STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 mai 1998

• 0916

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte.

Je tiens à remercier tous les députés qui ont remis leurs amendements à la greffière. Comme vous savez, le processus du comité est...

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Pardon, monsieur le président.

Le président: Oui, monsieur Crête?

[Français]

M. Paul Crête: Avant que nous procédions à l'étude du projet de loi article par article, je voudrais proposer la motion suivante:

Nous vous avons remis copie dans les deux langues de ce projet de motion.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Très bonne idée!

M. Paul Crête: Je voudrais faire une intervention sur cette motion, s'il est pertinent de le faire maintenant.

[Traduction]

Le président: Qui propose cette motion?

[Français]

M. Paul Crête: Oui.

[Traduction]

Le président: Je ne faisais que quelques observations préliminaires, si cela vous va. Je faisais des observations préliminaires, permettez-moi donc d'achever.

[Français]

M. Paul Crête: Oui. Excusez-moi.

[Traduction]

Le président: Oh, pas de problème.

Encore une fois, je tiens à réitérer ma reconnaissance la plus vive aux députés qui ont pris la peine de nous remettre leurs amendements visant à améliorer le projet de loi C-36. En effet, cela fait partie intégrante du processus de travail en comité.

Je tiens aussi à dire ma reconnaissance à tous ces députés qui étaient présents aux audiences et qui ont écouté les nombreux témoins relativement au projet de loi C-36, projet de loi très important, comme vous savez, et qui est lié au budget.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): J'invoque le Règlement.

Le président: Oui, monsieur Riis?

M. Nelson Riis: Vous avez parlé des amendements qui ont été proposés ce matin. Le gouvernement en propose-t-il lui aussi?

Le président: Je ne crois pas que le gouvernement ait d'amendements pour le moment...

M. Nelson Riis: Le gouvernement compte-t-il proposer des amendements à l'étape du rapport? Donc le gouvernement ne propose aucun changement à ce projet de loi; est-ce exact?

Le président: C'est exact.

M. Nelson Riis: D'accord. Merci.

Le président: Maintenant, monsieur Crête, je crois savoir que vous avez une motion. Je cite:

Puis-je vous poser une simple question? Elle a trait au fait que le comité a décidé d'entreprendre aujourd'hui l'étude article par article. Je me demandais seulement si votre motion n'était pas contraire à l'esprit du comité.

• 0920

Nous avons dit essentiellement que nous allions procéder à l'étude article par article. J'aimerais vous entendre à ce sujet, et vous voudrez peut-être modifier votre projet. Je vous écoute.

[Français]

M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.

J'ai déposé une telle motion ce matin parce que le projet de loi C-36 prévoit une modification importante de la gestion de l'aide financière aux étudiants du Québec et du Canada. L'aide financière aux étudiants, au Québec et au Canada, est gérée depuis 1964 par une loi selon laquelle une délégation de pouvoir permet au Québec de se retirer avec pleine compensation et à la suite de laquelle le Québec a développé un modèle différent.

Le premier ministre du Canada, M. Jean Chrétien, et le premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard, ont convenu, à la fin du mois de mars, d'un délai de deux mois qui permettrait de mener une négociation sur la façon de respecter la juridiction du Québec en matière d'éducation, et au gouvernement fédéral d'atteindre ses objectifs qui, quant à moi, sont des objectifs de visibilité, sans doute légitimes, mais tout de même des objectifs de visibilité.

En conséquence, il m'apparaît qu'entreprendre l'étude article par article de ce projet de loi aujourd'hui vient en contradiction flagrante avec le mandat que se sont donné les deux premiers ministres et que le fait de procéder à l'étude du projet de loi serait illogique et, quant à moi, quelque peu irrévérencieux, étant donné le mandat que les négociateurs ont reçu des premiers ministres eux-mêmes.

Cela m'apparaît d'autant plus important que la Coalition québécoise pour l'éducation, qui regroupe tous les groupes québécois entendus par le comité et d'autres qui n'ont pas été entendus, a fait connaître son opposition. De plus, aucune intervention allant dans le sens contraire ne s'est produite.

Je me permets d'identifier ces groupes rapidement: la Centrale de l'enseignement du Québec, la Confédération des syndicats nationaux, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, la Fédération des cégeps, la Fédération des commissions scolaires du Québec, la Fédération étudiante collégiale du Québec, la Fédération étudiante universitaire du Québec, la Fédération québécoise de professeures et professeurs d'université et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Tous les membres de la Coalition, lorsque les négociations ont été ouvertes, ont dit:

Selon moi, la «souplesse législative nécessaire» suppose qu'on ne procède pas à l'étude article par article de ce projet de loi avant que les négociations aient atteint leur terme, soit parce qu'on arrivera à une entente, soit parce qu'on établira que les positions des deux gouvernements sont irréconciliables. Procéder aujourd'hui à l'étude article par article constituerait un message à l'endroit de tous les membres de cette Coalition et, par le fait même, à l'ensemble des intervenants québécois, au gouvernement du Québec et à la population du Québec en général, que l'ouverture des négociations, qui semblait donner une possibilité de s'entendre, n'était que de la frime.

En effet, on ne peut pas voter sur un projet de loi et ensuite revenir en arrière. Je m'explique rapidement. Si on s'engage dans l'examen des définitions, du mandat de la Fondation et de cent autres éléments de ce type, et qu'on adopte les articles qui en traitent, on ne pourra pas revenir en arrière. Il n'y aura pas de modifications dans trois semaines, dans un mois, dans deux mois ou dans six mois qui viendront corriger la situation faite au Québec. Il faut que cette situation soit reconnue dès le départ.

Il le faut d'autant plus que, s'il survient une entente entre Québec et Ottawa, nous pourrons ensuite travailler de bonne foi, comme nous l'avons démontré d'ailleurs en proposant 39 amendements. Nous avons préparé ces amendements dans le cas—parce qu'il fallait prévoir—où une entente découlerait des négociations.

• 0925

Nous serions aussi prêts à travailler s'il n'y avait pas d'entente mais que la position des deux gouvernements ait été clairement définie, à condition qu'ait été réglée la question du droit du Québec de se retirer avec pleine compensation, ce qui changerait toute l'analyse du projet de loi.

En somme, si le Québec obtenait le droit de retrait avec pleine compensation, après qu'on lui ait redonné toute la latitude qui lui revient, notre façon d'envisager l'étude du projet de loi serait de permettre à l'ensemble de la population canadienne, aux étudiants canadiens, de profiter du meilleur régime possible. Mais tant que les résultats des négociations ne sont pas connus, nous ne pouvons pas nous engager dans une telle opération. Ce faisant, nous cautionnerions automatiquement l'intervention du gouvernement fédéral, dont personne ne veut au Québec dans le secteur de l'éducation. Nous créerions des relations entre la structure de la Fondation et le gouvernement du Québec, ce qui conduirait à des imbroglios juridiques terribles.

Comme législateur et en tenant compte de la responsabilité qui nous incombe dans ce dossier, je considère très important de clarifier ces points.

Voici quelques données, que je vous énumère rapidement. Parmi les membres de la Coalition, il faut compter les 130 membres de la Centrale de l'enseignement du Québec, les 240 syndicats de la CEQ, qui est la centrale la plus présente dans le secteur de l'éducation au Québec; les 400 000 membres de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la plus grande centrale syndicale au Québec; les 245 000 membres de la Confédération des syndicats nationaux, dont 45 000 oeuvrent dans le domaine de l'éducation; les 90 000 étudiants du secteur collégial et préuniversitaire que regroupe la Fédération étudiante collégiale du Québec; les 135 000 étudiants des trois cycles universitaires qui composent la Fédération étudiante universitaire; les 35 000 membres de la Fédération des associations étudiantes universitaires québécoises à l'éducation permanente; la Fédération canadienne des entrepreneurs indépendants; des entreprises à but non lucratif; et aussi la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, présidée par le président de l'Université McGill.

Ce dernier n'a pas adhéré à cette coalition parce qu'il était souverainiste, mais tout simplement parce que dans la Constitution canadienne actuelle, l'éducation est de juridiction exclusivement québécoise. C'est un fleuron auquel on tient mordicus, comme vous avez pu le constater lors des témoignages entendus ici. Je pense qu'il est très clair que lorsque la Confédération canadienne a été instaurée, c'en était un élément primordial. De plus, comme l'a rappelé M. Gérald Larose, entre autres, il y a un lien très direct, chez tous les peuples du monde, entre leur développement et le contrôle qu'ils ont de leur éducation.

De ce point de vue, il est évident que, pour nous, le projet de loi, à l'étape où il est, ne doit pas aller plus loin et doit être abandonné. En effet, en ce qui concerne tout le volet des bourses du millénaire, qui constitue la partie 1 du projet de loi, sa partie importante et significative, il nous apparaît clairement qu'on ne peut se permettre d'en faire l'étude article par article dès maintenant.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Merci, monsieur le président. J'ai écouté attentivement mon collègue, et même si je ne compte pas voter en faveur de sa motion lorsqu'elle sera mise aux voix, je tiens tout de même à faire une observation qui a trait à l'étude du projet de loi C-36.

Monsieur le président, sous votre direction, le comité a entendu pendant des semaines des témoins venus des quatre coins du Canada. Ils sont venus ici et, dans la plupart des cas, ont présenté des mémoires et des observations très détaillés et très réfléchis. Certains ont fait des suggestions très précises. La plupart ont proposé certaines améliorations. D'après nos discussions, je pense que dans la plupart des cas, nous avons vu la pertinence de ces suggestions.

Il y a toutes sortes de gens ici aujourd'hui, et nous en avons... J'ignore combien il en coûte pour tenir toutes ces audiences en comité mais nous donnons à entendre, tout comme ce sera le cas pour les consultations prébudgétaires qui auront lieu bientôt, monsieur le président, que nous sommes à l'écoute des gens. Nous les avons invités ici pour se prononcer à titre d'experts dans leur domaine, pour nous faire des recommandations qui vont améliorer le projet de loi.

Maintenant, je comprends mal qu'avec tous ces gens qui sont venus ici—c'est peut-être moi qui comprends mal le processus—, le gouvernement s'imagine qu'aucun changement n'est requis.

• 0930

Cela nous préoccupe, monsieur le président, et ma remarque n'a rien de partisan. Nous avons entendu de bonnes propositions ici, nous avons même traité de tous les aspects de ce projet de loi. Mais le message qu'on envoie ici aux gens du pays est inquiétant. Tous ces gens qui sont venus ici et qui ont fait ces exposés, voyant qu'on n'apporte aucun changement au projet de loi, vont s'imaginer qu'on ne les a nullement écoutés.

Pour ce qui est de notre avenir, cela m'inquiète. J'imagine que nous allons être ici pour au moins encore quatre ans, et nous allons refaire le même processus pour d'autres lois. Nous nous apprêtons à procéder à des consultations prébudgétaires, et nous prenons cela au sérieux.

Monsieur le président, je vous demande de répondre à mes questions. Si on ne retient aucune suggestion, quel message envoie-t-on aux gens?

Le président: Monsieur Riis...

M. Nelson Riis: Est-ce qu'il y a quelque chose que je n'ai pas compris? Je l'espère parce qu'autrement, je vais devoir m'interroger sur la légitimité du processus.

Le président: Monsieur Riis, vous vous en souvenez sans doute, ce n'est pas le premier projet de loi que notre comité étudie. Des amendements ont été apportés à d'autres projets de loi.

Deuxièmement, je tiens à vous rappeler notre très bon rapport sur les consultations prébudgétaires, dont plusieurs, et je dirais même la vaste majorité, des recommandations adressées au ministre des Finances ont été en fait mises en oeuvre dans le budget fédéral. Cela prouve que notre comité a extrêmement bien travaillé.

Il ne m'appartient pas... Les députés ministériels et M. Valeri répondront à cette question comme ils voudront. Ils pourront peut-être présenter des amendements à l'étape du rapport. En tant que président du comité, cela ne me regarde pas.

Je crois que votre parti a proposé cinq amendements à ce projet de loi. C'est exact, je crois.

M. Nelson Riis: Oui, et nous en proposerons d'autres à l'étape du rapport.

Le président: Mais vous ne pouvez pas décrire ce processus ainsi et dire que la contribution de notre comité a été moins que reluisante, lorsque vous mentionnez en particulier les consultations prébudgétaires et la contribution que nous avons apportée à la réforme du Régime de pensions du Canada...

M. Nelson Riis: Parlons du projet de loi. Il s'agit du projet de loi portant exécution du budget.

Le président: Si vos observations ne concernent que ce projet de loi, je vous donne raison, mais vos observations entachent tout le processus de travail du comité et le comité lui-même, et je ne crois pas que ce soit juste. Je ne crois pas que ce soit juste parce que nous avons obtenu d'excellents résultats, et les faits parlent d'eux-mêmes pour ceux qui suivent les travaux de notre comité.

Je vais céder la parole à Mme Gagnon, puis ce sera au tour de M. Brison.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): J'aimerais aussi ajouter un mot.

Le président: Je n'ai rien d'autre à mon ordre du jour aujourd'hui, donc tout le monde aura son tour.

Je vais céder la parole à Mme Gagnon, puis ce sera à MM. Brison, Solberg et Loubier.

Je vous écoute.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): J'ai bien suivi les travaux du comité et je suis un peu déçue de l'attitude des membres du gouvernement libéral dans ce dossier. Pour une fois, ils avaient l'occasion de démontrer leur bonne volonté et leur compréhension des réalités du Québec. Tous les gens du Québec qui se sont présentés ici ont témoigné du consensus qui existe au Québec. Les 14 associations qui sont venues ici et ont présenté des mémoires, ont insisté sur le fait que le Québec devait voir son droit de retrait reconnu. Or, la façon dont vous menez ce dossier des bourses du millénaire démontre, je peux vous le dire, la mauvaise foi du gouvernement. On sait très bien qu'il y aurait eu moyen de respecter la volonté du Québec seulement en modifiant la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants. On aurait pu y inclure la partie des bourses et le Québec aurait ainsi eu droit au retrait avec pleine compensation.

Donc, on constate encore une fois, avec les bourses du millénaire, la volonté très nette du gouvernement libéral de s'ingérer dans les champs de compétence provinciale, particulièrement en matière d'éducation. Cela ne date pas d'aujourd'hui; depuis 1953, plusieurs premiers ministres fédéraux ont voulu subventionner les universités canadiennes par le biais des bourses. Le Québec s'y est toujours opposé. Il y a toujours eu consensus dans la population et parmi les différents organismes qui représentent le secteur de l'éducation, consensus selon lequel le fédéral devait respecter sa volonté.

• 0935

Monsieur le président, je vois, par les questions qui ont été posées par les membres du gouvernement libéral, qu'il existe une très mauvaise attitude quant aux recommandations qui nous ont été faites. J'ai entendu beaucoup de gens, même de l'extérieur du Québec, nous dire qu'ils ne voyaient pas de problème à ce que le Québec ait un droit de retrait dans le programme des bourses du millénaire. Des associations d'étudiants nous l'ont dit, de même que beaucoup d'autres. Pourquoi précipiter l'adoption d'un projet de loi alors que le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral sont en négociation? J'en conclus que nous avons là la démonstration qu'il n'y a aucune volonté de s'entendre avec le Québec sur ce dossier.

On est venu vous dire, de bonne foi, que pour l'équilibre financier dans le domaine de l'éducation, pour la compréhension de toute la problématique du décrochage scolaire, la Fondation des bourses du millénaire comportait un risque, celui de compromettre cet équilibre. On sait que le Québec met énormément d'argent dans le système d'éducation. D'ailleurs, plusieurs témoins sont venus dire qu'on avait le meilleur système d'éducation au Québec.

Pourquoi le Québec devrait-il être pénalisé par l'attribution des bourses du millénaire telle qu'elle est organisée? Plusieurs témoins ont aussi rappelé les coupures énormes effectuées dans le Transfert social canadien et l'impact qu'elles ont eu sur le financement des universités. On a aussi rappelé que la question des bourses du millénaire déborde sur l'encadrement nécessaire à la bonne gestion de nos universités et sur l'endettement général des étudiants. Lorraine Pagé de la CEQ a été très claire là-dessus en disant qu'en vous attaquant seulement à l'endettement des étudiants et au mode d'attribution des prêts et des bourses, vous oubliiez d'autres aspects de l'endettement des étudiants, qui est une question très vaste.

Donc, monsieur le président, je suis très déçue de la compréhension qu'a le gouvernement libéral de ce dossier. Encore une fois, je pense que cela est très clair. Un témoin du Canada anglais est venu dire qu'on nous jetait encore une fois de la poudre aux yeux. Quand à nous, notre mauvaise opinion de l'attitude du gouvernement libéral dans ce dossier s'en trouve renforcée. Vous devriez écouter la voix du Québec et accorder au Québec son droit de retrait avec pleine compensation.

Ce que vous faites présentement pourrait se comparer, et plusieurs témoins nous l'ont dit, au dossier de la formation professionnelle. C'est un dossier très symbolique au Québec. Peut-être êtes-vous dans une tour d'ivoire ici et n'entendez-vous encore rien de ce qui se passe. Personnellement, j'ai participé à beaucoup d'autres comités, comme celui des commissions scolaires linguistiques. Nous savons très bien que lorsque la demande vient du Québec, on a les oreilles bouchées; on ne veut pas entendre la volonté du Québec qui s'exprime par un consensus.

Ceux qui sont concernés au premier chef sont les étudiants. Or, on sait que toutes les fédérations des universités et des collèges sont venues nous dire que ce n'était pas ce qu'elles désiraient. Elles sont même mal à l'aise d'avoir à négocier et à proposer certains amendements. Nous discutons du retrait du Québec de la Fondation. Cependant, les étudiants nous ont dit que le projet comportait des lacunes très sérieuses et qu'ils se questionnaient sur la transparence de cette fondation. Qui va y siéger? Le critère du mérite, par ailleurs, vient à l'encontre de toute la stratégie mise sur pied par le Québec pour encadrer les étudiants.

Monsieur le président, vous n'avez pas écouté ou, si vous avez écouté, je ne pense pas que vous allez donner suite à plusieurs recommandations unanimes des divers témoins qui se sont présentés ici. Il n'y avait pas seulement le Québec qui s'inquiétait de la façon dont ces bourses-là seraient accordées. Plusieurs témoins de l'extérieur du Québec nous l'ont dit.

Je suis donc profondément déçue ce matin, monsieur le président. J'avais beaucoup espéré que vous puissiez accepter un amendement, un amendement qui aurait permis au Québec de se retirer de la Fondation canadienne des bourses du millénaire. Or, je ne pense pas qu'on aura la volonté de... Nous sommes en pleine négociation. Comme le disait tout à l'heure mon collègue Paul Crête, il sera très difficile, plus tard, d'amender un tel projet de loi. C'est un non-sens. Plusieurs témoins l'ont fait remarquer: pourquoi vouloir faire voter cette loi immédiatement alors qu'elle devra être modifiée si le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec finissent par s'entendre?

• 0940

Monsieur le président, je ne vois pas comment vous pouvez fermer les yeux sur le grand consensus qui existe au Québec au sein de la population. Les 14 organismes qui sont venus ici vous demander de permettre au Québec d'avoir un droit de retrait représentaient bien plus qu'eux-mêmes; ils représentaient chacun entre 45 000 et 150 000 membres, soit un million de personnes, dont les premiers qui sont concernés, c'est-à-dire les étudiants et le monde de l'enseignement.

Après avoir subi toutes les coupures dans le Transfert social canadien, il a été très dur pour le Québec de gérer ses finances en matière d'éducation. Trois milliards de dollars par année représentent beaucoup de sous. Trois milliards de dollars par année, cela veut dire moins d'encadrement pour les étudiants. Cela veut dire aussi moins de suivi.

Dans certains collèges, par exemple, il est difficile d'engager un psychologue pour suivre les étudiants. C'est honteux! C'est attribuable au fait qu'on a dû faire énormément de compressions dans le système d'éducation à cause de la diminution du Transfert social canadien. Monsieur le président, plusieurs associations, plusieurs témoins sont venus nous dire comment seraient dépensés ces 2,5 milliards de dollars: ils seront dépensés un peu tous azimuts et sans transparence.

D'ailleurs, le vérificateur général nous a dit hier que dépenser était une mauvaise manie du fédéral. De même, établir une fondation privée avec des fonds publics ne fait pas partie de l'idéologie qu'on trouve au Québec. Ce n'est pas non plus ce que le monde de l'enseignement souhaite comme aide aux étudiants. C'est plutôt un droit social et un droit économique qui en font partie. Le mérite, auquel on tente d'associer ces bourses, semble plutôt aléatoire. On vous l'a dit.

On trouve qu'il y a un manque de transparence. Il y a là un défaut d'analyse de l'impact de ces bourses, surtout au Québec. On sait que le gouvernement du Québec a fait beaucoup d'efforts pour que l'éducation demeure une priorité. On sait qu'il s'agit de l'avenir de nos jeunes qui nous remplaceront et occuperont les emplois de demain.

Monsieur le président, j'aimerais qu'on donne suite aujourd'hui à la demande du Bloc québécois en acceptant la motion présentée par mon collègue, M. Paul Crête. Je vois bien, d'après les questions que les libéraux ont posées tout au long des séances de ce comité, pendant l'audition des témoins, qu'ils manquent de connaissances sur la réalité du Québec. Plusieurs intervenants nous ont exposé ce qu'était la réalité au Québec et quel serait l'impact de ces mesures, même si on consulte.

Des consultations auront lieu à propos de certains critères, mais on sait très bien qu'avec ce qui est mis en place par la Fondation des bourses du millénaire, à cause de son mandat très large quant aux critères, il sera très difficile de s'entendre. Qui va payer cela? Ce seront les étudiants. Il n'y a que le Québec qui ait une structure, et celle-ci est en place depuis 30 ans. Depuis 30 ans, on s'est révélé très capables de répondre à ce besoin. Pourquoi vouloir dédoubler?

La première fois qu'a été élu le Bloc québécois, parmi les dossiers importants dont on voulait débattre ici au fédéral, il y avait, bien sûr, les intérêts du Québec, mais aussi tout le champ des dédoublements. En créant la Fondation des bourses du millénaire, on perpétue cette mauvaise habitude des dédoublements au lieu de donner au Québec les sommes nécessaires pour qu'il améliore sont système le plus possible.

Tous les intervenants, même ceux des associations étudiantes de l'extérieur du Québec, sont venus nous dire que le Québec avait le meilleur système scolaire. D'ailleurs, eux aussi ont demandé des amendements au cours des deux semaines d'auditions.

• 0945

Les témoins de l'extérieur du Québec ont dit qu'ils ne voyaient pas où était le problème et ont demandé pourquoi cet argent-là n'était pas remis au Québec.

Il faut bien reconnaître que la Fondation des bourses du millénaire, telle que présentée, ne fait pas l'unanimité. Au Québec, il y a un consensus. Pour l'illustrer, je dirai qu'un million de personnes réclament que le Québec puisse avoir droit au retrait avec pleine compensation en matière d'éducation. Elles veulent aussi que le système des prêts et bourses qui est déjà établi au Québec depuis plus de 30 ans puisse continuer à être le meilleur système de prêts et bourses. Je dois dire, monsieur le président, que je serais extrêmement déçue si on ne donnait pas suite à cette revendication. Vous n'offrez pas la possibilité d'une entente avec le Québec et on peut même se poser la question de savoir si le gouvernement fédéral a réellement la volonté de s'entendre avec le Québec.

On est en train de nous faire accepter rapidement une loi qui va à l'encontre de tout ce que le Québec demande depuis plus de 40 ans en matière d'éducation, alors que pour une fois, vous avez l'occasion de nous écouter. Vous avez décidé d'adopter une motion sur la société distincte au Parlement, mais dans les faits, quand vient le temps de le prouver, vous faites toujours le contraire de ce que vous dites. Vous avez beau nous faire de belles déclarations d'amour, vous ne tenez pas vos promesses.

[Traduction]

Le président: Madame Gagnon...

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Oui?

[Traduction]

Le président: Auriez-vous l'obligeance de ralentir un peu? Nous ne voulons rien manquer de ce que vous dites.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: D'accord. Vous m'avez fait peur. Je pensais que...

Un député: C'est l'enthousiasme.

Mme Christiane Gagnon: Monsieur le président, c'est l'enthousiasme, effectivement. Je pensais que vous me disiez que vous acceptiez cette motion et que je pouvais m'arrêter de parler.

Un député: Cela aurait été merveilleux.

Mme Christiane Gagnon: Quand on entend ici des témoins du Québec, on leur demande souvent qui ils sont et qui ils représentent. J'ai toujours été étonnée d'entendre cette question de la part des membres du Parti libéral, qui semblaient vouloir vérifier si ces personnes-là étaient crédibles. Donc, on est venu vous dire qu'on représentait plus de 10 personnes. Dans certains cas, c'est même l'ensemble du Québec. Si on parle du milieu de l'éducation, cela peut être un regroupement de 135 000 ou 45 000 personnes, selon le cas.

J'aimerais également que vous reconnaissiez qu'il y a aussi des organismes à l'extérieur du Québec. Je vais vous citer M. John Trent de l'Université d'Ottawa qui, on le sait, n'est pas souverainiste, mais qui s'est attaqué au fondement même du fédéralisme. Il est venu vous dire que c'est la pire attaque qui se fait depuis la Deuxième Guerre mondiale, le pire empiétement dans les champs de compétence des provinces. Il dit que vous allez à l'encontre de tout le système fédéraliste, de la décentralisation du fédéralisme, du respect de la volonté des provinces, et que vous devriez, pour une fois, écouter le Québec. Je ne sais pas si vous avez entendu tous les propos de celui qui est plutôt perçu comme un fédéraliste, mais il est venu vous dire que vous devriez, pour une fois, écouter le Québec et donner suite aux revendications du Québec.

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs vous a dit la même chose, à savoir qu'il fallait permettre au Québec de se retirer de cette fondation. La Canadian Taxpayers' Federation est également venue vous dire la même chose. Il y a eu aussi plusieurs associations d'étudiants et des représentants de l'Université de Toronto qui sont venus vous dire la même chose.

• 0950

Je pense donc que certaines personnes à l'extérieur du Québec se rendent également compte de la mauvaise foi du gouvernement fédéral. D'autre part, comme je vous l'ai déjà dit, ce dossier est aussi symbolique pour le Québec que celui de la formation professionnelle. Là on a gagné sur votre volonté de ne pas respecter les champs de juridiction des provinces.

Selon le professeur Trent, vous allez à l'encontre du vrai fédéralisme, qui devrait respecter les volontés des provinces et la Constitution. Vous êtes en train de tout centraliser, de ramener toutes les décisions vers le gouvernement fédéral et vous n'écoutez pas les provinces.

Je ne sais pas si les témoins du Québec vont pouvoir ébranler—je dis bien ébranler—la décision de ce comité. Vous allez démontrer, une fois de plus, à la population du Québec votre mauvaise foi en matière de respect des champs de juridiction des provinces.

Quand on dit qu'on est une société distincte, quand on dit qu'on est une société qui a une culture et des besoins spécifiques, c'est justement dans un dossier comme celui-ci—et c'est un dossier névralgique pour le Québec—qu'on va pouvoir vous juger. Les gens savent ce que cela veut dire. Vous êtes en train de déséquilibrer le système d'éducation en matière de financement et de créer une autre structure, une double structure d'analyse des besoins avec cette fondation. Nous avons beaucoup de réticence vis-à-vis de cette fondation parce que nous pensons qu'une fondation privée mêlée à des fonds publics vient à l'encontre de toute la structure qui existe au Québec.

