TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 16 novembre, 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici ce matin.
Comme vous le savez, le premier exposé que nous entendrons sera celui de Postes Canada sur le rapport MacKay. Nous accueillons aujourd'hui le président, M. André Ouellet, ainsi que M. Philippe Lemay, premier vice-président, services et produits électroniques, et M. Michel Tremblay, vice-président, commerce de détail.
Monsieur Ouellet, comme vous le savez, vous disposez d'environ 10 à 15 minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi nous passerons à la période de questions. Soyez le bienvenu.
[Français]
M. André Ouellet (président, Société canadienne des postes): Monsieur le président, je vous remercie de nous accueillir ici ce matin. Permettez-moi de vous dire que la Société canadienne des postes a lu avec intérêt le rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens. Ce qui a attiré particulièrement notre attention, ce sont les recommandations qui visent à renforcer la concurrence et la compétitivité dans ce domaine et particulièrement à accroître le pouvoir du consommateur.
Certains d'entre vous se rappelleront que les Postes canadiennes, à l'époque où elles étaient un ministère du gouvernement canadien, recueillaient les dépôts bancaires par le réseau des petits bureaux de poste disséminés dans le pays. Dès les débuts du Canada, les Postes canadiennes ont joué un rôle dans ce secteur financier.
Avec les années, avec la concurrence et la participation de plus en plus importantes des banques dans toutes les régions du Canada, le gouvernement en est venu à la conclusion que cette présence de Postes Canada, dans les milieux ruraux en particulier, était moins nécessaire et que les banques canadiennes répondaient suffisamment à la demande des consommateurs. Nous avons donc vu progressivement, au cours des années, les Postes canadiennes se retirer complètement de ce service qu'elles offraient à la population.
Ceci nous amène à dire que, compte tenu du débat qui prévaut présentement et compte tenu de l'éventualité de voir disparaître, à plus ou moins brève échéance, les institutions bancaires canadiennes dans plusieurs villes ou petites régions du Canada, nous avons été amenés à repenser, à Postes Canada, le rôle que nous pouvons jouer aujourd'hui, en ayant comme toile de fond le rôle que nous jouions il y a quelques années dans ce domaine.
Que les postes aient un service bancaire n'est pas quelque chose d'unique en soi. Comme vous le savez, dans plusieurs pays du monde, les postes jouent également le rôle d'institutions financières. Nous avons donc demandé à notre vice-président, M. Tremblay, qui est responsable de notre service de vente au détail, d'entreprendre une étude préliminaire pour voir quelle pourrait être la position de Postes Canada face au développement que nous vivons actuellement au Canada.
C'est cette réflexion que nous voulons partager avec vous. Nous n'avons pris aucune décision, mais nous voulons vous dire que nous avons réfléchi à la question. Nous étudions différentes possibilités et nous voulons partager cette réflexion avec les membres de votre comité, monsieur le président. Avec votre permission, je demanderai à M. Tremblay de vous faire un court exposé sur la recherche que nous avons faite au cours des dernières semaines.
Le président: Monsieur Tremblay.
[Traduction]
M. Michel Tremblay (vice-président, Commerce de détail, Société canadienne des postes): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés.
La Société canadienne des postes est déterminée à maintenir son réseau de plus de 8 .000 comptoirs postaux, mais compte tenu de la réduction des recettes provenant de la vente de produits postaux, nous sommes aux prises avec un écart entre nos revenus et nos dépenses qui ne peut être réglé que par l'offre de services additionnels. Les consommateurs sont disposés à recourir à leur bureau de poste pour leurs opérations financières de base. La confiance qu'ont les Canadiens dans leur bureau de poste constitue un atout précieux qui nous incite à offrir ces nouveaux services. Le modèle australien, où le bureau de poste représente plus de 10 banques en Australie, est un exemple utile.
• 1010
L'offre de services financiers dans les bureaux de poste a
amplement fait ses preuves. La Société canadienne des postes a eu
des discussions avec les autorités postales de la Grande-Bretagne,
de la France et de l'Australie sur les pratiques en vigueur dans
leurs pays respectifs. À l'heure actuelle, la Société des postes
évalue à 2 700 le nombre de municipalités qui ont un bureau de
poste et qui n'ont pas d'institutions financières. Par ailleurs, il
y a plus de 1 900 municipalités qui ont un bureau de poste et une
institution financière ou caisse de crédit.
La Société des postes propose de mettre sur pied un réseau de services de détail qui avantageront aussi bien la Société elle-même que le gouvernement canadien et, fait encore plus important, les 30 millions de Canadiens ou presque qui bénéficient actuellement de ses services.
Selon nous, les mesures que nous proposons pourraient entraîner les avantages suivants. Les Canadiens moyens et les entreprises canadiennes auraient accès à un vaste réseau de services financiers à un coût abordable. La Société des postes recevrait ainsi de l'aide pour compenser ce qu'il lui en coûte pour assurer aux Canadiens le service postal traditionnel, et les employés de la Société assumeraient ainsi de nouvelles tâches, ce qui favoriserait la loyauté et la stabilité. Le gouvernement fédéral serait très visible grâce au vaste réseau de comptoirs postaux de la Société. En outre, la Société se trouvera dans une meilleure situation financière. À long terme, cette santé financière améliorée aura un effet positif sur la part des bénéfices qui est payée sous forme de dividendes aux actionnaires.
Nous avons discuté avec les autorités de réglementation de l'idée de départ, et d'autres parties en cause ont exprimé un appui et un intérêt considérable. Au cours de l'étude en question, nous avons élaboré et évalué cinq modèles. Selon le modèle le plus poussé, la Société des postes offrirait toute la gamme des services compétitifs qui sont offerts par les banques à part entière. Selon le modèle minimal, la Société pourrait offrir des services financiers de base pour le compte d'une banque et servir de mandataire à une ou plusieurs banques.
Étant donné sa situation actuelle et la composition de sa main-d'oeuvre de même que les compétences de ses employés, la Société des postes ne croit pas qu'il serait dans son intérêt d'offrir toute la gamme des services bancaires. Étant donné la nature de nos éléments d'actifs et de notre main-d'oeuvre, nous estimons que ce qui nous intéresserait, ce serait d'offrir des services financiers de base.
L'évaluation a été faite en fonction des besoins de la Société des postes en fait de revenu, de ses compétences de base, de l'accès au capital d'investissement, de ses ressources matérielles et humaines les plus importantes, de sa capacité à soutenir la concurrence, du niveau de développement technologique et de ses systèmes internes. La Société croit que l'occasion qu'elle envisage de saisir permettra à toutes les parties d'être gagnantes. Les Canadiens, surtout ceux des régions rurales, pourraient conserver leurs services bancaires, notamment pour ce qui est des opérations courantes, comme les dépôts, les retraits et le paiement de factures.
Pour l'actionnaire de la Société des postes, le maintien d'un réseau de comptoirs de vente au détail permettrait de maintenir la présence fédérale. Pour la Société des postes, la possibilité d'offrir des services financiers, d'accroître nos revenus et d'étendre la gamme de nos services serait compatible avec l'esprit de la Loi sur la Société canadienne des postes et nous permettrait de maintenir un vaste réseau, surtout à l'extérieur des grands centres métropolitains.
En conclusion, la Société des postes invite le comité à étudier sérieusement sa proposition visant à offrir des services financiers par l'entremise de ses comptoirs de vente au détail. Merci.
Le président: Merci. Nous passons maintenant à une période de questions.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci. Ce que vous venez de nous présenter-là me laisse abasourdi. Je ne savais pas que la Société canadienne des postes voulait se lancer dans les activités bancaires et devenir un concurrent de la Banque de Montréal et des autres principaux acteurs de ce milieu. L'étape suivante sera sans doute que le bureau de poste voudra louer des voitures à bail et vendre de l'assurance à ses comptoirs, car c'est dans cette voie que se dirigent les banques. Je suis franchement très surpris par la proposition. Depuis combien de temps étudie-t-on cette possibilité? Quand l'étude a-t-elle débuté et combien de temps a-t-elle duré?
M. Michel Tremblay: L'étude a débuté il y a environ six ou huit semaines, et ce n'est que dans les quelques dernières semaines qu'elle a été terminée.
M. Ken Epp: Comment vous y êtes-vous pris pour effectuer cette étude? Qu'avez-vous fait? Avez-vous cherché à savoir combien de villes avaient un bureau de poste et pas de services bancaires?
M. Michel Tremblay: L'étude ne s'est pas limitée à cela. La Société des postes a une longue expérience des activités bancaires.
M. Ken Epp: Les mandats postaux, mais autre chose encore?
M. Michel Tremblay: Autre chose, oui. Jusqu'au milieu des années 80, la Société des postes était habilitée, de par sa loi, à exercer les activités d'une banque, d'une banque d'épargne, et elle a été active comme banque d'épargne jusqu'aux années 60.
Il y a bien d'autres administrations postales dans le monde qui offrent d'excellents services bancaires, notamment dans les régions rurales. La Société des postes n'a fait qu'examiner la possibilité d'offrir des services financiers de base aux Canadiens des régions où ces services ne sont pas offerts à l'heure actuelle.
M. Ken Epp: À l'heure actuelle, dans les régions où il y a un bureau de poste mais où il n'y a pas de banque, quel est le type de services financiers que vous offrez?
M. Michel Tremblay: À l'heure actuelle, la Société des postes n'offre pas de services financiers, exception faite, comme vous l'avez dit, des mandats postaux et de la vente de produits postaux.
M. Ken Epp: Mais vous avez dit que les bureaux de poste pouvaient prendre des dépôts jusqu'en 1960?
M. Michel Tremblay: M. Ouellet peut peut-être répondre à cette question.
M. André Ouellet: Oui. Si vous vous reportez à la Loi sur les postes, vous constaterez qu'elle comprend un article qui n'est pas utilisé, car dès les débuts de la Société, les petits bureaux de poste étaient autorisés à recevoir des dépôts. Pendant un certain nombre d'années, nous avons offert certains services financiers à la population.
Au fur et à mesure que les banques ont étendu leur réseau de succursales à l'échelle du pays, il a été décidé de cesser d'offrir ces services et de mettre fin à la concurrence avec les banques. Les institutions financières canadiennes occupent donc à toutes fins utiles tout le terrain, mais comme vous pouvez le constater d'après les chiffres qui vous ont été communiqués, il reste beaucoup de régions au Canada qui n'ont pas de services bancaires. Si la fermeture des succursales s'accélère, il y aura de moins en moins de Canadiens qui auront un accès direct à des services bancaires.
Nous sommes venus ici pour vous dire de ne pas oublier que la Société des postes offrait autrefois ces services. Nous pourrions le faire de nouveau; il suffirait d'appliquer l'article qui est tombé en désuétude. Il ne serait même pas nécessaire de modifier la Loi sur la Société canadienne des postes. Il existe déjà une disposition qui nous permettrait d'offrir ces services. Il s'agirait simplement de réadapter l'article en question, et nous pourrions reprendre nos activités comme institution de dépôt, comme nous faisions par le passé.
Il y aurait différentes façons de s'y prendre. Nous pourrions le faire seuls, comme nous le faisions auparavant, ou, comme l'a dit M. Tremblay, nous pourrions le faire de concert avec les institutions financières, avec d'autres banques. Nous pourrions le faire à titre de mandataires des autres banques. Il y a diverses possibilités. Bien entendu, notre étude n'est pas définitive et nous ne sommes pas arrivés à une conclusion quant à la façon dont nous nous y prendrions si nous devions de nouveau offrir ces services. Il s'agit simplement de rappeler aux parlementaires que les bureaux de poste d'autrefois, et il n'y a pas tellement longtemps de cela, recevaient des dépôts et que nous pourrions le faire à nouveau.
M. Ken Epp: Si l'article est dans la loi à l'heure actuelle, y a-t-il quoi que ce soit qui vous empêche de répondre positivement à une proposition de l'une des banques d'être un agent dans une petite collectivité? Vous pourriez faire cela à l'heure actuelle, n'est-ce pas?
M. André Ouellet: Non. En réalité, nous avons des projets pilotes avec des institutions financières. En fait, nous offrons des services financiers pour une banque dans le Nord et nous avons également des projets pilotes au Québec avec une autre banque.
Nous pourrions donc faire cela. La loi nous permet d'agir en coopération avec d'autres institutions financières, mais nous pourrions agir seuls si cet article de la loi était réactivé.
M. Ken Epp: Je voudrais revenir un peu sur cette étude et votre statistique selon laquelle il y a 2 700 localités qui ont un comptoir postal mais aucune banque. Je pense justement à une localité dans ma région—en fait, c'est tout près de là où j'habite—où il y a un bureau de poste mais pas de banque. Cependant, je suis certain qu'il n'y a à peu près aucune demande pour une banque dans la petite localité d'Ardrossan. Les habitants ne sont qu'à 10 ou 15 kilomètres de plusieurs institutions financières.
Donc, avez-vous inclus cela dans vos statistiques, ou est-ce que vous tenez compte d'une certaine distance lorsque vous dites qu'il n'y a pas d'institution financière?
M. Michel Tremblay: La réponse à cette question, c'est que nous ne disons pas que Postes Canada ouvrirait des banques ou offrirait des services financiers dans toutes ces localités. Nous estimons qu'il y a environ 1 500 localités au pays où il serait approprié que Postes Canada offre de tels services, peu importe qu'il y ait ou non déjà des institutions financières.
Je voulais tout simplement vous rappeler qu'il s'agit là d'une étude très préliminaire et que nous ne faisons qu'étudier la possibilité de pénétrer ce marché.
M. Ken Epp: Est-ce que vous consentiriez des prêts également?
M. Michel Tremblay: Non. Comme je l'ai mentionné, les services financiers de base, les transactions financières de base...
M. Ken Epp: Mais les petits prêts ne font-ils pas partie des transactions de base?
M. Michel Tremblay: Voici comment nous envisagerions la situation: nous deviendrions un comptoir où les gens pourraient ouvrir ou fermer un compte, avec une banque de Postes Canada ou non. Il pourrait y avoir d'autres institutions financières. Il serait possible d'encaisser des chèques, de faire des retraits et d'effectuer des paiements pour les entreprises de service public.
M. Ken Epp: Seriez-vous prêts alors à privatiser entièrement le bureau de poste?
M. André Ouellet: Comme vous le savez, c'est une question qui a été examinée par un certain nombre d'administrations postales dans le monde.
Nous venons tout juste de faire un examen du mandat de Postes Canada. À la suite de cet examen, le gouvernement a dit que Postes Canada ne devait pas être privatisé.
Nous ne sommes donc pas en mesure de faire des commentaires à ce sujet. C'est l'actionnaire de la Société qui doit prendre la décision, non pas nous.
M. Ken Epp: N'y a-t-il pas un problème si nous avons des banques de libre entreprise? Je pense que l'une des choses que l'on envisage dans le rapport MacKay, c'est d'ouvrir le secteur pour permettre une plus grande concurrence, particulièrement en ce qui a trait aux marchés à créneaux, à l'accès au système des paiements, etc.
Est-ce que cela ne pose pas un problème si une banque est pour ainsi dire parrainée par le gouvernement? À mon avis, cela rendrait les règles du jeu tout à fait inéquitables.
M. André Ouellet: Eh bien, cela dépend. C'est une question de service à la collectivité.
Ce qui nous intéresse ici, et la raison pour laquelle nous sommes venus ici nous entretenir avec vous, c'est que parmi les recommandations du groupe de travail, il y en a une concernant un aspect très important, soit les intérêts des consommateurs.
On dit qu'il faut accroître le pouvoir des consommateurs. Eh bien, si notre valeur nette est là pour servir le public en général, il y a une façon de donner un service additionnel aux Canadiens partout au pays. C'est là l'aspect qui nous intéresse.
M. Ken Epp: Très bien. En bout cas, monsieur le président, j'attends avec impatience le jour où je pourrai aller chercher un REER au bureau de poste. Je n'ai plus de questions.
Le président: Est-ce la position officielle du Parti réformiste?
M. Ken Epp: Certainement pas, je vous l'assure. J'espère que vous avez décelé un certain...
[Français]
Le président: Monsieur Bigras.
M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Monsieur Ouellet et monsieur Tremblay, je vous souhaite la bienvenue au Comité des finances. J'ai une question qui concerne surtout les très petites entreprises, celles qui souvent comptent un ou deux employés au maximum.
• 1025
À ce que je comprends, vous êtes à
reconfigurer votre réseau. Je peux vous dire,
en tant que député, que nous avons été les premiers à en
être avisés, entre autres par nos commettants, par
ceux et celles qui ont de très petites entreprises. Je
m'explique.
Plusieurs entreprises de ma circonscription, notamment Thibault Tabaconiste et Tabagie Ranger, m'ont fait part de leurs inquiétudes. M. Tremblay connaît sans doute la première puisque j'ai une lettre signée de sa part qui lui est adressée. Quant à la deuxième, Tabagie Ranger, elle est située sur la rue Beaubien et voisine de votre ancienne circonscription, monsieur Ouellet. Ce qui les inquiète, c'est la possibilité que certains comptoirs postaux soient transférés dans ce qu'on appelle maintenant les nouvelles grandes surfaces.
Je vous interpelle aujourd'hui parce que j'ai la chance de vous parler. Les comptoirs postaux étaient souvent implantés, depuis des années, dans de petites localités—dans ma circonscription, le tiers de la population a plus de 55 ans—, où on était habitué à des services personnalisés, des services à la clientèle exemplaires. C'étaient de petites entreprises prêtes à investir pour satisfaire aux besoins et aux attentes de la Société canadienne des postes. Aujourd'hui, ces très petites entreprises craignent que ces services soient maintenant dispensés dans de grandes surfaces.
Les petites entreprises se trouvent donc en situation d'insécurité, alors que les citoyens ne savent plus où ils devront s'adresser pour obtenir le même service. Ma question est la suivante: est-ce la nouvelle politique de la Société canadienne des postes que de transférer les comptoirs postaux dans les grandes surfaces, que ce soit des pharmacies ou n'importe quel autre genre de commerce?
M. Michel Tremblay: Je vais répondre à cette question, monsieur le président. La politique de la Société canadienne des postes est établie depuis une dizaine d'années et favorise, surtout en milieu urbain, le transfert de la gestion des services postaux à des franchisés.
Vous citez deux cas de votre circonscription, dont un avec lequel je me sens à l'aise, celui de la Tabagie Ranger. Dans ce cas-là, il est très évident qu'il y a eu un flottement entre le moment où le contrat de M. Ranger est venu à échéance et la décision de le renouveler et de redonner à M. Ranger sa franchise postale. Ce cas particulier est maintenant réglé et M. Ranger sera un opérateur de franchise postale comme il l'a été, en démontrant beaucoup d'enthousiasme, pendant de nombreuses années.
Sur un plan plus large, la reconfiguration du réseau postal se fait quotidiennement. Il y a des mouvements de population et des changements démographiques, et le réseau de la Société canadienne des postes doit s'ajuster à tous ces changements-là. Donc, il est normal qu'il y ait des mutations. Ces mutations se font, la plupart du temps, à l'occasion de l'échéance du contrat de franchise entre la Société des postes et le franchisé. Souvent, c'est revu dans le but de donner un meilleur service à la population.
Notre objectif n'est pas de priver de petits entrepreneurs de revenus supplémentaires, mais autant que possible de rendre nos comptoirs postaux accessibles à la plus grande partie de la population. La société ne privilégie pas un contact avec des grandes pharmacies ou avec des grandes surfaces. La question n'est pas là. Il s'agit de fournir aux citoyens l'accès le plus facile aux comptoirs postaux.
M. Bernard Bigras: Ma question était la suivante: est-ce que votre politique de reconfiguration du système est absolument globale ou si elle tient compte des particularités réelles? J'ai pris la peine de vous brosser en une minute la réalité vécue dans ma circonscription, où un tiers de la population est âgée. Ce groupe d'âge est fortement représenté au sein de la population des secteurs desservis par ce comptoir postal. Est-ce que la politique de reconfiguration s'applique mur à mur ou si elle tient compte des réalités vécues sur le plan local?
M. André Ouellet: Elle tient évidemment compte des réalités locales. Il est évident que, constamment, la Société canadienne des postes, pour mieux répondre aux besoins de sa clientèle, ajoute une boîte postale à l'entrée d'une résidence pour personnes âgées ou déplace la boîte postale d'un coin de rue ou deux pour mieux servir la population qui a fait des représentations.
• 1030
Nous sommes à l'écoute des représentations que nous
recevons de la population et nous essayons, non pas
d'avoir une politique nationale inflexible, mais une
politique qui réponde aux besoins du milieu.
[Traduction]
Le président: Merci.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Si vous me le permettez, j'aimerais poser une question quelque peu fondamentale. Et je m'excuse d'être arrivée quelques minutes en retard.
Le service postal au Canada est-il vraiment une entreprise ou un service? Si vous deviez caractériser la façon dont vous fonctionnez, et si vous aviez en quelque sorte la possibilité de faire un choix entre être une entreprise ou un service, qu'est-ce que vous choisiriez?
M. André Ouellet: Je pense que je dirais que nous sommes les deux. Lorsque la société d'État a été créée au début des années 80, on nous a donné un mandat à la fois social et commercial. Récemment, comme vous le savez, il y a eu un examen du mandat de Postes Canada, et le gouvernement a reconfirmé que Postes Canada avait un mandat à la fois social et commercial.
Mme Karen Redman: Merci. Vous nous avez donc apporté cet éclaircissement. Je me rends compte qu'il s'agit d'un projet de travail, comme presque tout ce que l'on retrouve dans le rapport MacKay, et nous tentons de nous tourner vers l'avenir.
