TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 3 novembre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes ici présentes ce matin. Comme vous le savez tous, nous étudions actuellement le rapport du groupe de travail MacKay sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.
Nous souhaitons la bienvenue à nos divers témoins de ce matin. Nous avons le plaisir de recevoir les représentants des organismes suivants: Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec; Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec; École des Hautes Études Commerciales; Entraide, Assurance-vie, Compagnie mutuelle; Institut québécois de planification financière; Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec Inc.; ainsi que l'Association communautaire d'emprunt de Montréal.
Comme vous le savez, vous avez de cinq à sept minutes pour faire votre exposé; ensuite nous passerons à une séance de questions et réponses. Nous commençons par M. Jean La Couture, du Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec. Vous êtes le bienvenu.
M. Jean La Couture (porte-parole, Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec): Monsieur le président, merci beaucoup. Je m'exprimerai en français, mais M. Georgiev et moi serons ravis de répondre à toutes questions en anglais.
[Français]
Monsieur le président, je vous remercie de nous donner la chance de nous exprimer devant vous. Je m'appelle Jean La Couture et je suis président du Regroupement des assureurs de personnes à charte québécoise.
Le RAPCQ, comme son nom l'indique, regroupe les assureurs-vie à charte du Québec, et il faut savoir que les assureurs-vie à charte du Québec émettent environ 50 p. 100 de toutes les primes émises au Québec. Il comprend également les réassureurs canadiens. Comme vous le savez, il n'y a pas plusieurs réassureurs au Canada.
Dans les quelques minutes que vous nous allouez, nous allons attirer votre attention sur un aspect qui n'a pas été couvert dans le rapport MacKay bien que nous y ayons vu un effort très articulé et bien organisé. Il s'agit des compagnies locales, qui ont des préoccupations particulières et une stratégie adaptée davantage à une clientèle locale.
Au RAPCQ, nous avons constitué un comité. Les membres de notre conseil d'administration sont tous des présidents de compagnies d'assurances du Québec, et celui qui a dirigé le comité sur l'avenir des services financiers est M. Mario Georgiev. M. Georgiev est président de Optimum RI et c'est lui qui va vous communiquer l'essence de nos commentaires ce matin.
M. Mario Georgiev (président, Optimum réassurance Inc., Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec): Bonjour, tout le monde. J'aimerais traiter essentiellement ce matin des points qui touchent directement les sociétés membres de notre regroupement, soit les sociétés à charte provinciale.
La première constatation que l'on fait, c'est que dans son rapport, le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien a peu tenu compte de la problématique propre aux sociétés provinciales.
Dans la Loi sur les sociétés d'assurances, le gouvernement fédéral fait des sociétés provinciales des citoyens de seconde classe. Spécifiquement, l'article 254 de la loi prévoit que les sociétés provinciales ne peuvent acquérir au Canada des sociétés à charte fédérale ou des portefeuilles d'assurances émis initialement par des sociétés à charte fédérale. Par contre, les sociétés à charte fédérale ont tout le loisir d'acquérir des sociétés à charte provinciale. De la même façon, les sociétés étrangères, qu'elles soient européennes ou américaines, qui oeuvrent au Canada peuvent acquérir des sociétés à charte fédérale, ainsi que des portefeuilles à charte fédérale ou à charte provinciale.
La loi est bien spécifique quand elle crée cette discrimination envers les sociétés provinciales, dont la capacité de développement est limitée par ces normes qui, à notre avis, sont très peu justifiées puisque les sociétés provinciales jouent un rôle important dans l'économie et dans l'industrie de l'assurance.
M. La Couture mentionnait qu'au Québec, les sociétés provinciales occupent environ la moitié du marché pour ce qui est du volume des primes. Elles représentent la majeure partie des sociétés localisées au Nouveau-Brunswick et, encore une fois, le seul réassureur canadien est également une société à charte provinciale.
Il nous apparaît important que, dans le développement de normes pour l'avenir du secteur financier, la reconnaissance de la compétence des autorités locales, que ce soit pour des sociétés fédérales ou provinciales, soit intégrée dans toute révision de la loi.
La deuxième série de mesures que l'on veut porter à votre attention ce matin sont des mesures dont nous avons parlé à différentes occasions, notamment dans le mémoire soumis par le RAPCQ au groupe MacKay. Il s'agit de mesures pour appuyer le développement des petites et moyennes sociétés.
Le groupe MacKay avait une attitude positive envers les regroupements d'entreprises et les conglomérats, mais nous croyons que les petites sociétés ont un rôle important à jouer. Ce sont elles qui sont le mieux adaptées et le plus aptes à prendre en compte les contraintes et les particularités régionales dans leurs activités et également celles qui, de façon générale, desservent le mieux les niches dans le marché. Ces sociétés ont besoin de soutien pour leur développement et d'un environnement qui leur donne des moyens de développement égaux à ceux des grandes sociétés.
Ici, on fait appel à vos réflexions sur, notamment, le rôle des organismes d'autoréglementation. Parfois, malheureusement, ces organismes sont devenus des outils dont se servent les plus gros pour contrôler les plus petits. Donc, il faut absolument, lors de la création de tout organisme d'autoréglementation, prévoir une forme de contrôle de leurs opérations.
Deuxièmement, parlons de la divulgation financière. On soulève dans le rapport MacKay un souci de protection du consommateur. Dans notre mémoire initial, nous avions renforcé ce souci, de même que la protection des renseignements personnels, du dossier personnel de chacun des assurés.
Par contre, il faut bien voir que la divulgation doit respecter certaines normes de simplicité et il faut s'assurer que le message transmis aux consommateurs soit accessible. Malheureusement, à notre avis, le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien va trop loin dans ses recommandations, surtout lorsqu'il traite, par exemple, de la divulgation de toute forme de rémunération qui pourrait être utilisée dans la distribution des produits financiers.
• 0910
La divulgation corporative n'a pas été
retenue non plus par le groupe de travail dans ses
recommandations. Nous avions fait des représentations
en espérant qu'au Canada, une société ayant un permis
d'opération puisse faire des représentations égales
à celles de toute autre société et que le gouvernement n'avalise
pas une comparaison financière entre sociétés en forçant,
par exemple, la divulgation de ratios financiers, tel
que le Bureau du surintendant des institutions
financières fédéral l'a recommandé au
cours de l'année 1997.
Finalement, parlons du traitement de la réassurance dans les cas de liquidation. Nous avons également fait des représentations à cet égard auprès du groupe de travail, représentations qui n'ont pas été retenues. Il est important que la réassurance soit un outil financier accessible à toute petite société d'assurance. C'est un outil qui permet à ces sociétés de compétitionner avec une capacité non pas égale, mais au moins semblable à celle des grandes corporations. Malheureusement, dans un cas récent de faillite au Canada, le traitement de la réassurance a été modifié de façon importante, ce qui rend la réassurance moins accessible aux plus petites sociétés.
Finalement, j'aimerais faire un commentaire plus général. Il est évident que les coûts administratifs ont un poids relativement plus élevé pour les petites sociétés. Dans toutes les recommandations que l'on fera, il faudra s'assurer d'éviter des dédoublements entre, notamment, les réglementations provinciale et fédérale et éviter des structures trop lourdes qui généreraient des coûts administratifs pour les plus petites sociétés dans le marché.
Voilà qui termine notre présentation. Merci.
M. Jean La Couture: Monsieur le président, nous voulons que vous reteniez que le rapport MacKay devrait favoriser un climat qui va permettre aux entreprises québécoises non seulement de subsister mais aussi de se développer.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à
[Français]
la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Monsieur Jean-Guy Langelier, je vous souhaite la bienvenue.
M. Jean-Guy Langelier (président et chef de la direction, Caisse centrale Desjardins, Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec): Merci, monsieur le président.
Le Mouvement des caisses Desjardins remercie le Comité permanent des finances de la Chambre des communes de lui donner l'occasion d'échanger avec lui sur les conclusions et les recommandations du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.
Je ne pense pas que nous ayons à décrire en détail le Mouvement des caisses Desjardins. Nous ne ferons que souligner qu'avec ses 5 millions de membres et des actifs dépassant les 72 milliards de dollars, le mouvement est, en ordre d'importance, la sixième institution financière canadienne. Premier employeur privé au Québec, il occupe aussi le premier rang des institutions de dépôt, tant du côté de l'épargne que du crédit. Il détient la première position du marché de l'assurance des personnes et la deuxième de celui de l'assurance-dommages.
Présent sur tout le territoire québécois, le Mouvement des caisses Desjardins est aussi un important levier socioéconomique qui appuie les projets de développement de tous les milieux. Dans ce contexte, nos 15 000 dirigeants et dirigeantes bénévoles apportent une expertise inestimable à nos caisses et aux collectivités qu'elles desservent.
Le Mouvement des caisses Desjardins regroupe au total 1 416 caisses populaires, dont 141 dans les provinces du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Manitoba.
À notre avis, le rapport MacKay pose un diagnostic exact sur le contexte dans lequel évolue et évoluera le secteur financier canadien, et identifie de façon appropriée les défis et les occasions qui se présenteront.
De façon générale, le Mouvement des caisses Desjardins se sent à l'aise devant les positions retenues et défendues par les membres du groupe de travail. Elles rejoignent pour la plupart l'essentiel des propositions que nous avions formulées dans notre mémoire au groupe de travail. Cependant, j'aimerais vous faire part de quelques commentaires supplémentaires et exprimer quelques réserves sur certains éléments du rapport.
L'un des objectifs fondamentaux qui sous-tendent la notion de libre concurrence et de compétitivité sur le marché canadien, cela pour le bien-être des consommateurs, consiste à définir des règles du jeu bien comprises par tous les intervenants qui offrent des produits et services financiers aux Canadiens. Les intervenants devraient être traités de façon égale et équitable, qu'il s'agisse d'entreprises canadiennes ou étrangères, d'entreprises à charte provinciale ou fédérale, ou encore d'entreprises réglementées ou non réglementées.
• 0915
Nous sommes d'avis que cette première étape
d'harmonisation est extrêmement importante pour la
santé et le bien-être de l'industrie financière
canadienne. Elle est aussi cruciale si nous voulons qu'à la fin
du processus, le consommateur canadien puisse
bénéficier à la fois d'un plus grand choix et d'une
bonne protection de ses
droits.
Par conséquent, nous sommes entièrement d'accord avec les auteurs du rapport MacKay, qui recommandent un décloisonnement dans la distribution des services financiers, pourvu, évidemment, que cette offre de services intégrés soit réglementée de façon adéquate.
À titre d'exemple, en matière de protection des renseignements personnels, nous pensons que toute institution sous juridiction fédérale devrait se conformer aux lois applicables sur les territoires où elle fait affaire. Au Québec, par exemple, il s'agit du Code civil et de la Loi 68.
Ainsi, nous sommes fortement d'avis que si le gouvernement fédéral devait permettre de pousser plus loin le décloisonnement des institutions financières à charte fédérale, ces dernières ainsi que tout distributeur ou intermédiaire financier devraient par contre être tenus de respecter les règles provinciales applicables en matière de distribution de produits et services financiers. Il serait aussi important que les règles soient harmonisées entre les provinces afin de diminuer les dépenses administratives inhérentes.
En matière de concurrence et de compétitivité sur le marché canadien, nous sommes d'avis que la limite de détention de 10 p. 100 imposée aux grandes banques devrait aussi s'appliquer aux banques à charte canadienne ayant un capital inférieur à 5 milliards de dollars.
Dans le contexte canadien, ces institutions sont souvent des banques régionales d'envergure exerçant un impact très important au niveau de une ou de deux province. Permettre une détention démesurée par un actionnaire pourrait entraîner des impacts négatifs pour cette région dans l'éventualité où les intérêts de cet actionnaire ne concorderaient pas avec le développement économique de cette région.
Le Mouvement des caisses Desjardins se réjouit de l'ouverture qu'on manifestée les membres du groupe de travail à la demande que nous avions formulée qui visait à permettre au secteur coopératif d'instituer une ou des banques coopératives et à éliminer les obstacles législatifs et réglementaires à la croissance du secteur coopératif des services financiers.
Dans un contexte de profonde mutation, nous sommes d'avis que la constitution de cette catégorie de banques représente une excellente alternative pour les PME canadiennes et pour les différentes coopératives d'épargne et de crédit, qui continuent de se vouer au développement économique et social de la communauté locale.
Finalement, nous sommes d'avis que la refonte de l'industrie financière canadienne devrait se faire de façon progressive, cela afin de bien niveler le terrain et de bien établir les règles du jeu pour que la compétition soit non seulement réelle mais aussi équitable.
Voilà donc, brièvement exprimés, monsieur le président, les commentaires que nous voulons émettre sur le rapport MacKay. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup de vos observations.
Nous entendrons maintenant
[Français]
le représentant de l'École des Hautes Études Commerciales, M. Jean Roy.
M. Jean Roy (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président. Il est bien entendu que je suis professeur à l'École des Hautes Études Commerciales, mais que je ne peux pas prétendre représenter cette institution puisqu'il y a là 160 professeurs qui ont chacun une opinion personnelle. Donc, c'est à titre personnel que je témoignerai ici.
Je tiens à vous remercier sincèrement de me donner l'occasion de m'exprimer sur le rapport MacKay. C'est un rapport très intéressant. Je dois dire que j'ai eu l'occasion de travailler pour le groupe MacKay, ayant fait l'une des 18 études complémentaires. Cependant, je crois qu'il m'est quand même permis d'exprimer mon point de vue sur l'ensemble du rapport.
Globalement, en termes des forces et faiblesses, premièrement, je remarque un grand équilibre dans le rapport.
Il y a premièrement un équilibre entre le changement et la stabilité. Évidemment, le rapport MacKay propose beaucoup de changements, à la fois du point de vue des entreprises, les fournisseurs des services financiers, et du point de vue des consommateurs. Ce qu'on remarque moins, cependant, c'est qu'il y a beaucoup de caractéristiques fondamentales du système financier qui sont conservées, et c'est très bien.
Deuxièmement, il y a un équilibre entre les fournisseurs et les consommateurs, puisqu'on veut finalement renforcer les deux parties.
• 0920
Troisièmement, il y a un équilibre quant aux
occasions de croissance offertes tant aux grandes
qu'aux moyennes et petites entreprises financières.
On a aussi fait de grands efforts pour ne
privilégier aucune forme de propriété, que ce soit
le capital-actions, les compagnies d'assurance mutuelle ou
les coopératives.
Finalement, il y a un équilibre entre l'ouverture aux fournisseurs étrangers et le souci de maintenir la propriété canadienne pour le système financier.
Également, on remarque l'envergure assez considérable de l'ensemble des questions qui sont examinées.
Néanmoins, à mon avis, il y a des faiblesses, et les faiblesses, c'est parfois de ne pas faire des recommandations univoques, par exemple sur les régimes d'indemnisation, ou encore de passer sous silence certaines questions qui auraient pu être pertinentes, comme l'approche fonctionnelle à la réglementation, les implications nationales des risques internationaux pris par les institutions canadiennes et l'encadrement du secteur des valeurs mobilières.
Donc, je crois que c'est un très bon rapport, mais, si vous me le permettez, j'aimerais maintenant développer les points sur lesquels je diverge plus particulièrement d'opinion avec les auteurs du rapport.
Premièrement, concernant la propriété, je suis d'accord sur l'approche prise par le groupe MacKay d'assouplir un peu la règle du 10 p. 100. Cependant, les assouplissements sont plus forts que je ne le souhaiterais.
On propose trois classes. Il y a d'abord une classe pour les entreprises dont le capital est de moins de 1 milliard de dollars. Dans de tels cas, on permettrait la propriété à 100 p. 100. Je suis d'accord sur cela, car cela favorisera la naissance de nouvelles institutions.
Je suis particulièrement en désaccord sur la classe de transition, c'est-à-dire les entreprises dont le capital est de 1 à 5 milliards de dollars, où on permet la propriété à 65 p. 100. Je proposerais une modification mineure, mais qui aurait quand même des conséquences importantes: ce serait de briser cette classe de transition en deux, c'est-à-dire d'avoir une catégorie de 1 à 2,5 milliards de dollars, où il serait permis à un seul actionnaire de détenir 65 p. 100 de la propriété, et une catégorie de 2,5 à 5 milliards de dollars, où on pourrait limiter la propriété d'un seul actionnaire à 35 p. 100. Ceci permettrait un contrôle effectif sans un contrôle juridique. Évidemment, une des conséquences de cela est que cela permet la redistribution large des profits de ces entreprises.
Pour ce qui est des entreprises ayant un capital de plus de 5 milliards de dollars, je crois qu'on devrait maintenir la règle du 10 p. 100. Le Bureau de la concurrence étudie actuellement les projets de fusion, et on verra donc quel est le niveau de concentration au Canada. On peut présumer que, pour certains types de produits, dans certaines régions, la concurrence est très forte, mais que pour d'autres produits, dans d'autres régions, la concurrence est moins forte. Donc, il y a un potentiel de profits oligopolistiques. Le bénéfice de la règle du 10 p. 100, c'est qu'elle permet de redistribuer ces profits largement dans la population.
Également, si on maintient la règle du 10 p. 100, il est clair que ceci donnera plus de pouvoir aux dirigeants de ces entreprises, qui font face, dans le fond, à un actionnariat fractionné. Je suis un peu déçu que le groupe de travail ne se soit pas penché sur le dispositif du vote cumulatif, qui permettrait à de petits groupes d'actionnaires minoritaires d'être représentés au conseil d'administration.
Concernant le processus d'examen des fusions, je suis d'accord sur l'approche énoncée. J'ai cependant un regret, et c'est que le groupe de travail n'ait pas davantage opérationalisé les données qu'il aimerait avoir des banques qui produiraient un rapport d'impact social.
Enfin, dans une des études complémentaires produites par McKinsey and Company, on analyse les stratégies qui sont possibles pour le Canada. On en identifie trois principales: celle des États-Unis et du Royaume-Uni, qui consiste essentiellement à prendre une attitude de non-intervention en matière de concurrence; la deuxième est celle de la Suisse et de la Hollande, qui favorise l'émergence de champions nationaux et internationaux; la troisième, c'est celle de l'Australie, qui a une approche qui équilibre les deux objectifs, c'est-à-dire être non interventionniste et en même temps faire une promotion douce de champions nationaux.
• 0925
Je déplore quant à moi que le
groupe de travail n'ait pas jugé bon d'examiner
davantage, dans son rapport final, les avantages et les
inconvénients de chacune des stratégies.
Pour ma part, je serais plutôt en faveur de la seconde option.
Étant donné la taille du Canada à l'échelle mondiale,
l'émergence de champions nationaux pourrait avoir de
nombreux avantages. Le premier serait de créer, au
Canada, des emplois de haut niveau grâce à l'exportation
de nos services financiers. Le second serait de créer
un réseau bancaire international pouvant appuyer nos
entreprises canadiennes exportatrices qui s'implantent
à l'étranger.
Finalement, dans l'étude du comité sénatorial qui s'est intéressé à la question de la réglementation à l'étranger, on a également constaté que la présence d'entreprises financières fortes aidait un pays sur la scène internationale, lorsqu'il participe à l'élaboration d'instances internationales de réglementation.
Je voudrais également dire un mot au sujet de la mission sociale qu'on demande de plus en plus aux institutions financières d'accomplir, ainsi que du volet de la protection des consommateurs.
Le rapport MacKay souligne l'importance de la mission sociale des institutions financières. Il demande l'accès aux services financiers pour tous les Canadiens et recommande que toutes les institutions de dépôt et sociétés d'assurance-vie réglementées au niveau fédéral fassent périodiquement rapport quant aux activités qu'elles entreprennent pour assumer leurs responsabilités envers la collectivité.
En clair, le groupe suggère une version canadienne assouplie du Community Reinvestment Act américain. Ces recommandations sont très louables, et on peut difficilement s'y opposer. Cependant, il faut voir qu'il y a là un potentiel de mettre les grandes institutions canadiennes dans une situation difficile puisque, d'une part, on leur demande de jouer un rôle social et que, d'autre part, le nouvel environnement financier risque de les mettre en compétition avec divers types de sociétés de financement qui n'auront pas à remplir de telles obligations. Il faudrait donc, à mon avis, examiner plus en détail cette problématique pour s'assurer que les conditions de concurrence sont vraiment les mêmes pour tous les participants.
Ici, évidemment, on a à l'esprit la pénétration de diverses entreprises américaines qualifiées de monoline qui, vraisemblablement, n'auront pas à satisfaire à de telles exigences parce que, de toute façon, elles pourraient offrir leurs services au Canada à partir de leurs bureaux américains.
Deuxièmement, le rapport suggère d'élargir le rôle de l'ombudsman bancaire canadien pour qu'il puisse agir sur l'ensemble des services financiers. J'appuie pleinement cette recommandation. De plus, je crois que le rôle de l'ombudsman devrait être étendu à tout le champ de la protection des consommateurs et non pas seulement à la médiation de problèmes individuels.
Il m'apparaît clair que la protection des consommateurs au niveau collectif et leur protection au niveau individuel se complètent naturellement. L'accumulation de problèmes individuels d'un même type amène à proposer des mesures d'ordre collectif, et les mesures d'ordre collectif réduiront le fardeau de cas individuels à traiter. Ainsi, je suggère que l'ombudsman s'occupe des questions de transparence des contrats, de protection face aux ventes liées et de normes d'accès aux services financiers.
L'évolution des institutions publiques: Le rapport MacKay suggère d'étendre les responsabilités du Bureau du surintendant des institutions financières pour qu'elles comportent un volet de protection des consommateurs. Je suis en désaccord quant à cette recommandation parce qu'elle placera le Bureau du surintendant des institutions financières en situation de conflit. La mission première du BSIF est d'assurer la stabilité et la solvabilité du système financier canadien. Or, la rentabilité des institutions est un facteur très important pour favoriser leur solvabilité. D'autres part, plusieurs des mesures de protection des consommateurs sont susceptibles d'affecter négativement la rentabilité des institutions financières et, par voie de conséquence, leur solvabilité.
Si le BSIF se voyait confier le mandat supplémentaire de veiller à la protection des consommateurs, il se trouverait régulièrement dans des situations mettant en conflit ses responsabilités face à la solvabilité des institutions et celles face à la protection des consommateurs. D'ailleurs, l'enquête internationale des professeurs Kryzanowski et Roberts auprès des organismes de réglementation et de supervision, présentée à l'annexe II du mémoire du BSIF au groupe de travail, met bien en lumière les problèmes liés à une double mission. En conséquence, il me semble plus cohérent de confier le mandat de protection des consommateurs à un ombudsman aux fonctions élargies, tel que mentionné ci-dessus.
En ce qui a trait au régime d'assurance pour les consommateurs, le groupe de travail recommande de fusionner progressivement la Société d'assurance-dépôts du Canada et la Société d'indemnisation pour les assurances de personnes, soit en une société publique, une SADC élargie, soit en une société privée.
• 0930
D'une part, je trouve malheureux que le groupe de
travail n'ait pu en venir à une recommandation plus
claire. D'autre part, je ne comprends pas pourquoi le
groupe de travail n'a pas endossé la proposition
décrite dans le mémoire de février 1998 de
l'Association canadienne des compagnies d'assurances de
personnes. Dans cette proposition, l'ACCAP proposait
de privatiser l'actuelle SADC, pour la mettre sur le même
pied que la SIAP et les deux autres régimes privés
d'indemnisation, la Société d'indemnisation pour les
assurances générales et le Fonds canadien de protection
des épargnants. Ensuite, l'ACCAP suggérait de créer un
organisme public de supervision des régimes
d'indemnisation qui pourrait intervenir en cas de
difficultés financières de l'un d'eux. Je trouve
cette proposition plus intéressante puisqu'elle
uniformiserait les conditions de protection des
consommateurs pour tout le secteur des services
financiers. Je suggère donc que le gouvernement
reconsidère cette proposition de l'ACCAP.
Finalement, dans son document de discussion de juin 1997, le groupe de travail soulevait la question de la réglementation en matière de valeurs mobilières, au point 4.10, à la page 42 du document de discussion. Spécifiquement, il posait la question suivante:
Cette question est très importante. On ne peut analyser un système financier moderne sans considérer le secteur des valeurs mobilières. Malheureusement, selon toute probabilité, pour des raisons constitutionnelles et politiques, le groupe n'a pas traité de cette question dans son rapport final. Personnellement, je crois qu'il serait bénéfique pour le pays d'avoir un organisme central de réglementation des valeurs mobilières. Ce que je crois, c'est qu'il devrait y avoir essentiellement un système à deux paliers. Les commissions provinciales seraient maintenues, une commission nationale, pas nécessairement fédérale, serait créée et, comme dans le domaine des compagnies de fiducie ou des compagnies d'assurances, l'entité réglementée choisirait son organisme de réglementation.
J'aimerais ouvrir ici une parenthèse. Tous les gens qui subissent de la réglementation, surtout de la réglementation de plusieurs organismes de réglementation, demandent l'harmonisation. Or, le professeur Robert Merton, qui a reçu le Prix Nobel d'économie l'année dernière, dans un article très intéressant publié il y a deux ou trois ans, disait que l'harmonisation poussée à l'extrême n'était peut-être pas la chose la plus souhaitable pour les systèmes financiers. Dans la réglementation, comme dans les affaires, la concurrence est une bonne chose. Donc, il faut un équilibre entre la compétition réglementaire et l'harmonisation réglementaire. Donc, pour favoriser ce dynamisme qui, de toute façon, a déjà joué—les initiatives prises au Québec ont certainement eu des effets stimulants à l'échelle nationale—il faudrait aussi faire jouer ce genre de carte dans le domaine des valeurs mobilières.
Enfin, il est décevant de constater que le groupe de travail a décidé de ne pas analyser la question de l'approche fonctionnelle à la réglementation. Il est clair que les considérations de solvabilité feront qu'il sera toujours nécessaire d'avoir une certaine part de réglementation institutionnelle, mais cela n'implique pas que toute la réglementation doive être institutionnelle. La réglementation par activité, ou réglementation fonctionnelle, comporte des avantages importants. Elle peut assurer un cadre réglementaire plus stable et plus équitable. Selon moi, le groupe de travail aurait dû procéder à un examen des caractéristiques des deux approches à la réglementation et considérer la possibilité de les combiner pour tirer profit des avantages de chacune.
En terminant, dans l'ensemble, le rapport du groupe de travail répond adéquatement aux besoins qu'ont les institutions financières de s'adapter au nouvel environnement. Sa grande qualité est l'équilibre dont il fait preuve. Sa principale lacune est d'avoir mis de côté certains thèmes pertinents pour la réforme actuelle. Au total, il apporte néanmoins une contribution très significative à l'évolution de l'encadrement du secteur financier canadien.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Roy.
[Traduction]
Nous entendrons maintenant M. Gaëtan Gagné, de Entraide Assurance-vie, Compagnie mutuelle.
[Français]
M. Gaëtan Gagné (président et chef de la direction, Entraide assurance-vie, compagnie mutuelle): Bonjour, monsieur le président. Mesdames et messieurs, merci de nous permettre de donner notre opinion sur le rapport MacKay. Aujourd'hui, je vais faire la présentation du mémoire et je ferai certains commentaires sur le rapport MacKay et mon appréhension principale.
Je me fais le dénonciateur d'un article de loi discriminatoire dans la Loi sur les sociétés d'assurances depuis quelques années. Je me réjouis de voir que mes collègues du Québec se joignent à nous, ainsi que le président du Mouvement Desjardins, lors de sa dernière comparution au comité permanent, et plusieurs autres organismes canadiens.
• 0935
La Loi sur les sociétés d'assurances interdit la vente
d'un portefeuille de polices d'assurances à des
compagnies à charte provinciale telle L'Entraide
assurance-vie. Cette disposition nuit considérablement
à l'expansion de notre société, puisque qu'elle nous
interdit d'acquérir des contrats
d'assurances de compagnies à charte fédérale. Vous avez
en page 3 du mémoire un dessin expliquant les problèmes
que nous éprouvons à cet égard.
Plusieurs sociétés étrangères qui ont des chartes fédérales ont quitté le Canada ou laissé le marché. Elles ont vendu leur portefeuille d'assurance. Ces transactions ont toujours eu lieu entre compagnies à charte fédérale, laissant de côté les compagnies à charte provinciale telles que L'Entraide assurance-vie.
Je voudrais vous faire remarquer que la réciprocité n'existe pas puisque les autorités de réglementation locales, à tout le moins au Québec et peut-être dans les autres provinces au Canada, permettent la vente de portefeuilles d'assurances de compagnies à charte provinciale à des compagnies à charte fédérale, alors que l'inverse n'est pas possible.
Je dois aussi attirer votre attention sur le fait que les banques et les sociétés de fiducie n'ont pas de disposition équivalente dans leurs lois, si bien qu'il est permis à une banque ou à une société de fiducie à charte fédérale de vendre des portefeuilles d'affaires à des institutions semblables à charte provinciale.
En 1997, par le projet de loi C-82, sur lequel j'ai fait personnellement des représentations à cet égard puisqu'il s'agissait d'une belle occasion pour modifier cette loi, le gouvernement a jugé bon de modifier la Loi concernant la liquidation et la restructuration des sociétés. Cela veut dire que, techniquement et en pratique, une société à charte provinciale telle L'Entraide Assurance-vie peut acheter d'une compagnie à charte fédérale en faillite des portefeuilles d'assurances, mais ne peut pas en acheter d'une société qui est en pleine santé financière.
Or, on est à l'époque du libre-échange et, pour nous, ce sont des barrières non tarifaires qu'il faut absolument enlever. Je pourrais vous donner un exemple. Une compagnie américaine ayant son siège social au New Jersey et ayant une compagnie canadienne—étrangère pour elle—à charte fédérale pourrait transiger en toute liberté avec une autre compagnie dont le siège social serait à New York et qui aurait également une filiale canadienne et un portefeuille d'assurances dans une région comme le Québec, alors que nous, qui existons depuis 50 ans sur le même territoire, ne pourrions même pas faire un appel d'offres ou participer à la transaction. C'est une aberration qu'il faut corriger le plus rapidement possible.
Ce que je demande, c'est une modification immédiate pour permettre aux compagnies d'assurances à charte fédérale de vendre, avec les responsabilités afférentes, toutes ou partie de leurs polices au Canada à une compagnie d'assurances à charte provinciale, ce qui aurait pour effet de permettre aux compagnies d'assurances à charte provinciale d'acheter des portefeuilles de polices au Canada de compagnies à charte fédérale, ce qui favoriserait la croissance de toutes les catégories d'institutions financières au Canada.
Je me réjouis, monsieur le président, de voir que la vision claire du rapport MacKay sur les institutions financières au Canada en est une qui tient compte de l'innovation et des possibilités du commerce électronique, et qui laisse comme message qu'il y aura beaucoup de changements dans les mois et les années à venir au niveau des institutions financières au Canada. Le rapport MacKay trace un portrait éloquent des modifications qui devront être apportées.
• 0940
Dans le rapport MacKay, on fait état d'un grand souci
pour la concurrence. On veut inviter les compagnies
étrangères à venir compétitionner au Canada. On leur
facilitera l'accès à la compétition canadienne, ce qui
sera bon pour le consommateur, et on leur facilitera, par
des règles assouplies, la pénétration au
Canada afin qu'il y ait une meilleure compétitivité dans le
milieu des institutions financières.
J'accepte cela, car je trouve que c'est une vision intelligente, mais j'aimerais que le Parlement canadien envisage d'offrir la même possibilité aux compagnies à charte provinciale au Canada.
Ma plus grande appréhension quant au rapport MacKay en est une de surréglementation. Les dirigeants qui craindront cette rafale de changements vont se servir du même rapport démagogiquement pour faire peur aux consommateurs et aux députés et ainsi nous lancer dans une surenchère de réglementation.
Je pense qu'on vit le phénomène de l'étranglement par la réglementation, ce que j'appelle l'«étranglementation» ou «strangulation by regulation». Les petites sociétés comme les nôtres sont assujetties à plusieurs organismes d'autoréglementation et de réglementation.
J'invite donc le gouvernement à être très vigilant au niveau de cette surréglementation. De plus, je pense qu'une décentralisation facilitera l'harmonisation des nouvelles réglementations qu'il devra mettre en vigueur pour faire face à cette nouvelle orientation des institutions financières au Canada.
Monsieur le président, je vous remercie. Si vous avez des questions, ça me fera plaisir d'y répondre.
Le président: Merci, monsieur Gagné.
Nous entendrons maintenant le représentant de l'Institut québécois de planification financière, M. Réjean Ross.
M. Réjean Ross (président, Institut québécois de planification financière): Bonjour, monsieur le président. Permettez-moi de vous présenter ma collègue, Mme Anne-Marie Girard Plouffe, qui a été présidente de l'Institut québécois de planification financière pour l'année 1996-1997.
Je me permettrai de vous faire part de certains passages de notre mémoire, qui se veut complet, mais je ne voudrais pas dépasser le temps qui nous est alloué.
L'Institut québécois de planification financière tient d'abord à remercier les membres du Comité permanent des finances de leur invitation à participer aux travaux sur le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien. Nous espérons que nos commentaires et nos réflexions sur l'expérience québécoise en matière de planification financière sauront vous être utiles dans l'élaboration de vos propres recommandations.
La tâche que vous entreprenez est immense et combien importante. Elle aussi complexe. L'institut n'est pas insensible à la réalité canadienne en ce domaine. Nous sommes conscients du fait que la réglementation en matière de protection du consommateur est du ressort provincial et que cette réglementation est différente.
Nous croyons donc qu'il est dans l'intérêt de tous, autant celui des planificateurs financiers que celui des consommateurs, de travailler à définir des standards communs de compétence pour les professionnels de la planification financière. S'il est un constat que nous pouvons tirer de l'expérience québécoise, c'est que la qualité, la constance et l'intégrité en planification financière passent de préférence par un encadrement uniforme, avec des structures claires et bien balisées. Ainsi, les planificateurs financiers peuvent évoluer dans un univers sans ambiguïté, et les consommateurs peuvent profiter d'un accès à des conseils judicieux, cela en toute confiance.
• 0945
Voici le profil de l'Institut québécois de planification
financière. L'Institut québécois de planification
financière est issu d'une loi provinciale, la
Loi sur les intermédiaires de marchés, promulguée en
1989.
Au cours de 1998, l'IQPF a été réaffirmé et renforcé dans ses fonctions dans le cadre de la réforme de l'industrie des services financiers entreprise par le gouvernement québécois, laquelle s'est soldée par l'adoption de la Loi sur la distribution des produits et services financiers.
Un peu plus de 3 000 planificateurs financiers diplômés de l'institut oeuvrent présentement au Québec. Ce nombre croît rapidement alors que les universités et autres institutions d'enseignement supérieur, sous l'égide de l'IQPF, répondent à une demande sans cesse croissante du public consommateur pour de véritables professionnels de la planification financière. D'avril 1996 à avril 1997, le membership de l'IQPF a bondi de 60 p. 100. Au rythme actuel, il pourrait doubler d'ici 2002.
Le rôle de l'institut stipulé par la Loi 188 est simple: veiller au développement de critères de formation rigoureux et uniformes. De plus, le gouvernement désigne l'IQPF comme son unique mandataire pour la collation des diplômes de planificateurs financiers. Ainsi, nul ne peut porter le titre de planificateur financier au Québec sans être diplômé et reconnu par l'IQPF.
Depuis sa création en 1989, l'IQPF a toujours appuyé son action et son leadership sur trois piliers: sa spécificité, son rôle prépondérant dans la détermination des critères de base en formation des planificateurs financiers et l'éducation du public. Cela a permis au secteur québécois de la planification financière de connaître une évolution stable, intègre et de grande qualité qui semble être très appréciée du public.
La formation, pierre angulaire de l'IQPF: Historiquement, la formation a toujours été l'activité centrale de l'IQPF. À ses débuts, l'institut s'est surtout attardé au développement de critères de compétence et à l'élaboration d'un programme de formation de base en planification financière. L'IQPF exige de ses membres une formation de niveau universitaire et a développé pour ce faire un corpus de 450 heures en plus d'un cours synthèse, d'un examen unique et d'un programme de formation continu.
Son positionnement et son rayonnement comme organisme mandataire du gouvernement provincial lui permettent de développer des alliances stratégiques avec des institutions d'enseignement supérieur pour élaborer leurs programmes de certificat, cela sans dédoublement. C'est le cas notamment pour le certificat en planification financière personnelle de l'Université Laval de Québec. Le programme de l'IQPF inspire également le contenu de programmes semblables à l'UQAM et dans plusieurs autres institutions québécoises. Par ailleurs, il est intéressant de noter que l'Institut des banquiers du Canada a également intégré le programme de base de l'IQPF pour la formation des planificateurs financiers dans les institutions bancaires dans le cadre de son programme de formation.
La protection des intérêts du consommateur: Le positionnement neutre de l'IQPF comme mandataire du gouvernement lui permet de remplir pleinement son rôle de gardien des intérêts du consommateur. Ce rôle est nettement privilégié au sein de l'organisme, comme en fait foi sa mission: contribuer à la protection et au mieux-être économique des consommateurs québécois en veillant sur la formation et la qualification des professionnels regroupés en un réseau de planificateurs financiers solidaires d'une approche intégrée de la planification financière.
• 0950
Le cadre législatif:
Comme nous en avons témoigné au début de cet exercice,
les pouvoirs de l'Institut québécois de planification
financière lui ont été conférés aux termes d'une loi et
de sa réglementation. L'institut a été récemment
reconfirmé dans son mandat par une autre loi. Au-delà
d'une simple force morale, nous croyons que ce cadre
législatif donne à l'IQPF une force structurante et une
assise dans le patrimoine économique de la province
qu'il ne pourrait obtenir autrement. Cette genèse
législative a aussi conféré à l'IQPF un caractère
particulier. Ce positionnement unique, à l'écart des
associations d'affaires et des corporations
professionnelles, en fait un acteur privilégié dans le
paysage financier québécois. Il est effectivement le
seul organisme capable de rallier tous les praticiens
autour d'une formation pluridisciplinaire en
planification, dans une perspective de protection des
intérêts du public.
Je parlerai en terminant de la leçon du modèle québécois.
Structure et homogénéité: voilà les deux notions que nous croyons utile de retenir du modèle québécois de planification financière.
En se dotant d'un cadre législatif bien défini, le Québec a permis à la planification financière de gagner rapidement ses lettres de noblesse auprès du public et du secteur des produits et services financiers. À titre d'organisme mandataire du gouvernement dans ce domaine, l'Institut québécois de planification financière a jeté les bases d'une profession dont la rigueur et les critères de compétence sont considérés comme les plus sévères en Amérique du Nord. Ces deux notions rejoignent également l'énoncé des enjeux que nous avons exposés au début de ce document.
La concertation: Autant que faire se peut, des standards de compétence et des démarches de pratique en planification financière sont d'une importance capitale pour le développement qualitatif de ce secteur financier au Canada. L'évolution de la planification financière au Québec en témoigne de façon éloquente. L'étude économique réalisée par l'IQPF en 1997 a démontré que les planificateurs financiers québécois possèdent le plus haut niveau de formation de tous les pays comparés. De plus, le ratio de contribuables par planificateur financier au Québec est le plus élevé de tous les pays du G-7, soit approximativement un planificateur financier pour 2 000 de population. On offre ainsi au public une meilleure disponibilité de professionnels, et ces derniers sont relativement plus consultés que leurs collègues des autres provinces canadiennes.
Il est clair que la solution choisie pour le reste du pays nous intéresse au plus haut point. Les membres de l'IQPF se perçoivent comme appartenant à une discipline de pointe qui se distingue par son approche client, ses critères de compétence rigoureux et communs, et un niveau de compétence à la fois adapté et évolutif.
L'atteinte d'un standard commun nécessite une convergence de points de vue sur chacun des ces éléments. «Commun» ne signifie pas nécessairement unique ou uniforme. Il est possible de s'entendre sur les objectifs propres à chacun de ces trois éléments sans obtenir de consensus sur les moyens pour les atteindre, ou encore on pourrait s'entendre sur les domaines de connaissances requis sans préciser le temps consacré à l'étude des matières.
• 0955
De toute manière, chaque point d'entente est un pas
vers l'acquisition de standards communs et vers le
développement qualitatif de la planification financière
au Canada. Voilà qui garantirait aux Canadiens un
meilleur service sur l'ensemble du territoire.
De plus, rien n'empêcherait certains groupes de
pousser plus loin la formation de leurs membres. Ce
constat fait partie de la Loi 188 sur la distribution
des produits et services financiers, article 65, en
regard des corporations professionnelles.
Au stade de développement présent de la discipline, toute tentative de standardisation serait une démarche imposée d'autorité nécessitant l'intervention des provinces et des territoires, et il est peu probable que cela se produise. Il semble clair que l'atteinte de ce but passera vraisemblablement par l'intervention de la discipline elle-même.
Symposium: Le groupe de travail a proposé l'élaboration de standards communs régissant les compétences professionnelles de ceux qui conseillent les clients sur leur gestion financière. L'IQPF se sent interpellée par cette proposition et veut prendre une part active dans l'atteinte de cet objectif.
Notre expérience comme forum de réflexion dans ce domaine nous amène à la conclusion que la réflexion est plus efficace que l'action hâtive. C'est ainsi que nous aimerions prendre l'initiative d'amorcer une réflexion indépendante sur l'établissement de standards communs dans la pratique de la planification financière.
Plusieurs avenues s'offrent à ceux qui voudraient entreprendre une telle réflexion. Nous croyons que la tenue d'un symposium national sur la concertation, réunissant des experts et des penseurs indépendants de toutes les disciplines de la planification financière et de toutes les régions du Canada, serait le moyen à privilégier. Cet exercice sur l'élaboration d'éventuels standards canadiens pourrait inclure la définition d'un profil idéal du praticien et de ses interventions auprès du client; le choix d'un cadre suggéré pour le développement d'un programme de formation; la philosophie pédagogique, incluant la vérification du savoir—connaissances techniques, savoir-faire et savoir-être—et le niveau de compétence de base pour se qualifier à ce titre.
Nous croyons que le ministère des Finances ferait preuve d'un grand leadership en acceptant de parrainer un tel symposium et en le confiant à l'institut. D'une part, en choisissant l'IQPF comme maître d'oeuvre, le ministère conserverait sa neutralité face à l'implication du fédéral dans un domaine de compétence provinciale. L'IQPF a l'expérience et la crédibilité nécessaires, à titre d'organisme provincial neutre et pluridisciplinaire, pour mener à bien un tel symposium et repositionner la discussion sur le besoin, la nature et l'implantation de standards communs servant à régir la discipline du planificateur financier au Canada.
Nous vous remercions encore de nous avoir invités à participer à cet exercice. Nous espérons vous avoir apporté des idées constructives. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Merci beaucoup, monsieur Ross.
Je suis d'accord avec les membres du comité. Ça fait presque une heure que nous entendons les témoignages de nos invités sur l'avenir des institutions financières, mais personne n'a prononcé le mot «fusion». Je vous remercie beaucoup. Je crois cependant que ça va changer avec nos prochains invités.
J'invite M. Michaud à faire sa présentation et lui souhaite la bienvenue.
M. Yves Michaud (président, Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec): Monsieur le président, d'abord un salut amical et quasi fraternel d'un ancien député de l'Assemblée nationale du Québec aux députés de la Chambre des communes du Canada.
• 1000
Je suis président de l'Association de protection des
épargnants et investisseurs du Québec, la seule
association sur l'ensemble du
territoire canadien qui est exclusivement vouée à la
protection et à la défense des épargnants et
investisseurs; la seule association qui n'a aucun intérêt, ni
personnel, ni privé, ni corporatif, et qui vise dans
tous ses buts une seule chose: premièrement,
une plus grande
transparence dans les institutions financières;
deuxièmement,
une meilleure concurrence de la part de ceux-là qui se
livrent à l'exploitation et à la distribution de
produits financiers; et enfin la protection des
consommateurs. Notre association veut servir de rempart, de
porte-voix, de chien de garde, qui aboie assez souvent
d'ailleurs.
J'ai l'honneur de vous présenter ceux qui m'accompagnent: M. Paul Lussier, vice-président de notre association, ancien sous-ministre au ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec et ancien délégué général du Québec en Italie; et M. Réjean Belzile, docteur en administration, Ph.D. comme on dit, et professeur à la Faculté des sciences de la gestion de l'Université du Québec à Montréal.
Je vous avais envoyé un mémoire qui est déjà un résumé de notre position puisqu'il contient huit pages. J'imagine vous l'avez lu avec une attention soutenue et que vous en avez retenu les principales recommandations. Je ferai donc un résumé du résumé, ce qui ne prendra guère de temps, pour vous rappeler à grands traits l'essentiel de ce que nous voulons vous dire.
Premièrement, le rapport MacKay est globalement positif.
Deuxièmement, nous regrettons immensément que ce rapport sur les institutions financières ait été brouillé par l'annonce des fusions bancaires au début de l'année, annonce qui révèle l'attitude cavalière des dirigeants de ces entreprises, qui souvent confinent au mépris, sans consultation préalable avec les actionnaires qui sont leurs propriétaires. Il eût été plus sage, ce me semble, de consulter d'abord les actionnaires et de demander ensuite leur avis à leurs propriétaires. Mais non. Les dirigeants ont fait ça sans consultation, sans nous demander à nous, les propriétaires, ce que nous en pensions. Ils confinent souvent, je le répète, à l'arrogance et au mépris de leurs propriétaires, les actionnaires. Cette annonce a été faite à un moment où les élus de la Chambre des communes que vous êtes seront bientôt appelés, dans quelques semaines ou dans quelques mois, à réviser les lois sur les banques et sur les sociétés par actions, la LCSA, en français et la Canada Business Corporations Act en anglais.
Là est le véritable problème: la révision de ces deux lois est occultée, malheureusement, par la pression indue faite par les banques à la fois sur l'opinion publique et sur le gouvernement fédéral. C'est ce que nous appelons le faux état d'urgence créé par les dirigeants des banques en annonçant leur fusion.
Les deux lois que vous serez appelés à revoir, la Loi sur les banques et la Loi sur les sociétés par actions, sont à revoir de fond en comble et nécessitent plus que des changements cosmétiques pour assurer la concurrence entre les entreprises, la protection des épargnants, les droits des actionnaires, ainsi que la transparence et l'imputabilité des dirigeants des grandes sociétés ouvertes, nouveaux monarques et seigneurs féodaux de nos sociétés démocratiques. Ces deux lois sont à revoir. Elles sont défigurées. Des verrues prolifèrent sur leur figure. Elles sont souvent la résultante de lobbys incessants, à la fois du milieu bancaire et des corporations, qui financent et contribuent aux caisses électorales des partis politiques, ce qui est déjà indécent, immoral, illégitime, bien que, hélas, légal au Canada mais interdit ici, au Québec.
• 1005
L'argent et la politique forment un mélange explosif. Il
me semble que dans les nouvelles lois que vous devriez
adopter à la Chambre des communes, vous devriez
interdire à toute personne morale, fût-elle une
corporation ou un syndicat, de contribuer au
financement des partis politiques.
La banque n'est pas un citoyen ou une corporation
n'est pas un citoyen; c'est une personne morale
qui n'a ni citoyenneté ni droit de vote. Le financement
des partis politiques appartient aux citoyens. C'est un
acte civique que de contribuer à financer un parti
politique. Cela n'appartient pas à des corporations ou
à des syndicats.
Monsieur le président, notre association a fait des recommandations. Nous avons rencontré le ministre Martin il y a déjà un an et demi, nous avons comparu devant le groupe de travail MacKay et nous avons comparu devant le Comité sénatorial permanent du commerce et des banques.
L'APEIQ a fait une quinzaine de recommandations sur ces lois. Tous les députés de la Chambre des communes en ont reçu, il y a quelques mois, un exemplaire que je leur ai expédié. Je n'ai pas à vous les rappeler, mais il y en a d'extrêmement importantes, comme on vient de le souligner.
Le professeur Jean Roy, des Hautes Études Commerciales, a parlé du vote cumulatif que vous devriez inscrire dans la loi et non pas vous contenter de soumettre. Pour avoir le vote cumulatif dans les grandes corporations et permettre l'élection d'un seul petit représentant des actionnaires sur 24 ou 35, il faut amender à 66 p. 100 les règlements internes de la banque ou de la corporation. Il devrait être inscrit dans la loi que le vote cumulatif est permis. Je ne sais pas si les recommandations sont là.
Dans ces deux lois fondamentales, le législateur doit remettre le pouvoir entre les mains des propriétaires, c'est-à-dire les actionnaires, et non laisser carte blanche à leurs employés. Le CIO, le président-directeur général, n'est qu'un employé des actionnaires et il se comporte souvent de façon dictatoriale face aux millions de citoyens canadiens qui lui confient leurs épargnes.
Vous devrez voir dans ces lois le vote en bloc, la fameuse slate des conseils d'administration: les copains d'abord. Sur un kilomètre carré à Toronto, 250 administrateurs siègent sur 1 800 conseils d'administration et contrôlent 70 p. 100 de l'activité économique au Canada. Les copains d'abord. Les petits renvois d'ascenseur. Il y a le système vicieux des procurations au nom des employés des institutions, qui perpétue une sorte de culte stalinien de la personnalité au sein des grandes entreprises par le biais de l'atomisation de l'actionnariat, les pratiques usuraires des cartes de crédit, l'argent des frais bancaires et l'exploitation des démunis, et le droit à l'information des actionnaires, disparu depuis 1993. Il y avait une disposition de la loi qui disait qu'on devait faire parvenir le procès-verbal de l'assemblée générale à tous les actionnaires. Disparu comme par hasard. C'est la première pièce de l'information des actionnaires sur ce qui se passe dans leur entreprise. C'est une loi qui est disparue, tout comme la loi sur les réserves que les banques devaient laisser à la Banque fédérale de développement. C'est disparu, je pense, sous le gouvernement Mulroney en 1991.