Au Québec, Mme Lorraine Pagé a dit dans une de ses interventions que, même si le gouvernement du Québec avait pris une telle décision, ce serait inadmissible parce que cela irait à l'encontre de toute la dynamique de l'éducation au Québec. Tout se qui se décide dans le milieu de l'éducation, par le ministère de l'Éducation, se fait en étroite collaboration avec le milieu étudiant. Les étudiants sont venus vous dire qu'ils étaient mal à l'aise parce qu'ils savent très bien ce que cela va vouloir dire au niveau de la négociation qui va s'exercer au sein du gouvernement fédéral. Le premier ministre va choisir le président de la Fondation, et cinq membres seront choisis par le gouvernement fédéral. Quel type de transparence va-t-on avoir? Le gouvernement fédéral aura la mainmise sur le comité. Les cinq membres nommés par le gouvernement vont à leur tour choisir les autres membres du comité. Ils vont choisir les organisations qu'ils veulent avoir comme membres au sein de ce conseil d'administration.

Le Bloc québécois est porteur de ce consensus et nous vous demandons de bien vouloir écouter les différents intervenants qui sont venus vous en parler. Ils sont nombreux, monsieur le président. Il y a l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, la CEQ, la FTQ, la Fédération étudiante collégiale du Québec, la Fédération étudiante universitaire du Québec, la CSN, la Fédération québécoise des professionnels et professionnelles salarié(e)s et des cadres du Québec de la CSN, la Fédération des employés des services publics de la CSN, la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec, le professeur Clément Lemelin de l'Université du Québec à Montréal, les Fédérations des associations étudiantes, la Fédération des cégeps et la Coalition des anciens leaders étudiants du Québec qui sont tous venus nous le dire.

[Traduction]

Le président: Je me souviens d'eux.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Vous dites, monsieur le président, que vous vous souvenez d'eux. J'espère que vous allez non seulement vous souvenir d'eux, mais aussi vous souvenir de ce qu'ils vous ont dit, de ce qu'ils ont réclamé. Ils réclament le retrait avec pleine compensation, et ils déplorent justement la mauvaise habitude du fédéral d'empiéter sur les champs de compétence des provinces.

• 0955

Quand nous disons qu'il y aura dédoublement et chevauchement puisqu'au Québec, la structure est déjà existante, cela veut peut-être dire 10 000 bourses de moins pour les étudiants du Québec. Quand on a la volonté d'aider les étudiants, on essaie d'avoir la meilleure gestion possible malgré un budget serré et une marge de manoeuvre étroite due aux coupures dans le Transfert social canadien. La meilleure entreprise privée ne crée pas de dédoublements et de chevauchements.

Vous pouvez bien vous le permettre avec l'argent des autres, avec l'argent des contribuables, mais on sera là pour vous juger. Au Québec, la Coalition est vraiment très représentative de l'ensemble de la population. On sait très bien que moins d'argent dans l'éducation veut dire moins de personnel et donc moins d'encadrement pour les étudiants. Quant aux coupures dans le Transfert social canadien, cela veut dire l'appauvrissement des familles et la baisse de la sécurité du revenu.

Je trouve que le gouvernement devrait plutôt s'attaquer à une réforme de la fiscalité. En effet, on sait très bien qu'il y a beaucoup de familles à faible revenu parce qu'il n'y a pas eu d'indexation. Les familles à faible revenu ont subi énormément de pertes. On le sait et on pourra aussi vous juger là-dessus. Vous avez une somme de 2,5 milliards de dollars et vous pensez que vous êtes le père Noël, que vous allez pouvoir faire plaisir aux étudiants du Québec. Mais les étudiants du Québec vous ont dit que ce n'était pas une bonne façon de s'attaquer au problème de l'endettement des étudiants.

Monsieur le président, j'espère que vous allez donner suite à cela. Les différents témoins du Québec nous ont souvent dit qu'ils avaient l'impression de prêcher dans le désert, qu'on ne les écoutait pas. Bien qu'ils représentent beaucoup de monde, on leur demande d'où ils viennent, qui ils représentent. Il leur semble que c'est justement pour jeter le discrédit sur ce que ces associations et ces regroupements représentent au Québec. Mais ils représentent chacun plus d'un million de personnes et cela veut dire que beaucoup de gens sont sensibilisés. Je le dis et je le répète: ce dossier est un dossier symbolique pour le Québec et on pourra vous juger là-dessus.

Je cède la parole à mon collègue.

[Traduction]

Le président: Merci, madame Gagnon.

Je tiens à souligner, pour que vous compreniez bien tous, que je me souviens de ce que les gens disent. D'ailleurs, je me rappelle aussi qu'on s'était entendu en comité pour procéder aujourd'hui à l'étude article par article, et nous n'y sommes pas encore.

Si je comprends bien votre motion, monsieur Crête—et j'ai une question à vous adresser à ce sujet—, votre motion nous invite essentiellement à retirer le projet de loi C-36. Mais au même moment, je sais aussi que vous avez à peu près 39 amendements. En toute logique, pour moi, cela veut dire que vous aviez l'intention ce matin de procéder à l'étude article par article. Si vous ne comptiez pas procéder à l'étude article par article, vous n'auriez pas proposé ces 39 amendements.

Des voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: Non, un instant. Chacun aura amplement le temps de parler. Chacun sait que ce projet de loi fera demain l'objet d'un rapport à la Chambre. Donc vous aurez tous le temps d'intervenir aujourd'hui et demain, jusqu'au moment où nous remettrons notre rapport à la Chambre. Donc, pas de problème. Du calme. Nous allons étudier chaque article. Il n'y aura pas de problème.

J'ai une question pour M. Crête, après quoi je...

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'ai une réponse à ce que vous avez dit.

[Traduction]

Le président: Monsieur Crête, vous n'avez pas de réponse à cela? Est-ce la raison pour laquelle M. Loubier répond? C'est vous qui avez proposé cette motion, n'est-ce pas?

[Français]

M. Paul Crête: Oui.

[Traduction]

Le président: Vous voudrez donc peut-être répondre.

[Français]

M. Paul Crête: En réponse à ce que vous dites, monsieur le président, il est très clair que le Bloc québécois a fait un travail très professionnel. Nous avons participé aux travaux du comité à toutes les étapes. Dès le départ, nous avons dit qu'il fallait absolument, avant de faire l'étude de ce projet de loi article par article, qu'on connaisse le résultat de la négociation entre Québec et Ottawa sur toute la question de la Fondation.

Nous avons fait l'analyse du projet de loi et nous présentons 39 amendements que nous considérons pertinents. Dans l'hypothèse où il y aurait une entente entre Québec et Ottawa, qu'est-ce qu'on pourrait faire ensuite pour que le projet de loi soit le meilleur possible?

• 1000

Ce matin, nous devons commencer l'étude du projet de loi article par article alors que nous n'avons aucune nouvelle de la négociation. Nous avons demandé que M. Mel Cappe, négociateur du gouvernement fédéral dans les négociations avec le Québec, soit reçu par le comité, mais il n'a pas pu se rendre disponible. Comme l'étude du projet de loi article par article est une chose assez importante, je pense que l'on pourrait attendre que M. Cappe soit disponible la semaine prochaine pour nous rencontrer et commencer nos travaux. Il vaudrait mieux que nous puissions le rencontrer pour savoir où les négociations en sont puisque le délai de négociation qui a été donné par les deux premiers ministres est le 1er juin. Il y a déjà une rencontre de négociation prévue pour le 15 mai.

[Traduction]

Le président: Un peu de silence, s'il vous plaît. Je veux entendre tout ce que M. Crête dit.

[Français]

M. Paul Crête: Je vais vous donner quelques exemples. Dans l'article sur les définitions, on définit ce qu'est un ministre provincial. On dit:

À mon avis, si les négociations entre Québec et Ottawa arrivent à un consensus, cela va avoir un impact sur cette définition, qui est dans le premier article qu'on va devoir considérer dans l'étude du projet de loi article par article.

Je vais vous donner un autre exemple. On définit aussi ce qu'est un établissement d'enseignement postsecondaire, alors que dans la loi du Québec, il y a déjà une définition de cette notion.

Le dernier exemple qui m'apparaît pour le moment très pertinent est l'article 25 où on dit, en parlant du conseil de la Fondation:

L'article 25 du projet de loi actuel interdit la délégation de l'octroi de bourses d'études. S'il y a quelque chose de fondamental qui va être abordé dans la négociation actuelle entre Québec et Ottawa, c'est justement cet article-là. Je ne peux pas procéder à l'étude de l'article 25, qui précise qu'il est interdit au conseil de déléguer l'octroi de bourses d'études, alors que cette question est en ce moment même sur la table des négociations entre Québec et Ottawa. Il y a là un non-sens fondamental. C'est la raison pour laquelle nous proposons cette motion ce matin. Notre motion dit qu'on ne peut pas aller plus loin dans l'étude de ce projet de loi si on n'a pas le résultat de cette négociation. Sinon, on va faire une mauvaise loi et, en plus, on va contribuer à la création d'un mauvais climat.

Parmi les gens qui sont venus nous voir pour témoigner sur les bourses du millénaire, seulement sur la partie 1 du projet de loi, 41 p. 100 venaient du Québec et 59 p. 100 de l'extérieur. Les témoins du Québec sont tous venus nous dire la même chose. Si les représentants des centrales syndicales, les recteurs, et M. Shapiro, qui est recteur de l'Université McGill, étaient dans la salle ce matin, ils vous diraient qu'on n'a pas donné une chance suffisante à la négociation. Il n'y a personne, ni du côté de Québec ni du côté d'Ottawa, qui a dit aujourd'hui que la négociation avait échoué. Personne ne nous a dit que ça n'irait nulle part. Personne n'a lancé la serviette. Il y a encore des rencontres qui sont prévues. Il me semble donc important, avant de procéder à l'étude article par article, qu'on ait le fond de la matière.

Si Québec et Ottawa arrivent à la conclusion qu'il va y avoir octroi des bourses d'étude par l'entremise du gouvernement du Québec, il va falloir modifier l'article 25 qui dit:

Il me semble donc que la motion est pertinente.

[Traduction]

Le président: Je posais la question parce que je crois personnellement que le but de la séance d'aujourd'hui est de procéder à l'étude article par article, et le fait que vous avez des amendements me porte à croire—je pense que tout être humain doué de raison en viendrait à la même conclusion...

Je vais céder la parole à M. Valeri qui tient à intervenir depuis un moment.

[Français]

M. Paul Crête: J'en ai juste pour une minute, monsieur le président. Nous aussi, au Bloc québécois, on s'est préparés pour ce matin. On a envoyé nos amendements. Il est même probable que nous ayons été les premiers à les envoyer. On l'a fait il y a presque une semaine pour savoir s'ils étaient recevables. On a fait tout le travail pertinent pour être prêts ce matin. C'est un élément indépendant qui fait qu'on ne peut pas passer à l'étude article par article aujourd'hui. C'est le fait qu'on ne connaît pas le résultat de la négociation avec Québec.

M. Yvan Loubier: Juste une petite chose en passant, si vous me le permettez, puis je laisserai la parole à M. Valeri.

• 1005

Je voudrais juste ajouter un petit détail à ce que vient de dire mon collègue Paul Crête. Comme M. Crête l'a souligné avec justesse, 41 p. 100 des témoins que nous avons entendus venaient du Québec et 59 p. 100, du Canada. Cela témoigne de l'importance de la question des bourses du millénaire et du fait que cela travestit l'histoire de l'évolution des relations entre le Québec et le reste du Canada dans le cadre du régime fédéral.

Depuis le début, on n'a pas cessé de vous dire qu'adopter un tel projet serait tout à fait ridicule étant donné qu'une négociation avait lieu entre un émissaire du bureau du premier ministre du Québec, M. Bouchard, et un émissaire du bureau du premier ministre du Canada.

Je crois que nous sommes cohérents dans ce que nous disons depuis le début. Nous aurions d'ailleurs aimé que M. Mel Cappe soit ici comme témoin pour nous dire où en est la négociation. Est-ce que cela a des chances de réussir? Est-ce que nous sommes dans une impasse à l'heure actuelle? Qu'est-ce qui se passe? Ce serait tout à fait incongru d'adopter ces articles de loi qui touchent les bourses du millénaire, d'autant plus que, comme mon collègue de Kamouraska l'a dit, il pourrait y avoir des contradictions entre le texte actuel et une entente éventuelle concernant une délégation du gouvernement fédéral au gouvernement du Québec, c'est-à-dire le droit de retrait avec compensation. Il pourrait donc y avoir des contradictions terribles.

Pourquoi travailler à ces articles-là alors qu'on sait fort bien que, s'il y a un peu de bonne volonté de part et d'autre, on peut arriver à une entente? La date butoir étant le 1er juin, il n'y a rien qui presse, que je sache. Il n'y a pas le feu. D'ici l'ajournement de la Chambre pour l'été, le calendrier législatif n'est quand même pas serré au point qu'on ne puisse pas attendre quelques jours, tout au moins jusqu'à la date butoir du 1er juin pour voir où en est la négociation et surtout pour donner à cette négociation une chance de réussir.

Ne croyez pas que ce soit de la mauvaise volonté. Nous exprimons notre point de vue et également le point de vue de tous les organismes qui sont passés devant le comité. Je pense qu'il est donc tout à fait logique de vous présenter ce matin la raison de notre objection à l'analyse du projet de loi article par article: c'est tout simplement qu'il est illogique de faire cela.

Ce n'était pas mon tour de faire une intervention, mais je voulais apporter des précisions à ce que mon collègue venait de vous dire. Je reviendrai plus tard, après l'intervention de M. Valeri.

[Traduction]

Le président: Permettez-moi une observation qui vous rafraîchira la mémoire. Le jeudi 2 avril 1998, faisant suite à la motion proposée par Paddy Torsney, le comité a décidé que le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 24 février 1998, ferait l'objet d'un rapport à la Chambre des communes le vendredi 8 mai 1998. Cette décision a été prise par le comité. Je crois que vous devez également tenir compte de cela.

Monsieur Valeri.

[Français]

M. Yvan Loubier: Juste une petite seconde, s'il vous plaît. Je reprends ce que vous venez de dire. C'était peut-être une décision du comité à ce moment-là, monsieur le président, mais c'était parce qu'on avait bon espoir que la négociation se poursuive rapidement du fait que cela semblait extrêmement logique. On avait entendu des intervenants du Québec, qui devaient plus tard constituer la Coalition, dire que les revendications du Québec concernant le droit de retrait avec pleine compensation étaient tellement logiques qu'ils étaient sûrs que la négociation irait rapidement.

Ces décisions d'orientation du comité ne sont pas immuables. Jusqu'à présent, comme ma collègue et mon collègue l'ont mentionné, on n'a aucune idée de ce qui se passe au niveau de la négociation. On aurait aimé parler à M. Cappe et l'entendre nous dire qu'il y avait un espoir d'arriver à un accord entre le Québec et le gouvernement fédéral. La raison pour laquelle nous nous opposons à la lecture du projet de loi article par article, c'est que ce n'est pas logique de procéder comme cela. Il n'y a pas le feu, et je pense qu'on peut au moins attendre jusqu'à la date butoir du 1er juin.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je dirai d'entrée de jeu que, si j'en crois les remarques que j'ai entendues et ce que M. Loubier vient de dire au sujet de la disposition de retrait, à savoir que si cette disposition était adoptée—corrigez-moi si j'ai tort—ce projet de loi irait de l'avant, je crois que je peux redire ce qui a été dit au cours des audiences et avant les audiences, à savoir que la fondation qui va administrer la bourse du millénaire est une fondation indépendante et qu'il n'y aura pas de disposition de retrait. La disposition de retrait s'applique aux programmes gouvernementaux, mais il s'agit ici d'une fondation indépendante.

• 1010

Il a raison de dire que les témoins se sont présentés devant le comité et ont dit, et fort clairement je pense, qu'on est en faveur de cette initiative, et les députés ministériels ont admis que le Québec a un bon système en place. Au même moment, les témoins que nous avons entendus ont également dit que la bourse du millénaire sera très utile, que les étudiants en ont grand besoin, et les témoins étaient d'accord avec cette initiative.

Pour ce qui est des discussions qui ont lieu en ce moment—et je le répète, ces discussions se poursuivent, elles se poursuivent dans le contexte de ce projet de loi-ci, monsieur le président. Chose certaine, personne ne dit que la méthode visant à évaluer les besoins des étudiants au Québec ne serait pas adoptée par la fondation. Personne n'a dit cela. Chose certaine, cela fera l'objet d'une discussion au conseil d'administration de la fondation. Ce conseil a pour mandat, et c'est certainement son but et le résultat qu'il recherche, d'éviter le double emploi; il doit se fonder sur l'évaluation des besoins qui se fait à l'échelle provinciale; et il doit mettre en place des programmes complémentaires afin d'éviter le double emploi et d'utiliser au mieux des ressources limitées, et ce, toujours pour le bien des étudiants.

Personne ne dit que les économies que le Québec pourrait réaliser par la mise en oeuvre de la fondation... Le Québec serait libre de réinvestir tout cet argent dans l'éducation, où il voudra. Il n'y a aucune restriction ici.

Ce que je veux dire, c'est que les députés de l'opposition—et je me reporte ici à ce que M. Riis disait plus tôt—semblent penser qu'il est absolument nécessaire d'ériger en loi diverses mesures qui, à mon avis, limiteraient la souplesse qu'on donne à la fondation.

Il faut bien comprendre que cette fondation va distribuer de l'argent. La date a été donnée. La date officielle, je crois, sera l'an 2000. Si ces discussions avec les gouvernements provinciaux... étant donné que la fondation est obligée, dans le contexte de la souplesse qu'on lui a accordée dans le projet de loi, de tenir compte des programmes provinciaux et de s'entendre avec les provinces pour éviter tout double emploi. Pour ce faire, nous devons lui donner toute la souplesse voulue.

Il ne s'agit pas d'un programme gouvernemental. Nous l'avons entendu dire maintes et maintes fois, monsieur le président, au cours de nos consultations prébudgétaires aussi, que les étudiants veulent qu'on les aide à alléger leur endettement. Ils veulent que cette aide soit d'ailleurs dépolitisée, et la meilleure façon de dépolitiser l'aide, c'est d'établir une fondation indépendante composée d'experts de tout le pays, qui auront l'obligation de mettre en place une fondation et une méthode de distribution des fonds qui éviteront le double emploi, qui s'appuieront sur l'évaluation des besoins qui se fait dans les provinces, qui compléteront les programmes provinciaux existants et qui élargiront l'accès à l'éducation postsecondaire.

Cela nous ramène à la question de savoir s'il s'agit d'une compétence provinciale ou non, et nous avons fait valoir qu'il s'agit ici d'une compétence concomitante, que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ont un rôle à jouer ici.

Donc, sauf tout le respect que je vous dis, je ne suis pas d'accord et je maintiens que ce projet de loi est nécessaire si l'on veut que les discussions se poursuivent, parce que ces discussions se poursuivent dans le cadre de ce projet de loi-ci. Elles ne se poursuivent pas à l'extérieur de ce cadre. La souplesse que ce projet de loi donne permet aux discussions de se poursuivre, et voilà pourquoi, au lieu de dire comme le Bloc que ce projet de loi ne devrait pas aller de l'avant parce que les discussions se poursuivent, j'affirme que ce projet de loi doit aller de l'avant justement parce que les discussions se poursuivent dans le contexte du projet de loi dont nous sommes saisis.

Monsieur le président, c'est vraiment tout ce que j'ai à dire.

Le président: Merci, monsieur Valeri.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Faisant suite à ce que M. Riis a dit plus tôt, je suis moi aussi très surpris de voir que le gouvernement ne propose aucun amendement à ce projet de loi. Il y a des domaines où je croyais vraiment qu'il existait un certain consensus. Par exemple, pour ce qui est des collèges d'enseignement professionnel privés.

• 1015

J'espère ne pas avoir à revenir là-dessus, mais j'aimerais que les députés ministériels examinent chaque amendement dans une perspective non partisane et d'une manière constructive parce que c'est dans cet esprit que ces amendements ont été proposés par notre parti et par d'autres. Il faut beaucoup de zèle et de travail pour tenir compte des avis des 88 témoins que nous avons entendus.

Je demande donc aux députés ministériels d'examiner attentivement chaque amendement et de ne pas simplement les repousser en bloc. Qu'on prenne le temps d'examiner le bien-fondé de chaque amendement.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je vous remercie de m'accorder la parole. Je considère que ce dossier traite d'une question fondamentale pour le Québec. D'ailleurs, comme mes collègues l'ont mentionné avant moi, nous avons entendu 14 organismes qui représentent non pas un million, mais 1,3 million personnes. C'est important de le préciser. J'ai fait le calcul pendant que ma collègue de Québec énonçait le chiffre d'un million. Donc, 1,3 million personnes, en plus des représentants de 82 000 entreprises de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec sont venus nous dire exactement la même chose, l'un à la suite de l'autre.

J'entendais M. Valeri parler tout à l'heure de partisanerie. Ce n'est pas de la partisanerie, monsieur le président. Regardons les cas passés, et j'y reviendrai tout à l'heure, dans l'histoire du Québec depuis 1963, au moment où M. Lesage avait eu un différend avec M. Pearson sur une question similaire. M. Lesage n'était pas un souverainiste et M. Pearson l'était encore moins. On a réussi à s'entendre lors de la Conférence de Québec en 1964. J'y reviendrai tout à l'heure. Je vous dirai que c'est une question de tripes au Québec, une question d'histoire et une question d'extension du caractère unique du Québec, si vous voulez employer une terminologie que vous comprenez, ou du moins qu'on croit que vous comprenez.

Quatorze organismes, soit 41 p. 100 des témoins qui ont comparu ici, sont venus nous parler des bourses du millénaire et nous dire essentiellement sept messages fondamentaux. Je rejoins ce que M. Riis disait tout à l'heure et je suis d'accord avec lui. Nous avons reçu un message très clair de la part du Québec, un message unanime de la part des représentants du Québec qui représentaient vraiment tout ce qui bouge en matière d'éducation et en matière de représentation: des groupes d'intérêt, des étudiants et étudiantes, des anciens leaders étudiants. Tous nous ont fait part de ce consensus sur le rejet des bourses du millénaire et nous ont dit que si les bourses du millénaire étaient bonnes pour le reste du Canada, elles ne convenaient pas du tout au Québec. Donc, comment se fait-il que le majorité libérale du Comité des finances ne présente pas d'amendements? C'est inconcevable.

Si on croit encore au rôle des comités et au rôle même du député, qui doit être à l'écoute des divergences qui se sont présentées par rapport à une politique gouvernementale, il me semble que les députés du parti gouvernemental doivent proposer certains amendements et faire preuve d'une certaine ouverture et d'une certaine souplesse dans ce que vous appelez le fédéralisme flexible. Je ne vois pas de flexibilité dans ce que vous présentez comme projet des bourses du millénaire.

Les 14 organismes qui ont comparu, monsieur le président, ont émis sept critiques et exigences fondamentales face au projet de bourses du millénaire du gouvernement fédéral. La première de ces critiques était que le projet de bourses du millénaire traduit une méconnaissance totale de la part du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la réalité actuelle et la réalité historique du Québec.

Je reviendrai sur chacun des ces points par la suite parce qu'il me semble important de parler de façon un peu plus explicite de chacun.

La deuxième critique de ces organismes était unanime: ce projet conduirait inévitablement à des dédoublements et à des chevauchements par rapport à ce que nous faisons depuis plus de 30 ans et même 40 ans dans certains segments de l'éducation au Québec. Cela constitue une ingérence totale dans le secteur de l'éducation, qui est un secteur de juridiction exclusive des provinces.

• 1020

Quant à la troisième critique, tous les 14 groupes la reprenaient et affirmaient que ce n'est pas, comme le prétendent le premier ministre du Canada et les libéraux, une réponse à l'égalité d'accès à l'éducation, loin de là.

Quatrième critique formulée par ces organismes: ce n'est pas une réponse aux problèmes d'endettement des étudiants.

Cinquième critique: ce n'est pas une réponse aux véritables besoins qu'on éprouve dans le secteur de l'éducation au Québec.

Sixième critique: le critère de la nécessité est beaucoup plus important que le critère du mérite au Québec. À l'heure actuelle, au Québec, on a besoin d'aider les étudiants à passer à travers leurs études, et non pas de leur remettre des bourses au mérite, lesquelles existent déjà. On a un système de bourses d'excellence au Québec.

Septième critique: elle est fondamentale, elle aussi, et on en a discuté hier, lors de la visite du vérificateur général ici. Il y a un vice de forme dans ce projet de loi au niveau du traitement comptable des fonds prévus pour les bourses du millénaire. Il est anormal que l'on impute à l'exercice financier 1997-1998 les 2,5 milliards de dollars qui seront dépensés uniquement à partir de l'an 2000. Ce n'est pas normal. Hier encore, le vérificateur général est venu nous expliquer pourquoi cette procédure était anormale.

Monsieur le président, comment se fait-il qu'à partir de ces sept critiques, rien n'ait bougé et rien n'ait évolué depuis trois semaines, alors que nous, nous avons compris, que nous avons préparé des amendements avec tout le sérieux et toute la responsabilité dont fait preuve le Bloc québécois depuis la première journée de son élection en 1993, et que nous avons déposé ces amendements pour répondre aux critiques, y compris aux critiques positives, qui ont été présentées? Comment se fait-il que vous, de votre côté, vous soyez immuables et vous ne bougiez pas à la suite de ces présentations? Vous vous foutez éperdument du consensus qui existe au Québec quant au rejet complet de ces bourses du millénaire. Je me pose des questions là-dessus, monsieur le président.

En ce qui a trait à la première critique, les représentants d'organismes nous ont dit que le projet des bourses du millénaire témoignait d'une méconnaissance totale des réalités québécoises. Permettez-moi de citer les propos de la FTQ au sujet du projet de loi C-36. Ce projet de loi:

Je citerai aussi les propos de M. Réginald Lavertu, président de la Fédération des cégeps, qui représente 48 collèges du Québec. Ce n'est pas une représentation factice. Il disait:

C'est symptomatique, monsieur le président. Quand vous dites qu'un représentant de 48 collèges au Québec dit qu'on ignore l'histoire du Québec, qu'on ignore les besoins et qu'on ignore les structures actuelles, je trouve qu'il y a un problème. Vous auriez dû être à l'écoute, comme membres de la majorité libérale, de ces réprimandes.

Une troisième citation m'apparaît très importante.

[Traduction]

Le président: Monsieur Loubier, vous disiez avoir sept critiques. J'ai raté la cinquième. Que disiez-vous?

[Français]

M. Yvan Loubier: Je reprends le premier point des critiques formulées, qui porte sur la méconnaissance de la réalité québécoise, et je passerai ensuite à ce que les témoins sont venus nous dire concernant le dédoublement et l'ingérence. Je parle présentement de la première des sept critiques.

[Traduction]

Le président: Vous allez donc arriver à la cinquième. D'accord. Je vous écoute.

[Français]

M. Yvan Loubier: Ça va? Vous vous y retrouvez, monsieur le président? Je vais essayer de parler plus lentement pour faciliter la tâche des interprètes.

La Coalition des anciens leaders étudiants québécois regroupe des anciens leaders importants des 11 dernières années, si ma mémoire est bonne, qui ont marqué l'histoire et l'évolution de l'éducation au cours de la dernière décennie. Elle a émis la même critique concernant la méconnaissance du gouvernement fédéral des réalités québécoises. Je cite le mémoire qu'ils ont présenté:

Monsieur le président, ce ne sont pas de petites critiques et elles ne proviennent pas de gens qui ne connaissent pas le secteur de l'éducation, qui ne connaissent pas l'histoire, qui n'ont pas participé à cette histoire et à cette évolution positive du secteur de l'éducation au cours des 10 dernières années. Ce sont d'anciens leaders étudiants qui se sont regroupés devant une menace venant du gouvernement fédéral concernant la juridiction exclusive et la prérogative qu'on préserve jalousement depuis 30 ans en matière d'éducation.