Vous dites que si nous adoptions un nouvel article dans la loi concernant votre mandat, vous pourriez offrir certains services. Est-ce que vous en faites la demande à titre d'entreprise ou de service?
M. André Ouellet: Les deux.
Tout d'abord, comme vous le savez, à la fin des années 80 et au début des années 90, la Société canadienne des postes a décidé de fermer un certain nombre de petits bureaux de poste. La Société estimait que ces bureaux perdaient de l'argent et qu'il n'était pas justifié de garder un petit bureau de poste qui perdait littéralement de l'argent.
Le gouvernement du jour a imposé un moratoire sur la fermeture des petits bureaux de poste. L'administration de Postes Canada examine à l'heure actuelle cette obligation, non pas comme un obstacle mais comme un défi.
Nous acceptons le fait que nous ayons un réseau, que notre réseau ne puisse plus rétrécir et que nous devrions faire quelque chose avec notre réseau si nous voulons continuer à fonctionner. Nous considérons donc cela comme une possibilité dans le cadre de l'évolution des discussions concernant le secteur des services financiers au Canada.
Puisqu'il y a des années nous pouvions recevoir des dépôts—nous offrions à l'époque un service modeste à la communauté, mais il s'agissait néanmoins d'un service—, nous estimons que nous pourrions offrir à nouveau ce service. En effet, comme M. Tremblay l'a dit, cela permettrait d'ajouter des activités à nos petits bureaux de poste grâce à nos réseaux. Nous espérons que cela permettrait par ailleurs de générer des recettes et de justifier le moratoire.
Mme Karen Redman: Si je peux continuer, je pense que c'est l'une des craintes que j'ai entendues dans ma communauté. Même si je représente une circonscription qui est en grande partie urbaine, nous avons des petits cantons qui ont un bureau de poste et une banque au carrefour de cette petite localité.
Nous avons entendu d'autres délégations. Si j'ai bonne mémoire, c'est la Banque de Montréal qui a offert des services dans des collectivités éloignées du Canada par le biais du bureau de poste. C'est un concept très intéressant pour ce qui est de répondre à certaines des préoccupations dont m'ont fait part certains de mes électeurs concernant ce qui s'est produit dans les régions éloignées et rurales du Canada.
Et si en plus de réactiver cet article de votre mandat le gouvernement y ajoutait une clause conditionnelle? J'essaye d'établir où sont vos intérêts en tant qu'entreprise et où sont vos intérêts en tant que service, et s'ils s'opposent.
• 1035
Par exemple, ce n'est peut-être pas une bonne chose pour vous
en tant qu'entreprise d'être présents dans les régions éloignées du
Canada, mais en tant que service, nous, au gouvernement, pensons
que cela fait toute une différence pour certains Canadiens. Vous
n'avez peut-être pas la masse critique, mais c'est un service que
nous devons fournir en tant que pays.
Il est approprié que nous, en tant que gouvernement, disions que vous devez être présents dans les régions éloignées du Canada. Et si nous vous redonnons cette capacité d'agir comme institution de dépôts, il vous faudra peut-être doter les bureaux de poste en personnel pendant des heures plus longues, et ouvrir des bureaux de poste dans des petites régions où il ne serait peut-être pas nécessairement rentable pour vous de le faire sur le plan des affaires.
M. André Ouellet: Eh bien, le gouvernement a déjà pris cette décision. Le gouvernement a ordonné à Postes Canada de ne plus fermer les petits bureaux de poste, plus particulièrement dans les régions rurales et éloignées. C'est une décision qui a été prise par le gouvernement, je suppose, non pas en tenant compte de nos intérêts commerciaux, mais à la lumière de nos responsabilités sociales.
Nous sommes donc ici pour vous dire que nous acceptons cette décision, mais que nous voulons en tirer avantage. Nous entrevoyons des possibilités commerciales à la suite de cette directive. C'est un domaine où nous estimons effectivement qu'en réactivant l'article en question nous pourrions générer un plus grand nombre d'activités au bureau de poste. Nous pourrions élargir la gamme des services offerts à la communauté, non pas exclusivement des activités postales, mais d'autres activités commerciales qui pourraient profiter non seulement au public mais également à Postes Canada.
Mme Karen Redman: J'aimerais en venir au point essentiel de ma question. Au cours de toutes ces discussions, a-t-il été question de savoir dans quelle mesure les postes étaient prêtes à s'immiscer dans les activités commerciales pour saisir cette occasion et relever ce défi?
M. Michel Tremblay: À Postes Canada, nous avons un réseau considérable pour offrir des services financiers à la population. Le réseau couvre tout le pays. Dans des provinces où la population est clairsemée, par exemple, comme au Manitoba, Postes Canada exploite 670 comptoirs. C'est un fait.
À l'heure actuelle, nous sommes présents dans toutes les petites collectivités. Ces gens ont exprimé un besoin de pouvoir traiter avec une institution financière. Parfois les institutions financières ne se trouvent qu'à quelques kilomètres, mais parfois elles sont assez éloignées.
Pour répondre à votre question, il y aurait un intérêt commercial à offrir un service financier, mais, comme je l'ai dit, il y a plusieurs façons de le faire. Postes Canada pourrait être une banque, ou pourrait agir comme un agent pour une ou plusieurs banques en offrant des services à des particuliers.
Permettez-moi de vous en donner un exemple. Quelqu'un pourrait se présenter à un comptoir postal avec une carte de débit, tout en ayant déjà un compte dans une banque commerciale. Il serait possible d'utiliser cette carte de la même façon que nous le faisons à un guichet automatique et cela déclencherait automatiquement des transactions sur place au bureau de poste. Une personne pourrait ainsi payer ses factures de services publics, effectuer des dépôts et des retraits à partir de son compte de banque. Voilà ce qu'il serait possible de faire à partir du bureau de poste.
Nous avons mentionné le fait que Postes Canada veut offrir des services financiers limités... nous ne voudrions pas vendre des REER, consentir des prêts ou offrir des produits compliqués. Nous nous rendons compte que les services que nous voulons offrir devraient demeurer des services d'accès de base aux institutions financières. Voilà ce que nous pourrions faire pour la population canadienne, à notre avis.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
J'aimerais enchaîner à partir de la question de Mme Redman. Le fait que le gouvernement ait déclaré qu'il n'y aurait pas d'autres fermetures de bureaux de poste oblige essentiellement Postes Canada à chercher d'autres moyens de générer des recettes.
J'imagine qu'avec l'introduction du dépôt direct et l'impact de la technologie, en tant que société vous devrez faire face à de nombreux défis. Je ne sais pas si tous les bureaux de poste qui sont ouverts à l'heure actuelle sont nécessairement efficaces, et la question de la productivité entre également en jeu.
• 1040
Naturellement, votre rôle public et votre rôle commercial
posent constamment un défi pour nous. C'est également une question
qui doit constamment susciter un débat au sein de votre société.
Est-ce exact? La Société a-t-elle essentiellement besoin de se développer, de trouver de nouveaux produits et services?
M. André Ouellet: Monsieur le président, je pense que votre intervention est tout à fait appropriée. L'avenir du service postal est étroitement lié à la nouvelle technologie.
À voir la façon dont les gens communiquent, il ne fait aucun doute que cette façon de communiquer a considérablement évolué. C'est pourquoi notre vice-président principal des produits et services électroniques cherche activement à trouver de nouvelles possibilités pour l'avenir de notre service postal. Je l'inviterais à dire quelques mots à cet égard.
M. Philippe Lemay (vice-président principal, Produits et services électroniques, Société canadienne des postes): Merci, monsieur le président.
Étant donné l'évolution de l'Internet au cours des dernières années, puisqu'il est maintenant présent dans de nombreux foyers au Canada et certainement dans de nombreuses entreprises, il ne fait aucun doute qu'il y aura des changements au cours des prochaines années. En fait, nous avons déjà constaté ces changements au cours des deux dernières années depuis que les banques offrent aux consommateurs la possibilité de payer leurs factures en direct. Plus de un million de Canadiens utilisent déjà leur ordinateur personnel pour payer leurs factures en direct.
La prochaine étape sera pour ces gens de recevoir leurs factures ou leurs relevés en direct de façon sécuritaire. Ce sont des envois de lettres que perdra Postes Canada, et par conséquent, ce sont des recettes que nous perdrons. Étant donné la structure de main-d'oeuvre à coût élevé que nous avons, si nous n'offrons pas de tels services, nous pourrions nous retrouver dans une position déficitaire dans quelques années.
Nous travaillons donc de façon très active pour offrir de tels services électroniques, en apportant avec nous dans l'environnement Internet la confiance dont on a toujours fait preuve par le passé à l'égard de la poste pour livrer le courrier. Nous apportons le cachet de la poste dans le marché électronique.
Nous nous tournons donc vers tous ces genres de services.
Lorsque nous aurons mis en place cette infrastructure électronique, elle pourra également devenir un moyen d'offrir différents modes de prestation de services. Nous savons que les gouvernements fédéral et provinciaux examinent la prestation électronique des services. Cette infrastructure de réseau que nous mettons en place peut devenir une façon de fournir des services gouvernementaux.
Si on va plus loin et qu'on équipe les petits comptoirs postaux dans les régions rurales du Canada avec la nouvelle technologie, les Canadiens qui n'ont pas cette nouvelle technologie chez eux auront accès aux services gouvernementaux grâce à la technologie qui serait à leur disposition dans les comptoirs postaux. C'est l'avenir auquel nous nous tournons et que nous préparons à l'heure actuelle.
Le président: L'efficacité et la productivité ne vous préoccupent-elles pas? Nous vivons dans un environnement mondial où les entreprises... Écoutez, les frontières sont de moins en moins évidentes pour de nombreux intervenants mondiaux. En fait, je crois que dans quelques années à peine, l'impact se fera de plus en plus sentir.
Je me demande comment vous réagissez à ce défi particulier de la mondialisation par rapport à votre secteur. D'après vous, où en serez-vous comme organisation dans cinq ou dix ans?
M. Philippe Lemay: Dans dix ou douze ans, il y aura une diminution considérable de nos activités liées à la poste aux lettres. Je veux parler ici des envois de factures, de relevés, de formulaires. Il ne fait aucun doute que l'Internet jouera un rôle plus important à cet égard, et nous voulons être là.
En même temps, Internet générera un nombre important de nouvelles activités, notamment les achats directs, qui mèneront à la livraison de colis. Par conséquent, nous devons nous positionner de façon à pouvoir manutentionner un plus grand volume de colis au coût le plus bas possible.
• 1045
Il ne fait aucun doute que nous devrons tenir des
consultations dans notre secteur face à cette possibilité. Nous
assistons à des changements importants au niveau postal dans le
monde entier. Certains réseaux postaux sont soit privatisés, soit
gérés comme des concessions par l'entreprise privée.
D'ailleurs, avec nos partenaires canadiens SNC-Lavalin et Bracknell, nous venons d'obtenir le contrat de reconstruction du système postal libanais et de son exploitation pendant 12 ans. Au Guatemala, nous offrons nos connaissances d'experts en matière postale à une entreprise privée là où le système postal a été privatisé.
Dans le domaine de la distribution, la mondialisation a mené à un nombre important de regroupements. Nous verrons des entreprises telles que DHL, UPS et Federal Express mettent à profit leur position internationale sur les marchés nationaux. Elles y accroîtront la concurrence, surtout dans les grands centres urbains, mais pas nécessairement dans les régions rurales.
Les forces mondiales vont créer beaucoup de concurrence pour Postes Canada, qui pourrait perdre des revenus. Les coûts, eux, resteront les mêmes. Nous devons donc examiner diverses options pour que Postes Canada ne devienne pas un fardeau pour les Canadiens, pour que la Société ne se mette pas à perdre de l'argent au point où il faudrait la subventionner à nouveau.
Depuis le début des années 80, Postes Canada ne reçoit pas de subvention; il lui faut donc trouver d'autres clients si elle ne veut pas encore une fois dépendre de l'État.
Le président: Vous croyez que les consommateurs iront là où ils peuvent obtenir le même produit ou service au meilleur prix?
M. Michel Tremblay: Les Canadiens sont des gens comme les autres. Tous les consommateurs veulent obtenir le meilleur produit au meilleur prix.
Le président: Oui, l'attachement émotif n'a rien à voir avec cela. Les gens s'intéressent avant tout au prix, n'est-ce-pas?
M. Michel Tremblay: Je ne crois pas.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous félicite d'avoir formulé des recommandations si tôt après le dépôt du rapport MacKay. En revanche, je dois vous dire que nous recevons des plaintes au sujet du service postal, de la vente de timbres, de certains des agents, et ainsi de suite. Je tenais à vous le dire.
Pendant nos audiences, nous avons entendu des témoignages de banques étrangères. Nous avons alors constaté que les concurrents étrangers ne sont pas disposés, comme nous le souhaiterions, à venir au Canada.
Certaines banques étrangères nous ont toutefois dit qu'elles aimeraient bien avoir les installations de Postes Canada, de même que certaines ententes de service.
Je suis allé dans certains de ces pays où le bureau de poste dispense aussi des services bancaires, et ce, depuis des années. Si cette idée était lancée aujourd'hui, je m'y opposerais.
La vieille génération se contentait de déposer de l'argent; peu leur importait que les bureaux de poste ne soient pas en mesure d'accorder des prêts ou des prêts commerciaux. Mais ce à quoi je m'oppose, c'est l'idée de voir la vieille génération faire des dépôts, alors que c'est un autre groupe, celui des entrepreneurs, qui a accès au capital. Cela m'apparaît problématique. De nos jours, on ne pourrait se limiter aux dépôts. Ce serait plutôt l'aspect pratique et les services qui compteraient.
• 1050
Quant à savoir si Postes Canada pourrait offrir directement
des services bancaires, j'estime que cela pourrait se faire dans le
cadre d'ententes avec des établissements prêteurs. Je ne
m'opposerais pas à ce que Postes Canada dispense des services
bancaires dans ses bureaux de poste. Mais je ne crois pas que ce
soit une bonne idée que la société devienne une banque comme telle,
car, alors, du jour au lendemain... Même si Postes Canada n'est pas
une société d'État, on continue de croire que cette société fait
partie du gouvernement et on aurait alors l'impression que c'est le
gouvernement qui dispense des services bancaires. Déjà, même si les
établissements de crédit, les banques, sont des entreprises, les
Canadiens les considèrent encore comme un service public, un organe
du gouvernement. Qu'en pensez-vous?
M. André Ouellet: Nous ferons ce que les actionnaires nous demanderont. Il existe différentes options allant d'un extrême à l'autre. Comme c'est le cas dans bien des domaines, le juste milieu est le mieux. Nous croyons donc que nous pouvons jouer un rôle en matière bancaire.
Comme M. Tremblay vous l'a indiqué, nous n'envisageons pas d'offrir la gamme complète des services bancaires. Toutefois, si c'est ce que le gouvernement souhaite, c'est ce que nous ferons. Dans bien des pays, la Société des postes est aussi une banque à part entière. Si le gouvernement veut que nous jouions un rôle particulier, nous sommes déjà prêts à assumer ce rôle et nous l'assumerons. Quant à savoir quel sera ce rôle, il vous incombera d'évaluer si, compte tenu des circonstances, nous devrions invoquer cette disposition qui est restée en veilleuse. C'est ce que nous souhaitons, et c'est ce à quoi nous nous préparons: nous nous préparons à servir les Canadiens.
M. Gary Pillitteri: Pour ma part, j'estime qu'on améliorerait le service offert au public là où le bureau de poste dispose de peu de moyens technologiques. Dans bien des localités rurales, on fonctionne comme il y a 50 ans. Je crois qu'on pourrait améliorer le service si on collaborait avec les grands établissements de crédit qui pourraient transférer une partie de leur technologie. Cette technologie pourrait servir non seulement aux services bancaires, mais aussi aux services postaux.
Vous dites que vous ferez ce que vos actionnaires vous demandent; c'est le gouvernement qui est l'actionnaire de la Société des postes. Pour votre part, croyez-vous que la Société des Postes devrait devenir aussi une véritable banque?
M. André Ouellet: Les études que nous avons menées jusqu'à présent nous indiquent que nous aurions énormément de pain sur la planche si nous voulions devenir une véritable banque. J'aurais tort de vous laisser croire que cela pourrait se faire du jour au lendemain. Nous n'avons pas encore les connaissances d'experts nécessaires. Comme vous le savez, cela nécessiterait une longue préparation, de grands efforts, de l'énergie et des investissements. Par conséquent, pour répondre à votre question, non, ce n'est pas l'option que nous préférons.
M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus ce matin, messieurs.
La perspective de permettre à la Société canadienne des postes de répondre à un besoin surtout dans les régions rurales du Canada, où les services sont probablement déjà réduits au strict minimum, et de dispenser peut-être aussi des services de retrait, est intéressante. Cela représenterait tout un défi pour Postes Canada, mais je crois que les Canadiens aimeraient bien que vous examiniez ces possibilités.
• 1055
Toutefois, j'ai une question concernant les pouvoirs de
réglementation.
Trans-Canada Pipelines est un service public réglementé; chaque année, ou lorsqu'il le juge nécessaire, ce service demande à l'Office national de l'énergie d'établir son taux de rendement. Après l'arrivée d'un nouvel actionnaire—je crois que c'était Dome Petroleum—, l'entreprise s'est lancée dans des activités non réglementées dans les domaines du pétrole et du gaz. Elle s'est alors retrouvée dans un bourbier d'interfinancement des différentes parties de l'entreprise, certains ayant prétendu que les services réglementés subventionnaient les activités non réglementées.
Nous commençons à aborder ces questions. Nous avons une entreprise dont le mandat et la gamme de services sont bien définis; si elle entreprenait des activités non réglementées, dont personne ne déterminerait le prix ou le rendement, il faudrait se demander qui paierait les modifications à l'infrastructure qui deviendraient nécessaires pour la prestation de ces nouveaux biens et services. Qui paierait pour la formation du personnel? Qui paierait pour l'administration de ces nouvelles activités? Vous faudrait-il augmenter les liquidités pour ce faire, afin que les usagers des services postaux n'en viennent pas à subventionner les activités non réglementées de votre entreprise?
M. Michel Tremblay: Je vais essayer de répondre à certaines de vos préoccupations. Nous avons considéré cinq modèles différents, comme on l'a dit plus tôt, allant de la banque à part entière, au rôle de représentant d'une banque. Il est certain que pour chaque modèle, le financement est différent. Nous n'avons pas précisé les détails de chaque modèle de financement, mais chose certaine, si nous étions une banque autonome, à part entière, toutes les initiatives devraient venir de Postes Canada. Il faudrait envisager l'interfinancement et prendre en compte les organismes de réglementation aussi.
À l'autre extrême, il n'y aurait probablement pas autant de contraintes si Postes Canada agissait à titre de représentant d'une ou de quelques banques. Je ne pense pas qu'il y aurait de problème avec les organismes de réglementation non plus, ou alors, beaucoup moins.
Pour ce qui est du financement, il faut voir que c'est une autre source de revenu. Nous pourrions offrir les services en fonction du volume d'opérations. Si nous sommes représentants d'une banque, Postes Canada aura un revenu par transaction effectuée. Cela simplifierait grandement l'évaluation de la décision de subventionner ou pas le service public.
M. Paul Szabo: Il y aurait tout de même des frais au départ, et aussi une question d'échéance à régler, mais ce sont des détails dont nous ne devons pas nous soucier pour l'instant.
Ma dernière question porte sur les répercussions possibles sur les relations de travail. Si Postes Canada a de nouvelles activités lucratives en partenariat avec d'autres institutions financières, par exemple, son rendement s'améliorerait soudainement et lorsque ce genre de chose se produit, les syndicats exercent des pressions afin d'en profiter, par la modification des conventions négociées.
Cela pourrait perturber le fonctionnement de l'organisation, ainsi que le service, plus encore que l'on aurait cru. Voilà pourquoi je pose la question. Cela ne risque-t-il pas d'exacerber davantage les difficultés dans les relations de travail?
M. André Ouellet: Je ne crois pas. Pour commencer, si nous parlons des employés des petits bureaux de poste, leur syndicat n'a jamais fait la grève. Nous savons que les dirigeants de ce syndicat ferait très bon accueil à l'augmentation des responsabilités des maîtres et maîtresses de poste de tout le pays. Ils craignent la fermeture des petits bureaux de poste. S'il y a davantage d'activités dans les petits bureaux de poste, ils seront rassurés; ils seraient ravis d'en faire davantage.
Lorsque vous parlez au sens large de nos relations de travail, vous avez sans doute à l'esprit les problèmes que nous avons eus avec un autre syndicat de Postes Canada. C'est pour nous tout un défi de faire bien comprendre ce qui est dans l'intérêt de tous nos employés. L'avenir de cette société dépend beaucoup d'une meilleure compréhension chez tous les employés, chez le syndicat et ses dirigeants qui représentent les employés, des orientations que nous devrons prendre. Il nous incombe de rétablir un dialogue plus sain et une meilleure compréhension. Mais je suis optimiste. Si le gâteau est plus gros, nous pouvons certainement le diviser et satisfaire tous les convives.
M. Paul Szabo: Je vous félicite pour l'enthousiasme dont vous faites preuve dans votre examen objectif des orientations possibles pour renforcer Postes Canada et je vous souhaite tout le succès possible. Merci.
M. André Ouellet: Merci.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Discepola.
[Français]
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Je voudrais d'abord féliciter nos invités de leur superbe initiative. Je ferai tout en mon possible en vue de promouvoir votre projet.
