TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 23 novembre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous.
Comme chacun sait, l'ordre de renvoi du Comité des finances est le projet de loi C-43, Loi portant création de l'Agence des douanes et du Revenu du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.
Nous commencerons la séance de cet après-midi par M. Walter Robinson, directeur national de la Fédération des contribuables canadiens.
Bienvenue.
M. Walter Robinson (directeur national, Fédération des contribuables canadiens): Merci, monsieur le président. Je remercie le comité d'avoir bien voulu m'attendre alors que je m'acquittais de certaines responsabilités de garderie.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire ce que je n'ai pas eu l'occasion de vous dire la semaine dernière. Je tiens à féliciter en effet le comité de ce qu'il a fait cet automne à propos du projet de loi C-43, des consultations prébudgétaires et du rapport du groupe de travail MacKay, comme de tout autre projet de loi qui lui est renvoyé. Vous avez vraiment travaillé énormément tout cet automne.
[Français]
Cela nous fait grand plaisir d'être ici cet après-midi pour vous faire part de nos positions concernant le projet de loi C-43, qui crée l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Comme d'habitude, ma présentation sera en anglais, mais je vais essayer de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.
[Traduction]
Mes observations seront extrêmement brèves cet après-midi.
La notion d'une super agence de perception et d'administration des impôts est bonne en soi. L'idée de simplifier l'administration et de diminuer les chevauchements et le double emploi nous plaît beaucoup. Nous saluons aussi la volonté du gouvernement de se comporter davantage comme une entreprise. Le passage à une structure d'agence qui reflète ce que nous demandons depuis longtemps, à savoir un autre mode de prestation des services, est tout à fait louable. Je comparais toutefois cet après-midi pour vous faire part de plusieurs de nos préoccupations.
• 1535
Avant de me lancer dans ma carrière actuelle de défenseur de
l'émancipation des contribuables, je travaillais dans le secteur
privé, dans la prospection de la clientèle et la gestion de
programmes, pour une entreprise internationale de gérance. À ce
titre, j'ai conseillé des gouvernements sur les trois principaux
critères à respecter dans toute transition vers différents modes de
prestation des services: d'une part, faire la preuve de l'intérêt
que cela représente pour les contribuables, habituellement des
économies et/ou un meilleur service; deuxièmement, assurer la
continuité du service; et, troisièmement, toujours considérer
l'intérêt du personnel touché.
À notre avis, l'intérêt que cela peut présenter en termes d'économies est extrêmement faible. Jusqu'ici, d'après ce que nous savons, aucune province ne s'est ralliée à cette agence ou a fait savoir publiquement, par la voie d'un mémorandum d'intention, qu'elle envisageait de considérer sérieusement les mérites de l'ADRC. L'Association canadienne d'études fiscales a noté que l'Alberta et l'Ontario sont extrêmement sceptiques, étant donné les objections du gouvernement fédéral à l'adoption d'une structure d'impôt sur le revenu personnel moins progressive.
Bien que le ministère ait publié une étude impressionnante qui signale que de grosses économies découleraient d'une telle agence, surtout pour ce qui est du coût d'observation, d'après nous, cette étude repose sur l'idée que toutes les provinces adhéreraient au concept. Je répète qu'à notre connaissance, aucune province ne l'a encore fait.
Au sujet de la continuité de services, nos bureaux dans tout le pays reçoivent de plus en plus de lettres de plaintes de contribuables qui estiment avoir été traités de façon injuste ou arbitraire par Revenu Canada. Voilà pourquoi nous sommes favorables à la création d'un bureau de la protection du contribuable, comme cela a été proposé par l'Opposition officielle, afin d'atténuer les inquiétudes des contribuables au sujet d'une agence de perception toute puissante insensible aux besoins de ses clients.
Enfin, pour ce qui est des intérêts du personnel—et je sais que vous avez reçu des représentants du personnel—j'inviterais instamment les membres du comité à examiner attentivement les objections soulevées par les différents groupes d'employés de Revenu Canada. Adopter cette proposition d'agence dans le contexte des vives inquiétudes soulevées par les employés serait une erreur. D'ailleurs, cette inquiétude a une tout autre ampleur que celle exprimée et constatée par nombre d'entre nous au moment de la création de Nav Canada ou encore de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Je répète que l'idée d'une agence autonome de perception des recettes n'est pas mauvaise. Nous invitons instamment le gouvernement à s'efforcer de rallier les provinces, à calmer les inquiétudes des contribuables en adoptant la proposition de l'opposition visant à créer un bureau de la protection du contribuable et à consacrer plus de temps aux divers groupes d'employés afin de leur faire comprendre les orientations décidées par l'État, et de s'assurer leur concours.
Le gouvernement serait en effet mal avisé d'agir maintenant. Les buts visés restent tout à fait louables, qu'il s'agisse de réaliser des économies, d'adopter les méthodes de travail du secteur privé et d'instituer un guichet unique pour les contribuables. Toutefois, nous estimons que le projet de loi C-43, dans sa structure actuelle, n'atteindra pas ces buts.
[Français]
Merci de votre attention. J'attends vos questions avec impatience.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Robinson.
Nous allons maintenant passer à la période de questions en commençant par M. Kenney.
M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Réf.): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier le témoin de cette organisation, que je connais un peu.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Plus qu'un peu, j'espère.
Des voix: Oh, oh!
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Attention, il va se présenter pour le Parti réformiste.
M. Jason Kenney: C'est peu probable.
J'aimerais interroger en particulier M. Robinson sur la question de la responsabilité, dont on n'a vraiment pas encore beaucoup parlé au cours de ces audiences. Il évoque les préoccupations que nous, de l'opposition, avons canalisées, au sujet d'une diminution de la responsabilité.
Pourrait-il nous dire si, à son avis, les agents de Revenu Canada agissent de façon totalement responsable à l'heure actuelle, ou s'il arrive à l'occasion qu'ils dépassent les limites de la prudence et du raisonnable dans leurs méthodes de perception—si parfois, ils ne harcèlent pas les contribuables et n'exagèrent pas un peu. Devrait-il exister une instance indépendante, tel un ombudsman du contribuable, pour veiller à ce que les percepteurs trop zélés?
M. Walter Robinson: Merci, monsieur Kenney.
Comme Mme Torsney, j'espère que vous vous intéressez plus qu'un peu à l'organisation que je représente. Quant à l'observation de M. Discepola, je songeais justement à briguer l'investiture libérale dans Vaudreuil—Soulanges.
Des voix: Oh, oh!
M. Walter Robinson: Cela dit, je répondrai à votre question de deux façons.
Tout d'abord, pour ce qui est de l'impartialité et des méthodes des percepteurs de Revenu Canada, il est acquis que Revenu Canada et notre système comptent sur le contribuable pour respecter la loi. Nous supposons que tout le monde est honnête dans sa déclaration d'impôt. Lorsque ce n'est pas le cas, Revenu Canada est tenu de récupérer l'argent qui est dû au gouvernement canadien. Toutefois, comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous recevons de plus en plus de lettres de multiples contribuables sur différents sujets à propos desquels ils estiment avoir été traités de façon injuste et arbitraire.
Je vous dis tout de suite que, dans 50 p. 100 des cas, c'est simplement une question d'interprétation et qu'en fait, Revenu Canada s'efforce d'appliquer la loi de façon juste et équitable. Dans ces cas, c'est le contribuable qui se trompait.
Par contre, certaines lettres et certaines anecdotes qui nous ont été envoyées relèvent d'un excès de zèle. Prenez cette femme de Calgary qui, si je ne m'abuse, était quadriplégique et avait quatre personnes pour s'occuper d'elle. Revenu Canada a considéré que ces gens étaient des employés et noté qu'elle devait être accusée de retenir les impôts qu'elle aurait dû payer sur ses versements d'employeur. C'est un exemple d'application trop stricte de la loi qui s'écarte finalement de l'esprit même de la loi. On l'a interprétée littéralement.
Un bureau indépendant, tel que proposé par l'Opposition officielle, serait un pas dans la bonne direction pour gagner la confiance du contribuable—je ne dirais pas pour la «regagner», mais pour l'obtenir—puisqu'il aurait un recours quand il a l'impression d'avoir été traité de façon arbitraire.
On remarquera que la déclaration des droits du contribuable fait suite à un sentiment d'injustice remontant au début des années 80. Le ministre du Revenu de l'époque, l'honorable Perrin Beatty, a pris cette première mesure. La proposition de l'opposition irait un peu plus loin et ferait en sorte qu'on pourrait miser avec confiance sur le fait que tous les contribuables seraient traités de manière juste et équitable.
Le président: M. Lippert veut intervenir.
Nous allons écouter votre déclaration liminaire, puis nous reviendrons aux questions et réponses. Chacun aura un peu plus de temps pour intervenir.
Merci.
M. Owen Lippert (analyste principal de politiques, Institut Fraser): Merci beaucoup de me donner la parole. Le texte que j'ai distribué n'est pas disponible dans l'autre langue officielle du Canada, et je vous prie de m'en excuser. C'est à cause du délai qui nous était imparti.
Mon intervention ne porte pas sur ce qui, a priori, intéresse l'Institut Fraser, à savoir l'ampleur du fardeau fiscal au Canada. Je vais plutôt mettre l'accent sur l'équité procédurale de la perception au Canada, en indiquant l'effet que pourrait avoir sur cette équité procédurale la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada proposée par le gouvernement.
Je commencerai en disant qu'il faudrait inclure dans la loi une définition explicite de l'«équité procédurale». Faute d'une telle définition, on va appliquer les définitions de common law. Il est peu vraisemblable que la Charte des droits et libertés s'applique, sauf dans des circonstances extrêmes, car il faudrait, aux termes de l'article 7, mesurer le préjudice résultant de l'imposition, ce qui nous amènerait en terrain inconnu.