Il y a des articles offensants et ignominieux, contraires à la Charte canadienne des droits et libertés, contenus dans les deux lois, qui disent par exemple que les banques ou les corporations peuvent refuser une proposition d'un actionnaire si elle a pour but de satisfaire un grief personnel, politique, économique, civique, social, religieux ou analogue. C'est le lobby des institutions bancaires qui a fait inscrire cette disposition, aux alinéas 143(5)b), d) et f) de la Loi sur les banques et à l'article 137 de la Loi sur les sociétés par actions.
Vous devez, ce me semble, faire disparaître sur-le-champ cette disposition qui, évidemment, a été imposée par le lobby des banques au pouvoir fédéral et aux législateurs. Cette disposition a fait sursauter le sénateur Kirby, président du comité du Sénat qui, en m'entendant, m'a dit: «I am astonished, je suis stupéfait. Je ne savais pas qu'une telle disposition existait dans la loi.»
• 1010
Il y a le financement des caisses électorales par les
partis politiques et le réinvestissement communautaire.
Ce devrait être une de vos préoccupations. Une loi
existe aux États-Unis depuis une vingtaine d'années, qui
force les banques à réinvestir une partie de leurs
profits dans les régions.
Enfin, il y a la représentativité des actionnaires sur les conseils d'administration. C'est une recommandation du plus gros investisseur institutionnel du Canada, la Caisse de dépôt, qui dit que le conseil d'administration d'une banque ou d'une grande société ouverte doit refléter la composition de l'actionnariat.
Il y a la spirale infernale des options d'achat, la rémunération grotesque des dirigeants. Tout cela doit être vu à la seule lumière de l'intérêt public, avant même que l'on discute des fusions bancaires. D'ailleurs, la preuve n'a pas été faite, dans ce domaine, qu'il y avait ou qu'il y a péril en la demeure. Au contraire, la prudence s'impose. Le typhon asiatique et les turbulences des marchés boursiers sur la scène mondiale invitent les législateurs à la plus grande prudence, sans compter qu'il y a des chevauchements et le double emploi avec les lois des États fédérés qui ont légiféré dans leur sphère de compétence.
Au Québec, il y a la Loi sur la protection du consommateur, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur les valeurs mobilières, la nouvelle Loi 188 sur la distribution des produits financiers, qui constituent un corpus exemplaire dans maints secteurs visés par le rapport MacKay.
Je terminerai par une citation extrêmement éloquente à propos des fusions, que nous avons retrouvée grâce à la capacité et à la finesse de la recherche du président du Comité des études, le professeur Belzile. Voici ce que disait M. Baillie, président de la Banque Toronto-Dominion, dans son dernier discours—je ne parle pas de temps antédiluviens—son discours du 22 janvier 1997, lors de l'assemblée des actionnaires. Le président, qui est maintenant un fusionnaire, déclarait alors:
Et M. le président continue:
C'est toujours le président de la Banque Toronto-Dominion qui parle:
C'est ce que le président de la Toronto-Dominion déclarait au début de l'année. Trois mois après, revirement spectaculaire: il est un des partisans de la fusion des banques.
Donc, monsieur le président, les législateurs que vous êtes sont confrontés d'abord par le premier problème, qui n'est pas celui de la fusion bancaire. Cela peut passer bien après; cela peut attendre. Les banques et les autres font des profits assez considérables, les actionnaires sont bien servis et sont contents, le rendement sur l'avoir peut attendre. Le premier problème, c'est la révision des deux lois dont je viens de vous parler. Si le législateur fait bien son travail, toujours guidé par le seul intérêt public, si les députés de la Chambre des communes votent des lois plus conformes aux intérêts de l'ensemble des Canadiens, et non pour le seul bénéfice et l'enrichissement provocant des dirigeants, on pourra dire de vous, qui serez appelés à refondre ces lois et à les revoir, ce que Churchill disait des aviateurs de la Royal Air Force pendant la bataille d'Angleterre,
[Traduction]
dans l'histoire de nos institutions financières, jamais tant de personnes n'en devront autant à si peu.
[Français]
Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Michaud.
Nous entendrons maintenant M. Roger Snelling, de l'Association communautaire d'emprunt de Montréal.
M. Roger Snelling (membre du conseil, Association communautaire d'emprunt de Montréal): Merci.
Je représente l'Association communautaire d'emprunt de Montréal. Je suis membre bénévole du conseil d'administration. Je suis également membre du conseil de la Canadian Alternative Investment Cooperative (Coopérative canadienne d'investissement alternatif), qui est une petite institution de type similaire.
Je devrais peut-être dire d'abord pourquoi vous vous devez de porter la moindre attention à l'Association communautaire d'emprunt de Montréal. Du fait de notre taille, la valeur de nos transactions d'une année, équivaut à celle des transactions d'une grande institution financière d'une minute ou de quelques secondes.
Nous sommes donc tout petits. Mais dans le rapport MacKay, il y a quatre recommandations qui portent sur le micro-crédit. Elles sont incluses dans la partie traitant des attentes en matière sociale, qui représentent environ 10 p. 100 des recommandations du rapport. Je pense donc qu'il s'agit d'une question importante sur laquelle votre comité voudra se pencher. Et, du fait de l'importance qui lui est accordée, je crains que cette question soit laissée pour compte.
L'Association communautaire d'emprunt de Montréal existe depuis environ huit ans. Elle emprunte auprès des particuliers et institutions pour ensuite prêter à des particuliers et à des entreprises qui répondent aux besoins de collectivités locales. Elle a été fondée en 1990. L'actif total est d'environ 500 000 $. Le fonds a trois employés rémunérés et 40 bénévoles actifs.
Si je suis ici en qualité de représentant de l'Association communautaire d'emprunt de Montréal, c'est en partie parce qu'il n'existe pas d'association nationale des petites institutions de prêt. Toutefois, depuis trois ans, nous parrainons une conférence où nous tâchons de réunir les gens qui s'occupent de ce secteur et, cette année, les participants à cette conférence sont convenus d'établir une association nationale. Par conséquent, elle sera mise sur pied au cours de l'année à venir. Si cette audience de comité avait lieu dans un an, ce serait cette association qui serait représentée ici.
Le mémoire que nous avons préparé est très bref. Le conférencier précédent a parlé d'un résumé, puis d'un résumé du résumé. En fait, je vais plutôt développer mon sujet puisque notre mémoire est si court. Il ne fait que deux pages et demie. Nous tenons surtout à traiter de la nécessité, pour le comité, d'examiner les besoins en microcrédit.
Ce sont les besoins de gens qui veulent emprunter de 2 000 $ à 20 000 $, donc de très petites sommes. Toutefois, il y a 20 p. 100 de la population qui ne peut accéder au crédit des institutions financières ordinaires. Ce sont des gens qui vivent dans la pauvreté, mais qui ont de bonnes idées. Comment donc peuvent-ils accéder au crédit? Des institutions comme l'Association communautaire d'emprunt de Montréal leur permettent d'y accéder.
Nous n'avons pas préparé de long mémoire. Eugene Ellmen, de Ellmen/Shaw Public Affairs, en a un qui a été présenté à Industrie Canada en juin, et qui comprenait 15 recommandations, beaucoup plus précises que celles que je vais faire. Je pense que certaines de ces recommandations ont été incluses dans le rapport MacKay.
Nous craignons que les recommandations ne soient pas mises en oeuvre, parce qu'elles sont formulées simplement sous forme de bonnes intentions. Par exemple, on y dit que les banques et les autres institutions financières devraient être encouragées à élaborer des partenariats. Eh bien, qu'arrive-t-il si elles ne veulent pas? Il s'agit de savoir ce qu'on entend par «encouragement». On demande que les gouvernements réexaminent les programmes d'assistance sociale pour assurer... Soit. Que feront les gouvernements? Nous tâchons donc d'étayer un peu ces recommandations.
• 1020
Nous devons reconnaître que les organismes de microcrédit ne
peuvent pas être rentables au pur plan économique. Si le critère,
c'est que l'organisme soit rentable, nous ne nous qualifions pas.
Aux États-Unis, où des établissements comme le nôtre existent
depuis bien plus longtemps et sont beaucoup plus importants,
l'expérience est semblable à la nôtre; ils ne peuvent pas, seuls,
être économiquement viables. Ils comblent un vide laissé par les
institutions financières ordinaires précisément par manque de
rentabilité. Ils fournissent l'argent, de petits montants, et
l'assistance technique. Celle-ci est donc beaucoup plus importante
que le bénéfice financier que nous pouvons tirer de la différence
entre ce que nous versons aux investisseurs et le loyer de
l'argent.
Qu'est-ce que cela indique? Il y a trois choses à souligner. Ce dont nous parlons ici, ce sont des organismes communautaires, troisième type secteur, des organismes bénévoles. Ils sont petits. Ils ont une bonne connaissance importante des quartiers. Ils sont branchés sur la politique locale, sur ce qui se passe dans la collectivité. Ils se préoccupent des marginaux économiques. Ils sont rigoureux; du moins, ceux que je connais adoptent la discipline d'une petite entreprise, mais, cela étant dit, ils ne peuvent pas assurer leur propre viabilité économique. Ils ont donc besoin d'un soutien public, et c'est là le deuxième aspect de la question.
La plupart de ces organismes obtiennent un soutien public sous forme de subventions provinciales ou gouvernementales, pour leurs opérations. Certains d'entre eux ont le statut d'organismes de bienfaisance, ce qui leur permet de recevoir des dons contre reçus pour crédit d'impôts. Ils font beaucoup appel aux bénévoles. L'Association communautaire d'emprunt de Montréal a trois employés et 40 bénévoles. Toutefois, le plus grand besoin de ces organismes, celui dont je veux parler aujourd'hui, c'est leur besoin en capital—et il ne s'agit pas de montants très élevés.
D'après un sondage, il y probablement 30 institutions comme l'Association communautaire d'emprunt de Montréal au Canada; le total de leurs capitaux s'élève à 10 millions de dollars. La question est la suivante: comment accéder aux capitaux? Les institutions financières ne sont pas susceptibles de l'accorder sans un certain soutien, parce que le risque est grand que certaines entreprises ne survivent pas.
Il y a d'un côté la rentabilité et de l'autre la nécessité de fournir de petits capitaux à des particuliers et à de petits groupes communautaires. Entre autres choses, on pourrait adopter des mesures législatives qui indiquent clairement que les fondations peuvent investir dans des fonds de prêts communautaires, choses qu'elles ne peuvent pas faire maintenant, que les investissements pourraient être admissibles aux REER, pour attirer des capitaux que nous avons essayé d'intéresser—et je vous assure que l'Association communautaire d'emprunt de Montréal a bien essayé—et que nous n'avons pas réussi à obtenir auprès des institutions financières ordinaires.
Voilà où nous en sommes, et c'est là mon exposé. Il est plutôt bref. J'essaie de souligner la nécessité d'agir dans le secteur du microcrédit. J'espère que vous entendrez certaines des suggestions que nous faisons et que vous les mettrez en oeuvre.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Snelling.
Nous passons maintenant à la période de questions et réponses. Nous commencerons par M. Epp; dix minutes.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Lorsque j'étais jeune homme, à la maison, mes parents m'ont appris à ne pas être envieux. Toutefois, au cours des cinq dernières années, j'en suis arrivé à être tout à fait envieux de ceux qui ont la capacité de parler français et anglais. Malheureusement, je parle trois langues dont aucune n'est le français. Cela me rend la vie vraiment difficile.
Je vous sais gré d'être venus nous parler des institutions financières et du rapport MacKay. Il est intéressant que, jusqu'à présent, vous nous ayez présenté des points de vue bien différents de ceux que nous avons entendus ailleurs au Canada. J'ai une question que je voudrais vous poser à tous, et j'espère que vous vous entendrez, parce que j'ai l'impression que vous vous contredisez les uns les autres quand il est question de réglementation.
J'entends certains parmi vous me dire clairement que les règlements provinciaux sont vraiment bons et que tout le monde au Québec devrait y adhérer. Franchement, d'après le peu que je sais de la question, je pense que le Québec a probablement de l'avance sur le reste du pays en matière de réglementation financière. Ensuite, je vous entends réclamer l'harmonisation à grands cris, non seulement entre les provinces, mais également entre le gouvernement fédéral et les provinces.
J'imagine qu'il y a des cas de règlements contradictoires. Je ne suis pas bien renseigné là-dessus; peut-être que certains d'entre vous le sont. De toute façon, il y a au moins deux séries de règlements que les institutions financières doivent observer. D'une part, il y a ceux du régime de la province où elles se trouvent, d'autre part, il y a les règlements du régime fédéral, qui couvrent évidemment l'ensemble du pays.
Comment conciliez-vous ces deux régimes? Pensez-vous que nous ayons le moindre espoir d'amener tout le pays à collaborer dans un secteur aussi important que la réglementation des institutions financières? Est-il concevable que toutes les institutions financières, où qu'elles soient au pays, aient qu'une réglementation à observer? Pensez-vous vraiment que cela soit réaliste? J'ignore qui veut répondre le premier. Plusieurs d'entre vous ont soulevé la question.
[Français]
Le président: Monsieur La Couture.
M. Jean La Couture: Monsieur le président, nous avons quelques commentaires à faire là-dessus.
Premièrement, devons-nous dire que l'harmonisation ne veut pas dire l'égalité? Il y a possibilité d'avoir une harmonisation. C'est ce qui se fait d'ailleurs entre l'inspecteur général des institutions financières et le Bureau du surintendant des institutions financières. Il y a un énorme effort d'harmonisation qui est fait. Toutefois, c'est fait au niveau du Québec, en communication avec les entreprises québécoises. Je parle plutôt du secteur des assurances. Des banques, nous n'en avons pas sur le plan provincial. Donc, il y a un échange au niveau des entreprises québécoises pour s'assurer que la réglementation est adaptée à la spécificité et à la taille des entreprises. Donc, il y a harmonisation et je pense que cela fonctionne adéquatement parce que cela tient compte des réalités locales.
Ce que nous avons décrié, M. Gagné et nous, c'est le fait que la loi fédérale nous fait passer, comme M. Georgiev l'a mentionné, pour des entreprises de seconde classe, inaptes à acquérir un portefeuille d'une entreprise à charte fédérale, ce qui n'a aucun sens.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, mais harmonisation ne veut pas dire égalité. Les difficultés de la loi fédérale sont, selon moi, outrageantes.
M. Gaëtan Gagné: J'aimerais ajouter quelques mots aux propos de M. La Couture pour répondre à la question de M. Epp.
Lorsque les institutions financières au Canada ont décidé de créer la SIAP ou ComCorp, l'organisme de protection des consommateurs, des épargnants, des assurés, etc., chaque province a dû adhérer à cet organisme de protection pour les assurances de personnes. Pour qu'on puisse adhérer à cet organisme de protection, le BSIF et l'IGIF ont dû harmoniser leurs règles de solvabilité pour satisfaire aux critères de la SIAP, d'une part et, d'autre part, pour satisfaire aux critères des sociétés d'assurance au Canada.
• 1030
Comment se fait-il que nous ayons une société
d'assurances pour la protection des consommateurs de
tout le pays, société sur laquelle
toutes les compagnies d'assurances
se sont entendues et que toutes les lois acceptent,
et que votre gouvernement, le gouvernement
fédéral, ne reconnaisse pas les chartes provinciales lors
de transactions de polices d'assurances au Canada?
C'est plus qu'une question d'harmonisation. Il y a là de la discrimination. On fait des démarches depuis quelques années pour démontrer le ridicule de cet article de loi et on n'a pas eu de réponse. Oui, il y a de l'espoir, monsieur le député, mais à la condition que le gouvernement canadien y mette du sien et retranche cet article discriminatoire de la Loi sur les sociétés d'assurances qui empêche les sociétés provinciales canadiennes de faire des affaires au Canada.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il d'autres observations?
[Français]
Monsieur Langelier:
M. Jean-Guy Langelier: Je veux dire à M. La Couture que notre institution ne porte pas le nom de banque parce que, selon la loi fédérale, pour s'appeler une banque, il faut être une banque à charte fédérale. Cependant, les caisses du Mouvement Desjardins exercent toutes les activités qui sont généralement reconnues au niveau des institutions bancaires.
L'inspecteur général des institutions financières a permis l'évolution du Mouvement Desjardins, et on souhaite dans notre mémoire qu'il y ait harmonisation ou à tout le moins reconnaissance. On se réjouit de l'ouverture concernant la création de banques coopératives au niveau fédéral. Je dois dire qu'encore une fois, c'est un peu similaire aux problèmes qui sont soulevés par les compagnies assurances. Les titres de dettes émis par le Mouvement Desjardins, principalement via la Caisse centrale, ne sont pas reconnus, au niveau du gouvernement fédéral, au même titre que les emprunts qui sont réalisés par les banques. Donc, si on se réjouit de cette reconnaissance, c'est pour pouvoir avoir accès aux mêmes services. En d'autres termes, c'est pour avoir une égalité de traitement. Il semble que le seul qui nous soit suggéré est d'obtenir une charte fédérale. Si nous voulons demeurer au niveau provincial, nous continuerons d'être restreints dans notre évolution par une multitude de lois et de réglementations.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il d'autres observations?
M. Ken Epp: J'ai une autre question, sur quelque chose qui n'a pas été abordé ici aujourd'hui, mais dont nous avons entendu parler partout ailleurs au pays. Il s'agit d'une préoccupation majeure de certaines compagnies d'assurance, l'autorisation aux banques de vendre, dans leurs succursales, des produits traditionnellement offerts par des compagnies d'assurance. Aucun d'entre vous n'a parlé de cela, ce qui me surprend, surtout de la part de la première personne à ma gauche qui, si j'ai bien compris, représente le secteur des assurances, ou du moins une partie de ce secteur.
J'aimerais bien que vous répondiez. Le groupe de travail MacKay laisse entendre qu'il faudrait peut-être relâcher un peu les contraintes à cet égard. J'aimerais que M. La Couture réponde à cette question.
Je voudrais également demander à M. Ross quelle sera la formation de ceux qui serviront et conseilleront les consommateurs. J'aimerais avoir des réponses à ces deux questions, s'il vous plaît.
[Français]
M. Mario Georgiev: Tel que je l'ai mentionné, ainsi que M. La Couture, nous nous sommes arrêtés ce matin aux particularités du marché québécois et surtout des sociétés membres de notre organisation, les sociétés à charte québécoise.
Si vous lisez le texte de notre rapport, vous allez voir qu'on y déplore que le groupe MacKay n'ait pas retenu les recommandations que notre organisation lui avait soumises sur la distribution des produits d'assurance.
Par contre, nous constatons que l'ouverture de la distribution des produits d'assurance au réseau bancaire ou au réseau des caisses populaires est déjà un virage qui a été pris par le gouvernement du Québec. C'est une tendance qui, malheureusement, semble immuable. On déplore l'impact que ces mesures-là pourront avoir sur le monde de l'assurance.
• 1035
Comme on l'a dit dans notre lettre de
présentation du mémoire, nous étions convaincus que les autres
grands lobbys nationaux de l'assurance soulèveraient ce
sujet auprès de votre commission. C'est la raison
pour laquelle nous avons arrêté nos
commentaires sur la discrimination faite aux sociétés
provinciales et sur le manque de souci apparent, dans le
rapport MacKay, pour le développement des petites et
moyennes institutions financières au pays.
C'est malheureux qu'on n'ait pas recommandé une protection accrue des opérations de sociétés d'assurance et de la distribution des produits. Je ne dis pas que c'est un débat déjà perdu, mais il est contraire aux tendances exprimées jusqu'à maintenant dans le marché canadien.
M. Réjean Ross: Pour ce qui est de la planification financière, qu'une personne soit dans une banque ou ailleurs, ça n'a pas beaucoup d'importance. Au Québec, le planificateur financier se doit d'être diplômé de l'Institut québécois de planification financière, et l'assurance est l'un des éléments du travail du planificateur financier. C'est un des 11 éléments qui définissent le travail d'un planificateur financier au Québec.
[Traduction]
M. Ken Epp: Cela signifie-t-il donc que, au Québec, vous et votre organisme allez devoir former tout le personnel de banque qui s'occupe de la vente de ces services? Si non, n'y aurait-il pas deux niveaux de compétence distincts chez ceux qui servent le client?
[Français]
M. Réjean Ross: Le planificateur financier ne peut faire cela. Il doit respecter la loi. Il ne peut pas donner aux banques ou aux caisses populaires des renseignements sur le travail qu'il fait. Le planificateur financier se doit de respecter les lois en vigueur. L'assurance est l'un des éléments de son travail.
M. Gaëtan Gagné: Monsieur Epp, je trouve que c'est une bonne question. Au Québec, on vit dans le milieu de la bancassurance depuis plusieurs années. Pour ma part, je pense que pour permettre aux banques de vendre de l'assurance, il faut harmoniser les lois. Si vous permettez aux banques d'entrer sur le marché de l'assurance et que celles-ci n'ont pas les mêmes lois à respecter, on aura une fois de plus une loi discriminatoire. Que le Parlement fasse des lois qui soient accessibles et qui soient les mêmes pour toutes les institutions financières, et ces dernières s'adapteront.
Le président: Monsieur Roy.
M. Jean Roy: Une chose que j'aime beaucoup dans le rapport MacKay, c'est le concept de la suprématie du consommateur. En permettant aux banques d'offrir de l'assurance, on donne aux consommateurs la possibilité de faire un choix. Il est clair qu'il y a un environnement international propice à la bancassurance. La bancassurance est déjà un fait en Europe. Aux États-Unis, il y avait un projet de modernisation du système financier qui a finalement été laissé au feuilleton mais auquel le président de la Federal Reserve, M. Greenspan, s'était montré favorable. On a déjà ce phénomène-là au Québec.
La proposition du groupe MacKay qui, de toute façon, prévoit des délais d'implantation, qui permettra aux grandes banques de vendre de l'assurance seulement à partir de 2002, est relativement conservatrice et permet aux autres joueurs de s'adapter.
J'aimerais faire un parallèle avec une situation qui a existé dans le secteur financier au début des années 1980. Au début des 1980, dans la distribution des valeurs mobilières, les courtiers avaient un régime qui les protégeait, le régime des commissions fixes et, tout à coup, les commissions de valeurs mobilières ont enlevé cette protection. Il y a eu un petit moment d'angoisse dans l'industrie.
• 1040
En fait, cela a permis plus de choix.
À ce moment-là, tous les courtiers étaient ce
qu'on appelle aujourd'hui des courtiers de plein
service, et on a alors
vu l'émergence de courtiers à escompte.
Je prétends que dans le domaine de l'assurance, la même chose va se produire. Les joueurs en place à l'heure actuelle sont pratiquement des joueurs de plein service qui conseillent leurs clients, analysent leurs affaires et, forcément, doivent refléter dans leur tarification les services complets qu'ils fournissent à leurs clients.
Les banquiers, avec leur orientation technologique et la minimisation du coût de distribution, seront naturellement des distributeurs à escompte d'assurance. Le niveau de conseils, du moins dans la phase d'implantation, sera sans doute relativement faible. Si la recommandation du rapport MacKay est adoptée, comme je le souhaite, on verra une situation similaire à celle qu'on a vue dans le courtage des valeurs mobilières: il y aura une différenciation; il y aura des courtiers de plein service et des courtiers à escompte, et le consommateur aura plus de choix. Donc, personnellement, je suis en faveur de cette recommandation, surtout qu'il y a un délai d'implantation prévu.
Le président: Vous avez un commentaire, monsieur La Couture?
M. Jean La Couture: Monsieur le président, j'aimerais préciser qu'au Québec, les membres du Regroupement des assureurs de personnes à charte provinciale ne se sont pas opposés à la distribution des produits d'assurance dans les caisses populaires Desjardins. Nous avons accepté ce fait et nous n'y voyons aucune objection.
Nous avons cependant voulu attirer l'attention du législateur québécois sur une chose et nous faisons de même au niveau fédéral. Il y a une phrase qui nous a sauté aux yeux: on dit que les banques devraient être autorisées à vendre de l'assurance—soit—et à se servir des renseignements sur leurs clients pour faciliter la vente. C'est le point important sur lequel nous avons voulu attirer l'attention du législateur au Québec et nous faisons de même sur le plan fédéral. Je vous répète que nous ne nous opposons pas à l'avènement de concurrents additionnels si les règles sont à peu près les mêmes pour les assureurs d'origine et pour les institutions de dépôt.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Epp, avez-vous une dernière question?
M. Ken Epp: J'aimerais en poser une dernière, sur le même sujet.
J'ai réfléchi et, ce que nous avons entendu ailleurs au Canada, c'est qu'il y a beaucoup d'appréhension et l'on craint que les banques étouffent l'autre secteur et qu'au bout du compte, la libre concurrence et les choix offerts aux consommateurs en soient considérablement réduits. Seuls les puissants auront survécu et les consommateurs auront beaucoup moins de choix, la concurrence sera réduite, même si, au départ, on a l'impression du contraire.
Deuxièmement, on craint pour les emplois dans le secteur des assurances, emplois qui ne se retrouveront pas tous comblés par des emplois correspondant dans les banques.
J'ignore si vous pouvez rapidement répondre à cela. Je n'ai presque plus de temps, mais peut-être pouvez-vous répondre.
Le président: Monsieur Michaud.
[Français]
M. Yves Michaud: Dans la foulée de ce que vient de dire le député Epp, la question de la vente d'assurances dans les banques nous laisse assez dubitatifs pour l'instant. On n'est pas pour, mais on n'est pas tout à fait contre, avec cette réserve, cependant, que les législateurs devront être extrêmement prudents avant de donner aux banques cette permission de vendre de l'assurance. Où cela va-t-il s'arrêter? Les banques se livrent d'abord à des activités bancaires, c'est-à-dire prêter de l'argent. Elles ont maintenant des maisons de courtage. Elles sont maintenant propriétaires de trusts, de maisons de fiducie. Tout cela fait qu'il y a nécessairement des liens incestueux entre les banques, les maisons de courtage et les trusts, des liens qui ne sont pas toujours dans l'intérêt public. On en a vécu certaines expériences au Québec.
Parlons de l'assurance dans les caisses populaires, qui sont dans le Canada anglais des credit unions. Les caisses populaires sont une association coopérative. Elles sont fondées sur le principe coopératif et les profits, lorsqu'il y en a, sont ristournés, refilés aux cinq millions de sociétaires, bien que les caisses gardent des réserves. Les credit unions et les caisses populaires devraient donc pouvoir offrir ce service-là.
• 1045
Si on donne ce droit aux banques, où cela
s'arrêtera-t-il? Si vous leur demandez de vendre de
l'assurance, elles vont vendre de l'assurance-automobile.
Les propriétaires et les représentants
de l'automobile vont vendre de l'automobile, et
ensuite ils vont vendre de la scrap, la ferraille
de l'automobile. À un moment donné,
il faut siffler la fin de la récréation. Ça
va bien pour les banques. Les profits sont bons et les
actionnaires sont contents, mais la voracité
insoutenable des banquiers me fait penser
à la fable de Jean de La Fontaine La
grenouille et le boeuf:
c'était une grenouille qui voulait devenir aussi grosse
que le boeuf et elle enfla si bien qu'elle en creva.
Cette fable de La Fontaine a été écrite
il y a quatre siècles. Il y a de la sagesse
là-dedans.
Je dis aux législateurs que vous êtes: avant d'accorder aux banques le droit de vendre de l'assurance, assurez-vous que ce soit dans l'intérêt public. Je ne suis pas certain que cela améliore la concurrence au niveau des consommateurs. Déjà, au Québec, il y a les caisses populaires et les compagnies d'assurances. Si vous ajoutez les banques qui vont vendre de l'assurance, vous risquez de bordéliser tout le système de vente d'assurances au Québec.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Morency, avez-vous une histoire à nous raconter?
[Français]
M. Yves Morency (secrétaire aux relations gouvernementales, Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec): J'aimerais vous parler de l'expérience qu'on connaît au Québec depuis une dizaine d'années. Le Mouvement Desjardins peut vendre des produits d'assurance dans ses caisses, notamment au niveau de l'assurance générale.
On a remarqué qu'au Québec, au cours des 10 dernières années, l'évolution des primes a été nettement inférieure à l'augmentation de l'indice des prix à la consommation de même qu'à celle des primes payées dans les autres provinces telles que l'Alberta et l'Ontario. Donc, l'élargissement de la concurrence et de la distribution a fait en sorte que les consommateurs en sont sortis gagnants. Je pense que toute loi doit viser en premier lieu la protection du consommateur.
En ce qui concerne l'emploi, je vous ferai remarquer, monsieur Epp, qu'au Québec, des études démontrent que le nombre de courtiers n'a pas diminué depuis que nous vendons de l'assurance en direct. Au contraire, il a légèrement progressé. Il faut donc faire attention quand on examine les données.
Par ailleurs, au Québec, au lieu de restreindre la protection du consommateur, on l'a augmentée par la Loi 188. Entre autres, on a demandé aux institutions financières de conserver séparément les dossiers d'assurance et les autres types de dossiers, sauf quand il y a consentement explicite. Il faut donc le consentement écrit du consommateur. Donc, il y a moyen de protéger le consommateur et d'éviter des abus.
Je vous dirai aussi que les pénalités sont à ce point sévères qu'une institution financière ou son représentant n'osera pas s'y faire prendre à deux fois s'il est reconnu coupable.
C'est la même chose au niveau des dossiers médicaux. Seules les institutions d'assurance-vie pourront conserver les dossiers médicaux. Les représentants ne pourront le faire. Tout cela s'en va à la compagnie d'assurance-vie.
Donc, il y a moyen d'adopter une loi et de réglementer tout en assurant la protection et le bien-être du consommateur.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il autre chose, monsieur Michaud?
[Français]
M. Yves Michaud: J'aimerais ajouter un petit bémol à ce qui vient d'être dit. Je suis également vice-président du Bureau des services financiers du Québec, de la Loi 188. Ce n'est pas à ce titre que je témoigne aujourd'hui. Je n'ai pas de mandat pour parler au nom du bureau.
La pénalité dont il est fait mention est de 100 000 $ pour une violation de la confidentialité par l'institution. La deuxième fois qu'il y a bris de confidentialité, selon la loi, c'est l'expulsion et le retrait du droit de vendre de l'assurance.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Juste une chose: merci.
Le président: Il n'y a pas de quoi.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le président, j'ai un commentaire et une question.
[Traduction]
Le président: Vingt minutes, dix chacun.
[Français]
M. Yvan Loubier: Je laisserai ensuite la parole à mon collègue de Lotbinière. Bienvenue au Comité des finances.
J'ai une remarque à faire à M. Roy. Vous avez quasiment encouragé le gouvernement fédéral à faire de la désobéissance civile en s'introduisant dans un secteur qui est de la compétence exclusive des provinces, celui des valeurs mobilières. Vous avez déploré que dans Mackay, on n'ait pas recommandé la mise en place d'une commission canadienne des valeurs mobilières.
• 1050
Je suis tout à
fait en désaccord avec vous là-dessus parce qu'une
commission canadienne des valeurs mobilières serait
tout à fait inefficace et tout à fait malvenue.
Je trouve que les commissions québécoise et
ontarienne, entre autres, font un excellent travail
dans leur domaine. Elles se sont harmonisées et
continuent à s'harmoniser au niveau de leur procédure
et au niveau du traitement de leurs dossiers. Le
gouvernement fédéral arriverait comme un
chien dans un jeu de quilles dans un secteur qui est
déjà bien servi.
D'ailleurs, lorsque M. MacKay et M. Ducros, le vice-président du comité MacKay-Ducros, ont comparu au Comité des finances, je leur ai posé la question. M. Martin nous présentait depuis cinq ans l'éventuelle commission canadienne des valeurs mobilières comme l'organisme qui allait sauver le secteur des valeurs mobilières au Canada. C'était un must, disait-il, une obligation incontournable que d'avoir une institution pancanadienne si on voulait sortir gagnants des défis des années 2000.
J'ai posé la question à M. MacKay et à M. Ducros, et ils m'ont répondu ceci: «Si ce n'est pas dans le rapport, c'est qu'on a trouvé ça tout à fait secondaire et inutile. Les commissions provinciales font exactement ce qu'on attend d'elles et le font bien.» De votre côté, vous trouvez déplorable que cela ne figure pas parmi les conditions nécessaires pour préparer le secteur financier à l'an 2000. J'aimerais que vous commentiez cela tout à l'heure, mais j'aimerais d'abord poser une question à M. Gagné.
Monsieur Gagné, on s'est connus lors de votre croisade. Vous avez commencé il y a deux ans et demi, je crois, à Ottawa. On a eu l'occasion de travailler ensemble sur ce dossier-là. On l'a vidé au niveau de l'argumentation technique et politique. On l'a pris à A et on l'a amené à Z. On a rencontré les hauts fonctionnaires du ministère des Finances, on a rencontré des hauts fonctionnaires du ministère du Revenu et on a rencontré le ministre des Finances pendant quasiment une heure. On était tous les deux seuls à son bureau. Il nous avait dit à ce moment-là qu'il procéderait rapidement dans le dossier et permettrait que des sociétés à charte provinciale puissent acheter des blocs d'assurances de sociétés à charte fédérale. Monsieur La Couture, vous avez soulevé ce problème tout à l'heure.
Chose assez inusitée, surtout dans le cas du Bloc, on a même eu la collaboration du Sénat pour qu'un projet de loi privé puisse recevoir rapidement la sanction royale afin qu'on puisse éliminer cette discrimination envers les compagnies à charte provinciale.
Par contre, je me rappelle que lors des audiences du Comité des finances sur le projet de loi C-82, qui concernait justement ce genre de question, le surintendant des institutions financières était venu dire que si le ministre des Finances n'acceptait pas rapidement... Lui était en désaccord sur le fait que vous puissiez acheter des blocs d'assurances d'une société à charte fédérale, parce qu'il perdait le contrôle. Vous parliez d'outrage tout à l'heure. Je trouve que c'est tout à fait inacceptable. C'est du mépris. Il prétendait que, parce qu'il perdait le contrôle, nous serions incapables d'assurer la sécurité de l'épargne des épargnants et la protection du consommateur.
Cela étant dit, depuis ce temps-là, depuis l'élection de l'année dernière, avez-vous poursuivi des démarches? Est-ce que le ministre des Finances s'est justifié de ne pas avoir respecté l'engagement qu'il avait pris d'éliminer cette discrimination? Deuxièmement, n'est-il pas exact que la discrimination vise le Québec en particulier, parce que c'est là qu'on trouve une plus grande proportion des sociétés à charte provinciale qui veulent prendre du marché et qui veulent connaître une expansion et s'ajuster aux grandes réalités mondiales afin de ne pas être perdantes? N'est-il pas exact que cela vise le Québec plus que d'autres provinces?
Si vous avez rencontré le ministre des Finances, j'aimerais vous demander ce qu'il vous a répondu. Je trouve tout à fait injustifié qu'on maintienne une discrimination de cette nature.
M. Gaëtan Gagné: Monsieur le président, à la suite de notre rencontre, on a eu d'autres communications avec le Bureau du surintendant des institutions financières et le ministre des Finances. Je crois qu'on a créé un comité réunissant des fonctionnaires du BSIF et de l'IGIF.
M. Yvan Loubier: ...
[Note de la rédaction: Inaudible] ...en 1997.
M. Gaëtan Gagné: On voulait trouver une issue quant à la modification de cette loi. Nous savons qu'à l'heure actuelle, une proposition aurait été remise au ministre des Finances du Québec. D'autres compagnies d'assurances au Québec auraient reçu du ministre des Finances une lettre disant qu'une proposition avait été déposée au bureau du ministre des Finances du Québec. Nous n'avons pas eu de communication ou de réponse à la suite de ces événements.
• 1055
Pour ce qui est de l'argument du BSIF
quant au contrôle, lorsqu'on s'est
présentés au Comité des
Finances en 1997, cet argument ne
pouvait résister au temps, principalement à cause de
l'existence de la
Société d'indemnisation pour les assurances de
personnes, qui
reconnaît, pour la protection des
consommateurs canadiens de toutes les
provinces, tous les sociétés à charte provinciale et
l'harmonisation des règles de solvabilité.
Si les entreprises d'assurances provinciales respectent ces normes d'harmonisation-là, il n'y a pas problèmes, d'autant plus que les normes sont quasi pareilles dans l'ensemble du Canada.
Il est vrai que l'IGIF, au Québec, est plus actif au niveau de la surveillance des compagnies d'assurances. On est mieux structuré. Il est vrai que dans d'autres provinces plus petites, on est moins bien structuré. Il est vrai aussi que dans d'autres provinces, c'est le BSIF qui a le mandat de remplacer les sociétés de réglementation locales. Il ne faudrait pas qu'on ne soit pas reconnu parce qu'on est bien structuré. C'est un problème qui touche toutes les provinces canadiennes.
J'ai des collègues qui dirigent des compagnies d'assurances dans d'autres provinces, qui ont rencontré les mêmes problèmes d'acquisition. Fait cocasse, les compagnies qui ont demandé l'autorisation avant l'achat n'ont jamais effectué les achats. Pour celles qui ont procédé à la signature du contrat, comme L'Entraide, on tente de trouver une issue.
On a permis aux sociétés provinciales, par une modification à la loi, d'acheter des portefeuilles de compagnies d'assurances en faillite. Je pense qu'on a tout simplement oublié de le permettre dans le cas des sociétés en pleine santé financière.
Je réitère ma demande: qu'on dépose immédiatement un projet de loi pour modifier cette loi.
M. Yvan Loubier: Vous êtes en train de nous dire que parce que d'autres provinces canadiennes sont en retard dans leur réforme et dans le développement de leur secteur d'assurances, cela pénalise le Québec et que le ministre des Finances du Canada est obligé de tenir compte de...
M. Gaëtan Gagné: Je ne veux pas tirer de conclusion. Je dis simplement que le Québec est très bien organisé sur le plan de la surveillance des institutions financières, qu'il y a harmonisation des règles par l'entremise de la Société d'indemnisation pour les assurances de personnes et qu'il n'y a aucune raison de ne pas conclure des ententes de réciprocité ou de surveillance au niveau des compagnies d'assurances canadiennes à charte provinciale.
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur Gagné.
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Mes premiers mots seront pour remercier toutes les personnes qui se sont présentées ce matin pour exprimer leur point de vue sur cette question très importante de l'avenir du secteur des services financiers canadien. Dans un premier temps, j'aimerais féliciter M. Yves Michaud pour sa croisade exemplaire en vue de la démocratisation des banques.
Dans son exposé, M. Michaud a fait état du corpus législatif très avant-gardiste du gouvernement québécois sur tout ce qui concerne cette question très importante. D'autres panélistes ont fait état de la Loi 188.
Je m'adresse aux représentants des compagnies d'assurances et à tout ceux qui veulent s'exprimer sur l'éventualité de la bancassurance. Est-ce que la Loi 188 adoptée au Québec ne devrait pas également être adoptée au pays pour protéger les consommateurs, empêcher les ventes liées et surtout assurer la croissance du secteur des assurances?
M. Jean Roy: Puis-je demander la permission de répondre à la question qui m'avait été posée concernant les commissions de valeurs mobilières?
M. Yvan Loubier: Vous avez la liberté de le faire, monsieur.
Le président: Oui, on est dans un pays libre, monsieur.
M. Jean Roy: Merci. Je sais que cette question est politiquement chargée, mais je voudrais mettre de côté le côté politique et la regarder seulement avec des yeux de financier, d'économiste.
Les commissions de valeurs mobilières ont un organisme qui, me dit-on, a été créé à l'instigation d'un ex-président de la Commission des valeurs mobilières du Québec; il s'agit de l'Organisation internationale des commissions de valeurs qui, Dieu merci, a maintenant un site Internet, que je suis allé consulter. Cet organisme compte maintenant 160 membres. J'ai pu examiner la liste des membres et j'ai vu que le Canada était le seul pays à avoir des membres que j'appellerais régionaux, c'est-à-dire des membres dont la juridiction est inférieure à toute la taille du territoire qu'ils représentent. Donc, d'une certaine façon, le Canada est une sorte d'exception, sinon d'anomalie, à l'échelle internationale.
M. Yvan Loubier: Une espèce d'original.
M. Jean Roy: Il est au moins original, si vous voulez.
Deuxièmement, on se dirige vers un décloisonnement des services financiers. On peut ne pas aimer ça, mais c'est une réalité. Je crois qu'il y a deux façons de faire: ou bien on peut y résister, ou bien on peut accepter le mouvement. Tous savent que si on permet à de grands conglomérats financiers—surtout si on va dans le sens du rapport MacKay—de créer, comme il en existe dans d'autres pays, des sociétés de portefeuilles qui auront des banques, des courtiers de valeurs, etc., on devra avoir des organismes qui auront tout le pouvoir nécessaire pour faire la surveillance et la réglementation et s'assurer de la solvabilité de ces sociétés de portefeuilles. Or, il est certain et compréhensible que, si des empires financiers ont à surveiller tantôt une partie de la réglementation qui est fédérale et tantôt une autre partie qui est provinciale, ça complique la situation. Les Britanniques ont bien senti le problème. Selon leur tradition, il y a à peine trois ou quatre ans, il y avait de 15 à 20 organismes de réglementation en Grande-Bretagne. On a vu que ce morcellement des organismes réglementaires face à des conglomérats financiers intégrés était intenable. Donc, on a fait une réforme réglementaire. On a créé la Financial Services Authority, qui peut tout regarder et tout contrôler quand elle entre dans une institution financière.
C'est un peu là qu'est le problème. Quand on regarde les responsabilités d'une commission de valeurs mobilières, on voit qu'il y en a potentiellement trois: premièrement, la protection des consommateurs-investisseurs; deuxièmement, le contrôle des émetteurs; troisièmement, le contrôle des maisons de courtage. Je donne le bénéfice du doute. La Commission des valeurs mobilières peut bien se tirer d'affaire dans la protection des investisseurs québécois. Il y a un nouveau régime de concertation qui va être mis en place. Tous les partenaires, c'est-à-dire les émetteurs et les commissions de valeurs, semblent dire que le système est très prometteur, et je peux encore accorder le bénéfice du doute à cela. Le problème est au niveau du contrôle des sociétés de portefeuilles; il s'agit de l'intégration de la surveillance.
M. Yvan Loubier: Monsieur Roy, je m'excuse, mais vous avez parlé d'anomalies et de choses qui ne correspondent pas à ce qui se fait ailleurs. Se pourrait-il qu'on soit un petit peu plus originaux, mais originaux dans le bon sens, et qu'on arrive, avec la Commission des valeurs mobilières du Québec, à faire fonctionner ce secteur d'une façon admirable? Ce ne sont pas des arguments politiques, mais bien des arguments d'économiste. D'ailleurs, M. Martel, le président de la Commission des valeurs mobilières du Québec, va comparaître aujourd'hui. Vous pouvez rester pour écouter ses arguments, parce qu'on n'aura pas le temps de les développer ce matin.
Cela étant dit, décloisonnement et modernisation n'égalent pas centralisation, surtout pas quand un joueur qui n'a jamais été impliqué dans le secteur des valeurs mobilières arrive comme un chien dans un jeu de quilles et veut changer toutes les règles. Vous savez à quel point le secteur financier est fragile devant tout bouleversement. Quand arrive un autre joueur, un gros joueur qui arrive avec ses gros sabots et qui change les règles, on ne sait plus à quel saint se vouer. Est-ce que c'est de juridiction provinciale ou fédérale? Vous savez comme moi qu'on vient d'inclure un élément d'instabilité et d'incertitude dans le secteur. Je ne m'étendrai pas là-dessus. Mon collègue a posé une bonne question sur la Loi 188 et j'aimerais qu'on puisse y répondre.
M. Odina Desrochers: Dois-je la reformuler? Je m'adresse au représentant des assureurs. Advenant la mise en place de la bancassurance, la Loi 188 ne devrait-elle pas être adoptée au pays, premièrement pour protéger les consommateurs, deuxièmement pour empêcher les ventes liées et troisièmement pour assurer la croissance du secteur des assurances?
M. Jean La Couture: J'ai le goût de vous répondre «noui», si vous me permettez la boutade. Oui, parce qu'au Québec, on a fait un travail sérieux d'analyse de tous ces éléments avant de permettre aux caisses populaires de distribuer de l'assurance. Beaucoup de réflexions ont été faites sur les renseignements personnels. Il y a eu une quantité de mémoires et de discussions qui ont eu lieu, et je pense qu'il y a une recherche sérieuse qui peut être utile sur le plan canadien.
Ma réserve porte sur le fait que nous avons dû approuver la Loi 188 à la toute dernière minute, en fin de session, vers le 21 ou le 22 juin et que, par conséquent, certaines choses ont pu être laissées de côté et on s'en remet maintenant au Bureau des services financiers pour émettre la réglementation qui va entourer la Loi 188. Je dois vous avouer que tous, autant les gens de Desjardins que les assureurs non reliés à des institutions de dépôt, surveillent ce travail avec beaucoup d'attention. On a une base qui peut être très utile parce qu'il y a eu énormément de travail de fait. Toutefois, il faudra attendre la réglementation pour dire, pour reprendre les termes de M. Landry: «Voilà un produit qui nous semble quasi parfait.»
Le président: Monsieur Ross.
M. Réjean Ross: Pour ce qui est de la planification financière, je vais vous dire oui. On a expliqué la raison de cela dans notre mémoire. Si on en arrive un jour—et j'ai bon espoir qu'on y arrivera—à faire en sorte que la planification financière ait une norme canadienne, je suis convaincu que pour le consommateur, le fameux consommateur, ce sera beaucoup plus intéressant. Ce le sera aussi pour les représentants, qui sont aussi des consommateurs, parce qu'ils n'auront pas trois ou quatre organismes de réglementation; ils n'en auront qu'un. Alors, pour ce qui est de la planification financière, je réponds oui, parce que c'est une bonne loi. C'est une loi qui a besoin d'être améliorée sur le plan de la réglementation, comme disait M. La Couture, mais je réponds oui à votre question.
Le président: Monsieur Michaud.
M. Yves Michaud: Monsieur le président, est-ce qu'on peut poser une question aux autres intervenants à la table ou si cela est un privilège réservé uniquement aux députés?
[Traduction]
Le président: Je pense que vous pouvez poser une question.
[Français]
M. Yves Michaud: Je ne voudrais pas... Je suis un ancien député et...
Monsieur Roy, j'ai une petite question à vous poser.
[Traduction]
Le président: C'est pour cela que vous êtes autorisé à poser vos questions.
[Français]
M. Yves Michaud: Je vous remercie du privilège. C'est le premier qu'on me donne depuis une vingtaine d'années.
[Traduction]
Le président: La situation s'améliore.
[Français]
M. Yves Michaud: Je ne suis pas toujours d'accord sur les positions de M. Roy. Je le suis à la télévision, je connais ses travaux, etc., mais dans son exposé, il a parlé de la recommandation du rapport MacKay sur la règle du 10 p. 100. Je suis d'accord avec lui que la règle du 10 p. 100 devrait être maintenue. Il a fait une suggestion, à mon avis, fort intéressante: dans le cas des entreprises dont le capital est de moins de 1 milliard de dollars, la propriété pourrait être à 100 p. 100. Il a parlé d'amender le deuxième point du rapport MacKay, qui porte sur les grandes corporations ou les banques dont le capital est de 1 à 5 milliards de dollars; la propriété pourrait alors être à 65 p. 100.
Il a voulu scinder cette proposition parce que la seule institution au Canada qui est visée par le point 2 du rapport MacKay est la Banque Nationale du Canada. C'est la seule. On a l'impression qu'on voulait la fixer là, qu'elle aurait pu passer à 65 p. 100 entre des mains étrangères, entre les mains de compagnies américaines. Or, c'est la seule banque que les Québécois aient, avec La Laurentienne qui est un joueur plus mineur. C'est la seule au Canada. Il y a quelque chose là-dedans qui nous fatigue un peu.
• 1110
Nous avons seulement une banque dont les
actionnaires sont presque tous québécois. Je
pense que la Banque Nationale a 3,5 milliards de
dollars d'actifs. Si la proposition de M. Roy
était acceptée, si le rapport MacKay était amendé
de manière à faire entrer dans la catégorie de la
propriété à 65 p. 100 les entreprises
dont le capital est de 2,5 à 5 milliards de dollars,
la Banque Nationale entrerait dans cette catégorie
et sa propriété en serait réduite à 35 p. 100. Je
trouve que c'est une proposition intéressante. Est-ce
que je résume bien ce que vous avez proposé?
M. Jean Roy: C'est exactement ça. Vous avez tout compris. Je pense que vous connaissez la menace.
M. Yves Michaud: Eh bien, vous me rendez intelligent.
[Traduction]
Le président: D'autres questions?
[Français]
M. Yvan Loubier: Entre 1 et 5 milliards de dollars, il n'y a pas de raison... Eh bien, peut-être sur la bande inférieure... De toute manière, on est d'accord avec M. Roy que ça pourrait avoir un effet indésirable pour le Québec et on a demandé que la règle de 10 p. 100 puisse continuer de s'appliquer pour ces institutions-là.
M. Odina Desrochers: Y a-t-il d'autres personnes qui veulent s'exprimer sur la Loi 188?
M. Yves Michaud: Voici la première question que je voulais poser à M. Roy. Vous avez parlé du vote cumulatif. Souhaiteriez-vous, comme nous, qu'il soit inscrit dans la loi que le vote cumulatif est permis?
M. Jean Roy: Ce que j'ai essayé de faire comprendre tout à l'heure, c'est que la règle du 10 p. 100 est intéressante parce qu'elle a pour effet de redistribuer des profits, sans compter que c'est une barrière aux acquisitions étrangères. C'est aussi une barrière contre l'intégration du secteur financier. Donc, elle a de belles propriétés, mais elle a un inconvénient: elle donne beaucoup de pouvoir aux dirigeants devant l'actionnariat fractionné. Je suis tout à fait d'accord avec M. Michaud que le vote cumulatif devrait être une chose imposée aux banques.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Loubier et monsieur Desrochers.
Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Je pensais que M. Szabo allait avoir la parole.
Le président: M. Szabo, donc. D'abord M. Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je partagerai mon temps.
Je me suis intéressé aux observations des représentants des caisses populaires sur la vente d'assurances de sinistres. Je voulais obtenir un peu plus de renseignements sur l'importance de ces transactions. Est-ce que cela est fait par les employés des caisses, par des employés des compagnies d'assurance, ou d'autres courtiers indépendants? Comment exactement cela fonctionne-t-il?
[Français]
M. Yves Morency: Présentement, la distribution se fait dans la caisse, mais par des employés de notre compagnie d'assurance générale. Ce sont des gens qui sont licenciés et qui opèrent dans un bureau ou dans un endroit distinct de la caisse, pour lequel la caisse reçoit un loyer de l'assureur. C'est ce qu'on doit faire selon la réglementation actuelle. Avec la Loi 188, dorénavant, l'employé de la caisse, moyennant l'obtention des permis prescrits par le législateur, pourra lui-même offrir des produits d'assurance-vie, d'assurance générale.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Les employés qui s'occupent d'assurance ont-ils accès à des renseignements provenant de la caisse?
[Français]
M. Yves Morency: La loi est très spécifique à ce sujet. La caisse doit conserver séparément les dossiers réguliers de la caisse et les dossiers d'assurance. On ne pourra utiliser l'information qu'avec le consentement explicite de notre membre. Nous devrons donc demander au membre, dans un formulaire distinct, s'il veut que nous utilisions l'information pour le solliciter pour l'achat d'autres produits d'assurance. Il faut donc son consentement. Tous les consentements que nous détenons à l'heure actuelle ne seront plus valides. Nous allons devoir les redemander. Il y a donc une disposition pour protéger le consommateur. Les dossiers de nature médicale ne seront détenus d'aucune façon, ni par la caisse ni par le représentant; ils seront conservés intégralement chez l'assureur.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Dans quelle mesure, le cas échéant, vous occupez-vous de ventes de voitures à crédit-bail?
[Français]
M. Jean-Guy Langelier: Le Mouvement Desjardins possède une filiale, qui s'appelle Location Desjardins. Toutefois, les produits qui sont offerts sont distribués par les concessionnaires automobiles. À toutes fins pratiques, c'est un outil qui est dans le coffre du concessionnaire, par lequel il peut offrir aux locataires potentiels le produit du manufacturier, c'est-à-dire GMAC ou Crédit Ford du Canada, ou encore une location par l'intermédiaire de Location Desjardins.
On sait que les manufacturiers font souvent des promotions de leurs produits. À ce moment-là, le taux d'intérêt imposé aux locataires est relativement bas, mais ce n'est pas pour toute la gamme des produits automobile. Donc, plusieurs concessionnaires nous transmettent des opérations de ce genre.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Enfin, monsieur le président, le rapport MacKay envisage en général plus de concurrence dans le secteur du service financier. Cela représente plus de choix pour les consommateurs.
Une des questions portant sur la réforme—je n'arrive pas à croire que je me sers du mot «réforme»—est la suivante: faut-il ou non établir cette concurrence avant que d'autres grands changements interviennent? Manifestement, le cadre réglementaire doit continuer à évoluer pour répondre à tous les besoins, et supposons qu'il évoluera. Mais, les coopératives de crédit, les caisses populaires, les mouvements coopératifs peuvent-ils être une légitime concurrence du secteur des banques, au niveau de service le plus élevé et le plus complet? Je soulève cette question parce que, comme vous le savez probablement, à Vancouver, VanCity a déjà discuté de la possibilité de regrouper plus de 800 coopératives de crédit en un seul réseau national à succursales. Les coopératives de crédit et les caisses populaires représentent-elles dont une source légitime de concurrence nationale pour les banques?
[Français]
M. Jean-Guy Langelier: Le mouvement coopératif, à l'échelle nationale, a toujours été une solution de rechange fort valable pour les consommateurs. Ce qui est à l'honneur du secteur coopératif, tant au niveau québécois qu'au niveau des autres provinces, c'est qu'il ne fait pas de discrimination régionale. Au contraire, si on peut avoir accès aux services d'institutions financières dans toutes les régions du Canada, c'est parce que les coopératives y sont présentes.
Au Québec, dans 635 municipalités, le Mouvement Desjardins est la seule institution financière présente. Parfois, étant donné la population du territoire à desservir, il est bien évident qu'on n'y est pas uniquement pour des raisons de bénéfices. Nous y sommes pour desservir l'ensemble des consommateurs. Donc, oui, il l'est.
On a parlé tout à l'heure de réglementation et de législation pour le mouvement coopératif, pour ce que veulent faire VanCity et toutes les credit unions anglophones, de même que le Mouvement Desjardins. Il y a certains outils qui nous manquent dans notre coffre, principalement en ce qui concerne l'approvisionnement institutionnel. On sait que c'est un élément important, d'autant plus que les épargnants ont maintenant plusieurs lieux d'épargne différents, entre autres les fonds mutuels. Auparavant, on avait une abondance de liquidités dans les credit unions. Je ne dirais pas que c'est un phénomène en voie de disparition, mais maintenir le niveau de dépôts pose tout un défi. Donc, il nous faut nécessairement avoir accès aux fonds institutionnels et être traités comme les institutions financières.
• 1120
C'est pour ces mêmes raisons que VanCity
souhaite passer à l'échelle
nationale. C'est pour avoir accès aux fonds
institutionnels, qui sont réglementés en termes de
liquidités à maintenir dans la majorité des
lois, au sujet des compagnies
d'assurances, des institutions
bancaires ou des trusts. Lorsqu'on parle de
liquidités réglementaires, il est précisé qu'elles
doivent être maintenues en bons du Trésor du
Canada, en bons du Trésor des provinces ou dans des
banques à charte. Conséquemment, nous sommes exclus de cela.
Le président: Monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier: M. Béland s'est déjà prononcé en faveur de la suggestion de M. MacKay concernant la création de banques communautaires. J'aimerais que vous parliez des avantages que cet outil proposé par M. MacKay apporterait au Mouvement Desjardins.
M. Jean-Guy Langelier: On a parlé de banques coopératives au niveau de la charte fédérale. On envisage la conversion potentielle de ce qui est actuellement la Caisse centrale Desjardins afin qu'elle puisse oeuvrer au niveau fédéral. Quels avantages cela lui donnerait-il, du moins dans le même champ d'activité que les autres banques? D'abord, elle aurait accès à l'épargne institutionnelle et à des liquidités de compagnies réglementées, ce qui n'est pas possible actuellement. Nous avons actuellement les excédents des liquidités de ces compagnies-là. Comme nous ne faisons pas partie du normatif, c'est plus difficile. Bien sûr, nous aurions aussi la possibilité d'oeuvrer sur l'ensemble du territoire et nous pourrions bénéficier des avantages ou de l'encadrement qui est donné, principalement dans le cadre de l'ALENA. On parle donc d'ouverture de succursales à l'extérieur du Québec et à l'extérieur du Canada, dans les pays qui sont gouvernés par l'ALENA. Nous sommes actuellement exclus de cela. Merci.
Le président: Merci. Madame Redman.
[Traduction]
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais poser une question à M. Gagné.
Plusieurs compagnies mutuelles d'assurance-vie ont comparu devant nous. En fait, elles sont très présentes dans ma circonscription, Kitchener. Je me demande si votre organisme, puisque vous êtes une compagnie mutuelle d'assurance-vie, a étudié la recommandation 38 du rapport du Groupe de travail MacKay, recommandation portant sur la démutualisation. Avez-vous examiné l'incidence possible que cela pourrait avoir? Avez-vous réfléchi au fait que les sociétés dont l'avoir des actionnaires dépasse 5 milliards de dollars devront avoir un capital largement réparti et qu'il y aurait une période de trois ans pendant laquelle aucune acquisition ne pourrait se faire.
[Français]
M. Gaëtan Gagné: Si on démutualisait une société comme l'Entraide, qui a 25 millions d'actifs et 45 000 clients, si on le faisait entièrement selon les modalités de la proposition MacKay, on disparaîtrait parce qu'on ferait l'objet d'une offre publique d'achat dans l'heure suivante.
Les sociétaires pourraient conserver le contrôle de cette nouvelle société par l'entremise de la loi provinciale. On créerait une mutuelle de gestion, comme on l'a fait à l'époque dans le cas de La Laurentienne. Les sociétaires, les mutualistes, deviendraient les propriétaires à 51 p. 100, ce qui laisserait une possibilité de 49 p. 100 pour du nouveau capital-actions.
Cependant, comme on a une charte provinciale, cela ne réglerait pas le problème d'acquisition de portefeuilles au Canada. Cela nous donnerait des fonds pour faire des acquisitions, mais cela ne nous donnerait pas le droit d'en faire. Est-ce que j'ai bien répondu à votre question?
[Traduction]
Mme Karen Redman: En partie.
Puis-je poser une autre question à M. Roy?
Le président: Bien sûr.
Mme Karen Redman: À la page 7 de votre exposé, vous parlez de la réglementation par fonction, plutôt que de la réglementation par type d'institution. Pourriez-vous nous expliquer un peu pourquoi vous préférez la première à la deuxième? Quels sont les inconvénients d'une réglementation par institution selon vous, et quel est le juste équilibre des deux?
M. Jean Roy: Question très intéressante.
[Français]
Je suis en cela un disciple de Robert Merton, qui est maintenant à la Harvard Business School. Il s'est penché sur ce qu'il appelle les fonctions du système financier. Il en énumère six, si mon souvenir est bon. Le système financier doit fournir des services de transaction, des services d'épargne, des services d'investissement, des services de crédit et des services de gestion de risque.
• 1125
Lorsqu'on examine un système financier,
dit-il, on voit que
ces fonctions-là sont toujours accomplies d'une façon
ou d'une autre. Mais quand on va d'un pays à l'autre
ou d'une époque à l'autre, on voit que les
institutions se transforment à cause de la technologie,
des besoins et ainsi de suite. Il est très difficile
de maintenir les lois institutionnelles à jour, parce
que les institutions sont toujours en processus de
changement et d'évolution. On devrait plutôt cibler les
lois vers les fonctions, les fonctions étant plus
stables. Premièrement, il serait ainsi plus facile
d'obtenir l'équité entre les
différents joueurs à un moment dans le temps.
Deuxièmement, il serait
plus facile de maintenir la stabilité de lois
dites fonctionnelles, ou par activité, que de lois
institutionnelles. Ce sont les deux raisons.
Autrement dit, dans le vocabulaire des praticiens, les gens se plaignent continuellement de ce qu'ils n'ont pas un terrain de jeu à niveau, a level playing field. Or, quand des lois fonctionnelles, ou par activité, disent que, quelle que soit l'institution qui offre un certain service, elle est soumise à la loi qui régit ce service, on crée automatiquement des conditions uniformes de concurrence.
J'avais fait des suggestions l'année dernière, quand j'avais témoigné devant la commission MacKay et que j'avais développé ce point. Si cela vous intéresse—je vais faire ma publicité—allez sur le site de l'École des Hautes Études Commerciales; j'y ai une page personnelle où ce mémoire est disponible.
Ce qu'il faudrait, c'est ce que j'appelle une approche matricielle à la réglementation. Certaines lois doivent être institutionnelles parce que la capitalisation est la propriété d'une institution. Si on veut assurer sa solvabilité, il faut avoir des lois qui assurent sa solvabilité. D'autre part, les lois fonctionnelles, ou par activité, ont des avantages en termes d'équité et de stabilité. Donc, il faut aussi en avoir. C'est un système complexe, mais les institutions modernes sont complexes. Donc, je favoriserais un mélange ou une combinaison que j'appelle matricielle de lois institutionnelles et de lois fonctionnelles.
[Traduction]
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Madame Redman, vous n'avez rien d'autre à dire?
Mme Karen Redman: Non.
[Français]
Le président: Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Je voudrais d'abord féliciter les intervenants parce que je trouve que la discussion de ce matin est de très haute qualité. On étudie ce sujet depuis déjà quelques mois, et je trouve que vous êtes un groupe de témoins très varié et très intéressant.
Mes premières questions s'adresseront à M. Roy. Elles concernent le processus d'examen des fusions sur lequel vous avez élaboré. À la page 4, vous dites que vous êtes d'accord sur la position prise par le groupe de M. MacKay, mais que vous avez quand même un regret, à savoir «que le groupe de travail n'ait pas davantage précisé les exigences à fixer aux grandes institutions voulant fusionner quant au contenu du document d'impact social attendu d'elles.»
Je dois vous dire que le document d'impact social que doivent fournir toutes les institutions suscite des réactions positives dans les régions rurales partout au pays. J'aimerais que vous preniez le temps d'élaborer sur vos réserves. En tant que comité, quelles recommandations devrons-nous faire pour répondre à vos inquiétudes, s'il vous plaît?
M. Jean Roy: Je vous remercie de votre question.
Il est certain que les dirigeants des banques, d'un point de vue financier, évaluent la fusion en termes des bénéfices qu'elle peut créer pour les actionnaires. Il est clair également que leurs décisions peuvent avoir des retombées sociales. Les retombées sociales, il faut bien le dire, sont de deux ordres. Il peut y avoir des bénéfices potentiels en termes de création d'emplois. Les gens pensent souvent qu'il va y avoir destruction d'emplois. Il peut y avoir un peu de destruction d'emplois, par exemple au niveau des gens qui sont chargés des services de transaction, mais il peut aussi y avoir création d'emplois à un niveau plus élevé, si jamais les activités internationales augmentent.
• 1130
Il faut donc
faire une sorte de bilan social des retombées.
Il faudrait qu'un cadre quantitatif soit
imposé pour que les bénéfices et les coûts soient
mesurés d'une façon valable.
J'aimerais ouvrir une parenthèse. Premièrement, le modèle dont on suggère l'implantation existe déjà en Hollande. En Hollande, toute grande entreprise qui désire fusionner doit soumettre une étude d'impact social au ministre des Finances.
Je trouve que cette évolution est très favorable parce qu'avant qu'on prenne ce virage, tout le fardeau de l'étude était sur le dos des fonctionnaires, alors qu'à mon avis, les banques doivent supporter le fardeau de l'opération et les fonctionnaires doivent jouer le rôle de vérificateurs et de critiques.
Il faut également avoir une situation où on aura préalablement indiqué un cadre précis d'évaluation des bénéfices et des coûts. Est-ce que ça répond à votre question?
M. Nick Discepola: Oui, mais quand on parle de l'impact des fusions, pour ma part, nonobstant les contributions aux partis politiques de certaines banques, je crois, monsieur Michaud, que ça n'apporterait pas de dividende dans leur cas. Je crois que s'il y a une lacune chez les grandes banques, c'est qu'elles n'ont pas fourni aux différents groupes de travail cette étude d'impact social, une étude d'impact sur les pertes d'emplois. Cette étude d'impact, dois-je dire, est une grande préoccupation de presque tous mes collègues qui représentent comme moi des régions rurales. Ils se préoccupent de l'impact régional de ces fusions. Ils se préoccupent également du précédent que ça pourrait créer. Est-ce que la première demande de fusion pourra créer un précédent?
Voici ma question. Le ministre des Finances a dit que, dans son étude éventuelle, il évaluera l'impact des fusions en termes de pertes d'emplois, de conséquences dans les régions, etc. Lors de l'évaluation des bénéfices de la fusion, ces critères devraient-ils tous avoir le même poids ou s'il y a d'autres critères qui devraient être pris en considération avant de permettre la fusion des banques?
M. Jean Roy: Personnellement, je trouve la liste de critères qui a été établie assez extensive. Je n'ai pas de problème avec ça. Je sais qu'il y avait une préoccupation. Si on permet les projets de fusion, il y aura des activités internationales plus importantes, et il y a là un problème potentiel. Si on fait du crédit à l'étranger, il pourra y avoir des pertes à l'étranger; cela aura une répercussion sur la solvabilité des banques canadiennes et, éventuellement, la Société d'assurance-dépôts pourrait avoir à contribuer pour faire face à cette situation.
Donc, c'est un problème, mais dans la logique du système proposé par le groupe MacKay, cette préoccupation n'était pas considérée comme étant d'intérêt public; elle tombait plutôt sous le thème de «solvabilité et stabilité» et était confiée au Bureau du surintendant des institutions financières.
M. Nick Discepola: Voici un autre exemple, monsieur. Je sais qu'il y a un autre organisme qui étudie l'impact possible de cela, mais je soulève la question de la concentration du pouvoir. Est-ce que le ministre devrait prendre cela en considération ou simplement suivre les recommandations du Bureau de la concurrence?
M. Jean Roy: Personnellement, je crois que c'est la responsabilité du Bureau de la concurrence.
M. Nick Discepola: Ma prochaine question s'adresse à...
M. Paul Lussier (vice-président, Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec): Si c'est permis, je voudrais vous faire remarquer que la preuve n'a pas été faite par les banques que les fusions proposées seraient à l'avantage des actionnaires.
Comme M. Michaud l'a mentionné, il faut bien faire la différence entre les intérêts des dirigeants des banques et ceux des actionnaires des banques.
M. Nick Discepola: Pour ce qui des intérêts des actionnaires, la preuve a été faite le lendemain de l'annonce, parce que les actions ont monté excessivement.
M. Paul Lussier: Ça, c'est pour le court terme. Pour les actionnaires à long terme des banques, je ne suis pas sûr que les fusions proposées... En tout cas, je n'ai pas vu d'étude concluante à cet effet.
M. Yves Michaud: Les actions des cinq grandes banques canadiennes sont actuellement 35 p. 100 moins élevées qu'elles ne l'étaient au moment de l'assemblée générale des banques.
M. Nick Discepola: Mais je ne crois pas...
M. Yves Michaud: Non, non, non. Au moment de l'annonce de la fusion, il y a eu un effet de springboard. Il y a eu une course...
M. Nick Discepola: Surtout pour...
[Note de la rédaction: Inaudible].
M. Yves Michaud: ... pour acheter les valeurs bancaires, mais ces valeurs ont diminué de 35 p. 100 depuis, ce qui fait que les valeurs des actions des banques, au moment où je vous parle, sont inférieures à ce qu'elles étaient, pour la plupart, lors des dernières assemblées générales du printemps.
M. Nick Discepola: Mais je ne vois pas pourquoi on devrait s'inquiéter de la possibilité d'une perte ou d'un gain pour un investisseur. Comme gouvernement, comment peut-on chiffrer cela? C'est la loi de l'offre et la demande qui prévaut.
M. Paul Lussier: Oui, mais il y a des exemples étrangers qu'on pourrait prendre en considération ou qui pourraient nous servir de guide quant à ce qui peut advenir après la fusion des grandes institutions bancaires canadiennes.
Le président: Monsieur La Couture.
M. Jean La Couture: Je vous dirai que ce qui devrait préoccuper principalement le gouvernement quant à la fusion des banques, c'est le danger de concentration de l'épargne. C'est vrai que la fusion peut avoir un impact sur l'emploi et qu'il faut s'en préoccuper, mais pour moi, c'est le danger numéro deux. Le danger numéro un, c'est la concentration. Si toutes les banques étaient concentrées dans deux ou trois organisations, ce serait dangereux. Le rapport MacKay en parle en disant au gouvernement de donner aux entreprises d'assurances l'accès au système de paiement et donc la possibilité de constituer des banques.
Le gouvernement devra mesurer à quelle vitesse cette nouvelle concurrence se produira. Je peux vous dire que dans notre cas, au Québec, étant donné la taille des organisations d'assurances, il n'est pas évident qu'à court terme—naturellement, les gens ont une stratégie qu'ils ne vont pas annoncer sur la place publique—les entreprises d'assurances vont tenter de concurrencer les banques.
Je résume en disant que, selon nous, la concentration est la préoccupation numéro un et que si cela doit être compensé par la venue de nouveaux joueurs étrangers aux Canadiens dans le milieu des assurances, vous devrez mesurer la vitesse à laquelle cette nouvelle concurrence viendra.
M. Réjean Belzile (président du Comité des études, Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec): J'ajouterai que la concentration ne sera pas seulement au niveau de l'épargne mais aussi au niveau de l'allocation des ressources, parce que les banques décident à qui seront allouées les ressources. Je crois que c'est un problème important sur lequel doivent se pencher les autorités.
Une autre concentration malheureuse, c'est celle des risques. Dernièrement, les résultats des banques ont été fantastiques. Cependant, si on regarde le palmarès des grandes banques mondiales, on voit que ce sont elles qui ont des problèmes actuellement. Elles n'ont pas nécessairement des difficultés qui mettent en péril leur survie, mais des problèmes qui sont liés à un risque systémique au niveau mondial. La crise asiatique a fait mal à plusieurs banques. On annonce constamment des mauvaises nouvelles au sujet des grandes banques américaines. Je ne parle pas des banques japonaises, car il semble qu'il faudra un montant d'environ 500 milliards de dollars pour colmater le système bancaire japonais par suite des problèmes qu'ont éprouvés des grandes banques. Je crois que la concentration pose des problèmes à plusieurs niveaux, particulièrement—et là je rejoins le problème qui a été soulevé—pour les consommateurs et communautés, qui perdront peut-être des services si les fusions s'effectuent.
Le président: Monsieur Michaud.
M. Yves Michaud: Vous parlez de la protection des actionnaires. Les banques canadiennes sont des banques à charte fédérale. Donc, vous devez légiférer. Or, la protection des actionnaires va de pair avec l'intérêt public.
• 1140
Par exemple, aux États-Unis, devant RCM Capital,
la Réserve fédérale américaine a été obligée
d'intervenir et le gouvernement américain va
prendre de l'argent des citoyens pour le mettre
dans l'entreprise privée. C'est ce qu'un ancien député à la
Chambre des communes du NPD, je crois, appelait les
corporate welfare bums. On en est rendu là.
Quand on est obligé de prendre de l'argent des fonds
publics et de l'injecter dans des entreprises à capital
de risque, des entreprises privées, c'est que le
système ne fonctionne plus. Ça n'a aucun sens. Tout
cela se produit parce qu'on est dans la mondialisation
et le reste. C'est vous, les députés, qui allez faire
la Loi sur les banques.
M. Nick Discepola: Je vous demandais surtout comment nous pouvions légiférer sur la protection des actionnaires.
M. Yves Michaud: On protège les actionnaires en assurant une concurrence, en maintenant le système actuel, qui n'est pas si mauvais, je le répète, et en évitant la concentration abusive. Dans la logique infernale des fusions et de la concentration, si la Chambre des commune accepte les fusions de quatre banques, ces quatre banques vont devenir deux banques et, à terme, elles vont devenir une seule banque canadienne, qui sera finalement achetée par une banque américaine.
M. Nick Discepola: Vous êtes d'accord avec moi qu'on peut difficilement légiférer...
M. Yves Michaud: Mais vous légiférez déjà puisque vous dites que 10 p. 100...
M. Nick Discepola: Il faut plutôt faire une réglementation.
M. Yves Michaud: Vous parlez de 10 p. 100 de capital. Si on maintient cela, il va y avoir un frein à l'envahissement, par le monde entier, des banques ou des institutions financières et on va protéger le système bancaire canadien.
M. Nick Discepola: Je ne voulais pas aborder la question du 10 p. 100 parce que mon temps est limité, mais étant donné que vous l'avez abordée, comme M. Roy et M. Langelier d'ailleurs, je vais vous demander comment nous pouvons encourager la participation d'autres entreprises et institutions pour concurrencer les éventuelles mégabanques sans assouplir la règle du 10 p. 100.
Monsieur La Couture, vous avez parlé d'un vote cumulatif pour faire contrepoids. Voulez-vous élaborer là-dessus?
M. Yves Michaud: C'est M. Roy qui a proposé le vote cumulatif. Le vote cumulatif, c'est simple. Ça permet à des actionnaires qui auraient 5 p. 100 du capital-actions—c'est beaucoup—de présenter un candidat qui soit en dehors de la slate, qui compte peut-être 24 ou 36 candidats. Ça permet à des actionnaires de porter leurs voix sur un seul de leurs candidats en oubliant les 23 ou 24 autres. Les actionnaires auraient donc une petite voix et ils pourraient, parce qu'ils ont 5 p. 100 des actions, faire accéder au conseil d'administration un de leurs représentants. Cinq pour cent, c'est important. Il faut l'avoir pour présenter un candidat. Actuellement, on est obligé de passer, en assemblée générale, par le biais d'un amendement aux règlements, aux by-laws, des banques ou des corporations et il faut que ce soit adopté à 66 p. 100. J'en ai fait la proposition l'année dernière. S'il était simplement indiqué dans la loi que le vote cumulatif est... Le vote cumulatif est déjà dans la Loi sur les banques; c'est l'explication de cela... Quand on vote pour un seul, on prend un risque parce que les autres actions sont divisées par 23 étant donné qu'il y a 23 candidats.
M. Nick Discepola: Ne pensez-vous pas que ce candidat pourrait être choisi pour faire partie de la slate?
M. Yves Michaud: Non, il ne ferait pas partie de la slate parce qu'il serait présenté par une proportion d'actionnaires. Ce serait un candidat qui s'ajouterait aux autres et qui battrait probablement le 24e de la liste de ceux qui auraient des voix. Il y a là une petite possibilité de démocratie. Une personne sur 24 ou 30, non choisie par la direction ou le conseil d'administration, représenterait les actionnaires.
M. Nick Discepola: Le dernier critère est que cette personne devrait habiter à au moins 250 kilomètres de Toronto. C'est bien cela?
M. Jean Roy: Ce n'est pas un problème.
M. Yves Michaud: Non, c'est un kilomètre carré; pas 250.
M. Nick Discepola: Sur la question du 10 p. 100?
M. Jean Roy: Puis-je intervenir sur le problème des fusions de banques? Il semble, à l'heure actuelle, que le débat veut qu'on dise oui ou non. En fait, avec le nouveau mécanisme des sociétés de portefeuilles, il y aurait beaucoup de réponses intermédiaires entre le oui et le non.
• 1145
Il y a deux préoccupations que les
banquiers soulèvent pour justifier la fusion.
Premièrement, ils auraient une base plus grande pour des
activités internationales; deuxièmement, ils
bénéficieraient
d'économies d'échelle pour exploiter la technologie.
En fait, il y aurait moyen de concilier ces
objectifs sans nécessairement permettre des fusions
totales.
Premièrement, concernant l'international, je suggérerais beaucoup qu'on utilise le modèle de la Banque ING, la banque hollandaise. Au sommet, on a une société de portefeuilles qui se divise en au moins deux filiales: une filiale chargée des opérations nationales et une filiale chargée des opérations internationales. Le bénéfice de cela, c'est que s'il y a des risques internationaux, si la filiale internationale fait faillite, elle n'endommage pas directement la filiale nationale. Donc, il est plus facile de gérer l'assurance-dépôts. C'est une ségrégation des risques.
Deuxièmement, au niveau des opérations nationales, on pourrait imaginer la chose suivante, que j'appelle le modèle l'industrie de l'automobile. Dans les services financiers, il y a deux étapes. Il y a le fabricant du service financier et il y a le distributeur. On pourrait faire beaucoup d'économies d'échelle au niveau du fabricant. On pourrait permettre aux banques qui fusionneraient de centraliser certaines tâches informatiques tout en maintenant deux réseaux de distribution. Par exemple, GM maintient un réseau Chevrolet et un réseau Pontiac, ce qui permet la concurrence. On voit très bien que, de toute manière, ces choses-là se produisent. On voit les banquiers conclure des accords de distribution avec des commerces d'épicerie afin d'avoir d'autres réseaux de distribution. Donc, on pourrait au moins maintenir la concurrence dans la distribution tout en permettant une production centralisée.
Ce sont des solutions intermédiaires qui permettraient certains regroupements, certaines économies d'échelle et plus d'activités internationales, sans qu'on ait une fusion totale.
M. Nick Discepola: Monsieur Ross, voici mes deux dernières questions. M. Langelier a dit dans sa conclusion que la refonte de l'industrie financière canadienne devait se faire de façon progressive.
Il y a 124 recommandations dans le rapport MacKay. En premier lieu, je me demande si on ne devrait pas d'abord mettre les 124 recommandations en ordre de priorité et peut-être les implanter de façon progressive. Monsieur Langelier, j'aimerais savoir quelles sont vos recommandations à notre comité. Quelles recommandations devrions-nous choisir parmi les 124 du rapport MacKay?
Voici ma dernières question. Si les fusions n'étaient pas recommandées par notre gouvernement ou s'il recommandait que les banques ne vendent pas de services d'assurances ou de crédit-bail au détail, au comptoir, quelles recommandations devraient tomber dans ce cas-là? Une qui me vient l'esprit est celle d'une loi sur les ventes liées. Je pense que ce ne sera pas nécessaire si les banques n'obtiennent pas la permission d'offrir des services de crédit-bail ou d'assurance.
Ce sont mes dernières questions, monsieur le président, et je vous remercie.
M. Jean-Guy Langelier: Dans le rapport MacKay, quand on parle de ventes liées, on parle de ventes liées coercitives. L'esprit, surtout quand on regarde de la Loi 188 au Québec, c'est de permettre des ventes liées, mais non coercitives. C'est de permettre des ventes croisées, mais pas des ventes coercitives. Nous sommes en faveur de cela.
On nous a demandé si nous étions en faveur du décloisonnement au niveau national et si c'était une priorité. On croit qu'au niveau fédéral, il pouvait y avoir un décloisonnement et donc l'adoption au niveau fédéral, peut-être dans des termes plus larges, d'une loi semblable à la Loi 188 du Québec. Quant à l'élément de priorité au point de vue de la réglementation, nous souhaiterions, comme nous le disions dans notre mémoire et comme M. Roy le mentionnait, que la réglementation se fasse davantage par type de produit ou par type d'action que par type d'institution.
Le président: Monsieur La Couture.
M. Jean La Couture: Je vais répondre très brièvement à une question dont vous n'avez pas eu la réponse, celle de l'assouplissement du droit de propriété. Il est évident pour nous que, si vous deviez permettre la fusion des banques et la distribution d'assurances dans les banques, il faudrait un assouplissement du droit de propriété pour faciliter la création d'une certaine concurrence. Je m'arrête là-dessus; je pense que c'est assez clair.
[Traduction]
Le président: D'autres observations? Monsieur Michaud.
[Français]
M. Yves Michaud: Pour répondre au député, monsieur le président, le rapport MacKay est axé sur quatre grands thèmes majeurs. Vous nous demandez de vous dire quelles priorités vous devriez prioriser, si j'ose ainsi dire, pour employer un pléonasme.
La première chose à faire, c'est accroître le pouvoir du consommateur. Parmi toutes les recommandations qui sont dans le rapport MacKay, il faut donner la priorité à celles qui visent à accroître ce pouvoir.
Deuxièmement, il faut répondre aux attentes des Canadiens en modifiant le comportement des institutions financières. Ça m'apparaît important. Les institutions bancaires et les grandes corporations sont en déficit dans l'opinion publique. Les gens sont presque rendus au point de rupture, de non-confiance, notamment dans le cas des institutions bancaires. Cela est attribuable à beaucoup de facteurs, mais il y a des facteurs qui sont importants dans l'opinion publique, comme les salaires himalayens, stratosphériques que se donnent les dirigeants des entreprises à même l'argent des actionnaires.
La troisième priorité, c'est de renforcer la concurrence et la compétitivité. Or, le principe capitaliste repose sur une chose: la concurrence. Avec les fusions, vous affaiblissez la concurrence et donc vous affaiblissez le capitalisme.
Il me semble que les grandes priorités devraient être celles-là. Si j'étais député à la Chambre des communes du Canada, ce sont les priorités que je me donnerais, mais je ne suis ni un oracle ni un devin. Vous êtes souverains chacun dans votre propre conscience. Vous n'êtes pas obligés de suivre mes recommandations, mais c'est ce que je pense.
Donc, premièrement, vous adoptez toute recommandation qui concerne la protection du consommateur à la vitesse formule un.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Au nom du comité, je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'avoir cette excellente discussion.
J'ai une question relativement au positionnement des cinq principales banques du Canada. En 50 ans, leur situation n'a pas vraiment beaucoup changé. Chacune d'elles a plus ou moins la même part de marché qu'elle a occupée, jusqu'ici. Certaines personnes appellent cela de la stabilité. D'autres estiment qu'il y a stagnation, absence de mouvement, maintien des mêmes intervenants.
À bien des égards, cela est considérablement lié au fait que nous avons établi un système très prudent au fil des ans, où les gens se sentent parfaitement à l'aise. Bien sûr, à tout moment, lorsque l'on commence à envisager des mesures de changement, il y a des gens que cela enthousiasme et d'autres que cela inquiète.
C'est la réalité de tout changement. En gros, on a ces deux réactions affectives.
Trouvez-vous qu'il faut peut-être secouer un peu le système lui-même? MacKay parle beaucoup de liberté d'entreprise. Il estime que, dans le secteur des services financiers, nous devrions nous orienter un peu plus vers l'esprit d'entreprise, et que nous avons trop maintenu le système dans son état actuel depuis un bon nombre d'années.
Qu'en pensez-vous? Devrions-nous insuffler ce type de changement dans le système?
[Français]
Monsieur La Couture.
M. Jean La Couture: Je ne le pense pas. On est sortis du sujet principal des assurances, mais je ne pense pas que l'innovation doive prendre la place de la sécurité financière du système. Il y a une chose dans le rapport MacKay qui m'inquiète. Est-ce que toutes les mesures sont prises pour qu'un minimum de profitabilité demeure dans ces institutions afin d'en assurer la permanence? Quant à la stabilité et au pourcentage de leur chiffre d'affaires ou de leur part de marché, je n'ai pas de statistiques. Peut-être n'ont-elles pas varié au niveau des opérations bancaires, mais je suis sûr que dans les dernières années, elles se sont accrues au niveau des courtiers en valeur mobilières et des entreprises de fiducie.
Le président: Monsieur Belzile.
M. Réjean Belzile: Je crois qu'on doit faire la distinction entre le système bancaire traditionnel et les services de banque traditionnels. Je crois que la solidité et la stabilité demeurent l'objectif premier pour ce secteur-là.
Pour ce qui est des autres secteurs, notamment ceux des fonds communs de placements et des courtiers en valeurs mobilières, je crois qu'on aurait intérêt à ouvrir beaucoup plus ce système et à laisser l'initiative et la concurrence se développer. Il joue un rôle financier important, mais il n'a pas cette dimension de service public qu'a le système bancaire traditionnel. Quelque 97 p. 100 des Canadiens, je crois, font affaire avec une banque, alors que c'est beaucoup moins important dans le cas des autres types de services. Les consommateurs qui achètent des produits financiers tels que des fonds communs de placement sont beaucoup plus sophistiqués. Je crois que ces consommateurs sont mieux à même de se défendre et qu'on devrait peut-être s'ouvrir beaucoup plus au niveau des activités autres que celles liées au système bancaire traditionnel, qui est l'élément important de notre système de paiement et où la stabilité et la solidité demeurent l'élément primordial à conserver.
[Traduction]
Le président: Reconnaissez-vous, cependant, que la concurrence est le meilleur gage de sécurité pour les consommateurs, que c'est la meilleure garantie qu'ils puissent avoir? Si l'on n'est pas bien traité par telle banque, on passe à la suivante, et si elle ne vous traite pas bien non plus, vous passez à une coopérative de crédit ou peut-être à une des nouvelles institutions dont parle MacKay. N'est-ce pas vraiment là-dessus que nous devrions concentrer nos efforts, à savoir la création d'environnements plus compétitifs?
[Français]
M. Jean-Guy Langelier: Vous avez dit que la situation était peut-être stagnante. Je suis d'accord avec M. La Couture. Il n'y a pas de stagnation au point de vue de ce qu'on peut appeler de façon générale le marché de l'épargne et du crédit. Il n'est pas vendu par les mêmes joueurs.
Au point de vue du consommateur, il y a maintenant des choix. Il y a un grand nombre de joueurs monoproduits, comme je les appelle, qui adoptent parfois l'appellation de banque. Je pense à MBNA, au point de vue des cartes de crédit, à Countrywide Home Loans, qui fait strictement des prêts hypothécaires, à Newcourt, au point de vue du corporatif, ou à GE Capital. Ce sont toutes des créations des dernières années, et le consommateur a maintenant beaucoup plus de choix.
C'est la même chose au point de vue de l'épargne. Il y a 10 ans, au moins 85 p. 100 d'épargne traditionnelle était placée auprès des banques ou des credit unions. Maintenant, l'épargne est plus largement répartie. Donc, quand on parle de parts de marché, on voit que les institutions bancaires et les credit unions ont une part plus faible de l'ensemble; conséquemment, du côté du consommateur, il y a beaucoup plus de choix. Toutefois, même s'il a beaucoup plus de choix, le consommateur n'est peut-être pas très bien protégé parce que plusieurs de ces joueurs ne sont pas réglementés adéquatement. Souvent, le consommateur ignore qu'il n'existe pas de protection lorsqu'il confie ses fonds ou ses épargnes à tel ou tel genre d'entreprise.
[Traduction]
Le président: Vous croyez donc, si je comprends, que nous nous orientons déjà vers un système de plus de liberté d'entreprise.
[Français]
M. Jean-Guy Langelier: Assurément.
[Traduction]
Le président: Pourquoi pensez-vous que MacKay se donne la peine d'insister, dans son rapport, sur la nécessité de bâtir ce système entrepreneurial? N'était-il pas conscient des changements dont vous parlez?
[Français]
M. Jean-Guy Langelier: Il était effectivement au courant. Il mentionne même à plusieurs endroits, dans la documentation, la création de ces nouveaux joueurs. Il s'est penché d'une façon plus particulière sur les banques et les compagnies d'assurances, mais ces institutions monoproduits dont je parlais tout à l'heure existent. Dans le domaine bancaire et dans celui des assurances, on veut pouvoir entrer dans ces secteurs, se spécialiser et offrir encore plus de choix. Je pense que l'entrepreneurship est présent depuis au moins une dizaine d'années.
Le président: Monsieur Michaud.
M. Yves Michaud: Monsieur le président, le marché est souvent fou et vorace, mais il est parfois intelligent. Pourquoi les monoproduits apparaissent-ils sur Internet et ailleurs? Parce que le système bancaire canadien oligopole a défini, par exemple, que l'intérêt des cartes de crédit était à 17,5 p. 100. Les caisses populaires sont aussi entrées dans le jeu. C'est tout pareil. Ils se téléphonent et ils établissent un taux de 17,5 p. 100. Il n'y a plus de concurrence. Ce sont des pratiques monopolistiques.
• 1200
De nouveaux joueurs arrivent
et nous
offrent des cartes de crédit
à 12, 13 ou 14 p. 100. Là, il y a un
peu de concurrence.
Dans l'intérêt du législateur, il faut parler des frais usuraires des cartes de crédit. Ça n'a pas de sens, des cartes de crédit à 17,5 p. 100. Ça pénalise les plus démunis de notre société, parce que ceux qui sont riches paient leur compte tout de suite. On retrouve les plus démunis à l'aide sociale et les gouvernements sont obligés de les faire vivre parce qu'ils tombent en faillite.
Pourquoi des cartes de crédit? Vous savez que l'usure est défendue par l'Islam. On coupe les mains des usuriers. C'est assez grave.
Comme ces pratiques usuraires sont tolérées par le gouvernement, la concurrence doit jouer. J'ai souvent demandé à des présidents de banques ou à de grandes dirigeants, y compris ceux des caisses populaires, pourquoi ils n'offraient pas une carte de crédit à 10, 12 ou 14 p. 100. Vous allez ainsi prendre une grande part de marché, leur disais-je. C'est ce qui arrive dans le cas des nouveaux joueurs. C'est ce qui arrive avec l'Internet. Le marché va sécréter lui-même une nouvelle concurrence et une nouvelle autorégulation pour contrer ces pratiques monopolistiques.
[Traduction]
Le président: Ce ne sera pas seulement de la concurrence intérieure. Vous allez faire face à de la concurrence internationale, à de grandes banques étrangères qui ont d'énormes réserves et qui viendront ici se tailler une bonne part de marché.
Il s'agit donc de savoir si, dans le système bancaire canadien, il peut y avoir coexistence, d'une part, des grandes banques qui peuvent, par ailleurs, se livrer concurrence à l'étranger, car il y a un marché étranger aussi bien qu'un marché intérieur et, d'autre part, d'intervenants dans des petits créneaux qui pourraient également répondre aux besoins des Canadiens, comme le disait M. Langelier.
C'est une simple question. À vous de puiser dans votre sagesse pour y répondre.
[Français]
Monsieur La Couture.
M. Jean La Couture: Oui, je pense que la protection du consommateur peut passer par une concurrence plus grande, mais une concurrence plus solide financièrement. J'aimerais soulever un élément dont on a discuté fréquemment au Québec et au fédéral, et c'est la protection de l'information financière de l'individu. On se doit de faire une réflexion structurée là-dessus. Chacun d'entre nous est en mesure de voir les dangers de l'accès à l'information financière dans le but de vendre d'autres produits. Quand on voit le compte de banque d'un individu, on est en mesure de deviner toutes ses habitudes de vie. On est en mesure de voir quels autres produits il achète et de concentrer ses efforts de marketing.
Bref, pour répondre à votre question, je dirai que pour la protection du consommateur, oui, il faut de la concurrence nouvelle et, deuxièmement, il faut un accès mesuré aux renseignements personnels, comme ce qu'on a institué au Québec.
[Traduction]
Le président: Monsieur Snelling.
M. Roger Snelling: J'aimerais aborder la question par un autre biais. Je crois que nous parlons ici des institutions financières et de l'ensemble du secteur.
Les moins nantis de notre société ne peuvent pas participer. En fait, ils se créent leurs propres systèmes d'échange fondés sur le troc. Ces systèmes sont d'ailleurs de plus en plus courants. Le fait qu'ils coexistent avec les systèmes institutionnels normaux montre bien que des changements s'imposent et qu'il faut accroître les services offerts.
Les changements proposés sont bons, mais il importe qu'ils répondent aux besoins des moins bien nantis.
Le président: Je suis d'accord avec vous. Personne ne doit être exclu.
Monsieur Belzile.
[Français]
M. Réjean Belzile: Je suis tout à fait d'accord que la meilleure protection pour le consommateur est sans doute la concurrence.
Quand je parle de la priorité qui devrait être donnée à la stabilité et à la solidité du système bancaire traditionnel, je ne parle pas de la stabilité du nombre de joueurs. Je crois que la concurrence serait la bienvenue.
• 1205
On va chercher
la stabilité et la solidité,
comme tous les pays le font,
par un cadre réglementaire qui
assure la solidité des joueurs qui
évoluent dans ce système.
Je crois qu'une combinaison d'une bonne réglementation et de l'ouverture du marché à un plus grand nombre de joueurs constituerait une progression pour notre système financier canadien.
[Traduction]
Le président: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Madame Girard Plouffe.
[Français]
Mme Anne-Marie Girard Plouffe (membre du comité exécutif, Institut québécois de planification financière): J'aimerais faire un commentaire sur la protection des consommateurs et aussi parler de la concurrence sous une autre forme.
Vous savez que la planification financière est en pleine effervescence. Dans la Loi 188, cela a été un point très important. Au Québec, on a réglementé la planification financière, ou du moins la formation des planificateurs financiers, pour s'assurer que dans un milieu concurrentiel, tous les consommateurs aient le droit de savoir quel genre de formation ont les personnes qui s'adonnent à la planification financière et qui s'affichent comme planificateurs financiers pour distribuer des services et des produits.
C'est un élément très important sur lequel on doit se pencher quand on parle de l'avenir des services financiers au Canada. Il faut voir de quelle manière le consommateur, dans un milieu de concurrence, peut s'assurer, lorsqu'il s'adresse à une personne qui s'affiche comme planificateur financier, que cette personne a la formation nécessaire, peu importe son domaine d'intervention. On constate qu'il y a beaucoup de remue-ménage à ce niveau-là entre les organismes d'autoréglementation, à savoir quel organisme plutôt qu'un autre va légiférer à ce niveau-là pour encadrer la pratique.
C'est un objectif qui est examiné en ce moment. Si j'avais un commentaire à faire, de par mon rôle à l'IQPF, ce serait de vous dire de vous assurer qu'on se penche sur cet aspect, toujours dans un milieu de concurrence, de façon à mieux protéger le consommateur un peu partout au Canada lorsqu'il fait appel aux services d'un planificateur financier. Il faut bien distinguer la nature de la démarche et encadrer cette pratique, comme on l'a fait ici, au Québec.
[Traduction]
Le président: Nous aimerions tous savoir évidemment qui doit prendre l'initiative en matière de protection des consommateurs. Est-ce le gouvernement? Est-ce l'industrie? Nous nous sommes rendu compte que les Canadiens ne connaissent pas aussi bien le secteur des services financiers qu'on pourrait le croire; simplement parce que ce n'est pas un sujet de discussion courant pour la plupart des gens.
Nous débattons actuellement la question de l'avenir du secteur des services financiers. Les particuliers qui participent aux audiences publiques organisées par le comité dans tout le pays nous font part de leur point de vue sur la question. Nous avons parfois l'impression que chacun prêche pour sa paroisse.
Or, nous sommes censés discuter de l'avenir du secteur des services financiers.
Revenons à la question que je posais. Qui doit prendre l'initiative en ce qui touche l'éducation du public?
[Français]
Monsieur Michaud.
M. Yves Michaud: Monsieur le président, il y a actuellement, dans le monde, à peu près 200 organisations qui sont constituées en un réseau qui s'appelle le Réseau de la régie d'entreprise,
[Traduction]
le Réseau de la régie d'entreprise.
[Français]
Son dernier congrès a eu lieu à San Francisco. Il représente tous les plus grands investisseurs institutionnels du monde, dont
[Traduction]
CALPERS, le California Public Employees Retirement System.
[Français]
et a des fonds d'investissement de ses retraités au montant total de 200 milliards de dollars. Nous étions là représentés par M. Paul Lussier, le vice-président de notre association. Tous ces principes de la régie d'entreprise,
[Traduction]
la régie des sociétés
[Français]
sont venus en premier lieu, en 1992, du rapport Cadbury.
[Traduction]
sir Adrian Cadbury était un
[Français]
membre de la Chambre des Lords qui a été mandaté par la House of Commons of England de produire un rapport, le rapport Cadbury, En France, vous avez le rapport Viénot. Ici, au Canada, vous avez le rapport d'un comité du Toronto Stock Exchange. En Australie, on a fait la même chose, de même qu'au Japon. En Suède, il y a une association qui s'appelle la Swedish Association of Shareholders, qui compte 100 000 membres. Il y a donc, à l'échelle mondiale, un mouvement qui s'occupe de la régie d'entreprise et qui formule des tas de recommandations qui sont absolument essentielles et capitales au bon fonctionnement de nos institutions financières à travers le monde.
• 1210
Cet organisme a un site Internet. Vous pouvez
aller sur le site de
l'International Corporate Governance Network, dont est
membre la PIAC, la Pension Investment Association of
Canada, qui regroupe tous les investisseurs
institutionnels du Canada. Vous allez trouver là des
ressources absolument géniales sur la façon de
faire en sorte que les institutions financières
soient au service du public et aussi d'assurer la
rentabilité des institutions financières. Il y a donc
un leadership de ce côté-là à l'échelle mondiale et
aussi à l'échelle canadienne.
Nous, on fait notre travail à l'échelle du Québec et d'autres le font à l'échelle du Canada. Vous avez des tas d'entreprises au Canada. Il y a Democracy Watch, puis il y a OMERS, l'Ontario Municipal Employees Retirement System. Enfin, il y a une frénésie, un bouillonnement depuis cinq ou six ans. Nous nous regroupons tous pour que le système financier mondial soit en meilleur état. Disons qu'il y a un leadership de ce côté-là, mais qu'il doit être appuyé forcément par les législateurs de chacun des pays concernés, qui pourraient s'inspirer des principes du corporate governance, de la régie d'entreprise, pour faire en sorte que le milieu soit assaini, plus rentable et qu'il protège davantage le consommateur.
[Traduction]
Le président: Très bien.
Au nom du comité, je vous remercie encore une fois pour votre contribution à nos travaux. La discussion a été fort intéressante.
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Conformément à son mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.
Malheureusement, il y a deux groupes qui ne sont pas encore arrivées, mais comme il est 13 h 15, je ne vais pas retarder davantage votre présentation. J'espère qu'au cours de votre présentation, ils se joindront à nous.
J'ai le plaisir de vous présenter les représentants de la Corporation des concessionnaires d'automobiles de Montréal: M. Jacques Béchard, président-directeur général; M. Gilles Richard, président sortant ainsi que président de Le Circuit Mercury; M. Jean-Paul Lalonde, vice-président ainsi que président de Contact Pontiac Buick; et Mme Roxanne Longpré, vice-présidente exécutive.
De HGB Associates, je vous présente M. Harry Baumann, président.
Vous connaissez la formule traditionnelle. Vous avez de cinq à dix minutes pour faire votre présentation et il y a ensuite une période de questions des députés.
Je demanderais à M. Baumann de commencer sa présentation.
[Traduction]
M. Harry Baumann (président, HGB Associates): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, ainsi que tous les membres du comité de me permettre de comparaître.
[Français]
Je vais faire ma présentation en anglais, mais mon texte est aussi disponible en français, sauf les annexes. Merci.
[Traduction]
Je suis un ancien universitaire. J'ai aussi été fonctionnaire pendant longtemps. Je suis maintenant expert-conseil en gestion, en économie et en relations gouvernementales. L'aspect de l'industrie des services financiers que je connais le mieux est cependant celui des services aux consommateurs comme le reflétera mon exposé. Tout cela pour dire que je ne représente pas ici l'industrie des services financiers.
À mon sens l'objectif devrait être de créer les conditions propices à la croissance, au dynamisme et à la stabilité du secteur financier, objectif qui ne peut être atteint qu'en faisant en sorte que le secteur réponde mieux aux besoins des clients.