• 1025

Quant au dédoublement et à l'ingérence totale, je vous rappelle, monsieur le président, que certains collègues libéraux, tout comme aujourd'hui, n'écoutaient pas lorsque les témoins ont comparu et en ont parlé. La Fédération étudiante collégiale du Québec disait à ce sujet:

Ma collègue de Québec et mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques mentionnaient aussi tout à l'heure que les coûts d'administration pour ces bourses du millénaire, lesquels s'élèvent à environ 5 p. 100 de la valeur des bourses octroyées, représentent plus du double des coûts d'administration du Québec et qu'on sacrifie ainsi 1 000 bourses par année qu'on pourrait octroyer à des étudiants.

Monsieur le président, je me permets aussi de citer, au sujet des dédoublements et des ingérences, un extrait du mémoire présenté par l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Ces propos n'ont pas été tenus par le Parti québécois ou par le Bloc québécois, mais par l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, un agent majeur de changement de l'économie québécoise et du secteur social. On lisait dans leur mémoire:

Il me semble qu'on ne peut pas être plus clair quand on parle des dédoublements et de l'ingérence. Ce ne sont là que quelques extraits de mémoires, mais 14 organismes sont venus nous dire la même chose et ils font maintenant partie d'une coalition parce qu'ils trouvent que c'est une attaque extraordinaire face à l'histoire et aux réalités actuelles du Québec en matière d'éducation.

Monsieur le président, il y a également John Trent de l'Université d'Ottawa. Ça ne me fait pas toujours plaisir de le citer parce qu'il a tenu quelques propos désobligeants envers le mouvement souverainiste, mais même John Trent, qui n'est tout de même pas un souverainiste et qui ne porte dans son coeur ni le Bloc québécois ni le Parti québécois, est venu dire:

Monsieur le président, quand John Trent prend la part du Québec, il y a un signal qui est quand même assez clair à cet égard.

Parlons de la troisième critique, monsieur le président. La plupart des organismes sont venus nous dire que, contrairement aux prétentions du gouvernement fédéral, le Fonds des bourses du millénaire ne permet pas d'augmenter l'égalité des chances. Permettez-moi de vous citer à cet égard un syndicat qui s'y connaît en matière d'éducation et de lutte pour l'égalité des chances, la Centrale de l'enseignement du Québec. Je cite leur mémoire, monsieur le président, au sujet de l'égalité des chances et de la création d'une fondation privée:

On poursuit en disant:

Il me semble que là aussi, il y a des messages clairs que vous devez retenir de votre part. On aurait dû retrouver, comme le disait si bien M. Riis tout à l'heure, certains amendements face à votre projet, qui est tout à fait inacceptable pour les Québécois et les Québécoises.

La quatrième critique a été formulée par les 14 organismes de façon unanime. Il va rester trois critiques, monsieur le président, pour vous situer dans ma démonstration. On disait que les bourses du millénaire n'étaient pas une réponse à l'endettement des étudiants. La Fédération étudiante collégiale du Québec était très claire là-dessus:

Et la CSN ajoutait:

C'est un fait, monsieur le président, dont on doit se rendre compte aussi. C'est certain que l'endettement des étudiants au Québec est un problème, mais comparativement au reste du Canada, ce niveau d'endettement est à peu près la moitié de ce qu'il est dans les autres provinces. Je ne vous dis pas que la préoccupation de l'endettement n'est pas importante, mais elle est beaucoup plus importante du côté du reste du Canada qu'elle ne l'est du côté du Québec. À cet égard, monsieur le président, on a toujours été respectueux des besoins du reste du Canada. On n'a jamais dit que le Fonds des bourses du millénaire devait complètement disparaître. Si ça correspond à un besoin au Canada et si ça répond à un problème d'endettement pour les étudiants du Canada, allez de l'avant. Mais nous avons un droit de retrait avec compensation qui nous a été reconnu historiquement lors de la Conférence de Québec en 1964.

• 1030

La cinquième critique formulée par les 14 organismes qui ont comparu devant le comité, c'est que le Fonds des bourses du millénaire ne touche pas les véritables problèmes de l'éducation au Québec. Le véritable problème, monsieur le président, est reflété en grande partie par la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec de la CSN. Je cite leur mémoire:

Monsieur le président, on a occulté certains faits de l'autre côté de la Chambre depuis le début de ce débat. Mais nous nous faisons un devoir de vous rappeler à toutes les occasions qui nous sont présentées que depuis quatre ans, et en particulier depuis le budget de 1995 de votre honorable ministre des Finances, M. Paul Martin, on a effectué des compressions budgétaires draconiennes dans les programmes sociaux et dans l'éducation dans le cadre du fameux Transfert social canadien dont on parle.

Ces paiements de transfert qui servent à financer les dépenses en matière d'aide sociale, d'éducation supérieure et de santé ont été réduits de façon tellement importante qu'en a été ébranlé le système d'éducation un peu partout au Canada, mais en particulier au Québec, ainsi que le secteur de la santé. Depuis 1995, uniquement au Québec, les compressions budgétaires au niveau du Transfert social canadien ont totalisé 11 milliards de dollars, dont 7 milliards dans le secteur de la santé, 3 milliards dans le secteur de l'éducation et 1 milliard dans le secteur de l'aide sociale.

Monsieur le président, on ne peut pas faire des ponctions aussi importantes sans que cela produise des effets sur le secteur social et celui de l'éducation. C'est essentiellement le message qu'est venue nous dire la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec. C'est un peu odieux—et cela se dégageait des 14 mémoires qui ont été présentés—pour le gouvernement fédéral de prétendre venir en aide aux étudiants et au secteur de l'éducation dans les provinces et de dire qu'il veut arriver à améliorer les choses, alors qu'il est l'artisan du chaos qui existe dans le secteur de la santé et dans celui de l'éducation, le sujet qui nous préoccupe à l'heure actuelle.

La sixième critique porte sur l'aspect du mérite des bourses du millénaire. On n'a rien contre le mérite. Dans certains cas, c'est une bonne chose. Mais dans le cas des bourses du millénaire, de l'aide aux étudiants et des besoins du Québec, on devrait mettre de côté ce principe du mérite, qui a fait l'objet d'une critique extraordinaire et unanime de la part des 14 organismes qui ont comparu devant le Comité des finances, et plutôt adopter le critère de la nécessité à titre de concept devant guider toute intervention dans le secteur de l'éducation au Québec.

À l'heure actuelle, monsieur le président, si on a à coeur l'égalité des chances et l'amélioration du sort des étudiants, on doit reconnaître qu'il y a des besoins des étudiants qui ne sont pas comblés par l'aspect du mérite des bourses du millénaire. Ce n'est pas vrai, monsieur le président, qu'en se basant sur le principe du mérite, on va arriver à aider véritablement les étudiants qui en ont le plus besoin et qui ont besoin qu'on se préoccupe de l'accès à l'égalité des chances dans le domaine de l'éducation supérieure.

Septième critique. Hier, j'étais heureux, peut-être pas autant que vous ou plutôt peut-être plus que vous, de recevoir le vérificateur général ici comme témoin. Pour la énième fois, monsieur le président, la 20e fois, dirais-je, il a dénoncé les méthodes comptables utilisées par le gouvernement fédéral, en particulier celles qu'il a utilisées pour tenir compte de la constitution du fonds de 2,5 milliards de dollars pour les bourses du millénaire.

• 1035

Il est anormal qu'on inclue dans les états financiers de l'exercice 1997-1998 la somme de 2,5 milliards de dollars qui est prévue pour le fonctionnement des bourses du millénaire, alors que la Fondation ne doit, selon le projet de loi, commencer à verser des fonds qu'en l'an 2000.

Hier, le vérificateur général nous disait que cela portait un dur coup à la crédibilité des états financiers du gouvernement et qu'on ne s'y retrouvait plus à un moment donné à force de multiplier ces gestes. Je vous rappelle que c'est le troisième geste dans ce sens que le gouvernement fédéral pose, la troisième manipulation de ses états financiers que le ministre des Finances fait depuis trois ans. Ce n'est pas normal, monsieur le président.

Il faut se rappeler que lorsque la négociation sur l'harmonisation de la TPS et de la taxe de vente provinciale a eu cours entre les trois provinces Maritimes et le gouvernement fédéral, ce dernier n'avait même pas encore signé l'entente, qui ne devait entrer en vigueur qu'une année après sa signature, que déjà il imputait un montant d'un peu moins d'un milliard de dollars à l'exercice financier 1996. La compensation auprès des provinces Maritimes ne devait intervenir qu'un an et demi plus tard. Le vérificateur général avait dénoncé cette façon de trafiquer les chiffres des états financiers.

Il posait un tel geste une deuxième fois dans le cas de la Fondation canadienne pour l'innovation. Encore une fois, le ministre des Finances avait imputé des dépenses aux états financiers de l'année précédant la première injection de fonds pour l'innovation. Il y avait inscrit le montant global des fonds qu'il ne devait verser qu'une année plus tard.

Monsieur le président, cela n'a aucun sens de trafiquer les données des états financiers de cette façon-là. Nous y sommes habitués parce que depuis quatre ans, le ministre des Finances fait preuve d'une totale irresponsabilité dans ses chiffres. Je me souviens fort bien qu'en février 1997, le ministre des Finances prévoyait un déficit de quelque 19 milliards de dollars. Nous lui avions signifié que cela n'avait aucun sens de prévoir un déficit de cette nature-là puisque, selon nos propres prévisions, le déficit ne devait pas dépasser 10 milliards de dollars. Mais il revenait encore avec ses 19 milliards de dollars et disait: «C'est tout à fait farfelu de présenter des choses comme cela.»

Monsieur le président, six mois plus tard, le ministre des Finances nous annonçait que le déficit serait de quelque 9 milliards de dollars. C'était à peu près ce qu'on avait prévu six mois auparavant. Si nous, avec nos moyens, nous avions réussi à faire cette prévision, le ministre des Finances, avec ses innombrables fonctionnaires et les nombreux fonctionnaires du ministre du Revenu, aurait sans doute pu prévoir la même chose.

Le ministre des Finances trafique sciemment les chiffres. Trafiquer des prévisions ou des états financiers est tout à fait inacceptable, et c'est ce que fait le ministre des Finances à l'heure actuelle, tant et si bien que quand vous discutez avec des comptables et des fiscalistes qui viennent d'autres pays, dont ceux des pays du Commonwealth que j'ai eu l'occasion de rencontrer, on nous dit que cela n'a aucun sens de procéder de cette façon-là. Si on procédait dans ces pays-là de la façon dont le ministre des Finances procède, on se ferait taper sur les doigts par son vérificateur général. Je leur réponds à ce moment-là que c'est déjà fait en ce qui nous concerne. Pas une fois, mais trois fois, monsieur le président.

D'ailleurs, M. Walter Robinson de la Canadian Taxpayers' Federation disait, lors de sa comparution au sujet de la façon dont le ministre des Finances traitait du fonds de 2,5 milliards de dollars en l'incluant dans les états financiers de 1997-1998: «C'est un mépris pour les normes comptables.»

Monsieur le président, quand on regarde tout cela, quand on se penche sur les témoignages très consensuels de la part du Québec et même de plusieurs représentants du Canada, selon lesquels on devrait traiter le Québec en matière d'éducation, en particulier dans le dossier des bourses du millénaire, d'une façon tout à fait différente de la conception que vous avez de l'éducation et de l'intervention fédérale dans le reste du Canada, on est forcé de reconnaître qu'il y a un véritable problème fondamental dans ce dossier-là. C'est un dossier que nous traitons avec vigueur et pour lequel nous intervenons aussi avec vigueur. Je crois que vous ne nous en tiendrez pas rigueur, mais c'est quelque chose qui se passe d'abord et avant tout dans l'histoire, une histoire de coeur entre les Québécois et leur secteur d'éducation.

• 1040

Au Québec, on a fait une bataille de tous les instants à ce chapitre. Aussitôt que le gouvernement fédéral a fait poindre à l'horizon qu'il ferait peut-être une intervention dans le secteur de l'éducation, y compris au niveau des prêts et bourses aux étudiants, vous avez vu un tollé s'élever au Québec contre ces prétentions du gouvernement fédéral.

Il est important de revoir l'histoire, et pas seulement au niveau de la fiscalité et l'économie. Je suis souvent très surpris de voir que les fédéralistes convaincus, comme vous pouvez l'être, connaissent souvent très peu l'histoire du fédéralisme canadien. Depuis trois à quatre ans, j'ai eu l'occasion de m'apercevoir que très peu de députés fédéraux fédéralistes connaissent le rapport Rowell-Sirois, qui a été conçu à la fin des années 1940, à la suite de la guerre, et qui devait redéfinir le fédéralisme fiscal et les interventions fédérales en matière d'économie. Ils ne connaissent donc pas la base fondamentale du fédéralisme fiscal et de l'intervention du gouvernement fédéral en économie.

Je m'aperçois que dans le secteur de l'éducation, c'est encore pire. Depuis trois semaines, on a l'occasion d'entendre les réactions de Mme Torsney, de M. Valeri, de Mme Redman, de M. Assad et de M. Pillitteri. Ce n'est peut-être pas par mauvaise volonté ou par méchanceté, mais j'ai quelquefois l'impression qu'on ignore l'histoire ou qu'on ne la connaît pas. Il est peut-être du devoir de tout parlementaire, avant de traiter d'une question et de prendre position, de s'informer et de s'éduquer au niveau de l'histoire, en particulier au niveau de l'histoire des relations entre le Québec et le reste du Canada dans un secteur qui est reconnu par la Constitution comme étant une juridiction exclusive du Québec.

Monsieur le président, pour la première fois ou pour une des rares fois, du moins, le Bloc québécois veut qu'on respecte vraiment avec force et vigueur la Constitution canadienne qu'on nous a fait entrer de force dans la gorge en 1982, et vous vous opposez à ça. On ne comprend pas. Ça dépasse même l'illogisme du débat constitutionnel qui a cours entre le Québec et le gouvernement fédéral depuis maintes années.

Rappelons-nous certaines dates importantes qui nous concernent tous lorsqu'on doit évaluer la pertinence d'un fonds comme celui des bourses du millénaire pour le Québec. Rappelons-nous 1953, au moment où le gouvernement fédéral avait proposé de subventionner directement les universités. Dès la même année, le Québec avait bloqué ce projet fédéral et eu recours à l'esprit et à la lettre de la Constitution, qui disait que l'éducation était un secteur de compétence exclusif aux provinces. En 1964, sous M. Pearson, le gouvernement fédéral faisait une autre tentative et proposait d'offrir des prêts aux étudiants à la suite de la mise sur pied du projet de bourses. Encore une fois, il y a eu un tollé au Québec, mais ça tombait bien parce que le gouvernement de M. Lesage avait demandé et obtenu qu'il y ait une conférence fédérale-provinciale à Québec en mars ou avril 1964. MM. Pearson et Lesage eurent alors l'occasion d'avoir des échanges assez révélateurs.

J'aimerais que les gens écoutent, monsieur le président. Je me suis aperçu que pendant les audiences, il y avait des députés et des gens du personnel qui n'écoutaient pas les représentations. C'est peut-être de là que vient le malentendu et le fait que les membres du parti ministériel n'ont pas présenté d'amendements. Est-ce qu'on peut demander à M. Valeri de tenir sa réunion un petit peu plus loin, hors de la salle?

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Il arrive parfois que les députés aient entendu les mêmes arguments si souvent qu'ils ont déjà l'impression de les connaître. Mais je vous en prie, s'il vous plaît, je vous écoute.

[Français]

M. Yvan Loubier: C'est une démonstration, vous en conviendrez, qui est importante et intéressante, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Absolument.

[Français]

M. Yvan Loubier: Je disais donc que la conférence constitutionnelle de 1964 à Québec, qui réunissait M. Pearson et M. Lesage, le premier ministre libéral du Québec à l'époque, a été un moment fort de l'histoire des relations entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral en ce qui a trait à la juridiction exclusive au Québec au niveau de l'éducation.

• 1045

Si nous avons l'occasion, au cours des prochains jours, de revenir sur cette question-là, j'aurai l'occasion de présenter aux membres du comité, aux membres ministériels et à ceux des autres partis, une photo historique qui a paru dans le Globe and Mail il y a trois ans. J'ai obtenu une copie de cette photo où on voit MM. Lesage et Pearson à l'entrée de cette conférence historique. Ils ne semblent pas très contents à l'entrée. On m'a dit qu'il n'existait pas de photo de la sortie, mais ceux qui étaient là, à la sortie de la conférence, ont vu des sourires assez radieux parce que cela avait très bien fonctionné. M. Pearson, contrairement à M. Chrétien—et pourtant M. Chrétien est un politicien d'expérience qui devrait normalement connaître le Québec, puisqu'il se prétend député québécois pure laine et qu'il a toujours représenté le Québec—avait compris, il y a 30 ans, que l'éducation est la pierre angulaire de l'avenir d'un peuple. Et dans la mesure où le Québec est un peuple, ce dont personne ne doute, nous voulons protéger cette pierre angulaire, la défendre et nous battre pour garder jalousement cette prérogative en matière d'éducation.

M. Pearson écrivait, avec sa sagesse, dans un télégramme à M. Lesage concernant son projet de prêts aux étudiants, et je le cite:

Quelle sagesse de la part de M. Pearson, monsieur le président! Quelle sagesse! On aurait dû s'attendre à la même chose de la part M. Chrétien, surtout 30 ans après. Il me semble que les choses ont évolué non pas dans le sens contraire, mais dans le sens que l'on veut garder cette prérogative en matière d'éducation encore plus jalousement que par le passé.

M. Lesage, après ce télégramme de M. Pearson, n'a pas fait attendre sa décision de procéder immédiatement. Dès 1964, dès la réception de ce télégramme, ses fonctionnaires se sont mis en branle, et le Québec a choisi d'exercer son droit de retrait avec compensation, comme le permettait l'article 12 de la loi fédérale. Je voudrais vous faire remarquer que cette conférence constitutionnelle a été historique à plusieurs égards, mais je pense qu'elle a été historique surtout parce qu'elle a permis une meilleure compréhension entre le premier représentant canadien, M. Pearson, et le premier représentant québécois, M. Jean Lesage, à l'époque. Il est un peu triste de voir que, 30 ans plus tard, on a tout gâché. Cela avait permis à deux peuples de se rapprocher, de se comprendre et de se connaître un peu plus. Malheureusement, les M. Pearson de ce monde n'existent plus aujourd'hui au sein du gouvernement fédéral, et on est obligé de faire face à des aberrations comme celle de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, qui va complètement à l'encontre du mouvement historique, de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être au Québec.

Je pense qu'on ne peut pas laisser passer une telle chose. D'ailleurs, on a rarement vu, dans l'histoire des relations entre le Québec et le gouvernement fédéral, le premier ministre et le ministre de l'Éducation prendre la peine de se déplacer tous les deux, comme ils l'ont fait il y a moins d'un mois, pour venir faire des représentations auprès du gouvernement fédéral. Il fallait que la situation soit sérieuse.

Monsieur le président, j'aimerais que les gens de la salle qui veulent faire des partys, qui veulent faire des comités aillent les faire dehors parce que ça m'agace et que ça nuit à mes privilèges de député. Quand on a ses privilèges, on veut qu'ils soient respectés, et s'il y a des gens qui ne veulent pas les respecter, qu'ils prennent tout simplement la porte et qu'ils reviennent lorsqu'ils seront disposés à la fermer. Est-ce que vous pourriez intervenir dans ce sens, monsieur le président, pour que je puisse poursuivre ma présentation?

[Traduction]

Le président: Je suis d'accord avec M. Loubier. Un peu de silence, s'il vous plaît, pour que nous puissions entendre M. Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Si quelqu'un veut venir prendre la parole, je me ferai un plaisir de lui céder la place et d'ouvrir une grosse parenthèse pour lui permettre de parler.

[Traduction]

Le président: Personne ne manque de mots ici aujourd'hui.

[Français]

M. Yvan Loubier: Quand on parle de consensus au Québec en matière d'éducation, vous comprendrez que ce ne sont pas des paroles en l'air. On peut bien dire n'importe quoi de l'autre côté de la Chambre sur les 14 organismes qui ont comparu ici. J'ai entendu, tout comme ma collègue de Québec et mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, des tas de remarques désobligeantes, à savoir que les témoins qui comparaissaient étaient des témoins du Bloc et étaient séparatistes. C'est manquer de respect totalement. J'ai d'ailleurs entendu cela assez souvent depuis le début des comparutions.

Je vous rappellerai, et cela fait moins l'affaire des représentants ministériels, que le Parti libéral du Québec appuie nos exigences concernant les bourses du millénaire.

• 1050

Depuis le début de l'histoire, ce sont les libéraux québécois, suivis par les gouvernements successifs du Parti québécois qui se sont battus pour garder intact le champ de juridiction exclusif en matière d'éducation. Ce n'est donc pas quelque chose de partisan, et j'espère qu'on va le comprendre un jour de l'autre côté de la Chambre. J'espère qu'on va le comprendre également dans l'ensemble du débat concernant le Québec. Ce ne sont pas des caprices, comme le premier ministre du Canada l'a déjà dit en parlant de la formation professionnelle. Ce ne sont pas des caprices et ce n'est pas une crise existentielle. Ce débat n'est pas alimenté par les séparatistes, mais c'est quelque chose de fondamental. Si vous aviez des fédéralistes québécois devant vous au lieu des souverainistes que nous sommes et que nous serons toujours, à la vie à la mort, je pense qu'ils vous diraient la même chose.

J'écoutais des députés libéraux qui parlaient d'éducation, qui parlaient de nos prérogatives, et j'ai pu constater qu'ils disaient la même chose que nous. On aurait pu prendre leur place pour quelques secondes, pas pour trop longtemps, bien sûr, mais on aurait pu prendre leur place. C'est quelque chose de fondamental, quelque chose qui vient du fond de nous-mêmes, quelque chose qui nous tient aux tripes et au goût qu'on a d'être reconnus comme peuple et au goût du respect qu'on a pour l'histoire et des grands hommes qui ont fait l'histoire, comme M. Pearson, M. Lévesque et d'autres.

Voilà l'essentiel du message que je voulais faire passer. Il y a d'autres points sur lesquels on pourra revenir au cours du débat et sur lesquels je reviendrai volontiers. Ces points concernent l'histoire et aussi les détails techniques entourant le projet de loi. Je suis certain que, dans votre grande compréhension, vous nous laisserez encore l'occasion de nous exprimer sur certains aspects qui n'ont pu être abordés au cours de la dernière demi-heure. Je me ferai donc un plaisir d'y revenir et de vous apporter la photo historique de M. Pearson et de M. Lesage au cours de ma prochaine intervention.

M. Paul Crête: Monsieur le président, je voudrais demander la parole.

[Traduction]

Le président: Monsieur Crête, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

M. Paul Crête: Oui.

[Traduction]

Le président: Tout d'abord, avant de vous écouter, en ma qualité de président du comité, je tiens à exprimer au Bloc québécois ma reconnaissance la plus sincère pour le soin qu'il a mis à réexprimer et à récapituler bon nombre des arguments que nous avons entendus tout au long de ces audiences. Cet exercice nous a été très utile jusqu'à présent.

Cependant, j'espère que nous n'allons pas répéter continuellement les mêmes arguments car cela ne se fait pas dans un débat civilisé. Nous devons entendre votre point de vue, tout comme j'espère aussi que vos collègues exprimeront leur point de vue avec toute la franchise voulue. Bien sûr, j'ai pris note de bon nombre de vos arguments, qui rejoignent tout à fait le sens des questions que vous avez posées et même des observations que vous avez faites tout au long du débat.

Donc, monsieur Crête, si vous aviez l'obligeance de tenir compte de cela dans vos observations...

[Français]

M. Paul Crête: Effectivement, je voudrais apporter des éléments nouveaux qui, je pense, n'ont pas encore été soulevés. Je me permets quand même une parenthèse au sujet de la suggestion que vous avez faite. Je pense que la majorité libérale devra en tenir compte.

Vous avez dit que le Bloc québécois avait fait un bon résumé des arguments qui avaient été présentés, une analyse intéressante, qu'il y avait peut-être des éléments à retenir et que, probablement, la majorité libérale pourrait en profiter pour préparer des amendements qui puissent en tenir compte s'ils considèrent cela pertinent.

Je voudrais revenir sur le fond de ma motion pour apporter des arguments supplémentaires. Pourquoi, en tant que législateur, est-ce que je demande l'abandon du projet de loi? Nous avons passé beaucoup de temps à écouter les témoins, et je peux vous dire que toute la dynamique de ce projet de loi suppose qu'on ait tous le même objectif, à savoir le meilleur système d'aide financière aux étudiants, et pour les Québécois et pour les Canadiens.

Vous avez entendu ici des représentations de toutes sortes de gens, particulièrement des représentants de fédérations étudiantes canadiennes de l'ensemble du Canada, et on vous a dit que le Québec avait le meilleur système actuellement.

Mais pour qu'on puisse avoir le meilleur système du côté canadien—et c'est pour cela que j'ai demandé que le projet de loi soit abandonné—, il faut qu'on s'assure que le projet de loi donnera à l'ensemble des étudiants canadiens le meilleur système possible.

• 1055

Il y a cependant une variable importante qui n'est pas sur la table, à savoir ce qui va arriver au pouvoir qui a été délégué au Québec.

Comme élément nouveau, je voudrais attirer votre attention sur un exemple. À l'article 31 du projet de loi, par exemple, on dit:

Cela entre en contradiction avec le régime québécois. S'il n'y a pas d'entente entre le Québec et le Canada sur la façon d'intégrer les bourses du millénaire, on va se retrouver avec un imbroglio parce que, dans la loi, il n'y a pas de définition du mot «bourse», entre autres, en parlant des bourses d'études. Cela s'applique donc à toutes les bourses d'études. Au Québec, on a une loi qui dit qu'il y a un maximum, selon le besoin financier, qui peut parfois atteindre 17 000 $ ou 18 000 $, alors que l'article 31 dit qu'il y a un maximum de 15 000 $. Donc, tant que l'on n'a pas le résultat de la négociation entre le Québec et le Canada là-dessus, on ne peut pas faire l'étude du projet de loi article par article.

Je vais donner un autre exemple, celui du paragraphe 27(2) du projet de loi. On y parle de la notion de mérite sans besoins financiers. C'est un élément très nouveau qui n'est pas du tout pratiqué au niveau du Québec. Il ne l'est pas non plus au niveau canadien, où il va y avoir des bourses au mérite sans qu'il y ait nécessairement de besoins financiers. C'est limité à 5 p. 100 des gens, et c'est probablement pour les gens de deuxième et troisième cycles, et des situations peut-être un peu particulières. Mais cela intègre dans le système de prêts et bourses canadiens un nouvel élément qui ne fait pas partie du système qu'a le Québec. C'est encore là un exemple qui vous montre qu'on ne peut pas se prononcer sur cet article sans connaître le résultat de la négociation. Que le résultat de la négociation soit positif ou négatif, il nous faut absolument le connaître.