Au niveau des services de base, j'ai noté que vous ne prévoyiez installer des guichets que dans 1 500 de vos 2 700 succursales ou centres de distribution. J'éprouve certaines réserves face à cette affirmation que vous avez faite. M. Ouellet disait qu'il avait un devoir moral face à toutes les régions du Canada. Comment va-t-on annoncer que dans telle succursale située dans telle ville, on offrira ces services de base, tandis que dans une autre, on ne prévoit pas le faire? Il me semble que Tim Horton Donuts ou Dunkin' Donuts se font un devoir de rester ouverts 24 heures sur 24 pour donner l'impression qu'on est toujours disponible. Dans votre cas, il me semble qu'on devrait offrir un tel service de base partout. Pour quelles raisons ne pourrait-on pas offrir ce service aux 1 200 autres endroits?
M. Michel Tremblay: Monsieur, nous avons relevé quelques chiffres qui sont ressortis de l'étude et qui mettent en lumière le fait que la présence de Postes Canada, par l'entremise de ses bureaux de poste, est très large. Aucun autre réseau n'est plus présent que Postes Canada d'un bout à l'autre du pays. Nous avons cité ces chiffres-là pour démontrer que Postes Canada est vraiment partout et qu'à de nombreux endroits, aucune institution financière ne répond aux besoins de ces populations.
Si, dans le cadre d'un plan d'affaires, on se proposait d'offrir des services financiers, il est fort probable qu'on ne prévoirait pas les offrir sur la même base qu'on offre les services postaux présentement. Nous avons présentement des bureaux de postes dans certaines municipalités qui sont à peine à quelques kilomètres les unes des autres. Il est fort probable qu'en raison des investissements de base et de la technologie que ces services-là vont nécessiter, on ne pourra pas les offrir dans toutes les municipalités. On les regroupera, cependant. C'est le modèle de base qu'on se propose d'utiliser.
Si toutefois il y avait demain une demande absolument extraordinaire pour qu'on offre ces services dans chacun des bureaux de postes que Postes Canada exploite présentement, il faudrait revoir l'économique d'une telle proposition. À prime abord, nous avons basé notre modèle sur 1 500 succursales en milieu rural, d'un bout à l'autre du pays.
M. Nick Discepola: Il me semble qu'il y a un conflit; les banques veulent d'abord justifier le réseau et c'est pour cette raison qu'elles cherchent à vendre d'autres produits, tandis que vous avez déjà mis en place un réseau que nous, députés des régions du Québec et du Canada, souhaitons mettre en valeur. Il me semble qu'on vous offre justement l'occasion de justifier la présence de vos services dans ces endroits-là. Or, vous évoquez comme seule raison possible le coût d'acquisition des guichets automatiques ou de l'équipement nécessaire. Ne pourrait-on pas amortir ce coût sur une période de cinq à dix ans, par exemple?
M. Michel Tremblay: Sûrement. Mais quand on parle de coûts, il faut aussi songer à la technologie et aux services nécessaires à l'exploitation de guichets automatiques. Il faut également songer à des investissements en vue de modifier ou d'agrandir les locaux existants et de former la main-d'oeuvre qui livrera ces services. Ces coûts sont considérables. Mais, encore une fois, je vous rappelle que si ce service répond vraiment aux besoins de la population canadienne et qu'on doit dépasser largement la première étape d'analyse que nous avons effectuée sur 1 500 succursales, on pourra le faire sans problème.
M. Nick Discepola: D'accord. Bonne chance.
M. Michel Tremblay: Merci.
[Traduction]
Le président: Messieurs Ouellet, Tremblay et Lemay, j'aimerais vous remercier, au nom du comité.
Vous avez certainement montré que les forces du changement, de la mondialisation et de la technologie font vraiment partie de notre réalité économique. Au sujet du débat entourant le groupe de travail MacKay, vous nous avez présenté une option de service à laquelle beaucoup d'entre nous n'avions pas songé. Notre comité a certainement pris note des défis auxquels est confrontée la Société, pour ce qui est de la productivité, de la mondialisation et de la recherche d'efficacité.
En fait, c'est peut-être le moment de notre histoire où nous devons conclure un pacte de productivité avec les Canadiens pour relever les défis qui s'offrent à nous.
Au nom du comité, merci.
[Français]
M. André Ouellet: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Nous allons suspendre la séance pendant quatre à cinq minutes, puis nous reprendrons.
Le président: La séance est ouverte et je souhaite à tous la bienvenue.
Nous passons maintenant aux consultations prébudgétaires, après avoir discuté du rapport du groupe de travail MacKay. Nous accueillons les organismes suivants et leurs représentants: l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada; l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture; l'Association canadienne des producteurs pétroliers; l'Association canadienne de la construction; l'Institut canadien des planificateurs; et l'Association canadienne des commissions et conseils scolaires. Beaucoup d'entre vous ont déjà comparu devant le comité. Vous savez que vous disposez de cinq à sept minutes pour votre exposé, puis nous passerons aux questions et réponses.
Nous commençons avec l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, représentée par le président du Comité sur la fiscalité de l'Ontario, John Allinotte, son premier vice-président et économiste en chef, Jayson Myers, et sa directrice en fiscalité et politique de l'environnement de l'Ontario, Joanne McGovern. Soyez les bienvenus.
M. Jayson Myers (premier vice-président et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs.
Je suis ravi de commencer, aujourd'hui, en vous parlant de nos recommandations pour le prochain budget fédéral et en participant à la discussion sur les orientations budgétaires futures. Je suis accompagné par John Allinotte, directeur de la fiscalité chez Dofasco Inc. et président du Comité sur la fiscalité de l'Ontario, et par Joanne McGovern, directrice de notre service des politiques fiscales.
Les 3 500 membres de l'Alliance et leurs 4 000 membres affiliés des quatre coins du pays représentent tous les secteurs de l'économie canadienne, des produits forestiers aux logiciels, en passant par les services financiers, les télécommunications, l'aérospatiale, le secteur de l'automobile et celui de l'agroalimentaire. La contribution de nos membres équivaut à 75 p. 100 de la production industrielle nationale, à 95 p. 100 des exportations du pays et à environ 90 p. 100 des efforts en R-D. Ces sociétés sont vraiment à l'avant-garde du changement, de la concurrence mondiale et de l'expansion des marchés commerciaux du globe.
Nos commentaires et les recommandations que nous avons présentées par écrit au comité aujourd'hui tiennent compte des préoccupations actuelles et des priorités du secteur innovateur de la fabrication et de l'exportation au Canada. La meilleure façon de résumer notre propos est de répondre directement aux questions posées par le comité. Tout d'abord, le budget étant équilibré, quelles doivent-être les priorités pour le dividende budgétaire? Mesdames et messieurs, je crois que la priorité de ce gouvernement doit être de veiller à ce que le budget demeure équilibré pendant la période difficile d'un an ou deux qui s'annonce. La croissance économique ralentit déjà. Nous prévoyons que la croissance économique réelle de l'année qui vient sera d'environ 1,5 p. 100. C'est inférieur aux évaluations faisant consensus, mais on peut dire la même chose de nos prévisions de 2,8 p. 100 pour 1998, que nous n'avons pas révisées cette année.
Le risque de récession en 1999 est très concret. Nous recommandons que le gouvernement fixe son budget en fonction de prévisions économiques extrêmement prudentes pour l'année à venir. Dans le cadre de la prévision des revenus et des dépenses, l'Alliance recommande de prévoir une croissance de 2 p. 100 du PIB nominal.
Les répercussions du bogue de l'an 2000 sont une autre incertitude qui peut avoir de graves conséquences pour l'économie canadienne et pour l'équilibre budgétaire gouvernemental. Nous recommandons que le fonds de prévoyance du gouvernement soit bien pourvu pour l'année qui vient, afin de compenser les effets négatifs possibles du bogue; pour cette raison, il faudrait l'augmenter en le faisant passer à 6 milliards de dollars pour 1999.
• 1120
L'intégrité budgétaire est essentielle pour conserver
l'équilibre budgétaire. Le gouvernement a réussi à éliminer le
déficit en bonne part grâce au surplus accumulé dans la caisse de
l'assurance-emploi. À long terme, ce n'est pas viable, non
seulement parce que c'est une forme de fiscalité régressive, mais
parce que l'assurance-emploi est l'une des formes de revenus et de
dépenses les plus vulnérables à un ralentissement économique.
Si l'économie ralentit, si le chômage augmente, le gouvernement sera forcé d'augmenter davantage les cotisations faute de quoi l'équilibre budgétaire sera compromis. C'est le moment d'asseoir l'équilibre budgétaire sur des bases plus solides. L'Alliance recommande au gouvernement d'abaisser les cotisations des employeurs de 90c. par rapport à leur niveau actuel ou d'un montant qui éliminerait l'excédent de la caisse d'assurance-emploi d'ici l'an 2001.
Le recouvrement des coûts est un autre aspect de l'intégrité budgétaire. Les frais d'utilisation que le gouvernement fédéral exige représentent maintenant environ 20 p. 100 du budget global des ministères. Ces frais ont augmenté de 600 millions de dollars entre 1995 et 1997. Les frais exigés rien que pour l'application de la réglementation ont grimpé de 37 p. 100 ou 500 millions de dollars au cours de la même période.
Les entreprises ont approuvé la mise en place de frais d'utilisation à la condition que les normes de service soient améliorées. Malheureusement, le gouvernement n'a pas tenu ses engagements à cet égard. Néanmoins, il a fait payer des frais qui coûtent très cher aux entreprises et met en place de nouveaux droits sans vraiment tenir compte de leurs répercussions économiques ou du bien-fondé des exigences de la réglementation.
L'Alliance recommande au gouvernement d'entreprendre une révision approfondie de ses programmes de recouvrement des coûts et de suspendre la mise en place de nouveaux programmes tant que des normes de service appropriées ne seront pas appliquées uniformément dans tous les ministères.
Lorsque le budget fédéral reposera sur des bases plus solides, la deuxième priorité de nos membres est la réduction de la dette. L'Alliance recommande au gouvernement de continuer à prendre les réserves pour éventualités non utilisées ou les excédents budgétaires non attribués pour rembourser la dette fédérale ou l'excédent du compte d'assurance-emploi.
Dans un monde où les divers pays cherchent à attirer les investisseurs en faisant preuve de prudence financière, le Canada doit prendre des mesures pour réduire la dette publique. Il ne suffit pas de compter sur la croissance économique pour réduire le ratio dette-PIB.
Comme le gouvernement a un excédent budgétaire et qu'il est maintenant en mesure de faire des investissements stratégiques et d'apporter des changements à la fiscalité, dans l'intérêt à long terme de l'économie et de l'ensemble de la société canadienne, l'Alliance recommande que les priorités soient axées sur l'investissement et l'innovation. L'emploi dépend de l'innovation. Il dépend de l'investissement. C'est la clé de la croissance économique. C'est ce qui permet aux entreprises d'obtenir une part du marché dans les divers pays du monde. Néanmoins, le Canada est en retard sur ces deux plans. Notre part de l'investissement direct est en baisse. Pour ce qui est de l'innovation, nous sommes très en retard derrière les autres grandes économies industrielles non seulement pour l'investissement dans la R-D, mais également pour ce qui est de la commercialisation des nouvelles technologies.
Nous avons besoin d'une politique financière axée sur un objectif, celui de faire du Canada le pays où les entreprises choisiront de s'implanter et à partir duquel elles voudront innover, fabriquer, exporter, fournir des emplois et prendre de l'expansion. Nous avons besoin pour cela d'une fiscalité concurrentielle qui tienne compte du fait que les autres pays du monde ont déjà abaissé leurs impôts pour consolider leurs économies.
Nous avons besoin d'un plan financier ancré dans les réalités du marché international et de l'investissement commercial et bâti sur un engagement ferme à soutenir à long terme l'innovation, la productivité et la croissance.
Telles sont nos recommandations que nous formulons pour le court terme, pour le prochain budget, de même qu'à long terme, et nous croyons que le gouvernement devrait les intégrer dans une stratégie triennale de réduction d'impôt.
Pour ce qui est de constituer et de maintenir une main-d'oeuvre hautement qualifiée au Canada, le gouvernement devrait commencer par réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, plus précisément en éliminant les surtaxes temporaires que le gouvernement a mises en place en période de déficit chronique. À long terme, il faudra qu'il réduise à nouveau le taux d'imposition effectif des particuliers de même que l'impôt sur les gains en capital afin de les ramener à un niveau plus concurrentiel par rapport à celui des États-Unis.
Pour ce qui est de stimuler l'investissement, le gouvernement devrait, à court terme, éliminer les retenus d'impôt sur les dividendes entre le Canada et les États-Unis, dans le cadre d'un accord de réciprocité. Dans sa stratégie fiscale à long terme, l'Alliance souscrit aux recommandations de la Commission Mintz selon lesquelles il faut absolument réduire l'impôt sur le revenu des sociétés, mais les réductions suggérées par la Commission ne vont pas assez loin. Le taux d'imposition des fabricants devrait être réduit d'au moins 5 p. 100 par rapport à son niveau actuel, afin de permettre au Canada de rester un lieu d'investissement concurrentiel.
Pour ce qui est d'encourager l'innovation, la productivité et la croissance à valeur ajoutée, l'Alliance recommande qu'à court terme, le gouvernement continue d'appuyer le système de crédit d'impôt pour R-D qui existe déjà ainsi que le programme d'aide à la recherche industrielle—des mesures très importantes—et il devrait prévoir au moins 200 millions de dollars de financement additionnel au titre du Programme de partenariats technologiques, sans oublier d'augmenter le financement au titre du transfert technologique par l'intermédiaire de son budget pour l'aide au développement à l'étranger.
• 1125
À long terme, nous recommandons l'adoption d'un crédit d'impôt
pour l'investissement dans la nouvelle technologie, dont le but est
d'améliorer la commercialisation de nouveaux produits et processus
ici au Canada.
La seule façon pour le gouvernement d'assurer que les Canadiens sont prêts à tirer profit des avantages qu'offrira la nouvelle économie enthousiasmante que nous percevons à l'horizon est de construire un système fiscal qui encourage l'investissement, la productivité et l'innovation. Sans ces trois clés de voûte de la croissance économique, les emplois seront de plus en plus fragilisés.
On ne peut trop insister sur l'importance de prendre les mesures nécessaires dès aujourd'hui afin de proposer une stratégie de réformes fiscales et d'investissements publics visant les trois prochaines années. Il est temps de laisser de côté la stratégie de réduction des coûts et du déficit, mais il faut tout de même consolider ces gains.
Cependant, il faut aller plus loin. Tous les intervenants du monde des affaires vous diront qu'il est essentiel, aussi, d'investir dans la croissance, dans la valeur ajoutée, dans la productivité et dans l'innovation. Le moment est venu d'agir.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Myers.
Nous entendrons maintenant Brenda Dunbar et Pierre Stang de l'Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture. Soyez les bienvenus.
Mme Brenda Dunbar (directrice exécutive, Alliance de l'industrie canadienne de l'aquiculture): Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Merci beaucoup de nous avoir permis de participer à votre réunion aujourd'hui.
J'ai fourni au comité un exposé de principes, et j'aimerais en étoffer certains aspects. À vrai dire, ceux-ci se rapportent de très près aux questions soulevées par M. Myers.
Nous formons une petite industrie au Canada, mais une industrie qui continue de croître, fondée sur l'innovation, la connaissance et la biotechnologie, et nous faisons tous nos efforts pour grandir. Nous faisons face, cependant, à un tas de problèmes à cause du contexte de réglementation, de fiscalité et de diverses politiques.
Notre industrie compte deux volets principaux: le poisson, c'est-à-dire saumon, truite et autres espèces de cette nature; et les crustacés et coquillages, c'est-à-dire la palourde, l'huître et la moule. Beaucoup d'entre vous ont déjà mangé de ces produits, j'en suis sûre, que vous les prépariez à la maison ou que vous en commandiez dans les bons restaurants. Le gros de cette production est exportée.
Donc, là aussi, notre secteur de l'économie est fondé sur l'exportation. Nous menons presque toutes nos activités dans les collectivités rurales et côtières et la plupart des gens qu'emploie notre industrie n'ont pas d'autres sources rentables d'emploi.
En 15 ans à peine, notre industrie est partie de zéro pour atteindre les 400 millions de dollars, ce qui, d'après nos normes, n'est pas tellement gros. À l'heure actuelle, le Canada fournit moins de 1 p. 100 de tous les produits d'aquiculture à l'échelle mondiale. Pour un pays aussi grand que le nôtre, avec son immense littoral et cet énorme territoire où l'on peut élever du poisson en pisciculture, cela revient à moins de 1 p. 100.
Nos concurrents pour l'aquiculture en eau froide sont la Norvège, les Îles Faeroes, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon, et plusieurs d'entre eux sont déjà nos concurrents industriels traditionnels.
À cause des diverses politiques qui nous sont imposées chez nous, nous avons énormément de difficultés à faire des progrès dans une industrie qui crée des emplois dans le domaine de la biotechnologie, des emplois dans les communautés rurales et côtières, sans oublier les emplois dans les domaines novateurs.
Nous avons accès à des programmes comme le Programme d'aide à la recherche industrielle et le Centre de promotion commerciale. Nous sommes une des industries de l'avenir. Cependant, nous trouvons que notre industrie a de plus en plus de difficultés à progresser à cause des politiques qui nous sont imposées dans notre propre pays.
Entre autres choses, M. Myers a dit qu'il fallait équilibrer le budget. Encore une fois, je crois que même si beaucoup de ceux qui travaillent au sein de notre industrie ont des doctorats, ont une scolarisation avancée et pensent en termes très futuristes au niveau de la science et du développement des produits, ils ont quand même tendance à prendre toutes sortes de précautions. Ils viennent de petites collectivités rurales où ils équilibrent leurs propres budgets à la maison et ils voudraient que le pays équilibre son budget aussi.
En même temps, nous sommes une industrie qui a besoin d'un certain soutien, et nous ne demandons pas un gros montant d'argent. En examinant les industries qui occupent une place importante aujourd'hui, on constate que toutes ces industries—qu'il s'agisse du secteur de l'aérospatiale, du secteur du transport ou du secteur manufacturier—ont profité d'un certain soutien gouvernemental en cours de route.
Nous avons des liens étroits avec le secteur agricole. Nous sommes producteurs.
Notre document souligne ce fait, mais il faut comprendre que nous ne pouvons pas avoir accès aux programmes d'Agriculture Canada parce qu'on juge que nous faisons partie de l'industrie des pêches. Par conséquent, nous relevons du ministère des Pêches et des Océans. Eh bien, le ministère des Pêches et des Océans n'insiste pas sur le développement mais plutôt sur la conservation. Malgré nos efforts soutenus, ce ministère se concentre presque entièrement sur les pêches, quoiqu'un bon nombre de gens qui se trouvent maintenant dans le secteur de l'aquiculture travaillaient dans les pêches. Il faut dire que nous pourrions faire travailler plus de pêcheurs dans le secteur de l'aquiculture, mais le ministère ne semble pas s'y intéresser. Il préfère plutôt continuer de payer les pêcheurs dans le cadre de la Stratégie du poisson de fonds de l'Atlantique.
• 1130
Alors nous ne sommes pas en mesure d'obtenir un soutien
quelconque de la part du MPO. On nous met constamment des bâtons
dans les roues chaque fois que nous essayons d'avoir accès aux
programmes d'Agriculture Canada. Comme nous l'avons indiqué dans
notre document, la FCA a déjà fait plusieurs recommandations au
comité. En tant que membres associés de la FCA, nous appuyons ces
recommandations.
Industrie Canada n'a plus de fonctionnaire qui s'occupe des poissons et fruits de mer. Il n'y a plus personne à Industrie Canada ou au ministère des Affaires étrangères qui s'occupe de l'aquiculture. Le ministère de l'Agriculture compte une personne qui passe environ 10 p. 100 de son temps à s'occuper des questions concernant les poissons et les fruits de mer. Alors comment faire croître un secteur au moment où il n'y a personne au gouvernement qui semble s'y intéresser? Vous ne pouvez pas avoir accès aux programmes auxquels les autres producteurs ont droit. Votre ministère hiérarchique semble ne pas vous voir, sauf lorsqu'il s'agit du programme de recouvrement des coûts. Tout à coup, votre secteur prend de l'importance, parce que le ministère veut vider vos poches.
Comme M. Myers l'a signalé, nous ne nous opposons pas au programme de recouvrement des coûts et le secteur est tout à fait prêt à faire sa part. Mais comme le document l'indique, notre expérience s'est révélée plutôt négative, parce que dans bien des cas, les services rendus ne correspondaient pas, d'après nous, au montant d'argent que nous avons payé. On ne nous a pas consultés du tout quant à la conception de ce programme de recouvrement des coûts et quant aux tarifs établis.
Dans bien des cas, on établit les tarifs... Dans un cas en particulier, on délivre un permis en Colombie-Britannique où les gens qui travaillent dans le secteur de l'aquiculture sont obligés—le ministère des Pêches va le nier, mais il faut comprendre qu'il faut acheter un permis afin de se lancer dans l'aquiculture, et pour acheter ce permis, vous devez payer l'un des deux ONG qui s'opposent à l'aquiculture. Le ministère a approuvé la situation en disant que ces ONG sont en faveur de la pisciculture, c'est-à-dire la mise en valeur du saumon, comme si ceux qui travaillent dans le secteur de l'aquiculture ne voulaient pas mettre en valeur le saumon. Alors nous sommes obligés de payer, en plus du coût du permis, des frais à des gens qui s'opposent à notre secteur.
