TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 5 novembre 1998
[Traduction]
Le président suppléant (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): La séance est ouverte. Nous reprenons nos délibérations en conformité avec notre mandat aux termes du paragraphe 108(2) du Règlement. Le comité étudie le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, connu sous le nom de Groupe de travail MacKay.
Nous accueillons pour notre table ronde d'aujourd'hui des représentants de l'Association canadienne des institutions financières en assurance, de l'Association canadienne du marketing direct et du Conseil national des femmes du Canada. Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins.
Comme c'est notre habitude, nous vous invitons à nous faire un exposé de cinq à sept minutes, après quoi les membres du comité voudront sûrement dialoguer avec vous et vous poser des questions.
Selon l'ordre indiqué sur l'ordre du jour, je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Dunbar Russel, président de l'Association canadienne des institutions financières en assurance, qui est accompagné de M. Bernard Dorval, le vice-président. Soyez les bienvenus, messieurs. Nous sommes prêts à vous écouter.
M. H. Dunbar Russel (président, Association canadienne des institutions financières en assurance): Merci beaucoup de nous avoir invités à cette réunion.
Je commencerai par vous parler un peu de notre association, par vous dire qui nous sommes, puisque nous sommes une association que les députés ne connaissent peut-être pas bien. L'ACIFA est la seule association d'assureurs qui englobe tous les grands secteurs d'activité. Nous comptons parmi nos membres le plus important fournisseur d'assurance-voyage et les deux plus grands assureurs de réponse directe du pays. Nos membres proviennent de divers secteurs, notamment le commerce de détail, comme J.C. Penney; les coopératives, comme le Groupe Desjardins; les filiales d'assurance des banques; et les filiales d'assurance des sociétés de fiducie.
Nous créons chaque jour de nouveaux emplois; nous en avons créé près de 2 000 depuis 1993. La vision que nous avons de notre secteur est axée sur le client. Nous voulons lui offrir la plus vaste gamme possible de produits, une multitude de canaux d'accès, des prix modiques et un bon rapport qualité-prix. Le client mérite un bon rapport qualité-prix et une liberté de choix, mais aussi respect et information. La création d'emplois pour les Canadiens est une conséquence naturelle de notre croissance et du service que nous fournissons aux consommateurs.
• 1535
Nous approuvons la recommandation du groupe de travail visant
à permettre aux consommateurs d'acheter de l'assurance par
l'entremise des succursales des institutions qui prennent des
dépôts et de recevoir des informations axées sur leurs besoins. Il
en résultera trois grands avantages pour les consommateurs: une
réduction du coût de distribution, une amélioration de la
prestation des services et un accès plus grand à l'assurance pour
un plus grand nombre de personnes.
Le groupe de travail s'est aussi prononcé expressément en faveur d'une utilisation à bon escient des renseignements sur les clients pour le marketing des assurances. D'après les règles en vigueur, nous devons cibler l'ensemble des consommateurs dans nos efforts de marketing. Cette façon de faire est non seulement coûteuse, mais elle entraîne aussi du gaspillage et est une nuisance pour les consommateurs qui n'auraient aucun besoin du produit faisant l'objet du marketing ou qui ne voudraient pas de ce produit. Nous approuvons aussi les recommandations en ce sens.
Notre association comprend que la protection des renseignements personnels est une question d'importance capitale pour les consommateurs. C'est pourquoi tous nos membres ont en place des politiques visant à faire en sorte que les renseignements sur les clients soient traités avec le plus grand soin. Nous appuyons les objectifs et l'esprit des recommandations du groupe de travail à cet égard et nous sommes disposés à travailler avec les autorités gouvernementales à l'élaboration de politiques à cet effet. Nous appuyons par ailleurs l'approche d'Industrie Canada en ce qui a trait au projet de loi sur la protection de la vie privée qui est en cours d'élaboration et qui a été soumis à la Chambre.
En ce qui a trait aux ventes liées avec coercition, les membres de l'ACIFA n'approuvent pas les ventes de ce genre et se sont dotés de politiques pour empêcher qu'elles ne se produisent. Il s'agit là d'un grave problème. Il est toutefois crucial de distinguer entre l'interdistribution ou le groupement de produits, qui peut profiter aux consommateurs, et les ventes liées avec coercition.
Le groupe de travail a décrit l'impact sur le marché et les avantages pour les consommateurs du choix accru que permettraient ces recommandations. Au Canada, nous avons l'exemple du Québec, où l'impact a été le suivant. Les prix témoignent d'une certaine modération. Au Québec, les polices d'assurance-vie de 10 000 $ coûtent en moyenne 240 $, comparativement à 324 $ dans les autres provinces canadiennes. Par ailleurs, les primes d'assurance-automobile et d'assurance de biens ont augmenté plus lentement au Québec qu'ailleurs au Canada.
Ces prix moins élevés se sont traduits par une croissance du marché. Les Québécois sont plus nombreux à avoir une police d'assurance-vie que les habitants des autres provinces. À l'échelle du Canada, plus de 47 p. 100 des gens n'ont aucune assurance-vie. Il faut comparer ce taux de pénétration de 53 p. 100 au Canada au taux de pénétration en Europe, qui se situe entre 60 et 63 p. 100—le taux de pénétration étant de 60 p. 100 aux Pays-Bas, qui sont de la taille du Canada.
Parmi les Canadiens qui n'ont aucune assurance-vie, beaucoup proviennent de familles à faible ou à moyen revenu, bien souvent des familles monoparentales dirigées par des femmes. Nous croyons que ces marchés sont actuellement très mal servis.
La croissance du secteur des assurances au Québec s'est soldée par la création d'emplois. Quand la caisse a eu la possibilité de vendre des assurances au détail, quelque 5 500 personnes travaillaient dans le secteur des assurances au Québec. Dix ans plus tard, ce chiffre est passé à 6 500, soit un accroissement de près de 20 p. 100 du nombre d'emplois. D'après nos recherches, l'impact est le même en Europe: plus de choix, et par conséquent des prix plus compétitifs; croissance du marché; et, au bout du compte, création de nouveaux emplois. Il convient de signaler que les assureurs bancaires ne dominent pas le marché européen. Le plus souvent, leur part de marché se situe entre 5 et 15 p. 100.
En résumé, toutes les recherches ainsi que les expériences internationales indiquent les impacts suivants, d'une part; les consommateurs ont plus de choix, les prix sont donc plus compétitifs et le marché croît de manière générale; et, d'autre part, les assureurs bancaires, qui offrent beaucoup de ces nouveaux services, ne dominent pas le marché. Le groupe de travail s'est rendu à l'évidence de ces faits; c'est pourquoi il a recommandé que les institutions qui acceptent des dépôts puissent vendre des assurances.
Nous avons maintenant un projet de loi sur la protection de la vie privée qui est devant la Chambre et une disposition sur les ventes liées dans la Loi sur les banques. Notre association appuie ces mesures. Étant donné le travail qui est déjà bien amorcé à cet égard et les recommandations exhaustives du groupe de travail, le moment est venu d'aller au-delà des débats d'hier pour faire place à la concurrence dans le secteur des assurances. Nous espérons que le comité s'emploiera, dans les meilleurs délais, à assurer la mise en oeuvre de l'ensemble de recommandations bien équilibré. Il faut résister à la tendance à ne choisir que certaines recommandations et à retarder davantage le processus. Le Canada et la Corée du Sud sont les seuls pays à interdire de manière générale la vente d'assurance dans les succursales des institutions de dépôt. Au Canada, les habitants du Québec ont plus de choix que les habitants des autres provinces quand il s'agit d'acheter des assurances. Votre comité peut intervenir pour mettre fin aux mesures disparates relatives à la vente au détail d'assurance. Il est temps que le Canada se positionne en conformité avec ce qui se fait ailleurs dans le monde. Il est temps de donner à tous les Canadiens plus de choix, un accès plus grand et des prix compétitifs dans le domaine de l'assurance.
Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci beaucoup, M. Russel. Je suis sûr que votre enthousiasme suscitera la discussion.
Je tiens maintenant à souhaiter la bienvenue à M. John Gustavson, président et chef de la direction de l'Association canadienne du marketing direct. Bienvenue, monsieur. Nous vous écoutons.
M. John Gustavson (président et chef de la direction, Association canadienne du marketing direct): Merci, monsieur le président.
L'Association canadienne du marketing direct représente quelque 750 sociétés membres oeuvrant dans le secteur du marketing fondé sur l'information. Notre association regroupe plus de 100 banques ainsi que des compagnies d'assurance, des sociétés de fonds mutuels et d'autres organisations qui offrent des services financiers. Nos membres seront considérablement touchés par la mise en oeuvre des politiques recommandées par le groupe de travail.
Le rapport du groupe de travail porte sur beaucoup de questions que vous devrez examiner, mais je me limiterai dans mon exposé au chapitre 7 du rapport, celui qui traite de la protection du consommateur, particulièrement de la question de la vie privée.
L'ACMD est la plus importante association du Canada dans le secteur du marketing fondé sur l'information. Ses membres représentent plus de 80 p. 100 des 12,4 milliards de dollars de biens et services que les Canadiens ont dépensés auprès des agences de marketing direct l'année dernière. Pour parler à leurs clients, les écouter et communiquer avec eux, les membres de l'ACMD utilisent une grande variété de médias, notamment l'Internet, la publicité imprimée et la télévision.
Depuis le début des années 90, l'association assure un rôle de chef de file au chapitre de la protection de la vie privée du consommateur par l'autoréglementation. En 1993, l'ACMD a été la première grande association nationale à imposer à ses membres un code sur la vie privée. Ce code se fonde sur les principes de la vie privée de l'Organisation de coopération et de développement économiques que le Canada a consenti à respecter en signant un traité en 1984.
Le code de l'ACMD donne aux consommateurs le droit de faire retirer leurs noms des listes de télémarketing et de publipostage, le droit de consentir avant que leurs noms soient transférés à un tiers, le droit d'accès à l'information détenue sur eux et le droit de corriger tout renseignement erroné.
De 1991 à 1995, l'ACMD a joué un rôle actif dans l'élaboration du code modèle de protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation. Ce code constitue un heureux compromis entre les intérêts des diverses parties, y compris les groupes de défense des droits des consommateurs, les entreprises et le gouvernement.
En 1995, l'ACMD était la première grande association industrielle nationale à demander au gouvernement fédéral d'adopter une loi nationale sur la protection de la vie privée afin de protéger le consommateur tout en assurant la croissance continue des entreprises canadiennes. Nous avons demandé au gouvernement de légiférer à cet égard pour trois raisons.
Premièrement, nous étions d'avis que le principe d'autoréglementation dans ce domaine ne se généraliserait pas. Que nous sachions, aucune autre association n'a imposé un code sur la protection de la vie privée à ses membres.
Deuxièmement, le milieu du marketing s'inquiétait du fait que les consommateurs seraient de plus en plus réticents à partager des renseignements personnels sans garantie de sécurité quant à leur utilisation finale.
Troisièmement, nous étions d'avis qu'il était préférable de proposer une loi sur la vie privée et d'en discuter de manière posée et éclairée plutôt que dans un contexte de crise ou d'exemples criants de mauvaise utilisation des renseignements personnels.
Nous avons appuyé tous les efforts pour élaborer cette loi et sommes très heureux du projet de loi C-54 qui se trouve maintenant devant la Chambre des communes.
Les consommateurs sont de plus en plus réticents à partager des renseignements personnels sans garantie et sans en connaître l'utilisation finale. Nos membres fonctionnent dans un monde où les relations avec les consommateurs sont cruciales, et nous sommes convaincus que la confiance des consommateurs est essentielle à la croissance du commerce au Canada.
Un de nos membres, le Groupe financier Banque Royale, a récemment commandé un sondage à l'agence Angus Reid indiquant que les consommateurs sont très préoccupés par la question de la protection de leur vie privée. En effet, 80 p. 100 des répondants croient que les renseignements personnels devraient être gardés strictement confidentiels.
Nous sommes d'accord avec la recommandation du groupe de travail voulant que la protection des renseignements personnels soit inscrite dans la loi, étant donné que les mesures actuelles ne fournissent pas une protection suffisante aux consommateurs. Bien que certains codes soient appliqués dans le secteur privé, il est nécessaire d'adopter une loi pour créer une norme commune pour tous.
Nous croyons toutefois que le débat entourant cette question est plus pertinent dans le contexte du projet de loi C-54 sur la vie privée, qui s'appliquera à toutes les opérations commerciales au pays.
Je m'arrête ici un moment pour vous dire que les médias ont, dans une large mesure, mal représenté le projet de loi dont la Chambre est saisie. Le projet de loi ne s'appliquera pas qu'au commerce électronique, comme se plaisent à dire les médias. Il s'appliquera à toutes les opérations commerciales au pays.
Le gouvernement fédéral est même allé jusqu'à inclure dans le projet de loi une disposition qui, en l'absence d'une loi provinciale à cet égard, s'appliquera aux entreprises privées relevant de la réglementation provinciale.
• 1545
Nous estimons que le projet de loi C-54 atteint le bon
équilibre entre les consommateurs et les entreprises, et intègre
les principes du code modèle de protection des renseignements
personnels de l'Association canadienne de normalisation.
Bien que nous appuyions fermement la loi sur la vie privée, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d'adopter un code distinct plus restrictif pour le secteur financier. Ainsi, nous sommes en désaccord avec les recommandations du groupe de travail dans le chapitre 7, voulant que les consommateurs doivent donner leur consentement avant que les institutions financières utilisent leurs renseignements personnels à des fins non précisées au moment de la première opération, et que ce consentement soit donné par écrit avant que l'institution puisse communiquer avec ses propres clients à des fins de marketing.
Quand un consommateur établit une relation avec une organisation, notamment avec une banque, la transmission de renseignements sur un nouveau produit ou service ne constitue pas une mauvaise utilisation de l'information. Il n'est ni réaliste ni nécessaire de demander une autorisation écrite aux compagnies pour chaque communication avec un client établi en ce qui concerne un nouveau produit ou service. Évidemment, le consommateur doit être informé des utilisations possibles de ses renseignements personnels, mais dans certaines situations des utilisations n'auront pas été prévues par le client ou l'organisation.
Par exemple, lorsqu'un client ouvre un compte bancaire et accepte de recevoir d'autres informations sur les prêts de voitures ou les prêts hypothécaires, la banque peut, par la suite, lancer un nouveau service d'assurance-automobile et d'assurance-domicile qui pourrait intéresser le consommateur. Selon la recommandation du groupe de travail, cependant, avant qu'elle ne puisse contacter son client, l'institution serait tenue d'obtenir son consentement par écrit. Multiplié par des centaines de milliers de consommateurs, non seulement ce processus serait coûteux, mais il empêcherait aussi la banque de faire connaître à ses clients de nouveaux produits ou services qui pourraient fort bien les intéresser.
Je ne parle pas ici de l'exploitation de renseignements confidentiels. D'ailleurs, notre code de protection de la vie privée impose des restrictions importantes à l'utilisation de renseignements personnels qui seraient considérés comme confidentiels ou délicats. Il est toutefois important de reconnaître que les institutions financières cherchent à établir une relation à long terme avec le client. Elles ne veulent pas offenser ni se mettre à dos les clients, et règlent certainement les plaintes, le cas échéant. Comme le souligne le rapport du groupe de travail, il n'y a aucune indication d'échec systémique général concernant la protection des données sur les consommateurs dans l'industrie financière.
Le projet de loi actuel soumis à la Chambre des communes a été élaboré afin d'établir un ensemble de règles communes. Il s'agit d'un compromis délicat entre consommateurs, entreprises et représentants du gouvernement qui a été négocié sur quatre ans. Nous croyons que le projet de loi constitue un document législatif réaliste et complet d'application générale et uniforme dans tous les secteurs traitant les renseignements sur les consommateurs. Par conséquent, nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire de prévoir des dispositions particulières relativement à la protection de la vie privée qui s'appliqueraient au secteur financier, étant donné l'existence du projet de loi C-54.
Merci, monsieur le président.
Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci pour votre exposé, monsieur Gustavson. Je suis sûr que les membres voudront discuter avec vous de certaines de ces questions.
Je tiens maintenant à souhaiter la bienvenue aux représentantes du Conseil national des femmes du Canada: Elizabeth Hutchinson, présidente; Helen Saravanamuttoo, vice-présidente; et Shirley McBride, coordonnatrice pour les activités économiques. Soyez les bienvenues. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé. Vous avez la parole.
Mme Helen Saravanamuttoo (vice-présidente, Conseil national des femmes du Canada): Nous vous remercions beaucoup de nous donner l'occasion de venir témoigner devant vous aujourd'hui. Il nous est vraiment très important de pouvoir vous parler.
Nous tenons tout d'abord à vous parler un peu de notre organisation. Je vais demander à Elizabeth de le faire.
Mme Elizabeth Hutchinson (présidente, Conseil national des femmes du Canada): Le Conseil national des femmes du Canada a été fondé en 1893. Les membres du comité ont reçu, avec notre mémoire, un exemplaire du document que nous avons rédigé pour notre centenaire, qui a eu lieu il y a quelques années. Vous pourrez parcourir ce document quand vous le voudrez.
Depuis notre fondation, nous travaillons tout particulièrement pour le bien des femmes, des enfants et des familles de notre société. Nous représentons les femmes de tout le Canada, et notre orientation générale a été établie à la suite de discussions qui ont eu lieu aux réunions des conseils locaux des différentes régions du pays, lesquels conseils participent à notre assemblée annuelle. Tout ce que nous disons publiquement comme faisant partie de la politique du conseil a déjà fait l'objet de discussions parmi les groupes de femmes de toutes les régions du Canada et de votes à notre assemblée annuelle. Nous croyons donc représenter des Canadiennes de tous les secteurs de notre société.
Mme Helen Saravanamuttoo: Avant de vous présenter notre mémoire, nous voulons simplement faire une courte déclaration de principes. Nous croyons qu'il est essentiel pour la prospérité du Canada que nous ayons un secteur bancaire crédible et solide. Depuis l'abolition de l'étalon-or, nous estimons que le secteur financier dépend de la confiance des consommateurs. Nous sommes donc heureuses de constater que le rapport du groupe de travail fait état du taux de satisfaction élevé qu'obtiennent les institutions financières dans certains domaines.
Cela dit, nous estimons que les institutions financières jouent vraiment un rôle de service public. En cette qualité, elles ont non seulement la responsabilité d'être financièrement viables, mais elles doivent aussi agir dans l'intérêt public. Le public a besoin de services bancaires accessibles et abordables, la collectivité a besoin d'investissements, et il faut que les banques soient perçues comme répondant aux besoins de ces clientèles.
Le fonctionnement des institutions financières doit être transparent, il doit y avoir une obligation de rendre des comptes efficaces, et les consommateurs doivent avoir la possibilité de travailler ensemble pour équilibrer le pouvoir des institutions financières. Nous appuyons fermement la réglementation des institutions financières afin d'assurer un secteur financier viable.
Pendant la préparation de notre mémoire, j'ai eu l'occasion de parcourir de nouveau le document de référence numéro 4, soit le document de l'Institut Nord-Sud. Ce document parle de la façon dont le secteur des services financiers est en lui-même beaucoup plus risqué que le secteur qui s'occupe de la production des marchandises. J'aimerais vraiment souligner cet aspect.
J'aimerais maintenant donner la parole à Shirley.
Mme Shirley McBride (coordonnatrice pour les activités économiques, Conseil national des femmes du Canada): Je vais parler des questions soulevées aux pages 2 à 5 de notre mémoire, où nous parlons de la stabilité dans le secteur financier et du contrôle canadien de ce dernier, de la concurrence, du chevauchement entre les banques, les entreprises d'investissement et les sociétés d'assurance et des fusions de banques qui sont proposées.
Il semble que les institutions financières traversent à l'heure actuelle une période de risque élevé, comme en témoigne la volatilité actuelle de la monnaie à l'échelle internationale et les faillites plus fréquentes ou quasi-faillites des grandes banques liées à l'utilisation de nouveaux instruments financiers, notamment les fonds de couverture. Le Conseil national des femmes du Canada exhorte le gouvernement à procéder avec prudence dans les domaines touchés par la situation mondiale jusqu'à ce que l'impact sur notre secteur financier puisse être déterminé plus clairement.
Nous sommes d'accord avec les recommandations du groupe de travail relativement à une régie judicieuse de l'institution et un contrôle canadien continu des grandes institutions financières canadiennes réglementées. Nous appuyons des mesures qui feraient en sorte qu'il serait plus facile d'établir de nouvelles banques et coopératives de crédit pour créer une concurrence en vue d'encourager les participants actuels à offrir un meilleur service aux consommateurs.
Nous n'appuyons pas l'expansion des banques dans des domaines qui ne sont pas traditionnellement considérés comme étant des services bancaires tant que des mesures de protection adéquates des consommateurs et des règlements ne seront pas en place.
Bien que nous reconnaissions que la division entre les institutions de dépôt, les entreprises qui vendent des titres et les sociétés d'assurances est de moins en moins nette et qu'il s'agit d'un phénomène mondial, cette pratique était considérée par le passé comme un risque inhérent, car cela fait en sorte que lorsqu'un secteur est en difficulté les deux autres se retrouvent plus facilement dans la même situation.
Le Conseil national des femmes du Canada est d'avis que permettre les fusions entre les grandes banques n'est pas dans l'intérêt public. Les banques fusionnées peuvent être encore plus vulnérables aux bouleversements mondiaux. Si les fusions qui sont proposées se concrétisent et que l'une des nouvelles méga-banques se trouve en difficulté, la faillite ou la prise de contrôle de la banque serait-elle toujours une option viable, ou est-ce qu'il y aurait possibilité que le gouvernement accorde une aide financière massive ou qu'il y ait prise de contrôle par une banque étrangère?
Bref, le Conseil national des femmes du Canada appuie des mesures qui augmenteraient la stabilité du secteur financier canadien et le contrôle canadien de ce dernier; augmenteraient la concurrence pour améliorer le service aux consommateurs; décourageraient les chevauchements entre les banques, les sociétés d'investissement et les sociétés d'assurance; et ne permettraient pas que se fasse la fusion des banques qui est proposée.
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous sommes d'avis que le chapitre intitulé «Accroître le pouvoir du consommateur» est le plus important. Nous soulignons l'insatisfaction continue des consommateurs à l'égard des banques, particulièrement en ce qui a trait aux frais bancaires et au niveau de services. C'est particulièrement important alors que nous avons constaté précédemment que, dans une large mesure, le secteur bancaire dépend de la confiance des consommateurs pour ce qui est de sa viabilité.
• 1555
Nous sommes d'avis qu'il est nécessaire d'avoir une
divulgation adéquate de la part des institutions financières. Nous
remarquons la colère des Canadiens devant le manque de divulgation,
particulièrement en ce qui a trait au niveau des frais bancaires;
aux politiques des banques qui limitent strictement les prêts aux
petites entreprises, notamment aux femmes entrepreneures; et au
taux de carence de paiement, que nous ne connaissons pas
réellement. Nous croyons que ce dernier phénomène se retrouve
peut-être davantage dans les grandes institutions que dans les
petites et moyennes entreprises, mais nous ne le savons pas
réellement.
Ce que nous recommandons, c'est une loi sur les réinvestissements dans la collectivité. Cette loi, qui serait semblable à celle qui est en vigueur aux États-Unis depuis 20 ans, exigerait plusieurs choses. Elle exigerait la divulgation du coût des transactions par rapport aux frais bancaires, du nombre de demandes de prêts et d'un rapport sur la façon dont ils sont traités, c'est-à-dire que si ceux qui font une demande sont découragés avant qu'ils puissent faire une demande officielle, nous aimerions le savoir. Cette loi exigerait la divulgation de renseignements concernant les prêts consentis, une analyse qui tiendrait compte du sexe, de l'âge, du voisinage, de la taille du prêt et d'autres données démographiques appropriées; des prêts refusés, selon les mêmes données démographiques; et des défauts de paiement, toujours selon les mêmes paramètres démographiques, plus particulièrement selon la taille du prêt, dont je viens tout juste de parler.
Nous sommes d'avis que ce genre de loi devrait tenir les banques responsables en exigeant des déclarations de responsabilisation financière, ainsi que des preuves de conformité de leur rendement par rapport à ces déclarations.
Nous voulons insister pour que tous les résidents canadiens aient accès à des comptes en banque. Je suis travailleuse sociale et je suis allée visiter des gens qui vivaient dans des maisons de chambres où les serrures n'étaient pas très solides. Ces maisons de chambres sont souvent la scène d'actes de violence. Ces gens, s'ils réussissent à toucher leurs chèques sans trop perdre risquent fort de perdre cet argent qu'ils doivent retirer pour tout le mois. Nous croyons qu'il n'est tout simplement pas acceptable que des Canadiens ne puissent avoir accès à des comptes en banque.
J'aimerais par ailleurs souligner que je vis près d'ici et que je me promène souvent le long de la rue Rideau. À toute heure du jour, on voit des gens à des comptoirs d'encaissement de chèques. Ces gens n'ont pas vraiment les moyens de payer les frais demandés. Nous recommandons donc que le gouvernement travaille en étroite collaboration avec les banques pour s'assurer que tous les Canadiens aient accès à un compte en banque et qu'il légifère en conséquence. Nous estimons qu'il est vraiment important de légiférer en ce sens, car les banques nous promettent depuis deux ans que cela se fera, et pourtant rien n'a été fait.
Elizabeth.
Mme Elizabeth Hutchinson: Helen a mentionné l'accès aux comptes en banque, mais cela sous-entend également l'accès aux banques, ou tout au moins aux guichets automatiques.
Je vis dans les Laurentides et je dois me rendre assez loin pour trouver un village ou une banque. Je suis en bonne santé et j'ai une voiture, alors je peux me rendre à la banque, mais il y a des gens qui ne le peuvent pas. Je sais qu'il y a des quartiers à Montréal, par exemple Pointe Saint-Charles ou Verdun, où presque toutes les grandes banques ont fermé leurs succursales. Cela veut dire que les gens qui vivent dans ces quartiers désavantagés n'ont pas accès à une succursale bancaire.