À moyen terme, il faudrait faire en sorte que de quatre à six banques canadiennes se classent parmi les 25 banques les plus importantes d'Amérique du Nord. Comme vous le savez sans doute déjà, cinq banques canadiennes se situent déjà parmi les 25 plus importantes banques d'Amérique du Nord. Il est évidemment toujours préférable de se fixer des objectifs réalisables. Quoi qu'il en soit, deux autres institutions financières canadiennes se rapprochent du peloton de tête, soit les Caisses populaires Desjardins et la Banque nationale du Canada, lesquelles se situent respectivement au 28e et au 33e rang.
À long terme, je crois qu'il importe qu'une ou deux banques canadiennes se situent parmi les plus importantes banques au monde. Je songe ici à des banques comme la United Bank of Switzerland ou la ABN AMRO. Voilà donc, à mon avis, l'objectif à long terme que devrait viser notre secteur bancaire. Les banques canadiennes qui sont déjà parmi les principales banques d'Amérique du Nord doivent évidemment maintenir leur position.
J'estime qu'il convient aussi d'assurer la viabilité des autres institutions financières qu'on désigne parfois sous le nom de banque de la catégorie II. Il ne faut pas considérer les objectifs dont je viens de parler comme un plan d'action; il s'agit plutôt d'objectifs théoriques ou indicatifs pour le secteur.
Pourquoi ces objectifs sont-ils si importants? À mon avis, ils le sont pour quatre raisons dont l'une est évidemment que leur réalisation entraînera la création de bons emplois, et j'entends par là des emplois stimulants et bien rémunérés. Il s'agit aussi d'objectifs importants du fait que le Canada accuse un important déficit du compte courant de la balance des paiements. Comme l'importance du secteur des ressources diminue continuellement ainsi que, par conséquent, sa contribution à l'équilibre des paiements, le Canada doit trouver d'autres sources de recettes, d'où l'intérêt que présentent les services commerciaux, qui constituent une part de plus en plus importante de nos exportations.
Enfin, dans certaines villes comme Montréal, Toronto, Vancouver ainsi que Calgary, le secteur des services financiers non seulement dessert d'autres industries, mais joue aussi un rôle de catalyseur. Ailleurs au pays, les banques et les autres institutions financières contribuent de façon importante à l'essor des petites et moyennes entreprises.
Je vous ai déjà dit comment nous pouvons atteindre les objectifs que je préconise. J'insiste sur le fait que le secteur des services financiers doit mieux répondre aux besoins de ses clients. En mon sens, dans la mesure où le secteur atteindra cet objectif, il répondra également aux besoins des autres intervenants, nommément des employés, des actionnaires et des collectivités.
Que faut-il en déduire pour ce qui est de l'analyse du secteur? Comment établir que le secteur répond ou non aux besoins de ses clients et comment mesurer le progrès.
• 1320
Je pense qu'il convient de bien savoir qui sont les clients du
secteur, ce qui revient, à mon avis, à identifier de façon très
précise les industries et les groupes d'industrie en question. Il
faut répondre aux questions suivantes! Où sont-elles situées? Quels
sont leurs besoins? Comment peut-on le mieux y répondre?
Dans les cinq ou 10 minutes que me sont allouées, je ne peux vraiment pas entrer dans le détail. Je suggère cependant au comité de se reporter aux mémoires qui lui ont été présentés par divers groupes dont le Conseil canadien du commerce de détail. Comme je le propose, le conseil a cherché à établir quels étaient les clients du secteur. Il a procédé à une ventilation du secteur pour savoir combien d'entreprises appartiennent à des grandes chaînes, combien à un seul propriétaire. Il a aussi dénombré les entreprises des grandes villes, par opposition à celles des petites localités. Il a ensuite fait la liste des services dont avaient besoin ses membres pour voir lesquels devaient être fournis en personne, lesquels par service électronique.
Je ne me fais pas ici le champion du Conseil canadien du commerce de détail. Je dis simplement que son modèle devrait vous aider à évaluer les recommandations qui vous sont faites ainsi que celles du groupe de travail MacKay.
À la page suivante de mon mémoire, je résume les positions des divers intervenants, dont le groupe de travail MacKay, sur la fusion des banques, et les avis des économistes traditionnels sur la question. J'espère ne pas offenser qui que ce soit; mais quand on résume des prises de positions aussi complexes, il est inévitable que certaines nuances sautent. Quoi qu'il en soit, je crois que le groupe de travail MacKay insiste surtout sur une simplification des règles d'entrée dans le secteur, sur l'octroi de pouvoirs accrus aux consommateurs, sur l'évaluation de la mesure dans laquelle les banques répondent aux besoins des collectivités et sur la tenue d'audiences publiques portant sur la fusion des banques.
Bref, je pense qu'on cherche à atteindre le bon équilibre entre la protection des intérêts privés et l'acceptation d'une certaine responsabilité sociale. Si le secteur peut trouver cet équilibre, son rendement s'améliorera. On estime évidemment que le secteur répond déjà assez bien aux besoins des clients, mais je pense qu'on se préoccupe ici de l'avenir, puisque l'amélioration du rendement dépend vraiment de la capacité de ce secteur à trouver le juste équilibre entre la recherche du profit et ses responsabilités sociales.
Les banques qui demandent l'autorisation de fusionner ont dit qu'elles allaient mettre l'accent sur l'innovation. Elles vont chercher à répondre aux besoins spéciaux de certains secteurs, les petites et les moyennes entreprises par exemple. Elles ont proposé des façons de faire et elles promettent de ne pas fermer de succursales et de ne pas supprimer d'emplois. Si des conditions raisonnables sont fixées aux banques qui désirent fusionner, elles estiment que la fusion entraînera une amélioration du rendement de leur secteur.
D'après les économistes néo-classiques traditionnels, les banques sont comme toutes les autres industries. Ils préconisent l'élimination des restrictions actuelles à la propriété étrangère et sont favorables à l'ouverture du marché aux banques étrangères. Selon eux, l'amélioration du rendement du secteur passe par une politique du laissez-faire.
À la page suivante de mon mémoire, je fais ressortir, à propos de l'entrée de nouvelles institutions sur le marché des services financiers, que le groupe de travail MacKay propose des mesures qui permettent de favoriser la concurrence dans le secteur tout en réduisant au minimum la possibilité que certaines banques fassent faillite et que les sièges sociaux des banques s'installent ailleurs qu'au Canada si l'on ouvre toutes grandes nos frontières.
• 1325
À mon avis, on n'a pas la preuve que les fusions seront
bénéfiques au secteur des services financiers. Certains d'entre
vous savent peut-être que le verdict des «preuves insuffisantes» est
un verdict écossais. D'aucuns en concluront que j'ai un préjugé
favorable à l'endroit de la banque de Nouvelle-Écosse, mais ce
n'est pas le cas. Une simple coïncidence.
Il a été beaucoup question, dans le débat sur la fusion des banques, de mondialisation, des économies d'échelle et de l'invasion étrangère. Après avoir étudié les arguments qui militent pour, puis contre les fusions j'en déduis que certaines économies d'échelle sont probables, même si le groupe d'étude MacKay, notamment, en doute, pour certains services qu'offrent les banques. Il convient cependant de noter que les économies d'échelle fondent rapidement dans des organismes de cette taille, qui reposent sur une imposante bureaucratie.
En outre, il est difficile de soutenir qu'on ne puisse pas réaliser d'économies d'échelle aussi importantes en recourant à d'autres moyens, comme l'impartition, et la coparticipation, et que ces économies d'échelle ne sont possibles que si le capital passe de 200 à 400 milliards de dollars plutôt que de 200 milliards de dollars.
Autrement dit, je pense effectivement que la fusion des banques pourrait entraîner des économies d'échelle, mais je pense que ces économies ne se concrétiseront que s'il y a une diminution des prix des services offerts aux consommateurs.
En résumé, les fusions des banques présentent des avantages ainsi que de sérieux risques. Je ne me suis pas étendu trop longuement sur ces risques, qui ont évidemment trait au fait que la faillite d'une banque aurait une incidence beaucoup plus grande sur le système si au lieu que celui en compte six il n'en compte plus que deux.
On peut dire que le groupe de travail MacKay a proposé des mesures assez étendues afin d'accroître les pouvoirs des consommateurs. Il a pensé que la meilleure façon d'accroître ces pouvoirs était de créer des postes d'ombudsman et d'assujettir les banques à une réglementation rigoureuse. À mon avis, c'est en favorisant la concurrence et en améliorant l'information dont dispose le consommateur qu'il sera possible d'atteindre cet objectif.
D'autres intervenants dont l'Association des banquiers canadiens partagent cet avis. Permettez-moi de citer en exemple l'industrie automobile, non pas que je pense qu'elle soit parfaite ni qu'on puisse facilement reproduire ce qui est fait dans ce secteur dans un autre secteur. Dans le secteur automobile, le consommateur a au moins la possibilité de consulter des rapports comme le J.D. Power Report pour connaître les vices du modèle qu'il a acheté et qui vont se manifester dans les 90 jours suivant l'achat. Le consommateur peut consulter des revues comme Consumer Report pour savoir les réparations qu'il faudra faire faire à la voiture. L'Association pour la protection des automobilistes publie également une revue intitulée Lemon-Aid, pour renseigner les consommateurs.
Parlons maintenant de l'information qu'offrent les banques et le secteur des services financiers. Je ne sais pas combien d'entre vous connaissent toutes les caractéristiques de vos cartes de crédit. Je ne sais pas si vous les avez choisies parce qu'elles étaient meilleures que d'autres. Là où je veux en venir, c'est qu'un consommateur ne peut pas se reporter, comme il le peut dans le cas d'une voiture, à une publication qui compare les cartes de crédit entre elles. La même chose vaut pour les hypothèques et autres services qu'offrent les banques. À mon avis, les banques pourraient faire davantage pour mieux informer les consommateurs.
• 1330
Le groupe de travail MacKay attache beaucoup d'importance à la
tenue d'audiences publiques pour discuter de la question de la
fusion. Certaines soutiennent que ce processus risque d'être
inutilement long, coûteux et politisé. L'une des façons d'éviter ce
piège est de confier au Bureau de la concurrence le dossier des
fusions, à proprement parler et que les comités comme le vôtre se
penchent sur les questions de la compétitivité, les besoins des
clients, etc.
Les documents d'information qui accompagnent le rapport MacKay font ressortir que les entreprises et institutions du secteur canadien des services financiers ne sont pas vraiment à la fine pointe du progrès en matière de produits et services financiers. Cela vaut tout particulièrement dans le domaine international.
Reste à savoir comment combler cette lacune si l'on veut que nos institutions restent compétitives à l'échelle mondiale. Le secteur peut recourir à d'autres moyens que les fusions pour favoriser l'innovation et je propose à cet égard la création d'un centre pour l'innovation financière. Je pourrais aussi citer en exemple un programme mis en oeuvre dans le secteur automobile, soit le programme de conception d'une nouvelle génération de voitures. Les sociétés Chrysler, Ford et General Motors ont en fait obtenu d'être exemptées de l'application de la loi américaine antitrust afin de collaborer à la conception d'une voiture écologique à haut rendement énergétique. Une collaboration semblable pourrait être possible entre les diverses institutions financières.
Le problème fondamental de l'économie canadienne est que la croissance de la productivité n'est pas aussi élevée, en termes absolus ou en termes relatifs, au Canada que dans d'autres pays. S'il y avait amélioration, à cet égard, de l'ensemble de l'économie, le cours de notre devise serait notamment plus élevé. Nos institutions financières seraient alors plus compétitives à l'échelle internationale même sans fusions.
Les banques et les institutions financières peuvent contribuer sensiblement à relever la productivité des petites et moyennes entreprises canadiennes qui laissent vraiment à désirer, par rapport leurs concurrents américains. En améliorant les services financiers qu'elles offrent à leurs clients, ici les petites et moyennes entreprises, les institutions financières peuvent contribuer de façon notable à l'amélioration de la productivité.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie beaucoup, monsieur Baumann.
[Français]
Nous entendrons maintenant les représentants de la Corporation des concessionnaires d'automobiles de Montréal. Est-ce que vous allez faire la présentation, monsieur Richard?
M. Gilles Richard (président sortant, Corporation des concessionnaires d'automobiles de Montréal): Oui.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Bienvenue, monsieur Richard.
M. Gilles Richard: Bon après-midi, mesdames et messieurs.
J'aimerais remercier tous les membres du Comité des finances de nous donner l'occasion de nous adresser à eux aujourd'hui.
Le problème posé par l'accession des banques au marché de la location directe est le plus important auquel les concessionnaires doivent faire face actuellement. Étant donné l'état de l'économie montréalaise, ce problème est peut-être même plus réel pour les concessionnaires d'ici que pour ceux de partout ailleurs au Canada.
Ce problème, selon nous, c'est que la position du rapport MacKay sur la toute-puissance des banques ne prend pas en considération ce qui est profitable pour les intérêts de tous les Canadiens.
En somme, tout le rapport MacKay s'arrête à ce qui est avantageux pour le secteur des services financiers et les banques. Il ne tient pas compte de ce qui est bon pour les petites entreprises, pour les petites localités, pour l'industrie automobile et pour les consommateurs au bout du compte.
• 1335
En tant que députés élus, vous devez comprendre qu'il
est crucial que votre commission ne s'attarde pas
seulement au dessein des banques, mais étudie plutôt les
effets plus globaux qu'une telle situation aurait sur
tous les secteurs de la société canadienne.
Il est important que vous sachiez que le rapport MacKay contient plusieurs erreurs cruciales. Ce dernier, par exemple, allègue que, puisque les caisses populaires du Québec louent directement des véhicules, les banques devraient pouvoir en faire autant.
En réalité, cette affirmation est fausse. Au Québec, les caisses populaires ont avec des concessionnaires une entente écrite stipulant qu'elles ne feront pas de location directe. C'est parce qu'elles sont conscientes de l'existence d'un conflit d'intérêts. Par conséquent, elles cherchent à être partenaires des petites entreprises plutôt qu'à être des concurrentes.
[Traduction]
Je répète ce que j'ai dit en anglais. Il importe que le comité, qui se compose d'élus, ne s'attache pas seulement à étudier les questions qui intéressent les banques, mais qu'il étudie aussi l'impact de la fusion des banques sur l'ensemble de la société canadienne.
Vous devez tenir compte dans vos travaux du fait que le Groupe de travail MacKay a commis certaines erreurs graves. Le rapport soutient qu'on devrait permettre aux banques la location directe de voitures parce que les caisses populaires le font déjà au Québec. En réalité, ce n'est pas le cas. Les caisses populaires du Québec ont conclu un accord écrit avec les concessionnaires au terme duquel elles se sont au contraire engagées à ne pas louer directement de voitures. Elles l'ont fait parce qu'elles comprennent qu'elles se placeraient ainsi en position de conflits d'intérêt et parce qu'elles souhaitent établir un partenariat avec la petite entreprise et non pas lui faire concurrence.
[Français]
De même, le groupe de travail a tout à fait tort d'affirmer, comme il le fait à la page 108 de son rapport, que les plans de location des constructeurs seront plus touchés que les concessionnaires. Les banques priveront de crédit les sociétés de location des concessionnaires, d'un côté, et vendront moins cher, de l'autre, en achetant des parts de marché à court terme. Les sociétés de crédit-bail des concessionnaires indépendants seront les premières à disparaître.
Nous sommes choqués par la position du rapport MacKay et de l'Association des banquiers canadiens, selon qui l'accession des banques à la location ne toucherait vraiment pas les concessionnaires étant donné que la location occupe une part modeste de leurs activités. Le rapport technique sur la location joint au rapport MacKay énonce clairement que plus d'un millier de concessionnaires exploitant des sociétés de location maison dépendent des banques pour leur financement. L'argument selon lequel seulement 50 concessionnaires louent directement plus de 200 véhicules par année et que l'autre millier de concessionnaires louent en moyenne seulement 25 véhicules chaque année ne fait que prouver que nos ressources sont maigres.
Ce que les banques et le rapport MacKay ont omis de mentionner, c'est que le concessionnaire canadien moyen vend environ 350 véhicules par année seulement. Notre question est la suivante: est-ce que le fait de donner près de la moitié du commerce des concessionnaires aux banques servirait le monde des petites entreprises et les Canadiens?
Je crois que cette commission devrait également savoir que l'arrivée des banques dans le marché de la location automobile directe mettrait inutilement à risque la stabilité de la structure financière canadienne.
[Traduction]
Le comité doit savoir que si l'on permet aux banques de faire du crédit-bail automobile, on compromettra inutilement la stabilité de l'ensemble du système financier canadien.
[Français]
J'ai lu dans le Financial Post de ce mois-ci le titre: «Japan Leasing se noie dans une mer de créances douteuses»;
[Traduction]
«Japan Leasing se noie dans une mer de créances douteuses.»
[Français]
Comme vous le savez peut-être, Japan Leasing est la deuxième plus grande société de crédit-bail du Japon. Elle s'est maintenant placée sous la protection de la cour, ce qui en fait la plus grande faillite de l'après-guerre. Devrions-nous exposer les Canadiens à la même menace de crédit gonflé et de valeurs résiduelles mal calculées?
En réalité, le rapport technique de M. MacKay sur la location aux États-Unis a décrit les activités des banques dans la location comme un tour de montagnes russes. Les banques entraient dans le marché et en sortaient en raison de pertes résiduelles énormes. Au bout du compte, les consommateurs et les petites entreprises en payaient le prix.
• 1340
Par contraste, je peux vous assurer que les
filiales de financement des constructeurs d'automobiles
nous soutiennent à long terme. Elles n'abandonnent pas
les concessionnaires lorsque les temps sont durs.
Enfin, laissez-moi vous expliquer pourquoi les banques veulent réellement prendre part au marché de la location.
Les banques veulent profiter des avantages fiscaux liés aux déductions pour amortissement de manière à soustraire à l'impôt des milliards de dollars de leurs profits démesurés. C'est tout. C'est simple.
[Traduction]
Les banques veulent pouvoir utiliser la déduction pour amortissement afin de pouvoir soustraire à l'impôt des milliards de dollars de bénéfices excessifs. C'est aussi simple que cela.
[Français]
La déduction pour amortissement fiscal est actuellement allouée partout au Canada à des milliers de concessionnaires, qui la réinvestissent dans leur entreprise. Les économies ainsi réalisées sont pour beaucoup dans la capacité des petites entreprises de réinvestir dans leur croissance soutenue.
En permettant aux banques de faire de la location directe, le gouvernement fédéral compromettrait cette capacité d'investir dans les petites entreprises et la transférerait à l'habileté des banques à soustraire à l'impôt environ 3 milliards de dollars de profits.
[Traduction]
En donnant aux banques le droit de faire du crédit-bail automobile, le gouvernement fédéral empêchera qu'on réinvestisse dans la petite entreprise, et leur permettra de soustraire à l'impôt environ 3 milliards de dollars de bénéfices.
[Français]
En plus des raisons que j'ai mentionnées précédemment, les concessionnaires automobiles s'opposent à l'arrivée des banques dans le marché de la location pour les raisons suivantes.
Premièrement, l'entrée des banques dans le marché de la location coûterait à de vrais Canadiens des milliers d'emplois dans les localités de tout le Canada. Deuxièmement, les banques ont accès à de l'information hautement confidentielle, notamment sur les portefeuilles de location actuels, les dates de renouvellement des contrats et l'acquittement des primes de location. Leur permettre de concurrencer les petites entreprises créerait un grave conflit d'intérêts. Troisièmement, les concessionnaires sont tenus d'exploiter des salles d'exposition et des centres de services. Les banques ne seront pas obligées d'investir ultérieurement dans la communauté. Elles ne construiront pas de bâtiments abritant des concessions et ne créeront pas d'emplois.
J'aimerais citer l'ancien sous-ministre adjoint à la politique sur le secteur financier, M. Nick Le Pan, lorsqu'il a témoigné devant la commission lors de la révision de la Loi sur les banques en 1990:
Le sous-ministre adjoint a ensuite expliqué en détail le problème. Il disait:
En terminant, j'aimerais rappeler à tous que le secteur de l'automobile fournit des emplois réels à des centaines de milliers de familles au pays. En effet, les concessionnaires d'automobiles emploient plus de 115 000 personnes. C'est le sang de l'économie canadienne et l'épine dorsale du pays. Je supporterais mal de voir de quoi aurait l'air le Canada sans l'apport économique de toute l'industrie automobile.
[Traduction]
En terminant, j'aimerais vous rappeler que le secteur automobile donne de l'emploi à des centaines de milliers de gens au pays. Les concessionnaires automobiles emploient plus de 115 000 personnes. Le secteur automobile est l'épine dorsale de l'économie canadienne. Sans lui, je me demande vraiment à quoi ressemblerait le Canada.
[Français]
Je veux également souligner que cet apport économique n'est pas qu'une question de statistiques arides influant sur le PIB. Il constitue une contribution sociale majeure au bien-être global du Canada. Les retombées engendrées par l'industrie automobile aident à tramer le tissu social du pays. Ce sont des pièces clés du casse-tête qui fait du Canada le meilleur pays au monde.
J'aimerais maintenant prendre quelques minutes pour vous présenter le contenu d'une étude nationale réalisée par COMPAS, une des firmes de sondage indépendantes les plus influentes au Canada. Le point saillant de cette étude est que le concessionnaire automobile canadien moyen verse plus de 40 000 $ par année à des oeuvres de charité locales. En tout, ces contributions totalisent plus de 117 millions de dollars annuellement.
Les députés connaissent certainement l'importance de la participation des concessionnaires dans les domaines des oeuvres de bienfaisance, des soins de santé, du sport amateur et de la culture.
Vous ne pouvez pas permettre à une campagne de pression financée à grands frais par les banques de décider de l'avenir du pays. Nous avons besoin de votre soutien concernant l'apport des concessionnaires à l'économie et à leurs communautés. Nous avons besoin que vous accordiez votre appui aux propriétaires de petites entreprises qui se lèvent chaque matin pour vendre et entretenir des automobiles et qui travaillent fort à employer des Canadiens ordinaires dans les marchés locaux. Nous avons besoin que vous nous souteniez en laissant la location entre les mains de femmes et d'hommes compétents soucieux de servir leurs clients au mieux de leurs intérêts.
[Traduction]
Vous ne pouvez pas laisser des lobbyistes payés très cher par les banques de la rue Bay, dicter à notre pays sa politique. Nous avons besoin que vous reconnaissiez la contribution des concessionnaires automobiles à l'économie canadienne et à l'économie de leurs localités. Les propriétaires de petits commerces automobiles ont besoin qu'on reconnaisse les efforts qu'ils déploient tous les jours pour répondre aux besoins de leurs clients et pour donner de l'emploi à des Canadiens. Vous devez faire en sorte que le crédit-bail automobile demeure entre les mains des hommes et des femmes qui sont les mieux placés pour répondre aux besoins de leurs clients.
[Français]
Je vous remercie. Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur. C'est un message très clair, à mon avis. On va passer immédiatement aux questions des députés. Je demande à M. Ken Epp, du Parti réformiste, de poser ses questions.
[Traduction]
M. Ken Epp: Je vous remercie de comparaître devant le comité. Une idée très curieuse m'est venue à l'esprit lorsque j'ai vu la liste de nos témoins d'aujourd'hui. Nous entendons un représentant de la chaîne de concessionnaires General Motors et un représentant de la chaîne de concessionnaires Ford. J'en possède une de chaque marque. Elles ont beaucoup roulé. Je ne dirai pas en public laquelle de ces voitures je considère la meilleure, mais je vous le dirai en privé si vous venez me voir par la suite.
Je comprends le point de vue que vous nous avez présenté. J'aimerais d'abord poser une question à M. Baumann. J'en poserai ensuite une aux représentants du secteur automobile.
M. Baumann, vous avez un doctorat en économie, n'est-ce pas?
M. Harry Baumann: Oui.
M. Ken Epp: Pendant combien de temps avez-vous travaillé dans ce merveilleux domaine qu'est l'économie?
M. Harry Baumann: J'ai commencé à travailler à l'Université Western Ontario en 1970.
M. Ken Epp: Vous avez donc quelques années d'expérience. J'ai toujours voulu poser à un véritable économiste la question suivante: comment se fait-il que si l'on demande à 100 économistes de répondre à une question, on obtient 200 réponses?
M. Harry Baumann: J'ai une réponse à cela.
M. Ken Epp: Oui?
M. Harry Baumann: Quand vous y pensez, souvenez-vous toujours qu'on ne peut pas acheter d'économiste, on peut seulement en louer. Cela peut expliquer la variété des opinions qu'ils donnent. Cela reflète le nombre de leurs clients.
M. Ken Epp: J'ai vraiment apprécié votre mémoire. Malheureusement, je viens seulement de le recevoir et je n'ai pas eu le temps de le lire au complet. Pour vous rassurer, je vous dirai que lorsque je reçois ces mémoires—et nous en avons maintenant toute une pile—je mets un code sur chacun d'eux. Celui que j'ai mis sur le vôtre indique qu'il mérite d'être lu au complet et il est donc en haut de ma liste.
M. Harry Baumann: Merci.
M. Ken Epp: Je vous en remercie donc beaucoup. Il a l'air très bon.
• 1350
Vous avez manifestement étudié le rapport du Groupe de travail
MacKay dans tous ses détails. Il faut trouver un équilibre entre la
réglementation qui s'applique par exemple aux banques et aux autres
institutions financières, et la nécessité d'informer le public.
Même s'ils sont bien informés, il arrive très souvent que les gens
prennent quand même de mauvaises décisions, souvent à leur propre
détriment.
On trouve le meilleur exemple dans le fait qu'au cours des 15 ou 20 dernières années, on a bien suffisamment informé la population des dangers du tabagisme. Pourtant, les gens continuent d'acheter des cigarettes et continuent de fumer. Même s'ils sont informés, ils continuent quand même de faire ce qu'ils ne devraient pas.
Comment conciliez-vous ces deux façons très différentes d'essayer d'amener les institutions financières à faire ce qu'il convient de faire? Je pense que nous serions tous deux probablement d'accord pour dire que par définition, il s'agit de faire ce qui est dans le meilleur intérêt du consommateur moyen, du contribuable moyen, du citoyen moyen. Comment trouver un équilibre? Si nous réglementons trop ces institutions, nous réduisons la concurrence, parce qu'il y a certaines institutions qui n'ont pas les moyens de respecter le règlement.
D'autre part, si l'on se fie seulement à l'information des banques... Et j'ai rencontré beaucoup de gens qui m'ont demandé pourquoi la banque leur a fait ceci ou cela, parce qu'ils ne comprennent pas comment toute cette mathématique.
Même si j'enseigne les mathématiques depuis 31 ans, je sais qu'il y a encore beaucoup de Canadiens qui ne viennent jamais dans mes classes et qui ne savent pas comment résoudre un petit problème d'intérêts. Quelle solution voyez-vous?
M. Harry Baumann: Vous avez soulevé une question très difficile. Vers la fin des années 1970, j'ai participé à un projet de réforme de la réglementation au gouvernement. Nous essayons de réduire le nombre de règlements. Comme il s'agissait principalement de règlements concernant le secteur financier, et non la santé et la sécurité, nous avons mis au point un test d'incidence: si un règlement était adopté, quels coûts additionnels entraînerait-il, c'est-à-dire, comme vous l'avez mentionné, dans quelle mesure découragerait-il l'accès au secteur et ainsi la concurrence? Je répondrai donc qu'il faut toujours essayer de s'assurer que les règlements n'empêchent pas l'accès au secteur et n'empêchent pas l'accroissement de la concurrence, ce qui est plus facile à dire qu'à faire.
Pour ce qui est de la divulgation de l'information bancaire, il existe actuellement beaucoup de règles à ce sujet. Le système américain est peut-être plus avancé que le nôtre là-dessus. Vous avez raison de dire en ce qui concerne l'évaluation de l'information, qu'on peut se retrouver avec une surabondance d'informations, si tout doit être divulgué. Je disais donc dans mon exposé qu'il faut non seulement exiger que l'information soit faite, mais qu'il faut ensuite aussi une analyse impartiale et relativement neutre des renseignements fournis.
J'essayais de dire que dans certains secteurs, comme celui de l'automobile, les consommateurs ont déjà accès à des sources de renseignements qui donnent un classement des voitures en fonction de divers éléments comme le dossier de réparation, par exemple. Remarquez bien que cela n'a jamais empêché personne, comme vous l'avez dit tout à l'heure, d'acheter la décapotable rouge dont le dossier est terrible, mais les gens ont du moins la possibilité de se renseigner. Mais pour ce qui est du secteur des services financiers, en tant que consommateur et chef de ma propre entreprise, j'ai beaucoup de difficulté à obtenir une bonne évaluation des services offerts.
M. Ken Epp: On a des magazines, par exemple, et même des médias qui sont censés être indépendants et dire la vérité; lorsqu'ils disent que telle entreprise est bonne et que telle autre ne l'est pas, il peut leur arriver de se tromper. Ils peuvent faire échouer une entreprise qui allait fortement concurrencer les autres. Il peut aussi arriver, comme dans le secteur de l'automobile, qu'un véhicule perde son moteur, ça arrive. Cela ne signifie pas qu'il faille déclarer que tous les véhicules de la marque sont à rappeler, et pourtant ils peuvent faire beaucoup de tort.
• 1355
Nous avons eu évidemment cet autre exemple, concernant la
sécurité. On a incriminé vraiment à tort un constructeur. Lorsque
l'erreur a été prouvée, l'entreprise auteur de cette campagne de
délation a été acculée à la faillite.
Je ne veux pas m'en prendre aux banques. Je ne sais pas si quelqu'un est là pour les banques aujourd'hui, mais je connais un cas précis où les banques, par intérêt, n'informent pas les consommateurs comme elles le devraient. D'ici un an environ, j'espère vraiment les attaquer là-dessus. Les règlements exigeant des rapports, et les organismes de presse et d'évaluation indépendants, ont un certain intérêt, mais je pense qu'il y a des limites à leur efficacité.
M. Harry Baumann: Il n'y a pas de solution idéale.
M. Ken Epp: Il n'y en a pas de parfaite.
M. Harry Baumann: En ce qui concerne les règlements, vous avez parlé tout à l'heure de cet équilibre. Dans le secteur financier, les règlements doivent concerner principalement la sécurité, comme la sécurité des dépôts par exemple. En fin de compte, le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances sauront quoi faire en cas de crise. Mais le problème vient du fait qu'à ce moment-là, l'intervention coûte cher aux contribuables. On veut éviter cela.
M. Ken Epp: J'ai encore une question à vous poser et je passerai ensuite aux autres témoins.
Lorsque vous avez parlé des fusions, vous avez dit que les arguments des banques n'étaient pas probants. Autrement dit, nous ne devons pas les accepter sans autre forme de procès. Il y a évidemment tout un débat en cours. Les banques qui veulent fusionner et celles qui ne veulent pas, se trouvent dans des camps opposés, et c'est le cas de bien des commentateurs. Au comité, nous avons entendu des exposés différents, des points de vue différents. Mais vous êtes venu dire que nous devons encourager et permettre la coopération, sans aller jusqu'aux fusions. Si la coopération des banques permet un meilleur service, un service plus efficace, un service moins cher—ce qui est avantageux pour le consommateur—et si la dernière étape, la fusion complète, est l'ultime progrès, pourquoi vous y opposeriez-vous?
M. Harry Baumann: Je ne m'y opposerais pas.
M. Ken Epp: Vous ne vous y opposeriez pas?
M. Harry Baumann: Non.
M. Ken Epp: Pourquoi alors avez-vous dit «sans aller jusqu'aux fusions»?
M. Harry Baumann: Je n'ai peut-être pas utilisé la bonne expression. Quand je parle de coopération sans aller jusqu'aux fusions, je veux dire que c'est peut-être une meilleure solution qu'une fusion—et permettez-moi de m'expliquer.
Il y a d'un côté la question de l'innovation dans le domaine technique. Il y a aussi la question des économies d'échelle, comme l'ont indiqué certaines des banques qui proposent de fusionner. Si les banques peuvent exploiter ces économies d'échelle, elles peuvent évidemment le faire d'une manière plus efficace—pour un service donné—si elles collaborent. Ce sera encore mieux que si seulement deux d'entre elles fusionnent. C'est ce que je veux dire. C'est peut-être possible dans le cas de l'innovation et de l'évolution technologique. Comme les banques qui veulent fusionner le disent elles-mêmes, elles veulent consacrer beaucoup plus de ressources aux nouvelles technologies. Si cinq d'entre elles s'y mettent ensemble, plutôt que deux, l'innovation sera plus efficace.
Mais vous avez absolument raison. On pourrait présenter un argument montrant que les fusions ont du sens. À mon avis, c'est pourquoi la validité des arguments présentés par les banques n'est pas encore démontrée, mais je n'élimine pas la possibilité qu'elles parviendront à le faire dans un an ou dans des circonstances différentes.
M. Ken Epp: Je pourrais seulement répondre que je connais un secteur dans lequel les grandes banques coopèrent, et c'est dans le cadre de l'Association canadienne des paiements. Elles l'ont même utilisée comme moyen pour restreindre l'accès à des concurrents.
M. Harry Baumann: C'est le mauvais côté de la chose.
M. Ken Epp: En effet, c'est le mauvais côté de la chose.
C'était très intéressant de vous parler et j'espère que nous pourrons discuter encore plus tard.
• 1400
J'aimerais maintenant parler à mes amis du secteur de
l'automobile. Je dois dire en préambule que je ne veux pas que vous
déduisiez de la nature de mes questions de quel côté je me situe.
Si je disais simplement que je suis d'accord avec vous, nous
n'aurions pas une bonne discussion. Mais nous aurons une bonne
discussion parce que je vais adopter le point de vue totalement
opposé au vôtre.
Je pense que vous vous occupez de protéger votre fief, votre propre secteur. Vous ne voulez pas que quelqu'un d'autre vienne rivaliser avec vous...
Le vice-président (M. Nick Discepola): Un instant, s'il vous plaît, monsieur Epp. Je suis désolé de vous interrompre.
[Français]
Nous avons des services de traduction si vous en avez besoin.
M. Gilles Richard: Non, on peut parler en anglais.
[Traduction]
M. Ken Epp: Je les envie de pouvoir parler les deux langues, monsieur le président.
Vous vous occupez donc de protéger votre propre secteur. Vous gagnerez évidemment plus d'argent si les banques n'y entrent pas. C'est pourquoi vous aimeriez les en empêcher. De plus, je pense que vous n'agissez probablement pas équitablement envers les consommateurs. Il est évident que si les banques entrent dans le secteur du crédit-bail automobile, la concurrence s'en trouvera accrue et les prix baisseront, tandis que le service s'améliorera, n'est-ce pas?
M. Gilles Richard: Vous avez posé deux questions.
En ce qui concerne la première, je suis d'accord avec vous. Nous sommes ici pour nous protéger nous-mêmes. Nous sommes ici pour protéger ce que nous avons bâti au cours des cinquante ou soixante dernières années. Nous sommes ici parce que, juste au début des années 1980, tous les concessionnaires ont été presque acculés à la faillite. Ensemble, les fabricants et les concessionnaires ont essayé de trouver un nouveau moyen de permettre aux consommateurs de posséder une voiture à peu de frais. C'est ce que nous avons fait et nous avons redressé nos entreprises. Vous souvenez-vous du nombre de concessionnaires qui fermaient leurs portes à Montréal en 1980? Près de 30 p. 100 d'entre eux ont fait faillite.
M. Jacques Béchard (président-directeur général, Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec): Il y en a eu 200 dans la province.
M. Gilles Richard: Deux cents dans la province ont fait faillite. Qu'avons-nous fait? Avec l'aide des constructeurs automobiles, nous avons trouvé une nouvelle façon de faire des affaires. Et maintenant, parce que nos affaires sont florissantes, voilà que quelqu'un qui a des tonnes d'argent fait beaucoup de lobbying pour essayer de nous voler notre marché. Est-ce juste? Non monsieur, ce n'est pas juste. Nous voulons protéger nos entreprises.
M. Ken Epp: Vous êtes donc là pour protéger vos entreprises.
M. Gilles Richard: Vous pouvez me croire! Qu'y a-t-il de mal à cela?
M. Ken Epp: Rien. Je voulais seulement vous donner l'occasion d'exprimer votre opinion.
M. Gilles Richard: Eh bien, c'est ce que je fais.
M. Jacques Béchard: Si vous me permettez de compléter sa réponse, j'ajouterai qu'en protégeant nos entreprises, nous protégeons en fin de compte les emplois. Dans cette province, les 900 concessionnaires qui sont membres de notre association emploient 30 000 personnes. Au Canada, comme M. Richard vous l'a dit, le nombre d'emplois est de 115 000. C'est cela que nous voulons protéger: les entreprises et les emplois.
M. Jean-Paul Lalonde (vice-président, Corporation des concessionnaires d'automobiles de Montréal; président, Contact Pontiac Buick Inc.): En tant que propriétaires indépendants, nous sommes des petites entreprises. Nous employons en moyenne de 45 à 50 personnes et nous faisons nos ventes une à la fois, en essayant d'assurer le meilleur service possible. Nous avons besoin des banques comme partenaires pour nous aider à obtenir des hypothèques et des lignes de crédit. Les banques sont nos alliées. Comment se fait-il qu'elles veulent... sans les banques, nous ne pouvons pas ouvrir d'entreprises.
Mais nous réussissons. Nous le faisons grâce à nos grands terrains, dans plusieurs endroits bien situés, et en offrant des services complets. Ces alliées veulent maintenant offrir dans leurs succursales les mêmes services que nous en y affectant un directeur commercial assis à son bureau avec seulement un ordinateur, et cela toucherait probablement encore près de 30 p. 100 des concessionnaires.
Vous devez comprendre qu'au Québec, on procède peut-être plus par mensualités. General Motors a vérifié toutes les ventes de voitures l'an dernier. Au Québec, elles s'étaient faites par crédit-bail dans 72 p. 100 des cas. Dans l'ensemble du Canada...
M. Ken Epp: C'est un taux supérieur à la moyenne canadienne, n'est-ce pas?
M. Jean-Paul Lalonde: La moyenne canadienne est de 55 p. 100. Au Québec, ce taux est de 72 p. 100. Parmi la population du grand Montréal—mon entreprise est à Laval et celle de Gilles est à Montréal—jusqu'à 85 p. 100 de nos ventes se font ainsi. Dans les régions éloignées, comme en Gaspésie, le taux est probablement bien inférieur. Dans l'Ouest, c'est aussi bien inférieur. C'est l'élément vital de notre chiffre d'affaires.
• 1405
Nous sommes des petites entreprises et nous devons nous battre
tous les jours pour obtenir de meilleures conditions. Peut-être
qu'à court terme une concurrence accrue ferait baisser les prix,
mais personne ne vient chez moi pour déposer de l'argent. Je ne
peux pas louer de l'argent au même taux que les banques. Je ne peux
pas rivaliser avec quelqu'un qui pourrait, à court terme, racheter
tout le marché et ensuite faire payer six mois plus tard.
En outre, je vois que les grandes banques avec leurs millions et leurs milliards n'ont pas si bien réussi dans le cas des cartes de crédit, car elles imposent des frais de près de 20 p. 100 alors que l'argent ne leur coûte que... ? Tous leurs frais généraux représentent maintenant de 30 p. 100 à 40 p. 100 de leurs bénéfices. Est-ce normal? Je pense que les banques jouissent d'un monopole et qu'elles en ont profité pour nous faire payer afin de se remplir les poches.
Il y a déjà tellement de concurrence entre nous! Dans la région de Montréal seulement, il y a 210 concessionnaires comme Gilles et moi qui nous attaquons au même marché, qui cherchons à faire la même vente. Nous n'avons pas besoin d'avoir à rivaliser en plus avec toutes les succursales bancaires.
Je dois déjà me battre avec mon propre banquier, qui a en main tous mes états financiers et qui sait où je fais mes bénéfices. Si je fais moi-même du crédit-bail, et c'est le cas, il a la liste de tous mes clients éventuels. Que fera-t-il? Il les sollicitera. Il a déjà tous les renseignements nécessaires.
M. Ken Epp: Et s'il y a un règlement stipulant qu'il ne peut pas le faire? Si un règlement stipule que, lorsque les banques veulent vendre de l'assurance ou faire du crédit-bail automobile, elles ne peuvent pas utiliser ces renseignements? Il y aurait un tel règlement. Seriez-vous rassurés?
M. Gilles Richard: Non.
M. Ken Epp: Vous ne leur faites pas confiance?
M. Gilles Richard: Pouvons-nous vous poser une question?
M. Ken Epp: Certainement. Allez-y. Pourquoi pas?
M. Gilles Richard: Pourquoi les banques veulent-elles se lancer dans le crédit-bail? Pourquoi veulent-elles louer elles-mêmes les voitures? Quelle est leur principale raison?
M. Ken Epp: Elles veulent gagner plus.
M. Gilles Richard: Elles veulent gagner plus. Comment feront-elles?
M. Ken Epp: En s'appropriant de votre marché, n'est-ce pas?
M. Gilles Richard: Non.
M. Ken Epp: Non, alors comment?
M. Gilles Richard: Au moyen de la déduction pour amortissement.
M. Ken Epp: Oh, d'accord. Je comprends.
M. Gilles Richard: Bien. Vous représentez donc le Canada. Vous êtes ici pour protéger nos intérêts. Voulez-vous que les banques paient moins d'impôts sur le revenu? Est-ce cela que vous voulez?
M. Ken Epp: Je ne veux pas me prononcer.
M. Gilles Richard: Savez-vous ce qu'est la déduction pour amortissement?
M. Ken Epp: Certainement, cela représente de gros sous.
Je veux vous demander de parler maintenant de la question de la concurrence. Admettons que les banques entrent dans le secteur du crédit-bail. Ici au Québec, par exemple, les caisses de crédit le font déjà.
M. Gilles Richard: Les caisses populaires le font en effet.
M. Ken Epp: On nous a dit que le marché de l'automobile a connu une croissance parce que les caisses populaires n'ont pas de garage à l'arrière, de sorte qu'elles utilisent encore les concessionnaires pour livrer le produit et en assurer le service, et il y a donc plus de véhicules.
M. Gilles Richard: Vous ne savez peut-être pas que les caisses populaires ne louent pas directement les voitures. C'est clair. J'ai ici une copie du texte de l'accord signé par le Mouvement des caisses populaires et l'Association des concessionnaires stipulant que les caisses populaires, qui sont des caisses de crédit, ne feront jamais directement de la location. C'est parce qu'elles croient à la nécessité d'avoir des concessionnaires. Elles coopèrent avec nous. En réalité, elles escomptent nos contrats de crédit-bail, mais elles ne font pas directement de crédit-bail. Si vous n'avez pas le texte de cet accord, je serai heureux de vous en donner une copie.
M. Ken Epp: Remettez le document au greffier afin que nous puissions tous en avoir une copie.
M. Gilles Richard: Nous allons vous le remettre parce que c'est un document très important.
M. Ken Epp: Disons que les banques à charte fédérale auraient à signer un accord de cette nature. Accepteriez-vous, dans ce cas?
M. Gilles Richard: Bien sûr.
M. Ken Epp: Vous accepteriez?
M. Gilles Richard: Oui, mais elles ne le voudront pas. En acceptant, elles ne pourraient pas profiter de la déduction pour amortissement.
M. Ken Epp: Vous êtes donc absolument convaincu que c'est leur seule raison?
M. Gilles Richard: Cela représente des milliards de dollars par année, monsieur.
M. Ken Epp: Oui, très bien. Nous devrions peut-être réduire les impôts de tout le monde.
M. Gilles Richard: Oui.
M. Jacques Béchard: Je vais ajouter quelque chose, si vous le permettez. Au Québec, comme nous vous l'avons dit, les caisses de crédit ne font en réalité pas directement du crédit-bail. Elles disent qu'elles veulent passer par les concessionnaires, car le crédit-bail constitue un commerce de biens et non un service bancaire ou financier. N'oubliez pas, mes amis, que le crédit-bail est un commerce de biens. Dans l'histoire des institutions bancaires au Canada—c'est l'avocat qui vous parler maintenant—les banques n'ont jamais eu l'autorisation de vendre des biens. Est-ce cela que vous voulez leur donner maintenant? Nous ne le pensons pas.
M. Ken Epp: Vous dites donc qu'elles essaient de faire entrer le crédit-bail dans les services financiers, mais qu'il ne s'agit pas vraiment d'un tel service. Est-ce bien ce que vous dites? Nous avons toujours pensé que cela faisait partie des services financiers parce qu'il s'agit du coût du capital qu'on paie pour pouvoir exploiter une entreprise à titre de propriétaire particulier d'une voiture.
M. Gilles Richard: Nous ne nous opposons pas à ce qu'elles financent des contrats de crédit-bail. Nous ne nous opposons pas à ce qu'elles financent n'importe quel contrat d'achat. Elles l'ont déjà fait, elles le font déjà. Présentement, si vous venez chez moi pour louer une voiture, je peux escompter le contrat de crédit-bail en passant par la Banque royale, la Banque de Montréal, ou n'importe quelle autre banque, mais il n'en reste pas moins que c'est moi qui fais la location et livre la voiture au client. La banque fait son bénéfice sur le pourcentage qu'elle réclame en frais de dossier et en frais de financement, quelle que soit l'appellation qu'on utilise. Elle retire une partie de ce bénéfice et nous, nous en retirons notre partie plus tard. Nous ne voulons pas que la banque fasse tous les bénéfices, parce qu'alors nous n'existerons plus.
M. Ken Epp: Donc, si les banques se mettent à offrir ce genre de service, croyez-vous que cela obligera tout un tas de concessionnaires à se retirer des affaires?
M. Gilles Richard: Absolument.
M. Ken Epp: Vraiment?
M. Gilles Richard: Oui, j'en suis convaincu.
M. Ken Epp: J'ai acheté un véhicule il n'y a pas très longtemps.
M. Gilles Richard: J'espère que c'est une Ford.
Des voix: Bravo!
M. Ken Epp: J'ai vraiment marchandé. Pour finir, le vendeur a dit qu'il accepterait mon offre incroyablement basse mais que je devais passer par lui pour le financement. J'ai dit que j'allais de toute façon demander un prêt, allez-y donc tant que vous m'offrez des conditions intéressantes. J'ai été stupéfait de constater au bout du compte qu'en fait, il préparait un contrat pour l'une des banques. Il se trouve que ce n'était pas une banque avec laquelle je faisais affaire habituellement, mais c'est cela qu'il voulait. Donc, je verse maintenant des paiements à cette banque et je le ferai jusqu'à ce que cette voiture, que conduit ma femme, soit payée.
M. Gilles Richard: Et vous étiez satisfait des conditions qui vous ont été offertes? Vous avez fait une bonne affaire?
M. Ken Epp: Je pense que j'ai fait une assez bonne affaire, autrement je n'aurais pas acheté la voiture.
M. Gilles Richard: Bien. Est-ce que le taux d'intérêt de votre prêt est élevé?
M. Ken Epp: Il est raisonnable.
M. Gilles Richard: Bien. Il y a donc eu deux marchés avantageux: l'un pour la banque et l'autre pour le concessionnaire.
M. Ken Epp: Oui.
M. Gilles Richard: C'est nettement mieux. Mais s'il n'y avait pas de concessionnaire, avec qui négocieriez-vous, la banque?
M. Ken Epp: Ce serait le directeur de ma banque, effectivement.
M. Gilles Richard: Donc, vous achetez la voiture. Il vous prête l'argent. Il regarde votre compte en banque. Il examine votre marge de crédit personnelle. Il examine les autres prêts que vous avez contractés. Qu'est-ce qui vous reste comme moyen de négocier? Vous n'en avez plus. Vous avez tout mis dans le même panier. Est-ce cela que vous voulez?
M. Ken Epp: Monsieur le président, je pense que je devrais probablement céder la parole à d'autres.
Mais auparavant, j'ai une observation finale. Je vous suis très reconnaissant d'être venu ici exprimer vos opinions de façon aussi claire. Je tiens à ce que vous sachiez que la politique du Parti réformiste, sa politique officielle, c'est que les banques devraient s'en tenir aux activités bancaires. Je tenais simplement à le préciser.
M. Jacques Béchard: Merci beaucoup.
M. Gilles Richard: Merci beaucoup.
M. Ken Epp: Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous venez d'entendre un message payé par le Parti réformiste du Canada.
M. Ken Epp: Absolument, et c'est un bon message en plus.
Des voix: Bravo!
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): On va maintenant demander la même chose à M. Desrochers du Bloc québécois.
M. Odina Desrochers: Monsieur Richard, vous êtes vraiment un bon vendeur. On achèterait sans hésiter une voiture de vous. Je respecte les autres membres du panel, qui vendent d'autres marques, mais franchement, vous êtes un bon vendeur. Quand vous vous promenez dans votre salle d'exposition de voitures, ça doit être tout un spectacle.
M. Gilles Richard: Je le fais avec mon coeur.
M. Odina Desrochers: La survie des concessionnaires automobiles est une chose qui nous tient à coeur également. Je n'ai pas besoin de vous rappeler les événements pénibles de la récession des années 1980, où on a assisté, en raison de taux très élevés, à la disparition de plusieurs de vos collègues. Soyez assuré d'une chose: on ne voudrait pas que la même chose se produise avec le débat qui se fait présentement sur l'avenir des services financiers canadiens.
J'ai quelques petites questions à vous poser. Évidemment, il y a plusieurs compagnies qui se sont inscrites comme des joueurs importants dans le financement de l'achat ou de la location d'automobiles. Savez-vous quelle est actuellement, au Québec et même au Canada, la part des compagnies de crédit qui financent l'achat et la location d'automobiles, comparativement à celle d'autres institutions financières?
M. Gilles Richard: Je dirais qu'actuellement, ce pourcentage doit être d'environ 30 p. 100.
M. Odina Desrochers: Quels avantages les acheteurs trouvent-ils à faire affaire avec vos compagnies de crédit d'automobiles plutôt qu'avec des institutions financières?