Pour ce comité, il serait à m on avis manifestement avantageux que le texte de la loi fasse explicitement référence à l'équité procédurale, car cela permettrait au législateur d'en définir la notion, au lieu de s'en remettre à l'interprétation des tribunaux.
• 1545
Dans ce contexte, il y aurait sans doute également lieu de
reconnaître explicitement un droit d'intenter des poursuites au
civil, non pas sur le montant des impôts, puisque ce droit existe
déjà, mais sur la façon dont le contribuable est traité par la
nouvelle agence. On pourrait à cet égard s'inspirer de la Loi
canadienne sur la protection de l'environnement qui permet aux
particuliers d'intenter des poursuites au civil, avec l'assentiment
du ministre, contre les personnes ou les sociétés qui, de l'avis du
particulier, enfreignent les lois de protection de l'environnement.
Comme l'ADRC doit être une agence autonome, il convient de
s'interroger sur l'applicabilité d'un tel droit.
Voilà, à mon avis, ce qu'on aimerait voir figurer dans la loi. J'ai également quelques arguments complémentaires concernant la mise en oeuvre de la mesure proposée.
Le premier consiste tout simplement à dire qu'un régime fiscal simplifié et harmonisé est plus conforme à l'équité procédurale. À cet égard, le meilleur modèle, du moins de notre point de vue et d'après nos recherches, reste évidemment l'impôt uniforme en vertu duquel chacun verse un certain montant. L'impôt uniforme fait toujours l'objet d'un débat aux États-Unis et, évidemment, dans notre pays.
Indépendamment de l'impôt uniforme, on pourrait prendre d'autres mesures. Il en est une que la nouvelle ADRC devrait se hâter d'entreprendre, c'est l'harmonisation de la fiscalité du fédéral et des provinces, notamment en ce qui concerne la perception de l'impôt sur le revenu des particuliers. Dans le régime actuel, on parle de la perception d'un impôt sur un impôt; les provinces perçoivent une partie de l'impôt fédéral. On a proposé l'imposition d'une assiette, en vertu de laquelle le fédéral et les provinces s'entendraient sur un taux d'imposition uniforme. L'avantage de cette formule, c'est que souvent, lorsque le gouvernement fédéral accorde un allégement fiscal, les gouvernements provinciaux en profitent pour hausser leur taux d'imposition de façon à récupérer les recettes ainsi libérées, si bien que le contribuable n'en voit jamais la couleur, puisque les recettes passent simplement de l'un à l'autre.
Pour plus d'information sur cette question, je vous renvoie au verso de mon document. Vous y trouverez un tableau extrait d'un ouvrage de Thomas Courchene, intitulé «Social Canada in the Millennium». Il donne des explications du phénomène. À mon avis, vous pourriez inviter l'ADRC à approfondir cette question.
L'autre thème est évidemment l'harmonisation de la TPS qui constitue, si je comprends bien, l'un des objectifs de la nouvelle ADRC. J'insiste, comme d'autres, sur l'importance de l'harmonisation de la TPS si l'on veut éviter l'effet de cascade.
Pour que l'ADRC ait une effet d'harmonisation, il faut que les provinces puissent y voir un service de perception à coût modique. Si vous regardez la documentation qui accompagne le projet de loi, il semble que le ministre milite en faveur de l'ADRC parce qu'elle donne au gouvernement la souplesse nécessaire pour conserver des comptables hautement qualifiés, afin qu'ils ne se contentent pas de passer un certain temps à Revenu Canada avant d'aller travailler pour un salaire bien supérieur dans un gros cabinet comptable; pour le ministre, c'est également la possibilité de réaménager ses ressources pour réduire ses coûts. En réalité, pour ce qui est des économies annoncées, le comité devrait demander à l'ADRC de fournir des points de repère crédibles, de façon qu'au bout d'un certain temps, on puisse véritablement mesurer les progrès réalisés.
La question se complique encore à cause de l'entente que l'ADRC semble avoir conclu avec la Commission de la fonction publique. Je ne pense pas que de ce point de vue, elle soit suffisamment indépendante. Il semble par ailleurs qu'on ait conservé le type de relations de travail caractéristique du XIXe siècle qui sert toujours de modèle d'organisation à la fonction publique fédérale et que cela entraîne des pertes, en particulier si l'on considère Revenu Canada ou la nouvelle ADRC comme une structure de connaissances et non comme une curiosité gouvernementale.
• 1550
De ce point de vue, le principe essentiel est la liberté
contractuelle. Les rédacteurs du projet de loi semblent y aspirer,
mais on peut se demander s'ils atteignent les objectifs de
renforcement de la liberté contractuelle.
Un dernier mot concernant l'intérêt de l'ADRC pour les provinces. La persistance de certaines rigidités dans le domaine des relations de travail au sein de l'ADRC semble inviter les provinces à ne pas se heurter aux mêmes difficultés si elles décident de donner leurs services de perception à contrat à l'ADRC au lieu de s'en charger elles-mêmes. Au risque ici de perdre une belle occasion. Si le Parlement aidait l'ADRC à définir un modèle nouveau et séduisant de gestion des services gouvernementaux, les provinces pourraient s'en inspirer pour faire la même chose.
En dernier lieu, la perception des impôts est une activité coûteuse et il est important de bien signifier aux contribuables que les gouvernements y attachent la plus grande attention et tiennent à s'en acquitter au moindre coût, s'affirmant comme de bons administrateurs des recettes fiscales.
Cela étant dit, j'ai fait précéder mes propositions de certaines citations sur la fiscalité qui m'inspirent habituellement dans mon travail.
Merci encore une fois de m'avoir permis de m'exprimer, et je suis prêt à répondre à vos questions en compagnie de Walter.
Le président: Merci.
Nous revenons aux questions et réponses.
Monsieur Kenny, vous avez cinq minutes.
M. Jason Kenney: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Lippert, de cet exposé très inspiré.
Vous savez sans doute que l'opposition a l'intention de présenter des amendements à ce projet de loi pour essayer d'intégrer dans la législation le droit du contribuable à une procédure juste et équitable dans la perception fiscale. M. Robinson a signalé tout à l'heure que l'initiative en avait été prise vers 1985 par le gouvernement conservateur de l'époque. En fait, la mesure ainsi proposée n'était pas une déclaration des droits du contribuable, mais plutôt un énoncé de droits, qui n'avait aucun effet obligatoire. C'était simplement une déclaration d'intention, qui constituait néanmoins une amélioration par rapport au statu quo.
Ne pensez-vous pas que nous devrions reconnaître explicitement, dans nos amendements à cette déclaration des droits du contribuable, que ce dernier a le droit d'intenter des poursuites contre Revenu Canada s'il peut faire la preuve du préjudice que lui ont causé des procédures de perception inappropriées? Ne pensez-vous pas que notre système de perception devrait comporter le droit d'intenter des poursuites?
M. Owen Lippert: Oui, il faudrait reconnaître ce droit, et c'est un principe reconnu couramment sur de nombreux sujets.
J'ai évoqué le parallèle avec le domaine de l'environnement. Toute la charte est fondée sur le principe voulant que le gouvernement est responsable de ses actions et de la façon dont il assure les services. Étant donné la nature de l'imposition, on peut se demander si elle est régie par la charte, comme je l'ai dit, mais nous pensons que la perception des impôts est un sujet d'une importance capitale pour les Canadiens et qu'elle doit s'assortir de mesures de protection.
Je considère que le droit d'intenter des poursuites au civil aurait un effet dissuasif. À mon avis, il n'occasionnerait pas un foisonnement de poursuites; on verrait, par contre, des procès intentés dans une optique dissuasive. Dans ce sens, on signifierait très clairement que dans une société démocratique, le gouvernement est responsable de ses actions à titre de fournisseur des services et qu'il est prêt à être jugé en tant que tel. J'y verrais un message très positif en matière de responsabilité.
M. Jason Kenney: Je suppose que vous approuvez l'objectif du gouvernement lorsqu'il veut supprimer certaines lourdeurs qui existent actuellement dans les relations de travail à cause de la réglementation du Conseil du Trésor en matière de gestion des ressources humaines dans le secteur public, mais vous voulez une plus grande imputabilité au sein du système.
Avez-vous étudié les expériences faites dans d'autres pays qui ont adopté ce genre d'organisme spécial, notamment le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande, pour voir si le passage à ce genre de modèle de gestion avait entraîné un recul de l'imputabilité?
M. Owen Lippert: Les deux pays que nous avons le plus étudiés—«nous» désignant l'Institut Fraser—sont la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Il y a eu également un certain changement dans ce domaine en Angleterre. Nous avons constaté qu'il y a toujours une période de transition, puisque c'est une nouvelle façon de procéder, mais qu'en fait, l'imputabilité se trouve renforcée à plusieurs égards.
Tout d'abord, entre les cadres supérieurs et le gouvernement, on voit apparaître une relation contractuelle qui consiste à atteindre certains objectifs énoncés officiellement. Voilà pour le renforcement de l'imputabilité.
Cela signifie également une relation plus directe entre l'ordre législatif et le fournisseur de services. Les fonctionnaires permanents n'ont pas autant à jouer leur rôle d'intermédiaire. En ce sens, il y a donc renforcement de l'imputabilité envers le législateur. Comme l'ordre législatif est l'institution la plus proche de l'électeur, le changement est très bénéfique.
Il occasionne également des économies, mais celles-ci ne doivent pas être surestimées, du moins à court terme. Elles se manifestent surtout à plus longue échéance. La plupart des expériences tentées dans ce domaine en sont encore à leurs premières étapes.
Le président: Merci, monsieur Kenney.
Monsieur Perron.
[Français]
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Tout comme vous, la majorité des gouvernements provinciaux sont peut-être d'accord sur le principe de cette agence, mais ils ont beaucoup de préoccupations, comme vous semblez en avoir aussi, quant à son application et tout ce qui la concerne. Quelles sont vos recommandations précises au gouvernement fédéral? Par exemple, lui recommandez-vous de remettre à plus tard la création de cette agence et de refaire son étude?