Ce n'est pas une situation facile. Le Canada a pas mal de choses à régler. Notre industrie est vraiment un microcosme, d'après moi, de petites entreprises qui doivent prendre de l'expansion pour permettre à cette économie d'être forte dans le XXIe siècle.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Dunbar.
Je demanderais maintenant à M. David Manning de l'Association canadienne des producteurs pétroliers de prendre la parole.
M. David Manning (président, Association canadienne des producteurs pétroliers): Merci, monsieur le président et membres de ce comité, de m'avoir accordé l'occasion de vous parler.
Je m'appelle David Manning et je suis président de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Je suis accompagné de M. Greg Stringham, notre vice-président chargé des marchés et de la politique fiscale, qui va m'aider à faire cet exposé.
Monsieur le président, nous tenons à faire quelques observations en ce qui concerne le comité technique qu'on appelle maintenant le Comité Mintz, et nous aimerions bien entendu discuter de la situation financière actuelle et du budget.
Notre industrie se compose de tous ceux qui font de la prospection, de l'exploitation et de l'expédition du pétrole et du gaz au Canada. Nos membres représentent environ de 95 à 96 p. 100 de cette production. Quelques petits producteurs représentent ce qui reste. Il importe de savoir surtout que nous faisons de l'exportation. Nous exportons plus de 50 p. 100 de notre production, ce qui représente une contribution de 13 milliards de dollars annuellement aux chiffres de l'exportation canadienne.
Notre industrie a investi dans l'immobilisation plus que n'importe quel autre secteur l'année passée. Les producteurs pétroliers ont investi 19 milliards de dollars l'année passée, ce qui nous met bien avant de tout autre secteur et représente, bien entendu, une part considérable des recettes fiscales destinées à tous les paliers gouvernementaux.
C'est dans le but d'aborder les questions que vous avez posées que nous sommes ici aujourd'hui. Mais avant de procéder, je tiens à signaler que non seulement nous exportons des produits, mais aussi nous alimentons les industries à valeur ajoutée, telles que l'industrie pétrochimique. De plus, nous exportons beaucoup de technologies qui sont développées ici au Canada. Nous exportons des ressources humaines, une main-d'oeuvre très qualifiée, et nous exportons nos régimes réglementaires. Nos membres, qui sont actifs aux quatre coins du monde, dans des régions telles que l'Indonésie, l'Amérique latine et l'Amérique du Sud, se servent de plus en plus des règlements conçus ici au Canada pour contrôler le cadre réglementaire en matière d'environnement pour ce secteur.
• 1135
Il est également important d'aborder la question de la
concurrence, et là je ne vous parle pas de la concurrence au sein
du Canada, mais de la concurrence ailleurs. Le volume de production
qui nous vient de l'extérieur du Canada a doublé entre 1993 et
1996, et ce volume a encore doublé depuis ce temps-là.
J'aimerais aborder les quatre points clés que vous avez indiqués, et je vais maintenant donner la parole à Greg.
M. Greg Stringham (vice-président, Marchés et politique fiscale, Association canadienne des producteurs pétroliers): Nous aimerions nous fonder sur les quatre principes de base dont notre association tient compte en élaborant notre politique financière. D'après nous, toute politique financière doit viser la compétitivité, la certitude, la stabilité et la simplicité. Il est impossible, bien sûr, d'atteindre tous ces objectifs en même temps, mais nous recommandons, aujourd'hui, d'atteindre un certain équilibre parmi ces quatre principes.
Premièrement, en abordant cette question, nous croyons qu'il est très important de répéter ce que nous avons déjà entendu ce matin, c'est-à-dire qu'il faut continuer à réduire la dette. Voici ce qui nous a permis d'être dans une bonne posture aujourd'hui, et il est important de poursuivre sur cette voie à l'avenir. Le gouvernement a fait pas mal de progrès en essayant d'éliminer le déficit et vise maintenant la réduction de la dette.
À cet égard, je crois qu'il est important de parvenir encore une fois à un équilibre entre les trois points que nous avons soulevés, c'est-à-dire, en premier lieu, la réduction de la dette, et deuxièmement, la réduction des taux d'imposition des sociétés et des particuliers. Nous croyons que ces mesures devraient être adoptées parallèlement. Nous avons maintenant la possibilité de les réduire en même temps. Et troisièmement, il faut atteindre un certain équilibre en dépensant des montants limités dans les domaines qui sont prioritaires pour les Canadiens, en mettant l'accent sur ces grandes priorités et en s'y attaquant progressivement. En faisant ces trois choses-là, nous sommes d'avis que vous pouvez atteindre cet équilibre et ensuite viser un régime financier compétitif international qui se fonde sur ces quatre principes fondamentaux, comme David l'a souligné.
Je crois qu'il est important de répondre à certains commentaires qu'ont fait M. Mintz et ses collègues dans le rapport, et je vais demander à David de le faire.
M. David Manning: Nous applaudissons aux objectifs. On demande la simplicité, la création d'emplois, la croissance économique et une meilleure concurrence internationale. Le fait que le rapport reconnaît la nature singulière du secteur pétrolier et gazier au Canada, m'a surtout plu. Cependant, nous nous inquiétons de certaines perspectives négatives. Nous suggérons qu'on n'a pas bien compris le rapport qui existe entre notre secteur et les gouvernements fédéral et provinciaux.
Nous estimons que la perspective était faussée en ce qui a trait à la façon dont les redevances, et plus particulièrement les redevances provinciales, s'harmonisaient avec le concept de la déduction relative aux ressources, qui fait partie du régime fédéral. Il s'agit d'une industrie qui comporte des risques élevés. Non seulement il existe encore beaucoup d'incertitudes sur le plan scientifique, notamment pour ce qui est de dépister et de trouver la ressource, mais c'est également un secteur qui exige beaucoup de capitaux.
Quel a été notre pourcentage de réinvestissement l'an dernier, Greg?
M. Greg Stringham: L'an dernier, nous avons réinvesti dans l'industrie un peu plus de 222 p. 100 de nos rentrées nettes liées à l'exploitation. C'est un secteur qui exige un endettement et un financement considérables.
M. David Manning: C'est un secteur qui gobe les capitaux. Comme il faut produire et expédier une ressource non renouvelable, c'est un défi constant que de restaurer la production et de faire croître l'industrie. Comme vous le savez, nos réserves représentent un potentiel substantiel, mais ces réserves sont situées à différents endroits.
Il s'agit d'un secteur subordonné à la technologie, mais nous faisons des progrès constants. Par exemple, la séismicité tridimensionnelle nous permet de faire des recherches plus efficaces. Il y a aussi l'exemple de l'étude des gisements. Il y a 10 ans, il arrivait souvent que 10, 15 ou 20 p. 100 des ressources d'un gisement soient exploitées, et le reste restait dans le sol. Maintenant, un pourcentage d'exploitation de plus de 50 p. 100 est monnaie courante. Cela se traduit par une empreinte beaucoup plus légère sur la surface. En outre, la production est beaucoup moins intensive pour le même volume. Par conséquent, il y a à cela des avantages à la fois économiques et environnementaux.
Nous vivons dans un monde où le prix des produits de base est volatile et nous sommes des preneurs de prix. C'est l'une des raisons pour lesquelles, dans le rapport du comité technique, il était question de ce que j'appellerai les taxes environnementales. L'imposition de taxes environnementales a représenté pour nous un défi car on souhaitait ainsi percevoir des taxes plus près de la source—à l'embouchure de la mine, si vous voulez—afin d'influencer le comportement des entreprises.
Selon nos sondages—et notre expérience—, cette augmentation des taxes n'est pas souhaitée par les Canadiens, et ces derniers ne vont pas modifier leur mode de vie pour cette raison. C'est ce que nous avons constaté clairement lorsque nous avons fait une étude sur le prix de l'essence. Il aurait fallu en arriver à une taxe de 50c. le litre avant que la moitié des Canadiens n'envisagent de rouler moins, et pourtant, selon les auteurs du rapport, l'effet d'une taxe environnementale aurait pour effet de réduire la taxe imposée à la pompe par le biais d'une baisse de la taxe d'accise. À notre avis, c'était là envoyer le mauvais signal, surtout dans l'après-Kyoto. Et en attendant que le gouvernement du Canada se branche, les consommateurs canadiens sont de plus en plus sensibles à toutes ces questions.
• 1140
Si vous me permettez d'aborder brièvement la question de la
déduction relative aux ressources, je vous dirai que ce sont les
provinces qui sont propriétaires de la ressource. Depuis 1930, ce
sont les provinces qui sont propriétaires de la ressource et notre
secteur l'exploite à titre de partenaire, en vertu d'un système de
redevances.
Greg, pourquoi ne pas dire quelques mots sur le contenu du rapport Mintz à cet égard.
M. Greg Stringham: À propos de ce rapport publié à ce sujet par le comité technique, il y a une chose qu'il faut absolument comprendre, et c'est que la déduction relative à la ressource est une façon pour le gouvernement fédéral de donner aux provinces la marge de manoeuvre voulue pour percevoir leurs propres redevances. En 1974, lorsqu'on a discuté de cette possibilité, et en 1976, lorsqu'elle s'est concrétisée, il était acquis que la déduction relative à la ressource dissociait les régimes fédéral et provinciaux, de sorte que l'on puisse recueillir les redevances associées à la propriété sans s'inquiéter de savoir si on le faisait en vertu du régime fédéral ou d'un régime provincial, et sans se préoccuper non plus des fuites qui risquaient de se produire entre les deux.
Il est important de reconnaître que les changements qui ont été proposés dans le rapport ont pour effet de rétablir le lien entre les deux. Par conséquent, il s'agit là d'un dossier fédéral-provincial d'une importance critique qui a été réglé il y a une vingtaine d'années et que l'on rouvre de nouveau. Il m'apparaît important de souligner que la dissociation entre les deux régimes, c'est-à-dire entre la déduction relative à la ressource et les redevances provinciales, doit être maintenue pour permettre que ce rajustement se produise avec le temps.
M. David Manning: Par ailleurs, il y a eu des messages ambigus à propos de la déduction pour amortissement. Dans ses recommandations, le rapport n'a pas tenu compte du fait que grâce à la réduction de la déduction pour amortissement sur les sables bitumineux en 1995, conformément à un régime fédéral-provincial longuement mûri, l'industrie avait pu dégager 19 milliards de dollars de nouveaux investissements qui en profitaient à la nouvelle technologie. Ces 19 milliards de dollars ont servi à l'expansion des installations existantes d'exploitation des sables bitumineux et à la construction de trois nouvelles installations, qui en sont actuellement à divers stades d'avancement.
Pour soulever une fois de plus le spectre de la question environnementale, nous considérons que la croissance de la production au Canada—malgré les défis plus importants à relever sur le front du CO2, à cause des normes environnementales élevées au Canada par rapport aux autres bassins pétroliers, notamment à celui de la mer Caspienne—présente des avantages de contre-balancement et de rééquilibrage qui vont au-delà de la seule économie canadienne, dans les domaines de l'emploi et du progrès de notre technologie.
Il faut savoir que c'est là un jeu très coûteux. On fore actuellement deux puits dans la mer Caspienne, et cette production va renforcer la concurrence à l'échelle mondiale. Elle sera semblable à celle du Canada du côté pétrolier, et l'un de ces puits va coûter à lui seul 175 millions de dollars américains. En ce qui concerne certains des puits forés en Colombie-Britannique ou au Yukon, on peut dire qu'un puits foré dans le nord-est de la Colombie-Britannique par une compagnie canadienne coûte sans doute plus de 20 millions de dollars canadiens à cause de la technologie employée, des structures géologiques et du défi que présente l'activité sur ce genre de terrains. Il importe donc de bien se représenter le fort volume de capitaux dont l'industrie a besoin.
M. Greg Stringham: Pour compléter cet argument, je dirais qu'en ce qui concerne les effets des changements recommandés par le Comité Mintz sur l'investissement, il devrait y avoir un alourdissement de l'imposition des compagnies qui ont un fort volume d'activités et qui réinvestissent. Par contre, la position des compagnies qui ne font rien devrait diminuer. Par conséquent, il semble que le message envoyé aille à l'encontre des objectifs souhaitables.
Il importe également de signaler que ces recommandations devraient coûter environ 100 millions de dollars à l'industrie du pétrole et du gaz. Nous savons que le comité devait tenir compte d'un ensemble de contraintes comprenant la neutralité quant aux revenus lorsqu'il a entrepris la révision de l'ancien régime fiscal, mais il a considéré la neutralité quant aux revenus pour l'ensemble de l'économie canadienne, au lieu de procéder secteur par secteur.
M. David Manning: Si vous me permettez de résumer l'argument pour les membres du comité, je dirais que la vigueur de notre industrie n'est que le reflet de celle du pays où elle se trouve. Comme nous l'avons dit à maintes reprises, une bonne partie des capitaux dont nous avons tant besoin vient d'ailleurs que du Canada.
L'histoire de notre industrie est très intéressante, car les Canadiens ont toujours tendance à acheter de l'assurance-vie, tandis que les investisseurs étrangers préféraient prendre des risques considérables en faisant forer des puits. Dans la situation actuelle, des places financières comme New York, l'Europe, Boston, etc. constituent toujours une source importante de capitaux pour notre industrie, dans la mesure où elles peuvent faire confiance au Canada. C'est pourquoi nous avons avant tout besoin d'un régime fiscal prudent et durable. Il faut envoyer des messages très positifs, en particulier lorsque se manifeste l'incertitude monétaire ou politique, tant redoutée par les investisseurs.
• 1145
Il nous faut une stratégie constante, soutenue et bien ciblée
de réduction de la dette, comme celle qui, à notre avis, nous a été
très profitable au cours des dernières années. Il faut donc la
préserver pour continuer à attirer l'investissement.
Évidemment, comme Greg l'a signalé au départ, nous aimerions que le gouvernement canadien ait l'occasion de régler le problème de disparité entre la fiscalité des entreprises aux États-Unis et au Canada; nous savons que les sociétés canadiennes sont pénalisées par l'écart des régimes fiscaux—et je suis certain que cet argument vous a été présenté par de nombreux secteurs d'activité qui sont plus concernés que nous par ce problème. La fiscalité des entreprises canadiennes est désavantageuse, mais dans le contexte politique actuel, nous ne voyons pas comment on pourrait y remédier, à moins que les changements nécessaires s'accompagnent simultanément d'une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers. Si le gouvernement est en mesure de modifier le régime fiscal des particuliers, nous lui demandons d'envisager du même souffle une modification de la fiscalité des entreprises.
Voilà pour nos arguments liminaires.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Manning et monsieur Stringham.
Nous allons écouter maintenant l'Association canadienne de la construction et M. Michael Atkinson.
M. Michael Atkinson (président, Association canadienne de la construction): En fait, ce cera M. Kirkpatrick, monsieur le président.
Le président: Monsieur Kirkpatrick.
M. Williard Kirkpatrick (président du conseil, Association canadienne de la construction): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Williard Kirkpatrick et je suis président du conseil de l'Association canadienne de la construction. Je suis propriétaire de Maxam Contracting, une entreprise de construction en activité en Alberta et en Saskatchewan, qui compte environ 600 employés.
Je suis en compagnie du président de l'Association, Mike Atkinson, et d'une autre membre du conseil, Katia Strongolos, qui préside le comité des finances de notre association. Katia est vice-présidente du département des sûretés à la General Accident Assurance Company of Canada, le plus gros assureur au Canada.
Nous sommes heureux de pouvoir vous donner notre point de vue sur le prochain budget fédéral. L'Association canadienne de la construction est le porte-parole national de 200 000 entrepreneurs du bâtiment au Canada. Ce secteur d'activité est collectivement le plus gros employeur, puisqu'il fait travailler environ 803 000 Canadiens, ce qui représente environ 6 p. 100 de la main-d'oeuvre active au Canada. Il verse plus de 25 milliards de dollars en salaires et, selon nos estimations, plus de 14 milliards de dollars en impôts et taxes. À ce titre, c'est sans doute nous qui avons le plus important effet sur les politiques financières et fiscales du gouvernement fédéral.
Vous avez reçu des exemplaires de notre mémoire, et nous n'allons donc pas le présenter en détail. Nous nous proposons plutôt d'insister brièvement sur les éléments les plus importants de notre proposition et des effets de la politique fiscale.
Tout d'abord, je voudrais demander à Katia de parler de nos infrastructures.
Mme Katia Strongolos (présidente, Comité des finances, Association canadienne de la construction): Merci, Williard.
Monsieur le président, membres du comité, lorsque nous avons été invités par ce comité à évoquer les priorités auxquelles devrait être affecté le dividende budgétaire, nous nous sommes promis d'être brefs. Nous voulions transmettre le message de l'Association canadienne de la construction concernant les domaines prioritaires, sans nécessairement les aborder dans l'ordre où ils apparaissent ici, car nous pensons que ces trois domaines sont très importants.
Il y a tout d'abord la question de la réduction de la dette. Ensuite vient la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers et des cotisations sociales, notamment des primes d'assurance-emploi. La troisième priorité est le réinvestissement dans les infrastructures matérielles essentielles du Canada.
En ce qui concerne la réduction de la dette, l'ACC estime qu'elle ne doit pas être réalisée à la faveur d'une augmentation d'impôt. Elle devrait résulter de la succession des surplus budgétaires annuels, des diminutions de dépenses et des investissements stratégiques dont on peut prouver la rentabilité.
Je voudrais évoquer brièvement ce dernier point, monsieur le président. Nous ne pouvons plus nous permettre de négliger les infrastructures essentielles du pays, à savoir le réseau des autoroutes, les écoles, les routes, les hôpitaux, les usines de traitement des eaux usées et les réseaux de distribution d'eau. On a trop souvent tendance à considérer ces dépenses d'investissement comme de simples dépenses. À notre avis et en réalité, ce sont des investissements qui génèrent des profits et qui sont rentables pour l'économie canadienne.
• 1150
Nous considérons que le Canada n'a pas le choix. Nous devons
investir dans notre infrastructure essentielle si nous voulons être
en mesure d'affronter la concurrence internationale. La question
n'est donc pas de savoir s'il faut procéder à de tels
investissements; c'est plutôt de savoir quand et combien. Plus on
retarde des réinvestissements prudents et judicieux, plus ces
réinvestissements vont coûter cher.
Nous avons reproduit pour votre gouverne, monsieur le président, la déclaration conjointe signée récemment par nos homologues des États-Unis et du Mexique, où cet argument est abordé. Les deux pays ont des plans très complets à long terme prévoyant des réinvestissements massifs dans les infrastructures essentielles. Ils ont des plans à long terme concernant l'entretien et l'amélioration de leurs infrastructures. Le Canada, quant à lui, est non seulement en retard du point de vue du réinvestissement, mais de surcroît, il n'a aucun plan et ne montre aucune initiative dans ce domaine.
Je voudrais maintenant redonner la parole à notre président, M. Kirkpatrick, qui va parler du fonds de l'assurance-emploi.
M. Williard Kirkpatrick: Merci.
Monsieur le président, nous considérons qu'il faudrait réduire sensiblement les cotisations de l'assurance-emploi; mais tout d'abord, il convient de faire un bref historique. En 1989, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il cessait de contribuer au fonds de l'assurance-chômage, comme on disait à l'époque, laissant ainsi aux employeurs et aux employés l'intégralité de la responsabilité financière du programme d'assurance-chômage. En outre, le gouvernement a transféré dans le programme de l'assurance-chômage la plupart des coûts de la formation et du développement du marché du travail, notamment le coût de la formation en apprentissage. En conséquence, le fonds de l'assurance-chômage s'est élargi pour couvrir le financement des programmes de formation, dont le coût intégral a été assumé par les employeurs et les employés, par l'intermédiaire de leurs cotisations au fonds de l'assurance-chômage.
Pourtant, par la suite, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il ne financerait plus l'apprentissage, et il a transféré la responsabilité intégrale des programmes de formation en apprentissage dans notre secteur aux provinces et aux employeurs. Le gouvernement fédéral n'a pas restitué les fonds qu'il ne consacre plus à la formation; de ce fait, nous estimons qu'il aurait fallu diminuer le financement du programme d'assurance-emploi en proportion de ce retrait. Cependant, de façon générale, nous contestons l'accumulation de surplus dans ce fonds. Nous considérons que 2 $ par tranche de 100 heures seraient largement suffisants pour préserver l'équilibre du fonds, et nous demandons que ce dernier revienne à un niveau de financement de 2 $ par tranche de 100 heures.
Je voudrais ajouter moi aussi un commentaire concernant les infrastructures. L'investissement dans les infrastructures intéresse non seulement l'exercice fiscal en cours, mais il concerne aussi les contribuables de la génération actuelle, de la génération suivante et de celle qui viendra ensuite. Lorsque nous construisons des routes, elles ne servent pas uniquement aux Canadiens de 1998 et de 1999; elles serviront encore dans 20 ou 30 ans. De la même façon, les usines de traitement des eaux usées protègent l'environnement non seulement cette année, mais également pour les années à venir.
Les infrastructures figurent parmi les rares investissements gouvernementaux dont le rendement concerne non seulement l'exercice fiscal en cours, mais également les années à venir. De ce fait, l'investissement dans les infrastructures constitue un élément tout à fait essentiel de la productivité et de l'efficacité de notre pays, et joue un rôle déterminant dans notre productivité ainsi que dans nos gains ou nos pertes de productivité par rapport aux autres pays. Vous savez que les États-Unis viennent d'adopter une loi qui consacre 214 milliards de dollars au réseau routier américain. Nous n'avons pas de programme semblable, et il est temps d'en adopter un.