Dans notre mémoire nous mentionnons un cas où un guichet automatique a été fermé parce que la banque trouvait qu'il n'était pas suffisamment rentable. Je ne sais pas combien d'argent cela coûte en fait pour faire fonctionner un guichet automatique de banque.
Il y a eu un cas récemment à l'hôpital des anciens combattants de Sainte-Anne-de-Bellevue, où la banque allait fermer son guichet automatique, mais les anciens combattants ont protesté et ont dit qu'ils avaient vraiment besoin de ce service. En fait, étant donné que l'affaire a attiré beaucoup de publicité, la banque est revenue sur sa décision de fermer le guichet.
Nous sommes convaincues qu'il est important que les gens aient accès non seulement à un compte bancaire, mais aussi à des banques ou des guichets automatiques pour qu'ils puissent ainsi avoir accès à leurs comptes.
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous croyons qu'il est vraiment important que les consommateurs aient des recours. Nous soulignons que dans son rapport le groupe de travail recommande la nomination d'un ombudsman indépendant qui ferait rapport directement au Parlement par l'intermédiaire du ministre des Finances. Cette recommandation nous a ravies, et nous sommes d'avis que la première étape est un ombudsman interne, mais nous recommandons cependant que le bureau de l'ombudsman soit en mesure de prendre des décisions exécutoires.
Nous venons tout juste de faire un exposé devant le comité sénatorial. Les membres du comité nous ont posé des questions au sujet de cette recommandation, en particulier parce qu'ils estimaient qu'il était très important d'y donner suite. Ils ont demandé pourquoi les gens n'étaient pas prêts à utiliser l'ombudsman qui existe à l'heure actuelle. Nous pensons que c'est une bonne question. Nous devons l'examiner de plus près. Plus particulièrement, il nous faut un bureau indépendant.
Nous croyons qu'il est essentiel d'avoir une organisation de consommateurs de services financiers. Nous sommes d'accord avec le groupe de travail pour dire que cette organisation devrait suffire à ses propres besoins et être vraiment capable de gérer ses propres affaires. Nous croyons cependant que pour augmenter la possibilité qu'une telle organisation soit mise sur pied les banques devraient inclure un encart publicitaire d'une page dans leurs envois postaux et continuer à le faire pour inviter les consommateurs à se joindre à des organisations de consommateurs de services financiers.
Il est vraiment important de faciliter le micro-crédit. Il s'agit d'un secteur tout à fait différent. Je l'ai vu fonctionner au Sri Lanka, et c'était absolument merveilleux. Ici au Canada, la Fondation Calmeadow fait un excellent travail dans les Maritimes et à Vancouver. Je crois qu'elle est en train de s'installer à Toronto et auprès de la communauté autochtone. Nous sommes d'avis que toutes les mesures devraient être prises pour encourager le développement et l'utilisation du micro-crédit.
Nous croyons que les consommateurs devraient être représentés au conseil d'administration des grandes institutions financières, et que le rôle de celles-ci en tant que services publics va bien au-delà des simples intérêts des actionnaires. Nous avons besoin de représentants des consommateurs. Nous croyons qu'une organisation de consommateurs de services financiers pourrait vraiment jouer ce rôle.
Nous croyons que les questions d'égalité entre les hommes et les femmes sont vraiment importantes. Tout à l'heure, nous avons parlé de l'analyse des prêts consentis selon le sexe. Nous pensons que les institutions financières devraient également être tenues de soumettre leurs décisions d'affaires liées à des politiques de ressources humaines à une analyse comparative entre les sexes, car étant donné que les femmes ne sont pas représentées au niveau supérieur des grandes institutions, rien ne garantit que ces dernières remarqueront les intérêts des femmes et qu'elles en tiendront compte.
Nous croyons nous aussi que les préoccupations relatives à la protection des renseignements personnels sont extrêmement importantes. Nous encourageons le gouvernement à adopter une loi d'ensemble pour protéger la vie privée des consommateurs. Nous encourageons par ailleurs le gouvernement à adopter une loi en vue d'interdire les ventes liées coercitives de la part des institutions financières et pour s'assurer qu'elles respecteront leurs responsabilités envers les consommateurs. Merci.
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Merci beaucoup, madame Saravanamuttoo.
Nous allons maintenant commencer une période de questions-réponses avec M. Epp.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci.
J'aimerais tout d'abord m'excuser pour ce que vous prendrez peut-être pour un manque d'attention de ma part pendant vos exposés. Je suis distrait parce que je n'ai pas encore fini de me cloner, car je dois être à deux endroits en même temps. Étant donné ma taille, il est difficile pour moi de me déplacer très rapidement. Toutes mes excuses.
J'aimerais tout d'abord m'adresser à M. Russel et parler un peu de son rapport. J'en ai très peu entendu, puisque je n'étais pas ici pour la majeure partie de son exposé.
Je pense que je vous ai bien entendu lorsque vous avez dit essentiellement qu'il était acceptable que les banques vendent de l'assurance et utilisent tous les moyens à leur disposition pour le faire. Si elles ont des listes dans leurs dossiers financiers dans les banques, elles peuvent les utiliser pour cibler leur publicité et pour leurs listes d'envoi. Ai-je bien compris? Vous ai-je bien entendu?
M. Dunbar Russel: Absolument, monsieur. Notre point de départ est le consommateur, votre électeur. Nous croyons dans le choix du consommateur et nous croyons que nos membres utilisent divers circuits de distribution pour vendre de l'assurance: le réseau de l'agence, l'Internet et le publipostage direct. Nous aimerions élargir l'accès de façon à ce que les consommateurs puissent avoir d'autres choix plus pratiques et nous croyons qu'en augmentant le nombre de points d'accès pour l'achat d'assurance le marché sera plus concurrentiel, les prix moins élevés, et que les consommateurs en auront plus pour leur argent, ce qui se traduira par une croissance du marché et des emplois.
Il s'agit donc à notre avis d'une situation bénéfique à tous.
M. Ken Epp: On dit parfois que si on permet aux banques de faire cela, alors tous les courtiers et les vendeurs d'assurance vont disparaître du marché en raison des économies d'échelle et du fait que ces activités viendraient s'ajouter aux autres activités qui existent déjà dans les banques, et que les autres ne pourront pas leur faire concurrence, de sorte qu'avant longtemps ils se retrouveront en faillite, étant donné qu'ils ne pourront plus vivre de l'assurance.
Ensuite, lorsque les banques auront le monopole de ce domaine, naturellement elles pourront faire ce qu'elles veulent pour ce qui est des prix, et les consommateurs n'auront plus de choix. Il n'y aura pas davantage de concurrence; il y en aura moins. Et le service aux consommateurs ne sera pas assuré, loin de là. Que répondez-vous à cette critique? Je suis sûr que vous l'avez entendue.
M. Dunbar Russel: Oui, nous l'avons entendue, et l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici, c'est pour discréditer ce genre d'information en présentant des faits, car, à notre avis, ce sont les faits qu'il faut examiner ici.
Tout d'abord, nous avons regardé ce qui se passe au Québec, où, en 1986 environ, le secteur des assurances a été ouvert au même genre de recommandations que l'on retrouve dans le rapport MacKay. Ce qui s'est passé en réalité au Québec, c'est qu'il y a eu une croissance du marché et des emplois.
Par exemple, nous savons qu'il y a dix ans, il y avait environ 5 100 courtiers indépendants, dont vous parlez, et qu'aujourd'hui il y en a quelques centaines de moins. Nous savons cependant également qu'il y a dix ans, les institutions financières comptaient 400 employés, tandis qu'elles en comptent aujourd'hui quelque 1 600. Il y a donc eu une croissance du marché et du nombre d'emplois. Ce sont des faits que nous avons obtenus de l'un de nos membres, la Caisse Desjardins, qui a été très active dans le processus en vue d'ouvrir le marché au Québec.
Nous avons par ailleurs des faits concernant l'expérience européenne. L'Europe a une avance de 20 à 25 ans par rapport au Canada, et même par rapport au Québec. Dans tous les cas, il y a eu une croissance du marché, qui est devenu plus concurrentiel, et il y a eu aussi une croissance de l'emploi.
À ceux qui disent que les banques seront dominantes, je répondrai en fait que cela ne s'est pas produit. En Europe, les banques qui vendent de l'assurance représentent entre 5 et 15 p. 100 du marché de l'assurance et semblent avoir atteint un sommet à 15 p. 100. Je vous dirai pourquoi nous pensons que c'est le cas. C'est parce que certains consommateurs souhaitent peut-être acheter d'une succursale d'une banque ou acheter directement à partir d'une liste de consommateurs, mais il y en a d'autres qui veulent s'adresser directement à un agent d'assurance.
Tout ce que nous disons, c'est qu'il faut laisser le consommateur choisir. Si le consommateur ne veut pas acheter, il ira ailleurs. Si un consommateur veut acheter, alors le marché va croître, comme nous l'avons constaté en Europe et au Québec.
M. Ken Epp: Comment le marché va-t-il croître? Croyez-vous vraiment que vous allez vendre de l'assurance à des gens qui n'en ont pas déjà? C'est cela la croissance. Mais si tout ce que vous faites, c'est enlever des ventes d'assurance à ceux qui en font déjà, alors il ne s'agit pas d'une croissance réelle, mais tout simplement d'un transfert.
M. Dunbar Russel: Oui, monsieur, et c'est l'un des messages... et en passant, nous avons l'intention de déposer un document plus long, plus officiel, qui contient un certain nombre de statistiques.
Nous avons constaté que le système actuel de distribution de l'assurance favorise considérablement les riches et ceux qui ont un revenu plus élevé. C'est parce que la majeure partie des polices d'assurance aujourd'hui sont vendues par des agents qui se font payer des commissions et que s'ils veulent gagner suffisamment d'argent, ils doivent vendre de plus grosses polices d'assurance.
En fait, nous savons que l'industrie de l'assurance vend des polices qui s'élèvent en moyenne à 130 000 $, tandis que certaines de nos institutions financières qui ont pour clientèle le marché de taille moyenne et plus petite, vendent en moyenne des polices de 30 000 $. Il y a donc tout un marché qui est mal desservi au Canada pour ce qui est des consommateurs à faible et moyen revenus. Nous avons des statistiques à cet égard, que nous serons heureux de présenter au comité.
• 1610
Nous sommes donc d'avis que si on ouvre le marché il y aura
une croissance générale à partir de ces groupes qui sont mal
desservis. Il y a par exemple les femmes, plus particulièrement les
femmes monoparentales. Ce marché est mal desservi parce que ces
femmes n'ont pas un revenu assez élevé; pourtant elles ont besoin
d'assurance comme tout le monde.
Nous croyons que ce secteur peut donc prendre de l'expansion. Par exemple, la pénétration en Europe, comme je le signalais dans mon rapport, est environ 8 à 9 p. 100 plus élevée qu'elle ne l'est au Canada. Nous croyons que lorsque le marché prendra une expansion correspondante, soit 8 ou 9 p. 100, il sera plus vigoureux et créera les emplois dont vous parlez.
M. Ken Epp: J'aimerais poser à vous et à M. Gustavson la question sur la protection des renseignements personnels et l'utilisation des données. Lorsque je vais à une banque, si je veux un prêt, je dois leur expliquer en détail ma situation financière. On voudra savoir quel est mon actif, quelles sont mes possessions et celles de ma femme, quels sont les prêts dont j'ai été cosignataire pour mes enfants pour qu'ils puissent faire leurs études. On veut tout savoir sur moi. Et cette institution financière de qui je dois acheter un produit, ou à qui je dois divulguer tous ces renseignements pour être admissible à un prêt, peut se servir de ces mêmes renseignements pour essayer de me vendre des contrats d'assurance ou peut même exiger, même si c'est très subtil... vous savez, dans le rapport MacKay, on dit qu'il ne peut pas y avoir de ventes liées. Mais comment pouvez-vous assurer qu'il n'y en aura pas? Si le gérant de banque—et je voudrais que ces séances soient télédiffusées, monsieur le président—disait: «Je suis certain que vous voulez acheter votre contrat d'assurance-vie chez nous», il aurait simplement besoin de présenter les choses sous cet angle, et je comprendrais ce à quoi il veut en venir. Il me dit simplement que si j'achète mon contrat d'assurance là j'aurai un prêt. On n'a jamais dit ouvertement que je devais le faire, je ne suis pas obligé de le faire, parce qu'on vient de dire les choses de cette façon-là. Je suis maintenant une victime. Je suis prisonnier. Vous m'enlevez mon choix. Vous ne me donnez pas plus de choix qu'auparavant.
M. Dunbar Russell: M. Dorval répondra à cette question.
M. Bernard Dorval (vice-président, Association canadienne des institutions financières en assurance): Vous semblez laisser entendre que nos employés se livreraient à des activités illégales, qu'ils forceraient les gens à acheter des produits qu'ils ne veulent pas acheter. Je crois que nous avons des codes déontologiques efficaces en place dans toutes nos institutions membres qui empêchent justement ce genre de choses de se produire. Je crois que les règles de marketing des institutions financières, de toutes les institutions commerciales en fait, indiquent clairement que plus un client achète librement des produits d'une institution, plus longtemps il fera affaire avec cette institution. Ainsi, si une institution financière suivait l'exemple que vous nous avez donné, il est clair que ses liens avec ce client seraient probablement de courte durée.
Les banques ont en fait les renseignements dont vous avez fait mention, mais chaque jour, aux bureaux traditionnels des agents d'assurance, on obtient des renseignements semblables. Celui qui vend de l'assurance-vie a accès à toutes sortes de renseignements lorsqu'il procède à la planification financière pour son client—toutes sortes de détails, même le testament et même ses déclarations de revenus. Ils ont donc des renseignements équivalents, sinon plus de renseignements, et ils peuvent toujours suggérer à leur client qu'ils pourraient s'occuper de ses autres affaires, qu'il s'agisse de l'assurance-automobile, de l'assurance-maison, ou même d'une hypothèque.
Ainsi, quiconque s'occupe des affaires financières du client a accès à peu près aux mêmes renseignements, à des renseignements aussi confidentiels, et il essaiera toujours d'avoir de meilleurs rapports avec son client, sans pour autant le forcer à faire quoi que ce soit. Nous disons simplement en ce qui a trait à cette question que les règles du jeu devraient être uniformes, de sorte que ceux qui s'occupent de la planification financière dans les succursales des banques puissent offrir la même gamme de services que le secteur traditionnel des assurances, en se servant des mêmes renseignements, et en respectant les règlements que nous avons établis, de façon volontaire, au fil des ans.
M. Ken Epp: Merci. C'était une bonne réponse.
Monsieur Gustavson, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. John Gustavson: J'aimerais faire quelques commentaires.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a quelques années, un club vidéo canadien bien connu—vous reconnaîtriez le nom si je vous le donnais—vous demandait quand vous louiez une cassette de remplir un formulaire et de répondre à des questions comme: êtes-vous propriétaire? Dans l'affirmative, avez-vous une hypothèque? À combien s'élève-t-elle? Et des choses qui n'avaient rien à voir avec la location d'une vidéocassette.
M. Ken Epp: Mais vous savez que vous n'êtes pas censé répondre à ces questions.
M. John Gustavson: Je le sais, mais on n'aurait pas dû poser ces questions, parce qu'elles n'avaient rien à voir avec la raison pour laquelle ce client faisait affaire avec cette compagnie.
Le commissaire à la protection de la vie privée n'a pas caché ce qu'il pensait de l'affaire lorsqu'elle a été rendue publique; et nous avions à l'époque fait des commentaires. Cette entreprise, ce club vidéo, ne le fait plus évidemment.
Je veux simplement dire qu'il est remarquable de voir combien de Canadiens sont disposés à donner des renseignements personnels qui n'ont rien à voir avec les services ou produits qu'ils demandent; enfin, il est clair qu'aucune institution financière ne devrait demander de renseignements qui ne sont pas absolument nécessaires pour se prononcer sur une demande de financement ou sur une demande de service.
Pour en revenir à votre exemple, si cette institution prend ces renseignements et dit: écoutez, nous pouvons offrir une très bonne série de services à ce client ou à ce groupe de clients et leur offrir un rabais s'ils achètent d'autres services de nous, et voici toute une série de services qui répondent aux besoins financiers de cette famille, il n'y a rien de mal là-dedans.
Ce que vous avez dit sur les ventes liées ou les ventes liées coercitives, c'est évidemment quelque chose qui n'est pas acceptable. Cependant, à mon avis rien n'empêche une institution de se servir des renseignements dont elle dispose pour créer un nouveau produit ou un produit qui est adapté aux besoins de ce client ou de sa famille.
M. Ken Epp: Très bien. Je ne pose pas des questions pour me chamailler avec vous, mais simplement pour bien comprendre ce que vous dites. Et je crois que j'ai réussi.
M. Dunbar Russel: J'aimerais faire un commentaire supplémentaire si vous me le permettez; il ne faut pas oublier que les organisations que nous représentons au sein de l'association sont tributaires de la clientèle. Il serait suicidaire d'agir d'une façon qui rendrait ces clients malheureux, parce qu'ils se tourneront vers une autre institution.
Dans le secteur de l'assurance, il y a 130 compagnies où on peut acheter des produits d'assurance; il faut donc être très, très prudent, et nos membres l'ont été et ont établi probablement des lignes directrices et des politiques qui sont beaucoup plus strictes que celles qu'on retrouve dans le secteur de l'assurance en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels et aux ventes liées, dont vous parliez, parce que même s'il n'a que l'impression qu'il s'agit d'une vente liée, si le client est insatisfait il se tournera vers un autre fournisseur.
M. Ken Epp: Ils le font s'ils le peuvent. Malheureusement, des millions de Canadiens vivent dans des petites villes ou des régions rurales où la seule institution financière à laquelle ils peuvent demander un prêt est la banque locale. Il n'y a qu'une banque en ville. Elle se trouve à 80 ou 100 kilomètres de distance de toute autre institution financière, et je crains que les pressions qui sont parfois exercées sur les clients ne soient plus importantes que vous voulez bien le reconnaître.
Ceux d'entre nous qui vivent près des villes, ou dans les villes, ont évidemment des avantages parce qu'il y a beaucoup plus d'institutions financières. Après la fusion des banques, évidemment, le choix sera encore moins important.
Nous devons donc, au comité, tenir compte de ces facteurs, et cette question me préoccupe gravement.
Monsieur le président, me reste-t-il un peu de temps?
Le président: Certainement.
M. Ken Epp: Très bien. Merci.
M. Dunbar Russel: Je dois signaler que notre groupe de compagnies appuie ce que le gouvernement fait en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels et aux ventes liées. La vente liée est une chose qu'il est difficile de contrôler intégralement, mais je crois que les membres de notre groupe veulent vraiment essayer de respecter les désirs du client en ce qui a trait à la confidentialité des renseignements ainsi qu'aux ventes liées.
Il s'agit en partie de veiller à ce que nos employés et nos clients sachent ce que constitue la vente liée pour qu'ils puissent reconnaître cette pratique s'ils y font face. À mon avis, notre groupe joue un rôle très actif à cet égard.
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous aimerions aussi vous faire part de nos préoccupations sur cette question. Il a été décidé tout juste après la dépression que ces secteurs devaient être distincts. À notre avis, c'était pour empêcher que les difficultés auxquelles pouvait être confronté un secteur ne se propagent aux autres secteurs.
À notre sens, l'époque actuelle est très risquée. À titre d'exemple, mentionnons la faillite de la Banque Barings et les incidents récents survenus aux États-Unis en ce qui touche les fonds de protection. Il nous semble vraiment important de ne pas prendre de décisions à la légère dans ces domaines parce que nous ignorons où nous mènera la tendance actuelle vers la mondialisation des échanges. Nous recommandons donc la prudence.
• 1620
Nous reprenons également à notre compte les préoccupations qui
vous ont été exprimées au sujet de la confidentialité des
renseignements personnels. Soit dit en passant, on nous rapporte
déjà des cas de gens qui ne veulent pas donner des renseignements
personnels aux banques parce qu'ils s'inquiètent de ce qu'elles en
feront. À titre d'exemple, ils se demandent si la banque ne risque
pas de réclamer le remboursement du prêt qui leur a été consenti si
certains renseignements lui sont communiqués. Les préoccupations à
cet égard sont bien réelles. Nous recommandons encore une fois la
prudence.
M. Ken Epp: Très bien.
J'aimerais féliciter le Conseil national des femmes du Canada de la finesse et de la cohérence de leur mémoire.,
J'aimerais vous poser des questions au sujet de ce mémoire. Vous recommandez textuellement une plus grande transparence de la part des institutions financières. Je suis d'avis que le gouvernement doit faire preuve de transparence. Lorsqu'il dépense les deniers du contribuable, il est normal qu'on lui demande des comptes à ce sujet.
Dans quelle mesure voulez-vous que le concept de la transparence s'applique au secteur privé? Après tout, les banques et les coopératives de crédit sont des entreprises privées. Je sais que certaines règles les obligent déjà à divulguer leur situation financière. La transparence suppose presque que tous leurs livres soient ouverts au public. Vous demandez à savoir combien de femmes présentent des demandes de prêts, la proportion des prêts accordés aux femmes, l'importance de ces prêts et, après une période de deux ans, la proportion des prêts accordés aux hommes et aux femmes qui ont été remboursés.
Je sais où vous voulez en venir. J'ai lu des choses au sujet des femmes.
Mme Helen Saravanamuttoo: Je ne pense pas que nous voulions nous lancer dans un tel...
M. Ken Epp: J'ai lu que les femmes étaient en moyenne de meilleurs chefs d'entreprise que les hommes. Vous voulez donc savoir pourquoi les banques refusent d'accorder des prêts aux femmes, n'est-ce pas?
Mme Helen Saravanamuttoo: Voici comment nous voyons les choses. Premièrement, nous pensons que les banques et les autres institutions financières jouent un rôle important dans la vie du Canada. Dans l'économie canadienne, on ne peut pas considérer que les banques sont simplement des institutions privées. Pour nous, elles constituent des services publics, et c'est dans cette mesure que nous pensons qu'elles doivent rendre des comptes aux Canadiens. Nous pensons que ce n'est pas vraiment le cas à l'heure actuelle. Nous ne savons pas vraiment quels sont leurs coûts d'exploitation et nous ne savons pas non plus combien d'hommes et de femmes s'adressent à elles pour obtenir des prêts ni combien d'entre eux proviennent de régions à faible revenu. Nous ne savons pas à quoi nous en tenir sur ces questions.
Ce que nous savons, c'est que les banques prêtent proportionnellement davantage aux grandes entreprises. Nous ne savons pas si ces grandes entreprises font faillite plus souvent que les petites et moyennes entreprises. Il est très important que nous obtenions ce genre de renseignements, parce que toute l'économie canadienne repose sur les petites entreprises. Si je ne m'abuse, elles créent actuellement 90 p. 100 des nouveaux emplois.
Une voix: Environ 85 p. 100.
Mme Helen Saravanamuttoo: Très bien. Dans ce cas, comment pouvons-nous dire que les banques qui décident d'augmenter les prêts qu'elles consentent aux entreprises qui empruntent plus d'un million de dollars servent les intérêts de leurs collectivités? Que se passe-t-il? L'avenir du Canada dépend de l'avenir des collectivités locales. Voilà notre point de vue. C'est pourquoi nous réclamons ces renseignements.
M. Ken Epp: Je vous remercie beaucoup. Je pense que mon temps est écoulé. Il vaudrait mieux que j'offre volontairement de céder la parole à quelqu'un d'autre.
Le président: Ce serait effectivement la chose à faire.
M. Ken Epp: Je vous remercie.
Le président: Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Mesdames, c'est un plaisir pour moi de vous rencontrer.
Madame Hutchinson, je crois comprendre que vous êtes de ma belle région des Laurentides.
Mme Elizabeth Hutchinson: Oui.
Mme Monique Guay: En ce moment, on parle de fusion de banques et de banques qui veulent vendre de l'assurance. En région, comme dans l'endroit d'où je viens, les Laurentides, il y a plein de petits villages. On a des courtiers d'assurances à certains endroits précis et on a de moins en moins de services bancaires. Quand il est question de fusion des banques, cela veut dire...
Pour ma part, j'ai reçu des gens de la Banque royale, de la Banque de Montréal et de la CIBC à mon bureau de ma circonscription, qui m'ont dit qu'ils jugeaient la fusion intéressante, mais qui m'ont aussi dit qu'il faudrait fermer soit le bureau de la Banque de Montréal, soit celui de la Banque Royale, à Saint-Antoine. Donc, encore là, on coupe les services.
Il y a donc des craintes en région, et je pense que les banques n'expliquent pas très bien ce qui va se passer. On s'inquiète d'une plus grande centralisation des services. En région, les gens sont déjà desservis à partir de Montréal, mais ce sera encore pire. Est-ce que dorénavant, nous serons desservis à partir de Toronto plutôt que de Montréal? D'une certaine façon, c'est inquiétant.
En deuxième lieu, lorsqu'il a été question que les banques vendent directement des polices d'assurance, certains courtiers sont venus me rencontrer. Eux gagnent leur vie dans de petits villages, où ils offrent quasiment un service familial. Cela les fait vivre depuis quelques générations. Ils gagnent bien leur vie. Ils ne sont pas millionnaires, mais ils vivent bien. Ils ont la confiance de la population dans leur milieu.
En venant vous ingérer là-dedans, il est sûr et certain que vous allez leur faire mal. Ne venez pas nous raconter d'histoires, car c'est sûr et certain que plusieurs courtiers vont en souffrir. Chacun prêche pour sa paroisse. Il est vrai qu'il s'est produit une évolution importante du secteur des assurances au Québec. Vous avez raison de dire que les Québécois sont de grands consommateurs d'assurances, mais je pense qu'en ce moment, le marché est saturé et je ne crois pas qu'il y ait place pour que les banques viennent s'immiscer dans le domaine de la vente d'assurances. C'est mon avis personnel. Je ne sais pas comment vous pourrez faire pour ne pas nuire à ces petits courtiers qui sont là depuis des années et même depuis des générations, et qui sont bien établis si les banques viennent s'ingérer dans un domaine qui leur appartient.