[Traduction]
M. Owen Lippert: D'un point de vue stratégique, je considère que la conclusion d'une entente avec les provinces constitue un objectif à long terme. D'une part, les provinces sont jalouses de leurs prérogatives fiscales, mais en outre, elles ne sont pas encore persuadées des avantages que leur apporterait cette nouvelle agence en matière de rentabilité de la perception. En ce sens, l'ADRC devra faire la preuve de son rendement.
• 1600
Je ne pense donc pas qu'on ait intérêt à tergiverser
actuellement, sous réserve de l'ajout de certains éléments au
projet de loi. Mais si le Parlement l'adopte—et cela ne dépend pas
de moi—, il faudrait immédiatement établir des objectifs
concernant la mesure de son efficacité et de sa rentabilité.
L'agence devra convaincre les provinces en misant non pas sur les
forces du gouvernement fédéral, mais sur son propre rendement.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Perron.
[Traduction]
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux d'être des nôtres aujourd'hui.
Monsieur Robinson, vos propos sur le coût de l'opération et l'absence d'économies pour le gouvernement me semblent très importants. En tant que chien de garde des intérêts du contribuable, votre organisme relève constamment les cas de gaspillage dans le secteur public. Le gouvernement défend ce changement en faisant valoir les économies qu'il permet de réaliser, et vos critiques sont donc particulièrement importants à cet égard.
La question de l'imputabilité, de l'équité et du bon sens dans les modalités de la perception figure parmi les revendications des Canadiens auxquelles je suis le plus sensible. Comment classeriez-vous Revenu Canada par rapport à l'IRS des États-Unis en matière d'équité et de bon sens?
M. Walter Robinson: En ce qui concerne tout d'abord les coûts, M. Brison, j'ai dit dans mon exposé que les économies annoncées dans le rapport de la consultation publique présenté au nom de Revenu Canada par Bob Plamondon, un comptable agréé que je connais et que je respecte énormément, sont très impressionnantes. Il parle de 171 à 285 millions de dollars en matière de conformité et d'un montant supplémentaire de 97 à 162 millions de dollars en coûts administratifs. Ces chiffres sont impressionnants et si l'on pouvait en apporter immédiatement la preuve, mes préoccupations ne seraient plus de mise. Mais encore une fois, ils correspondent à une hypothèse dans laquelle toutes les provinces vont adhérer au système.
Comme l'a dit M. Lippert, quel que soit l'objectif visé, on a tendance, dans la plupart de ces changements, à surestimer les économies attendues. Si l'on prend tous les autres facteurs en ligne de compte, notamment les coûts de transition, les économies sont beaucoup moins importantes, et c'est bien ce qui nous préoccupe.
En ce qui concerne la comparaison entre Revenu Canada et l'IRS, certains l'ont effectivement fait. Certains d'entre nous avons assisté à des audiences de l'IRS aux États-Unis, et je ne pense pas que ce service soit le théâtre d'abus de pouvoir généralisé.
Tout à l'heure, en réponse à une question de M. Kenney, j'ai parlé des préoccupations dont certains contribuables nous font part quant à l'équité et au discernement au sein de Revenu Canada. J'ai eu une expérience positive auprès de Revenu Canada dans la gestion de la succession de mon père. J'ai trouvé les fonctionnaires de Revenu Canada très raisonnables et équitables dans la détermination des impôts à payer. Voilà donc ce que je peux dire des fonctionnaires à qui j'ai eu affaire.
Mais encore une fois, les lettres de plaintes se multiplient. Il y en a eu 50 000 ou 53 000 l'année dernière, sauf erreur de ma part. C'est encore bien peu, par rapport aux 22 millions de déclarations de revenu et aux 14 millions de contribuables. Mais nous sommes favorables à un ombudsman ou à un bureau de protection du contribuable qui veillerait à ce qu'aucun fonctionnaire ne porte atteinte à l'intégrité et à l'équilibre du système.
M. Scott Brison: Pensez-vous que l'agence puisse se rapprocher des méthodes d'application de la loi à l'IRS, pensez-vous que ce risque existe?
M. Walter Robinson: En toute franchise, cette possibilité ou ce risque existe. Mais le risque est le même si l'on opte pour le statu quo. Je ne peux donc pas vraiment me prononcer.
M. Scott Brison: Monsieur Lippert, le rapport Mintz sur la fiscalité des entreprises, qui a été publié en juin dernier, présentait des recommandations particulières concernant la compétitivité du régime fiscal canadien par rapport à celui des États-Unis. On essaye d'aligner la fiscalité des entreprises canadiennes sur celle des entreprises américaines. J'aimerais avoir votre avis sur le rapport Mintz. Par ailleurs, pensez-vous qu'on puisse faire une évaluation semblable en ce qui concerne l'impôt des particuliers au Canada?
M. Owen Lippert: Oui, et je voudrais vous répondre dans le contexte d'une conférence organisée par l'Institut et à laquelle j'ai assisté la semaine dernière à Vancouver, sur le thème de l'exode des cerveaux.
• 1605
Cette conférence a accueilli plusieurs PDG de sociétés dignes
de confiance, notamment de jeunes sociétés de haute technologie.
Ils nous ont dit à maintes reprises que parmi les motifs qui les
incitent à quitter le Canada pour s'établir aux États-Unis figurent
le régime fiscal, non seulement le montant des impôts à payer, mais
également les combinaisons d'impôt.
Par exemple, l'impôt sur les gains en capital est très élevé. Une compagnie qui se lance en affaires reçoit beaucoup d'argent grâce à l'émission initiale d'actions, mais si l'impôt sur les gains en capital l'accapare, la société hésitera à faire son émission initiale d'actions au Canada, même si c'est là qu'elle s'est constituée. C'est ce qu'on signale dans le rapport Mintz, où l'on mentionne plusieurs autres taxes qui font apparaître une disparité entre le Canada et les États-Unis.
Il convient par ailleurs d'aborder ce problème dans le contexte plus vaste de l'Accord de libre-échange nord-américain, grâce auquel les hommes d'affaires canadiens peuvent obtenir plus facilement des visas qui leur permettent de travailler aux États- Unis et d'y lancer une entreprise.
Je pense que dans l'intérêt de la compétitivité, nous devrions nous rapprocher autant que possible des États-Unis, tout en reconnaissant qu'il existe au Canada certains avantages pour lesquels les gens sont prêts à payer un supplément. La paix, l'ordre et la bonne administration qui règnent généralement ici présentent un intérêt certain, mais veut-on vraiment chiffrer cela? Non, nous voulons continuer à en bénéficier, mais il faut, pour le moins, que la combinaison des impôts soit à peu près la même dans les deux pays.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.
J'aimerais aborder deux thèmes qui reviennent fréquemment dans les propos des témoins. Le premier concerne l'imputabilité, et le deuxième, le fait qu'aucune des provinces n'aient encore souscrit à l'agence, ce qui donne l'impression que le projet de loi est mauvais. J'aimerais aborder ces deux thèmes.
Je crois que c'est vous, monsieur Robinson, qui avez déclaré que l'idée d'une agence semblable à celle de l'inspection des aliments ne vous dérange pas à proprement parler, pour autant qu'on réalise des économies, notamment des économies d'échelle, et qu'on propose de meilleurs services aux Canadiens.
Vous reconnaîtrez avec moi, monsieur Robinson, que les petites entreprises vont largement bénéficier des économies réalisées sur les coûts de conformité. J'ai moi-même une petite entreprise et je sais que lorsqu'on a affaire, pour l'inspection des aliments, à un inspecteur au niveau fédéral, à un autre niveau municipal et à un troisième au niveau provincial, c'est très mauvais d'un point de vue commercial.
Je sais qu'aucune des provinces n'a encore donné son adhésion, mais je voudrais vous citer les propos du ministre. Lorsqu'il a comparu ici la semaine dernière, il a déclaré formellement—et je crois que je cite précisément ses propos—«Nous devons convaincre les provinces». Il est donc tout à fait prêt à mettre en place cette agence qui fera office de guichet unique, et à mettre en jeu la réputation de son ministère pour obtenir l'adhésion des provinces.
Si vous regardez l'assurance-santé, par exemple, personne n'était d'accord lorsqu'on en a fait la proposition, sauf une seule province. Aujourd'hui, tout le monde y adhère.
J'aimerais avoir votre avis à ce sujet, et ensuite, nous parlerons d'imputabilité.
M. Walter Robinson: Monsieur Discepola, vous avez raison de dire que nous souhaitons non seulement des économies d'échelle, mais également des économies de portée. Comme l'a dit M. Lippert dans son exposé, les économies d'échelle sont une notion industrielle, tandis que les économies de portée font davantage référence à la rapidité et à la souplesse dont les services gouvernementaux devront faire preuve au XXIe siècle dans leur prestation de services auprès de leurs clients, à savoir les contribuables et les citoyens du pays.
Je suis donc d'accord avec vous. Nous ne sommes pas opposés à cette formule nouvelle de prestation de services vers laquelle s'oriente le gouvernement.
Je voudrais, si vous me le permettez, faire une mise en garde que je n'ai pas eu l'occasion d'exprimer dans mon exposé. Contrairement au mode différent de prestation de services qu'on a pu voir en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, nous ne voyons pas de motivation politique de la part du gouvernement dans cette initiative de modification de la prestation de services. Celle-ci semble être le fait de la bureaucratie et résulter d'un point de vue personnel. Nous préférerions la voir découler d'une volonté politique, comme celle de Michael Heseltine au Royaume-Uni et de Sir Roger Douglas, au sein d'un gouvernement socialiste, en Nouvelle-Zélande. Voilà le genre de motivation qu'on aimerait voir. Cela étant dit, le coup d'envoi est quand même donné.
