TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 21 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici avec nous à Winnipeg. Le Comité des finances, comme chacun sait, se réunit ici afin de consulter les Canadiens concernant les priorités qu'ils voudraient voir intégrées dans le budget fédéral de 1999.
C'est un plaisir pour nous d'accueillir ce matin les représentants de la Fédération des étudiants et étudiantes—Manitoba, de la Fédération des étudiantes et étudiants—Élément du Manitoba; du Conseil des Canadiens avec déficiences; de l'Association des conseillers scolaires du Manitoba; de la Fédération du travail du Manitoba; de la Fédération des syndicalistes retraités du Manitoba de même que du Conseil des recherches médicales du Manitoba.
Nous entendrons tout d'abord Mme Kemlin Nembhard, agente de développement pour la Fédération des étudiantes et étudiants - Élément du Manitoba. Vous êtes la bienvenue.
Mme Kemlin Nembhard (agente de développement, Fédération des étudiantes et étudiants, Élément du Manitoba): Bonjour. Permettez-moi de préciser que le bureau national de la Fédération canadienne des étudiants et étudiantes a déjà présenté son exposé. Il n'y a personne d'autre du bureau national et, pour ma part, je représente l'élément du Manitoba.
Le président: C'est entendu.
Mme Kemlin Nembhard: Je m'appelle Kemlin. Mon nom ressemble à «Kremlin», sans le «r». Je suis agente de développement pour la Fédération des étudiantes et étudiants de cette province.
La fédération est l'organisation nationale des étudiantes et étudiants du Canada. Elle représente plus de 400 000 étudiants du niveau postsecondaire aux quatre coins du pays et plus de 60 collèges, universités et instituts techniques au Canada.
Au Manitoba, la fédération représente environ 14 000 étudiants de l'Université de Winnipeg, du Collège St-Boniface et de l'Université de Brandon.
Dans tout le pays, notre système d'éducation postsecondaire est en crise. Les étudiants de tout ce pays sont aussi en crise, et on note de la part du gouvernement une absence de leadership, de vision et d'engagement à l'égard d'un système public organisé d'enseignement postsecondaire qui soit véritablement de haute qualité et accessible à tous. Nous avons le sentiment général que le gouvernement fédéral est en train d'abandonner ses responsabilités vis-à-vis des étudiants et de la population canadienne dans son ensemble en ce qui a trait à l'accessibilité réelle du système public.
Le budget fédéral de 1998 avait été qualifié de «budget de l'éducation», mais en réalité, ce budget comportait très peu de mesures pour corriger les problèmes que vivent les étudiants aujourd'hui et pour remédier à la situation que doit affronter le système d'enseignement postsecondaire.
Même si le gouvernement fédéral affirme reconnaître la position difficile dans laquelle se trouvent les étudiants de nos jours, il n'a pris aucune mesure significative pour corriger la situation. Les étudiants de ce pays constatent que le gouvernement fédéral n'a pris aucune mesure significative pour améliorer la situation qu'ils doivent affronter aujourd'hui.
Nous avons préparé des recommandations destinées au gouvernement fédéral pour qu'il fasse en sorte que notre système d'enseignement postsecondaire public soit plus accessible.
Notre première recommandation porte sur le financement de l'enseignement postsecondaire: nous demandons que des fonds additionnels soient alloués aux provinces et que l'on subventionne un gel national des frais de scolarité.
Depuis 1993, le gouvernement fédéral a effectué des réductions de 2,3 milliards de dollars dans ses paiements de transfert aux provinces destinés à l'enseignement postsecondaire. Ces compressions ont entraîné une montée en flèche des frais de scolarité de même que d'autres frais connexes, ce qui a eu pour effet d'accroître énormément l'endettement, de diminuer la qualité de l'enseignement dans tout le pays, et de restreindre l'accessibilité universelle.
Étant donné que le gouvernement a effectué d'énormes compressions dans les paiements de transfert aux provinces, très peu de gouvernements provinciaux ont pu combler l'écart; par conséquent, au niveau des institutions, afin de combler les pertes subies au niveau des ressources, les frais de scolarité et autres frais ont été utilisés pour compenser le manque à gagner au niveau du financement gouvernemental. La plus grosse partie de ce fardeau, qui pourrait être facilement absorbé s'il était partagé, est retombée sur le dos des étudiants qui doivent assumer individuellement des frais de scolarité plus élevés.
L'augmentation considérable des frais de scolarité s'est traduite par une augmentation massive de l'endettement étudiant. Aux quatre coins du pays, depuis cinq ans, les frais de scolarité ont augmenté en moyenne de près de 60 p. 100 alors que l'inflation n'a augmenté que d'environ 6 p. 100 durant la même période.
Depuis 1990, l'endettement des étudiants à temps plein de tout le pays, après l'obtention du diplôme, est passé de 8 675 $ en moyenne à 25 000 $ en moyenne, au printemps de 1998. De plus, durant la même période, les inscriptions n'ont cessé de diminuer. Dans cette province, au cours des cinq ou six dernières années, chaque institution a perdu des étudiants à un rythme qui varie entre 3 p. 100 et 6 p. 100 chaque année. C'est énorme.
Nous devrions avoir honte et être consternés lorsque nous considérons le fait qu'environ 50 p. 100 de tous les étudiants à plein temps au niveau postsecondaire sont forcés d'obtenir un prêt pour pouvoir fréquenter l'université ou le collège et que cela ne comprend même pas ceux qui sont incapables de le faire, ceux pour qui les coûts croissants des frais de scolarité constituent un obstacle tellement insurmontable qu'ils n'envisagent même pas d'y mettre les pieds.
Si le gouvernement fédéral est vraiment prêt à s'engager à offrir un système d'enseignement public postsecondaire accessible et de haute qualité et à faire en sorte que l'on réponde aux besoins des étudiants, une mesure importante à prendre consisterait à réinvestir massivement dans l'enseignement postsecondaire et dans d'autres programmes sociaux, à offrir un financement dédié afin de s'assurer que les gouvernements provinciaux dépensent ces sommes là où elles doivent l'être.
La spirale ascendante des frais de scolarité doit être stoppée immédiatement et le gouvernement fédéral doit aussi financer un gel national des frais de scolarité afin que toutes les provinces s'alignent avec la Colombie-Britannique et avec le Québec qui sont les deux seuls gouvernements provinciaux ayant montré davantage qu'un engagement à l'égard de l'accessibilité à l'enseignement postsecondaire en imposant un gel des frais de scolarité à l'échelle de leur province depuis trois ans.
Notre deuxième recommandation porte sur une stratégie nationale visant à obtenir une aide financière qui améliorera l'accessibilité plutôt que de la dégrader.
• 1005
Le budget fédéral de 1998 réservait quelques mauvaises
surprises aux étudiants. Par l'entremise de ce budget, le
gouvernement a réussi à adopter quelques changements régressifs en
ce qui concerne le programme de prêts aux étudiants du Canada de
même qu'à imposer des modifications à la Loi sur la faillite et
l'insolvabilité qui ont déjà eu et qui continueront d'avoir une
incidence marquée sur les étudiants et sur leur accessibilité à
l'enseignement dans ce pays. Je vais passer en revue quelques-uns
de ces changements.
Premièrement, le changement apporté au programme des prêts étudiants du Canada. Fondamentalement, les nouveaux changements signifient que les décisions visant à déterminer qui est admissible à l'obtention d'un prêt, ne sont plus prises en fonction d'un ensemble de règles. Ces décisions seront plutôt prises par des politiciens derrière des portes closes, et les banques et autres institutions financières qui ont de l'argent à faire sur le dos des étudiants auront leur mot à dire. Voilà mon premier point.
Le deuxième changement porte sur ces vérifications de crédit qui ont été introduites à même les restrictions en matière d'admissibilité pour les prêts étudiants accordés à quiconque est âgé de plus de 22 ans. C'est véritablement un changement par rapport au programme lui-même. En 1964, lorsque le programme des prêts étudiants du Canada a été créé, son objectif était de faire en sorte que les étudiants qui en avaient le plus besoin, ceux qui ne pouvaient se permettre de poursuivre leurs études, soient en mesure de financer leurs études.
Les prêts étudiants sont très différents des prêts accordés par une banque. À partir des tout débuts de ce programme jusqu'en 1995, le seul critère visant à évaluer l'admissibilité d'un étudiant, était le besoin, contrairement à tous les autres types de prêts. Même s'il existe plusieurs problèmes associés aux actuels critères d'évaluation en fonction des besoins et à l'insoutenable fardeau de la dette, il reste que l'évaluation en fonction des besoins rattachée au programme faisait en sorte que les étudiants qui en avaient le plus besoin pouvaient obtenir un prêt. C'est ce principe qui est mis en péril actuellement avec les nouvelles mesures. En effet, ces nouvelles mesures vont à l'encontre du principe des prêts accordés en fonction des besoins. Les étudiants qui sont en mauvaise posture financière sont pénalisés en raison de la dette élevée accumulée par les étudiants—et cette situation d'endettement étudiant a été causée surtout par les compressions imposées au programme par le gouvernement, et non parce que les étudiants ont contribué eux-mêmes à créer cet endettement.
De plus, rien n'indique qu'il y ait un lien entre les mauvaises situations de crédit passées et le fait que les étudiants ne rembourseront pas leurs prêts dans l'avenir ou qu'ils viendront grossir le rang des faillis. En fait, depuis le début de ce programme, 93 p. 100 des emprunteurs ont remboursé leurs prêts. Je suis un exemple parfait de cette situation. J'ai décidé de poursuivre mes études et j'ai obtenu un prêt au cours de ma dernière année. Mais jusqu'à ce moment, j'ai dû parfois utiliser ma carte de crédit pour payer l'épicerie. C'est une réalité que doivent affronter les étudiants. Les vérifications de crédit conduiraient certainement à l'élimination des personnes qui ont le plus besoin de ce programme.
De plus, les étudiants devraient avoir accès à un processus d'approbation des prêts transparent, un processus au cours duquel les décisions ne sont pas prises par des politiciens derrière des portes closes.
Donc, nous aimerions que ces modifications régressives apportées au programme de prêts étudiants du Canada soient éliminées dans le prochain budget, que le programme maintienne le principe des prêts accordés en fonction des besoins et qu'un processus d'approbation des prêts juste, équitable, transparent soit mis en place et que ceux qui prennent les décisions soient tenus de rendre des comptes.
Le deuxième changement survenu l'a été dans le cadre de la Loi sur la faillite. En février 1998, dissimulée dans les méandres du budget fédéral, une modification de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité a été effectuée pour la deuxième fois en moins d'un an afin de prolonger de deux ans à dix ans la période pendant laquelle il est interdit à certaines personnes de se libérer de leurs prêts étudiants dans l'éventualité d'une faillite personnelle, ce qui revient à dire que vous ne pouvez vous déclarer en faillite, vous ne pouvez vous libérer de vos prêts étudiants avant que dix ans se soient écoulés depuis l'obtention de votre diplôme. Ces changements sont discriminatoires à l'endroit des détenteurs d'un prêt étudiant.
Jusqu'à tout récemment, les débiteurs jouissaient de la même protection pour les prêts étudiants que pour toute autre dette de consommation. La protection de la Loi sur la faillite a été mise en place afin de permettre à ceux qui sont démunis et endettés de faire appel, en dernier ressort à la faillite et à la libération de leurs dettes.
Même si nous avons été à même de constater une augmentation spectaculaire de l'endettement étudiant au cours de la dernière décennie, jumelée à des taux de chômage élevés chez les jeunes, à une augmentation de la pauvreté et à des lacunes dans les programmes d'aide financière, les étudiants continuent de rembourser leurs prêts consciencieusement. Depuis la mise en place du programme de prêts étudiants, le pourcentage de prêts qui n'ont pas été remboursés n'a jamais dépassé les 7 p. 100, et ce, depuis 24 ans. C'est vraiment un pourcentage très élevé lorsque l'on compare aux autres taux de faillite dans les autres secteurs.
Personne ne va se déclarer en faillite à moins de s'être endetté. Une personne, et c'est une obligation de la loi, doit rembourser sa dette si elle en a les moyens financiers.
• 1010
Les étudiants ne prennent pas leurs dettes à la légère. Les
étudiants qui ont demandé un prêt étudiant l'ont fait pour trois
raisons principales: un programme d'aide aux étudiants insuffisant
qui repose uniquement sur les prêts et qui n'offre pas assez de
bourses aux étudiants, un financement du fédéral et des provinces
insuffisant au niveau de l'éducation postsecondaire et, finalement,
les frais de scolarité.
Il existe diverses raisons pour lesquelles les étudiants sont incapables de rembourser leurs dettes, notamment le sous-emploi et le chômage, les taux d'intérêt élevés pratiqués par les banques, un manque d'intérêt de la part des gouvernements fédéral et provinciaux à l'égard des programmes d'allégement de la dette. Plutôt que de fournir des solutions utiles à l'endettement élevé des étudiants, la réaction du gouvernement fédéral à la crise de l'endettement étudiant a été de répondre de plus en plus aux besoins des banques plutôt qu'à ceux des étudiants.
Pour ce qui est de la Loi sur la faillite, nous aimerions que le gouvernement fédéral abroge l'interdiction pendant une période de dix ans pour les étudiants de se libérer d'un prêt étudiant et que les actuels programmes d'allégement de la dette offerts par le gouvernement fédéral soient accessibles aux titulaires d'un prêt étudiant au cours de la première année après l'obtention du diplôme.
La deuxième partie des mesures fiscales qui concerne l'aide financière aux étudiants porte sur la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Nous applaudissons l'initiative du gouvernement fédéral qui vise à réagir à la crise actuelle de l'endettement étudiant, toutefois nous avons certaines réserves sérieuses concernant la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Comme nous l'avons déjà mentionné, depuis 1990, la dette moyenne des étudiants diplômés a pratiquement triplé. Étant donné que près de 50 p. 100 des étudiants à temps plein bénéficient d'un prêt étudiant, cette situation déconcertante doit être rectifiée immédiatement.
De même que pour certains des points que je viens de mentionner, afin de régler le problème actuel des prêts étudiants dans ce pays, le gouvernement fédéral doit s'engager à créer un programme de bourses à l'échelle nationale visant à offrir un accès universel à l'éducation et ce programme de bourses doit reposer uniquement sur les besoins. À l'heure actuelle, l'aide aux étudiants est une responsabilité partagée par tous les paliers du gouvernement. Environ 60 p. 100 des prêts sont offerts par le gouvernement fédéral et les 40 p. 100 qui restent sont assumés par les gouvernements provinciaux. À l'échelle fédérale, les seules mesures de réduction de la dette sont de petits programmes d'allégement fiscal fédéral et des subventions très limitées visant à compenser pour la partie des prêts étudiants que ceux-ci doivent au gouvernement fédéral.
Laissez-moi vous donner quelques précisions concernant la différence entre une bourse d'études et une subvention, parce que c'est une question qui m'est souvent posée par diverses personnes, qu'il s'agisse de députés ou de gens dans les communautés. Il y a une grande différence entre les deux, et j'aimerais vous l'expliquer. Traditionnellement, les bourses d'études étaient accordées aux étudiants qui obtenaient de très bons résultats scolaires. Ces bourses étaient offertes par une institution, une faculté, un département ou par une collectivité. Quant aux subventions, elles sont accordées en fonction des besoins financiers des personnes et elles sont décernées par les gouvernements. Le Canada est l'un des deux seuls pays du monde industrialisé qui ne soient pas dotés d'un système de subventions à l'échelle nationale. Le seul autre pays est le Japon. Même les États-Unis disposent d'un système de subventions très complet pour leurs étudiants.
Les étudiants, peu importe les résultats scolaires qu'ils obtiennent, terminent leurs études avec un diplôme assorti d'un niveau d'endettement assez élevé et ils ont besoin d'aide. Les bourses d'études ne répondent pas aux besoins de tous les étudiants. Les bourses s'adressent uniquement à ceux qui obtiennent les meilleurs résultats scolaires.
Les programmes de réduction de la dette devraient être ciblés sur ceux qui en ont le plus besoin, mais en même temps ils devraient être largement accessibles afin de maintenir des taux de participation élevés à l'éducation postsecondaire. Le Canada a besoin d'un programme national de subventions. Les bourses répondent à des besoins particuliers des institutions et des organismes de la communauté.
Les objectifs du gouvernement et le rôle qu'il joue dans l'éducation postsecondaire sont très différents. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de s'assurer que les Canadiens ont la possibilité de poursuivre des études postsecondaires, quels que soient leurs moyens financiers. Et parmi ces Canadiens, sont inclus ceux qui obtiennent des résultats supérieurs à la moyenne, dans la moyenne et même au-dessous de la moyenne et non seulement les premiers de classe.
La Fondation des bourses d'études du millénaire devrait être transformée et passer d'un programme de bourses d'études axé sur le mérite à un programme de subvention accordée en fonction des besoins, et ce programme serait conçu pour défendre le principe selon lequel chaque Canadien, quel que soit son milieu social et économique, doit avoir la possibilité de poursuivre des études sans pour autant s'endetter pour le reste de ses jours. Les subventions devraient être largement accessibles aux étudiants qui s'inscrivent dans tout système d'enseignement postsecondaire public au Canada, pour n'importe quelle année d'études et dans n'importe quel programme, faculté ou département, y compris les étudiants diplômés. Ce fonds devrait être administré publiquement et devrait être harmonisé avec les programmes provinciaux de prêts et de subventions.
L'autre aspect de la Fondation des bourses d'études du millénaire qui nous dérange est que les décaissements qui seraient effectués dans le cadre de ce programme, qui se chiffreraient à environ 1 000 bourses d'études d'une valeur de 3 000 $ par année en moyenne pour un maximum de 32 mois, sont de toute évidence insuffisants. La fondation elle-même ne pourrait venir en aide qu'à 7 p. 100 seulement des étudiants. Environ 50 p. 100 des étudiants à temps plein bénéficient d'un prêt étudiant, donc en rejoignant 7 p. 100 des étudiants, on ne fait rien pour aider tous ceux qui ont de très sérieux besoins.
• 1015
La troisième partie porte sur les mesures fiscales. En juin
1998, la partie 5 du projet de loi C-36 a été adoptée, ajoutant un
nouveau volet à la Loi constituant le ministère du Développement
des ressources humaines qui prévoit le versement de subventions
visant à encourager l'épargne dans le cadre de régimes enregistrés
d'épargne-études ou REEE appelé le programme de subventions à
l'éducation du gouvernement du Canada. Dans le cadre de ce
programme, le gouvernement contribuera 20c. pour chaque dollar
cotisé dans un régime enregistré d'épargne-études, jusqu'à un
maximum de 400 $ par année.
Nous avons de sérieuses réserves concernant ce programme, et je vais vous donner quelques explications. Tout d'abord, les subventions aux REEE sont faites sans aucune évaluation des besoins, alors qu'un étudiant dans le besoin doit lui-même satisfaire à certains critères d'admissibilité pour obtenir un prêt. Il n'y a aucune limite imposée à la contribution du gouvernement fédéral dans cette subvention. La subvention repose sur des critères et ne peut par conséquent être prévue au budget. Les subventions à l'épargne-études vont créer un système d'éducation à deux vitesses, qui accorde plus d'argent à certaines personnes qui assument des frais d'utilisation et moins d'argent à ceux qui ont le moins les moyens d'assumer les frais d'utilisation.
Les fonds publics qui prennent la forme de ces subventions enlèvent de l'argent qui autrement serait versé dans des paiements de transferts aux provinces pour l'éducation postsecondaire de même que pour les subventions accordées en fonction des besoins, qui sont beaucoup plus importantes. Le programme REEE sert à fournir de l'argent aux familles et aux personnes riches qui peuvent se permettre d'économiser dans des REEE. Il est évident que ce programme profitera à ceux qui ont des revenus supérieurs à la moyenne parce que ce sont eux qui ont le plus de chance de profiter des REÉR et des REEE. Le fait de permettre surtout aux familles à revenu élevé de réaliser des économies annuelles sous forme de subventions ne fera que désavantager davantage les familles à revenu moyen et faible. Ce programme ne contribuera d'aucune façon à aider ceux qui n'ont pas accès à l'éducation postsecondaire en raison d'obstacles économiques.
De plus, les mesures fiscales qui sont contenues dans cette partie du budget sont véritablement des dépenses fiscales qui priveront le gouvernement fédéral de recettes qui autrement pourraient être utilisées pour rétablir des programmes.
Une autre partie des mesures fiscales que nous aimerions voir est le fait qu'actuellement un étudiant peut déduire environ 1 000 $ de son revenu en provenance de bourses d'études. C'est tout à fait inapproprié. Le Canada figure parmi quelques-uns des pays de l'OCDE qui ne permettent pas que les bourses d'études soient non imposables. C'est particulièrement important pour les étudiants diplômés qui obtiennent des subventions et des bourses d'études mais qui doivent aussi travailler pour pouvoir poursuivre leurs études. Donc nous aimerions que le gouvernement fédéral mette en oeuvre une mesure fiscale particulière qui ferait en sorte que les bourses d'études deviennent non imposables.
La quatrième partie porte sur une stratégie nationale en matière d'emploi pour les jeunes et les étudiants. Parmi les questions ayant une incidence sur la dette étudiante, on retrouve le sous-emploi et le chômage. Ces facteurs ont une incidence directe sur la capacité des étudiants à payer pour poursuivre leurs études, à subvenir à leurs besoins pendant qu'ils sont aux études et à rembourser leurs prêts une fois que ces études seront terminées.
Le chômage chez les jeunes ne peut être surmonté sans que l'on se fixe des objectifs précis. Les objectifs en ce qui concerne le nombre de nouveaux emplois pour les jeunes et les étudiants doivent être établis en consultation avec les organismes étudiants et les jeunes comme la fédération, les syndicats, les ministères gouvernementaux, les entreprises et les gouvernements des provinces. Le gouvernement fédéral doit élaborer une stratégie nationale complète visant à créer des emplois valables et bien rémunérés pour les jeunes et les étudiants.
Les fonds publics ne devraient pas servir à subventionner la formation dans les entreprises qui n'ont aucune intention d'investir dans l'embauche de nouveaux travailleurs, ces argents devraient plutôt être utilisés pour offrir des prestations directes aux jeunes et aux étudiants. Le gouvernement fédéral doit aussi cesser ces mesures discriminatoires en ce qui concerne les prestations de l'assurance-chômage pour les jeunes.
Je vais conclure et vous résumer nos recommandations. Une société qui aspire à corriger les inégalités sociales et économiques doit donner des possibilités de poursuivre des études qui vont au-delà des barrières sociétales et qui contournent les désavantages sur le plan économique. Un système d'éducation subventionné par l'État et accessible à tous fait partie intégrante d'une société démocratique, il aide les gens à devenir des membres plus actifs et à part entière de la société. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership, de vision et d'engagement en ce qui concerne la qualité et l'accessibilité à notre système d'éducation postsecondaire public. Pourtant, le gouvernement fédéral n'a pas cessé, depuis 1984, de renier ses responsabilités en déléguant le contrôle de notre système d'éducation postsecondaire public à des intérêts privés et corporatifs. Si le gouvernement fédéral est sincère dans son désir de venir en aide aux étudiants qui traversent une crise d'endettement et s'il veut s'assurer que notre système public est vraiment accessible, il doit commencer par prendre des mesures visant à changer le climat dans lequel les étudiants vivent actuellement et celui dans lequel ils peuvent s'attendre à vivre dans le futur.
Le meilleur moyen de faire en sorte que tous les Canadiens qui en ont le désir et qui ont les aptitudes nécessaires puissent avoir les moyens d'aller à l'université ou au collège sans s'endetter pour le reste de leurs jours consiste à s'assurer que le système est subventionné adéquatement. La dépendance des institutions à l'égard des frais de scolarité comme source de financement peut seulement être allégée en augmentant le financement offert par les gouvernements.
• 1020
Étant donné que les frais de scolarité constituent la dépense
unique la plus importante liée à l'éducation, il est donc évident
qu'en diminuant de façon importante les frais de scolarité, on
entraînera une diminution de l'endettement des étudiants. De plus,
il est de la plus haute importance de faire en sorte que des
emplois adéquats et des subventions suffisantes soient mis à la
disposition des étudiants dans le besoin pendant qu'ils fréquentent
l'école.
Encore une fois, simplement pour passer en revue les recommandations, le gouvernement fédéral doit réinvestir dans l'éducation postsecondaire et dans d'autres programmes sociaux en rétablissant les paiements de transferts aux provinces, en mettant en place une nouvelle formule reposant sur les fonds dédiés à l'éducation postsecondaire, aux soins de santé et à l'aide sociale. De cette façon, le gouvernement fédéral obtiendra une certaine reconnaissance à l'égard des sommes qu'il accorde aux provinces.
Le gouvernement fédéral doit financer un gel national des frais de scolarité, mettre fin aux changements régressifs apportés au programme de prêts étudiants du Canada, maintenir le principe des prêts accordés en fonction des besoins et s'assurer de mettre en place un processus d'approbation équitable, transparent et responsable devant la population en ce qui concerne l'admissibilité aux prêts étudiants.
Le gouvernement fédéral doit abroger l'interdiction pendant une période de dix ans de se libérer d'un prêt étudiant. Il doit aussi compléter les programmes de réduction de la dette actuelle qui sont offerts par le gouvernement fédéral afin que ceux-ci soient accessibles aux titulaires de prêts étudiants durant la première année après l'obtention du diplôme.
La Fondation des bourses d'études du millénaire doit être transformée en un programme de subventions national visant à offrir l'accès universel à l'éducation en fonction des besoins qui sera administré par Développement des ressources humaines Canada et non par une fondation privée et ce programme devrait entrer en vigueur immédiatement afin d'offrir des ressources non seulement dans l'avenir mais à ceux qui en ont besoin aujourd'hui même.
Le gouvernement fédéral doit aussi instaurer des mesures fiscales particulières afin que les bourses d'études soient non imposables. De plus, le gouvernement fédéral doit reconnaître le rôle actif que tous les paliers du gouvernement jouent dans la création d'emplois directs et indirects; il doit réinvestir dans les emplois du secteur public, accroître le financement des programmes de création d'emplois et établir des objectifs de réduction du chômage et élaborer une vaste stratégie en matière de création d'emplois.
Voilà j'ai terminé. Je vous remercie beaucoup.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, madame Nembhard.
Nous allons maintenant entendre du Conseil des recherches médicales du Manitoba, le Dr Gary Glavin qui est le directeur régional du Conseil des recherches médicales du Canada. Vous êtes le bienvenu.
M. Gary Glavin (directeur régional, Conseil des recherches médicales du Canada, Conseil des recherches médicales du Manitoba): Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis le Dr Gary Glavin. Je suis vice-président associé à la recherche à l'Université du Manitoba, directeur régional du Conseil des recherches médicales du Canada et membre des départements de chirurgie, de pharmacologie et de thérapeutique de cette faculté de médecine.
L'an dernier, j'ai comparu devant ce même comité dans le cadre d'une initiative plus large à l'échelle nationale visant à alerter et à éduquer les députés, et les membres de ce comité en particulier, concernant la crise du financement de la recherche en matière de santé au Canada.
M. Martin et ses collègues de ce comité, de même que toute la Chambre des communes, ont de toute évidence bien écouté et entendu nos arguments. Les mesures qui ont été prises afin de rétablir les budgets du Conseil des recherches médicales du Canada et des autres grands conseils subventionnaires jusqu'aux niveaux de 1994 et 1995 ont été les bienvenues et la communauté des chercheurs de ce pays est reconnaissante. Cependant, du point de vue du CRM, les mesures prises dans le budget de l'an dernier ne représentent qu'un premier jalon.
Afin de poursuivre sur la trajectoire très positive que vous avez amorcée, nous devons maintenant envisager dans quels secteurs de la recherche en matière de santé, qui constitue la base sur laquelle reposent nos soins de santé, nous devons construire à l'aube du prochain millénaire. Une façon d'y arriver consiste à adopter le principe novateur et progressiste des instituts canadiens pour la recherche en matière de santé ou ICRS, tel qu'il a été élaboré par le Dr Henry Friesen, le président du Conseil des recherches médicales du Canada.
Le concept des ICRS prévoit l'établissement de partenariats entre les trois grands conseils subventionnaires nationaux, les réseaux existants de centres d'excellence et ce concept possède la capacité très réelle d'éclipser le principe actuel du financement de la recherche en matière de santé et les organisations telles que nous les connaissons dans ce pays.
Cette réorganisation radicale de la recherche en matière de santé est nécessaire pour que le Canada réalise son engagement de se situer au premier plan de la recherche internationale en matière de santé. L'année dernière, je vous ai dit que l'Université du Manitoba à elle seule avait perdu 22 chercheurs, qui sont partis pour la plupart vers les États-Unis. Nous avons perdu leurs esprits novateurs, leurs brevets, leurs droits de propriété intellectuelle au bénéfice des États-Unis, où les dépenses par habitant pour la recherche en matière de santé sont de huit fois plus élevées qu'elles ne le sont au Canada.
Laissez-moi vous donner un exemple. Au moment où je vous parle, un éminent scientifique canadien travaille au Kenya sur le VIH, et nous sommes tous d'accord qu'il s'agit d'un problème de santé important à l'échelle du monde entier, de même qu'ici au Canada. Cette personne a réussi à identifier un locus génétique de la résistance au VIH. Réfléchissez un peu aux implications de cette découverte. Si l'on arrive à déterminer ce que ce gène produit qui lui confère une résistance au VIH et où on peut le trouver sur le gène, il n'y a plus qu'un pas à faire pour produire un vaccin et donc pour trouver un moyen de prévention. Il se situe à l'avant-plan mondial de la recherche sur le VIH.
• 1025
En même temps que je vous raconte un peu le contenu de son
travail qui se déroule au Kenya, nous remuons ciel et terre pour
empêcher cette personne de faire un changement d'adresse entre
l'Université du Manitoba et le Aaron Diamond AIDS Research Center
qui se trouve à New York. Ce centre de recherches lui court après
et nous faisons des pieds et des mains pour garder cette personne
au Canada, parce que je suis convaincu qu'un jour ce chercheur va
gagner les prix les plus prestigieux dans le monde de la recherche
médicale.
Le concept des ICRS fournirait un milieu au sein duquel la recherche en matière de santé serait entièrement intégrée aux soins de santé—ils seraient fondamentalement et inextricablement liés ensemble. Ce concept permettrait de relier les chercheurs de tout le pays afin que leurs efforts de recherche soient coordonnés et ciblés.
Les Instituts canadiens pour la recherche en matière de santé ou ICRS ne sont pas des instituts à chaux et à sable, il s'agit plutôt d'un centre virtuel. De dix à quinze centres de recherches de tout le pays établiraient un réseau et coordonneraient les recherches dans tous les domaines aux quatre coins du pays. Chaque institut s'efforcerait d'établir des liens entre les chercheurs ayant des intérêts communs en matière de vieillissement, de maladies dégénératives, d'hépatite C, de VIH, de chlamydia, d'immunologie, de neurosciences et de traumatismes de la colonne vertébrale, pour n'en nommer que quelques-uns et s'efforcerait aussi de leur offrir un soutien financier.
Voici un exemple important. Il s'agit de la question de la soi-disant maladie des vaches folles qui a frappé la Grande-Bretagne il y a quelques années et qui ne pouvait être éliminée que par l'éradication des troupeaux de bovins à l'échelle du pays. Il suffit de mentionner la menace de la maladie de la vache folle frappant l'industrie canadienne des producteurs de boeuf, maladie dont le seul remède est l'éradication de tous les troupeaux de bovins de ce pays pour imaginer aisément quelles seraient les conséquences pour notre économie.
Il suffit aussi seulement de brandir la menace d'un autre scandale du sang contaminé. Un nombre anormalement élevé de cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob dont l'origine remonte à du sang contaminé ont frappé à divers endroits dans le monde et cette maladie est transmissible par l'ingestion de viande avariée et par des transfusions sanguines. Je pense qu'il est inutile de rappeler à ce comité les difficultés associées au sang contaminé.
L'objectif global des ICRS consiste à rétablir la position du Canada à titre de chef de file international dans le domaine de la recherche et des soins de santé. Le Conseil consultatif national des sciences et de la technologie a fixé à 1 p. 100 des dépenses totales du Canada en matière de santé, soit 76,5 milliards de dollars les sommes qui devraient être consacrées à la recherche médicale et en matière de santé à titre de point de repère. Ainsi, les ICRS devraient être financés à raison d'environ 25 $ par habitant ou 750 millions de dollars par année alors que le financement actuel est de 267 millions de dollars par année.
En résumé, les ICRS entraîneraient une amélioration de l'efficacité et de la synergie chez les chercheurs canadiens en matière de soins de santé—et je dis chercheurs en matière de soins de santé parce que le lien entre la recherche fondamentale sur la santé et les soins de santé est désormais bien établi. Il s'agit d'un investissement dans l'avenir du Canada et dans le mieux-être de nos enfants et de nos petits-enfants. De nos jours, le temps qui s'écoule entre la recherche et l'application ne cesse de raccourcir. Le principe des ICRS, tel qu'il a été mis de l'avant par Henry Friesen et le Conseil des recherches médicales du Canada, instituera ce changement.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, docteur Glavin.
Nous entendrons maintenant le Conseil des Canadiens avec déficiences par l'entremise de son coordonnateur national, M. Laurie Beachell. Vous êtes le bienvenu.
M. Laurie Beachell (coordonnateur national, Conseil des Canadiens avec déficiences): Merci.
Nous avons déjà déposé un mémoire. Nous travaillons actuellement à l'élaboration d'un régime de soutien du revenu au Canada, que nous serons en mesure de présenter au comité à une date ultérieure. Nous espérons avoir terminé ces travaux d'ici une ou deux semaines.
Je suis très heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant ce comité encore une fois. Le CCD, pour ceux d'entre vous qui l'ignorent, est un organisme cadre qui représente les personnes ayant des déficiences et qui surveille les mesures législatives et les programmes du gouvernement visant à améliorer la situation des personnes handicapées. Le CCD existe depuis près de 25 ans maintenant, et nous avons été à même d'enregistrer des améliorations graduelles dans la situation des personnes handicapées.
Aujourd'hui j'aimerais faire quelques brefs commentaires concernant l'évolution de la situation au sein de notre collectivité, de même que certaines recommandations générales sur des initiatives que nous aimerions que le budget fédéral accepte et nous aimerions cerner quelques domaines où il faudrait qu'il y ait davantage de discussion.
Même si j'ai déjà mentionné que nous avions été à même de constater certaines améliorations graduelles avec les années, je dois dire que depuis quelques années, nous sommes bien franchement simplement en train de surnager pour ne pas dire carrément en train de couler. Étant données les coupures subies par les provinces dans les paiements de transferts, le côté des services sociaux de cette équation, qui est l'élément essentiel venant en aide aux personnes handicapées pour leur permettre de participer à la vie communautaire, a subi des compressions.
• 1030
Nous avons subi des compressions dans les programmes de soins
à domicile. Nous avons aussi vu des réductions dans les programmes
de transport. Nous avons constaté des réductions dans les services
à un point tel que nous avons dû entreprendre des procédures contre
divers paliers du gouvernement devant les tribunaux.
L'une des causes les plus célèbres est l'affaire Eldridge. Des services d'interprétation pour les soins médicaux en Colombie-Britannique ont été éliminés, aussi nous avons traîné le gouvernement de la Colombie-Britannique devant les tribunaux. Nous avons obtenu une décision unanime de la part de la Cour suprême selon laquelle l'accès aux services médicaux pour les personnes sourdes nécessite la prestation de services d'interprétation.
Malheureusement, cette décision remonte déjà à un an, et le gouvernement de la Colombie-Britannique ne s'est pas encore complètement conformé à la décision du tribunal. Donc, les choses bougent lentement.
Permettez-moi seulement de dire à ce moment-ci, que notre collectivité est consternée par la lenteur des progrès. Nous sommes en mesure de fournir des solutions innovatrices, mais il semble que le gouvernement ne soit pas prêt à prendre des risques ou à investir dans de nouvelles avenues afin de corriger les désavantages marqués qu'ils doivent affronter.
Donc voici l'état de la situation. Que désirons-nous à court terme? Quels sont les besoins les plus criants pour notre collectivité? Eh bien, une initiative en matière d'emploi semble l'élément le plus important. Étant donné que le gouvernement fédéral a délégué ses responsabilités en matière de formation sur le marché du travail aux provinces, aucun critère ou mécanisme en matière de reddition de comptes n'a été intégré à ces accords afin de s'assurer que ceux qui ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi disposent d'un certain accès à la formation visant l'intégration au marché du travail.
Pour ce qui est de notre collectivité, ces mécanismes ou ces critères sont essentiels étant donné que la plupart de nos membres ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi. La plupart de nos membres n'ont pas réussi à s'intégrer au marché du travail. Sans une initiative ciblée sur le marché du travail, jamais notre collectivité n'aura accès à ces services. Les accords liés au marché du travail que le gouvernement fédéral a négocié sont muets sur cette question.
Le gouvernement fédéral a bien reconnu la nécessité de s'attaquer au problème de l'emploi dans une certaine mesure, donc il a créé un fonds lié aux possibilités de création d'emplois dans le cadre du budget de 1996. Ce programme est maintenant âgé de deux ans et il lui reste encore une année. Il s'agit d'un financement de 30 millions de dollars par année.
Nous aimerions que ce budget prolonge et reproduise ce programme. Sans lui, nous pourrions dire que le gouvernement fédéral a abandonné les personnes handicapées. Non seulement n'a-t-il pas tenu compte des préoccupations des personnes handicapées durant ses négociations avec les provinces, mais l'initiative ciblée prendra fin cette année. Ce budget devrait être reconduit et l'on devrait réinjecter des sommes afin que nous n'assistions pas l'an prochain à une réduction progressive des nombreux projets qui ont réellement une incidence positive et qui permettent à des gens de trouver des emplois.
Deuxièmement, même si nous avons constaté des améliorations graduelles en ce qui concerne l'équité fiscale pour les personnes handicapées avec les années, nous n'avons pas assisté à un examen systématique du système fiscal en ce qui concerne les coûts additionnels que doivent assumer les personnes handicapées. Nous exhortons ce ministère du gouvernement à bien examiner la définition de l'incapacité qui figure dans la Loi de l'impôt sur le revenu afin de déterminer qui est véritablement admissible.
Certains des tests qui sont maintenant imposés pour déterminer l'admissibilité aux crédits d'impôt pour personnes handicapées sont très bizarres. Il faut détenir un certificat médical. Ce que l'on tente de déterminer c'est notamment si la personne est en mesure de marcher sur une distance de 50 mètres sans aide. Bien des membres peuvent marcher sur une distance de 50 mètres, mais ils ne seraient pas capables de faire quoi que ce soit d'autre pour le reste de la journée s'ils s'astreignaient à le faire. L'énergie nécessaire pour marcher sur cette distance leur enlèverait toutes leurs forces pour travailler ou pour continuer à fonctionner ce même jour. Donc, il me semble que nous devons examiner la définition qui figure dans la Loi de l'impôt sur le revenu et l'interprétation qu'en donne Revenu Canada.