J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Mesdames, vous avez parlé tout à l'heure d'un projet de loi sur le réinvestissement communautaire. Vous savez que l'un de mes collègues, M. Réal Ménard, du Bloc québécois, a déposé un projet de loi dans ce sens. Peut-être devriez-vous vous renseigner sur ce projet de loi si cela vous intéresse.
J'aimerais aussi connaître l'opinion de M. Gustavson ou des autres sur un projet de loi sur le réinvestissement communautaire.
Il y a eu une émission à la télé dernièrement, au Québec, sur une personne bénéficiaire de l'aide sociale qui essayait d'ouvrir un compte bancaire à Montréal, dans le secteur Côte-des-Neiges. Cela a fait tout un plat. Je ne sais pas si vous l'avez vue. Dans certaines banques, on exigeait de lui un dépôt de 75 $ seulement pour ouvrir son dossier et, dans d'autres banques, un dépôt de 50 $. Ce montant d'argent n'était pas déposé dans son compte; il servait à couvrir les frais d'ouverture d'un compte bancaire. Cela est absolument illogique. Tout le monde devrait avoir droit à un compte de banque. Je trouve aberrant qu'une telle chose puisse exister.
Vous pourriez me faire part de vos commentaires les uns après les autres. J'ai beaucoup parlé, mais j'aimerais bien vous écouter.
Mme Elizabeth Hutchinson: Pour ma part, je n'ai pas vu l'émission dont vous parlez car, dans le moment, notre télé est brisée. Nous sommes en région; nous n'avons pratiquement pas la télévision. Cependant, je suis certaine que des personnes doivent payer des frais pour ouvrir un compte de banque. Je trouve que c'est tout à fait inacceptable. C'est vrai.
[Traduction]
Mme Helen Saravanamuttoo: Étant donné que tant de personnes sont dans une situation précaire aujourd'hui, comme en témoigne le recours accru aux banques alimentaires, il faudrait aussi que les frais bancaires soient peu élevés. J'insiste sur le fait que les frais bancaires doivent être peu élevés.
Mme Shirley McBride: J'allais revenir sur la question de la transparence des frais bancaires, puisque vous avez soulevé la question en donnant l'exemple d'une personne qui a eu beaucoup de mal à ouvrir un compte en banque.
Les frais bancaires semblent plutôt élevés actuellement. Je parle des frais de service. Pouvons-nous savoir si le taux élevé des frais de service compense pour les prêts non honorés d'entreprises étrangères ou de grandes entreprises canadiennes?
Je ne peux pas croire qu'il en coûte 75 $ pour ouvrir un compte en banque. Cela me semble tout à fait illogique. L'une des raisons pour lesquelles nous préconisons plus de transparence, c'est pour pouvoir comprendre ce genre de situation. Pourquoi devons-nous aussi débourser un dollar pour retirer de l'argent à un guichet bancaire d'une autre banque que la sienne, puisqu'on fait tout le travail soi-même? Cela ne me semble pas...
M. Paul Szabo: Pouvez-vous me donner une précision? Dites-vous qu'il en coûte quelque chose pour ouvrir un compte en banque ou que la banque exige un dépôt minimal de 75 $.
Mme Shirley McBride: Je fais allusion à l'observation de Mme Guay...
[Français]
Mme Monique Guay: Pour éclairer mon propos, monsieur le président, une enquête a été faite dans quelques banques à Montréal. Une personne vivant de l'aide sociale a été choisie pour aller ouvrir un compte de banque. Étant donné sa situation personnelle, la banque exigeait, pour ouvrir le dossier, un montant d'argent, alors qu'elle n'est pas censée le faire.
[Traduction]
M. Paul Szabo: Il s'agit d'un dépôt.
[Français]
Mme Monique Guay: Non, ce n'était pas un dépôt, mais un paiement. C'est là qu'est la différence. C'est un montant d'argent qu'on réclamait pour ouvrir le dossier, whether it's accepted or not. Cela a fait tout un tintamarre au Québec.
M. Bernard Dorval: Je ne peux pas faire de commentaire à la place des banques. Nos membres sont tous des assureurs. Nous nous occupons seulement d'assurance.
Cependant, je voudrais répondre à votre question concernant les courtiers, qui font l'objet de grandes préoccupations dont on parle fréquemment. À ce sujet, je pense que les études citées dans le rapport de M. MacKay démontrent qu'après l'avènement de la prestation de services d'assurance dans les banques, les assureurs traditionnels ne disparaîtront pas. De plus, les mêmes études qui ont été faites au Québec, où le Mouvement Desjardins est déjà actif dans le domaine de l'assurance depuis 12 ans, depuis 1986, démontrent que l'emploi, dans le secteur de l'assurance, a augmenté et non diminué au total.
En ce qui concerne votre circonscription et le Québec en général, il est clair que les institutions financières les plus présentes dans les petits endroits sont les caisses populaires. Or, les caisses populaires ont déjà le droit de vendre de l'assurance dans leurs succursales.
Mme Monique Guay: Elles ne s'avancent pas trop. Elles en ont le droit, mais elles ne forcent pas la note. Le service existe dans les caisses populaires, vous avez tout à fait raison, mais ce n'est pas un service qu'on est obligé d'utiliser. Les gens qui sont habitués de faire affaire avec des courtiers continuent de le faire.
En région, les caisses populaires sont de petites caisses et souvent, comme celle de mon village, elles ne vendent pas nécessairement d'assurances. Elles en vendent dans une autre succursale. Donc, ce service n'est pas nécessairement offert et j'en suis bien aise puisque nos courtier, dans ces villages, réussissent à survivre.
M. Bernard Dorval: Il pourrait en être ainsi, madame la députée, pour les banques. Il n'y a aucune différence. Pourquoi les banques agiraient-elles autrement qu'une caisse populaire dans le domaine de l'assurance? Il n'y a aucune raison.
Pour en revenir aux courtiers, il est important de donner l'exemple des courtiers d'assurance-vie. Aujourd'hui, les courtiers d'assurance-vie tirent les deux tiers de leurs revenus, non pas de la vente des produits d'assurance, mais de la vente des produits d'épargne. Dans ce contexte, il est évident que les courtiers, au fil des années, ont évolué en fonction des besoins de leurs consommateurs. De plus en plus, ils offrent des produits diversifiés. Du point de vue des services offerts aux consommateurs, cela a été bénéfique.
• 1635
Par contre, un planificateur financier d'une
succursale, comme je le mentionnais, ne peut
pas offrir le même service. Je pense donc
que les courtiers ont à leur disposition...
Les études et l'expérience ailleurs
dans le monde ont
démontré ce dont nous sommes tout à fait convaincus, à
savoir
que les marchés peuvent cohabiter. D'ailleurs, nous
représentons un groupe
d'assureurs qui offrent leurs produits de différentes
façons, que ce soit par les courtiers ou
par
la distribution directe, et qui aimeraient aussi avoir
accès aux succursales des institutions de dépôt pour
vendre leurs produits.
Dans un tel contexte, je pense qu'on voit un problème là où il n'y en a pas. L'expérience démontre que cela n'a causé de problème important nulle part dans le monde. Au contraire, les marchés ont augmenté, et particulièrement celui des produits d'assurance-vie, parce que l'offre a été plus grande.
Ce sont des points que je soumets à votre réflexion.
Mme Monique Guay: Vous, monsieur, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. John Gustavson: Oui, madame. Je le regrette mais je devrai vous répondre en anglais.
[Traduction]
Nous comptons des membres qui ont des positions divergentes sur ces questions. Nos membres appartiennent à différents types d'organismes, et, comme vous le savez, il n'y a pas toujours unanimité sur ces questions au sein du secteur des services financiers.
Notre seul but en comparaissant devant le comité aujourd'hui est de réclamer un cadre législatif qui protège les renseignements personnels que détiennent les institutions financières ou toute autre entreprise du pays. Nous pensons que le projet de loi C-54, dont la Chambre des communes est actuellement saisie, propose un cadre législatif adéquat, et nous en recommandons l'adoption rapide. Les consommateurs canadiens veulent être assurés que les renseignements seront adéquatement protégés.
[Français]
Mme Monique Guay: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je vous ai aussi posé une question sur l'opportunité d'une loi sur le réinvestissement communautaire. J'aimerais avoir votre opinion en tant que représentant des banques.
M. Bernard Dorval: Comme je vous l'ai mentionné, comme association, nous travaillons dans l'assurance. Personnellement, mon domaine est celui de l'assurance. Je ne me sens donc pas en mesure de discuter des politiques d'investissement.
Mme Monique Guay: Vous n'avez pas de vues personnelles sur le sujet?
M. Bernard Dorval: Par rapport à...
Mme Monique Guay: Par rapport à un réinvestissement communautaire provenant des banques, par exemple.
M. Bernard Dorval: Je pense que c'est une question qu'on devrait plutôt adresser à l'Association des banquiers canadiens ou aux banquiers eux-mêmes.
Mme Monique Guay: Très bien, merci. Merci, mesdames.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à l'Association canadienne des institutions financières en assurance. Pouvez-vous me donner une liste de vos membres? Vous avez dit être une nouvelle association, mais avez-vous une liste de vos membres?
M. Dunbar Russel: Oui, cette liste existe, et nous comptons non seulement vous en donner un exemplaire, mais aussi vous présenter un mémoire officiel. Nous le faisons traduire à l'heure actuelle. Nous sommes essentiellement une association virtuelle. Nous occupons tous de véritables emplois, et nous venons ensuite ici pour essayer de vous faire part de nos préoccupations.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Nous comptons des membres comme la filiale d'assurance du magasin de détail J.C. Penney, qui vend directement de l'assurance aux clients de ce magasin. Nous comptons aussi parmi nos membres la société Bernie, la filiale d'assurance du Canada Trust. Parmi le mouvement des coopératives de crédit, nous comptons des membres comme Desjardins. Nous représentons également les filiales d'assurance des banques à charte. Des sociétés d'assurance-vie comme Canada Life et des sociétés de réassurance appartiennent aussi à notre association. Vous voyez donc que le secteur est bien représenté au sein de notre association.
Ce qui caractérise nos membres, c'est qu'ils cherchent tous à répondre aux besoins du marché et à offrir à leurs clients le type de services qu'ils souhaitent.
Je n'ai pas ici la liste de nos membres, mais je veillerai à en faire parvenir un exemplaire à la greffière.
Mme Carolyn Bennett: Vous avez dit que vous ne pouviez pas prendre position sur la question des banques parce que certaines banques appartiennent à votre association.
M. Dunbar Russel: Certaines filiales d'assurance des banques appartiennent à notre association. Je travaille pour l'une d'entre elles. Je travaille pour l'assurance-vie TD, une filiale de la Banque Toronto Dominion. Voilà pourquoi je n'ai pas voulu me prononcer sur la question.
Bon nombre de nos membres n'appartiennent pas au secteur bancaire. Je pense qu'il vaudrait mieux poser vos questions au sujet du réinvestissement communautaire ou des fusions à des gens qui sont mieux placés que moi pour y répondre.
Mme Carolyn Bennett: Si nous connaissions la liste de vos membres, nous saurions mieux à quoi nous en tenir... un certain nombre de banques appartiennent à votre association.
M. Dunbar Russel: Tout à fait. Ce qui compte vraiment, ce n'est pas ceux qui composent notre association, mais le fait que nous avons une autre perspective sur le marché.
Notre association est assez nouvelle, et nos membres ont créé environ 2000 emplois au Canada au cours des quatre ou cinq dernières années. Nous sommes très axés sur les besoins des consommateurs par opposition aux besoins des organismes. Nous savons que ce que veulent nos clients, c'est qu'on leur offre un choix de services. Comme le rapport MacKay l'a souligné, ils veulent être aux commandes. Ils veulent qu'on leur offre un choix. C'est le concept que nous demandons au comité d'appuyer.
Mme Carolyn Bennett: Vos membres vendent-ils de l'assurance multirisque?
M. Dunbar Russel: Oui. Un certain nombre de nos membres vendent ou souscrivent de l'assurance multirisque.
Mme Carolyn Bennett: Vos membres pensent-ils qu'on devrait permettre aux banques de vendre de l'assurance multirisque dans leurs succursales?
M. Dunbar Russel: Oui, nos membres sont unanimes à penser qu'il faut permettre aux succursales des institutions financières de vendre de l'assurance multirisque et de se servir des bases de données dont elles disposent pour mieux répondre aux besoins de leurs clients à cet égard.
Nous pensons que si nous permettons au consommateur de choisir librement l'endroit où il veut acheter de l'assurance multirisque, il pourra prendre une décision éclairée à ce sujet. Je sais que d'autres groupes vous ont dit—comme le témoin précédent—que cette mesure signifiera la perte d'un grand nombre d'emplois parmi les courtiers indépendants. Les faits nous disent le contraire.
Mme Carolyn Bennett: Et que disent les faits?
M. Dunbar Russel: Voici les faits. On a permis il y a dix ans aux institutions financières du Québec, notamment aux Caisses populaires Desjardins, de vendre de l'assurance multirisque. Dix ans plus tard, le nombre d'emplois dans ce secteur est passé de 5 500 à 6 500.
On voit donc que cette mesure n'a pas eu un effet dévastateur sur les emplois. En fait, c'est le contraire. Certains clients ont cependant décidé d'acheter de l'assurance multirisque auprès d'institutions financières plutôt que de courtiers indépendants. Certains de ces courtiers ont décidé de vendre de l'assurance pour des institutions financières. Dans l'ensemble, on a cependant enregistré une croissance du marché et du nombre d'emplois.
Mme Carolyn Bennett: Il s'agit d'une croissance nette.
M. Dunbar Russel: Oui, de l'ordre de 20 p. 100.
Mme Carolyn Bennett: Les gens qui ont cessé d'être des courtiers indépendants et qui se sont mis à travailler pour des organismes qui sont membres de votre association...
M. Dunbar Russel: Ils ont été plus nombreux.
Mme Carolyn Bennett: Les a-t-on comptés deux fois?
M. Dunbar Russel: Non.
Mme Carolyn Bennett: Comment cela fonctionne-t-il?
M. Dunbar Russel: On ne les a pas comptés deux fois. Nous ne comptons pas les mêmes personnes. D'une part, il y a les courtiers indépendants, et, d'autre part, ceux qui travaillent pour des institutions financières dans le domaine des assurances.
Les emplois dans la vente d'assurance multirisque sont donc passés de 5 500 à 6 500 au cours de cette décennie. La même chose s'est produite en Europe. Cela ne nous a donc pas surpris.
Mme Carolyn Bennett: Je pense qu'on a dit au comité que le courtier indépendant peut employer plusieurs personnes. S'il décide de travailler pour une banque, la banque lui offrira le service de soutien dont il a besoin. Certains employés de soutien perdront donc leur emploi. Nous ne comptons donc pas seulement les courtiers.
M. Dunbar Russel: Oui. Je crois que les statistiques qui nous ont été fournies par la société Desjardins comprennent les emplois de soutien. Il y a eu croissance globale de l'emploi dans le secteur.
Permettez-moi de vous expliquer comment on a recueilli ces statistiques. Lorsque nous avons comparu devant le Groupe de travail MacKay, on nous a mis au défi—comme d'autres, j'en suis sûr—de détailler nos allégations. Étant donné que l'un de nos membres, le Mouvement Desjardins, au Québec, connaît très bien le domaine, nous avons pu fournir au Groupe de travail MacKay les statistiques que nous venons de vous citer.
Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles le groupe de travail a recommandé d'ouvrir le marché aux institutions financières et n'a pas accepté l'argument voulant que cette mesure créerait d'importantes pertes d'emplois. Personne n'a pu étayer l'allégation voulant qu'elle entraîne la perte de 5 000, 10 000 ou 20 000 emplois. Nous aimerions bien voir ces études. Elles n'existent pas. On a enregistré une croissance de l'emploi au Québec lorsque le marché a été ouvert aux institutions financières.
Mme Carolyn Bennett: Je vous remercie.
J'aimerais maintenant poser une question au Conseil national des femmes du Canada. J'ai trouvé votre mémoire très intéressant, comme tous les mémoires que je vous ai déjà entendues présenter. Vous aborder vraiment la question sous tous ses angles.
L'ombudsman nous a dit ce matin qu'il y a un problème de perception, puisque les gens pensent que le bureau de l'ombudsman fait partie de l'ABC parce que les banques en assurent le financement. Nous sommes cependant très fiers du fait que la majorité des administrateurs du bureau sont indépendants. Leurs qualifications me semblent assez impressionnantes.
On a aussi soutenu que l'ombudsman n'avait jamais rendu une décision que les banques n'avaient pas accepté de mettre en oeuvre. Le titulaire de ce poste jouit d'un grand pouvoir moral. Le fait que le système soit volontaire comporte des avantages. Si on l'institutionnalise, les gens penseront qu'ils devront être représentés par un avocat s'ils formulent une plainte auprès de l'ombudsman, de crainte de faire plus tard l'objet de poursuites.
Vous a-t-on déjà fait part de ce genre de préoccupation?
Mme Helen Saravanamuttoo: On nous a dit que les gens n'étaient pas prêts à s'adresser à un ombudsman qui relève des banques.
Mme Carolyn Bennett: Chacune des banques a son propre ombudsman. L'une d'entre elles n'a créé ce poste qu'il y a deux ans. Le rapport MacKay affirme que 40 p. 100 des Canadiens connaissent l'existence de ce service et semblent en être satisfaits.
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous ne pouvons pas étayer nos allégations, mais on nous rapporte simplement que les gens ne sont pas disposés à s'adresser à ces ombudsmans. Ils craignent de leur divulguer des renseignements personnels.
Nous sommes favorables à un système interne. Nous pensons qu'un ombudsman de l'extérieur ne devrait intervenir que si un problème ne peut pas être résolu à l'interne. Nous pensons que c'est absolument essentiel pour assurer une véritable impartialité.
Mme Carolyn Bennett: Comme vous le savez, chacune des banques compte un ombudsman, et il y a ensuite une sorte de cour suprême des ombudsmans à laquelle les banques adressent les cas qui n'ont pas pu être réglés.
Mme Helen Saravanamuttoo: Très franchement, nous pensons que cela devrait être indépendant des banques. Qu'ils se considèrent comme indépendants ou non, peu importe, si leurs salaires sont payés par les banques...
Mme Carolyn Bennett: Je crois que c'est justement ce que nous essayons de dire. Seuls les administrateurs indépendants peuvent fixer le budget de ce bureau, et ensuite ils se contentent d'envoyer la facture aux banques. Celles-ci n'ont absolument rien à dire sur la façon dont cela marche. C'est apparemment la façon dont c'est organisé pour le moment.
Cela ne vous convient pas?
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous ne pouvons que rapporter les anecdotes dont nous entendons parler.
Mme Carolyn Bennett: Et c'est que l'on perçoit les choses d'une certaine façon.
Mme Helen Saravanamuttoo: Oui, et nous pensons qu'il serait bien préférable de faire rapport indépendamment au Parlement par l'intermédiaire du ministre des Finances. C'est à notre avis la façon d'assurer une totale impartialité.
Mme Carolyn Bennett: Merci beaucoup.
Le président: Merci, madame Bennett.
Nous avons maintenant Mme Redman, suivie de M. Szabo.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais demander quelque chose au groupe de M. Russel, à qui je demanderai tout d'abord de m'excuser d'avoir manqué le début de son exposé. Êtes-vous membre de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes?
M. Dunbar Russel: Certains de nos membres en sont membres et d'autres non. Notre organisation l'est.
M. Bernard Dorval: La nôtre aussi.
M. Dunbar Russel: Vous en conclurez peut-être que nous avons des opinions différentes de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, qui représente, dans l'ensemble, le secteur traditionnel de l'assurance. Cinq ou six compagnies dominent le marché canadien de l'assurance, et nos membres tendent à représenter pour elles la nouvelle concurrence qui grignote un peu leur marché. Nous ne sommes donc pas forcément du même avis sur beaucoup des questions dont nous parlons ici; par contre, nous sommes d'accord avec cette association sur certaines autres choses.
Mme Karen Redman: Vous avez parlé de modèles internationaux. Je viens de la région de Kitchener—Waterloo, où il y a beaucoup de compagnies d'assurances et de sièges sociaux. Je crois que c'est le modèle anglais qui a été assez désastreux si l'on considère le nombre d'emplois perdus. Je fais peut-être erreur parce que je parle de mémoire, mais lorsque vous parlez de la scène internationale, pensez-vous notamment au Royaume-Uni?
M. Dunbar Russel: Oui. Il y a un certain nombre d'autres pays européens pour lesquels nous avons certaines statistiques. Il y a eu une tradition importante au Royaume-Uni lorsque les compagnies d'assurance sont devenues des institutions financières. Un des gros problèmes rencontrés était celui de la divulgation des renseignements, et c'est ce dont on parle toujours dans les journaux.
Certains de nos concurrents... Sun Life, par exemple, a de gros problèmes de divulgation, et vous l'avez probablement lu dans les journaux. Certains de nos concurrents au Canada rencontrent ces mêmes problèmes.
Heureusement, nos membres défendent une bonne éthique commerciale en indiquant à leurs clients ce qu'ils achètent. Nous essayons de faire de notre mieux même si nous ne sommes évidemment pas parfaits. Comme l'a dit quelqu'un tout à l'heure, dans le but d'être tout à fait à l'écoute de nos consommateurs, nos organisations, dans leur ensemble, sont mues par le marché, et non pas par la répartition des forces.
Je suis bien placé pour le dire. Je suis dans le secteur de l'assurance depuis 25 ans. Je suis devenu un peu schizophrène, car je suis en partie banquier et en partie assureur. Je ne sais jamais trop qui je suis. Selon le côté où je me trouve, on me considère comme l'un ou l'autre, mais c'est toujours l'inverse.
Un des gros problèmes, donc, au Royaume-Uni, touche les pensions. Il ne s'agit pas de l'assurance-vie.
M. Bernard Dorval: Si vous le permettez, pour ce qui est de la question de l'emploi au Royaume-Uni, beaucoup d'institutions financières dans ce pays ont été effectivement autorisées à vendre des produits d'assurance au détail depuis très longtemps. Ce n'est pas tout nouveau.
Comme nous le disons dans notre exposé, le Canada est l'un des deux pays seulement qui n'autorisent toujours pas les établissements financiers à vendre de l'assurance.
À titre d'information, notre organisme vient d'ouvrir son centre d'assurance dans votre propre circonscription de Kitchener. En fait, c'est le siège social qui est à Kitchener. Nous avons créé ainsi 60 emplois. Ce n'est qu'un commencement, car ces activités n'ont démarré qu'il y a six mois.
Mme Karen Redman: C'est une bonne nouvelle. Il est certain que vous serez en bonne compagnie dans notre région.
Si vous me le permettez, j'aimerais poser une question à M. Gustavson. Il semblerait que vous êtes en désaccord avec les recommandations 64 à 67 qui traitent de la protection de la vie privée. L'une d'entre elles concerne la création d'un ombudsman et la procédure de réparation et l'autre les renseignements médicaux. Pourtant, je crois vous avoir entendu dire être favorables au projet de loi C-54. N'est-ce pas?
Si vous êtes contre cette autoréglementation, comment les renseignements médicaux peuvent-ils être couverts? Ils sont couverts par la recommandation 67, et comment les voyez-vous couverts par le projet de loi C-54?
M. John Gustavson: Nous croyons à la nécessité d'établir certains principes fondamentaux de protection de la vie privée à l'intention de l'instance nationale qui régira les activités commerciales du pays.
Nous continuons à croire qu'il y a place pour une autoréglementation avec des codes sectoriels détaillés. Dans chaque secteur, ces codes énonceraient les modalités d'application de ces principes. Il y aura également, bien entendu, la procédure de réglementation de la loi une fois qu'elle aura été adoptée pour assurer son application.
Nous disons simplement qu'il nous faut une série de règles constantes et non pas des séries de règles législatives différentes par secteur. Il nous faut une série de règles constantes que tout le monde devra respecter. À l'intérieur de ce cadre, vous pouvez ensuite les organiser pour chaque secteur visé au fur et à mesure.
Dans ce cas particulier, il y a une recommandation qui ne nous plaît pas. Nous désapprouvons celle selon laquelle avant de parler à un client, il est nécessaire d'avoir son consentement par écrit sur toute question dont on souhaite discuter avec lui. Certes, nous croyons à la nécessité de contrôler toute communication de renseignements même à l'intérieur d'un même organisme. Tout doit être transparent et le consommateur a le droit de savoir. Il reste que cela pose un simple problème pratique si chaque fois que vous parlez à un nouveau client d'un nouveau produit ou d'un nouveau service, il faut au préalable avoir son consentement par écrit.
M. Dunbar Russel: Monsieur le président, pourrais-je intervenir et dire un mot à propos des renseignements médicaux? Je crois que c'est la pierre d'achoppement quand on parle d'assurance, d'établissements financiers et de protection de la vie privée. Nous avons constaté un malentendu chez nos interlocuteurs lors de nos discussions sur notre industrie.
L'industrie de l'assurance a toujours eu la même politique en ce qui concerne les renseignements médicaux. Que l'assurance soit vendue par une banque, par une compagnie d'assurance-vie ou par un courtier d'assurance, il y a des règles très strictes et très sévères concernant la protection de la vie privée. Seul un petit nombre de gens qui ont besoin de ces renseignements y ont accès. Je parle ici des vérificateurs qui doivent évaluer le risque ou des inspecteurs qui doivent en cas de réclamation en déterminer le bien-fondé et autoriser le versement de la prime et qui en cas de décès ou d'invalidité ont besoin d'accéder à ces renseignements médicaux.
L'accès à ces renseignements est limité. Il n'est pas accordé à tous les employés du service d'assurance et certainement pas à tous les employés de l'établissement financier qui pourraient être associés à ces services d'assurance. Dans la compagnie dont je suis le président, je n'ai jamais vu le dossier médical d'un de nos clients.
Je sais que c'est une question qui revient souvent. Il y a des règlements et des contrôles très stricts que l'industrie a adoptés pour ce qui est de l'utilisation des renseignements médicaux et en matière de santé, et tous nos membres les respectent strictement, tout comme l'industrie.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président. Je tenais simplement à me joindre à mes collègues et à féliciter le Conseil national des femmes du Canada d'un excellent mémoire. Je me ferai un devoir de le lire complètement. Je sais que vous nous en avez signalé les points saillants, mais je crois que vous avez apporté des perspectives très importantes à notre travail.