• 1610
En ce qui concerne vos commentaires sur les propriétaires de
petites entreprises, vous avez tout à fait raison. Ils préfèrent
pouvoir s'adresser à un point de service unique. Comme nous l'avons
dit dans nos recommandations, il vaut mieux, dans l'intérêt de la
simplicité, proposer un point de service plutôt que trois.
Pour ce qui est de gagner la confiance des provinces, je voudrais vous signaler l'étude du Canadian Tax Journal et de l'Association canadienne d'étude fiscale, qui signale que les provinces, en particulier l'Alberta et dans une certaine mesure l'Ontario... Il va être assez difficile de gagner la confiance des provinces après les avoir critiquées constamment, et comme l'a dit M. Lippert dans son exposé, il sera difficile de démanteler le régime d'impôt sur l'impôt qui s'applique actuellement dans ce pays.
En ce qui concerne la confiance, comme l'a dit Stockwell Day, trésorier de l'Alberta, cette province craint qu'en adhérant à cette super agence et en y adaptant son régime fiscal, elle renonce à une partie de ses arguments en faveur d'une approche coopérative dans la politique fiscale. Actuellement, cette approche coopérative n'existe pas...
M. Nick Discepola: Mais vous faites ici référence à la politique fiscale. Le projet de loi porte sur l'administration fiscale.
M. Walter Robinson: Me permettrez-vous de terminer ma réponse, monsieur Discepola?
L'Alberta attend de voir comment les choses vont évoluer, car elle veut une structure de coopération entre le fédéral et les provinces. Comment peut-on espérer rallier les provinces autour d'une nouvelle agence lorsqu'elles n'ont pas confiance en les actuelles ententes fédérales-provinciales? Voilà la question que je vous pose.
M. Nick Discepola: Vous faites référence aux priorités des provinces dans l'établissement de leurs propres politiques fiscales. Ce projet de loi n'a rien à voir avec la politique fiscale. Il concerne l'administration fiscale au nom des provinces. Celles-ci bénéficieront de la même souplesse.
Ma question est la suivante: Faut-il attendre l'adhésion de 2,3 ou 4 provinces avant d'adopter ce projet de loi? Si vous le jugez bon, que reprochez-vous à la démarche du ministre? Je pense qu'on va économiser sur les coûts, quel que soit le nombre des provinces qui y adhèrent. Pourquoi le ministre ne peut-il pas dire: «Allons de l'avant, et tant mieux si les provinces nous rejoignent progressivement par la suite»?
Je ne pense pas qu'on puisse laisser le projet de loi de côté pour la seule raison qu'aucune province n'a encore donné son accord. Voilà ce que j'en pense.
M. Walter Robinson: J'apprécie la question, et j'y réponds de la façon suivante: Étant donné que ce projet de loi a déjà été retardé à deux reprises, à cause de certaines préoccupations en matière d'imputabilité, auxquelles le gouvernement a répondu—il a remanié son projet de loi—ne serait-il pas préférable que le gouvernement remette son ouvrage sur le métier une fois de plus?
Si vous voulez mettre en place une institution qui va durer non pas un an ou deux, mais plusieurs générations, pourquoi ne pas prendre votre temps, comme les quatre partis d'opposition l'exigent? Pourquoi ne pas réfléchir encore six mois ou un an, plutôt que d'invoquer la guillotine pour précipiter l'adoption du projet de loi à la Chambre? Pourquoi ne pas attendre afin d'amorcer des discussions avec les provinces...?
M. Nick Discepola: Il est très difficile de convaincre simultanément toutes les provinces. Voilà ce que j'en pense. Chacune défend ses propres intérêts. Le Québec n'en voudra jamais, le Québec aura des élections provinciales l'année prochaine.
Venons-en à ma deuxième question, car je sais que le président va me couper la parole.
Le président: Je n'ai nullement l'intention de faire cela, monsieur Discepola.
M. Nick Discepola: Non? Merci.
Sur la question de l'imputabilité, la principale différence entre le projet de loi actuel et la première ébauche tient à nos préoccupations concernant le manque d'imputabilité au niveau ministériel. Il y a cinq ou six dispositions dans le projet de loi actuel... Par exemple, l'article 6 précise que le ministre reste imputable, l'article 87 indique que le vérificateur général vérifie toujours la comptabilité de l'agence, l'article 89 prévoit une révision obligatoire de la loi tous les cinq ans, l'article 59 prévoit une révision obligatoire des mécanismes de recours par une tierce partie au bout de trois ans et l'article 49 oblige le ministre à soumettre un plan d'entreprise au Conseil du Trésor et au cabinet.
Il y a donc beaucoup d'obligations redditionnelles prévues dans les différentes clauses du projet de loi. Pourquoi cela ne vous rassure-t-il pas?
M. Owen Lippert: Mon argument, c'est qu'il est question de l'obligation de l'agence de rendre compte au ministre. C'est important, mais il importe surtout de rendre des comptes aux contribuables, parce que ce n'est pas le ministre du Revenu national qui porte les gouvernements au pouvoir, ce sont les contribuables.
Il me semble, étant donné que vous êtes en train de passer d'un ministère hiérarchique à un organisme autonome, que ce serait une excellente occasion de rassurer le public en lui disant que c'est à lui que nous rendons des comptes. Bien sûr, il est important que le ministre soit clairement désigné comme le ministre responsable de l'agence, mais il y a une plus grande responsabilité qui n'a pas été nécessairement définie explicitement.
M. Nick Discepola: Par exemple, quel genre d'obligations redditionnelles jugeriez-vous souhaitables?
M. Owen Lippert: Je crois qu'elles sont énoncées dans les amendements proposés par l'opposition, mais il y a un grand nombre de procédures...
M. Nick Discepola: Nous n'avons pas encore vu les amendements, c'est pourquoi je vous demande de les expliquer.
M. Owen Lippert: Ah bon.
M. Garry Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Ah, je vois. Ils les leur ont remis afin qu'ils puissent préparer leurs arguments.
M. Owen Lippert: Non, je ne suis au courant de rien.
Il y a par exemple le droit d'appel et un certain engagement de régler rapidement les différends. Il ne faut pas oublier que le droit criminel garantit maintenant la tenue d'un procès dans les six mois. Pourquoi n'existe-t-il pas le même genre de critère lorsqu'il s'agit de quelque chose d'aussi important que la perception des impôts?
M. Nick Discepola: Pourquoi cela changerait-il avec la structure de l'agence? Je ne comprends pas pourquoi les Canadiens ne pourraient pas faire appel.
M. Owen Lippert: C'est fortuit lorsque cela se produit, et ces principes d'équité procédurale devraient être clairement énoncés et intégrés au projet de loi. Cela aurait l'avantage de rassurer le public alors qu'il ne comprend pas à quoi rime la création de cette agence. De fait, cela serait très utile. Je pense que cela serait plus attrayant pour l'électeur, qui se demande toujours ce qui se passe dans cette ville.
M. Nick Discepola: J'ai hâte de voir les amendements, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Discepola.
Monsieur Robinson, j'aimerais revenir à la première page de votre mémoire, où vous dites que vous appuyez l'objectif consistant à simplifier l'administration et à réduire les chevauchements, ainsi que la volonté du gouvernement de fonctionner davantage comme une entreprise. De plus en plus de Canadiens le réclament.
Quiconque se lance en affaires s'est assuré qu'il existe un marché, n'est-ce pas? Je ne pense pas que beaucoup de gens se lancent en affaires avec un contrat écrit. Ils ont des clients potentiels—un marché potentiel—mais bien peu commencent avec des contrats en poche. Je pense que quiconque a travaillé dans le monde des affaires en conviendrait. Si vous êtes chanceux, vous avez certains contrats, mais bien peu d'investisseurs en ont.
C'est assez juste, non? Si vous croyez que cette agence devrait fonctionner davantage comme une entreprise, vous devez donc accepter aussi le jeu des forces du marché et le fait que les provinces peuvent aussi faire partie de la «clientèle» de cette agence.
M. Walter Robinson: Oui, je suis d'accord, mais il y a une différence. Lorsque nous parlons du modèle de l'entreprise privée, nous faisons référence à un mouvement général dans l'ensemble de la fonction publique. Les rapports sur le rendement des ministères présentés cette année font état des programmes et des services offerts. Ils sont établis suivant des matrices, au lieu de faire état des objets de dépenses et des crédits parlementaires—ce qui était autorisé par le Parlement et ce qui ne l'était pas. Cela ressemble donc davantage au modèle de l'entreprise privée. C'est ce à quoi je faisais allusion.
Pour faire suite à vos commentaires, cette agence commence avec une longueur d'avance si on la compare aux nouvelles entreprises, en ce sens qu'elle jouit d'un marché captif. Et pour de nombreuses personnes, ce «marché captif» peut être défini de plusieurs façons lorsqu'il est question de Revenu Canada. Dans un sens, l'agence a donc déjà des contrats. Nous sommes obligés de payer des impôts. Nous donnons à l'État le droit de les percevoir. L'agence commence donc avec un marché assuré.
Bon nombre de nouvelles entreprises vont commencer avec des marchés mal définis—que vous soyez Microsoft ou Netscape, vous ne savez pas comment l'entreprise va évoluer—et il y a un élément d'incertitude. Pour répondre aux commentaires de M. Discepola, je me demande pourquoi on ne peut prendre un peu plus de temps de manière à envisager l'avenir avec plus de clairvoyance, déterminer si on peut obtenir l'adhésion des provinces et voir si on peut régler les problèmes fondamentaux.
Comme je l'ai aussi recommandé dans mon exposé, le troisième élément dont il faut tenir compte dans une transition vers un nouveau mode de prestation des services ou changement d'orientation ou de structure, ce sont les intérêts du personnel. D'après les réactions du Syndicat des employés de l'impôt et de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, nombreux sont ceux qui s'opposent vivement au projet. Nous n'avons pas vu ce genre de réaction dans le cas des autres modèles d'agence, qu'il s'agisse de l'ACIA, l'Agence d'inspection des aliments, ou de Navigation Canada. Ce dernier organisme a été structuré différemment parce que les employés ont joué un rôle dans la création du conseil d'administration.
