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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 juin 1996

.0905

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous allons entendre immédiatement notre premier groupe de témoins. Il s'agit d'abord du groupe appelé Growing Up Healthy Downtown, Family Service Association of Metropolitan Toronto, représenté par Liz Rykert. Est-ce bien cela?

Mme Liz Rykert (Growing Up Healthy Downtown, Family Service Association of Metropolitan Toronto): Oui, c'est exact.

Le président: Bienvenue. Où est Sam?

Mme Rykert: Il est en train d'essayer de faire fonctionner l'ordinateur.

Le président: Bonjour, Sam.

Liz, vous savez comment nous procédons. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous et nous avons hâte de vous entendre faire une brève déclaration liminaire si vous en avez une, peut-être, après quoi nous vous poserons des questions. Vous disposez d'une demi-heure en tout.

Mme Rykert: Je commencerai ce matin par dire qu'avec les meilleures intentions du monde, nous espérions pouvoir faire une démonstration d'Internet et de la façon dont nous l'utilisons dans le domaine de la santé des enfants au Canada, mais mon disque dur vient de connaître une défaillance. Donc, en dépit de tout cet équipement qui fonctionnait il y a cinq minutes, de même que le rétroprojecteur, les panneaux d'affichage à cristaux liquides et toutes les connexions, notamment les connexions téléphoniques, pour une raison quelconque, il semble ne pas y avoir compatibilité avec mon système d'exploitation.

Nous allons cependant commencer tout de même. J'ai des transparents de rétroprojection de réserve que je peux utiliser pour vous montrer certaines des choses que nous faisons, certaines des ressources à notre disposition sur les réseaux en direct, et nous allons donc commencer.

J'ai préparé un mémoire que je vous ai fait parvenir et je me contenterai donc d'en souligner les points saillants. Je sais que vous l'avez reçu.

Je coordonne un programme à Toronto appelé Growing Up Healthy Downtown. C'est un programme de coopération entre huit partenaires qui travaillent au centre-ville de Toronto à partir de sept installations communautaires. Nous offrons 50 types de programmes différents aux familles qui ont de jeunes enfants. Les parents sont jumelés au niveau communautaire pour élaborer les ressources qu'ils estiment pertinentes et importantes pour les aider à élever leurs enfants.

Nous voulions vous parler aujourd'hui du besoin d'allier l'expérience de la collectivité et les connaissances des spécialistes et du grand espoir que nous donne Internet comme lieu commun nous permettant de faire cela, en supprimant les obstacles de la distance et du temps, quand nous voulons travailler ensemble dans ce pays et les coûts reliés à ces facteurs.

Nous reconnaissons que les connaissances spécialisées, comme les aptitudes intellectuelles, doivent être acquises en contact étroit avec le milieu. Pour notre comparution devant le comité, nous utilisons les ressources du réseau Grandir ensemble, Brighter Futures Network.

Vous voyez là l'une des pages du réseau Grandir ensemble. On y voit un répertoire de personnes; plus d'une centaine de personnes travaillent avec nous. Il s'agit d'un projet pilote élaboré dans le cadre du Programme d'action communautaire pour les enfants (PACE) en vue de mettre en réseau 11 localités de l'Ontario et 11 de l'Alberta; tout autre groupe intéressé peut se brancher sur le réseau en direct et travailler avec nous.

En prévision de notre comparution aujourd'hui, nous avons préparé une ébauche de mémoire et nous l'avons transmis à divers groupes communautaires de l'ensemble du pays qui ont travaillé avec nous pour le peaufiner. Bien que je ne représente pas d'autres groupes, je peux dire que nous avons certainement travaillé ensemble à sa préparation.

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En ce qui concerne les deux points de cet exposé, je peux donc dire qu'il est important pour nous de reconnaître que l'expérience de la collectivité contribue grandement à la formulation des objectifs de recherche et à accroître notre compréhension et nos connaissances de ce qui permettra d'améliorer la santé des enfants. Deuxièmement, j'invite les établissements de recherche et les décideurs à prendre au sérieux cette invitation à se joindre aux groupes communautaires pour utiliser les moyens électroniques afin de trouver de nouvelles façons de travailler ensemble.

J'ai trouvé fascinant ce nouveau travail. Je n'ai pas d'expérience en informatique. Je suis travailleuse sociale de formation. Lorsque nous avons commencé ce programme, nous avons décidé de créer un lieu de travail virtuel pour le programme Growing Up Healthy Downtown. Tous nos sites sont branchés sur Internet. Nous avons un lieu de travail virtuel que nous appelons «guhd.net» pour Growing Up Healthy Downtown.

Une travailleuse a fait un commentaire à une réunion la semaine dernière. Elle avait beaucoup de difficultés à se brancher. Elle a dit qu'elle avait l'impression qu'une réunion se tenait tous les jours et qu'elle ne pouvait pas en obtenir le compte rendu. Il y a donc là vraiment une possibilité pour nous de continuer de travailler ensemble sans que les restrictions de temps et de lieu nous en empêchent.

À partir de cette expérience, nous avons créé le projet pilote Grandir ensemble, qui fait maintenant l'objet d'évaluation. Nous allons faire une analyse de rentabilité dont nous pourrons transmettre les résultats aux participants du réseau Grandir ensemble de même qu'à d'autres membres de la population.

On a manifesté beaucoup d'intérêt pour ce travail. Nous avons créé dernièrement un serveur de liste appelé CLICK4HP, dont je m'occupe également et qui est destiné aux gens qui oeuvrent dans le domaine de la promotion de la santé en général. Au cours des dix premiers jours, 350 personnes se sont abonnées et elles représentent notamment tous les centres de recherche sur la promotion de la santé dans le pays, et nous avons également des participants de l'étranger. Cela s'est fait sans financement et surveillance du serveur de liste comme tel. C'est étonnant comme les choses se sont passées rapidement.

Nous croyons que dans son étude sur les stratégies de prévention dans le domaine de la santé des enfants, votre comité doit explorer davantage ce secteur, c'est-à-dire qu'il doit chercher à trouver de nouveaux moyens d'amener les gens à travailler ensemble à des questions communes.

En préparant le mémoire à présenter au comité, nous avons consulté la page d'accueil du comité permanent et nous avons lu tous les témoignages déjà entendus et qui figurent dans le hansard à la suite de ces pages d'accueil. Nous tenons à appuyer ce qui a déjà été dit, en particulier en ce qui concerne l'intervention sur les principaux déterminants de la santé et l'importance, pour favoriser la santé, d'accroître la capacité des familles de résoudre des problèmes.

Nous croyons qu'améliorer les capacités des collectivités et leurs connaissances sera plus utile à long terme que des connaissances spécialisées dans divers domaines. Actuellement, l'expertise acquise séparément dans les diverses localités est difficile d'accès et cela coûte cher à beaucoup de groupes. Il leur faut de la formation ou d'autres moyens. Nous pouvons ainsi travailler ensemble à élaborer ces initiatives, et les ressources nécessaires seront mises en oeuvre dans le contexte qui permettra aux collectivités de les utiliser.

L'utilisation croissante des réseaux électroniques est un moyen efficace et efficient de relier ensemble les coeurs et les esprits des Canadiens de toutes les sphères d'activités. Il est important pour nous de reconnaître que nous pouvons travailler ensemble à cet égard et trouver ainsi rapidement des ressources efficaces.

L'un des outils que nous utilisons très souvent dans notre programme est le calendrier interactif de la grossesse. C'est l'une des ressources disponibles maintenant au niveau local. Ce calendrier a été préparé par des parents américains. Il se trouve sur un site plein de ressources sur différents sujets. Nous avions espéré vous faire la démonstration de cet outil en vous montrant des informations sur le cycle d'une femme qui prévoit devenir enceinte ou l'est déjà.

Le programme prépare un calendrier de dix mois en fonction de la date prévue de l'accouchement. Il donnera des renseignements sur le mois précédant la conception - il prépare ce calendrier en deux secondes environ. Vous pouvez l'imprimer et le remettre à une femme, qui peut ensuite suivre jour après jour le développement de son foetus, savoir quelles sortes de vitamines et de substances nutritives elle doit prendre pour avoir un bébé en santé, elle saura quelles sont les étapes importantes, quand elle devrait aller voir son médecin, ainsi que d'autres éléments de cette nature.

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C'est le type de renseignements qu'une infirmière de la santé publique prend souvent au moins deux heures à préparer et à discuter avec une mère, qui oublie bien souvent ce qu'on lui a dit parce qu'elle n'a pas de documents lorsqu'elle repart.

Lorsqu'on regarde le calendrier même, on y voit des liens tout au long. Lorsqu'on y dit que le foetus se développe, on peut taper sur une touche et voir une photo. Le parent peut donc ainsi voir quelque chose de pertinent de façon concrète.

Nous avons situé le réseau Grandir ensemble sur le Web Network. Voici la page des ressources communautaires du Web Network, qui est le fournisseur canadien des organismes à but non lucratif sur Internet et le fournisseur de contenu. Comme vous pouvez le voir, il contient des renseignements sur plusieurs domaines pertinents pour nous. Il y a notamment un document dans lequel on demande que M. Harris mette fin à ses compressions. Comme on ressent l'effet des restrictions financières au niveau communautaire, on a trouvé vraiment merveilleux de pouvoir avoir accès à des ressources de cette nature sans avoir à passer par l'interurbain et le télécopieur, pour pouvoir travailler avec les collectivités de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. Pouvoir puiser à même toutes les ressources qui s'y trouvent pour ensuite les adapter à nos collectivités... nous avons vraiment trouvé merveilleuse la possibilité de travailler ainsi.

Je vais maintenant résumer notre exposé. Nous savons que cela fonctionne. Ces programmes d'action communautaire à l'intention des enfants permettent d'atteindre les enfants et les familles isolés. Les services sont plus accessibles et adaptés aux besoins. Les parents fournissent des idées de programmes et participent à la mise en oeuvre de ceux-ci par la suite. Du Labrador jusqu'à Vancouver, les solutions novatrices donnent de bons résultats dans les collectivités. Pour la mise en oeuvre des programmes, les intervenants de diverses disciplines collaborent entre eux et font appel aux ressources locales. Les programmes permettent de plus en plus de décider à l'échelon local de l'utilisation des ressources et d'utiliser les crédits fédéraux pour recueillir des ressources additionnelles qui bénéficient à l'ensemble des enfants.

Nous savons qu'il faut perfectionner ces programmes. L'information n'est pas aussi accessible qu'elle pourrait l'être. Il serait possible, par exemple, d'ajouter dans la base de données en direct du réseau Grandir ensemble tous les renseignements sur les programmes de prévention communautaire, pour que quiconque puisse, en tout temps, consulter un répertoire de programmes.

Nous avons organisé une base de données de démonstration qui me permet, à titre de responsable d'un programme communautaire, d'aller sur Internet mettre à jour tous mes renseignements, pour les réinsérer dans la base de données. N'importe qui peut aller examiner le contenu de cette base de données et en retirer les renseignements pertinents à ces types de programmes.

Il faut faire des efforts constants pour coordonner les politiques et les programmes gouvernementaux à l'intention des enfants, non seulement entre les divers paliers de gouvernement, mais aussi à l'intérieur de ceux-ci. Le réseau électronique nous donne la capacité de le faire d'une manière qui nous permet de passer très rapidement d'un secteur à l'autre, d'un spécialiste à l'autre et d'une collectivité à l'autre, et il nous donne les moyens de déterminer rapidement qu'est-ce qui donne de bons résultats et pourquoi, en s'informant auprès des enfants et des responsables des programmes visant à améliorer les perspectives d'avenir de ceux-ci.

Je pense que dans l'ensemble, ce réseau est idéal, car il nous permet de réunir des renseignements provisoires, de nous en servir et de les réinsérer. Nous trouvons que l'adaptabilité des modèles de cette sorte est très étonnante. Si l'on a le bon lien, quant à la façon dont c'est conçu et si l'on a la partie du début sur la participation, peu importe vraiment comment on travaille au niveau local à Toronto ou qu'on aille à l'autre bout du pays, à condition que les éléments interdépendants soient bien préparés.

En terminant, j'ajouterai que nous savons que dans le passé, ce sont les projets de recherche qui orientent vraiment l'utilisation d'Internet. Les collectivités sont en train d'investir rapidement Internet et elles s'y installent d'une manière qui leur est propre.

Je termine en vous invitant, ainsi que les personnes avec qui vous travaillez, et notamment les spécialistes sur lesquels vous comptez pour vous éclairer en matière de santé de l'enfant, à vous joindre à nous sur Internet. Merci.

Le président: Merci, Liz.

Antoine.

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[Français]

M. Dubé (Lévis): Une des contraintes de l'Internet, c'est la barrière des langues. En français, l'information nous arrive souvent plus tard, même sur Internet. De plus, le réseau français n'est pas suffisamment développé et il est plutôt relié à la France qui n'a pas la même culture scientifique. Mais ce commentaire était destiné aux autres participants.

Je trouve donc que vous avez eu une bonne idée d'utiliser Internet.

Je disais donc que pour nous, francophones, un des défauts de votre programme est que nous avons toujours quelques mois de retard sur Internet. Toute l'information que vous diffusez nous arrive avec quelques mois de retard. Mais c'est quand même un progrès que d'avoir Internet.

Je vais vous faire part d'une petite anecdote personnelle. L'épouse d'un de mes adjoints a été atteinte d'une maladie rare, et les médecins qui la traitaient à l'hôpital n'arrivaient pas à lui donner les bons médicaments parce qu'il lui fallait un dosage spécial de certains médicaments. Finalement, la solution a été trouvée sur Internet, où des médecins américains, qui avaient eu le même genre de problèmes et qui avaient trouvé la solution, avaient transmis l'information. Ainsi, on a pu la guérir. Voilà un exemple pratique de ce que peut nous apporter le progrès.

Comme je suis dans l'Opposition, je vais plutôt vous interroger sur les améliorations qu'il est possible d'apporter. Vous êtes financés par le programme PACE et vous dites que l'information n'est pas aussi accessible qu'elle pourrait l'être et qu'il faudrait faire des efforts pour coordonner les politiques et les programmes gouvernementaux à l'intention des enfants.

Pouvez-vous préciser la nature de la deuxième observation que vous avez faite dans le sens de l'amélioration de l'information? Il semble que des efforts doivent être faits constamment pour mieux coordonner les politiques et programmes gouvernementaux à l'intention des enfants. Pourriez-vous vous expliquer là-dessus?

[Traduction]

Mme Rykert: Certainement. Je veux répondre d'abord à la question du français et de l'anglais.

Quand nous nous sommes préparés à vous faire une démonstration sur Internet, nous nous étions également préparés à vous montrer des exemples en français. Nous avions organisé tout cela pour vous. Je comprends évidemment que c'est aussi un problème. Nous constatons par exemple que lorsqu'il y a un problème dans l'espace littéral, il tend à être amplifié sur Internet, de sorte qu'il devient très évident lorsque les renseignements ne sont pas disponibles dans des langues données. Je pense que nous devons tous à la grandeur du pays, nous engager à remédier à cette situation.

Par exemple, le site que nous devions vous montrer pour le Centre ontarien d'information en prévention est aussi accessible en français et en anglais. Le Conseil national de la prévention du crime est aussi en français et en anglais, de même que les pages de Santé Canada.