Nous sommes en faveur du remboursement des crédits d'impôt pour personnes handicapées et des crédits d'impôt pour frais médicaux. Cependant, il faudrait que le gouvernement fédéral négocie avec les provinces afin de faire en sorte que ce remboursement ne soit pas traité comme un revenu et déduit de l'aide sociale. Actuellement les prestations fiscales sont accordées uniquement aux personnes ayant un revenu imposable, et pourtant bien des personnes handicapées doivent assumer des coûts additionnels même si elles n'ont pas de revenu imposable et si elles vivent de l'aide sociale. Si nous faisions en sorte que les crédits d'impôt soient remboursables, les personnes qui vivent de l'aide sociale pourraient recevoir des prestations, mais seulement si on arrivait à conclure des accords avec les provinces pour que celles-ci ne les considèrent pas comme un revenu et ne les déduisent pas intégralement du revenu rattaché aux prestations d'aide sociale, comme nous l'avons vu faire dans le cadre d'autres projets.
• 1035
Franchement, il y a quelques années, le gouvernement fédéral
a augmenté les prestations pour personnes handicapées de 150 $ dans
le cadre du Régime de pensions du Canada, et pas un seul Canadien
handicapé n'a reçu cette prestation parce que les provinces ont mis
la main dessus.
Donc, nous serions en faveur d'un examen du système fiscal, à la fois de ces deux initiatives et même d'un examen plus en profondeur de la fiscalité afin de compenser pour les coûts additionnels que doivent assumer les personnes handicapées. Dans une perspective plus large, notre groupe parle maintenant de ce que nous appelons la loi sur les Canadiens handicapés, un mécanisme visant à... non pas un droit à prestations mais plutôt un examen permanent de la politique telle qu'elle a été créée. Par analogie, nous pourrions la comparer à une étude d'impact environnemental. Au fur et à mesure que les initiatives politiques sociales iraient de l'avant, un processus serait imposé pour que l'on examine ces initiatives de même que l'incidence qu'elles ont sur les personnes handicapées.
Aux États-Unis, il existe une loi intitulée The Americans with Disabilities Act, ou loi sur les Américains handicapés qui est finalement une mesure législative sur les droits de la personne. Nous ne pensons pas avoir besoin d'une telle loi, étant donné que nous disposons déjà de la Charte des droits et libertés et des garanties qu'elle offre, toutefois nous pourrions bénéficier d'un processus qui ferait en sorte que la négociation des ententes avec le marché du travail tienne compte de l'incidence que ces ententes pourraient avoir sur notre groupe, et qu'il ne s'agisse pas d'un processus effectué après coup.
Ce sont des initiatives qui sont en bonne voie de se concrétiser. Comme nous l'avons mentionné, nous avons certaines préoccupations en ce qui concerne les programmes de soutien du revenu, et en particulier au sujet des changements plutôt draconiens apportés aux programmes de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Nous avons vu des milliers de nos membres se faire enlever leurs prestations d'invalidité du RPC avec le nouveau système d'examen. Avec de nouveaux critères d'admissibilité, les personnes qui sont jeunes et qui deviennent handicapées seraient pénalisées parce qu'elles n'auraient pas eu suffisamment de temps à titre de membre de la population active pour devenir admissible aux prestations d'invalidité.
Pour ce qui est de l'aspect des soins de santé, notre groupe, comme je l'ai déjà mentionné était préoccupé à l'idée que l'on allait modifier la structure des paiements de transferts et qu'on allait la remplacer par la mise en oeuvre du TCSPS. Les discussions entourant le réinvestissement dans le TCSPS semblent se concentrer sur les soins de santé. Même si notre groupe a des préoccupations au niveau des soins de santé aussi, il se concentre surtout sur les services sociaux. Même s'il existe une initiative ciblée dans le budget fédéral visant à réinvestir dans les soins de santé, cette initiative ne concernera pas nécessairement les services sociaux. C'est probablement le problème le plus fondamental que nous ayons, en ce que nous croyons que le gouvernement fédéral doit s'assurer que les droits des personnes handicapées comme citoyens canadiens sont respectés, et qu'il doit s'assurer que nous avons le même accès et les mêmes prestations que tous les Canadiens. Le financement global qui n'est pas assorti de mesures de responsabilisation ou de conditions n'aura pas une grande utilité pour atteindre ces objectifs et en fait, il laissera plusieurs groupes abandonnés par le gouvernement du Canada et laissés à la discrétion des gouvernements provinciaux.
Ce que nous voyons apparaître, c'est une plus grande disparité entre les provinces et une diminution des services. Il y a toujours des personnes handicapées qui doivent acheter leurs fauteuils roulants. Il y a encore des gens qui ne peuvent obtenir les médicaments destinés à divers traitements; pour la sclérose multiple, par exemple, ou pour les personnes qui souffrent du sida. Nous constatons une grande disparité au pays en ce qui concerne les soins auxiliaires aux handicapés—certaines provinces ont des programmes universels, certaines sont en train de tester des programmes, d'autres n'ont aucun programme et comptent sur les familles. Ces lacunes restreignent à la fois la mobilité des personnes handicapées et les empêchent de devenir des citoyens à part entière de leur communauté.
En résumé, depuis quelques années, sincèrement, nous n'avons pas été très progressistes. Nous nous sommes retrouvés en train de discuter pour obtenir des programmes ciblés plutôt que d'avoir accès à des programmes généraux, parce que ces derniers sont assortis de clauses d'exclusion ou qu'ils ont carrément disparu. Nous sommes convaincus que le système fiscal pourrait faire davantage pour aider notre groupe, mais qu'il doit d'abord passer par un examen fondamental, en particulier une révision des définitions utilisées. Nous pensons que le gouvernement fédéral doit affirmer son leadership afin de faire en sorte que les normes en matière de prestation des services soient respectées aux quatre coins du pays.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Beachell.
Nous entendrons maintenant les représentants de l'Association des conseillers scolaires du Manitoba, M. Len Schieman, président, et M. Jerry MacNeil, qui est le directeur exécutif. Merci.
M. Len Schieman (président, Association des conseillers scolaires du Manitoba): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
L'Association des conseillers scolaires du Manitoba est très heureuse d'avoir la possibilité de présenter cet exposé devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Nous sommes persuadés que les artisans du budget fédéral de 1999 devront placer les enfants au premier plan de leurs préoccupations lorsqu'ils élaboreront le tracé financier du Canada pour l'année qui vient et les suivantes. Nous savons que vous partagez cette vision fondamentale. Notre objectif en faisant le présent exposé est d'insister encore davantage sur l'urgence de la situation.
Notre association représente les conseils scolaires publics du Manitoba, mais nous pensons que notre responsabilité s'étend à tous les enfants, et non seulement à ceux qui sont d'âge scolaire. Nous partageons une responsabilité sociale avec les autres paliers du gouvernement—les collectivités, les églises et les familles—de faire en sorte que tous les enfants puissent bénéficier de l'appui physique et psychologique dont ils ont besoin pour s'épanouir en tant qu'individus et que membres de la société.
L'un des principaux obstacles à surmonter dans notre quête est la pauvreté, parce que ses effets sur le mieux-être des enfants sont très insidieux. Ce n'est pas une réalité nouvelle. En 1989, la Chambre des communes avait adopté à l'unanimité une résolution visant à éliminer la pauvreté infantile au Canada d'ici l'an 2000. Et pourtant, en 1995, 1,5 millions d'enfants canadiens, soit 21 p. 100 vivaient dans la pauvreté, ce qui représente une augmentation de 58 p. 100 depuis l'adoption de la résolution de 1989. Et la situation au Manitoba est encore pire que celle du pays tout entier à cet égard.
Que signifie la pauvreté pour les enfants? Ses effets se font sentir bien souvent avant même la naissance. Les enfants des mères qui vivent dans la pauvreté naissent souvent avec un poids insuffisant. Des recherches ont démontré qu'un poids insuffisant à la naissance peut entraîner des incapacités permanentes et très coûteuses et qu'une bonne nutrition durant la grossesse réussit souvent à empêcher ces problèmes ou ces états de santé.
De plus, un certain nombre de maladies des enfants et des nourrissons ont été reliées à une insuffisance de certains éléments nutritifs dans l'alimentation prénatale de la mère. Il est essentiel que l'on s'assure que les futures mères et les enfants qu'elles portent bénéficient des éléments nutritifs nécessaires pour garantir à ces enfants un bon départ dans la vie. Des bébés vigoureux et en santé deviendront des enfants vigoureux et en santé, des enfants en mesure d'atteindre leur plein potentiel.
En juillet, le Manitoba a annoncé un nouveau programme, intitulé Woman and Infant Nutrition, un programme de nutrition pour les femmes et les nourrissons, qui offrira à la fois de l'éducation et des prestations alimentaires aux prestataires de l'aide sociale de la province qui sont enceintes ou qui ont des enfants de moins d'un an. Cette année, près de 1 800 familles devraient pouvoir bénéficier de ce programme. Mais sans une action concertée de la part du gouvernement fédéral, bien des prestataires ne seront pas rejointes.
Un peu plus tôt ce mois-ci, un comité formé de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux de même que du Manitoba Keewatinowi Okimakanak, un groupe qui représente 26 communautés des Premières nations du nord du Manitoba, a publié un rapport décrivant de façon détaillée la vie au sein de ces communautés. D'après ce rapport, les allocations alimentaires sont insuffisantes pour couvrir les coûts d'une alimentation de base à raison de 35 p. 100. Dans 20 des 26 communautés étudiées, les prestations d'aide sociale totales ne suffisaient pas à couvrir les dépenses en alimentation. Étant donné que près de 90 p. 100 de la population dans certaines de ces communautés dépend de l'aide sociale, les problèmes associés à la malnutrition sont très répandus.
Le comité a fait deux recommandations afin de corriger ce problème: une augmentation de 20 p. 100 de l'allocation alimentaire dans les communautés éloignées qui ne bénéficient pas d'une voie d'accès carrossable en tout temps et un programme de transport subventionné qui permettrait d'expédier les aliments au tarif postal, qui est de 30c. le kilogramme, plutôt qu'au tarif marchandises qui est lui de 80c. le kilogramme. Le rapport estime que la subvention au transport permettrait à une famille de quatre personnes d'économiser près de 600 $ sur sa facture d'épicerie, ce qui permettrait d'améliorer la qualité de l'alimentation de toute la famille.
• 1045
L'autre groupe ayant besoin d'une aide fédérale afin de
répondre à ses besoins en matière d'alimentation est le petit
salarié. Parmi les 1,5 million d'enfants canadiens qui vivent dans
la pauvreté, un grand nombre ne vivent pas dans des familles
bénéficiant de l'aide sociale, mais plutôt dans des familles
monoparentales dont le parent travaille.
De toute évidence, même si l'on modifie les programmes d'aide sociale comme l'initiative WIN du Manitoba et les autres programmes recommandés pour les communautés nordiques, on n'aidera pas ces enfants et leurs familles.
Nous devons donc nous efforcer de trouver d'autres moyens de faire en sorte que ces enfants puissent bénéficier du droit humain fondamental à une alimentation adéquate. Le moyen le plus efficace et le plus rapide d'atteindre tous les enfants est par l'entremise d'une prestation fiscale pour enfant à l'échelle nationale. Le défi de répondre aux besoins nutritifs des enfants se perpétue dans les familles pauvres lorsque les bébés deviennent des tout-petits qui commencent à marcher et qu'ensuite ils doivent entrer à l'école.
En même temps, ces familles doivent affronter de nouveaux obstacles tout aussi difficiles à surmonter. L'un de ces défis que rencontrent bien des parents, et non seulement ceux qui ont une situation financière difficile, consiste à prendre des arrangements convenables au niveau des services de garde. Pour bien des parents en effet, le coût des services de garde est prohibitif. Pour d'autres, les heures d'ouverture des garderies ne coïncident pas toujours avec leurs propres horaires de travail ou alors il n'y a pas assez de places dans les garderies. En conséquence, bien des parents doivent se résoudre à avoir recours à des solutions improvisées ou carrément inappropriées ou encore ils doivent restreindre leur participation à la population active.
Dans une étude récente sur la politique canadienne intitulée The Benefits and Costs of Good Child Care: The Economic Rationale for Investment in Young Children, Gordon Cleveland et Michael Krashinsky ont fait ressortir les avantages économiques qui découlent de la mise en place de services de garde complets.
Quant aux avantages sur le plan humain de la fourniture de services de garde à tous les enfants, ils sont assez évidents. Pour cette raison, l'Association des conseillers scolaires du Manitoba s'unit à l'Association canadienne des commissions et conseils scolaires pour demander au gouvernement fédéral d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie nationale en matière de services de garde qui fera en sorte que tous les enfants nécessitant ce genre de services à l'extérieur de la maison aient accès à des services abordables et accrédités offerts par du personnel qualifié dans un milieu sécuritaire, stimulant et dévoué.
Tous les enfants peuvent profiter de services de garde et d'éducation préscolaire de qualité, mais aucun n'en profitera autant que ceux qui sont à risque. Des recherches effectuées par des spécialistes en neurosciences révèlent qu'une intervention intensive et précoce peut avoir des résultats spectaculaires sur ces enfants. Le cerveau n'est pas entièrement développé à la naissance. Certaines connexions neuronales doivent être établies au cours des deux premières années de l'existence. Mais si ces connexions ne sont pas réalisées assez tôt, on laisse passer une conjoncture favorable qui ne reviendra plus. Sans assistance durant leurs années préscolaires, certains enfants ne rattraperont jamais leurs pairs, même après des années d'enseignement spécialisé et d'interventions coûteuses.
Des études telles que celle qui a été réalisée dans le cadre du projet des écoles préscolaires de High/Scope Perry ont illustré clairement les avantages sur le plan humain et économique de se doter de programmes préscolaires de qualité. Mais des programmes de cette nature ne peuvent exister sans l'aide du gouvernement et de la communauté.
Même si le début des années de fréquentation scolaire peut contribuer à soulager un peu les préoccupations des parents en matière de services de garde, il arrive souvent que ces préoccupations soient remplacées par de nouvelles, et que d'autres défis viennent prendre leur place.
Même si l'accès à l'éducation publique est un droit pour tous les enfants canadiens, il y a un coût associé avec l'exercice plein et entier de ce droit. Certains de ces coûts ne sont une surprise pour personne. Les enfants ont toujours eu besoins de fournitures scolaires et de vêtements adaptés pour aller en classe. Cependant, l'évolution des réalités économiques a entraîné certains coûts qui étaient traditionnellement absorbés par le gouvernement ou par la division scolaire et qui sont désormais assumés par les écoles ou les familles. Pour les familles des enfants qui vivent dans la pauvreté, trouver l'argent nécessaire pour absorber ces dépenses devient particulièrement difficile.
Récemment, dans le Winnipeg Free Press, on soulignait en manchette que certaines communautés scolaires avaient trouvé divers moyens de financer leur programme anémié par des compressions budgétaires. À l'aide d'entreprises ayant fait leurs preuves comme les ventes de friandises et les marathons de marche et de toutes nouvelles initiatives comme la commandite d'entreprises et la vente de publicité, des écoles arrivent à trouver suffisamment d'argent pour payer pour les services et les fournitures qu'autrement elles ne pourraient pas s'offrir.
Dans certaines écoles, ces sommes sont consacrées à la construction de nouveaux terrains de jeux et à l'amélioration des ordinateurs, mais dans d'autres par contre et pour certains élèves, les besoins sont plus fondamentaux. Un directeur d'école du centre-ville a décidé récemment qu'il allait permettre pour la première fois l'installation de machines distributrices de boissons gazeuses dans les corridors de l'école. Son objectif était de générer des fonds pour acheter des billets d'autobus afin d'aider les étudiants à se rendre à l'école en toute sécurité. Les quelques dollars nécessaires pour s'acheter des billets d'autobus étaient au-delà des moyens dont disposent bien des étudiants qui vivent dans la pauvreté.
• 1050
La pauvreté signifie que bien des jeunes enfants ne sont pas
préparés physiquement et intellectuellement pour l'école. La
pauvreté continue d'imposer son tribut sur ces mêmes enfants
pendant leur progression dans le système scolaire.
Les enfants ont besoin d'espoir. Ils doivent pouvoir envisager leur propre avenir dans une perspective positive, mais la pauvreté prive bien des enfants de cet espoir très tôt dans la vie. La perte de l'espoir se reflète dans leur comportement.
En vieillissant, les enfants qui vivent dans la pauvreté ont souvent besoin d'aide de la part d'un éventail de ministères du gouvernement et d'organismes de service social. Les problèmes de santé associés à une mauvaise alimentation et à des styles de vie déficients peuvent aller en augmentant. Bien des enfants prennent de plus en plus de retard scolaire, ce qui nécessite le recours à des programmes intensifs et onéreux d'enseignement spécialisé.
Les enfants qui vivent dans la pauvreté ont plus de chance de se retrouver dans des bandes et de s'engager dans d'autres activités criminelles. Ces enfants risquent aussi de connaître d'un peu trop près notre système policier et judiciaire.
L'une des grandes tragédies associées à ces enfants et à la pauvreté, toutefois, est le taux de grossesse chez les adolescentes. Trop de jeunes adolescentes pauvres, qui sont elles-mêmes encore des enfants, donnent naissance à des bébés. Le cycle de la pauvreté et son cortège de problèmes se perpétuent ainsi. En tant que société, nous ne pouvons nous permettre de laisser ce cycle se poursuivre sans réagir.
En tant que société juste et humaine, nous devons trouver réponse à deux grandes questions. D'abord, que pouvons-nous faire pour réduire le nombre de Canadiens—et d'enfants surtout—qui vivent dans la pauvreté?
En réponse à ces questions, l'Association des conseillers scolaires du Manitoba soumet les observations et les recommandations suivantes.
La pauvreté a beaucoup d'effets négatifs sur les enfants et leurs familles, et tout particulièrement en matière d'alimentation. Le régime alimentaire d'un enfant conditionne son développement physique, intellectuel et émotionnel. La malnutrition avant la naissance et dans la petite enfance peut nuire à la capacité d'apprentissage de l'enfant lorsqu'il commence l'école. À long terme, la pauvreté peut avoir sur la santé physique, intellectuelle et sociale de l'enfant des effets qui risquent de compromettre ses chances de devenir un adulte en santé, heureux et actif dans la société.
Par conséquent, l'Association des conseillers scolaires du Manitoba recommande que le gouvernement fédéral prenne les mesures nécessaires pour que tous les Canadiens, et notamment les enfants et les femmes enceintes, aient assez de ressources pour jouir d'un régime alimentaire sain, équilibré et nutritif. Pour certaines familles, il suffira de modifier les programmes d'assistance sociale. Mais pour d'autres, il faudra une approche différente.
Les familles pauvres sont souvent des familles où les parents travaillent et qui comptent sur la prestation fiscale pour enfants pour arrondir un revenu qui ne permet pas de subvenir à leurs besoins fondamentaux. Mais souvent, cette prestation ne suffit pas. Par conséquent, l'Association des conseillers scolaires du Manitoba recommande que le gouvernement fédéral consacre 850 millions de dollars de plus à la prestation fiscale pour enfants en 1999, et le même montant en l'an 2000, doublant ainsi le montant que le gouvernement s'est déjà engagé à verser.
Pour s'épanouir, les jeunes enfants ont besoin de plus qu'une bonne alimentation et des vêtements convenables. Ils doivent grandir dans un milieu chaleureux et enrichissant. Ils doivent être stimulés intellectuellement et encouragés afin d'être prêts à apprendre lorsqu'ils entreront à l'école. Que ce soit leurs parents qui s'occupent d'eux, ou qu'ils soient dans une garderie, leurs besoins sont les mêmes. Malheureusement, bien des parents ne peuvent payer les soins de qualité dont leurs enfants peuvent avoir besoin. C'est notamment le cas des familles pauvres, pour qui le coût des garderies est prohibitif.
Par conséquent, l'Association des conseillers scolaires du Manitoba recommande que le gouvernement fédéral élabore et applique une stratégie nationale de garderies qui permettra à tous les enfants qui en ont besoin d'avoir accès à des garderies autorisées, dirigées par un personnel qualifié, dans un milieu sûr, stimulant et enrichissant.
Malgré tous nos efforts pour nourrir et élever nos enfants à l'abri des effets de la pauvreté, la réalité est qu'il y a plus d'un million d'entre eux qui sont déjà pris dans les filets de la pauvreté. Nous devons trouver des façons novatrices et efficaces d'aider ces enfants.
Depuis des années, les ministères gouvernementaux et les organismes de services sociaux qui s'occupent des enfants compartimentent leurs services. Ils mettent l'accent sur la santé, l'éducation ou la vie familiale de l'enfant ou sur l'une ou l'autre des nombreuses sous-catégories de ces domaines. Les organismes gouvernementaux, toutefois, ne s'intéressent pas à la santé globale, c'est-à-dire physique, émotionnelle, sociale et intellectuelle des enfants dont ils s'occupent. Une telle approche holistique ne cadre pas avec les critères spécifiques de leurs mandats.
• 1055
Par conséquent, l'Association des conseillers scolaires du
Manitoba recommande que gouvernement fédéral accorde un financement
accru aux provinces pour la mise au point de modèles de services
intégrés qui répondront aux besoins des enfants qui sont déjà à
risque dès les premières années.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Schieman.
Nous allons maintenant entendre les représentants de la Fédération du travail du Manitoba, M. Rob Hilliard et M. John Doyle. Vous êtes les bienvenus.
M. Rob Hilliard (président, Fédération du travail du Manitoba): Merci beaucoup, monsieur le président.
Ce matin, nous aimerions diriger nos remarques sur trois principaux sujets: d'abord, la responsabilité du gouvernement fédéral en matière d'équité salariale; deuxièmement, l'excédent dans le compte de l'AE; et troisièmement, le dividende fiscal, particulièrement dans le contexte d'un ralentissement économique.
Pour ce qui est de la responsabilité en matière d'équité salariale, il y a eu énormément de discussions depuis la décision prise par le gouvernement fédéral cet été d'apporter des correctifs en ce qui concerne sa propre main-d'oeuvre. Il y a donc eu énormément de discussions au sujet de cette question et on a déclaré notamment que le montant était trop important, que la responsabilité était trop énorme et que les sommes à verser qui s'était accumulées étaient beaucoup trop élevées. C'est vraiment difficile à avaler, bien franchement, parce que la seule raison pour laquelle il y a une telle somme d'argent due par le gouvernement fédéral à ses travailleurs vient du fait que le gouvernement lui-même, après plusieurs administrations successives, s'est traîné les pieds et a entrepris toutes sortes de manoeuvres juridiques qui toutes visaient à éviter ce que même M. Chrétien qualifie d'une obligation juridique et morale pour le gouvernement d'apporter des ajustements aux échelles salariales.
Pour récapituler d'une manière très générale, le processus a été amorcé en 1984, et il n'a vraiment commencé qu'après que les syndicats de la fonction publique fédérale aient tenté de négocier une entente à l'amiable avec le gouvernement fédéral de l'époque.
Après le dépôt d'une plainte devant le Tribunal canadien des droits de la personne, le gouvernement fédéral et les syndicats visés ont entrepris un processus conjoint et ont amorcé une vaste étude des échelles salariales au sein de la fonction publique fédérale. Au cours de ce processus, des milliers de postes ont été littéralement évalués et analysés. Le processus s'est déroulé durant quatre ans. Toutes les parties y ont participé sur une base volontaire et ont accepté que c'était le bon moyen de procéder—le gouvernement fédéral, les syndicats, tout le monde.
Une fois l'étude terminée et les données dûment analysées, la dure réalité selon laquelle il existait une discrimination systémique importante dans les échelles salariales de la fonction publique fédérale est devenue de notoriété publique, et elle a créé une énorme responsabilité pour le gouvernement fédéral. Plutôt que de s'acquitter de son obligation, le gouvernement fédéral a commencé à reculer et à contester le processus auquel il avait lui-même participé. Plutôt que de collaborer avec ses propres travailleurs, il a entrepris d'innombrables appels devant les tribunaux. La cause a été ramenée devant le Tribunal des droits de la personne, et ainsi de suite. On a assisté à toute une série de manoeuvres juridiques, toutes conçues pour que le processus traîne en longueur et pour permettre au gouvernement fédéral de gagner du temps et de ne pas s'acquitter de ses obligations vis-à-vis de ses travailleurs.
C'est vraiment la seule et unique raison pour laquelle les sommes rattachées à cette responsabilité se sont accumulées au niveau que l'on connaît maintenant. Le fait de perpétuer les tactiques utilisées dans le passé qui consistaient à gagner du temps, à manoeuvrer devant les tribunaux ou simplement à éviter le jour où l'on devrait reconnaître la vérité, n'a fait que grossir ce montant chaque jour et le rendre de plus en plus impossible à gérer.
J'aimerais comparer l'attitude du gouvernement fédéral dans cette affaire avec celle du gouvernement du Manitoba qui est entré en scène à peu près à la même époque.
Au début des années 80, le gouvernement du Manitoba a aussi été informé par son syndicat qu'il existait une discrimination importante dans les échelles salariales. Les deux parties se sont réunies et ont négocié ensemble une méthode pour évaluer les échelles salariales. Ils l'ont fait en collaboration. Ils se sont finalement entendus sur le résultat final et ils ont mis en oeuvre les résultats il y a des années de cela, au début des années 80. Donc ils ont ajusté les échelles salariales, ils ont rémunéré les gens en conséquence et la vie se continue depuis.
• 1100
Le gouvernement du Manitoba n'a accumulé aucune obligation de
réparer. La main-d'oeuvre n'a pas eu l'impression que son employeur
avait essayé de la voler ou d'utiliser des manoeuvres juridiques et
toutes sortes de trucs comptables pour éviter d'avoir à verser les
sommes dues. Le gouvernement du Manitoba a procédé sans rencontrer
aucune de ces questions ou de ces problèmes et les choses se sont
bien passées.
Le gouvernement fédéral aurait pu réagir de la même façon à l'époque, mais il ne l'a pas fait. Malheureusement, il continue de ne pas réagir, même encore aujourd'hui, près de 14 ans plus tard.
Nous prions instamment le gouvernement fédéral de respecter ses obligations, de cesser de gagner du temps et de verser les sommes que même le premier ministre et les anciens premiers ministres ont reconnues comme revenant de droit à leurs travailleurs. Cessez de tergiverser, payez ce que vous devez, et allez de l'avant.
Avant de passer à un autre sujet, j'aimerais poser une question au comité. Je suis quelque peu étonné par les déclarations qui ont été faites par diverses administrations. Les choses ont commencé avec le gouvernement de M. Mulroney et elles se sont poursuivies aujourd'hui même avec M. Massé, qui a déclaré que l'argent avait déjà été mis de côté pour remplir cette obligation en matière d'équité salariale. Si l'argent a effectivement été mis de côté, dans ce cas quelle serait l'incidence sur le déficit de fonctionnement quotidien? En existe-t-il une incidence? Je ne sais pas. Je me demande ce que ces déclarations signifient. Si l'argent a déjà été mis de côté à cette fin, pourquoi le gouvernement n'agit-il pas?
Y aurait-il une incidence sur le déficit de fonctionnement si les paiements étaient versés aujourd'hui? Je ne connais pas la réponse à cette question, mais je suis très déconcerté par ces déclarations que font les ministres et les premiers ministres lorsqu'ils disent que l'argent a été mis de côté. Si l'argent existe effectivement, ils n'ont qu'à payer.
Pour ce qui est de la question de l'excédent de l'assurance-emploi, tout d'abord, nous aimerions insister sur le fait que le compte de l'assurance-chômage ou l'assurance-emploi—peu importe la façon dont on l'appelle aujourd'hui, a été créé pour alléger les problèmes du chômage. Ce compte a été créé pour compenser les pertes de revenu des personnes qui sont temporairement sans emploi, durant une certaine période pendant laquelle ils sont à la recherche d'un autre emploi.
Nous pensons que l'objectif est louable et qu'il devrait être maintenu. Par contre, nous ne sommes pas d'accord avec l'utilisation de l'excédent de ce compte à d'autres fins. En fait, si l'on considère les budgets de ces dernières années et l'excédent du compte de l'AE, si ce n'était de l'excédent dont M. Martin parle à tout venant en le mettant en rapport avec un budget équilibré et maintenant en le qualifiant de dividende fiscal, cet excédent n'existerait pas du tout s'il n'était pas en train de piger dans le compte de l'AE .
Nous sommes persuadés que l'excédent dont parle le gouvernement, le dividende fiscal, devrait être payé par l'ensemble des contribuables, et non seulement par les travailleurs et les employeurs. C'est une utilisation erronée d'une taxe ciblée qui est utilisée à toutes les sauces pour couvrir tous les programs. Nous sommes persuadés que c'est injuste. Ce n'était pas l'objectif initial. Et ce n'est pas non plus ce à quoi devrait servir l'assurance-emploi. Nous serions en faveur d'une gestion du compte de l'assurance-emploi avec une certaine autonomie par rapport au gouvernement de sorte que ces transferts aller et retour ne se produisent plus.
Je vais simplement vous démontrer une fois de plus l'origine de cet excédent. Le surplus dans le compte de l'AE n'est pas dû principalement au fait que le chômage a chuté dans ce pays; au contraire, il est le résultat de mesures législatives qui ont été mises en place, d'abord sous le gouvernement Mulroney et ensuite sous le gouvernement Chrétien, mesures qui ont eu pour effet de resserrer les critères d'admissibilité et d'abaisser les niveaux de prestations, et qui ont aussi entraîné une réduction de l'admissibilité des chômeurs aux prestations de l'assurance-chômage.
Je vais simplement vous donner quelques chiffres. Alors que 87 p. 100 des travailleurs en chômage recevaient des prestations en 1989, ce chiffre est passé aujourd'hui à quelque part entre 36 et 37 p. 100. L'excédent de la caisse de l'assurance-emploi provient des prestations qui ont été coupées à ces travailleurs.
Si les prestations étaient rétablies au niveau auquel elles étaient avant les dernières modifications législatives effectuées par ce gouvernement, la couverture serait élargie. En maintenant les cotisations à leur niveau actuel, et sans les augmenter aucunement, la couverture pourrait passer du niveau actuel de 37 p. 100 des sans emploi à environ 70 p. 100. Le niveau de prestation pourrait aussi être rétabli à 60 p. 100 et l'excédent existerait toujours. Nous ne connaîtrions pas de situation de déficit. Et nous pourrions équilibrer la comptabilité. Le montant des recettes de chaque année serait l'équivalent du montant des dépenses de chaque année. Nous ne mettrions pas ce compte en péril. Il serait possible d'augmenter les niveaux de prestations et d'améliorer les critères d'admissibilité au niveau auquel ils étaient auparavant.
• 1105
Pour en venir à l'excédent budgétaire, je pense que le
meilleur moyen de l'envisager consiste à poser la question
suivante, quel serait le meilleur avantage que nous pourrions tirer
de cette somme d'argent? Quel serait le plus grand avantage pour
les Canadiens? Comment devrions-nous procéder pour en avoir le plus
possible pour chaque dollar investi dans ce fonds? Bien des gens du
milieu des affaires et des autres milieux aussi affirment qu'il
faut réduire la dette, c'est ce que nous devons faire.
J'aimerais me référer à un éditorial paru dans le Globe and Mail l'année dernière dans lequel il était question de l'importance de consacrer de l'argent au remboursement de la dette. Je pense qu'il est inutile que je rappelle aux membres du comité que le Globe and Mail n'est pas exactement un journal de gauche. Donc, dans cet éditorial, on disait que la dette en soi ne constitue pas un problème. Son importance relative est ce qui compte réellement, et étant donné que l'importance relative de la dette par rapport à l'économie canadienne diminue, c'est là que se situent les véritables enjeux. Donc, en dollars, étant donnée la taille relative de l'économie canadienne, le fardeau de la dette diminuera rapidement, de même que le fardeau des intérêts, en proportion des recettes fédérales.
Cette mesure relative, le ratio de la dette au PIB, est la seule qui compte vraiment. En maintenant seulement la dette à un niveau constant pendant que l'économie canadienne continue sa progression, on fait en sorte que le ratio de la dette au PIB diminue en spirale. En même temps, Ottawa disposerait de davantage d'argent à dépenser dans de nouveaux programmes ou pour des réductions d'impôt.
D'ici la fin du prochain mandat du gouvernement fédéral, autour de 2002, même si le gouvernement ne consacre pas un dollar de son excédent au remboursement de la dette, le ratio de la dette au PIB va diminuer, et on part de l'hypothèse d'un taux de croissance annuel de l'économie de 2,5 p. 100, après inflation. Mais même si ce chiffre était beaucoup trop optimiste, il est évident que nous parlons de croissance économique. Donc, sans consacrer un cent directement au remboursement de la dette, le ratio de la dette au PIB chuterait de 74 p. 100 à 59 p. 100. Ottawa pourrait donc simultanément augmenter ses dépenses pour les programmes d'environ 4,5 p. 100 par année et offrir aux Canadiens une réduction d'impôt importante de plusieurs milliards de dollars ou encore Ottawa pourrait consacrer ses énergies à la réduction de la dette, reporter les réductions d'impôt et surveiller le ratio de la dette diminué d'un pourcentage de points additionnel jusqu'à 58 p. 100.
Il me semble que ce n'est tout simplement pas la bonne façon de dépenser notre argent. Cette façon de faire ne comporte pas beaucoup d'avantages. Consacrer l'excédent au remboursement de la dette est peut-être logique pour certaines personnes qui considèrent leurs propres finances personnelles et qui se disent, il faut absolument que je rembourse mes dettes mais, sincèrement, cette analogie est sans valeur lorsqu'il est question de la dette du gouvernement et de l'importance relative de l'économie. C'est l'angle sous lequel nous devons envisager la question.
Donc, rembourser directement la dette ne comporte pas vraiment d'avantages. Toutefois, nous pourrions profiter énormément si nous opérions des réductions d'impôt ou si nous augmentions les dépenses du gouvernement. Nous sommes d'avis qu'une réduction d'impôt général ne constitue pas non plus un moyen très avantageux de dépenser le dividende fiscal. Le problème avec les réductions d'impôt général est que l'argent qui est retourné dans les poches des Canadiens peut être dépensé de bien des façons. En particulier, lorsque nous parlons des Canadiens à revenu élevé, il arrive souvent que cet argent ne revient pas en circulation dans l'économie locale. Il n'est pas utilisé pour acheter des biens et services canadiens ou pour favoriser la création d'emplois au Canada. Les gens peuvent dépenser cet argent à des importations, ils peuvent voyager, l'économiser, décider de faire des investissements à l'étranger—ils peuvent faire des tas de choses avec cet argent.
Quant aux Canadiens à faible revenu, une grande partie de cet argent est dépensé dans l'économie locale. S'il s'agissait d'une réduction d'impôt ciblée sur les Canadiens à faible revenu, elle profiterait probablement davantage à l'économie canadienne. Il faut aussi, à notre avis, nous montrer plus équitables et aider les Canadiens qui en ont le plus besoin. Mais il s'agit aussi d'évaluer quelles seraient les retombées les plus positives pour l'économie canadienne.
• 1110
Toutefois, nous sommes persuadés que c'est le meilleur moyen
d'utiliser le dividende fiscal—et il s'agit bien d'un dividende
fiscal. Nous parlons ici d'un surplus; il n'est pas question
d'aller chercher davantage d'argent au moyen d'impôts additionnels
ou de créer de nouveaux déficits au gouvernement. Nous parlons de
ce qu'il faut faire avec le dividende fiscal, et selon nous le
meilleur moyen d'utiliser le dividende fiscal consisterait à le
dépenser directement dans l'économie canadienne, au moyen de
dépenses directes du gouvernement.
Nous pourrions recommander que l'on dépense cet argent dans les soins de santé, parce que nous avons l'impression que les soins de santé sont le secteur qui a le plus souffert, étant donné que le gouvernement s'est consacré sur le déficit budgétaire à tous les paliers, depuis un certain nombre d'années. Je pense qu'il est évident dans l'esprit de pratiquement tous les Canadiens que les soins de santé ont souffert de façon importante par suite de cet objectif de réduction du déficit. Maintenant que nous disposons d'un surplus budgétaire, l'argent doit retourner dans le système des soins de santé.
En procédant ainsi, nous pourrions récolter divers avantages. Premièrement, je pense qu'il est question de la détérioration dans les soins de santé. Cette semaine, nous avons entendu des gens de tous les horizons politiques venir nous parler de leur expérience avec les soins de santé. Presque tout le monde au Manitoba a eu l'occasion de vivre, soit directement ou indirectement, une expérience avec les soins de santé illustrant à quel point ceux-ci se sont détériorés au cours des dernières années.
J'ai pensé que la réflexion la plus révélatrice que j'ai entendue lors de cette réunion était celle d'un monsieur qui racontait avoir amené sa mère âgée à l'hôpital et il disait qu'on l'avait fait asseoir pendant quatre jours dans un corridor et qu'elle s'était sentie tellement indignée et humiliée—en fait, il était en état de choc—à l'idée que cela pouvait se produire dans notre pays, un pays prospère. Il a dit que l'hôpital lui rappelait les soins de santé du tiers monde.
Je ne pense pas exagérer en disant cela, dans certains cas. En fait, cela correspond bien à la direction que prend le système de soins de santé au Canada, et il faut y réinjecter de l'argent.
En faisant cela, on contribuerait à stimuler l'économie canadienne. M. Martin a exprimé certaines inquiétudes concernant la crise financière sur les marchés mondiaux et l'incidence que cette crise aura sur l'économie canadienne. Il y a quelque chose que ce gouvernement peut faire à ce sujet et, c'est tout simplement d'utiliser cet argent pour stimuler—même s'il ne s'agit pas d'effectuer des investissements massifs, mais simplement de faire quelque chose—l'économie locale nationale en injectant cet argent directement dans les biens et services canadiens comme les soins de santé. Cette décision serait bonne pour la création d'emplois, pour les soins de santé et servirait de mesure de relance générale de l'économie.