En conclusion, il ne s'agit pas de savoir si le gouvernement devrait réduire la dette, réduire les impôts, réduire les cotisations à l'assurance-emploi ou investir dans les infrastructures du Canada. Il faut agir dans tous ces domaines pour permettre à notre pays de continuer à offrir un niveau de vie élevé et l'ensemble des programmes sociaux dont les Canadiens s'attendent à bénéficier.
Je vous remercie. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kirkpatrick et madame Strongolos.
Nous allons maintenant écouter M. Patrick Déoux et Mme Lise Newton-Lalonde, de l'Institut canadien des urbanistes.
Soyez les bienvenus.
[Français]
M. Patrick Déoux (président, Institut canadien des urbanistes): Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Patrick Déoux et je suis le président de l'Institut canadien des urbanistes. Je suis accompagné de Mme Lise Newton-Lalonde, la directrice générale de l'institut.
L'Institut canadien des urbanistes est l'organisme national qui rassemble les professionnels de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme à travers le Canada. Plus de 4 500 professionnels sont répartis dans sept organismes professionnels provinciaux représentant l'ensemble des provinces, les trois provinces Maritimes constituant un seul de nos chapitres.
Nous sommes ici aujourd'hui pour la première fois devant votre comité, ce qui montre que le domaine international nous amène à faire des choses que nous n'avions pas l'habitude de faire dans le passé.
[Traduction]
Nous vous avons remis un mémoire où vous trouverez tous les détails, mais il y a quelques points qui nous semblent très importants et sur lesquels j'aimerais insister.
D'après ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, nos préoccupations sont évidemment très terre-à-terre, mais néanmoins très importantes pour l'avenir de l'économie canadienne, en particulier dans la perspectives des jeunes.
Nous sommes ici aujourd'hui pour préconiser une extension de la stratégie gouvernementale d'emploi des jeunes et plus particulièrement pour faire la promotion d'une annexe de cette stratégie, à savoir le Programme des stages internationaux pour la jeunesse, qui est géré par l'ACDI. Nous avons utilisé ce programme de stages cette année et nous avons constaté les possibilités et les avantages très concrets qu'il peut offrir aux jeunes ainsi qu'à l'économie canadienne. Nous avons estimé de notre devoir d'intervenir devant vous pour demander la poursuite de ce programme.
Nous savons par expérience que c'est un programme dont les avantages de valeur ajoutée pour l'économie seront beaucoup plus grands à l'avenir que les avantages immédiats ou les résultats prévisibles, même si le programme a effectivement remporté un franc succès.
Comme vous êtes le Comité des finances, il m'a semblé utile de citer quelques chiffres intéressants. Le programme a bénéficié d'une contribution de 285 000 $ du gouvernement fédéral, ce qui représente le coût total du programme. Il est important de remarquer que ce programme ne comporte aucune condition de partage ou de contributions à parts égales. Pourtant, si l'on regarde les chiffres en fin d'exercice, on voit des contributions de 50 000 $ en espèces ou en nature du programme canadien des stagiaires et de nos affiliés. Les employeurs qui participent au programme ont, quant à eux, versé des contributions de 210 000 $ en espèces ou en nature. Ces contributions sont très importantes, car même si le programme n'impose aucun engagement de participation ou de partage, la contribution du gouvernement a été contrebalancée presque au sou près par d'autres contributions, même en l'absence de toute exigence à cet égard.
Je n'ai pas encore parlé des avantages du programme, mais il y en a trois sur lesquels j'aimerais insister. Le premier, c'est évidemment l'effet direct du programme sur l'emploi des jeunes. Quelques statistiques sont révélatrices. Le programme nous a permis d'offrir des perspectives d'emploi sur la scène internationale à 19 étudiants récemment diplômés, dont 10 femmes et quatre membres des minorités visibles. Deux des stagiaires ont terminé leur stage de six mois à l'étranger et ont obtenu des emplois à plein temps dans des sociétés canadiennes qui exportent leurs services, en l'occurrence de la planification de l'aménagement du territoire, c'est-à-dire un produit intellectuel concernant le développement durable.
• 1200
Il convient de remarquer que sans le programme ces
19 étudiants qui ont été accueillis par des compagnies privées ou
des organisations non gouvernementales n'auraient pas cherché
d'emplois sur la scène internationale. C'est grâce au programme
qu'ils ont été amenés à s'intéresser à ces possibilités
internationales. Dans la plupart des cas, il aurait été impossible
à ces étudiants et à ces stagiaires en fin de stage de trouver du
travail sur le marché international; il est donc certain que le
programme leur a ouvert des portes.
Un autre avantage qui me semble très important, c'est que si le programme n'a profité qu'à 19 stagiaires, il a néanmoins fait l'objet d'une promotion dans les 23 universités canadiennes qui proposent des activités relevant officiellement du programme des jeunes stagiaires. Grâce à cette promotion, plus de 150 diplômés ont dit vouloir participer au programme, ce qui signifie que nous avons toujours une réserve d'au moins 150 diplômés prêts à se rendre à l'étranger pour travailler sur le marché international et élargir leur champ de connaissances.
Nous savons que le programme doit se terminer en mars 1999, mais ces étudiants sont toujours en contact grâce au réseau électronique et vont chercher à travailler dans ce secteur, avec ou sans l'aide du programme. Celui-ci a donc eu un effet de stimulation pour ces jeunes planificateurs prêts à travailler à l'étranger et à se perfectionner.
Finalement, il faut aussi parler des effets à long terme sur l'expansion des exportations. Les jeunes professionnels canadiens sont déjà ou vont être en mesure de contribuer à l'expansion des exportations, aux relations internationales et aux activités de coopération internationale au nom des Canadiens et de notre profession.
Par ailleurs, le programme des jeunes stagiaires a eu l'occasion d'établir des relations avec les organismes canadiens qui proposent des stages. Nous voulons continuer à nous servir des liens et des partenariats que nous avons développés.
Nous pensons que c'est là un élément très important des avantages du programme, car, comme vous le savez sans doute, l'avenir de nombreuses industries va se jouer à l'étranger, sur le marché international. C'est un marché très difficile à appréhender et à analyser; je le sais par expérience, car je travaille pour une importante société de génie civil. Nous réussissons très bien sur le marché international, mais j'ai pu constater, d'après les résultats du programme, que nous pourrions réussir encore bien mieux si les gestionnaires de la génération du baby-boom qui s'occupent de ces marchés avaient reçu à leur sujet une formation particulière en début de carrière. Nous avons beaucoup à apprendre de ce marché très complexe.
Ce programme a donné à de jeunes diplômés la possibilité d'amorcer immédiatement leur carrière, et d'ici à cinq ans ils seront aussi à l'aise à l'étranger qu'ils le sont chez eux, même si nous savons qu'il est beaucoup plus difficile de travailler à l'étranger.
En conclusion, monsieur le président, nous demandons au gouvernement de poursuivre cette stratégie, et en particulier tous les programmes qui peuvent aider les jeunes diplômés à travailler à l'étranger et à y acquérir de l'expérience.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Déoux et madame Newton-Lalonde.
Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Association canadienne des commissions et des conseils scolaires, M. Roy Wilson et Mme Marie Pierce. Bienvenue.
M. L.J Roy Wilson (président, Association canadienne des commissions et des conseils scolaires): Merci, monsieur le président.
Je voudrais vous présenter Mme Pierce, la directrice exécutive de l'Association canadienne des commissions et des conseils scolaires. Nous sommes heureux de nous adresser à vous ce matin.
Vous remarquerez, monsieur le président, que les conseillers scolaires de toutes les provinces s'adressent régulièrement à vous, parce que le message que nous voulons faire passer au nom de plus d'un million d'enfants canadiens qui vivent dans la pauvreté doit absolument être entendu. Le nôtre est dans le droit fil de ceux qui vous ont été adressés précédemment, et que j'ai été heureux d'entendre ce matin.
• 1205
M. Stringham dit qu'on ne consacre que des ressources limitées
à des domaines qu'il conviendrait de viser de façon prioritaire. Je
suis d'accord avec lui. Je pense que c'est essentiel.
Madame Strongolos, j'ai bien aimé vous entendre dire qu'il faut considérer l'investissement, et non la dépense.
C'est de cela que nous voulons parler ce matin. Nous voulons parler de l'investissement auprès d'un groupe essentiel d'enfants canadiens.
Le travail que nous faisons tous collectivement présente un avantage pour le Canada: il bénéficie en effet d'une main-d'oeuvre qualifiée. Il existe pourtant des milliers d'enfants qui ne reçoivent pas une éducation appropriée dans nos écoles. Ce n'est pas leur faute; ce n'est pas non plus la faute du système scolaire, des installations ou des enseignants. C'est autre chose, que ces enfants amènent, ou, malheureusement, n'amènent pas avec eux à l'école.
Nous savons que vous prenez cette question au sérieux. En 1989, la Chambre des communes et le Parlement fédéral ont adopté une résolution exprimant leur volonté d'éliminer la pauvreté chez les enfants. L'un des membres du comité, M. Riis, a été à l'époque l'un des protagonistes de cette initiative.
Nous savons aussi que vous n'avez pas réussi. Peut-être qu'un tel objectif n'était envisageable que dans le contexte grisant de 1989. Le monde a bien changé depuis lors, et le nombre des victimes de la pauvreté n'a fait qu'augmenter. Nous n'allons pas parler de la signification des chiffres; vos ministères s'en occupent déjà. Nous nous contenterons de reconnaître qu'il y a plus d'un million d'enfants qui vivent dans la pauvreté.
Monsieur le président, nous savons que votre gouvernement est très actif, et nous l'en remercions. Il a mis en place un régime de prestations pour les enfants, il a des budgets bien ciblés et il a pris des engagements dans ce domaine; il s'est doté d'un véritable programme national concernant les enfants—tout cela est excellent, et nous vous en remercions, mais nous voulons également vous dire—comme tous les autres membres du groupe—qu'il faudrait en faire encore plus. Nous n'avons pas réussi sur un point très sensible et tout à fait critique.
Je n'ai pas besoin de vous le rappeler, mais je dois m'adresser à vous au nom de ces enfants. Nous sommes présents en milieu scolaire, et nous les voyons tous les jours. Je dois vous dire que les enfants qui vivent dans la pauvreté ne peuvent pas avoir les mêmes résultats scolaires que vos propres enfants. L'analphabétisme parmi les enfants pauvres est très fréquent. Le taux de décrochage est élevé. Ils sont souvent plus exposés à la maladie. Ils présentent des troubles évidents de comportement. Ces problèmes n'existaient pas il y a 10 ans, ils existent maintenant, et nous savons dans quels milieux on rencontre la plupart des enfants atteints de troubles de comportement.
Nous nous en rendons compte tous les jours dans nos classes, et nous demandons à ce Comité des finances de faire ce qu'il a à faire, mais de prendre en compte le sort de ces enfants dans sa planification. Pour nous, c'est essentiel. Par ailleurs, nous essayons d'intervenir dans la limite de nos ressources, car nous ne nous occupons de ces enfants que pendant quelques heures par jour.
En 1997, nous avons lancé une vaste initiative pour nous informer avant tout sur la pauvreté et ses conséquences pour les enfants. Nous avons fait de la recherche et nous avons beaucoup apprécié l'appui de Santé Canada dans le cadre de ce projet. Nous avons de la documentation, dont nous vous avons fait part.
Nous avons constaté que plusieurs provinces ont mis en place des programmes extraordinaires pour s'occuper des enfants pauvres, et qu'ils rapportent des résultats très positifs. Nous voulons poursuivre cette recherche pour connaître ce qui a assuré le succès de ces programmes, car il ne s'agit pas simplement de consacrer de l'argent à ces enfants; il s'agit de trouver des programmes véritablement efficaces, de s'interroger sur les indices de succès des programmes. Nous avons dû poursuivre nos efforts de R-D avant de pouvoir définir un modèle indiquant toutes les composantes requises dans un programme efficace.
Que faut-il donc pour obtenir des résultats positifs auprès des enfants qui vivent dans la pauvreté? Telle devait être notre prochaine étape. Malheureusement, Santé Canada estime ne plus avoir suffisamment d'argent pour nous permettre de terminer ce travail. Évidemment, nous comptions sur le ministère pour le terminer; si vous connaissez M. Rock, demandez-lui de nous accorder une attention particulière. Nous lui avons écrit pour lui demander si... Nous sommes très près du but, mais les derniers travaux sont essentiels pour compléter cette démarche, qui représente pour nous un élément capital de la réponse du système scolaire aux problèmes de la pauvreté des enfants.
Que pouvons-nous vous dire aujourd'hui? Tout d'abord, essayez d'augmenter coûte que coûte la prestation pour enfants. En tout état de cause, il ne faut pas qu'elle diminue. Ce programme est très efficace. Dans ma province, en Alberta, il donne d'excellents résultats en ce qui concerne la santé des enfants, et je sais qu'il en va de même dans d'autres provinces. Il faudrait donc augmenter son financement pour améliorer encore ces résultats.
Je voudrais aussi parler, comme les autres intervenants, de la question de l'assurance-emploi. Le secteur de l'éducation est un employeur important. Nous consacrons plus de 80 p. 100 de notre budget à la rémunération des enseignants, qui, comme vous le savez, ont très peu recours à l'assurance-emploi. On ne licencie pas les enseignants, essentiellement parce qu'on en a besoin. Nous n'utilisons jamais l'assurance-emploi, alors que nous y cotisons. Nous aimerions que les cotisations diminuent. S'il existe un surplus budgétaire, pourquoi ne pas en consacrer une partie aux milliers d'enfants dont je parle? Ces fonds nous seraient bien utiles dans nos écoles. Nous saurions comment les employer.
• 1210
Il faut continuer à promouvoir le programme national
concernant les enfants. Nous vous remercions de vos efforts à cet
égard. Vous avez fait des recherches intéressantes, mais il
faudrait les concrétiser par des politiques et des programmes, car
il y a encore des lacunes dans ce domaine. Nous vous appuyons sans
réserve. Ne pourriez-vous fixer quelques objectifs concrets? Si
l'objectif de 1989 concernant l'élimination de la pauvreté chez les
enfants a véritablement un sens, il faudrait s'efforcer de fermer
progressivement le cercle; cela nous semble essentiel.
Notre association est sensible à l'intérêt et aux préoccupations de ce comité, qu'elle tient à remercier de son invitation. Nous savons que vous allez devoir faire la part des choses dans tous les témoignages que vous avez recueillis. Nous considérons cependant qu'il n'y a pas de priorité d'investissement plus urgente que les enfants, et d'autres que nous vous ont déjà dit la même chose. Investir dans leur avenir est pour nous une obligation impérieuse. Ce million d'enfants dont j'ai parlé aujourd'hui constituent aussi notre avenir, et si nous ne répondons pas à leurs besoins, nous réduirons d'autant la perspective de les voir contribuer activement à l'épanouissement de ce pays.
Nous souhaitons nous assurer que tous les partis partagent votre objectif de 1989. Nous sommes heureux de voir tous les partis représentés à cette table, car il est essentiel que tous participent à cet effort collectif. Au nom de ces enfants, nous vous demandons de faire tout en votre pouvoir pour nous aider à leur donner une meilleure éducation.
Merci de nous avoir écoutés.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Wilson et madame Pierce.
Nous passons maintenant à un premier tour de questions et réponses où chaque député dispose de cinq minutes. Nous commençons par M. Solberg.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président, et bienvenue à tous nos témoins.
Je remarque tout d'abord que nous avons ici trois groupes de témoins qui préconisent une réduction sensible des cotisations à l'assurance-emploi; il est important de le signaler. J'aimerais rester sur ce sujet pendant un instant.
M. Myers a signalé que son groupe souhaitait que l'on ramène les cotisations d'assurance-emploi à 1,80 $, environ, soit à peu près ce que préconise l'actuaire en chef. J'adresse ma question à M. Myers, à M. Kirkpatrick et à tous ceux qui veulent intervenir. Le gouvernement prétend qu'il faut s'intéresser en priorité à l'impôt sur le revenu des particuliers et à l'augmentation des dépenses en matière de santé, et qu'il n'y a donc pas à se préoccuper de l'assurance-emploi.
M. Williard Kirkpatrick: Les cotisations de l'assurance-emploi constituent un coût pour nos employeurs. Elles les empêchent de recruter. En les faisant baisser, on donnerait de l'emploi à un plus grand nombre de Canadiens. Il pourrait en résulter une augmentation des montants perçus en impôt. Tous les gens qui travaillent paient des impôts. En réduisant les taux de cotisation, on réduit les déductions et on augmente les recettes fiscales. Une réduction des cotisations devrait avoir de nombreux effets positifs dans d'autres programmes gouvernementaux. Elle aiderait donc non seulement le secteur privé, mais elle pourrait aussi profiter au gouvernement.
M. Monte Solberg: Est-ce que ceux qui ont préconisé une diminution des cotisations de l'assurance-emploi savent que l'Institut C.D. Howe a publié récemment une étude indiquant que si les cotisations au RPC continuent d'augmenter et qu'il n'y a pas de baisse des cotisations de l'assurance-emploi, il pourrait en coûter 200 000 emplois au Canada? Comme le régime fiscal ne tient pas compte des profits réalisés, une société qui est au seuil de la rentabilité ou qui perd de l'argent est contrainte de supprimer des emplois, à mon avis.
M. Jason Myers: J'aimerais répondre. Au lieu de s'intéresser aux charges sociales, aux cotisations de pension et d'assurance-emploi, le gouvernement envisage de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers. Une bonne partie du revenu est accaparée par ces charges sociales, dont l'augmentation nous semble très préoccupante. Si l'on regarde l'évolution des chiffres de la rémunération horaire de 1989 à 1997, on voit que les charges sociales et les avantages sociaux supplémentaires ont augmenté de 97 p. 100 dans le secteur manufacturier. Les prix ont augmenté de 18 p. 100, et pour les sociétés confrontées à cette augmentation des coûts, la solution consiste soit à réduire l'emploi, comme elles l'ont fait au début des années 90, soit à investir dans la technologie et dans tout ce qui permet d'améliorer la productivité, de façon à apporter de la valeur ajoutée à leurs produits et services pour être en mesure de verser ce genre de rémunération.
• 1215
Si l'on tient compte de l'évolution prévisible des cotisations
au RPC, je ne pense pas qu'on puisse se permettre de laisser
augmenter les charges sociales au cours des prochaines années sans
envisager une diminution des cotisations d'assurance-emploi dans
les secteurs d'activité où elle est envisageable, et il faudra
évidemment prévoir d'autres incitatifs pour favoriser
l'investissement au profit d'une production innovatrice.
M. Monte Solberg: M. Wilson souhaite intervenir.
M. Roy Wilson: J'ai abordé ce sujet non seulement parce que nous avons peu recours à l'assurance-emploi—c'est une perspective un peu étroite—mais aussi parce que dans toutes les provinces nos budgets sont désormais étroitement contrôlés. Les conseils scolaires ne sont plus autorisés à lever des impôts de façon indépendante. Nous travaillons avec des budgets réduits, et nous aimerions jouir d'une certaine marge de manoeuvre dans nos budgets pour régler les problèmes que j'ai évoqués aujourd'hui. Une réduction des cotisations d'assurance-emploi serait certainement profitable aux conseils scolaires: elle leur laisserait plus de souplesse dans le choix de leurs priorités budgétaires. Voilà donc les tenants et les aboutissants de notre point de vue sur cette question.
M. Monte Solberg: J'aurais un commentaire à faire dans ce contexte. M. Wilson a parlé de la pauvreté des enfants. Il est indéniable que depuis plusieurs années, le revenu disponible au Canada est en chute libre. Les Canadiens sont de plus en plus nombreux à s'en rendre compte. Vous n'en avez pas parlé, mais je vous invite à y réfléchir. On pourrait alléger le fardeau des Canadiens en diminuant les cotisations de l'assurance-emploi, mais également en réduisant les autres impôts et taxes. On compte environ deux millions de Canadiens dont le revenu est inférieur à 10 000 $, mais qui versent néanmoins à l'assurance-emploi des cotisations importantes, ou du moins plus élevées qu'il ne faudrait.
Je voudrais, moi aussi, poser une question. Vous avez utilisé le seuil de faible revenu pour définir la pauvreté, alors que selon Statistique Canada il ne devrait pas être utilisé à cette fin. Pourquoi l'utilisez-vous toujours, et est-ce que vous seriez prêts à envisager d'autres définitions?
M. Roy Wilson: Nous l'utilisons toujours parce qu'il est toujours accepté en tant que définition normalisée. Je ne suis pas venu ici pour parler de définitions. Nous voulons parler du problème, mais j'accepte votre argument, comme j'accepte tous les arguments concernant la façon de réduire la pauvreté, que ce soit par l'intermédiaire de la fiscalité des plus défavorisés, ou de quelque autre façon.
Nous pensons qu'il y a suffisamment d'intelligence à Ottawa pour régler ces problèmes. Nous vous disons ce qui se passe concrètement. Si on ne règle pas les problèmes, nous ne pourrons offrir à ces enfants les services éducatifs auxquels ils ont droit.
M. Monte Solberg: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Solberg.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. Au nom du Nouveau Parti démocratique, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous voir, même si vous êtes très occupés.
Je dois dire qu'à ma grande surprise aucun d'entre vous n'a parlé de la possibilité qu'une réduction des cotisations d'assurance-emploi profite aux travailleurs. Aucun d'entre vous n'en a parlé. Vous avez tous parlé de la réduction des cotisations des employés et des employeurs. Pourtant, 36 p. 100 seulement de tous les employés qui cotisent actuellement à l'assurance-emploi peuvent en retirer des prestations. En 1990, leur proportion était de 80 p. 100.