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Il y a une brève mention au début de la page, de sorte qu'on n'a pas besoin de fouiller encore et encore. C'est tout au début. On commence à la page d'accueil, qui est essentiellement composée d'icônes, et ensuite on clique français ou anglais. C'est ainsi qu'on commence son travail. À mon avis, ce qui importe c'est de s'engager à faire cela.

Au sujet de la deuxième partie de votre question, qui portait sur les méthodes que nous employons pour continuer de travailler ensemble, il s'agit d'un petit projet pilote doté d'un financement modeste. Nous avons reçu 68 000 $. Avec cet argent, nous avons réussi à mettre en ligne plus d'une centaine de personnes. Nous leur avons acheté des modems et des connexions en ligne. À deux reprises, nous leur avons offert de l'information au niveau communautaire. Nous avons mis au point cette banque de données en ligne à titre d'exemple. Nous avons aussi payé pour une évaluation. Nous avons rédigé un guide pour aider les groupes communautaires à se relier au réseau. Je pense que c'est très modeste étant donné que nous travaillons dans deux provinces du pays et que nous coordonnons tous nos efforts grâce à Internet.

Le hic, c'est que bien des gens ne comprennent pas Internet et ses possibilités. Ils continuent de vouloir rédiger des compendiums, des manuels ou des documents qui sont rapidement dépassés et qu'il est impossible de faire actualiser par leurs auteurs. À mon avis, votre comité pourrait donner le coup d'envoi dans tout le pays pour que nous puissions commencer à travailler ensemble de cette façon et pour formuler des ressources aux collectivités; ces dernières pourraient ensuite actualiser leur information dans leur propre langue.

À Toronto, le programme auquel je collabore ne doit pas seulement être en français. Il faut que nos ressources disponibles soient accessibles en huit langues différentes. Vous pouvez imaginer les coûts de traduction et d'interprétation que cela nous impose.

M. Hill (Macleod): Moi qui suis un profane d'Internet, j'aimerais savoir si nous aurions pu tenir la réunion d'aujourd'hui en direct? Aurions-nous pu ainsi économiser de l'argent et quand même échanger? Pourriez-vous nous expliquer comment cela aurait pu se faire?

Mme Rykert: Bien sûr. Permettez-moi un petit préambule. Un autre de mes collègues avait planifié de comparaître avec moi pour apporter une perspective nationale, mais il a décidé de laisser tomber lorsqu'il a appris que le tarif aérien pour venir de Vancouver à Ottawa était 1 800 $. Avec cette somme, il peut payer pour la connexion Internet pour tout le personnel de son agence pendant un an. Il a estimé qu'il ne pouvait justifier une telle dépense de l'argent des contribuables.

Je vais céder la parole à Sam qui, avec IDRC, collabore à mettre sur pied des initiatives analogues et qui agit à titre d'évaluateur de notre programme. Il s'agit de Sam Lanfranco de l'Université York.

M. Sam Lanfranco (Growing Up Healthy Downtown, Family Service Association of Metropolitan Toronto): Oui, je suis à l'Université York, au Département des sciences de la santé. Je m'occupe du projet IDRC Bellanet.

Il faut considérer cette technologie comme un complément et parfois un substitut pour évaluer le Réseau grandir ensemble. J'ai envoyé 85 questionnaires à 85 sites partout au pays. Après avoir rédigé et corrigé le questionnaire, il m'a fallu 30 secondes pour l'envoyer, et cela n'a rien coûté. Je l'ai envoyé sur Internet et les réponses des divers sites me sont revenues par Internet.

Le grand intérêt de cette technologie, c'est qu'elle réduit les contraintes de temps et d'espace. Cela dit, elle ne supprime pas complètement, pas plus qu'elle n'enlève la valeur ajoutée d'une réunion entre personnes.

Si les groupes communautaires avaient pu discuter plus largement du contenu du hansard, il y aurait eu dans notre analyse une valeur ajoutée. Il est insensé de vouloir réunir en même temps en direct une cinquantaine de personnes qui sont dans des fuseaux horaires différents. Cette technologie permet un dialogue asynchrone qui permet aux groupes communautaires et professionnels de partager entre eux de l'information, de la distiller et de la réifier avant de l'acheminer au comité. Ainsi, on peut laisser un sillage qui va dans les deux directions.

Il ne s'agit pas de distribution, mais d'accès. Il ne s'agit pas de substituer des rencontres en temps réel à des rencontres en temps réel dans l'espace virtuel.

L'une des erreurs courantes est de penser que les vidéoconférences sont supérieures aux conférences électroniques. C'est un médium différent. Il n'est pas meilleur. Il est plus coûteux. Il exige que les participants soient à un certain endroit à une certaine heure, alors que les organismes ont de plus en plus recours à cette technologie selon leurs besoins, dans un contexte d'apprentissage juste à temps. On peut consulter des documents, interroger les auteurs. Si les documents ont été rédigés à Yellowknife, on peut en faire part aux usagers de tout le pays sans que cela coûte un sou aux personnes déjà en ligne.

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Il faut s'assurer que les collectivités qui ont besoin d'être en ligne le soient et faire en sorte que les services de politique et de recherche sachent que ces collectivités sont de plus en plus en ligne. Voilà une façon efficace pour la région du nord de l'Ontario de traiter avec Toronto, ou pour les régions reculées du Canada de faire affaire avec les centres urbains.

Ce qui préoccupe les groupes communautaires - et je travaille auprès de ces groupes à titre de recherchiste - , c'est que les décideurs et ceux d'entre nous qui sont des experts découvrent Internet et accaparent des sommes considérables d'argent pour diffuser leurs projets de recherche dans ces collectivités. Or, celles-ci sont déjà engagées dans une forme de recherche, une forme de partage de l'information. Ce genre de partenariat gagne en valeur ajoutée grâce à Internet, mais ce n'est pas un substitut.

Le président: Nous n'avons presque plus de temps. Deux courtes interventions, s'il vous plaît, de Paul et Andy, dans cet ordre.

M. Szabo (Mississauga-Sud): Étant donné que notre étude porte sur les stratégies de prévention pour favoriser la santé des enfants, je me demande si l'un ou l'autre des témoins pourrait nous présenter une suggestion concrète sur la façon de faire progresser nos travaux.

M. Lanfranco: À titre de recherchiste, je vais vous faire une brève suggestion: lorsque le gouvernement du Canada finance des projets et demande qu'on lui fasse rapport, qu'il fournisse les documents et les formules pertinentes directement, électroniquement, au lieu d'en poster version après version après version.

M. Szabo: Je vais répéter ma question. Nous nous intéressons aux stratégies de prévention pour favoriser la santé des enfants. Nous nous interrogeons sur ce qu'il convient de faire pour s'assurer qu'au cours de ces années formatrices, les enfants jouissent des avantages dont nous pensons qu'ils ont besoin pour devenir des adultes épanouis.

M. Lanfranco: Très juste.

M. Szabo: Je pense que vous m'avez quelque peu devancé. Peut-être existe-t-il quelque chose de concret dans ce domaine? Savez-vous comment par exemple nos audiences pourraient favoriser des progrès dans le dossier du SAF, par exemple? Apportez-vous une contribution en matière de nutrition, de compétence parentale, ou de quoi que ce soit qui concerne des gens en chair et en os plutôt que des logiciels?

Mme Rykert: Je ne suis pas une fana de l'informatique. Je coordonne un programme qui touche à tous ces domaines et je pense que la principale stratégie ou la principale recommandation que je vous ferais c'est de veiller à donner l'initiative aux communautés, à les aider à mettre l'accent sur les atouts dont elles disposent et sur les outils dont elles ont besoin pour favoriser une bonne santé infantile.

M. Szabo: Merci, monsieur le président.

Le président: Andy.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Je comprends que cette technologie peut être très utile pour relier les organisations, les organismes communautaires qui ont un intérêt commun, quel qu'il soit. Cela dit, je me demande comment on peut se servir de cette technologie pour rejoindre la mère célibataire qui a besoin de cette information. Je sais que l'organisme local de Fredericton peut se servir de cet outil et que par conséquent cela pourrait avoir une implication indirecte, mais peut-on appliquer la technologie directement à la mère?

Mme Rykert: On a fait une expérience à Dalhousie. On a fourni de vieux ordinateurs reconditionnés à des mères adolescentes. Grâce à la présence des ordinateurs dans leur propre foyer, elles ont pu s'entretenir les unes avec les autres et communiquer en ligne entre elles et avec des experts pour obtenir le soutien dont elles avaient besoin pour élever leurs enfants.

M. Scott: Je connais ce projet en particulier. Étant donné que nous n'aurons sans doute jamais d'autre occasion de le mentionner, je signale que dans bien des cas, il y a toutes sortes de circonstances particulières. Par exemple, je travaille actuellement avec la Société de l'autisme du Nouveau-Brunswick. Comme les parents sont dans bien des cas isolés dans de petites localités rurales, on se sert du modèle de Dalhousie pour essayer de les relier les uns aux autres étant donné qu'il n'y a pas dans la communauté la masse critique voulue pour constituer un groupe de soutien. Leur groupe de soutien prendra donc cette forme. Je vous le signale pour ouvrir une perspective sur l'avenir.

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Au-delà de cela, y a-t-il d'autres exemples de...? Eh bien, je suppose qu'on a répondu à la question. C'est davantage un soutien au soutien plutôt qu'un soutien à des personnes en particulier sur le terrain, du moins à court terme.

Mme Rykert: Je pense qu'il y a à cet égard deux enjeux. Lorsque je parle à des groupes communautaires pour leur expliquer comment agit Internet essentiellement, il y a trois choses qu'ils peuvent faire. Ils peuvent chercher de l'information, ce qu'ils commencent habituellement par faire; ils peuvent fournir de l'information au sujet de leur groupe et de ses activités, qu'il s'agisse d'un organisme dédié au syndrome d'alcoolisme foetal ou à l'art d'être parents; et ils peuvent collaborer ensemble et s'entraider afin de vivre une expérience collective, interactive. D'habitude, il y a une combinaison de ces trois choses, mais on en revient toujours à ces trois domaines de base.

Le fait que les collectivités se réunissent pour réfléchir à ce genre de chose est fort utile car ainsi elles peuvent s'attacher à l'outil qui leur sera le plus utile pour promouvoir et réaliser leurs objectifs.

Le président: Je vous remercie, Liz et Sam d'avoir pris le temps de comparaître devant nous ce matin. Nous communiquerons sans doute avec vous de nouveau à mesure que progressera notre étude.

J'invite maintenant les prochains témoins à la table. Il s'agit de l'Association canadienne de ressources pour la famille.

Bienvenue. Bonjour, Alla. Je vous demanderais de nous présenter votre collègue et de faire une déclaration liminaire aussi brève que possible. Ensuite, nous passerons aux questions.

Mme Alla Ivask (directrice exécutive, Association canadienne de ressources pour la famille): Merci. Je suis Alla Ivask et je suis accompagnée de ma collègue, Maureen Kellerman. Maureen est directrice de projet à l'Association canadienne de ressources pour la famille.

Au nom du conseil d'administration de l'Association canadienne de ressources pour la famille, de ses membres et de tout le mouvement des ressources pour la famille au Canada, je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui.

Je vous parlerai brièvement de l'association et, ensuite, Maureen vous expliquera la teneur des programmes de ressources pour la famille, ainsi que leur pertinence pour la santé des enfants, des familles et des communautés.

Depuis 21 ans, l'Association canadienne de ressources pour la famille, qui est un organisme national, crée des réseaux, produit des ressources, fournit des services de consultation et de perfectionnement professionnel et rassemble les connaissances nécessaires pour appuyer et aider le mouvement de ressources pour les familles à croître et à se développer. L'association est vraiment au service de ses membres. Ainsi, si l'organisation met sur pied un projet ou une publication, c'est parce que ses membres de première ligne, ceux qui travaillent avec les familles et les enfants dans les collectivités du Canada, en ont exprimé le besoin.

L'association siège à diverses coalitions, comme la Coalition canadienne des droits de l'enfance et Campagne 2000. Elle est aussi partenaire d'autres organismes nationaux pour certains projets. Par exemple, nous avons collaboré avec l'Institut canadien de la santé infantile à la coordination nationale du programme «Y a personne de parfait», programme d'éducation parentale.

Je voudrais saisir l'occasion pour réitérer l'appui de notre association au programme «Y a personne de parfait». Nous estimons qu'il s'agit d'une excellente initiative du gouvernement fédéral, un exemple parfait d'un partenariat intelligent et rentable entre les gouvernements fédéral et provinciaux. D'ailleurs, nous avons la même opinion au sujet d'un autre excellent programme fédéral, le Programme d'action communautaire pour les enfants, mieux connu sous son sigle PACE. Nous estimons qu'il s'agit encore là d'un exemple d'une coopération fédérale-provinciale réussie.

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Mme Maureen Kellerman (Association canadienne de ressources pour la famille): Mon objectif ce matin est de vous donner un bref aperçu des programmes de ressources pour la famille, les programmes de soutien à la famille, afin que vous puissiez mieux comprendre quels types de programmes communautaires viennent en aide aux familles ayant de jeunes enfants et favorisent l'épanouissement de l'enfant partout au Canada.

Il existe des programmes de ressources pour la famille dans toutes les collectivités du Canada, y compris les collectivités rurales et isolées du Nord, les petites villes et les centres urbains. Il y a des programmes de ressources pour la famille sur les réserves et dans les bases militaires. Ils ont de multiples fonctions, mais leur raison d'être fondamentale est d'éduquer et de soutenir les parents. Souvent, ils offrent appui et formation aux dispensateurs de soins aux enfants, qu'ils soient supervisés ou accrédités ou non. Ils font aussi beaucoup d'efforts pour promouvoir le développement de l'enfant. Certains programmes s'occupent d'accréditer des garderies, mais ce n'est certes pas le cas de tous. D'autres cherchent surtout à venir en aide aux familles ou aux enfants qui ont des besoins spéciaux.

Quant aux activités qui découlent des programmes de ressources pour la famille, elles varient considérablement d'une collectivité à l'autre. Les activités les plus courantes sont l'éducation parentale, les ateliers et les cours, les groupes de soutien aux parents, la formation, l'information et le soutien des dispensateurs de soins aux enfants. Comme je l'ai dit, il s'agit là de personnes sans formation professionnelle.

Ces programmes offrent d'habitude de multiples occasions de favoriser l'interaction parents-enfants, notamment par des jeux enrichis. On y retrouve de nombreux groupes de jeux, des haltes-garderies et des joujouthèques.

Par le biais de différentes activités, ces programmes offrent aussi beaucoup d'informations sur l'art d'être parent, sur la santé et la sécurité des enfants. Il arrive souvent que les programmes de ressources pour la famille disposent de ressources documentaires qui circulent parmi leurs usagers, ainsi que des bulletins informatifs sur les problèmes auxquels sont confrontés les parents et sur les questions de santé et de sécurité.

Les programmes de ressources pour la famille s'attachent aussi à promouvoir les activités d'entraide formelles ou informelles, comme les cuisines communautaires et les coopératives de gardiennage. Certains organisent des activités de promotion d'une bonne alimentation, et offrent des conseils en matière d'alimentation et ont recours aux banques d'alimentation et aux cuisines communautaires. Ceux qui offrent des programmes de nutrition prénatale sont financés par le gouvernement fédéral.