En résumé, nous aimerions dire que si le gouvernement ne réagit pas de quelque façon en réinjectant cet argent dans l'économie canadienne—et M. Martin continue de se montrer préoccupé, et je pense que c'est à raison, de l'incidence de l'économie mondiale sur l'économie canadienne. Nous pourrions assister à une contraction exagérée de l'économie ici au Canada, s'il réagit en contractant les dépenses du gouvernement plutôt qu'en utilisant cet argent pour stimuler l'économie. Si, en fait il y a bien une contraction en cours dans l'économie privée et dans l'économie gouvernementale, c'est-à-dire dans l'économie publique, aussi toute la récession sera amplifiée et exagérée, le chômage grimpera en flèche encore une fois, et nous nous inquiéterons des fonds du gouvernement fédéral et nous recommencerons cette spirale descendante qui a suscité tellement d'inquiétude au sujet des recettes gouvernementales, nous recommencerons à nous torturer au sujet des déficits et des compressions. Toutes ces choses n'arriveront pas si nous utilisons judicieusement cet excédent budgétaire pour rétablir les services qui ont été coupés et pour stimuler l'économie canadienne.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné la possibilité de vous faire un exposé sur ce sujet.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hilliard.
Nous allons maintenant passer au président de la Fédération des syndicalistes retraités du Manitoba, M. Albert Cerilli.
M. Albert Cerilli (président, Fédération des syndicalistes retraités du Manitoba): Merci beaucoup et bonjour à tous. Bienvenue à Winnipeg.
Nous sommes très heureux d'avoir la possibilité d'échanger nos idées avec vous sur ce que nous considérons les aspects les plus déprimants de notre pays et qui nécessitent l'attention du gouvernement fédéral. À titre de membres de ce comité, vous avez une certaine influence sur le gouvernement fédéral et sur l'orientation qu'il compte donner au Canada de même que vis-à-vis l'économie mondiale.
Hier, le 20 octobre, nous avons fait un exposé devant la Commission du salaire minimum du Manitoba, comme vous pouvez le constater dans notre première pièce jointe. En étoffant notre cause pour défendre notre position visant l'obtention d'un salaire minimum plus élevé pour les travailleurs manitobains, nous avons trouvé qu'il existait un certain nombre de points communs avec l'exposé d'aujourd'hui et nous aimerions mettre en lumière les domaines qui nous ont frappés comme étant obscènes et représentant un danger pour notre démocratie.
• 1115
Comme nous l'avons souligné dans le mémoire que nous avons
présenté à la Commission du salaire minium du Manitoba, l'écart
entre les riches et les pauvres devient de plus en plus large
tellement que toute ressemblance avec l'égalité et l'équité semble
perdue. En réalité, le rapport mondial sur le développement humain
des Nations Unies qui sert à mesurer la pauvreté dans les pays
riches est un constat d'échec pour le Canada, et notre gouvernement
fédéral continue de se plier aux désirs des grandes sociétés
transnationales qui menacent notre démocratie à titre de société
libre et démocratique.
J'aimerais que vous vous rendiez dans le bas de la page 1 de notre mémoire et je cite:
Ces corporations superpuissantes continuent d'exercer un contrôle sur l'économie mondiale et sont en train de doubler les gouvernements fédéraux et provinciaux à l'échelle du monde entier. Les gouvernements sont de plus en plus tentés d'adopter des lois qui accordent à ces corporations un droit légitime de nier les droits de la personne et les droits des travailleurs et tous les autres droits qui prévalent dans l'économie, plutôt que de se tenir debout et de dire voici les règles, elles sont les mêmes pour tout le monde, dans tous les pays et dans toutes les économies.
Bien des Canadiens voient de plus en plus leur gouvernement comme celui d'une dictature. L'humiliation subie à Vancouver lors du récent sommet de l'APEC hantera le Canada pendant longtemps sur la scène mondiale et est l'exemple d'un échec à se tenir debout devant Suharto et ses semblables qui auraient amassé une fortune de 40 milliards de dollars durant ses 32 années au pouvoir en Indonésie, et ces faits ont été rapportés dans le numéro de septembre de la revue The Economist.
J'aimerais revenir au mémoire que nous avons présenté à la Commission du salaire minimum du Manitoba et examiner avec les membres du comité les salaires et avantages sociaux dont bénéficient les chefs de la direction de même que les profits réalisés par leurs sociétés par rapport aux impôts et à la non-imposition des mouvements de transferts d'argent à l'échelle internationale. Premièrement, j'aimerais citer des extraits des pages 1 et 2, où l'on compare le seuil de la pauvreté où vivent quelque cinq millions de Canadiens par rapport au revenu et aux avantages retirés par les chefs de la direction, tout en essayant de trouver de nouveaux moyens de couper des postes—et tout ce que vous avez à faire finalement c'est de lire les grands titres des journaux ce matin par rapport à ce que la Canadien National a l'intention de faire après sa privatisation et la déréglementation et ainsi de suite.
Je citerai un court paragraphe de la page 2 de ce mémoire:
Ces chiffres sont toujours vrais aujourd'hui. Pour continuer:
Nous avons l'intention de faire certaines recommandations assez évidentes à ce comité, mais avant de le faire, j'aimerais vous citer un rapport très spécial que j'ai reçu de l'un de nos membres qui agit comme bénévole dans une banque alimentaire de Red Deer. Je vais lire ce rapport et le consigner dans mon témoignage, parce que c'est vraiment frappant de voir ce qui se produit dans les structures salariales dans ce pays et ce qui arrive à notre population active. Environ 5,5 millions de personnes sont soit sous-employées, en chômage, bénéficient de l'aide sociale et ainsi de suite.
Où travaillent ces gens qui ne reçoivent pas un salaire minimum vital? La réponse pourra peut-être vous surprendre. Dans ce rapport, nous ne donnons pas de noms, nous ne faisons que décrire le type d'emplois. L'une des raisons est pour éviter d'avoir à embarrasser certaines personnes. L'autre est que certaines des entreprises mentionnées soutiennent les banques alimentaires. Donc le rapport donne une liste de compagnies, et même de ministères dont les travailleurs doivent faire appel aux banques alimentaires.
Ce type de pression sur notre société doit cesser. Les bénévoles de ces communautés, et il s'agit de Red Deer, se fendent en quatre pour aider les gens et ils remarquent que ceux-ci essaient de nourrir leurs familles et qu'ils meurent de faim. Nous venons d'entendre les conseillers scolaires en ce qui concerne le développement des jeunes enfants lorsqu'ils ne sont pas suffisamment nourris.
Nous avons aussi entendu parler des personnes handicapées et de ce qui arrive aux prestations pour personnes handicapées du Régime de pensions du Canada. Eh bien, nous ne pouvons plus tolérer ce genre de choses dans ce pays. Tout ce que j'ai à dire à ce comité, c'est que le moment est venu de changer le système pour que notre société soit plus équitable.
Nos recommandations sont très simples. Je comparais souvent devant ce comité et je débite une série de chiffres et de faits au sujet de qui reçoit quoi et ainsi de suite. Cette fois-ci, je voulais que les choses se fassent rondement, je voulais être bref et insister sur le fait que tout va de travers. La société ne pourra pas subir encore longtemps ce genre de disparités. Vous allez assister à un soulèvement de la population comme vous n'en avez encore jamais vu. Le Canada doit se tenir debout et dire que c'est assez.
L'une des recommandations que nous vous soumettons consiste à intégrer dans la législation canadienne des dispositions visant à taxer les transferts d'argent à l'échelle internationale, une disposition que l'on appelle parfois la taxe de M. Tobin. Vous entendrez probablement parler cet après-midi d'autres témoins qui vous diront que l'on devrait déplacer les fiducies à l'extérieur du pays, où 750 millions de dollars en impôts n'ont pas été versés par de grandes sociétés. Nous pourrions utiliser ces nouveaux impôts pour créer des emplois assortis de salaires décents de sorte que nous n'ayons plus à nous rendre dans des banques alimentaires et à quémander.
Je vais bientôt avoir 70 ans et j'en ai vu de toutes les couleurs. Nous sommes en train de nous diriger vers une dictature au sein de laquelle personne ne se préoccupe de savoir que les choses commencent à se détériorer et qu'il faut faire attention si nous voulons préserver la démocratie.
En rapport avec la deuxième recommandation—vous venez tout juste d'entendre la Fédération du travail, et croyez-moi, nous ne nous sommes pas consultés pour rédiger cet exposé—laissez les syndicalistes et les entreprises se réunir avec le gouvernement afin d'élaborer un nouveau système pour répondre aux besoins des chômeurs et des gens qui sont sous-employés par l'entremise du fonds de l'assurance-emploi. Il s'agit d'une administration dotée d'une certaine autonomie, et ils pourront décider de certaines choses comme la quantité de formation offerte et où créer des emplois, et de verser des salaires aux gens qui souffrent. Dans l'intervalle, le gouvernement fédéral réduit la période d'admissibilité de sorte que les revenus puissent être versés aux travailleurs touchés. Vous avez entendu les chiffres qu'a fournis la Fédération, donc il ne me sert à rien de les répéter. Le gouvernement fédéral devrait aussi cesser de piger dans le fonds de l'AE. C'est tout ce que c'est vraiment: un pillage des fonds qui n'appartiennent ni à ce gouvernement ni à aucun autre.
Soit dit en passant, certaines bonnes expériences ont été réalisées dans le domaine en Allemagne et en Hollande en rapport avec la recommandation no 2.
Quant à la recommandation no 3, elle vise à modifier les tranches d'imposition afin que celles-ci reflètent l'augmentation égale à zéro de l'IPC année après année, à calculer les crédits d'impôt personnel pour que ceux-ci suivent l'augmentation en pourcentage de l'indice des prix à la consommation ce qui correspondrait à une indexation complète. Je croyais que nous avions fait quelque chose à ce sujet, mais il semble que mon comptable ait oublié de m'en parler.
• 1125
L'autre dimanche, je regardais l'émission The Money Show à
Radio-Canada et le type de KPMG parlait du non-ajustement des
tranches d'imposition au taux d'inflation. Il nous a donné des
exemples, et je tiens à vous les lire pour qu'ils soient consignés
dans mon témoignage de sorte que vous pourrez peut-être faire
quelque chose à ce sujet, étant donné que nous recommandons de
voter à zéro, et non à 3 p. 100.
Donc il faut de toute évidence apporter certains changements aux mesures fiscales, modifier le non-ajustement aux tranches d'imposition, comme on l'appelle.
Quatrièmement, il faut rétablir les paiements de transfert fédéraux aux provinces et aux territoires afin de reconstruire les programmes de soins de santé et de services sociaux du Canada, l'éducation postsecondaire, le recyclage, et ainsi de suite.
Je pense qu'il est maintenant évident que nous nous dirigeons tout droit vers la ruine, et tout cela simplement pour réduire les budgets, réduire la dette et réduire les déficits. Je pense qu'il n'y a rien de mal à cela, mais nous devons nous regarder en face et réaliser qu'assez c'est assez.
Cinquièmement, il faut mettre en place un programme qui luttera contre la pauvreté infantile et la pauvreté en général au moyen d'une augmentation des prestations fiscales pour enfants et par la mise en oeuvre d'un programme qui fournira des refuges aux sans-abri. Aux États-Unis, il y a 2,5 millions de sans-abri. Si nous nous servons du pourcentage qui est utilisé dans différents forums pour comparer le Canada aux États-Unis, eh bien nous aurions près de 0,5 ou 0,25 million de sans-abri au pays. C'est une honte.
Et en terminant, dites au gouvernement fédéral que les Canadiens ne toléreront pas qu'un politicien ou une autre personne pense que les droits et les protections de notre démocratie sont une quantité négligeable ou que ces droits ou ces protections sont à vendre. Ce politicien ou cette personne commet une grave erreur. Nous avons vécu deux guerres mondiales pour préserver la démocratie et les droits d'un peuple libre. Le sommet de l'APEC à Vancouver est venu entacher notre liberté de pensée et d'expression et nous ne permettrons pas que cela se reproduise dans ce pays. Vous pouvez transmettre cette recommandation au gouvernement fédéral. Je vous informe que les Canadiens en ont par-dessus la tête de se battre sur toutes les barricades, et si en plus, aujourd'hui, il nous faut défendre la démocratie, où allons-nous?
J'affirme devant ce comité que nous avons tous ensemble la responsabilité de remettre ce pays sur ses rails. Je vous remercie beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cerilli.
Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses. Nous commencerons par M. Epp. C'est une période qui durera 10 minutes.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci beaucoup d'être venu témoigner devant nous et de nous faire part de nos vues. J'apprécie beaucoup la motivation et le dévouement des témoins que nous entendons aux quatre coins du pays, et le vôtre inclusivement.
• 1130
Avec votre permission, je vais tout simplement suivre la liste
de mes questions, qui devraient autant que possible suivre l'ordre
dans lequel vous avez présenté vos exposés, quoique lorsque je dis
quelque chose, si certains d'entre vous veulent faire un
commentaire, vous êtes les bienvenus, si le président le permet
bien entendu.
Tout d'abord, j'aimerais aborder la question des étudiants. J'ai enseigné pendant 31 ans avant d'entrer dans ce métier. Une des choses que je tiens à dire est que lorsque j'enseignais au niveau collégial, j'avais un certain succès. Mes étudiants apprenaient vraiment quelque chose chaque jour. Et la plupart du temps, moi aussi j'apprenais des choses. Là où je travaille aujourd'hui, cela n'arrive pas aussi souvent.
Cela m'a donné une certaine perspective de l'enseignement. Bien entendu, ayant passé près de 27 ans de ma carrière de 31 ans comme professeur auprès des étudiants du niveau collégial, j'ai développé passablement d'empathie pour la façon dont les étudiants doivent s'en tirer de nos jours.
Je pense que la plupart des gens qui font partie de ce comité, Kemlin étant la seule exception, se rappelleront que lorsque nous allions à l'école, les choses étaient très différentes. Je sais qu'en tant qu'étudiant je pouvais gagner suffisamment d'argent durant l'été pour payer mes études. En fait, j'ai réussi à gagner facilement 50 p. 100 de plus que ce dont j'avais besoin chaque année, donc j'avais passablement d'argent de poche pendant mes années d'études.
Lorsque je vois ce par quoi doivent passer les étudiants de nos jours, bien franchement, je suis très inquiet parce que nous assistons à un changement radical dans la façon de penser dans ce pays. Nos gouvernements se sont endettés, et nous aussi à titre d'individus nous sommes endettés.
Maintenant, lorsque les étudiants obtiennent leurs diplômes de l'université ou du collège et qu'ils commencent leurs carrières et leurs professions, nous arrangeons nos affaires de sorte que eux aussi doivent assumer un montant énorme de dettes à rembourser au tout début de leurs carrières. Votre exposé a suscité ma sympathie, et j'aurais aimé que les choses soient différentes.
Voici l'une des choses que j'aimerais vous demander. Vous dites que près de la moitié des coûts de l'éducation provient des frais de scolarité. Je remets ce point en question. Il me semble que les frais de scolarité, à l'exclusion des livres, simplement les frais de scolarité eux-mêmes doivent être beaucoup moins que la moitié, je dirais, des frais totaux qu'un étudiant doit absorber pour aller à l'université de nos jours. Pouvez-vous me donner des explications à ce sujet?
Mme Kemlin Nembhard: Je ne pense pas avoir jamais dit que les frais de scolarité représentaient 50 p. 100 des coûts de l'éducation. De tous les étudiants à temps plein au Canada, 50 p. 100 bénéficient de prêts étudiants. Pour ce qui est du montant que les frais de scolarité représentent, si nous prenons un exemple régional, à l'Université de Winnipeg, les frais de scolarité représentent environ 39 p. 100 des coûts de l'éducation. Les choses sont comme ça depuis quelques années, et c'était une anomalie au début des années 90, mais ce n'est plus du tout le cas. À l'échelle de tout le pays, dans plusieurs universités, les frais de scolarité correspondent à environ 30 à 40 p. 100 des coûts totaux de l'éducation.
M. Ken Epp: D'accord. Donc les frais de scolarité, les livres et les frais de subsistance. Je pense que ce sont les trois grandes catégories de votre budget. Du moins celles auxquelles j'étais habitué lorsque j'étais moi-même étudiant. Inclus dans les frais de subsistance, bien entendu, on retrouve les dépenses sociales.
Pensez-vous que le gouvernement devrait faire quelque chose de plus qui pourrait aider en ce qui concerne les frais de scolarité? Est-ce que les contribuables ont une obligation quelconque? Je ne parle pas d'un point de vue juridique, mais plutôt d'un point de vue moral, souhaitable ou encore d'une obligation sociale d'accorder davantage aux étudiants que l'équivalent de leurs frais de scolarité.
Mme Kemlin Nembhard: Oui. Je n'ai pas élaboré sur ce sujet dans le cadre de mon exposé parce qu'il aurait été beaucoup plus long, mais il me semble que la population canadienne, le gouvernement canadien dans son ensemble, ont la responsabilité de s'assurer que notre système d'éducation est également accessible à tout Canadien ayant le désir et les aptitudes de poursuivre ses études.
Et le meilleur moyen pour y arriver serait que le gouvernement fédéral finance directement l'éducation. Cela ne devrait pas se faire au moyen d'un financement individuel, mais plutôt au moyen de bons de formation ou de bourses d'études. La meilleure chose à faire est de s'assurer que le système est adéquatement subventionné, et cela peut se faire au moyen des paiements de transferts aux provinces. Oui, je pense que moralement, en tant que société, nous devrions faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à l'éducation. Je pense qu'il s'agit d'un élément intrinsèque d'une société démocratique que les membres de cette société puissent avoir un accès égal à l'éducation postsecondaire—et je ne veux pas seulement parler de l'université, je veux parler aussi des collèges, des instituts techniques et des universités—et que ceux qui ont les aptitudes et le désir de poursuivre leurs études puissent le faire.
• 1135
Le Canada figure parmi le très petit nombre de pays
industrialisés qui n'offrent pas cela à leurs étudiants. Beaucoup
de pays n'imposent pas de frais de scolarité, et dans les pays où
on en impose, ces frais sont beaucoup moins élevés qu'au Canada.
Ceci mis à part, le Canada est en fait l'un des deux seuls pays qui
n'offre pas de subventions à leurs étudiants. Le seul autre pays
est le Japon. Tous les autres pays industrialisés offrent des
subventions qui contribuent à couvrir les frais de subsistance, les
frais de scolarité, s'ils imposent ces derniers, de même que bien
d'autres choses.
Est-ce que j'ai répondu à votre question?
M. Ken Epp: Oui, je pense que c'est suffisant.
Oui vous alliez dire quelque chose.
M. Rob Hilliard: Oui. Je pense qu'il existe quelques autres moyens qui sont à la disposition du gouvernement pour aider les étudiants et parmi ces moyens on retrouve certainement la fourniture d'une aide directe et ce type de choses sont importantes. Mais, monsieur Epp, vous avez fait référence au fait que lorsque vous fréquentiez l'université il y a quelques années, vous étiez en mesure de travailler et de gagner 50 p. 100 de plus que ce dont vous aviez réellement besoin.
M. Ken Epp: Oui, à 1 $ de l'heure.
M. Rob Hilliard: J'ai aussi vécu la même chose, mais je pense que l'une des raisons pour lesquelles cela n'est plus possible—et ce n'est pas la seule raison mais c'est certainement un facteur—est le fait que les salaires minimums versés dans ce pays, d'un littoral à l'autre ont été érodés passablement depuis les 25 à 30 dernières années pour ce qui est du pouvoir d'achat, par rapport au niveau de vie relatif de tout le monde.
M. Cerilli a fait référence au fait qu'ici au Manitoba, un examen des salaires minimums est en cours. Plusieurs d'entre nous ont présenté des exposés lors de cet examen hier. L'une des choses qui étaient remarquables, c'est qu'en 1976, le salaire minimum au Manitoba représentait 102 p. 100 du seuil de faible revenu pour une personne seule. Aujourd'hui, il représente 68 p. 100.
Donc, lorsque nous parlons des étudiants qui essaient de trouver des emplois à temps partiel ou du travail tout court, généralement parlant au salaire minimum, la valeur de ce chèque de paye par rapport à celui de tous les autres a diminué de façon significative depuis les 30 dernières années.
Je pense que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans le relèvement de ce salaire minimum. L'une des difficultés qui découlent de la décision du gouvernement fédéral de fixer le salaire minimum au même niveau dans cette province, tient au fait qu'il existe une pression concurrentielle entre les provinces afin de maintenir le salaire minimum assez bas afin d'attirer les investissements. C'est à ce niveau que se situent les pressions, et si vous examinez ce qui arrive aux salaires minimums aux quatre coins de ce pays, c'est qu'année après année, le pouvoir d'achat des salariés qui reçoivent le salaire minimum diminue chaque année.
Il faut faire quelque chose pour éliminer ce facteur de la concurrence négative du salaire minimum d'une province à l'autre et je suggère que le gouvernement fédéral joue un rôle en cette matière.
M. Ken Epp: C'est d'accord.
M. Albert Cerilli: Vous avez mentionné que vous travailliez dans votre domaine. En fait, lorsque je travaillais sur les chemins de fer, et je pense que des politiciens très sérieux ont travaillé sur les chemins de fer—le Canadien National, le Canadien Pacifique—avant d'entreprendre leurs carrières politiques, afin de payer leurs études universitaires. C'était une tradition pour les employeurs de ce pays d'engager des étudiants durant l'été. Je pense que cette tradition n'existe plus aujourd'hui.
En fait, la structure du salaire minimum dans ce pays, comme vous venez de le mentionner, ajoutée au fait que ces étudiants désirent que les employeurs les engagent en fonction d'un horaire à temps partiel, à pour résultat que les employeurs qui désirent engager des étudiants ne leur offrent pas un horaire à plein temps, même au salaire minimum. Si vous effectuez quelques calculs, vous découvrirez que ces pourcentages sont très sérieux. Vous constaterez que les étudiants ne sont pas intéressés par ce type d'emploi, simplement parce qu'il leur en coûte de se rendre au travail seulement pour gagner l'équivalent de deux ou trois ou même quatre heures, au salaire minimum quel qu'il soit, dans les provinces où ils travaillent.
Je pense que vous avez souligné un point très valable pour ce qui est de notre génération, ma génération et la vôtre, qui avions la possibilité de voir beaucoup d'étudiants des universités venir travailler avec nous, et devenir des médecins, des avocats, des politiciens et ainsi de suite. Mais ce n'est plus la norme aujourd'hui.
Je pense que c'est quelque chose que le gouvernement fédéral devrait régler d'une manière plus directe au moyen de l'éducation postsecondaire, en créant des emplois à cet égard.
M. Ken Epp: Il me semble—et nous devrions vous écouter plutôt que ce soit vous qui m'écoutiez—d'après ce que j'ai compris, et non seulement à partir de mon expérience, à partir des observations que j'ai faites, mais aussi à partir de ce que j'ai vu en siégeant à ce comité, que l'une des raisons pour lesquelles les employeurs n'engagent pas d'étudiants autant que par le passé, est en raison des coûts de l'emploi qui sont de beaucoup supérieurs au coût des salaires.
M. Albert Cerilli: Je ne suis pas d'accord avec vous, simplement parce que les employeurs sont actuellement en période de réductions des effectifs. Ils effectuent des compressions. Le Canadien National vient tout juste d'annoncer le licenciement de 3 000 personnes. Les retombées du licenciement de 3 000 personnes multipliées par 4... Il s'agit d'un autre 4 000 personnes additionnelles, si vous voulez, dans tout ce pays. Ce n'est pas seulement 3 000 employés du Canadien National, c'est aussi 4 000 autres personnes dans les services de soutien—et ce n'est qu'une estimation—qui vont se retrouver sans travail. Ces retombées contribuent à aggraver nos problèmes.
Je pense que c'est la raison pour laquelle dans l'exposé que j'ai présenté je voulais montrer à ce comité l'écart qui existe entre les riches et les pauvres. Les profits réalisés par les chefs de la direction et les sociétés sont comme ils sont, et nous nous dirigeons sur cette voie. Je pense qu'il y a un danger à cette situation et qu'elle risque d'avoir une incidence sur notre démocratie. Tôt ou tard, nous assisterons à une révolution sanglante—et ça s'est déjà vu. Il y a déjà eu deux guerres mondiales pour défendre ce même type de principe. Lorsque les gens meurent de faim et que les enfants ne peuvent aller à l'université ni se trouver du travail, ils réagissent, et peu importe qui ils sont.
M. Ken Epp: Je vous remercie.
J'aimerais poser une autre question à Mme Nembhard. Elle a affirmé notamment qu'il ne fallait pas verser de l'argent aux individus. Dans votre exposé, vous avez indiqué qu'il s'écoulait une certaine période de temps avant que des étudiants puissent se déclarer en faillite, ce qui revenait à convertir leur prêt en une subvention aux étudiants, et c'est finalement ce qui se produit lorsque vous vous déclarez en faillite ou lorsqu'une partie de votre prêt ou la totalité de celui-ci est annulée. Vous avez parlé des subventions, et du fait que nous avons besoin d'encore plus de subventions et de moins de prêts de sorte que les étudiants ne s'endettent pas. Je suis en accord avec vous sur ce point. Mais vous avez aussi déclaré qu'il fallait subventionner le système, et non pas donner de l'argent aux étudiants directement.
Passablement de personnes ont réagi très positivement à l'idée que le financement devrait suivre les étudiants de sorte que ceux-ci soient entièrement libres de choisir l'institution dans laquelle ils veulent étudier—et ce serait le rôle du gouvernement fédéral. Réellement, et strictement parlant, l'éducation est de compétence provinciale. L'éducation postsecondaire, bien entendu, est financée en partie par les transferts du gouvernement fédéral, mais ces argents sont administrés par les provinces.
Je me demande quelle serait votre réaction si nous étions dotés d'un système... Si vous êtes contre un système de bons de formation pour chaque étudiant pris individuellement, j'aimerais savoir pourquoi.
Mme Kemlin Nembhard: Tout d'abord, j'aimerais commenter sur l'une des affirmations que vous avez faites en ce qui concerne l'étalement ou le report de la faillite. Si une personne se déclare en faillite, cela ne devrait jamais être considéré comme une subvention. Lorsqu'une personne se déclare en faillite, c'est qu'elle a commencé à rembourser son prêt de toutes façons. Donc, la personne doit rembourser ce qu'elle a emprunté. Le fait est que la plupart des étudiants ne désirent pas se déclarer en faillite. C'est un processus assez complexe. Il prend beaucoup de temps et il coûte de l'argent. Les répercussions se prolongent pendant une période assez longue. Par exemple, pendant sept ans, vous ne pouvez obtenir de carte de crédit. C'est un processus très complexe et les gens ne s'y engagent pas à la légère. Personnellement, je trouve très insultant que le fait de se déclarer en faillite soit assimilé à recevoir une subvention, parce que c'est faux.
M. Ken Epp: Lorsqu'on en revient au contribuable et au fait que l'argent n'est pas remboursé par la personne qui en a profité, eh bien cela devient effectivement une subvention.
Ce que j'essaie de vous dire c'est que peut-être nous devrions commencer par accorder une subvention dès le départ, ce qui permettrait aux étudiants de faire des études et qui les empêcherait de s'endetter. C'est le sens de mon intervention.
Mme Kemlin Nembhard: Je vais juste terminer. Et je reviendrai sur cette question.
L'autre aspect est que depuis le début du programme, seulement 7 p. 100 des étudiants ont véritablement déclaré faillite, et cela habituellement après avoir remboursé leurs prêts pendant quelques années, n'est-ce pas? Donc, à la fin, ils ont remboursé leurs prêts. Il arrive souvent qu'ils paient uniquement les intérêts, parce que ces intérêts courent pendant une assez longue période. Donc, c'est ce qui se produit.
Ce que je dis, finalement, c'est que la chose la plus importante à faire est de subventionner le système. Le gouvernement fédéral doit s'assurer de subventionner suffisamment le système. Si le système disposait d'un financement suffisant, il ne serait pas nécessaire d'augmenter continuellement les frais de scolarité, et ceux-ci ne monteraient pas en flèche, et la dette des étudiants ne suivrait pas cette spirale ascendante elle non plus. Tout cela est interrelié. C'est pourquoi j'insiste sur le fait que le système d'éducation doit être subventionné adéquatement.
• 1145
Actuellement, étant donné que ce n'est pas le cas, les
institutions sont de plus en plus dépendantes des frais de
scolarité pour se financer. Ainsi, elles dépendent des frais de
scolarité, ceux-ci ne cessent d'augmenter, de même que
l'endettement étudiant. C'est pourquoi il est absolument essentiel
que nous obtenions la subvention du système.
Lorsque vous examinez des suggestions telles que celle de nous doter de bons de formation—et nous pouvons déjà voir ce genre de programmes dans notre système—les institutions sont de plus en plus dépendantes des frais de scolarité. Les institutions ne se concentrent plus autant sur la qualité de l'enseignement. Elles ne se concentrent plus sur leurs programmes, sur la diversité des programmes et le choix des programmes; elles mettent toute leur énergie sur la commercialisation. Elles essaient d'attirer de plus en plus d'étudiants dans leurs institutions. Elles consacrent de plus en plus d'argent à des initiatives visant à attirer ces étudiants dans leurs institutions, plutôt que de se concentrer sur la qualité et le choix des programmes qui sont offerts, parce qu'elles sont acculées au pied du mur pour essayer d'obtenir le maximum d'inscriptions.
M. Ken Epp: Je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet, parce qu'il me semble que vous faites des étudiants les éternelles victimes.
Mme Kemlin Nembhard: C'est pourtant ce qui se produit.
M. Ken Epp: La plupart des étudiants sont parfaitement en mesure de faire la différence entre la publicité pour un programme qui n'a pas de valeur et qui n'est pas un programme de qualité et un autre programme qui l'est. Si vous accordez des bons de formation pour compenser pour les frais de scolarité des étudiants, il me semble que les étudiants s'en serviront dans les universités ou les collèges qui offrent de bons programmes, parce que ces institutions se seront fait une réputation d'abord.
Mme Kemlin Nembhard: Comme je l'ai dit, ces choses sont en train de se produire. Les institutions dépensent de plus en plus d'argent pour commercialiser leurs programmes et elles essaient d'obtenir le maximum d'inscriptions. Cette façon de faire a un effet sur la qualité et sur le choix des programmes offerts.
M. Ken Epp: Donc vous dites que le choix diminue au fur et à mesure que la commercialisation augmente?
Mme Kemlin Nembhard: Bon s'il vous plaît laissez-moi terminer.
M. Ken Epp: Non. Je veux que vous me précisiez la phrase que vous venez juste de dire.
Mme Kemlin Nembhard: C'est ce que j'essaie de faire.
M. Ken Epp: Êtes-vous en train de dire que la qualité des programmes diminue?
Mme Kemlin Nembhard: Si vous pouviez juste me laisser terminer, pour ce qui est du choix, les institutions consacrent de moins en moins d'argent aux programmes qui sont moins faciles à commercialiser, comme les beaux-arts et différentes professions libérales. Ces programmes ne sont pas nécessairement aussi faciles à commercialiser que par exemple les diplômes en gestion ou en gestion des affaires actuellement. Ces programmes qui ne sont pas considérés comme faciles à vendre obtiennent moins de ressources.
Vous pouvez le constater dans tout le pays. L'Université du Manitoba en est un bon exemple. Si nous comparons la différence qui existe entre le département de l'administration et le département des beaux-arts ou de biologie, pour ce qui est de l'équipement et des ressources qui leur sont alloués, il n'y a pas de comparaison possible. Et cela repose largement sur le fait que l'administration est plus facile à vendre. C'est ce qui se produit lorsque vous avez un système fondé sur les bons de formation plutôt qu'un système qui repose réellement sur la subvention du système lui-même.
Vous constaterez que les institutions s'efforceront de commercialiser leurs produits, et c'est de plus en plus ce qu'elles essaient de faire. Elles essaient de vendre leurs produits et se concentrent de moins en moins sur la qualité réelle de ce produit, sur l'accessibilité, et sur le choix qu'offre l'institution, autrement dit les programmes qui sont offerts. Vous pouvez constater cette situation dans toutes les compétences, qu'il s'agisse d'un collège ou d'une université.
M. Ken Epp: Monsieur le président, j'aimerais revenir aux autres témoins lors de la prochaine période de questions, si vous le permettez.
Le président: Votre période de 10 minutes est finalement devenue une période de 20 minutes.
M. Ken Epp: C'est votre définition de 10 minutes, comme j'ai pu l'observer depuis quelques jours.
Le président: C'est exact.
Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): C'est effectivement une définition très libérale, ce qui est tout à fait correct.
Le président: C'est ce que la population du Canada dit, de toute façon. Continuez.
M. Lorne Nystrom: Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins de ce matin. J'apprécie tous vos points de vue. Je tiens à dire à M. Cerilli que je fais partie de ceux qui ont profité d'un bon emploi syndiqué pour le Canadien Pacifique lorsque j'étais étudiant. Je me rappelle avoir commencé à 1,98 $ de l'heure, et deux mois plus tard, je gagnais 2,06 $. J'avais pensé à l'époque être tombé dans un paradis économique.
• 1150
Je voudrais commencer par m'adresser à Rob Hilliard et lui
dire que je suis d'accord avec la voie qu'il a adoptée. Je crois
que le gouvernement devrait maintenant faire le choix d'investir
encore au pays, en stimulant l'économie, et que les soins de santé
sont prioritaires.
Au fil des années, le gouvernement a fait quelques erreurs. Dans les années 80, lorsque John Crow a décidé de vraiment ralentir l'économie avec des taux d'intérêts élevés—à un certain moment, ces taux étaient de 5 points supérieurs aux taux américains—cela nous a réellement placés dans une spirale descendante qui a aggravé les problèmes de dette nationale et de déficit que nous avions. Dans son budget de février 1995, M. Martin a fait une erreur lorsqu'il s'est laissé persuadé par les bureaucrates du ministère des Finances de faire d'importantes compressions de dépenses, les plus importantes de l'histoire de notre pays.
En effet, le gouvernement fédéral est maintenant plus petit que jamais depuis la fin des années 40, après la Deuxième Guerre mondiale, avant le régime d'assurance-maladie. Je crois que ce n'était pas la direction qu'il fallait prendre. Peut-être le déficit sera-t-il payé un petit peu plus rapidement, mais à quel prix, et qui paie le déficit? L'effet à long terme est que notre économie est moins productive et que la croissance a été ralentie. Cela a réglé le problème de la dette nationale. Cette année, nous avons un surplus de 3,5 milliards de dollars, et une certaine partie de cette somme aurait dû être dépensée pour aider la croissance plutôt que de servir uniquement au paiement de la dette.
Mais ce qu'il y a de plus important, c'est que l'an prochain il y aura encore un surplus de plusieurs milliards de dollars, selon l'état de l'économie mondiale—que nous ne pouvons pas prédire. Je crois que la plus grande partie de cet argent devrait être dépensé directement dans notre pays pour stimuler l'économie, pour des choses telles que la pauvreté chez les enfants, les transferts vers le domaine de la santé et les secours d'urgence aux producteurs céréaliers de l'Ouest. À propos, dans ma province, l'an dernier on a constaté une baisse de revenu net de 84 p. 100 dans l'industrie des céréales.
Ce serait plus bénéfique pour le pays, pour stimuler l'économie et créer des emplois. De toutes façons, environ 20 p. 100 ou plus de ces montants reviennent dans les coffres du fédéral. Ce pourrait être la meilleure solution au problème de réduction de la dette.
Dans l'ensemble, je suis d'accord avec ce que vous dites, mais je voudrais vous demander quelles sont vos autres priorités en plus de la santé, lorsqu'il s'agit de la manière dont nous dépensons actuellement cet argent.
M. Rob Hilliard: Tout d'abord, je n'ai pas obtenu de réponse à ma question, et c'est peut-être parce que personne ici ne connaît la réponse en ce qui concerne la responsabilité du gouvernement fédéral en matière d'équité salariale. Pour répondre à cette question, cela m'aiderait de savoir si les sommes nécessaires doivent être prélevées sur le budget courant ou si elles ont déjà été prévues. Si cette dépense a déjà été prévue, elle n'aura donc pas d'effet sur les recettes ordinaires, nous n'avons pas besoin d'en tenir compte. Mais je tiens à souligner de nouveau que le gouvernement fédéral a bien cette responsabilité. C'est une obligation morale et légale, et le plus tôt il l'assumera, le plus tôt il pourra aller de l'avant. Si l'argent ne provient pas des recettes ordinaires, nous pouvons étudier d'autres manières de le dépenser.
L'ensemble des compressions dans les paiements de transfert mis de l'avant par M. Martin dans les budgets passés a eu un effet incroyable sur les provinces. De manière générale, l'effet a été plus important sur les provinces moins bien nanties. Il n'y a pas que la santé qui était financée de cette manière; il y a aussi l'éducation. Ici au Manitoba, l'expérience a certainement eu pour effet de nuire au système d'enseignement public. Que penser lorsqu'il faut faire des collectes de fonds pour subvenir aux besoins fondamentaux du système scolaire?
Le problème des collectes de fonds, comme l'a souligné le représentant du MAST, crée un système où certains secteurs sont, plus que d'autres, capables de recueillir des fonds auprès des entreprises faisant partie de leur la collectivité, parce que cela représente un avantage pour ces entreprises; ils réussissent ainsi à obtenir de meilleurs services, un plus grand nombre d'ordinateurs et davantage d'infrastructures que les établissements scolaires des vieux quartiers pauvres, établissements qui n'intéressent pas les entreprises qui ne voient pas d'avantages à leur faire des dons, à les aider ou à en faire la publicité. Alors le domaine de l'éducation a aussi des besoins énormes.
Je suis d'accord avec certains points de l'exposé fait par le MAST. Dans ce pays, le Manitoba est la capitale de la pauvreté chez les enfants. C'est scandaleux. Dans cette province, il y a environ un enfant sur quatre qui vit dans la pauvreté. Ils vivent dans la pauvreté alors que, au Manitoba, le chômage est à la baisse et l'économie est en croissance. Et exactement au même moment, le taux de pauvreté chez les enfants augmente.
Affirmer que le problème de la pauvreté se résorbera grâce à la croissance économique et aux rouages du marché est tout simplement faux. L'évidence contredit cette affirmation; en réalité, l'évidence prouve exactement le contraire. Je préconiserais plutôt que l'on injecte davantage d'argent dans les programmes de lutte contre la pauvreté, l'enseignement public et les soins de santé. Ces secteurs sont ceux qui ont le plus souffert du déficit social à la suite du choix du gouvernement de s'occuper d'abord du déficit financier. Je dirais que ce sont là les besoins dont il faut nous préoccuper à court terme.