• 1620
Si vous voulez vous lancer en affaires, vous ne voulez pas que
vos employés soient prêts à déclencher la grève dès le départ.
Voilà comment je répondrais à votre question.
Le président: Mais je ne suis pas sûr que vous avez répondu à l'argument voulant que cette agence puisse en fait compter les provinces parmi ses clients. Ne croyez-vous pas que si vous commencez avec une province ou deux et que les autres provinces voient que ce service est efficace et qu'il permet de réduire le chevauchement, elles vont alors se rallier à l'agence? N'est-ce pas la façon...?
M. Jason Kenney: Et qu'en est-il de la TVH?
Le président: Eh bien, c'est...
M. Jason Kenney: C'est une toute autre question.
Le président: C'est une autre histoire, mais j'ai une question pour vous. Ne croyez-vous pas que c'est l'évolution naturelle des choses?
M. Walter Robinson: C'est une évolution naturelle, mais l'agence n'a pas encore l'appui d'une province ou deux, et il lui sera assez difficile à mon avis d'obtenir leur confiance étant donné les objections soulignées par Stockwell Day. D'ailleurs, M. Eves a dit des choses semblables par le passé.
Je reviens à la même objection: pourquoi l'imposer? Oui, dans un sens, vous connaissez vos clients; ce sont les 22 millions de contribuables canadiens. Mais vos autres clients éventuels—les 10 clients principaux, à savoir les provinces—leur adhésion n'est pas acquise. Pourquoi ne prenez-vous pas plus de temps pour, comme on dit dans le monde des affaires, étudier davantage le marché? Déterminez leurs besoins, voyez ce qu'il faut faire pour les convaincre, puis reculez pour mieux sauter, parce que sans l'adhésion des provinces, nous ne pensons pas qu'il y aura de véritables économies de coûts, ce qui constitue le premier critère: prestation d'un meilleur service aux contribuables et/ou économie de coûts.
Le président: Mais le monde est en constante évolution, n'est-ce pas? Nous assistons à l'arrivée de nouvelles technologies et de nouveaux services grâce à la mondialisation. Ne croyez-vous pas que les organismes gouvernementaux devraient se moderniser?
M. Walter Robinson: Absolument, monsieur Bevilacqua, et ils peuvent le faire dans le contexte de leur structure actuelle. Pour accroître la confiance des contribuables, Revenu Canada pourrait, entre autres, leur donner accès au système de transmission électronique des déclarations partout au Canada au lieu de les obliger à passer par des intermédiaires qui exigent des frais pour transmettre leurs déclarations. Il est des mesures qui peuvent être mises en oeuvre à Revenu Canada aujourd'hui ou demain grâce à l'application de la technologie, pour la prochaine année d'imposition, sans avoir à recourir à un mécanisme d'exécution comme l'agence.
Revenu Canada peut mettre le projet d'agence de côté—pas sur la tablette, mais de côté pendant six mois—et demander aux intervenants comment le ministère peut les rassurer. Surtout pour obtenir l'adhésion de certaines provinces. En effet, vous voulez obtenir l'appui des principaux joueurs sur le plan de la perception des impôts, car ce sont eux qui auront probablement les plus grandes réserves.
Je tiens à répéter que nous ne sommes pas contre l'idée; c'est une question de mise en oeuvre. Si vous voulez procéder efficacement, n'avancez pas de deux pas pour vous rendre comte ensuite que vous vous êtes trompé et que vous devez reculer de quatre pas. Prenez votre temps et faites les choses comme il faut.
Le président: Vous n'avez donc pas beaucoup confiance.
Vous êtes en faveur du concept. Vous avez dit que le concept d'une super agence de perception et d'administration des impôts, du point de vue conceptuel, est valable. Mais pour concrétiser des idées abstraites, il faut prendre des mesures concrètes. C'est comme ça que ça marche. Vous ne pouvez vous contenter de réfléchir au concept toute votre vie. Vous devez avancer.
M. Walter Robinson: Oui.
Le président: Et pour avancer, il faut prendre des mesures législatives et faire le nécessaire pour concrétiser le concept que vous appuyez.
M. Walter Robinson: Oui, je suis d'accord avec vous, monsieur Bevilacqua. Vous élaborez un plan pour passer de la vision à la réalité. Nous avons bien une vision. Mais je ne pense pas que le plan, c'est-à-dire le projet de loi C-43, vous permettra d'atteindre cette réalité. J'ai confiance en l'avenir, mais ce plan ne nous permettra pas de concrétiser la vision que nous avons pour l'agence du revenu. Voilà où nous divergeons d'opinion.
Le président: Cependant, vous êtes en faveur du concept et de l'idée maîtresse.
M. Walter Robinson: Je suis en faveur d'une réduction des coûts.
Le président: C'est la partie la plus difficile, soit dit en passant. Définir l'idée et le concept est la partie la plus difficile. Y parvenir en commençant par la fin est plus facile comme on le pense.
M. Walter Robinson: Je ne ferais pas cette généralisation. Cela dépend. Le problème se trouve dans les détails dans ce cas-ci. Je ne généraliserais pas de la sorte peu importe le dossier.
Le président: D'accord.
Madame Phinney.
Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai une lettre de M. Dhaliwal. Lorsqu'il a témoigné devant ce comité la semaine dernière, il a dit qu'il déposerait des notes sur le coût de l'élaboration du projet d'agence et les coûts liés aux ressources humaines. J'aimerais les déposer maintenant.
Le président: Merci.
Mme Beth Phinney: Et j'aimerais faire un bref commentaire sur le sujet abordé par les deux derniers témoins.
Même si tout le monde a dit qu'aucune province n'avait donné son adhésion, aucune province n'a dit qu'elle refuserait de le faire. Comme quelqu'un l'a déjà mentionné, je pense que c'était M. Lippert, lorsque l'agence sera créée—et elle n'existe pas encore; ce n'est qu'un concept—le processus sera graduel, et l'agence devra gagner la confiance du public. Mais les provinces auront un mot à dire dans le fonctionnement du système de perception des impôts dont elles feront partie, et c'est quelque chose qui leur plaît.
J'aimerais citer une lettre écrite par Ernie Eves:
Il n'a certainement pas dit qu'il n'adhérerait pas. Il dit exactement ce que nous affirmons: que si l'agence peut faire ses preuves, l'Ontario verra alors qu'il y a des avantages. C'est tout ce que je voulais dire.
M. Owen Lippert: J'aimerais donner mon point de vue sur cette perspective à long terme et ne pas traiter des questions tactiques éventuelles.
Au Canada, le secteur public représente près de 50 p. 100 du produit intérieur brut. La fonction publique fédérale et provinciale est imposante. Comme le fardeau fiscal devient excessif et que des compressions s'imposent, la bureaucratie ne pourra pas rester intacte.
Je crois que dans de nombreux cas, les provinces hésitent à souscrire au projet précisément parce qu'elles veulent éviter tout conflit à ce sujet avec les syndicats et les différentes organisations qui s'y opposent au nom de la sécurité d'emploi. En fait, une certaine insécurité d'emploi pourrait contribuer sensiblement au rendement de la nouvelle agence.
Les ministres des provinces, voyant le conflit qui se prépare, veulent éviter le plus longtemps possible tout affrontement avec leurs fonctionnaires à ce chapitre. Peut-être que le gouvernement fédéral, au lieu de s'en laver les mains, devrait dire qu'il est prêt à agir.
Nous croyons que le gouvernement peut être administré différemment. Nous croyons en fait que nous pouvons briser le moule qui a fait que les impôts au Canada sont parmi les plus élevés au monde. Si l'agence peut montrer clairement que de nouveaux principes sont utilisés, les provinces vont se dire: «Ils ont réussi, nous pouvons y arriver.»
Les deux ordres de bureaucratie ne pourront survivre tel quel au XXIe siècle.
Mme Beth Phinney: Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Lippert, ce que vous dites sous le point no 3 me fascine. On y lit ceci:
Pouvez-vous expliquer votre pensée, s'il vous plaît?
M. Owen Lippert: D'après ce que je comprends, puisque je n'ai jamais travaillé à titre de fonctionnaire, tout est réglementé par un ensemble démesuré de règles, des congés annuels aux pauses café en passant par tout le reste. Peut-être qu'à une certaine époque, c'était justifié, parce que les institutions gouvernementales étaient assez statiques.
Dans un ministère comme Revenu Canada, il ne suffit plus d'estampiller des dossiers; la connaissance et l'interprétation des règles fiscales sont importantes, c'est un bien très précieux. Pourquoi ne pas donner au ministère la marge de manoeuvre voulue pour qu'il dise «C'est aujourd'hui le 31 mars. Nous avons besoin de tout le monde, et nous allons adopter une démarche différente»? C'est le genre de souplesse qu'il faut avoir pour garder les comptables chevronnés.
• 1630
Vos meilleurs comptables se voient offrir des postes non
seulement à Toronto, mais à New York, à Hong Kong et à Genève. Vous
avez beaucoup investi pour les former. Ça ne suffit pas de dire
«Parce que nous avons peur de déroger à la règle, nous n'allons pas
verser à nos meilleurs employés le salaire qu'ils toucheraient dans
le secteur privé». Sans cela, il y a une diminution du personnel
hautement qualifié dans la fonction publique.
Mme Karen Redman: Je vous remercie beaucoup.
Un membre de ma Chambre de commerce locale s'intéresse de près aux affaires gouvernementales, et elle travaille en fait comme comptable agréé. Elle a posé exactement la même question au ministre Dhaliwal lorsqu'il s'est rendu dans ma circonscription l'été dernier; elle a dit que si nous voulions les meilleurs éléments, il nous faudrait rivaliser avec le monde des affaires.