Le rapport MacKay dit pour l'essentiel que les fusions relèvent d'une stratégie tout à fait légitime dans le secteur des services financiers. C'est probablement un truisme quand on considère l'historique de nos principales banques. Elles sont le résultat de fusions. Je sais que vous ne voulez pas être trop techniques. Nous pourrions jouer au petit jeu de savoir si les coopératives de crédit devraient pouvoir elles aussi fusionner, etc. Je crois que votre message est simple, et je tiens simplement à le confirmer: nous avons des problèmes internes à régler au niveau de notre système bancaire actuel avant d'y ajouter des complexités supplémentaires.
Mme Helen Saravanamuttoo: Cela en fait certainement partie. Les problèmes qui d'après nous doivent être absolument réglés sont en particulier ceux de la divulgation et de l'accès. Nous croyons que les propositions de fusions bancaires vont largement l'emporter sur toutes les autres priorités du système économique. Comme Paul Martin et le surintendant des institutions financières l'ont répété au cours des deux derniers mois, si cette fusion a lieu, connaissant la tradition de nos plus grandes banques à s'engager dans des risques plus élevés, et si elles se lancent dans des aventures risquées, que se passera-t-il?
Le poids des banques actuelles est énorme comparativement à notre économie. Je crois que la concentration est de l'ordre de 81 p. 100. Je crois que ce sont les chiffres cités par MacKay. Donc si nous avons trois banques au lieu de cinq, et qu'une de ces banques fait faillite, que se passera-t-il?
Nous savons qui a payé la facture des nombreuses faillites bancaires pendant les années 80. Ce sont les consommateurs. Dans une certaine mesure, le gouvernement les a renflouées. Il a abaissé leur ratio de réserve. En fait, il l'a pratiquement ramené à zéro. Nous savons que la solution c'est de les fusionner. Elles seront trop grosses pour faire faillite.
• 1700
Nous considérons donc ces propositions de fusion comme une
menace réelle pour l'économie canadienne. Nous pensons que les
fusions suivantes, comme entre les coopératives de crédit, pourront
très bien être assujetties à une procédure pour déterminer si cela
sert ou non l'intérêt de la collectivité.
M. Paul Szabo: Ce dernier point est très important car l'évaluation de l'impact sur le public et l'intérêt public sont certainement des plus importants. Je ne crois pas qu'un seul de nos témoins jusqu'à présent n'ait préconisé d'aller de l'avant sans d'abord ouvrir le marché bancaire pour favoriser la concurrence. Vous avez donc, à mon avis, tout à fait raison.
Je tenais à dire un mot sur la question des assurances. Je peux vous dire en toute franchise, monsieur Russel, que j'ai trouvé votre exposé tout à fait convaincant quant aux perspectives du point de vue des entreprises et quant à la réalité d'une création d'emplois et de croissance potentielle. C'est une bonne chose et à mon avis cette perspective ne devrait pas être ignorée.
Vous avez dit que seulement 53 p. 100 des Canadiens avaient une police d'assurance-vie.
M. Dunbar Russel: C'est exact.
M. Paul Szabo: Ce chiffre date de quand, à peu près?
M. Dunbar Russel: Nous avons un tableau. Dix-neuf cent quatre-vingt-dix-sept, monsieur.
M. Paul Szabo: Est-ce que vous avez des chiffres comparatifs pour les cinq ou dix années précédentes?
M. Dunbar Russel: Pas avec moi, mais nous nous ferons un plaisir de vous les communiquer.
M. Paul Szabo: Vous vous attendez à quoi?
M. Bernard Dorval: Pratiquement pas de changements.
M. Paul Szabo: Pratiquement pas de changements depuis un certain temps.
M. Bernard Dorval: C'est ça.
M. Paul Szabo: Très bien. Si c'est le cas, vous allez devoir m'aider. Je ne comprends pas comment vous pouvez dire que vous avez créé entre 2 000 et 4 000 emplois sans avoir enlevé ces emplois à quelqu'un d'autre, si en fait le pourcentage de Canadiens possédant de l'assurance-vie est fondamentalement resté le même.
M. Dunbar Russel: L'élément clé dans ce que nous disons c'est qu'il y a de grands marchés qui sont insuffisamment desservis au Canada, surtout dans le marché intermédiaire et la partie supérieure des marchés à faible revenu qui sont mal desservis.
Laissez-moi vous expliquer. Dans le monde de l'assurance aujourd'hui, la majorité des polices sont vendues par l'entremise d'agents. Je tiens surtout à parler de l'assurance-vie, le secteur que je connais le plus.
Les agents reçoivent une commission pour chaque vente réalisée. S'ils veulent augmenter leur revenu de façon à suivre l'inflation et la demande, ils doivent vendre des polices de plus en plus grosses. Ce qui se produit, c'est que les agents, à l'instar des autres gens d'affaires, ciblent les marchés où ils peuvent maximiser leur revenu. Et le nombre d'agents a diminué considérablement dans le marché actuel.
Ce qui se produit dans le marché actuellement desservi—c'est-à-dire tout le marché avec lequel nous avons commencé—est en train de se produire dans le marché haut de gamme. Et ceux d'entre nous qui se trouvent dans le marché intermédiaire, ou légèrement en dessous, sont ignorés.
D'après les statistiques de nos organismes de commercialisation, nous savons que 20 p. 100 des détenteurs d'une police d'assurance estiment qu'ils sont insuffisamment desservis et qu'ils n'ont pas suffisamment d'assurance.
Je n'ai pas les données avec moi aujourd'hui, mais nous connaissons le pourcentage de la population qui n'a pas d'assurance. Donc, essentiellement, nous disons qu'il existe un marché où l'on ne vend pas d'assurance en ce moment, et que si nous offrions des options additionnelles comme des prix inférieurs, un meilleur accès...
M. Paul Szabo: J'ai écouté votre exposé, mais je ne crois pas qu'on ait répondu à ma question, et je pense savoir pourquoi. Je vais donc passer à une autre question.
Est-ce que vous pouvez me donner...
M. Dunbar Russel: Nous ne sommes pas ici pour essayer de... Nous essayons de répondre à vos questions du mieux que nous pouvons.
M. Paul Szabo: Je sais. Mais vous m'avez dit que, d'après l'information que vous avez, le pourcentage de Canadiens qui n'ont pas d'assurance-vie était relativement stable par le passé.
M. Dunbar Russel: Par le passé, oui.
M. Paul Szabo: Mais vous dites que maintenant, grâce à la vente d'assurances subsidiaires, vous avez déjà créé entre 2 000 et 4 000 emplois. Vous m'en voyez réjoui. Une croissance réelle des emplois profite aux Canadiens. Une croissance réelle de l'économie profite aux Canadiens. Mais je voulais savoir s'il y avait eu des changements. Si la couverture d'assurance-vie au Canada n'a pas changé, j'ai de la difficulté à croire que le nombre d'emplois liés à la prestation de ce service a augmenté.
M. Bernard Dorval: C'est pourquoi je voulais apporter une précision. Les statistiques sur la création d'emplois sont précises, parce que nous payons ces gens. Ainsi, lorsque nous affirmons que nous avons créé 2 000 emplois, ces gens travaillent pour des membres de notre organisation.
M. Paul Szabo: Je vous crois.
M. Bernard Dorval: À ce sujet, nous avons commencé à recueillir la plupart des données statistiques entre 1993 et 1997, c'est donc un phénomène assez récent. Cela a entraîné la création de nouvelles sociétés dotées d'un service de recherche et d'un service des systèmes. Nos sociétés membres ont créé beaucoup d'infrastructures dans le but d'offrir différents produits de différentes façons sur le marché canadien.
Nous avons donc créé un grand nombre d'emplois bien rémunérés dans le domaine de la recherche et de la technologie dans le cadre de ce processus. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je peux vous dire que c'est un fort pourcentage. Il s'agit clairement d'une création nette d'emplois au moment même où l'industrie de l'assurance-vie traditionnelle était en train de se consolider, et où les emplois bien rémunérés dans les sièges sociaux, au contraire, étaient en baisse.
De plus, je peux vous citer un autre chiffre intéressant—de nos ventes. Plus de 50 p. 100 des nouvelles polices vendues aujourd'hui le sont à des gens qui n'avaient aucune assurance auparavant. C'est le genre de produits que nous vendions auparavant. Il s'agit d'une augmentation nette de la couverture, et les autres polices que nous vendons complètent et bonifient les polices actuelles.
M. Paul Szabo: Donc, vous pouvez comprendre que si vous me dites que le pourcentage de Canadiens possédant de l'assurance-vie est resté le même et que vous avez créé tous ces emplois, de toute évidence ce n'était pas des emplois productifs. Ou bien vous vendez de l'assurance au détriment des autres qui ne vendent pas d'assurance. Vous avez enlevé ces emplois à d'autres.
M. Bernard Dorval: Je vais répondre à cette question, car cela rejoint exactement mon argument. Cinquante pour cent des polices que nous vendons sont de nouvelles polices. Elles ne remplacent pas les polices en vigueur; elles sont totalement nouvelles. C'est donc une augmentation nette. Des Canadiens viennent d'acheter de nouvelles polices. Ce qui se produit, c'est que les assureurs traditionnels s'intéressent de moins en moins à la vente d'assurance-vie parce qu'ils se concentrent sur la vente d'autres produits financiers. L'agent d'assurance traditionnel ne cesse donc pas ses activités. Il continue de vendre de l'assurance, mais il s'intéresse de plus en plus à la vente de produits financés plutôt que d'assurance, parce qu'il n'est pas fondamentalement économique pour eux de vendre ces produits. Voilà l'explication.
M. Dunbar Russel: Puis-je faire un commentaire?
M. Paul Szabo: C'est beaucoup de temps pour répondre à une question par ailleurs simple.
M. Dunbar Russel: Je sais, mais je pense avoir quelques faits à vous communiquer qui pourraient être utiles. Le nombre de polices vendues par agent est passé de 47 en 1988 à 34 en 1997. Donc, on observe une baisse des polices d'assurance traditionnellement vendues ou achetées par l'entremise des agents. Les nouvelles méthodes de distribution, comme la vente directe par l'entremise des centres téléphoniques, etc., remplacent les ventes autrefois réalisées par les agents.
Par conséquent, s'il n'y avait ces nouveaux acteurs sur le marché, le marché serait en baisse. Il est maintenant stable. Ce que nous vous demandons, c'est de nous donner les outils nécessaires pour assurer la croissance du marché. Nous vous demandons d'ouvrir le système de distribution, de nous permettre d'ouvrir des succursales pour distribuer les produits, de réaliser des activités de vente directe plus efficaces et ainsi de pénétrer ces marchés qui ne sont pas servis en ce moment. Voilà ce que nous demandons.
M. Paul Szabo: Merci. C'était l'essentiel de votre exposé, et je vous présente mes félicitations. Je pense que vous avez donné un exposé positif et bien étayé. Pour être honnête, il ne fait aucun doute dans mon esprit que vous pourrez, grâce à un réseau de succursales, cibler les régions mal desservies et en tirer le maximum.
Je me demande un peu comment vous allez réussir à vendre des polices d'assurance-vie coûteuses à des mères célibataires, mais nous examinerons cela un autre jour. Je suis aussi convaincu que si, en tant qu'hommes d'affaires, votre appétit pour les profits est intact—et il devrait l'être, parce que c'est votre devoir envers vos actionnaires et votre entreprise—, vous ne vous contenterez pas des créneaux inexploités. Lorsque vous aurez les outils nécessaires, vous vous attaquerez aussi à la concurrence. Et vous savez que la Mutuelle du Canada et la Great-West, par exemple, ont essentiellement imploré le comité en disant que si nous autorisions la vente de produits d'assurance dans les banques, les compagnies d'assurance allaient être dévastées, que leur réseau de courtage et de conseillers s'en trouverait affaibli et qu'elles craignent de devoir fermer.
La Sun Life a aussi témoigné devant ce comité. M. Don Stewart, un de mes commettants, a dit: Laissez-les entrer; mon entreprise est solide et offre de bons produits; je peux soutenir la concurrence.
Ce n'est donc pas universel, mais vous devez comprendre que du point de vue du public, il y a un père fouettard au sein du secteur bancaire qui dit si vous leur donnez les outils, et si la technologie réduit la dépendance à l'égard du réseau de succursales et que nous avons des infrastructures excédentaires, les banques peuvent faire deux choses. Elles peuvent soit regrouper leurs activités et fermer des succursales, ou elles peuvent trouver d'autres activités qu'elles peuvent mener dans leurs locaux. L'assurance apparaît comme une solution très intéressante, car elles en vendent déjà par l'entremise de filiales. Réunissons ces activités dans la même infrastructure. Et, que diable, si elles peuvent offrir le crédit-bail automobile, elles peuvent aussi vendre de l'assurance-automobile aux clients à qui elles louent des voitures.
C'est une excellente stratégie d'affaires. Il n'y a qu'un inconvénient dans votre raisonnement, et peut-être pourriez-vous me convaincre que ce n'en est pas un. Quelle sera l'incidence sur le secteur du courtage? Quelle sera l'incidence sur le réseau de concessionnaires d'automobile? Quelle sera l'incidence sur vos concurrents?
Il semble, ou du moins c'est ce que l'on craint, qu'il y aura une rationalisation. Il y aura des pertes d'emplois. Et il y aura des perturbations. À vous de choisir. Si elles ouvrent leur réseau de succursales, il y a fort à parier qu'elles feraient le tour de tous leurs concurrents à la recherche de leurs meilleurs employés et qu'elles les écraseraient.
Je vous laisse répondre.
M. Dunbar Russel: Puis-je dire deux choses?
Laissez-moi d'abord vous parler du mystère dans lequel le comité devait baigner lorsque M. Astley de la Mutuelle du Canada a imploré le comité, comme vous dites, pourtant M. Stewart, qui est un de vos commettants... Je suppose que M. Astley est un commettant d'un autre député ici...
Un député: Il ne nous a pas implorés.
M. Dunbar Russel: Je ne pensais pas qu'il l'avait fait. Mais M. Stewart a dit «laissez-les entrer». Il importe que vous sachiez que la position de ces entreprises sur le marché est légèrement différente.
M. Astley a un vaste réseau d'agences partout au Canada et distribue ses propres produits, tandis que M. Stewart est assez rusé; il affirme que ses établissements financiers peuvent avoir d'autres moyens de distribution qui complètent mes autres mécanismes. En fait, notre compagnie d'assurances distribue des produits pour un certain nombre de compagnies d'assurance-vie qui ont peut-être témoigné devant ce comité—probablement celles qui ont dit qu'il fallait ouvrir le système.
Nous cherchons à satisfaire le client. Si un client se présente à nos bureaux et dit «j'aimerais avoir une police de la Sun Life ou de la Maritime Life», nous voulons le satisfaire, et c'est exactement ce que nous faisons. En fait, un pourcentage important de notre volume d'affaires est constitué d'autres polices d'assurance qui ne sont pas offertes par la TD.
En ce qui concerne le deuxième point que vous avez soulevé, mon argument est que nous pouvons représenter un complément à ces compagnies d'assurance et essentiellement former un autre réseau de distribution. En fait, dans le domaine de l'assurance-vie, notre société vend des produits pour la Mutuelle, M. Astley, Aetna et la Prudentielle. Toutes nos politiques sont rédigées sur leur papier à en-tête, elles ne sont pas rédigées sur du papier de la TD. Bon nombre de nos membres qui sont des établissements financiers suivent la même pratique. En d'autres mots, nous assurons la distribution pour eux.
• 1715
Pour ce qui est de notre domination du marché, tout ce que
nous pouvons dire c'est que si nous examinons l'expérience vécue
dans d'autres régions du monde qui ont ouvert leur marché, nous
constatons que les banques ne détiennent qu'au plus 15 p. 100 du
marché. Il y a une bonne raison à cela; c'est parce que différents
clients préfèrent faire différentes choses.
Lorsque vous faites votre épicerie, certains d'entre vous vont chez Loblaws ou dans un autre supermarché; d'autres vont dans des magasins spécialisés parce qu'ils estiment recevoir un meilleur service ou y trouver de meilleurs produits. Nous constatons que certaines personnes préfèrent se rendre dans des établissements financiers pour une raison ou pour une autre, et d'autres préfèrent utiliser les autres réseaux de distribution. Nous croyons que l'expérience et les faits—que nous sommes disposés à vous présenter—vont montrer que les banques ne vont pas dominer le marché. Elles vont simplement en occuper une partie.
Sur le plan de l'emploi, qui est une question qui préoccupe tout le monde et qui explique en partie pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, l'expérience réalisée au Québec montre que l'ouverture du système donne lieu à la création et non à la perte d'emplois. On observe certains rajustements. Au sein de mon entreprise, par exemple, toutes nos ventes sont réalisées par des courtiers ou des agents autorisés qui font actuellement partie de TD Insurance. Bon nombre d'entre eux étaient auparavant des courtiers indépendants. Ils ont encore un emploi, mais peut-être ailleurs.
L'expérience montre qu'il y a une création nette d'emplois. Donc, je suppose que ceux qui se présentent devant ce comité pour dépeindre la situation brossent un portrait qui s'avère erroné, si l'on examine les faits. Voilà tout ce que nous essayons de dire au comité.
M. Bernard Dorval: Laissez-moi vous fournir deux données statistiques. Le secteur de l'assurance-vie, selon les dernières statistiques, tire 70 p. 100 des primes de ses produits d'épargne-rentes, et non plus des produits d'assurance-vie. La moitié du reste des primes perçues proviennent des produits d'assurance collective par opposition aux produits d'assurance individuelle. Il ne s'agit donc pas d'une vente individuelle à un particulier, mais par l'entremise de l'employeur. Les risques théoriques de cette industrie sont minimes, surtout si l'on tient compte du fait que nous vendons en outre nos produits à de nouveaux marchés jusque-là inexploités.
C'est minime, et cela varie bien sûr d'un assureur à l'autre. Cette statistique s'applique à l'ensemble de l'industrie. C'est pourquoi les réponses que vous obtenez peuvent varier selon l'assureur. La situation peut varier beaucoup sur le plan des risques.
M. Paul Szabo: J'ai hâte de recevoir votre mémoire complémentaire. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci. J'ai quelques questions à poser à Mme Saravanamuttoo. Quel objectif poursuivez-vous avec cette loi sur le réinvestissement communautaire? Quel est son but? Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer que la situation est grave dans vos collectivités, en ce qui concerne les services bancaires?
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous ignorons l'ampleur du problème, mais beaucoup de personnes nous disent par exemple qu'on leur refuse des prêts. Shirley a un témoignage intéressant à ce sujet.
Est-ce que tu veux le présenter maintenant?
Mme Shirley McBride: Ces faits nous ont été présentés à la dernière réunion à laquelle nous avons assisté. Il y a environ trois ou quatre semaines, je discutais avec une amie dans une autre région de l'Ontario, une célibataire au début de la quarantaine qui avait enseigné l'administration des affaires. Elle avait les ressources nécessaires, ses propres fonds, pour lancer son commerce, mais elle avait besoin d'un prêt. Elle a soigneusement préparé le plan d'affaires qu'on lui demandait, elle avait une certaine somme d'argent dans son compte, elle a rempli toutes les formalités nécessaires, et elle s'est présentée dans plusieurs banques, une après l'autre, pour obtenir un prêt. Elle a dû faire le tour des banques, parce qu'on lui refusait toujours son prêt. En fait, elle a été traitée d'une façon qu'elle qualifie de cavalière. Dans une banque, on lui a demandé si elle voulait rencontrer la responsable des prêts consentis aux femmes. D'autres banques avaient une attitude assez condescendante.
Elle a finalement trouvé une banque disposée à lui consentir un prêt. Par la suite, après avoir effectué d'autres recherches, elle s'est rendu compte que certaines banques qui l'avaient laissé présenter une demande de prêt pour ensuite la rejeter avaient à l'époque une politique émanant du siège social—c'était il y a quelques années—qui consistait à ne pas consentir de prêt aux petits commerces. On l'a laissé présenter sa demande sans rien dire, parce que si on lui avait communiqué la politique, elle aurait été de notoriété publique. Mais on voulait la cacher du public.
• 1720
Si l'on y pense, combien de personnes à qui l'on a refusé un
prêt veulent en discuter avec quelqu'un? Elles se sentiraient
plutôt humiliées et ne voudraient sans doute pas que cela se sache.
Voilà pourquoi je pense que les statistiques sont si difficiles à
établir.
Le président: Si vous obtenez un prêt, allez-vous le chanter sur les toits?
Mme Shirley McBride: Pas vraiment.
Le président: Je ne pense pas, en effet.
Mme Shirley McBride: Ce sont des chiffres presque impossibles à obtenir.
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous voulons faire en sorte que la petite entreprise obtienne sa juste part des capitaux disponibles, car si les pourcentages augmentent, c'est au profit des grandes entreprises. Ce ne sont pas les petites et moyennes entreprises qui obtiennent cet argent, comme le montrent les propres chiffres de l'Association des banquiers canadiens.
Nous voulons assurer la viabilité des collectivités du pays. Nous voulons que les choses se fassent de façon juste et équitable. Nous voulons que les consommateurs aient la possibilité d'échanger des renseignements afin qu'il y ait une véritable concurrence entre les banques. À l'heure actuelle, il y a des écarts importants dans les renseignements disponibles. Nous sommes mal informés au sujet de beaucoup de choses, comme nous l'avons déjà mentionné.
Le président: Pensez-vous que si tous ces renseignements sont consignés sur une feuille de papier, cela nous apportera plus de concurrence?
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous pensons que les banques doivent également présenter des états financiers. Le groupe de travail MacKay mentionne le fait que les collectivités doivent se définir et réinvestir chez elles. Il est question de la façon dont cela se réalisera.
Aux États-Unis, le Community Reinvestment Act est en vigueur depuis 20 ans. Une banque canadienne s'est fusionnée avec une banque américaine dont les chiffres ont montré qu'elle n'avait pas respecté ses obligations. Les Américains ont donc pu interdire la fusion jusqu'à ce que ce soit fait et que la banque ne modifie ses lignes de conduite. Elle s'est mise à investir dans la collectivité.
Nous tenons à assurer la vitalité économique des collectivités. Nous ne voulons pas que les grandes franchises ou les grandes sociétés se contentent d'établir des succursales. Nous voulons que de l'argent soit investi dans la petite entreprise afin que le Canada puisse prospérer dans l'intérêt de tous les Canadiens et pas seulement des grandes entreprises qui n'investissent pas dans la collectivité et qui se contentent d'en sortir leurs capitaux.
Le président: Merci.
Madame Karen Redman.
Mme Karen Redman: Je voudrais revenir sur une question que vous avez soulevée. Hier, nous avons entendu un témoignage qui était totalement pour les fusions bancaires. Cette personne disait que les banques devaient être plus puissantes pour pouvoir s'occuper sérieusement des petites et moyennes entreprises. C'était une femme d'affaires et elle a également souligné que les entreprises dirigées par des femmes créaient la majorité des emplois, que les jeunes créaient de plus en plus leur propre emploi et que c'était un marché en plein essor.
Je lui ai demandé s'il n'était pas logique que les institutions financières investissent dans le secteur qui crée 80 p. 100 des emplois au Canada.
Un autre banquier—je ne sais plus de quelle banque il s'agissait—nous a dit que, lorsque le gouvernement a imposé une réglementation, les gens appliquaient la loi à la lettre et que l'autoréglementation valait beaucoup mieux. Je voudrais revenir sur votre programme d'investissement dans les collectivités. Ce banquier nous a affirmé que de nombreuses institutions financières faisaient un excellent travail. Cette femme d'affaires parlait de la Banque Royale et du fait qu'elle avait largement fait confiance aux femmes et aux jeunes qui lançaient des entreprises. Elle a demandé s'il était vraiment nécessaire de légiférer étant donné que le phénomène était déjà entamé.
Mme Helen Saravanamuttoo: Dans ce cas, pourquoi le pourcentage d'argent prêté aux PME est-il en diminution? C'est ce qui compte, n'est-ce pas? Les banques nous bercent peut-être de belles paroles, mais ce n'est pas ce qu'elles font vraiment.
Mme Karen Redman: Par conséquent, si nous renforçons les coopératives de crédit et si nous permettons aux compagnies d'assurance d'agir davantage comme les banques en leur ouvrant ces possibilités, cela va-t-il créer le genre de concurrence qui servira la petite et moyenne entreprise ou faut-il que le gouvernement légifère pour que cela se matérialise?
Mme Helen Saravanamuttoo: Selon nous, le gouvernement doit consolider et favoriser ce mouvement, principalement parce que... Tout d'abord, pour ce qui est de la divulgation, il y a deux choses à considérer. Oui, les femmes chefs d'entreprise ont beaucoup de succès, mais combien d'entre elles n'obtiennent pas de prêts? Nous l'ignorons. Nous ne savons pas à quel point l'augmentation des frais bancaires est justifiée. Nous ne savons pas combien de gens se sont vus refuser un prêt. Nous ne savons pas combien de gens sont allés dans une succursale bancaire où on les a dissuadés de demander un prêt.
Ce sont donc des renseignements qu'il faudrait obtenir. Comme nous l'avons déjà dit, les banques jouent un rôle tellement important dans l'économie canadienne qu'elles s'apparentent à un service public. Si elles en tirent des avantages, il faut aussi qu'elles assument des responsabilités, selon moi.
Le président: Vous ne pensez pas qu'il s'agit d'un commerce?
Mme Helen Saravanamuttoo: C'est un commerce et nous n'incitons pas les banques à perdre leur compétitivité. Elles ne doivent accorder des prêts que si les conditions sont réunies, mais il faudrait que les petites entreprises se trouvent sur un pied d'égalité avec les grandes entreprises. Si nous examinons les chiffres—et quelqu'un a suggéré, je crois, que 30 p. 100 des prêts soient accordés aux petites entreprises, mais en 1997, les pourcentages des prêts étaient de 6,5 p. 100 pour les prêts de moins de 250 000 $, et de 7,17 p. 100 pour les prêts de 250 000 $ à 1 million de dollars. Comment pouvez-vous avoir une économie canadienne vraiment dynamique avec de tels chiffres?