Autre aspect important, les programmes de ressources pour la famille font le lien entre les parents et les dispensateurs de soins aux enfants et les autres ressources disponibles dans la collectivité. Souvent elles jouent le rôle d'agents de liaison. Il leur arrive fréquemment d'offrir des services d'information et de référence. Certains d'entre eux offrent un service téléphonique, que nous appelons une «ligne chaleureuse», qui offre information et appui hors période de crise. Un grand nombre de programmes sont accessibles à toutes les familles de la collectivité, même si certains visent des groupes en particulier, par exemple les mères adolescentes ou les enfants ayant des besoins spéciaux.

Les programmes ne sont généralement pas très visibles dans la collectivité, de sorte que les décideurs bien souvent ne sont pas au courant de l'existence de l'infrastructure communautaire qui joue un rôle important pour aider parents et dispensateurs de soins à s'occuper de leurs enfants et qui contribue à diffuser l'information favorisant le développement de l'enfant.

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Pour ce qui est du financement de ces programmes, les filières de financement n'ont pas été conçues pour les programmes de ressources pour la famille. Si l'on regarde d'où provient leur argent, on constate qu'ils s'approvisionnent auprès des services de santé, des loisirs, des garderies et des services sociaux. Cela est extrêmement varié. Les programmes obtiennent aussi du financement de tous les pouvoirs publics. Certains en obtiennent auprès de leur ville ou municipalité et parfois, ils obtiennent de l'argent des gouvernements provinciaux et, à l'occasion, du gouvernement fédéral - par l'entremise du programme PACE par exemple. Tous autant qu'ils sont, ils font leur possible pour s'autofinancer.

Au sujet du rôle du gouvernement fédéral, même si le fédéral n'injecte que peu d'argent directement dans les programmes de ressources pour la famille, il offre néanmoins une infrastructure pour la diffusion de l'information dans les domaines où il joue un rôle de chef de file. Ainsi, le gouvernement fédéral participe à la promotion de l'allaitement maternel et à des campagnes de sensibilisation concernant des problèmes de santé et de sécurité infantile. Les programmes en question sont des instruments de diffusion de ce genre d'information dans la collectivité.

Je pense aussi qu'il appartient au gouvernement fédéral - je parle au nom de l'association et des membres de l'association qui ont eu l'occasion d'en discuter - de fournir un financement direct à ce genre de programmes en particulier. Étant donné que le financement est tellement instable dans de multiples communautés, j'estime utile des initiatives comme le PACE qui offre un financement direct aux programmes. Cela contribue à rendre ce genre de programmes plus visibles et encourage les provinces et les autorités provinciales à adopter ce modèle pour aider les familles et les jeunes enfants. Je pense que le gouvernement fédéral peut certes choisir des initiatives particulières qui comblent des lacunes ou qui répondent à des problèmes particuliers, et aussi appuyer l'innovation au niveau communautaire.

Voilà donc un aperçu du programme. Nous sommes maintenant disposées à répondre à vos questions.

Le président: Merci.

[Français]

Antoine.

M. Dubé: Je voudrais féliciter les témoins pour le travail qu'ils ont fait.

Avant d'être député, j'étais au service de la municipalité de Lévis, où un groupe de personnes faisaient à peu près ce que vous faites à l'échelle de la municipalité. J'ai donc pu me rendre compte de tout le bien que peut procurer l'entraide entre parents. C'est même parfois entre parents que se font toutes les activités de transition pour les jeunes en difficulté.

Je suis assez au courant de tout cela et je pense que cela répond à un grand besoin de notre société, qui est en pleine évolution actuellement. On ne peut pas revenir en arrière complètement, et la solution ne réside pas dans les services de garde sur lesquels les parents peuvent se reposer complètement. Il faut donc une formule intermédiaire comme celle que vous préconisez.

Ma question a trait au financement, problème que vous avez mentionné à la fin. À ma connaissance, 38 initiatives semblables à la vôtre ont été financées par le programme PACE. Ce n'est pas beaucoup, et il y a bien des communautés qui ont fait des projets qui n'ont pas pu être financés, mais il faut dire que si le fédéral les soutenait tous, cela finirait par coûter cher.

Il apparaît donc que le financement doit venir des municipalités, des provinces ou d'autres sources disparates. Mais il faut aussi dire que cela peut devenir un problème à la longue, parce que cela pourrait être injuste pour une communauté qui ne serait pas desservie par un organisme comme le vôtre.

Quelle est votre opinion? Comment peut-on se sortir de ce problème de sous-financement ou de financement instable face à des services et des programmes qui sont valables? En tout cas, je peux témoigner du fait que ces services sont valables.

.0950

[Traduction]

Mme Kellerman: Je ne pense pas qu'on puisse s'attendre du gouvernement fédéral qu'il fournisse tout le financement nécessaire à ces programmes communautaires. Il n'a pas les ressources pour le faire, et il n'est que logique qu'une part du financement provienne des instances provinciales et locales. Le mouvement de ressources pour les familles au Canada souhaite que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership en reconnaissant l'importance de ces programmes communautaires et en appuyant certaines initiatives.

J'estime que cet appui devrait être stratégique et c'est pourquoi le gouvernement fédéral pourrait examiner les composantes d'un programme qui a besoin d'un coup de pouce supplémentaire ou qui serait particulièrement novateur. À mon avis, le leadership fédéral concrétisé par des programmes comme le PACE met en relief le profil des programmes de ressources pour la famille. Une partie du problème tient au fait que les programmes en question sont généralement issus du milieu et qu'il n'existe pas de cadre de politiques aux divers paliers de gouvernement pour mettre au point ce genre de programmes. Aucune filière de financement n'est conçue pour eux.

Il y a donc beaucoup à faire pour obtenir que l'on reconnaisse l'importance de ce genre de programmes. À mon sens, la participation du gouvernement fédéral peut permettre d'accroître la reconnaissance et la visibilité et encourager des initiatives ainsi que l'appui d'autres paliers de gouvernement. Nous ne nous attendons certes pas à ce que notre soutien vienne exclusivement du gouvernement fédéral, mais nous pensons tout de même qu'il peut jouer un rôle important.

[Français]

M. Dubé: Vous dites que les programmes PACE semblent encourager et financer des initiatives novatrices. Comme le programme s'étend sur trois ans, l'organisme qui a démarré quelque chose n'obtiendra plus de fonds du fédéral pour son programme au bout de trois ans, et il n'y aura pas de continuité dans les services. Il faudra alors qu'il aille chercher sur Internet ou autre chose. Je trouve que c'est très insécurisant. Qu'est-ce que vous en pensez? Je pense qu'il y a un problème.

[Traduction]

Mme Kellerman: Vous venez de mettre le doigt sur un problème que nous étudions sérieusement depuis deux ans. Nous avons rédigé un rapport à l'intention de Développement des ressources humaines Canada à ce sujet. Essentiellement, il s'agit d'un rapport sur l'état des programmes de ressources pour la famille au Canada. Le ministère nous avait demandé d'examiner particulièrement les questions de financement.

L'une des caractéristiques qui sont ressorties était l'instabilité du financement. Nous avons examiné le tort causé à la communauté et aux familles lorsqu'une source de financement se tarit et qu'une autre s'amorce et lorsque les programmes soutenus par une source ne reçoivent pas les fonds suffisants pour mener à terme leurs activités.

Comme l'instabilité du financement est un problème constant, il faudrait pouvoir compter sur un soutien de base à long terme du gouvernement fédéral, soutien qui ne prend pas la forme de financement de projets. C'est d'ailleurs un problème constant parce que les programmes doivent dépenser énormément de temps, d'énergie et ressources pour recueillir des fonds auprès de sources aussi multiples.

[Français]

M. Dubé: Monsieur le président, puis-je demander que l'Association dépose le document dont elle vient de parler et que la greffière le mette à la disposition des membres du comité? Cela me semble être un document très pertinent car on y parle d'évaluation.

[Traduction]

Le président: Cela cause-t-il un problème?

Mme Ivask: Non, pas du tout.

[Français]

M. Dubé: Même si c'est en anglais, cela m'intéresse.

[Traduction]

Le président: Est-ce dans les deux langues officielles?

Mme Kellerman: Comme nous n'avons pas eu l'argent pour le faire traduire, il est disponible uniquement en anglais pour l'instant.

Le président: D'accord, nous l'accepterons dans une seule langue puisque l'organisme n'est pas à l'origine du problème, n'ayant pas reçu suffisamment de fonds pour le faire traduire dans les deux langues officielles. C'est le méchant gouvernement qu'il faut blâmer.

.0955

[Français]

M. Dubé: Je comprends. Par contre, monsieur le président, je voudrais vous rassurer et vous dire que même si j'ai du mal à m'exprimer en anglais, je peux le lire. De plus, quand cela vient des organismes communautaires je suis très compréhensif.

[Traduction]

Le président: D'accord. Nous allons entendre trois intervenants, dans l'ordre suivant: Sharon, Paul et Andy.

Mme Hayes (Port Moody - Coquitlam): Je vous remercie d'être venues. J'aurais une ou deux questions à vous poser au sujet de ce que vous avez dit.

Vous avez dit que vous n'étiez pas satisfaites de la reconnaissance qu'accorde le gouvernement fédéral à vos efforts pour soutenir la famille. Vous déplorez aussi votre manque de visibilité dans le système et le peu de cas que l'on fait de vos efforts, même au ministère du Développement des ressources humaines.

Je m'intéresse particulièrement à la reconnaissance de l'importance de la famille dans la politique gouvernementale. D'autres groupes font du lobbying et travaillent au sein du gouvernement pour appuyer certaines initiatives de nature politique. Il y a, entre autres, le mouvement des femmes, dont la voix réussit à se faire entendre de plus en plus à l'intérieur comme à l'extérieur du gouvernement. Le mouvement des femmes appuie-t-il votre programme, y a-t-il...? Il y a dans ma communauté des centres de femmes et des refuges pour femmes. Ces initiatives et vos objectifs s'inscrivent-ils dans le même cadre, ou en parallèle? Estimez-vous que ce mouvement exprime vos préoccupations?

Mme Kellerman: Notre association nationale ne participe pas au Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, ou à d'autres coalitions nationales qui s'intéressent à la condition féminine. Mais chose certaine, au niveau local, les programmes des ressources pour la famille ont des liens avec toutes sortes d'autres groupes et organismes au sein de la collectivité. Dans certains cas, cela englobe d'autres services, particulièrement les femmes. À l'occasion, les programmes de ressources pour la famille sont logés dans des centres de femmes. J'ai déjà entendu parler de ce genre d'arrangement.

Au plan idéologique, je suis certaine qu'il y a énormément d'appui et de chevauchement. Une des choses qu'a essayé de faire le mouvement des femmes, c'est de rendre beaucoup plus visible le travail invisible et non reconnu des femmes qui restent à la maison et s'occupent de leur famille. Je pense qu'il y a un parallèle étroit entre ces efforts et l'accent que les programmes de ressources pour la famille mettent sur le développement et le soutien des familles.

Mme Hayes: Merci. J'ai une brève question, et je reprendrai les termes que vous avez employés. Étant donné que vos premiers contacts avec une famille peuvent se faire par l'entremise d'une joujouthèque, et que vous évoluez à partir de là, je pense que cette question est des plus à propos. À votre avis, quels éléments doivent être présents dans une famille pour assurer le meilleur développement mental et physique possible des enfants? C'est l'une des grandes questions qui nous intéressent. Quelles sont les priorités dans un centre de ressources pour la famille? Selon vous, quels sont les trois principales caractéristiques que doit avoir une famille pour offrir le meilleur milieu à ses enfants?

Mme Kellerman: En principe, les programmes de ressources pour la famille ne mettent pas l'accent sur les problèmes ou les lacunes. En ce sens, ils sont différents des autres types de services sociaux ou services de santé qui sont axés sur les problèmes. Nous examinons les points forts de la famille, les domaines où elle fonctionne bien et nous partons de là pour améliorer la situation.

L'autre principe qui est à la base de notre action, c'est que l'art d'être parent est une étape importante du développement de certains adultes et que toutes les familles ont besoin à l'occasion d'appui et d'information. Parallèlement, elles sont capables de soutenir et d'informer d'autres familles. Vous voulez savoir ce dont ont besoin les familles. Dans notre travail, nous tenons compte des besoins spécifiques de chaque famille. Il se peut fort bien qu'elles aient besoin de soutien et d'information au sujet du développement de l'enfant, de la dynamique de la famille ou d'autres ressources disponibles dans la collectivité, mais ce qui est offert effectivement est dicté par la famille elle-même.

.1000

Le président: Paul.

M. Szabo: Merci, monsieur le président.

J'ai consulté le document que vous nous avez remis et, sur le plan financier, lorsque vous parlez de fournir des ressources aux personnes qui s'occupent des enfants, je suppose que vous parlez des parents ou des tuteurs qui ont la garde des enfants par opposition à des gardiens ou gardiennes. Dans votre introduction, vous dressez une liste de vos services et vous dites qu'ils s'adressent aux personnes de tous âges. Il y a cependant une chose qui a attiré mon attention, l'éducation des parents. Il me semble que nous consacrons énormément de temps au volet obstétrique, aux cours prénataux, par rapport à l'éducation parentale. Nous nous intéressons davantage aux années formatrices, à la petite enfance, etc. Faites-vous l'éducation des futurs parents, ou intervenez-vous après le fait? Et quelle importance accordez-vous aux cours sur l'art d'être parent?

Mme Kellerman: Certains programmes de ressources pour la famille incluent des programmes prénataux de toutes sortes, y compris l'information sur l'accouchement. Habituellement, on ne verrait pas de familles participer nécessairement à des programmes avant d'avoir conçu un enfant.

M. Szabo: C'est dommage.

Mme Kellerman: Cela peut donc constituer un sujet de préoccupation. Il existe certains programmes visant à prévenir les grossesses chez les adolescentes. C'est un aspect.

En ce qui concerne les services d'éducation et de soutien à l'intention des parents, dans le cadre du programme de ressources pour la famille, certaines parties sont plus formelles, par exemple des ateliers ou des cours. Je pense que le travail le plus efficace se fait de façon informelle et peut même être invisible. Les parents apprennent énormément, je pense, en venant ainsi rencontrer d'autres parents et des enfants. Lorsque je parle à des employés des diverses régions du pays, ils me disent continuellement que les gens apprennent le mieux en voyant des modèles, présentés par des employés ou par d'autres parents, de sorte que lorsque des familles peuvent se retrouver dans un endroit où il y a des enfants d'âge différent, habituellement de zéro à six ans, elles peuvent voir de quoi a l'air un enfant de six mois et ce que peut faire un enfant de six mois, ou encore ce qui se passe lorsqu'un enfant de deux ans pique une colère et comment le parent réagit. Les gens apprennent beaucoup de façon informelle au cours de discussions, en regardant des modèles et en prenant des brochures qui sont offertes à l'endroit où ils se trouvent.

M. Szabo: Je vais terminer par une question que j'estime vraiment importante. Vous semblez intervenir au moment où quelque chose arrive. Dans beaucoup de cas, vous réagissez à des problèmes, plutôt que de les prévenir. L'équilibre entre...

Mme Kellerman: Je dirais que c'est tout à fait le contraire. J'ignore comment j'ai pu vous donner cette impression.

M. Szabo: Prenons un exemple. Quelqu'un qui vient d'avoir un enfant ne participera pas très souvent à des programmes pendant les premières semaines, je pense. La personne passe tout son temps à essayer de survivre à cet événement qu'est l'arrivée d'un enfant.