M. Owen Lippert: Cela s'applique également aux autres ministères. Il vous faudra agir conserver les gens les plus qualifiés car ils ont des choix qui ne leur étaient pas offerts il y a 10 ou 15 ans.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Merci, madame Redman.
Je cède la parole à M. Szabo pour une dernière question.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Curieusement, tout le monde a toutes sortes d'idées ou de propositions pour améliorer la Loi de l'impôt sur le revenu et les règles connexes. Je ne crois pas que les questions que nous étudions en ce moment influent sur notre capacité de le faire.
M. Lippert a mentionné les droits des contribuables, notamment pour ce qui est du règlement rapide des questions fiscales. Je pourrais vous parler d'un grand nombre de cas, mais laissez-moi vous donner un exemple bien simple.
Un contribuable a déclaré une perte au titre d'un placement d'entreprise et Revenu Canada l'a contestée, en exigeant des pièces justificatives. Il s'avère qu'il s'agissait d'un placement dans une coentreprise. Quelques 2 000 contribuables avaient subi des pertes dans cette vaste affaire. On a constaté qu'il n'y avait ni livres, ni pièces justificatives légitimes pour les dépenses, et les pertes n'ont pu être déduites.
Ma question est donc la suivante. Est-ce que vous dites que tous les contribuables devraient pouvoir régler rapidement toute question relative aux cotisations, dans un délai établi arbitrairement—je crois que vous avez mentionné un délai de six mois—ou est-ce que cela devrait être à partir du moment où Revenu Canada a reçu toute l'information nécessaire pour déterminer le montant de la cotisation fiscale?
M. Owen Lippert: Je ne pense qu'il y ait de chiffre magique, comme six mois ou un an. Même dans l'exemple que vous m'avez donné, si en fait ces personnes avaient commis des actes frauduleux...
M. Paul Szabo: Non, ce n'était pas une fraude. C'était des investisseurs, et il s'est avéré qu'aucune comptabilité n'avait été tenue. Il s'agit d'un projet d'aménagement foncier aux États-Unis, etc. Ils se sont fait arnaquer, et ils ont déclaré des pertes en suivant les conseils qu'on leur avait donnés.
L'affaire s'est étirée sur deux ans, et ils se sont tous fait rouler. Ils se sont tous plaints à Revenu Canada et ils se sont sans doute plaints à M. Robinson de l'intransigeance de Revenu Canada qui ne leur a pas permis de défalquer des sommes sans les pièces justificatives exigées en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.
M. Owen Lippert: Ce que vous pouvez faire—et il existe maintenant de la documentation sur les règles relatives aux arriérés—c'est dire «Écoutez, nous allons établir une date limite pour la présentation des faits avant qu'une décision soit prise. S'il existe des circonstances atténuantes, nous pourrons en discuter, convenir que le dossier ne peut être réglé en un an, et qu'il en faudra peut-être deux.»
Nous voulons éviter les situations du genre Jarndyce c. Jarndyce, Bleak House où les litiges fiscaux s'éternisent. Je viens d'apprendre qu'une cause est en suspens depuis 30 ans. Je ne pense pas que des délais pareils servent les intérêts des Canadiens, des partis, ou du gouvernement.
Revenu Canada n'était pas seul en cause—il y avait également des problèmes inhérents au système judiciaire ainsi que d'autres difficultés—, mais les délais retiennent l'attention.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Robinson et monsieur Lippert, je vous remercie beaucoup de vos commentaires. Comme toujours, nous sommes ravis de les entendre et nous en tiendrons certainement compte pendant l'étude de ce projet de loi.
J'aimerais maintenant profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue à M. Jehad Haymour, de Fraser Milner.
Bienvenue. Vous pouvez commencer.
M. Jehad Haymour (à titre personnel): Je crois avoir égaré mon mémoire en chemin. On l'a pris pour le photocopier. Malheureusement, je n'ai pas d'exemplaire à distribuer aux députés, mais j'ai préparé une brève déclaration liminaire.
Le président: Je vais suspendre la séance pendant deux minute afin que nous puissions retrouver votre mémoire.
M. Jehad Haymour: Merci.
Le président: Je déclare la séance ouverte à nouveau et je souhaite la bienvenue à M. Jehad Haymour.
Vous pouvez commencer.
M. Jehad Haymour: Honorables députés, mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant ce comité aujourd'hui. Je suis fiscaliste à la société d'avocats Fraser Milner et je travaille dans le domaine du règlement des contentieux fiscaux et des différends avec Revenu Canada.
J'ai travaillé des deux côtés dans ce genre de différends. Pendant plusieurs années, j'ai représenté Sa Majesté la Reine du ministre du Revenu national dans ce genre de dossiers, et je représente actuellement des particuliers et des sociétés canadiennes dans leurs différends avec Revenu Canada.
J'ai eu l'occasion d'examiner le projet de loi C-43, portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Comme d'autres contribuables, je suis en faveur de tout changement dans les systèmes et structures du gouvernement qui se traduirait par une efficacité accrue et des économies. Ce genre de changement améliore les processus qui nous régissent, simplifient le fardeau fiscal et réduisent la bureaucratie que nous devons tolérer dans nos rapports avec le gouvernement, y compris au chapitre des impôts.
Je dirais que si ces objectifs peuvent être atteints, la Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada devrait être mise en oeuvre et l'agence devrait être créée, parce que son but est d'améliorer les relations entre les autorités fiscales et les Canadiens. Toutefois, j'ai certaines réserves quant à la structure qui est proposée, et je vous les soumets respectueusement.
Une de mes réserves a trait aux incitatifs axés sur le rendement décrit dans le projet de loi, plus précisément à l'alinéa 51(1)e) du projet de loi. On pourrait qualifier la structure proposée de croisement entre un centre de profits et un centre de coûts. Lorsque je parle d'un centre de profits, je fais référence à une structure où le rendement est lié à la rentabilité d'une unité ou d'un centre donné. Dans le cas d'un centre de coûts, le rendement est lié à certains frais ou à certains éléments de dépense de cette unité.
Même s'il n'est pas prévu que l'agence soit un véritable centre de profits, il faut, en vertu de l'article 47 du projet de loi, énoncer les objectifs et fournir les plans opérationnels et financiers qui vont lui permettre de les atteindre. De plus, conformément au mandat décrit à l'alinéa 51(1)e), l'agence peut accorder des primes aux employés pour les récompenser de leurs résultats exceptionnels. Je conviens que les pratiques de ce genre sont normales et nécessaires en affaires. Cependant, j'estime qu'il faut s'assurer qu'on ne prend pas de libertés, au détriment des contribuables canadiens, pour atteindre ces objectifs.
Je sais bien que les employés de Revenu Canada ont une tâche difficile et peu enviable, car ils sont chargés de percevoir la TPS et d'appliquer la Loi de l'impôt et les lois sur les douanes à une époque où nous croyons tous que nous sommes surtaxés. Pour la plupart ils font des efforts louables pour s'acquitter de leurs fonctions.
• 1645
Cependant, j'ai aussi été témoin d'un manque de compassion et
des libertés ont été prises alors qu'aucune n'aurait dû l'être, ni
selon la loi ni dans la pratique. J'ai été témoin d'un manque de
compassion à l'endroit d'une quadriplégique handicapée de la parole
qui s'est vu saisir sa pension d'invalidité de 1 200 $ par mois et
qu'elle ne pouvait plus subvenir à ses besoins.
J'ai aussi été témoin de situations où Revenu Canada avait imposé des cotisations de TPS très mal fondées que le ministère cherchait résolument à percevoir, alors qu'elles faisaient l'objet d'un appel. Si la main droite s'était souciée de ce que faisait la main gauche, il est évident qu'aucune mesure de recouvrement n'aurait été prise dans les circonstances, car on pouvait supposer que la cotisation serait en grande partie annulée.
À propos du deuxième exemple que j'ai cité, Revenu Canada m'a signalé que son mandat était de percevoir la somme due en utilisant tous les moyens possibles. Le ministère essayait en l'occurrence de recouvrer la créance auprès d'un actionnaire et d'un directeur de la société alors qu'il s'agissait d'une dette d'entreprise, et que les dispositions de la Loi sur la taxe d'accise sont très précises—mesure, à mon avis, injustifiable en droit.
Je m'abstiendrai de disserter davantage sur ces questions et d'entrer dans les détails, car je vous donne ces exemples uniquement pour éveiller l'attention. Si nous créons une agence où l'on offre aux employés des incitatifs axés sur le rendement, comment empêcher les abus?
Je dirais que Revenu Canada est la première agence de recouvrement au Canada. En liant la prime et l'avancement d'un agent de recouvrement à un rendement exceptionnel, ne lui donne-t-on pas toute liberté de se montrer impitoyable et de prendre tous les moyens nécessaires pour recouvrer une dette, peu importe les circonstances? Le vérificateur de l'agence doit-il évaluer le rendement d'après la valeur des cotisations imposées, plutôt qu'en fonction du temps nécessaire à l'exécution d'une tâche? Pour justifier le temps consacré, l'agent s'acharnera à trouver quelque chose d'inexistant. Voilà ce que je crains.
Sur le plan des incitatifs axés sur le rendement, nous devons nous assurer que ces critères sont adéquats et n'entraînent aucune injustice. Je ne dirais pas que c'est voué à l'échec, mais je crois qu'il faut être très prudent dans l'établissement des critères d'examen du rendement. Ces critères doivent être objectifs, et à certains égards, ils ne peuvent être liés à un élément pécuniaire.
On pourrait songer à accorder à un tiers le droit d'évaluer certaines mesures et certaines circonstances. Ce serait utile à la condition que cela n'alourdisse pas la bureaucratie et ne ralentisse pas le processus.