M. Lorne Nystrom: Le problème de la pauvreté chez les enfants est extrêmement important. Comme je l'ai dit au comité hier, j'étais avec ma soeur pour la fin de semaine—elle enseigne au centre-ville, à Regina. Elle m'a parlé d'un de ses élèves qui a entre six et neuf ans et qui a d'énormes problèmes à l'école. La mère de l'enfant est une prostituée et le père est souteneur. Ils vendent de la drogue. L'enfant est né avec le syndrome d'alcoolisme foetal. Quelle chance cet enfant aura-t-il dans la vie? Les coûts humains sont extrêmement tristes et déprimants, sans parler du coût économique lié au fait que cette personne ne pourra pas contribuer, en terme de productivité, à notre économie. En termes d'investissement à long terme, cela n'a aucun sens, alors je suis certainement d'accord avec vous.
Je voudrais maintenant parler du fonds de l'assurance-emploi. Il y environ deux semaines, nous avons vu quelque chose d'extrêmement rare à Ottawa—je ne me rappelle pas que cela se soit déjà produit. Les quatre chefs des partis d'opposition, Preston Manning du Parti réformiste, les chefs du Bloc québécois, de notre parti et du Parti progressiste-conservateur, ont donné une conférence de presse conjointe, en même temps, au même endroit et ils ont annoncé qu'ils faisaient front commun au sujet du fonds de l'assurance-emploi. Ils veulent que ce fonds reste indépendant. C'est très rare de voir pareil mouvement. Mais il y a une différence entre les partis en ce qui concerne ce qui adviendra de l'argent de ce fonds. Le mouvement général tend à souhaiter une réduction des cotisations payées par les employés et les employeurs. Vous préconisez plutôt d'accroître les prestations, je suis d'accord avec vous.
Je me demande si vous pourriez donner au comité des arguments en ce sens et expliquer pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec une réduction des cotisations payées par les employeurs et les employés. On s'oriente en ce sens, et j'aimerais entendre d'autres motifs qui expliqueraient pourquoi ce n'est pas la voie à adopter.
M. Rob Hilliard: Je suis d'accord avec vous, le débat public semble être davantage centré sur cette question. J'ai participé à certains de ces débats publics et, lorsque au cours des discussions, j'ai souligné que la principale raison pour laquelle il y a des surplus n'est pas la diminution du chômage, mais plutôt une restriction de l'admissibilité des travailleurs en chômage et une diminution des niveaux de prestations versées aux chômeurs, la discussion s'est mise à déraper. Le plus souvent, les gens considèrent l'aspect fiscal de la situation et ils s'y arrêtent sans tenir compte du contexte historique qui nous a conduit là où nous sommes.
Pour une réduction des impôts, selon la loi actuelle qui concerne approximativement 37 p. 100 de chômeurs, le compte de l'assurance-emploi serait équilibré aux environs de 1,85 $ à 90c. pour les employés, plutôt qu'aux 2,70 $ actuels. Je crois que personne, même les gens du milieu des affaires qui prônent une coupure totale, ne se rend compte que nous avons besoin d'un certain coussin de sécurité. On ne peut pas couper radicalement à un niveau où les revenus sont équivalents aux dépenses parce que nous devons mettre de l'argent en banque dans l'éventualité d'une baisse de l'économie, ainsi de suite. Mais si vous réduisez les cotisations des employés de 60c. ou 70c., cela ne donnera pas beaucoup plus d'argent aux travailleurs. Cela leur en donnera un peu, mais ce ne sera pas énorme. Les retombées ne seront pas très importantes. C'est pourquoi j'affirme qu'on exagère les avantages d'une telle mesure.
Si nous voulons de véritables retombées et que nous observons ce qui arrive aux chômeurs, nous constatons que la plupart d'entre eux ont des difficultés financières. Si nous leur donnons plus d'argent, ils le dépenseront dans l'économie locale et cela produira les retombées économiques nécessaires.
Dans ce pays, un bon nombre de politiques économiques sont conçues de manière à donner plus d'argent aux gens riches. Nous pouvons nous rappeler un ministre des finances du gouvernement Mulroney qui affirmait «Nous avons besoin de plus de millionnaires dans ce pays». Franchement, cette théorie est fondée sur l'idée que si nous donnons plus d'argent aux riches, ils investiront davantage au Canada et que cela aura un effet de ruissellement. Dans une économie de mondialisation, cet argument n'a pas beaucoup de valeur, parce que l'argent est souvent investi ailleurs. En plus du fait que je crois que le gouvernement doit aider ceux qui en ont le plus besoin, les bénéfices économiques sont plus nombreux lorsque l'argent va entre les mains des Canadiens les moins bien nantis parce qu'ils dépensent dans l'économie locale et que les retombées sont alors plus importantes.
• 1200
Pour revenir à votre question, je dirais qu'il faut que les
prestations redeviennent ce qu'elles étaient avant les changements
législatifs, qu'on facilite et qu'on redonne l'admissibilité au
programme afin d'atteindre des niveaux qui permettraient de
bénéficier de meilleurs avantages économiques en plus d'être plus
équitables.
M. Albert Cerilli: Je voudrais seulement ajouter un commentaire. En me reportant à ce qui vient d'être dit, je crois qu'il est important de faire valoir l'autre aspect de la question. Et c'est pourquoi les anciens comme moi, lorsque nous participons à ces forums et à ces discussions... Tant et aussi longtemps que les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux continueront de faire des compressions à cause des restrictions occasionnées par l'état des finances, que les entreprises suivront avec des compressions, des retours en arrière, chacun voudra obtenir le maximum, en particulier les travailleurs; en effet, en raison du climat créé par les restrictions et les affirmations des médias, du genre «vous n'obtenez rien», il est facile d'adopter ce genre d'idées et de dire «je prendrai tout ce que je peux obtenir, et une des manières de le faire c'est de diminuer mes cotisations à l'assurance-emploi». Mais en réalité, ce n'est pas vrai.
Le fardeau économique doit être partagé plus équitablement et de manière plus productive par tous ceux qui paient leur juste part d'impôts—les entreprises, les dirigeants de société jouissant d'un revenu élevé, ainsi de suite. Je pense qu'une fois que cela sera en place, nous verrons le bon côté de la médaille et que la tendance et les arguments qui font dire à certains «Hé, redonnez-nous cela» ne vaudront plus rien.
Lorsque vous discutez de la possibilité de donner de l'argent aux travailleurs à revenu moyen ou faible, plutôt que de les convaincre de demander une diminution de leurs cotisations à l'assurance-emploi, par exemple, offrez-leur un allégement fiscal et je pense que vous constaterez alors qu'ils tireront profit de cet allégement et qu'ils dépenseront, parce que cela représente des bénéfices qui leur reviennent directement.
M. Lorne Nystrom: Au cas où la question ne serait pas abordée ce matin, je me demande comment M. Hilliard répondrait aux arguments de Paul Martin à l'effet que le fonds de l'assurance-emploi est à contre-cycle. Lorsqu'il y a beaucoup de chômeurs, il va vers un déficit. Les revenus proviennent du fonds de recettes consolidées, qui subventionne le fonds. Maintenant, nous avons des surplus parce que le taux de chômage est bas et que, par conséquent, une certaine partie de cet argent pourrait être utilisé en tant que recettes consolidées pour des dépenses diverses.
Que répondez-vous à cette affirmation? C'est celle que du ministre des Finances, et certains premiers ministres sont d'accord avec lui—pas tous, évidemment. Certains économistes adoptent aussi cette ligne de pensée. En tant que payeurs de taxes, nous avons dû subventionner le fonds. Maintenant qu'il a des surplus, une partie de cet argent devrait nous revenir sous forme de supplément pour un certain nombre d'années. Je ne suis pas d'accord avec cela, comme vous le savez, mais j'aimerais connaître ce que vous avez à répondre à cela. Apparemment, cela semble assez logique.
M. Rob Hilliard: Premièrement, je suis fondamentalement en désaccord, et les faits ne prouvent pas que nous avons des surplus parce que le chômage est en baisse. Ce n'est tout simplement pas le cas.
En étudiant les trois derniers changements législatifs apportés par le gouvernement fédéral, on constate que le nombre de chômeurs admissibles a diminué et que le niveau des prestations a baissé. Si vous reculez dans le temps, si vous faites un calcul d'après lequel les prestations sont payées au niveau qui prévalait avant les changements législatifs, au même nombre de chômeurs, votre surplus disparaît. Il n'est tout simplement plus là.
Donc le surplus n'est pas dû à une diminution du chômage. Le surplus existe simplement parce que les règles ont été changées de manière à ce que moins de chômeurs soient admissibles aux prestations. L'argument est fondé sur une affirmation fondamentalement fausse.
Quant à la question du payeur de taxes qui a eu à subventionner le fonds lorsque les temps étaient difficiles, c'était, franchement, le choix du gouvernement fédéral de l'époque. Il aurait pu faire autrement. Il aurait pu hausser les cotisations pour garder le fonds à flot. Ce mode de fonctionnement aurait été plus légitime.
Le fonds est soumis aux cycles parce qu'il y a des cycles dans l'économie, des cycles dans le niveau de chômage, des reculs dans l'économie et des augmentations dans le nombre de chômeurs; cela signifie clairement qu'il est plus que jamais nécessaire d'avoir plus d'argent dans le fonds. Contre cette opinion, on peut affirmer que les besoins sont de toute évidence moins grands quand les temps sont plus favorables.
Cependant, nous affirmons que le fonds doit demeurer propriétaire de ses avoirs. Ses opérations devraient être autofinancées par les employeurs et les travailleurs. Et il n'y a pas de raison de suggérer que cela doive être autrement. Si cela ne fonctionnait pas ainsi dans le passé et s'il est maintenant en train d'être pillée, c'est à cause des choix du gouvernement fédéral. Cela ne doit pas être ainsi.
M. Laurie Beachell: Je voudrais faire un commentaire rapide. Je crois qu'il est important de se rappeler, lorsque vous parlez des revenus consolidés et de changement dans le programme, que ce dernier est aussi un programme d'assurance.
Maintenant, nous avons créé un programme qui fournit des fonds pour la formation de la main-d'oeuvre. Pour les personnes qui ne sont pas admissibles, il n'y a pas de revenus consolidés qui peuvent servir à leur fournir de la formation. Donc, nous avons pris le fonds et pénalisé les travailleurs. Nous avons fait en sorte que l'admissibilité aux prestations soit plus difficile. En même temps, dans notre politique de formation de la main d'oeuvre, nous avons exclu des segments entiers de la population, qui ainsi n'ont pas accès au marché du travail.
M. Albert Cerilli: Je voudrais seulement ajouter que je pense que c'est là qu'intervient la recommandation contenue dans notre mémoire, à l'effet que je ne crois pas que la main-d'oeuvre active ait jamais été consultée sur les changements concernant la formation et tout le reste. Mais je pense que nous pouvons maintenant mettre en place un nouveau système qui intéresse la main-d'oeuvre, les entreprises et le gouvernement comme partenaires pour une administration du fonds sans lien de dépendance. C'est de cette manière que la formation et tout le reste pourront être étudiés sérieusement plutôt que d'une manière fragmentée.
M. Lorne Nystrom: C'est devenu une question très importante. Lorsque qu'on voit les gens qui sont d'accord sur ce point, c'est exceptionnel, qu'il s'agisse de Mike Harris, de Bob White ou des quatre partis d'opposition qui, à la base veulent un fonds séparé et une comptabilité séparée pour le fonds de manière à ce que l'argent qui est là soit utilisé pour les chômeurs. Nous avons quelques divergences d'opinion, c'est évident, par exemple sur la manière de corriger le problème, mais en principe, c'est une situation très particulière. Je suis heureux d'entendre vos commentaires là-dessus.
Je voudrais poser à M. Cerilli une question qui concerne un peu plus l'avenir. Vous avez fait référence à la taxe Tobin.
M. Albert Cerilli: Oui.
M. Lorne Nystrom: Cela n'a pas encore été annoncé, mais il y a quelques semaines, j'ai eu la chance de voir le comité des affaires émanant des députés à la Chambre des communes, comité qui représente tous les partis, être d'accord avec une des motions que j'ai présentées à la Chambre sur la taxe Tobin. Cela deviendra donc une motion sur laquelle votera la Chambre des communes après en avoir débattue, dans quelques semaines. Les députés devront alors étudier la taxe Tobin pour la première fois puisqu'ils devront voter sur ce sujet.
C'est quelque chose que nous devrions examiner très sérieusement. Chaque jour, nous avons 1,3 billion de dollars de transactions financières. La taxe Tobin propose de les taxer très légèrement, peut-être 0,1 p. 100 ou même moins que cela. Cela aiderait peut-être à ralentir la spéculation et certains mouvements partout dans le monde. Cela créerait aussi un important fonds de développement de plusieurs milliards de dollars qui pourraient être dépensés pour des situations comme celles vécues à Tchernobyl, pour combattre la pauvreté dans les pays en voie de développement, ainsi de suite.
Je voulais vous demander encore pourquoi vous croyez que c'est une bonne idée. Je me demande si votre association cherche ou non à joindre, ailleurs dans le pays, un autre groupe de syndiqués qui sont à la retraite, les métallurgistes et d'autres, et si vous êtes ou non intéressés à participer à une campagne de lobbying pour faire de ce sujet une question importante au Canada?
M. Albert Cerilli: Je répondrai d'abord à la dernière question. Nous serions certainement très heureux de participer à une importante activité de lobbying sur la colline du Parlement, de la même manière que nous avions participé à la coalition sur la santé avec tous les partenaires venus à Ottawa pour faire du lobby auprès des partis politiques et des personnes afin que soient réalisées certaines des promesses électorales sur les soins de santé. Si vous nous demandez de faire du lobbying pour faire de cette question un point important, vous pouvez compter sur nous...
Je crois que c'est une cause méritoire parce qu'elle aborde le problème de la mondialisation. Dans le mémoire, je disais que nous avions besoin de nouvelles règles pour uniformiser les règles du jeu. Cela ne concerne pas seulement les règles que les entreprises dictent aux gouvernements, comme dans une vente aux enchères. Les entreprises disent que si vous acceptez le contrat qu'elles proposent, elles s'établiront dans votre province, votre ville ou votre pays pour investir, mais que si vous n'acceptez pas le contrat, elles iront s'établir chez le voisin.
Je pense que cela devient ridicule. Je crois que les rênes du pouvoir ont été déplacées. Les gouvernements doivent reprendre le contrôle, non seulement au Canada, mais partout sur la planète, afin d'établir une distribution équitable des richesses, des revenus et des investissements de manière à ce que les spéculateurs...
C'est pourquoi j'ai mentionné dans le mémoire qu'il y a un dictateur, Suharto, à qui ce gouvernement a fait des courbettes, un homme qui a amassé une fortune estimée à 40 milliards de dollars depuis qu'il est en place; mais personne dans ce pays n'a été capable de lui dire qu'il aurait été souhaitable qu'il partage ce capital de placement.
• 1210
Alors si vous voulez arrêter le genre de fluctuations causées
par quelqu'un qui vient ici, qui investit les milliards de dollars
de ce spéculateur, qui crée des remous et du chaos, je pense que
nous devons avoir une taxe Tobin.
Ce ne devrait pas être seulement au Canada, mais nous pouvons commencer au Canada. Je crois que nos représentants au Parlement doivent prendre les devants sur l'échiquier mondial, de même que les représentants de tous les partis à ces conférences, pour que tous nos points de vue soient entendus et que le gouvernement soit surveillé de près, et qu'on dise voici les règles qui devraient prévaloir dans une société juste et équitable sur cette terre. Si nous ne commençons pas à bouger dans cette direction...
Je crois que dans mon dernier exposé, je vous ai dit que George Soros, un financier et milliardaire, a affirmé que le capitalisme est en danger à cause de toutes ces choses. Je le répète à nouveau. Il y a maintenant d'autres personnes qui écrivent et disent la même chose.
Le dernier haut-commissaire britannique à Hong Kong a écrit un livre. Je crois qu'il vaut la peine d'être lu—lisez-le. Il n'y est pas question de socialistes, de radicaux de gauche, comme je le suis peut-être, mais du fait que la population mondiale est préoccupée par la démocratie. Elle ne veut pas la guerre. Ce serait désastreux. Tout le monde a une bombe atomique.
Alors nous devons mettre ces règles en pratique afin d'affirmer que nous sommes le gouvernement et que les entreprises sont des citoyens ordinaires, que l'électeur considère qu'elles doivent être conscientes de leurs responsabilités sociales. Vous devrez vous soumettre aux règles que nous avons établies en ce qui concerne l'investissement. La taxe Tobin est un bon début.
M. Rob Hilliard: Puis-je élaborer un peu sur le sujet? Je crois que maintenant, en raison de l'économie mondiale et des marchés financiers, il y a de très importants mouvements de capitaux entre les pays dans des délais très courts.
Ces capitaux ne sont pas utilisés pour faire des investissements directs dans l'économie locale, pour créer des emplois, développer des entreprises ou d'autres choses de ce genre. Ces capitaux sont utilisés pour faire pression sur les gouvernements et ainsi permettre à des personnes non élues, de l'extérieur du pays, de s'assurer de ce qui va se produire dans ce pays.
Lorsqu'est survenue la crise du peso mexicain, il y quelques années, des spéculateurs étrangers ont retiré de l'argent du Mexique à des taux incroyables. À cause de cela, le pays a vécu une crise. Il y a d'autres pays d'Amérique Latine qui ont éprouvé des difficultés semblables.
Le Chili a déjà été un de ceux-là. Le Chili a mis en place une politique selon laquelle un taux d'imposition de 50 p. 100 s'applique sur le capital qui quitte le pays avant d'y être resté au moins douze mois. Cela a empêché les spéculateurs de faire entrer et sortir l'argent du Chili.
Aujourd'hui, grâce à cette politique, le Chili est en meilleure position. Il n'a pas été obligé de dévaluer sa devise. Son économie n'est pas en crise. Il est intéressant de constater que c'est une des dispositions que l'AMI veut mettre de l'avant qui a de toute évidence aidé les Chiliens. Cela a clairement aidé l'économie chilienne, et cela empêche les spéculateurs étrangers de décider de ce qui se va se passer au Chili.
C'est une disposition très sage. Franchement, je crois que si de plus nombreux pays dans le monde adoptaient une disposition semblable, ils seraient beaucoup moins vulnérables devant ces mouvements rapides de capitaux qui ne sont pas réellement utilisés pour investir dans l'économie locale.
M. Albert Cerilli: Je crois que c'est la clé de certaines des choses que nous recommandons. Voulons-nous réellement améliorer la situation économique de ce pays, au sens global du terme? Avons-nous besoin de cette mobilisation des fonds dans l'informatisation? Cela empire, sans compter que les institutions financières et Internet sont déréglementés, et ainsi de suite. Cela va encore empirer.
Monsieur Nystrom, je crois que nous avons besoin de cela maintenant. Dans quatre ans, il sera peut-être trop tard pour en faire un sujet de campagne électorale.
M. Lorne Nystrom: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Nystrom.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je suis curieuse. Je sais qu'en Irlande, les étudiants ne paient pas de frais de scolarité. Vous avez dit que c'était le cas dans de nombreux pays. Je n'en connais pas d'autres.
Mme Kemlin Nembhard: Qui n'imposent pas de frais de scolarité?
Mme Carolyn Bennett: Oui.
Mme Kemlin Nembhard: Parmi tous les pays membres de l'OCDE, il y en a environ 20 qui n'imposent pas de frais de scolarité, par exemple la Suède, l'Allemagne et l'Espagne. Je n'ai pas la liste ici, mais je peux vous l'obtenir.
Mme Carolyn Bennett: Ce serait très bien.
• 1215
Une de nos préoccupations est l'accessibilité, tant comme
enjeu que comme dette. Je crois que je serais favorable à un gel
des frais de scolarité. Croyez-vous que le gouvernement fédéral
aurait son mot à dire en ce qui concerne les transferts de paiement
par rapport à une certaine accessibilité, comme cela a été le cas
pour la santé, avec la Loi canadienne sur la santé? Lorsque nous
avons posé la question au président de l'Université de Toronto la
semaine dernière, il croyait que l'Université de Toronto avait
l'autorité... Même si les frais de scolarité sont élevés, cette
université a mis en place un système particulier qui donne
l'accessibilité à ses étudiants.
Votre fédération a-t-elle quelque chose à dire au sujet de l'accessibilité?
Mme Kemlin Nembhard: Ce que nous souhaitons, c'est une loi nationale semblable à la Loi canadienne sur la santé, qui n'est pas micro-gérée, mais qui garantit que certains principes seront établis à l'échelle nationale et que la qualité et l'accessibilité de l'éducation seront les mêmes partout, que vous soyez à Terre-Neuve, en Ontario ou en Colombie-Britannique.
J'essaie de me souvenir d'une autre des questions que vous m'avez posées. C'était au sujet de...
Mme Carolyn Bennett: D'accord.
Je suis plutôt préoccupée par ce que vous avez dit au sujet de l'amendement qui donne aux politiciens le pouvoir de fixer des critères derrière des portes closes. C'est très inquiétant. Avez-vous un exemple de cela ou croyez-vous seulement que cela pourrait se produire?
Mme Kemlin Nembhard: Cela vient juste de changer. Cela deviendra effectif à la fin du mois d'août. La loi vient tout juste d'être adoptée, et cela signifie fondamentalement que le gouverneur en conseil peut en fait avoir une influence sur l'admissibilité d'un étudiant qui souhaite obtenir un prêt.
La manière dont le programme fonctionne actuellement est la suivante: il y a un processus à suivre selon lequel vous vous présentez à votre bureau de prêts aux étudiants et voyez sur place quelle est la démarche à suivre et quels sont les critères d'admissibilité; si vous ne respectez pas ces critères, vous ne pouvez pas obtenir de prêt, si vous les respectez, vous pouvez en obtenir un.
Dans les faits, cela donne aux politiciens le pouvoir de modifier ces critères, et pour n'importe quel motif. Le processus n'est pas encore vraiment établi. Des représentants des institutions financières, par exemple, pourraient agir sur le processus. Ces personnes pourraient agir dessus si elles font du lobby auprès du gouverneur en conseil. Comme je le disais, ce n'est pas encore un processus établi.
Mme Carolyn Bennett: J'aurais espéré que le motif de la présence de cette disposition était que si les banques semblaient devenir trop sévères, il serait dans l'intérêt public que le gouvernement soit capable de leur dire: non, vous êtes dans l'obligation de donner ces prêts.
Mme Kemlin Nembhard: Je crois que si le gouvernement était réellement intéressé à empêcher les banques d'avoir le contrôle sur des choses comme celles-là, il arrêterait de donner plus de contrôle aux banques. Depuis 1985 environ, le gouvernement fédéral a continuellement accordé de plus en plus de contrôle aux banques en ce qui concerne les prêts aux étudiants, que ce soit le partage du risque ou des choses comme ça qui changent—il y a beaucoup d'exemples. Les critères d'admissibilité sont maintenant changés, comme je l'ai dit dans le mémoire, nous serons soumis à des vérifications de crédit et à des choses comme ça. Le gouvernement donne de plus en plus de pouvoir aux banques.
Si le gouvernement était vraiment préoccupé par la question du contrôle, il reprendrait ce contrôle; il reprendrait ce pouvoir.
Mme Carolyn Bennett: À propos de la fondation des bourses du millénaire, je crois que vous suggérez, dans votre recommandation, que le gouvernement donne l'allocation par habitant au Québec pour le laisser ensuite administrer ce montant à sa manière, y compris la possibilité de ne pas l'utiliser pour des prêts aux étudiants.
Mme Kemlin Nembhard: Je crois que le gouvernement est capable de s'assurer que les fonds sont utilisés dans des programmes de subvention plutôt que pour n'importe quoi d'autre. Dans le cas contraire, qu'il ne donne pas d'argent, parce que c'est à cela qu'il doit être utilisé.
Mme Carolyn Bennett: Je pense que la raison pour laquelle la fondation a été établie est de s'assurer que les Canadiens partout au pays, les étudiants, aient également accès aux subventions.
• 1220
Pour ce qui est de votre recommandation sur les déductions
pour bourses d'études, nous avons essayé de trouver le moyen de
joindre le plus de gens possible. Pour ce faire, on pourrait
augmenter les exemptions fiscales personnelles de tous les
Canadiens. Si seule l'exemption personnelle était augmentée,
croyez-vous que beaucoup d'étudiants dépasseraient ce niveau avec
leurs revenus de travail à temps partiel ou de cours privés et
leurs bourses d'études?
Mme Kemlin Nembhard: Il est très important qu'il n'y ait pas d'impôt sur les bourses d'études. Je vous donne l'exemple de quelqu'un qui obtient un prêt étudiant et une bourse d'études; au Manitoba, si vous obtenez une bourse d'études d'une valeur de plus de 600 $, tout ce qui excède ce montant devient déductible de votre prêt, dollar pour dollar, ce qui ne se produirait pas si la bourse n'était pas imposable. On parle de choses comme ça.
Je pense que ce serait très important pour les étudiants diplômés. Il y a peut-être un ou deux étudiants de premier cycle qui obtiennent une bourse, mais en général, ce n'est pas le cas.
Mme Carolyn Bennett: Dans votre fédération, croit-on que c'est raisonnable? Dans un système fondé sur le mérite plutôt qu'en fonction des besoins, les personnes méritantes—du moins d'après les étudiants à qui j'ai parlé—sont parfaitement capables de se prendre en charge avec une bourse d'études, et la raison pour laquelle nous voulons un système en fonction des besoins pour les étudiants est que ceux qui sont assez intelligents pour aller à l'université doivent pouvoir y aller. Et j'imagine que vous direz que quelqu'un qui est assez intelligent pour obtenir une bourse doit être capable d'obtenir un prêt.
Mme Kemlin Nembhard: Non...
Mme Carolyn Bennett: Cela ne donne-t-il pas plus d'argent à un seul étudiant alors que cela aurait dû aider deux étudiants?
Mme Kemlin Nembhard: Nous aimerions avoir des subventions, et c'est pourquoi nous aimerions que les bourses du millénaire deviennent un programme de subventions et non un programme de bourses d'études. C'est exactement pour ça. Parce que les subventions aident les étudiants qui en ont le plus besoin, sans tenir compte du fait que leur moyenne est élevée, moyenne ou basse.
Mme Carolyn Bennett: Je maintiens qu'il est important que tous les enfants de ce pays qui peuvent aller à l'université aient la possibilité de le faire.
Mme Kemlin Nembhard: Oui. Et c'est exactement ce que...
Mme Carolyn Bennett: Pour moi, c'est ça le mérite.
Mme Kemlin Nembhard: Oui.
M. Albert Cerilli: Sur ce sujet, avant de prendre ma retraite, je me suis intéressé à de nombreux programmes «études et travail». Je suis venu à Ottawa et j'ai rencontré des sous-ministres, des gens de différents secteurs d'activité, afin de mettre sur pied, ici, un projet pilote. Et au cours des huit dernières années où j'ai travaillé, j'ai constaté que plusieurs étudiants abandonnaient leurs études uniquement parce qu'ils savaient que les études universitaires étaient inabordables et qu'ils ne pouvaient pas continuer. Et ces étudiants étaient doués.
Aujourd'hui, je vais bénévolement dans les écoles secondaires et les universités, je parle aux étudiants de ce qu'est le monde réel et je les encourage aussi à continuer leurs études. Cet après-midi, je vais me rendre en milieu de travail, parler et essayer de réunir des fonds pour Centraide, par exemple, qui vient en aide aux étudiants en difficultés et tout le reste.
Mais je pense que ce qui va arriver, c'est que les étudiants vont abandonner même avant l'école secondaire et décrocher simplement parce qu'ils savent qu'ils n'auront pas les moyens d'aller à l'université. Nous devons changer le système pour le rendre plus équitable sur ce point. Autrement, vous aurez de nombreux étudiants doués qui abandonneront.
Mme Carolyn Bennett: J'ai une petite question sur l'exode des cerveaux. Si nos étudiants les plus doués s'en vont occuper un poste grassement payé aux États-Unis, croyez-vous qu'ils devraient rembourser leurs frais de scolarité—en entier? S'ils quittent nos universités pour aller directement aux États-Unis, particulièrement les étudiants en médecine, croyez-vous qu'ils devraient rembourser ces frais en entier?
Mme Kemlin Nembhard: Je dirais non. Je pense que la manière la plus efficace qu'a le gouvernement fédéral de lutter contre l'exode des cerveaux, c'est d'investir à nouveau de l'argent dans les conseils de recherche.
J'ai un très bon exemple. Un de mes amis fait de la recherche sur le SIDA au centre scientifique sur la santé de l'Université du Manitoba. Il est extraordinaire: il prépare son doctorat, mais sa recherche en fait partie. Il n'aura pas terminé avant le printemps. Il a reçu au moins trois ou quatre offres des États-Unis, de la part de gens qui lui proposent beaucoup d'argent s'il accepte d'aller travailler là-bas. Il ne veut pas aller aux États-Unis. Il préférerait plutôt rester au Canada. Mais en réalité, ici, il n'y a pas d'argent pour lui.
Mme Carolyn Bennett: Je crois fermement qu'il faut investir correctement dans les conseils de recherches, et cela représente surtout des emplois; 85 p. 100 des budgets sont consacrés à l'emploi.
• 1225
J'ai enseigné à l'Université de Toronto, dans le département
de médecine familiale et communautaire. Il est difficile d'avoir
des statistiques précises, mais la rumeur disait que 50 p. 100 de
nos diplômés s'en allaient travailler aux États-Unis. Je crois que
c'est là une grosse part de nos dollars publics qui s'en va. Ne
devrait-on pas être obligé de travailler un certain temps au pays
avant de pouvoir quitter?
Mme Kemlin Nembhard: Notre fédération compte un grand nombre de membres diplômés et ce qu'ils disent, c'est qu'ils resteraient s'il y avait des emplois ici et si les salaires étaient suffisants. Ils préféreraient ne pas avoir à quitter leurs racines pour partir vivre aux États-Unis. Mais la réalité, c'est qu'il y a très peu d'emplois pour eux ici.
En ce qui concerne votre question précédente au sujet des bourses d'études, je disais donc que les bourses demeurent le point le plus important. Cependant, pour ce qui est d'avoir des bourses non imposables, cela est particulièrement important pour les étudiants de 2e ou 3e cycle, leurs frais de scolarité étant beaucoup plus élevés; souvent, ces étudiants reçoivent des bourses élevées, et ils doivent aussi travailler en même temps. Des mesures fiscales qui garantiraient à ces étudiants l'exemption fiscale sur certains revenus seraient particulièrement bienvenues pour les étudiants de 2e ou 3e cycle, parce que ces derniers dépendent vraiment des bourses qu'ils reçoivent.
Mme Carolyn Bennett: Laurie, existe-t-il un consensus sur une définition plus appropriée du terme «incapacité»?
M. Laurie Beachell: «Non» serait la réponse la plus simple. La difficulté avec l'incapacité et sa définition, c'est qu'on a tendance à essayer de définir l'incapacité par rapport à la condition médicale, alors qu'elle n'a pas encore été définie par rapport à l'environnement. L'incapacité est un obstacle qui vous empêche de participer à un événement. Ça n'a rien à voir avec le fait que votre bras gauche ne fonctionne pas bien. Il est donc très difficile de définir l'incapacité.
Il s'agit là de l'un de nos plus importants problèmes. Tous veulent avoir une définition de l'incapacité et tous veulent trouver une solution, mais il n'y a aucun projectile d'argent dans le projet de politique sur l'incapacité. On élabore actuellement des systèmes souples et coordonnés qui seront en mesure d'examiner les besoins individuels et d'y répondre. Je crois que le plus grand défi que nous ayons à relever dans ce pays, c'est de voir comment on pourrait créer une politique sociale dans un contexte où le gouvernement fédéral doit réduire ses leviers d'influence, de manière à jouer un moindre rôle dans la définition des politiques sociales au pays. Ce n'est pas ce que les personnes handicapées attendent du gouvernement fédéral sur la question de l'égalité et de l'accès équitable aux services.
Bon nombre d'entre vous, j'en suis sûr, ont participé aux débats entourant la nouvelle union sociale. Pour nous, l'union sociale doit être assurée par quelqu'un qui sera en bout de ligne responsable des droits de citoyens des Canadiens, et pour nous, ce quelqu'un c'est le gouvernement du Canada.
Mme Carolyn Bennett: Bon nombre des initiatives de votre conseil ont eu trait à l'emploi. Vous avez tenté de défaire l'image voulant que les gens préfèrent rester à la maison. En fait, ils préfèrent aller travailler.
Visiblement, le dernier accord sur le marché du travail a déçu. Croyez-vous qu'une loi sur les personnes handicapées pourrait faciliter le remaniement de cet accord? Comment s'assurer qu'on tiendra compte de la question de l'incapacité dans toutes les futures négociations, y compris celles sur l'union sociale?
M. Laurie Beachell: Pour nous, la création d'une loi sur les personnes handicapées est un processus obligatoire; elle nous permettra d'analyser les projets qui s'adressent aux groupes défavorisés, comme les personnes handicapées, avant leur mise en application. Ainsi, nous pourrons éviter que le ministre des Finances ou le ministre de Développement des ressources humaines vienne dire après coup «oh!, il manque quelque chose ici» après qu'un accord sur le marché du travail ait été négocié; nous ferions mieux de créer un fonds spécial qui s'adresserait aux personnes handicapées.
• 1230
Nous ne sommes pas intéressés à subir de la
discrimination—vous savez, du genre «cela s'adresse aux personnes
handicapées et cela s'adresse au reste de la population». Nous
voulons être intégrés au processus. Nous voulons faire partie du
programme générique et nous voulons un processus d'élaboration de
la politique sociale qui parle d'inclusion plutôt que d'exclusion.
Malheureusement, tout ce qu'on tente de faire aujourd'hui, alors que les programmes sociaux subissent d'importantes diminutions, c'est d'en obtenir le plus pour son argent. Cependant, tout ce que cela fait en bout de ligne, c'est de mettre certaines personnes de côté, de les marginaliser davantage.
Les étudiants ayant une incapacité pouvaient par le passé compter directement sur l'université, par l'entremise d'un fonds spécial, pour obtenir par exemple les services d'un interprète afin de pouvoir assister aux cours. Aujourd'hui, ils doivent faire une demande de subvention pour initiatives spéciales, par l'entremise du Programme canadien de prêts aux étudiants, de manière à pouvoir payer directement leur interprète. Ainsi, toute la responsabilité de l'accès aux cours revient à l'étudiant et non au système. Donc, quand la Fédération des étudiants et étudiantes parle de financer adéquatement le système pour qu'il puisse répondre aux besoins, nous sommes d'accord avec elle. Nous voulons des systèmes génériques qui pourront répondre aux besoins des différentes composantes de la communauté et non des systèmes où les personnes seront en quelque sorte responsables de leur propre condition.
Mme Carolyn Bennett: Est-ce que votre recommandation concernant la limite de 10 000 $ pour les soins auxiliaires aux handicapés s'adresse principalement aux personnes qui travaillent, c'est-à-dire qui doivent obtenir les services d'un préposé pour les aider à sortir du lit? Vous dites qu'il faut éliminer cette limite. Mais à quel montant pensez-vous en fait? Quel serait le montant à accorder en moyenne pour des soins auxiliaires aux handicapés pour quelqu'un, par exemple un quadraplégique, qui serait capable de travailler, de se rendre au travail?
M. Laurie Beachell: Pour beaucoup de gens, il s'agit des services de base: une certaine aide pour se lever le matin, peut-être une aide au travail pour l'utilisation des toilettes, etc., et une aide pour aller au lit le soir. Et le système, dans l'ensemble du Canada...
Un de mes amis vient d'accepter un emploi à Vancouver, un emploi très bien rémunéré. Il est paraplégique. Un des aspects dont il a dû tenir compte, c'est le fait qu'en Colombie-Britannique les soins auxiliaires aux handicapés sont basés sur les revenus. Il doit donc avoir des revenus...
Au Manitoba, ces soins sont assurés. Il existe un programme social et il n'a rien à payer. En Colombie-Britannique, il doit payer 1 000 $ par mois. Il doit donc avoir un emploi avec un bon salaire pour pouvoir payer ces soins, en déménageant du Manitoba vers la Colombie-Britannique. On ne parle pas ici d'équité en matière d'accès.
Mme Carolyn Bennett: Donc, selon le système fiscal actuel, il ne pourrait déduire que 10 000 $ des 12 000 $ qu'il doit payer.
M. Laurie Beachell: C'est exact. Et il n'en retirait qu'un certain pourcentage. Ces soins ne sont pas remboursables entièrement. Ils ne le sont qu'à 17 ou à 19 p. 100. Ce n'est plus un dollar pour un dollar.
Mme Carolyn Bennett: Et vous croyez qu'il faudrait qu'il y ait un bon nettoyage, que c'est ce que nous devrions faire en tant que Canadiens.
M. Laurie Beachell: C'est ce que nous avons fait pour d'autres programmes comme le régime d'assurance-maladie. Nous ne voulions pas que des personnes soient acculées à la faillite à la suite d'une maladie. Nous disons la même chose pour les services de soutien aux personnes handicapées; nous ne voulons pas que des personnes soient acculées à la faillite ou qu'elles ne puissent accomplir des choses en raison de leur situation personnelle.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Je n'ai plus qu'une dernière petite question.
Nous en sommes actuellement à examiner la question des responsabilités dans les négociations sur l'union sociale, et peut-être aussi la capacité à mesurer certaines choses, et je me questionne sur cette disponibilité à apprendre... Je crois que pour plusieurs la priorité va aux secteurs pour lesquels il faudrait élaborer des normes nationales tout en en confiant la responsabilité aux provinces. Je pense entre autres à l'EAF, au SAF, aux troubles d'apprentissage et, pour certaines régions du pays, à la question de l'anglais comme langue seconde; les enfants qui entrent à l'école sans pouvoir parler anglais pourront nécessiter une aide spéciale importante plus tard.
• 1235
Devrions-nous aller dans cette direction, ou s'agit-il d'une
tâche trop énorme?
M. Len Schieman: Nous devons pouvoir marcher avant de pouvoir commencer à courir. Parler d'intervention précoce pour ce qui concerne les jeunes enfants est un concept relativement nouveau dans bien des domaines.
Certains ont peut-être entendu parler du projet Perry Preschool, ou du projet Hawaii Healthy Start. Ces projets se sont avérés très utiles et très efficaces. Nous croyons donc que tout programme qui aide l'enfant à se préparer à l'école et à l'apprentissage ne peut que profiter à l'ensemble du système.
Je ne sais pas s'il faudra élaborer des normes nationales. C'est là une question qui mérite qu'on s'y attarde.
Tout d'abord, je crois qu'il nous faut nous assurer que toutes les instances s'entendent pour dire qu'il s'agit d'un projet qui mérite attention. C'est pourquoi notre association a encouragé depuis nombre d'années les activités liées à l'intervention précoce.
Nous sommes heureux de mentionner qu'au Manitoba, par exemple, le secrétariat pour l'enfance et la jeunesse, qui fait partie du gouvernement, a lancé cette année le programme Baby First. Ce programme viendra justement en aide aux parents d'enfants en bas âge ayant besoin d'aide. Je crois que c'est un début et nous espérons qu'il y aura une suite.