Le président: Je voudrais seulement voir quel est le pourcentage de prêts de moins de 250 000 $. Je crois que c'est à la page 6. C'est 7,17 p. 100 de quoi?
Mme Helen Saravanamuttoo: C'est 7,17 p. 100 de la totalité des prêts accordés. Les banques ont sans doute prêté davantage aux petites entreprises, mais nous l'ignorons. Néanmoins, en même temps, elles prêtent moins en tant que pourcentage du PIB, par exemple. Cela représente la proportion de la totalité des prêts, mais le PIB croît en même temps. Par conséquent, les petites entreprises obtiennent une proportion moindre de l'argent disponible. Comprenez-vous?
Le président: J'essaie seulement de voir si les banques déboursent davantage d'argent ou non.
Mme Helen Saravanamuttoo: C'est possible, mais ce n'est certainement pas un chiffre important. Si vous prenez les prêts de plus de 1 million de dollars consentis aux grandes entreprises, c'est là que l'argent est concentré. C'est à peu près 87 p. 100 du total.
Le président: Vous avez abordé une question très importante en ce qui concerne les femmes chefs d'entreprise. Ces dernières années, j'ai remarqué une croissance phénoménale du nombre de femmes chefs d'entreprise. Est-ce exact? Y a-t-il davantage de femmes dans le milieu des affaires aujourd'hui qu'il n'y en avait il y a 10 ans?
Mme Helen Saravanamuttoo: Oui.
Le président: J'irais jusqu'à dire que la majorité d'entre elles n'avaient probablement pas de fortune personnelle lorsqu'elles ont débuté.
Mme Helen Saravanamuttoo: Exactement.
Le président: Par conséquent, je suppose qu'elles ont obtenu un prêt quelque part. Compte tenu des sources de prêts au Canada, je dirais qu'une bonne partie de cet argent a sans doute été prêté par le secteur des services financiers, les banques et autres institutions de ce genre. N'est-ce pas?
Pourriez-vous m'expliquer cela? Que se passe-t-il?
Mme Helen Saravanamuttoo: Malgré ce que font les banques—c'est ce que vous dites, n'est-ce pas?—, étant donné la façon dont les prêts ont été consentis, nous nous demandons combien d'autres entreprises auraient pu voir le jour si la politique des banques avait été plus équitable?
L'exemple de Shirley est révélateur. C'est anecdotique, mais c'est ce qui se passe en réalité. Nous ne savons pas exactement ce qu'il en est, car il n'y a pas de chiffres, mais nous pensons que cela risque effectivement de se produire.
Il suffit de voir ce qu'il advient de nos entreprises locales. La plupart d'entre elles se font racheter par des grandes sociétés. À notre avis, cela réduit la vitalité des collectivités et nous croyons qu'il faudrait mettre de l'argent à la disposition des entreprises indépendantes légitimes. Ce n'est pas ce qui se passe à l'heure actuelle étant donné la répartition des prêts.
Le président: Pour ce qui est de la survie des petites entreprises, vous dites que si le Club Price ou Home Depot viennent s'installer dans une localité, ils réduisent les chances de survie de la quincaillerie du coin.
Mme Helen Saravanamuttoo: C'est vrai.
Le président: Mais pourquoi pensez-vous que la quincaillerie du coin ne survivra pas?
Mme Helen Saravanamuttoo: Il y aurait un moyen de l'aider à survivre et ce serait la création de clubs d'achat ou de coopératives; je ne sais.
Le président: Je disais que le consommateur ne va pas dans la quincaillerie du coin, n'achète pas ses produits, et que la quincaillerie doit fermer ses portes parce qu'elle ne peut pas survivre.
Mme Helen Saravanamuttoo: Oui, mais j'allais dire que...
Le président: Qu'attendez-vous des banques? Elles ne peuvent pas aller trouver des clients pour la quincaillerie du coin.
Mme Helen Saravanamuttoo: Non, ce n'est pas ce que nous suggérons. Nous estimons qu'il y a de nombreux marchés spécialisés et un grand nombre d'entreprises de haute technologie que des gens ne peuvent pas lancer parce qu'ils n'obtiennent pas de prêts. Les banques ont la réputation de très peu prêter pour les nouvelles technologies. Elles n'ont pas de système en place pour examiner ce genre de dossiers.
Nous disons que s'il y avait une meilleure divulgation et si les banques devaient rendre des comptes aux collectivités, elles réexamineraient peut-être leurs politiques de prêt et établiraient de nouveaux critères.
Il est triste de voir la quincaillerie du coin fermer ses portes et ce sera peut-être inévitable. Mais il se peut que d'autres mesures puissent être prises pour lui venir en aide en créant, par exemple, des coopératives d'achat. Il y a aussi d'autres entreprises auxquelles on ne donne pas leur chance.
Le président: Vous proposez d'avoir une loi sur le réinvestissement communautaire.
Mme Helen Saravanamuttoo: Oui.
Le président: Vous dites donc qu'il faut réinvestir l'argent...
Mme Helen Saravanamuttoo: Dans la collectivité.
Le président: ...y réinvestir son argent.
Par conséquent, si vous êtes une collectivité pauvre qui n'a pas beaucoup d'argent au départ, vous allez seulement y réinvestir ce petit montant, car je suppose que cela s'appliquera seulement à certaines régions. Vous ne voudriez pas que les collectivités riches réinvestissent seulement dans les collectivités riches; vous voulez une certaine...
Mme Helen Saravanamuttoo: Non.
Le président: C'est ce que vous voudriez, n'est-ce pas?
Mme Helen Saravanamuttoo: Non.
Le président: Autrement, la quincaillerie du coin est condamnée d'avance.
Mme Helen Saravanamuttoo: Nous ne préconisons pas de fixer une limite pour certaines régions. Nous disons que souvent, les collectivités à faible revenu n'obtiennent aucun investissement et nous voulons qu'elles puissent obtenir leur part. S'il y a là beaucoup de gens qui ont de bons plans d'affaires à proposer, si les banques sont tenues à faire ces divulgations, je suis certaine qu'elles investiront.
Nous voulons pouvoir préserver la viabilité de nos collectivités.
Le président: Je vous remercie de vos observations.
C'était un groupe de discussion très intéressant. L'un des défis que nous devons relever est qu'il faut tenir compte de toutes sortes de choses, notamment de la réglementation.
La réglementation est extrêmement importante pour préserver les droits des consommateurs, mais elle pourrait également devenir un fardeau dont le consommateur finira par payer le coût. C'est un facteur que nous ne devons pas perdre de vue quelle que soit la décision que nous prendrons et les recommandations que nous formulerons.
Au nom du comité, je vous remercie vivement.
Nous allons suspendre la séance jusqu'à 18 heures.
Le président: Je vais rouvrir la séance et souhaiter la bienvenue à toutes les personnes présentes ici ce soir.
• 1810
Nous avons le plaisir de recevoir les représentants de la
Banque de développement du Canada, M. François Beaudoin, président
et directeur général, et M. Michel Vennat, président du conseil
d'administration.
Bonsoir messieurs.
Comme vous le savez, vous disposez d'environ 10 à 15 minutes pour faire votre déclaration liminaire après quoi nous vous poserons des questions.
M. Michel Vennat (président du conseil d'administration, Banque de développement du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais, au nom de la Banque de développement du Canada, la BDC, vous remercier ainsi que vos collègues de nous avoir invités ici aujourd'hui afin de vous faire part de notre point de vue sur l'avenir du secteur des services financiers au Canada en ce qui a trait au financement des PME.
Nous serons également heureux de présenter au comité un compte rendu des activités de la BDC depuis que vous lui avez confié un nouveau mandat, il y a de cela trois ans, en modifiant la loi qui la régit.
[Français]
Monsieur le président, alors que le Canada s'apprête à entrer dans le XXIe siècle, le secteur des services financiers jouera un rôle fondamental pour la prospérité du Canada en tant que nation. Nous avons vu ailleurs, même dans des pays très industrialisés, qu'un système de services financiers déficient peut entraver le marché et ériger des obstacles qui entraînent inévitablement un déséquilibre économique.
Heureusement, le secteur des services financiers canadien est solide et axé sur le progrès grâce, en grande partie, je me permets de le souligner, au travail que vous et vos prédécesseurs avez accompli au fil des ans au sein de ce comité de la Chambre.
Mais les temps changent et l'évolution incessante de la technologie de l'information accélère le rythme du changement. Au Canada, les fournisseurs de services financiers n'ont d'autre choix que d'emboîter rapidement le pas et de continuer de devancer leurs concurrents et de s'assurer que tous les Canadiens et Canadiennes, et j'insiste sur le mot «tous», ont accès aux meilleurs services financiers du monde, cela à prix abordables. Ceci vaut, bien entendu, pour les petites et moyennes entreprises canadiennes.
[Traduction]
Monsieur le président, vous et les membres de votre comité avez entendu dire qu'il est important que l'accès des PME au financement ne se détériore pas. Je dirais que vous avez l'occasion d'aller encore plus loin en améliorant le cadre du financement des PME au Canada.
Bien qu'elles forment un secteur dynamique et en plein essor, un trop grand nombre de PME ont encore le sentiment que l'accès au financement n'est pas adéquat. Monsieur le président, le secteur des PME contribue de façon vitale à la création d'emplois, à l'innovation et au PIB global, de sorte qu'une amélioration de l'accès au financement peut stimuler la croissance économique de toutes les régions du pays.
C'est pourquoi je vous prie instamment, lorsque vous évaluerez le secteur des services financiers et que vous formulerez vos conclusions, d'accorder la priorité aux intérêts de nos PME, d'un océan à l'autre, et de veiller à ce qu'elles aient accès à des services financiers concurrentiels et efficients.
Monsieur le président, les PME sont la raison d'être de la BDC, et celle-ci s'est fort bien acquittée du mandat que vous lui avez confié il y a trois ans. Depuis ma nomination au poste de président du conseil de la BDC, en juin dernier, j'ai été très impressionné par la nature et le niveau des services que la Banque offre aux PME canadiennes.
Bien qu'elle appartienne au gouvernement, la Banque est gérée comme une entreprise commerciale, à la façon du secteur privé, qualité qu'apprécient grandement ses clients. Elle s'est aussi montrée très novatrice, surtout depuis 1995.
La BDC est maintenant reconnue comme un chef de file lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins de financement à long terme et de capitaux de croissance des PME, et plus particulièrement ceux des industries fondées sur le savoir et des exportateurs.
[Français]
À mesure que le secteur des services financiers évolue, la BDC est bien placée pour s'assurer que les besoins de financement des PME sont comblés de façon compétente et efficace. De même, je peux vous assurer que la banque répondra rapidement aux nouveaux besoins qui pourraient se manifester sur le marché, comme elle l'a fait par le passé, par l'intermédiaire de services novateurs et de partenariats. Avec votre permission, monsieur le président, j'inviterai maintenant M. François Beaudoin, notre président et chef de la direction, à vous faire part de ses observations au nom de la BDC. Merci.
M. François Beaudoin (président et directeur général, Banque de développement du Canada): Merci, monsieur Vennat.
Monsieur le président, membres du comité, les défis et possibilités qui s'offrent à nos institutions financières sont nombreux et complexes, et je fais l'éloge du groupe de travail de M. MacKay qui les a présentés clairement aux Canadiens.
• 1815
Le groupe de travail a aussi fait
ressortir la nécessité d'un changement dans la structure de notre
secteur, les services financiers, afin que
les Canadiens puissent continuer d'avoir accès à des
services abordables et de première qualité ainsi qu'à
des institutions financières solides et viables.
À la Banque de développement du Canada, nous nous sommes adaptés aux changements il y a trois ans, lorsque le Parlement nous a donné un nouveau mandat en modifiant la Loi sur la BDC. Ce faisant, le gouvernement visait surtout à faire de la banque un fournisseur des plus actifs de services financiers et de services de conseil en gestion des PME canadiennes.
[Traduction]
La BDC est une institution autosuffisante, à vocation commerciale, qui ne coûte rien aux contribuables.
Avec l'appui total du gouvernement et du ministre de l'Industrie, l'honorable John Manley, je suis heureux de dire que la BDC remplit son mandat et j'aimerais faire le point rapidement sur ses activités.
Ce premier tableau—et j'espère qu'il est visible pour les caméras et tous les membres du comité—indique quels sont les prêts et les garanties que nous avons accordés, chaque année, entre 1993 et 1998. En 1993, par exemple, nous avons autorisé des prêts de 641 millions de dollars aux petites entreprises canadiennes. En 1998, ce chiffre atteignait environ 1,4 milliard de dollars. Autrement dit, nous avons largement doublé notre financement au cours de cette période et vous pouvez constater la croissance rapide qui a eu lieu depuis l'obtention de notre nouveau mandat.
Un autre élément est ce que l'on appelle les quasi-fonds propres. En effet, nous fournissons du capital de risque et pour ce qui est des quasi-fonds propres, nous offrons des produits tels que des prêts à redevances et du capital patient, qui sont des croisements entre des prêts à terme et du capital de risque. C'est également un secteur dans lequel la croissance a été importante car ce sont les entreprises de technologie, les industries du savoir, qui bénéficient de ce financement.
Vous pouvez voir quelle était la répartition en 1993. Il y avait 11 millions de dollars pour le capital de risque et 11 millions de dollars pour les quasi-fonds propres. Ce financement était presque neuf fois plus important en 1998, car si vous additionnez les 67 millions pour le capital de risque et les 117 millions pour les quasi-fonds propres, cela donne un total de 184 millions de dollars.
Dans le cadre de notre nouveau mandat, nous devions également soutenir les industries du savoir et les petits exportateurs. Chaque année, nous réservons un pourcentage de notre financement à ces secteurs. Ce tableau montre comment se répartissent les chiffres que nous avons déjà vus, par exemple, la somme de 1,4 milliard accordée en 1998. Comme vous pouvez le voir, nous avons rempli cet aspect de notre mandat. Nous en étions à 15 p. 100 et c'est maintenant 39 p. 100 de nos activités ou de nos nouveaux prêts qui vont vers les industries du savoir et les petits exportateurs. À l'avenir, nous envisageons un partage à peu près égal entre les industries du savoir et les exportateurs dans les secteurs traditionnels.
Toute institution financière doit réaliser des gains suffisants pour réussir à poursuivre sa croissance et l'on peut voir, sur ce tableau, nos profits, nos revenus nets et les dividendes que nous avons été en mesure de verser à notre actionnaire, le gouvernement du Canada, sur la période considérée. Comme vous le voyez, nous avons pu prouver que l'on peut prendre des risques importants tout en réalisant des bénéfices, puisque les nôtres ont atteint l'année dernière 45,5 millions de dollars, et que nous avons versé 6 millions de dollars de dividendes à notre actionnaire, le gouvernement du Canada. C'est là, du reste, un élément important de notre nouveau mandat.
[Français]
Monsieur le président, en plus d'accroître d'année en année le financement qu'elle accorde, la BDC est devenue le principal fournisseur de services innovateurs des PME.
[Traduction]
Nos produits financiers de quasi-fonds propres, dont j'ai parlé tout à l'heure, à savoir les prêts à redevances, le capital patient et les prêts du Fonds de croissance à l'exportation, sont parmi les plus populaires sur le marché. Nous les avons conçus de manière à répondre aux besoins de financement des entreprises de la nouvelle économie, surtout ceux des entreprises fondées sur le savoir et les entreprises exportatrices.
Nous avons également été les premiers à offrir du capital aux fins de la réalisation de projets technologiques qui en sont à leur début. De concert avec des partenaires à l'échelle du pays, nous avons créé des fonds de capital de prédémarrage. Ces fonds financent des projets jusqu'à ce qu'ils attirent les sociétés de capital de risque traditionnelles.
[Français]
Monsieur le président, la BDC a aussi établi des partenariats avec toutes les institutions financières importantes du pays afin de rejoindre plus de PME dans toutes les régions. Conjointement avec des banques à charte, nous offrons des programmes continus de soutien aux jeunes et aux industries du savoir.
Nous sommes entrés en juillet dernier dans l'ère du commerce électronique en lançant BDC Connex, une banque virtuelle accessible par Internet. Grâce à ce service, nos clients peuvent faire affaire avec nous électroniquement. Pour aider les PME à passer de façon harmonieuse à l'an 2000, nous offrons le programme Prêt pour l'an 2000. Il s'agit d'un programme global qui comprend des questionnaires de diagnostic et qui permet de fournir du financement pour adapter les logiciels et le matériel informatique à l'an 2000.
[Traduction]
Monsieur le président, lorsque nous examinons le secteur des PME aujourd'hui, nous constatons qu'il est plus dynamique et plus innovateur que jamais. À la BDC, nous avons eu la chance, et le plaisir, d'être associés à certaines entreprises canadiennes les plus dynamiques. Par exemple, nous avons été les tout premiers à investir dans Ballard Power lorsque sa technologie venait tout juste d'être développée. Dans la région de l'Atlantique, la BDC a financé Seagull Pewter. Au Québec, elle a investi dans Cinar quand l'entreprise était encore jeune. En Ontario, nous avons financé Roots. Dans les Prairies, BioStar est un client de la BDC.
J'ai utilisé ces entreprises comme exemples parce qu'au moment où nous les avons aidées, beaucoup considéraient qu'elles représentaient un risque, voire un risque élevé. Mais, en tant que seule institution spécialisée dans le financement des PME, la BDC a jugé que ces entreprises prometteuses et dynamiques avaient besoin de capitaux de croissance.
Monsieur le président, j'ai utilisé ces clients de la DBC comme exemples également parce qu'ils représentent les genres d'entreprises d'avenir du Canada et, surtout, les genres d'entreprises que les institutions financières canadiennes doivent soutenir.
Dans son rapport sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, le groupe de travail MacKay recommande que les institutions financières canadiennes
[Français]
Nous sommes totalement d'accord sur cette recommandation. J'ajoute que le groupe de travail a également souligné le rôle important que joue la BDC dans le financement des PME. Il a aussi souligné l'innovation dont elle fait preuve en lançant de nouveaux instruments de partage du risque, plus particulièrement des instruments de financement par quasi-fonds propres.
[Traduction]
Les PME sont de gros utilisateurs de services financiers, monsieur le président. En fait, elles dépendent beaucoup de ces services pour survivre. J'espère donc qu'en examinant le rapport du groupe de travail MacKay et vos propres conclusions, vous accorderez une attention toute particulière et la priorité aux effets qu'aura l'évolution du secteur des services financiers sur les PME.
L'une des principales préoccupations de PME réside dans les projets de fusion de banques à charte. Je sais qu'elles sont très inquiètes à propos de l'évolution future du secteur des services financiers et qu'elles se posent beaucoup de questions qui demeurent sans réponse. Les PME se demandent ce qui arrivera de leurs marges de crédit et au choix de services financiers qui leur sont offerts si des banques à charte fusionnent. Il s'agit là de questions fondamentales pour elles et elles attendent des réponses dans les mois à venir.
Monsieur le président, je suis certain que vous et vos collègues n'êtes pas étonnés d'entendre dire que de nombreuses PME trouvent que l'accès au financement est déjà restreint à cause du nombre limité de sources de financement sur le marché. Comparativement au début des années 90, moins de sources de financement sont offertes aux PME aujourd'hui. Par exemple, les sociétés de fiducie et les compagnies d'assurances étaient des prêteurs actifs mais elles ont abandonné ce rôle. À cet égard, je souscris à la recommandation du groupe de travail MacKay selon laquelle il faut attirer sur le marché de nouvelles institutions financières venant aussi bien du Canada que de l'étranger.
• 1825
Il faut aussi des règles du jeu équitables afin de favoriser
l'établissement d'institutions financières qui serviront le secteur
des PME. La venue de nouveaux participants dans l'industrie
bancaire favoriserait la concurrence et stimulerait l'innovation.
Je vous prie donc instamment d'examiner les règles régissant la
venue de nouveaux participants dans le secteur bancaire canadien et
de déterminer comment promouvoir les intérêts des PME.,
Si l'on accorde une attention réelle et la priorité aux PME, cela améliorera selon moi l'accès des PME au financement à l'échelle du pays. Par conséquent, je suis également d'accord avec l'idée de créer une banque spécialisée dans les PME, ainsi que l'ont proposé deux banques à charte.
À la BDC, les PME sont notre seule raison d'être. C'est ce qui fait que nous nous concentrons sur leurs besoins et que nous nous employons à y répondre de façon innovatrice tout en demeurant rentables. Le marché doit accorder une attention toute particulière aux PME, et c'est ce que des banques spécialisées dans les PME peuvent permettre de faire.
Le rapport du groupe de travail MacKay a souligné le fait que le Canada est un marché très concentré et, quelle que soit l'issue des projets de fusion des banques, il faut que le marché canadien offre plus de sources de financement. Aujourd'hui, la BDC constitue une source complémentaire de financement à terme et de capital de risque pour les PME. Dans un environnement en évolution, elle peut être appelée à jouer un rôle encore plus grand. Nos clients nous disent qu'ils veulent que la BDC ait un champ d'action plus vaste et offre un plus large éventail de produits financiers adaptés à leurs besoins. Nous sommes prêts à répondre à cette demande dans les limites de notre mandat.
Monsieur le président, j'aimerais conclure en disant que je crois que la BDC a bien servi les PME. À la veille de la prochaine restructuration importante du secteur des services financiers au Canada, la BDC va se surpasser. Elle va utiliser tous les moyens dont elle dispose pour prévoir l'évolution des besoins et fournir des solutions nouvelles et innovatrices en matière de financement. Nous sommes présents d'un océan à l'autre, et nos efforts sont axés sur les entreprises qui seront les chefs de file de demain au Canada dans leurs secteurs d'activité respectifs.
[Français]
Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Beaudoin. Nous allons commencer maintenant un tour de questions et réponses de sept minutes chacun, en commençant par M. Epp.
M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Beaudoin, d'être venu ce soir à la présente séance. J'ai beaucoup apprécié votre rapport. Évidemment, comme j'ai enseigné les mathématiques pendant 31 ans, j'aime beaucoup les graphiques, et vous m'avez vraiment impressionné.
J'aurais quelques questions à vous poser. Vous dites que votre banque appartient au gouvernement. Est-ce que c'est également votre source de capitalisation? Lorsque vous dites que vous avez 1,3 milliard de dollars de prêts en circulation, s'agit-il d'argent du contribuable que vous avez prêté?
M. François Beaudoin: Absolument pas. Tout d'abord, les chiffres indiqués ici correspondent à de nouveaux prêts accordés à des petites entreprises l'année dernière, qui représentent 1,4 milliard de dollars.
Les actifs dont nous parlons sont de l'ordre de 5 milliards de dollars. Étant donné la structure de la banque, nous ne coûtons pas un sou au gouvernement ni aux contribuables, car nous empruntons sur les marchés mondiaux, au Canada et à l'étranger. Ensuite, nous prêtons aux entreprises au Canada.
Les bénéfices que j'ai indiqués dans l'un des tableaux correspondent essentiellement à des surplus en fin d'année, après paiement de tous nos frais et de toutes les pertes sur prêts; ils comprennent même un dividende que nous avons commencé à verser sur l'avoir propre investi par le gouvernement dans la banque. De ce point de vue, notre structure est celle d'une institution financière. La différence, c'est que nous n'avons qu'un seul actionnaire, et c'est le gouvernement du Canada. Tous les Canadiens, en fait, sont actionnaires de la banque.
M. Ken Epp: Bien. Ma question suivante concerne l'ensemble de votre portefeuille. Une addition rapide m'indique que vous avez environ 6 ou 7 milliards de dollars en circulation.
M. François Beaudoin: En fait, c'est un total de 5 milliards de dollars pour l'actif.
M. Ken Epp: Le taux de remboursement de vos prêts ou, à l'inverse, le taux de défaut de paiement est-il supérieur ou inférieur à celui des banques commerciales traditionnelles?
M. François Beaudoin: Sur un cycle, lorsqu'on compare les hauts et les bas de la conjoncture économique, l'expérience montre que nos mauvaises créances sont trois fois plus nombreuses que celles des banques à charte.
Vous allez sans doute nous demander comment nous survivons. Nous survivons en exigeant des taux d'intérêt proportionnels aux risques que nous courons. De plus en plus, nous avons des ententes de participation aux profits des entreprises que nous appuyons, ce qui ajoute des revenus à la déclaration des revenus de la Banque.
M. Ken Epp: Je vais maintenant poser une question très risquée, car cela signifie que je devrai admettre mon ignorance en présence de mes collègues. Je ne sais pas ce que c'est qu'un capital patient. Pour moi, le terme «patient» évoque dans mon esprit un médecin qui se penche sur un patient. Qu'entendez-vous par là dans votre domaine?
M. François Beaudoin: Tout d'abord, «capital patient» est une marque de commerce déposée de la BDC au Canada.
M. Ken Epp: J'ai remarqué cela, oui.
M. François Beaudoin: Il s'agit d'un produit financier que nous avons conçu surtout pour les entreprises de technologie qui en sont à leur début, au moment où il faut faire preuve de patience. Le mot «patient» est tiré du concept de «patience». En effet, les entreprises en question ont besoin d'énormément d'argent à leur début pour faire de la R-D. Elles ont énormément de potentiel, mais il faut s'attendre à ce qu'elles commencent à rembourser leurs emprunts trois ou quatre ans après avoir vu le jour. Par conséquent, nous avons conçu un instrument qui reflète cette tendance et la patience dont nous devons faire preuve dans ce secteur.
M. Ken Epp: Je vous remercie de cette explication. En fait, cela paraît logique et s'inscrit dans votre mandat législatif et dans vos efforts pour aider la R-D en particulier.
Dans vos graphiques, vous commencez en 1993, sauf dans le cas du revenu net. Est-ce parce que vous avez toujours accusé des pertes avant 1993 et que vous ne vouliez pas que cela paraisse sur le graphique ou parce que votre programme d'ordinateur n'a pas fait apparaître les sommes négatives.