Une structure, recommandée par le parti de l'Opposition officielle, comporterait un bureau de la protection des contribuables qui confierait à un tiers indépendant, le bureau du défenseur, le droit d'examiner les plaintes et les actes de l'agence. Ce bureau jouerait le rôle d'ombudsman et ferait rapport au Parlement de la même façon que le vérificateur général.
Je trouve cette recommandation intéressante. Je suggérerais d'imposer certaines restrictions, car ce bureau risque de se trouver submergé de demandes d'intervention étant donné le caractère personnel des impôts. L'impôt est une question très personnelle. Quelles que soient les mesures prises, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification a le sentiment que Revenu Canada l'accuse de tricher, même s'il n'en est rien. Par conséquent, si vous établissez un bureau de la protection du contribuable, il faut clairement en définir les responsabilités, faute de quoi le bureau sera submergé de demandes. Vous n'aurez créé qu'une bureaucratie plus lourde que celle qui existe déjà.
• 1650
Une autre possibilité à examiner consiste à reconnaître à la
Cour canadienne de l'impôt la compétence d'examiner certaines
questions. À l'heure actuelle, tout appel interjeté contre une
décision du ministre du Revenu national ou une cotisation imposée
par Revenu Canada va devant la Cour canadienne de l'impôt qui a
l'habitude de ce genre de dossiers. Vous avez un procès où des
témoins comparaissent et où l'on présente des preuves
supplémentaires. Néanmoins, la Cour canadienne de l'impôt a des
pouvoirs limités et peut seulement appliquer la Loi de l'impôt sur
le revenu telle qu'elle la comprend et l'interprète.
Peut-être faudrait-il songer à conférer aux contribuables davantage de pouvoirs pour résoudre certaines questions et leur donner des garanties pour certains actes plus contestés de l'agence.
Je crains également—et je serai bref—que l'on ne fait qu'alourdir la bureaucratie. L'agence est organisée de telle façon qu'elle sera gérée par le commissaire et un conseil de direction composé de 15 administrateurs qui superviseront l'administration de l'agence. Le rôle du commissaire s'apparente à celui que joue actuellement le sous-ministre. Le commissaire fera rapport à un conseil de direction, lequel recevra des instructions du ministre et rendra des comptes au Parlement. On peut donc penser qu'on se contente d'ajouter un niveau intermédiaire entre le ministre et l'agence.
Cela peut toutefois fonctionner à la condition de rationaliser l'administration et de réduire les dédoublements. Je pense non seulement aux dédoublements internes, mais également entre le gouvernement fédéral et les provinces. Si ces objectifs sont atteints, il sera peut-être possible d'alléger la bureaucratie.
Je viens ici en tant que représentant des contribuables et non pas d'un groupe ou d'un organisme particulier, à part les gens dont je défends régulièrement les intérêts.
Je tiens à vous remercier de m'avoir permis de témoigner devant vous aujourd'hui et je vous invite à me poser toutes les questions que vous voudrez.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Haymour.
Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par M. Kenney.
M. Jason Kenney: Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier M. Haymour d'avoir fait tout le chemin de Calgary à Ottawa pour venir témoigner.
Monsieur Haymour, je crois qu'avant de travailler à votre compte, vous étiez à l'emploi de Revenu Canada, encore récemment?
M. Jehad Haymour: J'ai travaillé au ministère de la Justice où j'ai représenté Revenu Canada à divers titres.
M. Jason Kenney: Je vois. Vous connaissez donc les deux éléments de l'équation.
M. Jehad Haymour: Oui.
M. Jason Kenney: Vous avez mentionné certains cas démontrant un manque de compassion de la part de Revenu Canada, surtout en ce qui concerne une de vos clientes qui est quadriplégique. Pourriez- vous nous expliquer un peu en quoi ce cas particulier démontre que le personnel de Revenu Canada peut aller trop loin et oublier les principes de justice et de compassion auxquels le processus de recouvrement doit se conformer?
M. Jehad Haymour: Cette dame a fait l'objet d'une évaluation pour le Régime de pensions du Canada et les cotisations d'assurance-emploi pour les personnes qu'elle devait engager pour prendre soin d'elle, sur une base contractuelle ou autrement. Revenu Canada a estimé que ces personnes étaient ses employés.
Tout l'argent qu'elle recevait venait du gouvernement provincial. La cotisation fiscale a été augmentée. Nous sommes allés devant les tribunaux. Nous avons réussi à établir que les personnes qui prenaient soin de cette dame n'étaient pas ses employés, mais des entrepreneurs indépendants.
• 1655
En même temps, en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi—ou
la Loi sur l'assurance-chômage à l'époque—et de la Loi sur le
régime de pensions du Canada, le ministère du Revenu n'est pas tenu
de suspendre le recouvrement de la cotisation pendant que l'affaire
est en appel. Cette contribuable devait donc verser à Revenu Canada
un montant que certains trouveraient petit, mais qui représentait
pour elle un énorme fardeau.
Elle touchait une pension d'invalidité avec laquelle elle devait payer son loyer, son autobus et de quoi subsister. Sa pension était de 1 200 $ et le montant saisi par le ministère était, je crois, de 350 $, si bien qu'il lui était presque impossible de vivre avec le reste. Elle a eu besoin de l'aide de sa famille et de ses amis.
Il est compréhensible qu'au nom de l'équité, tout le monde soit traité de la même façon, mais je crois que, dans les circonstances, étant donné la difficulté causée, Revenu Canada aurait dû s'abstenir de prendre des mesures de recouvrement et chercher à résoudre le problème autrement. Je crois que la Loi sur la gestion des finances publiques contient des dispositions pour ce genre de situations difficiles.
M. Jason Kenney: Vous avez parlé des recours que prévoit la fiscalité pour les gens comme cette cliente. Je suppose qu'étant donné ses moyens limités, vous étiez ni plus ni moins l'équivalent d'un commis d'office.
M. Jehad Haymour: En effet.
M. Jason Kenney: Sans avoir la chance de tomber sur un avocat charitable comme vous, une autre personne comme cette contribuable serait restée sans secours. Cette quadriplégique à faible revenu aurait été réduite à la pauvreté par l'excès de zèle de ces agents de recouvrement.
Convenez-vous donc qu'il faut un autre recours tel qu'un bureau de la protection du contribuable, comme nous l'avons suggéré, afin de permettre aux gens disposant de moyens limités, qui n'ont pas d'argent pour se battre contre les 45 000 bureaucrates et le budget de 2,3 milliards de dollars de Revenu Canada, de faire valoir leurs droits?
M. Jehad Haymour: Oui, il serait certainement utile pour ces personnes d'avoir un défenseur. Il arrive souvent que les gens ne connaissent pas la procédure judiciaire ou ne la comprennent pas. Il arrive souvent qu'ils n'aient tout simplement pas les moyens de contester une décision.
N'oubliez pas que, pour chaque affaire dont est saisie la Cour de l'impôt, Revenu Canada se fait représenter par un avocat. Par conséquent, nous avons beau prétendre que le système est égalitaire, dans certains cas, une personne seule a du mal à se battre contre un mécanisme qui lui paraît écrasant. Je l'ai donc constaté et j'ai vu le problème sous ses deux angles.
Le président: Merci, monsieur Haymour.
[Français]
Monsieur Perron, avez-vous une question?
M. Gilles Perron: S'il vous plaît.
Monsieur, selon votre expérience au ministère du Revenu, tant à l'interne ou à l'externe, serait-il possible d'améliorer les méthodes de perception de taxes sans avoir à créer nécessairement une agence du revenu?
[Traduction]
M. Jehad Haymour: Oui, je crois possible d'améliorer les méthodes de recouvrement sans créer une nouvelle agence. Cela dit, tout dépend du zèle que manifestent les percepteurs.
Quand nous parlons d'améliorer les méthodes de recouvrement, il s'agit par exemple de dire qu'au lieu de recouvrer 70 p. 100 de la dette, nous voulons atteindre le chiffre de 90 p. 100. Je crains que, dans ces circonstances, nous aggravions le problème au lieu de le réduire.
• 1700
Pour améliorer la perception de l'impôt, il faut assouplir le
système, permettre une certaine compassion dans les cas où il est
évident que les circonstances obligent à modifier le mode de
recouvrement.
À titre d'exemple, j'ai récemment eu affaire à la direction régionale avant de tenter de trouver une solution dans un dossier de recouvrement. Les représentants de Revenu Canada ne pouvaient pas comprendre pourquoi mon client, dont la dette fiscale était écrasante, ne se contentait pas de déclarer faillite. Mon client tenait à y faire face et ne voulait pas résoudre le problème de cette façon. Il a fallu environ cinq rencontres avant que nous ne puissions amener Revenu Canada à convenir d'un mode de recouvrement acceptable pour mon client.
Par conséquent, lorsqu'on parle d'améliorer la perception de l'impôt, il faut pour cela assouplir le système et, à certains égards, les politiques qui ont été adoptées à cet égard.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Perron.
[Traduction]
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Haymour, de votre exposé d'aujourd'hui.
Ne trouvez-vous pas un peu curieux que l'on insiste autant sur le processus, sur l'administration et sur le recouvrement alors que le gouvernement n'a pas fait de gros efforts pour simplifier le régime fiscal? Il me semble presque évident que, si beaucoup de gens ont maille à partir avec Revenu Canada, ce n'est pas parce qu'ils essaient de faire quelque chose de malhonnête, mais parce qu'ils ont commis une erreur par inadvertance.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la complexité du régime fiscal et de son caractère pavlovien. Je reconnais que cela ne se rapporte pas spécifiquement à l'agence, mais j'aimerais savoir si vous convenez qu'un régime fiscal plus équitable, plus uniforme et plus simple servirait davantage les intérêts des Canadiens.