Lorsqu'on parle d'informer les futurs parents, de leur dire à quoi s'attendre lorsqu'ils auront un enfant, ou encore de la planification d'une naissance, et de la préparation, par exemple, comme je l'ai dit tout à l'heure - et je tiens à le répéter - il semble que nous passions énormément de temps à parler de l'accouchement, d'obstétrique et de la naissance de bébés en santé, et que nous ne consacrions pas de temps, d'argent, de ressources, à la préparation des jeunes ou des futurs parents au rôle qui les attend, aux responsabilités qui seront les leurs pour le reste de leur vie, en fait. On prend une décision énorme, lorsqu'on décide d'avoir un enfant. Je ne sais pas si vous constatez dans votre travail que les gens ne savent pas dans quoi ils s'embarquent ou ne se rendent pas compte.

Mme Kellerman: Je pense que c'est très courant. La plupart d'entre nous qui avons des enfants ont connu certaines surprises, je pense.

Une voix: Bravo!

Mme Kellerman: Il ne faut pas oublier, je pense, que les gens demandent des renseignements et de l'aide lorsqu'ils en ont besoin. Les familles viennent participer aux programmes de ressources pour la famille parce qu'elles cherchent un moyen d'établir des contacts avec d'autres familles de leur collectivité. Elles cherchent une façon de mettre fin à l'isolement que ressentent tellement de familles. Elles veulent rencontrer d'autres personnes qui ont des intérêts et des préoccupations semblables. Je pense que nos programmes sont vraiment axés sur la prévention. La plupart des gens n'ont pas recours aux programmes parce qu'ils se rendent compte qu'ils ont un problème majeur. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent.

.1005

Pour ce qui est de contacter les jeunes avant qu'ils aient des enfants, je connais au moins un programme communautaire dans le cadre duquel on va dans les écoles secondaires locales. Le programme de ressources pour les familles envoie des gens parler aux élèves du secondaire de ce que devenir parents signifie. Mais ce n'est pas un élément commun du programme.

Le président: Andy.

M. Scott: Il se peut fort bien qu'en l'occurrence l'humanité ait le sentiment instinctif qu'il ne faut dire à personne ce qu'il en est, sinon nous ne perpétuerions peut-être pas l'espèce.

Dans un contexte plus général, nous sommes en train de négocier les rôles respectifs des provinces et du gouvernement fédéral dans une foule de domaines, comme en fait foi l'importante annonce faite la semaine dernière au sujet du développement des ressources humaines. Je crains que nous soyons en train de discuter de choses que nous aimerions voir faire et que nous nous laissions emporter par la grande vague du rééquilibrage.

Vous dites que vous obtenez une aide financière des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux...

Mme Kellerman: Notre organisme, qui est un organisme national à but non lucratif, n'obtient pas d'aide financière des gouvernements provinciaux ou locaux.

M. Scott: Vous obtenez une aide financière nationale.

Mme Kellerman: Oui, nous sommes un organisme national à but non lucratif. Cependant, les programmes communautaires ont certainement...

M. Scott: C'est de cela que j'aimerais vous parler, de votre connaissance de leurs programmes.

Pouvez-vous préciser le rôle du gouvernement fédéral à cet égard? Si des gens de ma circonscription reçoivent de l'argent d'une foule de sources, pensez-vous qu'ils comprendraient que le gouvernement fédéral contribue parce qu'il accepte une certaine responsabilité pour une partie du problème et que la province accepte la responsabilité pour une autre partie du problème? Ou s'agit-il simplement d'une source de financement et qu'il s'agit de trouver le meilleur moyen d'en obtenir? Je m'occupe personnellement de beaucoup de questions de ce genre et il ne s'agit donc pas d'une attaque de ma part.

Pensez-vous que les organismes que vous représentez ou avec lesquels vous avez des contacts comprennent le rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine, ainsi que le rôle des gouvernements provinciaux? Y a-t-il à votre avis des choses qui relèvent du gouvernement fédéral et d'autres qui relèvent d'un gouvernement provincial?

Mme Kellerman: Les gens reconnaissent, je pense, que les initiatives et le financement viennent d'une variété de paliers de gouvernement parce qu'il y a chevauchement de compétences. Nous sommes arrivés à un point, je pense, où nous avons tendance à voir cela d'un point de vue négatif et à vouloir le désengagement de certains paliers de gouvernement et une démarcation beaucoup plus nette des limites des compétences respectives et des sources de financement.

Nous devons examiner certains des avantages que présentent des initiatives fédérales-provinciales, et je pense que le Régime d'assistance publique du Canada en est un exemple. Il a certainement fallu beaucoup de travail pour qu'on en arrive à chacun de ces arrangements entre le gouvernement fédéral et les provinces, avant que le financement puisse commencer.

Toutefois, lorsque nous avons réuni des gens des quatre coins du pays pour une consultation il y a environ un an et demi au sujet du processus de réforme de la politique sociale, tous nos représentants, y compris ceux du Québec, ont dit qu'il était très important que le gouvernement fédéral continue de prendre l'initiative en ce qui concerne l'appui aux programmes communautaires de soutien aux familles qui ont de jeunes enfants. Les gens ne pensaient pas, je crois, qu'ils pouvaient compter sur leurs gouvernements provinciaux pour prendre toutes les initiatives nécessaires. Dans certains cas, c'était parce qu'on craignait qu'il n'y ait pas assez de fonds, en particulier dans certaines des provinces les plus pauvres. On estimait cependant, je pense, que le gouvernement fédéral avait un rôle à jouer, qu'il devait se préoccuper du bien-être des familles et en particulier des très jeunes enfants. Ils espèrent que le gouvernement fédéral continuera de prendre une variété de mesures pour aider les familles ayant de jeunes enfants.

.1010

M. Scott: Mais il n'y a pas d'objectif précis. C'est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral intervient et ce n'est pas du tout la raison pour laquelle un gouvernement provincial intervient. Je comprends les enjeux. Je viens du Nouveau-Brunswick. Je comprends que les provinces pauvres demandent au gouvernement fédéral d'assurer une certaine équité. Mais pour ce qui est d'un objectif précis, à votre avis ou de l'avis de ceux que vous représentez, ce n'est pas clair - ou du moins je ne vous ai pas entendu dire - que telle est la partie de l'équation qui intéresse le gouvernement fédéral et telle autre partie intéresse les provinces; nous avons seulement un objectif et nous pensons que les deux paliers de gouvernement doivent intervenir.

Mme Kellerman: L'un des problèmes, je pense, découle du fait que des discussions de cette nature n'ont pas eu lieu.

Les programmes communautaires de ce type ont évolué au cours des vingt dernières années et ils ne disposaient pas d'un cadre d'orientation pour les y aider, ni de cadre de financement. Ils ont réuni des fonds provenant de toute une variété de sources. Ils fonctionnent surtout grâce à des volontaires, car beaucoup de membres de la collectivité y travaillent sans être rémunérés. Je ne pense pas que nous ayons eu des discussions de cette nature ou que nous en ayons parlé suffisamment pour être en mesure de déterminer quels pourraient être les rôles respectifs des divers paliers de gouvernement. Je ne dis pas que nous n'en avons pas du tout discuté, mais je ne pense pas que nous en ayons suffisamment discuté.

M. Scott: Merci.

Le président: Je tiens à remercier les témoins de leur contribution à notre étude des stratégies en matière de santé des enfants. Nous pourrions fort bien communiquer de nouveau avec vous au cours de notre étude. Merci d'être venus.

Nous passerons dans un instant aux deux autres groupes de témoins. Auparavant, j'informe les membres du comité que nous ne nous réunirons pas jeudi, évidemment, parce que la Chambre prendra congé. Nous ne nous réunirons pas mardi à cause de la visite du président du Mexique à la Chambre des communes. Notre prochaine réunion sera donc le jeudi 13 juin, soit dans neuf jours. Nous n'entendrons pas de témoins ce jour-là, toute la réunion portera sur des travaux courants - et notamment le budget des dépenses, parce que nous devons déposer un rapport à ce sujet. Je rappelle donc aux partis de l'opposition que s'ils ont des motions à proposer, jeudi prochain sera votre dernière occasion pour le faire.

Nous préparerons à l'intention des membres du comité une ébauche de notre plan de travail pour l'examen de la politique en matière de drogue. Nous vous en ferons parvenir le texte dans les deux langues officielles avant jeudi prochain afin que vous puissiez y jeter un coup d'oeil et vous préparer à prendre des décisions.

Je dois me rendre ailleurs et j'invite donc ma compétente vice-présidente, ma très bonne amie Beryl, à occuper le fauteuil. Beryl.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Merci beaucoup.

Nous sommes en retard sur notre horaire. Nous avons encore deux témoins à entendre et il nous reste seulement trois quarts d'heure. Est-ce exact, Nancy?

La greffière du comité: Oui. La salle est disponible jusqu'à 11 heures.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Nous pourrons peut-être quand même dépasser un peu l'heure prévue.

Vous représentez le groupe Kids First. Je vous remercie de bien vouloir prendre place à la table, Cathy Perri et Cheryl Stewart. Qui commencera?

Mme Cathy Perri (présidente, Kids First): Je vais commencer.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Très bien, Cathy, je vous en prie.

Mme Perri: Je veux commencer par dire que Kids First est un organisme national à but non lucratif qui parle au nom des parents qui restent à la maison.

Je veux commencer par lire un poème tiré de Songs of Education de G.K. Chesterton:

Je me souviens de ma mère, du jour où je l'ai rencontrée

pourla première fois; c'est un jour qui ne disparaîtra jamais

complètement de ma mémoire: et je caresse une folle chimère, l'idée

que tout jeune que je suis, je la reconnaîtrais

si nous nousrencontrions dans un tramway.

Mais ma mère est heureuse d'être un des rouages de la machine

à faire grossir le compte en banque d'un quidam: et moi je suis

content de savoir ma mère libérée d'une tâche particulièrement

sinistre: s'occuper de moi.

Nous vous sommes très reconnaissants de nous donner l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui. Jusqu'à maintenant, nous étions très découragés de voir ignorés nos idées, nos points de vue et nos opinions, parce que nous sommes juste des parents, comme si nous ne pouvions avoir de connaissances en la matière parce que la chose que nous pouvons faire valoir, c'est le fait d'avoir des enfants et de les élever, et non un titre de docteur à la suite de notre nom.

À titre de parents, nous savons également que toute politique ou théorie qui peut être mise en pratique nous affectera directement, nous et nos enfants. Les chercheurs peuvent échafauder des théories sur le développement des enfants et passer à un autre projet lorsqu'elles aboutissent à des résultats désastreux ou que le financement de leurs recherches est coupé; ce n'est pas notre cas. Nous ne faisons pas d'études ni de recherches théoriques sur le processus de développement des enfants et la création de liens affectifs; ce sont des choses que nous pratiquons. Nous ne pouvons pas vous présenter de résultats quantifiés, car ce qui nous permet de mesures ce à quoi aboutissent nos efforts vient du coeur. Même si nous ne pouvons prétendre être des experts en éducation des enfants au sens traditionnel du terme, nous le sommes à cause de la connaissance que nous avons de nos enfants et à cause de l'amour que nous leur portons.

.1015

Les mesures préventives axées sur la santé des enfants continuent à être ciblées sur leur développement physique et intellectuel. Nous connaissons tous l'importance des soins prénatals. Le Canada a obtenu des résultats remarquables dans ce domaine. Au cours des 30 dernières années, le taux de mortalité chez les enfants en bas âge a diminué de 75 p. 100. Nous connaissons tous l'importance qu'il y a de s'assurer que les enfants sont prêts et disposés à apprendre lorsqu'ils entrent à l'école maternelle, car ils risquent moins ainsi d'avoir le genre de difficulté d'apprentissage qui peuvent les empêcher de mener à bien leurs études. Mais, dans tout cela, qu'en est-il du développement affectif?

M. Elliott Barker, président de la Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les enfants, a déclaré:

Dans un rapport intitulé La santé des enfants du Canada, l'Institut canadien de la santé infantile souligne que:

Les premières années de la vie sont donc le fondement de tout ce qui suit. La recherche nous a donné d'excellentes connaissances du développement au cours de cette période, mais nous avons de la difficulté à les appliquer. En matière de développement affectif, il est clair que les enfants n'ont pas profité de ce que la science nous a enseigné.

En matière d'éducation des enfants, c'est un constat d'échec que nous devons faire, sur toute la ligne. Les enfants ont bel et bien un sentiment d'insécurité et des doutes sur leur valeur; ils ont des problèmes. Si l'on en croit certains spécialistes, qui enseignent et qui pratiquent la psychiatrie et la psychologie, les jeunes ont aujourd'hui des difficultés affectives et des problèmes de comportement beaucoup plus graves qu'il y a 20 ans. Il existe une différence entre les enfants qui entrent à l'école aujourd'hui et ceux de la génération précédente. Il y a bel et bien un problème.

Nous savons tous quelle en est la cause principale. Nous pouvons trouver d'autres facteurs qui y contribuent et discuter jusqu'à plus soif de solutions à courte vue, multiplier les garderies et envoyer les enfants de trois ans à l'école maternelle toute la journée. Mais ce ne sont là que des palliatifs d'importance secondaire. Nous ne pouvons, cependant, pas continuer d'ignorer la véritable raison du sentiment d'insatisfaction qui règne parmi nos jeunes: le fait que les parents ne s'intéressent pas suffisamment à eux. Comme le note Amitai Etzioni, un sociologue réputé qui enseigne à l'Université George Washington, de nos jours, les rapports parents-enfants accusent un déficit.

Pourquoi avons-nous tant de difficultés à admettre que les parents ont des responsabilités à assumer vis-à-vis de leurs enfants? C'est un peu comme si, dans notre société, on voulait que les problèmes des jeunes soient dus à la violence des programmes télévisés ou à la musique rock, parce qu'il est facile de trouver une solution. Achetez une puce anti-violence; interdisez la musique «heavy metal», ou encore resserrez la Loi sur les jeunes contrevenants. Remettez en place la peine capitale et le problème est réglé.

En revanche, nous faisons tout pour éviter d'approfondir la question du rôle des parents et d'admettre à quel point leur apport est nécessaire au bonheur et à la stabilité des enfants. C'est un sujet qui nous met mal à l'aise. C'est une question délicate. Dans le passé, les parents, notamment les mères, étaient ceux que l'on montrait tout de suite du doigt lorsque leurs enfants tournaient mal. À notre époque, tout le monde veut rester politiquement correct et personne ne veut risquer d'offenser qui que ce soit ou, bien pire, donner à quiconque un sentiment de culpabilité.

Pourtant, en tant que parents, il se peut que nous soyons obligés d'admettre que nous sommes égoïstes et que c'est à notre carrière, et non à nos enfants, que nous donnons priorité. Il se peut que les femmes soient amenées à admettre que l'idée dans laquelle on peut tout avoir n'est rien d'autre que cela, une idée, et qu'un enfant n'est pas quelque chose que l'on peut caser quelque part. Bien au contraire, l'arrivée d'un enfant vous oblige à rentrer au plus profond de vous-même, à déterminer ce qui, pour vous, a le plus d'importance dans la vie - et à prendre les mesures qui s'imposent pour que votre nouveau style de vie corresponde à cette échelle de valeurs. Il se peut que nous soyons amenés à admettre que nos valeurs affichent davantage les couleurs de la société de consommation et du matérialisme que celles de notre coeur et de notre âme.