L'article 43 parle de la dissolution de la Fondation. On prévoit que les sommes, à la fin, seront réparties au prorata entre les maisons d'enseignement dont les étudiants auront obtenu des bourses. Ce n'est pas du tout certain que, pour le gouvernement du Québec, ce soit la bonne façon. J'ai bien l'impression qu'on va proposer, dans les négociations actuelles entre le Québec et le Canada, qu'à la dissolution, la partie qui correspond aux étudiants du Québec soit remise aux Québécois. C'est un autre élément qui ne peut pas être réglé, selon nous, avant que le résultat de la négociation ne soit connu.

Quelle est l'autre raison pour laquelle je demande l'abandon? C'est que je me suis mis à la place d'un fédéraliste canadien, c'est-à-dire de quelqu'un qui a le goût que le Canada soit un pays, qui veut que la Constitution soit respectée, et je me suis demandé comment on pouvait faire, dans ce cadre-là, pour que la Constitution soit respectée sans que l'on se retrouve dans un imbroglio terrible. Je pense qu'une des responsabilités que nous avons en tant que législateurs, avant de voter une loi et de commencer à l'étudier en détail, est de nous assurer qu'elle n'ajoutera pas au poids juridique de la société, parce qu'il est déjà suffisamment lourd. Je trouve que l'on fait allusion un peu trop souvent à la Cour suprême.

Donc, que devrait-on retrouver dans cette loi pour s'assurer qu'elle respecte la Constitution canadienne? Je suis très étonné de ne pas trouver, du côté des libéraux, de projet d'amendement pour s'assurer qu'on tienne compte de cet élément. C'est un autre raison pour laquelle nous ne pouvons pas, au Bloc québécois, procéder aujourd'hui à l'étude du projet de loi article par article. On n'a pas encore suffisamment d'éléments sur la négociation. On n'a pas non plus de sécurité suffisante sur l'aspect constitutionnel et, d'autre part, on nous a dit que les négociations continuaient.

Mais nous avons appris un élément nouveau: hier soir, Mme Marois, ministre de l'Éducation du Québec, et M. Pettigrew ont échangé sur la question des bourses du millénaire et sur la façon dont la négociation fonctionne. Je n'étais pas là et je n'ai pas eu le détail du déroulement de la négociation, mais si on est rendu au niveau des ministres, c'est soit parce que ça va bien et qu'on va arriver à des résultats, soit parce que ça ne va nulle part et qu'il faut trouver une façon de régler la négociation. Ou bien on la termine d'un côté ou de l'autre, ou bien on décide de trouver un terrain d'entente. Considérant cet élément-là, il ne me semble pas très sérieux de vouloir qu'on se prononce aujourd'hui sur les articles d'un projet de loi qui peut, à tout moment, être changé par les résultats d'une négociation. J'ai l'impression qu'on a devant nous une période de temps suffisante pour connaître le résultat de cette négociation.

• 1100

Je vous réitérerais une demande qu'on a faite. Peut-être serait-il possible, au cours de la période des questions, de savoir si on peut être informés de l'état des négociations, étant donné qu'on n'a pas réussi à rencontrer le négociateur, M. Cappe.

Je pourrais comprendre que le gouvernement canadien ne désire pas que le négociateur se présente devant le comité tant que les négociations ne sont pas terminées. Ce peut être le choix du gouvernement canadien. Mais, en ce cas, il doit accepter qu'en contrepartie, les députés exerçant leur droit de parlementaires et ne voulant pas être traités comme des marionnettes aient l'occasion de voter des amendements à un projet de loi, qui, lui, est bien réel.

Il ne faut pas vivre dans les nuages. Nous ne sommes pas sur la planète Mars. Nous sommes au Parlement fédéral du Canada. Il nous faut avoir l'assurance que ce sur quoi on va voter se retrouvera en bout de ligne. Je ne pense pas que quiconque ici soit intéressé à ce que le 2, le 3 ou le 5 juin, un nouveau projet de loi instituant la Fondation nous soit soumis, intégrant les conclusions d'une négociation entre le Québec et le Canada.

On aurait alors voté en faveur du projet de loi, on aurait commencé à répandre de l'information dans tout le Canada sur la nature de la Fondation, sur son rôle, sur ce à quoi elle doit servir, sur son orientation et les transformations qu'elle subira, et soudainement, un mois et demi plus tard, on arrêterait la machine aux informations pour dire aux gens que, depuis qu'il y a eu entente entre le Québec et le Canada, toute la publicité qu'on a faite et les dépliants qu'on a distribués ne correspondent plus à la réalité. On leur dit de s'adresser à Québec et que l'argent sera transféré du fédéral à la province.

Un autre imbroglio juridique important peut aussi se présenter. Si on vote en faveur de la mise sur pied de la Fondation telle qu'elle est proposée aujourd'hui et qu'un autre projet vienne, en bout de ligne, en changer le mandat, entre-temps, cette fondation aura vécu et aura eu le droit d'administrer le contenu de la loi. On ne sait pas du tout où cela pourrait nous conduire.

Donc, il serait tout à fait sensé de mettre le projet de côté d'ici à ce qu'on connaisse les résultats des négociations. À notre retour, on pourra tenir compte des témoignages qu'on aura reçus et des résultats de la négociation, et d'adopter une loi pleinement et entièrement satisfaisante. Du moins, on pourra voter sur une loi dont on aura débattu en pleine connaissance de cause, même si nous, partis de l'opposition, on n'obtient pas nécessairement satisfaction sur tous les points. Il serait préférable qu'il en soit ainsi.

Je pense d'ailleurs qu'on pourrait se demander pourquoi on tient tant à ce type d'échanges. Si nous étions un pays unitaire et qu'il n'y avait qu'un seul régime de prêts canadiens qu'on souhaitait améliorer en en faisant un régime de prêts et bourses... C'est d'ailleurs un choix que le gouvernement du Canada aurait pu faire; il aurait pu décider, au lieu de faire une nouvelle loi créant une fondation, de modifier la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants déjà existante pour y intégrer les bourses. L'élément majeur, l'élément qui est au coeur de la loi, c'est justement celui-là.

Au lieu de cela, on a décidé d'ériger une structure tout autre, au sujet de laquelle nous devons, comme parlementaires, nous demander pourquoi on la met sur pied. Nous devons nous demander ce qui a amené le gouvernement à faire ce choix. Notre réponse à nous, du Bloc québécois—si les libéraux en ont une autre, qu'ils nous la fasse connaître—, c'est que le Québec aurait alors pu exercer son droit de retrait. Il est en effet prévu dans la loi existante qui régit les prêts et bourses qu'une province qui veut s'en dissocier peut le faire.

Je dirais que toute l'opération maquillage qu'on tente de faire, toute la structure qu'on veut créer à côté vise à camoufler l'aspect fondamental de la loi, la question de la Fondation. Comment pourrait-on aujourd'hui voter sur le projet de loi article par article? Sur un aspect fondamental, celui de la structure qu'aura la Fondation, on ne sait pas à quoi s'en tenir. D'une part, on ne sait pas si elle s'appliquera comme telle au Québec et, d'autre part, si le résultat des négociations avec le Québec n'aura pas un impact ailleurs. En effet, d'autres provinces ou territoires pourraient avoir aussi la prétention de développer leur propre régime de prêts et bourses. Il y a déjà un territoire qui l'a fait. D'autres pourraient être intéressés. Donc, les négociations en cours avec le Québec pourraient avoir des effets de ce côté.

• 1105

Si on votait sur le projet de loi aujourd'hui, ce serait vraiment comme vendre sa maison avant de la peindre, avant de la meubler, avant d'y ajouter la touche qui peut en faire valoir l'intérêt. En ce sens-là, la Fondation telle qu'elle est présentée crée un problème.

Il est important de saisir que, dans système entre le Québec et le Canada, il s'est établi un équilibre. On ne peut pas toucher à la structure des prêts et bourses sans tenir compte de tout le mode de financement du réseau québécois, comme on ne pourrait pas non plus faire la même chose dans le réseau canadien. Il faut donc s'assurer que cet équilibre sera respecté.

Comment pourrait-on s'ingérer là-dedans sans connaître le résultat des négociations, alors que le projet de loi fait montre d'une absence de respect vis-à-vis des priorités du Québec? Il y a un équilibre délicat entre le niveau des frais de scolarité, le niveau d'endettement des étudiants, le régime de prêts et les choix pédagogiques. Tous ces éléments sont importants pour s'assurer que le régime québécois conserve son équilibre.

Donc, le projet de loi C-36 comporte beaucoup d'impacts potentiels directement liés aux négociations. Il y a eu un bout de chemin de fait par le gouvernement du Québec et par les représentants de la Coalition québécoise, à savoir que l'objectif de visibilité du gouvernement fédéral quant à la provenance des fonds a une certaine légitimité, qu'on peut comprendre. Il y a eu une ouverture de ce côté et il pourrait se faire des choses intéressantes.

Par contre, les autres objectifs risquent de causer des dédoublements, des dénis de priorités, de l'iniquité ou de l'arbitraire. Au fond, on est bien d'accord pour régler le problème des prêts et bourses, de l'aide financière ailleurs au Canada. Cependant, pour ce qui est du Québec, le fédéral ne devrait pas tenter de régler un problème qui n'existe pas. Dans les provinces canadiennes, il n'existe pas de régimes de bourses d'ampleur substantielle et de structure efficace. On le comprend. Mais au Québec, cela existe.

Le Québec n'a pas à se retirer de ce qu'il fait déjà, ni d'une initiative fédérale qui n'existe pas encore. C'est le gouvernement fédéral, quant à nous, qui doit s'abstenir de prendre au Québec une initiative qui, à l'évidence, crée un dédoublement et risque de provoquer des effets allant à l'encontre des priorités du monde postsecondaire québécois.

L'initiative fédérale est lancée à un moment où la situation du Québec diffère a priori et radicalement de ce qui se passe dans les provinces canadiennes. Tous ces éléments viennent ajouter à l'argumentation par laquelle nous demandons aujourd'hui que le projet de loi soit abandonné dans le contexte actuel. Ce n'est pas parce que le régime de prêts étudiants canadiens ne peut pas être amélioré.

Nous en sommes à une étape où on ne peut plus faire un seul pas sans connaître le résultat des négociations en cours. De deux choses l'une: ou bien la Fondation va reproduire les priorités, les choix et les processus du monde de l'enseignement postsecondaire au Québec, ou bien la Fondation va se donner des priorités, des choix et des processus qui vont différer de ceux du monde postsecondaire québécois. Dans ce cas-là, elle nuit à l'atteinte des objectifs que celui-ci s'est donnés.

On a là les deux possibilités. C'est ce que les négociateurs sont en train d'examiner. Les deux parties sont en face l'une de l'autre. Le gouvernement du Québec se dit que, si la Fondation, en bout de ligne, ne vient pas à l'encontre de ses priorités et lui permet de respecter sa juridiction, il est prêt à examiner le fonctionnement de l'entreprise. De son côté, le gouvernement fédéral pourrait se dire que, si effectivement sa visibilité est suffisamment assurée, il est prêt à accepter que les critères soient ceux du Québec. La négociation en est là. Ce sont les deux éléments qu'on devine en filigrane dans tous les articles qui composent la partie 1 du projet de loi. À chaque article que nous aurons à étudier concernant la Fondation, il se trouvera un élément rattaché à la négociation avec le Québec.

Il serait donc aberrant qu'on se mette aujourd'hui à étudier ce projet de loi, alors que, pour chacun des articles, on pourrait se dire qu'il faudrait le mettre de côté, en retarder l'adoption à plus tard, tant qu'on n'aura pas toute l'information. Il arrive, dans l'étude d'autres projets de loi, qu'on se dise à propos d'un article qu'il faut obtenir un renseignement additionnel, qu'on a besoin d'un avis du vérificateur général ou de l'avis de quelqu'un d'autre. Dans le cas présent, on serait obligés de se le dire à chacun des articles. On aura toujours à se dire qu'on ne sait pas où en sont les négociations. On pourra toujours se demander si certains points ne devraient pas être ajoutés à la loi.

• 1110

La coalition québécoise a déclaré ce qui suit dans son message, après qu'on ait nommé deux négociateurs. J'invite les parlementaires, les libéraux tout particulièrement, à y porter attention, parce que c'est important. La Coalition disait, en parlant des négociations bilatérales:

À la lecture d'une phrase comme celle-là, je comprends que la Coalition québécoise s'attende à des messages, issus de la majorité libérale, disant que les négociations ont fait un bout de chemin, qui permet d'ailleurs d'apporter un amendement au projet de loi. Il est maintenant possible de modifier un peu, par exemple, l'article 25 définissant le droit de déléguer des bourses.

Si la majorité libérale était prête aujourd'hui à nous dire de telles choses, je pense qu'on pourrait s'interroger sur la possibilité de faire l'étude article par article du projet loi. Le message serait alors différent de celui qu'on entend, à savoir que la Fondation ne peut en aucune façon déléguer quoi que ce soit.

En somme, le message de la Coalition est qu'on évaluera le législateur en fonction de la sensibilité qu'il aura manifestée vis-à-vis de la négociation. On demandera si on a essayé d'en prévoir les résultats et si on en a examiné le contenu. Or, aujourd'hui, le message que nous donnons, c'est qu'on l'a si peu considéré qu'on veut, tel un bulldozer, étudier le projet de loi article par article sans même savoir ce qu'il en est.

Personne ici n'a reçu, du moins publiquement, de message du négociateur, M. Mel Cappe, sous-ministre en titre du ministère du Développement des ressources humaines et porte-parole du gouvernement fédéral dans les négociations. Il n'est pas venu dire à qui que ce soit d'entre nous que les négociations s'orientent dans tel ou tel sens et que certains articles du projet de loi pourraient être amendés, à moins que certains d'entre vous aient des choses à nous apprendre à ce sujet.

On n'a pas d'exemple d'une telle situation. Donc, il nous semble que notre motion, qui, quant à moi, est très recevable, étant donné les circonstances et le contexte politique dans lequel nous évoluons, devrait permettre un tel débat. Elle devrait nous permettre de trouver une solution et de nous arrêter pour faire ce qu'on peut afin de tenir compte des résultats de la négociation.

Demain matin, si nous sommes interviewés quelque part au Québec et qu'on nous demande notre avis là-dessus, nous devrons dire qu'en partie, ces négociations n'étaient que de la frime. Une des deux parties s'est embarquée là-dedans sans vraiment y croire. La preuve en est que le gouvernement fédéral a accepté de tenir des négociations, mais n'a pas voulu tenir compte des résultats au moment de poser l'acte juridique, l'acte ultime, c'est-à-dire l'adoption du projet de loi.

Même lors de lois spéciales, lorsqu'on négocie... Je reviens, par exemple, à la Loi sur les postes. Durant le débat en Chambre et durant tous les débats qui se tenaient ailleurs, il y avait parallèlement des discussions entre négociateurs patronaux et syndicaux et le gouvernement. Cela venait s'intégrer au débat. S'il y avait une entente entre les parties, tout le monde trouvait que c'était intéressant. On n'a jamais, en aucune façon, voté sur le projet de loi en évitant de tenir compte de cette réalité.

Aujourd'hui, c'est ce que nous faisons. Nous sommes devant un projet de loi beaucoup moins urgent. Nous ne discutons pas d'un service public qui est fermé. Nous parlons de la mise en place d'un système de prêts et bourses, des bourses du millénaire, selon un système fédéral qui ne prendra effet pour les étudiants qu'en l'an 2000. Il faudrait s'assurer que l'information soit la plus adéquate possible du côté des étudiants.

Je suis très étonné d'ailleurs du silence de la majorité libérale. Je peux comprendre qu'ils aient peut-être le goût de voir le débat se terminer le plus rapidement possible, mais ce n'est pas une façon de régler la situation. On règle les situations en tenant des débats, en s'assurant que le contenu final de la loi soit le plus adéquat possible.

Quand nous avons adopté le projet de loi C-44, la Loi maritime du Canada, on a réfléchi, on a tenu des débats, on a apporté des amendements et on a négocié. En bout de ligne, la loi, même si elle n'est pas parfaite, est sûrement bien meilleure que ce qu'elle était au début. Dans la situation actuelle, avec le projet de loi qui nous est proposé et tous les témoignages que nous avons entendus de tous les intervenants du Québec... Il y avait des témoins institutionnels, mais je vous rappellerai que nous avons reçu des enseignants, notamment M. Lemelin, qui est venu témoigner à titre privé et qui nous a fait une démonstration plutôt intéressante. Il ne s'agissait pas de la démonstration d'un souverainiste, mais plutôt de quelqu'un qui regardait l'impact de cette situation sur l'étudiant. C'est ce qu'on soulève aujourd'hui. Quel sera l'impact de l'adoption d'une loi qui risque d'être modifiée dans un mois ou un mois et demi?

• 1115

Prenons une autre hypothèse. Qu'arrivera-t-il si on adopte une loi aujourd'hui et que dans un mois, le gouvernement fédéral dit: Eh bien, la négociation n'aboutit pas; notre loi est adoptée et vous devez vivre avez le résultat de cela? Si j'étais un fédéraliste canadien, je regarderais aujourd'hui l'impact d'un tel comportement, non seulement sur la Loi sur l'aide financière aux étudiants, mais aussi sur toute la relation entre le Québec et le Canada.

Les députés libéraux qui viennent d'autres provinces ne sont peut-être pas sensibles à cela puisqu'ils ne connaissent pas cela en détail, mais je dois vous rappeler que, quand le Québec est entré dans la Constitution canadienne, on lui a donné une garantie constitutionnelle en matière d'éducation. C'était la base fondamentale sur laquelle le Québec acceptait de se joindre à la Confédération. Il voulait garder tous les pouvoirs en matière d'éducation. À ce moment-là, on a accepté de mettre de côté des pouvoirs dont on aurait eu bien besoin pendant toute cette période, mais celui-là est quelque chose de fondamental. C'est une chose sur laquelle il n'y a pas de compromis possible. Il faut absolument que le Québec garde le contrôle en matière d'éducation. L'aide financière aux étudiants du Québec est un élément très important.

En 34 ans d'histoire, il y a eu au moins cinq mouvements étudiants très importants. Les étudiants disaient: «La loi telle qu'elle est n'est pas à notre goût. Il faut des corrections. On va faire la grève si c'est nécessaire. On va bouger si c'est nécessaire.» Il y a eu des élections qui ont été déclenchées sur cette question.

Je vous rappelle que l'automne passé, il y a eu des manifestations pour s'assurer qu'il n'y aurait pas de hausse des frais de scolarité au Québec, et le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour répondre à cette attente. Donc, au fil des ans, on a construit un modèle très étanche. Il y a encore des choses à améliorer, mais le système est celui qu'on cherche. Si vous travaillez en bulldozers, si vous décidez d'entreprendre l'étude article par article sans tenir compte de cela, vous n'aimerez pas le message qu'on va transmettre à nos électeurs. Quand on retournera dans nos circonscriptions, on dira aux gens: «Au fédéral, on n'est jamais en majorité. On n'est jamais capables de se faire entendre. On ne sera jamais plus de 25 p. 100 de députés et on n'obtiendra jamais les résultats souhaités.» Ici on a un exemple encore plus évident de cela, un exemple important. Pendant qu'on fait des coupures dans les paiements de transfert, de l'autre côté, on prend l'argent du surplus pour faire une chose autre que celle que vous voulez pour vos enfants dans les écoles du Québec, dans les écoles primaires, secondaires, collégiales et universitaires.

Comme parlementaires, vous devriez réfléchir à cette chose fondamentale. Vous devriez peut-être faire des petits caucus pour trouver la clé qui va nous permettre d'aller vers une solution.

Notre motion demandant l'abandon du projet de loi est, dans le fond, un message qu'on vous envoie, un message important. Il y a parfois des débats qui sont de nature plus partisane. Vous pourriez prétendre qu'on n'est pas la voix du Québec, mais dans ce dossier-là, personne ne peut prétendre qu'on n'est pas la voix du Québec. La coalition qui existe est composée de tous les membres de tous les réseaux d'éducation, de tous les regroupements d'organismes dans le secteur de l'éducation. Notre consensus est ce qui fait la force de notre position.

Si des groupes du Québec avaient proposé des amendements demandant que la Fondation puisse faire ceci ou faire cela, demandant qu'on mitige le rôle du mérite ou demandant d'intégrer ces bourses dans notre système, on n'aurait pas la même attitude. On ne serait pas capables de se présenter en bloc, de faire front commun. Mais on peut dire aujourd'hui qu'on est les porte-parole du Québec en cette matière puisque tous les secteurs de l'éducation sont derrière nous.

Si vous avez besoin d'aller vérifier des témoignages de gens qui ne sont pas identifiés au mouvement souverainiste, eh bien, je vous invite à aller voir entre autres le représentant de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, qui est de McGill. Ce n'est certainement pas quelqu'un qui a adhéré à la cause souverainiste, mais il sait qu'il est important pour le réseau d'éducation du Québec que la négociation mène à un résultat. La négociation actuelle est d'ailleurs l'espoir des fédéralistes québécois. C'est un espoir important.

• 1120

On va voir de quelle façon la négociation va se dérouler. Si j'étais un fédéraliste québécois, si j'étais Jean Charest, je dirais au gouvernement fédéral aujourd'hui: «Prenez votre temps. Attendez avant de leur faites passer ça dans la gorge. Si vous le faites, c'est moi qui vais payer en bout de ligne.» C'est un élément très important à prendre en considération parce qu'on fait de la politique. On doit refléter l'opinion de nos concitoyens.

On pourrait faire un parallèle intéressant entre ce dossier et celui des commissions scolaires. Dans le cas des commissions scolaires linguistiques, le gouvernement fédéral a finalement accepté le consensus qui lui a été présenté par Québec. Dans ce dossier des commissions scolaires, il y avait une petite minorité de gens du Québec qui était plus ou moins d'accord. Je pense que dans ce dossier des bourses du millénaire, on a un consensus encore plus fort que dans le cas des commissions scolaires. Dans l'autre dossier, il y avait une question de valeurs. C'était lié à la religion et à beaucoup d'autres d'éléments. Dans le cas présent, il n'y a pas ce type de chose.

La proposition d'abandon du projet de loi, dans le contexte actuel, n'a pas pour but d'empêcher la mise en vigueur ou l'adoption des mesures budgétaires. Je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas qu'il y ait un projet de loi qui permette de mettre en vigueur le budget, mais il y a beaucoup d'éléments sur lesquels le gouvernement pourrait réfléchir. Il pourrait décider de faire l'étude article par article d'un nouveau projet de loi. On pourrait s'entendre pour que le projet de loi soit scindé. J'ai vu dans le Règlement qu'une telle chose était possible. On peut mettre sur la glace la question des bourses et étudier les autres dispositions du projet de loi. Si jamais on avait besoin de discuter de jurisprudence parlementaire, je serais prêt à en débattre.

On pourrait tout simplement reporter l'étude de la partie du projet de loi qui traite de la la Fondation jusqu'à ce que la négociation soit terminée. Selon moi, c'est la majorité libérale qui doit faire ce bout de réflexion. J'aimerais que les députés libéraux la fassent avec nous, mais s'ils préfèrent la faire en privé, qu'ils prennent le temps nécessaire pour en discuter et qu'ils nous reviennent avec des contre-propositions.

Si on avait à choisir entre l'étude article par article du projet de loi sans information et le retrait du projet de loi, on choisirait le retrait du projet de loi. Ainsi, on ne trahirait d'aucune manière le consensus qui existe au Québec.

Aucun député du Bloc québécois, et j'espère que ce sera aussi le cas des député du Québec au Parlement fédéral, ne va accepter de retourner dans sa circonscription après avoir accepté cela. Tous les députés, de quelque parti qu'ils soient, qu'ils soient conservateurs ou libéraux, ne pourront pas retourner dans leur circonscription et demander à leurs électeurs s'ils ont bien fait de voter contre cela et de demander que le projet de loi continue d'être étudié même si on n'avait pas encore le résultat de la négociation. S'ils font cela, il y aura une levée de boucliers. On a entendu des membres de la coalition au palier national. Dans chacune des circonscriptions, il y a des groupes régionaux, des groupes locaux, et il y a des gens qui vont leur dire: «Vous n'aviez pas à voter sur l'adoption de ce projet de loi.»

Pour le recteur de l'Université du Québec à Rimouski, une toute petite université de ma région, ce qui est en question, c'est le financement de son université. Imaginez ce qui arriverait si on revenait chez nous en disant: «On n'a pas trouvé cela si mal. En tout cas, on accepté de voter même si la négociation n'était pas terminée. On a accepté de perdre notre bargaining power». C'est cela qui est en question. On peut perdre notre bargaining power et on n'est pas prêts à accepter cela. Dans cette négociation, on tient un bout de l'élastique à cause de cela, et vous en êtes très conscients. C'est pour cela qu'on vous dit aujourd'hui qu'on n'est pas encore prêts pour l'étude article par article. On attend le résultat de la négociation entre Québec et Ottawa avant de se décider à parler là-dessus.

• 1125

J'espère que ces arguments vont amener la majorité libérale à considérer diverses avenues. C'est une belle occasion de mettre nos cerveaux à contribution et d'essayer de réfléchir ensemble à ce qui pourrait être la voie de la solution. Personne ne souhaite que l'ensemble du budget ne puisse fonctionner. On peut s'opposer à certaines parties et vouloir proposer des modifications, mais il est certain qu'en bout de ligne, on désire tous que le budget soit opérationnel, puisque l'État en est responsable. Mais, compte tenu de son libellé actuel, la façon d'être le plus responsable, c'est de demander que le projet soit abandonné. Telle est la proposition que nous avons mise sur la table et pour laquelle nous réussirons, à mon avis, à aller chercher des appuis importants.

J'ai apprécié les remarques présentées par les députés du NPD, du Parti réformiste et du Parti conservateur. Compte tenu des nombreux témoins qu'on a entendus et de toutes les propositions qu'on a reçues, il est étonnant que le gouvernement ait avoué qu'il ne prévoyait présenter aucun amendement, ni à cette étape-ci ni à celle du rapport. On prétend avoir atteint la perfection sur terre et avoir rédigé un projet de loi parfait, avant même qu'on ait rencontré les témoins. C'est comme si on avait déjà créé l'outil parfait pour le travail qu'on aura à faire plus tard, alors que les témoins sont venus nous dire que ce n'était pas un outil parfait.

De plus, le vérificateur général est venu nous dire hier qu'il y avait encore beaucoup de travail à faire et de nombreux éléments à considérer.

Faisons abstraction de la question des bourses du millénaire. On a eu des représentations sur l'assurance-emploi et sur différents aspects du projet de loi. Par exemple, il y a encore des éléments qu'on doit étudier relativement au régime d'épargne-études. Il reste des choses à voir.

Donc, le fait qu'il n'y ait pas d'amendements gouvernementaux dans l'ensemble du projet de loi et qu'il n'y en ait aucun qui s'annonce donne encore plus de force notre position. Bien que notre opposition soit relative aux bourses du millénaire, les autres partis pourraient avoir des réserves au sujet de ces bourses ou d'autres éléments du projet de loi.

On ne peut d'aucune façon envisager de faire rapport à la Chambre sans avoir décidé ce qui est acceptable et sans avoir fait une étude article par article du projet de loi qui soit correcte. S'il fallait qu'à la limite du temps, on en arrive à la conclusion qu'on ne fera pas l'étude article par article, on aurait encore moins bien fait notre travail de législateur. En premier lieu, il faut débattre du moment où l'on sera prêt à faire ce débat, évaluer quand on aura les informations pertinentes et ensuite procéder à l'analyse du projet de loi article par article. Contrairement à la position actuelle du gouvernement, je suis convaincu qu'une bonne loi est une loi qui a été mâchée par le législateur, qui tient compte des commentaires qui ont été faits et qui, en bout de ligne, résiste à l'épreuve du temps. Ce sont souvent les amendements proposés par un député ou l'autre qui peuvent y contribuer.