Le président: Madame Bennett, avez-vous une question?
Mme Carolyn Bennett: Ma question a trait à votre première recommandation, concernant la nutrition prénatale. Le gouvernement fédéral a bien un programme de nutrition prénatale. Cependant, des responsables de banques alimentaires nous ont dit être inquiets au sujet des compressions dans les différents programmes locaux de santé publique; en raison de ces compressions, l'argent alloué par le gouvernement fédéral au programme prénatal a été utilisé pour embaucher du personnel supplémentaire et les femmes ont été envoyées aux banques alimentaires. Je me demande si vous avez quelque commentaire sur ce programme.
M. Len Schieman: Je vais demander à Jerry de répondre.
M. Jerry B. MacNeil (directeur général, Association des commissaires d'écoles du Manitoba): J'ai quelques observations à formuler et je voudrais tout d'abord réagir à l'idée voulant que nous ayons besoin d'aller plus loin quant à la question des normes.
Il ne fait aucun doute qu'il faut avoir des normes concernant les différents crédits alloués dans l'ensemble du pays. Cependant, on se perd parfois à tenter d'élaborer des normes à propos de choses sur lesquelles on sait déjà beaucoup.
Nous en savons déjà énormément sur la condition de nos enfants quant à la question de la pauvreté, et je voudrais formuler quelques commentaires, si je puis, à ce propos. Je vais commencer par poser une hypothèse, puis je ferai une observation et je tenterai de conclure.
Quant à la grande question de la pauvreté chez les enfants—qui on le sait sous-entend beaucoup plus, c'est-à-dire pauvreté de la famille, pauvreté de la communauté, pauvreté des handicapés, pauvreté des étudiants universitaires—j'ai une hypothèse, hypothèse fondée sur ma propre expérience de lobbying sur la colline du Parlement avec l'Association canadienne des commissions scolaires. Voici. Il s'agit ici d'une question qui transcende la politique, qui transcende les questions partisanes, avec lesquelles je le sais vous avez à traiter sur quantité d'autres fronts. Tous les partis présents sur la Colline nous ont avoué que cette question de la pauvreté chez les enfants, dans notre pays, dépassait les questions partisanes. C'est là mon hypothèse.
Ce que j'observe, à propos des discussions qui ont lieu ce matin et des rapports ayant suscité ces discussions, de même qu'à propos des autres audiences qui se déroulent dans le pays, c'est que nous parlons ici du principe économique fondamental de distribution de la richesse. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la richesse constitue la vraie question. J'ai entendu Robert Hilliard et Albert Cerilli discuter de cette question du point de vue de leurs juridictions. C'est une question de distribution de la richesse; les riches continuent de s'enrichir—Statistique Canada peut le prouver—et les pauvres continuent de s'appauvrir.
Si cela ne nous fait pas réagir et nous intéresser à la question, particulièrement parce que le problème touche nos enfants, alors je crois que nous allons vers un précipice. Je ne veux pas faire l'oiseau de malheur, mais j'ai bien écouté ce qu'a dit notre participant de la communauté des retraités. Nous avons pris une route très dangereuse.
Je dis cela pour la raison suivante. J'étais trop jeune pour participer à la dernière guerre, mais je m'en rappelle très bien et je n'ai pas oublié ses répercussions. Je vais vous dire, nous n'avons pas à reculer aussi loin pour nous poser cette question fondamentale: si nous ne faisons pas quelque chose à l'égard de la pauvreté qui touche nos enfants, nous allons faire face dans un avenir proche à de très sérieuses difficultés sociales, comme ce fut le cas par le passé.
• 1240
Pour ceux d'entre vous qui ont suivi l'émeute de Headingley
survenue il y a deux ans dans notre ville, la pire émeute à
survenir dans une prison au Canada ces dernières années, je citerai
les paroles du juge Hugues tirées de son rapport sur l'émeute. Il
a dit, et je le rapporte presque intégralement, que cette émeute
n'avait pas débuté en avril 1996, mais qu'elle avait en fait débuté
20 ou 25 années auparavant, à cette époque où la majorité des
détenus vivaient dans la pauvreté. Il a mentionné qu'il fallait
reconnaître ce fait, parce que les choses n'allaient pas
s'améliorer, à moins que nous nous posions une question
fondamentale.
J'aimerais que vous rapportiez cette question à vos collègues de la colline du Parlement, parce que nous la soulèverons de nouveau dans deux semaines lorsque certains d'entre nous se présenteront sur la Colline pour rencontrer peut-être quelques-uns d'entre vous.
Cette question la voici: où est cette colère, dans notre pays, concernant la question de la pauvreté chez les enfants? Comment, dans nos propres organismes, cultivons-nous cette colère mesurée contre ce qui arrive à nos enfants?
Je suis père de six enfants et huit fois grand-père. L'autre soir, alors que je tenais l'un de mes petits-enfants, âgé de trois ans, je me suis posé cette question: quelle sera sa vie dans 35 ou 40 ans? Il s'en sortira probablement très bien—merci mon Dieu—mais ce ne sera sans doute pas le cas pour bon nombre d'autres de son âge.
Je vous demande donc de considérer ce fait lorsque vous traiterez de ce que je crois être l'un des plus importants problèmes sociaux de notre pays. Il ne s'agit pas que de moi; le ministre Martin a dit la même chose l'an dernier à l'occasion de la préparation de son budget. Le premier ministre Chrétien, comme quelques-uns de nos autres dirigeants, est d'accord pour dire qu'il s'agit là de la plus importante question sociale à toucher notre pays.
Je vous implore d'écouter ce qui a été dit à propos du salaire minimum. Il y a dix ans, une mère monoparentale payée au salaire minimum devait travailler environ 44 heures pour atteindre le seuil de faible revenu. Aujourd'hui—et Rob peut me corriger sur ce point—il faut travailler à peu près 72 heures. Personne ne peut s'attendre à ce qu'une société dont la population croît rapidement puisse supporter une telle situation.
Au cours des dernières années, l'Association des commissaires d'écoles du Manitoba s'est penchée sur la question de la pauvreté chez les enfants, non pas parce que nous croyons avoir les réponses, mais parce que nous croyons pouvoir provoquer chez plusieurs cette colère mesurée dont j'ai parlé plus tôt, de façon qu'elle ne s'éteigne pas.
Nous avons un projet actuellement en cours visant à prévenir la grossesse chez les adolescentes du Manitoba. Cette province détient le plus haut taux de grossesse chez les adolescentes, avec 504 naissances l'an dernier. Les mères ont parfois seulement 15 ans. Il y avait eu 484 naissances l'année précédente. On connaît le problème, mais parfois on perd de vue le fait que les statistiques montrent sans équivoque le rapport entre cet élément et le taux de criminalité ou le taux de pauvreté.
Lorsque je parle de ces choses à des gens d'affaires—et vous le savez je suis un peu humaniste, c'est mon orientation—je leur dis de tenir compte de la question de la pauvreté chez nos jeunes, parce qu'on parle de l'argent des contribuables. Nous avons dépensé 10 millions de dollars pour rebâtir la prison de Headingley. Dans la même année, nous avons éliminé 10 millions de dollars dans les fonds des écoles publiques. Je crois que nous devons nous poser cette question.
M. Albert Cerilli: Je voudrais ajouter un petit quelque chose.
C'est pourquoi j'ai joint un document sur le salaire minimum à l'exposé d'hier, document qui montre comment ce problème touche les hommes et les femmes en aval. J'ai également parlé des effets néfastes du problème chez les enfants, puisque nous sommes d'avis que les faibles revenus ont un lien avec la question de la pauvreté chez les enfants.
Nous voulons souligner que les travailleurs à faible revenu ont très peu de possibilité d'investir dans des régimes de pension, tels les régimes d'épargne-retraite. En fait, la plupart du temps, la seule pension qu'ils pourront recevoir proviendra de leur contribution au Régime de pensions du Canada, au salaire minimum, ce qui signifie très peu. Ils pourront aussi avoir droit à la pension de sécurité de la vieillesse.
Ainsi, toutes ces choses sont interreliées, et c'est pourquoi au moment de préparer notre exposé sur ce qui pourrait arriver en aval et les éventuels effets néfastes, j'ai pensé qu'il fallait commencer à s'intéresser au problème. Ce qui arrive est épouvantable, mais avec un peu de recherches et une certaine attention, nous pourrons sérieusement commencer à combattre ce problème, tous ensemble.
Le président: Monsieur Beachell.
M. Laurie Beachell: J'appuie tous les commentaires faits jusqu'ici.
• 1245
Il y a un autre élément que j'aimerais porter à votre
attention. Dans ce pays, on avait tendance à débattre très souvent
de la politique sociale dans des tribunes libres. Maintenant que
nous nous sommes acheminés vers notre nouveau modèle d'union
sociale, la politique est aujourd'hui débattue derrière des portes
closes, ce qui laisse à un très petit nombre de personnes la
responsabilité de faire des choix.
La semaine prochaine, les ministres des services sociaux de tout le pays, accompagnés du ministre Pettigrew, se rencontreront à Toronto afin de discuter d'un document intitulé À l'unisson, document qui définit le cadre relatif aux initiatives entourant l'incapacité.
Nous sommes heureux de voir les gouvernements fédéral et provinciaux travailler ensemble, mais nous n'avons aucune idée de ce qui se passe durant ces discussions, et ne savons pas non plus si la population a déjà été invitée à ces discussions en tant que partenaire du nouveau cadre d'union sociale.
Et ce sont maintenant les ministres des finances qui se réunissent. La population n'a aucun moyen de savoir ce qui se dit durant ces réunions. On publie à la fin un communiqué, mais on ne fait jamais appel à la participation publique. Il doit exister un moyen de trouver des solutions à la question de la participation des citoyens.
Si nous ne faisons pas cela et si nous continuons d'exclure des organisations comme les nôtres et d'autres organismes de la table des discussions, je ne crois pas que nous arriverons aux meilleures solutions novatrices possible, ou que le public fera confiance aux solutions proposées, ou que les groupes communautaires appuieront leurs gouvernements dans la promotion de ces idées à un plus large public.
Aussi, je voudrais juste ajouter que la politique sociale en général—je ne parle pas seulement des compressions et de leurs effets sur la population, mais aussi du processus par lequel nous définissons la politique sociale dans ce pays—n'encourage pas la participation des citoyens. Cela est très dangereux et pourrait en bout de ligne ne pas nous fournir les bonnes solutions.
Le président: Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions et j'aimerais ensuite revenir au sujet soulevé ici.
Monsieur Hilliard, vous avez parlé dans votre exposé de ce qu'on devrait faire en fait avec les surplus actuels. Vous avez débuté avec la question de l'équité salariale. Vous avez formulé le commentaire que si l'argent était disponible, alors il fallait payer. Vous vouliez une réponse; si cela n'influe en rien sur les revenus existants, alors il faut payer.
Ma question pour vous est la suivante: si cela influe en réalité sur les revenus actuels, dites-vous qu'il nous faudra revoir la question et décider des priorités pour le gouvernement en matière d'investissement, ou bien dites-vous que le budget devra comporter une ligne pour l'équité salariale?
M. Rob Hilliard: Non, je voulais simplement savoir s'il y aurait des répercussions sur les revenus actuels. S'il n'y a pas de répercussions possibles, je ne vois pas pourquoi on passe autant de temps pour décider s'il faut payer ou non. Si, toutefois, il y a des répercussions, il faudra de toute évidence tenir compte de tout un ensemble de facteurs. Dans cet exercice, je ne dis pas que le gouvernement n'est pas prêt à respecter ses obligations. Le gouvernement doit respecter ses obligations et il doit faire les ajustements demandés.
Si, en raison de ces ajustements, le compte bancaire devait diminuer à court terme, cela influerait vraisemblablement sur la capacité du gouvernement à s'occuper d'autres choses. Cette première obligation, toutefois, doit être respectée. Il s'agit d'une dette du gouvernement envers ses propres employés; cette dette doit donc être payée et cette obligation doit être respectée.
Toutefois, si tout cela devait réduire l'excédent financier de manière importante, il faudra c'est sûr prendre d'autres décisions, parce que nous ne disposons plus d'un excédent aussi important qu'auparavant; mais il s'agit d'une obligation pour le gouvernement et ce dernier doit la respecter, légalement et moralement.
Je suis toujours très favorable à l'idée de stimuler l'économie locale, stimulation qui devra traiter d'abord des besoins en matière de soins de santé et ensuite des autres transferts qui ont été abandonnés en raison des compressions dans le gouvernement fédéral.
M. Tony Valeri: Donc, si la question devait avoir une incidence importante sur les dividendes du gouvernement ou encore éliminer la totalité de l'excédent financier, vous suggérez qu'il faudra examiner la question dans le contexte des autres priorités. Mais en même temps, vous suggérez que le gouvernement a l'obligation de régler cette question, et si ce n'est possible à court terme, vous suggérez qu'elle le soit à un moment donné.
• 1250
Je tente seulement de concilier ces deux points de vue. Vous
dites que les ajustements doivent être faits, qu'il faut payer,
mais en même temps vous dites que si le paiement de cette dette
devait influer sur les excédents ou empêcher certains
investissements, il faudra en quelque sorte revoir la question.
M. Rob Hilliard: Je dis que l'on doit respecter cette obligation, point. Il est possible, pour ce faire, qu'il faille tenir certaines discussions pratiques pour voir combien on pourra tirer de tel ou tel budget fiscal, mais il faudra respecter cette obligation à court terme. Trop de temps a passé déjà, et plus le temps passe, plus la dette augmente.
Si, pour régler cette dette, il nous faut réduire l'excédent financier jusqu'à un très faible montant—et je doute sincèrement qu'il faille l'utiliser complètement, parce que même les scénarios de récession prévoient des surplus pour le gouvernement—il en restera peut-être moins pour stimuler l'économie locale et l'économie canadienne. Mais si les montants restants devaient être trop faibles pour servir à quelque chose, il faudra que le gouvernement examine d'autres secteurs et modifie ses priorités, afin de s'assurer qu'il restera suffisamment d'argent—quelques milliards de dollars peut-être—pour investir dans les soins de santé et stimuler l'économie locale, et ce pour annuler les compressions déjà imposées et les effets de la crise financière généralisée.
M. Tony Valeri: Jim Stanford s'est présenté devant le comité, je crois que c'était à Toronto, et a parlé de son scénario de récession. Il a essentiellement fait état d'un surplus d'environ 6 milliards de dollars pour 1999-2000. Ce surplus de 6 milliards de dollars comprend un fonds de réserve d'urgence de 3 milliards de dollars. Cela laisserait en gros, pour toutes éventualités—c'est notre façon de planifier les budgets—environ 3 milliards de dollars pour faire n'importe quoi. Selon ce scénario de récession, fondé sur les chiffres présentés ici aujourd'hui, les paiements relatifs à l'équité salariale élimineraient l'ensemble de l'excédent financier.
Je tente simplement de faire un rapprochement dans mon esprit et de comprendre votre point de vue. Vous dites qu'il faut faire les paiements relatifs à l'équité salariale. Mais si cela devait toucher le budget au point où cela empêcherait le gouvernement d'investir dans d'autres priorités, vous dites qu'il faut payer cette dette—à moins que je me trompe—, mais pas nécessairement à court terme.
M. Rob Hilliard: Non. Il faut régler cette dette à court terme.
M. Tony Valeri: Il faudra la régler à court terme, et donc au prix de tout autre investissement dans les soins de santé ou dans tout autre domaine dont nous avons parlé.
M. Rob Hilliard: Non, je ne crois pas que ce soit fidèle à ce que j'aie dit, bien que je puisse comprendre...
M. Tony Valeri: Je tente de comprendre. Je peux comprendre que vous souhaitiez régler la question d'une façon ou de l'autre. Je veux seulement préciser que nous sommes ici devant une question de compromis, malheureusement.
M. Rob Hilliard: Mais je ne suis pas certain que le compromis soit exactement comme vous le décrivez. Ce compromis ne respecte pas nécessairement les obligations du gouvernement fédéral en vertu de l'équité salariale ou des soins de santé. Je dis que la priorité numéro un est de respecter les obligations relativement à la décision rendue sur l'équité salariale. Ce doit être fait.
Si l'excédent financier est alors réduit à un niveau trop bas pour qu'il reste suffisamment d'argent pour stimuler l'économie et investir dans les soins de santé, je dis alors qu'il faut revoir nos priorités par rapport à tous les autres secteurs afin de s'assurer de trouver l'argent nécessaire.
M. Tony Valeri: Très bien. Donc, ce que vous dites, essentiellement, c'est trouvons ces autres 2 milliards de dollars ailleurs dans les poches du gouvernement pour l'investir dans les soins de santé.
M. Rob Hilliard: Si le fait de respecter la décision sur l'équité salariale entraîne ces résultats, oui.
M. Tony Valeri: Bien. C'est ce que je voulais comprendre. Donc, s'il faut utiliser complètement le dividende fiscal, vous suggérez de trouver 2 milliards de dollars additionnels dans les opérations du gouvernement pour financer les soins de santé.
M. Rob Hilliard: C'est exact.
M. Tony Valeri: Très bien. Je voulais être certain d'avoir bien compris.
M. Laurie Beachell: Je voudrais faire un commentaire rapide à ce sujet.
Ce que je vois dans votre question, c'est en quelque sorte «favorisons les pauvres». Ce n'est pas notre théorie de l'égalité. S'il y a eu inégalité dans le système, et que des travailleurs ont été pénalisés, nous croyons qu'il faut respecter la décision prise. Nous croyons également que le gouvernement du Canada a une obligation d'égalité devant le conseil et qu'il doit comprendre ce que signifie l'égalité pour tous les Canadiens. En tant que communautés cherchant l'égalité, nous ne voulons pas être opposés les uns aux autres et nous ne permettrons pas que cela arrive.
Nous ne voulons pas dire, d'accord, si vous donnez aux travailleurs, alors les handicapés seront écartés. Ce n'est pas ce que nous disons. Nous disons que le gouvernement a l'ultime responsabilité de garantir les droits des citoyens et l'égalité de tous les Canadiens, et qu'il doit trouver des façons de gérer cette question. Il ne s'agit pas d'un débat à savoir qui mérite le plus, parce que parler des plus méritants, c'est adopter une politique de discrimination.
M. Tony Valeri: Voici un commentaire juste. Je pense que le gouvernement aimerait faire toutes ces choses, et personne n'a l'intention de s'opposer les uns aux autres. Ce serait très noble de pouvoir faire toutes ces choses, mais la partie désagréable de cette chose...
Je pense que je devais poser cette question. À moins que nous ne soyons pas d'accord sur le principe que les gouvernements doivent maintenir des budgets équilibrés, alors je serais d'accord avec vous, mais si autour de la table nous sommes d'accord que les gouvernements doivent maintenir des budgets équilibrés et que nous ne voulons pas revenir à une situation de déficit permanent—en fait, nous nous trouvons à payer quelque 40 millions de dollars en intérêts en raison d'une dette qui s'est accumulée parce que les budgets n'étaient pas équilibrés—il faut alors faire face à ce genre de décisions.
Je ne veux pas en faire une question de compromis. Je voudrais être capable de faire tout ce dont nous avons parlé ici ce matin. La réalité c'est que si l'obligation qui est mise sur la table est d'une ampleur telle qu'elle peut faire disparaître le chiffre réel dont nous parlons en ce qui a trait au surplus à réinvestir, lorsque vous arrivez à la table, c'est le compromis que vous devez faire comme choix. Je ne veux pas placer les choses dans ce contexte, mais j'aimerais pouvoir entendre de votre part ce que le gouvernement devrait faire pour respecter ces autres obligations.
On a parlé de la taxe Tobin. Nous pourrons débattre de ce point à la Chambre, et j'attends ce moment avec impatience, mais selon la position mise de l'avant, nous devrions augmenter les taxes ou faire quelque chose pour obtenir des revenus additionnels pour réaliser les choses que chacun aimerait que nous réalisions.
M. Albert Cerilli: Le cadre, c'est les 3 milliards de dollars avec lesquels nous devons travailler. C'est pourquoi nous avons suggéré que si nous considérons la péréquation des taxes et des règles du jeu équitables, non seulement pour moi en tant que personne âgée, ou pour Rob dans son travail ou pour vous en tant que député, et que nous commençons à considérer la fiscalité du monde des affaires, je pense que vous constaterez qu'il y a une certaine équité à financer cela.
Vous entendrez probablement parler des 750 millions de dollars qui ont échappé au trésor parce qu'on a permis à un fonds de fiducie de sortir du pays. Ainsi, si 750 millions de dollars ont échappé à l'impôt, nous devrions fermer ces trous. C'est de là que viendra l'argent. Vous allez débattre en chambre de la taxe Tobin et j'en suis très heureux. La réaction des citoyens de ce pays sera intéressante quand, soudainement, nous aurons un débat pour savoir pourquoi l'entreprise X place des milliards de dollars un peu partout dans le monde et que les pays ne reçoivent aucun impôt sur cet argent et sur ce profit.
Je pense que c'est là que le débat aboutira, et c'est un commentaire légitime que vous avez fait afin de susciter ce genre de réaction de la part de ce groupe parce qu'il y a certainement de l'argent quelque part. C'est pourquoi lorsque nous mentionnons qu'il y a 60 millions ou 40 millions de dollars faits par quelque dictateur étranger, c'est de l'argent qui circule dans le monde qui a été investi dans ce pays par des sociétés et ainsi de suite. Notre pays mérite des règles plus équitables pour ce qui est de recevoir des impôts du monde des affaires.
M. Tony Valeri: Il faut donc resserrer les règles fiscales et trouver l'argent et les revenus.
M. Rob Hilliard: Votre commentaire élargit considérablement la discussion...
M. Albert Cerilli: Absolument.
M. Rob Hilliard: ...et il sera difficile de lui rendre justice dans une courte période de temps, mais je crois que je renforcerais l'affirmation faite précédemment. Je ne conçois pas qu'il faille choisir entre le respect d'obligations juridiques et morales envers vos employés et la restauration des services aux niveaux connus antérieurement.
Si c'est le genre de choix que vous envisagez, je dis que c'est un mauvais choix. Je dis que vous devez respecter vos obligations et que par la suite si vous n'avez pas assez pour faire ces autres choses, vous prenez une perspective d'ensemble, en y incluant le régime fiscal et toutes les décisions du gouvernement en matière de dépenses.
Je ne peux pas vous donner immédiatement une réponse rapide à une question aussi large, mais je pense qu'il y a des façons de l'aborder, et qu'il y a des façons d'établir des priorités...
M. Tony Valeri: Bien, outre le commentaire au sujet du resserrement du régime fiscal et de l'augmentation des revenus, le gouvernement, essentiellement, est engagé dans trois grands secteurs de dépenses: les transferts aux provinces, les transferts aux personnes et l'intérêt sur la dette.
À l'exception de ces trois grands secteurs, vous pouvez examiner le gouvernement—et je suis certain que M. Epp aura un tas d'exemples—et les choses qui vont au gouvernement qui rapporteront beaucoup d'argent, mais cela ne vous donnera par le genre d'argent qui permettra de régler le grand nombre de problèmes dont nous parlons ici.
• 1300
Plus tôt aujourd'hui, M. Nystrom a mentionné que les dépenses
de programmes du gouvernement représentent le même pourcentage du
PIB qu'en 1949. Il y a eu de réelles coupures dans les opérations
du gouvernement, personne ne nie cela. Je ne suis pas certain qu'un
commentaire qui dit que vous pouvez considérer l'ensemble de la
situation et faire de nouvelles répartitions au sein des programmes
existants pour en donner plus ailleurs est quelque chose que
beaucoup de gens attendent, étant donné que cela a déjà été fait.
Je veux poursuivre, pourtant, parce que j'accepte ce que vous avez dit.
M. Albert Cerilli: N'abandonnez pas, malgré tout, car vous avez élargi le débat, ce qui est très intéressant. Je pense que c'est très important.
Le temps est maintenant venu de se rasseoir et de regarder dans le miroir pour voir où nous voulons aller. Où voulons-nous emmener ce pays? Où voulons-nous emmener cette planète?
Je suis d'accord, c'est pourquoi nous n'avons jamais choisi les mots pour séparer ce groupe ou quelque chose d'autre. Nous parlons du monde des affaires comme d'un commissaire-priseur qui dit aux provinces, vous me donnez ce dégrèvement fiscal et je m'installe dans votre province. C'est de la vente aux enchères, et ce n'est pas juste. Il doit y avoir des règles.
Je fais seulement un commentaire sur le fait que, oui, ce débat peut se poursuivre toute la journée, et que j'aimerais rester avec vous, mais comme je l'ai dit, j'ai un engagement.
C'est un point très intéressant que vous avez soulevé en élargissant le débat. Il existe des modalités pour le faire. Continuons de regarder dans le miroir et de réfléchir d'abord afin que nous puissions dire: «C'est ici que nous devons arrêter.»
M. Tony Valeri: Bien.
Monsieur Hilliard, l'autre point que je voulais aborder concerne votre commentaire à l'appui du principe d'une structure indépendante relativement au programme d'assurance-emploi. Je veux m'assurer que je comprends correctement. Cette structure indépendante pour le programme d'assurance-emploi supposerait la constitution d'un conseil qui réunirait employeurs et employés qui, pour l'essentiel établiraient les primes, détermineraient les avantages et, essentiellement, administreraient le programme. Dans cette structure, vous préconisez également que le gouvernement ne s'occuperait plus du programme d'assurance-emploi, qu'il serait fondamentalement retiré du gouvernement et géré par une organisation indépendante.
Est-ce bien ce que vous proposez pour l'assurance-emploi?
M. Rob Hilliard: En majeure partie, oui.
M. Tony Valeri: Donc, si dans les faits il survenait un manque à gagner ou un revirement économique inattendu, et que ce programme se trouverait en quelque sorte en situation de déficit, vous considérez que le gouvernement ne devrait pas être là pour s'assurer que ceux qui ont payé aient droit aux prestations.
M. Rob Hilliard: Je crois que si le fonds était administré par un groupe bipartite, on s'assurerait que les primes soient établies à un niveau qui tienne compte de ce genre de conjoncture. Il se pourrait que quelque événement inattendu arrive et qu'un déficit soit créé, mais le groupe qui administrerait le fonds devrait alors s'occuper de gérer ce déficit et de trouver l'argent, soit en augmentant les primes ou en empruntant en attendant l'amélioration de la conjoncture économique, ou un mécanisme de ce genre.
Mais, fondamentalement, oui, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas fonctionner de cette façon.
M. Tony Valeri: Vous accepteriez une situation avec une commission de type indépendant où advenant une détérioration de la conjoncture économique et un déficit dans le programme qui empêcherait de verser des prestations, vous accepteriez une augmentation des primes? Ce serait dans la pire période d'un cycle économique.
M. Rob Hilliard: C'est une réaction possible. On peut aussi réagir en empruntant de l'argent à court terme et en le remboursement lorsque la conjoncture économique s'améliore. Il y a un certain nombre d'autres possibilités...
M. Tony Valeri: Emprunter de l'argent de qui?
M. Rob Hilliard: Peut-être du gouvernement fédéral, peut-être des institutions bancaires.
M. Tony Valeri: Oh. Alors le gouvernement aurait encore un rôle à jouer.
M. Rob Hilliard: Je parle ici de possibilités. Vous parlez d'une situation hypothétique...
M. Tony Valeri: Oh, non, ce n'est pas une hypothèse, en réalité, je parle d'une proposition qui a été mise sur la table. C'est une proposition dont on fait la promotion en dehors d'ici, en raison du soi-disant manque de transparence, des individus se présentent en disant qu'ils veulent plus de transparence, et un fonds séparé et un programme séparé. Cette séparation du gouvernement s'assortit d'autres formes de risques; vous avez donc une situation complètement indépendante.
Si le gouvernement doit d'une quelconque façon répondre de ce programme, alors le vérificateur général ne permettra pas que ce programme soit géré à l'extérieur du gouvernement. Il devra faire partie des recettes consolidées si le gouvernement, d'une façon ou d'une autre, s'engage à garantir le programme. C'est le problème auquel nous sommes confrontés.
Je veux seulement être certain de comprendre que s'il est indépendant, il est complètement indépendant, et que le gouvernement ne prend aucun engagement.
M. Rob Hilliard: Je comprends votre point de vue. J'imagine que si c'est le choix qu'il faut faire, oui, je crois que j'appuierais cette position.
M. Tony Valeri: Vous appuieriez cela.
M. Rob Hilliard: Oui, je le ferais.
M. Albert Cerilli: En plus de cela...
Le président: Laurie Beachell.
M. Albert Cerilli: Bien sûr.
M. Laurie Beachell: Ce n'est qu'un bref commentaire.
Vous avez parlé de transparence. La raison qui a pu nous permettre d'en arriver à ce point est le manque de transparence. La raison qui a pu permettre d'en arriver à ce point est le manque d'engagement de la part des citoyens pour déterminer les politiques relatives à l'assurance-emploi. La raison pour laquelle les citoyens demandent l'indépendance par rapport au gouvernement est peut-être parce qu'ils croient que le gouvernement ne les écoute pas.
Je pense que c'est ce qui arrive pour les politiques sociales, alors que si nous avions eu un processus, un partenariat, où nous avions commencé à travailler sur ces choses, et que les gens s'étaient sentis engagés dans le processus, dans la recherche de solutions, je ne pense que nous aurions aujourd'hui des demandes de séparation et d'autonomie et d'éloignement du gouvernement. Mais vous récoltez ce que vous avez semé.
Le président: Monsieur Cerilli, un commentaire final.
M. Albert Cerilli: Oui, c'est un commentaire final.
Je le répète, vous avez élargi le débat, et je pense que c'est excellent. Je pense que ce que nous devons faire, c'est de dire, OK, puisque...
Qu'y a-t-il dans le fonds actuellement, 20 milliards de dollars, selon les estimations?
M. Tony Valeri: Il n'y a en fait pas de fonds distinct.
M. Albert Cerilli: Bon. Dans le compte des recettes générales.
M. Tony Valeri: Ce sont les recettes consolidées.
M. Albert Cerilli: Bien sûr.
En plus de ce qui a été dit, les gens considèrent, comme je l'ai dit précédemment, que c'est un moyen de réduire leur participation dans cette chose sans aucun avantage. Je pense que si la transparence montre qu'il y a des avantages... C'est pourquoi nous parlons d'une situation tripartite—travailleurs, entreprises et gouvernement—qui établirait ces règles. Si le gouvernement doit jouer un rôle, en raison de ce qui a été dit, je pense que cela fait aussi partie du débat.
M. Tony Valeri: Je suis entièrement d'accord avec ce que vous avez dit à propos du rôle du gouvernement. La difficulté que je vois a trait à la question des recettes consolidées—c'est dans les recettes consolidées ou c'est dans un fonds distinct—si nous voulons constituer un fonds distinct, le gouvernement ne peut jouer un rôle, parce que le vérificateur général ne lui permettra pas de jouer un rôle.
M. Albert Cerilli: Nous comprenons cela. Mais, je pense que ce sont les mécaniques du débat dans...
[Note de la rédaction: Inaudible]... et s'il doit y avoir un fonds désigné, vous pouvez avoir un fonds désigné provenant des taxes sur les carburants pour réparer les routes et les autoroutes de ce pays qui sont en train de se détériorer. Nous faisons la promotion d'un fonds distinct depuis des années, mais personne n'écoute. Je crois que certaines personnes y repensent et se disent qu'elles auraient peut-être dû écouter, parce que nous devons réparer nos infrastructures, nos égouts et nos circuits d'alimentation en eau.
Il existe toutes sortes de mécanismes, et je pense que sur le point qui a été soulevé à l'effet de faire participer le public, je pense que des spécialistes peuvent considérer la question pour voir ce qui peut être fait.
Le président: Merci beaucoup.
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier. Comme vous le savez, comme nous parcourons tout le pays, il est évident que nous devons faire face à bien des difficultés et des choix.
Je ne faisais qu'additionner certaines des promesses. Si nous acceptions tout ce qui nous a été demandé aujourd'hui, cela nous coûterait entre 20 et 25 milliards de dollars. La difficulté est plutôt évidente.
Mais je pense monsieur Cerilli—en réalité, tout le monde—a parlé de la question d'une vision, c'est important pour vraiment commencer à peindre un tableau de l'avenir, de quel genre d'avenir nous voulons pour nos petits-enfants et pour les prochaines générations de Canadiens. C'est un point sur lequel nous devons insister encore et encore dans la préparation du présent budget et des budgets à venir.
Pour n'importe quel pays, il est plutôt difficile d'avancer sans sens de l'orientation. Ce n'est pas que je veux dire que ce pays n'a pas le sens de l'orientation, parce que bien franchement, lorsque vous comparez ce pays avec la vaste majorité des pays, nous nous en tirons extrêmement bien.
Donc, au nom du comité, je vous remercie infiniment de nous avoir fait part de votre point de vue. Vous pouvez être certain que comme pour toutes les autres consultations prébudgétaires, vos points de vue sont considérés sérieusement et sont habituellement intégrés au rapport du ministre des Finances.
La réunion est suspendue.
Le président: Nous allons reprendre nos travaux. J'en profite pour souhaiter la bienvenue aux représentants des groupes suivants: Union of Manitoba Municipalities; Infrastructure Council of Manitoba; Institut Jacks; Université de Brandon; Canadian Association of the Non-employed; Entreprises Ramboc; Groupe ShaMay. Ce sont les témoins qui sont prévus au programme de la réunion.
Comme vous le savez probablement, vous disposez de cinq à sept minutes pour livrer votre exposé, puis nous passons à une période de questions.
Nous allons commencer par le président de l'Union of Manitoba Municipalities, Jack Nicol, et le vice-président, Wayne Motheral.
Bienvenue
M. Wayne Motheral (vice-président, Union of Manitoba Municipalities): Merci.
Bonjour.
L'Union of Manitoba Municipalities représente 172 municipalités, soit 118 municipalités rurales et 54 municipalités urbaines. Le mandat de notre organisation est d'agir au nom de nos membres pour susciter des changements, par la voie législative ou autrement, qui renforceront la vigueur et l'efficacité des municipalités.
Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de vous rencontrer aujourd'hui pour mettre en relief deux points qui devraient, selon nous, constituer des priorités pour le prochain budget du gouvernement du Canada.
• 1435
Le premier a trait au programme national d'infrastructure. Il
y a environ 18 mois, le gouvernement fédéral et les provinces ont
signé une entente par laquelle des fonds supplémentaires étaient
versés au programme initial Travaux d'infrastructure Canada. Le
partenariat entre les gouvernement fédéral, provinciaux et
municipaux a donné lieu à un programme extrêmement efficace qui
remplissait les objectifs de création d'emplois et d'amélioration
des infrastructures au Canada.
Au Manitoba, nous avons été particulièrement chanceux parce que des municipalités étaient représentées au comité de gestion du programme d'infrastructure, qui faisait les recommandations au sujet des projets. De plus, les municipalités étaient les promotrices de ces projets et elles participaient à part égale au financement. Nous croyons que cette façon de faire a contribué à ce que le Manitoba soit l'une des provinces où ce programme a eu le plus de succès. En fait, dans son évaluation du programme d'infrastructure, le Conseil du Trésor a conclu que la composante locale était l'un des facteurs clés du succès du programme, parce que les priorités étaient établies par ceux qui sont le plus près du vrai problème.
À un moment où il y a un degré élevé de cynisme à l'endroit des activités gouvernementales, le programme d'infrastructure est un bon exemple d'investissement de la part du gouvernement et de collaboration, qui a donné lieu à des avantages à court et à long terme pour les collectivités canadiennes.
Au total, l'investissement dans les infrastructures au Manitoba s'est chiffré à 245 millions de dollars, soit 600 projets et plus de 4200 emplois. Plus de 50 p. 100 des projets faisaient partie du domaine des infrastructures traditionnelles, en particulier, les routes et les ponts ainsi que les systèmes d'égout et d'aqueduc.
Il est aussi important de faire ressortir que les trois niveaux de gouvernement ont bénéficié d'un rendement sur leur investissement initial par l'augmentation des recettes fiscales. En fait, des trois niveaux de gouvernement, seul le gouvernement fédéral reçoit un dollar complet en recettes pour chaque dollar dépensé dans le programme.
Malgré le succès du premier programme, il y a encore un besoin essentiel d'investissement pour continuer de réparer et d'entretenir l'infrastructure de base au Canada, comme les routes, les ponts, les systèmes d'égout et d'aqueduc et le prolongement du réseau de gaz naturel. Pour ces raisons, nous appuyons fortement la création d'un nouveau programme majeur d'infrastructure par le gouvernement fédéral, programme par lequel les gouvernements provinciaux et municipaux joueraient un rôle égal quant au financement et au choix des projets.
Maintenant, pour ce qui est du programme relatif au réseau routier national, nulle part ailleurs que dans le Canada rural l'incidence des décisions fédérales ne sont plus visibles que dans le domaine du transport. Les routes représentent évidemment l'un des champs les plus importants de la responsabilité municipale et sont une des principales préoccupations de nos membres. Depuis un certain nombre d'années, la circulation des camions, due entre autres à l'abandon de lignes ferroviaires, au regroupement des élévateurs et à l'élimination des avantages découlant de la politique relative au transport du grain de l'Ouest, a considérablement augmenté, ce qui a des conséquences significatives sur les routes et les autoroutes du Manitoba et des Prairies.
Au cours des dernières années, il y a eu une croissance significative du nombre et du poids des camions. Cette tendance est aggravée par l'augmentation du poids des camions et des distances de transport. En fait, au cours d'une récente réunion avec l'Institut des transports de l'Université du Manitoba, il a été confirmé que l'augmentation des camions en circulation est le principal problème auquel font face les provinces des Prairies en matière de transport.
Les conséquences de cette augmentation du camionnage deviennent de plus en plus évidentes lorsque l'on regarde l'état de l'infrastructure routière. Une route dont la durée de vie était auparavant évaluée à 20 ans dure maintenant seulement 8 ans. De plus, plus de la moitié des routes en béton d'asphalte ont dépassé leur durée de vie théorique, ou sont en train de la dépasser.
Les quatre provinces de l'Ouest estiment que les effets cumulatifs de l'augmentation des camions et des distances représentent de 30 à 50 millions de dollars par année pour l'entretien des routes locales et provinciales. De plus, les provinces évaluent que le réseau routier nécessitera un investissement initial se situant entre 600 millions de dollars et un milliard de dollars pour répondre aux besoins découlant de l'augmentation de la circulation pendant les 20 ans de durée de vie d'une route.