Établir une relation avec un enfant requiert de notre part un investissement sur le plan affectif. Cela demande du temps. Ce n'est pas par hasard que l'apparition de problèmes chez les jeunes correspond à une baisse significative du nombre d'heures que les parents passent avec leurs enfants, soit 40 p. 100 de moins par rapport à la génération précédente. En fait, selon Développement des ressources humaines Canada, un enfant que l'on fait garder à plein temps à partir de l'âge de six mois passe entre 10 000 et 12 000 heures avec quelqu'un d'autre que ses parents avant d'atteindre l'âge de six ans. C'est l'équivalent du nombre d'heures que cet enfant passera à l'école primaire et secondaire.

.1020

Les enfants ne sont pas des animaux familiers, ni des passe-temps. On ne peut pas les caser facilement au milieu des ambitions professionnelles que peut avoir un adulte, et ils chamboulent son style de vie. Ils requièrent un engagement et des sacrifices. Il faut qu'ils puissent systématiquement compter sur les soins que leur prodigueront des adultes, idéalement leur père et leur mère, qui les aiment en dehors de toute logique, tout simplement parce qu'il existe entre eux un lien indestructible. Cela, nous le savons tous. Nous savons combien il est difficile d'atteindre cet objectif dans une famille où le père et la mère sont présents; depuis des générations, nous savons maintenant combien cela est plus difficile dans les familles monoparentales, particulièrement si le chef de cette famille doit laisser ses enfants pendant de longues périodes pour aller gagner l'argent qui lui permettra de mettre à manger sur la table.

Pourtant, les solutions que nous avons trouvées ne facilitent pas la tâche des parents qui cherchent à élever leurs enfants. Nous n'avons aucun mal à trouver un coupable quand les choses tournent mal, mais c'est une autre histoire quand il s'agit de fournir le soutien nécessaire pour empêcher les problèmes de se faire jour.

En dépit de l'importance que l'on doit accorder au rôle que jouent les parents, et de tout ce qui démontre que les familles passent de moins en moins de temps ensemble, dans quelle direction le gouvernement fédéral s'est-il orienté? Ses politiques fiscales et sociales sanctionnent les parents qui souhaitent rester à la maison pour élever leurs enfants. Sur le plan fiscal, cela se chiffre en milliers de dollars par an et par famille. Les politiques sociales concernant l'aide à l'enfance sont conçues exclusivement pour le bénéfice des 12 à 16 p. 100 de parents qui travaillent et utilisent le réseau des garderies.

À l'heure actuelle, le gouvernement dit une chose, mais en fait une autre. Il parle de l'importance de la famille et de la nécessité de renforcer et de promouvoir les valeurs familiales. Pourtant, les ministères des Finances et du Développement des ressources humaines nous ont dit très clairement, lorsque nous les avons rencontrés en novembre dernier, qu'une subvention directe pour les soins parentaux ne faisait pas partie de la vision du Parti libéral. L'objectif du gouvernement consiste plutôt à faire en sorte que le plus grand nombre de parents possible entrent sur le marché du travail et que le plus grand nombre d'enfants possible se retrouvent en garderie - tout en parlant de l'importance de la famille et de son rôle vital dans la société.

Pourquoi rien n'a-t-il été fait? Est-ce parce que les nouveau-nés, les tout-petits ne peuvent pas venir faire un scandale au beau milieu des audiences d'un comité parlementaire que l'on continue à ignorer leurs besoins? Dans tout le pays, on offre d'excellents programmes prénataux. Mais que fait-on pour prévenir les problèmes qui peuvent surgir après que le bébé est arrivé à la maison? Intervention précoce ne veut pas dire forcément arracher les enfants à leur foyer une fois que la situation a pris des proportions de crise; cela pourrait se traduire par l'intervention proactive auprès des nouveaux parents, des professionnels de la santé qui oeuvrent déjà dans ce domaine, ce qui nous permettrait d'éviter des problèmes dont nous avons tous à assumer les conséquences plus tard.

Cela fait des années que les études théoriques ont été produites à l'appui de ce que nous avançons et que nous savons être vrai. Ce qui se passe entre les parents et leurs enfants, entre zéro et six ans, a une importance cruciale. Une société où l'unité familiale joue bien son rôle est beaucoup plus saine.

Il faut examiner honnêtement la question du rôle des parents en tenant compte de ce que les parents et les enfants veulent et de ce dont ils ont besoin. Cela ne signifie pas que les femmes doivent retourner dans leur cuisine et assumer la responsabilité d'élever les enfants. En revanche, cela signifie qu'il faut reconnaître tout ce que les femmes ont fait, au fil des ans, pour s'assurer que les enfants recevaient tous les soins dont ils avaient besoin, au sein de familles bien équilibrées. Il faut aussi reconnaître que le vide laissé par les femmes, lorsqu'elles se sont jointes à la population active, n'a pas été comblé adéquatement. Les garderies, les gardiennes, les gouvernantes, les services de garde parascolaires sont tous nécessaires si l'on veut que les hommes et les femmes poursuivent une carrière tout en ayant des enfants, mais cela ne remplace pas de façon adéquate l'apport des parents. Il faut se rendre à l'évidence, les parents sont les gardiens du bien-être de leurs enfants et ils peuvent faire toute la différence.

On ne remplace pas facilement les parents. Leur présence auprès de leurs enfants, ou inversement, leur absence, fait toute la différence. Lorsqu'une société dévalue les rapports parents-enfants et rabaisse ceux et celles qui ont choisi de se concentrer à plein temps sur cette tâche, cela entraîne des conséquences que tous doivent assumer. Ces conséquences, nous voyons aujourd'hui ce qu'elles sont. Pour un enfant, ses premières années de croissance, de compréhension et d'amour ne peuvent plus revenir une fois qu'elles sont terminées. L'occasion ne se présente qu'une fois, après, il est trop tard.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Cheryl, aviez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Cheryl Stewart (vice-présidente, Kids First): Oui, j'aimerais vous faire part brièvement de nos propositions et...

La vice-présidente (Mme Gaffney): Je vous demanderais d'être brève, car nous avons un retard de presque dix minutes.

Mme Stewart: Nos propositions:

1. Le gouvernement du Canada et le Parti libéral doivent inclure officiellement l'aide directe aux parents en tant qu'option dans leur vision pour la garde des enfants au Canada.

2. On doit reconnaître officiellement que 70 p. 100 des femmes qui travaillent préféreraient être au foyer pour élever leurs propres enfants.

3. Il est absolument essentiel que les parents sachent bien à quel point il est important de former des liens avec leurs enfants, d'entretenir des rapports avec eux et de les entourer de soins si l'on veut en faire des êtres confiants, affectueux et ouverts aux autres.

4. Il faut aider les parents qui décident d'élever eux-mêmes leurs enfants. Les parents qui restent à la maison, en plus d'être pénalisés financièrement, vivent en vase clos, accomplissent une tâche qui n'est reconnue par personne, ne bénéficient d'aucun perfectionnement professionnel, ou si peu, et ont souvent d'eux-mêmes une image très négative, alors qu'ils doivent faire ce qu'il y a de plus difficile au monde: élever des enfants en veillant à ce qu'ils soient heureux et restent en bonne santé. Il faut que des initiatives soient prises à tous les niveaux pour que le statut des parents qui restent à la maison reflète la véritable importance de la tâche qu'ils accomplissent.

5. Les parents célibataires qui décident de rester à la maison pour élever leurs enfants devraient eux aussi bénéficier d'une aide financière.

6. Il faudrait apporter de nombreux changements au régime fiscal afin de mettre fin à la discrimination à l'égard des familles à revenu unique dont un parent est à la maison pour élever les enfants.

7. Offrir la possibilité de congés de maternité prolongés, encourager des options de travail créatrices comme les horaires flexibles, le travail partagé et le travail à contrat.

.1025

Permettez-moi de conclure en citant le Dr Patricia Morgan du service de la santé et du bien-être de l'Institute of Economic Affairs de Londres en Angleterre, et auteur du livre intitulé The Hidden Costs of Child Care:

Encore une fois, je vous remercie de l'occasion qui nous a été donnée de venir vous parler ici aujourd'hui. C'est vraiment une occasion extraordinaire pour Kids First d'avoir été invitées ici pour exprimer nos préoccupations et nos opinions et vous faire part de nos propositions.

Cela conclut notre exposé.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Merci beaucoup.

Avez-vous lu la dernière page du journal The Globe and Mail ce matin? Il y a un article très intéressant dans lequel une femme écrit comment elle a retrouvé sa mère. Elle se remémorait sa mère lorsqu'elle était enfant et les choses que sa mère faisait pour elle. La mère est ensuite devenue alcoolique. La femme qui a écrit cet article est elle-même devenue mère et aujourd'hui sa mère n'est plus une alcoolique. Elle se rappelle toujours d'elle comme elle était avant qu'elle devienne alcoolique. C'est un bon article.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Dubé: On ne peut pas être contre les objectifs que vous poursuivez. Vous dites que les enfants sont la priorité. Il faut effectivement faire tout ce qui est nécessaire pour donner les meilleures conditions de vie possibles aux enfants. Je pense que nous sommes tous d'accord, car cela permet de prévenir un tas de problèmes.

Cependant, la première de vos propositions m'étonne. Vous dites qu'il faudrait supprimer la déduction pour les frais de garde d'enfants. Personnellement, je n'ai rien contre les objectifs que vous poursuivez, mais il me semble que vos propos sont un peu contradictoires. Vous nous dites, d'une part, qu'il faut aider les enfants et, d'autre part, que les gens qui ont besoin de services de garde ne doivent pas bénéficier de certains avantages.

Pourquoi ne pas faire les deux? Pourquoi notre société ne ferait-elle pas en sorte que les gens aient le libre choix à cet égard? Vous dites vous-mêmes que beaucoup de femmes sont obligées d'aller travailler aujourd'hui, non pas par choix mais parce qu'elles sont obligées de gagner un deuxième revenu.

Je ne parle pas des femmes qui sont chefs de famille monoparentale. Je dois dire que ce n'est pas toujours à l'honneur de nos concitoyens masculins, mais il y a de plus en plus de pères qui ne reconnaissent plus leur paternité ou qui ne sont même pas capables de payer la pension alimentaire. Il ne faut pas faire l'autruche, car le problème est réel. Il faut aussi se rendre compte que notre société a changé et que ce mal existe. Je n'entrevois d'ailleurs pas beaucoup de progrès à cet égard pour l'avenir.

À mon avis, ce sont les parents, et bien souvent les mères qui décident pour le bien des enfants. J'applaudis cette attitude et je pense que l'on devrait valoriser cela davantage et même l'encourager. J'ai cependant du mal à comprendre que vous vouliez le faire au détriment de certains moyens que beaucoup de gens utilisent parce qu'ils n'ont pas d'autre choix que de confier la garde de leurs enfants à d'autres pour pouvoir assurer leur subsistance et qu'ils font toujours cela pour le bien-être des enfants.

C'est comme si vous disiez que les gens abandonnent leurs enfants. Ce n'est pas vrai. Je le répète, beaucoup de femmes n'ont pas d'autre choix qui leur permette d'aller chercher un revenu supplémentaire. Elles n'abandonnent pas leurs enfants. Elles sont obligées d'aller gagner leur vie.

.1030

Voilà pourquoi j'ai du mal à vous comprendre. Ce n'est pas la première fois que nous nous rencontrons puisque j'ai siégé au comité du Développement des ressources humaines. Je trouve vos objectifs très louables, mais je ne comprends pas pourquoi vous optez pour une position aussi contradictoire.

[Traduction]

Mme Perri: L'hypothèse à laquelle nous faisons allusion ici, c'est qu'il faut qu'il y ait deux revenus, qu'en réalité les deux parents doivent faire partie de la population active. Je pense que lorsqu'on dit une telle chose, on fait deux suppositions et que ces deux suppositions sont inexactes. La première supposition, c'est que la seule raison pour laquelle on a des familles à deux revenus, c'est que c'est nécessaire. La deuxième supposition, c'est que les familles à revenu unique sont des familles riches qui peuvent se permettre d'avoir un parent à la maison. C'est peut-être vrai dans certains cas, mais on a beaucoup exagéré le nombre de ces familles en faisant des jugements de valeur.

Vous dites que dans tous les cas, les deux parents sont obligés d'aller gagner leur vie. Je vous répondrai qu'en tant que membre d'une famille à revenu unique, je dois vous dire que nous trouvons ce genre de commentaire très irritant, car nous avons sacrifié la richesse matérielle et des avantages politiques et sociaux pour pouvoir être à la maison avec nos enfants.

Vous constaterez qu'à tous les niveaux de revenu, il existe des familles dont un parent est à la maison. C'est tout simplement parce que toute la question de la nécessité d'avoir deux revenus comporte plusieurs aspects; cela dépend des questions économiques et des valeurs et des styles de vie. Si on regarde des questions économiques, on s'aperçoit qu'une famille à revenu unique gagne26 000 $ de moins qu'une famille à double revenu et que si on enlève ce deuxième revenu à la famille à double revenu, les revenus des deux familles sont essentiellement les mêmes.

Si le besoin était le facteur déterminant, alors il y aurait un pourcentage plus élevé de conjoints qui feraient partie de la population active pour les familles à revenu moins élevé, mais ce n'est pas le cas. Les pourcentages sont essentiellement les mêmes. Le niveau de revenu n'est donc pas un facteur important pour déterminer la participation des conjoints à la population active.

Pour ce qui est de l'équité du régime fiscal, nous avons toujours parlé d'équité. Nous n'avons jamais dit qu'il fallait placer plus haut la barre et accorder un traitement préférentiel aux parents au foyer. Nous n'avons jamais dit cela. Tout ce que nous avons dit, c'est que le régime fiscal devrait être juste et équitable, et qu'il devrait offrir aux parents un choix quant à l'endroit où leurs enfants seront élevés. Nous sommes d'avis que ce sont les parents qui devraient recevoir l'aide fiscale, pour leur permettre de faire ce choix et de décider à quel endroit on s'occupera de leurs enfants.

Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter, Cheryl?

[Français]

M. Dubé: Mais vous dites dans votre première proposition:

«Abrogée» veut dire «annulée».

[Traduction]

Mme Perri: Oui.

[Français]

M. Dubé: Ensuite on lit qu'il faudrait aider de différentes façons ceux qui choisissent d'élever leurs enfants eux-mêmes. Tout cela me semble bien contradictoire.

[Traduction]

Mme Stewart: Ce que nous disons, c'est que toutes les familles devraient recevoir une aide pour élever leurs enfants, peu importe où elles choisissent de les élever, que ce soit au foyer ou dans une garderie ou chez une gardienne, membre de la famille ou autre. Toutes les familles devraient recevoir une aide qui soit juste et équitable. Nous n'avons jamais demandé une récompense pour les mères au foyer. Tout ce que nous demandons, c'est un traitement juste et équitable.

Mme Perri: J'aimerais parler de la question de la déduction pour frais de garde d'enfants. Ce que je trouve intéressant, c'est que lorsque l'on parle de l'éliminer, si on regarde bien cette déduction pour frais de garde d'enfants, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une déduction très élitiste. Elle profite aux riches. Plus on est riche, plus on retire d'avantages de la déduction pour frais de garde d'enfants. Elle est inversement proportionnelle aux besoins. Plus le revenu augmente, plus on en profite.