Je pense avoir fait une démonstration intéressante et je souhaite que la majorité libérale puisse réfléchir à cette question. J'invite les autres députés à participer au débat s'ils considèrent qu'ils ont des éléments supplémentaires à ajouter.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Crête. Mme Picard n'est pas membre du comité.

[Français]

M. Paul Crête: Mme Picard est un membre substitut.

[Traduction]

Le président: Non, elle n'est pas membre.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Je suis membre associée.

[Traduction]

Le président: Nous devrons donc passer au...

[Français]

M. Yvan Loubier: Je vous avais demandé la parole, monsieur le président. Ma collègue est membre associée et elle peut prendre la parole.

[Traduction]

Le président: Silence, s'il vous plaît. Je ne peux pas entendre la greffière qui est assise à côté de moi.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je vais céder ma place à ma collègue de Drummond pour les prochaines minutes.

M. Paul Crête: Oui, c'est ça. Mme Picard remplace M. Loubier.

[Traduction]

Le président: Mme Picard remplace M. Loubier.

[Français]

Mme Pauline Picard: Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, je suis ici parce que j'aimerais que le Comité des finances prenne au sérieux la proposition qui vous a été présentée ce matin. La motion du Bloc se lit comme suit:

• 1130

Depuis plusieurs minutes, mes collègues vous demandent la raison pour laquelle vous voulez procéder aussi rapidement à l'examen d'un projet de loi alors qu'on sait, au Québec, que ce projet de loi fait partie de négociations et qu'il faudra peut-être procéder à des modifications si on l'adopte trop rapidement. Ce n'est donc pas sérieux de vouloir, à ce moment-ci, procéder aussi rapidement. Pourquoi ne pas laisser aux négociations le temps d'avoir lieu et au gouvernement la possibilité de démontrer le sérieux de cette situation?

Si on procède aussi rapidement pour créer la Fondation des bourses du millénaire, la Fondation n'aura pas les pouvoirs nécessaires pour pouvoir disposer des négociations. Après tout le travail qui a été fait, tous les témoins qui ont été entendus, interrogés et questionnés, il faudrait vraiment considérer le projet de loi C-36 avec sérieux et ne pas l'adopter à toute vitesse, en catimini.

Je me demande vraiment quelle est la raison fondamentale pour laquelle on veut procéder aussi rapidement. J'ai entendu tout à l'heure mon collègue M. Loubier qui disait que certains libéraux ne prenaient pas au sérieux les témoins du Québec qui ont comparu devant le comité pour donner leur avis sur le projet de loi concernant notamment les bourses du millénaire. Je suis très surprise qu'on ait traité de cette façon ces témoins qui sont des gens très importants qui oeuvrent au sein de l'éducation au Québec. Parmi ces témoins, on pouvait compter 14 fédérations étudiantes qui représentaient 1,3 million de personnes. Il y avait aussi le secteur de l'entreprise comprenant 89 000 dirigeants de PME. Je suis donc très étonnée qu'on vienne dire que ces gens-là ne sont pas sérieux et que c'est une gang de séparatistes. Nous pensons que c'est la façon de voir du reste du Canada. Il nous semble que c'est ce que les anglophones perçoivent vis-à-vis du Québec. Ils nous considèrent comme une gang de n'importe quoi qui vient dire n'importe quoi au comité.

Permettez-moi de vous citer la liste des témoins du Québec. Il y avait l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, la CEQ, la FTQ, la Fédération étudiante collégiale du Québec, la Fédération étudiante universitaire du Québec, la CSN, la Fédération québécoise des professionnels et professionnelles salarié(e)s et des cadres du Québec, la Fédération des employés des services publics de la CSN, la Fédération nationale des enseignants et des enseignantes du Québec de la CSN, le professeur Clément Lemelin de l'Université du Québec à Montréal, la Fédération des associations étudiantes universitaires québécoises à l'éducation permanente, la Fédération des cégeps, la Coalition des anciens leaders étudiants québécois et la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université.

Si vous ne savez pas ce qu'est la Centrale de l'enseignement du Québec, la CEQ, je vais vous le dire. La CEQ représente environ 130 000 membres, dont quelques 93 000 font partie du personnel enseignant professionnel et de soutien de l'éducation. Elle compte environ 240 syndicats affiliés, regroupés en 12 zones de fédérations. Les membres de la CEQ occupent plus de 350 types d'emplois, à tous les niveaux d'enseignement, de même que dans les domaines de la garde éducative, de la santé et des services sociaux, des loisirs, de la culture et des communications. La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ, est la plus grande centrale syndicale du Québec. Elle représente quelque 480 000 membres oeuvrant dans tous les secteurs d'activités et regroupe au Québec les membres des syndicats affiliés au Congrès du travail du Canada.

• 1135

Il y a eu aussi la Confédération des syndicats nationaux, qui regroupe un peu plus de 245 000 personnes, dont 45 000 oeuvrent dans le domaine de l'éducation. Dans ce domaine, 25 000 personnes travaillent aux niveaux collégial et universitaire comme employés de soutien, techniciens, professionnels, enseignants, chargés de cours et professeurs. Les autres membres de la CSN, répartis sur l'ensemble du territoire québécois, oeuvrent dans différents milieux: les usines de papier, les hôpitaux, la métallurgie, l'hôtellerie, les communications, la construction et autres services publics.

La Fédération étudiante collégiale du Québec regroupe plus de 90 000 étudiants du secteur collégial préuniversitaire et technique, couvre plus d'une douzaine de régions au Québec et regroupe 48 collèges d'enseignement général et professionnel.

La Fédération étudiante universitaire du Québec regroupe plus de 135 000 étudiants, des trois cycles universitaires, provenant de toutes les régions du Québec.

La Fédération des associations étudiantes universitaires québécoises à l'éducation permanente regroupe environ 35 000 membres. La majorité des membres sont des adultes qui occupent un emploi et étudient à temps partiel. La clientèle est féminine à 70 p. 100, ce qui veut dire 52 p. 100 de la population.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, un organisme non partisan et à but non lucratif, couvre tous les secteurs dans toutes les régions. Elle représente 89 000 dirigeants de petites et moyennes entreprises et effectue 3 000 visites par semaine dans les PME.

Cela veut dire que les témoignages de tous ces gens qui sont venus ici ont été vains. Ce sont des gens qui sont venus dire que ça n'a pas de bon sens d'arriver avec des bourses du millénaire qui ne tiennent pas compte du système d'éducation que le Québec a bâti depuis 34 ans, qui est reconnu à travers le Canada comme le meilleur système d'éducation. On dit que ces gens-là ne sont que des séparatistes et que ça n'a pas de poids.

Je regrette, mais je me sens vraiment insultée. Je n'ai jamais entendu quelque chose d'aussi effroyable que cette banalisation des témoins du Québec, venus représenter la majorité de la population québécoise pour dire que cela n'avait aucun bon sens de nous imposer un système de bourses du millénaire. On demande le droit de compensation.

Je tiens à dire, pour vraiment corroborer le témoignage de ces groupes qui sont venus demander de retirer du projet de loi C-36 l'article qui nous amène les bourses du millénaire, ce que les témoins en ont pensé.

Je vais citer ce qu'ont dit les groupes. La FTQ dit que le projet tel que formulé dans le projet de loi C-36:

Ce sont les propos de Réginald Lavertu, le président de la Fédération des cégeps, qui regroupe 48 collèges au Québec.

Nous avons eu aussi la Coalition des anciens leaders étudiants québécois qui nous a dit, et je cite:

La FECQ, quant à elle, parle de dédoublement et d'ingérence:

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec dit:

Pourquoi ne pas s'ingérer? Parce que le Québec fait bien, mais aussi, pour citer la CSN:

Elle souligne également:

Elle dit aussi:

Même un fédéraliste comme John Trent, de l'Université d'Ottawa, est venu nous dire:

• 1140

Monsieur le président, il y a aussi la CEQ, la principale centrale d'éducation du Québec, qui dit:

David Stager de l'Université de Toronto dit:

L'ensemble des intervenants sont inquiets devant le manque de transparence de la Fondation elle-même. La principale inquiétude soulevée porte sur la nomination de six membres par le gouvernement, membres qui devront eux-mêmes choisir les neuf autres membres. Ces membres connaîtront-ils réellement les besoins des étudiants et leurs priorités? C'est un mandat trop large qu'on donne au conseil d'administration. Une fondation privée qui gère des fonds publics de l'ordre de 2 milliards et demi de dollars, c'est tout de même incroyable!

On parle aussi de l'endettement des étudiants.

C'est la FECQ qui dit cela et qui ajoute que ce ne serait pas le cas si l'argent était remis au Québec.

La CSN dit:

Les libéraux vont tout tenter pour laisser croire que nous considérions qu'il n'y a pas de problème d'endettement au Québec. Rien n'est plus faux. À peu près tous les intervenants ont reconnu ce problème, mais tous reconnaissent aussi que les bourses d'excellence ne solutionnent pas ce problème.

La CSN nous parle des véritables problèmes dans l'éducation au Québec:

C'est ce que dit Hélène Boileau de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec de la CSN.

Parlons des jeunes. Éric Morin du Comité des jeunes de la CSN est venu nous dire que nos étudiants ont besoin d'encadrement scolaire dans les structures et que «les Bourses du Millénaire contournent le problème».

Pratiquement tous les intervenants du Québec ont dit la même chose. Ils ont parlé des causes de la détérioration du système québécois:

Cela s'est fait notamment en coupant dans le Transfert social canadien. C'est ce qu'a dit Bernard Normand, directeur général de l'Institut canadien d'éducation aux adultes.

M. Clément Lemelin, de l'Université du Québec à Montréal, dit à propos de la détérioration du système:

La Coalition des anciens leaders étudiants québécois, par rapport à ces mêmes choses, dit:

Tous les témoins québécois ont dénoncé les coupures dans les transferts aux provinces et ont reconnu que cette action du gouvernement fédéral était l'une des principales causes de la détérioration de l'enseignement postsecondaire.

On parle aussi de vice de forme et d'absence de consultation. Le gouvernement inclut dans ses résultats financiers de 1998 les 2 milliards et demi de dollars destinés à la Fondation canadienne des bourses du millénaire. Il y a un article du journal La Presse que j'invite mes collègues fédéraux libéraux à lire. C'est un article de Manon Cornellier qui va vous en dire assez long sur ce qu'on pense de la façon de contourner les résultats financiers.

[Traduction]

Le président: Madame Picard, de quel article s'agit-il? Quelle est la date?

Mme Christiane Gagnon: C'est d'aujourd'hui.

Le président: C'est d'aujourd'hui?

[Français]

Mme Pauline Picard: Oui.

• 1145

[Traduction]

Le président: Voulez-vous le remettre au comité pour que nous puissions tous en prendre connaissance? Voulez-vous en faire faire des photocopies pour que nous puissions les distribuer?

D'accord. Je vous écoute.

[Français]

Mme Pauline Picard: Monsieur le président, Walter Robinson de la Canadian Taxpayers' Federation dit:

Il parle de tripotage des mesures comptables et dit qu'on inclut les bourses de 2,5 milliards de dollars dans notre système comptable alors que le projet de loi n'est pas encore adopté. Alors, ce M. Walter Robinson de la Canadian Taxpayers' Federation est venu nous dire que c'était un mépris des normes comptables.

On a aussi parlé de la primauté du mérite dans le cadre des bourses du millénaire. Tous les députés du Bloc et la plupart des intervenants au Québec ne sont pas d'accord sur le système du mérite, qui va encore pénaliser les étudiants qui sont obligés de travailler. Ils n'ont pas d'argent pour payer leurs études et ils sont obligés de travailler 20 ou 25 heures par semaine, parfois la nuit. Il leur est difficile d'étudier pour passer leurs examens. Les personnes qui viennent de milieux un peu plus fortunés et qui n'ont pas à se taper 20 heures de travail vont pouvoir donner leur maximum et obtenir des bourses alors que leurs parents ont déjà les moyens de leur payer des études de maîtrise et de doctorat.

C'est tout à fait discriminatoire. La plupart des étudiants sont pauvres et on vient d'établir une fondation qui se basera sur le mérite pour attribuer des bourses. C'est incroyable. C'est retourner presque 50 ans en arrière. Notre système d'éducation au Québec ne prévoit pas de bourses pour le mérite. Tout le monde a droit à un prêt et à une bourse pour réussir ses études.

La FECQ parle du «danger de l'élitisme» et dit:

Les témoins nous disent que la population canadienne et québécoise ne veut pas d'une autre chicane comme dans le dossier de la main-d'oeuvre. C'est ce qui va arriver si le projet de loi C-36 est adopté à toute vapeur, sans laisser le temps aux négociateurs du fédéral et du Québec de regarder ce qui peut se faire et sans avoir le rapport de ces négociations. C'est une autre chicane qui n'en finira plus. Même les libéraux provinciaux ne sont pas d'accord que vous adoptiez cela à toute vitesse, sans attendre la fin des négociations. Ils réclament aussi une juste compensation au cas où vous ne retireriez pas cette disposition du projet de loi. On doit au moins nous donner une pleine compensation financière pour nous permettre d'aider davantage nos étudiants et d'améliorer un système d'éducation qui est reconnu partout au Canada. On pourrait aussi alléger le fardeau des étudiants actuels. Les témoins nous demandent aussi, comme je vous l'ai dit, monsieur le président, le retrait avec pleine compensation.

Je vous cite la CSN:

• 1150

La CSN dit qu'en optant pour le retrait avec pleine compensation, le Québec ne crée pas un impair politique. Ce n'est pas une innovation, cette formule ayant été utilisée en éducation dès 1964 par Pearson et Lesage. On doit épargner le Québec de la Loi C-36, qui obligerait le Québec à négocier avec une fondation privée.

On sait très bien que cette fondation n'a aucun pouvoir. Je me demande comment on pourrait négocier avec la Fondation alors que c'est le gouvernement qui a le pouvoir de modifier cette loi.

Telle est la position, en des termes approximatifs, de tous les témoins québécois et de plusieurs intervenants canadiens, directement ou à mi-mots.

Monsieur le président, je voudrais aussi vous citer un témoignage de Gérald Larose, qui est président de la CSN et qui disait à peu près ceci, en répondant à une question de Denis Coderre: «Laissez-nous faire. Ça fait 34 ans qu'on bâtit ce système d'éducation. Pour nous, on peut l'améliorer, mais à l'heure actuelle, c'est un système d'éducation qui est reconnu. Si on nous permettait de nous retirer des bourses du millénaire et qu'on nous remettait la compensation qui nous revient, nous pourrions alléger le fardeau de nos jeunes québécois.»

Monsieur le président, j'espère vous avoir fait la preuve qu'il est important, à l'heure actuelle, de soutenir la motion de mon collègue.

[Traduction]

Le président: Un peu de silence, s'il vous plaît. Je tiens à entendre tout ce que Mme Picard dit.

[Français]

Mme Pauline Picard: Donc, il est important de soutenir la motion du Bloc québécois, d'attendre les négociations qui se font actuellement au Québec et de prendre vraiment au sérieux ce qui se passe. On ne peut pas adopter une loi à toute vitesse et dire que ce n'est pas grave parce qu'on peut y apporter des modifications. Franchement, je trouve que vous démontreriez ainsi que vous accordez bien peu d'importance aux débats qui se font ici entre parlementaires.

Mme Christiane Gagnon: Monsieur le président, est-ce que vous me donnez la parole?

[Traduction]

Le président: Non, je vais d'abord...

Avez-vous terminé, madame Picard?

Mme Pauline Picard: Oui.

Le président: Merci beaucoup pour cet exposé, ou devrais-je plutôt dire, pour votre intervention.

Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.

Je sais que M. Crête, dans son intervention, a dit que le côté libéral de la table avait été silencieux, et il se disait fort surpris de notre silence. Je tiens seulement à rappeler que ce que nous faisions en fait, c'était permettre aux députés de l'opposition d'exprimer leur point de vue, ce qui est essentiellement le propre de la démocratie. Nous leur avons permis d'exprimer leur point de vue, et nous pouvons intervenir nous aussi. Je tiens seulement à m'assurer que M. Crête comprend bien le processus.

Je commencerai par dire que l'objectif essentiel de la Fondation, je le répète, est de donner accès au savoir et aux compétences. Le projet de loi C-36 donne à la Fondation la souplesse qu'il lui faut pour tenir compte des préoccupations du Québec, et on a longuement fait état ce matin des préoccupations du Québec. Le projet de loi oblige la Fondation à distribuer ses bourses d'une manière compatible avec les programmes provinciaux d'assistance financière qui existent, et la Fondation doit éviter le double emploi en s'appuyant sur les processus d'assistance financière aux étudiants qui existent dans les provinces.

Ce qu'on dit essentiellement, j'imagine, c'est qu'il ne faut pas aller de l'avant avec ce projet de loi et qu'il faut ériger en loi les modifications que l'on réclame. Monsieur le président, je crois que ce que le parti de l'opposition nous demande de faire, c'est d'ériger en loi des restrictions.

La différence essentielle qu'il y a dans notre interprétation, c'est que le gouvernement est d'avis que la Fondation doit avoir la souplesse voulue pour tenir compte des besoins de toutes les provinces, et le gouvernement juge cette question tellement importante que nous voulons justement dépolitiser cette question en créant une fondation indépendante qui sera formée de personnes issues de toutes les régions du pays, des experts qui pourront alors venir en aide aux étudiants, ce qui n'est pas une tâche facile. Cette souplesse permettra aux experts de décider. Elle permettra aux experts d'éviter les doubles emplois, ce qui s'inscrit dans le mandat de cette fondation.

• 1155

Ériger cette mesure en loi, faire ce que le Bloc réclame, c'est en faire essentiellement un programme gouvernemental, c'est dire que seul le gouvernement est habilité à agir ici, et l'on ne permettrait pas aux experts de collaborer avec les diverses provinces et de combler les besoins des étudiants. C'est la différence essentielle ici.

On nous a dit que le Québec avait des réserves relativement à la discrétion qu'a la Fondation pour ce qui est des établissements admissibles, des conditions régissant l'octroi des bourses. Je répète que ces pouvoirs discrétionnaires donnent à la Fondation la souplesse voulue pour tenir compte des priorités provinciales et du fait que le Québec dispose d'un système complet que la Fondation ne dédoublera pas. Je répète que l'article 28 du projet de loi oblige la Fondation à faire tous les efforts voulus pour accorder les bourses d'une manière compatible avec les programmes d'assistance financière aux étudiants qui existent, tout en évitant de reproduire ces mêmes programmes.

On nous dit que le Québec demande sa juste part, qu'il l'obtiendra si on lui permet de se retirer avec compensation. Je tiens à répéter que l'objectif de la Fondation consiste à accorder des bourses aux étudiants d'une manière équitable partout au Canada, à des étudiants qui ont besoin d'argent et qui ont prouvé leurs mérites.

Monsieur le président, j'ai dit plus tôt dans mon intervention que ces discussions se poursuivent. Ces discussions se poursuivent dans le cadre de ce projet de loi-ci. Chose certaine, le gouvernement a la conviction que ces buts seront atteints, à savoir éviter le double emploi, s'appuyer sur les programmes provinciaux d'évaluation des besoins qui existent, mettre en place des programmes qui complètent les programmes provinciaux existants, et ultimement, élargir l'accès à l'éducation postsecondaire partout au Canada pour les Canadiens à revenu faible et moyen.

Monsieur le président, nous pouvons accepter nos divergences. Je pense que nous nous entendons sur notre objectif. Le gouvernement, s'appuyant sur sa conviction, propose une loi qui créera une fondation indépendante et composée d'experts. La Fondation aura toute la souplesse voulue pour régler les problèmes qui ont été énoncés ce matin relativement aux préoccupations du Québec, et les membres du conseil d'administration s'y emploieront. Ce projet de loi a en fait pour objet de créer le cadre qui permettra à ces experts d'atteindre ces objectifs.

Essentiellement, ce que le Bloc veut, c'est ériger ces mesures en loi et exclure toute souplesse. Sauf tout le respect que je leur dois, monsieur le président, je ne suis pas d'accord et je rappelle l'importance de cette question, c'est une question qui a été soulevée par les étudiants d'un bout à l'autre du pays, qui nous ont demandé notre aide, c'est une question qui a été portée à l'attention des premiers ministres, et c'est une question si importante que nous voulons la dépolitiser et permettre à des experts de la régler dans un cadre souple.

Sauf tout le respect que je dois à mes collègues d'en face, je ne suis pas d'accord et j'affirme que le projet de loi doit aller de l'avant si nous voulons établir un cadre à l'intérieur duquel les discussions avec le Québec pourront se poursuivre. J'affirme également qu'on prendra toutes les mesures voulues pour s'assurer qu'il n'y ait aucun double emploi, pour mettre en place un système complémentaire, et ainsi, ces mesures profiteront aux étudiants non seulement au Québec mais partout ailleurs au pays.

Le président: Merci, monsieur Valeri.

M. Brison a-t-il des commentaires?

M. Scott Brison: Je pense que l'heure est venue de discuter des amendements. Nous devons aller de l'avant. Je propose la mise aux voix de la motion du Bloc. Nous devons simplement aller de l'avant et commencer à discuter des amendements pour que nous puissions avoir un dialogue constructif au cours des quelques heures à venir.

Les députés du Bloc ont fait valoir leur point de vue, et par respect pour toutes les personnes ici présentes, je crois que nous devons aller de l'avant et discuter des amendements de la manière la plus constructive et la moins partisane qui soit.

Le président: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: J'écoutais la conversation avec plaisir.

Le président: Madame Gagnon, je pense vous avoir donné tout le temps qu'il fallait pour intervenir aujourd'hui. Je demandais seulement à M. Riis s'il avait des observations à faire.

• 1200

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je n'ai aucun problème pourvu que vous me donniez ensuite la parole.

[Traduction]

Le président: Je sais, bien sûr. Il nous faut encore discuter de la motion.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: On n'est pas prêts à voter. Tout à l'heure, on avait marqué notre point, mais étant donné l'impact de ces dispositions sur le Québec, on devrait débattre davantage de la motion. Cette motion-là devrait d'ailleurs être acceptée par le Parti libéral et par les autres collègues de la Chambre, parce qu'il y va de l'intérêt supérieur du Québec dans le domaine de l'enseignement. Donc, on n'est pas prêts à donner notre accord pour qu'on puisse passer à l'étude article par article.

[Traduction]

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison: On a décidé le 22 avril que nous remettrions notre rapport à la Chambre le 8. Est-ce exact?

Les députés ministériels ont très peu à perdre si on ne nous donne pas l'occasion de discuter des amendements. Ce sont les partis de l'opposition qui ont des amendements à proposer et qui veulent un débat logique. Les députés ministériels n'ont rien à perdre si nous n'avons pas le temps de discuter de ces amendements. Mais nous tous, dont les députés du Bloc, avons intérêt à aller de l'avant et à discuter de façon constructive des amendements. Nous allons effectivement manquer de temps et nous n'aurons pas l'occasion de discuter de ces amendements constructifs. Cela n'aidera en rien les députés du Bloc, du Nouveau Parti démocratique, du Parti réformiste, du Parti conservateur ou du Parti libéral.

Le président: Je prends bonne note de ce que vous avez dit. J'ai déclaré plus tôt au début de la journée que le projet de loi à l'étude, comme en avaient convenu les membres du comité, fera l'objet d'un rapport à la Chambre demain. Cependant, je n'ai pas l'intention d'empêcher qui que ce soit d'exprimer son point de vue.

Je dois vous dire qu'il y a répétition de certains points et j'en prends bonne note car lorsqu'on aura vidé la question, même si vos arguments sont très clairs et passionnés, je n'ai certainement pas l'intention de continuer à écouter constamment la même chose.

Je n'en suis pas encore à ce point-là, mais j'ai remarqué que certains points ont été répétés plus d'une fois, ce qui est tout à fait correct. Je sais ce que vous devez faire. Vous voulez que votre point de vue soit versé au compte rendu et c'est une partie très importante du processus démocratique. Il faudra cependant qu'à un moment donné au cours de la journée je fasse mon travail et que j'intervienne pour dire que nous avons vidé la question et que nous devons passer au prochain point à l'ordre du jour, c'est-à-dire ce que nous devions faire initialement, soit l'examen article par article.

Je voulais tout simplement m'assurer que ce soit très clair.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Je veux que ce soit très clair, monsieur le président. L'article 116 du Règlement est très clair à cette égard. Je vais vous le citer parce qu'il enlève un peu de la substance des arguments que vous nous avez présentés afin d'empêcher le débat. On dit à l'article 116 du Règlement:

Cela veut dire, monsieur le président, pour être sûr qu'on s'entend bien, qu'on peut parler jusqu'à épuisement du débat au sujet d'une motion. Cela veut dire que, tant et aussi longtemps qu'il y a des orateurs pour parler de la question dont on débat, ces orateurs peuvent parler en vertu de l'article 116.

Voici un autre aspect de la question. Vous avez parlé de la date du 8 mai. Tenez pour acquis que nous ne sommes nullement engagés par la date du 8 mai. La date du 8 mai était une date provisoire, une date administrative, et on doit prendre le temps qu'il faut pour vider la question et procéder à l'étude article par article.

• 1205

Je peux vous dire qu'on a l'intention d'aller jusqu'au bout de nos arguments parce que c'est un dossier qui est fondamental à nos yeux. Comme je vous l'ai mentionné, vous n'avez pas le pouvoir de limiter la durée de nos discours.

Malgré tout le respect que j'ai pour vous, monsieur le président—et vous savez que j'ai beaucoup de respect pour vous—, dans le cas présent, nous allons poursuivre jusqu'à épuisement du débat sur la motion que nous avons déposée. On va poursuivre jusqu'à ce qu'on ait l'impression qu'on a bien expliqué la motion, qu'on est parvenus à bien expliquer chacun de nos arguments et surtout que ces arguments sont entrés dans la tête de la majorité libérale. Malgré trois semaines de débats et de comparution de témoins dont les messages étaient très clairs, personne de l'autre côté de cette pièce n'a compris le message essentiel et consensuel du Québec. On s'attend à ce qu'à la sortie de ce débat, à force de répéter, d'argumenter et de raffiner nos arguments, vous ayez compris que la société distincte, la société unique veut dire quelque chose au bout, que ce n'est pas juste du bla-bla ou du fla-fla.

On est différents et on vous l'a prouvé. Quatorze organismes sont venus vous le dire. Ils représentaient 1,2 million de personnes. Ils représentaient 82 000 entreprises. Si cela ne vous est pas encore entré dans la tête, eh bien, ces débats sur la motion vont nous permettre de vous l'incruster dans le cerveau afin que vous déposiez des amendements conformes au désir consensuel du Québec.

Alors, tenez-vous le pour dit: le 8 mai, on s'en fout. On va faire le débat. On a des privilèges. On a des droits comme députés et on va les exercer jusqu'au bout.

[Traduction]

Le président: Je ne doute pas un instant que tous les droits des députés seront respectés, y compris les miens. En tant que président, je dois vous rappeler—il peut arriver de temps à autre que je ne sois pas d'accord avec vous, monsieur Loubier—que vous avez parlé du vendredi 8 mai comme date possible et que ce n'est pas le cas. Je vais lire la motion qui remonte au jeudi 2 avril 1998.

Je remarque ici également, en passant, ce qui est extrêmement important dans votre cas, que vous étiez présent à cette séance.

À la suite d'une motion présentée par Paddy Torsney, il a été convenu que le projet de loi C-36, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 1998 déposé au Parlement le 24 février 1998, fasse l'objet d'un rapport à la Chambre des communes d'ici le vendredi 8 mai 1998.

