pas faire trop de cas du bruit de fond de la sonnerie.

Nous commençons de ce côté-ci par M. Allmand. Je vous demanderais de bien vouloir être bref.

M. Allmand: Je constate que, dans votre mémoire et dans votre témoignage, vous dites que vous appuyez le projet de loi, mais que vous croyez qu'il aurait dû aller plus loin encore dans plusieurs domaines.

J'ignore si vous le savez, mais, à l'heure actuelle, seulement 46 p. 100 des chômeurs sont visés par la Loi sur l'assurance-chômage. En 1990, la proportion était de 87 p. 100.

Voici la question que je veux vous poser. Vous dites que non seulement vous appuyez le projet de loi, mais vous voudriez qu'il aille encore plus loin. Qu'arrivera-t-il aux chômeurs qui n'ont pas droit aux prestations d'assurance-chômage, que vous voulez réduire encore davantage? Doit-on les laisser mourir de faim dans la rue? Faudrait-il multiplier les soupes populaires?

Qu'allons-nous faire pour ces gens là? Le taux de chômage se situe toujours autour de10 p. 100. Je suis moi-même de Montréal, où le taux officiel s'élève aux alentours de 15 p. 100 ou de 16 p. 100. Dieu merci, nous avons l'assurance-chômage. Au moins, les gens peuvent acheter de la nourriture, payer leur loyer et empêcher que l'économie ne périclite encore davantage.

Si vous continuez à réduire les prestations, comment ces gens là vont-ils faire pour vivre quand ils sont au chômage?

Ça y est, j'ai cassé le système. Je n'entends plus rien.

La vice-présidente (Mme Augustine): Nous avons des difficultés techniques.

M. Howcroft: Peut-on m'entendre maintenant?

.1820

Nous reconnaissons que le régime d'assurance-chômage n'a pas réussi à régler tous les problèmes de tout le monde. À notre avis, c'est en partie ce qui explique les difficultés actuelles. Le régime a été élargi à un tel point depuis une dizaine d'années qu'il ne peut plus offrir de solutions efficaces pour tous les problèmes qui existent aux yeux de la société et des sans-emploi. Nous voudrions que le régime d'assurance-chômage s'applique uniquement à ceux qui y cotisent et qui sont assurés. Pour régler les autres problèmes, il faudrait des programmes qui seraient davantage ciblés sur leurs effectifs particuliers. Nous estimons que le régime d'assurance-chômage ne doit servir qu'à faire ce qu'il peut bien faire et qu'il faut trouver d'autres programmes, des programmes meilleurs et mieux ciblés, pour régler les autres problèmes auxquels se heurte la société. Non, nous n'aimons pas que les gens soient obligés d'aller aux soupes populaires mais nous ne voulons pas non plus que le régime d'assurance-chômage devienne un programme social pour régler les sérieux problèmes auxquels nous nous heurtons.

M. Allmand: Autrement dit, vous préféreriez ou vous appuieriez un régime d'assurance-chômage qui ne serait qu'une assurance contre le chômage, mais qui prévoirait des niveaux de soutien raisonnables pour les chômeurs tant qu'ils sont au chômage.

M. Howcroft: Oui. C'est ce que nous croyons avoir proposé. Nous voulons être justes, nous voulons être humanitaires, car nous sommes conscients des difficultés auxquelles se heurtent les chômeurs et nous voulons travailler avec le gouvernement pour régler ces problèmes.

Le programme de travail sur le terrain dont nous avons parlé dans notre exposé est une réussite extraordinaire à notre avis. Nous souhaiterions qu'il y ait davantage de programmes de ce genre. Étant donné son taux de réussite de 70 p. 100, je ne crois pas qu'aucun autre programme puisse soutenir la comparaison. Nous considérons qu'il faudrait consacrer davantage de ressources à des programmes de ce genre.

M. Nault: J'ai deux courtes questions. La première concerne le dilemme devant lequel se trouve notre comité. Ce matin, nous avons entendu le Congrès du travail du Canada. Le Congrès représente presque autant de participants à l'économie que vous dites vous-mêmes représenter, soit quelque 2 millions d'employés et d'employeurs; dans leur cas, ce sont des employés. Les représentants du Congrès ont témoigné devant nous aujourd'hui et nous ont dit que les réformes proposées sont loin de répondre aux besoins. Naturellement, il ne faut pas oublier que les employés qu'ils représentent payent eux aussi des cotisations. Ils disent que les réformes proposent des réductions beaucoup trop radicales. Par contre, vous, vous dites que nous n'allons pas assez loin.