Par ailleurs, la déduction pour frais de garde d'enfants est limitée en ce sens que l'on y a droit que si on a un double revenu et que l'on présente des reçus officiels pour frais de garde d'enfants.

Une chose intéressante que nous avons découverte au cours de nos études et qui nous dérange beaucoup, c'est que les frais de garderie éducative, de pré-maternelle, de camp de hockey, sont considérés comme étant admissibles pour demander une déduction pour frais de garde d'enfants. En Alberta, où il y a un ticket modérateur pour la maternelle, si un enfant fréquente une maternelle qui se trouve dans une garderie, il est possible de déduire ses frais d'utilisation comme frais pour garde d'enfants.

Les familles à revenu unique envoient elles aussi leurs enfants à la pré-maternelle, et cela leur coûte cher. Nous envoyons nous aussi nos enfants en garderie éducative. Nous les envoyons dans des camps de hockey aussi. Même si nous sommes plus pauvres, nous ne pouvons déduire ces fais parce que nous ne travaillons pas à l'extérieur du foyer.

M. Dubé: Tout à fait.

Mme Perri: C'était notre plus gros problème en ce qui concerne la déduction. Elle profite aux riches. Elle n'aide absolument pas les familles monoparentales. Elle n'aide aucunement les familles à double revenu qui ont de la difficulté à arriver et qui ne gagnent pas suffisamment d'argent pour pouvoir réclamer cette déduction. C'était notre plus grande préoccupation en ce qui a trait à cette déduction.

[Français]

M. Dubé: Comme vous venez de le dire, la solution serait peut-être de mieux formuler les choses, c'est-à-dire de distinguer les vrais frais de garde de ceux qui n'en sont pas. C'est un bon point. Soit dit en passant, le gouvernement du Québec a l'intention de faire cela.

.1035

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Gaffney): Merci beaucoup. J'aimerais maintenant donner la parole à M. Hill, si vous le voulez bien.

M. Hill: Merci.

J'aimerais d'abord dire que je vous appuie entièrement.

Pourriez-vous me donner l'exemple de pays qui ont un régime fiscal plus équitable que le nôtre?

Mme Perri: Je sais d'après ce que nous avons pu apprendre que beaucoup de pays - l'Allemagne, l'Italie et la France - récompensent en fait les familles dont un parent reste à la maison. En fait, les allégements fiscaux sont accordés en fonction du nombre d'enfants qu'on a. Donc plus on a d'enfants, plus on obtient d'allégements fiscaux. Pour ce qui est du fardeau fiscal des familles prises individuellement dans ces pays, je ne saurais dire. Je sais toutefois que dans des pays comme la Suède et d'autres où l'on a adopté des politiques de service de garde qui ont pu nous servir d'exemple, nous avons constaté qu'on a maintenant tendance à les abandonner parce qu'on se rend compte que cela n'a pas aidé les enfants. On s'est rendu compte que cela ne donne pas davantage de choix aux familles. On y envisage des congés parentaux prolongés et des mesures de ce genre pour permettre aux parents de passer du temps avec leurs enfants.

M. Hill: Dans ces pays qui ont un régime fiscal plus équitable, constatez-vous de meilleurs résultats? Pour ce qui est des éléments quantifiables, font-ils mieux?

Mme Perri: À ce que je sache.

M. Hill: J'ai toujours pensé qu'il fallait évaluer les lois en fonction de l'incidence qu'elles avaient sur la famille traditionnelle. Pensez-vous que ce principe est utile pour les évaluer et s'assurer qu'elles n'ont pas sur la famille une incidence négative?

Mme Stewart: Je pense que ce serait la grande priorité de toute discussion d'ordre politique ou budgétaire. Est-ce vraiment dans l'intérêt supérieur des enfants? Si c'est la grande priorité, les politiques et le financement devraient en découler. Les familles y gagneraient.

M. Hill: Merci.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Monsieur Szabo.

M. Szabo: Merci, madame la présidente, et je souhaite la bienvenue aux témoins.

Je connais votre travail et je pense qu'en tant qu'organisation nationale, vous disposez de beaucoup de renseignements que nous devrions avoir. Votre mémoire en contient certains. Malheureusement, nous nous empêtrons dans des discussions sur la question de savoir si un allégement fiscal... ceci, cela, et que sais-je encore. Nous oublions l'autre aspect, c'est-à-dire qu'à long terme si nous n'offrons pas un milieu favorable, cette qualité de soins qui est essentielle, à long terme, les coûts des services de santé augmentent, les coûts des programmes sociaux augmentent, les coûts du système de justice augmentent. On y gagne peut-être à court terme, mais à long terme on y perd.

Vous n'êtes pas des chercheurs, mais vous rencontrez des familles de tout le pays. Je pourrais vous dire que pour bien des familles à double revenu qui ont des enfants d'âge préscolaire et qui utilisent des services de garde, comme ces frais de garde doivent être déduits du revenu du parent qui gagne le moins, une fois les frais de garde payés, les impôts acquittés, les dépenses liées à l'emploi, le revenu disponible net est si maigre que les parents se disent que ça ne vaut pas la peine, et se demandent pourquoi ils travaillent. Vous n'avez pas fait de recherche, mais pour avoir rencontré bon nombre de familles dans cette situation, est-ce ce qu'on vous dit et dans quelle proportion?

Mme Perri: Je pense qu'on l'entend dire par toutes les familles. Ce que je trouve intéressant, c'est que dans des familles comme vient de décrire M. Szabo, on dit que cette course contre la montre ne rime à rien. Le fait est qu'une fois qu'on a payé toutes les dépenses, c'est incroyable - on n'a pas de temps à passer avec sa famille.

Nous venons tout juste d'en faire l'expérience en nous préparant pour venir à Ottawa, en essayant de boucler nos bagages et de tout régler, et nous avons bien vu que nous n'avions pas le temps avant de partir de régler tous les petits détails concernant les enfants, et quand il faut recommencer jour après jour... Les familles nous parlent des écrasantes obligations auxquelles elles font face.

Nous entendons dire par beaucoup de parents à la maison, qu'ils sont vraiment en colère en raison du manque de respect qu'on a pour le rôle qu'ils jouent et pour les sacrifices qu'ils font. Nous entendons surtout beaucoup de femmes qui sont très en colère et qui nous disent qu'elles n'y avaient vu que du feu, que si elles étaient sur le marché du travail, elles seraient épanouies et heureuses et tout le reste, et que peu importe ce qu'elles auraient choisi de faire dans la vie, on les appuierait. Elles trouvent que ce n'est pas le cas quand on choisit de rester à la maison. Bien des femmes travaillent et aimeraient pouvoir rester chez elle. Elles nous ont littéralement dit que ce n'était pas là la libération, que ce n'était pas la liberté; elles aimeraient être à la maison et ne pensaient pas que c'était possible, soit pour des raisons financières, soit simplement pour des raisons sociales, ou parce qu'il n'y a pas de reconnaissance. C'est ce que nous disent beaucoup de familles.

.1040

M. Szabo: Très rapidement, savez-vous si des gouvernements provinciaux ont manifesté une certaine compréhension ou un certain appui à l'égard de la position de Kids First?

Mme Perri: C'est tout à fait le cas en Alberta. Je suis du nord de l'Alberta. Je communique régulièrement avec Jim Dinningy, trésorier de l'Alberta, et avec le nouveau ministre des Services sociaux, Stockwell Day, qui appuient tout à fait ce que nous faisons. Ils tentent d'exercer des pressions auprès du gouvernement fédéral pour faire apporter des changements fiscaux et pour qu'on appuie davantage les parents à la maison.

Je vais demander à Cheryl de vous parler de son expérience auprès du gouvernement de l'Ontario.

Mme Stewart: J'ai récemment rencontré Janet Ecker, adjointe parlementaire deDavid Tsubouchi, en Ontario. J'ai été très encouragée par l'appui et la compassion manifestés par Mme Ecker relativement à toute cette question des parents à la maison, et plus spécialement des parents qui souhaitent rester à la maison.

Je crois savoir qu'une rencontre doit avoir lieu entre les ministres des Services sociaux de tout le pays et le ministre fédéral. Une des questions qu'elle entend soulever est celle de savoir comment nous pouvons faciliter la tâche à ces mères qui veulent rester à la maison. Nous lui en sommes très reconnaissantes et sommes impatientes de rediscuter de cette question.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Avant de céder la parole à un autre membre, j'aimerais savoir si les membres du comité voient un inconvénient à ce qu'on siège au-delà de 11 heures, pour donner une demi-heure aussi au prochain témoin? Tout le monde est-il d'accord?

Des voix: Adopté.

La vice-présidente (Mme Gaffney): La parole est à Mme Hayes.

Mme Hayes: Merci, madame la présidente.

Avant votre comparution, nous avons entendu un groupe d'un centre de ressources pour parents. En fait, j'ai trouvé que certaines de leurs réponses au sujet des priorités du centre de ressources pour parents étaient assez vagues.

Je me demandais, étant donné que c'est une initiative financée par le gouvernement fédéral, quelles suggestions vous pourriez faire. Bien sûr, vous considérez comme priorité que les parents restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants - et je suis d'accord avec vous - ou du moins, il faudrait certainement que cela soit reconnu comme une solution de rechange viable et comme un choix possible. Actuellement, ce n'est pas une priorité, il me semble, de la politique gouvernementale.

Que pourrait faire un centre de ressources pour parents pour soutenir et encourager des parents comme vous?

Mme Perri: Voulez-vous répondre Cheryl? Cheryl a travaillé avec des centres de ressources pour parents au sein de la communauté.

Mme Stewart: Je pense que la toute première priorité serait de donner des cours postnatals. Plus tôt, dans vos observations, vous avez dit que nous avions beaucoup accompli en matière de cours prénatals. Mais je me rappelle du jour, il y a dix ans, où je rentrais chez moi avec ma fille pour me retrouver livrée à moi-même avec ce nourrisson sans savoir quoi faire. J'ai commencé à lire et à demander des conseils. J'en ai suivi certains et d'autres pas.

C'est ce que nous faisons. Nous renvoyons ces mères chez elles avec des nouveau-nés et les laissons se débrouiller sans aide avec ces petits enfants. Je pense que les cours postnatals sont essentiels.

Nous proposerions de créer un réseau de cours prénatals, soit par l'intermédiaire soit de centres de ressources, soit de services de santé locaux, un peu sur le modèle des cours prénatals qu'on donne maintenant. Il n'y a pas à ma connaissance une seule future mère qui ne suive pas de cours prénatal.

D'après l'expérience que j'en ai, les centres de ressources assurent tout ce volet éducatif. Je pense à des ateliers, auxquels j'ai participé, sur des questions comme l'apprentissage de la propreté, la rivalité fraternelle. Il y avait des ateliers qui portaient sur la condition de mère et la vision qu'on a de soi en tant que mère. Toutes sortes de composantes m'ont aidée à jouer mon rôle de mère, et ont traité de questions ayant trait au développement des nourrissons et des petits enfants afin qu'on puisse comprendre ces étapes du développement et aider nos enfants à les franchir.

À notre centre, nous avions la grande chance d'avoir suffisamment d'espace pour aménager une halte-garderie. Je sais que bien des fois, surtout quand mes enfants étaient petits, j'y ai trouvé une véritable planche de salut. Au beau milieu de l'hiver, quand j'étais enfermée à la maison avec deux jeunes enfants et que je pensais craquer, je les préparais, et nous partions pour le centre de ressources. Je pouvais m'asseoir et parler avec d'autres mères, discuter en prenant une tasse de thé. Le personnel du centre était là pour nous donner un coup de main. Il jouait avec les enfants. Je pouvais rentrer ensuite chez moi et me sentir reposée et détendue, prête à finir l'après-midi ou à faire ce que j'avais à faire.

Je pense donc que pour ce qui est de la prévention, cela m'a certainement aidée à améliorer mes compétences parentales et m'a peut-être empêchée parfois d'aller trop loin avec mes enfants.

Mme Hayes: Trouvez-vous qu'ils répondent à ce besoin?

.1045

Mme Stewart: Notre centre est particulièrement bon. Je sais qu'il existe au Canada des centres qui répondent de façon assez différente aux besoins de leurs communautés. Mais je ne saurais trop vanter notre centre à nous.

Mme Hayes: Alors peut-être que si l'on redéfinissait des objectifs plutôt que d'énoncer ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, peut-être que si l'on exposait aux décideurs quelles sont nos priorités, ce ne serait pas une mauvaise idée pour les centres de ressources pour la famille.

Mme Stewart: Il faudrait que ce soit des objectifs cohérents, tout en étant suffisamment flexibles pour répondre aux attentes de certaines communautés, parce que celles-ci diffèrent de l'une à l'autre.

Mme Hayes: Vous faites une recommandation - et c'est tout à fait d'actualité - visant à modifier le RPC. Vous mentionnez ici une recommandation. Pourriez-vous préciser ce que vous préconisez au sujet du RPC et des personnes au foyer, etc.?

La vice-présidente (Mme Gaffney): Pouvez-vous faire vite?

Mme Perri: Oui.

Il s'agit essentiellement de proposer une pension de personne au foyer, mais nous n'avons pas encore vraiment réfléchi à la façon précise d'y arriver. Il s'agit tout simplement de reconnaître le travail effectué à la maison. Nous croyons savoir que tout est remis en question en ce qui a trait au RPC, et nous savons qu'étant donné le déficit et tout le reste cela pourrait ne pas aboutir. Néanmoins, je pense que c'était un bon moyen d'assurer une certaine reconnaissance et peut-être d'offrir non seulement une indemnité, mais aussi une stabilité financière quand les mères au foyer prennent leur retraite, par exemple.

Mme Hayes: Alors peut-être que la déduction permise au titre du RPC pour un conjoint qui travaille pourrait être doublée dans le cas d'une personne au foyer.

Mme Perri: Oui, quelque chose de ce genre.

Mme Hayes: Il faudrait donc reconnaître en quelque sorte cette deuxième personne qui n'est pas sur le marché du travail et qui a besoin de sécurité financière.

Mme Perri: Surtout dans ses vieux jours.

Mme Hayes: Très bien. Merci.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Merci beaucoup, Cathy et Cheryl. Vote exposé était tout à fait opportun.

Je ne pense pas qu'un seul d'entre nous, en tant que député, n'ait jamais abordé avec ses commettants la question de l'iniquité de la Loi de l'impôt sur le revenu. J'en ai parlé à de multiples reprises avec des gens de mon comté. Du reste, Sharon et moi, encore hier à la Chambre des communes, avons parlé entre nous de la situation des mères au foyer. Beaucoup sans doute ne travailleraient pas à l'extérieur si elles bénéficiaient des mêmes allégements fiscaux, d'une pension pour personne au foyer, ou d'autres mesures dont on bénéficie quand on est sur le marché du travail.

Merci beaucoup.

Mme Stewart: Avant de passer aux témoins suivants, je pourrais peut-être mentionner que les sondages révèlent les uns après les autres que 70 p. 100 des femmes qui travaillent préféreraient rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants. Espérons que nous pourrons le leur permettre.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Très bien. Merci beaucoup.

Le témoin suivant est M. Robert Glossop, de l'Institut Vanier de la famille. Vous êtes le dernier témoin, mais certainement pas le moindre. Nous connaissons très bien l'Institut Vanier de la famille. Nous regrettons de vous avoir fait attendre si longtemps, mais nous allons essayer de vous accorder toute la place qui vous revient. Vous avez donc la parole.