Un bon nombre de ces conséquences sur les routes résultent des décisions du gouvernement fédéral relativement à l'agriculture et au transport. De plus, ces incidences surviennent à un moment où le soutien fédéral aux infrastructures de transport dans les Prairies diminue. Ainsi, l'UMM—Union of Manitoba Municipalities—et d'autres partenaires ont exprimé leurs inquiétudes en rapport avec les prévisions de dépenses de Transport Canada. Les prévisions jusqu'en 2003 montrent que plus de 98 p. 100 du financement sera dirigé vers l'est du Canada.
Les changements apportés relativement au transport agricole ont des conséquences plus grandes que celles que les municipalités et les gouvernement provinciaux sont en mesure de soutenir. Nous croyons fermement qu'il est essentiel que le gouvernement fédéral assume davantage de responsabilités en regard du réseau de transport des Prairies.
• 1440
En conséquence, l'Union of Manitoba Municipalities appuie la
création d'un fonds national pour le transport, qui serait financé
par les recettes provenant des taxes sur les carburants. Le
gouvernement fédéral retire plus de 5 milliards de dollars par
année en recette provenant des taxes sur les carburants. De ces
5 milliards de dollars, le gouvernement dépense environ 13 millions
de dollars dans les provinces de l'Ouest. Au Manitoba, l'estimation
des recettes provenant des taxes sur les carburants est de plus de
140,7 millions de dollars, alors que la contribution fédérale aux
autoroutes au cours des dernières années se situe entre 3 millions
de dollars et zéro.
Dans le passé, le gouvernement fédéral a décrété que les taxes sur les carburants seraient versées aux recettes générales et qu'elles ne constituaient pas une source de revenus destinés à un domaine précis. Cependant, cette position ne tient tout simplement pas compte du piètre état de l'infrastructure routière au Canada.
Il est ironique qu'un pays comme le Canada, qui compte sur une infrastructure routière pour parcourir de vastes distances, soit le seul grand pays industriel à ne pas avoir une forme de programme national relativement au réseau routier. Ce problème devient particulièrement important lorsque l'on considère l'investissement massif que fait notre voisin, les États-Unis, notre principal concurrent sur le plan économique.
Les autoroutes vont jouer un rôle de plus en plus vital pour notre économie au fur et à mesure que les changements surviennent dans les domaines de la transformation à haute valeur ajoutée et du transport des produits agricoles. Nous croyons fermement que le financement des infrastructures ne doit pas être considéré en concurrence avec d'autres priorités gouvernementales en matière de financement. Il faut plutôt le considérer comme élément crucial pour le succès et la compétitivité de l'économie canadienne. Nous demandons donc instamment au gouvernement fédéral de considérer la mise en place d'un fonds national pour le transport.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Motheral.
Nous entendrons maintenant le président du Infrastructure Council of Manitoba, M. Chris Lorenc, et le président du conseil, M. Dave Harrison.
M. Dave Harrison (président du conseil, Infrastructure Council of Manitoba): Merci et bonjour.
Je vais prendre un moment pour présenter l'ICM, vous dire qui nous représentons et pourquoi nous sommes ici essentiellement.
L'ICM est un conseil d'associations, si vous voulez. Il regroupe des associations assez diversifiées et constitue un groupe assez diversifié. Nous comptons des ingénieurs, divers groupes de contractuels, des membres de l'industrie de la construction lourde—Winnipeg Construction Association, Centra Gas et CP Rail, pour n'en nommer que quelques-uns—et des associations de camionneurs. Nous représentons environ 40 000 emplois et environ 1200 employeurs au Manitoba.
Le mandat de l'ICM est de développer et de promouvoir la compréhension, l'acceptation et le soutien de la part du grand public et du gouvernement pour les politiques d'investissement, de renouvellement et d'entretien des infrastructures, en tenant compte des dimensions sociale, environnementale et financière.
Notre définition de ce qu'est une infrastructure est très large. Ce n'est pas seulement une question de routes, de rues et d'égouts. Bien sûr ce sont des composantes importantes, mais nous pensons qu'infrastructure signifie aussi les édifices publics, les écoles et les hôpitaux. C'est vraiment tout ce qui touche la vie de tous les jours des citoyens canadiens. C'est très important pour ce pays.
Pour paraphraser pendant un moment ce qu'a dit le premier ministre à ce sujet il y a cinq ou six ans—et je peux me souvenir de son apparition à la télévision disant combien les infrastructures étaient importantes pour le pays—lorsque les gens voient des camions pleins de béton roulant sur la rue, ils se sentent bien; lorsque les gens voient que leurs ponts, leurs rues et leurs immeubles sont bien entretenus, ils se sentent bien. Cela a une influence sur leur façon de penser et sur la façon dont ils dépensent leur argent, et c'est bon pour l'économie en général. Nous croyons que c'est vrai.
Si le premier ministre y croit toujours, et si vous y croyez aussi, il est très important de transmettre ce message à Ottawa pour obtenir de l'argent afin que ces programmes soient maintenus d'une façon efficace.
J'aimerais maintenant passer le micro à Chris Lorenc, qui parlera d'éléments précis de notre mémoire.
Merci.
M. Chris Lorenc (président, Infrastructure Council of Manitoba): Merci beaucoup.
Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Il me fait plaisir de comparaître devant ce comité.
Il y a environ un an, nous avons eu la possibilité de faire un exposé similaire au Comité permanent sur le transport où nous avons traité de l'ensemble de la notion de politique nationale en matière d'infrastructure.
Nous avons distribué deux documents. Le premier est un document plutôt important à première vue et s'intitule National Infrastructure Policy (NIP): A Sustained Commitment, daté de janvier 1998. J'aimerais d'abord vous dire de ne pas vous laisser impressionner par le volume, parce qu'il y a 10 ou 12 annexes qui servent à renforcer le message contenu dans le mémoire de 11 pages.
Le second document s'intitule tout simplement National Infrastructure Policy: A Sustained Commitment, et il a été rédigé en vue de son exposé à votre comité.
• 1445
Comme M. Harrison l'a indiqué, le Infrastructure Council of
Manitoba est un organisme à but non lucratif qui veut travailler
avec le gouvernement—sans égard à la bannière politique—ainsi
qu'avec le public pour favoriser une meilleure compréhension de la
nécessité d'investir dans les infrastructures au Canada.
Nous applaudissons le gouvernement fédéral qui a, et c'est tout à son honneur, réussi à éliminer le déficit budgétaire et qui prévoit maintenant un surplus de plus de 5 milliards de dollars—et en croissance—au cours des prochaines années, sur une base soutenue.
Autant il est important pour le gouvernement fédéral et pour tous les niveaux de gouvernement de s'attaquer aux déficits budgétaires, autant nous croyons que le déficit sur le plan des infrastructures, le deuxième déficit, est d'une égale importance. Le déficit dans les infrastructures est l'écart entre ce que ce pays investit dans les infrastructures et ce qu'il devrait investir de façon conservatrice.
Bien avant 1993, lorsque le programme a été annoncé, les premiers ministres et les ministres des finances ainsi que ceux des transports ont régulièrement fait valoir qu'un programme national d'infrastructure était essentiel. Cette position, exprimée dans les lignes directrices adoptées lors des conférences annuelles successives des premiers ministres, est appuyée par des intervenants à l'échelle nationale, comme les organismes suivants: Fédération canadienne des municipalités; Association des transports du Canada; Association des ingénieurs-conseils du Canada. Et la liste se poursuit; vous la trouverez à la page 2 du mémoire plus bref.
Donc en réalité, la question qui vous est soumise en tant que parlementaires, ainsi qu'à toute la nation, n'est pas de savoir si nous devons avoir une politique nationale en matière d'infrastructure, mais plutôt, de quelle façon peut-elle être articulée et mise en application?
Selon nous, il n'est plus possible que le pays ignore tout simplement le problème. Personne ne peut évaluer précisément, comme pour une science, la taille du déficit canadien en matière d'infrastructure, mais dans un rapport préparé en 1996, la Fédération canadienne des municipalités évaluait que le déficit concernant les infrastructures municipales était aux environs de 44 milliards de dollars. Un article écrit par M. Mirza, ingénieur civil de McGill, laisse entendre qu'il pourrait facilement grimper à 300 milliards de dollars au cours des 5 à 10 prochaines années si nous ne faisons rien en tant que nation.
En ce qui a trait aux autoroutes, un récent rapport, mettant à jour des études effectuées en 1988, élaboré par l'Association des transports du Canada conjointement avec les gouvernements fédéral, provincial et territoriaux, faisait passer ce nombre évalué antérieurement à 12 milliards de dollars à 17 milliards de dollars.
Donc, la question n'est pas de savoir si nous le faisons ou non, mais comment nous le faisons.
Assez souvent, malheureusement, on entend de la part des politiciens fédéraux que les autoroutes relèvent de la compétence provinciale et que le gouvernement fédéral ne devrait pas, selon cet argument, contribuer de façon substantielle à l'échelle nationale à un secteur qui est de compétence provinciale. Sauf le plus grand respect, nous ne sommes pas d'accord. Ce n'est pas un argument qui justifie de façon adéquate l'absence du gouvernement fédéral.
Tous les membres de ce comité, tous les membres du Parlement et tous les étudiants en histoire du Canada reconnaissent que la compétence n'a jamais constitué une entrave pour s'attaquer aux besoins nationaux. Ce pays a été construit et ses principaux attributs lui ont été conférés comme conséquence du leadership et du partenariat financier impliquant le gouvernement fédéral, en ne tenant à peu près pas compte de la compétence fédérale-provinciale.
Le premier système de transport national du Canada, la ligne principale du CP d'un océan à l'autre, a cimenté la capacité de ce pays à se former. Ce projet d'envergure supposait le financement fédéral et le leadership fédéral.
Le premier réseau d'autoroutes au Canada, la route transcanadienne, a été construit grâce au financement et au leadership du gouvernement fédéral.
La création des Lignes aériennes Trans-Canada, aujourd'hui Air Canada, le Canadien national, le tarif du Nid-de-Corbeau, le système des soins de santé, l'assurance-emploi, le régime de pension du Canada, le financement fédéral en matière d'éducation et bien d'autres programmes, constituaient une réponse fédérale à un besoin national, qui, sans le financement et le leadership du gouvernement fédéral, n'aurait jamais été comblé.
C'est vrai aujourd'hui avec la nécessité d'un programme national d'infrastructure mettant l'accent sur trois éléments: le déficit des infrastructures municipales; la nécessité d'un réseau routier national stratégique; des investissements stratégiques en matière d'infrastructure. Ensemble, ces trois éléments représentent un énorme besoin national réel—pas inventé—auquel on ne peut s'attaquer adéquatement que si le gouvernement fédéral dirige ce projet, établit les paramètres du programme et encourage les provinces à s'impliquer, comme il l'a fait de façon extraordinaire avec le populaire programme Travaux d'infrastructure Canada.
• 1450
Mettez au défi les premiers ministres de ne pas participer
s'ils le choisissent. Ils devront expliquer à leurs électeurs
pourquoi leur province a choisi de ne pas participer dans un
programme fédéral destiné à établir des normes nationales.
Donc, respectueusement, le problème n'est pas la compétence. C'est une question de volonté politique et de leadership, et nous croyons que le gouvernement fédéral doit démontrer cela. La meilleure façon de le démontrer, c'est par le budget fédéral.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lorenc.
Nous entendrons maintenant Mme Evelyn Jacks de l'Institut Jacks.
Bienvenue.
Mme Evelyn Jacks (présidente, Institut Jacks): Merci beaucoup.
Je ne prendrai qu'un petit moment pour vous dire ce qu'est l'Institut Jack. Notre entreprise est connue comme chef de file dans le domaine de la formation de conseillers fiscaux. Nos étudiants sont des comptables fiscalistes et des planificateurs financiers de tout le pays qui travaillent avec des gens qui ont des difficultés à préparer leur déclaration d'impôt ainsi qu'en matière de planification fiscale.
Notre exposé suit de près les quatre questions que vous avez posées.
La première question avait trait à nos idées relativement aux priorités par rapport au dividende fiscal, et nous en avons plusieurs sur le sujet. Premièrement, 45 milliards de dollars en paiements annuels d'intérêt sur la dette fédérale est vraiment un montant inacceptable. Ces paiements ont des incidences sur les dépenses de programmes et imposent aux prochaines générations, qui constitueront une assiette fiscale moins grande, un fardeau fiscal énorme. Si les taux d'intérêt devaient augmenter, il y aurait alors une pression encore plus grande sur un gouvernement déjà aux prises avec le vieillissement des baby-boomers.
La solution, c'est de réduire la dette que nous avons accumulée au fil des ans, qui dépasse un demi-billion de dollars, mais ceci doit se faire graduellement au cours des 10 à 20 prochaines années. Nous croyons qu'à l'avenir le déficit dans les dépenses ne devrait plus être permis, et qu'il faudrait légiférer en ce sens.
Tout surplus du dividende fiscal devrait principalement être investi dans la recherche médicale, dans les gens les plus compétents afin qu'ils prennent la responsabilité des personnes malades et handicapées ainsi que dans la plus récente technologie qui permette d'effectuer ces recherches.
Les communications à l'échelle mondiale doivent être stimulées par l'entremise de l'économie et du système d'éducation. Il faut que les Canadiens puissent facilement accéder à cette technologie depuis leur domicile que ce soit pour les fins du travail, de l'éducation ou des finances personnelles.
Finalement, le Canada, fort de son héritage culturel unique, devrait être un leader dans les domaines artistique, théâtral et musical. Les initiatives en prévision de l'an 2000 constituent un bon point de départ pour encourager tant les jeunes que les personnes âgées à apporter leur contribution en temps, en énergie et en créativité pour la renaissance culturelle au Canada.
Vous avez ensuite demandé comment l'impôt et les stratégies d'investissement pourraient être utilisés pour accomplir ces choses. Nous avons plusieurs idées là-dessus. Tout d'abord, de façon à continuer de soutenir les coûts des soins de santé, pour encourager l'augmentation des soins à domicile pour les personnes âgées et les personnes malades, et pour continuer de bonifier les crédits d'impôt, comme le gouvernement l'a fait au cours des derniers budgets, pour les fournisseurs de soin et ceux qui font face à des dépenses médicales élevées, vous pourriez songer à considérer, par exemple, la possibilité de réclamer sur la même déclaration d'impôt le crédit d'impôt pour handicapés et un crédit pour les soins à plein temps dans une maison de repos et à enlever la limite de 3 p. 100 du revenu net pour les frais médicaux.
De plus, les médecins et les autres professionnels de la santé, qu'ils soient employés ou autonomes, devraient pouvoir réclamer des déductions d'impôt lorsqu'ils utilisent des fournitures médicales dans l'exercice de leurs fonctions ou en service privé.
À l'avenir, les soins palliatifs seront un gros problème en raison du vieillissement des baby-boomers. Le gouvernement fédéral doit aider les gouvernements provinciaux à offrir de meilleurs services aux personnes malades et aux personnes mourantes. Le partage des coûts doit être introduit pour offrir aux hôpitaux du financement pour les 10 prochaines années, pour recruter des médecins spécialisés dans les soins palliatifs à domicile et pour permettre à ces gens de travailler directement au sein de la collectivité. Il faut recruter des médecins et des infirmières spécialisés en soins palliatifs et en soins à domicile, et de la formation doit être donnée aux familles qui doivent aider à la prestation de soins palliatifs ou de soins à un malade chronique.
Dans le domaine de la médecine préventive, on utilise abondamment les installations thermales et d'autres formes de soins en Europe pour aider le malade à retrouver une vie normale. Le secteur privé doit être encouragé par des incitatifs fiscaux, tels que la déduction pour amortissement accéléré, à participer à la prestation des soins aux malades et aux handicapés.
En prévision de l'an 2000, une grande étape, peut-être que le gouvernement fédéral pourrait proposer une nouvelle vision de la fiscalité pour l'an 2000 et les suivantes. Des idées pour «l'édification d'une société», comme les suivantes:
Pas d'impôt pour les pauvres: est-il logique d'imposer les pauvres? Actuellement, l'exemption personnelle de base est de 6456 $, soit environ 538 $ par mois. Est-il normal d'imposer les sommes d'argent gagnées au-delà de ce montant? Et jusqu'où?
• 1455
Pour ce qui est de soulager la classe moyenne, l'initiative
du millénaire prise par le gouvernement devrait clairement servir
à donner de l'argent neuf aux consommateurs. Une façon d'y
arriver, c'est de restaurer l'indexation complète des taux
d'imposition, des crédits d'impôt personnels et des crédits
d'impôt remboursables au-delà d'un certain seuil de revenus.
Pour encourager la créativité chez les jeunes entrepreneurs, on devrait considérer la possibilité de mettre sur pied un programme de prêt à l'entreprise pour les jeunes entrepreneurs qui serait accessible aux diplômés des programmes de technologie et d'études commerciales offerts par les institutions postsecondaires du pays; ce programme pourrait être couplé avec un programme d'encadrement. Il serait bon aussi d'encourager les entreprises commerciales socialement responsables et la participation des employés, en s'orientant davantage vers les fonds de capital de risque de travailleurs.
Nous constatons aussi, en particulier au sein de l'industrie de la fiscalité, que les personnes âgées sont pressurées par la combinaison de taux d'imposition élevés et de faibles taux d'intérêt. Le gouvernement pourrait considérer la mise en place d'un crédit d'impôt pour intérêts de 1 000 $ pour les aider un peu.
On pourrait aussi considérer la mise en place d'une aide fiscale pour ceux qui participent à la vie de leur collectivité en instaurant un crédit remboursable pour le bénévolat pour chaque heure consacrée au service communautaire. Ce serait un moyen pour les personnes très pauvres de faire leur part.
Nous voulons aussi parler d'une initiative que l'on appelle Renaissance 2000, qui accorderait une déduction fiscale à ceux qui contribuent à l'éducation culturelle, aux arts, à la recherche médicale et à d'autres secteurs entre maintenant et 2001.
Finalement, nous aimerions faire la promotion de l'équité fiscale par des changements aux conventions fiscales. Nous aimerions négocier une augmentation du prix de base rajusté des biens sujets aux règles relatives aux nouvelles initiatives au Canada pour éviter que la double imposition existe à l'avenir lorsque des non-résidents vendent leurs actifs canadiens.
Pour ce qui est de la question 3—aider les Canadiens à tirer parti de la nouvelle ère découlant du budget équilibré—nos idées sont essentiellement les suivantes. Un obstacle à une société sans problèmes que la nouvelle ère peut créer est le fardeau d'une dette impossible à gérer. Peut-être que la meilleure façon pour le gouvernement d'aider les Canadiens à profiter des possibilités futures consisterait à prendre des mesures pour gérer la dette et à prendre en même temps un engagement envers les contribuables à l'effet qu'un système de soins de santé moderne et complet est prévu les personnes âgées dont le nombre augmente.
Pour garantir un large éventail de possibilités d'emploi dans la nouvelle économie, le sujet de la question 4, nous proposons ce qui suit.
La nouvelle économie se trouve dans l'ère de la technologie de l'information. Les Canadiens, société bien instruite, sont prêts pour devenir des chefs de file mondiaux en cette ère. Notre isolement, d'une certaine façon, nous a aidés à intégrer la technologie, et notre sens de l'innovation et de la créativité peut nous aider à créer du travail au Canada et dans le monde entier. Il faut continuer de promouvoir le commerce international afin d'en faire une possibilité de réseau naturel pour nous tous.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Jacks.
Nous passons maintenant à M. George Harris, de Cho!ces: coalition pour la justice sociale.
Bienvenue.
M. George Harris (représentant, Cho!ces; coalition pour la justice sociale): Bonjour. Je représente une organisation appelée Cho!ces. Nous sommes une coalition pour la justice sociale ici au Manitoba.
Le nom lui-même, seulement à titre d'information pour ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas, vient du fait que nous reconnaissons que le gouvernement, peu importe la difficulté des circonstances, fait des choix, et le fait de façon régulière.
L'une des choses que j'ai trouvées assez intéressantes dans les exposés précédents est la référence au déficit des infrastructures.
Ce dont je vais d'abord parler aujourd'hui, c'est de la question des déficits et du fait que, de la façon dont nous voyons les choses, le gouvernement considère les déficits sous un seul angle, celui du déficit fiscal. Il ne regarde pas toute la variété des déficits que nous avons dans ce pays.
Ce n'est certainement pas quelque chose que vous pouvez mettre de côté. Vous êtes conscient du déficit fiscal, mais si vous concentrez toute votre attention sur le déficit fiscal et que vous mettez de côté les autres déficits, ceci entraîne des résultats tragiques. L'exemple du déficit des infrastructures en est un bon, mais j'aimerais vous en soumettre un autre. Vous pouvez extrapoler et continuer de chercher d'autres formes de déficit.
• 1500
Nous parlons du déficit social. J'expliquerai cela au moyen
d'un exemple assez simple, qui est très proche de mon domaine
d'emploi. Dans la vie, je m'occupe tous les jours de gens vivant
avec le VIH/sida. Le gouvernement actuel a accepté avec beaucoup
d'hésitation de consacrer des ressources à la prochaine étape de
la stratégie nationale concernant le sida. Certains sont d'avis
que ce sont de très grosses sommes à mettre dans une stratégie
nationale concernant le sida.
Je veux expliquer les conséquences de ne rien faire. Un rapport intitulé The Economic Burden of HIV and AIDS a été publié en novembre dernier. On y mentionnait que chaque nouveau cas de personne séropositive pour le VIH diagnostiqué engendre pour notre société un fardeau économique dont le coût futur sera de trois quarts de million de dollars. Par conséquent, compte tenu du fait que notre société compte cinquante mille séropositifs, il s'agit d'un terrible fardeau économique. C'est donc dire que plus longtemps nous restons là à ne rien faire—et je veux surtout dire du point de vue de la prévention—plus notre futur fardeau économique sera lourd.
Alors, pendant que nous insistons sur le déficit financier, il faudrait faire très attention de ne pas ignorer les autres formes de déficit. Je vous ai donné un exemple précis, celui des personnes séropositives pour le VIH et des sidatiques, mais je pourrais continuer et parler de la santé, de l'éducation et d'autres programmes.
Chaque année nous entreprenons une démarche avec le Centre canadien de recherche en politique de rechange. Nous discutons avec des gens de partout au pays. Nous tenons des ateliers d'un bout à l'autre du pays. Nous rencontrons des gens qui vivent dans la pauvreté et d'autres qui se penchent sur les divers besoins dans les domaines de la santé, de l'éducation et ainsi de suite. Nous établissons ce que nous appelons un budget fédéral de rechange. Vous en trouverez aujourd'hui un exemplaire de ce budget dans la documentation que nous vous avons fournie.
Nous n'aurons pas le temps d'aller au fond de toutes les questions. Je voudrais uniquement insister sur quelques-unes des questions auxquelles nous accordons de l'attention. Je veux tout simplement que vous sachiez que nous sommes très sensibilisés à l'importance de l'équilibre budgétaire.
Bon nombre de gens ont été très critiques à l'égard de certains d'entre nous et nous considèrent comme n'étant rien de plus qu'un autre groupe d'intérêt. Généralement parlant, notre travail a été mis de côté. Bien peu de nos idées font leur chemin jusque dans la politique du gouvernement.
Je vais passer aux autres questions sur lesquelles nous nous penchons: la croissance économique durable, le maintien des taxes fédérales spéciales dans leur totalité, la modification de la structure fiscale afin d'obtenir une plus grande équité fiscale dans l'ensemble, et sur ce point nous accomplissons une bonne somme de travail et la réduction de la dette fédérale, du taux de chômage officiel et du taux de pauvreté.
Nous pressons le gouvernement actuel de faire plus d'efforts pour tenir compte des nombreux aspects différents de notre société. Nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. La plupart des gens savent cela. Si vous examinez sérieusement la Déclaration universelle des droits de l'homme, vous constaterez qu'elle va bien au-delà des libertés civiles que nous considérons très souvent comme des droits de la personne. Les droits enchâssés sont le droit à de bons soins de santé et à une bonne éducation et le droit au travail et à suffisamment d'heures libres. De nos jours, les jeunes ont des heures de travail incroyablement longues parce qu'ils doivent travailler de plus en plus longtemps pour subvenir à leurs besoins.
Nous étudions cette question d'un point de vue beaucoup plus large que si nous mettions uniquement l'accent sur les déficits financiers, à mon avis. Selon les résultats des derniers mois, même si le gouvernement de notre pays a centré son attention sur les finances, celles-ci nous semblent plutôt chancelantes par rapport à l'économie mondiale et aux résultats de ces tout derniers temps.
• 1505
Et à mesure que le système capitaliste traverse son cycle de
forte expansion et de récession, nous sommes nombreux à nous
inquiéter beaucoup de ce qui se produira pendant notre prochain
cycle de ralentissement parce que nous travaillons tous les jours
avec des gens qui sont de fait aux prises avec une pauvreté qui
est—même dans notre prétendue période d'expansion—une misère
écrasante.
J'aimerais ne pas insister davantage sur ce point. Je vous invite fortement à étudier attentivement les propositions que nous avons mises de l'avant dans notre budget fédéral de rechange. Je tiens à souligner que nous avons présenté un budget fédéral de rechange pour montrer qu'il y a une autre solution. Ce n'est toutefois pas la seule solution. Il y en a beaucoup d'autres, et probablement autant qu'il y a de personnes dans cette pièce.
J'espère que vous lirez les propositions contenues dans ce document.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Harris.
M. C. Dennis Anderson, président de l'Université de Brandon, prendra maintenant la parole.
Soyez le bienvenu.
M. C. Dennis Anderson (président, Université de Brandon): Merci. Je vous prie d'excuser mon retard. Il faut à peu près deux heures et demie pour venir de Brandon et je n'ai été informé qu'au milieu de la matinée du changement d'heure de la réunion.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de présenter mon point de vue devant les membres du comité. Mon point de vue est celui de la communauté universitaire. Je n'exprimerai pas d'idées précises sur des mesures fiscales et je vous présente mes excuses pour cela. Il me fait plaisir de les écouter, mais mon intérêt particulier est le secteur universitaire. J'espère que vous me comprendrez.
Si je me propose de vous citer des statistiques concernant mon université, je veux aussi vous en communiquer quelques-unes du point de vue national et international. Bon nombre des idées que je présenterai dans mon exposé sont, j'en suis certain, partagées par mes collègues de tout le pays.
C'est agréable de voir le Canada dans une situation de surplus budgétaires et un comité venir nous demander ce que nous devrions faire avec le dividende fiscal. Je comprends que le dividende diminue à chaque jour en raison de la situation financière actuelle sur le plan international, mais il reste toujours de grandes possibilités d'aider quelques secteurs.
Je vous ai remis un document qu'il vous est possible d'obtenir pour vos recherchistes et vos rédacteurs. Pendant la courte période que je passerai avec vous, je voudrais insister sur les principales propositions figurant dans le document.
Les trois premières se rapportent au transfert social aux provinces, le transfert canadien pour la santé er les affaires sociales ou TCSAS.
En réalité, le problème c'est qu'au cours des années 90, et surtout au cours des trois ou quatre dernières années, le TCSAS, ou les vieux transferts aux provinces établis pour le financement des programmes, a diminué de près de 10 p. 100 passant d'environ 30 milliards de dollars à 25 milliards, ce qui a eu une incidence directe sur la réduction du financement de base des universités, parce que selon les dispositions de financement des programmes établies, ces fonds étaient destinés, théoriquement au moins, à la santé, à l'éducation et aux services sociaux.
Je propose premièrement que le gouvernement fédéral fasse tout ce qu'il peut pour se rappeler que le transfert social, le TCSAS, doit servir à l'éducation postsecondaire aussi bien qu'à la santé et aux affaires sociales.
Je suis spécialisé en marketing; c'est ma discipline scolaire et la question des étiquettes et des marques est souvent extrêmement importante dans le domaine du marketing. La conception de l'acronyme «TCSAS» a mis la santé à l'avant-plan des transferts sociaux. Il y a sans aucun doute une raison pour cela, mais il n'y rien pour l'éducation.
En réalité, l'acronyme devrait être «TECSAS» le «E» étant mis pour éducation. Notre première proposition a pour objet d'amener le gouvernement à reconnaître dans toutes nos communications, que le transfert canadien pour la santé et les affaires sociales est destiné à l'éducation postsecondaire aussi bien qu'à la santé et aux affaires sociales. On ne mentionne pas assez souvent l'éducation postsecondaire lorsqu'il est question de ce transfert.
Je propose en deuxième lieu que le gouvernement fédéral rappelle aux provinces que le transfert canadien pour la santé et les affaires sociales doit servir pour l'éducation et pas seulement pour la santé et que toute augmentation de ce transfert ne doit pas entraîner des retraits équivalents de la part des provinces dans leur propre financement interne des secteurs et surtout le secteur de l'éducation.
• 1510
Les deux premières propositions sont donc en réalité un
appel à une meilleure reconnaissance du fait que l'éducation, et
je veux dire l'éducation postsecondaire, fait partie intégrante
du transfert canadien pour la santé et les affaires sociales.
Cela devrait être là sur l'étiquette, mais cela n'y est pas. Je
ne m'attends pas à un changement à court terme, certainement pas,
mais cette insistance est nécessaire, tant à l'échelon fédéral
que provincial.
Pour ce qui est du niveau du TCSAS, il est définitivement nécessaire de corriger, par étapes, sur un certain nombre d'années, l'érosion du financement qui s'est produite au cours des quatre ou cinq dernières années. Cette érosion du financement va jusqu'à 20 p. 100.
Les deux propositions suivantes sont liées à la nécessité qu'il y a, à notre avis, d'accorder une priorité d'ordre stratégique à l'investissement, et je veux dire à l'investissement dans la recherche. Vous savez peut-être que la recherche et le développement sont un élément moteur de la croissance économique, de la qualité de vie et de l'emploi.
Il est intéressant de réfléchir à la situation relative du Canada dans le domaine de la recherche et du développement sur le plan international du point de vue des dépenses brutes engagées pour la recherche et le développement. Les statistiques ne sont pas en faveur du Canada. Parmi les sept premiers pays de l'OCDE, le Canada vient avant un seul pays, l'Italie. Il suit la Suède, le Japon, les États-Unis, la Finlande, la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Danemark et la Norvège.
Au Canada, on ne consacre qu'à peu près 1,5 p. 100 du produit intérieur brut à la recherche et au développement, par rapport à 3 p. 100 en Suède et à 2,5 p. 100 aux États-Unis, par exemple. Le Canada vient loin derrière. Le total de la somme investie dans la recherche et le développement au Canada est peu élevé. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour augmenter cet investissement.
À titre d'information, par rapport à la petite part d'investissement qui se fait au Canada, nous, la communauté universitaire, contribuons une part disproportionnée de recherche et de développement au Canada, comparativement à nos partenaires de l'OCDE. Le rôle que joue le secteur universitaire au Canada pour ce qui est de la recherche et du développement est à peu près deux fois aussi important que ce qui se fait dans les autres pays. La somme totale de travaux de recherche et de développement est insuffisante, mais pour ce qui est de ce qui se fait au Canada, je veux que vous sachiez que les universités jouent un rôle dominant. C'est pour cela que nous demandons que l'on accorde plus de ressources aux universités pour la recherche dans ce pays.
Il y a une nouvelle proposition qui est présentée à Ottawa avec l'appui de l'Association des universités et collèges du Canada. Il est proposé de créer un réseau virtuel national de chercheurs du domaine des sciences de la santé. Nous demandons au gouvernement fédéral de se pencher sur cette question et d'étudier peut-être la possibilité d'un financement échelonné sur un certain nombre d'années.
Il importe de se rendre compte que la recherche dans le domaine de la santé c'est plus que la recherche médicale microbiologique. La santé comporte de nombreux aspects politiques. Il y a beaucoup d'autres déterminants sociaux et socio-économiques de la santé. Bref, les disciplines enseignées dans nos universités qui se rapportent à la recherche dans le domaine de la santé sont plus que ce que vous constateriez si vous n'alliez voir que dans les universités décernant des doctorats en médecine de la santé ou que les disciplines des sciences biomédicales enseignées dans nos facultés de sciences.
Nos gens des sciences sociales et des sciences humaines ont beaucoup à dire au sujet du domaine de la santé et nous encouragerions le gouvernement à aborder la question du financement de la nouvelle proposition portant sur la création d'un réseau virtuel canadien de recherches sur la santé en faisant preuve de largeur d'esprit dans la définition des déterminants de la santé de la nation. Ces déterminants ne sont pas seulement de nature microbiologique. Ils sont certainement socio-économiques. Ils sont liés à la politique et aussi de nature politique.
Plus précisément, outre la création d'un financement pour ce nouveau concept de centres de recherches sur la santé, en ce qui concerne le financement de la recherche, il est nécessaire d'augmenter le financement des organismes subventionnaires fédéraux existants. Le financement de ces organismes s'est considérablement érodé au cours des cinq dernières années.
• 1515
J'ai mentionné antérieurement que les universités sont
d'importantes sources de recherche et de développement dans ce
pays et que le Conseil de recherches en sciences naturelles et en
génie du Canada (CRSNG), le Conseil de recherches en sciences
humaines du Canada (CRSH) et le Conseil de recherches médicales
du Canada (CRM) sont les principales sources de financement de
cette recherche.
Les budgets du CRSNG et du CRSH ont beaucoup diminué depuis quelques années. Ils se sont stabilisés et ont augmenté légèrement au cours de la dernière année, mais il reste encore beaucoup à faire.
Dans le cas de mon université en particulier—et il s'agit d'une très petite université offrant des cours de deuxième et de troisième cycles, mais principalement de premier cycle—la recherche est encore très importante. Depuis 1993, cette petite université a connu une baisse de 80 p. 100 du financement regroupé en provenance du CRSH et du CRSNG—une baisse de 80 p. 100—et cela au moment même où nous entendons dans de nombreux secteurs que la recherche est extrêmement importante.
Cela donne une idée de la diminution du financement de la recherche dans notre secteur. C'est pourquoi je vous prie de ne pas oublier les universités lorsque viendra le moment de faire un investissement stratégique malgré l'importance qu'a le financement des hôpitaux dans le secteur des soins de santé à l'heure actuelle. Je vous en prie, n'oubliez pas l'importance du financement de la recherche dans ce secteur.
En résumé, il nous faut étayer les transferts aux provinces, mais plus particulièrement ceux qui sont liés à l'éducation postsecondaire ainsi que ceux qui se rapportent à la santé et aux affaires sociales, et à l'intérieur de l'éducation postsecondaire, le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer en ce qui concerne le soutien de la recherche en milieu universitaire. C'est dans notre intérêt à tous.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Anderson.
Nous commencerons maintenant la période de questions. Je vous cède la parole, monsieur Epp.
M. Ken Epp: Merci beaucoup, monsieur le président, un grand merci à vous mesdames et messieurs qui êtes venus ici cet après-midi pour nous communiquer vos idées au sujet du budget fédéral.
Comme vous le savez, nous sommes ici pour essayer de définir les priorités de la population canadienne, non seulement par rapport à la moitié du budget qui porte sur les dépenses, mais aussi pour ce qui est des sources de recettes, de l'équité fiscale et de choses de cette nature, tous les éléments que le ministre des finances inclut généralement dans son discours du budget en février. J'étais très intéressé à connaître le point de vue, tout d'abord des représentants des municipalités et des gens du domaine de l'infrastructure.
C'est un thème qui s'est exprimé avec beaucoup de force. Étant donné, comme vous le savez, que la base du Parti réformiste se situe principalement dans l'ouest, le message très clair qui nous parvient de l'ouest, c'est qu'en raison de l'abandon du chemin de fer, nos autoroutes font l'objet de demandes croissantes. Un de nos députés réclamait dans une proposition de loi que les recettes fiscales provenant de la taxe sur le carburant soient désignées pour fournir les routes que ces taxes devraient présumément payer—au lieu d'être versées aux recettes générales.
Ce sont là quelques-unes des choses qui reviennent constamment et c'est réellement encourageant que vous insistiez sur ce point parce que ce message, qui nous vient de cette partie du pays, nous indique que nous sommes sur la bonne voie pour ce qui est de représenter ces points de vue.
Un point que vous n'avez toutefois pas mentionné—et de toute évidence cela ne relève pas de vous parce que vous abordez la question du point de vue de l'infrastructure et des routes—c'est que l'incidence doit être énorme par rapport à la perte des chemins de fer. Vous n'avez pas du tout parlé de cela, mais pensez-vous que le gouvernement devrait accorder une priorité de plus en plus grande au maintien d'un bon réseau ferroviaire afin de réduire le fardeau—un petit jeu de mots—sur les autoroutes?
M. Wayne Motheral: Je vous remercie pour la question. C'est un des points que notre groupe, de même que la Saskatchewan Association of Rural Municipalities et l'Alberta Association of Districts and Counties, a soulevés dans le mémoire présenté au juge Estey. La rapidité de l'abandon nous étonne tous beaucoup. Mais à l'époque nous nous disions que la chose était inévitable, que les sociétés ferroviaires et céréalières semblaient savoir quelle voie prendre et nous disions donc presque que si cela était en train de se produire, cela aurait des effets terribles sur la voirie. C'est quelque chose de réel, quelque chose qui va se produire. Nous avons donc concentré nos énergies sur l'incidence sur les routes.
M. Ken Epp: Est-ce que les gens du Manitoba ont le moindre espoir de pouvoir s'en sortir? Parce que, ce que vous faites, c'est de remplacer des camions de ferme, qui, jusqu'aux dernières années, étaient généralement des camions de deux ou trois tonnes par de grands véhicules transportant cent mille livres ou plus. Pouvez-vous vraiment envisager de construire partout dans le secteur rural manitobain une structure routière capable de supporter un fardeau de ce genre?
M. Wayne Motheral: Nous sommes à essayer de constituer un organisme, en collaboration avec les gens du groupe Keystone Agricultural Producers, qui pourrait se pencher sur ce problème parce que nous sommes convaincus de la nécessité de désigner des routes à grande circulation et non, nous ne pouvons réparer toutes les routes. Nous avons toutefois besoin de routes désignées, et les associations doivent s'entendre sur la question—avec les exploitants de silos et autres—pour déterminer exactement où ces routes seront situées.
Nous avons rencontré les gens de l'Institut des transports de l'Université du Manitoba et compte tenu de toute la technologie qui existe aujourd'hui, nous pouvons sûrement trouver la réponse à cette question et établir des projections par informatique et ainsi de suite pour déterminer où cette circulation devrait être. J'ai bon espoir que c'est ce que nous allons présenter à nos propres gouvernements provinciaux. Nous dirons qu'un problème va se poser et que nous devons nous y attaquer à court terme parce ce que la dévastation des routes a un effet accablant dans l'ouest du Canada—il y a aussi le problème du poids, comme vous le mentionniez, le problème des poids lourds. Nous ignorons où la limite se fixera.