Je n'ai pas l'intention de vous faire un cours d'histoire sur la question, mais vous savez tous que l'assurance-emploi a été constituée pour aider les travailleurs à se tirer d'affaire pendant les périodes de transition. Il s'agissait de travailleurs licenciés ou de travailleurs saisonniers qui, pour des raisons qu'eux-mêmes ignoraient, ne pouvaient trouver d'emploi à plein temps. C'est pour cela qu'on a constitué l'assurance-emploi, et M. Kirkpatrick a signalé à juste titre que le gouvernement y contribuait initialement de façon importante, mais qu'il s'en est retiré par la suite.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur, sur la nécessité d'investir dans les infrastructures, les routes, les aéroports, les ports et tout ce qui peut favoriser le développement de ce pays, créer de l'emploi et attirer les entreprises.
En revanche, je déplore le fait que personne ici n'ait dit que les employés qui sont licenciés alors qu'ils n'ont commis aucune faute, ou qu'ils sont menacés... Il y a plus de harcèlement en milieu de travail actuellement, parce que le travailleur qui quitte son emploi a beaucoup plus de difficultés à obtenir des prestations d'assurance-emploi; bien souvent, ce sont les femmes qui sont victimes de harcèlement.
• 1220
Madame Dunbar, vous avez dit que le ministère des Pêches ne
s'occupait que de la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique.
Si nous étions à La Scie, à Terre-Neuve, vous auriez bien de la
difficulté, madame, à sortir de la salle après avoir tenu de tels
propos. Même s'il m'en coûte de vous le dire en ces termes, j'ai
trouvé vos propos très insultants.
La stratégie du poisson de fond de l'Atlantique est administrée par Développement des ressources humaines Canada. Je reconnais que c'est un échec retentissant, mais elle a quand même permis à ses bénéficiaires de se procurer l'essentiel en cette période de crise de la pêche.
On discute ici de la pauvreté des enfants. Si vous voulez la constater, aller à Terre-Neuve, au Labrador ou en Nouvelle-Écosse, du moins si vous ne croyez pas qu'elle existe.
Une fois supprimée prématurément la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique en août 1998, c'est-à-dire presque six mois avant la date à laquelle s'était engagé le gouvernement, c'est-à-dire mai 1999, 11 000 personnes dans la région de l'Atlantique et au Québec ont présenté des demandes d'assistance sociale. Cela signifie que la responsabilité d'assurer la survie de ces gens incombe désormais aux provinces. Le gouvernement s'en est lavé les mains et a déclaré: c'est la responsabilité des provinces de s'occuper maintenant de ces gens-là. Cela mérite réflexion.
Pour ce qui est de votre préoccupation quant à l'aquiculture, vous avez raison, c'est une industrie en pleine croissance, et le gouvernement devrait y porter attention. En qualité de porte-parole de mon parti en matière de pêches et d'océans, je précise que nous avons de graves préoccupations au sujet des systèmes d'exploitation à filet ouvert et à filet fermé. Vous dites devoir livrer concurrence à des pays ayant des eaux plus froides, tels que la Norvège. Comme vous le savez, elle a dépensé pratiquement 100 millions de dollars américains pour réaménager son secteur de l'aquiculture, en raison de toutes les graves erreurs commises dans les programmes de lancement.
Je voudrais discuter de ces préoccupations avec vous de façon un peu plus personnelle ultérieurement. Je suis d'accord avec vous; vous avez raison. C'est une industrie en pleine croissance, mais elle doit également prendre en compte notre environnement.
Il y a également le vieux slogan: «Les saumons sauvages ne prennent pas de médicaments». Beaucoup de gens au Canada se préoccupent de la santé des poissons à nageoires, vu les produits pharmaceutiques qu'ils absorbent. Votre organisation a besoin d'un meilleur programme de relations publiques et de communications avec les Canadiens. Vous devez discuter de la signification exacte de l'aquiculture, de ce que mangent les poissons, et de ce que vous faites pour promouvoir la santé des poissons et des consommateurs.
Le président: Pouvons-nous en venir aux questions? C'est un long préambule.
M. Peter Stoffer: Monsieur Myers, vous avez demandé une réduction des cotisations à l'assurance-emploi, et je suppose que ce serait pour créer des emplois.
M. Martin, le ministre des Finances du Canada, s'est rendu à Halifax s'adresser aux 11 000 hommes et femmes d'affaires de la Chambre de commerce de la région métropolitaine d'Halifax. Il leur a demandé: si je réduisais les cotisations de l'assurance-emploi de 20c, combien d'emplois pourraient être promis par qui que ce soit dans la salle? Il n'y a pas eu une seule personne à lever la main.
Par conséquent, monsieur Myers, combien d'emplois pensez-vous promettre au Canada ou, sur une base statistique, au gouvernement et à la population? Si les cotisations d'AE étaient réduites pour les entreprises, combien d'emplois envisageriez-vous dans un proche avenir?
M. Jayson Myers: Je serais certainement ravi de fournir une analyse de ce type. Je ne suis pas tout à fait sûr qu'en réduisant les cotisations d'assurance-emploi on puisse créer beaucoup d'emplois. Ce n'est pas ce que nous disons ici. Je pense certainement qu'il y aurait une certaine création d'emplois. Mais ce qui va vraiment créer de l'emploi, c'est l'évolution de l'état du marché.
Ma préoccupation tient au fait qu'avec le système actuel, avec l'augmentation des charges sociales, si l'économie est en régression, nous allons certainement entrer dans une période où il sera beaucoup plus facile de perdre des emplois. Si vous envisagez vraiment l'incidence de l'économie sur les perspectives d'emploi, cela mérite qu'on s'en préoccupe.
Lorsqu'on examine la situation générale des affaires au Canada aujourd'hui, je ne suis pas sûr que les employeurs ou les employés, ou les travailleurs, comme vous les avez appelés—et j'estime que tant les employeurs que les employés sont des travailleurs—puissent se permettre des cotisations d'assurance-emploi à ce niveau. C'est là notre message.
Je ne peux pas promettre que des emplois vont être créés. Je peux, par contre, fournir une analyse économique qui montre que, si les charges sociales sont réduites, on obtiendra cet effet. Du point de vue des entreprises, il est extrêmement difficile de dire que cette mesure, à elle seule, mènerait nécessairement à la création d'emplois.
M. Williard Kirkpatrick: Monsieur le président, on a parlé un peu plus tôt des prestations versées par le programme d'assurance-emploi. Vous noterez que nous ne disons nulle part dans notre mémoire que les prestations devraient être réduites. En fait, la réduction du taux annuel profite à tous les Canadiens employés, parce que le montant d'impôt qu'ils doivent payer est réduit. Par conséquent, si l'on faisait passer le taux de 2,90 $ à 2 $, il y aurait des centaines de dollars qui se retrouveraient dans les poches de chaque Canadien employé.
Le président: Ce sera votre dernière question, monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Monsieur Kirkpatrick, je reconnais que l'on ne peut pas dépenser de l'argent qu'on n'a pas, et que, parfois, il vaut probablement mieux laisser l'argent dans les mains des particuliers que dans les mains du gouvernement.
Envisageons une réduction de cette taxe honnie de la plupart des Canadiens, la TPS, ou la taxe de vente harmonisée, que nous avons dans la région de l'Atlantique. Il y a des actuaires qui vous diront qu'une réduction de 1 p. 100 de cette taxe pourrait créer 45 000 emplois au Canada. La réduction de taxe la plus équitable pour chaque personne dans cette salle et au Canada serait une réduction de 1 p. 100 de la TPS. Nous pourrions continuer à la réduire ainsi, jusqu'à ce qu'elle soit entièrement éliminée. N'êtes-vous pas d'accord, monsieur?
M. Williard Kirkpatrick: Monsieur le président, dans notre mémoire nous avons dit que le gouvernement doit examiner, entre autres choses, l'allégement du fardeau fiscal des citoyens. Évidement, il faut songer aux secteurs du régime fiscal que l'on va alléger. Que l'on choisisse l'impôt sur le revenu des particuliers, la TPS, la TVH, ou ce que vous voudrez, nous n'avons pas dit quelle est la meilleure mesure. Tout ce que nous affirmons, c'est que d'une façon ou d'une autre il faut qu'il y ait réduction du taux d'imposition.
M. Peter Stoffer: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci de vos exposés.
Je souligne que je veux seulement adresser mes observations à M. Wilson et Mme Pierce.
Je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir, comme beaucoup d'autres, soulevé la question de l'investissement dans l'avenir des enfants. C'est un dossier auquel beaucoup de Canadiens ne sont pas aussi sensibilisés qu'ils devraient l'être, malheureusement.
En fait, l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants de 1996 a signalé que 25 p. 100 des enfants canadiens entrent dans la vie adulte porteurs de problèmes émotifs, sociaux ou de comportement importants. L'effet d'entraînement, non seulement à l'école, mais essentiellement pour le reste de leur vie, coûte à chacun de nous d'énormes ressources, simplement du fait de l'augmentation des coûts des soins de santé, des programmes sociaux, de l'éducation et du système pénal.
Je pense que le rapport de l'ONU sur les enfants avait tout à fait raison de dire que les enfants sont notre avenir et qu'en fait ils sont les plus méritants lorsqu'il s'agit de dépenser les ressources nationales. Je vous félicite donc d'avoir songé à nous le souligner.
Toutefois, je voulais vous poser une question au sujet de la pauvreté. La pauvreté infantile n'est qu'un synonyme politique du problème plus fondamental de la pauvreté familiale. Pour lutter contre la pauvreté dans ce cas-ci, il ne suffit pas simplement de déverser de l'argent sur les démunis, parce que cela ne constitue que l'adoption du principe du revenu annuel garanti, ce qui signifie que c'est un moyen très improductif de faire les choses.
Nous avons manifestement besoin d'une vaste gamme d'initiatives. Il nous faut des emplois pour les Canadiens, de la formation ou de l'aide pour ceux qui cherchent du travail, et une meilleure éducation. Nous devons travailler avec les décrocheurs des écoles secondaires et faire des tas de choses qui ne vont simplement pas être faites. Il y a également de très nombreux problèmes sociaux qui doivent être réglés.
Les familles monoparentales représentent environ 12 p. 100 de toutes les familles canadiennes, mais elles génèrent 46 p. 100 de tous les enfants démunis. Cette pauvreté n'est pas simplement le résultat de l'absence d'emplois; c'est une pauvreté pratiquement manufacturée par l'érosion des valeurs sociales.
• 1230
Je me demande si vous avez des choses à dire là-dessus et si,
en matière d'investissements dans l'avenir des enfants, vous
reconnaissez qu'il vaut mieux investir le peu d'argent dont nous
disposons maintenant dans les années formatrices, mettons jusqu'à
l'âge de trois ans, pour stimuler la qualité des soins fournis et
améliorer l'évolution neuronale ainsi que la santé physique,
mentale et sociale des enfants. On pourrait ainsi espérer que cela
mène à mieux promouvoir l'enrichissement de la stratégie d'aide aux
années prééducatives.
M. Roy Wilson: Merci. Vous avez posé trois questions; je vais tâcher d'y répondre, et je demanderai ensuite à Mme Pierce de compléter mes réponses. Je n'aborderai probablement pas tout, étant donné que vous avez parlé de beaucoup de choses.
Dans beaucoup de nos provinces, sinon dans toutes, nous constatons avec optimisme que l'on s'oriente vers la coordination des services aux enfants. Là où cela se produit, je pense que cette préparation à l'échelle provinciale permet de mieux appréhender les problèmes dont vous parlez, à savoir le fait que la pauvreté dépasse l'enfant même et touche en fait la famille, la collectivité, les valeurs sociales, etc. Je trouve encourageant ce que je vois se produire dans ma propre province, la Colombie-Britannique, ainsi que dans d'autres, où l'on agit de façon très dynamique pour coordonner tous ces efforts.
Au moyen de la recherche que nous avons effectuée, nous nous rendons compte également que certains des programmes scolaires que nous avons institués pourraient s'étendre au-delà de l'école, pour atteindre les familles et les parents. Nous sommes devenus très conscients de ce que vous avez dit: le problème vient d'ailleurs, et il ne s'agit pas de s'occuper seulement de l'enfant.
Beaucoup des programmes que nous avons envisagés dépassaient, par exemple, le fait de donner des aliments aux enfants. On allait au-delà de cela, pour inclure les parents. Bien que, comme vous le savez, notre mandat n'inclue rien au-dessous du jardin d'enfants, nous nous rendons compte que c'est à ce moment-là que les enfants peuvent obtenir une longueur d'avance.
Lors de la récente conférence des ministres de l'Éducation, nous avons soutenu qu'il fallait s'occuper des premières années de l'enfant, que c'était important même si cela ne fait pas partie de notre mandat. Nous savons ne pas pouvoir corriger la situation après l'âge de cinq ou six ans; elle doit être corrigée beaucoup plus tôt.
En vous écoutant, je souhaitais que vous arrêtiez, parce que ce que vous en dites est bien déprimant. C'est un problème si vaste que l'on se demande où commencer. Nous ne faisons que grignoter les difficultés ici et là. Nous avons notre petite partie du casse-tête à régler, mais nous savons bien qu'il faut regarder au-delà.
Madame Pierce, je vous laisse la parole.
Mme Marie Pierce (directrice exécutive, Association canadienne des commissions/conseils scolaires): Je suis d'accord avec vous au sujet de l'importance des programmes d'intervention en bas âge. Nous avons particulièrement tenu à encourager les ministres provinciaux de l'Éducation à examiner notre mandat, à l'élargir au-delà de l'âge auquel les enfants entrent au jardin d'enfants.
Je sais que beaucoup de gens disent que nous devons assujettir les enfants à des tests lorsqu'ils entrent au jardin d'enfants pour voir s'ils sont désavantagés, afin que nous puissions corriger la situation. Toutefois, nous reconnaissons également qu'il nous faut travailler avec les puéricultrices et puériculteurs, ainsi qu'avec d'autres agences, au développement d'enfants beaucoup plus jeunes pour essayer de s'assurer que, lorsqu'ils arrivent à l'école, ils sont prêts à apprendre ou au moins ont une meilleure possibilité de profiter des programmes scolaires. Beaucoup d'écoles travaillent maintenant en collaboration avec les mères adolescentes pour essayer d'assurer qu'elles restent à l'école et pour les aider à élever leurs enfants. Nous avons donc reconnu qu'il s'agit d'un problème qui dépasse le mandat que, traditionnellement, nous avons au sein des conseils scolaires.
Nous reconnaissons également que, du fait que nous avons des écoles et des conseils scolaires dans pratiquement toutes les localités, ces conseils peuvent jouer un rôle de leadership et rassembler tous les intervenants. Très souvent, nous nous livrons des guerres territoriales, refusant de travailler ensemble, sous prétexte que, si le gouvernement vous a aidés là, il doit nous retirer de l'argent ici, et que nous ne pourrons pas maintenir notre propre personnel pour nos programmes.
Nous essayons de surmonter certaines de ces difficultés et reconnaissons qu'il y a d'autres bons programmes que les nôtres. L'un des éléments communs des programmes qui ont du succès, c'est qu'ils sont axés sur la coopération et l'intégration des services, que ce soit des programmes relevant de puériculteurs, de travailleurs sociaux ou des responsables des programmes de justice pour les jeunes.
Nous voulons insister sur l'intervention en bas âge. Toutefois, nous ne pouvons pas simplement dire que, parce que nous savons que l'intervention en bas âge a un effet positif, nous ne travaillerons pas avec les enfants qui éprouvent des difficultés dans nos écoles. Nous devons travailler aux deux niveaux et reconnaître l'importance de l'intervention en bas âge.
Nous avons constaté que les enfants qui éprouvent des difficultés judiciaires, les jeunes contrevenants, souffrent souvent de l'incidence de la pauvreté sur leur famille. Nous devons nous occuper de tous ces problèmes, parce que ces enfants se retrouvent tous dans nos écoles. Je reconnais toutefois que l'intervention en bas âge est l'un des principaux aspects auxquels nous aimerions nous attarder.
M. Paul Szabo: Je regrette que cela vous déprime, mais c'est malheureusement la vérité. J'encourage votre intervention, parce qu'elle est importante. Si les enfants ne sont pas prêts à apprendre, vous ne pouvez pas non plus faire votre travail, et vos taux de succès vont également en être affectés.
Très brièvement, pouvez-vous me dire si vous savez qu'il y a eu une grande conférence sur les enfants à Ottawa, il y a environ deux ou trois semaines?
Mme Marie Pierce: Oui.
M. Paul Szabo: En fait, Statistique Canada a fait une déclaration que j'ai trouvée très intéressante. Ses enquêtes ont révélé que la qualité des soins donnés pendant les années formatrices était l'élément le plus déterminant de la santé des enfants. En fait, cela pourrait corriger les désavantages ou même les torts causés par la pauvreté ou liés à l'indigence.
Étiez-vous au courant de cela?
M. Roy Wilson: Oui, nous étions là.
M. Paul Szabo: Vous étiez là. Très bien.
Merci d'avoir présenté cette question importante aux Canadiens.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier tous d'être présents. Comme cela a déjà été dit, vous avez tous traité de l'assurance-emploi. Je pense que l'un des témoins a parlé du rapport Mintz. Ce rapport indique que, relativement au G-7, le régime d'impôt des sociétés canadiennes n'est probablement pas loin du niveau optimal pour le Canada. Pour ce qui est de nos charges sociales, elles sont en fait relativement faibles lorsqu'on les compare à celles des autres pays du G-7. Toutefois, c'est l'impôt sur le revenu des particuliers qui est élevé. C'est une chose qu'il va falloir continuer d'examiner.
Chacun de vous a dit des choses très valables. Toutefois, il est intéressant que vous vous soyez tous attaqués à l'assurance-emploi, parce que, depuis 1986, les cotisations sont versées directement au Trésor, comme vous le savez certainement tous. Il n'existe donc pas de coffre magique contenant 20 milliards de dollars, ou tout autre montant que vous voudrez. Cet argent a été dépensé.
En partie, il a été dépensé pour juguler le déficit et réduire la dette, orientation que plusieurs des témoins ont dit devoir maintenir. Cet argent a également financé certaines choses en partenariat avec les provinces par l'entremise du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS). Cela nous ramène aux questions que M. Wilson a soulevées au nom de l'Association canadienne des commissions conseils scolaires.
Je trouve intéressant que personne n'ait parlé des soins de santé autour de cette table. Pourtant, à Kitchener, mes commettants n'ont de cesse de m'en parler. Nous en avons certainement beaucoup entendu parler dans notre tournée du Canada.
Je me demande donc si vous pouvez vous mettre à notre place pour un instant et reconnaître que, oui, les gens reçoivent moins de prestations d'assurance-emploi, mais que ces révisions ont été faites au moment où nous étions acculés au mur. Beaucoup de Canadiens ont contribué au rétablissement de la santé budgétaire du Canada. Cela nous fait du bien et à l'intérieur et à l'échelle internationale, et nous voulons que l'économie soit saine pour tous les Canadiens.
Cela dit, je reconnais que l'infrastructure est importante. L'ACDI doit continuer à financer de bons programmes internationaux, parce qu'elle le fait bien. Oui, la pauvreté des enfants est un immense problème. Mais j'entends également beaucoup de gens me dire que les soins de santé causent problème. Où donc trouver l'équilibre? L'argent dont nous disposons n'est pas illimité.
Dans la mesure où les gens reçoivent des prestations d'assurance-emploi moins généreuses, l'une des stratégies utilisées a consisté à rompre le cycle de la dépendance et à encourager les gens à se recycler, à revenir sur la voie de l'emploi rémunéré, parce que c'est ce que veulent vraiment la plupart des prestataires d'assurance-emploi et d'assistance sociale.
Ma question s'adresse à vous tous. Je me demande où se trouve le point d'équilibre que notre comité devrait recommander au ministre des Finances pour ne pas mettre en danger les gains réalisés par le Canada. Ces gains, tous les Canadiens y ont largement contribué. Tous les gens que vous représentez ont contribué à l'assainissement actuel de la situation budgétaire. Quelles sont donc les dépenses stratégiques que nous devons faire, sachant que les soins de santé et l'éducation sont les deux points chauds dont j'entends parler dans tout le Canada?
M. David Manning: Merci beaucoup d'avoir soulevé cette question. Nous faisons une enquête tous les ans.
Notre tâche est difficile lorsque nous nous présentons devant un comité parlementaire: il a peu de temps à nous accorder; il y a beaucoup de députés, beaucoup de questions. On ne sait pas non plus qui a parlé avant, qui parlera ensuite. Vous recevez une foule plutôt bigarrée. Il y a l'aquiculture de ce côté-là, les enfants de ce côté-ci. À nous deux, je crois que nous sommes responsables de neuf enfants.
Des voix: Bravo!
M. David Manning: Donc, cette question est-elle importante pour Greg et pour moi? Absolument. Aimerions-nous venir vous en parler pendant une heure? Absolument.
Notre ami des Maritimes n'est plus ici, mais c'est dans les Maritimes que l'on connaît la plus grande croissance, dans l'industrie du pétrole et du gaz. Oui, bien sûr, la stratégie du poisson de fond de l'Atlantique était un programme en difficulté. Nous continuons de penser que le meilleur espoir, c'est l'emploi. Nous pensons toujours que le plus grand espoir en ce moment dans les Maritimes, c'est mon industrie et l'aquiculture combinées. Nous pensons que c'est une grande occasion à saisir, mais il faut énormément d'éducation et de formation. Comme vous le savez bien, nous avons là une immense ressource.