M. Robert Glossop (directeur des programmes et de la recherche, Institut Vanier de la famille): Merci beaucoup à vous, madame la présidente, ainsi qu'aux membres du comité. Au nom du conseil d'administration de l'Institut Vanier de la famille, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui pour vous entretenir de rien de moins que l'avenir de notre nation, qui repose, comme nous le savons tous, sur les perspectives qu'on offre aux enfants d'aujourd'hui.

Je n'ai pas eu le temps de rédiger un mémoire comme tel. J'ai cependant remis des exemplaires en français et en anglais d'une publication intitulée Profil des familles canadiennes, sur laquelle j'appuie certaines des observations et des revendications que je ferai. Comme nous n'avons que peu de temps, je passe immédiatement à la fin du deuxième paragraphe de la page 4 du texte que j'ai remis à l'interprète.

Malgré la mauvaise publicité et la mauvaise presse dont font souvent l'objet les familles de nos jours et qui pourraient nous porter à croire qu'elles ne sont rien d'autre que des foyers de conflits intergénérationnels et de maltraitance à l'endroit des femmes, des enfants et des personnes âgées et qu'elles ne sont rien d'autre qu'une institution vouée à la séparation ou au divorce, malgré toutes ces mauvaises nouvelles, je dirais que la famille demeure essentielle à nos personnalités, à notre identité et à nos aspirations. L'essentiel pour nous est de reconnaître que les familles sont les creusets de compétence à l'intérieur desquels les capacités, les espoirs et les attentes de nos enfants et notre avenir sont façonnés.

.1050

En l'espace d'une seule génération, les Canadiens ont assisté à une véritable révolution dans les modèles de vie familiale. Ces changements ont transformé d'une façon radicale non seulement l'expérience et les besoins des individus, mais aussi les obligations et les responsabilités des gouvernements et d'autres agents de responsabilité sociale des secteurs privé et public et des communautés.

Parmi les tendances les plus remarquables, mentionnons la diversité croissante des types de familles et des modèles de fonctionnement familial. Cette diversité se reflète dans le nombre accru de séparations et de divorces, de familles monoparentales, de cas de cohabitation, de refus d'avoir des enfants, de mariages tardifs, de remariages, dans la multiplication des familles peu nombreuses, comme en témoignent les faibles taux de fertilité, qui ont pour conséquence le vieillissement de la société, sans compter le fait que l'immigration accroît la diversité ethnique, linguistique et culturelle au sein de la population des familles canadiennes.

Nous avons aussi constaté l'insécurité économique grandissante des familles qui doivent consacrer de plus en plus d'heures chaque semaine au travail rémunéré pour gagner le revenu familial moyen et joindre les deux bouts à la fin du mois. Les familles ont le sentiment qu'elles ne peuvent plus influer sur les décisions qui façonnent leur destinée économique et celle de leurs enfants en cette époque de frugalité gouvernementale, de mondialisation, de rationalisation et de restructuration.

Comme vous l'avez déjà entendu dire ce matin, nous avons constaté la présence accrue des femmes mariées et des mères sur le marché du travail, si bien que la famille à double revenu a fini par devenir la norme, sur le plan tant des statistiques que de la culture; l'écart grandissant entre les familles à un revenu et celles qui en ont deux; la nécessité de services de garde d'enfants et de personnes âgées qui soient assurés par des fonds publics; ainsi que diverses politiques conviviales du marché du travail afin d'aider les familles, surtout les femmes, à faire face aux exigences conflictuelles de leur travail et de leur famille.

Nous prenons aussi note de la vulnérabilité économique grandissante des familles et des enfants, souvent, bien que pas toujours, liée à la séparation et au divorce. Je devrais mentionner que la majorité des enfants pauvres au Canada sont élevés par leurs deux parents, même si la probabilité de voir un parent seul vivre dans la pauvreté est de cinq à six fois supérieure à ce qu'elle est dans le cas d'une famille composée des deux parents.

Le nombre d'enfants pauvres, qu'on évalue à près de 1,4 million, est terriblement élevé, beaucoup plus que dans la plupart des autres pays industrialisés. En tant qu'individus, ils feront les frais de cette négligence, tout comme le reste d'entre nous, qui devrons assumer les conséquences de leur piètre état de santé, de leur potentiel dilapidé, de leur rendement scolaire amoindri et de leur manque d'intégration sociale.

Ceux d'entre nous qui ne sont pas pauvres, ceux d'entre nous qui ont la chance d'avoir un emploi, de vivre dans une famille où l'on a un ou deux emplois, se sentent souvent accablés par tout ce qu'il y a à faire, comme l'ont dit les témoins précédents. Nous sommes épuisés, et il semble que nos familles doivent souvent se contenter du peu d'énergie et de dévouement qu'il nous reste.

J'aimerais maintenant m'éloigner un peu de mon texte et dire que je suis d'accord avecM. Dubé. Je suis en ce moment particulièrement préoccupé par la mise en opposition des intérêts d'un type de famille par rapport aux intérêts d'autres types de familles. Il me semble souvent que ce qu'on perd de vue dans les discussions et débats au sujet de la famille, c'est l'engagement qu'on prend à l'endroit des enfants et de leur bien-être, à l'endroit des rapports entre les enfants et les parents et de l'état de ces relations, peu importe qu'il s'agisse de familles monoparentales, de familles traditionnelles, de familles à revenu unique ou de familles à double revenu.

Trop souvent, il me semble, les intérêts des enfants sont noyés dans une mer de débats politiques et idéologiques, ce qui à mon avis ne contribue nullement au respect des intérêts des parents ni de ceux des familles.

Je vais parler brièvement du fait que les familles à double revenu sont en train de devenir la norme, et cela afin de vous expliquer pourquoi je crois que les femmes ne sont pas près de quitter le marché du travail.

Le pouvoir d'achat des travailleurs masculins a diminué au cours des vingt dernières années. Les hommes ne touchent plus un salaire familial suffisant pour faire vivre une femme au foyer et leurs quatre ou cinq enfants, comme c'était courant dans les années 1950 et 1960. On pouvait s'y attendre, les familles ont réagi en accaparant une plus grande part du marché du travail, pour parler en économiste.

Deuxièmement, le coût d'entretien d'une société vieillissante fera que nous tous qui sommes, comme on dit, en âge de travailler, qu'on soit homme ou femme, nous serons pressés de plus en plus de nous montrer productifs sur le marché du travail rémunéré afin que nous puissions faire face aux dépenses accrues au titre de la sécurité du revenu, des soins de santé et de l'assistance sociale que nécessite une population âgée.

.1055

Troisièmement, nous sommes des gens avides, mais je dirais qu'il n'est pas juste d'imputer cette rapacité aux individus, étant donné que notre économie est maintenant habituée à voir croître les niveaux de production et de consommation. Si les dépenses des familles n'étaient pas le principal moteur de la prospérité économique, il se construirait moins de maisons, et des industries comme celle du bois de construction de la Colombie-Britannique en souffriraient, on achèterait moins d'automobiles, et les fabricants commenceraient à congédier des travailleurs à Windsor, et le Conference Board du Canada nous dirait que le niveau de confiance des consommateurs est si faible que nous ne nous remettrons pas de la prochaine récession, qui dépend de la reprise de la demande des consommateurs.

Quatrièmement, les aspirations et les attentes des femmes et des hommes ont changé du tout au tout. Si nous cherchons quelqu'un à qui reprocher l'imposition de cette norme du double revenu pour les familles, nous devrions probablement pointer du doigt nos pères et nos mères. Après tout, ce sont eux et leur génération qui ont beaucoup investi dans l'éducation de leurs enfants, de leurs fils et de leurs filles. Il n'est donc pas si étonnant que leurs filles aient cherché à mettre à profit cette éducation, non pas seulement à la maison, où c'est extrêmement important, mais aussi dans le monde du commerce et des affaires de la cité.

Enfin, étant donné que les femmes paient maintenant plus de 20 milliards de dollars en recettes fiscales fédérales et provinciales au titre de leurs revenus d'emploi, il semble bien évident qu'en tant que société nous en sommes venus à dépendre passablement de leur productivité et de leur participation au marché du travail rémunéré.

Si nous cherchons des façons de soutenir les familles et le travail essentiel qu'elles accomplissent dans l'éducation de la future génération, dans la protection et la promotion de la santé de la future génération - et c'est la génération sur laquelle chacun d'entre nous dépendra dans les années à venir - je pense qu'il y a six stratégies d'investissement qui s'imposent d'elles-mêmes.

D'abord, nous devons mieux reconnaître le travail que les parents et les familles accomplissent dans l'intérêt des enfants et dans l'intérêt de l'ensemble de la société, qui est celle qui bénéficie des investissements que les parents font dans la prochaine génération. Nous pouvons accroître directement les ressources mises à la disposition de toutes les familles. C'est ce qu'est l'allocation familiale, et c'est ce qu'était la déduction pour enfants, qui a maintenant disparu du régime fiscal, avant qu'on les élimine et les remplace par les dispositions ciblées du crédit d'impôt pour enfants.

Comparativement à sept autres pays industrialisés - l'Australie, la Suède, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis - le Canada a la particularité peu enviable d'être les seuls de ces nations à ne pas fournir de prestation pour enfants sans égard aux revenus des parents.

Deuxièmement, nous pouvons aider les familles vulnérables ou les membres de familles vulnérables par l'adoption de mesures comme les programmes ciblés de soutien du revenu, les subventions au transport ou à l'habitation, les banques de vêtements et d'aliments, les programmes Bon départ pour les enfants pauvres, etc.

Troisièmement, nous pouvons travailler à améliorer la capacité des familles et des membres des familles pour qu'ils assument leurs responsabilités grâce à des programmes d'éducation familiale, d'entraide et d'aide aux employés offerts dans les milieux de travail.

Quatrièmement, nous pouvons créer des programmes et des services qui renforcent les capacités qu'ont déjà les familles. Les services de garde viennent immédiatement à l'esprit, mais des groupes communautaires ou des employeurs peuvent aussi offrir de l'aide en procurant des services appropriés de garde pour enfants et pour personnes âgées, ainsi que des services de relève. Les programmes de cantine scolaire, bien qu'ils soient malheureusement nécessaires, viennent en aide aux familles qui sont incapables de nourrir leurs enfants comme il se doit.

Cinquièmement, nous pouvons aider les familles à franchir certaines périodes de transition en leur offrant des programmes de préparation au mariage, des cours d'éducation familiale, des services de relève, des groupes de parents sans partenaires ou des programmes spécialement conçus pour les enfants dont les parents sont en train de se séparer ou de divorcer.

Enfin, nous pouvons nous efforcer de renforcer les communautés dont les familles tirent leur force en investissant dans des programmes de ressources familiales comme ceux dont on vous a parlé ce matin: des joujouthèques, des bibliothèques publiques, des installations et des programmes de loisirs et des initiatives de développement communautaire.

Merci beaucoup.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Merci, monsieur Glossop.

Je donne d'abord la parole à M. Dubé, du Bloc québécois.

[Français]

M. Dubé: Je voudrais d'abord vous demander si vous comprenez le français.

M. Glossop: Malheureusement, je le parle à peine.

M. Dubé: Je n'ai évidemment pas eu le temps de lire en entier le document que vous présentez, mais je le trouve très intéressant et je trouve aussi très intéressante votre approche qui reconnaît la société dans un sens non idéologique.

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Les faits sociologiques sont là, et il peut arriver que cela prenne une telle orientation. Néanmoins, vos stratégies, qui sont au nombre de six, mériteraient d'être davantage expliquées. Je ne sais pas à quelle page de votre document elles sont, mais je suppose qu'on peut les retrouver facilement.

J'ai bien saisi, notamment, tout l'aspect des mesures transitoires. Malheureusement, et je ne sais pas si vous allez arriver à la même conclusion que moi, je trouve qu'on fait tout le contraire dans le contexte du resserrement des finances publiques au Canada et dans toutes les provinces. On veut en effet assainir les finances publiques et on restreint donc les programmes sociaux. Pour ce faire, nous privilégions certains moyens et, voulant atteindre les plus démunis, nous ciblons nos programmes en laissant de côté les mesures plus universelles, de sorte qu'au lieu d'assister à un progrès, on assiste à une détérioration des mesures.

On arrive à des programmes qui sont intéressants, mais le gouvernement fédéral a reconnu ce matin, par exemple, que dans le programme PACE, il y a 38 initiatives un peu partout au Canada pour explorer de nouvelles voies, qui sont programmées sur une base de trois ans, mais sans promesse de continuité. Cela s'arrête là. Alors, on implore le ciel ou je ne sais qui de faire en sorte que d'autres gouvernements puissent assurer la continuation du programme.

Finalement, on constate, d'après ce que vous dites, qu'il est difficile d'apporter des améliorations si on ne change pas radicalement de position, étant donné les nouvelles mesures à l'échelle locale. En effet, les municipalités, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral essaient de couper dans leurs dépenses et laissent finalement aux individus et aux groupes communautaires le soin de se débrouiller par eux-mêmes. Donc, s'il n'y a pas de changement, on s'en va vers un cul-de-sac. Je ne sais pas si vous partagez mon point de vue, mais je voudrais vous demander comment vous envisageriez de changer tout cela.

[Traduction]

M. Glossop: Je crois que je le partage. On pourrait en parler longuement, mais je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps. Permettez-moi d'offrir deux réponses à ce que vous avez mentionné.

La suppression de l'allocation familiale universelle et de la déduction pour enfants à charge est, à mon avis et du point de vue de la politique familiale, extrêmement regrettable. Elle a constitué un transfert du fardeau fiscal de ceux qui n'élèvent pas d'enfants à charge, à des familles qui en élèvent. Une famille relativement aisée gagnant 70 000 $ par an et ayant deux enfants paie exactement les mêmes impôts qu'un ménage sans enfant qui touche le même revenu.

Autrement dit, je pense qu'on a enfreint un principe fondamental d'équité fiscale, qui voulait que les familles soient imposées en fonction de leur capacité de payer. Dans le passé, leur capacité de payer était calculée en fonction du fait qu'elles avaient ou non des enfants à charge, étant donné que les enfants à charge coûtent à la famille canadienne moyenne de 4 000 $ à 8 000 $ par année après impôt.

Dans cet effort de restriction financière, dont je pense qu'aucun Canadien ne contesterait le bien-fondé, la question de savoir qui en porte le fardeau ou comment le répartir n'a pas été bien examinée au moment de décider de supprimer les allocations familiales et la déduction pour enfants à charge.

Je voudrais ajouter une autre chose en réponse à ce que vous avez dit. Il y a quelque chose d'ironique en effet; j'appelle cela la redécouverte naïve de la famille. Le gouvernement canadien et d'autres gouvernements provinciaux, à l'exception de celui du Québec, peut-être, ont réussi pendant bien des années à éluder les questions de politique familiale. Toutefois, en se rendant compte qu'il doit comprimer ses coûts, l'État providence très souvent mise naïvement sur les familles et les collectivités pour qu'elles prennent la relève et assurent encore une fois gratuitement ce que, selon nous, les familles faisaient gratuitement il y a 30 ou 40 ans, à savoir prodiguer des soins aux jeunes enfants, aux malades, aux personnes ayant une incapacité et aux personnes âgées. C'est exiger énormément de la part de familles et de collectivités qui ne peuvent pas compter sur de grosses ressources et qui manquent déjà de temps, comme je l'ai signalé.