M. Gilles Richard: Voici ce qui arrive. J'aimerais vous expliquer, monsieur Desrochers, qu'en temps normal, ce n'est pas le consommateur qui choisit l'institution financière. Un bon concessionnaire s'occupe de ses clients. On est 900 au Québec.
M. Odina Desrochers: Je n'en doute pas.
M. Gilles Richard: Donc, le bon concessionnaire s'occupe d'aller chercher le meilleur taux disponible sur le marché. Ce peut être les banques, parce qu'elles ont un excès d'argent et veulent prêter. Ce peut être les institutions financières, qui veulent promouvoir un produit particulier et subventionnent le taux d'intérêt.
Je vais vous donner un exemple. On va parler de General Motors. La compagnie a déjà offert un taux de 0 p. 100 d'intérêt. Il est difficile d'avoir mieux que cela.
M. Odina Desrochers: Oui, mais il y a de petites clauses au bas du contrat.
M. Gilles Richard: Non, aucune clause. Vous venez chez nous et vous payez une voiture 20 000 $; avec les taxes, cela fait 23 000 $. Vous payez pendant 48 mois. Prenez 23 000 $ et divisez cela par 48. C'est tout. Il n'y a aucune clause, rien du tout.
M. Odina Desrochers: Vous n'allez pas voir le dossier de l'individu qui achète l'auto, par exemple chez Equifax? Vous ne faites pas d'enquête de crédit sur la personne?
M. Gilles Richard: Eh bien, si le client ne jouit pas d'un bon crédit... Si le client est solvable, son taux d'intérêt est de 0 p. 100. À ce moment-là, aucune banque ne peut arriver à nous concurrencer. À d'autres moments, les manufacturiers ne sentent pas le besoin de subventionner quoi que ce soit, et les institutions financières vont offrir des taux normaux. Automatiquement, on demande à Banque de Montréal et à la Banque de commerce quel est leur meilleur taux et on dit au client: Vous pouvez avoir du 6,9 p. 100 là, du 7,9 p. 100 là, du 5,4 p. 100 là, etc., et cela va vous coûter tant. Nous laissons le choix au consommateur, mais nous lui indiquons les taux disponibles.
M. Odina Desrochers: Les compagnies américaines ou autres, peut-être japonaises, qui administrent du crédit pour les véhicules de location réinvestissent-elles dans l'industrie automobile?
M. Gilles Richard: Oui, elles réinvestissent énormément dans l'industrie et je vais vous expliquer pourquoi. Je vais vous donner l'exemple de Crédit Ford du Canada. Crédit Ford du Canada appartient à 100 p. 100 à la compagnie Ford du Canada. La compagnie fait des profits. L'argent que Crédit Ford du Canada fait s'en va chez Ford du Canada, puis chez Ford aux États-Unis. Des milliards de dollars sont investis au Canada par les manufacturiers d'automobiles. M. Béchard peut vous donner des chiffres là-dessus.
M. Odina Desrochers: Je suis d'accord, monsieur Richard, mais la portion... Je comprends. Vous parlez de vases communicants. Les compagnies de crédit investissent et cela se rend chez les concessionnaires du Canada et des États-Unis. Quelle portion de ce que Crédit Ford du Canada fait revient indirectement ou directement aux consommateurs et aux utilisateurs de voitures au Québec et au Canada?
M. Jacques Béchard: On a fait de études avant de vous présenter différents rapports. Mme Gaunt, la présidente de Ford du Canada, a rencontré le ministre Paul Martin il y a deux semaines. On lui a posé la même question. Les compagnies de financement affiliées, par exemple GMAC avec GM et Crédit Ford du Canada, sont des compagnies très apparentées. Le chiffre qu'on a sorti, et vous allez aimer l'entendre, c'est qu'au cours des 10 dernières années, les manufacturiers et leurs compagnies affiliées ont investi au Canada 25 milliards de dollars. Vingt-cinq milliards de dollars! Ce sont des sommes très importantes.
M. Yvan Loubier: Quel revenu tire-t-on du crédit-bail, par exemple?
M. Gilles Richard: De profit?
M. Yvan Loubier: Non, juste pour l'activité de GMAC et de Crédit Ford du Canada. Avez-vous cette information?
M. Jacques Béchard: On a les chiffres particuliers pour chaque institution, mais on ne les a pas ici cet après-midi. Pour ce qui est de l'investissement, on vient de vous le dire.
M. Odina Desrochers: Je veux poser une dernière question avant de céder la parole à mon collègue. Si jamais les banques devenaient des concurrents de premier plan, où le consommateur trouverait-il ses gains dans tout cela?
M. Gilles Richard: Le consommateur?
M. Odina Desrochers: L'acheteur.
M. Gilles Richard: Il n'y aura pas de gains; il y aura des pertes. Je vais vous expliquer pourquoi. À très court terme, le consommateur sera gagnant. Pour quelle raison? C'est bien simple. Premièrement, les banques, avec leur pouvoir d'achat, vont pouvoir acheter à des prix très bas. Deuxièmement, pour entrer dans le marché, elles vont offrir des taux de location très bas, même à perte si elles le veulent. Lorsque nous ne serons plus là, qu'est-ce qui va arriver? Ce sont elles qui vont contrôler le marché.
Combien payez-vous d'intérêt pour votre carte de crédit?
M. Odina Desrochers: Comme tout le monde.
M. Gilles Richard: S'il y en avait d'autres, à part les banques, qui offraient des cartes de crédit, croyez-vous que le taux d'intérêt serait moins élevé?
M. Odina Desrochers: Vous savez qu'actuellement, il y a déjà des services extérieurs qui...
M. Gilles Richard: Savez-vous ce qui arrive, monsieur Desrochers? La concurrence nous force actuellement à répondre aux besoins du client. Je siège sur le même comité que lui, mais c'est mon concurrent.
M. Odina Desrochers: Et Mme Longpré?
M. Gilles Richard: Mme Longpré, c'est ma patronne.
M. Odina Desrochers: C'est votre patronne. J'aimerais clarifier certaines choses.
M. Jacques Béchard: Mme Longpré et moi-même sommes des gestionnaires. Pour nous, toutes les marques sont bonnes.
M. Odina Desrochers: On n'entrera pas dans ce débat-là aujourd'hui, monsieur Richard.
M. Gilles Richard: Monsieur Desrochers, la concurrence fait que le consommateur a actuellement les meilleurs taux. Je parle de la concurrence entre les concessionnaires et entre les manufacturiers. Regardez les journaux. Quand vous voyez GM offrir 0 p. 100, Chrysler offre 0 p. 100 et Ford offre 0 p. 100. Quand quelqu'un offre quelque chose à 219 $, les autres suivent automatiquement.
M. Odina Desrochers: Je ne veux pas prendre plus de temps. Donc, vous vous opposez à ce que les banques entrent dans le domaine du crédit-bail.
M. Gilles Richard: Absolument, monsieur.
M. Odina Desrochers: Merci. Je cède la parole à mon collègue Yvan Loubier.
M. Yvan Loubier: Je veux poser une dernière question par rapport à ça. Vous ne pourriez pas reproduire avec les banques canadiennes le genre d'entente que vous avez avec le Mouvement Desjardins?
M. Jacques Béchard: Non. On travaille à ce dossier depuis plusieurs années. Au cours de ces années, plusieurs concessionnaires et moi-même avons rencontré les banquiers pour leur expliquer que leur rôle était de faire des affaires bancaires et que le nôtre était de faire du commerce de biens. Au niveau local, on se faisait dire par les gérants, comme tout le monde va pouvoir vous le confirmer: Nous ne voulons pas faire de location directe, pas du tout. Mais lorsqu'on est allés à un palier supérieur, entre autres chez les membres de l'Association des banquiers canadiens, on a eu l'heure juste. On leur a dit: Écrivez-vous sur papier que vous ne voulez pas faire de location directe. On n'a pas encore de lettre à vous soumettre. On en a une du Mouvement Desjardins, qui a compris qu'il était là pour faire du financement.
M. Gilles Richard: Monsieur Loubier...
M. Yvan Loubier: Une petite seconde, monsieur Richard. D'ailleurs, je pense que je vais aller vous acheter une voiture. Je vous trouve très convaincant. Sérieusement, la mienne commence à se fatiguer.
Monsieur Béchard, il y a environ trois ans, nous, du Bloc québécois, avions travaillé avec vous à tenter de voir s'il n'y avait pas moyen de faire des aménagements. Avant de vous rencontrer, nous étions allés rencontrer les banquiers et ils nous avaient dit: Non, on n'a pas l'intention de faire l'acquisition de flottes. Un autre qui était présent à la même réunion avait dit: Eh bien, on ne le sait plus. Nous vous avions rencontrés, nous vous avions soumis cette réponse et vous nous aviez dit: On vous l'avait bien dit; ce n'est pas clair qu'ils ne feront pas l'acquisition de flottes et de la location directe en passant par-dessus notre tête.
• 1425
Après cette rencontre,
nous avions rencontré à nouveau l'Association des
banquiers canadiens, juste avant les élections. À ce
moment-là,
c'est toujours propice pour les groupes..
M. Jacques Béchard: Ont-ils été plus ouverts avec vous qu'avec nous? J'ai hâte d'entendre cela.
M. Yvan Loubier: C'est ce que j'allais vous dire. Un peu avant les élections, chacune des banques nous a confirmé par écrit qu'elle ne ferait pas d'acquisition de flottes et de location directe. On a été surpris. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de ces lettres, mais elles sont intéressées...
M. Gilles Richard: Monsieur Loubier, si elles ont fait une déclaration officielle, je ne vois pas pourquoi il existe actuellement un comité pour étudier la possibilité que les banques fassent de la location. Actuellement, les banques escomptent des contrats de location à tour de bras.
M. Yvan Loubier: Mais il y a aussi un rapport qui a été soumis au comité, qui s'appelle le rapport MacKay et qui contient 124 recommandations. Comme toutes sortes de comités, le groupe MacKay nous a fait des recommandations et, parmi tout cela, il a lancé l'histoire de la location directe par les banques.
Je reviens au débat qu'on a eu. M. Béchard était là. Au caucus, on a fait une belle démarche ensemble. Au départ, on n'arrivait pas à avoir une réponse claire des banques. Par la suite, on a eu une réponse claire.
Malgré tout cela, même avec une réponse claire, une lettre écrite, comme dans le cas du Mouvement Desjardins, rejetez-vous totalement toute collaboration avec les banques ou si on fait une mauvaise interprétation?
M. Jacques Béchard: Monsieur Loubier, notre position est très limpide, et la voici. On veut absolument qu'il n'y ait aucune modification aux pouvoirs des banques. On veut carrément le statu quo, le maintien de la politique actuelle, qui fait en sorte que les banques font du financement de location, comme M. Richard vous l'a expliqué. Le débat se poursuit depuis des décennies. On l'a fait en 1980 et en 1990. En 1990, le sous-ministre, comme M. Richard vous l'a mentionné tout à l'heure, a dit:
[Traduction]
Si les banques s'occupaient aussi de crédit-bail automobile, nous ne sommes pas sûrs que nous pourrions trouver une solution à ce genre de différends au moyen de règlements et de restrictions.
[Français]
Cela va répondre à la question.
[Traduction]
Cela répondra à votre question aussi.
[Français]
Vous ne pouvez pas permettre aux banques de faire de la location en limitant leurs pouvoirs. Vous n'en serez pas capables. C'est ce qu'ils ont dit en 1990. Est-ce qu'il y a un élément, en 1998, qui fait en sorte que cela a changé? Je vous dis que non.
M. Yvan Loubier: On a changé de sous-ministre depuis ce temps-là. Donc, avec les mêmes...
M. Jacques Béchard: Les ministres changent, mais les institutions restent. C'est fondamental.
M. Yvan Loubier: Je pose la question une dernière fois et je ne vous ennuierai plus ensuite. S'il y avait une lettre des banques exactement comme celle que vous avez fait circuler, mais signée par Matthew Barrett et non par M. Béland du Mouvement Desjardins, cela ne vous convaincrait d'aucune façon?
M. Jacques Béchard: Monsieur Loubier, M. Richard vous l'a dit. Si on a une telle lettre des banques, vous n'aurez pas à modifier la Loi sur les banques.
M. Gilles Richard: C'est ce qui est écrit dans la loi.
M. Jacques Béchard: Dans cette lettre, Desjardins dit qu'il fait des affaires par l'entremise des concessionnaires, comme les banques ont le droit de le faire à l'heure actuelle. Avec une telle lettre, vous n'avez pas besoin de modifier la Loi sur les banques.
M. Yvan Loubier: Si j'avais vu la lettre, j'aurais peut-être compris un peu mieux ce qu'il y avait dedans. J'avais l'impression que vous aviez un arrangement avec Desjardins qui aurait pu satisfaire même les banques, en offrant une alternative de financement pour le crédit-bail, mais je n'ai pas de copie de la lettre. J'aimerais bien en avoir une. Cela fait trois fois...
M. Jacques Béchard: La lettre de Desjardins? Oui, on va la déposer et on va vous en donner une copie.
M. Yvan Loubier: Parfait. Est-ce que j'ai le temps de poser une autre question?
Le vice-président (M. Nick Discepola): On est en train d'en faire des photocopies. On va les avoir bientôt.
M. Yvan Loubier: Très bien. Est-ce que j'ai le temps de poser une autre question?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez pris vos cinq minutes. On continue.
M. Yvan Loubier: C'est tellement drôle. Je trouve cela intéressant. Il aurait pu prendre 50 minutes de la façon dont il était parti.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Il veut acheter une voiture.
M. Ken Epp: C'est toujours ainsi que cela se passe. Chaque fois que le Parti réformiste montre la voie, les autres suivent.
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Faites attention, monsieur Richard. Vous allez peut-être vendre beaucoup de voitures aujourd'hui, mais je ne sais pas si vous allez faire du profit.
M. Yvan Loubier: J'aimerais poser une question à M. Baumann sur son exposé.
Vous avez dit tout à l'heure que des modifications terribles se font à l'heure actuelle dans le secteur financier, qu'il y a des mutations attribuables à la mondialisation des marchés et qu'on a besoin de transformations. Vous avez beaucoup insisté, comme vous l'avez d'ailleurs fait dans votre mémoire, sur des changements à la réglementation pour permettre une plus grande concurrence et pour servir d'abord et avant tout les consommateurs. Bref, il faut avoir pour objectif de servir le consommateur et d'avoir un niveau de concurrence acceptable, et toute la question des fusions et des alliances stratégiques d'entreprises viendra naturellement par la suite, sans que ce soit la préoccupation première.
Je trouve votre point de vue intéressant. Depuis le début, on a mis l'accent sur les fusions des banques et on a ignoré tout le reste. Il y a 124 recommandations dans le rapport MacKay. Il y en a qui sont acceptables et d'autres qui le sont moins—M. Richard et M. Béchard en savent quelque chose—mais il y a des suggestions fondamentales concernant l'accroissement de la concurrence, les alliances stratégiques et le défi des années 2000. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que je trouve que votre point de vue est rafraîchissant quand on le compare au braquage pour ou contre la fusion qu'on a eu, alors qu'on aurait dû élargir le débat et préparer l'an 2000.
M. Harry Baumann: Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît? Je ne l'ai pas bien comprise.
M. Yvan Loubier: J'aimerais que vous exprimiez encore une fois votre point de vue sur ce qu'il faut, non seulement pour préparer la compétitivité des entreprises, que ce soit par des fusions ou par des alliances stratégiques, mais d'abord pour servir le consommateur. Quelles seraient les étapes à venir? À partir des recommandations MacKay, comment pourrait-on accorder la priorité à certaines voies et prévoir des étapes? Il y a de grands défis qui nous attendent, et j'ai l'impression qu'on se braque alors qu'on devrait être ouvert à ces modifications. Je ne fais pas allusion au crédit-bail, mais bien aux fusions des banques. Je ne veux pas me faire planter par M. Richard cet après-midi.
[Traduction]
M. Harry Baumann: Vous posez donc cette question dans le contexte de la mondialisation?
Comme vous l'avez indiqué, il faut partir du point de vue du consommateur. Mais permettez-moi de vous donner une explication et je pense que si nous nous orientons dans cette voie, ce type de stratégie nous préparera aux années 2000.
Je vais vous donner un exemple. Prenons l'aspect technologique, à savoir la banque électronique. Vous avez d'abord eu les guichets automatiques, puis Internet et ainsi de suite. Si vous examinez les chiffres—disons qu'une transaction faite par un caissier de banque coûte 2 $ et qu'une transaction effectuée par guichet automatique coûte peut-être 20c. ou 30c., qu'une transaction sur Internet coûte 2c. ou 3c.—la rentabilité des transactions sur Internet est évidente. J'ai l'impression que les institutions financières et peut-être d'autres industries considèrent cela sous l'angle de l'offre. En d'autres termes, nous avons ce nouveau bidule, ou cette nouvelle machine ou cette nouvelle capacité et nous avons intérêt à nous en servir ou à tâcher de convaincre nos clients de s'en servir. Je pense qu'il serait préférable d'axer davantage ce type de technologie sur le client, de façon à ce qu'elle réponde mieux aux besoins de celui-ci, plutôt que de convaincre le client qu'il s'agit vraiment du nec plus ultra et qu'il devrait par conséquent s'en servir.
Je pense que c'est un point de vue général que je peux vous donner à ce sujet. Je sais que ce n'est pas une réponse très précise, mais je pense que c'est le genre de mentalité qui doit dorénavant primer dans toute innovation et tout changement technologique dans ce secteur à l'avenir.
[Français]
M. Yvan Loubier: Cela veut dire que vous ne rejetez pas la fusion des banques et toutes les transformations majeures qu'il pourrait y avoir dans le secteur financier. La seule chose que vous demandez au législateur, c'est d'avoir pour objectif, dans les étapes à suivre, de répondre aux besoins du consommateur et de lui offrir la gamme de produits vers lesquels il va naturellement aller. C'est votre point de vue, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Harry Baumann: Tout à fait.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple à cet égard, parce que vous avez soulevé la question des fusions et que, comme vous le savez, les fusions sont un phénomène courant dans le monde entier. Récemment, deux banques ont fusionné à Munich et ensemble, leur actif s'élèvera à 600 milliards de dollars, soit plus que les actifs confondus de la Banque royale et de la Banque de Montréal. Mais lorsqu'elles ont présenté les arguments pour justifier leur fusion, elles n'ont pas invoqué la mondialisation. Elles ont dit, nous sommes une banque européenne et l'Europe va adopter une monnaie unique, l'euro. Nous avons des produits et des services intéressants au niveau des hypothèques commerciales et résidentielles et de la gestion de portefeuilles, et nous voulons jouer un rôle important dans ces secteurs en Europe. Voici comment la fusion nous aidera à le faire.
En ce qui concerne les banques canadiennes, je suis étonné que, lorsqu'elles ont présenté leurs arguments, elles n'aient pas mis davantage l'accent sur leurs clients et sur la façon dont la fusion contribuerait à améliorer le service à leurs clients. Lorsqu'elles ont lancé le débat, elles ont plutôt parlé de mondialisation et de notions tout aussi nébuleuses. C'est donc un autre aspect de l'orientation qu'à mon avis nous devrions adopter, à savoir raisonner en fonction des besoins du client.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Cela termine vos remarques, j'espère.
M. Yvan Loubier: Oui, monsieur.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez eu amplement de temps. Monsieur Szabo.
M. Yvan Loubier: Ah, on peut revenir.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Szabo, vous avez 45 minutes.
[Traduction]
Des voix: Oh, oh!
M. Paul Szabo: Il était une fois...
Monsieur Baumann, vous avez commencé par parler du positionnement des banques à l'échelle nationale et internationale. Je n'ai pas réfléchi à fond à cette question, mais il me semble que pour qu'une banque, ou que deux banques, au Canada puissent bien se positionner sur le marché international, de par leur taille, elles devraient nécessairement enfreindre les critères de concurrence raisonnable sur le marché intérieur, et donc la taille même du secteur bancaire canadien ne permet pas de soutenir deux grandes banques.
Pouvez-vous commenter ce dilemme?
M. Harry Baumann: C'est de toute évidence un réel dilemme. De toute évidence, elles peuvent aussi acquérir des actifs dans d'autres pays, ce qu'elles ont d'ailleurs fait. Par exemple, cette semaine, le Président du Pérou, M. Fujimori était au Canada, et j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un représentant de la Banque Scotia. Cette banque a des parts dans une banque au Pérou, et aussi au Mexique, en Argentine et au Brésil. Et bien entendu, la Banque de Montréal possède la Harris Bank de Chicago entre autres. Elles peuvent donc prendre de l'expansion sans poser un tel problème au niveau national en faisant l'acquisition d'actifs étrangers.
En ce qui concerne les marchés internationaux, elles peuvent également prendre de l'expansion, comme je l'ai indiqué plus tôt en offrant des produits et des services uniques sur le marché international, ou en ayant des produits qui sont aussi bons ou meilleurs que ceux de leurs concurrents.
De toute évidence, il ne pas d'une tâche facile étant donné que c'est un secteur extrêmement concurrentiel. Mais disons que la Banque Toronto-Dominion est maintenant la troisième banque d'escompte, pas simplement en raison de ses activités au Canada mais plutôt en raison de ses activités aux États-Unis, et plus récemment encore au Royaume-Uni; il n'en reste pas moins qu'elle est loin derrière Charles Schwab, n'est-ce pas? J'en conviens, mais je dis simplement que ce sont là des possibilités qui leur sont offertes.
M. Paul Szabo: Donc, est-ce que l'échelle est telle que cela devient impossible?
M. Harry Baumann: Disons que si nous étions dans les années 50 ou 60 et que vous m'aviez posé cette question à propos de la banque ABN AMRO en Hollande, je vous aurais répondu que cela aurait été absolument impossible.
M. Paul Szabo: Très bien.
MacKay émet l'hypothèse de la concurrence. C'est une hypothèse très importante si l'on veut que tout le reste se déroule de la façon voulue. Dans notre secteur actuel des services financiers, qui assurera cette concurrence qui est pratiquement une condition nécessaire aux fusions?
M. Harry Baumann: C'est la grande inconnue, mais je vais tâcher d'y répondre, en partant du principe que les fusions seront autorisées. De toute évidence, cela pose de réelles difficultés, sinon je vous aurais dit d'approuver les fusions ou de recommander qu'elles soient approuvées.
Des gens comme MacKay essaient par exemple de faciliter l'entrée en exemptant les nouveaux venus de l'impôt sur le capital. Vous avez vu les recommandations formulées à cet égard. S'agira-t-il d'une mesure efficace?
Historiquement, si vous regardez les mesures prises par le Canada—car nous avons déjà essayé de faciliter l'entrée—n'oubliez pas qu'à une époque, les banques étaient un club fermé parce que c'était le Sénat qui décidait, en imposent de multiples conditions, d'accorder ou non une charge à une nouvelle banque et ce n'était donc pas chose facile étant donné le niveau d'actifs exigé. Nous avons donc changé cette façon de faire. De nouveaux venus sont effectivement arrivés sur le marché, mais plusieurs d'entre eux ont échoué.
Quoi qu'il en soit, je pense que le monde change et qu'il existe peut-être de meilleures possibilités pour les nouveaux venus—ce qui permettrait par exemple aux banques étrangères d'ouvrir des agences au Canada—mais quant à savoir si cela fonctionnera, je n'en suis pas sûr. Il ne fait aucun doute que la recommandation MacKay facilitera quelque peu les choses, mais de façon marginale. Si vous parlez de 10 ou 15 p. 100 du marché hypothécaire, d'un ordre de grandeur semblable pour les prêts à la petite et moyenne entreprise, cela prendra beaucoup de temps.
M. Paul Szabo: J'ai l'impression que bien des gens voudront constater qu'il y a ce genre de concurrence avant que le nombre de banques finisse par diminuer, mais je soupçonne que ce débat ne fait que commencer. Nous ne sommes arrivés à aucune conclusion sur quoi que ce soit.
Mais je trouve vos commentaires très intéressants. Je pense que vous nous avez présenté une autre dimension de la question qui nous permet de constater à quel point elle est complexe. Je me suis toujours demandé s'il existait un ordre logique dans lequel certaines choses doivent se dérouler pour que tout tombe en place, au lieu de perdre son élan en s'arrêtant sur chaque élément que l'on voudrait voir. C'est une question d'opinion.
Quoi qu'il en soit, je voulais m'entretenir avec nos représentants de l'industrie automobile qui, en Ontario, représentent 30 p. 100 de l'économie de toute la province. Je ne peux que présumer qu'elle est tout aussi importante partout au pays, ce qui signifie que nous devons prendre bien soin de ce que nous avons bâti dans notre industrie automobile, parce que c'est de gens qu'il s'agit avant tout.
Cela dit, je n'aurai pas utilisé les mêmes arguments que ceux que vous avez utilisés pour vous défendre, et je vais vous expliquer pourquoi. Il y a de la passion derrière tout cela, et la passion c'est bien, mais la déduction pour amortissement en soi n'est pas une mauvaise chose on plus, et elle ne protège pas le bénéfice. Il s'agit d'une mesure qui permet de reporter l'impôt et qui, par conséquent, met à votre disposition du capital qui ne vous coûte rien.
• 1445
Vous avez déclaré ici que les banques veulent simplement la
déduction pour amortissement afin de pouvoir protéger leurs profits
excessifs qui se chiffrent en milliard de dollars. Cette allusion
à des profits excessifs me dérange un peu parce que j'estime
important que nous ayons un système bancaire qui fait de bons
bénéfices. S'ils étaient excessifs, je soupçonne que tous les
investisseurs au Canada investiraient uniquement dans les banques
puisque c'est là qu'ils feraient le plus de profits. Mais ce n'est
pas le cas, donc je pense que le terme «excessifs» est tout relatif.
Cinquante pour cent de tous les travailleurs au Canada possèdent
des titres bancaires, et je ne crois donc pas que ce soit une
mauvaise chose d'avoir une industrie bancaire solide.
Pour vous, la déduction pour amortissement n'est pas une si mauvaise chose puisque vous pouvez déjà en profiter. Elle vous fournit du capital pas cher, à condition que vous mainteniez votre chiffre d'affaires ou que vous preniez de l'expansion. Cependant, si vous décidez de sous-traiter, les avantages de ces déductions sont inversés et votre fonds de roulement en souffre. Donc, vous jouez un jeu dangereux si vous vous endettez trop et si vous ne gérez pas bien vos affaires. Ainsi, nous considérons que la déduction pour amortissement n'est pas une mauvaise chose en situation de croissance.
Mais je crois qu'il existe une raison fondamentale pour laquelle les banques ne devraient pas s'occuper de crédit-bail. Elles devraient s'occuper du financement du crédit-bail, mais pas du crédit-bail proprement dit. Il existe une différence, et cette différence c'est le lien de propriété, car que vont faire les banques de toutes ces voitures à l'expiration du bail? Vous avez déjà vous-mêmes ce problème. Je ne crois pas que cela préoccupe vraiment les banques.
Elles veulent simplement assurer des services de crédit-bail. MacKay mentionne le crédit-bail et l'assurance dispensés par les agences, et il parle d'ouvrir tous ces secteurs. On choisit donc à la carte ce qu'on préfère en espérant que ce soit pour le mieux.
Le changement technologique signifie qu'il existe une capacité excédentaire dans l'infrastructure du secteur bancaire. Ce secteur a de très nombreuses agences et de nombreux employés, et il devra fermer certaines de ces agences. Même s'il ne se passe rien. Bien des agences devront opter pour la sous-traitance ou tout simplement fermer leurs portes parce que la banque électronique prend le pas sur les transactions faites en personne.
Il faut donc qu'elles diversifient leurs activités. Si elles peuvent s'occuper de crédit-bail et d'assurance, tout à coup les possibilités de groupage deviennent beaucoup plus grandes. Et je suis persuadé qu'elles s'en tireront extrêmement bien. Si j'étais banquier, c'est ce que j'essaierais de faire en espérant qu'on me le permette, parce que ce serait mon intérêt.
Mais je ne suis pas banquier, je suis un consommateur. Je suis ici temporairement. Le problème—et je pense que c'est un point sur lequel il faut beaucoup insister, c'est qu'aujourd'hui près de la moitié des voitures sont achetées par crédit-bail. Et tous ces gens doivent passer par vous. S'ils ne s'adressent pas à vous et si vous n'avez pas cette possibilité, alors vous finirez par opter pour la sous-traitance. Le risque, c'est que les banques pourront alors acquérir directement les automobiles, et vous deviendrez inutiles. Il sera possible d'acheter une voiture sur Internet, ce qui est en fait déjà le cas, mais cela se produira de plus en plus souvent.
C'est donc la survie des concessionnaires qui est en jeu, et il s'agit de gens. Nous parlons ici de cet élément fondamental souligné par MacKay, à savoir l'intérêt public. Il n'est pas dans l'intérêt public que l'industrie automobile, dont font partie les concessionnaires, soit compromise simplement parce que quelqu'un d'autre serait en mesure d'absorber ce genre de service pour améliorer un peu sa situation.
Je pense que pour vous, c'est donc un problème d'intérêt public. Vous savez très bien qu'il existe un danger, mais il ne faut pas en rejeter la faute sur les banques; il s'agit d'un danger parce que votre entreprise se trouve à être structurée de cette façon-là. Il n'est pas dans l'intérêt public que vous vous retiriez des affaires. Les répercussions sur l'industrie automobile pourraient être catastrophiques. Je pense que nous devons cesser d'attaquer les banques et commencer à nous défendre nous-mêmes, en reconnaissant que c'est ainsi que nous sommes.
Je n'ai donc rien contre les banques. Je veux qu'elles soient aussi efficaces, aussi solides et aussi saines que possible.
MacKay a indiqué que nous devions tenir compte de l'impact sur le public, et cela veut dire sur les gens en chair et en os, sur les emplois, sur la croissance économique, sur la concurrence, sur les choix offerts aux consommateurs et ce genre de choses. Et c'est très important.
• 1450
Mais le facteur qui doit primer par dessus tout, c'est le
facteur humain, surtout s'il y a perte d'emplois. Je lisais
aujourd'hui dans le journal un article sur la fusion de TransCanada
PipeLines Ltd. avec NOVA qui se traduira par la perte de 600
emplois. Les fusions signifient que des gens perdront leur emploi.
Si les banques fusionnent, si elles commencent à s'occuper de
crédit-bail, d'assurance et de tous ces autres services, non
seulement va-t-on voir des emplois disparaître dans ces secteurs,
mais nous allons également en perdre d'autres dans d'autres
industries simplement à cause de l'assimilation. Donc, ce facteur
humain deviendra beaucoup plus important et c'est pourquoi je pense
que, tôt ou tard, on se rendra compte qu'avant de faire quoi que ce
soit, il faut en déterminer l'impact sur les gens.
J'espère donc que votre message à l'intention du gouvernement et du ministre des Finances est qu'ils font qu'ils tiennent compte de la réalité. Le fait est que de nombreuses entreprises qui ont comparu devant nous ont dit, «nous ne pouvons pas faire concurrence aux banques. Elles ont un avantage déloyal à cause des possibilités offertes par le réseautage, les ventes sous condition ou encore les groupages dont elles bénéficient. Et je ne suis pas en mesure de leur faire concurrence. Cela veut dire qu'au bout du compte je serai perdant et je devrai mettre la clé sous la porte.» Voilà la requête qu'elles nous adressent. C'est très simple. Il ne s'agit pas de la déduction pour amortissement; il s'agit des gens.
M. Gilles Richard: Je vous remercie, monsieur Szabo, pour ces observations.
Je pourrais peut-être ajouter quelque chose. Lorsque nous parlons de crédit-bail, il y a le coût d'achat et la valeur résiduelle à la fin du contrat. La différence représente ce que paie le consommateur. À l'heure actuelle, les valeurs résiduelles sont calculées en fonction de nombreux facteurs. Qui sait ce qui nous attend d'ici deux ans? Ils savent déjà par exemple qu'en 2002 une Windstar vaudra tant et à quoi elle ressemblera. Ainsi, une fois qu'ils établissent la valeur dépréciée, ils disposent de certains renseignements confidentiels dont ils peuvent se servir.
Or, la seule façon dont les banques peuvent déterminer la valeur dépréciée initiale c'est en faisant des calculs mathématiques, et c'est ce qui s'est produit au Japon. À l'heure actuelle, le Japon se retrouve avec du matériel Volvo qui représente des milliards de dollars qui ne correspondent pas à la valeur réelle parce qu'ils ont utilisé uniquement des calculs mathématiques. Cela n'a aucun sens. Lorsqu'au contraire cette valeur est régie ou dictée par les constructeurs, nous avons automatiquement une meilleure chance d'arriver à la valeur résiduelle réelle et de protéger ainsi l'économie en prévision de l'avenir.
M. Paul Szabo: MacKay dit que nous nous acheminons vers une vision entièrement nouvelle de l'avenir et que ceux qui ne sont pas préparés à s'y adapter devront en payer le prix. Je pense que vous êtes parfaitement conscient du fait que votre industrie fonctionne de la même façon depuis longtemps et qu'il y a de nouvelles choses qui se préparent, comme les méga magasins ou les mégaconcessionnaires. Ce sont des changements assez importants. Vous avez une certaine marge de manoeuvre et un certain temps pour vous y faire. Mais nous sommes en période de transition et je sais que vous ne pouvez pas vous contenter de miser sur votre avenir simplement en obtenant une protection dans le cas du crédit-bail.
Il faut donc visualiser cette industrie de façon stratégique, comme bien d'autres industries d'ailleurs, car au bout du compte, c'est le prix qui dictera le choix du consommateur. Il ira là où on lui fait l'offre la plus intéressante. Il ne faudra plus compter sur la fidélité du client étant donné que les choses évoluent tellement rapidement. Nous en sommes tous conscients et je pense que nous avons besoin de temps pour pouvoir assurer notre service.
Je vous remercie.
M. Gilles Richard: Je vous remercie.
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Szabo. Monsieur Tony Valeri, je vous en prie.
[Traduction]
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je veux simplement aborder la situation de façon générale. J'ai écouté vos observations et je ne veux pas mettre l'accent sur un secteur en particulier, comme le crédit-bail automobile, mais simplement avoir votre impression sur le rapport MacKay.
Le rapport MacKay ne se veut pas une analyse de la situation actuelle. Il ne se situe pas dans une perspective historique, il cherche simplement à envisager le genre de secteur de services financiers auquel nous pouvons nous attendre ou vers lequel nous devrions tendre dans notre pays. Ce que dit essentiellement le rapport MacKay, c'est que les consommateurs doivent avoir la priorité. Il ne s'agit pas d'un rapport destiné à promouvoir une industrie. Du moins lorsque je l'ai lu, j'ai eu l'impression que le rapport MacKay voulait que l'on renforce le pouvoir des consommateurs, que l'on établisse un marché concurrentiel, que l'on instaure des mécanismes de réglementation pour assurer la protection des consommateurs de manière à ce que nous puissions exercer une concurrence sur les marchés internationaux des services financiers tout en conservant un secteur des services financiers concurrentiel à l'échelle nationale.
• 1455
Certains vont alors se demander à quel moment cette
concurrence va se manifester? Vous avez parlé, je crois, de
l'arrivée d'institutions financières étrangères, ainsi que de la
faculté qu'elles auront de faire concurrence et du fait qu'on leur
facilitera l'entrée sur le marché canadien. Mais d'après ce que
j'ai entendu dans la discussion cet après-midi, on est
essentiellement d'accord avec le statu quo. Ça marche déjà bien.
Cependant, MacKay partait du principe que le statu quo n'est pas
acceptable et que nous allons changer. Le marché va changer, et il
faut se préparer au changement. Et il proposait des sauvegardes
pour nous préparer à ce changement.
Les fusions constituent-elles une option valable? Il s'agit ici de décisions d'affaires, rien de plus. Et il parlait de mettre en place un processus qui permettrait aux gouvernements et au public de voir si c'est dans l'intérêt public ou non, et de donner au public la possibilité de se prononcer. Mais ce n'est pas ce que j'ai entendu dire dans la conversation que nous avons eue jusqu'à présent aujourd'hui.
Est-ce que je me trompe dans mon analyse? Est-ce que MacKay s'est trompé?
M. Harry Baumann: Je vais tenter de répondre. Votre question porte sur le fait que MacKay a dit que le statu quo n'est pas acceptable, n'est-ce pas? Je pense qu'il a raison à ce sujet. Pourquoi a-t-il raison à ce sujet? C'est parce qu'on voit des fusions et des acquisitions s'opérer à l'échelle mondiale, on voit se produire des changements technologiques dans ce secteur avec les services bancaires électroniques, ce genre de chose. De même, nous sommes témoins d'une certaine volatilité sur les marchés financiers pour ce qui est des taux de change, des marchés boursiers et de tout le reste.
Oui, à mon avis, je pense qu'il a essentiellement raison lorsqu'il dit que le statu quo n'est pas acceptable. Mais la question devient donc de savoir comment notre secteur va se débrouiller et dans quelle mesure sera-t-il prêt à s'adapter à ces changements? Ce que je disais, c'est que les banques devront être plus sensibles aux besoins de leurs clients à l'échelle nationale et devront se montrer plus novatrices à l'échelle internationale. Je vois bien que ce sont là des propos très généraux, mais comme je l'ai dit, je pense que les banques deviendront justement plus sensibles si l'on fait en partie ce que MacKay disait, à savoir élargir quelque peu la concurrence; cela fait partie de sa stratégie.
Pour ce qui est de l'autre chose que vous avez mentionnée au sujet de la liberté de choix des consommateurs et de tout le reste, je dirai à ce propos que MacKay considérait la question d'un angle particulier, c'est-à-dire que cela se ferait peut-être avec une réglementation accrue ou une surveillance accrue et ainsi de suite. Je me serais peut-être attendu à ce que MacKay accorde davantage d'importance à d'autres instruments, par exemple la divulgation—pas seulement la divulgation mais aussi l'évaluation de ce que l'on divulgue.
M. Tony Valeri: Qu'entendez-vous par là? Pouvez-vous nous donner plus de détails?
M. Harry Baumann: Je ne veux pas répéter ce que j'ai dit plus tôt parce que nous manquons de temps, mais voici essentiellement ce que je veux dire. Si vous allez voir maintenant l'Association des banquiers canadiens, elle va vous dire qu'elle a publié 1,5 million de dépliants pour informer les consommateurs à propos de toutes ces choses, à propos de la façon dont les banques fonctionnent, quels services elles fournissent et ainsi de suite. Mais ce que je dis, c'est que le consommateur se retrouve devant beaucoup trop d'information. Il y a surabondance d'information dans la mesure où, si vous lisez tout cela, vous n'aurez pas le temps de faire quoi que ce soit d'autre. Je dis qu'on a aussi besoin de certaines institutions, telles que celles qui existent dans d'autres domaines, qui peuvent évaluer ces informations et permettre aux consommateurs d'opérer un choix informé entre telle carte de crédit et telle autre...
M. Tony Valeri: Mais n'est-ce pas justement ce que les associations de consommateurs peuvent faire?
M. Harry Baumann: Les associations de consommateurs peuvent donner un coup de main à cet égard, mais l'histoire des associations de consommateurs au Canada nous prouve qu'elles ne sont pas très fortes.
M. Tony Valeri: À votre avis, le gouvernement devrait-il faire ça?
M. Harry Baumann: Non. Je dis que cette initiative doit être indépendante du gouvernement, mais le gouvernement peut sûrement faciliter ce genre de chose.
M. Tony Valeri: Et cela faciliterait la concurrence?
M. Harry Baumann: Oui, dans la mesure où l'on s'attend à ce que dans ce genre de scénario, les consommateurs choisissent le meilleur produit, n'est-ce pas? Mais c'est une hypothèse.
M. Tony Valeri: Je veux seulement vous donner un exemple. À l'heure actuelle, si vous entrez sur le site Web d'Industrie Canada, si vous avez accès un ordinateur, vous trouverez un calculateur de carte de crédit qui vous indiquera le meilleur taux d'intérêt selon les critères que vous voulez. Vous dites que c'est un élément essentiel?
M. Harry Baumann: Cela pourrait être une partie de cet élément, oui.
M. Tony Valeri: D'accord. Quelqu'un d'autre veut intervenir?
C'est seulement que je vois tant de choses chez MacKay... Il y en a peut-être trop. C'est peut-être impossible à digérer. Mais ce que nous essayons de faire, c'est de voir où il a raison et où il se trompe, cela nous aidera.
M. Gilles Richard: Monsieur Valeri, l'idée est venue de nous. Nous avons soulevé cette idée étant donné le fait que lorsque nous avons... Pourquoi les banques ne peuvent-elles pas faire la même chose que les caisses populaires, ou le Mouvement Desjardins—à savoir signer un accord qui dit que, oui, nous sommes prêts à financer les contrats de location? On nous a répondu qu'elles le faisaient déjà; c'est une chose que les banques font déjà. Donc nous n'avons pas à changer ça. Cela se fait déjà. Je vois tous les jours des contrats de location qui sont adressés à la banque, et pas nécessairement pour le crédit. Je magasine pour obtenir le meilleur taux de location afin d'inciter le consommateur à louer chez moi. Vous allez louer chez moi parce que je peux vous faire une meilleure offre que le voisin.
M. Tony Valeri: C'est bien.
Disons qu'on admet que la location ne se fait pas au niveau du détail. Disons, au sujet des locations, que les banques vont continuer de financer les contrats. Êtes-vous d'accord avec le reste? Êtes-vous d'accord avec les autres recommandations que fait MacKay, qui nous aideraient à nous adapter à ce secteur des services financiers en évolution?
M. Gilles Richard: Parlez-vous de la façon dont l'accord... ?
M. Tony Valeri: Non, non. Disons qu'il ne se fera pas de location au niveau des banques. Êtes-vous d'accord avec ce que dit MacKay au sujet de la liberté de choix des consommateurs, de la création d'un protecteur, du fait de permettre aux banques de deuxième rang d'intervenir, des règles de propriété et de toute l'évolution du secteur des services financiers? Êtes-vous d'accord avec ce que dit MacKay, à savoir que le statu quo n'est pas acceptable?
M. Gilles Richard: Non. Monsieur Valeri, je vais vous dire franchement que nous ne pouvons pas prendre position à cet égard parce que nous ne sommes pas assez compétents pour le faire. Nous avons seulement pris position pour le secteur automobile parce que nous nous y connaissons. Nous sommes compétents dans ce domaine.
M. Tony Valeri: Oui, mais vous êtes consommateur. Vous êtes consommateur tout comme moi.
M. Gilles Richard: Oui.
M. Tony Valeri: Donc, ne serait-ce qu'à partir de la perspective d'un consommateur, croyez-vous qu'il y ait aujourd'hui suffisamment de concurrence dans le secteur bancaire?
M. Jean-Paul Lalonde: En ma qualité de consommateur et de propriétaire d'une entreprise, il est préférable d'avoir plus d'options pour obtenir un meilleur prêt ou d'avoir davantage de possibilités avec les cartes de crédit pour demeurer concurrentiels face à ces géants qui veulent fusionner. Car cela veut dire automatiquement que la Banque royale va faire la même chose que la Banque de Montréal. Leurs critères seront les mêmes dorénavant. Vous ne pourrez plus présenter un plan d'affaires à une banque, obtenir son avis, puis vous adresser à une autre et comparer les deux, ni plus ni moins. Pour un consommateur, il y a de quoi s'effrayer. Comme toujours, avec les diverses fusions, beaucoup de gens perdent leur travail et se retrouvent devant moins de choix parce qu'à partir de maintenant, il n'y aura plus qu'un seul produit.
Bay Street sera très heureuse parce que les bénéfices seront plus élevés. Mais les banques vont-elles faire profiter de leurs économies les consommateurs? C'est une bonne question. Les consommateurs vont-ils profiter de ces économies? Le passé est habituellement garant de l'avenir, et je ne crois pas que les banques aient jamais fait beaucoup pour leurs clients. Elles imposent un tas de frais d'administration et n'ont probablement pas l'intérêt de chaque client vraiment à coeur.
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Lalonde et merci, monsieur Valeri. Je n'aurai qu'une question, car le temps ne nous permettra pas de prolonger davantage.
Beaucoup de manufacturiers protègent leur réseau de distribution en déclarant «autorisés» certains de leurs distributeurs. Dans le domaine de l'informatique, cela se fait. Pour vendre de l'équipement IBM, vous devez être un distributeur autorisé, un vendeur autorisé, et vous êtes obligé de fournir un certain degré de service après vente de qualité.
Personnellement, je cherche un moyen de donner aux banques l'autorité et la possibilité de concurrencer GE Capital, GMAC et Crédit Ford, sociétés qui font leurs profits ici et les transfèrent aux États-Unis. J'aimerais trouver une façon de donner aux banques la possibilité de concurrencer ces institutions tout en protégeant les concessionnaires d'automobiles, par exemple, et cela pour diverses raisons.
Est-ce que vous avez tenté de dire à vos manufacturiers que, si le gouvernement fédéral décide de permettre aux banques de faire du crédit-bail, ils vont devoir protéger les concessionnaires d'automobiles en ne vendant pas directement des véhicules, ce qui vous protégerait?
Ma question a un deuxième volet. Voyez-vous quels mécanismes pourraient être mis en place pour que mon objectif personnel soit atteint, soit celui de permettre aux banques de concurrencer les GMAC et les GE Capital, mais sans que cela joue contre vous?
M. Gilles Richard: Votre question comporte plusieurs facettes et je vais essayer de répondre à plusieurs d'entre elles.
Premièrement, actuellement, les banques concurrencent GMAC, Crédit Ford, GE Capital, etc. En effet, à chaque fois que je conclus un contrat de location, d'achat ou de vente à tempérament avec une banque, c'est de l'argent qui reste au pays, comme vous dites, au lieu de s'en aller à GE Capital. Cela existe déjà.
Si les banques veulent obtenir une plus grosse part du marché, de quelle façon peuvent-elles y arriver? C'est en devenant plus concurrentielles. En bout de ligne, si vous êtes davantage concurrentiel, le consommateur en bénéficie. En définitive, du côté du financement, le seul moyen à la disposition des banques pour augmenter leurs profits, ou diminuer ceux des compagnies captives ou des compagnies américaines, c'est de s'arranger pour faire plus d'affaires.
Venons-en à la deuxième facette de votre question. Je représente ici Ford. Je pourrais dire que, pour la plupart, les manufacturiers américains... D'abord, les manufacturiers américains n'ont pas le droit de vendre directement à une tierce personne sans passer par nous. À moins de changer de concessionnaire ou les ententes qu'elle a conclues avec ses concessionnaires, Ford n'effectue pas de ventes directement, sauf au gouvernement. Par exemple, les voitures de la GRC et du premier ministre sont vendues directement par les manufacturiers.
En tout autre temps, quand même vous auriez 50 000 voitures à acheter, Ford vous dirait de placer votre commande auprès d'un concessionnaire. C'est le cas, par exemple, des sociétés de location à court terme, comme Budget et Hertz, qui achètent énormément de voitures chaque année et qui doivent toujours passer par un concessionnaire.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie de votre réponse.
J'aimerais, de la part de mes collègues, vous remercier de votre témoignage, parfois passionné. Vous voyez que nous avons une décision difficile à prendre. Je crois que votre participation a rendu notre tâche un peu plus facile, nonobstant le fait que, comme députés, nous devons faire une recommandation au ministre des Finances. Nous le ferons, je l'espère bien, au printemps prochain. Je vous remercie donc infiniment.
• 1510
Je demanderais à mes collègues de demeurer à leur
place car il y a eu malentendu. Avant de passer au
témoignage de la Coalition québécoise pour le maintien
des emplois et services bancaires personnalisés, qui
regroupe un grand nombre de témoins, je vais demander à
M. Lowenstein et à M. Wisenthal de s'avancer.
Nous allons prendre 15 minutes pour entendre ces deux
témoins qui ont été oubliés par erreur au cours de la
séance de 13 heures à 15 heures.
Nous entendrons ensuite les
témoins de la coalition. Je vous remercie de votre
collaboration.
[Traduction]
Monsieur Wisenthal, on m'a dit que vous aviez une déclaration.
M. William Wisenthal (témoignage à titre personnel): Oui. Il s'agit du cadre réglementaire à l'intérieur duquel les fusions bancaires vont se faire ou non.
En termes simples, la question est celle-ci: Le surintendant des institutions financières a-t-il les ressources technologiques et humaines qu'il lui faut pour contrôler ou réglementer, ou encore surveiller des marchés financiers complexes qui sont ouverts 24 heures par jour, sept jours par semaine, ainsi que des transactions complexes qui se font partout dans le monde? C'est cela qui m'inquiète. Le surintendant ou l'autorité réglementaire a-t-elle les compétences voulues pour surveiller les banques telles qu'elles sont maintenant, ou une fois qu'elles auront fusionné?
Je sais d'expérience que, du côté de l'assurance, il y a toujours eu des manquements ou des échecs au niveau de l'autorité réglementaire.
C'est la seule question que j'ai, et c'est tout ce que je veux savoir.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourquoi posez-vous cette question? Est-ce dans le contexte de l'une des recommandations de MacKay? Si oui, laquelle?
M. William Wisenthal: Eh bien, dans l'autre contexte, les banques ont fait valoir qu'elles voulaient fusionner afin d'être plus concurrentielles à l'échelle internationale. D'où ma question, dans quelle mesure les banques canadiennes ont-elles réussi à être concurrentielles à l'échelle internationale? Elles ont essuyé de larges pertes sur le marché des dérivés, d'énormes pertes financières sur les marchés monétaires, d'énormes pertes financières sur le marché des changes, et cela comprend certaines banques à charte canadiennes que nous avons maintenant.
Ma question nous ramène au premier élément, et c'est pourquoi je pose cette question. Existe-t-il aujourd'hui un cadre réglementaire capable de contrôler, comme l'a dit le témoin précédent, le changement technologique et les technologies qu'on a maintenant ainsi que la vitesse avec laquelle les transactions peuvent se faire? J'ai des doutes quant à la capacité de l'autorité réglementaire de contrôler cela.