M. François Beaudoin: Non. Nous voulions vous montrer une augmentation quinquennale sur tous les graphiques, mais pour ce qui est des années précédentes, nous avons essentiellement atteint le seuil de la rentabilité. Par conséquent, cela aurait donné une ligne très plate sur le graphique.
M. Ken Epp: Vous vous êtes arrangés pour que ce soit plus joli.
M. François Beaudoin: La croissance a débuté vers cette époque.
M. Ken Epp: Je pense que c'est très intéressant.
Dans votre rapport, vous dites que les consommateurs, et en particulier les petites entreprises, ont besoin d'une plus grande gamme de solutions. D'ailleurs, on retrouve cela dans le rapport MacKay également. Vous avez été très clairs à ce sujet, mais je présume qu'il s'ensuit que vous êtes favorables à l'entrée d'autres banques sur le marché, même des banques étrangères. Cela ne vous dérange pas?
M. François Beaudoin: À mon avis, nous avons besoin des banques étrangères. Nous avons aussi besoin d'intervenants nationaux, mais davantage pour les services financiers que pour les services bancaires. Les banques étrangères pourraient prêter aux petites entreprises car dans la conjoncture actuelle, il n'y qu'un nombre limité d'intervenants dans ce domaine. Nous avons besoin d'une plus grande diversité pour appuyer la croissance des petites entreprises.
M. Ken Epp: Mais si vous aviez une plus grande part de ce marché, parce que vous allez perdre si d'autres acteurs entrent en scène—vous allez soit perdre une part de votre clientèle actuelle ou être privés de la clientèle que les nouveaux venus prendront—, ne pourriez-vous pas générer davantage de profits et de capitaux que vous pourriez ensuite prêter et ainsi favoriser la croissance de notre pays?
M. François Beaudoin: Je suis ici aujourd'hui pour vous expliquer quels sont les meilleurs intérêts du secteur de la petite entreprise. Cela transcende les intérêts de notre organisme. Compte tenu des discussions que j'ai eues avec des chefs de petites entreprises, c'est le secteur de la petite entreprise qu'il faut aider.
Je tiens aussi à signaler que la concurrence incite les gens à donner le meilleur d'eux-mêmes. À mon avis, la BDC devrait relever un défi encore plus grand, être encore plus novatrice pour trouver les solutions idéales pour la petite entreprise.
M. Ken Epp: Actuellement, vous n'avez pas de concurrence.
M. François Beaudoin: Oui, nous en avons. Les banques à charte sont présentes sur le marché; certains autres établissements aussi. De fait, nous travaillons avec eux, mais il faut plus d'intervenants. La demande est grande et les secteurs sont nombreux. Plus il y en a, mieux c'est. Actuellement, le nombre d'établissements est trop petit.
M. Ken Epp: Mais vous ne traitez même pas avec un client à moins que celui-ci ait essuyé un refus d'une autre banque.
M. François Beaudoin: Ce n'est plus le cas. Depuis 1993, aux termes de la loi qui nous régit, nous sommes un prêteur complémentaire. Cela signifie que nous collaborons avec les banques à charte pour trouver une solution.
• 1835
D'ordinaire, par exemple, une banque à charte préférera prêter
à une entreprise à court terme; quant à nous, nous assurerons le
financement à long terme ou par actions. C'est ainsi normalement
que l'on vient en aide à une entreprise aujourd'hui.
M. Ken Epp: D'accord. De tous les points abordés dans le rapport du groupe de travail MacKay, quel est celui qui vous préoccupe le plus? Et duquel le comité devrait-il s'écarter?
M. François Beaudoin: Il ne fait pas de doute que c'est d'augmenter le nombre d'options qui s'offrent aux PME. J'aimerais préciser quelque chose. Comme le signale le rapport du groupe de travail MacKay, le secteur des services financiers est très solide au Canada. Il a bien servi le pays au cours des années. C'est quelque chose qu'il faudrait protéger pour l'avenir.
M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Epp.
Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): J'aimerais d'abord remercier également MM. Vennat et Beaudoin de leur exposé. Vous savez qu'il existe beaucoup de PME au Québec. Vous nous dites qu'actuellement, elles obtiennent leur financement des grandes banques à charte, du Mouvement Desjardins et de votre institution. Est-ce que vous avez des statistiques sur cette répartition? Vous vous adressez spécifiquement aux PME. Votre bilan est d'ailleurs fort intéressant. Mais qu'en est-il des banques à charte et du Mouvement Desjardins? Quel soutien, en pourcentage, accordent-ils aux PME?
M. François Beaudoin: Je n'ai pas de chiffres précis. Cependant, pour toutes ces banques et les caisses, les PME sont un secteur important. C'est un secteur qu'elles ont appuyé de façon croissante au cours des dernières années. Les chiffres ont été assez imposants dans ce domaine.
Il y a eu une bonne croissance. L'économie s'est finalement assez bien comportée au cours des dernières années. N'eût été l'engagement de tous les acteurs financiers, on n'aurait pas pu avoir cette croissance économique.
Donc, tous les acteurs se sont engagés dans la croissance de l'économie en aidant les PME. Maintenant, en termes de part du marché, c'est toujours difficile à établir dans la mesure où les statistiques ne sont pas toujours présentées sur une base qui permette la comparaison désirée. Grosso modo, je puis vous dire qu'au cours des années, selon notre expérience, près d'une PME sur cinq a transigé avec la BDC. Donc, dans certains secteurs, on estime notre part du marché à environ 20 p. 100.
M. Odina Desrochers: Vous avez exprimé certaines réserves vis-à-vis des deux projets de fusion actuellement en suspens. Croyez-vous que ces fusions pourraient restreindre l'accès au crédit pour les PME?
M. François Beaudoin: Ce sont les appréhensions des PME quant au projet de fusion. Elles n'y sont pas opposées. C'était la Semaine de la PME, la semaine dernière, et j'ai rencontré plusieurs entreprises au cours des deux dernières semaines. Le principe de la fusion ne rebute pas les PME; elles-mêmes se sont fusionnées à plusieurs reprises. Elles ne s'y opposent pas moralement. Cependant, le marché étant limité, elles craignent de voir disparaître les possibilités alternatives. Elles se demandent ce qui se passera au moment de renégocier certains engagements financiers s'il y a moins d'intervenants dans le marché. Elles craignent de se retrouver vulnérables. Et elles se disent que le plus souhaitable serait peut-être d'ouvrir les frontières, d'encourager d'autres intervenants à s'introduire dans ce marché, ce qui augmenterait les possibilités de choix pour elles.
M. Odina Desrochers: Dans le cadre des règlements actuels ou dans un cadre législatif différent?
M. François Beaudoin: Je crois qu'au niveau législatif, comme le rapport MacKay l'a indiqué, il faut vraiment ouvrir les frontières pour que les joueurs étrangers... On en a parlé au point de vue fiscal, par exemple. On a parlé des taxes de retenue. Dans le rapport MacKay, on a parlé de simplifier la réglementation. Donc, tous ces aspects demandent à être révisés pour que les joueurs intéressés puissent y trouver leur compte, qu'ils soient de l'étranger ou du Canada. J'insiste sur le fait qu'il y en a plusieurs au Canada qui devraient être intéressés à soutenir les PME.
M. Odina Desrochers: Vous, de votre côté, seriez-vous intéressés à vous installer à l'étranger ou si vous êtes tenus par votre charte de demeurer au Canada?
M. François Beaudoin: La charte de la banque lui donne le mandat d'appuyer les entreprises canadiennes. C'est un élément important de sa charte. En tant que propriété de tous les Canadiens et Canadiennes, nous devons focaliser notre action sur les entreprises canadiennes.
• 1840
Toutefois, un élément de plus en plus important de
notre action est le soutien aux PME
canadiennes dans leur expansion à l'étranger. En
effet, aujourd'hui, le succès dépend du
développement des exportations et de l'expansion des
activités à l'étranger. C'est là un rôle que la BDC
doit jouer pour assurer le succès de ces entreprises.
M. Odina Desrochers: Dans le cadre des partenariats financiers que vous établissez, est-ce que votre organisation, la banque, recrute des partenaires à l'extérieur du pays?
M. François Beaudoin: On est associés avec la plupart des banques de développement dans le monde. On a des ententes avec la banque de développement des PME de France et avec les banques de développement des différents pays d'Amérique latine et du Mexique. Grâce à ces ententes, il se fait de nombreux échanges d'information sur le financement disponible aux étrangers qui voudraient s'implanter au Canada, de même qu'aux entreprises canadiennes qui voudraient s'implanter à l'étranger.
M. Odina Desrochers: Advenant la création d'une banque spécialisée dans les PME—c'est le voeu que vous exprimez dans votre mémoire—, ne craindriez-vous pas que les PME soient plus portées à aller frapper à la porte de cette nouvelle banque, ce qui pourrait nuire à la concurrence des autres banques non spécialisées?
M. Michel Vennat: Au contraire, je pense que cela assurerait de meilleurs services. Chaque créneau a intérêt à avoir des institutions qui soient le plus spécialisées possible.
Nous n'avons pas peur de la concurrence. Nous croyons que plus il y aura de concurrence dans les services financiers, mieux les PME seront bien desservies et plus le développement et l'investissement s'en trouveront stimulés.
M. Odina Desrochers: Cela me suffit, monsieur le président. Je vous remercie. Merci, messieurs Beaudoin et Vennat.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
[Traduction]
Madame Leung, suivie de Mme Redman.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai aimé votre exposé, qui était très bien fait. J'ai aussi été très impressionnée par votre croissance au cours des quatre dernières années. Vos bénéfices sont passés de 4,1 millions de dollars à 45,5 millions. Vous avez versé 6 millions de dollars en dividendes. C'est un très bon rendement.
Si j'ai bien compris, vos services s'adressent aux petites et moyennes entreprises. Autrement dit, vous avez un créneau particulier, n'est-ce pas? Je vois.
Vous avez aussi dit que votre spécialité est le financement et les capitaux de risque. Je m'intéresse beaucoup aux capitaux de risque. Je viens de la Colombie-Britannique et j'ai beaucoup entendu parler de votre réussite. Je voulais vous l'entendre dire, vous en particulier.
Comme l'expression le dit, les capitaux de risque présentent beaucoup de risques. Je suis certaine que c'est un risque calculé. Quel est le pourcentage d'échecs dans les capitaux de risque? D'où provient la croissance?
M. François Beaudoin: Il y a dans le domaine des capitaux de risque ce que nous appelons la règle deux-trois-cinq. Cela signifie que sur dix investissements de capitaux de risque, deux auront un rendement extraordinaire, à la Ballard ou à la Blackcomb; trois seront plutôt moyens—bons, mais pas de quoi s'exciter; et cinq seront inférieurs au taux moyen de rendement et seront dans certains cas un échec.
C'est pourquoi nous disons que le risque est élevé parce qu'il n'y a qu'un petit nombre d'investissements qui vous permettront d'avoir un portefeuille intéressant, un rendement appréciable du placement. J'ai beaucoup parlé de nos succès. Je pourrais également parler de nos pertes de capitaux à risque. Mais lorsqu'on fait le bon choix, c'est très gratifiant, parce que l'on peut voir le progrès de l'entreprise. Et la récompense financière, pour un établissement financier, est très appréciée parce qu'elle compense les pertes.
Mme Sophia Leung: Bien. J'ai une autre question. Je suis intéressée par votre structure d'administration et par votre conseil. Comment choisissez-vous les membres du conseil?
M. François Beaudoin: Je pourrais peut-être demander à notre président de...
M. Michel Vennat: Ce sont les actionnaires qui choisissent les membres du conseil d'administration. Nous formulons des recommandations, mais les membres du conseil sont choisis sur une base régionale. Un des critères est l'expérience dans les PME. Le point commun des membres du conseil est qu'ils ont de l'expérience dans les petites et moyennes entreprises.
Mme Sophia Leung: Vous êtes en rapport très étroit avec le ministre de l'Industrie, n'est-ce pas? Quelle influence cela a-t-il?
M. Michel Vennat: Eh bien, nous produisons des rapports. Nous sommes l'une des sociétés d'État dont le ministre de l'Industrie est responsable; comme le ministre est notre actionnaire, nous avons des rapports étroits. Le sous-ministre siège également au conseil d'administration, mais la majorité des membres viennent du secteur privé.
Mme Sophia Leung: Je voudrais poser une autre question.
Actuellement, les besoins et le marché changent. Faites-vous face à des menaces? D'où vient la concurrence?
M. Michel Vennat: Ce n'est pas tant que nous faisons face à des menaces. Nos services sont de plus en plus en demande et il nous faudra donc plus de capitaux. Mais nous ne percevons pas de menace. C'est tout le contraire. Le genre de services que nous offrons sera très en demande et nous serons appelés à offrir une plus vaste gamme de services aux PME.
Mme Sophia Leung: Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, madame Leung.
Ce sera maintenant le tour de Mme Redman, suivie par M. Szabo et par Mme Bennett.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Moi aussi, j'apprécie le fait que vous êtes venus défendre les intérêts de ceux à qui vous offrez des services plutôt que les vôtres en particulier. Votre rôle semble bien défini et presque occupé un créneau de certaines façons.
Les banques agissent comme des banques. Qu'elles soient grosses ou petites, c'est pareil, et c'est peut-être pourquoi il nous faut quelque chose comme la Banque de développement du Canada pour assumer des risques élevés, ce que ne font pas d'autres banques.
Manquons-nous le coche? Je ne joue pas beaucoup aux cartes, mais lorsque l'on joue au poker, on met sa mise sur la table. Vous avez dit que certaines des personnes à qui vous avez parlé ne se sentent pas moralement obligées à l'endroit des fusions parce que des fusions se produisent dans quantité de secteurs dans le monde des affaires. Le groupe de travail MacKay se penche sur les fusions de façon générale et examine la question de savoir s'il est sensé du point de vue commercial pour les banques de pouvoir essayer de fusionner si elles ont des arguments convaincants.
Manquons-nous le coche dans le cas des PME puisqu'on ne cesse de nous dire qu'elles pourraient bénéficier de meilleurs services que c'est le cas actuellement? On parle de changer les règles, d'accroître la concurrence et de permettre aux compagnies d'assurance et aux fiducies de faire ce que les banques font aujourd'hui.
Manquons-nous le coche? Si le jeton est du côté du gouvernement, il se peut que les fusions soient une stratégie commerciale légitime pour les banques, mais ce sont les choses qui doivent être en place pour protéger le consommateur et qui seront bénéfiques aux PME.
Les poids lourds sont déjà venus comparaître ici pour parler de créer une banque commerciale spéciale pour les PME. On sait que le besoin existe. Le seul fait que vous existiez le prouve. Pourtant, elles ne se sont pas encore engagées dans cette voie.
Sommes-nous en train de manquer le coche et devrions-nous examiner cela globalement?
M. Michel Vennat: Oui, vous avez raison, c'est le moment propice. Il n'y a rien d'extraordinaire à propos des fusions. Ce qu'il faut, c'est profiter de l'occasion pour ouvrir l'accès et créer des conditions favorables aux nouveaux intervenants pour que les milieux d'affaires dans leur ensemble, et en particulier les PME, soient mieux servis.
Au lieu de s'attarder sur les menaces, on devrait plutôt chercher à créer de nouveaux intervenants et à les encourager. Pour nous, plus il y aura de concurrence et de services, mieux le monde des affaires sera servi.
Mme Karen Redman: Je comprends, et je vous l'ai entendu dire. Ce que je me demande, c'est si ce n'est pas l'occasion pour les banques de l'annexe I de se réinventer, de jouer leur rôle différemment, pour qu'il ne soit pas uniquement question de nouveaux intervenants?
M. Michel Vennat: Elles sont les plus gros intervenants et deux d'entre elles veulent créer un nouvel établissement et nous les en félicitons. Plus les banques de l'annexe traiteront avec les PME, mieux ce sera pour le pays et nous appuyons les mesures qu'elles prennent. De fait, nous avons conclu des entreprises en coparticipation avec toutes les banques à charte canadiennes. Nous échangeons constamment de l'information. Nous nous échangeons des clients. Nous sommes très heureux lorsqu'un de nos clients acquiert suffisamment d'indépendance pour s'adresser à une banque à charte et n'a plus besoin de nos services. Il n'y a donc pas d'opposition ici. Il s'agit de s'assurer que nous disposons de tous les instruments.
Mme Karen Redman: J'aimerais poser une dernière question. Comme les PME disent être mal servies, pourquoi cela n'arrive-t-il pas maintenant? Si le besoin existe—et les PME nous l'ont dit—pourquoi n'arrivent-elles pas à obtenir le financement et les capitaux de risque dont elles jugent avoir besoin?
M. François Beaudoin: C'est d'abord, je pense, parce que les citoyens se sont rendu compte que les entreprises sont le véritable moteur de l'économie. Cela n'a pas toujours été le cas. Les grandes sociétés occupaient peut-être une plus grande place dans le PIB national auparavant et cela a changé au cours des 15 dernières années. On reconnaît donc qu'il faut faire davantage.
Deuxièmement, sur la question de savoir pourquoi il n'y a pas plus d'intervenants, je pense qu'il faut examiner la loi qui a réglementé l'arrivée de nouveaux venus au Canada ou d'autres secteurs au pays et s'assurer qu'elle offre le bon dosage d'incitations à venir au pays pour desservir ce secteur particulier.
Le groupe de travail MacKay, par exemple, a parlé du cas de la taxe sur le capital. Il a eu raison de dire qu'il faut revoir cette question. Cela pourrait peut-être devenir une incitation pour les nouveaux intervenants à offrir des services à la petite entreprise.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Madame Redman, je vais enchaîner sur cette question concernant les entreprises en démarrage et l'esprit d'entreprise dont M. MacKay parle et comment notre pays doit faire du rattrapage dans ce secteur particulier.
Pensez-vous que les fusions peuvent en fait stimuler ce genre d'esprit d'entreprise? Si les grandes banques ou les grandes entreprises du secteur des services financiers fusionnent, on crée forcément un vide qui pourrait être rempli par les bâtisseurs dont MacKay parle.
M. François Beaudoin: Je pense qu'il faut égaliser les chances pour les autres intervenants. C'est le préalable à l'arrivée de nouveaux venus.
Deuxièmement, un des éléments que le groupe de travail MacKay a eu raison de relever, c'est que ces fusions peuvent se solder par des économies qui peuvent ensuite servir à de nouvelles initiatives que les banques ne prendraient pas autrement.
L'autre facteur à propos des fusions, c'est que nous avons eu la chance de disposer d'un système national qui dessert tous les secteurs et toutes les parties de l'industrie canadienne. C'est un atout qu'il faut préserver dans les années à venir.
Dans d'autres pays, le secteur des services financiers est très fragmenté. Il faut trouver le moyen de maintenir l'acquis tout en s'assurant que l'on répond bien aux besoins de la petite entreprise grâce à une concurrence accrue.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, messieurs. Je voulais vous dire que la directrice de votre succursale dans ma région est venue me voir. Elle m'a laissé quantité de documents et m'a encouragé à aider de toutes les manières possibles les petites entreprises en les envoyant la voir. C'était à Mississauga, la sixième ville en importance au pays, au fait. Elle se place juste avant Vancouver, Sophia.
M. Michel Vennat: Elle n'est pas allée vous voir par hasard: nous avons un programme qui invite tous nos directeurs de succursale à rendre visite à tous les députés, quel que soit leur parti.
M. Paul Szabo: C'est excellent.
M. Michel Vennat: Nous jugeons qu'il est très important pour eux d'être en contact avec vous et de vous tenir au courant.
M. Paul Szabo: Oui, et j'en suis heureux. J'ai pris le temps de la rencontrer. Je sais que mes collègues en ont fait autant à cause du travail important que fait la Banque de développement du Canada, qui essaie de se départir de son ancienne image. C'était un gros changement pour vous.
• 1855
J'aimerais m'attarder un peu plus sur les renseignements de
base. Aidez-moi. En moyenne, quel était le taux de base moyen pour
l'exercice financier 1998, celui qui s'est terminé le 31 mars?
M. François Beaudoin: Je dirais 6 p. 100.
M. Paul Szabo: Environ 6 p. 100, c'est-à-dire le taux de prêt aux meilleurs créanciers. Quel était le taux moyen de prêt de la Banque de développement du Canada pendant cette période?
M. François Beaudoin: Notre taux est d'au moins 2 p. 100 au-dessus du taux de base. C'est le taux à partir duquel nous commençons à discuter. Nous ne sommes pas le Club Price du secteur. Notre mission est d'assumer des risques plus élevés et cela se traduit dans nos taux d'intérêt. Selon le cas, nous pourrons même ajouter une prime à ce taux.
M. Paul Szabo: Mais quel est votre taux moyen de prêt par rapport au taux de base pour la majorité de vos clients?
M. François Beaudoin: On vient de me remettre le rapport annuel et pour le dernier exercice financier, pour le taux flottant—parce que nous offrons un taux flottant et un taux fixe—la moyenne était de 9,24 p. 100.
M. Paul Szabo: Je vois.
M. François Beaudoin: Si la moyenne était de 6 p. 100, le taux était de 3,24 p. 100 au-dessus du taux de base.
M. Paul Szabo: En moyenne. Certains pourraient être nettement plus élevés et d'autres pourraient être plus bas. Même un taux de 14 p. 100 ne serait pas déraisonnable vu certains risques.
M. François Beaudoin: En pareil cas, nous essayons de ne pas imposer un taux d'intérêt pur, mais plutôt de participer au succès de l'entreprise. Nous toucherons plutôt une redevance sur les ventes ou les bénéfices produits par l'entreprise. Si elle réussit, nous réussissons aussi. C'est nous qui prenons le risque, par contre.
M. Paul Szabo: Et quelle est la taille moyenne de votre portefeuille de prêts?
M. François Beaudoin: En moyenne, la taille du prêt est de...
M. Paul Szabo: Le portefeuille en entier.
M. François Beaudoin: Le portefeuille en entier est de 5 milliards de dollars en éléments d'actif.
M. Paul Szabo: C'est donc dire que sur le portefeuille de 5 milliards de dollars, nous avons dégagé moins de 50 millions—environ 1 p. 100.
M. François Beaudoin: Oui.
M. Paul Szabo: Mais nous prenons en moyenne 9 p. 100.
M. François Beaudoin: Oui.
M. Paul Szabo: Déduction faite des frais généraux et de tout le reste, j'en conclus que le coefficient des pertes sur prêt est assez élevé.
M. François Beaudoin: Je préciserai que nous prélevons sur ces 9 p. 100 les dépôts dans les marchés monétaires et les marchés de capitaux. C'est donc dire que pour le coefficient des pertes sur prêt, vous avez raison, il s'agit par année d'un coefficient d'environ 1,3 ou 1,4 p. 100, selon le moment où l'on se trouve dans le cycle, ce qui en moyenne est trois fois supérieur au coefficient des banques à charte dans un cycle donné.
M. Paul Szabo: Et c'est justement là où je veux en venir. Vous nagez dans le risque. Vous êtes essentiellement dans le prêt à la petite entreprise et une grande partie du débat de ceux qui discutent de l'avenir du secteur des services financiers porte sur l'accès aux capitaux.
À votre avis, est-on arrivé au point où il n'y a pas suffisamment de capitaux pour répondre aux besoins de la petite entreprise? Est-ce qu'il n'y a pas suffisamment de capitaux pour répondre aux besoins de la petite entreprise moyennant un risque raisonnable? Il doit y avoir un seuil, une limite, et je me demande si on ne l'a pas atteint. Y a-t-il encore de la place pour offrir des prêts à risque raisonnable à la petite entreprise?
M. François Beaudoin: La question est de savoir si le niveau du risque que prennent certaines institutions... Les banques à charte ont des déposants; elles ont une responsabilité fiduciaire envers leurs déposants. Elles paient des intérêts sur les dépôts. Le niveau de risque correspondra donc à un certain niveau.
Ce qui manque au Canada, et ce que l'on trouve aux États-Unis, ce sont des prêteurs spécialisés qui ont des appétits différents pour le risque, qui sont disposés à dépasser les niveaux de risque des grands prêteurs, qui prennent des risques et qui sont aussi rétribués en conséquence.
• 1900
Comme on l'a démontré dans certaines études, les taux
d'intérêt que l'on pratique au Canada sont très attrayants. Quand
vous obtenez un prêt d'une banque canadienne, c'est normalement à
un taux d'intérêt inférieur à ce que l'on exigerait aux États-Unis,
par exemple. Voilà pourquoi c'est si attrayant. Ce dont on a
besoin, je pense, c'est d'un plus grand nombre de prêteurs qui
seraient disposés à prendre des risques plus élevés pour divers
types d'entreprises dans des industries différentes. C'est le type
de climat qui nous donnerait un secteur plus dynamique.
M. Paul Szabo: La Wells Fargo est-elle une institution virtuelle qui démontre un plus grand appétit pour le risque que votre institution?
M. François Beaudoin: La Wells Fargo est une banque virtuelle. Nous avons lancé en juillet dernier BDC Connex, une banque qui est ouverte 24 heures par jour, sept jours par semaine. Cette initiative est en pleine croissance. Nous faisons plus que ce que la Wells Fargo peut faire. La Wells Fargo va jusqu'à 100 000 $. Notre banque virtuelle offre une gamme complète de prêts commerciaux qui vont jusqu'à 5 millions de dollars.
Je suis heureux que vous ayez posé cette question. Les Canadiens doivent connaître cet outil, qui a été fabriqué au Canada pour les Canadiens, qui leur est offert au moment où nous nous parlons et qui le sera toute la nuit. Le niveau de risque que l'on est disposé à prendre à la Wells Fargo est à peu près le même. Je ne peux pas dire que nous ayons un avantage ici. Nous avons un avantage relativement aux niveaux des services et aussi des montants que notre banque virtuelle peut prêter.
M. Paul Szabo: Mais étant donné que ces banques se contentent essentiellement d'envoyer des lettres d'approche directe, elles ne courtisent pas seulement les clients dont personne d'autre ne veut. Étant donné les taux d'intérêt qu'elles pratiquent, elles peuvent choisir aussi, tout comme vous.