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Toute cette question de compressions pose donc de graves difficultés. Selon moi, la société en général attend davantage des familles à un moment où les familles ont déjà fait preuve de beaucoup de ressort et d'esprit d'adaptation dans la contribution qu'elles apportent au bien-être de la nation.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Avez-vous terminé, monsieur Dubé?

[Français]

M. Dubé: J'ai terminé. Cela pourrait durer plus longtemps, mais j'ai dit l'essentiel.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Gaffney): Je donne la parole à Mme Hayes.

Mme Hayes: Je voudrais parler de ce cahier intitulé Profil des familles canadiennes, où l'on trouve notamment des statistiques. Il contient une foule de renseignements intéressants et représente une manne de statistiques sur la famille.

M. Glossop: Je suis ravi de vous entendre dire cela. Cela signifie que l'objectif est atteint. Ce cahier a été préparé au début de l'Année internationale de la famille précisément à cette occasion et a été diffusé à ce moment-là.

Mme Hayes: Pendant que vous faisiez votre exposé, je l'ai parcouru rapidement, et il y a une chose qui m'a frappée tout de suite, à savoir le taux de divorce, qui au Canada et dans d'autres pays a connu une augmentation phénoménale. Entre 1965 et 1988 - et je consulte le graphique à bâtons ici - les divorces se sont multipliés par cinq ou six, alors qu'aux États-Unis et dans d'autres pays ils ont doublé.

M. Glossop: Le taux de divorce était plus élevé aux États-Unis à ce moment-là.

Mme Hayes: Je sais, mais d'après ce que je constate le rattrapage va bon train.

Puisque vous représentez un institut de recherche sur la famille en quelque sorte, y a-t-il une indication quelconque...? Quand je consulte les statistiques, je me dis qu'on ne donne pas vraiment d'explications exhaustives dans le cas de certaines statistiques. Par exemple, je sais qu'en même temps que le taux de divorce grimpe il y a une augmentation du nombre d'enfants nés en dehors des liens du mariage. Ainsi, il y a beaucoup plus d'enfants qui ne peuvent pas compter sur deux parents que ne l'indique cette simple statistique sur le divorce. Bien sûr, il y a des remariages également parmi le groupe des divorcés mais au-delà de ce qu'indique ce graphique, cela contribue sans doute davantage à l'éclatement du modèle de la famille à deux parents et à son instabilité.

Quelle incidence ce phénomène a-t-il sur les enfants? A-t-on mesuré cela? A-t-on entrepris des recherches ou pris des mesures afin de contrer - je dis bien - ces problèmes? D'après ce que j'ai entendu dire, du moins, les enfants éprouvent des problèmes à cause de l'instabilité des relations entre les parents. J'écouterai volontiers votre réponse.

M. Glossop: J'ai trois ou quatre choses à aborder, mais je serai très bref afin de ne pas abuser du temps disponible.

Oui, effectivement, le Canada s'est mis au diapason des autres pays pour ce qui est du taux de divorce. Avant 1968, nous nous piquions d'être un pays à faible taux de divorce, surtout quand nous nous comparions aux États-Unis ou à certains pays européens. Ce n'est plus le cas. Nous avons rattrapé les autres et nous situons dans le peloton des nations à taux de divorce élevé.

On a évalué que de 40 à 45 p. 100 environ des enfants nés à la fin des années 1970 verront avant d'atteindre 18 ans leurs parents se séparer ou divorcer. Ce n'est pas la majorité, mais c'est une très grosse minorité.

Je vous dirai qu'il est vrai qu'il y a eu une augmentation spectaculaire du nombre d'enfants nés de femmes qui ne sont pas mariées. Dans l'ensemble du Canada, ces enfants comptaient pour26 p. 100 des naissances en 1993. Au Québec, c'est plus près de 50 p. 100. Toutefois, il ne faut pas se méprendre et penser que ces enfants naissent de parents seuls. La vaste majorité de ces enfants sont nés dans un foyer à deux parents qui cohabitent.

M. Szabo: Ce n'est pas vrai.

M. Dubé: Conjoints de fait.

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Mme Hayes: Une petite précision. La stabilité de la cohabitation a-t-elle été évaluée par rapport aux divorces? Si le taux de divorce est élevé, la cohabitation...

M. Glossop: Nous savons que les couples qui cohabitent sont moins stables que les couples mariés. Nous savons également que les remariages sont moins stables que les premiers mariages.

Mme Hayes: Je vous suis.

M. Glossop: Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problèmes, qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter. J'espère que vous reconnaîtrez avec moi qu'entre les années 1960 et aujourd'hui il n'y a pas de différence et qu'autant d'enfants naissent dans des foyers à deux parents. Ce qui est affligeant, c'est qu'il y a une augmentation spectaculaire du nombre de ces enfants qui sont appelés à vivre l'éclatement de leur famille à cause de la séparation ou du divorce de leurs parents biologiques.

Enfin, vous m'avez posé une question sur les conséquences. Il y a 25 ans, quand j'ai commencé ma carrière, je pensais, et c'était courant à l'époque, qu'il valait mieux que les enfants ne vivent pas dans une situation conflictuelle, et que le divorce était sans doute la meilleure chose pour tout le monde. Dans bien des cas, c'est encore ce que je pense. Toutefois, les enquêtes longitudinales démontrent que le divorce et la séparation ont des conséquences traumatisantes à long terme pour les enfants. Ces conséquences dépendent de l'âge de l'enfant au moment de la séparation ou du divorce. Et elles se font sentir différemment suivant qu'il s'agit d'un garçon ou d'une fille.

Mme Hayes: À quel âge le divorce est-il le plus traumatisant pour un enfant?

M. Glossop: Je ne peux pas affirmer qu'il y a un âge auquel un enfant vit aisément la séparation ou le divorce de ses parents. Les conséquences émotives et psychologiques se font sentir à long terme. Judith Wallerstein, une Américaine, a découvert il y a quelques années que si les enfants avaient le droit de vote, le divorce deviendrait illégal. Les cicatrices demeurent.

Toutefois, cela ne signifie pas qu'il faille interdire le divorce, car ce ne serait pas la solution appropriée non plus. Je préférerais qu'on investisse bien davantage pour faciliter la vie des familles afin que les gens puissent mieux assumer les engagements qu'ils prennent en se mariant. Quand vous demandez aux Canadiens à quoi rime le mariage, ils vous disent encore que c'est un engagement à vie. Ils ne comptent pas se séparer ou divorcer une fois qu'ils s'unissent. Par ailleurs, je pense qu'on devrait offrir de meilleurs cours de préparation au mariage, de meilleurs cours de formation au rôle de parent, de meilleurs programmes à l'intention des couples, des programmes d'enrichissement du mariage, etc., afin que les gens puissent maintenir leurs engagements.

Mme Hayes: Je sais ce que sont les programmes d'enrichissement du mariage, mais, que je sache, le gouvernement ne les parraine pas. Pensez-vous qu'il devrait le faire?

M. Glossop: Il existe sans doute déjà une participation gouvernementale indirecte dans le cas de certains de ces programmes. Les programmes d'éducation à la vie familiale et les programmes d'enrichissement du mariage sont souvent offerts sous les auspices d'une administration municipale ou d'un groupe religieux. Dans la mesure où il y a des subventions appliquées à ces programmes, le gouvernement leur apporte un appui indirect.

Rappelez-vous ce que j'ai dit concernant les allocations familiales et les déductions fiscales. Je pense que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont une responsabilité et des obligations financières à l'égard des familles. Quant à savoir qui devrait s'occuper d'offrir des programmes d'éducation à la vie familiale et des programmes d'enrichissement du mariage, je ne suis pas sûr qu'il faille se tourner vers vous et vos collègues de la Chambre des communes. Selon moi, il serait raisonnable de s'attendre à ce qu'ils soient parrainés par les collectivités, les familles, les groupes religieux ainsi que par d'autres organisations bénévoles.

Mme Hayes: Mais il faut toutefois reconnaître l'importance de...

M. Glossop: Il faut absolument reconnaître leur importance, effectivement.

Mme Hayes: D'accord. Et que dire des lois sur le divorce?

M. Glossop: Les lois sur le divorce?

Mme Hayes: Il semble qu'il y ait une corrélation directe entre le moment où notre loi sur le divorce a été refondue, rendant plus facile...

M. Glossop: Bien des raisons, culturelles, sociales et économiques, expliquent que le taux de divorce a grimpé tant et si bien que nous avons rattrapé beaucoup d'autres pays industrialisés sur ce plan-là. Nous ne nous écartons pas des tendances que l'on constate dans les pays modernes industrialisés. Par conséquent, on aurait tort de croire que le Canada pourrait arriver à réduire énormément son taux de divorce grâce à des réformes législatives.

Je ne veux pas être trop catégorique, mais je vous rappelle que le divorce est l'aboutissement d'un processus qui a déjà accéléré la fin d'une relation. La loi sur le divorce en elle-même n'est pas ce qui crée des conflits chez les gens; elle n'est pas source de tension et de frustration ni d'espérances et d'aspirations déçues. Par conséquent, je ne pense pas qu'il faille cherche le problème dans la loi.

Il est ironique de constater que notre droit de la famille porte davantage sur les familles au moment de la séparation et de la dissolution, mais que nous avons très peu de lois qui appuient les familles encore intactes.

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Mme Hayes: Puis-je faire une brève remarque?

Il semble que le divorce traumatise les enfants, appauvrisse les femmes, et, encore une fois, ce sont les femmes, en grande majorité, qui sont victimes du divorce, ce que l'on peut lire ici également. Le divorce n'apporte rien de bon à qui que ce soit. L'essentiel de la politique gouvernementale vise les meilleurs intérêts de l'enfant, et, assurément, le mouvement féministe veut le plus grand bien de la femme. La politique gouvernementale devrait donc se tourner vers ces nombreux groupes qui oeuvrent dans ce sens-là, car c'est ainsi que l'on contribuera à réduire l'éventualité du divorce.

M. Glossop: Moi aussi je voudrais bien qu'il y ait moins de divorces au Canada. Comment s'y prendre? Je n'en sais rien. Aux États-Unis on a proposé de...

Mme Hayes: En réduisant le stress qu'éprouvent les familles à double revenu peut-être.

M. Szabo: Robert, je suis à peu près sûr que vous allez convenir que les gens pauvres peuvent élever des enfants tout à fait charmants, mais qu'il est sans doute plus probable que des difficultés surgissent dans les foyers à faible revenu, ne serait-ce qu'à cause de la nutrition ou d'une autre difficulté attribuable à cela.

Vous avez parlé de la pauvreté chez les enfants. Savez-vous combien d'enfants naissent dans des foyers pauvres et - cela est lié à l'éclatement de la famille - combien d'enfants sont pauvres irrémédiablement à cause de l'éclatement de leur famille? Si la pauvreté chez les enfants est un facteur qui influe sur leur piètre comportement plus tard, quelle importance revêt toute cette question de la solidité de la famille dans les stratégies appliquées à la santé des enfants?

M. Glossop: Votre question est fort intéressante du point de vue d'un chercheur. J'aimerais bien avoir une très bonne réponse. Je peux vous dire toutefois, puisque vous avez demandé des chiffres, que la majorité des enfants pauvres au Canada vivent dans un foyer à deux parents. Toutefois, nous savons que la séparation et le divorce sont la cause d'une augmentation inouïe du nombre des familles monoparentales, et nous savons que 60 p. 100 des familles monoparentales dirigées par une femme vivent sous le seuil de faible revenu.

Donc, effectivement, la séparation et le divorce ont une incidence spectaculaire sur la sécurité financière des enfants, avec toutes les conséquences à l'avenant que cela comporte.

M. Szabo: Tout à l'heure, j'ai éclaté, et je vous prie de m'en excuser. À la page 90 de votre livre, on peut lire qu'en 1980, 62 p. 100 des enfants pauvres vivaient avec deux parents. En 1991, seulement 54 p. 100 étaient dans ce cas-là. Quant à moi, je vous dirai que 54 p. 100 ne représente pas une vaste majorité. C'est pour cela que j'ai réagi. Entre 1980 et 1991, on est passé de 62 p. 100 à54 p. 100. Il s'est écoulé cinq ans depuis, et, si la tendance s'est poursuivie, cela signifie qu'il ne s'agit plus du tout d'une vaste majorité. Je serais prêt à le parier, car je ne peux pas imaginer, vu le taux de divorce que l'on a au Canada, que c'est dans les familles à deux revenus que l'on trouve le plus grand nombre d'enfants pauvres.

M. Glossop: Excusez-moi, je n'ai pas dit dans les familles à deux revenus, mais dans les familles à deux parents.

M. Szabo: Les familles à deux parents.

M. Glossop: Il y a une différence.

Vous avez tout à fait raison en ce qui a trait au maintien de la tendance. On a pu constater chez les familles pauvres que la proportion des familles monoparentales augmente, et cela s'accentue. Vous avez les chiffres de 1991, mais le pourcentage est toujours de 53 ou 54 p. 100.

M. Szabo: J'ai une dernière question à vous poser. Si vous faisiez une comparaison entre la multiplication des agences sociales au Canada depuis dix ans et le nombre ou le pourcentage des familles dont les deux parents travaillent, pourriez-vous voir une corrélation entre le nombre de ces agences sociales qui s'emploient à régler des problèmes et le fait que les parents ne s'occupent pas directement de leurs enfants?

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M. Glossop: Il n'y a rien qui prouve cela. Je n'ai jamais vu une telle corrélation. Je vous dirais cependant que d'après mes lectures sur le soin des enfants et les rapports de recherche que j'ai consultés, je conclus qu'il n'y a pas de preuves solides que les enfants qui sont confiés à la garde d'autres personnes que leurs parents en souffrent, mais pour cela il faut que les soins soient d'assez bonne qualité.

Par ailleurs, il y a des preuves suffisantes pour permettre de conclure que la sécurité économique des familles a des conséquences pour les enfants. On a déterminé en Australie que les enfants qui réussissent le mieux, suivant des critères cognitifs, émotifs et sociaux, etc., sont des enfants issus de familles à deux revenus. Cela est dont lié aux ressources financières de la famille. Ce n'est absolument pas...

M. Szabo: Êtes-vous au courant de cette étude, celle que l'on a dit être la plus exhaustive et avoir la plus grande portée, dont on a parlé dans le Globe and Mail au mois d'avril dernier? Cette étude conclut que si la présence constante du même adulte est interrompue plus de dix heures par semaine, cela peut avoir des conséquences négatives pour l'enfant. Cela semble contredire ce que vous venez juste de dire.

M. Glossop: Je connais très bien cette étude. Je connais très bien son auteur et l'organisation qu'il représente. Je sais aussi parfaitement bien qu'une lettre préparée par 16 organismes de renom qui s'occupent du soin des enfants contestent la crédibilité de cette recherche et l'intégrité des affirmations qui sont faites.

M. Szabo: Autrement dit, même une recherche de portée très vaste serait contestable, n'est-ce pas? Honte.

La vice-présidente (Mme Gaffney): Notre temps est écoulé. Merci beaucoup, monsieur Glossop. Merci de votre patience. Nous avons finalement réussi à vous rencontrer, et je pense que nous en avons bien profité.

Merci aux membres du comité d'être restés après 11 heures. La prochaine séance aura lieu le13 juin à 9 heures.

La séance est levée.

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