Le vice-président (M. Nick Discepola): D'accord, merci beaucoup, monsieur Wisenthal. Si vous voulez rester à votre place, nous allons voir si des députés ont des questions à vous poser.
[Français]
Voici maintenant M. Paul J. Lowenstein, président de la Corporation canadienne de financement Limitée. Bienvenue, monsieur Lowenstein.
[Traduction]
Et toutes mes excuses pour ce malentendu.
M. Paul J. Lowenstein (président, Corporation canadienne de financement Limitée): C'est moi qui vous fais mes excuses. L'avis que j'ai ici dit 15 heures.
Y a-t-il d'autres membres du comité... ?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Il y a un vote à 17 h 30, donc certains députés devront partir. Il y a seulement M. Loubier et un autre député, mais nous avons trois partis représentés ici.
M. Paul Lowenstein: Merci. Très bien.
Il me faudra environ sept minutes pour lire mon exposé.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Si vous vous en teniez à cinq minutes, il nous resterait deux ou trois minutes pour vous poser des questions.
M. Paul Lowenstein: Très bien.
Je remercie le comité permanent d'avoir accepté de m'entendre.
La Corporation canadienne de financement Limitée, qui existe depuis 20 ans, est une entreprise privée. Nous considérons que nous sommes l'un des premiers fournisseurs de services bancaires d'investissement pour le marché moyen canadien, lequel, selon notre définition, se compose des entreprises dont le chiffre annuel se situe entre 20 et 500 millions de dollars. Nous avons des bureaux à Montréal et à Toronto et un effectif de 17 personnes.
• 1515
Depuis 20 ans, nous avons effectué pour environ 1,5 milliard
de dollars en transactions. Nous fournissons des services de
consultation financière, nous émettons des actions par l'entremise
de l'un des premiers fournisseurs de capital-déploiement au Canada,
et nous gérons des créances prioritaires pour les placements
privés, ce qui nous permet d'offrir aux entreprises qui veulent
emprunter une alternative aux banques. Tout dépend des transactions
que nous effectuons, nous agissons à titre d'intermédiaires pour
les banques canadiennes ou sommes en concurrence avec elles. Cela
dit, c'est un exposé objectif que j'espère vous faire parce que
j'aimerais vous faire part de certaines expériences et de certaines
suggestions constructives.
Nous publions un bulletin trimestriel et, dans notre dernier bulletin qui a paru en octobre, nous faisions état d'un sondage que nous avions effectué auprès d'entreprises moyennes canadiennes afin de déterminer leur attitude face au projet de fusion des banques. Nous avons sollicité l'avis de 655 entreprises. Nous avons obtenu un taux de réponses de 12 p. 100, et les conclusions de ce sondage sont résumées à la page 2 du bulletin, dont vous avez copie devant vous je crois.
Dans ce tableau de la page 2, vous avez remarqué que près des deux tiers des entreprises moyennes canadiennes qui ont répondu à notre sondage s'opposaient aux fusions. Cependant, si l'on part de l'hypothèse que le gouvernement fédéral allège les restrictions pour les banques étrangères établies au Canada ou hausse le plafond de 10 p. 100 pour la propriété des banques canadiennes, une nette majorité des répondants se disaient favorables aux fusions bancaires.
De toute évidence, les entreprises moyennes du Canada croient qu'il faut élargir le choix. Le secteur commercial du Canada que nous desservons accepterait les fusions si l'on élargissait la concurrence au même moment, et non si on la réduisait.
Au sujet des sources de croissance du capital à long terme au Canada, je ne parle pas ici du capital-actions mais des sources de crédit à long terme qui peuvent financer les ajouts d'immobilisations, les acquisitions, l'expansion des entreprises et les fonds de roulement. À notre avis, sur ce plan, les grandes banques canadiennes à charte sont des participantes actives mais intermittentes. Elles affirment que les prêts aux entreprises n'offrent pas un très bon rendement, et leurs activités ont tendance à diminuer en temps de récession ou lorsque les banques voient leurs mauvaises créances augmenter, par exemple dans l'immobilier ou dans les prêts aux pays moins développés.
Les grands fonds de pension canadiens ne prêtent pas beaucoup non plus à l'entreprise de manière générale, même s'il y a quelques exceptions où l'on soutient des intermédiaires financiers comme notre société à nous. Les grandes compagnies d'assurance canadiennes sont de plus en plus actives sur une base directe et indirecte, mais leurs activités se limitent essentiellement à ce que l'on appelle les prêts aux entreprises très solvables. Seule une petite partie de leur capital, qui constitue un pourcentage du total de leurs actifs, sert à l'achat de valeurs non cotées d'entreprises moyennes.
Pour ce qui est des prêts fondés sur les biens, comme vous l'ont appris les documents de recherche qui constituaient le rapport MacKay, les prêteurs sur biens ont augmenté considérablement leurs activités, et l'on songe ici à la Bank of America, à la Congress Financial, à la GE Capital, à la New Credit et d'autres, mais la plupart de ces capitaux sont consacrés à des prêts à court terme ou à des fonds de roulement, et ces institutions hésitent fortement à consentir des prêts à long terme ou à financer des dettes à terme.
Les banques de l'annexe 2 ont tendance à ne prêter qu'aux éléments du marché. La Banque de développement du Canada et la RoyNat sont plus actives, mais leurs activités se situent essentiellement aux premiers échelons du marché.
Si nous résumons l'état de la concurrence pour ce qui est du prêt des entreprises au Canada, nous ne pouvons que conclure, de notre point de vue, à partir de ce petit sondage rapide, que si les fusions sont approuvées, les entreprises moyennes d'aujourd'hui qui réussissent—et qui sont les grandes entreprises de demain—les entreprises qui sont le moteur de la croissance et de l'emploi, se retrouveront devant un choix considérablement réduit pour ce qui est de sources d'emprunt à court et à long termes.
Si l'on passe maintenant au rapport du groupe de travail, le rapport MacKay, on y trouve un certain nombre de recommandations visant à consolider la position des participants existants. Le groupe de travail a fait un certain nombre de recommandations qui visent à encourager l'établissement et la croissance de nouvelles institutions financières. Pour économiser le temps que nous avons, je signale qu'à la page du rapport que je vous ai remis, j'ai résumé les recommandations des rapports MacKay pour les nouvelles banques, particulièrement pour ce qui s'agit des dispositions relatives à la propriété, ainsi que les possibilités qu'auront les banques étrangères d'être plus actives au Canada.
• 1520
Nous sommes d'accord avec les recommandations du groupe de
travail qui visent à encourager la concurrence dans le secteur
bancaire. En particulier, nous croyons qu'il faut faire le maximum
pour encourager la création de nouvelles banques canadiennes. Dans
une large mesure, ce que nous souhaitons le plus, c'est une
solution canadienne qui encouragerait la concurrence de préférence
à la simple ouverture de notre marché aux banques étrangères.
Si on autorise les fusions bancaires, les petits fournisseurs régionaux de services financiers se trouveront favorisés. Mentionnons par exemple l'émergence des nouvelles banques communautaires en Californie: en 1997, la Californie a accordé 10 nouvelles chartes à des banques spécialisées dans la petites et nouvelles entreprises. À notre avis, cela confirme le potentiel qu'auraient au Canada de nouvelles banques et des fournisseurs de services financiers semblables, qui deviendraient des concurrents sélectifs.
La recommandation du groupe de travail qui permettrait à ces nouvelles banques d'être la propriété d'un petit nombre d'actionnaires ou d'avoir un seul propriétaire, ces banques ayant moins d'un milliard de dollars en fonds propres, et permettant un pourcentage de propriété allant jusqu'à 65 p. 100 pour les banques ayant des fonds propres se situant entre 1 et 5 milliards de dollars, les 35 p. 100 restants étant la propriété d'actionnaires en bourse, fera beaucoup pour élargir le choix de services financiers au Canada. Les entreprises de taille moyenne, ainsi que les petites entreprises, en seront particulièrement heureuses.
Cependant, si on permet la création de nouvelles banques, nous craignons qu'elles n'aient du mal à concurrencer les grandes banques, et peut-être les banques canadiennes fusionnées, pour ce qui est de réunir du capital-risque—et je parle ici des certificats de dépôt de plus de 60 000 $. Nous craignons que ces nouvelles banques n'aient du mal à faire concurrence si le coût du capital est plus élevé pour elles. Le coût du capital étant plus élevé, elles devront consentir des prêts à risques plus élevés, avec pour conséquence qu'elles risquent de radier un plus grand nombre de prêts.
Pour éviter cela, nous recommandons que les revenus d'intérêts des acheteurs de certificats de dépôt des nouvelles banques profitent de dégrèvements fiscaux limités. Nous proposons une structure où le revenu d'intérêt sur les certificats de dépôt émis par les nouvelles banques, qui correspondrait à une certaine partie des fonds propres, fasse l'objet de dégrèvements fiscaux limités, ce qui ressemblerait quelque peu à l'exonération dont profitent les obligations municipales aux États-Unis.
Plusieurs nouvelles banques canadiennes qui ont été ouvertes dans les années 70 et 80 ont fermé leurs portes ou ont fait faillite. Nous croyons que pour augmenter le taux de succès de ces nouvelles banques, particulièrement celles dont les fonds propres seront inférieurs à 100 millions de dollars, le ratio de levier—c'est-à-dire le ratio dette-fonds propres—de ces nouvelles banques soit augmenté graduellement jusqu'à un maximum de 20 pour 1 et soit fonction des normes relatives au profit réel et au rendement de l'investissement.
Si l'on veut réduire le risque de transactions intéressées, et améliorer la régie de ces nouvelles institutions financières, nous croyons fermement que leur conseil d'administration devrait être composé d'une majorité de personnes indépendantes de la direction ou de la clientèle—c'est-à-dire, les débiteurs—et que le président du conseil d'administration ne devrait pas être un cadre.
Enfin, nous recommandons au gouvernement de privatiser la Banque de développement du Canada. Pour économiser le temps que nous avons, je me contenterai de vous faire cette recommandation sans vous lire mon rapport en détail.
Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup à tous deux de votre coopération.
[Français]
J'accepterai seulement des questions de la part des députés, et des questions de 10 à 15 secondes. Nous allons poser toutes les questions à la suite et vous y répondrez ensuite. D'accord?
[Traduction]
Monsieur Epp, rien qu'une question, s'il vous plaît.
M. Ken Epp: Je vais vous obéir, et j'espère qu'ils vous obéiront aussi.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Veuillez poser une seule question qui appelle une seule réponse. Monsieur Lowenstein, vous passerez après. Chacun posera sa question, et je demanderai ensuite à chacun de conclure.
M. Ken Epp: Ma question est très simple. Vous dites que pour aider ces nouvelles banques, il faudrait créer des règles spéciales relativement à l'imposition des intérêts. Cela me semble plutôt discriminatoire. Ne vaudrait-il pas mieux augmenter la limite de la SADC, la Société d'assurance-dépôts du Canada, pour encourager ces institutions?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Epp.
Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers: Un simple commentaire. Je vous remercie de vos présentations, qui sauront certes enrichir le rapport qui sera déposé au cours des prochaines semaines.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Desrochers.
[Traduction]
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Le gouverneur de la Banque du Canada nous a mis en garde, dans une certaine mesure, en nous disant que l'élargissement de la concurrence pourrait conduire un plus grand nombre de banques à la faillite, et il ne faut pas perdre cela de vue. Le surintendant des institutions financières nous a également dit que si l'on élargissait la concurrence, il n'aurait pas pour le moment les ressources voulues pour s'acquitter pleinement de sa mission; autrement dit, il faudrait augmenter les ressources du surintendant.
La stabilité et la sécurité de notre système bancaire sont l'un des plus grands atouts du Canada. L'élargissement de la concurrence compromettra-t-il cette stabilité?
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Szabo. Monsieur Valeri.
[Traduction]
M. Tony Valeri: Corrigez-moi si j'ai tort. J'ai l'impression que vous n'êtes pas d'accord tous les deux. Monsieur Lowenstein, vous dites essentiellement que les fusions bancaires ou les consolidations dans l'industrie bancaire sont une bonne idée. Monsieur Wisenthal, vous dites qu'à votre avis, il n'existe pas d'autorité réglementaire qui puisse permettre cela à l'échelle internationale, et que si les banques demeurent actives sur le plan international, nous pourrions avoir des difficultés. Je me demande comment vous pouvez défendre cette position.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Je vous donne à chacun deux minutes. Qui veut commencer?
M. William Wisenthal: Je m'interroge tout simplement sur la capacité de l'organisme de réglementation d'exercer son autorité. Pour que les banques fusionnent ou non, ou comme l'a dit notre témoin, si l'on permet à de nouvelles banques de venir s'implanter ici et que si la concurrence est intensifiée, j'ai cru que le surintendant a dit ne pas avoir les effectifs suffisants pour faire son travail.
Que les banques fusionnent ou non, je doute que le surintendant des institutions financières ait la capacité de faire son travail de surveillance, surtout avec la composante internationale... Je ne veux pas parler de semi-compétence. Qu'est-ce qui empêcherait une banque comme la Barings ou des gens très habiles de New York de s'adonner à des mouvements de capitaux à long terme?
La technologie étant ce qu'elle est, avec les fluctuations des devises et l'instabilité internationale que nous connaissons actuellement, je me demande s'il ne serait pas opportun de grossir les effectifs du bureau du surintendant des institutions financières après en avoir analysé la capacité. Certains banquiers devraient peut-être être détachés au bureau du surintendant des institutions financières pendant deux ou trois ans, à plus ou moins long terme, pour lui prêter main forte. Voilà où je veux en venir. Je ne suis pas vraiment un fervent des fusions mais ce n'est pas mon cheval de bataille.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Wisenthal.
Monsieur Lowenstein.
M. Paul Lowenstein: Je ne suis favorable aux fusions que si elles doivent intensifier la concurrence. Je pense que cela ressort clairement de mon rapport.
Je ne doute absolument pas que les organismes de réglementation seront capables de surveiller comme il se doit les nouvelles banques. De toute façon, elles ne seront pas très nombreuses. Au cours des dernières années, plusieurs nouvelles banques sont venues s'installer ici et le BSIF n'a jamais laissé entendre qu'il n'avait pas l'infrastructure ou la capacité de le surveiller.
Monsieur Epp, relever la limite de 60 000 $, comme vous le suggérez, serait une solution viable.
Je pense avoir répondu aux questions. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Dans ce cas, au nom de mes collègues, me tiens à vous remercier de votre compréhension et de votre patience.
[Français]
Nous allons ajourner pendant deux minutes pour permettre à nos prochains invités de prendre leur place. Veuillez demeurer ici, s'il vous plaît, chers collègues.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous reprenons après une courte pause.
Conformément au mandat qui lui est conféré par le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité reprend son étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à la Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires spécialisés. Nous avons parmi nous M. Gérald Larose, qui va agir comme porte-parole de l'ensemble de cette coalition. Nous allons laisser de 10 à 15 minutes au porte-parole d'Option Consommateurs, M. Jacques St-Amant, ainsi qu'à M. Serge Cadieux, porte-parole du Syndicat de la Banque Laurentienne. Nous accorderons ensuite de cinq à huit minutes aux autres invités, ce qui devrait laisser une heure à une heure et demie pour le dialogue avec les députés.
Je cède immédiatement la parole à M. Larose, à qui je souhaite la bienvenue.
M. Gérald Larose (président, Confédération des syndicats nationaux; porte-parole, Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Merci, monsieur le président.
• 1535
Le débat qui est le vôtre est un débat de société et,
dans le nouveau contexte économique, est certainement
un de ceux qui comportent des enjeux majeurs pour les
groupes que nous représentons.
Comme vous le disiez, nous sommes une coalition québécoise qui regroupe 25 organisations syndicales, communautaires, populaires et de consommateurs, et divers groupes de la société québécoise. Nous avons convenu avec vous de faire une présentation qui devrait durer entre trois quarts d'heure et une heure et de consacrer le reste de la période à un débat avec les députés.
Je voudrais tout de suite vous présenter ceux des membres de la coalition qui m'accompagnent pour vous faire cette présentation. Ce sont M. Jacques St-Amant, d'Option Consommateurs; Mme Nicole Jetté, du Front commun des personnes assistées sociales du Québec; M. Claude Faucher, de la Centrale des syndicats démocratiques; M. Jacques Proulx, de Solidarité rurale; et M. Gilles Fournier, de l'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées. Il y a également M. Serge Cadieux, qui est conseiller syndical à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; Mme Claude Grenier, la présidente du groupe syndical de la Banque Laurentienne; M. Laurent Pellerin, de l'Union des producteurs agricoles; M. Gary Saxe, du Projet Genèse, représentant les groupes culturels; Mme Thérèse Hurteau-Farinas, de la Fédération des femmes du Québec; et M. Alexis Boyer-Lafontaine, porte-parole des étudiants.
Je voudrais, afin de vous donner une meilleure idée de la coalition nous représentons, demander à ceux qui nous accompagnent ici de se présenter. Cela complétera le tableau de tous ceux qui se préoccupent de la question débattue aujourd'hui. Je demanderais donc aux gens de bien vouloir se présenter.
M. Henri Gervais (secrétaire général, Forum des citoyens aînés de Montréal): Henri Gervais, secrétaire général du Forum des citoyens aînés de Montréal.
M. Daniel Lachance (vice-président, Centrale de l'enseignement du Québec): Daniel Lachance, vice-président de la Centrale de l'enseignement du Québec.
M. François Legault (président, Fédération de l'âge d'or du Québec): François Legault, président de la Fédération de l'âge d'or du Québec.
M. Roger Lagacé (président, AQDR de la région de Montréal): Roger Lagacé, président de l'AQDR de Montréal-Nord. Je suis aussi délégué de l'AQDR de la région de Montréal.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Que signifie AQDR?
M. Gérald Larose: L'Association québécoise de défense des droits des retraités et préretraités.
M. Jean Lortie (Fédération du commerce, Confédération des syndicats nationaux): Jean Lortie, de la Fédération du commerce de la CSN.
Mme Marie-Danielle Lapointe (secrétaire générale, Conseil des travailleurs et travailleuses du Montréal métropolitain (CTM-FTQ)): Marie-Danielle Lapointe, secrétaire générale de l'instance FTQ de la région de Montréal.
M. Phil Lamoureux (Regroupement des syndicalistes à la retraite): Phil Lamoureux, du Regroupement des syndicalistes à la retraite.
M. Roland Meunier (coordonnateur de la région de Montréal, Centrale des syndicats démocratiques): Roland Meunier, coordonnateur de la région de Montréal pour la Centrale des syndicats démocratiques.
M. Normand Guimond (conseiller syndical, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec): Normand Guimond, conseiller syndical à la FTQ.
M. Charles Cantin (directeur général adjoint, Union des producteurs agricoles du Québec): Charles Cantin, directeur général adjoint de l'Union des producteurs agricoles.
M. Michel Lessard (trésorier, Confédération des syndicats nationaux): Michel Lessard, trésorier de la CSN.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Combien votre coalition représente-t-elle de de Québécois et de Québécoises?
M. Gérald Larose: On dépasse certainement le million. À partir du moment où on réunit l'ensemble du mouvement syndical...
Le vice-président: Merci.
M. Gérald Larose: Il est clair que la réalité de la «financiarisation» de l'économie pose des problèmes importants à notre société et à l'ensemble des groupes que nous représentons. Cependant, la restructuration du secteur bancaire telle que proposée par les banques elles-mêmes pose encore plus d'interrogations, notamment en regard de la mondialisation et des contrôles nationaux sur cette activité importante pour la société.
• 1540
Ce sont également des questions qui peuvent opposer
l'intérêt des épargnants à l'intérêt des actionnaires.
Ce sont aussi des questions qui nous sont posées en
regard des services dus à la population par le secteur
bancaire, de même que des services dus à différentes
régions, plus particulièrement celles qui sont un peu
plus périphériques. Mais beaucoup des questions
tournent autour de l'emploi et du sort de l'emploi
à la suite d'une restructuration aussi
importante.
Nous voudrions donc, en premier lieu, demander au porte-parole d'Option Consommateurs, M. Jacques St-Amant, de nous proposer l'analyse de ce rapport en regard des services bancaires personnalisés.
Ensuite, M. Serge Cadieux nous présentera la déclaration commune qui a fait consensus dans l'ensemble des organisations, et ensuite chacun des groupes—étudiants, personnes assistées sociales, personnes âgées, monde rural, communautés culturelles, les femmes, les producteurs agricoles et les autres organisations syndicales—fera le point sur la même proposition.
Le débat sera coordonné ici par M. Michel Lessard qui va immédiatement prendre ma place pour la poursuite des travaux. Je demanderais d'abord à M. Jacques St-Amant de nous faire sa présentation.
M. Jacques St-Amant (analyste, Option consommateurs; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Merci, monsieur Larose. Monsieur le président et messieurs les députés, nous constatons que les banquiers préfèrent l'autoroute électronique. On peut les comprendre. Le problème, c'est qu'ils laissent tomber des millions de Canadiens. Ces citoyens ne parviennent pas actuellement à ouvrir un compte ou à obtenir des services qui correspondent à leurs besoins fondamentaux.
Le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien a brossé un tableau assez juste des grandes tendances qui mènent à ces résultats. Nous en reprendrons d'abord quelques éléments. Mais il s'agit d'un domaine où les choses évoluent très vite et nous souhaitons aussi vous faire part de certaines données recueillies lors de nos expériences sur le terrain et de certaines recherches que nous avons pu mener au cours des derniers mois et des dernières années.
Le groupe de travail a formulé des recommandations dans les secteurs qui nous intéressent. Si nous en partageons généralement les orientations, nous sommes cependant d'avis qu'il faut renforcer la teneur des solutions qui ont été mises de l'avant par le groupe de travail. Donc, ce que je vous présente, c'est un peu un prélude à nos propres recommandations.
Il faut préciser ici que nous allons mettre l'accent sur les services courants, les services de dépôt, notamment les services usuels de paiement. Notre propos est simple; il faut que les gens puissent ouvrir un compte dans une institution, il faut qu'ils puissent obtenir des services adéquats et il faut que ces services soient compréhensibles et abordables.
Voici d'abord un portrait rapide des grandes tendances, dont certaines ont un impact direct sur les relations entre les institutions financières et les consommateurs canadiens et dont les effets, dans certains cas, nous inquiètent.
D'abord, il y a deux phénomènes qui transforment profondément les services qui nous sont offerts: la désintermédiation et l'essor de la télématique. La désintermédiation fait en sorte que les institutions cherchent de plus en plus à augmenter leurs revenus autres que les intérêts et mettent par conséquent l'accent sur une nouvelle gamme de services à valeur ajoutée autres que les services courants. Elles ont aussi tendance, dans certains cas, à augmenter les frais de service des opérations courantes. La désintermédiation a aussi cet effet que la part d'épargne des ménages qui est déposée dans un simple compte de banque diminue depuis quelques années, ce qui fait que les banques sont moins tentées de garder des succursales dans les quartiers et dans les régions.
Or, la télématique leur permet techniquement de remplacer de plus en plus ces succursales par des guichets automatiques ou par Internet, par exemple. Elle permet aussi, en principe, d'atténuer certains obstacles commerciaux à leur entrée sur le marché.
Tout cela a pour résultat que les banques se retirent, sont moins intéressées à offrir des services courants. Nous allons voir plus tard quelles conséquences cela peut avoir.
Le groupe de travail fait le pari, par ailleurs, que la concurrence va s'accroître sur le marché financier, ce que je souhaite. Il est toutefois conscient que, dans cette jungle, tous ne sont pas armés également. Il met donc aussi l'accent sur des mesures visant à protéger les intérêts des collectivités et des consommateurs. Donc, le groupe de travail se veut fondamentalement optimiste et constructif.
• 1545
Cependant, nous qui travaillons tous les jours sur le
terrain sentons le besoin de vous rappeler que,
si on ne prend pas de précautions particulières,
l'évolution proposée par le groupe de travail pourrait
faire carrément des millions d'exclus, de marginaux.
C'est un drame qu'on constate déjà à Montréal et
ailleurs. Il faut non seulement éviter que la
situation s'aggrave, mais aussi chercher à améliorer les
choses.
Il s'agit donc, dans un premier temps, de s'assurer que tous pourront avoir accès aux services bancaires personnalisés de base parce qu'ils sont essentiels. Si on n'a pas un compte, la vie est assez difficile. On reçoit habituellement son revenu sous forme de chèque ou de dépôt électronique. On doit tous les jours faire des paiements, dont certains sont trop importants pour être faits commodément en argent comptant. Si on ne détient pas un compte dans une institution, le gouvernement, par exemple, ne pourra pas nous verser une prestation électronique malgré les avantages que cela peut comporter. Il va faire un chèque que le citoyen devra toucher quelque part. Si ce dernier est très, très chanceux, même s'il n'a pas de compte, il trouvera une banque ou une caisse qui va accepter de simplement changer son chèque.
Hors du Québec, il pourra peut-être se tourner vers une chaîne comme Money Mart, Insta-Chèques, moyennant des frais équivalant à 2,9 p. 100 de la valeur du chèque, ce qui est considérable, plus une somme forfaitaire. Le prestataire pourra aussi se tourner vers le dépanneur ou son propriétaire. Bref, il devra avoir affaire à des réseaux parallèles, des réseaux marginaux, qui sont dans tous les cas coûteux.
Les citoyens canadiens sont conscients de l'importance de cette question. Selon un sondage Ekos réalisé pour le groupe de travail, 85 p. 100 des Canadiens sont d'avis qu'il est très important ou essentiel que toute personne dispose d'un compte dans une institution financière. Selon le même sondage, 55 p. 100 des Canadiens sont d'avis qu'il appartient conjointement aux institutions financières et au gouvernement d'y voir. Or, il est grandement temps d'y voir. Le groupe de travail rappelle dans son rapport qu'il y a plus de 600 000 Canadiens adultes qui n'ont pas de compte de banque. C'est 3 p. 100 des Canadiens; c'est 8 p. 100 des personnes vivant dans un ménage dont le revenu annuel est inférieur à 25 000 $. Donc, il y a une concentration du problème, entre autres au niveau des personnes à faible revenu.
Depuis déjà quelques années, des organismes communautaires, dont Option Consommateurs, collaborent avec les institutions financières, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec pour essayer de mettre fin à cette situation, pour rechercher des solutions.
Encore en 1996, dans une étude que nous avions faite, nous constations que les politiques bancaires en matière d'identification étaient à l'époque le principal obstacle à l'ouverture d'un compte. Cela a mené à l'entente de février 1997, que vous connaissez sans doute, entre le ministère des Finances du Canada et l'Association des banquiers canadiens, entente qui venait principalement encadrer cette question de l'identification et mettre des balises à ce que les banques pouvaient exiger.
Le groupe de travail, dans son rapport, met aussi l'accent sur ces problèmes-là. Cependant, de nouvelles données doivent être prises en compte, dont le groupe de travail n'a pas pu prendre connaissance et qu'il n'a pas eu le temps d'analyser.
Déjà, en novembre 1997, Option Consommateurs réalisait une petite étude à Montréal, histoire de voir après quelques mois comment était mise en oeuvre l'entente entre l'ABC et le ministère des Finances. On constatait à l'époque que cette entente était peu respectée. Surtout, nous notions l'émergence de nouveaux obstacles à l'ouverture d'un compte, notamment la prise de rendez-vous et la multiplication des enquêtes de crédit.
Au cours du printemps et de l'été 1998, la firme A.C. Nielsen a à son tour réalisé une enquête d'envergure sur l'application de l'entente de 1997, cette fois pour le compte de l'Association des banquiers canadiens. Dans la première phase de cette étude, les enquêteurs ont tenté d'ouvrir 179 comptes dans des localités dispersées d'un océan à l'autre au Canada en présentant essentiellement les pièces permises par l'entente. Dans 41 p. 100 des cas, ils ont été incapables d'ouvrir un compte à cause de problèmes d'identification, notamment, mais aussi pour d'autres raisons dans beaucoup de cas. Ces résultats ont été publiés par l'ABC le 28 août dernier.
Dans le cadre d'une autre étude qui a été publiée tout récemment dans le magazine Consommation et dont j'ai remis des copies au greffier, qui pourra vous les distribuer, nous avons examiné les frais bancaires, mais nous avons aussi profité de l'occasion pour voir ce qui se passait à Montréal au plan de l'ouverture de comptes dans des institutions financières. Nous en avons visité 36: sept banques, quatre succursales par banque, quatre caisses populaires et une société de fiducie. Dans plus de la moitié des succursales bancaires, une personne munie des pièces dont il est fait mention dans l'entente avec le ministère des Finances aurait été incapable d'ouvrir rapidement un compte, ou bien parce qu'il y avait des exigences trop élevées en matière d'identification—entre autres, on demandait souvent une carte avec photo—ou bien parce qu'on exigeait, dans beaucoup de cas, une enquête de crédit.
• 1550
À la mi-octobre, il y a à peine deux semaines,
pour avoir un aperçu de la situation ailleurs, nous
avons aussi contacté par téléphone 40 succursales de
banques et de credit unions à Toronto et à
Vancouver.
Là encore, on enfreint allégrement, régulièrement,
constamment l'entente de février 1997.
À Toronto, par exemple, on a exigé une carte avec photo dans 18 succursales sur 20, c'est-à-dire dans 90 p. 100 des cas. On a suggéré à nos enquêteurs qui disaient détenir un chèque d'aide sociale de s'adresser à la Banque de Montréal à Toronto. C'est la Banque de Montréal à Toronto qui émet ces chèques. Donc, dans 9 des 14 succursales bancaires autres que celles de la Banque de Montréal qu'on a visitées, les gens nous ont dit: «Non, nous n'encaissons pas ces chèques. Allez à la Banque de Montréal.»
Ces comportements ont des conséquences pour les consommateurs, pour les citoyens. Pour les personnes peu mobiles, par exemple, les personnes en mauvaise santé, les personnes âgées, les personnes qui ont des enfants en bas âge, il est difficile et parfois coûteux de se rendre deux ou trois fois à une succursale pour ouvrir un compte, parce qu'on leur fixe un rendez-vous dans trois jours ou la semaine suivante.
Autre aberration: nous avons constaté qu'une succursale de la Banque Nationale à Montréal exigeait d'une personne qu'elle ait une carte de crédit pour ouvrir un compte: pas de carte de crédit, pas d'ouverture de compte. C'est aussi simple que cela.
Nous avons vu tout récemment une caisse populaire à Montréal refuser d'ouvrir des comptes à un homme qui avait fait faillite en 1995, qui était donc libéré, et à sa fille mineure. C'est un failli, un risque, et on n'en veut pas.
Bref, en pratique, sur le terrain, la situation empire. Près de deux ans après son adoption, l'entente entre le ministère des Finances et les banquiers s'avère un échec. L'autodiscipline ne fonctionne pas en pratique.
Alors que les informations dont disposait le groupe de travail, lorsqu'il a rédigé ses recommandations, mettait surtout l'accent sur les problèmes d'identification, l'enquête de l'ABC et les nôtres indiquent que les obstacles à l'accès se multiplient. Incidemment, et bien que le groupe de travail n'en ait pratiquement pas parlé, il faut compter parmi ces obstacles les politiques de gel de fonds et de dépôt minimum qui sont imposées par diverses institutions financières.
Assez curieusement, aussi, les différentes études qui ont été faites indiquent qu'il y a des différences régionales. Il y a certains obstacles qu'on trouve à Montréal, par exemple, qu'on constate moins à Toronto ou Vancouver, et inversement.
Il est intéressant de noter que le gouvernement fédéral vient tout juste de modifier les exigences réglementaires en matière d'identification qui sont liées au recyclage des produits de la criminalité, au blanchiment d'argent. Or, la réglementation qui entre en vigueur le 16 octobre requiert qu'une personne qui veut ouvrir un compte présente une seule pièce d'identité. Alors, le gouvernement ne semble pas d'avis qu'il y a un problème sérieux et qu'il faille deux, trois ou quatre pièces, des photos et ainsi de suite.
Un autre phénomène complique l'accès aux services bancaires, mais il y a aussi d'autres conséquences. Ce sont les fermetures de succursales qui se multiplient. Le groupe de travail aborde sérieusement ces questions et il paraît malheureusement s'être résigné aux fermetures, mais nous ne partageons pas son point de vue.
L'île de Montréal, par exemple, a perdu environ 200 succursales bancaires depuis 1977, soit près du tiers des succursales bancaires qu'il y avait sur l'île. La population, elle, n'a pas diminué ou à peu près pas. Dans un quartier défavorisé comme Hochelaga—Maisonneuve, 16 des 20 succursales bancaires ont fermé dans la même période: 80 p. 100 du réseau a disparu. Les consommateurs ont évidemment moins de choix.
Des données qui ont été fournies au groupe de travail et qui proviennent des États-Unis indiquent cependant que les gens s'adressent de préférence à une institution qui est située près de chez eux. Dans Hochelaga—Maisonneuve, par exemple, cela se traduit par une très forte adhésion des résidants au Mouvement Desjardins. Il y avait huit points de service Desjardins il y a 20 ans; il y en a encore huit, et au-delà des trois quarts de la population du quartier est membre d'une caisse.
Hors du Québec, cependant, la situation est souvent moins rose parce que le mouvement coopératif est, dans bien des cas, moins accessible. Les fermetures de succursales en milieu rural et dans les quartiers défavorisés ne sont pourtant pas moins nombreuses. Accessoirement, on peut déplorer que le groupe de travail ait relativement peu mis l'accent sur la situation dans les régions rurales.
Ces fermetures de succursales font aussi en sorte qu'il est beaucoup plus difficile pour les consommateurs d'avoir accès aux services dont ils ont besoin. Là-dessus, les institutions financières vont nous dire: «Oui, mais il n'y a pas de problème. Les gens peuvent utiliser les guichets automatiques et les autres réseaux électroniques.» La réalité n'est pas si simple. Le sondage Ekos réalisé pour le groupe de travail révèle que 13 p. 100 des Canadiens n'utilisent jamais leur carte de guichet automatique, proportion qui atteint 38 p. 100 chez les personnes âgées.
Au Québec, la situation est encore plus inquiétante. Un sondage CROP réalisé pour Option Consommateurs en février dernier, avec un échantillonnage de 1 000 personnes, indique que 23 p. 100 des consommateurs ne vont jamais au guichet, proportion qui grimpe à 27 p. 100 hors de Montréal et Québec, à 39 p. 100 dans les ménages à faible revenu, à 53 p. 100 chez les personnes de 55 ans et plus, et à 60 p. 100 chez les gens peu scolarisés. Il y a une énorme bassin de gens qui n'utilisent pas les services électroniques, et qui utilisent évidemment encore moins les services téléphoniques ou par Internet et le guichet automatique. Toutes ces personnes ont besoin de services personnalisés fournis en succursale.
• 1555
Pour expliquer le fait qu'il se résigne
aux fermetures de succursales, le
groupe de travail invoque notamment que les
transactions en succursale sont de moins en moins
nombreuses et représentent un part décroissante des
transactions de détail. Cependant, c'est un argument
trompeur. En fait, le total des transactions augmente
parce qu'on inclut maintenant les transactions au
guichet automatique, par exemple, alors que le nombre
de transactions au comptoir, lui, diminue très
lentement. Il y a d'ailleurs quelques données
disponibles qui l'indiquent, et il y a aussi des
données dans le sondage Ekos du groupe de travail
et dans notre sondage CROP qui démontrent que les gens
vont encore régulièrement en succursale et veulent
continuer à y aller.
À l'égard des services, je vous dirai simplement quelques mots. Notre enquête, qui est publiée dans le magazine, révèle premièrement qu'ils sont extrêmement compliqués. Même les sièges sociaux régionaux des banques ont eu toute la misère du monde à calculer combien coûteraient à des consommateurs des franchises données en termes de frais mensuels. À cet égard, les recommandations du groupe de travail concernant la lisibilité des contrats devraient être étendues aux grilles tarifaires.
Les grilles tarifaires incitent aussi de plus en plus les consommateurs à opter pour les transactions électroniques. Bref, les gens qui veulent faire des transactions courantes au comptoir paient plus cher que les autres, mais il est fort probable également, malgré le peu de données qu'on a, que les transactions électroniques sont des sources de revenu très importantes pour les institutions financières.
Le groupe de travail mise beaucoup sur l'augmentation de la concurrence et compte notamment sur l'apparition de nouvelles institutions financières qui offriront une plus large gamme de services. On ne sait pas si ces institutions apparaîtront vraiment, et on sait encore moins si elles iront s'installer dans les quartiers et les petits villages d'où les grandes banques sont parties. Il n'est pas du tout évident que cela va régler les problèmes qu'ont les gens présentement.
Si on veut s'assurer que tous les Canadiens puissent obtenir les services bancaires de base dont ils ont besoin, il faudra établir des règles, qui n'existent pas—on constate que cela cause des problèmes—des règles que toutes les institutions importantes devront respecter. Dans ce domaine, l'autodiscipline ne peut suffire. C'est la raison pour laquelle nous avons formulé trois grandes recommandations que M. Cadieux va maintenant vous présenter de manière plus précise.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur St-Amant. Monsieur Cadieux, s'il vous plaît.
M. Serge Cadieux (syndicat de la Banque Laurentienne, FTQ; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Merci, monsieur le président. Je vais poursuivre.
M. St-Amant a décrit la situation de façon générale. La coalition s'est attardée à trois revendications précises en ce qui concerne l'accès aux services bancaires personnalisés et a analysé le rapport du groupe de travail en fonction de ces trois éléments.
Premièrement, un document a été donné au greffier, dans lequel on trouve la déclaration sur laquelle la coalition s'entend. Je vous fais lecture des considérants et je reprendrai ensuite chacun des éléments en apportant des arguments supplémentaires.
On dit à la première page de la déclaration:
J'attire dès le départ l'attention des députés sur ce point-là. Le système bancaire canadien, avec la loi qui l'encadre depuis le début, a toujours été considéré comme un service à caractère public. La loi protège les banques contre les investissements étrangers et il y a des privilèges qui sont accordés aux banques pour assurer leur santé financière, mais en échange, ces dernières doivent servir la population en général, et pas uniquement un groupe d'individus privilégiés dans la société.
Je rappelle aux groupes ici présents que le capital d'une banque à charte est constitué à 95 p. 100 des économies des Canadiens et des Canadiennes et des entreprises canadiennes, et uniquement à 5 p. 100 de l'argent des actionnaires.
Donc, il est important que le groupe de travail s'attarde aux questions qui touchent directement la population canadienne: les gens ordinaires, la classe moyenne et les gens qui ont à transiger quotidiennement avec les institutions financières.
• 1600
Voici les deuxième et troisième considérants:
M. St-Amant en a parlé dans sa présentation. Il y a évidemment une série de mesures qui sont actuellement adoptées par les banques pour forcer les consommateurs à utiliser les réseaux électroniques. Faire des transactions quand on se présente dans une succursale bancaire, avec un caissier, coûte beaucoup plus cher que faire des transactions au guichet automatique. Donc, les banques encouragent les clients à se diriger vers le réseau électronique. Il y a aussi plusieurs autres mesures qui sont prises: fermeture de succursales, réduction dramatique des heures d'ouverture, etc. Je donne l'exemple de la Banque Laurentienne dont les succursales sont ouvertes entre 11 heures et 14 heures du mardi au vendredi, à l'exclusion du jeudi. Cela n'incite pas les gens à aller en succursale. Il est de plus en plus difficile d'avoir accès à une succursale pour faire une transaction.
Pourtant, comme on va le voir, il y a des sondages d'opinion publique qui ne mentent pas: la population canadienne veut que le choix soit maintenu. On n'est pas contre l'accès à un guichet automatique, mais il faut avoir le choix. Il y a des gens qui préfèrent aller au guichet, d'autres qui préfèrent aller en succursale, et encore d'autres qui utilisent les deux. Comme M. St-Amant l'a signalé, selon un sondage effectué en 1992, il y a encore 23 p. 100 de la population qui n'a même pas de carte de guichet automatique. C'est un phénomène dont les banques ne se soucient pas.
[Traduction]
M. Ken Epp: J'invoque le règlement, monsieur le président.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Allez-y, monsieur Epp.
M. Ken Epp: C'est à regret que je dis ceci, car les médias sont toujours bienvenus ici. Je pense qu'il serait raisonnable toutefois de leur demander de ne pas orienter leurs caméras sur les notes que nous prenons. Merci.
Une voix: Je ne copie pas de notes. Je ne peux pas rien du tout.
M. Ken Epp: J'ai constaté que vous le regardiez. Abstenez-vous de faire cela, d'accord?
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Continuez, s'il vous plaît, monsieur Cadieux.
M. Serge Cadieux: J'attire l'attention des membres du comité sur le dernier considérant.
Ensuite nous faisons des demandes précises. Nous recommandons que trois mesures législatives soient prises. La première, c'est une mesure obligeant les banques à assurer à toute personne qui le requiert légitimement la possibilité d'ouvrir un compte, y compris des mesures encadrant les exigences en matière d'identification et les autres obstacles à l'accès aux services bancaires de base.
Comme M. St-Amant l'a souligné dans sa présentation, pour avoir accès à des services bancaires personnalisés, il faut d'abord avoir accès à une banque, à un compte bancaire. Le groupe de travail a constaté qu'il y avait effectivement un problème, car 600 000 Canadiens, soit 3 p. 100 de la population adulte, n'ont pas de compte bancaire. Il est de plus en plus difficile d'ouvrir un compte. Cela a même nécessité l'intervention du ministre des Finances, qui a conclu une entente avec l'Association des banquiers canadiens en février 1997 pour établir les cartes d'identité qu'on peut demander à une personne lorsqu'elle souhaite ouvrir un compte.
L'entente de février, qui avait été acceptée par les banques, précisait que deux cartes d'identité suffisaient pour ouvrir un compte. On constate que déjà, cette entente-là n'est pas respectée. Elle n'est pas respectée et, en plus du problème d'identification, les banques ajoutent des obstacles supplémentaires qui font en sorte que les gens sont loin d'avoir un meilleur accès à un compte bancaire. Au contraire, cela est de plus en plus difficile.
• 1605
M. St-Amant a dit qu'entre autres, on exige parfois
maintenant que la personne
soit locataire ou qu'elle en fasse la preuve en
produisant
un bail. On ajoute des exigences de rendez-vous.
On n'ouvre pas un compte à quelqu'un quand il se présente à la
succursale. On lui donne rendez-vous deux
ou trois jours plus tard. On
demande une carte d'identité avec photo
dans plusieurs cas. Tout cela
est contraire aux recommandations et
à l'entente de février.
Nous constatons que les banques ne sont pas capables de se discipliner sur cette question-là et qu'il est du devoir du législateur d'intervenir et de préciser que les banques doivent ouvrir un compte de banque à tout citoyen qui le désire sur la simple production de deux cartes d'identité, comme il avait été prévu dans l'entente de février. On a vu encore une fois, lors de la dernière enquête d'Option Consommateurs, que les banques ne se disciplinaient pas sur cette question-là.
À partir du moment où tous seront capables d'avoir un compte bancaire et d'avoir accès à une succursale bancaire, la deuxième mesure législative à prendre aura pour but d'assurer à toute personne l'accès à des services bancaires personnalisés, à une distance raisonnable de son domicile, et de contrôler la légitimité de fermetures de succursales, en établissant notamment: une procédure de justification, encadrée par un mécanisme impartial de consultation publique qui donne la parole aux personnes représentant les communautés touchées, qui s'applique lorsqu'une banque veut fermer une succursale et qui soit accompagné de sanctions, y compris l'établissement d'une compensation pour ces communautés, le cas échéant; un mécanisme d'évaluation de la qualité des services offerts par les banques à la population, qui jouerait notamment un rôle à l'occasion d'opérations comme des fusions de banques; finalement, des règles relatives aux heures d'ouverture minimales des banques, durant lesquelles sont offerts des services au comptoir.
C'est vraiment au coeur de nos préoccupations. On constate que, de plus en plus, il y a fermeture de succursales et diminution des heures pendant lesquelles on peut transiger avec des caissiers humains. De plus en plus, les banques ne veulent plus donner à la population un service transactionnel de base.
Il y a des chiffres intéressants à cet égard. Le sondage de février 1998 fait pour le compte d'Option Consommateurs et le sondage CROP démontrent, ce qui est extrêmement important, que 75 p. 100 de la population effectue encore des transactions dans une succursale bancaire presque une fois par semaine, soit 3,5 fois par mois, exactement comme il y a environ 20 ans.
Les banquiers disent qu'il devient de moins en moins nécessaire d'avoir des succursales bancaires pour des transactions courantes parce que les gens utilisent de plus en plus les moyens électroniques, mais il y a une donnée trompeuse là-dedans. Lorsqu'on parle de transactions électroniques, on inclut les transactions de type Interac. L'enquête d'Option Consommateurs a pu constater qu'il y a 20 ans, lorsqu'un citoyen se présentait à la banque pour changer son chèque de paie, il retirait 200 $, histoire de passer la semaine, de payer son épicerie, etc., et il déposait le reste dans son compte bancaire.
Aujourd'hui, que fait le consommateur? Il va encore dans sa succursale bancaire une fois par semaine, mais au lieu de retirer 200 $ de son compte, il en retire 50 $. Il fait son épicerie avec une carte-débit Interac et il paie différentes choses avec sa carte de crédit ou sa carte Interac.
• 1610
C'est vrai
que les Canadiens utilisent de plus en plus
des modes alternatifs de paiement, où ils n'ont pas besoin
d'utiliser du numéraire, mais on est aussi
obligé de constater que le Canadien va
encore en succursale pour faire des transactions avec
un caissier humain. Il y a une
statistique intéressante qui a été publiée dans
le rapport annuel de 1997 du Canada Trust,
que vous trouverez à la page 5 du document qu'on
vous a remis. Dans le haut de la page, on voit
l'évolution des transactions au comptoir électronique
au cours des années 1995 à 1997.
On peut constater que dans le cas des transactions au comptoir, c'est-à-dire quand un client se rend à sa succursale et fait une transaction avec un caissier humain, en 1997, il y a eu une réduction de seulement 4 p. 100 comparativement à 1996, de 3 p. 100 comparativement à 1995 et de 2 p. 100 comparativement à 1994. Pourtant, on constate que l'augmentation du nombre de transactions par réseau électronique est fabuleuse. En 1995, il y a eu 49 p. 100 de transactions électroniques de plus que l'année précédente, 49 p. 100 en 1996 et 36 p. 100 en 1997. En bas, on voit que le total des transactions, au comptoir et électroniques, a augmenté, mais il n'y a pas de baisse significative des transactions effectuées au comptoir. Donc, il y a encore un besoin réel dans la population à cet égard.
Quand on dit que la population souhaite pouvoir continuer de transiger avec des caissiers humains, dans des succursales qui lui sont accessibles, à proximité du domicile et dont les heures d'ouverture sont raisonnables, ce n'est pas une demande farfelue. Ce n'est pas artificiel. Il ne s'agit pas de maintenir une structure en place pour le simple plaisir de maintenir une structure. Il y a un besoin réel. Le comportement des citoyens canadiens le démontre.
Finalement, on souhaite que le comité se penche sur les frais bancaires. On demande qu'il y ait des mesures législatives assurant un plus haut niveau de transparence quant aux frais bancaires, un traitement équitable pour les consommateurs qui choisissent de faire des opérations au comptoir, ainsi que l'examen périodique des frais bancaires par les autorités.
À cet égard, c'est le free-for-all total. Toutes les institutions financières ont des frais différents. Il n'y a même pas une institution financière qui soit capable de dire à un citoyen quel est le compte le mieux adapté à sa situation en ce qui concerne les frais. Donc, il nous apparaît fondamental que des mesures législatives encadrent tout l'aspect des frais bancaires. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Cadieux. Je demanderai maintenant à M. Boyer-Lafontaine, le représentant des étudiants, de faire sa présentation. Vous avez cinq minutes, monsieur Boyer.
M. Alexis Boyer-Lafontaine (Fédération étudiante universitaire du Québec; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Merci, monsieur le président. Merci, messieurs les députés. Essentiellement, je voudrais vous dire deux choses.
Premièrement, je voudrais vous dire pourquoi on fait partie de la coalition. On fait partie de la coalition parce qu'on est des citoyens et que ce sont des problèmes que la population vit. On fait aussi partie de la coalition à cause du lien qui existe entre l'aide financière et les institutions financières.
Il y a trois problèmes que j'aimerais mettre en évidence pour les membres du comité, des problèmes que nous, étudiants, vivons en lien avec les institutions financières. J'aimerais vous dire à quel point cette réflexion sur l'avenir du secteur financier qu'on essaie d'amorcer et de mettre sur la place publique nous touche aussi comme étudiants.
Le premier problème est un problème étudiant. C'est un problème qu'on a présenté à maintes et maintes occasions. C'est l'augmentation, au cours des dernières années, de l'endettement des étudiants. J'ai des chiffres devant moi. Si j'avais plus de temps, je pourrais entrer dans le détail, mais disons que dans l'ensemble, la dette moyenne au Québec, au niveau universitaire, se situait, en 1996-1997, à environ 12 000 $, soit une augmentation de 41 p. 100 par rapport à 1991-1992. Il y a donc, à ce niveau-là, un problème qu'on s'applique à rappeler aux parlementaires et au monde politique ainsi qu'à l'ensemble de la population chaque fois qu'on en a la possibilité.
• 1615
Le deuxième problème est en lien avec le premier,
et c'est un problème de vision, un problème de
logique. Pour le gouvernement du Québec, à tout le
moins, et sans doute pour les autres gouvernements au
du Canada avec le programme de prêts canadien, l'aide
financière aux études est un investissement dans le
capital humain. C'est la base
de ces investissements-là. Par contre, dans
le secteur financier, la logique est souvent celle de la
rentabilité, du profit des actionnaires.