• 1240
Dans notre enquête, les priorités se sont échelonnées ainsi:
les emplois, 71 p. 100; la santé, 70 p. 100; et l'éducation, 66 p.
100. Où est le reste? Eh bien, il suit en ordre descendant.
Prenons l'environnement. Selon certains, l'environnement est toujours la chose la plus importante, ou celle qui est une des plus présentes à l'esprit. Eh bien, elle se retrouve à 49 p. 100, ce qui est tout de même assez important, mais bien moins important que la santé, l'éducation et les emplois aux yeux des Canadiens.
Bien sûr, nous savons également que si le système des soins de santé est insatisfaisant, cela n'aide pas nos industries à faire face à un problème véritable, celui de la difficulté d'attirer les gens les plus compétents.
J'exprime probablement la pensée de la plupart des membres du groupe. Brenda travaille dans un secteur de haute technologie. Nous avons une industrie de haute technologie. Il est très frustrant pour ceux d'entre nous qui sont dans le secteur des ressources d'entendre parler des industries fondées sur le savoir. Nous entendons beaucoup parler à Ottawa des industries fondées sur le savoir.
Premièrement, quelles sont les industries non fondées sur le savoir? Quelles sont les industries bébêtes? Voilà ma première question. Nous faisons une utilisation très élevée des technologies informatiques et autres, ce qui nécessite beaucoup d'éducation. La formation prime sur tout. Nous savons qu'il faut établir un équilibre. Nous pensons également qu'il y a eu beaucoup d'avantages politiques à équilibrer les budgets et à réduire les coûts.
Certaines personnes soutiendront que nous avons agi trop agressivement du côté des soins de santé. Ayant toutefois travaillé sur cette question pendant un bon nombre d'années, je vois qu'une partie des difficultés éprouvées dans les années 80 tenait à ce que la population n'augmentait pas. En général, la maladie n'augmentait pas, mais l'utilisation des soins médicaux augmentait de façon vertigineuse. Cela s'accélérait au taux de 15 p. 100 par année.
J'ai donc eu le malheur de travailler, au plan juridique, avec les provinces, dans une vie antérieure, pour essayer de résoudre certains de ces problèmes. C'était un véritable défi. La technologie nous a permis d'avancer considérablement, mais cela s'est fait à un certain prix.
Devons-nous donc nous accrocher au respect du système canadien? Absolument. Représentons-nous un modèle aux yeux du monde entier? Bien sûr que oui. Allons-nous connaître une demande de plus en plus grande? Absolument.
C'est pourquoi vous faites votre métier et nous le nôtre. Vous devez assurer l'équilibre, mais nous devons faire de notre mieux pour demander les conditions qui nous permettront de croître.
Il y a un risque réel. Cette année est l'année des océans. Dans deux semaines, il y aura un grand événement en Nouvelle-Écosse, et nous soupçonnons que l'on va prendre des mesures environnementales pour le Gully. Cela aura une incidence considérable, potentiellement négative, sur notre industrie, sur l'agriculture et sur d'autres secteurs. Si c'est fait imprudemment, cela diffusera un message négatif à notre endroit.
L'an dernier, notre industrie a créé un parc. Conjointement avec le Fonds mondial pour la nature, nous avons écrit une lettre portant l'emblème pétrolier sur un côté et le panda sur l'autre. Monte Hummel et moi avions signé cette lettre. Nous avons écrit au premier ministre de la Colombie-Britannique pour demander qu'il crée un parc.
Par conséquent, 26 p. 100 du parc des Rocheuses du Nord nous est interdit d'accès. Nous avons le droit d'opérer dans 74 p. 100 de la superficie, en respectant les normes environnementales les plus rigoureuses. Les forages localisés, la sismique héliportable, etc., tout cela coûte beaucoup plus cher, mais nous protégeons les sous-espèces, etc.
Nous pensons donc avoir trouvé un certain équilibre en cet endroit, mais on ne nous donne même pas la possibilité d'en faire autant dans les Maritimes. Nous craignons que le gouvernement n'agisse beaucoup trop rapidement.
Ce que je vous dis, c'est que nous souhaitons parler d'équilibre et que, si on nous en donne la possibilité, nous serions ravis de participer à l'établissement de l'équilibre. Nous voulons attirer les meilleurs spécialistes de notre secteur. Nous avons besoin des meilleurs établissements d'enseignement pour garder l'avantage compétitif, mais il nous faut également assurer la qualité de vie. Je comprends très bien ce que vous dites, comme je comprends Paul et M. Wilson.
Merci.
M. Williard Kirkpatrick: Monsieur le président, comme je vis dans une province qui a traversé une évolution dramatique de la façon dont elle fournit ses soins de santé, je dirais qu'une des façons de fournir de meilleurs soins médicaux a consisté à investir dans la création de meilleures installations. Vous avez constaté que les gouvernements ont réduit leurs coûts en investissant dans les installations. Dans la structure financière au Canada, il me semble que l'on ne peut envisager le rôle du gouvernement fédéral en matière de soins de santé sans envisager très soigneusement l'investissement dans les installations.
C'est la même chose pour l'éducation. Les établissements où les services sont offerts sont un élément clé. Ils représentent une partie très importante du coût et de la capacité de rester à l'avant-garde technologique. Vous avez donc la capacité d'avoir une influence directe sur la qualité des installations. Je pense qu'il s'agit là d'un domaine, en matière de soins de santé, que vous devriez envisager.
Le président: Y a-t-il d'autres observations? Madame Dunbar.
Mme Brenda Dunbar: Madame Redman, je voulais seulement signaler que ma famille vient de Kitchener—Waterloo et, qu'en fait, mes deux parents sont morts au cours des deux dernières années. Ils ont utilisé les établissements de soins de santé de cette région, qui étaient excellents. J'ai été très heureuse de la qualité des soins accordés aux gens qui vivent dans cette région.
Cela étant dit, je voudrais faire une observation personnelle au sujet des soins de santé. Nos entreprises peuvent faire beaucoup de choses pour aider à créer de l'emploi pour les gens qui vivent au Canada. L'étendue de nos activités ou la possibilité pour nous de créer ces occasions pour les Canadiens existe donc du fait des politiques fiscales et des autres politiques financières. Toutefois, en définitive, la plupart des emplois non gouvernementaux, bien sûr, sont créés par l'industrie, alors que dans le cas des soins de santé, au Canada...
Je viens de passer un week-end à Chicago. Nombre d'Américains ne connaissent rien de notre système de soins de santé ou ce qu'ils en connaissent ce n'est pas exact. Mais à Chicago, là où la population est très renseignée, on en connaît beaucoup sur le système de soins de santé au Canada. On nous dit que nous avons, ou que nous avions, un extraordinaire système et que nous devrions en être félicités.
Je crois que le gouvernement pourrait jouer un rôle qui serait comme assurer la santé des ressources halieutiques. Les poissons sont une de nos plus importantes ressources. Nous ne vendons évidemment pas les gens, mais pour ce qui est des éleveurs de poisson, le poisson est l'élément le plus important. Que faisons-nous pour assurer la santé de notre poisson? La majorité d'entre nous pratiquent la prévention. Comme M. Stoffer l'a signalé—malheureusement il n'est plus ici pour entendre cette réponse—les poissons et les médicaments ne vont pas ensemble. Mais pour ce qui est du poisson d'élevage, il semble croire qu'ils prennent des médicaments.
En fait, les aquiculteurs se servent rarement de médicaments. Moins de 2 p. 100 du poisson élevé reçoivent des médicaments. Pourquoi? Ces médicaments sont dispendieux. Ils ont des effets secondaires. Si l'on se sert de médicaments il faut avoir plus de gens au site d'élevage pour traiter le poisson, ce qui représente des coûts de main-d'oeuvre plus élevés. Il y a plusieurs raisons, lorsque vous êtes en affaire, d'assurer que vos poissons sont en santé; il faut prendre les mesures qui s'imposent d'entrée de jeu.
Je suppose que c'est le même message que je communiquerai au gouvernement. Comment les divers paliers de gouvernement peuvent-ils collaborer à la conception d'un système qui encourage les gens à avoir des modes de vie sains, afin de minimiser le nombre de visites chez le médecin et à l'hôpital, pour convaincre les gens qu'ils n'ont pas besoin de subir tous les tests qui existent pour déterminer ce qui ne va pas lorsqu'on peut présenter un diagnostic assez facilement? Les gens ne devraient pas s'attendre à recevoir tous les services du monde de la part du système de soins de santé, à moins qu'ils ne soient disposés à payer pour ces services. Nous devons tous être de bons gestionnaires des ressources financières, comme c'est le cas dans tous les domaines, pour assurer que nous avons le système de soins de santé le plus efficace possible.
Le président: Merci, madame Dunbar.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de cet exposé ce matin. J'ai peine cependant, je dois l'avouer, à accepter ces exigences. Nous parlons des choses qui devraient être faites, et vous nous amenez toute une liste de propositions.
Permettez-moi de vous expliquer comment je vois les choses. Nous disons que les taxes et les impôts sont trop élevés au Canada, comme l'impôt sur le revenu des particuliers, l'impôt sur les sociétés, les taxes professionnelles, la TPS, et la taxe au chapitre de l'assurance-emploi. Il s'agit de taxes. Il n'existe pas de différence. Pourtant nous comparons ces taxes à celles qui sont payées au sud de la frontière. Nous comparons les impôts sur le revenu des particuliers et les impôts sur les sociétés. Il n'y a pas de TPS dans ce pays-là. Nous oublions cependant que les contribuables paient plus pour le système équivalent de l'assurance-emploi et ces autres types de taxes aux États-Unis. Supposons que nous n'ayons pas de système d'assurance-maladie. Nous oublions ce qu'il en coûterait vraiment aux employeurs, à nous, pour offrir ces services à nos employés. Cela représente donc un avantage pour les producteurs et les fabricants canadiens.
Il n'y a donc pratiquement aucune différence. Il y aura fusion des institutions bancaires. Les gens choisissent simplement ce qu'ils aiment le moins. C'est ce qu'ils font ici.
• 1250
Pour ce qui est de la caisse d'assurance-emploi, tout le monde
a ses propres idées. M. Myers a recommandé de réduire de 90c. la
cotisation à la caisse d'assurance-emploi. Cela représenterait
environ 6,3 milliards de dollars. Il a également proposé
d'augmenter le fonds de prévoyance pour le faire passer de 3 à
6 milliards de dollars. Cela représente un montant supplémentaire
de 3 milliards de dollars. Je ne suis pas mathématicien, monsieur
le président, mais cela représente environ 9 milliards de dollars
qui seraient retirés du système, qui ne seraient plus là.
J'essaie simplement de dire que puisqu'il ne s'agit en fait que d'un dividende—pour lequel les Canadiens ont payé très cher en raison des réductions qu'ils ont subies—qui s'élève à environ 3 ou 6 milliards de dollars, le choix est bien simple: le gouvernement devra oublier le système d'assurance-maladie, le dividende dont les Canadiens devraient recevoir la partie qu'on leur a promise... Le choix est bien simple: ou il faut oublier l'amélioration du système d'assurance-maladie et d'autres programmes sociaux qui nous ont coûté très cher par le passé pour régler nos affaires, ou nous décidons simplement... Il n'y a même pas suffisamment d'argent pour qu'on puisse apporter les réductions proposées aux cotisations au régime d'assurance-emploi et augmenter le fonds de prévoyance... Comme certains d'entre vous l'ont dit, je suis un politicien et je crois que je dois quelque chose aux Canadiens quand on parle du dividende social. Ils ont payé au cours des deux ou trois dernières années pour qu'existe justement un dividende.
Y a-t-il des commentaires?
M. Jayson Myers: J'aimerais répondre à cette intervention, ou tout au moins aux commentaires qui ont été faits sur le fonds de prévoyance et l'assurance-emploi; et puis je demanderai à John Allinotte de répondre aux commentaires sur les niveaux d'imposition.
Pour ce qui est de l'assurance-emploi et du fonds de prévoyance, le problème, c'est que lorsqu'il y a ralentissement de l'économie, si les cotisations au régime d'assurance-emploi ne sont pas rajustées à la baisse, il se produira exactement ce que nous avons vu en 1990: les cotisations augmenteront, les emplois disparaîtront, et nous serons de moins en moins en mesure d'obtenir les ressources nécessaires pour respecter les engagements pris par le gouvernement; au même moment l'excédent, tout au moins dans la caisse, diminuera progressivement.
Il faut également se rappeler que beaucoup d'incertitude entoure le problème de l'an 2000. Le gouvernement assure, principalement grâce au ministère de la Défense nationale et également grâce aux forces policières, une solution à ce problème. Mais nous ne savons pas vraiment quelle sera l'ampleur du problème. Nous ne savons pas quel en sera l'impact sur l'économie et sur la capacité du gouvernement de prélever des impôts.
Il s'agit là de deux aspects dont le gouvernement doit tenir compte lorsqu'il essaie de déterminer s'il y aura un excédent l'année prochaine ou pas. Il doit donc prévoir ses débours en fonction de cette situation. Nous recommandons qu'une partie du fonds de prévoyance, si elle n'est pas nécessaire, soit utilisée pour réduire la caisse d'assurance-emploi.
Je demanderai maintenant à M. Allinotte de répondre à vos commentaires, monsieur Pillitteri, sur la compétitivité fiscale; enfin il n'y a pas vraiment compétitivité si on parle du point de vue du monde des affaires, particulièrement lorsqu'on ne se contente pas de se tourner vers les États-Unis, mais qu'on regarde d'autres pays où les entreprises canadiennes cherchent à investir maintenant.
M. John Allinotte: Vous dites que nous nous comparons à ce qui se passe au sud, aux États-Unis, quand nous parlons des charges sociales. Vous avez raison. Le niveau de vie des Canadiens est attribuable aux impôts directs et indirects prélevés par l'entremise des cotisations d'assurance-emploi, du financement des soins de santé ou du RPC, selon les circonstances, et il s'agit d'un meilleur niveau de vie que celui qu'on retrouve chez notre voisin de Sud. Mais lorsqu'on étudie l'impôt sur les sociétés, nous ne nous comparons pas exclusivement aux États-Unis, parce que ce pays n'est plus notre seul concurrent. Nous devons regarder ce qui se passe dans d'autres régions du monde d'où provient la concurrence, et je dois avouer que le système canadien d'impôt sur les sociétés n'assure pas une situation fiscale concurrentielle.
• 1255
Le Canada est très fier, entre autres choses, du fait que nous
avons un crédit d'impôt à l'investissement en R-D fort lucratif
afin d'encourager la recherche au Canada; pourtant on nous dit sans
cesse que nous avons un retard marqué par rapport aux autres
régions du monde.
Le problème, c'est que les compagnies canadiennes qui veulent faire de la recherche au Canada n'ont pas le choix: elles doivent habituellement déménager leurs services de recherche à l'extérieur pour vendre leurs nouveaux produits, parce que le système fiscal au Canada ne les encourage pas à passer de la recherche à la production. Par conséquent, si notre système fiscal ne se contentait pas simplement de faciliter la recherche, mais encourageait aussi l'infrastructure en assurant un crédit d'impôt à l'investissement au chapitre des installations et de l'équipement de production, les compagnies seraient encouragées à passer de la R-D, ce qui créerait de nouveaux emplois et accroîtrait la prospérité au Canada. Ce que nous vivons aujourd'hui, la croissance que nous avons connue au Canada au cours des dernières années prendra fin.
Mon domaine de connaissance est l'industrie de l'acier. Il y a une quantité incroyable d'importations des pays du tiers monde qui arrivent en Amérique du Nord et qui entraîneront la disparition de nombre d'emplois au Canada à moins qu'on ne prenne les mesures qui s'imposent, y compris l'établissement d'un système fiscal concurrentiel.
M. Gary Pillitteri: Je comprends ce que vous entendez par impôt sur les sociétés, mais j'aimerais dire quelques mots là-dessus et sur ces impôts au Canada. Nous nous trouvons à peu près au milieu des pays membres du G-7. Nous ne sommes pas celui qui a les impôts les plus élevés, mais nous ne sommes pas non plus celui qui a les impôts les moins élevés. Si vous étudiez divers types de taxes et d'impôts, ceux que j'ai mentionnés, et comparez notre situation à celle des autres pays membres du G-7, un seul pays a un total moins élevé que le nôtre, et c'est les États-Unis. L'Italie, la France, l'Allemagne et le Japon ont tous un total plus élevé que le nôtre. Le seul total qui se rapproche du nôtre est celui du Royaume-Uni. Nous avons donc étudié ces chiffres.
Nous pourrions choisir certaines questions particulières en ce qui a trait au système fiscal, mais, en réalité, dans ces pays que je viens de mentionner, tout particulièrement si nous étudions les États-Unis, la raison pour laquelle ces impôts et taxes sont moins élevés, c'est que ces pays n'ont pas les programmes sociaux que nous avons au Canada, des programmes sur lesquels nous comptons maintenant, et je pense particulièrement au programme d'assurance-maladie et aux avantages qu'il nous donne si on le compare à leur... aux États-Unis.
Je voulais simplement faire ces commentaires. Merci.
M. Jason Myers: Monsieur le président, il est évident que les services sociaux, tout particulièrement l'éducation et la santé, représentent au Canada un avantage certain pour les entreprises. Lorsque nous demandons aux entreprises quels sont les facteurs qui entrent en ligne de compte lorsqu'elles décident où investir, elles nous disent que l'accès à des travailleurs qualifiés, par exemple, est une chose très importante. C'est évident.
Puisque cela représente un avantage concurrentiel, un avantage qui coûte cher, et compte tenu du fait qu'en raison de sa taille le marché américain représente un lieu d'investissement intéressant, compte tenu... Je n'essaie pas de dire à quel point le système fiscal des pays du G-7, celui de l'Allemagne et de la France, est extraordinaire, parce que ce n'est pas le cas, mais je présenterais un argument encore plus solide si je m'adressais à un comité des finances dans un de ces pays.
Des régions comme l'Irlande et Singapour, et aujourd'hui l'Inde, sont les endroits où les compagnies internationales cherchent à investir, et nombre de compagnies canadiennes se tournent vers d'autres régions du monde. Nous perdons des employés hautement qualifiés, qui se dirigent principalement vers les États-Unis, et cette situation n'est pas exclusivement attribuable au système fiscal. D'autres facteurs entrent en ligne de compte, comme les possibilités d'avancement aux États-Unis, le fait que les entreprises gèrent mieux l'innovation aux États-Unis; les compagnies canadiennes ont beaucoup à faire pour améliorer les possibilités de carrière des jeunes Canadiens.
Je crois qu'il nous faut maintenant retenir une stratégie qui ne serait pas vraiment à long terme, peut-être une stratégie sur trois ans, pour assurer la coordination de nos efforts en matière de taxes et d'investissements. Même notre recommandation visant le programme d'assurance-emploi porte sur une période de trois ans. Je crois qu'il faut établir un système mieux coordonné et plus rationnel que ce n'est le cas en ce moment et éliminer certaines des contradictions qui existent actuellement, pas simplement dans le système réglementaire, mais dans le système fiscal également.
Le président: Merci, monsieur Pillitteri.
Avant de céder la parole à Mme Meredith, j'aimerais revenir sur une question qui touche la structure générale. Je propose depuis déjà un bon moment l'adoption d'une convention sur la productivité pour le Canada, et la productivité serait l'élément clé, et tout serait vu en fonction de la productivité. Nous savons tous que ce terme effraie beaucoup de gens. La productivité n'indique pas si les gens sont paresseux ou vaillants. La productivité est en fait la raison pour laquelle nous connaissons le niveau de vie que nous connaissons aujourd'hui; si nous ne nous attaquons pas au problème de la productivité, nous perdrons le niveau de vie que nous connaissons aujourd'hui.
Je me demande si le temps est venu au Canada de concentrer nos efforts sur cette question plus que nous ne l'avons fait par le passé; ainsi, vos arguments sur le système fiscal, les questions touchant l'innovation, l'éducation, et toutes ces autres choses, seraient perçus dans un contexte global qui concrétiserait la discussion que nous avons; ce serait préférable à une situation où tout le monde décide de s'adresser au Comité des finances ou à un autre organisme au Canada pour défendre une position particulière qui les intéresse.
Le fait est, monsieur Kirkpatrick, que lorsque vous parlez d'infrastructure, si vous l'associiez à un programme concernant la productivité, ce serait beaucoup plus logique que de l'étudier en vase clos. Pensez-vous comme moi que le temps est venu au Canada de se tourner vers l'avenir et qu'une vision à court terme sur un ou deux ans ne suffit simplement plus et qu'il faut avoir une vision à long terme dans bien des secteurs? J'aimerais savoir ce que pensent nos témoins d'une convention sur la productivité.
M. Williard Kirkpatrick: Monsieur le président, j'aimerais commencer.
Tout d'abord, je tiens à vous féliciter d'avoir bien saisi le lien qui existe entre l'infrastructure d'un pays, ses routes, ses chemins de fer, ses autoroutes, ses aéroports et toutes les autres installations, y compris les hôpitaux et les écoles, et de bien avoir compris que cela a un impact sur la qualité de la vie et la productivité d'un pays. Les pays investissent dans leur infrastructure lorsqu'ils sont pauvres, et ils deviennent riches par la suite. Je n'ai jamais vu un pays riche qui décide d'investir dans son infrastructure. L'infrastructure vient en premier.