L'industrie du transport routier veut pouvoir transporter les chargements et cependant...
M. Ken Epp: Les agriculteurs aussi.
M. Wayne Motheral: Oui, je le sais. J'évite cela. Je suis moi-même agriculteur. Je n'aime pas rejeter le blâme sur les agriculteurs eux-mêmes, mais ils surchargent certainement leurs camions.
M. Ken Epp: D'après les nouvelles que j'ai des agriculteurs, parce que les subventions qu'ils reçoivent du gouvernement fédéral et leur moyen de transport sont en train de disparaître, ce à quoi s'ajoute maintenant la perte des chemins de fer, il leur faut maintenant louer des camions ou s'en acheter un et à moins de pouvoir transporter de gros chargements, le prix à payer pour rendre leurs produits au marché les mettra tout simplement sur la paille.
Le problème est donc, à mon avis, beaucoup plus grave que ce que l'on pense en général. Au moins, je l'exprimerai de la façon suivante: je pense que le problème est beaucoup plus grave que ce que le gouvernement à Ottawa s'imagine, parce que je pense que nous, les gens de l'ouest, sommes probablement beaucoup plus au courant du problème qu'ils ne le sont.
Par conséquent, pour ma part, c'est un des messages que j'ai à transmettre.
M. Chris Lorenc: Si vous me le permettez, je dirai que ce sont toutes de bonnes questions parce qu'elles portent sur quelque chose qui, pour parler franchement, manque dans ce pays et qui est l'idée d'une vision nationale des transports dans son ensemble.
Quelle est la stratégie d'investissement conjointe du gouvernement fédéral et des provinces en ce qui concerne la création d'un réseau national de transport qui permettrait à ce pays non seulement de demeurer concurrentiel sur le plan intérieur, mais aussi dans les occasions qui se présentent dans le cadre de l'ALÉNA et de l'ALE.
Les premières étapes ont réellement été franchies par l'Association des transports du Canada et les études sur le réseau routier national, qui ont déterminé que ce ne sont pas toutes les autoroutes du pays qui ont une importance stratégique pour le pays, mais bien vingt-quatre ou vingt-cinq mille kilomètres, qui se situent principalement dans l'axe est-ouest et les raccordements stratégiques nord-sud. Pourquoi cela est-il important? Parce que ces sections de la transcanadienne plus les autoroutes provinciales, si vous le voulez, où se fait le gros de la circulation, permettent aux transporteurs routiers d'être concurrentiels et de garder les prix compétitifs au lieu de perdre leur avantage.
Pour ce qui est de la technologie, la situation est un peu tragique dans ce pays. D'une part, le gouvernement fédéral investit dans des programmes, tels le CRSNG, qui a été mentionné par le président Anderson, et qui est un excellent programme, et un des programmes qui en découle est le programme RCE, le Réseau des centres d'excellence. ISIS Canada, le centre d'excellence consacré à l'innovation en structures avec systèmes de détection intégrée, est situé au Manitoba, mais possède, d'après moi, des modules de recherche dans presque toutes les provinces du pays.
Ce domaine de recherche est extrêmement important pour l'avenir du pays parce qu'il porte sur les composites de pointe. On y étudie l'utilisation de divers genres de matériaux de renforcement du béton, des fibres de carbone ou des fibres métalliques mesurant probablement moins d'un quart de pouce, ce qui nous permet d'utiliser moins de la moitié de la quantité de béton comparativement aux techniques de construction traditionnelles où l'on utilise des barres d'armature et ainsi de suite. C'est aussi un domaine dans lequel le gouvernement investit pour permettre à ISIS Canada de rester un pionnier.
• 1525
Le problème c'est que le gouvernement fédéral ne va pas plus
loin et qu'au lieu de fournir l'occasion de présenter cette
technologie dont on a besoin—non seulement au Canada, mais
partout dans le monde—pour éliminer un déficit de 3 milliards de
dollars dans le domaine de l'infrastructure, il ne la présente
pas.
Il y a donc un moyen qui nous permettrait d'investir dans la recherche et de créer des technologies qui sont beaucoup plus rentables, qu'il s'agisse de l'établissement des coûts du cycle de vie, de réparation ou de nouvelle construction, et non seulement ce moyen serait-il avantageux pour le pays dans son ensemble et nous permettrait-il d'atteindre les niveaux dont vous avez parlé, mais il créera aussi des créneaux de marché pour le Canada.
Si nous ne construisons pas la navette spatiale, soyons ceux qui concevront la meilleure infrastructure et la répareront le mieux. C'est une occasion qui s'offre au pays et nous n'en profitons pas parce que nous n'investissons pas là où nous devrions le faire.
M. Ken Epp: Vous dites donc que si nous faisions de la recherche et utilisions la technologie en découlant, cela coûterait probablement moins cher aux contribuables du pays que de tenir le coup avec les anciennes techniques et d'essayer d'empêcher nos chemins et autoroutes de tomber en morceaux.
M. Chris Lorenc: Je vous inviterais à jeter un coup d'oeil sur ce mémoire, qui ne compte que onze pages. Une section entière est consacrée à l'application de la technique mise au point par ISIS Canada. On trouve les projets d'un bout à l'autre du pays. ISIS Canada est un des premiers à utiliser un matériau de recouvrement à base de carbone permettant de réparer les ponts sans les fermer et de leur donner une plus grande capacité portante que ce qui était prévu à l'origine. À Winnipeg, on a élaboré un projet comportant l'application de cette technique de recouvrement qui réduirait de moitié les coûts de réparation—les faisant passer de 10 millions de dollars à environ 5 millions. Les cinq millions restants pourraient servir à d'autres fins.
La détérioration des ponts que nous constatons ici n'est pas différente de ce que l'on voit au Japon, aux États-Unis et ailleurs. Les gens de ces pays viennent au Canada pour examiner notre technologie et nous, dans ce pays, au lieu de la montrer et d'offrir à nos ingénieurs et à nos constructeurs l'occasion d'acquérir le savoir-faire nécessaire à son application, nous nous relaxons et disons que nous nous contenterons d'investir et que tout s'arrangera tout seul. Cela est faux. Peut-être que cela serait possible aux États-Unis, un pays riche en capital, ou bien en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Japon et dans d'autres pays, mais pas ici. Cela ne peut fonctionner et cela ne fonctionnera pas au Canada parce nous sommes loin d'être aussi riches que ces pays. Nous ne disposons pas du même capital de risque et des mêmes ressources financières.
M. Ken Epp: Et nous sommes tellement dispersés.
M. Chris Lorenc: Précisément.
M. Ken Epp: Très bien.
J'ai une dernière question à poser en ce qui concerne l'infrastructure. Je pense que vous appuyez tous les quatre, au moins dans ce domaine, le programme d'infrastructure du gouvernement fédéral.
M. Chris Lorenc: Absolument.
M. Ken Epp: Vous faisiez tous signe que oui.
C'est très différent de ce que j'entends en Alberta. La thèse là-bas, c'est qu'il n'y a qu'un seul contribuable et qu'il est préférable que celui-ci puisse contrôler du plus près possible la plus grande partie possible de la totalité des dépenses. Si le gouvernement fédéral propose un programme de ce genre, essentiellement, ce qui arrive, c'est que tout l'argent provenant d'un bout à l'autre du pays est aspiré à Ottawa sous forme de recettes fiscales pour être distribué ensuite en fonction des conditions antérieures.
C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés en Alberta, par exemple, avec l'approbation du gouvernement provincial—je ne blâmerai pas les gens du fédéral pour cela—et nous avons aidé à construire des loges dans les stades pour des individus comme Peter Pocklington. C'est de cette façon qu'on a dépensé l'argent et beaucoup de gens m'ont dit trouver cela tout simplement révoltant.
Par ailleurs, des représentants de plusieurs municipalités, y compris la principale municipalité de ma circonscription m'ont dit qu'ils n'auraient pas dépensé ces sommes aujourd'hui, car ils ont d'autres priorités, mais les autres priorités n'étaient pas prévues dans le programme et ils ont donc dû les changer complètement. Et voici donc la distante ville d'Ottawa et, dans notre cas, la distante ville d'Edmonton, qui viennent imposer aux municipalités l'orientation de leurs programmes et bouleverser leurs priorités. Certains n'étaient pas d'accord avec le programme.
Bien sûr, les Libéraux, comme d'habitude, ont dit que tout le monde était d'accord en Alberta. C'est bien évident que nous étions d'accord parce qu'ils prennent notre argent et si nous ne participons pas au programme, nous le perdons. Nous avons donc dû nous adapter et l'accepter. Il ne faudrait toutefois pas interpréter le simple fait de prendre l'argent comme voulant dire que nous pensons que c'est le meilleur moyen de gérer le programme et l'argent des contribuables.
Voilà que je viens de vous faire un petit discours sur les sentiments qui m'ont été exprimés par des gens de ma circonscription et d'autres parties de l'Alberta. Est-ce que l'on retrouve ce sentiment au Manitoba? Je soupçonne que non, mais j'aimerais avoir votre avis sur cette question.
M. Chris Lorenc: Monsieur Epp, je suppose que dans un monde parfait, toutes les provinces auraient un surplus de 1 milliard de dollars comme l'Alberta et nous n'aurions pas à compter sur les ressources qui s'en vont à Ottawa et qui reviennent.
La vraie vie est toutefois différente. La réalité c'est qu'il n'y a qu'une poignée de provinces qui ont un surplus. Le gouvernement fédéral a enfin un surplus et essaie enfin de diminuer la dette nationale. Nous n'avons qu'une province qui est riche et chanceuse du point de vue des ressources et c'est l'Alberta.
Ce pays ne s'est pas bâti sur la notion que ce qui est à moi est à moi et que je vais le garder et l'utiliser comme je le veux. Il est plutôt fondé sur une vision nationale. L'infrastructure, les autoroutes nationales et les investissements dans l'infrastructure, tout cela vise à assurer l'égalité au pays. Cela a pour but de permettre à chacun d'entre nous de tirer profit des économies dont il est possible de tirer avantage au lieu de nous séquestrer à l'intérieur des frontières d'une région provinciale en particulier et de dire que ne nous ne nous soucions pas réellement de savoir combien d'argent ont les gens de la Saskatchewan, du Manitoba ou de l'Île-du-Prince-Édouard. Je vous demande donc de résister à la tentation d'envisager la construction d'un pays de cette manière parce que ce n'est pas ainsi que l'on construit un pays.
M. Ken Epp: Ça va, je comprends ce que vous dites, mais en même temps, mettons que nous ayons un bon programme fédéral-provincial de paiements de péréquation fondé et sur la population—le coût de l'éducation et de la santé sont en grande partie fonction de nombre de personnes—et sur un facteur additionnel lié à la géographie. Je sais évidemment que le Manitoba est un cas exceptionnel en ce sens que votre population est en si grande partie concentrée dans une très petite partie de la province et très clairsemée dans le reste. La population est répartie plus uniformément dans quelques-unes des autres provinces.
Si l'on inventait un tel programme, les provinces et les municipalités jouiraient d'une plus grande liberté pour gérer l'argent de tous les contribuables qui, je le reconnais—je n'ai rien à redire sur ce point—est mis en commun et redistribué. Quand des programmes de style «unitaille» sont imposés par le gouvernement fédéral, à Ottawa, cela engendre beaucoup d'inefficacité. Voilà ce que je comprends.
Je comprends toutefois votre réponse. Je m'y attendais et c'est tout à fait valable pour cette province. Alors c'est bien.
M. Dave Harrison: Si je peux me permettre une seule remarque, je dirai que c'est déconcertant d'entendre les commentaires négatifs. Comment les médias réagissent-ils aux programmes des infrastructures? Malheureusement tout ce dont on entend parler, c'est des loges que nous avons construites et de la construction de quelque chose qui ne faisait pas l'affaire au Québec.
Regardez quel effet cela a eu ici. C'était extraordinaire. Parlez-en à tous ceux qui se sont intéressés au programme des infrastructures, et surtout à Winnipeg, que je connais bien. Les gens des régions rurales vous diront la même chose. Lorsque ce programme a été annoncé, la ville était déjà prête. Tous étaient impatients de participer.
Je pense que fondamentalement c'est un problème de direction. S'il s'agit de ressources mises en commun et d'une saine gestion des paiements de transfert et tout le reste, il faut tout de même, dans mon esprit, un leadership fédéral pour réellement mettre certains des programmes, tels un programme d'autoroute nationale, les corridors commerciaux nord-sud et des choses de cette nature, en marche. Il y a une place pour Ottawa dans cela et je ne pense pas que ce soit un abus pour le pays. Je ne crois pas que l'on imposerait alors un programme. D'après moi, si l'on envisage cela de la bonne manière, c'est une véritable occasion. C'était une occasion et elle a reçu un bon accueil dans cette province, je peux vous l'affirmer.
M. Ken Epp: C'est comme si quelqu'un venait me prendre tout mon argent pour me dire ensuite que cela servirait à acheter un certain nombre de tartes au citron dont nous aurions tous une certaine portion. Je ne mange pas de tarte au citron parce que je suis un régime strict. Vous n'avez qu'à me regarder pour le constater. C'est cela que je veux dire.
M. Dave Harrison: Oui, je comprends.
M. Ken Epp: Il y a définitivement des municipalités de mon coin de pays qui ont dû changer complètement leurs priorités pour participer au programme. Nous l'avons fait, c'est parfait, mais au bout du compte nous nous sommes retrouvés avec des choses qui n'ont pas été faites, mais qui auraient dû l'être, des choses auxquelles il aurait été vraiment préférable d'accorder la priorité.
Je pense bien que c'est tout ce que je voulais dire sur cette question.
J'aimerais poser une question sur l'imposition et les recettes provenant du carburant. Ces sommes sont versées aux recettes générales, le fonds consolidé du gouvernement. Vous indiquez avec raison—ce qui est vrai pour l'ensemble du Canada—qu'un très petit pourcentage de la taxe sur le carburant perçue par le gouvernement fédéral est effectivement retourné à l'infrastructure des transports. Les entreprises de transport aérien et ferroviaire se plaignent beaucoup. Elles doivent elles aussi payer la taxe sur le carburant, mais, dans certains cas, par exemple les compagnies de transport ferroviaires, elles font une grande partie de l'entretien de leur propre infrastructure, quoiqu'elles utilisent de plus en plus le réseau public aussi.
• 1535
Seriez-vous d'accord pour qu'on retourne une partie de
l'impôt au transport, ou qu'on réduise l'impôt, et qu'on utilise
la totalité et qu'on l'adapte en vue d'effectuer les
améliorations nécessaires des infrastructures de transport?
Serait-ce un concept intelligent à votre avis? Comment régleriez-vous le
problème?
M. Chris Lorenc: Nous répétons sans cesse au gouvernement fédéral de s'inspirer du modèle américain. Dans notre mémoire de 5 pages, vous trouverez à la p. 3 une analyse des disparités entre les modèles canadien et américain.
Aux États-Unis, on voit l'investissement dans les autoroutes comme étant un instrument économique. On reconnaît que les autoroutes sont un élément clé, qu'elles font partie de l'infrastructure des immobilisations, et qu'elles sont un soutien de la capacité de concurrence économique. Les États-Unis viennent de voter une nouvelle loi, la loi T-21, qui stipule qu'on investira 160 milliards de dollars supplémentaires dans le réseau national d'autoroutes. Un réseau national d'autoroutes—c'est ce dont nous parlons dans ce pays, mais c'est encore un rêve illusoire. Les États-Unis investiront 160 milliards de dollars au cours des 6 prochaines années.
Cet investissement de 160 milliards de dollars, selon une analyse effectuée par le Wall Street Journal, se traduira par des retombées économiques de 450 milliards de dollars. Un facteur leur permet d'avoir un tel réseau routier, de minimiser les coûts du cycle de vie et de remplacement: le fonds en fiducie pour les autoroutes.
Sur chaque gallon d'essence vendu aux États-Unis, 0,183 $ sont versés dans le fonds affecté spécialement au réseau routier national. Ces montants, en vertu de la loi, doivent servir uniquement à la réparation, à la remise en état et à la construction du réseau routier inter-états. C'est ce qui renforce la concurrentialité des États-Unis, et qui manque cruellement à la nôtre.
Pour répondre brièvement à votre question, je vous dirai que le fédéral doit absolument prélever sur le prix de l'essence une taxe spécialement affectée. Tous les députés à qui nous avons parlé, tous les gestionnaires du ministère des Finances, nous répondent que nous ne sommes pas aux États-Unis, que nous ne faisons pas les choses de la même façon. Très bien: si vous ne voulez pas agir en ce sens, alors dites-nous comment vous allez financer un système de transport adapté aux besoins du Canada à court et à long terme. Actuellement, vous en êtes loin.
Au cours des 5 prochaines années, le gouvernement fédéral recouvrera 25 milliards de dollars en taxes découlant de l'utilisation des routes. Sur cette somme, 900 milliards iront au Québec et aux provinces maritimes. Pas un sou ne reviendra dans les provinces de l'ouest du Canada. C'est inacceptable.
M. Ken Epp: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Mais, monsieur le président, il me reste encore beaucoup de questions, et j'ai utilisé les 20 minutes...
Le président: Continuez.
M. Ken Epp: Pourquoi ne donne-t-on pas la chance à d'autres membres...
Le président: Continuez. Vous avez des questions, posez-les. Je vous accorde encore cinq minutes.
M. Ken Epp: Oh! Vous me demandez de poursuivre? Je n'aurai pas un autre tour?
Le président: Probablement pas.
M. Ken Epp: D'accord, pourvu que je le sache.
J'aimerais m'entretenir un peu avec la représentante du Jacks Institute au sujet de l'impôt. Une grande partie de la solution, selon vous, réside dans le constat suivant: le paiement des intérêts représentant un lourd fardeau pour nous, si j'ai bien compris votre rapport, le gouvernement fédéral devrait consacrer une partie réaliste de l'excédent à la réduction de la dette et, partant, des intérêts. Est-ce que j'ai bien lu?
Mme Evelyn Jacks: Oui, je crois que nous avons énoncé deux priorités, la réduction de la dette étant la plus importante et l'affectation de tout dividende budgétaire restant à la santé en priorité.
M. Ken Epp: Très bien. Une réduction globale des impôts ne représente pas un objectif valide à vos yeux?
Mme Evelyn Jacks: Je crois que je mentionne dans mon mémoire que les mesures visant la réduction de la dette devraient s'étaler sur une période de 10 à 20 ans. Il ne s'agit pas à notre avis d'une option soit/ou, parce que le mémoire fait état d'un autre élément fort important, soit le pouvoir d'achat des consommateurs de la classe moyenne.
Nous mentionnons que l'on devrait faire bénéficier la classe moyenne d'un allégement fiscal à grande échelle, mais pas au détriment de ce que nous considérons comme étant la cause principale des réductions dans le financement des programmes, soit le paiement d'intérêt de 45 milliards de dollars sur la dette.
• 1540
Je me souviens très bien que, en 1985, soit l'année où on a
réformé le régime fiscal, il en a résulté une désindexation des
tranches d'imposition et des crédits d'impôt, l'introduction de
l'impôt minimum, ainsi que la conversion des exemptions
personnelles en crédits d'impôt. À ce moment, les contribuables
canadiens étaient vendus à ce concept, parce que le ministre des
Finances en poste affirmait qu'il était tout simplement
inacceptable que le Canada paie 35 milliards de dollars en
intérêt sur la dette.
Maintenant—dix ou quinze années plus tard—nous payons 45 milliards de dollars en intérêt sur la dette. Je suis surprise, personnellement, que les gouvernements n'aient pas mentionné ce facteur comme étant un obstacle majeur au financement de programmes.
M. Ken Epp: C'est en effet un obstacle majeur—que l'on connaît peu parce qu'on le tasse sous le tapis. Il faut bien faire comprendre au gouvernement qu'il ne doit pas céder à la tentation de dépenser tout l'excédent. N'eût été de cela, ils auraient ajouté 100 milliards de dollars à la dette depuis leur arrivée au pouvoir, et nous aurions encore plus d'intérêts à payer.
Mme Evelyn Jacks: Je crois qu'il est particulièrement important de souligner que les générations futures compteront moins de membres que les nôtres. Cela signifie que l'assiette fiscale sera moins étendue. Notre génération serait fort irresponsable si elle laisse derrière elle un tel gâchis.
M. Ken Epp: Oui, je suis d'accord avec vous.
L'un des moyens d'alléger le fardeau pour la classe moyenne et pour les contribuables qui sont lourdement imposés bien qu'ils vivent dans la pauvreté serait d'augmenter, de façon sensible, les exemptions de base. Je me demande si vous ou les personnes avec qui vous êtes en contact seriez en faveur de telles mesures de réduction de l'impôt.
Ainsi, les contribuables qui ont les revenus les moins élevés ne paieraient plus d'impôt du tout. Ceux qui ont des revenus moyens en verraient une plus grande partie non imposée ou imposée à un taux moins élevé. Au-dessus de ce niveau, les modalités pourraient rester les mêmes. Seriez-vous en faveur de tels changements?
Mme Evelyn Jacks: Dans notre mémoire, nous mentionnons deux choses. Nous disons premièrement qu'il est insensé d'imposer les pauvres. Cette discussion met en lumière la définition du seuil de pauvreté au Canada. Il est connu que les ménages comptant deux personnes—une jeune mère monoparentale et un bébé, par exemple—sont parmi les plus pauvres du pays. Il est inconcevable qu'une personne qui a un revenu se situant autour du seuil de 7 000 $ par année soit imposée à un taux de 27 p. 100 environ dans la province du Manitoba. Quel est le seuil acceptable pour commencer à imposer les pauvres? Je crois que c'est une question importante.
Nous payons par ailleurs un impôt invisible dans ce pays. C'est ce qu'on appelle le non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation. Il résulte de l'indexation partielle des taux d'imposition, des crédits personnels, et même des seuils déterminant le versement d'un crédit pour enfant. Prenons l'exemple d'une personne à sa retraite dont les pensions combinées équivalent à un revenu de 29 000 $ environ. Si cette personne retire de son RRIF ou de son REÉR de l'argent qu'elle a économisé durant toute sa vie, elle verra cet argent imposé à 42 p. 100. Nous devons, en tant que Canadiens, nous demander si nous voulons imposer à un taux de 42 p. 100 les gens dont le revenu se situe bel et bien dans la classe moyenne, surtout les aînés, qui obtiennent vraisemblablement un crédit d'impôt de 27 p. 100 pour ces mêmes sources de revenu qu'elles retirent maintenant?
M. Ken Epp: Je reçois beaucoup de commentaires de ce genre de la part de personnes retraitées qui se sont efforcées d'économiser en vue de leurs vieux jours. Elles sont souvent choquées de voir que leur niveau de revenu les empêche de bénéficier des prestations maximales du Régime de pensions, mais qu'on les impose au maximum quand elles retirent de l'argent qu'elles ont pourtant économisé. Elles découvrent aussi, dans ma province—j'imagine qu'il en est ainsi partout au pays—qu'on a réduit considérablement les prestations de vieillesse. Les retraités paient maintenant plus d'impôts fonciers, calculés sur leurs revenus après impôt, ce qui gruge énormément leurs économies.
Le président: Merci, monsieur Epp.
Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom: Merci, monsieur le président. Je vais poursuivre sur la même lancée. Je crois que M. Epp a posé beaucoup de questions sur l'infrastructure, et je ferai de même.
Madame Jacks, vous estimez qu'il faudrait légiférer de sorte à rendre tout déficit illégal, ou à empêcher le gouvernement de financer les déficits. Quelle période visez-vous? Chaque année, chaque cycle, chaque législature, ou...?
Mme Evelyn Jacks: Eh bien, encore une fois, notre sentiment général... et, certainement, nous avons passé beaucoup de temps à parler avec d'autres fiscalistes et planificateurs financiers au pays, de sorte que les commentaires et les observations que vous avez entendus aujourd'hui proviennent directement des clients de ces personnes. Je crois que, dans l'ensemble, les Canadiens comprennent les enjeux liés au déficit et à la dette. Ils savent aussi la valeur qu'ils accordent à leurs programmes sociaux et aux dépenses qu'ils obligent.
Je crois donc que notre message principal est le suivant: on ne peut faire cela en un tournemain, mais il faudrait mettre un plan de l'avant. Vous savez, certaines générations de Canadiens n'ont jamais connu, durant toute leur vie active, une année sans déficit. Certaines générations n'ont jamais entendu au cours de leur vie active le mot surplus. Ce sont ces personnes qui composeront la grande partie de l'assiette fiscale d'ici 20 ans. Je crois donc... non, on ne peut réussir en un tournemain. Mais nous attendons avec impatience que l'on mette en place un plan visant à réduire non seulement les déficits, mais la dette en général.
M. Lorne Nystrom: Mais vous avez émis l'idée selon laquelle il faudrait instaurer une loi qui rendrait le financement du déficit illégal ou non avenu en vertu de la loi.
Mme Evelyn Jacks: C'est vrai.
M. Lorne Nystrom: Nous avons actuellement un excédent. Vous pourriez en faire, si vous le désirez, une priorité.
Ma question se veut très constructive. Je viens de Saskatchewan, et le gouvernement néo-démocrate a toujours tenu à équilibrer les comptes. Le parti a été au pouvoir durant 38 des 54 dernières années, et c'est ce que nous lègue le NPD en Saskatchewan, avec Tommy Douglas ou Allan Blakeney au pouvoir. Plus récemment, en 1994, ce fut aussi le premier gouvernement au Canada à réussir la balance des comptes sous l'égide de Roy Romanow. Je pose donc ma question pour qu'elle soit la plus positive possible.
Par contre, l'idée même d'une loi qui oblige à équilibrer les comptes toutes les années m'a toujours titillé, parce que c'est le meilleur moyen de menotter un gouvernement en temps de récession. Ce serait différent si on obligeait le gouvernement à balancer les comptes à la fin d'un cycle, d'une législature, ou d'une période de quatre ou cinq ans. Vous ne recommandez pas que l'on dresse la balance des comptes tous les ans, contre vents et marées, n'est-ce pas?
Mme Evelyn Jacks: C'est exact.
M. Lorne Nystrom: La loi stipulerait de balancer les comptes après une période donnée, et non à chaque exercice.
Mme Evelyn Jacks: C'est exact.
M. Lorne Nystrom: Très bien. J'aimerais demander à M. Harris quelques questions, si c'est possible. Bienvenue aux audiences d'aujourd'hui.
J'aime le nom de votre organisation: Cho!ces. Il est très éloquent. C'est une question de choix. Comme nous l'avons entendu une fois encore aujourd'hui à Winnipeg, les choix sont nombreux: infrastructure, recherche médicale, R-D. Ce matin, nous avons entendu un témoignage bouleversant sur la pauvreté et la faim des enfants. Je crois que le Manitoba affiche le plus haut taux de pauvreté infantile de tout le pays, du moins la ville de Winnipeg. En Saskatchewan, les revenus des entreprises agricoles ont baissé de 84 p. 100 au cours de la dernière année—je parle du revenu net des fermes. Nous avons aussi entendu un plaidoyer pour un fonds d'aide. Les choix sont nombreux, ils sont tous valables, et nous aimerions donner suite à tous.
Vous nous avez dit une chose intéressante, que nous n'avions pas encore entendue, concernant l'existence de revenus supplémentaires. Pouvez-vous nous expliquer où se trouvent ces revenus? Parlez-vous d'un régime fiscal différent de celui qui est en vigueur actuellement, ou parlez-vous de moyens de créer de la richesse par la croissance économique, ou d'un mélange des deux? Et quel est l'équilibre réel entre les deux? J'ai examiné vos chiffres, et j'ai constaté un écart considérable de plusieurs milliards de dollars entre les projections de Paul Martin et celles que vous intégrez dans le budget que vous proposez.
M. George Harris: J'aimerais répondre à la dernière question. Pour ce qui est de la croissance économique, un aspect de celle-ci—et nous avons entendu quelque peu parlé auparavant du déficit lié à l'infrastructure... Actuellement, on s'interroge sur les dépenses liées à l'infrastructure, et on les considère le plus souvent comme des pertes. Si vous considérez les dépenses comme des pertes totales, il y a un vice d'analyse, parce qu'il s'agit d'un investissement qui rapporte—il rapporte vraiment. À partir du moment où les entreprises ne disposent pas de routes adéquates pour transporter leurs biens et fournir leurs services, elles en souffrent considérablement. Il y a donc cet aspect.
• 1550
Je m'en tiendrai à l'infrastructure parce qu'on en a parlé
abondamment aujourd'hui. L'économie prospère quand on y injecte
de l'argent et que l'on paie les gens. Les citoyens ne sont plus
en chômage. Ils ne sont plus prestataires de diverses formes de
programmes d'aide.
Cet investissement dans les infrastructures, si les choix sont judicieux... Je ne parle pas des boîtes de Pocklington. Je parle d'un autre genre d'investissement, tel que l'investissement dans le SkyDome. Je parle de dépenses dans des domaines qui permettront d'instaurer une vision nationale des infrastructures, de quelque chose qui vise clairement le bien de tous, non pas d'un puits sans fond qui engloutit l'argent.
Quand on regarde ce mouvement, il ne faut pas s'arrêter à l'individu qui reçoit l'argent. Cet individu dispose de ressources qu'il peut réintégrer dans l'économie et, ainsi, l'argent circule. La participation à la croissance de l'économie en dépensant de l'argent est un aspect. L'effet multiplicateur dont parlent les économistes, c'est ça.
Quand on dépense de l'argent dans des secteurs moins tangibles, on se heurte à une mentalité fort bien établie dans notre pays, à savoir que, si une chose n'est pas tangible—j'ai donné un exemple plus tôt—on ne lui accorde pas d'importance. Même des aspects bien tangibles comme les programmes d'infrastructure n'obtiennent pas la faveur d'emblée.
On peut donc parler de l'investissement dans des secteurs tels que les soins préventifs. L'argent investi n'est pas totalement perdu parce que, s'il est vraiment donné aux gens, il sera bénéfique à la communauté. Il ne faut toutefois pas oublier l'autre côté de la médaille, dont j'ai parlé aussi. On peut citer l'exemple simple du fardeau économique qui nous menace si nous ne dépensons pas. Il y a aussi cet aspect.
Il existe de nombreux moyens d'essor économique, parce qu'il faut tenir compte des retombées, soit la réduction de la dépendance aux caisses de chômage et aux prestations d'AE, à l'aide sociale, etc. On en tire des revenus, bien entendu, parce que les travailleurs paient des impôts, etc.
Pour ce qui est des autres revenus, peut-être certains d'entre vous le savent-ils, je suis personnellement engagé dans un procès contre le gouvernement fédéral. L'enjeu du procès est la sortie du pays d'une fiducie familiale colossale qui contrevenait à la Loi de l'impôt sur le revenu, tel que l'a décrété le vérificateur général. C'est un domaine sur lequel les gouvernements ont une emprise et qu'ils peuvent étudier de très près. Dans ce cas, il ne s'agit pas expressément de dépenses fiscales, mais on devrait se pencher sur ces dernières pour vérifier leur authenticité. Je ne suis pas contre toutes les dépenses fiscales, mais je suis assurément contre les dépenses qui ne sont pas de bonne foi.
M. Lorne Nystrom: Je me demande si vous voulez qu'en enregistre la fiducie familiale et le montant approximatif en cause.
M. George Harris: C'est difficile à estimer. Le montant sorti du pays s'élève à 2,2 milliards de dollars. Cette transaction a eu lieu sous le règne du gouvernement précédent.
M. Lorne Nystrom: Était-ce 2,2 milliards de dollars?
M. George Harris: C'est 2,2 milliards de dollars.
On estime les pertes fiscales entre 500 millions et 700 millions de dollars.
M. Lorne Nystrom: Qui est cette famille?
M. George Harris: Le Globe and Mail a identifié la famille, mais je ne les connais pas personnellement. Je suis sûr que beaucoup de gens en ont entendu parler.
Ainsi, le domaine des dépenses fiscales est très vaste, et je crois que de nombreux aspects de ces mesures peuvent être très efficaces. J'aimerais pour ma part que les dépenses fiscales soient examinées avec le même zèle que les dépenses directes. Malheureusement, les dépenses fiscales ne sont pas souvent examinées de si près que les dépenses directes, parce qu'elles sont des impôts cédés. La personne à qui on accorde un allégement fiscal est très contente, bien entendu, et l'impôt sur le revenu est considéré comme étant une transaction privée entre le contribuable et le gouvernement.
M. Lorne Nystrom: Vous parlez dans votre document des dépenses générales en 1999. Paul Martin projette de dépenser 152 milliards de dollars; vous proposez un budget de 166 milliards de dollars. L'écart se chiffre donc à 14 milliards de dollars. Sera-t-il le fruit de différentes sources de revenu, d'impôts? C'est une période bien courte pour accélérer à tel point la croissance économique qu'on amasse 14 milliards de dollars supplémentaires.
M. George Harris: L'augmentation porte sur les dépenses directes et sur les retombées. Pour arriver à ces chiffres—pour vous expliquer brièvement nos méthodes—nous avons exploré quelques nouveaux concepts. Nous essayons actuellement de mettre au point un site Web où les gens peuvent mettre à l'épreuve diverses méthodes. Je vais utiliser l'exemple de l'infrastructure: on investit beaucoup plus d'argent dans les infrastructures et on essaie de voir ce qui advient avec le budget global. On investit tant dans l'éducation et on voit ce qui se passe. On investit tant dans la santé—etc. Les gens peuvent ajuster les chiffres et obtenir des résultats. C'est une initiative qui a obtenu du succès aux États-Unis, où les citoyens peuvent étudier les actions du gouvernement fédéral et observer les résultats.
Pour expliquer en bref notre démarche, je peux dire que nous trouvons des idées et que nous lançons des pistes. C'est Informetrica qui exécute le modèle économétrique.
M. Lorne Nystrom: Michael McCracken.
M. George Harris: Oui. Il ne suffit pas de dire qu'on dépensera tant d'argent et qu'on en reçoit tant en retour. Il faut tenir compte des multiplicateurs et autres facteurs.
M. Lorne Nystrom: J'aimerais poser une question à votre voisin, en sa qualité de fermier plutôt qu'en sa qualité de représentant officiel. Les Syndicats du blé des Prairies nous ont recommandé de mettre sur pied un programme d'aide d'urgence aux fermes, pour les aider à affronter la crise qui s'est abattue sur l'agriculture, surtout en Saskatchewan, et qui a fait chuter le revenu net des fermes de 84 p. 100 en 1997, une baisse qui s'est poursuivie en 1998.
Je sais que la situation n'est pas si grave au Manitoba, où les revenus ont baissé de 30 à 40 p. 100 en raison de la diversité des cultures. Pensez-vous qu'il faille instaurer un fonds d'urgence? Notre pays l'a fait à quelques reprises auparavant—rappelez-vous le programme de paiements d'appoint de Diefenbaker et le fonds de 1 milliard de dollars sous le règne de Mulroney.
Pouvez-vous nous dire si la crise a la même ampleur dans certaines parties du Manitoba qu'en Saskatchewan? Faudrait-il en tenir compte dans le budget? Une partie du Manitoba, bien entendu, vit la même situation que la Saskatchewan, mais...
M. Wayne Motheral: Je peux vous donner mon opinion personnelle à ce sujet, bien entendu. Je ne parlerai pas au nom de la Union of Manitoba Municipalities.
La ferme familiale est grandement menacée actuellement, et c'est très clair au Manitoba, tout comme ce doit l'être en Saskatchewan, et probablement en Alberta aussi; je ne sais pas. Le petit régime d'assurance-récolte, aux dires de notre gouvernement, devrait suffire pour couvrir les dommages, mais les fermiers de l'ouest du Canada dépendent, comme vous le savez, de l'exportation des grains. Dans la conjoncture mondiale actuelle, nous sommes pris entre l'Union européenne et le gouvernement américain, et nous sommes perçus comme un pays non possédant.
Nous avons consenti aux règles de libre-échange et à l'ALÉNA, et toute cette histoire, mais il semple que l'industrie agricole en ait fait les frais.
Quand vous me demandez si on devrait instaurer un programme d'aide à court terme, je dirai que le besoin est plus criant actuellement qu'il ne l'a jamais été auparavant.
M. Lorne Nystrom: Cela s'inscrirait aussi dans l'idée de M. Harris quant à l'injection de fonds dans un programme, qui permettrait aux fermiers, aux plus pauvres en particulier, de dépenser l'argent dès maintenant. Ils n'auraient pas le choix de le dépenser. Cette mesure ne contreviendrait certainement pas, à mon avis, à aucune règle commerciale. Le Congrès américain vient tout juste d'adopter une loi visant à donner une subvention de 6 milliards de dollars à leurs producteurs agricoles. Les Européens donnent des subventions de 200 $ par tonne aux producteurs de blé. Il ne fait aucun doute que les règles ne sont pas équitables pour nous.
• 1600
Ce n'est pas la faute des fermiers, qui sont très productifs
et très vaillants dans cette partie du monde. C'est tout
simplement la faute des partenaires commerciaux de l'arène
internationale et des forces qui bousculent les marchés mondiaux,
additionnés des événements en Asie. Ils se sont traduits par des
exportations moindres, et par un pouvoir d'achat réduit par
rapport à nos biens et à nos marchandises.
Je crois que notre comité doit envisager sérieusement de recommander l'investissement dans l'économie afin d'aider de nombreux fermiers à maintenir leurs activités, et à favoriser par ricochet des retombées qui seront bénéfiques à l'économie en général.
M. Wayne Motheral: Je suis certes d'accord avec vous. Je suis fermier moi-même. Chaque dollar versé dans la poche d'un fermier sera dépensé. Ce serait certainement un coup de fouet pour l'économie locale.
M. Lorne Nystrom: Je sais que, quand un fermier a 1 $ dans sa poche, il en dépense 2. Ou cela se passe-t-il uniquement à Brandon West?
M. Wayne Motheral: Je pourrais commenter ces propos, mais je dois peser mes propos parce que je représente les municipalités aujourd'hui, et ce serait une opinion personnelle. Je suis sûr que le Keystone Agricultural Producers, le groupe de défense des fermiers, serait beaucoup loquace que moi à ce sujet.
M. Lorne Nystrom: Oui, et le Manitoba Pool Elevators...
M. Anderson, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de la recherche et du développement qui se fait à l'université de Brandon. On nous a donné un exposé très schématique hier à Saskatoon, avec des acétates, afin de nous convaincre de la nécessité d'investir plus dans la recherche médicale. Votre témoignage d'aujourd'hui a contribué à renforcer cette thèse. Vous nous dites que nos budgets de R-D ou que les dépenses en général, ont baissé au niveau de—avez-vous parlé de l'Irlande?