Pour moi, cette motion qu'a adoptée le comité ne pourrait être plus claire. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'en tant que président du comité je ferai rapport du projet de loi à la Chambre le vendredi 8 mai 1998 en tenant compte, bien sûr, de la motion actuelle—afin que nous comprenions tous de quel comité nous faisons partie.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je vais vous rappeler le contexte ainsi que les paroles que j'ai prononcées à ce moment-là. Lorsqu'on était arrivés à cette réunion visant à planifier les travaux futurs, vous nous aviez imposé à ce moment-là la date butoir du 2 mai. Vous vous en souvenez. Tout le monde autour de la table se rappelle que le 2 mai était pour nous une date qui n'avait pas d'allure. Le premier ministre du Canada et le premier ministre du Québec venaient de s'engager à tenter de rapprocher les deux parties et d'en arriver à un compromis acceptable et honorable pour le Québec dans le secteur des bourses du millénaires.

Comme le dit l'expression populaire, on a déchiré notre chemise et vous avez plié quelque peu. Mais rappelez-vous ce que je vous ai dit à ce moment-là. J'ai fait sortir les bleus et on va les avoir bientôt. Je vous ai dit qu'on n'était pas liés à cela, qu'un nombre incommensurable de témoins avaient exprimé le souhait de comparaître, que c'était une question d'une importance capitale pour nous et que tant et aussi longtemps qu'on n'aurait pas suffisamment de temps pour écouter tous les témoins et vider toute la question, on serait insatisfaits.

• 1210

Je vous reporte à hier. Avant-hier, je vous ai demandé devant tous les membres du comité de faire comparaître M. Mel Cappe pour qu'on sache où on en était rendu dans la négociation. D'ailleurs, ce n'est pas le 2 mai que vous nous imposiez initialement, mais le vendredi 1er mai. Vous m'avez dit hier que Mel Cappe n'était pas disponible.

Cela pose un problème. Comme on vous l'a mentionné tout à l'heure, nous ne pouvons pas procéder à l'étude article par article alors qu'on ne sait même pas où en est la négociation, alors qu'on a demandé aux négociateurs du premier ministre Chrétien de comparaître ici pour nous mettre à jour sur la négociation, alors que tous les témoins sans exception, y compris un haut fonctionnaire lors de sa première comparution, ont dit que lorsqu'on aura adopté un projet de loi comme celui-là, s'il advient un accord entre le le bureau du premier ministre du Québec et celui du premier ministre du Canada, on va devoir revoir le projet de loi en entier, parce qu'on ne pourrait appliquer ce projet de loi si une entente comme celle d'avril 1964 était conclue. Il y avait eu à ce moment-là un recul du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux bourses et aux prêts étudiants.

Monsieur le président, j'ai beaucoup de respect pour votre fonction, mais dans la limite du Règlement, cependant. Le Règlement dit clairement que la durée des discours est à notre guise et que nous avons des droits et des privilèges comme députés. Je vous répète que tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas l'impression qu'on a vidé la question et surtout qu'on a donné à la négociation la chance de poursuivre son cours et de porter ses fruits, vous allez nous permettre d'exprimer nos points de vue et respecter nos droits et privilèges.

[Traduction]

Le président: Très bien.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le président, je veux tout simplement passer quelques questions en revue avec le comité.

C'est le comité plénier qui a adopté le 1er avril une motion disant que nous ferions rapport du projet de loi le 2 mai. Malheureusement, aucun représentant du Bloc n'était présent. Le lendemain matin, soit le 2 avril, ils étaient très contrariés au sujet de cette date et ont proposé qu'elle soit changée. La motion dont vous parliez a donc été adoptée le 2 avril avec la participation et l'appui du Bloc car il n'y avait pas de dissidence. C'était une séance du comité permanent et nous avons décidé que le 8 mai serait la date à laquelle nous ferions rapport.

Je trouve ironique que le mardi nous ayons tous siégé à huis clos et élaboré un plan de travail. Dans ce plan de travail, il était clair que l'examen article par article se ferait le 7 mai et que nous ferions rapport le 8 mai. Encore une fois, aucun parti n'a exprimé de dissidence. Il n'y avait certainement aucune dissidence de la part du Bloc. C'était une séance du comité permanent et nous nous sommes tous mis d'accord sur ce plan de travail qui prévoyait que nous ferions l'examen article par article aujourd'hui et que nous ferions rapport du projet de loi demain.

Je ne sais pas trop comment, dans les 36 heures qui se sont écoulées entre mardi après-midi et aujourd'hui, cette date est tout à coup devenue provisoire dans l'esprit de M. Loubier et comment il a pu penser que nous ne ferions pas l'examen article par article aujourd'hui et que nous ne ferions pas rapport du projet de loi demain. C'était assez clair dans l'esprit de tous et c'était écrit noir sur blanc que nous ferions cela aujourd'hui et demain.

Bien que je ne voudrais certainement pas dire aux membres ce qu'ils doivent faire et qu'ils doivent toujours être respectueux, nous allons peut-être continuer à entendre le Bloc répéter les mêmes choses. Étant donné que les autres partis semblent prêts à procéder à l'examen article par article et que nous avons de nombreux amendements du Bloc, nous pourrions peut-être commencer maintenant l'examen article par article et aborder les questions qui s'y rapportent. Nous pourrions alors tous nous mettre au travail.

Le président: Merci, madame Torsney.

M. Riis, suivi de M. Loubier.

M. Nelson Riis: Pour reprendre ce que disait Mme Torsney qui faisait valoir que nous devrions examiner les amendements, on suppose alors que si nous allons aborder tous les amendements proposés par les divers partis, il devrait y avoir un but à tout cela.

Je devrais peut-être poser ma question à l'attaché de recherche ou à l'adjoint législatif. Est-il déjà arrivé que le Comité des finances lors de son examen article par article accepte des amendements des partis de l'opposition? Est-ce jamais arrivé?

• 1215

Une voix: Non.

M. Nelson Riis: Nous avons ici des gens qui ont déjà été membres du Comité des finances, notamment M. Loubier. Écoutez, si le Comité des finances n'a jamais accepté l'amendement d'un membre de l'opposition, je suppose alors que la façon dont nous utilisons notre temps aujourd'hui importe peu. Aussi bien parler alors du Fonds du millénaire et des pouvoirs fédéraux-provinciaux.

J'essaie en fait d'être sérieux, monsieur le président. Je ne fais pas un genre de déclaration politique. Cependant, si c'est la réalité—je ne sais si c'est bien le cas—on me dit que c'est le cas, mais je n'ai pas fait la recherche et je n'ai pas l'information, mais M. Loubier semble être d'accord.

Le président: Chaque parti pourra naturellement débattre chaque amendement, et je suis certain que le...

M. Nelson Riis: Ce que je veux dire, monsieur le président, c'est que si tout ça est simplement faux, si c'est un exercice vide, si ce n'est qu'une simple formalité que nous devons suivre tout en sachant quel sera le résultat, alors cela est inutile. Écoutez, aussi bien faire ce que nous faisons maintenant.

Une voix: Et faire perdre leur temps à tous ces gens qui sont ici.

M. Nelson Riis: Non, laissons partir les fonctionnaires. Franchement, nous leur avons déjà fait perdre suffisamment de temps. Si dans le compte rendu on indique que tous les amendements seront rejetés et qu'il ne s'agit que d'une simple formalité, nous faisons cela tout simplement pour tuer le temps—alors je dis qu'il faut laisser partir les fonctionnaires et faire quelque chose qui en vaut la peine, et laisser M. Loubier et ses collègues parler de leurs préoccupations concernant les pouvoirs en matière d'éducation, et nous pourrons tous nous détendre, aller déjeuner et nous amuser pour le reste de la journée.

Le président: Monsieur Riis, vous voulez peut-être aller déjeuner, mais nous resterons ici pour travailler. C'est votre choix.

M. Nelson Riis: L'idée que je me fais du travail n'est pas d'être tout simplement ici et faire cet exercice...

Le président: Eh bien, l'idée que vous vous faites du travail consiste-t-elle à aller déjeuner?

M. Nelson Riis: Non, mais au moins c'est utile. Ce que nous faisons n'est pas utile.

Une voix: Aucun débat sur ce point.

Le président: Quoi qu'il en soit, le fait est que les fonctionnaires sont ici parce qu'à un moment donné nous allons passer à l'examen article par article. Ensuite, le processus du comité est ce qu'il est. Vous êtes ici pour assez longtemps pour savoir comment cela fonctionne.

M. Nelson Riis: Je veux changer cela, monsieur le président. Voilà ce que je veux dire.

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Nelson Riis: Non, non, la procédure est bonne; c'est tout simplement... nous devons le vouloir pour que cela fonctionne. À ce moment-ci, il n'y a aucune bonne volonté et c'est pourquoi nous faisons ces choses, voilà.

Nous avons cependant des gens qui sont ici, monsieur le président, qui sont bien rémunérés, qui ont un travail à faire, mais seulement si nous faisons quelque chose qui en vaut la peine. Franchement, je trouve qu'on leur fait perdre tout à fait leur temps.

Mme Paddy Torsney:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Nelson Riis: Eh bien, oui. Je suis un historien.

Mme Paddy Torsney: Ce n'est pas toujours pareil.

M. Nelson Riis: Monsieur le président, si c'est une pratique qui se répète depuis plusieurs années, alors je suppose que cela va se produire de nouveau. J'espère que ce ne sera pas le cas, franchement.

Le président: Mais il y a eu des comités où des motions et des amendements de l'opposition ont été acceptés.

M. Nelson Riis: Moi aussi, j'ai été membre d'un comité où c'est arrivé. Mais je dis que d'après ce qu'on voit ici, cela ne se produit pas.

Une voix: Ce n'est pas vrai.

M. Nelson Riis: Corrigez-moi si je me trompe.

Une voix: Je ne me rappelle pas.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Il y a un amendement sur lequel je voudrais me prononcer en faveur...

M. Nelson Riis: Cela ne veut pas dire que ça sera adopté. Je vais parler moi aussi en faveur de certains amendements, mais, et puis quoi.

M. Yvan Loubier: Est-ce pour ajouter une virgule à l'un des amendements?

M. Paul Szabo: Non, un de leurs amendements. Je vais appuyer un amendement du Bloc.

Une voix: Vous voyez.

Mme Paddy Torsney: Nous devrions peut-être commencer à parler des amendements.

M. Nelson Riis: Moi, je dis qu'il ne sert à rien de parler des amendements.

Mme Paddy Torsney: Pourquoi? Vous seriez peut-être surpris.

Le président: À l'ordre. Madame Torsney. Je pense que nous allons devoir donner la parole à M. Scott.

Mais avant, monsieur Riis, je ne comprends pas tout à fait ce que vous dites, franchement, car si on regarde ce qu'a fait notre comité par le passé, même au cours de cette législature, il a été... Écoutez, je n'ai jamais vu un comité faire des recommandations à un ministre des Finances et le ministre des Finances a accepté une bonne partie des recommandations pour son budget, et c'était le travail de notre comité. Je ne comprends donc pas pourquoi vous dédaignez de cette façon le travail que fait le comité, à moins que cela ne reflète vos sentiments à l'égard du comité et votre manque d'enthousiasme.

Je considère certainement notre comité et également ce dont le Bloc parle aujourd'hui... Je trouve très stimulant qu'ils aient pris le temps de faire valoir leur point de vue avec autant d'éloquence. Je ne suis peut-être pas nécessairement d'accord avec eux. M. Valeri a fait la même chose. J'espère que vous ferez quelque chose par rapport à ce projet de loi également, et j'attends avec impatience d'entendre vos commentaires à ce sujet.

• 1220

M. Nelson Riis: Je peux peut-être répondre, monsieur le président.

Le président: Oui, bien sûr.

M. Nelson Riis: À titre d'éclaircissement, nous avons suivi un processus au cours des consultations prébudgétaires la dernière fois.

Le président: Oui.

M. Nelson Riis: À votre avis, est-ce que nous allons suivre maintenant le même processus que nous avons suivi à ce moment-là? Est-ce à votre avis un processus idéal?

Le président: Un processus idéal?

M. Nelson Riis: Oui.

Le président: Eh bien, pour ceux d'entre vous qui aspirent à un idéal et à la perfection, je pense qu'il y a possibilité d'amélioration. Mais franchement, j'étais satisfait du fait que parce que...

M. Nelson Riis: Je veux parler d'un processus équitable.

Le président: Non, mais les résultats comptent également. Ne vous laissez pas prendre dans le processus. Vous savez, on peut être comme un avion qui n'atterrit jamais. Il faut faire le travail. Si on regarde le nombre de recommandations que nous avons faites à la suite des consultations prébudgétaires et que le ministre des Finances a adoptées dans son budget—c'est un exercice que vous voudrez peut-être faire—cela a été un succès incroyable. Cela a sans doute été le plus grand succès depuis que nous avons entrepris le processus de consultations prébudgétaires.

Je suis très fier du travail qu'accomplit notre comité, franchement, et je ne sais pas pourquoi vous avez ces sentiments. Vous avez peut-être une perception tout à fait différente de la mienne par rapport au travail qu'accomplit le comité.

Monsieur Scott.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je me suis tu, parce que je ne suis pas un membre permanent du comité, et j'ai écouté respectueusement la conversation, mais je vous signale que mon collègue M. Solberg avant de partir m'a mis au courant et m'a dit ce qui se passait ici aujourd'hui. Il m'a informé que depuis que le Parti réformiste est présent à ce comité, ce qui remonte à 1993, pas un seul amendement à une loi d'exécution du budget n'a été accepté—pas un seul, et cela, en cinq ans.

Donc, monsieur le président, à la suite de ce qu'a dit M. Riis, je pense qu'il y a un certain fondement à l'exaspération que ressentent les membres du comité. Comme je l'ai dit, je ne suis pas un membre permanent du comité mais je voulais faire cette observation. Les gens se sentent frustrés lorsqu'ils ne croient pas que le travail qu'ils font sera en fait pris au sérieux par le gouvernement.

Le président: Le point que vous soulevez est très intéressant. Dans le rapport minoritaire présenté par le Parti réformiste, il y avait deux recommandations. L'une portait sur la réduction et l'élimination de la surtaxe personnelle de 3 p. 100—au fait, c'était dans le rapport majoritaire—et l'autre portait sur l'augmentation de l'exemption personnelle de base, qui se trouvait également dans le rapport minoritaire du Parti réformiste et dans le rapport majoritaire du Parti libéral. Ces deux recommandations ont été acceptées par le ministre des Finances, elles sont dans le budget.

Voyez-vous, je n'aime pas que les gens créent des mythes populaires qui ne sont pas fondés sur les faits. Donc, avant de faire de telles déclarations, il vaudrait mieux être sérieux et savoir de quoi nous parlons.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je pense qu'avec le commentaire suivant, je vais rejoindre les deux partis. Je suis d'accord avec MM. Riis et Scott lorsqu'ils disent qu'on n'a pas prêté une oreille très attentive aux amendements que l'opposition a présentés par le passé ici, au Comité des finances, et peut-être aux autres comités, bien que je ne sache pas comment ça se passe. Je déplore cela parce que l'opposition a un rôle fondamental à jouer. Vous représentez un côté de la médaille, nous représentons l'autre. Il y a peut-être parfois moyen d'avoir des rapprochements.

Là où je diverge d'opinion d'avec M. Riis, c'est que je crois à ce processus. J'y crois encore plus que jamais. Je suis persuadé que le débat que nous faisons ce matin est utile et il ne faudrait pas le banaliser. On ne fait pas ça pour emmerder quiconque, ni retarder les travaux de quelque façon que ce soit. On fait ça dans l'espoir qu'on pourra faire valoir le point de vue du Québec, qui est venu s'exprimer par l'entremise des 14 organismes qui ont comparu et qui étaient tout à fait non partisans. Nous y croyons encore.

Je ne voudrais pas, monsieur le président, qu'on évacue ce qu'on a à vous dire et qu'on nous accuse de faire de la répétition ou qu'on dise qu'on est tenus de respecter l'échéance. Au début, cette échéance était très provisoire parce qu'on voulait laisser la chance à la négociation d'avoir cours. Je ne voudrais pas qu'on évacue ce débat et qu'on dise qu'on a épuisé tous nos arguments. Il y a des gens qui vont venir ici au cours de la journée et au cours des prochaines heures vous exprimer de différentes façons le point de vue du Québec.

• 1225

J'espère que vous allez avoir le respect, comme nous respectons cette institution, qui est l'extension de la Chambre des communes que nous avons également toujours respectée, de nous écouter jusqu'au bout. Nous sommes convaincus que nous serons capables de vous convaincre. Quelque part, j'y crois encore et mes collègues aussi. On croit encore aux institutions démocratiques. La démocratie n'est pas un système parfait, mais faute de mieux, on y croit. Je ne crois pas que la dictature soit une bonne chose, ni à gauche, ni à droite. Ne banalisons pas l'exercice qu'on fait ce matin, qui est à nos yeux fondamental et qui nous poigne au coeur.

Mme Torsney parlait de l'obligation qu'on a de faire l'étude article par article. Je conviens qu'il y a cette obligation-là, mais il y a une autre obligation qui est plus morale, et c'est celle de faire valoir le point de vue des différentes régions du pays d'où on vient. Nous sommes investis de cette mission-là, qui n'est pas une mission puisée dans les airs, puisque nous comptons 44 députés sur 75 au Québec. Les 14 organismes qui ont comparu ont tous dit ce qu'on vous répète depuis ce matin avec des arguments différents.

Ayez au moins le respect de nous écouter jusqu'au bout et de changer d'idée. Vous pouvez changer d'idée, vous en avez le droit. Ce n'est pas parce que vous êtes au gouvernement que vous n'avez pas le droit de changer d'idée. Vous pourriez, à la suite de nos représentations, qui sont présentées avec des arguments convaincants, changer d'idée. Vous pourriez présenter vous-même des amendements qui reflètent le consensus québécois. Pourquoi ne le faites-vous pas? Il me semble que ce serait assez inusité et que vous montreriez ainsi à la population que les députés du côté ministériel ne font pas que refléter les position des ministres, sans accepter les témoignages, même consensuels, qui sont présentés devant eux.

[Traduction]

Le président: Monsieur Scott.

M. Mike Scott: Monsieur le président, afin que les choses soient très claires, comme vous l'avez dit il y a quelques minutes, je veux qu'il soit bien compris que je ne disais pas tout à l'heure que l'on ne tenait pas compte des idées de l'opposition lors des discussions prébudgétaires, et ce n'est pas ce que M. Solberg m'a dit non plus, mais que lorsqu'on arrivait à l'examen article par article d'un projet de loi en comité à l'étape du rapport, jamais, depuis que le Parti réformiste est représenté à ce comité, une motion de l'opposition n'a été acceptée par le comité. J'aimerais que ce soit très clair. C'est ce dont nous parlons maintenant: l'examen article par article. Il ne s'agit pas d'une discussion générale ni de consultations prébudgétaires. Il s'agit de l'examen article par article.

Le président: Je parlais du processus d'élaboration de la politique publique qui devient un jour la loi du pays. Prenez le budget, par exemple. Tous les partis ont contribué à ce débat.

Mais en réalité, ce que je défends ici...

M. Mike Scott: Je comprends cela, mais nous sommes à l'étape de l'examen article par article et l'opposition a l'impression qu'elle ne peut espérer voir ses amendements acceptés lors de l'examen article par article, alors vous pouvez comprendre le sentiment de frustration. Pourquoi sommes-nous tous ici?

Le président: Oui.

Pouvons-nous suspendre la séance et reprendre dans 10 ou 15 minutes?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Pourvu que nous ayons le droit de prendre à nouveau la parole.

[Traduction]

Le président: Pour 15 minutes. Est-ce que cela vous convient?

[Français]

M. Yvan Loubier: Une suspension des travaux.

Mme Christiane Gagnon: Oui, parce qu'on a peur que vous faiblissiez.




• 1245

[Traduction]

Le président: Nous reprenons nos travaux.

La prochaine intervention sera faite par Mme Gagnon. M. Loubier a été exclu et il est remplacé par Mme Bujold. Je crois comprendre que ce n'est que temporaire, monsieur Loubier.

Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je vous remercie, monsieur le président, de m'accorder la parole. Je sais que vous avez un très grand respect pour ce qui se passe aujourd'hui et faites preuve d'une certaine ouverture en nous laissant débattre de la motion qui a été présentée par notre collègue du Bloc québécois.

Tout comme mon collègue, M. Loubier, c'est dans le respect de tous ceux et celles qui se sont déplacés, qui sont venus débattre de la position du Québec face aux bourses du millénaire et qui ont demandé au gouvernement fédéral de bien vouloir permettre au Québec de se retirer avec pleine compensation, que nous tenons ce débat.

Ce n'est pas une question de partisanerie, comme le prétendent certains collègues libéraux. Mille trois cents personnes, par l'entremise de leurs fédérations et associations, s'unissent d'une seule voix pour demander un assouplissement pour le Québec, une manière de respecter la volonté du Québec en matière d'éducation. On a dit que c'était un enjeu fondamental pour le Québec, et c'est ce qu'on défend aujourd'hui. On vous remercie de nous permettre d'aborder cette question.

Nous avons travaillé très sérieusement. Vous l'avez reconnu et vous avez dit en être édifié. Il ne faut pas banaliser la question parce que pour le Québec, c'est un enjeu fondamental. Il y aura des répercussions à la suite des décisions que prendra ce comité.

Plusieurs personnes s'interrogent au Québec. On a fait mention de 82 000 entreprises et de 14 associations qui représentent 1,3 million de personnes au Québec. Monsieur le président, au risque de m'éloigner un petit peu du sujet, j'aimerais attirer votre attention sur le rejaillissement de cette décision et sur tous les médias qui ont fait état de la façon dont le gouvernement Chrétien défend ses bourses du millénaire. On voit aussi, par l'attitude de certains collègues d'en face, du côté libéral, qu'il y a aussi cet état d'esprit qui subsiste et qu'on n'a pas vraiment entendu les débats.

Quarante et un pour cent des témoignages ont traité des bourses du millénaires. C'est un pourcentage élevé. Quarante et un pour cent des témoins venaient du Québec, tandis que 59 p. 100 venaient de l'extérieur du Québec. À l'unanimité, les 41 p. 100 se sont dits en faveur de cette demande de reconnaissance et de respect des droits du Québec en matière d'éducation et de mesures compensatoires compte tenu de la structure du Québec.

Quand on a annoncé les bourses du millénaire, tous les journaux en ont parlé. On se demandait quelle était la vraie vision de la bourse du millénaire. On a beaucoup défendu le fait qu'on voulait aider les étudiants, mais les étudiants du Québec nous ont dit que les bourses du millénaire ne les aideraient pas du tout à régler le problème de l'endettement étudiant. Ce n'est pas de cette façon-là qu'on aimerait qu'on leur vienne en aide.

Même M. Chrétien a fait tomber son masque lorsqu'il a déclaré qu'il voulait absolument que les gens comprennent d'où viendrait l'argent.

• 1250

C'est une façon bien mesquine de régler un problème d'endettement des étudiants que d'être avant tout motivé à présenter un projet de Fondation des bourses d'études du millénaire par des ambitions très personnelles de visibilité. La Presse a repris les propos de M. Chrétien et les a publiés en manchette. Je pense que le comité est en quelque sorte un peu inspiré de cette volonté-là de visibilité, qu'on déplore au Québec.

Un sondage fait auprès de la population indique qu'on n'est pas dupes au Québec et qu'on peut voir le jeu du fédéral. On s'aperçoit de la manière dont le gouvernement fédéral, encore une fois, respecte les consensus atteints au Québec. Ce sondage démontre aussi que les étudiants voient bien l'espèce d'astuce que le gouvernement met en place par le biais de la Fondation des bourses d'études du millénaire. Les gens se disent embarrassés par cette proposition et jugent qu'il serait beaucoup plus rentable pour eux qu'on investisse dans tout le système d'éducation, puisque ces dédoublements et ce chevauchement seront très coûteux et que ce sont eux, finalement, qui en paieront la facture.

C'est ce qu'on a entendu. Monsieur le président, c'est avec beaucoup d'honnêteté que j'ai suivi tous les travaux, tous les travaux. Vous le savez, nous avons siégé un soir jusqu'à 21 heures. Un seul fil conducteur s'est dégagé au Québec. S'il y en avait eu d'autres, je pourrais honnêtement vous dire que ce n'est pas ça que j'ai entendu et qu'il y avait certaines nuances. Mais, d'une seule voix, on vous a demandé de respecter les champs de compétence des provinces, surtout ceux du Québec.

De nombreux témoins de l'extérieur du Québec, que je ne nommerai pas tous à nouveau, nous ont dit qu'on devait tenir compte de cette réalité québécoise. J'espère que nous tiendrons compte du point de vue qu'ils ont exprimé.

Nous sommes ici pour entendre des témoins et prendre des décisions qui reflètent l'ensemble des témoignages qu'on a reçus. Nous avons fait un travail exhaustif et repris tous les témoignages. Dans l'ensemble, les gens à l'extérieur du Québec semblent souhaiter que le gouvernement fédéral fasse preuve de compréhension à l'égard du Québec. Vouloir nous faire adopter un projet de loi trop rapidement, avant même que les négociations soient terminées au Québec, c'est une aberration. Nous vous donnons encore fois une chance de démontrer votre ouverture d'esprit face au Québec. Si je vous disais que c'est une société distincte, je ne voudrais certainement pas vous insulter ou vous dire que nous nous pensons supérieurs, mais on a reconnu qu'au Québec, le système est différent et qu'il est le meilleur au Canada. Vous étiez là pour l'entendre, monsieur le président, et nous sommes les porte-parole et le rayonnement de l'ensemble des témoignages qui ont eu lieu ici. On n'a pas l'impression de perdre notre temps aujourd'hui. Il y a des députés qui se sont ajoutés du côté libéral et qui n'ont pas entendu tous ces témoignages. Aujourd'hui, on est là pour les répéter. Tous les témoins qui se sont prononcés devant le comité comptent sur nous pour faire le point sur l'ensemble des débats qui ont eu lieu au cours des délibérations de ce Comité des finances sur les bourses du millénaire.

Le gouvernement Chrétien, par ses bourses du millénaire, cherche d'abord la visibilité dans l'éducation, un champ de compétence provinciale. Il ne s'en est pas caché et cela a fait la manchette des journaux. Par la suite, M. Pettigrew nous a dit: «Non, nous ne voulons pas de chicane et il n'est pas question que nous intervenions dans les compétences des provinces.» Donc, on joue un peu au chat et à la souris, comme on dit chez nous. Qu'est-ce que c'est, si ce n'est pas entrer de plein fouet dans les champs de juridiction des provinces? On a fait état de tout l'historique de la volonté et de la mauvaise manie du fédéral de venir fouiller dans les champs de compétence des provinces. On vous a rappelé qu'à chaque fois que les premiers ministres du Canada avaient voulu faire cela, le Québec avait fait front commun pour que le fédéral redonne aux provinces, y compris le Québec, toutes les mesures qu'il voulait prendre pour s'ingérer dans les compétences de la province de Québec en matière d'éducation.

• 1255

Si, à l'extérieur du Québec, dans le reste du Canada, on souhaite avoir une telle fondation—mais on n'a pas entendu cela dans l'ensemble des témoignages—, je suis un petit peu surprise qu'on n'ait pas eu d'amendements de l'autre côté. Il aurait dû y avoir des amendements parce que nombreux sont ceux qui sont inquiets au sujet des critères et du mandat de cette fondation privée et publique. Beaucoup de questions ont été posées.

S'il y a des députés qui s'endorment, il y a peut-être un autre endroit que le comité pour se relaxer.