J'essaie de savoir si ce que nous proposons ne représente pas en fait un juste milieu. Aux yeux des politiques, c'est toujours une bonne chose si les deux camps, quand ils sont aussi polarisés qu'ils le sont, ne sont pas d'accord avec le gouvernement. Cela nous donne à penser que nous avons dû faire quelque chose de bien. Je voudrais savoir ce que vous pensez de cela, car si l'administration du régime était confiée aux employeurs et aux employés, comme certains le proposent, il me semble que ce serait un cauchemar à en juger ce que nous avons entendu ce matin et par ce que nous entendons maintenant ce soir.

Je voudrais que vous essayiez de m'éclairer là-dessus. Par ailleurs, vous nous avez donné des conseils et vous avez laissé entendre que, même si ce n'était que de façon passive, vous croyez à l'utilité des programmes de formation, mais que ces programmes devraient être ciblés et axés sur les résultats. Si j'ai bien compris le sens de votre témoignage, vous croyez donc que nous pourrions commencer par là et que, si les résultats étaient bons, il en résulterait des avantages pour les employeurs que vous représentez et pour l'économie dans son ensemble. Est-ce juste d'interpréter ainsi vos propos?

M. Howcroft: Si vous me permettez de répondre à votre seconde question en premier, ce que vous venez de dire représente bien notre point de vue. Nous considérons que la formation répond à un besoin important. L'inconvénient, selon nous, c'est que beaucoup des programmes de formation ne se sont guère révélés efficaces, étant donné que les problèmes de chômage sont les mêmes depuis dix ou 20 ans.

En ce qui concerne votre première question, je le répète, nous souhaiterions que les cotisations soient réduites tant pour les employeurs que pour les employés. Nous croyons que ce serait un incitatif important à la création d'un climat qui accroîtrait notre compétitivité et qui favoriserait la création d'emplois. Nous disons depuis longtemps que ce sont, non pas les employeurs, mais les clients qui créent les emplois. Il faut donc qu'il existe un marché qui réponde à la demande et, au bout du compte, c'est cette demande qui crée des emplois.

M. Nault: Je voudrais poser une question qui fait suite à ma première question concernant la formation. Les représentants syndicaux sont venus nous dire que la formation ne devrait même pas faire partie du régime d'assurance-emploi. Elle devrait plutôt être financée à même les recettes publiques. Ai-je raison alors de supposer que vous recommandez que le nouveau régime d'assurance-chômage serve à financer la formation, comme c'est le cas à l'heure actuelle?

.1825

M. Howcroft: À notre avis, les cotisations versées à la caisse d'assurance-chômage ne devraient être utilisées que pour former ceux qui sont assurés par la caisse. Elles ne devraient pas servir à former tout un chacun. Il ne s'agit pas d'un programme social. Encore là, je reviens au principe du régime d'assurance. Nous devons bien cibler nos efforts afin d'en avoir le plus possible pour notre argent.

M. Nault: Je suis d'accord avec vous pour dire que nous devons former ceux qui ont une participation suffisante au régime d'assurance-chômage et au marché de l'emploi en général.

Seriez-vous d'accord pour dire que la formation devrait être financée à même la caisse d'assurance-chômage?

M. Howcroft: Oui, nous croyons que la formation constitue un élément important de l'assurance-chômage. Nous voulons encourager la participation active, et la formation professionnelle est un aspect important de cette participation. Nous voulons toutefois veiller à ce qu'il s'agisse d'une formation professionnelle efficace qui aboutisse à un emploi.

La vice-présidente (Mme Augustine): M. Regan sera déçu, mais je dois lui demander de renoncer à poser sa question. Nous aurons peut-être l'occasion de rencontrer M. Howcroft à un autre moment.

Nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous rencontrer, et nous vous demandons encore une fois de nous excuser de vous avoir fait attendre pour témoigner devant le comité. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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