M. Dennis Anderson: L'Italie est le seul autre joueur dans notre ligue. Tous les autres pays du G-7 ont beaucoup d'avance sur nous.
M. Lorne Nystrom: Pouvez-vous nous dire ce qui est arrivé au cours des 20 dernières années au chapitre des dépenses du pays par rapport à celles des autres pays du G-7? Ont-elles diminué plus rapidement que dans plusieurs de ces derniers? Avons-nous quelques bons points?
M. Dennis Anderson: Je n'ai pas les chiffres sur la diminution des investissements dans la recherche et le développement. J'ai par contre des chiffres sur le taux global de réduction du financement dans le domaine de l'éducation au Canada par rapport à d'autres pays. Par exemple, au cours des 20 dernières années, le fédéral a réduit de 43 p. 100 le financement par étudiant dans le domaine de l'éducation. La moitié de cette réduction a eu lieu depuis 1993.
L'investissement dans le domaine de l'éducation a diminué très rapidement. On parle de l'investissement gouvernemental—je suis désolé, j'ai dit du fédéral, mais tous les gouvernements sont en cause. À l'évidence, le gouvernement fédéral ne finance pas l'éducation directement par le financement de la recherche, mais il le fait au moyen des transferts d'argent. Ainsi, au cours des 20 dernières années, le financement a diminué de 43 p. 100. En 1978, le financement total accordé à chaque étudiant se chiffrait à 8 900 $; il se chiffre à 5 100 $ en 1998. La moitié de cette réduction, je le répète, a eu lieu au cours des cinq dernières années. On peut donc affirmer que le rythme du déclin a été très rapide.
M. Lorne Nystrom: La valeur des sommes est-elle indexée?
M. Dennis Anderson: Ce sont les dollars indexés pour 1986. En comparaison, aux États-Unis, durant la même période de 20 ans, tous les gouvernements ont augmenté de 15 p. 100 les sommes investies par étudiant dans le domaine de l'éducation.
Pour ce qui est du domaine de la recherche et du développement, le fait le plus important pour les universités est la diminution du financement aux conseils subventionnaires fédéraux, soit le CRSH, le CRSNG et le Conseil de recherches médicales. La diminution des fonds versés a été percutante au cours des quatre ou cinq dernières années. On a un peu remédié à la situation l'an dernier, mais les niveaux de financement en 1998 sont encore bien au-dessous du niveau constaté en 1993. Le manque à gagner est extraordinaire.
Nous savons tous—nous avons discuté ce matin de l'infrastructure des autoroutes, des ponts, des nouveaux matériaux et des nouveaux procédés de construction—que l'on n'obtient rien sans effort. Il faut établir des programmes ciblés de recherche et de développement—exécutés par des gens en sarrau blanc qui oeuvrent dans les laboratoires, loin des projecteurs. Ils font de la recherche fondamentale. Leurs découvertes servent ensuite à la recherche appliquée, aux projets pilotes, puis aux démonstrations. Une grande partie de la recherche fondamentale, et une certaine partie de la recherche appliquée, est effectuée dans les universités. C'est pourquoi nous nous intéressons à la question.
M. Lorne Nystrom: Je crois que l'on assiste à un dégraissage général du gouvernement fédéral. C'est le gouvernement le moins lourd depuis la Seconde Guerre mondiale, avant que ne soit réinstauré le régime d'assurance-maladie à la fin des années 40.
Et on nous demande d'investir plus dans l'économie. Il en est ainsi dans votre secteur. Je crois que les États-Unis investissent huit fois plus dans la recherche médicale que le Canada.
M. Dennis Anderson: L'investissement global dans la recherche est au moins deux à trois fois plus élevé, si on considère la recherche universitaire.
M. Lorne Nystrom: Ainsi, il faut tenir compte de plusieurs domaines à développer si nous voulons nous donner une vision d'avenir et des buts précis. Vous nous indiquez je crois qu'il faut commencer à investir dans l'avenir. Ce matin, on nous demandait d'investir dans les enfants et de trouver des solutions à la pauvreté infantile, et dans des domaines similaires tout aussi importants.
Monsieur le président, Mme Bennett veut désespérément placer son mot, alors je crois que je vais lui céder le micro.
Le président: Bonne idée.
Mme Carolyn Bennett: Merci. Je vais continuer avec le Dr Anderson.
Ce matin, on a parlé de l'accessibilité aux universités pour tous les étudiants. À l'évidence, les universités éprouvent des difficultés parce qu'on a diminué les subventions, comme vous l'avez décrit. Elles ont réagi entre autres en augmentant les droits de scolarité.
M. Dennis Anderson: Oui.
Mme Carolyn Bennett: On a mis ce phénomène en parallèle avec le fait que l'accessibilité était l'un des fondements de la Loi canadienne sur la santé. Croyez-vous qu'il serait indiqué d'instaurer des normes nationales relatives à l'accessibilité à l'éducation postsecondaire, qui stipuleraient entre autres des limites aux droits de scolarité?
M. Dennis Anderson: Il est très clair que les droits de scolarité ont monté en flèche. Les paiements de transfert aux provinces ont diminué de 20 p. 100 environ. Le financement de base aux universités a aussi diminué de 20 p. 100 dans les provinces. Le lien est donc direct. Les universités ont dû se rabattre sur leur autre source de revenus, les droits de scolarité, et les ont augmentés. Les augmentations ont largement dépassé le taux d'inflation au cours des quatre ou cinq dernières années.
Cela crée un problème quant à l'accessibilité. Nous en entendons parler tous les jours dans notre université régionale, qui dessert les populations rurales du nord et des régions isolées du Manitoba. Le quart de nos étudiants environ sont autochtones et ont des difficultés relatives à l'accès.
Les données nationales sur les personnes en âge de fréquenter l'université—celles qui ont entre 18 et 25 ans—révèlent que 20 p. 100 seulement entreprennent des études universitaires. Au Manitoba, c'est 16 ou 17 p. 100, soit l'un des plus bas taux au pays. Nous avons bel et bien un problème d'accessibilité dans notre province.
Je ne sais pas ce que seraient les normes nationales en cette matière.
Mme Carolyn Bennett: Ma question est la suivante: certaines universités qui trouvent le plus facilement des fonds sont aussi celles où les droits de scolarité sont les plus élevés. Afin que ces institutions soient de classe internationale, faudrait-il que le gouvernement fédéral ait son mot à dire quant au maintien de l'accessibilité pour tous? Je crois que les enfants qui sont le moins susceptibles d'envisager des études universitaires sont aussi ceux qui seront les plus rebutés par des droits de scolarité élevés ou l'éventualité d'accumuler une dette d'études.
M. Dennis Anderson: Je crois que le gouvernement fédéral a effectivement un rôle à jouer. Mais je ne crois pas qu'il devrait promulguer des normes nationales. Il devrait entreprendre une action positive, en offrant des incitatifs et de l'aide. C'est le but du fonds des bourses du millénaire. Il sera en vigueur dans un an et fournira de l'aide aux étudiants. C'est une action importante, très positive. L'affectation des fonds sera fonction avant tout des besoins individuels. Le mérite comptera pour 5 p. 100 seulement dans l'affectation. Ce sera une aide importante.
Il est important de clarifier une chose quand on parle de droits de scolarité et de dette étudiante. Les droits représentent environ le quart du coût des études. Quand ils parlent de la dette étudiante, les médias nous induisent souvent en erreur à ce sujet. Ils nous disent que la dette moyenne des étudiants se situe entre 25 000 et 30 000 $. Ce n'est pas tout à fait vrai. Selon l'université, entre 10 et 25 p. 100 des étudiants n'accumulent aucune dette; la dette moyenne de 25 000 $ est calculée seulement pour les étudiants qui ont une dette. On en parle peu souvent.
• 1610
Donc, les frais de scolarité sont toujours une aubaine dans
notre pays. Ils sont parmi les plus bas dans le monde. Sur le
plan international, nous essayons d'attirer des étudiants et nous
y parvenons, même si nous sommes situés à Brandon et que nous
sommes une petite université, parce que l'éducation universitaire
demeure une aubaine relative ici au Canada par rapport à d'autres
pays. Les frais que nous demandons pour les étudiants
internationaux nous placent parmi les moins dispendieuses, si je
peux m'exprimer ainsi, pour un étudiant international.
Mme Carolyn Bennett: Pourriez-vous me redire le pourcentage du coût que représentent les frais de scolarité?
M. Dennis Anderson: En moyenne, les frais de scolarité représentent 25 p. 100 des coûts totaux de fonctionnement de l'université chez nous. C'est inférieur dans quelques grands établissements d'enseignement supérieur. Au Canada, la moyenne se situerait aux environs de la tranche inférieure des 20 p. 100 en ce qui concerne la proportion du coût total de l'enseignement couvert par les frais de scolarité.
M. Lorne Nystrom: Juste pour obtenir un petit supplément d'information, ce matin, au micro même où vous êtes, il y avait une représentante de la Fédération des étudiantes et étudiants du Manitoba ou de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Je pense qu'elle a dit que les frais représentaient quelque chose comme 38 p. 100 ou 39 p. 100. Donc, ses données sont passablement différentes.
M. Dennis Anderson: Oui, mes données s'appliquent davantage à notre province peut-être, et je sais que dans certaines compétences les frais correspondent à une proportion plus élevée. Dans certains établissements, ils sont toutefois inférieurs. Mes données correspondent davantage aux données provinciales qu'aux données nationales.
Mme Carolyn Bennett: Donc, si un établissement décidait de les doubler à nouveau, pensez-vous que le gouvernement fédéral l'accepterait?
M. Dennis Anderson: Non, je ne le pense pas, quoique j'ai de la difficulté à voir quel rôle le gouvernement fédéral pourrait jouer dans tout cela. Je pense que le rôle...
Mme Carolyn Bennett: Je suppose que ce que les gens disent c'est que l'accessibilité en vertu de la Loi canadienne sur la santé est l'un des leviers que le gouvernement peut faire jouer en ce qui concerne les paiements de transfert.
M. Dennis Anderson: Oui.
Mme Carolyn Bennett: Je pense que ce que les étudiants ou les personnes qui demandent des normes nationales disent, c'est qu'il devrait également y avoir une norme d'accessibilité que le gouvernement fédéral pourrait avoir à l'égard de l'éducation postsecondaire.
M. Dennis Anderson: Eh bien, je n'ai pas une connaissance particulièrement approfondie de la question des normes. Toutefois, je tiens à insister sur...
Mme Carolyn Bennett: Mais supposons que vous pourriez le prendre en tant que pourcentage du coût, que vous pourriez même dépasser 50 p. 100 de vos coûts pour la scolarité...
M. Dennis Anderson: Eh bien, certaines provinces l'ont fait. L'Alberta a décidé que les frais de scolarité pourraient représenter jusqu'à 30 p. 100 des coûts, et on surveille cela de très près dans cette province. Je pense qu'il y a plus qu'un rôle provincial, et nous le voyons en Alberta. Cela existe peut-être déjà dans quelques autres provinces, et pourrait s'étendre.
Donc, il y aurait des normes, si vous voulez. Elles varieraient selon la province, et je pense qu'il reviendrait aux administrations provinciales de les mettre en oeuvre.
Mme Carolyn Bennett: Ce qui m'intéressait, c'était de connaître le soutien que vous aviez des instituts canadiens de recherches en matière de santé, et je pense qu'il y a eu certaines préoccupations que dans l'ensemble virtuel des instituts, seules les écoles de médecine avaient été reliées dans la première partie de la proposition. Si nous sommes pour composer avec les facteurs sociaux déterminants de la santé, tels la pauvreté et la violence dans le milieu, et effectivement faire de la recherche sur la prestation des soins de santé ainsi que sur la santé de la population et tout le reste, il y a un grand nombre d'universités ou de centres d'enseignement qui n'ont pas d'école de médecine. Nous espérerons que cet institut de la recherche en matière de santé se dotera de la définition la plus large possible de santé.
À Brandon, avez-vous bien l'impression que cette nouvelle proposition a été suffisamment élargie, au point que notre comité devrait l'appuyer?
M. Dennis Anderson: Je pense que nous devons nous assurer qu'elle est élargie. L'Association des universités et collèges du Canada a entériné la proposition, mais en apportant un certain nombre de réserves, qui ressemblent à celles dont vous avez fait mention. Vous l'avez dit très bien.
Selon des statistiques qui mettraient en évidence les observations que vous avez faites, il y 89 universités et collèges au Canada. De ce nombre, seulement 14 comptent des écoles de médecine. Ce ne sont pas les seuls endroits où il y a des chercheurs qui font de la recherche sur la santé de la population.
Il faut que cela soit bien compris. Donc, le mandat en ce qui concerne toute dépense faite en vue de ce réseau virtuel de recherche en santé doit être suffisamment général pour incorporer la gamme complète des établissements. Dans notre petite université—nous avons environ 3 000 étudiants et un budget de fonctionnement de 20 millions de dollars; c'est le cinquantième de la taille de l'Université de Toronto et le dixième de la taille de l'Université du Manitoba. Nous pourvoyons aux besoins des étudiants qui entrent en médecine et dans pratiquement toutes les professions.
• 1615
La recherche est très importante. Nous avons des chercheurs
qui oeuvrent dans des domaines touchant l'éthique des soins de
santé et la population vieillissante, en particulier dans les
régions rurales. Nous offrons les soins infirmiers
psychiatriques. Ils veulent faire un peu de recherche clinique en
santé mentale. Nous n'avons pas une école de médecine, mais même
dans notre petite université nous avons des membres du personnel
enseignant en sciences qui font des choses qui sont près de ce
qui se ferait dans les écoles de médecine. Mais dans notre
faculté des arts, dans notre faculté des études en santé, et même
dans notre faculté de l'éducation, il y a des gens qui font de la
recherche qui cadrerait très bien avec la définition de santé de
la population, pas nécessairement la définition plus étroite
d'une approche biomédicale à la santé.
Mme Carolyn Bennett: Monsieur Harris, en ce qui a trait à la stratégie relative au SIDA, un certain nombre d'entre nous sont préoccupés du fait que seules les maladies qui ont été politisées ont fini par être traitées séparément du financement régulier du CRM. Comme vous le savez, les spécialistes du cancer de la prostate sont très choqués parce que le même nombre de gens meurent chaque année du cancer du sein. Les spécialistes du cancer du sein sont choqués du fait qu'il y a dix fois plus de gens qui meurent du cancer du sein dans une année qu'il y en a qui meurent du SIDA, mais le financement est dix fois plus élevé dans ce dernier cas. Tout cela a débouché sur cette vilaine petite concurrence, ce que je pense vous n'avez pas voulu dire dans votre exposé de Cho!ces. Cela ne devrait pas dépendre du degré de succès d'un groupe de pression ou du nombre de décès qui surviennent chaque année. Cette approche «nous ou ils» n'est probablement pas une bonne façon de s'occuper du financement de la recherche dans le domaine de la santé. Auriez-vous une suggestion quant à ce que nous pourrions faire pour mieux le faire, ou est-ce que ce seront toujours les maladies les plus politisées qui obtiendront le plus d'argent?
M. George Harris: J'espère sincèrement que ce ne sera pas le cas. J'ai donné l'exemple parce qu'il provient de mon lieu de travail. Même au sein de Cho!ces, je peux ne pas avoir un soutien total parce que les gens croient fermement au soutien accordé dans d'autres domaines.
Ce que cette illustration devait faire, c'est de démontrer qu'il s'agit d'une question cruciale pour nous tous, et que nous devons examiner un grand nombre de ces éléments non tellement comme un gouffre financier, mais davantage comme un investissement. Nous parlons d'éducation, nous avons besoin de gens pour travailler de façon efficace dans les divers domaines de notre société. C'est donc un investissement. Cela me perturbe passablement lorsque les gens ne considèrent ces aspects que comme des gouffres ou de l'argent gaspillé.
Certainement, vous avez raison de dire que les conditions qui sont les plus politisées ont tendance à obtenir plus. La réalité est qu'en ce moment nous sommes terriblement sous-financés à tous les égards. Je pense que c'est la réalité, non seulement pour ce qui est de l'identifier comme étant le SIDA, l'hépatite C, le cancer du sein, ou quelque autre maladie que ce soit, mais même dans le domaine de la santé générale.
Je fais partie d'un processus où les gens font vraiment autorité dans différents domaines, et je ne suis pas la meilleure personne pour vous entretenir du domaine de la santé. Au lieu de parler à ce moment-ci d'intervention correctrice, j'aimerais que l'on fasse beaucoup plus pour ce qui est des soins de santé préventifs, ce qui constitue un investissement nettement meilleur pour notre société dans son ensemble. La tragédie d'une personne qui se présente dans mon bureau et veut me parler parce qu'elle dit, j'ai peur, on vient de me diagnostiquer... C'est selon si vous parlez du cancer du sein ou de quelque chose d'autre. J'aimerais que l'investissement se fasse plus à l'avant et qu'on ne laisse pas les choses dans l'état où elles sont.
Mme Carolyn Bennett: J'aimerais dire qu'en ce qui concerne non seulement ce que nous faisons, mais de quelle façon nous le faisons, nous avons appris beaucoup de l'initiative relative au SIDA. Je pense que lorsque Gordon Floyd a parlé au nom du Centre canadien de philanthropie, il a été très positif sur la façon dont les sommes consacrées au SIDA ont été dépensées. Il s'est agi d'une collaboration avec les intervenants, de sorte que nous avons vu une bonne collaboration quant au montant qui est consacré à l'éducation publique, à la prévention, au soutien communautaire et à la recherche. Je pense qu'il s'agit là d'un bon exemple que le gouvernement devrait suivre dans un grand nombre de domaines.
Ma dernière question s'adresse à madame Jacks. Je veux tout simplement vous dire que votre mémoire a été l'un des plus intéressants et des plus inspirants que nous ayons entendu. Je pense que c'est le genre de chose que j'aime voir sur papier parce que ce sont des choses auxquelles certains d'entre nous, je crois, pensent en termes d'équité ou de priorités.
Ma seule question portait sur un sujet dont un grand nombre d'entre nous ont parlé depuis longtemps, et c'est que les gens qui font des dons aux oeuvres de bienfaisance obtiennent des allégements fiscaux, mais les personnes qui donnent des heures et des heures de leur propre temps n'y ont pas droit. Pensez-vous qu'il s'agisse là de quelque chose de faisable? Il y a certaines oeuvres de charité qui sont capables de tenir compte des heures. Je pense qu'un certain nombre d'auxiliaires bénévoles dans les hôpitaux sont des personnes qui en réalité tiennent un compte de leurs heures. Pensez-vous que le secteur bénévole est prêt à cela et est en mesure de donner à quelqu'un une pièce justificative pour le nombre d'heures que cette personne a consacrées, pièce qui serait alors jointe à la déclaration des revenus, ou est-ce quelque chose qui va nous prendre un certain temps à réaliser?
Mme Evelyn Jacks: Lorsque nous mettions le tout ensemble, nous pensions à l'administration. Je pense qu'il est tout aussi facile de donner une pièce justificative qu'il est facile de donner un reçu pour fins d'impôt. Je ne vois donc pas cela comme un problème.
Mme Carolyn Bennett: Mais je pense, qu'adviendrait-il si la tenue de toutes ces heures était encore une chose que l'on demandait aux organismes à but non lucratif de faire?
Mme Evelyn Jacks: Personnellement, je ne pense pas que ce soit un problème. Je considère que c'est un problème plus grand de gaspiller l'énergie des jeunes qui, par exemple, en particulier les jeunes démunis, pour une raison ou une autre veulent vraiment redonner à la société, et aussi, de l'autre côté, peut-être des gens qui sont prêts à prendre leur retraite au sens commercial, mais pas pour redonner. Ces réflexions s'adressent davantage aux démunis et aux pauvres dans la société qui continuent de ressentir le besoin de s'épanouir.
Mme Carolyn Bennett: Donc, quelques-unes de ces personnes qui aident en réalité dans leur communauté pourraient effectivement payer moins d'impôt.
Mme Evelyn Jacks: Il devrait certainement y avoir une très grande réflexion à ce sujet, mais pour ce qui est de toute la question de ce qui constitue la marge libre d'impôt, peut-être que l'on devrait rehausser la marge libre d'impôt de concert avec le temps redonné à la communauté.
Mme Carolyn Bennett: Savez-vous de mémoire ce qu'il nous en coûterait de rehausser la marge libre d'impôt? J'essayais de calculer si quelqu'un qui reçoit le salaire minimum fait en réalité au maximum 10 000 $ par année. Est-ce...
Mme Evelyn Jacks: Je n'ai pas les données de ce qu'il vous en coûterait pour faire cela. Je pense que vous devriez tenir compte de deux choses, tout d'abord: la structure du taux d'impôt par rapport à la structure du crédit d'impôt remboursable. Il faudrait alors calculer les deux ensemble.
Nous voyons souvent des renseignements erronés en ce qui concerne les produits du système fiscal. La raison pour laquelle c'est erroné—par exemple, pourquoi est-ce que les taux de l'impôt marginal sont souvent mal codés—et qu'ils ne tiennent pas toujours compte de la structure des crédits d'impôt remboursables, ce qui en réalité abaisse les taux de l'impôt marginal pour les personnes à faible revenu.
Une chose qui est très intéressante, par exemple, au sujet du nouveau supplément—le montant de l'exemption personnelle de base—c'est que cela crée une nouvelle structure du taux de l'impôt marginal pour les personnes à faible revenu. Si votre revenu est inférieur à 20 000 $, entre 6 456 $ et 20 000 $, par exemple, vous avez en réalité une zone de récupération de cette augmentation dans le montant de l'exemption personnelle de base. Le même principe s'applique à la nouvelle réduction de la surtaxe de 3 p. 100. Nous aboutissons finalement avec une nouvelle zone de récupération.
Nous avons une structure fiscale très compliquée pour laquelle il est vraiment difficile, parce que cela dépend non seulement de votre niveau global de revenu, mais aussi la provenance de votre revenu, de dire vraiment avec précision quel est votre taux d'impôt. C'est pourquoi nous avons de la difficulté à composer avec ces chiffres.
Mme Carolyn Bennett: Je pense que l'une des demandes faites au gouvernement avait trait à l'augmentation des exemptions personnelles, quelque chose que nous pourrions faire et qui aiderait tout le monde.
Mme Evelyn Jacks: En particulier, parce que nous n'avons pas eu l'indexation, si nous avons une mère monoparentale qui gagne 8 000 $ par année, je me dois vraiment de me poser la question à savoir s'il est juste d'enlever, en raison de l'impôt, le tiers de la différence entre 6 456 $ et 8 000 $.
Mme Carolyn Bennett: Je pense que les personnes qui reçoivent des prestations d'invalidité appartiennent à ce groupe.
Mme Evelyn Jacks: Oui.
Le président: Merci, madame Bennett.
Monsieur Valeri a une question.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président. J'ai une question pour madame Jacks.
Dans votre exposé, vous parlez de la dette et du paiement de l'intérêt sur la dette. Lorsque je parcours l'exposé, ai-je raison d'interpréter que ce que vous feriez essentiellement avec un excédent, ce serait de payer d'abord la dette? Donc, affecteriez-vous tout l'excédent ou un pourcentage précis de ce dernier à la dette?
Mme Evelyn Jacks: Mon avis personnel serait de le faire au cours d'une certaine période de temps, de consacrer la plus grande partie du dividende fiscal à la réduction de la dette au cours des 20 prochaines années, parce que vous disposez d'une grande base de contribuables qui sont toujours relativement productifs et qui peuvent produire des déclarations des revenus qui vous permettent de faire cela.
Je crois que dans 20 ans d'ici vous allez avoir un problème en tant que gouvernement au sujet de la taille de l'assiette fiscale pour vous permettre de tout essayer pour lutter contre la dette. Je crois donc que nous avons une fenêtre de 20 ans pour véritablement rembourser de façon substantielle la dette. Pour cette raison, la grande base de contribuables productifs avec laquelle nous composons—la majorité des dividendes fiscaux devrait s'appliquer à la réduction de la dette, à mon avis, mais certainement pas dans sa totalité parce que dans cette même période de 20 ans vous allez devoir faire face à des besoins sociaux de plus en plus grands. Donc, on doit pouvoir parvenir à un équilibre quelconque.
M. Tony Valeri: Si nous devions adopter une période de 20 ans, vous pourriez essentiellement supposer que quel que soit le dividende fiscal, du moins en ce qui concerne les données dont nous parlons en ce moment, il irait complètement au remboursement de la dette. Mais ce que vous dites, c'est prenons l'approche la plus longue pour ce qui est de la dette. Assurons-nous qu'il y a un engagement qui est pris pour rembourser la dette, mais en même temps assurons-nous qu'il y aura un réinvestissement.
Mme Evelyn Jacks: Exactement.
M. Tony Valeri: Très bien.
J'aimerais avoir une certaine rétroaction au sujet de la proposition d'infrastructure et de l'argument que l'on a avancé, qui est à toutes fins pratiques l'argument d'un impôt dédié, de recettes dédiées. J'aimerais entendre peut-être un commentaire de la part du panel.
En ce qui concerne l'impôt dédié, vous prétendez qu'il devrait y avoir des recettes précises réservées aux routes. Mais d'autres demanderaient pourquoi s'en tenir uniquement aux routes? Pourquoi n'avons-nous pas un impôt dédié pour les soins de santé, pour l'éducation, pour les routes, pour l'emploi, pour peu importe ce à quoi vous pensez, pour acheter des agrafes et des agrafeuses? Pourquoi ne marquons-nous pas toutes les recettes pour des fins particulières? J'aimerais avoir une certaine rétroaction à ce sujet.
Que ferions-nous alors s'il arrivait une catastrophe, par exemple des inondations, peut-être l'hépatite C, ou autre chose?
Sous-jacent à ma question est ceci. Avec la notion de fonds réservés, la notion d'impôt réservé, vous éliminez effectivement toute forme de souplesse. Si vous manquez d'argent dans une enveloppe donnée, que faites-vous? Si vous manquez d'argent pour les routes dans cette enveloppe des recettes dédiées, vous cessez de réparer les routes jusqu'à ce qu'il y ait de l'argent dans l'enveloppe. Si vous manquez d'argent pour les soins de santé, vous n'avez plus la possibilité de faire quoi que ce soit pour les soins de santé.
Donc, si vous êtes pour réserver des fonds lorsqu'ils entrent, dédiez-vous également des fonds lorsqu'ils sortent, ce qui signifie que ce que vous avez, ce sont des dépenses qui sont strictement fondées par habitant, soit la façon dont c'est à l'heure actuelle configuré. L'Alberta, l'Ontario et la Colombie-Britannique s'en tireraient mieux que d'autres provinces qui ne sont pas aussi bien nanties dans ce pays? Qu'en pensez-vous pour ce qui est du développement du pays?
M. Chris Lorenc: J'aimerais essayer de poser cette question. Tout d'abord, en ce qui concerne les taxes sur l'essence, si vous consultez les débats de la Chambre des communes, le Hansard, et si vous examinez de quelle façon elles ont été introduites à l'époque où les assemblées législatives des provinces les ont pour la plupart envisagées pour la première fois, vous constaterez que la taxe a été mise en oeuvre précisément aux fins de réinvestissement dans le réseau de transport. Quand au fil des décennies qui ont suivi il est devenu pratique pour le gouvernement de verser ces fonds aux recettes générales, c'est là où elles ont été inscrites.
La réalité est que nous avons un déficit d'infrastructure dans ce pays qui est...
M. Tony Valeri: Je ne m'obstine pas sur ce point. Mais d'autres vous feront remarquer que les impôts ont été créés pour financer une guerre.
M. Chris Lorenc: Oui.
M. Tony Valeri: Vous pouvez donc présenter cet argument pour un grand nombre de choses.
Je ne m'en prends pas du tout à ce que vous dites. Ce que j'essaie de faire, c'est d'obtenir une rétroaction sur la notion d'impôt dédié. Il y a un argument dans notre pays en ce moment qui veut que certaines personnes disent qu'il devrait y avoir plus d'impôts dédiés et d'autres prétendent qu'il doit y avoir une plus grande souplesse afin que les gouvernements puissent réagir. Ceux qui sont en faveur de l'impôt dédié disent qu'il doit y avoir une plus grande transparence, que nous devons savoir exactement ce que le gouvernement fait, et que nous voulons savoir où va l'argent et de quelle façon il est dépensé.
Je dis qu'avec cette notion d'impôt dédié, vous obtenez également le revers de la médaille. Lorsque le fonds est à court, essentiellement vous ne réparez plus de routes. Vous ne faites plus rien non plus avec les soins de santé. En fait, vous n'avez pas vraiment cette forme de consultation prébudgétaire parce qu'en fait, si vous deviez vous présenter devant moi et me dire que nous voulons réaliser un programme d'infrastructure, je passerais à la page 20 et dirais qu'il n'y a plus d'argent dans le fonds, ou qu'il y a beaucoup d'argent dans le fonds et que vous pouvez procéder. Alors il y a quelqu'un de la santé ou de l'enseignement postsecondaire qui vient me voir et je lui dis, désolé, nous avons dépensé tous les montants marqués au cours du dernier budget et maintenant nous n'avons vraiment pas beaucoup d'argent. Nous savons qu'il y a un besoin, mais nous sommes désolés, nous n'avons plus d'argent.
M. Chris Lorenc: Tout d'abord, toute la question du financement des réparations à l'infrastructure n'est pas quelque chose que le pays pourra faire du jour au lendemain, en cinq ans, en dix ans ou en 20 ans, uniquement à cause du problème qui a été laissé à notre génération et aux prochaines. C'est le premier point.
Pour ce qui est du deuxième point, nous avons inscrit dans notre mémoire, quoique nous ne l'avons pas dit lors de l'exposé, que nous souscrivons à la notion que 50 p. 100 de l'excédent devrait servir à l'élimination de la dette. L'autre portion qui reste devrait servir à des investissements stratégiques qui amènent le développement économique et la croissance dans la production des richesses.
Troisièmement, nous n'avons pas dit que le montant de 5 milliards de dollars que le gouvernement fédéral avait accumulé devrait être consacré entièrement aux routes ou à l'infrastructure. Ce que nous avons dit, c'est qu'on doit réinvestir dans le réseau de transport les fonds qui avaient été initialement marqués à cette fin. Le montant dont nous parlons dans notre exposé est de 800 millions de dollars, avec une contribution équivalente des provinces. Nous n'avons pas suggéré au gouvernement fédéral la notion d'un impôt dédié comme c'est le cas aux États-Unis où 18,5c. est réservé précisément à cette fin.
M. Tony Valeri: Mais dans votre exposé, vous dites que du montant de 5 milliards de dollars, 13 millions sont consacrés dans l'ouest du Canada, et au Manitoba le revenu fiscal fédéral estimatif provenant du carburant pour les véhicules est supérieur à 140 millions de dollars. Lorsque je lis cela, j'en déduis que le Manitoba dépense beaucoup plus qu'il ne reçoit; en quelque sorte vous dites que nous le dépensons et que nous voulons le ravoir pour les routes. C'est là la raison de mon intervention.
Si vous êtes d'accord avec un partage moitié moitié, ou un quelconque partage, alors vous ne parlez pas vraiment d'une structure d'impôt dédié. Vous dites que nous devons examiner les priorités et inclure dans une liste de priorités l'infrastructure. Supposons que l'infrastructure est la grande priorité, et faisons quelque chose au sujet de l'infrastructure. Vous ne préconisez donc pas en réalité un impôt marqué pour les routes.
M. Chris Lorenc: Nous suggérons que le gouvernement fédéral récupère chaque année 5 milliards de dollars des usagers du réseau et que le financement approprié pour le réseau devrait provenir de ceux qui l'utilisent. Nous ne suggérons pas 5 milliards de dollars. Dans un monde merveilleux, je suppose que c'est ce qui se passerait, mais nous sommes également assez réalistes pour comprendre que l'approche au Canada n'a pas été celle de l'impôt dédié, comme cela a été le cas aux États-Unis. C'est un nouveau thème pour les motifs que vous avez donnés.
• 1635
Je vous dirais que le public est plus que prêt à payer des
impôts s'il constate qu'il y a un lien entre ce qu'il paie et les
services qu'il reçoit, par opposition à une augmentation générale
de l'impôt qui va dans une caisse générale sur laquelle il n'a
aucun contrôle.
Donc, ce que nous suggérons, c'est qu'il doit y avoir une certaine discipline pour ce qui est de comprendre que l'infrastructure soutient l'économie, ce qui nous permet de financer la santé, l'éducation, et les programmes de sécurité sociale. Vous ne pouvez financer ces éléments, et le financement se tarira, si vous n'avez pas une infrastructure qui permet à l'activité économique de continuer à prendre de l'expansion et à produire de la richesse grâce aux recettes, non seulement pour les employés mais aussi pour le gouvernement. Nous pressons donc le gouvernement d'aller dans ce sens.
Les municipalités le font tout le temps. Elles le font avec des fonds dédiés au renouvellement des égouts et des conduites principales d'eau. Si vous parlez aux dirigeants des municipalités, ils vous diront que lorsqu'ils contrôlent l'argent reçu et ce à quoi il sert, ils réussissent à régler des problèmes ignorés par le passé. C'est une leçon dont nous devrions nous inspirer. Nous devons examiner d'autres compétences administratives qui utilisent le principe de l'impôt dédié à ces fins.
Mais il n'y a rien dans ce mémoire qui suggère que le montant de 5 milliards de dollars doit absolument être réinvesti dans le transport parce que nous savons qu'il y a d'autres problèmes. C'est pourquoi nous disons que 50 p. 100 de l'excédent devrait s'appliquer à la dette afin que nous puissions dégager d'autres recettes du gouvernement pour faire d'autres choses que la société juge importantes, et que l'autre moitié de ce montant devrait être investie dans ce que le pays détermine comme priorités. Nous pensons qu'une partie de ce 50 p. 100 de l'excédent devrait être réinvestie dans ce qui fait tourner l'économie, c'est-à-dire l'infrastructure.
M. Tony Valeri: Mais vous n'appuyez pas un impôt dédié.
M. Chris Lorenc: Nous appuyons l'impôt dédié. Si vous demandez si nous appuyons un système en vertu duquel chaque dollar reçu est dédié à un objet précis, nous n'avons pas abordé cette question et nous n'avons pas une position précise à ce sujet. Nous en avons parlé dans le contexte d'une réserve accumulée par les impôts payés par les utilisateurs, et nous estimons qu'une portion de ce montant que les utilisateurs versent devrait retourner au système qu'ils utilisent.
M. Tony Valeri: Lorsque vous dites que la réserve est accumulée par les utilisateurs, faites-vous référence à la taxe sur le carburant ou à quelque chose d'autre?
M. Chris Lorenc: Nous faisons référence à la taxe sur le carburant.
M. Tony Valeri: C'est essentiellement une taxe dédiée.
M. Chris Lorenc: Si vous voulez parler de portions dédiées, je pense que c'est exact.
M. Tony Valeri: Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui aimerait commenter sur une taxe dédiée?
Le président: Monsieur Harris.
M. George Harris: Merci, monsieur le président.
En général, nous n'appuyons pas des impôts dédiés ou la notion selon laquelle une partie de l'impôt sera dédiée. Cela devient passablement complexe et les enveloppes se vident et tout le reste.
Ce qui est absolument important, c'est d'avoir une vision nette de ce que l'on voudrait pour l'infrastructure nationale. Je pense que j'ai entendu un autre témoin dire qu'il devrait y avoir une approche stratégique relativement à ce que nous voulons en matière d'infrastructure, puis que nous devrions examiner de quelle façon nous allions financer le tout.
Je pense que nous avons tous entendu parler des histoires d'horreur au sujet de l'infrastructure, lorsque vous commencez à vous demander pourquoi cet ouvrage incroyablement complexe et dispendieux a été construit. Bien souvent, il n'y avait pas de vision, mais il y avait beaucoup de pression, etc., et vous aboutissez avec quelque chose comme une route qui ne convient pas, une projection de croissance qui n'était pas raisonnable, et tout le reste.
• 1640
Je pense donc que la clé en ce qui nous concerne c'est de
s'assurer qu'il y a de la discipline au sujet de la vision que
vous avez d'une infrastructure nationale au lieu d'entrer dans la
complexité d'essayer de dédier des impôts pour cette
infrastructure.
M. Tony Valeri: C'est vrai. Merci.
Le président: Merci, monsieur Valeri.
J'aimerais remercier le panel pour... Désolé, monsieur Motheral. Vouliez-vous ajouter un commentaire?
M. Wayne Motheral: Je voulais tout simplement faire un commentaire au sujet des impôts dédiés.
Du point de vue de l'Union of Manitoba Municipalities, de concert avec la Fédération canadienne des municipalités, évidemment, je pense que le fonds réservé au transport devrait être créé à l'aide d'une portion quelconque de la taxe sur le carburant. Cela peut effectivement constituer un impôt dédié, mais la position de notre coalition est que nous aimerions voir une partie de ces taxes.
J'aimerais juste donner un petit exemple de notre État voisin, le Dakota du Nord, qui est ce que vous appelleriez un État moins bien nanti aux États-Unis. Il y a des personnes dans les États du Sud qui ne savent même pas où il est situé. Il y a trois autoroutes à quatre voies qui traversent cet État. Si un comté ordinaire dans le Dakota du Nord veut apporter des réparations aux ponts sur une route du comté, les coûts seront financés à 80 p. 100 par le gouvernement fédéral. Ils ont donc un programme continu d'infrastructure. Ce n'est qu'un exemple.
Le président: Au nom du comité, j'aimerais vous exprimer toute notre gratitude pour vos exposés. Vous avez formé un panel excellent et intéressant. Vous avez parlé d'un bon nombre de domaines, depuis le déficit sur le plan humain jusqu'à l'infrastructure, en passant par les universités, la recherche et le développement, et cela tient compte du développement d'une économie concurrentielle, qui est vraiment essentielle si nous voulons produire le type de richesse qui nous permettra d'avoir la société humaine que nous voulons tous obtenir.
En fin de compte, je crois qu'en tant que comité nous partageons votre objectif ultime, qui est je pense d'améliorer la qualité de la vie des gens qui vivent au Canada, que ce soit par l'infrastructure, la recherche et le développement, ou les universités, ou que ce soit en abordant certains des besoins sociaux dont vous nous avez si éloquemment fait part. Et c'est précisément ce qui est à la base de notre programme en tant que comité. Nous voulons faire ce qui est bien pour les gens du Canada et nous voulons formuler les recommandations qui vont dans le sens des valeurs que vous avez énoncées cet après-midi.
Donc, au nom du comité, une fois de plus, je vous remercie.
C'est la dernière séance pour aujourd'hui en ce qui concerne les membres du comité. Nous serons de retour demain à 9 heures, et nos réunions auront lieu de 9 heures à 16 heures, dans la même ville, même heure et même poste.
La séance est levée.