M. François Beaudoin: C'est exact. Mais étant donné qu'elles ne prêtent que jusqu'à concurrence de 100 000 $ ou moins, la BDC peut offrir aisément les mêmes conditions.
M. Paul Szabo: D'accord.
J'ai une dernière question. Dans le tableau où vous indiquez votre revenu net au cours des cinq dernières années, la ligne de tendance présente une courbe positive en moyenne au cours des cinq dernières années. Pendant cette période, l'économie canadienne profitait de données fondamentales saines. J'imagine que nous ne sommes pas tout à fait sortis de l'auberge, c'est-à-dire qu'une récession est possible, et cela dépend par exemple de ce qui va se produire dans le secteur de l'automobile. À l'approche de 1999, si je comprends bien, les États-Unis disent qu'on pourrait se retrouver devant un seuil. Une rentabilité de 50 millions de dollars, ce n'est pas beaucoup dans une période de repli.
J'imagine que la Banque de développement du Canada doit être également sensible à l'évolution des tendances financières, pour ainsi dire. Est-ce que cela veut dire que vous devrez hausser votre niveau de risque pour conserver vos bénéfices nets? Ce qui m'intéresse vraiment, c'est de savoir de quelle marge de manoeuvre vous disposez. Si vous voulez à tout le moins rentrer dans vos frais, vous ne pourrez peut-être pas vous montrer aussi audacieux dans les risques que vous prenez comparativement à ce que vous avez fait au cours des dernières années.
M. François Beaudoin: Tout d'abord, je dois vous dire comment nous entrevoyons l'avenir de l'économie canadienne, avenir qui demeure très positif. Nous avons la certitude de disposer des données fondamentales qu'il faut pour que notre pays connaisse une croissance suivie. Cette croissance ne sera peut-être pas aussi forte que celle que nous avons connue au cours des dernières années, mais nous prévoyons une croissance de 2 p. 100 pour l'année à venir. Ce qui n'est pas exactement un repli. À tort ou à raison, et nous finirons bien par le savoir, nous partons de cette perspective lorsque nous venons en aide à nos entreprises.
• 1905
Mais permettez-moi de vous rassurer pour ce qui est de la
gestion prudente des finances de la Banque parce que toutes les
années où nous avons fait de beaux profits, nous nous sommes
assurés de bien tenir compte du niveau de risque que nous assumions
et d'établir des provisions, c'est-à-dire des réserves dans
lesquelles nous pourrons puiser quand nos pertes seront plus
élevées en cas de recul de l'économie. Nous croyons donc avoir la
structure qu'il faut et une gestion prudente pour faire face aux
fléchissements de l'économie et continuer également d'aider les
entreprises qui auront besoin de nous au cours de ces périodes de
recul.
M. Paul Szabo: Ça ressemble aussi à l'approche du gouvernement. Je pense que c'est ce que nous faisons aussi.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Merci, monsieur le président.
Votre banque constitue une solution canadienne qui a maintenant 54 ans. Je veux seulement savoir ce qui se fait ailleurs dans le monde. S'il n'existe pas de BDC dans un pays, qui s'occupe de ce secteur?
M. François Beaudoin: Permettez-moi de vous dire, tout d'abord, que notre organisation est unique au monde. Il n'existe pas d'autres pays où l'on retrouve sous le même toit d'une banque le financement, le capital-risque et la consultation. Je n'ai pas parlé beaucoup de la consultation, mais le travail de consultation que nous effectuons chaque année auprès des petites entreprises vaut 20 millions de dollars. Retrouver cela sous le même toit, c'est tout à fait unique au monde.
Dans la plupart des autres pays, on trouve toute une série d'institutions qui interviennent dans ce que j'appellerais la zone grise, le marché gris. Par conséquent, la nécessité d'avoir un intervenant aussi actif que la BDC n'est pas aussi criante dans ces pays, et j'ajoute qu'on y trouve des conditions qui permettent aux banques commerciales d'assumer les divers niveaux de risque.
Mme Carolyn Bennett: Il est évident qu'on peut faire de l'argent à faire ce que vous faites. Les banques croient-elles qu'il n'y a pas assez d'argent à faire de ce côté?
M. François Beaudoin: Je pense que leur approche est différente. Les banques ont une responsabilité fiduciaire envers leurs déposants et elles doivent s'acquitter aussi d'un certain volume de transactions, tandis que nous, notre approche est une gestion de projets au cas par cas que nous pouvons financer.
Notre présence dans l'entreprise exige beaucoup de main-d'oeuvre. Nous soutenons des entreprises qui n'ont pas d'actifs tangibles. La compagnie n'a peut-être pas d'actifs tangibles, mais elle dispose d'un capital intellectuel. Nous prenons donc le temps qu'il faut pour comprendre le secteur, l'industrie, les gens qui y travaillent, et nos dépenses sont fonction de cet investissement. Voilà pourquoi nous devons obtenir un meilleur rendement de ces entreprises pour récupérer les investissements que nous y faisons. Cela exige donc une main-d'oeuvre considérable. La banque a été créée pour accomplir cette tâche et non pour marcher au volume, approche où il faut des ratios et des formules qui déterminent le niveau de risque que l'on peut assumer.
Mme Carolyn Bennett: Étant médecin de famille, et étant présente chez les gens, j'ai été à même de constater les rêves et les idées que les gens ont, mais j'ai vu que ces gens n'ont peut-être pas l'expérience qu'il faut pour mettre au point un plan d'affaires. Ils s'adressent à la banque, qui ne veut pas d'eux, et alors ils ne savent plus quoi faire.
Il me semble que les gens aimeraient que les banques fournissent des services de consultation comme ceux que vous offrez, des ateliers ou ce genre de choses. Dans votre réflexion sur l'avenir des services financiers, pensez-vous que les banques devraient fournir des services de consultation afin d'aider les gens à tracer de meilleurs plans d'affaires?
M. François Beaudoin: La Banque de Montréal et la Banque Royale ont annoncé qu'elles vont créer une banque de la petite entreprise qui va fournir des services de consultation. Ce qui nous prouve qu'elles ont sûrement lu notre rapport annuel.
Mme Carolyn Bennett: Merci beaucoup.
Le président: Que va-t-il se passer si la fusion ne se produit pas? Vont-elles continuer de lire votre rapport annuel?
M. François Beaudoin: Pour ce qui est de savoir ce qui va se passer si les fusions ne se font pas, je vous répondrai que j'ai entendu les préoccupations exprimées par le secteur des services financiers lorsque j'étais à Vancouver et lorsque j'ai rencontré les coopératives de crédit, et certains craignaient que les banques se retirent de certains secteurs de l'économie dans certaines régions. Voilà pourquoi les coopératives de crédit croient donc qu'elles tiennent là l'occasion de trouver de nouveaux débouchés, essentiellement. Mais c'est peut-être l'élément principal dont nous devons tenir compte dans ce milieu étant donné la présence très solide des banques au niveau national depuis des siècles.
Le président: Vous avez entendu parler bien sûr de l'énoncé d'incidences public que MacKay recommande pour tout projet de fusion. Il serait question de l'emploi dans tout énoncé de ce genre. Je me demande si cela demeure une considération valable étant donné que l'on peut assister à de nouvelles percées technologiques, et étant donné que la fusion peut causer des pertes d'emploi mais aussi créer des emplois grâce à d'autres retombées. Qu'en pensez-vous?
M. François Beaudoin: Je dois avouer que j'ai travaillé dans une banque à charte pendant 16 ans, et nous avons connu des réorganisations, peut-être pas aussi importantes que celles qui feront suite aux fusions. Nous étions dans une industrie en croissance à laquelle s'offraient de nouveaux débouchés, et dans ce temps-là, nous étions en mesure de redéployer des ressources vers les nouveaux secteurs en croissance. Bien sûr, une organisation n'est pas statique, mais l'on peut redéployer des ressources lorsqu'il y a croissance de l'économie et croissance de l'industrie.
Ce qui manque au Canada dans plusieurs cas, ce sont des ressources compétentes, et les banques disposent de ressources compétentes. Voilà pourquoi je crois que, du côté de l'emploi, il est possible de redéployer des ressources à l'interne et de conserver les emplois, comme l'ont dit certaines banques.
Le président: Étant donné que nous nous penchons sur l'avenir du secteur des services financiers, entrevoyez-vous l'émergence de grandes banques à l'avenir?
M. François Beaudoin: L'émergence de grandes banques?
Le président: Plus grandes qu'elles ne le sont maintenant.
M. François Beaudoin: C'est un phénomène qui a déjà commencé. Si ce phénomène ne se produit pas au Canada à l'heure où nous nous parlons, il se produit ailleurs dans le monde. C'est une tendance que nous ne pourrons pas renverser à l'échelle mondiale, et ce qui pourrait se passer ultimement, c'est que la présence de ces grandes banques pourrait se faire sentir dans l'économie canadienne. Ces banques étrangères vont pénétrer au Canada, que l'on modifie ou non la loi, parce qu'elles entreront par l'entremise d'Internet et elles entreront par l'entremise de ce que j'appellerais les banquiers à valises. Elles vont pénétrer au Canada d'une manière ou d'une autre.
Le président: Au nom du comité, je vous remercie de tout coeur pour votre exposé. Vous nous avez appris beaucoup de choses, et nous nous servirons de ce que vous nous avez dit pour faire des recommandations au ministre des Finances.
Nous allons ajourner pour environ deux minutes, et nous reprendrons aussitôt après.
Le président: Nous reprenons la séance. Je souhaite la bienvenue à M. Blake Goldring, de AGF Management Limited; à Allan Warren, de la Corporation financière Mackenzie et président de MRS Trust Company; et à Mme Kathleen Young, vice-présidente et trésorière de Trimark Investment Management Inc.
Bienvenue. Comme vous savez, vous avez entre cinq et sept minutes environ pour faire votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.
Nous allons commencer par M. Goldring.
M. Blake C. Goldring (président et PDG, AGF Management Limited): Merci, monsieur le président, pour votre présentation, et merci également aux membres du comité de nous permettre de participer à cet examen du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais vous présenter notre groupe et les entités que nous représentons. Nos sociétés—Mackenzie, Trimark et AGF—sont trois des plus grandes compagnies canadiennes de fonds communs de placement. Ensemble, nous assurons la gestion de 66 milliards de dollars dans cinq millions de comptes de porteurs de parts. Nous exerçons nos activités dans toutes les provinces et tous les territoires par l'intermédiaire d'un réseau de grandes firmes de courtage et de conseillers financiers indépendants.
Autrement dit, nous travaillons à partir de Bay Street, à Toronto, mais notre clientèle se trouve dans tout le pays.
[Français]
La croissance de notre industrie a été remarquable. Les consommateurs canadiens investissent de plus en plus dans les fonds communs, ce qui démontre clairement la confiance qu'ils accordent à ce genre d'investissement. Songez qu'en 1987, notre industrie gérait un actif net d'environ 20 milliards de dollars, alors qu'en 1997, ce chiffre a atteint 322 milliards de dollars. Et ce n'est pas seulement l'actif géré qui a augmenté, mais aussi le nombre de comptes, qui est passé de moins de 20,5 millions à environ 33 millions pendant la même période.
[Traduction]
Comme vous pouvez le constater, notre industrie a connu une forte croissance et elle s'est montrée à la hauteur des défis que pose un tel développement. Les consommateurs comprennent mieux la notion d'investissement dans les fonds communs de placement, et nos clients accordent une confiance sans précédent à nos fonds. De plus, le marché concurrentiel nous a forcées, en tant que compagnies individuelles, à offrir certaines assurances quant à la sécurité des investissements et au service à la clientèle, ce qui est très avantageux pour le consommateur.
Cela étant dit, nous sommes ici, aujourd'hui, pour parler de l'avenir du secteur des services financiers. Nous croyons pouvoir mieux servir les consommateurs si les sociétés indépendantes de fonds communs de placement peuvent se mesurer aux autres intervenants dans le secteur financier selon des règles du jeu équitables.
Cette réalité repose sur l'accès sans entrave de nos fonds du marché monétaire à l'Association canadienne des paiements et au réseau Interac. Plus précisément, nous voulons vous expliquer pourquoi nous croyons que les fonds communs de placement du marché monétaire devraient être admis à titre de membres adhérents à l'Association canadienne des paiements et à l'Association Interac le plus vite possible.
Nos compagnies se sont alliées pour intervenir auprès du groupe de travail MacKay sur ce sujet, parce que nous croyons que notre industrie a grandi et évolué au point de permettre à nos fonds communs de placement du marché monétaire l'accès au système de paiements en toute sécurité et de façon concurrentielle.
Le consommateur canadien est en droit de disposer d'un plus grand nombre d'options lorsqu'il évalue la façon d'obtenir le meilleur rendement de ses placements. Aussi, il veut accéder à son argent sans délai et sans entrave. Selon nous, en offrant aux consommateurs un accès direct à leurs fonds communs de placement du marché monétaire sans avoir à téléphoner ou à effectuer des virements bancaires, constitue non seulement un avantage concurrentiel, mais aussi une solution de rechange plus efficace. C'est une des raisons pour lesquelles nous estimons que la participation à l'ACP et à l'Interac vont de pair.
Autrement dit, monsieur le président, nous croyons que les consommateurs canadiens ont le droit d'accéder à l'argent qu'ils investissent dans les fonds communs de placement du marché monétaire au moyen de chèques ou de cartes de débit émises par le fonds. Nous croyons par ailleurs que les changements que nous proposons se traduiront par un marché plus compétitif en assurant des règles du jeu plus équitables pour nos clients et pour nous.
Voici un aperçu des principaux thèmes de notre présentation au groupe de travail MacKay. Nous disions essentiellement deux choses: un, il faut accorder aux consommateurs un plus grand accès à leur argent et leur offrir plus de choix en matière de placement; et deux, il faut promouvoir la concurrence au sein du marché et l'égalité d'accès pour tous les participants.
Notre présentation au groupe de travail comportait huit recommandations qui s'inspiraient directement de ces deux thèmes principaux.
• 1925
J'invite maintenant mon collègue, Allan Warren, de la
Corporation financière Mackenzie, à vous parler du rapport du
groupe de travail comme tel.
M. Allan Warren (président, MRS Trust Company; Corporation financière Mackenzie): Merci, Blake.
Merci, monsieur le président, de m'accorder la parole ce soir.
Nous sommes très contents que le groupe de travail MacKay ait endossé notre présentation. Selon notre objectif principal, le rapport était clair: les fonds communs de placement du marché monétaire doivent avoir un accès complet au système canadien de paiements.
Ma collègue, madame Young, vous parlera des caractéristiques de sécurité des fonds communs de placement du marché monétaire qui justifient leur accès au système.
Le rapport du groupe de travail a aussi abordé la question des ventes liées. L'élimination des pratiques de ventes liées assurera aux 50 000 agents d'assurance-vie, courtiers et planificateurs financiers qui vendent des produits de placement, des conditions plus compétitives dans les régions où ils travaillent. Il faut appliquer des mesures de réglementation clairement définies contre l'abus de la pratique qui consiste à assujettir à une demande de prêt la substitution d'un fonds de placement ou d'un fonds distinct d'une société indépendante par un produit de placement vendu par une banque.
Nous sommes impatients de traiter de ces questions avec le gouvernement. Il est important d'agir rapidement pour notre industrie. Les banques sont déjà présentes dans le créneau du marché monétaire. Le fait de retarder davantage l'accès de nos fonds communs de placement du marché monétaire au système de paiements pourrait pratiquement nous exclure de ce secteur.
Nous tenons à aborder une autre question dont le rapport MacKay n'a traité que de façon indirecte. Bien que la définition plus large du système de paiements inclue l'Association canadienne de paiements et Interac, les recommandations du groupe de travail ne touchent pas de façon précise l'adhésion des fonds communs de placement du marché monétaire à Interac. Il s'agit pourtant d'un élément capital permettant à nos clients d'accéder à leurs comptes facilement et en toute commodité.
Il est impératif que nous ayons accès à Interac. Nous demandons une même structure de frais par transaction pour tous les membres et la possibilité d'utiliser nos propres cartes de débit et de crédit. Nous voulons être des partenaires égaux de tout système qui, comme le recommande le rapport MacKay, permet que des dépôts soient acceptés par des guichets automatiques Interac qui ne sont pas réservés à l'usage exclusif de l'institution qui les possède.
Les services que nous voulons fournir à nos clients sont déjà offerts par des intervenants de notre industrie aux États-Unis. Ainsi, le marché monétaire américain est quarante fois plus important que le nôtre et, ce qui est plus important, le marché n'est pas dominé par un seul segment des services financiers comme c'est le cas au Canada, simplement parce que les services financiers américains évoluent dans un environnement plus compétitif. Par ailleurs, une plus grande concurrence au sein des fonds du marché monétaire aura des résultats positifs en matière de liquidité pour les émissions gouvernementales.
Si la question d'Interac et du système canadien des paiements n'est pas abordée, les Canadiens ne pourront pas accéder à leurs fonds et l'adhésion à l'ACP n'offrira pas les avantages visés par notre soumission et par le groupe de travail MacKay.
Pour que nos clients puissent bénéficier d'un accès sûr et commode à leurs fonds, tout comme les clients des banques, notre adhésion doit être pleine et entière, sans qu'aucune banque, outre la Banque du Canada, n'intervienne, comme le recommande le groupe de travail.
Merci.
Kathleen.
Mme Kathleen Young (vice-présidente et trésorière, Trimark Investment Management Inc.): Merci, Allan.
Bonsoir. Avant de conclure notre présentation, je voudrais aborder deux questions particulières.
La première question a souvent été soulevée par ceux qui craignent que la participation de notre industrie au système de paiements ne constitue des risques trop élevés pour la stabilité du système. Nous comprenons ces préoccupations et nous ne désirons nullement ébranler la confiance que les Canadiens et les investisseurs du monde entier ont dans notre système de paiements.
Pour assurer la sécurité du système de paiements, il faut que les participants aient le désir et la possibilité de gérer les risques auxquels ils sont exposés. Il faut aussi que le système soit géré selon une structure de réglementation complète et transparente et qu'il puisse faire face aux conséquences défavorables. Bref, la stabilité du système de paiements repose essentiellement sur la stabilité de ses participants.
Dans notre cas, le participant sera le fonds en tant que tel, et non pas la compagnie ou le portefeuilliste.
Permettez-moi quelques précisions: lorsque le fonds est un fonds commun de placement en fiducie, c'est le fiduciaire, le représentant légal, qui en assure la gestion. Le fiduciaire et le gestionnaire constituent souvent la même entité, mais c'est l'actif du fonds qu'on désignera pour déterminer si les obligations découlant de l'adhésion à l'ACP ont été satisfaites, et non l'actif du fiduciaire ou du gestionnaire.
Il s'agit d'admettre les fonds de placement du marché monétaire seulement. Ceux-ci se composent d'investissements très sûrs et peu volatils. Notre structure très réglementée nous permet d'affirmer que nous ajouterons au système un élément additionnel de sécurité au lieu d'en accroître les risques.
• 1930
Je ne m'attarderai pas sur cet aspect de notre présentation
pour le moment, mais si vous le voulez, nous pourrons y revenir
pendant la période de questions.
Avant de terminer, nous tenons à insister sur deux points: cette proposition augmentera la concurrence au sein du marché et les changements proposés doivent se faire sans tarder.
Comme mon collègue le mentionnait, les banques ont déjà commencé à envahir le créneau du marché en question. Il y a environ un mois, la Banque Royale a annoncé le lancement d'un nouveau genre de compte de chèques offrant tous les avantages d'un autre compte de chèques et d'Interac, avec des taux d'intérêt reliés à ceux des fonds de placement du marché monétaire.
En annonçant ce nouveau produit, un porte-parole de la banque a déclaré:
Mesdames et messieurs, ce qui précède traduit l'essentiel de notre propos, dans un format pratique et par produit. Il existe d'autres avantages dont les banques jouissent et dont elles continueront de bénéficier en tant que fournisseurs de services complets. Toutefois, ces avantages peuvent être réduits en accordant aux fonds communs de placement du marché monétaire l'accès complet et la participation au conseil de l'ACP et d'Interac.
Si le gouvernement accepte notre proposition, vos électeurs pourront travailler directement avec les conseillers financiers locaux pour établir leurs stratégies financières, tout en bénéficiant d'un accès direct et instantané à leurs fonds, un peu comme le permettra le compte Taux Relié que je viens de vous décrire. Ils seront en mesure de choisir l'investissement qui leur convient, sachant qu'ils n'ont pas à se rendre à la banque ou à recourir à d'autres intermédiaires pour accéder à leur argent. Ils pourront faire appel directement à nos services ou à ceux de toute autre société de fonds communs de placement de leur choix.
Qui sont les gagnants dans cette affaire? Tout le monde. Le marché sera plus ouvert, les consommateurs auront plus d'options, les compagnies devront offrir des produits plus compétitifs et le secteur des services financiers amorcera le XXIe siècle avec force et vitalité. Mais il faut établir des règles du jeu équitables et apporter les changements nécessaires sans plus tarder. Plus nous attendons, plus les membres actuels de l'ACP disposeront de temps pour établir des systèmes parallèles et des produits que les autres ne peuvent pas offrir. Les seuls gagnants dans ce cas sont les membres actuels de l'ACP, et les perdants sont les petits intervenants, mais surtout les consommateurs canadiens.
Nous sommes impatients de traiter de ces questions et d'autres sujets avec vous dans le temps qui nous est imparti. Une fois de plus, merci de nous avoir permis de présenter nos arguments.
Monsieur le président, nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions des membres du comité.
Le président: Merci, monsieur Warren, monsieur Goldring et madame Young.
Nous passons à la période de questions et nous commençons par M. Epp.
M. Ken Epp: Je croyais que Mme Redman devait partir; j'allais lui céder ma place.
Le président: Vous avez tout à fait raison.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Epp.
J'ai une question sur les frais qui seraient exigés par les membres de l'ACP. Vous avez dit dans votre mémoire que vous aimeriez participer de façon pleine et entière à ces conseils. Quels frais exigerait-on des nouveaux membres, et comment pouvons-nous nous assurer que cette structure tarifaire ne constitue pas un obstacle pour les institutions financières?
M. Blake Goldring: C'est une question très importante, car, bien sûr, notre secteur n'a pu se joindre à Interac lorsqu'il a été créé. Si on nous imposait des frais maintenant—disons, sous forme de coût amorti—pour payer un système qui existe depuis déjà longtemps et qui a déjà été payé, ce serait, d'après nous, un obstacle à la participation des fonds indépendants.
Nous sommes tout à fait disposés à payer des frais de transaction. Nous sommes prêts à payer, là n'est pas la question. Nous voulons avoir accès au système sans être pénalisés, d'une certaine façon, en assumant les coûts d'édification du système.
Mme Karen Redman: Par quelle méthode pourrait-on déterminer les frais qui satisferaient tous les intéressés?
M. Blake Goldring: Je crois que le ministre des Finances devrait donner des directives pour que ce changement soit apporté.
Mme Karen Redman: Je vois.
Le président: Ken Epp.
M. Ken Epp: Merci.
Vos remarques liminaires ont été brèves, et je vous en sais gré. Votre mémoire est bien rédigé. Il m'a été facile d'en surligner les principaux points; et cela me plaît.
Soit dit en passant, j'ai toujours voulu rencontrer ces personnes qui gèrent les milliards et milliards de dollars qui appartiennent aux Canadiens. Les voici, et ils sourient. C'est très intéressant.
Votre exposé est très clair. Vous avez mis l'accent sur deux ou trois questions. Vous souhaitez renforcer ce que dit le rapport MacKay sur l'un de ces points, mais vous allez plutôt à l'encontre de ce rapport sur l'autre question, n'est-ce pas?
M. Blake Goldring: Nous voulons avoir accès au système Interac et à l'Association canadienne des paiements, et nous souhaitons que cela se fasse dans les meilleurs délais.
M. Ken Epp: Je vois.
Vous avez parlé de tout ce qui se passera si vous obtenez cet accès, mais n'est-il pas vrai que, ce qui vous motive véritablement, c'est que vous ne voulez plus verser des frais aux banques pour le traitement des transferts de fonds? C'est ce qui se passe à l'heure actuelle, n'est-ce pas?
M. Blake Goldring: Non. Nous avons su concurrencer les banques et je suis persuadé que nous pouvons gagner contre les banques. Nous n'avons pas fait cette proposition pour nous opposer aux banques, mais plutôt pour pouvoir croître et prospérer comme organisations indépendantes.
M. Ken Epp: Moi, je parle des transferts. Vous, les fonds communs de placement, les investisseurs, vous ne vendez pas de rentes?
M. Blake Goldring: AGF n'en vend pas. Peut-être que mes collègues sauront mieux vous répondre.
Mme Kathleen Young: Non, Trimark n'en vend pas non plus.
M. Allan Warren: Nous non plus.
M. Ken Epp: Alors, vous ne faites qu'épargner l'argent.
Mme Kathleen Young: C'est exact.
M. Ken Epp: Vous ne la versez jamais aux épargnants?
Mme Kathleen Young: Dès que vous voulez ravoir votre argent, nous vous le donnons.
M. Allan Warren: Dans notre exposé, nous avons parlé des versements aux clients; c'est un de nos arguments, car nous voulons que nos clients aient un meilleur accès à leur argent par notre entremise, un peu comme ils peuvent accéder à leur argent dans un compte bancaire.
M. Ken Epp: Je vous poserai donc une question plus précise: disons que j'investis chez vous. Chaque année, je verse une somme dans un fonds, somme qui croît avec les intérêts et la valeur de l'investissement et, un jour, je veux verser mon REER dans un FEER. Pourrez-vous faire cela pour moi?
M. Allan Warren: Oui, dans le cas d'un FEER, mais aucune de nos organisations ne verse des rentes viagères.
M. Ken Epp: Je peux retirer de l'argent tant qu'il est investi chez vous, n'est-ce pas?
M. Allan Warren: Oui.
M. Blake Goldring: Toutefois, j'ajouterai, pour en venir à votre exemple, que les chèques devraient être tirés sur une grande banque. Autrement dit, les informations personnelles dont nous disposons sur vous devront être communiquées à un tiers; vous ne pourrez faire affaire directement qu'avec nous. C'est là que le bât blesse.