On se demande vraiment pourquoi le gouvernement libéral s'entête à vouloir tout centraliser. Comme je vous l'ai rappelé ce matin, un professeur de l'Université d'Ottawa est venu dire que c'était un fédéralisme centralisateur dominateur et qu'il s'agissait de la pire ingérence depuis l'après-guerre dans les champs de compétence des provinces.

Encore une fois, vous avez marqué des points mais pas comme vous le souhaitiez. Vous ne marquez pas des bons points, vous marquez des mauvais points. On sera là pour vous le rappeler si vous ne donnez pas suite aux recommandations, non seulement les recommandations du Bloc mais aussi les recommandations de l'ensemble des témoins qu'on a eus au Québec.

Vous ne répondez donc pas à l'esprit traditionnel en matière d'éducation au Québec. Je vous rappelle le sondage qui montre bien que les Québécois ne sont pas dupes. On connaît les véritables motifs du gouvernement libéral. On voit bien que les députés libéraux qui siègent à ce comité pensent, d'abord et avant tout, briller par une certaine visibilité au détriment des étudiants. Nous saurons bien vous le rappeler plus tard.

Vous savez que le ministre Stéphane Dion a rencontré des étudiants de l'Université de Montréal et les anciens étudiants. Savez-vous ce qu'ils ont demandé? Ils ont demandé justement que le ministre s'excuse pour ce qui est en train de se faire et pour toutes les coupures qui ont été faites sur le dos des étudiants et des chômeurs. Personne ne trouve cela drôle.

Je ne trouve pas que ce soit drôle. C'est mon deuxième mandat, et je peux vous dire qu'il a été très difficile et même épouvantable de subir toutes ces coupures dans l'éducation et la santé.

Il faut aller voit comment ça marche dans les provinces. Ici, nous sommes dans une tour d'ivoire. C'est beau, le Parlement canadien. On a une très belle bâtisse, mais dès que l'on sort de la bâtisse après le travail et que l'on retourne dans nos circonscriptions, on s'aperçoit qu'il est impossible de satisfaire aux demandes des gouvernements provinciaux en matière d'éducation, de sécurité du revenu et de santé.

Pendant ce temps, que fait le fédéral? Il se met des petits pécules de côté pour pouvoir séduire certaines clientèles. Je peux vous dire que les étudiants ne sont pas dupes. Nous sommes donc ici pour faire entendre la voix du Québec, et la voix du Québec vous dit que vous devez respecter les champs de compétence des provinces.

Regardez Alain Dubuc qui écrit souvent de beaux éditoriaux. Même Alain Dubuc dit que c'est un projet informe. Nous vous avons dit aussi que c'était un projet informe et que cela ne pouvait justifier le refus du gouvernement fédéral de remettre aux provinces la gestion des fonds. Ça ne se justifie pas. Alain Dubuc vous dit aussi, tout comme nous, qu'on va encore créer un double régime au Québec.

Je vais vous parler d'un autre éditorialiste parce qu'il y a eu certaines retombées dans les médias.

[Traduction]

Le président: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Je pense que si nous voulons faire preuve de respect, nous devons respecter les interprètes et la vitesse à laquelle on nous donne de l'information n'est vraiment pas acceptable.

Le président: Comme c'est la tradition en comité—corrigez-moi si je me trompe, monsieur l'interprète—si vous trouvez, à n'importe quel moment, qu'un témoin ou un député parle trop vite, laissez-le-moi tout simplement savoir.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je voudrais vous dire que c'est ma passion pour ce dossier qui me fait parler vite, comme c'est le cas pour certains de mes collègues, et que je vous suis reconnaissante de soulever ce problème parce que le Bloc québécois doit bien souvent avoir recours à la traduction.

Vous êtes sensibilisés à une problématique que nous vivons certainement beaucoup plus souvent que vous parce que c'est souvent nous qui sommes sur la traduction français-anglais et bien souvent, nous avons de la difficulté à comprendre. Je suis donc très contente que vous expérimentiez la même chose aujourd'hui.

• 1300

Je vais maintenant vous parler des «Bourses du millénaire, un mirage coûteux». Jean-Luc Migué, professeur à l'École nationale d'administration publique, vient encore nous dire que c'est gaspiller les surplus, d'autant plus qu'on est allé chercher ces surplus dans la poche des contribuables. Il fait donc une critique très sévère. Il dit que 10 p. 100 des étudiants auront droit à cette manne et que la question est de savoir si cela donnera davantage l'accès à l'enseignement supérieur. Nous en doutons fortement.

Monsieur le président, je voudrais vous dire quelque chose: quand on élève la voix, on parle plus vite, mais si je dois élever la voix, c'est parce qu'on parle de l'autre côté et qu'il y a du bruit. Il y a peut-être un peu trop d'animation dans la salle. Pourriez-vous demander un peu de silence?

[Traduction]

Le président: Pouvons-nous nous calmer un peu? Votre voix porte. On dirait qu'on a le son tétraphonique dans cette pièce.

Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je vais poursuivre sur la même lancée parce qu'on nous a dit qu'on se répétait. Je pense qu'on a essayé de donner plus de détails. Vous riez, monsieur Coderre, mais vous devriez être la voix du Québec même si vous êtes libéral.

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Mais je suis la voix du Québec. On est ici pour ça.

Mme Christiane Gagnon: Regardez. Je vous ai cité un tas d'éditoriaux. Même Lysiane Gagnon, qui est souvent de votre côté et qui vous dit souvent que vous êtes bons et que vous êtes fins, parle d'un «projet démagogique et provocateur». Elle dit aussi que Jean Chrétien tenait mordicus à passer à l'histoire ou à faire sa marque dans l'histoire. Ce n'est pas en étant égoïste et en ne pensant qu'à soi-même que l'on règle un problème d'endettement. Stéphane Dion, justement, n'avait pas besoin d'une autre patate chaude.

Elle vous dit aussi:

On a souvent entendu ce genre de témoignage. J'aimerais que les membres du Parti libéral qui ont décidé d'être ici aujourd'hui soient sérieux et écoutent ce que nous avons à dire parce que, bien souvent, ils n'ont pas entendu ce que les témoins ont dit devant le comité. J'aimerais qu'ils écoutent, mais si cela ne les intéresse pas, monsieur le président, je préfère discuter à deux ou devant des chaises vides.

[Traduction]

Le président: Madame Gagnon...

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Oui, monsieur le président?

[Traduction]

Le président: À l'ordre.

Madame Gagnon, j'ai assisté à pratiquement toutes les séances et je peux vous dire qu'en tant que président j'ai été impressionné par la qualité des questions et des réponses des deux côtés sur le projet de loi C-36.

Je vais donc intervenir et vous dire que je ne partage pas votre façon d'évaluer et de présenter les séances du comité. En fait, je crois que c'est tout à fait inexact.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: En tout cas, aujourd'hui, monsieur le président, c'est plutôt évident. Cela fait 10 minutes que l'on parle et j'ai commencé à faire mon allocution.

Donc, les bourses du millénaire sont un vrai gaspillage.

[Traduction]

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Au contraire, la députée a parlé aujourd'hui pendant 40 minutes, non pas seulement pendant 10 minutes. Monsieur le président, j'ai entendu tout ce qu'elle a dit au cours des 10 dernières minutes et au moins deux fois auparavant, ainsi que tout ce qu'ont dit les autres députés du Bloc québécois.

Si la députée est frustrée parce que nous ne voulons pas entendre les mêmes points répétés constamment—il s'agit à mon avis d'un manque de respect également à l'égard des autres députés. Si la députée veut que nous leur accordions toute notre attention, alors je lui dirais, monsieur le président, soulevez une nouvelle question à un moment donné au cours de notre vie.

Le président: Ou peut-être aujourd'hui.

Allez-y, madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Effectivement, j'essaie de donner une vision beaucoup plus large de la question. Ce ne sont pas seulement les paroles du Bloc québécois, et ce ne sont pas seulement les différents témoignages; il y a aussi les éditoriaux qui parlent au Québec. C'est pour vous brosser un tableau plus précis. Quand on est ici, dans ce Parlement, on s'imagine peut-être que ce sont seulement les 14 groupes qui sont venus nous parler qui ont une opinion.

• 1305

On a souvent demandé aux témoins d'où ils venaient, qui ils étaient. Ça, je l'ai vu. Quand on rencontrait des témoins du Québec, on s'inquiétait toujours de savoir qui ils représentaient. On voulait savoir si ces gens-là étaient vraiment représentatifs du consensus québécois.

Aujourd'hui, je vous amène d'autres témoignages qui voient clairement l'astuce libérale dans le dossier du Fonds des bourses du millénaire. Je fais cela pour essayer de faire changer d'opinion le Comité des finances vis-à-vis des bourses du millénaire. C'est mon souhait aujourd'hui.

Quand on sait que 41 p. 100 des gens sont venus du Québec pour vous demander d'une seule voix d'amender la loi, il faut quand même se dire que c'est sérieux. C'est ce qu'ils vous ont demandé.

Présentement, on est en négociation et ils espèrent que cette négociation aboutira à une entente entre les gouvernements fédéral et provincial. Les étudiants nous ont bien dit qu'ils seront les premières victimes de cette intrusion du gouvernement fédéral dans les champs de compétence des provinces.

Mario Fontaine est un autre éditorialiste qui a dit que les bourses du millénaire sont un vrai gaspillage. C'est un autre témoignage, un autre éditorial. D'autre part, un professeur d'économie de l'Université d'Ottawa et directeur du Centre d'études sur la gouvernance, M. Paquet, nous dit qu'il voit d'un oeil très critique l'intrusion du fédéral dans les plates-bandes provinciales. Le décrochage au secondaire et la dévalorisation du secteur technique sont, dit-il, des problèmes bien plus importants que celui que le gouvernement fédéral croit pouvoir régler avec ces bourses.

C'est la raison pour laquelle le Québec réclame qu'il y ait une compensation parce qu'il y a déjà un système qui est mis en place au Québec. On ne vient pas vous dire ici que c'est le Bloc québécois qui veut tout cela. Nous essayons de vous faire entendre la voix des différents intervenants du milieu scolaire et des différents milieux étudiants. Et nous vous demandons de bien vouloir respecter les volontés du Québec.

La FEUQ, la Fédération étudiante universitaire du Québec, rejette les bourses du millénaire. C'est encore un autre témoignage dont nous vous avons parlé et qui a été repris par les journaux. M. Pettigrew a même rencontré les étudiants mais il n'a pas réussi à les convaincre.

Encore une fois, nous faisons face à une fin de non-recevoir. Nous vous répétons que cela va déstabiliser le système d'éducation du Québec. Mais nous constatons, d'après la façon dont la demande du Québec est reçue par le gouvernement fédéral, que M. Chrétien se moque totalement des critiques qui lui sont faites.

J'espère cependant que le comité, après avoir entendu les différents témoignages, va pouvoir faire changer d'idée ce gouvernement afin que l'on puisse avoir droit à une pleine compensation et voir le retrait du fédéral.

C'est peut-être une solution canadienne mais ce n'est pas une solution québécoise. Et même si c'était une solution canadienne, monsieur le président, on sait très bien que les témoins sont venus nous dire qu'il fallait apporter des amendements importants afin de pouvoir tenir compte de certaines réalités canadiennes.

Vous savez qu'il y a déjà 2,5 milliards de dollars dans le budget de 1998. Cela est parfaitement honteux et a été dénoncé hier. Tout à l'heure, vous sembliez très intrigués par le suivi de la visite du vérificateur général. Vous m'avez semblé être curieux de ce qui avait été dit dans les journaux.

Manon Cornellier, qui est journaliste, disait dans son éditorial—je vais juste vous faire un petit résumé—que ce n'est pas la première fois que le gouvernement fédéral utilise cette façon de faire pour gonfler son déficit ou pour cacher son surplus. Elle dit aussi que le gouvernement a utilisé ce procédé à deux reprises, entre autres.

Pendant ce temps-là, qui souffrait? C'était la population qui souffrait. La population souffrait des coupures au transfert social canadien pendant que le gouvernement fédéral gonflait son déficit par l'harmonisation de la TPS ou une fondation qui n'avait pas encore été mise sur pied. Mais on avait déjà inclus la dépense dans le budget. C'est une drôle de façon de faire, monsieur le président.

Au lieu de revoir la fiscalité et d'essayer de remettre un peu plus d'argent dans la poche des contribuables, on décide de mettre dans le budget 2,5 milliards de dollars de dépenses alors qu'on est aux prises avec un dossier aussi humain que l'hépatite C pour lequel on dit qu'il n'y a pas assez d'argent.

• 1310

Je ne comprends pas que l'on mette au budget des dépenses de cette année une somme de 2,5 milliards de dollars qui ne sera dépensée que dans deux ans et sur une période de dix ans. Si un contribuable faisait le même raisonnement dans sa déclaration d'impôts, il est certain que le vérificateur général trouverait à redire. Tout le monde sait comment l'impôt fonctionne.

Je vais maintenant passer la parole à ma collègue, monsieur le président, si vous le souhaitez.

[Traduction]

Le président: Vous pourrez donner la parole à votre collègue lorsque vous serez présidente.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Oui, j'ai dit «si vous le souhaitez».

[Traduction]

Le président: Je vais maintenant donner la parole à M. Brison qui n'a pas dit grand-chose aujourd'hui.

M. Scott Brison: Il est intéressant que nous parlions maintenant d'un aspect différent de la question, c'est-à-dire plus spécifiquement des bourses du millénaire, des 2,5 milliards de dollars par opposition à la façon dont les choses seraient faites selon les procédures de comptabilité publiques traditionnelles. Je dirais que c'est une merveilleuse transition pour nous amener à discuter des amendements, car il y a des amendements sur cette question en particulier. Je pourrais peut-être demander de mettre les questions aux voix de façon à ce que nous puissions continuer et discuter de ces questions dans le cadre du processus d'amendement.

Le président: Non, nous parlons de cette motion.

M. Scott Brison: Eh bien, mettez la question aux voix.

Mme Paddy Torsney: Pouvons-nous mettre la question aux voix?

Le président: Non, nous devons régler d'abord cette première question.

M. Scott Brison: Monsieur le président, si à un moment donné il ne semble pas que nous aurons suffisamment de temps pour discuter des amendements avant demain, nous voudrons peut-être retirer certains de nos amendements. Est-il possible de faire cela et de les présenter...

Une voix: Absolument.

M. Scott Brison: La démocratie absolue exige parfois que l'on refuse à certains participants de participer. Je crains que ce soit ce qui se passe aujourd'hui. Je respecte la décision des députés du Bloc et leur position ainsi que leurs opinions sur la question, mais je crois qu'il est injuste de ne pas donner la chance à d'autres partis de l'opposition qui, par exemple, ont présenté des amendements constructifs et qui aimeraient eux aussi participer de façon constructive au processus démocratique pour lequel nous avons été élus.

Le président: Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait ajouter quelque chose à ce sujet?

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Malgré tout le respect que j'ai pour le Parti conservateur et M. Brison, je lui rappellerai qu'il a le droit d'intervenir s'il le veut, que c'est son droit et son privilège comme député de déposer les motions qu'il veut, et également de demander le temps qu'il veut pour en débattre et pour vider la question jusqu'à épuisement, tout comme nous nous prévalons de nos droits.

Je mets sur le compte de l'inexpérience ce que M. Brison a dit depuis le début du débat sur cette question. Premièrement, ce n'est pas une perte de temps que de débattre de questions des parlementaires, et un parlementaire débat des questions en espérant qu'au bout, il va faire valoir sinon la totalité de son point de vue, au moins une partie. On l'a expérimenté avec le député de Bourassa dans une certaine réunion et on est restés sur nos positions.

Deuxièmement, je lui rappellerai que son chef sortant, M. Charest, qui à ce moment-là semblait être bien d'accord avec lui, n'appuie pas du tout les bourses du millénaire. Alors, si j'étais à la place de M. Brison, je réfléchirais un peu sur cette question parce que c'est une question de cohérence. Quand son chef était le chef, il était pour et maintenant qu'il n'est plus le chef, il est contre. Il y a donc problème quelque part.

Troisièmement, et c'est pour cela que je parlais d'expérience tout à l'heure, je vous dirais, M. Brison, qu'entre les partis d'opposition...

• 1315

[Traduction]

Le président: Sauf votre respect, nous savons qu'Elsie Wayne n'est pas le chef.

M. Scott Brison: Monsieur le président, si vous me le permettez, mon intervention...

[Français]

M. Yvan Loubier: J'ai juste un dernier point avant de terminer.

Un jour, peut-être, M. Brison ou le Parti conservateur ou les deux auront besoin d'un appui dans un dossier qui leur tient à coeur, et peut-être qu'à ce moment-là le Bloc québécois réagira exactement de la même façon. Il y a un certain respect à observer entre les partis sur des questions qui constituent nos priorités. Nous, notre priorité, ce sont les bourses du millénaire. À un moment donné, pour le Parti conservateur, ce sera un autre dossier. Et à ce moment-là, on aura le respect de les écouter et même de participer au débat si on se sent interpellés ou si on nous le demande. Mais en attendant, qu'on arrête de nous rebattre les oreilles en disant qu'on gaspille du temps et qu'on enlève les privilèges aux autres. Les privilèges existent et il n'y a qu'à les utiliser. D'autre part, on n'est pas chez les louveteaux, on est en politique. S'il ne peut pas prendre sa place, c'est son problème.

[Traduction]

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Si vous me le permettez, monsieur le président, je dirais que mon intervention avait moins à voir avec mon inexpérience relative qu'avec la façon dont je comprends les rapports entre les droits et les responsabilités. Nous sommes fermement convaincus que certaines parties de ce projet de loi ont besoin d'être améliorées et doivent l'être, et c'est pourquoi nous avons consacré beaucoup de temps à rédiger des amendements, comme l'a fait le Bloc, à cet égard. Je suis certain qu'étant donné tout le temps que le Bloc a consacré à rédiger les amendements et tout le temps que nous avons consacré à rédiger les nôtres, il serait dans notre intérêt à tous de passer au débat ou au vote sur ces amendements.

Ce n'est pas une question d'expérience, il s'agit plutôt de comprendre les droits et les responsabilités et de respecter les droits démocratiques des autres également.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Tout est relatif dans la vie, monsieur le président. Pour les Québécois et les Québécoises qui ont comparu ici et pour nous, qui sommes aussi des représentants québécois, les bourses du millénaire et le secteur de l'éducation nous tiennent énormément à coeur. On s'est fortement battus dans le passé pour défendre ce secteur. Nous enlever une parcelle de pouvoir dans ce secteur, c'est comme nous enlever une partie de notre âme. Et si nous présentions un projet de loi devant cette Chambre—renversons un peu la situation—qui enlève une partie de l'âme canadienne pour la donner aux Américains, je me demande, moi, comment M. Brison considérerait une réaction comme celle qu'il a eu à notre encontre. Je me demande comment il considérerait cette remarque-là. Je pense qu'il m'enverrait paître. Je pense qu'il m'enverrait promener.

Je ne l'ai pas fait, monsieur le président, parce que ma mère m'a très bien élevé, mais j'aimerais que M. Brison comprenne que nous avons des droits, des privilèges, et que nous allons les utiliser. C'est d'ailleurs pour cela que la démocratie existe. C'est pour cela qu'en tant que parlementaires, on a des droits et des privilèges et qu'on va s'en prévaloir, n'en déplaise à M. Brison. Et cela ne lui enlève aucun droit.

Si M. Brison avait été partie prenante du débat parlementaire et s'il avait compris son rôle, au départ, il aurait exigé que la date que vous considérez comme étant coulée dans le ciment, le 8 mai, soit reportée pour lui permettre justement de débattre de ses amendements, de débattre des nôtres et de poursuivre le débat. Mais au lieu de faire ça, il préfère nous rentrer dedans.

Quant à vous et Mme Torsney, demandez la parole si vous avez des choses à dire et arrêtez de nous insulter comme ça et de cracher sur le Québec. Vous crachez sur le Québec depuis le début de ce débat. Alors, fermez-la ou bien ayez le courage de vos opinions. Demandez la parole et dites ce que vous avez à dire sur le Québec. Dites-le et dites-le fort.

M. Denis Coderre: J'ai un rappel au Règlement, monsieur le président.

Le président: Monsieur Coderre.

M. Denis Coderre: J'aimerais rappeler à ce comité que, même si M. Loubier a été bien élevé, ses propos commencent à être irrespectueux.

M. Yvan Loubier: Soyez poli avec ma mère.

M. Denis Coderre: J'adore votre mère, croyez-moi. D'ailleurs, c'est une femme admirable. Mais j'aimerais dire également que, quand on se répète continuellement, ce ne sont peut-être pas les autres mais plutôt soi-même qu'on veut convaincre.

[Traduction]

Le président: Allez-y, madame Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de venir m'exprimer devant le Comité des finances pour appuyer la proposition que le Bloc québécois a déposée ce matin.

Je veux dire, hors de tout doute, que tout ce qui se passe présentement ici, tout ce qui se passe au Québec et tout ce qui s'est passé également à la grandeur du Canada en regard de ce projet des bourses du millénaire est inacceptable vis-à-vis du peuple québécois et du Québec.

• 1320

Je peux vous dire qu'au Québec, il y a eu une véritable levée de boucliers. Ce n'est pas juste, comme semblent le dire bien des gens ici, à cause de l'entêtement des bloquistes ou de l'entêtement des souverainistes. Non, monsieur, c'est l'entêtement des Québécois qui veulent que tout ce qui touche l'éducation appartienne au Québec. Ils veulent que toutes les décisions, toutes les bourses se fassent et se donnent par le Québec. Ce n'est pas de l'entêtement, mais la réalité parce que, comme vous le savez, ce n'est pas d'hier que ce droit appartient au Québec.

Je lisais des vieilles coupures de journaux. Je ne sais pas si les députés d'en face les ont lues. Ce sont de vieilles coupures de journaux qui remontent à 1953. Il me semble qu'en 1953, c'étaient les libéraux qui étaient au pouvoir, tant au fédéral qu'au provincial. M. Pearson et M. Lesage avaient discuté, lors d'une conférence constitutionnelle fédérale-provinciale, et avaient décidé, avec des articles bien sentis, le 16 avril 1964, que tout ce qui touchait l'éducation était sous la juridiction du Québec. Je me demande si tout le monde sait lire. Je ne sais pas si les traductions ont été mal faites, mais je peux vous dire que tout ce qui touche à l'éducation relève du Québec. Personne ne pourra passer par-dessus le gouvernement du Québec et venir empiéter chez nous.

Vous avez vu des étudiants, des travailleurs, des fédérations qui regroupent des membres à la grandeur du Canada, et d'autres gens venir témoigner chez vous. Je n'ai pas assisté à tous les témoignages, mais j'ai lu les comptes rendus. Ils sont venus témoigner pour dire et pour vous dire haut et fort que ce qui touche à l'éducation relève du Québec. Je ne sais pas si tout le monde a bien compris et j'aimerais le répéter pour ceux qui n'ont pas compris. Ça peut arriver que l'on ne comprenne pas tout de suite. Il y a aussi des gens qui comprennent difficilement. Il y en a d'autres qui pensent qu'en agissant ainsi, ils peuvent faire pencher la balance du côté du non.

Moi, je pense qu'on ne peut pas marchander ce qui touche l'éducation au Québec. On doit être respectueux de ce qui a été dit et décidé dans le passé. Tout ce qui touche les bourses, tout ce qui touche l'éducation relève du Québec.

En ce qui concerne les étudiants, je voudrais vous dire que personnellement, je suis très proche de la mouvance étudiante de chez nous. J'ai fait un petit sondage chez nous et je peux vous dire que les gens du comté de Jonquière, que je représente, ont dit que ce qu'on voulait faire passer n'avait aucun bon sens. Ils se sont même demandé si c'était vraiment ça, le Canada et si c'était la raison pour laquelle ils voulaient garder le Québec. Mais on commence à se dire que c'est peut-être vrai qu'ils veulent nous garder. Je comprends qu'ils veulent nous garder en nous donnant des candies, mais chez nous, les candies, ça ne marche plus. Ça n'a jamais marché, et ça marche encore de moins en moins.

Vous savez que l'argent que le gouvernement canadien a décidé de prendre sur le budget 1997-1998 et 1998-1999, c'est des sommes d'argent qui nous ont été enlevées dans le transfert aux provinces. Il ne faut jamais oublier ça. Ils ont coupé. Ils ont coupé, les libéraux. Ils ont coupé dans le transfert aux provinces qui touche l'éducation, qui touche la santé, qui touche l'aide sociale. Ça n'a aucun bon sens. Ensuite ils vont dire aux étudiants qu'ils vont leur redonner des candies. Je ne sais pas si, chez vous, vous appelez ça des candies, mais chez nous on appelle ça des candies. Même si on est à 99 p. 100 francophones, on appelle ça des candies. Mais on n'est plus à l'heure des candies.

Pour les étudiants et les fédérations, tout ce qui touche de près ou de loin à l'éducation relève du Québec. J'ai rencontré des personnes âgées la semaine dernière. Il y avait 500 personnes âgées à qui j'ai demandé ce qu'elles pensaient de tout cela. Elles m'ont demandé ce que vous vouliez prouver. Peut-être pourriez-vous me donner la réponse? Mais elles ont ajouté que vous vouliez peut-être prouver que les Québécois étaient encore vos vassaux. Mais nous avons payé et nous payons des taxes au fédéral et les gouvernements doivent respecter les juridictions des gouvernements provinciaux. Et elles m'ont aussi chargée de vous dire que les Québécois veulent que les étudiants aient le droit d'obtenir des prêts et bourses comme avant.

Nous avons, je crois, au Québec, un système d'éducation qui est le meilleur au monde. J'ai eu le plaisir de travailler au Québec plusieurs années. J'ai travaillé énormément avec le ministère de l'Éducation du Québec, particulièrement pour tout ce qui touchait les prêts et bourses. Je pense qu'au fil des ans, le gouvernement du Québec a été à l'écoute des gens parce qu'il a toujours bonifié son système de prêts et bourses.

• 1325

Vous n'avez qu'à lire l'historique du régime des prêts et bourses du Québec. Celui-ci a été modifié à chaque année. Il est à l'écoute des besoins des étudiants. Vous savez que le Québec est la seule province du Canada où les frais de scolarité sont si bas. Ils n'ont pas augmenté depuis des années.

J'ai travaillé pour le gouvernement du Québec il y a déjà dix ans. Les frais de scolarité étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Ils n'ont pas augmenté. De plus, le gouvernement du Québec n'accorde pas que des prêts; il accorde aussi des bourses.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je pense qu'il y a eu une erreur d'interprétation ou quelque chose, car nous avons entendu le témoignage des gens du Québec qui nous ont dit qu'effectivement les frais de scolarité au Québec s'élevaient maintenant à 1 600 $ par an alors qu'aussi récemment qu'en 1990 ils n'étaient que de 570 $.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: C'est cela. Ce sont les plus bas du Canada, madame.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Donc, en fait, le gouvernement du Québec a augmenté les frais de scolarité d'environ 300 p. 100 au cours des cinq à six dernières années.

[Français]

M. Yvan Loubier: Non, non. Si vous me permettez, monsieur le président, je vais expliquer pour la vingtième fois à Mme Torsney quels sont les frais de scolarité au Québec et ce qu'ils sont au Canada.

Au Canada, les frais de scolarité sont plus du double de ceux du Québec. Il est normal que les frais de scolarité aient augmenté un peu au cours des dernières années, mais ils n'ont pas doublé et atteint le niveau canadien. Je sais que c'est votre marotte de dire que les étudiants canadiens qui viennent étudier dans les universités québécoises y sont mal reçus parce qu'ils paient des frais de scolarité plus élevés. Mais ce sont des frais de scolarité moins élevés que ceux qu'ils paieraient dans leurs propres universités.