Ainsi, si nous devons nous tourner vers l'avenir, il nous faut étudier le passé pour bien comprendre ce qui a fait de ce pays ce qu'il est. Ce qui fait du Canada un pays extraordinaire, c'est ce que nous avons investi dans nos chemins de fer, dans nos écoles et dans nos hôpitaux, et nous avons créé un pays dont le niveau de vie et la productivité ne sont peut-être pas ce qu'on voudrait, mais un pays où il fait vraiment bon vivre. Je crois que si nous n'étudions pas le passé pour comprendre comment nous en sommes venus là où nous sommes aujourd'hui, et si nous n'investissons pas de la même façon demain, nous aurons de graves problèmes dans 10 ou 20 ans.
M. Michael Atkinson: J'aimerais ajouter, pour faire ressortir l'idée que vous essayez de communiquer, que si vous étudiez l'infrastructure physique essentielle du réseau national d'autoroutes du Canada, même l'infrastructure municipale, pour laquelle le gouvernement avait jadis un programme, eh bien, il n'y en a plus; il n'existe aucun plan, ne serait-ce que pour un, deux, trois ou quatre mois. C'est assez révélateur quand on parle de l'avenir d'un pays, lorsque l'infrastructure est si importante pour sa prospérité à long terme, alors qu'il n'y a même pas de plan à cet égard.
Oubliez la taille de l'investissement. N'essayez pas de nous demander comment nous devons investir. Le fait demeure qu'il n'y a aucun plan. Aucun palier de gouvernement n'a de plan en ce qui a trait à l'entretien, à l'amélioration des infrastructures essentielles au Canada.
Je tiens à vous féliciter de la façon dont vous étudiez le problème, parce que ce n'est pas simplement un problème pour le budget actuel quand on parle de choses comme l'infrastructure, la santé, l'éducation et les autres choses dont nous avons parlé aujourd'hui. Nous devons comme pays songer aux investissements que nous devons faire aujourd'hui pour assurer que le Canada de nos enfants et de nos petits-enfants sera un meilleur endroit où vivre. Je tiens à vous féliciter de cette vision à long terme.
• 1305
Monsieur le président, un des problèmes, c'est qu'aux yeux des
politiciens «longue période» a été définie comme la période qui va
jusqu'aux prochaines élections générales et que l'«éternité», c'est
jusqu'aux élections qui les suivront. Je crois qu'une partie de
notre planification à long terme devrait porter vraiment sur le
long terme, soit 10, 20 ou 30 ans.
Le président: À notre comité, on ne pense pas en fonction des élections, mais en fonction des générations.
Monsieur Myers.
M. Jayson Myers: Monsieur le président, votre suggestion est bien logique, et nous serions fort heureux de travailler avec vous pour que ce genre de convention devienne un fait. C'est justement ce que nous devrions faire, chercher à établir une vision générale pour le Canada en ce qui a trait à une politique fiscale qui pourrait assurer la croissance de la productivité.
Si l'on songe à ce qu'a vécu l'industrie canadienne au cours des 10 dernières années, on constate que la productivité, ce n'est pas seulement une question de réduire les coûts; il s'agit également d'ajouter de la valeur, et cela est à l'origine du succès du secteur de la fabrication et de l'exportation au Canada.
Il est intéressant d'étudier l'amélioration de la productivité, la valeur ajoutée par travailleur dans le secteur de la fabrication au Canada. Ce ratio a augmenté de 34 p. 100 en dollars d'aujourd'hui depuis 1989, et toute cette amélioration a été enregistrée depuis 1992. Ce taux n'a pas suivi les mises à pied, car en effet 450 000 emplois ont disparu entre 1989 et 1992. La productivité pendant cette période est demeurée stable.
Les augmentations de la productivité se produisent lorsqu'il y a une valeur ajoutée, et cela a en fait précédé la croissance de l'emploi, les 500 000 nouveaux emplois qui ont été créés dans le secteur de la fabrication depuis 1992. L'augmentation de la productivité a précédé l'augmentation des salaires; nous avons une augmentation moyenne de 3,5 p. 100 par année maintenant. Elle a également précédé la réduction du coût unitaire de la main-d'oeuvre qui a permis d'accroître la compétitivité à long terme de l'industrie.
Ainsi, si nous pouvons prendre cette notion de productivité, qui est d'une importance extraordinaire, et faire comprendre aux gens qu'il ne s'agit pas simplement de réductions de coûts et de mises à pied, mais plutôt d'avoir une valeur ajoutée dans l'économie canadienne, nous aurons accompli beaucoup. La valeur peut prendre diverses formes, la valeur économique, l'infrastructure, les soins de santé ou l'éducation. Le problème dans une large mesure touche l'établissement de priorités qui peuvent être respectées dans le secteur financier.
Le président: Monsieur Manning.
M. David Manning: La productivité, monsieur le président, représente le premier paragraphe de tout plan d'entreprise dans notre secteur. Notre industrie doit livrer concurrence dans le monde entier. Il n'y a pas vraiment de différence au niveau des molécules, peu importe d'où elles viennent. Lorsque nous parlons aux responsables de la planification financière, qui mènent notre vie beaucoup plus que je ne veux l'avouer, ils se servent toujours de deux mots, «productivité» et «Canada», dans la même phrase lorsqu'ils parlent de la valeur de la devise canadienne.
Il faut placer les choses dans leur contexte. Je crois que nous avons le potentiel au niveau des ressources humaines. Nous avons une partie de l'infrastructure. Nous avons les établissements d'enseignement. Nous avons la population, et Dieu sait que nous avons les ressources naturelles. Mais le problème est exactement celui que vous avez identifié, soit la productivité. Vous avez bien établi ce dont nous devons discuter.
Le président: Merci, monsieur Manning.
Monsieur Déoux.
M. Patrick Déoux: Les planificateurs ne sont peut-être pas des experts en matière de fiscalité, sauf peut-être dans le domaine immobilier, mais nous sommes certainement des experts pour ce qui est de la vision. Cela fait partie de notre travail.
J'aimerais signaler que le mémoire que nous avons présenté portait justement sur une vision à long terme. Il portait sur l'investissement dans les jeunes et sur la création d'emplois pour ces derniers. Il portait sur le développement de compétences dont ces gens auront besoin au cours des prochaines années pour établir une économie saine au Canada. La création de milieux sains est directement liée à la santé dont Mme Redman parlait un peu plus tôt, la santé de la population.
Pour nous, les planificateurs, la santé est un élément très important. Nous travaillons au niveau communautaire. La qualité de la vie que nous essayons d'établir a un lien direct avec la santé des particuliers; il en va de même pour l'économie.
J'appuie donc l'élaboration d'une vision et le maintien de l'investissement du gouvernement, qui est à court terme maintenant, mais qui pourrait avoir un impact certain à long terme.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres commentaires?
Madame Dunbar.
Mme Brenda Dunbar: Je voulais simplement signaler que notre alliance est un des 29 conseils sectoriels des ressources humaines mis sur pied par Développement des ressources humaines Canada et touche une portion importante de la population active canadienne, soit plus de 60 p. 100. Le modèle établi par les conseils sectoriels est unique au Canada et met en contact les travailleurs, les syndicats, les employeurs, les enseignants, quiconque s'intéresse aux questions touchant les ressources humaines; tous ces intervenants cherchent à élaborer des programmes d'éducation et de formation pour leur industrie.
Les conseils sectoriels se réunissent également au sein d'un conseil des conseils où ils mettent en commun des renseignements en ce qui a trait aux experts-conseils auxquels ils font appel, aux plans élaborés pour atteindre les objectifs visés. Nous nous expliquons habituellement ce que nos secteurs respectifs font, les problèmes qu'ils vivent, les solutions que nous avons trouvées pour régler ces problèmes. Ce modèle est maintenant vendu à l'échelle internationale, grâce à l'ACDI, comme une nouvelle façon de réunir les parties intéressées pour les encourager à discuter des questions touchant les ressources humaines et à trouver de nouvelles solutions pour améliorer cet élément du modèle de productivité.
Plus de Canadiens devraient peut-être en savoir plus long à ce sujet. Cela s'est fait progressivement pendant les cinq dernières années. Peut-être que votre comité pourrait mettre cela à l'ordre du jour d'une conférence sur la productivité, où déjà bien des intervenants se réunissent pour discuter de questions de ressources humaines. Vous pourriez tout simplement l'inclure à l'ordre du jour.
Le président: Merci, madame Dunbar.
Une des initiatives du modèle économique canadien qu'essaient de copier les Américains fonctionne plutôt bien surtout en ce qui concerne les jeunes gens. Je me rappelle avoir annoncé que quelque mille jeunes allaient être embauchés par des grands fabricants automobiles qui, comme vous le savez, reconnaissent cette transformation du mécanicien, qui devient plutôt technicien automobile. Les conseils de secteur reconnaissent déjà ces tendances.
D'autres commentaires? Oui, allez-y.
M. Roy Wilson: Quand j'ai vu la liste des témoins pour la première fois, aujourd'hui, je me suis dit, bon Dieu, pourquoi sommes-nous ici avec tout ce monde? Cela me semblait désynchronisé, mais ce ne l'est pas du tout; au contraire. Je crois que votre idée est excellente. Les écoles feront leur part, comme nous avons fait la nôtre. Nous devons rendre des comptes; nous sommes prêts à faire face à la concurrence; nous sommes prêts à montrer nos résultats. Notre seule préoccupation est celle-là même qu'a soulignée M. Szabo de façon si éloquente. Cependant, nous nous inquiétons pour tous ces enfants qui ne peuvent pas monter dans le train de la concurrence. Alors, si nous pouvons les garder et faire en sorte qu'ils nous accompagnent, nous sommes là, nous sommes là pour vous appuyer dans ce que vous ferez.
Le président: Merci.
Madame Meredith.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, monsieur le président, pour cette occasion que vous me donnez de poser quelques questions pointues.
Je représente une circonscription de la Colombie-Britannique, juste de ce côté-ci de la frontière américaine. Je n'ai probablement pas à vous rappeler combien de gens d'affaires, combien de professionnels, combien de jeunes déménagent aux États-Unis. Ils emportent avec eux leurs actifs, ils emportent leurs dollars et ils déménagent aux États-Unis. Par exemple, un spécialiste en peinture qui achetait son matériel au Canada l'achète maintenant en Géorgie et il fonctionne à partir des États-Unis pour des raisons fiscales. Si notre pays ne voit pas les choses en face et n'agit pas en conséquence, nous nous en porterons plus mal, de toute évidence.
À cause de la nature de ma circonscription, j'ai chez moi des gens qui s'inquiètent du prix du transport des deux côtés de la frontière. Nous connaissons certaines difficultés à cause de certaines politiques américaines. Il y a le fameux Buy American, leur «Achetons chez nous». Je pose donc très précisément la question à l'industrie manufacturière et à l'industrie de la construction. Vous arrive-t-il d'avoir ce problème, c'est-à-dire ce programme de Buy American qui contrevient à l'ALENA? Que devrait faire notre gouvernement à ce propos?
M. John Allinotte: Je peux vous en parler de ce concept américain du Buy American. Nous avons constamment affaire à une industrie de l'acier nord-américaine. L'industrie canadienne de l'acier se voit accuser de faire du dumping aux États-Unis et je peux vous assurer que l'industrie canadienne de l'acier n'en fait pas du tout. Notre productivité, que nous avons augmentée pendant les 10 dernières années, fait en sorte que nous pouvons concurrencer nos adversaires américains qui se servent de leurs lois commerciales pour essayer de nous gêner.
Mme Val Meredith: J'aimerais vous parler d'infrastructures et surtout de notre réseau routier. J'ai fait deux aller-retour d'un bout à l'autre du pays, dont un sur la Transcanadienne et l'expérience a été tellement mauvaise que j'ai décidé de revenir par les États-Unis. Il n'y a pas de comparaison possible entre les deux réseaux routiers nationaux.
Je crois savoir que le prix des produits de consommation est de 20 à 30 p. 100 supérieur à cause des frais de transport. Quand vos industries et vos organismes se réunissent pour voir ce qu'on pourrait faire, est-ce là l'une des questions que vous étudiez?
J'aimerais tout simplement ajouter que je comprends qu'il faut un jour et demi de plus pour transporter quelque chose à partir de l'Asie jusqu'à Los Angeles, et pour compenser pour ce jour et demi supplémentaire qu'il faut pour transporter les biens, ils investissent 2 milliards de dollars dans un réseau de transport transcontinental pour faire concurrence aux réseaux routiers du nord des États-Unis et du Canada.
Et que croyez-vous que ce gouvernement devrait faire pour s'assurer que le Canada n'y perd pas, en bout du compte, à cause d'un réseau de transport non concurrentiel?
M. Williard Kirkpatrick: Pour répondre à cette question, tout d'abord, il nous faut un plan. Nous n'avons aucun plan pour notre réseau routier.
Deuxièmement, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites, c'est-à-dire que le réseau routier canadien est inférieur à l'américain et que cela coûte cher à nos fabricants et à nos contribuables. Sans compter que cela irrite les contribuables tous les jours. Chaque nid de poule, vous fout en rogne.
Mme Val Meredith: À vrai dire, je ne pensais guère aux nids de poule; je pensais plutôt aux routes principales qui servent à transporter les biens d'est en ouest et du nord au sud.
M. Williard Kirkpatrick: N'empêche, les frais de transport sont quand même énormes, au Canada. Le pays est énorme et le temps que les gens passent sur nos grandes routes est fonction de leur qualité. La qualité de nos routes décide du temps que nos concitoyens auront à y passer et influe donc sur leur productivité. Donc, la qualité de nos routes se répercute sur notre productivité.
En passant, d'après une autre étude, si nos routes étaient de meilleure qualité, il y aurait moins de pollution. Moins les véhicules passent de temps sur la route, moins il y a de pollution et cela nous vaut donc moins de gaz à effet de serre.
J'aimerais que mon collègue vous dise quelques mots à propos d'une des initiatives de la CRCI.
M. Michael Atkinson: Nous faisons partie d'une coalition qui comprend aussi les usagers des routes—l'industrie du tourisme, l'industrie du camionnage et ainsi de suite. Il ne fait aucun doute qu'ils nous rebattent toujours les oreilles avec ce qu'il leur en coûte pour acheminer leurs produits d'ouest en est ou du nord au sud.
Ce qui est vraiment sérieux, ce n'est pas tellement que nous soyons venus ici pour vous demander ou proposer qu'on investisse davantage dans notre réseau routier; le plus important, c'est qu'aucun plan n'a été dressé. Il y a un plan remisé sur une tablette à Transports Canada et qui a été approuvé par toutes les provinces. Le seul groupe qui n'y a pas apposé sa signature, c'est le gouvernement fédéral, mais ce plan existe.
Quant à votre question à propos de la campagne Buy American, oui, nous voyons cela de temps en temps, mais le plus sérieux ce sont les obstacles que nous imposent nos propres barrières et tarifs préférentiels interprovinciaux. À vrai dire, beaucoup de nos membres trouvent qu'il est plus facile de travailler aux États-Unis que dans une province voisine.
Mme Val Meredith: Une dernière question?
Le président: Je suis désolé, M. Myers voudrait intervenir.
M. Jayson Myers: Ce ne sera pas long. Nous sommes très au fait des problèmes auxquels font face les entreprises de la Colombie-Britannique, pas seulement parce qu'elles sont domiciliées en Colombie-Britannique, mais aussi à propos du déménagement de leurs affaires à l'extérieur de la province. Il est vrai que les barrières interprovinciales en matière de commerce ainsi que les barrières réglementaires dans le domaine des transports signifie qu'il est avantageux pour beaucoup de ces compagnies de faire transiter leurs chargements par les États-Unis plutôt que par le Canada.
Pour ce qui est du programme Buy American, c'est quelque chose que nous voyons souvent, surtout quand il s'agit d'une compagnie vendant son produit aux États américains ou aux municipalités là-bas. Cela a de véritables répercussions non seulement pour les fabricants de produits ordinaires, mais pour l'industrie de la technologie de pointe, car cela constitue une barrière importante au niveau des affaires. C'est une des raisons pour lesquelles nous nous sommes prononcés en faveur de l'Accord multilatéral sur les investissements, parce que certains de ces problèmes auraient alors commencé à faire l'objet d'études.
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C'est certainement une préoccupation importante. Nous allons
avoir d'autres pourparlers avec le ministère des Affaires
étrangères et du Commerce international ici au Canada afin d'en
faire une priorité lors de nos futures négociations avec les États-Unis,
mais aussi au niveau de l'OMC.
Mme Val Meredith: Monsieur Wilson, vous avez soulevé la question des jeunes et du besoin qu'il y a d'assurer leur bonne formation. J'ai siégé au comité de l'Immigration lorsqu'il a été question de faire venir de 5 000 à 22 000 travailleurs de l'étranger et j'aimerais savoir à quoi vous vous êtes engagés, comme industrie, au niveau des programmes d'apprentissage et de formation que vos compagnies et entreprises exigent de nos jeunes canadiens. Pourquoi devons-nous constamment nous tourner vers les pays étrangers pour aller y chercher des travailleurs habiles et compétents, des gens bien instruits, quand nous avons chez nous des jeunes qui ne trouvent pas d'emplois? J'aimerais que vous me disiez tous à quel point vous êtes sérieux lorsqu'il s'agit d'engager les fonds de l'industrie pour former ces jeunes de chez nous.
M. Williard Kirkpatrick: Notre industrie se sert du système d'apprentissage de façon très soutenue dans nos programmes de formation. Le gouvernement fédéral a diminué son financement de ce secteur de millions de dollars au cours des trois dernières années. Nous contribuons environ 80 p. 100 des frais de formation de nos employés puisque 80 p. 100 de la formation se fait en cours d'emploi. Le programme d'apprentissage est un des systèmes les plus efficaces, au niveau des coûts, au Canada. Nous participons très activement à ce programme de formation par l'entremise de la CCMMO. J'étais coprésident du Comité national sur l'apprentissage pendant un certain temps et je connais très bien les défis que nous devons affronter.
Les rangs de notre industrie se gonfleront probablement de quelque 200 000 employés pendant les 10 à 15 prochaines années, et en même temps nous perdrons nos plus employés plus âgés. Nous faisons face à un défi de taille au niveau de la formation. Nous le savons très bien et nous ferons tout en notre pouvoir, en notre qualité d'employeurs, pour relever ce défi. Cependant, nous n'avons pas l'impression que le gouvernement fédéral ait pris un engagement aussi ferme.
Le président: D'autres commentaires? Monsieur Myers?
M. Jayson Myers: D'après le dernier sondage effectué auprès de nos membres, environ 70 p. 100 des 542 compagnies manufacturières et exportatrices ont dit que le manque de personnel qualifié devenait un obstacle majeur au niveau de l'amélioration des performances et du potentiel de croissance. C'est important et il y a beaucoup de facteurs derrière tout cela.
Il ne s'agit pas tout simplement des diplômés qui sortent de nos écoles, quoiqu'on se pose de sérieuses questions à savoir si nous avons suffisamment de techniciens diplômés, d'ingénieurs, de diplômés des hautes études commerciales, de concepteurs et d'agents commerciaux. Le Canada a le taux le plus élevé de diplômés en lettres et en sciences humaines de tous les pays de l'OCDE. Il n'y a rien de mal à cela. On peut même devenir économiste et discuter comme nous tous ici présents, mais c'est un problème. Nous essayons d'encourager davantage l'immigration de travailleurs spécialisés. Mais je crois qu'une partie du programme d'ensemble sur la productivité est d'étudier les obstacles à l'adhésion des élèves au programme scolaire; nous devons aussi faire en sorte qu'ils y restent, et nous devons examiner sérieusement le contenu des cours qu'on leur offre.
Nous appuyons sérieusement programme fédéral des bourses du millénaire parce que cela constitue un apport de fonds à l'éducation au niveau des programmes d'investissements novateurs. Il est important de rétablir ainsi l'équilibre entre ce qu'il en coûte pour former un ingénieur par opposition à un étudiant en littérature et en sciences humaines.
Mais vous nous demandiez ce que fait le monde des affaires. Encore une fois, d'après le sondage, 60 p. 100 des entreprises augmentent leur budget de formation. Elles forment plus de jeunes. À vrai dire, si vous regardez du côté de la formation offerte par l'entreprise, elle très précisément reliée aux technologies dont se servent les entreprises.
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Mais je ne crois pas que beaucoup d'entreprises songent à
fournir une formation de base, ni de programmes d'alphabétisation.
Nous comptons sur le système d'éducation pour former les jeunes à
ce niveau. Peut-être plus d'entreprises devraient faire ce genre de
choses, mais l'entreprise adopte une façon de faire très ciblée.
Un des gros problèmes, c'est que les jeunes chômeurs n'ont habituellement pas la formation ni les compétences générales ni même nécessairement les compétences techniques voulues pour décrocher un de ces postes. C'est un problème de taille et c'est l'une des raisons principales pour lesquelles vous constatez cette disparité sans cesse croissante entre les jeunes employables de chez nous et les jeunes qui ne sont pas seulement employables, mais qui vont de plus en plus se laisser tenter par les occasions d'emplois très avantageuses aux États-Unis.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier sincèrement. Nous avons eu une excellente table ronde et je crois que vous avez marqué d'excellents points. De toute évidence, vous connaissez les défis auxquels nous faisons face. Il y en a beaucoup et les choix sont nombreux et il nous faut donc établir des priorités, mais il faut le faire dans un cadre qui se préoccupe non seulement du budget actuel, mais qui va bien au-delà de cela. Après tout, les nations se bâtissent; c'est un travail de longue haleine et il nous faut toujours avoir quelques cibles à long terme. C'est le seul moyen de façonner l'avenir. Merci beaucoup.
La séance est levée.