M. Ken Epp: Je vois. Moi, je pensais à la situation suivante: à l'heure actuelle, si je veux vous remettre de l'argent, je dois vous faire un chèque. Ce transfert d'argent entraîne des coûts. Plus tard, lorsque vous voudrez me redonner mon argent, nous devrons encore une fois passer par l'entremise d'une banque. Si vous étiez membres à part entière de l'APC et d'Interac, nous n'aurions pas à passer par une banque, n'est-ce pas?
M. Blake Goldring: Votre conseiller financier pourrait s'en occuper; cela se ferait directement. Nous n'aurions pas à communiquer à une autre institution financière nos informations sur vos finances.
M. Ken Epp: Mais cela vous permettrait de réaliser des économies.
M. Blake Goldring: Nous l'espérons, c'est sûr.
M. Ken Epp: Oui, et je dirais même, des économies considérables compte tenu des sommes d'argent que vous transférez chaque jour. À moins que... Allez-vous me dire que vous êtes de petits joueurs? Je ne crois pas.
M. Allan Warren: C'est une question importante, car toutes les économies que nous réalisons, dans les fonds communs de placement, sont versées au compte du client. Ce ne sont donc pas les gestionnaires qui profiteraient de ces économies, mais plutôt les détenteurs de parts de fonds communs de placement.
M. Ken Epp: Voilà pourquoi, actuellement, les banques sont avantagées, parce qu'elles n'ont pas les mêmes coûts que vous, ne serait-ce que pour les transferts d'argent, n'est-ce pas?
M. Allan Warren: C'est certainement un avantage pour les banques.
Mme Kathleen Young: En outre, elles n'ont pas à passer par un intermédiaire ou une tierce partie pour traiter avec leurs clients. Actuellement, les banques sont entre nous et les clients, ce qui entraîne des coûts et une infrastructure additionnelle et constitue, essentiellement, un obstacle pour le client qui veut gérer son argent de façon efficiente et efficace.
M. Ken Epp: J'ai une question difficile pour vous: avez-vous tenté de devenir membres de l'ACP?
M. Blake Goldring: Je dirais que c'est ce qui unit les trois plus grandes et plus fortes sociétés de fonds communs de placement du pays. Nous sommes tous membres de l'Association canadienne des paiements. Nous avons tous des fiducies. Mais il s'agit en fait d'un système à deux paliers. C'est un peu comme appartenir à un club champêtre dont vous ne pouvez utiliser les installations. Vous ne pouvez aller manger au restaurant. Vous ne pouvez rien y faire.
Pourquoi? En raison de toutes sortes de petites règles de l'ACP qui fait de nous des observateurs. Un changement fondamental est donc nécessaire, et c'est pour cela que nous témoignons devant vous aujourd'hui.
Mme Kathleen Young: Il faudrait apporter des modifications à la Loi sur l'Association canadienne des paiements pour que nous puissions devenir membres, car, à l'heure actuelle, seules les institutions de dépôt jouissent de ce droit. Nos sociétés ne sont pas des institutions de dépôt.
M. Ken Epp: À l'heure actuelle, ce sont essentiellement les banques qui sont propriétaires de l'ACP et qui la dirigent. Manifestement, il est dans leur intérêt de faire obstacle à votre adhésion, car cela les avantage sur le marché.
Souhaiteriez-vous que le système de paiements ne relève dorénavant plus des banques mais soit dirigé par un organisme indépendant, par exemple, la Banque du Canada? Qu'en pensez-vous?
M. Blake Goldring: Il est évident qu'il ne nous plaît pas que les joueurs du club soient ceux qui en établissent les règles, car cela nous désavantage. Certains de mes collègues qui ont été des participants actifs de l'Association des compagnies de fiducie du Canada, entre autres, m'ont dit qu'ils avaient eu beaucoup de mal à faire adopter des changements. Vous l'avez dit vous-même, ce sont les grandes banques qui font les règles.
Il ne fait aucun doute qu'une certaine forme d'indépendance ou de rééquilibrage parmi les associations membres... et même parmi les organisations telles que l'association de notre secteur, qui ne témoignera pas devant votre comité, car elle compte un nombre important de banques. Par conséquent, nous sommes venus à titre de sociétés indépendantes pour vous faire part de nos demandes.
M. Ken Epp: D'accord.
Je m'inquiète un peu des consommateurs. Je me ferai un peu l'avocat du diable, alors, ne prenez pas mes propos au pied de la lettre. Essentiellement, je suis contre les règles et règlements du gouvernement qui nous protègent contre nous-mêmes; toutefois, si les sociétés d'investissements et de fonds communs de placement avaient le plein accès à Interac, les investissements à long terme des particuliers n'en seraient-ils pas moins sûrs?
Si le solde de leur compte s'élève, disons, à 13 000 $ ou environ, ce qui, d'après mes chiffres, revient à la moyenne et qu'ils veulent acheter une stéréo, ils disent tout simplement: «Vivement, une petite ponction par Interac», et ils mettent la main sur l'argent. Maintenant, leurs investissements croîtront plus lentement à cause d'un manque de discipline tandis que ces gens qui investissent auprès de vous trouvent que c'est un peu plus difficile d'avoir accès aux fonds, ce qui les aide à économiser à long terme.
Mme Kathleen Young: Je crois qu'ici on met l'accent sur le fonds commun de placement du marché monétaire, ce qui, en principe, est un fonds réservé aux liquidités à court terme. Nous ne demandons pas d'avoir accès aux fonds d'actions ou d'obligations ou quelque chose du genre, qui doit servir d'investissement à long terme. Il s'agit d'avoir accès, ici, à ce que nous appelons des comptes «ouverts» qui ne sont pas non plus des régimes enregistrés d'épargne. Il s'agit donc de fonds liquides, ouverts et à court terme que l'on met de côté pour acheter la stéréo, le bateau ou l'auto de ses rêves. C'est de ce genre de choses qu'il s'agit.
M. Blake Goldring: D'une certaine façon, on pourrait dire de nos trois compagnies qu'elles sont des grossistes, dans une certaine mesure. Nous fabriquons des produits d'investissement pour investisseurs canadiens, d'un océan à l'autre. Cependant, nous effectuons nos ventes par l'intermédiaire de 30 000 conseillers financiers indépendants dans chaque petite communauté. Ce sont ces gens qui travailleront probablement avec vos commettants lorsqu'il s'agira de prendre une décision ou d'aider à réprimer cette envie de retirer des fonds pour acheter des stéréos ou d'autres biens de consommation, selon les circonstances de chacun, évidemment. Il y a donc quelqu'un là pour offrir de l'aide.
M. Ken Epp: D'accord.
Vous voulez participer—c'est presque comme le cri de ralliement du Parti réformiste à nos débuts, «L'Ouest veut participer»—au système de paiements. Jusqu'où voulez-vous aller? Si vous réussissez à y participer, tous les autres participeront aussi. Y a-t-il une limite au nombre de joueurs qui peuvent participer à ce plan?
M. Allan Warren: Je crois qu'il faut voir les garanties et la liquidité des actifs offerts en garantie qui servent à protéger le système canadien des paiements. Dans le cas des fonds communs de placement du marché monétaire, on est limité à des garanties en liquide de très haute qualité. Prétendre que chaque intervenant qui veut avoir accès au système des paiements peut offrir en garantie de semblables actifs, est chose douteuse, mais dans notre cas, nous croyons que ce que nous proposons répond aux critères nécessaires pour soutenir la sécurité et la liquidité du système canadien des paiements.
M. Ken Epp: Le propriétaire d'une entreprise relativement petite a comparu devant nous—il s'agit de quelqu'un d'un peu plus petit que certaines des banques au pays—et qui gère un système de paie. S'il voulait participer à la chose, vous opposeriez-vous à sa participation?
Mme Kathleen Young: Tout dépend du régime de réglementation dont il relève. Les fonds communs de placement sont assujettis à des règlements très précis pour ce qui concerne le genre d'investissement, la diversification des actifs et tout le reste. Nous sommes aussi enregistrés auprès des diverses commissions de valeurs mobilières du pays.
Donc, il me semble qu'il faudrait voir quel régime de réglementation existe pour une organisation précise et se demander si la demanderesse peut répondre à certaines exigences. Y a-t-il des contrôles et de la surveillance? Ces gens-là fonctionnent-ils dans un cadre précis? Il faut voir si cela suffirait à assurer la sécurité et la santé du système des paiements.
M. Ken Epp: Donc, si un tel cadre existait, vous n'y verriez pas d'objection.
Mme Kathleen Young: Avant de dire oui ou non, il faudrait voir quels sont les critères.
M. Ken Epp: Parce que si la Banque du Canada devait gérer cette affaire, sans aucun doute, elle ne laisserait participer personne qui mettrait en péril le programme, à mon avis.
Mme Kathleen Young: Oui, de toute évidence, absolument.
M. Ken Epp: Cela va sans dire, surtout dans le contexte où nous sommes.
Monsieur le président, j'ai un trou de mémoire. C'était quoi, ma prochaine question?
Ah, oui: quelle importance accordez-vous à la compensation instantanée? Est-ce un facteur?
M. Allan Warren: Pourriez-vous expliquer «compensation instantanée»?
M. Ken Epp: Cela permettrait de négocier un chèque que l'on reçoit sans avoir à attendre jusqu'à demain. Si vous recevez ce chèque et que vous le déposez, pour le commun des mortels, il n'est d'aucune utilité jusqu'au lendemain. Cela vous touche-t-il du tout? Est-ce une autre des raisons pour lesquelles vous voulez pouvoir participer au système des paiements?
Mme Kathleen Young: Ce n'est pas vraiment une question d'obtenir les fonds, parce que cette partie du système fonctionne assez bien pour nous. Il s'agit plutôt de donner au consommateur le choix d'obtenir son argent facilement. C'est là-dessus que l'on met l'accent au niveau de l'accès.
Je ne crois pas qu'il y aurait énormément de changement au comptoir pour ce qui est de déposer des chèques qui voyagent dans l'autre sens, mais il y aurait un changement important pour le consommateur au moment du rachat. Il n'aurait plus besoin de nous demander un chèque qu'il déposerait ensuite à la banque. Il pourrait rédiger son propre chèque ou se servir de sa carte de débit.
M. Ken Epp: Tout cela semble très altruistique... Vous semblez dire que vous voulez seulement aider le client, le consommateur, et que vous vous préoccupez fort peu de vous-mêmes. Vous semblez insister sur le fait que tout cela est d'un grand avantage pour ceux qui font affaire avec vous—et je crois bien que cela sert à les éloigner des portes des banques.
Mme Kathleen Young: Tout cela, à notre avis, aidera à uniformiser les règles du jeu dans nos transactions avec toutes les banques et les banques et cela donne aux courtiers et aux planificateurs qui travaillent de concert avec les consommateurs, une meilleure façon d'établir une relation plus complète avec le client, relation qui n'inclut pas nécessairement une banque. Le courtier a donc ainsi l'occasion de faire cela et de se concentrer sur son client, de façon plus efficace.
M. Ken Epp: Parfait.
Bon, merci. J'apprécie vos réponses.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Epp.
[Français]
Monsieur Desrochers.
M. Odina Desrochers: Beaucoup des personnes qui ont comparu ici nous ont parlé du rapport MacKay ainsi que des services, de la concurrence et des choses qu'ils auraient à offrir aux consommateurs.
• 1950
Dans votre cas particulier, quel avantage comporterait
pour les consommateurs le fait que vous ayez accès à
Interac et, comme les banques, le droit
d'émettre une carte de crédit? Est-ce que
ce serait moins cher? On sait
qu'actuellement, la majorité des cartes de crédit sont
au même tarif. Si on vous donnait la possibilité de
concurrencer les cartes de crédit actuelles, y
aurait-il des avantages pour les consommateurs? On
vous entend souvent dire que vous êtes prêts à
offrir des services et à pénétrer le marché, et
on se demande où se place l'intérêt du
consommateur dans vos intentions.
[Traduction]
M. Allan Warren: Il y a trois avantages principaux pour le consommateur. Tout d'abord et avant tout, il obtient un meilleur rendement sur ses dépôts.
Comme l'a dit ma collègue dans son exposé, les banques commencent à peine à réagir à la menace concurrentielle et à offrir des produits qui ont un lien avec des investissements dans le marché monétaire. Dans le passé, nous le savons tous, les comptes d'épargnes et les comptes chèques n'ont jamais rapporté autant que les investissements sur le marché monétaires.
Deuxièmement, à l'heure actuelle, peut-être est-il obligatoire pour une banque de souscrire à une assurance-dépôts pour chaque dépôt, ce qui coûte cher, et ce coût est absorbé par le consommateur. Dans les fonds communs de placement dans le marché monétaire, il n'y a pas d'assurance-dépôts à cause de la qualité élevée de l'investissement. Le consommateur n'a donc pas à absorber ces frais.
Comme l'a dit ma collègue plus tôt, le premier avantage c'est d'avoir un accès plus rapide et plus direct à l'argent du client par opposition au processus en deux étapes que l'on doit actuellement franchir pour mettre la main sur son argent dans le fonds commun de placement du marché monétaire.
[Français]
M. Blake Goldring: Un autre aspect des choses est de leur donner un choix plus vaste, ce qui est aussi extrêmement important. Actuellement, les choix sont limités et il est important de donner plus de choix aux Canadiens.
M. Odina Desrochers: Donc, si je comprends bien, les gens qui auraient accès à Interac et à une carte de crédit chez vous devraient d'abord avoir placé de l'argent dans vos entreprises. Ce serait quand même un cercle fermé. Je veux dire par là que les services que vous offririez ne le seraient pas à la population en général mais uniquement à ceux qui feraient des placements chez vous.
[Traduction]
M. Allan Warren: Puisque, dans un sens, investir auprès de nous serait l'équivalent, aujourd'hui, d'un dépôt dans un compte de banque, il n'y a aucun groupe de Canadiens qui aurait l'exclusivité, en ce sens que tout le monde pourrait faire déposer son chèque de paie directement dans un fonds commun de placement du marché monétaire ce qui donnerait un rendement plus élevé que si cet argent avait été déposé directement dans un compte bancaire et qu'on avait la même facilité d'accès à l'argent de ce compte via Interac.
[Français]
M. Odina Desrochers: Je reviens à la carte de crédit. Auriez-vous l'intention de l'offrir globalement, à l'ensemble de la clientèle, ou seulement à ceux qui auraient placé de l'argent dans vos entreprises?
[Traduction]
Mme Kathleen Young: Nous ne prévoyons pas offrir de cartes de crédit. Il s'agit de cartes de débit, soit l'équivalent liquide. Il n'est pas du tout question de crédit, à ce moment-ci. Il ne s'agirait que d'une carte de débit.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Desrochers. Madame Leung.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.
Votre exposé m'a beaucoup plu. Pour ce qui est de la gestion des fonds mutuels, vous avez connu un grand succès et votre dossier est bon et je suis sûr que vous vous en tirer très bien à l'heure actuelle. Évidemment, vos préoccupations sont très réalistes, mais en attendant, je crois qu'elles sont peut-être un peu montées en épingle.
Je crois que la plupart de vos investisseurs jouissent d'un revenu moyen ou de haut niveau et...
M. Blake Goldring: Pardon, mais ce n'est pas le cas.
Mme Sophia Leung: Vous ne le croyez pas?
M. Blake Goldring: Absolument pas.
Mme Sophia Leung: Et quels chiffres avez-vous?
M. Blake Goldring: Le portefeuille moyen est d'environ 7 000 $. Les investissements annuels pendant la saison des REER sont bien en deçà de la limite maximale de 14 000 $. Ils sont d'environ 3 000 $.
En réalité, si vous me le permettez, il n'y a pas d'investissements plus démocratiques que celui que l'on offre via un fonds commun de placement parce que les gens peuvent investir 50 $ par mois dans ces plans tout en mettant de l'argent de côté pour leur retraite. C'est donc attrayant pour tous les Canadiens à tous les niveaux.
• 1955
Notre compagnie compte un groupe dont la valeur nette est très
élevée, mais je puis vous affirmer que l'investisseur moyen en
fonds communs de placement—et je suis sûr que mes collègues seront
d'accord avec moi...
Mme Kathleen Young: Oui, c'est vrai pour notre compagnie aussi.
Mme Sophia Leung: J'essaie de brosser le portrait de l'investisseur dont il est question lorsqu'il est question de faire concurrence aux banques—un investisseur qui se situe en bas de gamme, en moyenne gamme ou en haut de gamme.
M. Allan Warren: Par le passé, peut-être retrouvait-on plutôt des gens à revenu élevé dans ce groupe, mais maintenant qu'il y a une trentaine ou une cinquantaine de milliers d'agents indépendants, si l'on compte les agents d'assurance-vie, eh bien, ces gens-là ont accompli un excellent travail en servant le consommateur canadien et il y a plus de Canadiens que jamais qui détiennent des fonds communs de placement.
Mme Sophia Leung: Je comprends. Peut-être que je me fonde sur mon expérience limitée, mais je crois que les investisseurs les mieux renseignés ou les mieux éduqués ne s'orientent pas vers les banques—peut-être est-ce une simple hypothèse de ma part—mais ont toujours recours à des conseillers financiers ou à des courtiers en investissement. C'est probablement vrai. On ne va tout simplement pas à la banque; la banque, c'est pour y déposer de l'argent et y faire des paiements. Je crois que les gens ont toujours confiance en leurs courtiers.
J'entends très bien ce que vous dites, mais quelle est la solution? Vous en avez proposé quelques-unes, c'est vrai, mais de quelle façon le gouvernement peut-il intervenir?
M. Blake Goldring: Vous pouvez jouer un rôle clé en vous assurant que notre exposé, notre comparution, feront partie de votre rapport en faisant le lien entre ces deux points et, me semble-t-il, en faisant pression sur le ministre des Finances pour qu'il apporte les changements nécessaires.
Peu importe l'histoire de fusion des banques, je veux souligner une chose sur laquelle nous insistons. Nous n'avons pas peur d'une fusion des banques, parce que nous leur faisons déjà concurrence aujourd'hui. Nous leur avons fait concurrence l'an dernier et l'année auparavant. Nous faisons aussi concurrence à la plupart des grosses sociétés américaines qui ont pignon sur rue au Canada. Donc, nous tous ici savons très bien ce qu'est la concurrence mais il nous faut absolument obtenir quelques changements immédiats dès que possible avant que ces fusions n'aient lieu. Cela découlera d'un processus très important, mais s'il y a un de nos souhaits que nous aimerions voir se réaliser, ce serait que les changements se fassent le plus vite possible.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.
Le président: Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Avec tous ces changements qui surviennent autour de la l'APC et d'Interac, vous offrez quand même un produit assez sécuritaire et je crois que nous nous demandons si vous croyez que vous devriez alors devenir membre de la SADC ou non.
M. Allan Warren: À titre de président d'une société de fiducie—qui est membre de la SADC, mais nous représentons ici le secteur de notre affaire qui traite des fonds communs de placement—je ne crois pas que cette assurance soit utile. Toute institution qui accepte des dépôts traite cet argent comme le sien et le réinvestit dans toute une gamme d'investissements. Cela va des hypothèques sur résidences privées jusqu'à l'immobilier commercial, sans oublier les fonds de couverture, dernièrement. Les fonds communs du marché monétaire n'investissent que dans des valeurs de haute qualité très liquides. Nous ne croyons pas avoir besoin d'assurance supplémentaire en sus. Et, comme nous le savons tous, c'est inévitablement le consommateur qui devra payer la note pour cette assurance.
Mme Carolyn Bennett: C'est ce que je me demandais. Si vous aviez accès à l'ACP et à l'Interac, le client y gagnerait en quelque sorte parce qu'il n'y aurait pas de coût supplémentaire.
M. Allan Warren: C'est exact.
Mme Carolyn Bennett: D'accord.
Dans tout ce mélange de réglementation fédérale-provinciale, vous êtes réglementé au niveau provincial, n'est-ce pas?
Mme Kathleen Young: C'est exact. Nous sommes inscrits auprès de toutes les commissions des valeurs mobilières à travers le Canada, dans chaque province et territoire; ces commissions font front commun en ce qui concerne bon nombre des règles qui touchent l'industrie des fonds mutuels. Les administrateurs des valeurs mobilières ont émis des déclarations de politiques concernant les fonds mutuels qui s'appliquent à travers le Canada. Les mêmes règles s'appliquent dans toutes les régions du pays.
Mme Carolyn Bennett: Pensez-vous qu'il conviendrait d'envisager la création d'une commission nationale des valeurs mobilières?
Mme Kathleen Young: Je crois que finalement nous allons évoluer dans ce sens ou vers un groupe qui collabore plus étroitement.
Mme Carolyn Bennett: Vers une fédération ou quelque chose.
Mme Kathleen Young: Oui.
Mme Carolyn Bennett: Il est intéressant de vous entendre dire que la plupart des gens vous sont renvoyés par un conseiller financier. Je sais qu'il existe un institut des conseillers financiers, mais beaucoup de gens se donnent le titre de conseiller financier. Pensez-vous que nous, en tant que gouvernement, nous devrions avoir notre mot à dire sur l'utilisation de ce titre de conseiller financier? Est-ce que c'est quelque chose qui se fait?
M. Blake Goldring: C'est ce qui se fait à l'heure actuelle au niveau provincial. Il existe aussi des organisations nationales. Je sais que le rapport Stromberg a souligné la nécessité de sensibiliser davantage la population.
Je communique avec toutes les grandes sociétés indépendantes à travers le Canada qui vendent des fonds mutuels, parmi d'autres placements, et elles me disent qu'elles ont beaucoup renforcé leurs services de la conformité. La sensibilisation constitue maintenant une priorité pour ces sociétés.
Je crois donc que cette évolution est inévitable.
Mme Carolyn Bennett: Croyez-vous que les consommateurs sont maintenant bien servis, c'est-à-dire qu'ils savent qui les conseille financièrement?
M. Blake Goldring: La situation s'est beaucoup améliorée, à mon avis, et continue de s'améliorer. Je dirais même que l'amélioration est spectaculaire.
Mme Carolyn Bennett: En tant que médecin, j'ai toujours pensé qu'un des problèmes du Collège des chiropraticiens, par exemple, c'était qu'il y avait des membres très professionnels et d'autres qui essayaient de donner des traitements pour lesquelles ils n'avaient pas la formation nécessaire. Peut-être qu'on ne faisait pas assez observer les règles, ce qui fait que les chiropraticiens ont une réputation mixte parce que certains membres de la profession travaillent dans des domaines qu'ils ne connaissent pas bien, comme la naturopathie ou d'autres spécialités pour lesquelles ils n'ont pas la formation appropriée.
Du point de vue du consommateur, il faut pouvoir savoir quel est le domaine d'expertise d'une personne qu'on consulte. À votre avis, cependant, le consommateur est bien servi.
M. Blake Goldring: Absolument. Non seulement les individus doivent-ils s'inscrire dans la province dans laquelle ils exercent leur activité, mais aussi leurs compagnies ont-elles un agent de conformité qui est responsable de faire observer... La règle numéro un est de bien connaître le client. Il s'agit d'un principe tellement important...
Mme Carolyn Bennett: Mais vous n'avez vu aucun exemple... Il semble y avoir beaucoup de gens qui quittent d'autres professions, qui suivent des cours qui durent une fin de semaine et qui s'arrogent ensuite le titre de conseiller, tandis qu'ils sont en réalité issus du domaine des assurances ou de toute une variété d'autres domaines.
Pensez-vous qu'il n'y a pas de problème, étant donné que ces gens ne sont spécialisés que dans un seul domaine et qu'ils conseillent surtout à leurs clients d'investir dans des rentes ou dans un autre produit donné parmi tous ceux qui sont disponibles?
M. Allan Warren: Il ne fait aucun doute qu'en raison de l'augmentation continue de la demande de conseils financiers, on a vu une augmentation dramatique du nombre de personnes qui dispensent des conseils financiers. La création récente de l'Association de courtiers de fonds mutuels vise à répondre à cette préoccupation et va renforcer de manière substantielle la réglementation des courtiers de fonds mutuels, éliminant ainsi certaines des préoccupations et des inquiétudes que vous avez exprimées.
Mme Carolyn Bennett: Quand les gens veulent acheter un REER, leur comptable leur dit souvent d'emprunter de l'argent de la banque pour le faire, puisqu'il est financièrement avantageux pour eux de le faire; croyez-vous que le fait que les banques prêtent de l'argent pour acheter des REER pose des problèmes?
M. Blake Goldring: C'est évidemment un problème et nous sommes ravis de voir que le Rapport MacKay aborde la question. Nous sommes fortement opposés aux ventes liées avec coercition. Il s'agit, en effet, d'un des points que nous avons soulevés dans notre mémoire à l'intention du Groupe de travail MacKay. Il est fort possible que ce soit un problème, puisque nous avons entendu parler de certains cas du genre, et je suis convaincu que si nous faisions enquête nous trouverions peut-être de cas réels. Il s'agit donc d'une préoccupation réelle.
Mme Carolyn Bennett: Voici ma dernière question. Une section du Rapport MacKay traite des sociétés de portefeuille. Personne en fait ne nous a dit qu'il serait souhaitable de créer de telles sociétés, mais est-ce que vous vous serviriez d'un tel système; que vous permettrait-il de faire que vous ne pouvez pas déjà faire?
M. Allan Warren: À mon avis, la question des sociétés de portefeuille préoccupe surtout les banques, en raison de certaines restrictions qui figurent dans la Loi sur les banques actuelle. Je ne crois pas qu'aucune de nos organisations soit touchée par ces restrictions. Toutes les trois sont des sociétés de fonds mutuels, pour commencer, et toutes trois possèdent aussi des sociétés de fiducie. En outre, on compte aussi, dans certains cas, des courtiers en valeurs mobilières et en fonds mutuels. Nous n'avons donc jamais fait face aux restrictions auxquelles les banques font allusion.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Bennett.
Au nom du comité, je voudrais vous remercier sincèrement d'avoir été un groupe de témoins fort intéressant. Nous allons certainement tenir compte de vos conseils en formulant nos recommandations au ministre des Finances sur cette question très importante.
La séance est levée.