Alors, arrêtez de nous rebattre les oreilles avec ça. D'ailleurs, Mme Girard-Bujold a des chiffres. Elle va vous les énoncer. C'était à son tour d'avoir la parole, d'ailleurs.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Permettez-moi, monsieur le président...

[Traduction]

Le président: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Je suis désolée, mais je voudrais m'assurer que nous comparons des pommes à des pommes et non des pommes à des oranges. Même si ce qu'on dit au sujet de la différence entre les provinces au sujet des frais de scolarité est peut-être juste, il n'en reste pas moins que les frais de scolarité au Québec pour une année d'université s'élèvent actuellement à 1 600 $ et c'est ce qu'ont confirmé tous les témoins. Aussi récemment qu'en 1989 ou en 1990, ils étaient de 570 $. Les faits demeurent les mêmes.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Oui, c'est bien ça.

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Cela représente une augmentation d'environ 300 p. 100 au cours des six dernières années. Ne dites pas qu'ils sont restés les mêmes au cours des 10 dernières années lorsque (a) ce n'est pas exact et (b) il est flagrant que l'on déforme les faits. J'ai écouté les témoins.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le président, je peux lui fournir le tableau des frais de scolarité dans toutes les provinces du Canada, en comparaison avec ceux du Québec, de 1996-1997. On va parler de Terre-Neuve.

M. Yvan Loubier: Allez-y lentement. Prenez-le en note, madame Torsney.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: En 1996-1997, les frais de scolarité à Terre-Neuve étaient de 2 700 $; ils ont été augmentés, en 1997-1998, à 3 185 $, une augmentation de 18 p. 100. À l'Île-du-Prince-Édouard, ils étaient, en 1996-1997, de 2 850 $; en 1997-1998, ils ont été augmentés à 3 056 $, une augmentation de 7,25 p. 100. En Nouvelle-Écosse, ils étaient de 3 576 $; ils ont été augmentés, en 1997-1998, à 3 865 $. Au Nouveau-Brunswick, ils étaient de 2 785 $; ils ont été portés, en 1997-1998, à 3 015 $. Au Québec, en 1996-1997, ils étaient de 1 690 $ et, en 1997-1998, à 1 690 $. En Ontario, ils étaient de 2 973 $, en 1996-1997; en 1997-1998, ils sont de 3 286 $, une augmentation de 10,53 p. 100. Au Manitoba, ils étaient de 2 774 $ en 1996-1997; ils ont été portés, en 1997-1998, à 2 896 $, une augmentation de 4,4 p. 100.

Les droits de scolarité en Saskatchewan, en 1996-1997, étaient de 2 684 $; en 1997-1998, ils sont de 2 877 $, une augmentation de 7,19 p. 100. En Alberta, en 1996-1997, ils étaient de 2 984 $ et, en 1997-1998, ils sont de 3 241 $, une augmentation de 8,61 p. 100. Et je termine par la Colombie-Britannique où, en 1996-1997, ils étaient de 2 489 $; ils ont été augmentés, en 1997-1998, à 2 525 $, une augmentation de 1,45 p. 100.

Alors, vous constatez, monsieur le président, que le Québec, depuis 1996, n'a pas augmenté ses frais de scolarité. On va parler des chiffres que nous avons en main; les frais de scolarité n'ont pas été augmentés.

• 1330

Vous savez que le Québec a le système d'éducation qui rejoint le plus grand nombre possible de gens. Le système de prêts et bourses du Québec a été modifié, comme je vous le disais avant l'intervention de la députée du Parti libéral. Il a été augmenté, il s'est modifié pour coller davantage à la réalité vécue par les étudiants.

Depuis 1996, il a été étendu au niveau secondaire pour donner accès aux prêts et bourses aux étudiants de ce niveau. Alors, vous savez, je pense que ce que dit tout le monde actuellement, et ce qu'ont dit toutes les personnes qui se sont présentées ici, c'est que les prêts... Je le sais, car j'ai une fille qui est à l'université et qui a un problème car elle est obligée de rembourser ses prêts. Ce n'est facile pour les étudiants aujourd'hui qui sont endettés. Je ne remets pas cela en question. J'aimerais bien qu'on puisse tout donner aux jeunes et qu'on leur consente toujours des bourses.

Mais il n'y a que le gouvernement du Québec qui ait un régime de bourses qui permet aux jeunes les plus défavorisés d'avoir accès à l'enseignement. Il ne consent pas que des prêts, mais aussi des bourses.

À ce sujet, nous avons aussi des chiffres sur le taux d'endettement des étudiants canadiens, à l'extérieur du Québec, qui est énorme, comparativement à celui des étudiants québécois. Je comprends pourquoi il se tient des négociations entre M. Chrétien et M. Bouchard; ils négocient pour faire en sorte que l'argent retourne au Québec.

En fin de compte, tout ce qui se passe actuellement—on le voit à travers les coupures de journaux—, c'est qu'il n'y a pas de négociations. Il n'y en a pas. Mme Pauline Marois le disait encore hier. Elle a pris la peine d'appeler M. Pettigrew pour lui dire que le négociateur du fédéral n'avait pas le mandat de négocier et lui demander s'il voulait savoir comment fonctionne le régime de prêts et bourses québécois.

Le régime de prêts et bourses, chez nous, tombe sous le coup de la Loi sur l'accès à l'information alors qu'il n'en va pas de même pour la Fondation des bourses du millénaire. Je trouve cela...

Je ne sais pas pourquoi vous me faites signe.

[Traduction]

Le président: Est-ce que vous cherchez quelqu'un?

[Français]

M. Yvan Loubier: Non, non, non. C'est parce qu'il a un tic.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Excusez-moi, monsieur le président, je ne savais pas que vous aviez un tic. Je vous remercie de me le dire. Même monsieur le président... Ah, ah!

[Traduction]

M. Yvan Loubier: Imaginez-vous ce que ce serait à minuit!

Le président: Allez-y.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le président, je trouve inacceptable qu'un gouvernement qui se dit responsable prenne de l'argent qui appartient à tous les Canadiens pour établir une fondation privée qu'il soustrait ensuite à l'accès à l'information. Cela n'a aucun sens. C'est de notre argent qu'il s'agit.

Alors, cela veut dire qu'ils ont des choses à cacher. Quand on veut que les choses soient claires, nettes et précises, on permet à la Loi sur l'accès à l'information de s'appliquer sur ce qu'on met en place. En plus, ce sont eux qui nomment les gens. Le gouvernement nomme ses gens, qui nomment leurs subalternes qui, à leur tour, nommeront les autres. C'est assez. Trop, c'est trop, monsieur le président. J'aime bien la dinde, mais pas être le dindon de la farce, vraiment pas.

Vous savez, monsieur le président, il faut être conscient que tout ce que les gens sont venus dire devant ce comité avait du gros bon sens. Mon père dit toujours qu'il faut revenir au gros bon sens des gens ordinaires. Il va falloir que le gouvernement, actuellement du Parti libéral, qui décide de tout cela, ait le gros bon sens de reconnaître la réalité des gens de la terre et de répondre à leurs attentes.

Je pense que les membres du Parti libéral, qui détiennent actuellement le pouvoir de décision, ne sont pas près des gens. Monsieur le député de Bourassa, je m'excuse. Nous avons souvent eu des échanges verbaux tous les deux. Je pense qu'on est capables de se dire qu'il faut toujours chercher à se rapprocher le plus possible des gens ordinaires. Actuellement, par cette décision, le gouvernement s'éloigne des gens, ne répond pas à leurs attentes.

Vous connaissez l'état d'appauvrissement actuel des gens, de nos jeunes. Mais oui! Vont-ils cesser de penser que ce qu'on dit n'est pas vrai? C'est la vérité! Vont-ils arrêter de dire qu'on vit dans le plus beau pays du monde, dans un des plus grands pays au monde, et quoi encore? Cessez de le dire.

Je ne suis pas heureuse chez moi. À Jonquière, nous avons maintenant deux soupes populaires. Ma mère me disait qu'en 1920, les soupes populaires existaient. Elle me disait aussi que le jour où je les verrais réapparaître, je pourrais me dire que nous sommes dans un moyen pétrin.

• 1335

Nous en sommes là aujourd'hui, dans toutes nos municipalités, à la grandeur du Québec et du Canada. Nous avons nos soupes populaires.

Je suis allée y passer une journée; j'étais découragée de voir le potentiel de ces jeunes qui venaient nous aider tout en demandant le droit à un repas chaud par jour. C'est affreux à constater.

En plus, on voudrait prendre de l'argent qui appartient à ces gens-là pour établir un fonds privé. Un fonds privé! Pensez donc, monsieur le président! Ce n'est pas tout le monde qui y aura accès, comme c'est le cas au Québec avec le régime des prêts et bourses. On aura des critères. Ce n'est pas ça du tout. Ce sont les amis des gens qui vont instituer ce fonds qui auront à décider quelle clientèle ils visent. C'est inacceptable, monsieur le président.

Moi, petite fille du Saguenay, comme on dit chez nous, je ne le prends pas. Et j'espère que vous, les députés du parti au pouvoir, vous ne l'accepterez pas non plus. Permettre des choses semblables n'aurait aucun bon sens.

Je pense qu'au Québec, nous avons ce qu'il faut. Vous devez nous renvoyer l'argent. Nous avons le meilleur système de prêts et bourses au Canada. Si vous voulez prendre modèle sur lui pour l'exporter à la grandeur du Canada, bravo! On ouvrira les livres et on vous dira comment faire. Mais arrêtez de penser que vous pouvez faire n'importe quoi chez nous. Non! non! C'est assez.

Chez moi, personne n'entre dans ma maison sans que je lui en donne la permission. Les gens du Québec ne donnent pas la permission au gouvernement du Canada de venir mettre le nez dans ce qui leur appartient, dans ce qui relève de leurs droits et privilèges. Ce sont les droits de ces gens-là. Cela leur appartient et on n'a pas le droit de venir... L'éducation appartient à tous les Québécois, et c'est le gouvernement du Québec qui doit administrer leur système d'éducation.

Il me revient même en mémoire des choses qui sont arrivées du temps de M. Lesage et de M. Pearson—je n'étais pas vieille à l'époque—et même du temps de M. Trudeau. En tout cas, j'ai adoré la citation de M. Trudeau. Je l'ai trouvée merveilleuse. M. Trudeau écrivait cela, dans l'Action nationale, en janvier 1957. J'étais jeune à l'époque.

C'est ce que le gouvernement du Canada a fait. Et il veut utiliser cet argent qu'il a pris aux autres pour dire: «Regardez comme je suis beau». C'est le comportement d'un vrai paon. «Regardez-moi! Je fais la roue et je suis beau!» Nous n'en sommes plus là. Nous sommes en 1998, à l'aube d'un nouveau millénaire. Vous touchons à l'essentiel des choses. Les vraies choses doivent se dire et se faire. Ces choses sont celles qui s'adressent aux gens, qui leur viennent en aide et comblent leurs besoins réels, non pas des besoins de contes de fées. Nous ne sommes plus dans un monde de fables, monsieur le président.

Vous savez combien la vie est difficile aujourd'hui. Nos jeunes ont de moins en moins d'emplois. Ils sont de plus en plus bardés de diplômes. Le Québec peut s'enorgueillir de cela. Les jeunes au Québec sont de plus en plus scolarisés. Depuis 20 ans, c'est extraordinaire comme nos jeunes sont bardés de diplômes au Québec. Ce qu'ils veulent, c'est avoir la possibilité d'aller se perfectionner encore davantage afin d'être les meilleurs, pour devenir compétitifs à l'échelle mondiale.

La mondialisation, c'est ce qui compte. Nous ne sommes plus collés au paysage qu'on voit par la fenêtre de chez nous; nous sommes en concurrence avec le monde entier. Or, le Québec est prêt à s'embarquer dans cette lutte. Mais ne venez pas nous dire que cet argent vous appartient. Il n'appartient pas au gouvernement du Canada. La part dégagée par le gouvernement du Canada pour être incluse dans la Fondation des bourses du millénaire revient au gouvernement du Québec. Et c'est le gouvernement du Québec qui doit l'administrer afin que le système d'éducation soit accessible à la majorité, au plus grand nombre possible.

• 1340

Alors, monsieur le président, j'aimerais dire aux gens qui forment ce comité depuis le début, qui ont entendu tous les témoignages, de relire ceux des gens du Québec ainsi que ceux des autres parties du Canada.

Qu'ils prennent la résolution de se rasseoir et de respecter les opinions de ceux qu'ils ont entendus. M. Pearson et M. Lesage s'étaient entendus, le 16 avril 1964; dans une lettre par laquelle il répondait à M. Lesage, M. Pearson reconnaissait que l'éducation était de la juridiction du Québec. Tout ce qui touche à l'éducation relève du Québec. Alors, monsieur le président, je pense que c'est là le gros bon sens. Revenez au gros bon sens. Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Pillitteri, avez-vous des commentaires?

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Le seul commentaire que je voudrais faire, monsieur le président, c'est que j'ai très mal là où je suis assis, et que certains de ces débats ajoutent beaucoup de pression.

Le président: Merci.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: Oui, j'aurai plus d'un commentaire. Cependant, par rapport à ce que M. Pillitteri a dit, il peut aller se reposer. He could rest.

Le président: Yes.

M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je vous remercie de me donner à nouveau la parole. Je respecte ma promesse de ce matin. Je disais aux membres de ce comité que j'avais en main une photo historique, que je m'étais procurée en mars 1994. Pourquoi cette date? Parce que mars 1994 marquait le trentième anniversaire de la conférence historique de Québec réunissant M. Pearson et M. Lesage, une conférence historique, non seulement pour le Québec, mais aussi pour le Canada. Cette photo, je l'ai vue pour la première fois dans le Globe and Mail, au mois de mars 1994.

Il y avait quelques mois que nous étions arrivés ici, et quelques jours que nous siégions en Chambre, quand cette photo a attiré mon attention. Je la trouvais tellement belle. Je trouvais tellement qu'elle symbolisait ce qui s'était passé depuis 30 ans. D'ailleurs, je la montre, pour le bénéfice de tous. Vous voyez ici M. Pearson qui arbore un sourire. Je ne connais pas celui qui est au milieu; c'est quelqu'un de la GRC. À l'extrême gauche, c'est M. Lesage.

Le sourire de M. Pearson est celui de quelqu'un qui est sûr de lui. Il avait une belle attitude d'ouverture face au Canada et face au monde aussi. Il s'était d'ailleurs vu décerner le prix Nobel de la paix pour sa contribution à la création des casques bleus.

Par contre, M. Lesage a l'air un peu sceptique. La photo a été prise à l'ouverture de la conférence fédérale-provinciale de 1964. Écoutez bien ce qui est écrit sur la photo; cela en vaut la peine.

Des voix: Ah, ah!

M. Yvan Loubier: Il vaut la peine également de connaître l'histoire de cette photo-là. Lorsque je l'ai vue dans le Globe and Mail, j'ai téléphoné au journal pour l'obtenir. On m'a dit que c'était un Américain qui en était le détenteur. J'ai donc communiqué avec cet Américain qui m'a demandé 4 000 $ pour la photo.

Une voix; L'avez-vous payée ce prix-là?

M. Yvan Loubier: J'ai répondu que ce n'était pas pour diffusion mais pour garder en souvenir, parce qu'il s'agissait d'une date historique. La fin mars 1964, plus précisément l'ouverture de cette conférence, le 31 mars 1964, est une date historique. J'ai dit que je tenais à conserver une copie de cette photo. Non seulement m'a-t-on offert la photo gracieusement, mais on m'en a offert deux copies. Il y en a deux exemplaires maintenant au Québec, une dans mon bureau et une dans le bureau de M. Bouchard à Québec. En effet, pour lui aussi, la date était historique et la photo représentait deux personnages historiques qui, historiquement, avaient apporté une grande contribution au Québec.

Je reviens donc aux mines qu'arborent MM. Pearson et M. Lesage sur la photo. C'était à l'ouverture de la conférence fédérale-provinciale. Savez-vous pourquoi M. Lesage avait cet air-là? C'est parce que le débat avait justement commencé par une intrusion fédérale dans un champ de juridiction provinciale, soit l'éducation. À ce moment-là, le gouvernement fédéral, pour la deuxième fois en 10 ans, je crois, tentait de s'immiscer dans le secteur de l'éducation. L'éducation était un secteur reconnu, sans aucun doute possible, dans l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Il vaut la peine de vous citer en entier la déclaration de M. Lesage. Elle est très courte et tient en cinq paragraphes. Elle répondait à celle que M. Pearson avait faite à l'ouverture des travaux de cette conférence fédérale-provinciale historique. Vous allez comprendre pourquoi M. Lesage avait un air sceptique et M. Pearson, l'air un peu triomphant.

• 1345

M. Lesage disait dans sa déclaration, et je cite:

Je pense qu'il faisait allusion à 1953.

Déjà on reconnaissait que l'octroi de bourses posait un problème constitutionnel, en vertu même de l'article 93. M. Lesage disait aussi:

On se croirait, 34 ans plus tard, au moment historique du 31 mars 1964. Les ex-leaders étudiants et les leaders courants sont venus nous dire au nom des étudiants québécois qu'ils n'en voulaient pas de cette bourse-là.

Je poursuis la déclaration d'ouverture de M. Jean Lesage:

Monsieur le président, le prochain paragraphe de la déclaration de M. Lesage pourrait aussi s'appliquer aujourd'hui:

C'était le message que M. Lesage passait.

Monsieur le président, on aurait pu prendre cette déclaration d'ouverture de l'honorable Jean Lesage, pour qui j'éprouve le plus grand respect, et l'appliquer aujourd'hui. Essentiellement, les arguments du 31 mars 1964 véhiculés par M. Lesage sont les mêmes que ceux qu'on a véhiculés de façon un peu plus moderne, étant donné l'évolution des choses et de la terminologie relative à l'éducation. Mais essentiellement, le message est le même. L'éducation est un domaine de juridiction exclusive au Québec, selon les dispositions de l'article 93, y compris les modifications dont il a fait l'objet récemment, et le gouvernement fédéral ne doit pas s'immiscer de façon directe ou indirecte dans ce secteur dont on défend jalousement la prérogative.

Vous comprendrez, monsieur le président, qu'ayant en tête cette tentative d'intrusion du gouvernement fédéral, M. Lesage avait quelque peu, comme on le dit communément au Québec, un visage de Carême et M. Pearson semblait quand même assez sûr de lui relativement à cette conférence fédérale-provinciale. Ce dernier était convaincu, comme l'était d'ailleurs M. Chrétien au début—je ne sais pas s'il l'est toujours aujourd'hui—de faire une bonne chose.

Par contre, à cette conférence historique, on a dit beaucoup de choses. Des représentants de différentes provinces, y compris du Québec, ont présenté leur point de vue, en ont débattu, ont parlé de Constitution, de droits, de privilèges du Québec dans le secteur de l'éducation et de précédents. En 1953, une tentative du gouvernement fédéral avait échoué; le gouvernement fédéral du temps avait compris que le secteur de l'éducation était sacré au Québec et qu'on avait gagné cette prérogative dans ce secteur avec tous les droits, y compris les droits constitutionnels. Dès notre entrée dans ce régime fédéral, en 1867, l'éducation était une chose sacrée pour nous.

Monsieur le président, je n'ai malheureusement pas de photo à la sortie de la conférence de mars 1964, mais je suis persuadé que M. Pearson souriait un peu moins, tandis que M. Lesage avait un grand sourire. Peut-être souriaient-ils tous les deux? Je ne le sais pas.

• 1350

Certaines gens étaient là et en ont été témoins. J'ai eu l'occasion de rencontrer certains anciens hauts fonctionnaires qui m'ont dit que M. Lesage avait effectivement un grand sourire. Laissez-moi vous exprimer, monsieur le président,...

[Traduction]

Le président: Allez-vous nous présenter des diapositives cet après-midi?

M. Yvan Loubier: Non.

[Français]

Des voix: Ce serait une bonne idée!

M. Yvan Loubier: Non, je n'ai pas besoin de ça. D'ailleurs, je retiens votre attention. Il faut justement vous présenter des choses originales pour capter votre attention. J'ai l'impression que les présentations...

M. Denis Coderre: Photos et nouvelles.

M. Yvan Loubier: Oui, et d'ailleurs si vous voulez vous en procurer, j'aurai le plaisir de vous donner l'adresse et les coordonnées. Ce sont des moments historiques.

À la sortie de la Conférence de 1964, M. Pearson avait envoyé un télégramme fort intéressant à M. Lesage. C'est pour cela qu'on peut expliquer ce que les gens nous en ont rapporté et le sourire de M. Lesage à la sortie de la Conférence constitutionnelle.

Dans ce télégramme, on lisait: «Le gouvernement fédéral...».

Cela vaudrait peut-être la peine que vous écoutiez parce que M. Chrétien pourrait peut-être envoyer un tel télégramme à M. Bouchard utilisant à peu près les mêmes termes. C'est une traduction du télégramme de M. Pearson et j'en cite les trois paragraphes:

C'est merveilleux, monsieur le président, c'est merveilleux. Je poursuis:

Quelle merveille, monsieur le président! Quelle merveille que ce M. Pearson! Si aujourd'hui M. Pearson vivait encore... Ah, qu'on aimerait ça que M. Pearson soit encore dans le paysage politique parce qu'il comprendrait, lui. Vous devriez comprendre vous aussi parce que vous devez connaître cette expérience si vous êtes ce que vous prétendez être, c'est-à-dire de bons parlementaires et des fédéralistes aussi.

Vous devriez connaître cette histoire-là, ainsi que toutes les subtilités qui existent dans le secteur de l'éducation et dans l'histoire des débats qui ont eu cours entre le Québec et le reste du Canada lorsqu'il a été question de tout ce qui touchait à la culture et à l'éducation, qui est l'épine dorsale et la base de la pérennité d'un peuple. Vous auriez dû comprendre qu'en présentant un projet de bourses du millénaire, ce serait le tollé au Québec.

Et d'ailleurs, M. Pearson l'avait compris. Nous aimerions que les fédéralistes libéraux comprennent eux aussi, parce que M. Pearson n'était pas autre chose qu'un libéral, mais un vrai libéral, un open-minded guy comme on dit en anglais. Je pense que cette expression le qualifie bien.

Peut-être qu'aujourd'hui, à la lumière de l'expertise de M. Pearson, vous auriez compris les 14 organismes qui ont comparu et qui ont dit la même chose sur le rejet du Fonds des bourses du millénaire, traduit ce rejet avec les sept arguments de base que je vous ai présentés ce matin et proposé des amendements en vue de satisfaire le Québec.

On ne peut pas poursuivre ce débat, monsieur le président, et procéder à l'étape de l'étude article par article, à l'étape du rapport et à la troisième lecture, tout en ignorant le consensus qui existe au Québec. Cela ne se peut pas, monsieur le président, qu'on dise qu'aujourd'hui, en raison de contraintes administratives, il faut passer à l'étape du rapport et qu'on a des dates butoir à respecter. Cela signifierait qu'on évacue totalement le cas de la population du Québec, un des deux peuples fondateurs qui est venu vous dire ici qu'il était en désaccord fondamental sur une orientation prise par le gouvernement fédéral.

Monsieur le président, à la suite de la conférence de 1964, il y a eu d'autres tentatives d'intrusion dans les champs de juridiction du Québec. En éducation, il y a eu une autre tentative récente, à part celle qui fait l'objet de nos débats aujourd'hui. En mai 1991, lors du discours du Trône, le gouvernement fédéral avait exprimé le désir de s'immiscer davantage dans le secteur de l'éducation.

• 1355

Là aussi, vous avez eu un tollé au Québec et ce n'était pas un tollé du gouvernement péquiste à ce moment-là parce que c'était un gouvernement libéral. En 1991, les libéraux et les députés du Parti québécois se sont liés contre les prétentions du gouvernement fédéral, et récemment, la correspondance que M. Bouchard a eue avec M. Chrétien ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle qui avait eu cours en 1991, à celle de 1964 et à celle de 1953. Je voudrais tout simplement vous lire un passage d'une lettre de M. Bouchard adressée à M. Chrétien récemment. Il disait et je cite:

Monsieur le président, je ne comprends pas qu'en 1998, on soit obligé de répéter, comme M. Bouchard l'a répété dans une lettre envoyée à M. Chrétien, tout le débat qu'on a fait depuis 40 ans en matière d'éducation. Il me semble qu'il était évident qu'en proposant un projet de cette nature-là, cela conduirait à des protestations venant du Québec et à des chicanes sérieuses. D'ailleurs, ce sont les termes qui ont été employés à maintes reprises par les 14 organismes qui ont comparu devant nous et qu'on aurait dû comprendre aujourd'hui.

J'ai souvent entendu les députés libéraux, Mme Torsney en particulier, nous dire que le gouvernement fédéral investissait des sommes immenses, qu'il finançait en grande partie l'éducation et qu'il fallait tenir compte du fait que le gouvernement fédéral devait avoir une visibilité et que les Québécois devaient savoir que le gouvernement fédéral contribuait.

On a sorti certaines données, monsieur le président, sur les investissements au Québec et on s'aperçoit que la part du gouvernement fédéral en 1996-1997, dans le financement des études, est de 15 p. 100. Cela a sûrement diminué depuis, parce qu'il y a eu des coupures de 10 milliards de dollars dans le secteur de l'éducation, dont 3 milliards de dollars pour le Québec. Nous trouvons donc que ces prétentions vont un peu trop loin. C'est tout de même un peu fort.

Monsieur le président, je crois comprendre que vous voulez ajourner le débat pour passer à la période des questions et que nous allons reprendre après la période des questions.

[Traduction]

Le président: Non, en fait, je voulais passer à l'examen article par article.

[Français]

M. Yvan Loubier: Pardon?

[Traduction]

Le président: Je blaguais.

[Français]

M. Paul Crête: Pas de problème.

M. Yvan Loubier: Donc, vous ajournez pour passer à la période des questions et nous reprendrons après. C'est bien ça?

[Traduction]

Le président: Pouvons-nous nous mettre d'accord pour revenir à 16 heures ou à 16 h 30?

[Français]

M. Yvan Loubier: Pour la reprise du débat autour de la motion? Moi je n'y vois pas d'inconvénient.

[Traduction]

Le président: À 16 h 30?

[Français]

M. Yvan Loubier: À 16 heures ou 16 h 30?

Le président: À 16 h 30.

[Traduction]

Est-ce que cela vous convient? Vous êtes d'accord, n'est-ce pas?

[Français]

M. Yvan Loubier: Attendez! On va mettre les choses au clair. Je vais parler très lentement. J'accepte que nous suspendions les travaux jusqu'à 16 h 30 mais à 16 h 30, quand nous allons revenir, je vais compléter ma démonstration sur la motion. D'autres collègues du Bloc québécois ou des autres partis qui le voudront bien vont continuer à intervenir sur la motion déposée par mon collègue, le député de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques.

[Traduction]

Le président: Donc, pour que tout le monde le sache, M. Loubier a accepté de revenir ici à 16 h 30 aujourd'hui.

[Français]

M. Yvan Loubier: Vous êtes témoins que M. Bevilacqua est d'accord pour qu'à 16 h 30 on reprenne le débat là où on l'a laissé et qu'on poursuive le débat sur la motion présentée par mon collègue de Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques jusqu'à épuisement.

[Traduction]

Le président: Assurez-vous de ne pas perdre le fil de vos pensées jusque-là, d'accord?

La séance est levée.