Bref, c'est une logique somme toute assez
différente.
Le problème, c'est qu'une vision comme celle-là a un impact dans la vie réelle des étudiants, le jour où ils se présentent à leur succursale financière en lien avec l'argent qu'ils ont reçu, c'est-à-dire leurs prêts. En réalité, on pourrait mettre en évidence plusieurs choses, mais au cours des dernières années, on a eu l'occasion de parler à des étudiants qui nous appelaient et on a vu des pratiques que l'on peut qualifier d'abusives. On a vu des gens ayant de la difficulté à ouvrir un compte, compte tenu de leur situation financière et compte tenu du fait qu'ils étaient bénéficiaires de l'aide financière. On a vu également, comme on en voit de plus en plus, des familles monoparentales qui sont aux prises avec des problèmes énormes au niveau du remboursement de la dette d'étude, et on a vu une incompréhension dans certaines banques et dans certaines caisses face à ces problèmes que vivaient les étudiants.
Le troisième problème est le problème social. La coalition se présente devant vous aujourd'hui pour réclamer des services personnalisés. Nous adhérons totalement à cette revendication, puisque à l'avenir, quoi qu'en disent les experts, nous ne pourrons pas faire la négociation du remboursement de nos prêts étudiants, qui est une facette extrêmement importante, par site Web interposé. Qu'est-ce qu'il faut? Il faut des gens, un personnel, une écoute ainsi que des services personnalisés pour répondre aux attentes et aux besoins de ces étudiants, qui vivent un accroissement de leurs problèmes de remboursement de leur dette étudiante. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup pour votre discipline.
Je demande maintenant à Mme Nicole Jetté de continuer la présentation.
Mme Nicole Jetté (Front commun des personnes assistées sociales du Québec; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Bonjour, monsieur le président. Bonjour, messieurs les députés.
Je représente le Front commun des personnes assistées sociales du Québec. Il s'agit d'une population qui est dans une situation de dépendance totale, qui vit de chèques qu'elle reçoit. Que ce soit un chèque d'aide sociale, un chèque de prestation unifiée pour enfants, un chèque d'allocation familiale ou un chèque de pension alimentaire, elle n'a pas le choix: elle est dans une situation de dépendance face à des institutions financières.
Les institutions bancaires imposent toutes sortes d'exigences concernant l'ouverture d'un compte, concernant le gel de fonds, concernant le dépôt minimum, sans lequel les frais sont tellement élevés qu'ils en deviennent usuriers. Pour nous, il est donc essentiel que le gouvernement intervienne pour discipliner les banques face à ces citoyens et citoyennes du Québec, mais aussi des autres provinces. Une proportion élevée de la population n'a pas d'épargne. Elle attend quotidiennement le chèque qui va lui permettre de payer son loyer, d'aller faire l'épicerie ou d'aller à la pharmacie pour acheter ses médicaments.
• 1620
Si ces personnes-là n'ont pas la possibilité
d'ouvrir un compte bancaire, qu'est-ce qui se passe?
Elles doivent s'adresser à des intermédiaires qui
exigeront n'importe quel pourcentage pour leur échanger
un chèque.
À notre avis, si le gouvernement ne discipline pas les institutions bancaires, une bonne partie de la population québécoise et canadienne s'en trouvera exclue. En effet, quand on n'a pas la possibilité d'utiliser un intermédiaire légalement reconnu comme service public pour échanger des chèques, on met...
M. St-Amant parlait des gens de la rue, mais actuellement, les institutions bancaires gèlent même un chèque émis par un gouvernement. S'il est déposé par guichet automatique, il est gelé pendant une période de sept à dix jours. Au comptoir, on le gèle aussi pendant quelques jours. Pourtant, c'est un chèque émis par un gouvernement.
Il est clair que les assistés sociaux ne peuvent laisser de capital dans leur compte de banque puisque, pour avoir droit à l'aide sociale, ils ne doivent rien avoir dans leur compte. Ils doivent dépenser l'argent qu'ils ont avant de toucher l'aide sociale. Donc, ce n'est pas pendant qu'ils reçoivent l'aide sociale qu'ils vont amasser de l'argent et en faire faire aux institutions bancaires. C'est évident.
Reconnaît-on qu'échanger le chèque qui permet d'acheter son pain et de payer son loyer sans avoir à débourser de frais usuraires ou de frais bancaires constitue un droit? Les personnes qui paient le plus de frais bancaires, proportionnellement à leur revenu, sont les plus pauvres. Est-ce normal? Il est clair aussi que ces personnes ne peuvent jouer à la Bourse. Elles jouent plutôt à trouver comment payer leurs comptes de loyer, d'épicerie et de pharmacie, comme tout citoyen.
Si nous avons formé une coalition, c'est que déjà les services bancaires se sont détériorés et que déjà ils coûtent trop cher. Pour nous, de la coalition, il est clair que des services personnalisés et le droit à l'utilisation de services publics sur le plan bancaire doivent être reconnus comme essentiels pour la population que nous représentons. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Jetté.
Je demande maintenant à M. Fournier de prendre la parole au nom des personnes âgées.
M. Gilles Fournier (Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous informer de l'expérience que j'ai vécue lors de mon retour de vacances. J'ai trouvé dans la boîte aux lettres une petite carte m'apprenant de façon laconique que les heures d'ouverture des banques étaient réduites; au lieu d'ouvrir le matin à 10 heures, elles ouvraient maintenant à 11 heures, et au lieu de fermer à 15 heures, elles fermaient à 14 heures.
Évidemment, il n'en fallait pas plus pour qu'en tant que défenseur des droits des aînés, j'aille rencontrer le gérant adjoint et le préposé aux services conseils pour leur faire part de mes objections. La réponse a été que nous n'avions qu'à utiliser le guichet automatique. J'ai alors insisté auprès d'eux en alléguant, seul argument à ma disposition, que les personnes âgées détestent généralement les guichets automatiques. À certains endroits, vous vous croiriez presque au confessionnal et vous êtes suivi d'une file de personnes qui vous poussent parce que vous n'allez pas assez vite.
De plus, plusieurs aînés ne font pas confiance aux guichets automatiques. J'ai demandé pourquoi à l'un d'entre eux et il m'a répondu que cela bouffait les enveloppes contenant de l'argent, sans que personne ne soit là pour vous parler et vous dire merci. J'ai trouvé cela plutôt amusant.
Ils sont craintifs aussi; ils souffrent d'insécurité et ont peur de se faire arnaquer. Ils ont peur que la confidentialité ne soit pas assurée. Je dois dire que la façon dont certains guichets et certains systèmes sont faits leur donne raison.
L'autre point que j'ai allégué ne concernait pas que les aînés. Il y a aussi les illettrés, les démunis, ceux qui n'ont pas de compte et les handicapés physiques et mentaux. J'ai alors fait remarquer que la banque était beaucoup plus intéressée à faire des profits qu'à donner des services aux clients. Sa réponse a été que c'était parfaitement vrai parce que la banque ne faisait pas assez de profits. Et il a ajouté que ce n'était pas sa faute, qu'il n'avait rien à voir dans cette affaire-là et qu'incidemment, les aînés, surtout les retraités, disposaient de tout le temps nécessaire, que trois heures par jour suffisaient amplement. Je lui ai alors demandé ce qu'il advenait des travailleurs. On s'aperçoit alors que la banque a de drôles de conceptions.
• 1625
Je me suis donc attardé à l'autre partie du dépliant
pour lui faire remarquer que la banque semblait
strictement intéressée à donner des services conseils,
c'est-à-dire à faire des placements. En effet, les
périodes consacrées aux services conseils étaient
allongées. Je lui ai dit qu'on trouvait cela choquant
et frustrant, parce qu'il était évident que tout ce
qu'on voulait, c'était nos capitaux, nos placements,
alors que ce que la banque nous offrait n'était pas
tellement rentable. Et j'ai ajouté que, de toute façon,
je cherchais à changer de banque. Vous auriez dû le
voir changer de couleur.
Dans son désarroi, le pauvre gérant adjoint m'a demandé d'au moins prendre mon temps. Il m'a souhaité bonne chance en me disant que, de toute façon, je ne trouverais pas mieux ailleurs.
Mais ce qui s'est passé le lendemain a été beaucoup plus intéressant. Le lendemain, sous un prétexte quelconque, je me suis présenté au comptoir. J'ai appris de la caissière qu'elle avait 15 minutes pour dîner, pour faire sa toilette et, si elle était fumeuse, pour aller fumer une cigarette dehors. Elle se plaignait de ce que la réduction des heures avait signifié pour elle une réduction de salaire; en ajoutant à cela ses frais de gardienne, elle s'était tout simplement appauvrie.
Mon opinion, celle des aînés, c'est que les guichets automatiques sont bien intéressants après les heures d'ouverture, sauf quand ils font défaut. Certains guichets sont trop rapides pour les aînés, certains démunis et certains handicapés. Parfois, vous n'avez pas le temps de faire votre transaction. Si vous insistez trop, après trois essais, la machine bouffe la carte et il apparaît un message vous disant de revenir la chercher dans trois jours. Cela aide beaucoup!
Les transactions au guichet ne sont pas rassurantes pour les aînés. C'est pourquoi ils préfèrent aller au comptoir. Ils trouvent plus sécurisant de parler à une personne à qui ils peuvent poser des questions.
Si, personnellement, j'aime l'informatisation, mon opinion est que ce n'est pas fait pour tout le monde. Il faudrait arrêter de stéréotyper et de forcer les gens à s'en servir comme on a tenté de le faire. Moi, je me débrouille très bien avec cela, mais je peux vous dire que plusieurs de mes confrères dans les mouvements dont je m'occupe n'en sont pas capables. Ils ne savent pas comment cela fonctionne et ils en ont peur.
Ma conclusion, partielle, est donc que ces modifications sont faites strictement en vue de réduire le personnel et les coûts des banques. Mais, paradoxalement, on constate que les coûts des usagers vont en s'accroissant. Donc, c'est une réduction de services qui se fait au profit des banques et sur le dos des employés. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Fournier.
Je demande maintenant à M. Jacques Proulx, représentant du monde rural, de prendre la parole. Soyez le bienvenu, monsieur Proulx.
M. Jacques Proulx (Solidarité rurale du Québec; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Jacques Proulx et je suis de Solidarité rurale du Québec. C'est un organisme qui a été mis en place à la suite des états généraux du monde rural de 1991. Il est composé de 21 grands organismes du Québec et de représentants des membres individuels. Je vous dirai que Solidarité rurale est là pour aider particulièrement à la revitalisation du milieu rural.
Le monde rural au Québec, c'est à peine un million et quelques centaines de milliers de personnes et une multitude de petites et moyennes collectivités occupant 90 p. 100 du territoire. Je pense que vous pouvez vous faire une idée assez juste de ce que peuvent vouloir dire pour le monde rural, qui a à en souffrir, ces concentrations d'activités qui se font un peu partout dans le domaine de la production et de la transformation et qui se répercutent sur les services qu'on doit offrir aux hommes et aux femmes qui habitent ce monde rural.
Nous oeuvrons énergiquement à la revitalisation de ces communautés en faisant de la formation et en développant des modèles de rechange à ceux auxquels on est soumis à l'heure actuelle. Nous accompagnons aussi ces communautés dans leurs efforts et leurs initiatives et travaillons à créer des liens entre elles pour que circule la meilleure information possible.
Pourquoi faisons-nous partie de la coalition? Je pense vous l'avoir déjà démontré. En effet, les propositions qui risquent d'être faites, celles dont vous débattez, vont dans le sens d'une concentration toujours plus grande des services essentiels, tant pour les communautés dispersées un peu partout que pour celles qui sont davantage regroupées.
Je pourrais me demander, jusqu'à un certain point, pourquoi j'en fais partie, parce que des banques en milieu rural, il n'en existe plus. Quand je dis qu'il n'en n'existe plus, j'exagère à peine; il en reste tellement peu qu'il faut chercher très longtemps avant d'en trouver une.
• 1630
À l'heure actuelle, certaines banques opèrent un certain
retour, mais uniquement par le truchement de guichets
automatiques et pour offrir les services les plus
rentables, non pas pour offrir des services au
quotidien. C'est ce qui est en train de s'installer
sur notre territoire et qui est, à mon avis,
complètement inacceptable. C'est un peu, et beaucoup,
une manifestation de mépris envers les populations.
Je terminerai en vous disant qu'il importe que votre comité en parle au ministre responsable du monde rural à l'échelle canadienne, M. Lyle Vanclief, ministre de l'Agriculture. Il est aussi responsable du Secrétariat rural qui, au cours de l'hiver dernier, a annoncé la mise en place de ce qu'on appelle la «lorgnette rurale». C'est l'instrument par lequel tous les projets de loi ou changements susceptibles de se produire et d'être approuvés par le gouvernement canadien doivent être examinés pour qu'on en connaisse le véritable impact sur le milieu rural. C'est en place et je pense que vous devez insister fortement pour qu'on le mette à l'épreuve. Ce n'est pas seulement un voeu qui a été exprimé; le mécanisme a vraiment été mis en place.
Pour ma part, je vous invite fortement à obliger le ministre responsable du Secrétariat rural, et donc le gouvernement, à demander au groupe responsable d'évaluer l'impact que peut produire le fait de donner son avis là-dessus. Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Proulx. Nous entendrons maintenant M. Gary Saxe, le représentant des communautés culturelles.
M. Gary Saxe (Projet Genèse; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaire personnalisés): Merci, monsieur le président. Je suis ici à titre de représentant du Projet Genèse, un organisme communautaire qui travaille dans un quartier très pauvre et très multiculturel.
L'année dernière, nous avons aidé des gens aux prises avec des problèmes de logement, en tant qu'assistés sociaux, immigrants ou réfugiés, des gens provenant d'environ 120 pays différents.
Nous sommes membres de la Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés parce que l'accès aux services bancaires pose des problèmes spécifiques aux membres des communautés culturelles, en particulier aux nouveaux arrivants.
Trop souvent, il est plus difficile pour eux d'ouvrir un compte bancaire ou d'utiliser des guichets automatiques. Si nous voulons faciliter l'intégration des immigrants dans une société ouverte et accueillante, il est nécessaire de prendre en considération leurs besoins particuliers.
Imaginez la situation suivante. Un revendicateur du statut de réfugié arrive ici sans pièces d'identité parce qu'il aurait été trop dangereux pour lui de quitter son pays d'origine si les autorités à la frontière avaient été en mesure de l'identifier. À son arrivée ici, le gouvernement lui donne une pièce d'identité, une seule, portant le numéro IMM 1442.
Comme il s'est échappé du pays où il est né sans autres bagages que lui-même, il n'a pas les moyens de louer un appartement ou d'acheter de la nourriture. Il doit faire une demande à l'aide sociale. Pour payer le premier mois de loyer, pour l'appartement qu'il a trouvé, il se présente à la banque avec son premier chèque d'aide sociale. La banque est fermée parce qu'il est 14 h 10. Le lendemain, il retourne à la succursale, qui lui refuse l'ouverture d'un compte parce qu'il n'a pas de carte d'identité. Dans le but d'éviter d'avoir à s'héberger pour une autre nuit avec les sans-abri et à prendre un autre repas dans une cafétéria communautaire, il demande simplement à encaisser son chèque, qui est un chèque garanti, émis par une source gouvernementale. On le lui refuse parce que la banque a pour politique de ne pas encaisser les chèques d'aide sociale sans carte d'identité.
Cette fois, il a de la chance; au centre d'hébergement, on l'a envoyé à un groupe communautaire, qui a une entente avec la banque en question. On lui écrit une lettre de référence à présenter à la banque qui, enfin, accepte de lui ouvrir un compte. Il dépose son chèque et veut faire un retrait pour payer sa propriétaire, mais l'argent est gelé pour 10 jours ouvrables. Il doit donc passer quatre nuits de plus au centre d'hébergement.
Au bout de deux semaines, il retourne à la banque, qui, encore une fois, n'est pas ouverte. Lors de sa dernière visite à la banque, la caissière lui avait expliqué qu'il était préférable d'utiliser les guichets automatiques. Il n'a jamais utilisé une telle machine mais il décide d'essayer. Les instructions sont écrites en français et en anglais, langues qu'il ne sait pas lire.
La situation n'est pas aussi difficile pour tous les revendicateurs du statut de réfugié ou pour tous les nouveaux arrivants, mais cet exemple sert à illustrer les divers problèmes rencontrés par trop de gens dans l'utilisation des services bancaires.
Les membres des communautés culturelles, en particulier les nouveaux arrivants, ont besoin de services bancaires personnalisés. Les guichets automatiques peuvent être inaccessibles aux gens parce qu'ils sont analphabètes en français ou en anglais, ou simplement parce que cette technologie est complètement étrangère à leur expérience.
• 1635
Nous devons aussi exiger des normes égales de toutes
les institutions financières, de sorte qu'il n'y ait
pas une banque qui accepte d'ouvrir un compte sur
présentation d'une pièce d'identité IMM 1442 et une
autre qui refuse. Les banques doivent être flexibles
dans leurs exigences concernant les preuves d'identité
et les délais pour les gels de fonds,
et manifester de la sensibilité
aux besoins, non seulement des communautés culturelles,
mais de tout le monde. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Saxe.
Nous recevons maintenant le groupe des femmes, représenté par Mme Thérèse Hurteau-Farinas. Bienvenue, madame.
Mme Thérèse Hurteau-Farinas (Fédération des femmes du Québec; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Monsieur le président, messieurs les députés, la Fédération des femmes du Québec reconnaît l'importance des institutions financières dans la société.
Cependant, la fusion de ces institutions va-t-elle permettre de servir la société comme elle a le droit de l'être? Nous pensons que la fusion des institutions bancaires peut entraîner des conséquences dramatiques pour les femmes du Québec. On peut penser, au premier abord, aux pertes d'emplois dans un secteur économique essentiellement féminin. Il est aussi possible qu'elle entraîne une diminution des services bancaires offerts à toute la population, femmes et hommes de tout âge.
En effet, si la fusion se traduit par des fermetures de succursales, par des pertes d'emploi, par un nombre plus élevé de guichets automatiques et par une diminution de la concurrence dans les milieux financiers, il est difficile de croire que la population, et en particulier les femmes, n'en sera pas affectée.
Est-ce que tous les Québécois et Québécoises pourront avoir un accès facile aux services bancaires? Cet accès coûtera-t-il plus cher? Est-ce que les consommateurs de services bancaires vont apprécier qu'il y ait moins de caissières pour répondre à leurs questions? En plus, les Québécoises et les Québécois moins favorisés vont-ils avoir à se déplacer loin de chez eux pour affronter un guichet automatique? Est-ce qu'une machine peut répondre à toutes les questions?
Nous voulons, à la Fédération des femmes du Québec, des services bancaires humains et adaptés à la personne et non l'adaptation de la personne à la machine. On n'a pas à se laisser dicter notre conduite et nos choix par des intérêts strictement financiers. Chacune et chacun, nous avons le droit d'utiliser des services financiers adaptés à nos besoins. Autrement dit, laissons aux Québécoises et aux Québécois le choix d'utiliser soit les guichets automatiques, soit les services à la clientèle.
Nous souhaitons surtout, au sein de la Fédération des femmes du Québec, que la fusion des services bancaires, si elle a lieu, respecte les femmes dans leur intégrité et leur spécificité. Il ne faut pas oublier qu'elles constituent la moitié de la population, une moitié qui n'est souvent pas reconnue à sa juste valeur. Les femmes en ont assez d'être sacrifiées sur la potence du néo-libéralisme.
Déjà, les banques font des milliards de dollars de profits chaque année. Si la fusion des banques veut dire des pertes d'emplois pour des centaines de femmes afin d'assurer une augmentation des revenus d'une poignée d'individus déjà bien nantis, la Fédération des femmes du Québec ne peut être en accord et joint sa voix à celles des autres membres de la coalition pour exiger le maintien des services bancaires personnalisés, car nous croyons fermement qu'une société saine et juste se construit dans le respect de chacun. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Hurteau-Farinas.
Je demande maintenant à M. Laurent Pellerin de poursuivre la ronde des présentations. Monsieur Pellerin.
M. Laurent Pellerin (Union des producteurs agricoles du Québec; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): L'Union des producteurs agricoles, comme vous le savez, regroupe l'ensemble des producteurs agricoles du Québec et, à cause de cette particularité, elle est très près des préoccupations financières que beaucoup de nos producteurs nourrissent quotidiennement.
Si nous accueillons, de façon générale, assez favorablement les recommandations du rapport du groupe de travail, nous avons quand même quelques commentaires à faire sur des points particuliers.
D'abord, voici un commentaire à portée générale sur l'ensemble de la préoccupation que suscitent les banques. Les banques canadiennes se sont construites à même un système réglementé qui leur a été favorable et avantageux. Elles ont accumulé d'immenses profits grâce à ce système réglementé. Je ne suis pas de ceux qui se sentent gênés de les obliger à une chose qui semble normale en contrepartie du bénéfice qu'ils en ont retiré, c'est-à-dire les obliger à livrer à l'ensemble de la population canadienne des services accessibles. C'est le moins qu'on puisse attendre du système bancaire canadien, compte tenu qu'il a bénéficié de réglementations très permissives.
• 1640
Le deuxième commentaire que je veux faire porte sur les
services personnalisés, sur l'importance des relations
humaines dans les transactions financières. On a
illustré de façon assez claire les difficultés qui se
posent pour l'ouverture d'un compte. Il ne faut pas
croire qu'il n'y en a plus une fois le compte ouvert.
Dans le milieu rural, compte tenu du petit nombre d'institutions bancaires réparties dans l'ensemble du territoire rural—comme le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale—le choix des services est quand même assez restreint pour le producteur. Les autres banques sont presque complètement absentes.
Les réseaux de connaissances ou d'amis, dans le milieu rural comme dans le milieu urbain, sont extrêmement importants pour avoir accès au crédit. Les producteurs agricoles sont d'importants consommateurs de crédit et quand les relations humaines n'existent pas pour permettre la création d'un tel réseau, les bénéfices qu'on peut tirer du système bancaire peuvent être réduits. Il est extrêmement important de créer ces relations humaines.
Quand toutes les opérations bancaires seront automatisées, qu'est-ce qui pourra rester comme connaissance des individus? Les prêts se font sur des garanties mais, très souvent, sur la perception qu'on a des gens qui se présentent au comptoir, sur leur figure ou leur apparence. Si on ne se présente plus au comptoir, comme pourra-t-on faire une impression quelconque? Comment se monter un dossier de crédit quand on n'est pas capable de bâtir des relations humaines au cours des transactions bancaires qu'on effectue sur une base quotidienne?
Je suis un adepte des transactions automatiques. Je suis sur la route presque à l'année longue à cause des fonctions que j'occupe. Ma femme s'occupe de mon entreprise et de la sienne, des deux fermes. Quand je me présente en personne au comptoir personnalisé de ma caisse populaire, on exige de moi une pièce d'identité pour encaisser mon chèque ou faire ma transaction parce que je ne connais pas personnellement la caissière qui est là. C'est, je pense, une réaction normale. Il faut s'assurer de connaître les gens, d'échanger avec eux au moment où ils ouvrent un compte, afin qu'ils soient connus et puissent être reconnus. C'est quelque chose qui se développe et qu'on doit maintenir.
Nous partageons les vues du chapitre du rapport du groupe de travail MacKay sur les PME, plus exactement sur la difficulté des relations des PME avec le système bancaire. Nous partageons ces préoccupations-là. Je pense qu'elles s'appliquent aussi en bonne partie aux entreprises agricoles. Je pense qu'une foule de ces recommandations peuvent s'appliquer aux producteurs agricoles au même titre qu'aux PME des autres secteurs d'activité.
La prestation de services sur l'ensemble du territoire québécois constitue aussi une problématique. Si les deux institutions actuellement présentes dans le milieu rural sont obligées, à cause de la concurrence, d'adopter les mêmes comportements que les autres grandes banques canadiennes, comment pourra-t-on maintenir des coûts comparables entre les institutions dont la mission est de desservir l'ensemble du territoire et les institutions qui se concentrent dans les milieux où c'est rentable, un point c'est tout, et qui ne vont pas s'installer plus loin?
Si on se met à comparer les coûts d'opération entre ces institutions financières, il sera sûrement difficile de maintenir certains services actuellement disponibles en milieu rural. Quelle solution de rechange aurons-nous? Lorsqu'un prêt vous est refusé dans votre village, n'essayez pas de présenter votre dossier de crédit dans le village voisin, et encore moins dans la ville voisine.
Donc, cette concentration des banques et même cette accélération de la recherche de l'efficacité des banques nous préoccupe beaucoup, parce que celles qui resteront en milieu rural auront beaucoup de difficulté à suivre le rythme de cette concurrence. Nous risquons fort de manquer de services en bout de ligne. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Pellerin.
Je demanderai maintenant à M. Faucher et à Mme Grenier s'ils entendent faire tous les deux la présentation suivante. Je commencerai alors par Mme Grenier.
Mme Claude Grenier (présidente, Syndicat des employées et employés de la Banque Laurentienne; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Je suis une employée de la Banque Laurentienne depuis 1975 et présidente du syndicat représentant les employés de la Banque Laurentienne depuis 1993. J'ai donc vu et vécu des changements technologiques et organisationnels, tels que les nouveaux outils de travail, les guichets automatiques, la création du centre administratif, la polyvalence des tâches, les changements d'horaires, et j'en passe.
• 1645
Ces changements ont eu de l'impact sur
l'emploi des femmes. Ce sont elles qui
occupent les emplois non professionnels dans les
banques et ce sont ces emplois qui sont touchés
par toutes ces modifications.
Au fil du temps, nous avons vu la transformation
d'emplois à temps plein en emplois à temps partiel et
temporaires. Maintenant, les emplois se précarisent
encore plus avec la prolifération d'employés d'agences
et même l'apparition de travailleuses autonomes dans
nos milieux de travail. De plus, les employés
travaillent maintenant dans des centres téléphoniques,
ce qui nous fait dire que le télétravail est à nos
portes, avec toutes les questions épineuses que cela
soulève.
Les institutions financières emploient, selon le rapport MacKay, plus d'un demi-million de personnes. Ce n'est pas rien. Pourtant, ce même rapport ne traite pas de l'emploi face aux technologies qui, elles, font partie intégrante du rapport. Il y aurait eu lieu de tenir compte de la réglementation du travail qui a trait au personnel des banques. Nous subissons les effets de la technologie et des organisations faites très rapidement.
Il y a dans le rapport une recommandation qui touche directement les employés, et elle est assez surprenante. C'est la recommandation 90(g), qu'on retrouve à la page 246. On y parle de «formation du personnel» et de «politiques de rémunération appropriées au niveau des succursales, de manière à atteindre les objectifs des ententes de février et décembre 1997 sur l'accès aux services de base».
Je ne crois pas avoir besoin de convaincre qui que ce soit, ici ou ailleurs, que ce ne sont pas les caissières et les préposés aux ouvertures de comptes qui édictent les directives dans les succursales et les marches à suivre. Ces femmes-là suivent les directives écrites de l'institution pour laquelle elles travaillent et les directives verbales de leurs supérieurs immédiats qui, eux, font aussi la même chose.
Si l'intention de cette recommandation 90(g) est que, dans les faits, les ententes de 1997 soient respectées, il faut une loi et non du maquillage. On verra quelles sont les intentions.
Les banques font de plus en d'exclus en se disputant la clientèle la plus rentable seulement. La technologie les aide à y parvenir. Les enquêtes de crédit effectuées lors d'ouvertures de comptes en sont un bon exemple.
De plus, les banques arrivent maintenant à segmenter leur clientèle en fonction des revenus que celle-ci leur rapporte. Ce sera du joli tout à l'heure. On aura le service à la carte. Les banques pourront dire à leurs clients ce qu'elles veulent leur offrir et ce qu'elles ne veulent plus leur offrir.
C'est déjà assez bien enclenché. Le virage de la rentabilité est très bien amorcé. Les guichets automatiques en sont un bon exemple. Ça fait 20 ans qu'ils existent. Franchement, ils sont appréciés de la clientèle, mais pas au point qu'on veuille qu'ils remplacent les caissières, de toute évidence. La clientèle les voit toujours comme un service d'appoint et préfère faire ses transactions avec la caissière. Les statistiques dont MM. St-Amant et Cadieux vous ont parlé sont particulièrement éclairantes à ce sujet. Donc, les gens continuent de transiger à la caisse, mais utilisent de plus en plus la carte-débit. C'est ce qui a fait monter les statistiques durant les dernières années.
Or, les banques piaffent d'impatience. Imaginez toutes ces économies et tous ces profits non réalisés. Elles ont donc décidé d'obliger la clientèle à utiliser le guichet automatique. À la Banque Laurentienne, entre mai 1997 et juin 1998, 28 succursales ont été fermées et 45 autres n'offrent plus du tout de service aux caisses. Parmi 164 succursales au Québec, seulement 55 p. 100 donnent maintenant tous les services, et dans celles qui restent, les heures d'ouverture ont été réduites.
Aujourd'hui, les banques imposent les guichets. Demain ce sera la téléphonie et Internet. Un sondage effectué en 1996 démontre pourtant que 92 p. 100 de la clientèle désire faire affaire avec les caissières. Dans d'autres entreprises que je connais, l'opinion de la clientèle et sa satisfaction sont importantes. Dites-moi pourquoi il en va autrement dans les banques.
À plusieurs endroits dans le rapport, il est mentionné que les Canadiennes et les Canadiens sont très critiques par rapport à leurs institutions financières. C'est leur droit et leur devoir. Nos banques ont grandi à l'abri des lois et elles ont été protégées par ces lois.
Le même sondage Léger & Léger de 1996 révèle que 89 p. 100 de la population québécoise croit que le gouvernement doit légiférer pour que les services personnalisés soient maintenus.
Je souhaite vivement, en tant qu'employée de la Banque Laurentienne et en tant que Canadienne, que le gouvernement légifère dans le sens des revendications de notre coalition.
• 1650
J'ai peur
que l'imposition technologique par nos banques nous
joue de biens vilains tours, à tous et à toutes. En
effet, à partir du moment où la clientèle ne pourra
plus aller à sa banque de façon régulière pour y
faire ses affaires, parce qu'elle sera fermée ou qu'il
n'y aura plus de caissières, à partir du moment où
seuls les gens ayant une hypothèque à négocier ou un placement
à faire pourront faire affaire avec une personne
au moins
une fois par année,
pour la population canadienne, il n'y aura plus de différence
entre faire affaire avec une grosse banque japonaise
ou américaine et une banque canadienne.
J'ai très nettement l'impression
qu'on est en train de se tirer dans les pieds.
Quand on choisit de confier son argent à une institution financière, c'est avant tout une question de confiance et d'écoute, comme on l'a dit précédemment. C'est avec des gens qu'on développe ces sentiments et non pas avec une machine. Telle est l'opinion de la population canadienne. J'ai peur que les stratégies des banquiers ne servent que leur appétit d'augmenter l'avoir des actionnaires à très court terme. C'est pourquoi je souhaite que le gouvernement canadien voie à l'intérêt des Canadiennes et des Canadiens à plus long terme que nos banquiers. Merci beaucoup.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Grenier.
Monsieur Faucher, vous pouvez prendre quelques minutes.
M. Claude Faucher (Centrale des syndicats démocratiques; Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je voudrais d'abord dire que je suis d'accord sur les propos de M. Barrett, président du conseil et chef de la direction de la Banque de Montréal, lorsqu'il déclare que la décision qui sera prise ne réglera pas uniquement le sort d'une ou quelques institutions financières, mais déterminera dans une grande mesure le genre de pays qu'on aura.
Le monde syndical est très préoccupé par ces fusions de grandes entreprises ou institutions parce qu'elles favorisent le renforcement de la concentration économique et créent une détérioration du pouvoir politique, et donc de la démocratie et de la liberté. On ne parle pas beaucoup, non plus, des conséquences des fusions sur l'emploi. Cependant, les analystes arrivent tous à la même conclusion: les conséquences des fusions pour l'emploi seront dramatiques. On nous dit qu'il y a une entente entre la Banque de Montréal et la Banque Royale afin de diminuer le moins possible le nombre d'emplois. Cependant, le plus optimiste, M. McCallum, qui est économiste en chef à la Banque Royale, nous déclare d'emblée que, quant à lui, il y aura entre 7 000 et 8 500 pertes d'emplois. Parmi les moins optimistes, il y a M. André Bérard, de la Banque Nationale, qui nous dit que, quant à lui, il s'agit d'un bain de sang qui va emporter 60 000 emplois.
Dans tout ça, on ne parle pas du glissement de l'emploi vers la précarité; on ne parle pas de la détérioration des conditions de travail de celles et ceux qui vont rester en emploi; on ne parle pas de l'insécurité que ça crée; on ne parle pas de la réduction du niveau de vie ou de l'appauvrissement; on ne parle pas des moyens qu'on va utiliser pour forcer les personnes à prendre leur retraite; on ne dit pas qu'il s'agit d'un secteur d'activités où les femmes sont hautement représentées.
Dans notre société, l'emploi est ce qui permet aux gens de mieux vivre, de manger, de se vêtir, mais aussi de s'éduquer et d'avoir accès à la culture et même, trop souvent, d'avoir accès à la santé. Il suffit d'en parler avec des gens qui n'ont pas accès à l'emploi pour comprendre que l'emploi est, bien souvent, ce qui nous permet d'être reconnus comme citoyens à part entière.
Que penser de la perspective d'emploi qu'on laisse aux jeunes en adoptant une attitude qui va sabrer dans l'emploi dans un secteur tertiaire comme le milieu bancaire? Est-ce bien ce qu'on veut comme société? Est-ce que, comme société, on favorise la réduction et la déshumanisation des services? Est-ce que, comme société, on veut favoriser la perte d'emplois et la réduction du niveau de vie? Est-ce qu'on veut mettre entre les mains d'une classe privilégiée le contrôle du pouvoir économique et politique au détriment de la société? Est-ce bien ce qu'on veut? Je ne le pense pas. En tout cas, le monde syndical n'est certainement pas d'accord sur une telle perspective, et il me semble qu'on doit profiter de cette occasion pour dire aux gourous de l'économie que l'économie doit tendre à favoriser la société et non pas que la société doit être au service de l'économie. C'est le message que je voulais vous laisser au nom du mouvement syndical. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Faucher.
• 1655
Je vais accorder 15 minutes à chaque parti politique.
J'accorde d'abord la parole au Parti réformiste,
représenté par M. Epp.
[Traduction]
M. Ken Epp: Merci beaucoup, monsieur le président.
Vous avez fait un travail remarquable en réunissant tout ce groupe ici et en présentant cet excellent rapport concerté. Je vous demanderais de transmettre mes félicitations à M. Larose, qui a dû quitter la séance prématurément, et je vous remercie tous deux, à titre personnel et en tant que groupe.
Vous avez assurément attiré notre attention sur certains problèmes très graves, auxquels sont confrontés bien des gens, et nous y sommes sensibles. En qualité de députés, il est fréquent que nous entendions le témoignage de gens comme vous-mêmes—non pas des gens qui en représentent d'autres, mais des gens qui sont véritablement mêlés à l'action. Nous entendons le témoignage d'agriculteurs, de personnes âgées, de personnes handicapées. Le point de vue que vous venez de présenter n'avait pas encore été exposé et il est bon que nous entendions parler des difficultés que certaines personnes éprouvent à mener les transactions bancaires les plus élémentaires.
C'est un élément qu'il nous faut prendre en compte dans notre analyse de l'avenir des services financiers. Je suis entièrement d'accord avec ce que vous dites. Étant donné l'évolution de notre économie, les Canadiens ont absolument besoin d'avoir accès au système bancaire qui est devenu chose essentielle. Ce n'était pas le cas quand ma famille est venue s'installer ici dans notre exploitation familiale dans l'Ouest. Il n'y avait pas de téléphone à l'époque, et les services offerts étaient vraiment primitifs comparativement à ce qu'ils sont maintenant. Mais il y a des gens qui doivent pouvoir ouvrir un compte en banque, toucher un chèque, procéder à des transactions pour payer leur loyer ou leur alimentation, ce qui est de première nécessité. Outre les agriculteurs, la plupart d'entre vous n'avez pas parlé des difficultés pour l'obtention d'un prêt ou d'autres problèmes de ce genre.
Le problème de l'ouverture d'un compte me préoccupe, et je vais donc commercer par là. Parfois, lorsqu'on veut ouvrir un compte, il faut produire des pièces d'identité, ce qui peut poser problème. Par contre, du point de vue de la banque, il faut bien qu'elle s'assure de l'identité réelle de la personne qui demande l'ouverture du compte, c'est tout naturel, c'est pour protéger en quelque sorte les absents.
Encore une fois, en ma qualité de député, j'ai eu le cas de plusieurs personnes qui avaient eu des problèmes à cause de cette question d'identité. Dans un cas particulier, une dame a perdu des milliers de dollars et ce n'est qu'après des démarches ardues que la situation a été redressée. Le problème provenait du fait que quelqu'un s'était présenté à la banque muni de faux papiers d'identité.
Il faut donc trouver un juste milieu. Oui, le client qui se présente et veut ouvrir un compte ne devrait pas être en but à toutes sortes de tracasseries. Toutefois, si quelqu'un se présente à la banque pour ouvrir un compte et prétend être Ken Epp, je suis rassuré de savoir que la banque peut lui dire qu'il n'est pas le Ken Epp qu'elle connaît. Il se pourrait que cette personne ait trouvé un de mes chèques, perdu ou volé, et veuille le toucher la semaine prochaine. Ainsi, il voudra ouvrir un compte à mon nom. La semaine suivante, il peut aller à la banque déposer ce chèque et retirer tout l'argent qu'il veut de ce compte. Et c'est moi qui serais responsable à moins que je puisse prouver qu'il ne s'agissait pas de moi. Cela entraîne pour moi bien des tracas.
Il faut donc garder cela à l'esprit. Je ne défends pas ici certaines pratiques déplorables de la part des banques. En fait, si j'ai demandé à la caméra de ne pas se tourner vers mes notes, c'est parce qu'elles contiennent assez d'éléments pour que les banques envisagent de me poursuivre. Voilà pourquoi je m'inquiétais.
• 1700
Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que je défends
les banques ici, mais une meilleure façon de procéder s'impose.
Je voudrais que vous me répondiez là-dessus. Dans certains cas, les gens que vous représentez se sentent mal à l'aise, et dans certains cas, à cause d'une barrière linguistique ou d'autres types d'obstacles, ils ne peuvent pas avoir accès à la technologie. Les banques mettent actuellement à l'essai des méthodes comme l'identification instantanée des empreintes digitales, si bien qu'au lieu d'avoir une carte, un senseur lirait votre doigt pour confirmer votre identité. Cela pourrait se faire au guichet même ou au guichet automatique.
J'ai même lu un article récemment concernant la configuration de la rétine. L'objectif d'une caméra, on saisit la configuration de la rétine, qui est unique à chacun, tout comme les empreintes digitales. Personnellement, je serais peut-être favorable à cela. Je n'y ai pas réfléchi abondamment, mais je pense que j'aime l'idée de pouvoir compter sur un bon système de vérification de l'identité personnelle.
Je voudrais que vous me disiez ce que vous en pensez. Je pense que vous ne représentez pas seulement les gens qui revendiquent le droit de se présenter dans une banque pour ouvrir un compte sans qu'on leur cause des tracas. Je pense que nous devrions essayer de trouver le moyen de réduire ces tracasseries.
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Qui veut répondre à cette première question?
[Traduction]
M. Ken Epp: Certains ont des observations à faire là-dessus?
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur St-Amant.
M. Jacques St-Amant: Je vais tenter d'y répondre. Je vais répondre à vos questions dans l'ordre inverse.
L'usage d'une empreinte digitale ou d'une empreinte rétinienne pour s'identifier pose des questions extrêmement graves au plan de la protection des renseignements personnels. Comme le député d'Elk Island le sait sans doute, le gouvernement vient de déposer un projet de loi concernant la protection de la vie privée dans le secteur privé. C'est une préoccupation grandissante des Canadiens.
D'autre part, il y a beaucoup de gens qui seraient très mal à l'aise, qui se sentiraient traités un peu comme des criminels si on prenait leurs empreintes digitales chaque fois qu'ils vont à la banque.
La Ville de Toronto a mis en place un système de ce genre pour certains prestataires d'aide sociale au cours des dernières années, et cela a soulevé beaucoup de critiques, parce que beaucoup de gens sont mal à l'aise face à des mécanismes comme celui-là, mécanismes qui, par ailleurs, ne sont pas parfaits. Par exemple, il y a des gens dont les empreintes digitales sont très difficiles à lire ou dont les empreintes rétiniennes sont très difficiles à capter, et qui, pour toutes sortes de raisons, ne cadrent pas dans ces modes d'identification.
Toute la problématique de l'identification est extrêmement complexe et préoccupe actuellement des gens partout dans le monde. Je ne pense pas qu'on va la régler cet après-midi, mais au-delà des apparences, il faut voir des enjeux philosophiques qui, dans certains cas, sont assez importants.
Je reviens à votre première question, qui est celle de la fraude. Dans le fond, il s'agit du risque que quelqu'un se fasse passer pour quelqu'un d'autre et des cartes d'identité qui devraient être requises.
Les quelques sondages qui ont été faits démontrent qu'environ 98 p. 100 des Canadiens ont deux cartes d'identité, mais dès qu'on en exige davantage, la proportion de gens qui peuvent s'identifier avec, par exemple, trois cartes, diminue considérablement. C'est pour cela, notamment, que l'entente entre le ministère des Finances et l'Association des banquiers canadiens prévoyait qu'on devait exiger seulement deux cartes.
Je vous rappelle ce que je mentionnais tout à l'heure, c'est-à-dire que le gouvernement du Canada, qui est très préoccupé par le blanchiment d'argent, a pourtant conclu, dans des modifications très récentes au règlement sur le recyclage des produits de la criminalité, qu'un identifiant était suffisant. Ce n'est pas très étonnant, parce que les situations de fraude sont très, très rares.
On s'est adressés à certains ministères provinciaux pour avoir une idée de l'incidence de la fraude dans le cas des chèques d'aide sociale. C'est de l'ordre de 0,01 à 0,001 p. 100 de tous les chèques émis tous les mois. C'est infime. Oui, il y a des problèmes de fraude, mais ils sont relativement rares.
Vous parliez de la situation d'une personne qui se fait voler son chéquier et dont le compte risque de se faire vider par la personne qui se fait passer pour elle. C'est un autre problème. C'est le problème des institutions financières qui prennent le risque, quand elles prêtent des chèques, de ne plus vérifier les signatures. Lorsqu'il s'agit de chèques qui sont traités par la compensation interbancaire, les signatures ne sont jamais vérifiées. Les institutions financières assument ce risque tous les jours, un risque de plusieurs milliards de dollars, parce que c'est plus économique pour elles de procéder ainsi.
• 1705
Dans ce cadre-là, il nous semble
qu'elles peuvent assumer le risque très limité
qu'à l'occasion, une personne falsifie des pièces
d'identité, se fasse passer pour M. Epp et ouvre un
compte. Mais encore là, elles pourront
garder les fonds que ce fraudeur aura déposés dans le
compte. Le risque ne sera pas plus grand.
J'espère que cela vous donne une idée de...
Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait ajouter un commentaire? Monsieur Cadieux.
M. Serge Cadieux: Je voudrais ajouter un élément. Pour ce qui est de l'identification, le vrai problème n'est pas celui de l'identification au moyen de deux cartes. Les institutions financières mettent des obstacles à l'ouverture de comptes parce qu'elles veulent choisir leurs clients. Le problème, ce n'est pas d'avoir deux ou trois cartes.
Laurent Beaudoin se présente à une succursale bancaire sans carte d'identité. On va lui ouvrir un compte. Mme Tartempion, qui est assistée sociale, se présente à une institution financière. On va lui demander plus de deux cartes d'identité. On va faire une enquête de crédit. On va lui demander une carte avec une photo. Comme M. St-Amant l'a mentionné, pour une multitude d'autres opérations coûteuses, deux cartes d'identité suffisent. Pourquoi la banque ajoute-t-elle d'autres exigences? C'est pour un autre motif, soit décourager un client d'avoir accès à cette institution bancaire.
Il ne faut pas se fermer les yeux. Il y a un problème au moment où on se parle. Les banques veulent attirer une clientèle plus fortunée et ne souhaitent pas avoir pour clients des gens qui ne sont pas rentables, qui n'effectuent pas des transactions de placement. C'est pour cela qu'il faut intervenir.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Cadieux. Monsieur Saxe.
M. Gary Saxe: La solution que M. Epp a mentionnée ne réglera pas le problème de la vérification des empreintes digitales ou rétiniennes.
Imaginez la situation que vous avez déjà expliquée. Si je trouve un chèque de paye de M. Epp et que je me présente à une banque pour y ouvrir un compte en son nom, on peut vérifier mes empreintes rétiniennes ou digitales. Deux semaines plus tard, après que j'ai encaissé son chèque, ils ont mis mes empreintes digitales. Cela ne va pas résoudre le problème.
Je pense que la chose a déjà été mentionnée. Vous avez parlé de l'équilibre. Nous devons trouver un équilibre entre le risque réel de fraude pour la banque et les besoins. Les personnes démunies, par exemple les assistés sociaux, ont besoin de l'argent de leur chèque maintenant. Quand quelqu'un se présente à une banque pour l'ouverture d'un compte, on leur donne parfois rendez-vous une semaine plus tard. C'est à ce moment-là qu'on lui demande deux pièces d'identité, ce qui retarde l'ouverture du compte.
Nous devons être sensibles aux réels besoins d'une banque, dont celui de faire une vérification, mais nous devons aussi trouver l'équilibre dont vous parliez.
Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Saxe. Monsieur Epp.
[Traduction]
M. Ken Epp: Merci.
Je suis bien au courant de ce genre de problèmes. Je pense que nous devrions travailler ensemble.
Tous autant que vous êtes vous nous livrez le message suivant: les banques canadiennes, grâce à notre réglementation et à la stabilité de notre société, ont réalisé de gros bénéfices et sont devenues des valeurs sûres. Bien entendu, cela profite aux actionnaires et à tous les déposants, y compris la plupart d'entre vous, n'est-ce pas? Vous avez sans doute des régimes de pension ou de l'argent confié à un courtier, et tout cela dans le cadre de nos institutions financières.
Un système bancaire sain profite à chacun d'entre nous. Selon vous, puisque les banques peuvent compter sur une protection réglementaire au Canada, elles ont l'obligation d'offrir un service à ceux qui ne représentent pas pour elles la possibilité de réaliser un gros bénéfice. Ai-je bien résumé ce que vous dites?
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Lagacé, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Roger Lagacé: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais revenir sur les propos de M. Epp concernant la possible identification, un jour, par les empreintes digitales d'une façon quelconque.
Notre organisation, qui travaille à la défense des droits des retraités, est un organisme provincial. Donc, je ne parle pas seulement de notre région ou de notre petite ville de 80 000 habitants. Cependant, je sais ce qui se passe dans notre ville et je sais que ses habitants ne sont pas différents de ceux des autres municipalités du Québec. Connaissant assez bien les gens de chez nous, puisque j'assiste à beaucoup de réunions et de congrès que nous organisons pour la défense de leurs droits, je sais qu'ils sont déjà réticents à utiliser les guichets automatiques. Pour eux, le premier critère est la sécurité. Ils ne sont pas certains que le geste qu'ils vont poser sera sécuritaire.
S'il fallait qu'on leur demande en plus de s'identifier par un toucher quelconque, je suis persuadé que ce serait la grande pagaille. Plutôt que d'utiliser les guichets ou la technologie sécuritaire qu'on semble vouloir leur vendre, les gens seraient encore beaucoup plus réticents. J'ouvre une parenthèse pour dire que le 26 p. 100 dont on a parlé ne s'applique pas dans le monde des aînés. C'est sûrement davantage. On a parlé tout à l'heure d'au-delà de 53 p. 100. Donc, à ce moment-là, un très fort pourcentage des aînés ne voudraient pas utiliser la technologie moderne.
Au nom de mon association, je m'inscris contre le projet d'identification au moyen du toucher.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Lagacé. Monsieur St-Amant.
[Traduction]
M. Ken Epp: Puis-je poser une question?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Allez-y, c'est votre temps de parole, même si vous l'avez dépassé.
M. Ken Epp: Voici ce que je veux vous demander, monsieur. Pensez-vous que si une personne—de 80 ou de 85 ans—se présente à un guichet où il y a un caissier et que le caissier, ne le connaissant pas, lui demande de présenter son doigt pour fins d'identification, cette personne s'y opposerait? Parmi les personnes âgées que je connais, je ne pense pas qu'il y en ait qui s'y opposeraient. Êtes-vous en train de dire qu'elles s'y opposeraient? Je vous écoute.
[Français]
M. Roger Lagacé: Voici ce que je réponds à cette question. Pour moi, il y a deux problèmes. Il y a le problème du caissier, qui doit être un être humain, et le problème du guichet automatique et de la technologie. Mon commentaire portait sur la technologie, bien sûr. Si on parle des caissiers, c'est autre chose.
L'identification au moyen d'une carte comportant une photo n'est pas encore tout à fait dans leur culture. L'identification au moyen du toucher l'est encore bien moins.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur St-Amant.
M. Jacques St-Amant: Merci. Je reviens à la deuxième question du député d'Elk Island. Il y a un coût social immense à refuser des services à une partie de la population. C'est facile de dire que les banques prennent un risque, mais quand elles refusent des services, il y a un coût considérable qui n'est calculé nulle part mais qui est supporté par l'ensemble de la population. Il y a des sociétés où on a dit qu'il fallait que les gens aient tous accès à un compte de banque et on a pris les moyens nécessaires. Par exemple, en France, la loi permet à toute personne à qui deux banques ont refusé d'ouvrir un compte de s'adresser à la Banque de France. La Banque de France va alors ordonner à une banque d'ouvrir un compte et d'offrir des services minimaux à cette personne. Il y a également des États américains où on a pris des mesures pour s'assurer qu'à peu près tout le monde puisse avoir accès à des services bancaires. Donc, il y a un besoin, il y a des coûts qui sont considérables quand on ne répond pas à ce besoin et il y a des mesures qui sont déjà utilisées ailleurs et qu'on peut aussi utiliser au Canada.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur St-Amant. Monsieur Lessard.
M. Michel Lessard: On ne souhaite pas qu'il y ait des banques à deux vitesses, des banques pour les riches et des banques pour les pauvres. On souhaite qu'il y ait des banques qui répondent de façon universelle, avec des services convenables, à l'ensemble de la population. Les banques ont des responsabilités sociales. L'argent qu'elles ont leur est donné par 80 p. 100 de la population. Il devrait normalement y avoir un juste retour des choses. C'est très clair.
Quant à l'identification personnelle, au-delà du geste de s'identifier par le toucher, derrière tout ça, il y a une trame de fond de contrôle de la vie privée, de la vie quotidienne.
• 1715
Déjà, on est
fichés. Tout cela fait policier.
On fera le débat
sur la façon d'identifier, mais on pense
que dans le contexte actuel, les cartes
d'identité traditionnelles sont tout à fait
suffisantes puisque le gouvernement émet lui-même un
certain nombre de cartes. Donc,
il présume probablement que ces cartes sont
authentiques et doivent servir à un certain nombre
de choses.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Je cède tout de suite la parole à M. Desrochers du Bloc québécois.
Monsieur Epp, vous avez pris 20 minutes. Si vous faites des grimaces...
[Traduction]
M. Ken Epp: Merci.
[Français]
M. Odina Desrochers: Évidemment, je suis impressionné par la qualité de vos interventions et tout le travail que vous avez fait en vue de vous présenter ici aujourd'hui.
Le phénomène de la disparition de certaines institutions financières n'est pas nouveau. Je me souviens de la BCN et de la BP, la Banque Provinciale, qui se sont fusionnées pour devenir la Banque Nationale. Déjà, à ce moment-là, on a vu disparaître de petites banques dans de petites municipalités. Actuellement, le Mouvement Desjardins commence à regrouper des services. Même s'il maintient des services minimaux dans certaines municipalités, les gens doivent se déplacer s'ils ont besoin de certains services conseils.
C'est une question très complexe. J'ai entendu certains des membres du panel, au mois de septembre, lorsqu'ils sont venus nous rencontrer au caucus du Bloc québécois. La semaine dernière, j'ai également rencontré M. St-Amant lors d'une déclaration au Comité des finances des Communes.
Évidemment, nous avons entendu parler du côté humain. Nous pensons aussi aux pertes d'emplois qu'il y a eu lors de la réorganisation du fonctionnement de la Banque Laurentienne.
Je vais vous raconter un petit fait. Il y a environ trois semaines, dans une caisse populaire, je devais transférer de mon propre argent d'un compte à un autre compte, et mon propre chèque a été gelé pour cinq jours. Donc, lorsqu'on parle d'accès au crédit, on peut en parler longuement.
J'ai plusieurs questions à vous poser. Je ne veux pas pénaliser qui que ce soit. Je pense que mon nom est bon. Si un groupe comme le vôtre n'intervenait pas, on ne sait pas jusqu'où cela pourrait aller. Je vais poser plusieurs questions et j'aimerais que la majorité des intervenants y répondent.
Je vais commencer par M. St-Amant. La semaine dernière, vous avez affirmé que c'était plus facile d'obtenir une carte de crédit que d'ouvrir un compte bancaire. Vous avez même parlé de l'institution financière qui faisait cette chose. Pourriez-vous établir une comparaison entre les frais bancaires rattachés au fonctionnement d'une carte de crédit et les frais bancaires rattachés au fonctionnement d'un compte de banque?
M. Jacques St-Amant: Évidemment, cela dépend toujours du compte et de la carte de crédit. Il existe quelques comptes à très bas coût qui sont disponibles au Québec et au Canada, à 4 $ ou 5 $ par mois, mais en général, les gens paient allégrement 10 $ par mois pour avoir un forfait de services bancaires à peu près décent.
Pour les cartes de crédit, cela dépend de l'usage que vous en faites, mais dès que vous vous en servez et que vous ne payez pas votre compte au fur et à mesure, cela peut vous coûter assez cher, avec des taux d'intérêt de 15 p. 100 et plus. De plus, dans le cas des cartes de luxe, il y a des frais annuels fixes qui peuvent être assez élevés.
Mais au-delà de cela, il y a quelque chose d'absolument aberrant lorsqu'on dit à quelqu'un: «Pour pouvoir faire les transactions essentielles et vivre dans la société, il faut que tu parviennes à passer à travers une enquête de crédit et que tu aies un outil qui va te permettre de t'endetter davantage.» Il y a là quelque chose qui m'échappe entièrement.
M. Odina Desrochers: Donc, depuis quelques mois, en plus de demander les deux cartes d'identité, on demande aux gens de se soumettre à une enquête de crédit.
M. Jacques St-Amant: C'est une chose qu'on constate de plus en plus souvent. En 1996, on avait fait une première petite étude sur les frais bancaires. On avait ouvert des comptes dans une quinzaine ou une vingtaine de succursales sans aucune difficulté. C'est quand on a voulu refaire la même étude sur les frais cette année, auprès d'une trentaine de succursales, qu'on s'est butés à une foule d'obstacles. On nous disait: «Prenez rendez-vous et revenez la semaine prochaine.» Dans 60 p. 100 des succursales bancaires, on nous disait: «On va d'abord faire une enquête de crédit. Si l'enquête de crédit ne révèle rien de trop embêtant, vous reviendrez la semaine prochaine et on vous ouvrira un compte.» Il y a constamment des obstacles qui sont posés, qui sont de plus en plus variés et de plus en plus nombreux.
• 1720
Ce qui est inquiétant, c'est que tout s'est développé en même
temps qu'on mettait en place une entente qui devait
régler, en
principe, les questions d'identification pour permettre
l'ouverture de comptes. On croyait avoir à peu
près réglé un problème, mais il y en a cinq autres qui
surgissent. La solution n'est peut-être pas d'y
aller problème par problème, mais de créer une
obligation de résultat: il faut que les gens puissent
obtenir un compte.
M. Odina Desrochers: Vous avez quelque chose à ajouter?
M. Gilles Fournier: Chez les aînés, on a constaté des choses bizarres. Lorsqu'ils font des enquêtes, ils demandent si nous avons des placements et des revenus. Dès qu'on découvre que nous avons de bons revenus, on nous envoie immédiatement à quelqu'un d'autre. J'entends assez fréquemment ces remarques, parce que je m'occupe de fiscalité dans le mouvement. On essaie de nous faire transférer nos placements à la banque. À mon avis, le rendement des banques n'est pas très généreux. Il est très bon pour elles, mais pas pour nous. Quand celui qui est de l'autre côté du comptoir n'est absolument pas un expert et qu'il essaie de nous faire comprendre—dans mon cas à moi, cela ne passerait pas—que nous devons transférer nos régime de retraite, je trouve que c'est de l'arnaque. C'est fréquent. Comme je m'occupe de fiscalité, j'ai au moins trois appels téléphoniques par semaine de gens qui me demandent des conseils parce qu'ils trouvent que les réponses qu'ils ont eues sont aberrantes, inacceptables. Merci.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Une seconde, s'il vous plaît, monsieur Desrochers. M. Proulx a quelque chose à ajouter.
M. Odina Desrochers: Oui, allez-y.
M. Jacques Proulx: Ce n'est pas une réponse à votre question. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre cet empressement qu'on semble avoir à trouver des solutions pour les banques à leur place. Que je sache, les banques canadiennes ne sont pas en péril. Je n'ai peut-être pas bien lu, mais je pense que la Banque Royale a fait, l'année passée, des profits de 1,68 milliard de dollars. C'est presque le double des profits de General Motors, et je n'ai pas pitié de General Motors. Je pense qu'on ne doit pas dépenser trop d'énergie à essayer de trouver à leur place des solutions qui leur permettront d'en faire encore un peu plus. C'est la première chose.
Deuxièmement, arrêtons de penser que le virtuel va régler tous nos problèmes et va faire en sorte que la société sera d'une honnêteté incroyable. Si vous avez regardé la télévision ces jours-ci, vous savez qu'un policier a été suspendu et qu'on a arrêté deux personnes qui arnaquaient les gens âgés avec des cartes de crédit. C'est du virtuel, et ça ne règle pas le problème des fraudes.
Je ne rejette pas complètement les services automatisés, mais arrêtons de dépenser autant d'énergie à rendre les gens plus virtuels. Les gens sont des humains et ils veulent parler à des humains. Dans le monde rural, les gens se connaissent. On n'a pas besoin de regarder l'oeil des clients ou de prendre leurs empreintes digitales. Les gens se connaissent, mais il faut qu'il y ait des gens pour reconnaître les autres.
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur Proulx.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Desrochers.
M. Odina Desrochers: Monsieur Cadieux, vous dites qu'il y a actuellement 600 000 personnes au Canada qui n'ont pas de compte. Avez-vous des statistiques concernant le Québec? Sur les 600 000 personnes qui n'ont pas de compte, combien y en a-t-il au Québec?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Environ 25 p. 100.
M. Jacques St-Amant: Donnez-moi un petit instant et je vais retrouver les chiffres du sondage Environics. Je n'ai pas le nombre exact, mais j'ai les pourcentages. Le sondage Environics 1995 constatait que le pourcentage de gens qui n'ont pas de compte est beaucoup moins élevé au Québec. Si je vous donne la ventilation régionale...
Le vice-président (M. Nick Discepola): Encore une fois, c'est la faute du fédéral.
M. Jacques St-Amant: Non. Notre hypothèse, c'est que c'est essentiellement en raison du Mouvement Desjardins. Voici les chiffres: total Canada, 3 p. 100; Québec, 2 p. 100; Atlantique, 6 p. 100; Colombie-Britannique, 5 p. 100. Ce sont les pourcentages des gens qui n'avaient pas de compte de banque. Au Québec, on s'en tire quand même relativement bien. C'est d'ailleurs pour ça qu'on a fait une étude pancanadienne en 1996. Les gens hors Québec nous disaient: «Vous vous plaignez, vous? Venez voir chez nous. Vous n'avez rien vu.»
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur.
J'ai maintenant une question à poser à Mme Grenier Je pense que les employés de la Banque Laurentienne que vous représentez ont été lourdement affectés par la réorganisation administrative de votre institution.
• 1725
Avez-vous fait un genre de recherche pour
savoir quel est investissement nécessaire pour faire
l'installation d'un guichet automatique?
On parle aussi de
la formation à donner aux gens pour leur apprendre comment
fonctionne un guichet automatique. Comment cela se
compare-t-il au coût d'une
caissière ou d'un caissier au service de la population?
Dans un deuxième temps, lorsque vous avez fait vos revendications auprès de votre institution financière, avez-vous été en mesure de dire que la Banque Laurentienne était concurrentielle avec le personnel qu'elle avait en place avant de procéder à la réorganisation qui vous a largement touchés?
Mme Claude Grenier: Pour ce qui est des investissements en technologie et en formation à la Banque Laurentienne, je dois vous dire qu'il est assez difficile... Pour ma part, je n'ai pas ces connaissances, mais pour les gens qui ont examiné les états financiers de l'institution afin de voir ce qui s'y passait, ce n'était pas évident. À ce qu'on me dit, les rapports annuels des banques ne sont pas des plus transparents.
Votre deuxième question portait sur...
M. Odina Desrochers: Vous êtes déjà passés par une étape de réorganisation.
Mme Claude Grenier: Oui.
M. Odina Desrochers: Je présume que si jamais des fusions étaient autorisées, il y aurait des employés qui perdraient leur travail. Est-ce que vous avez fait des études pour savoir si votre institution financière serait demeurée aussi concurrentielle si tout le personnel avait été maintenu en place?
Mme Claude Grenier: Quand on regarde les chiffres des dernières années à la Banque Laurentienne, on constate que dans les dernières années, la Banque Laurentienne a toujours augmenté ses profits de façon significative, année après année. La seule année où ses profits ont diminué, c'était à cause de pertes comptables par rapport à une acquisition qu'elle avait faite l'année précédente. Elle avait amorti les coûts sur une année plutôt que sur plusieurs années. Cela est arrivé une seule fois et c'était à cause d'une acquisition qui, semble-t-il, devait la rendre plus rentable.
Donc, dans les chiffres qui sont publiés trimestre après trimestre, il n'y a absolument rien qui indique que la Banque Laurentienne, si elle avait plus d'employés, plus de succursales ou plus de services, ne serait pas concurrentielle. Il n'y a rien qui indique cela. C'est tout le contraire.
M. Odina Desrochers: Ce serait à peu près la même chose pour les autres banques qui veulent se fusionner, d'après vous?
Le vice-président (M. Nick Discepola): Elle ne peut pas parler pour les autres banques.
Je demande à M. St-Amant et à M. Cadieux de poursuivre la discussion.
M. Jacques St-Amant: Voici d'abord un détail. Quand la Banque Canadienne Nationale et la Banque Provinciale se sont fusionnées en 1980-1981, dans la région de Montréal, elles ont fermé à peu près la moitié de leurs succursales. Je ne sais pas si cela augure de ce qui s'en vient.
D'autre part, ce que vous disiez au sujet des investissements est intéressant. Effectivement, de plus en plus, les institutions financières semblent pousser les investissements en temps, en énergie, en formation et en matériel à l'égard des transactions courantes de la succursale vers le consommateur. C'est le consommateur qui doit apprendre à utiliser ces machins-là. C'est le consommateur qui doit avoir un ordinateur et un modem pour faire des transactions sur Internet. De plus en plus, tout ce que l'institution financière doit faire, c'est traiter les transactions. C'est le consommateur qui investit du temps et de l'argent pour pouvoir entrer en relation avec son institution. C'est un peu inquiétant.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Cadieux.
M. Serge Cadieux: Vous demandez si la Banque Laurentienne serait demeurée concurrentielle si elle n'avait pas fait ces transformations. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais, ayant pris connaissance des chiffres, je peux vous dire qu'en 1997-1998, alors que la Banque Laurentienne a mis la hache dans la moitié de ses succursales, ça faisait sept ans que les bénéfices de chacune des actions ordinaires étaient au même niveau, et ils ont augmenté en 1997-1998. Donc, par cette opération, elle a dégagé des bénéfices nets qu'elle a distribués à ses actionnaires. Elle n'a pas fait cette opération parce qu'elle avait des problèmes. Elle voulait donner des bénéfices plus élevés à ses actionnaires, mais elle était très compétitive.
D'ailleurs, si vous regardez la croissance des sept banques à charte au Canada au cours des sept dernières années, vous verrez que leur croissance a été de 10 p. 100 alors que celle de la Banque Laurentienne a été de 12 p. 100. La croissance de la Banque Laurentienne a été de 2 p. 100 plus élevée que celle des six grandes banques à charte.
M. Odina Desrochers: Monsieur le président, j'ai une dernière question et elle s'adresse à M. Lessard.
Vous savez que le Bloc québécois a fait des pressions pour qu'on prolonge les consultations qu'on tient aujourd'hui. Elles devraient se poursuivre jusqu'au mois de mars. Elles devaient prendre fin le 3 décembre. Le 3 décembre, un rapport préliminaire sera déposé pour faire part de la réflexion qui a été entendue sur le rapport MacKay.
Maintenant, vous avez fait une autre démarche, et une coalition comme la vôtre doit certainement avoir besoin de ressources financières et de ressources humaines. Est-ce que vous avez eu une réponse favorable? On sait qu'au Québec, lorsque des groupes doivent se présenter devant le BAPE, par exemple, pour parler d'une question très technique, un soutien financier leur est accordé pour se défendre. Compte tenu de la complexité du rapport MacKay, le gouvernement fédéral vous aide-t-il dans votre démarche?
M. Michel Lessard: Des demandes ont été faites et elles ont été refusées jusqu'à présent. Il serait tout à fait approprié que le gouvernement fédéral soutienne une coalition comme la nôtre, qui représente beaucoup de groupes et de membres, comme il soutient d'autres organismes dans d'autres opérations. Il permettrait ainsi à la population de disposer de moyens pour faire valoir son point de vue. Un des objectifs de la coalition est justement de faire connaître le point de vue des gens.
Si on avait une recommandation ou une suggestion à faire, ce serait de demander au gouvernement de nous aider à faire connaître nos points de vue. On dispose de moyens rudimentaires, mais on a l'intention de prendre de grands moyens pour faire connaître notre point de vue. On voudrait de l'aide, mais pourvu qu'on ne nous impose pas de conditions et que l'aide ne soit pas dirigée.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous considérez que le groupe de travail de M. MacKay et le groupe sénatorial qui a fait l'étude des fusions bancaires ne vous ont pas fourni assez d'occasions de faire valoir votre point de vue?
M. Michel Lessard: Comme comité, vous devriez faire les recommandations appropriées pour qu'on puisse soutenir le débat dans la population. On demande qu'il y ait une consultation beaucoup plus large que celle qui est faite actuellement. D'ailleurs, c'est une revendication de la coalition.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Il a fallu 18 mois pour l'étude MacKay, au coût de x millions de dollars...
M. Michel Lessard: Monsieur le président, le rapport MacKay...
Le vice-président (M. Nick Discepola): À la Bibliothèque du Parlement, il y a des briques sur toutes les études qui ont été faites.
M. Michel Lessard: Quand on parle de consultation, on ne parle pas d'un comité composé uniquement de parlementaires ou d'un comité...
Le vice-président (M. Nick Discepola): Le groupe de M. MacKay n'était pas un comité de parlementaires. C'était un comité indépendant qui défendait les intérêts des Canadiens et des Canadiennes.
M. Michel Lessard: Oui, oui, mais on souhaite que les Canadiens et les Canadiennes fassent partie du débat et qu'on ne leur impose pas un rapport.
Le vice-président (M. Nick Discepola): On s'est promenés partout au Canada.
M. Jacques St-Amant: Ne serait-ce que pour participer à des forums comme le vôtre, nous avons besoin de ressources. Or, nous en manquons cruellement.
J'aimerais simplement rappeler au comité que le groupe de travail lui-même recommande que des ressources soient mises à la disposition des représentants de la population, notamment des organisations de consommateurs, pour que les représentants de la population puissent, maintenant et dans les mois et les années à venir, participer utilement aux débats extrêmement complexes qui commencent et qui vont se poursuivre.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Monsieur Cadieux.
M. Serge Cadieux: Vous dites qu'il y a eu plusieurs consultations après la présentation du rapport MacKay. Nous avons formé une coalition sur les services bancaires personnalisés.
On est obligé de constater que le groupe de travail n'a pas apporté de grandes solutions à cette problématique. Il y a plusieurs dispositions relativement aux fusions des banques, parce que c'est arrivé et que le ministre a donné au groupe de travail le mandat d'étudier ces questions. Sur le rapport MacKay, une seule consultation est prévue au Québec et elle a lieu aujourd'hui. C'est la seule journée, et on s'est regroupés en coalition pour faciliter la présentation.
• 1735
Il est prévu que les consultations se poursuivent.
Au début, elles devaient se terminer à l'automne,
mais on a décidé de les prolonger aux mois de
janvier, février et mars. Le problème, c'est
qu'au moment où on se parle, ces consultations-là
doivent avoir lieu à Ottawa.
M. St-Amant vous dit qu'il y a une question de coût, ne serait-ce que pour se présenter devant le Comité des finances avec une présentation intelligente, une présentation qui soit basée sur une certaine recherche afin qu'elle contribue quelque chose à la consultation, mais il faut aussi se déplacer. Il y a plusieurs groupes de Montréal qui ne peuvent pas aller à Ottawa. Si le comité devait poursuivre ses travaux en janvier, février et mars, on souhaiterait pouvoir intervenir de façon plus large et présenter des choses intelligentes. On souhaiterait que les gens aient le plus possible accès à ces consultations. Il serait donc intéressant que d'autres consultations aient lieu à Montréal ou à Québec, ou aux deux endroits. La population du Québec est importante et elle a des choses à dire.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Le Comité permanent des finances consulte tous les Canadiens à l'échelle nationale depuis le mois de septembre. Nous sommes allés dans toutes les provinces. Depuis le mois de février, le groupe de travail libéral a siégé à Montréal une fois. Je crois que M. St-Amant avait même été invité à faire une présentation à Ottawa. Si jamais vous voulez faire des présentations à Ottawa, vous serez remboursés de vos frais.
On parle plutôt de donner de l'argent pour faire de la recherche, des études, etc. Je ne sais pas vraiment si on devrait financer votre coalition, mais on dévie de la discussion. Je vais tout de suite donner la parole à monsieur...
M. Odina Desrochers: Je vous demanderais, monsieur le président, de recevoir la recommandation et d'apporter vos commentaires plus tard.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Eh bien, ils n'ont pas fait de recommandation.
M. Odina Desrochers: Monsieur le président, à ce que je sache, tous ceux qui sont autour de la table ont fait des recommandations, et un rapport sera fait. Vous vous exprimerez à ce moment-là.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je ne suis pas obligé de m'exprimer. C'est dans les...
M. Odina Desrochers: Monsieur le président, pendant quelques minutes, on a eu l'impression que vous aviez beaucoup plus la tête d'un libéral que celle d'un président.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, merci.
Je cède la parole à M. Szabo. On va vous donner 22 minutes comme aux autres.
[Traduction]
M. Paul Szabo: D'abord, je tiens à vous remercier tous de votre témoignage.
Quand des gens se présentent devant nous pour défendre un intérêt quelconque, ce n'est pas parce qu'ils ont des motifs secrets, mais bien parce qu'ils ont reconnu l'existence d'un besoin et qu'ils veulent veiller à ce que ceux qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes ou obtenir le soutien dont ils ont besoin soient protégés. À cet égard, vous avez fait un travail remarquable, non seulement en cernant les problèmes, mais en donnant l'incitation nécessaire pour y trouver des solutions.
La carte d'identité est un problème que l'on peut résoudre. Il y a moyen de le faire. Dans mon portefeuille, j'ai quantité de cartes différentes—carte de santé, carte d'assurance sociale, cartes de crédit, permis de conduire, etc.—et je me demande pourquoi le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ne peuvent pas unir leurs efforts pour que soit émise une carte d'identité universelle une avec photo et toutes les caractéristiques nécessaires. Cela pourrait constituer la troisième carte.
Toutefois, je voulais aussi vous poser des questions sur la nécessité de maintenir la concurrence dans le secteur des services financiers. Nous envisageons une multiplication des banques et c'est bien de cela qu'il s'agit ici. Toutefois, vous recommandez par exemple que les banques fassent ceci ou cela, qu'elles aient une agence à tel ou tel endroit, et cela ne peut...
Tout cela constitue des contraintes, des restrictions ou des modalités qui, de façon générale, pourraient constituer des entraves à toute nouvelle concurrence. Cela rend les choses difficiles car tout le monde y gagne quand les consommateurs ont un plus vaste choix, quand ils peuvent décider à qui s'adresser pour tel ou tel service en se basant sur la réputation du fournisseur.
• 1740
Il faut que nous trouvions un juste milieu entre les règles et
le cadre de réglementation et la nécessité d'intensifier la
concurrence. Plus les règlements sont nombreux, plus cela constitue
des barrières à l'entrée d'autres concurrents—et je songe par
exemple à la possibilité que les coopératives de crédit et les
caisses populaires puissent offrir toute la gamme de services
bancaires. Qu'adviendra-t-il d'elles?
Je sais que les coopératives de crédit ont accueilli avec enthousiasme le rapport du groupe de travail MacKay parce qu'il préconise, pour la première fois, de leur permettre d'offrir des services bancaires à l'échelle nationale. Une grande coopérative de crédit de Vancouver, la VanCity, a en fait proposé que 800 coopératives de crédit à l'échelle du Canada fusionnent afin de pouvoir offrir des services que les banques n'offrent pas. Une plus grande concurrence est sans doute préférable.
Mais je pense qu'il est également capital que le secteur bancaire puisse réaliser des bénéfices. Nous pourrions parler longuement de ce qui constitue un bénéfice approprié, mais je ne pense pas que qui que ce soit préconiserait ici que les banques soient sans but lucratif, qu'elles se contentent de simplement rentrer dans leurs frais chaque année. Cela ne nous permettrait pas d'avoir la stabilité et la sécurité dont nous avons besoin au Canada afin de nous prémunir contre les faillites bancaires et d'empêcher que les Canadiens fassent les frais d'une catastrophe éventuelle. Il nous faut donc un système bancaire sain.
Dites-moi comment nous pourrions intensifier la concurrence. La concurrence actuelle est-elle suffisante? Parmi les problèmes que vous avez soulevés, la question des heures, du personnel en nombre suffisant, des besoins particuliers et des personnes âgées et des femmes, ceux des réfugiés et des autres personnes qui n'ont pas les papiers d'identité requis... ? A-t-on raison de croire qu'une concurrence accrue permettrait de régler ces problèmes?
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur St-Amant.
M. Jacques St-Amant: Il y a déjà peu de concurrence dans le marché bancaire canadien. Au plan régional, on se rend compte que dans beaucoup de coins, il y a une ou deux institutions financières présentes. Oui, il serait intéressant qu'il y ait davantage de concurrence.
Il y a encore moins de concurrence dans certaines régions rurales et dans les quartiers à faible revenu des régions urbaines. Les banques, dans une vaste mesure, ont quitté ces coins-là. Est-ce que les nouvelles institutions qui pourraient s'établir offriraient des services dans les secteurs que les banques actuelles ont désertés? Qu'est-ce qui va les convaincre d'aller s'installer dans Hochelaga—Maisonneuve, dans Tuxedo Park à Calgary ou dans certains coins de Vancouver qui sont très pauvres? Je ne suis pas du tout certain qu'elles vont le faire de leur plein gré.
Pire que cela, s'il y a effectivement de la concurrence qui se développe dans les créneaux les plus rentables, peut-être que nos banques déjà installées vont se dire qu'elles font maintenant un peu moins d'argent là où elles en faisaient pas mal et qu'elles doivent donc réduire encore davantage leurs services un peu moins rentables. Si on ne prend pas de mesures pour s'assurer que tous les Canadiens ont des services, je suis loin d'être certain que le marché laissé à lui-même va se donner la peine d'offrir des services à tout le monde.
Aux États-Unis—je vais prendre cet exemple puisque c'est en principe l'exemple même de la libre entreprise—on a pris des mesures législatives pour inciter les banques à demeurer présentes et à offrir des services dans toutes les régions, y compris dans les quartiers moins favorisés. Je voyais récemment une décision rendue par le Federal Reserve Board concernant une fusion bancaire à Philadelphie. On a dit à deux banques importantes: «Vous pourrez vous fusionner, mais une des conditions de la fusion sera la suivante: si vous fermez une succursale de l'une ou l'autre des deux institutions qui se fusionnent, vous devrez vous assurer qu'il en reste une autre à moins d'un tiers de mille.» Ce n'est pas très loin. On a pris des mesures pour s'assurer que des services seraient toujours donnés aux consommateurs de Philadelphie.
Le vice-président (M. Nick Discepola): M. Barrett et la Banque Royale vous ont également donné la garantie que là où il y a au moins deux succursales des institutions, ils ne fermeraient pas les deux.
M. Jacques St-Amant: Avec le plus grand respect pour M. Cleghorn et M. Barrett, il faut peut-être rappeler l'état de la concurrence dans le marché canadien. À l'extérieur des grandes villes, si j'ai bonne mémoire, dans 53 p. 100 des localités canadiennes desservies par une institution financière, il y a une seule institution présente. Dans 23 ou 24 p. 100 de ces localités, il n'y en a que deux. Donc, 75 ou 76 p. 100 des localités desservies au Canada comptent au maximum deux institutions financières. Il y a très peu de concurrence.
Dans la plupart de ces cas, il y a une des deux institutions qui est une caisse populaire ou une credit union. Résultat net: les situations où il y a deux banques en concurrence dans une localité au Canada sont très rares. Savez-vous combien il y a de cas au Canada, actuellement, où il y a à la fois, dans une localité, une Banque Royale et une Banque de Montréal, ce dont vous parlent M. Cleghorn et M. Barrett? Vingt et un. La promesse de M. Cleghorn et M. Barrett s'applique à 21 localités. Je ne pense pas que cela règle la situation de l'ensemble des Canadiens.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Szabo.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Ce chiffre de 600 000 est très éloquent quand on songe au nombre d'adultes qui n'ont pas de compte en banque. Il faut savoir que les Musulmans, à cause de leurs croyances, ne peuvent pas avoir de compte en banque qui produise des intérêts. C'est interdit. Et il y a beaucoup de musulmans au Canada.
Le pourcentage de 5 p. 100 pour la Colombie-Britannique est intéressant également. Je ne vais pas chercher à savoir pourquoi c'est si élevé, mais je pense qu'une analyse serrée permettrait de tirer certaines conclusions.
Si nous pensons à la situation de l'emploi et à la rapidité des transferts de données par ordinateur, je pense que MacKay a tout à fait raison de signaler ce qui se passe dans notre secteur des services financiers. Il faudra songer à d'autres modifications, à la suite des progrès technologiques, pour éviter de perdre des emplois. Tout le système va être élagué; les opérations bancaires électroniques vont se multiplier.
D'après les statistiques, il y a eu une croissance phénoménale des opérations bancaires électroniques—les guichets automatiques, l'Internet, le téléphone, etc. Toutes ces opérations ne sont pas faites par les banques mais plutôt par les clients des banques. Étant donné la tendance, les banques réagissent à la demande des consommateurs à bien des égards.
Vous avez dit que pendant cette période de transition, il y avait des laissés pour compte. C'est indéniable, mais dites-moi si vous pensez que c'est cela l'impression. Les banques jouissent d'une situation privilégiée, ce qui leur a permis de prospérer. Les banques ont une responsabilité sociale dans tout ce que vous avez soulevé, qui a plus d'importance ou du moins autant d'importance que la responsabilité qu'elles ont en tout état de cause à l'égard de leurs actionnaires. Réclamez-vous que les banques soient plus sensibles sur le plan social, qu'elles répondent davantage à la réalité des besoins des Canadiens? Rappelez-vous une des choses que vous réclamez: même dans une région faiblement peuplée, vous voulez que les banques offrent des services, même si elles doivent le faire à perte.
[Français]
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Szabo. Monsieur St-Amant.
M. Jacques St-Amant: Je vais soulever rapidement quelques points. Je ne doute pas que mes collègues voudront apporter des précisions.
À l'égard des gens de confession islamique, j'en connais un certain nombre à Montréal qui ont des comptes de banque. Je suis très étonné de votre affirmation parce qu'il est très clair, quand on regarde la liste des 1 000 plus grandes banques au monde, qu'il y en a un bon nombre qui sont installées dans des pays musulmans. En Arabie, à Bahreïn, par exemple, les banques sont prospères et se portent merveilleusement bien.
Il est vrai que les transactions électroniques augmentent, mais comme on le mentionnait plus tôt, le nombre de transactions faites au comptoir semble se maintenir. D'après le sondage CROP qu'on a réalisé au Québec en février dernier, il y a 75 p. 100 des gens qui vont encore au comptoir et ils y vont en moyenne trois fois et demie par mois, c'est-à-dire une fois par semaine.
• 1750
Le sondage Ekos commandé par le groupe de travail
contient aussi certaines données intéressantes. Par
exemple, il y a
56 p. 100 des Canadiens qui disent qu'on
ne devrait pas laisser une banque fermer une succursale
comme elle le veut, qu'il doit y avoir des mesures de
contrôle.
Il y a beaucoup de gens qui tiennent aux services en succursale, comme notre sondage CROP le démontrait également. Ce n'est pas parce qu'il y a plus de transactions électroniques et que beaucoup de Canadiens les trouvent commodes qu'on n'a plus besoin de services personnalisés. Préfèrent-ils les bonnes vieilles succursales ou non? C'est une autre question, mais les Canadiens tiennent à pouvoir faire affaire avec des caissiers humains. Il s'agit donc de s'assurer que les banques répondent aux besoins de la population et de la clientèle, qu'elles répondent aux besoins des collectivités. Comme on l'a dit plus tôt, puisque les banques sont un service public, il est dans l'intérêt commun que tout le monde puisse disposer des services bancaires les plus élémentaires et il faut prendre les moyens pour y parvenir.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Faucher, s'il vous plaît.
M. Claude Faucher: Je comprends mal qu'on puisse poser une question comme celle-là. Dans notre société, on qualifie les personnes de deux façons: il y a les personnes physiques, c'est-à-dire les gens, et les personnes morales. Pour moi, il n'y a pas de débat à faire quant à la responsabilité des personnes morales d'être là pour les personnes physiques. Il faut que les sociétés comprennent qu'elles sont là d'abord et avant tout pour le bien-être de la population. Autrement, on met une population au service des entreprises, au service de certains groupes qui détiennent le capital et le contrôle économique au détriment de la société.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas que les entreprises fassent des profits ou qu'elles n'ont pas droit à une certaine liberté d'action, mais elles doivent être conscientisées quant à la nécessité de rendre des services à la population et quant à leur raison d'être, qui est d'abord et avant tout le service à la population.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Faucher.
Monsieur Lessard.
M. Michel Lessard: M. Szabo demandait si les banques devaient répondre aux demandes de la clientèle. Bien sûr. Est-ce que la clientèle a demandé la disparition des services personnalisés? Pouvez-vous me répondre? La clientèle n'a jamais demandé cela.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vais vous donner un exemple. Il y a plus d'un milliard de transactions qui se font par Interac.
M. Michel Lessard: Et?
Le vice-président (M. Nick Discepola): En soi, n'est-ce pas la preuve que les consommateurs demandent ce type de service?
M. Serge Cadieux: Ils vont quand même dans les succursales.
M. Michel Lessard: Oui, ils y vont quand même. Ils ne demandent pas qu'on abolisse les...
Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce n'est qu'un exemple.
M. Michel Lessard: Oui, mais ils ne demandent pas que les...
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vais vous donner un autre exemple.
M. Michel Lessard: Je peux vous en donner beaucoup, moi aussi.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez demandé des exemples. On peut dire que la technologie coupe peut-être des services, mais le Canada est, parmi tous les pays les plus industrialisés, celui qui a le plus de guichets automatiques.
M. Michel Lessard: Oui.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Les consommateurs d'aujourd'hui recherchent peut-être ce genre de service, alors qu'il y en a d'autres qui préfèrent les services traditionnels. Donc, le rôle de la banque est de fournir les deux types de services.
M. Michel Lessard: C'est ce qu'on dit. Si on comprend cela, tout ira bien. Il doit continuer à y avoir des services personnalisés, car les gens en ont besoin. Il y a eu une démonstration assez évidente des besoins, tant des personnes aînées que des jeunes, des étudiants et des agriculteurs.
Vous avez devant vous un portrait de la société. Regardez les représentants qui sont ici. Ce sont les composantes de la société. Ils ne vous ont pas dit de mettre la hache dans les guichets automatiques. Ils vous ont dit d'imposer aux banques l'obligation de maintenir de maintenir des services personnalisés, à proximité des gens. Les gens demandent l'accessibilité des services. Ne me dites pas que ce n'est pas cela qu'ils demandent. C'est cela qu'ils demandent. Oui, il y a des services de guichet automatique, et on ne reviendra pas en arrière. Les guichets automatiques vont encore exister demain.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Cadieux.
M. Serge Cadieux: On ne demande pas aux banques de maintenir des services personnalisés simplement parce que les banques ont décidé de ne pas maintenir des services personnalisés. Il faut voir le cadre dans lequel on intervient. On accepte le fait que le gouvernement fédéral a confié aux banques le mandat public d'agir comme institutions de dépôt. Il faut partir de cette base-là. Le gouvernement a confié cela aux banques. GM ne peut pas ouvrir une succursale bancaire pour faire des transactions. Le gouvernement assure les banques à charte que les dépôts que font les Canadiens chez elles seront garantis jusqu'à concurrence de 60 000 $.
Le vice-président (M. Nick Discepola): N'importe qui pourrait ouvrir une succursale bancaire avec 10 millions de dollars, je crois. Quel est le chiffre magique? Même M. MacKay fait cette recommandation.
M. Serge Cadieux: Monsieur le député, je vous parle de la loi actuelle. Je ne parle pas des recommandations, mais de la loi actuelle. La loi actuelle a fait en sorte que le gouvernement fédéral a protégé les banques et l'argent des Canadiens et Canadiennes. Il ne faut pas oublier que le capital des sept grandes banques à charte est composé à 95 p. 100 de notre argent. C'est cela, le capital des banques à charte. Ces banques-là ont été bien encadrées, et le gouvernement assume la responsabilité de la plus grande partie des prêts à risque. Ce ne sont pas les banques qui les assurent, mais bien différents programmes gouvernementaux.
À partir du moment où on accepte la prémisse qu'il s'agit d'un service public, on doit se demander de quelle façon un service public doit être rendu à la population. Les banques, et c'est là qu'est le problème, se sont dit qu'elles ne voulaient plus agir comme institutions de dépôt, mais qu'elles voulaient continuer à bénéficier des avantages des banques. Ce qu'elles veulent, c'est une migration des institutions de dépôt et de la clientèle ordinaire. Elles veulent mettre tous leurs oeufs dans le panier des services financiers, du courtage des services financiers, du courtage immobilier, du courtage transactionnel. C'est ce que les banques sont en train de faire. Attendez. Laissez-moi finir.
Le vice-président (M. Nick Discepola): J'aimerais élaborer sur ce point-là. Vous dites que si les banques n'agissent plus comme institutions de dépôt, elles n'auront plus de ressources, plus de matière première, si je peux employer le mot. Elles doivent continuer d'accepter les dépôts. Expliquez-nous votre point de vue.
M. Serge Cadieux: Eh bien, je vous l'explique. Elles agissent comme institutions de dépôt pour la clientèle qui est payante pour eux, celle qui achète des REER, des actions et des produits financiers différents. Il y a 20 ans, une banque acceptait un assisté social qui voulait ouvrir un compte de banque; elle encaissait ses chèques. Aujourd'hui, les banques choisissent leur clientèle; cette clientèle représente entre 15 et 30 p. 100 de la clientèle totale. Les banques ne veulent pas desservir les autres. Pourquoi? Parce que ces gens-là n'ont pas un cent pour s'acheter un REER, une action, une hypothèque ou différents véhicules de placement. Les banques veulent avoir de l'argent. Elles ne cherchent pas à accommoder les citoyens canadiens qui ont un papier qu'ils veulent échanger. Les gens ne sont pas payés en numéraire et ont un chèque qu'ils veulent échanger. Pourquoi les banques ne veulent-elles pas faire cela? Parce que cette transaction est coûteuse pour elles.
On dirige les clients au guichet automatique parce que c'est moins coûteux. C'est ce que les banques sont en train de faire. Elles disent qu'elles vont maintenir le service transactionnel, mais que ceux qui veulent transiger avec elles vont le faire via le guichet automatique.
On ne demande pas à la banque de s'autodiscipliner. On demande au gouvernement de prendre ses responsabilités. C'est un service public. Si le gouvernement a décidé que ce serait les banques à charte, au Canada, en vertu de la loi qui existe, qui échangeraient les chèques gouvernementaux, les chèques de paie et qui placeraient l'argent des individus, il faut que le gouvernement s'assure qu'en contrepartie, les banques ne choisiront pas leur clientèle et serviront également toutes les couches de la population. C'est ce qu'on demande.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Si j'avais une seule recommandation à retenir, ce serait celle-là. Je suis le premier à affirmer que les banques ont un statut privilégié au Canada et qu'elles ont de ce fait une responsabilité sociale.
Permettez-moi de vous poser quelques questions. M. MacKay, dans son rapport, fait des recommandations qui visent vos préoccupations. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
• 1800
Au sujet de l'accès aux services bancaires de
base, il fait la
recommandation suivante:
C'est une préoccupation dont on a discuté pendant 10 ou 15 minutes. Est-ce que vous êtes d'accord sur cette recommandation? Est-ce que vous voyez dans cette recommandation une solution à vos revendications?
M. Serge Cadieux: Jacques, veux-tu répondre? Vas-y.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Je ne veux pas partir le débat parce que cela a déjà été fait.
M. Jacques St-Amant: Au point de départ, la création d'un identifiant soulève une foule de questions quant à la protection des renseignements personnels. Dans quelle mesure cet identifiant sera-t-il identifié? Dans quelle mesure va-t-on coller les gens à cette identifiant? C'est un débat qui est extrêmement vaste.
D'autre part, il ne faut pas se faire d'illusions. Les pièces gouvernementales ne règlent pas le problème. Je vous donne un exemple. La loi ontarienne interdit aux entreprises de réclamer la carte d'assurance-maladie ontarienne comme identifiant, pour toutes sortes de raisons liées, entre autres, à la protection des renseignements personnels. Alors, oui à un identifiant, mais l'entreprise ne peut pas l'utiliser pour une foule de raisons.
Ce ne sont pas des débats simples, loin de là. Je pense que le groupe de travail a mal fait ses devoirs à cet égard.
Le vice-président (M. Nick Discepola): La deuxième recommandation porte sur un compte de banque standard. On dit que les banques devraient offrir une gamme de services de base standard. Pour vous, quels types de services devrait-on offrir—on vous a posé la question à Ottawa également—et combien de transactions devrait-on fournir dans cette gamme de services de base que vous réclamez?
M. Jacques St-Amant: On a essayé de faire l'exercice, mais c'est toujours un peu estimatif parce qu'on n'a pas de données précises. En faisant un des profils qu'on a utilisés dans le test du magazine, on a essayé de voir le cas d'une personne qui fait relativement peu de transactions et qui les fait au comptoir.
En général, les gens font au moins deux dépôts par mois, ainsi que six ou sept retraits. Ils ont facilement quatre factures à payer, peut-être deux virements, c'est-à-dire deux transferts de fonds d'un compte à l'autre, et cinq, six ou sept chèques à faire, selon leurs affaires. On arrive très vite à une vingtaine de transactions que les gens font assez couramment.
Évidemment, les gens à très faible revenu, qui ont un petit chèque, un gros loyer et qui ne peuvent même pas se payer le téléphone, vont faire moins de transactions, quand on parle du minimum requis. Mais le citoyen ordinaire bas, peut-on dire, fait facilement de 15 à 20 transactions par mois.
Le vice-président (M. Nick Discepola): La recommandation de M. MacKay dit:
Êtes-vous d'accord sur cette recommandation?
M. Jacques St-Amant: Il y a très certainement du travail à faire pour avoir un portrait plus exact des transactions qui sont faites. Les données sont très difficiles à obtenir. Les banquiers nous disent qu'ils n'ont aucune idée des transactions que les gens font dans leur compte. Il n'y a pas de statistiques précises là-dessus. Donc, oui, la recommandation du groupe de travail à cet égard est la bienvenue.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous êtes d'accord ou vous n'êtes pas d'accord?
M. Jacques St-Amant: Oui.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous êtes d'accord.
M. Jacques St-Amant: Dans l'ensemble, oui.
Le vice-président (M. Nick Discepola): La troisième recommandation de MacKay est la suivante:
Dans votre présentation, vous n'avez pas défini ce qui constitue des frais raisonnables. Est-ce que vous pouvez élaborer, s'il vous plaît?
M. Serge Cadieux: On peut déjà constater que si on utilise le guichet automatique, c'est beaucoup moins cher que si on va au comptoir. Donc, évidemment, dans notre revendication, on dit que les frais devraient être identiques, que l'on fasse une transaction au comptoir ou au guichet automatique. C'est la première chose que l'on dit. Le groupe de travail ne répond pas nécessairement à cette question. Deuxièmement, il s'agit de voir ce que cela veut dire, des frais raisonnables. On recommande que des outils soient insérés dans une loi afin qu'on puisse s'assurer que les frais sont raisonnables.
• 1805
Il existe un
certain nombre d'institutions, entre autres au Québec,
qui réglementent le coût d'un produit. On ne
laisse pas le marché déterminer le coût à lui seul,
surtout lorsqu'il s'agit d'un service public. Dans le cas de
l'électricité et de différentes autres formes
d'énergie,
on établit une commission permanente, un comité
qui va contrôler les prix. Une institution
qui veut augmenter ses prix devra
justifier cette augmentation auprès de ce comité.
Actuellement, il n'y a absolument rien de ce genre pour les institutions financières. Elles ont une liberté totale. Donc, d'abord, il ne doit pas y avoir de différence entre les frais de transaction au guichet automatique et au comptoir. On voit qu'il y a maintenant une différence énorme entre les deux. Le prix d'une transaction au comptoir peut être le double, et même plus, du prix d'une transaction au guichet automatique. Donc, c'est une des premières choses que la loi devra prévoir. Deuxièmement, il faut qu'il y ait des outils pour vérifier l'évolution de ces coûts.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Dans la même recommandation, le groupe de travail dit ceci:
Je pense qu'il y a déjà un outil là-dedans. Monsieur St-Amant.
M. Jacques St-Amant: Nous avons eu l'occasion, à Option Consommateurs, de discuter, au cours des deux ou trois dernières années, avec quelques banques et avec le Mouvement Desjardins pour mettre en place des comptes destinés aux faibles transigeurs, aux gens qui font peu de transactions et qui ont peu de ressources.
Il y a actuellement des institutions qui offrent des comptes avec forfaits de 3 $ ou 4 $ par mois qui incluent, dans beaucoup de cas, les transactions au comptoir et électroniques. Ces institutions-là nous disent qu'elles ne font pas fortune avec ces comptes, mais qu'elles ne perdent pas vraiment d'argent. Alors, il y a de la marge pour travailler. Il y a déjà quelques ouvertures. Si les gens pouvaient s'asseoir, ou si le ministère des Finances pouvait obliger les gens à s'asseoir, on pourrait sans doute progresser de façon intéressante.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Une solution au problème serait peut-être de faire des dépôts directs dans les comptes une fois que la permission d'ouvrir un compte aurait été donnée. La recommandation de M. MacKay à ce sujet est celle-ci:
Si cela pouvait régler une partie des problèmes, combien de bénéficiaires de l'aide sociale pourraient bénéficier de ce service de dépôt direct?
M. Jacques St-Amant: Évidemment, la condition sine qua non au dépôt direct, c'est que les gens aient des comptes. C'est donnant, donnant.
Je pense que de façon générale—mes collègues me contrediront au besoin—la plupart des organismes communautaires et syndicaux au Québec sont d'accord quant au développement du dépôt direct tant qu'il demeure volontaire et facultatif pour la personne qui reçoit la somme d'argent. Cet élément de la recommandation du groupe de travail est extrêmement important.
Au Québec, sauf erreur, au-delà de 20 p. 100 des gens ont adhéré assez rapidement au régime de dépôt direct des prestations de la sécurité du revenu. Donc, c'est une solution qui peut être populaire et intéressante pour tout le monde, à condition que les gens aient des comptes.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Donc, vous êtes d'accord sur cette recommandation?
M. Jacques St-Amant: Oui.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Jetté.
Mme Nicole Jetté: Concernant l'aspect volontaire, il est important que les gens puissent avoir le choix d'opter ou non pour le dépôt direct. C'est clair en ce qui concerne les personnes assistées sociales, ainsi qu'au niveau des allocations familiales. Les personnes âgées, quant à elles, choisissent souvent le dépôt direct parce qu'il est sécuritaire.
J'aimerais revenir à une autre question. On a beaucoup parlé de concurrence. On parle de services, de l'établissement des prix et ainsi de suite. Étant donné la population avec laquelle je suis le plus en contact... On a parlé de la concurrence dans le système téléphonique. C'est censé diminuer les coûts, mais il y a de plus en plus de familles à faible revenu qui n'ont pas le téléphone, qui n'ont pas les moyens d'avoir le téléphone.
Actuellement, dans le domaine des services bancaires, il y a des gens qui, à cause des frais ou des conditions, ne peuvent pas avoir de compte bancaire. On n'exige pas simplement deux cartes d'identité, actuellement, pour l'ouverture d'un compte. Il y a beaucoup de conditions derrière les deux cartes d'identité. Actuellement, beaucoup d'institutions bancaires imposent des conditions telles que les gens ne peuvent pas exercer leur droit à ce service public que sont les services bancaires. On exclut des citoyens qui ont droit à ce service. Le gouvernement doit se préoccuper d'empêcher l'exclusion des gens que les banques, au nom de la concurrence, veulent mettre de coté. Telle devrait être la préoccupation du gouvernement au niveau des services bancaires.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Jetté.
En ce qui concerne les délais d'attente pour l'encaissement des chèques gouvernementaux, M. MacKay fait également une recommandation. Il dit:
Est-ce une recommandation que vous appuyez?
M. Jacques St-Amant: Je voudrais dire deux choses à cet égard. En principe, nous appuyons de toute évidence cette recommandation. En pratique, il existe déjà des accords de ce genre, par exemple l'accord entre le gouvernement fédéral et les banques en matière d'encaissement. Très souvent, la règle G8 de l'ACP, dont il s'agit, n'est pas respectée par les succursales bancaires et par les autres institutions financières. Donc, il ne suffit pas d'avoir des accords. Il faut aussi s'assurer qu'ils sont mis en oeuvre.
Deuxièmement, au-delà de ça, le problème des gels est réel et croissant. On devrait peut-être songer à s'inspirer de la loi américaine adoptée sous M. Reagan qui limite considérablement la durée des gels, qui fait en sorte qu'aux États-Unis, les banques les font moins longtemps qu'au Canada.
Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Y a-t-il d'autres questions de la part des députés?
Il ne me reste plus qu'à vous remercier de votre présentation. Je pense que vous avez ajouté énormément à notre débat. Ce n'est pas la fin. C'est à peine le début. Merci infiniment.
Je remercie également les recherchistes et tout le personnel, et surtout mes collègues d'avoir participé à ces audiences. Au plaisir de vous revoir à Ottawa demain matin.
La séance est levée.