M. Jehad Haymour: Je suis tout à fait pour la simplification du régime fiscal actuel. Nous apportons continuellement des changements à la Loi de l'impôt sur le revenu. Comme je travaille dans ce domaine, je suis chaque matin derrière mon ordinateur à essayer d'établir ce qu'il y a de nouveau non seulement dans la loi, mais dans l'interprétation qu'en ont fait les tribunaux, de même que les autorités législatives et politiques.
Un régime fiscal simplifié et plus uniforme serait certainement bénéfique du fait qu'il éviterait l'ambiguïté. Quant à savoir s'il est possible de le faire du jour au lendemain, je crois que non. Comme vous pouvez le voir, c'est une loi relativement volumineuse et dont on a ici qu'une partie. Il y a aussi la Loi sur la taxe d'accise qui est tout aussi volumineuse. Il y a également divers traités, qui n'en font pas nécessairement partie. Il faut tenir compte également des divers éléments qui constituent cette loi.
Par conséquent, un impôt plus uniforme et un régime fiscal plus simple seraient bénéfiques et éviteraient également de semer la confusion dans l'esprit des contribuables.
M. Scott Brison: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci.
Pour faire une démonstration, si vous prenez la Loi de l'impôt sur le revenu, elle mesure à peu près 3 pouces d'épaisseur ou environ 9 centimètres. Si j'étais un contribuable avec un T4, un don de charité, peut-être un REER et quelques frais médicaux, sur ces 3 pouces d'épaisseur, combien de pages s'appliqueraient à ma déclaration d'impôt?
M. Jehad Haymour: Je dirais environ 5 à 10 pages, tout compte fait.
M. Paul Szabo: Oui, c'est intéressant. Pour la majorité des Canadiens moyens, si vous considérez que 15 p. 100 seulement des Canadiens gagnent plus de 60 000 $ par an, la Loi de l'impôt sur le revenu est...
Mais il y a certaines choses ici... Une disposition aussi simple que l'article sur les frais pour droit d'usage d'une automobile doit valoir, à elle seule, plus que tout le reste des dispositions se rapportant aux déclarations d'impôt sur le revenu des particuliers.
Vous avez soulevé la question de l'impôt uniforme. Si le montant des recettes fiscales doit rester le même, l'impôt uniforme transfert, selon moi, une part plus importante de l'impôt sur le revenu des riches aux pauvres. Cet argument a été invoqué aux États-Unis et je me demande pourquoi vous préconisez ce principe.
M. Jehad Haymour: Si je me souviens bien, quand les Américains ont proposé un régime fiscal à trois niveaux, ils ont voulu créer des exceptions de sorte que l'assiette fiscale soit moins uniforme pour les contribuables à faible revenu afin d'alléger le fardeau fiscal dans leur cas. Je ne sais pas si cela a été fait étant donné qu'en fin de compte, certains contribuables à revenu élevé qui sont dans les affaires et peuvent se prévaloir de diverses déductions.
Il est impossible d'avoir un système parfait. Si vous adoptiez l'impôt uniforme, je ne crois pas qu'il faudrait qu'il soit totalement uniforme et ne tienne pas compte de ce facteur.
M. Paul Szabo: En tant que comptable agréé, je puis vous dire que je préconise pour des réformes fiscales positives et qu'il y a certains domaines où un ménage s'impose.
Mais je voudrais vous poser une question concernant plus précisément l'agence du revenu. D'après ce qu'ont dit les représentants des syndicats et certains autres témoins, on craint notamment qu'il y ait des compressions de personnel, des pertes d'emplois et que l'on garde seulement le dessus du panier, autrement dit, que seuls les meilleurs et les plus brillants auront un emploi dans la nouvelle agence. Si vous faites le parallèle avec le milieu des affaires, qui s'oriente vers l'économie axée sur le savoir, avec évolution ou transition vers la haute technologie, qu'il s'agisse des banques ou d'un autre secteur, c'est ce qui se passe. C'est tout à fait logique.
Connaissant Revenu Canada, pensez-vous que les problèmes structurels ou systémiques actuels peuvent être suffisamment rectifiés sans changer l'organisation du ministère? Ou serait-il préférable d'avoir une nouvelle agence qui pourrait prendre un nouveau départ, si je puis dire, une agence plus orientée vers la haute technologie et l'informatique qui pourrait offrir ces services étendus aux provinces si ces dernières les jugeaient suffisamment fiables pour générer des économies? Le véhicule actuel est-il irréparable et vaut-il mieux l'échanger pour un neuf?
M. Jehad Haymour: Je préfère croire que tous les problèmes que nous avons au gouvernement peuvent être réglés. Quant à savoir si c'est possible à l'interne ou non, je ne peux pas vous dire vraiment. Divers groupes ont comparu devant vous aujourd'hui et ont déjà eu l'occasion de vous faire connaître leurs inquiétudes et leurs intérêts. Si vous prenez le Syndicat des employés de l'impôt, il tient certainement à ce qu'aucun de ses employés ne soit lésé par la création d'une nouvelle agence.
La mise sur pied de cette agence me semble être une bonne idée.
M. Paul Szabo: Voici ma dernière question. Il semble y avoir un problème d'attitude, au moins aux yeux d'un des témoins que nous avons reçus ce matin et qui a laissé entendre que s'il y avait des primes au rendement, certains feraient un meilleur travail, mais qu'en l'absence de primes, les employés ne faisaient pas d'effort. D'après votre expérience, est-il vrai que les employés ne sont pas suffisamment motivés par leurs conditions de rémunération actuelles?
M. Jehad Haymour: Je dirais non pour la plupart d'entre eux. Cela dit, j'ai vu des cas où des mesures ont été prises, peut-être pour les mauvaises raisons.
Un de ces cas est survenu récemment et on m'a dit que si une cotisation avait été augmentée c'était peut-être dans le cadre d'une grève du zèle. C'est ce que m'a laissé entendre un percepteur d'impôt qui a dû régler le dossier après que la cotisation a été augmentée.
Je dirais donc qu'en général, non, les gens font leur travail.
Je ne considère pas les employés de Revenu Canada comme des monstres ou des ogres. Ce sont des gens qui ont un travail difficile et une tâche peu enviable. Vous vous occupez toujours du côté négatif d'un dossier. Je m'en suis occupé lorsque je représentais Revenu Canada et également lorsque j'ai eu affaire au public.
Mais cela dit, il arrive parfois que des employés soient trop zélés et n'agissent pas comme ils le devraient. Lorsque vous parlez de primes au rendement, je dirais seulement qu'il faut établir les lignes directrices avec la plus grande prudence, car si elles se fondent uniquement sur la rentabilité ou le montant des cotisations, on risque de créer un système qui récompensera les abus.
M. Paul Szabo: Merci.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Haymour, merci beaucoup de votre exposé. Nous apprécions certainement les réflexions et les idées dont vous nous avez fait part et nous les garderons à l'esprit lorsque nous étudierons ce projet de loi. Merci.
Nous attendons l'arrivée de M. Frank Balics, mais comme il nous reste du temps, nous pourrions peut-être nous pencher sur le projet de loi S-16.
Je vais demander à M. Brian Ernewein, directeur de la Législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances de bien vouloir s'avancer.
Monsieur Valeri, voulez-vous vous joindre à lui? Merci.
Je signale simplement que, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre des communes du jeudi 4 septembre 1998, le comité entreprend l'examen du projet de loi S-16, Loi de 1998 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales.
Monsieur Ernewein, vous êtes le bienvenu. Nous sommes prêts à vous écouter.
M. Brian Ernewein (directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances): Merci.
Le président: Vous pouvez commencer, monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Merci, monsieur le président. Je vais faire une déclaration liminaire après quoi les fonctionnaires du ministère répondront aux questions que vous voudrez leur poser.
En fait, ce projet de loi pour objet de mettre en oeuvre les conventions de l'impôt sur le revenu que le Canada a conclues avec le Chili, la Croatie et le Vietnam. Le Canada constitue et met à jour son réseau de conventions fiscales depuis 1991 et le projet de loi sur lequel le comité se penche aujourd'hui s'inscrit dans le cadre de la mise à jour permanente du réseau canadien de conventions fiscales. Jusqu'à présent, le Canada a conclu des conventions qui sont en vigueur avec 64 pays.
Au moment où les économies étrangères s'ouvrent, où les personnes deviennent plus mobiles et où le rythme de l'investissement et du commerce internationaux s'intensifie, les conventions fiscales sont de plus en plus importantes pour les investisseurs et les entrepreneurs qui profitent de ces possibilités.
Comme toutes les autres conventions fiscales mises en oeuvre par le Canada et ses partenaires commerciaux au fil des ans, le projet de loi S-16 comporte deux objectifs fondamentaux. Le premier consiste à éviter la double imposition, et l'autre vise à empêcher l'évasion sur l'impôt sur le revenu.
La possibilité de double imposition survient quand un contribuable qui est résident d'un pays gagne des revenus dans un autre pays. En l'absence d'une convention fiscale, le pays de résidence et le pays d'origine des revenus seraient tous deux justifiés d'appliquer un impôt sur ces revenus.
• 1715
Les conventions fiscales s'attaquent au problème de la double
imposition de deux façons. La convention accorde des droits
d'imposition exclusifs au pays de résidence du contribuable ou au
pays d'origine des revenus; ou si les revenus sont imposables dans
les deux pays, la convention exige que le pays de résidence porte
l'impôt payé sur les revenus au crédit du pays d'origine.
Les mesures qui réduisent la double imposition ont aussi pour effet de prévenir l'évasion fiscale. Les lois qui limitent la possibilité de double imposition comportent habituellement des dispositions qui favorisent l'échange d'information entre administrations participantes. Ce partage de l'information aide les administrations fiscales, dans leur secteur de compétence, à cerner les cas d'évasion fiscale et à y remédier. En outre, le fardeau de l'observation sera réduit pour les contribuables canadiens qui ont des investissements ou des intérêts commerciaux au Chili, en Croatie ou au Vietnam.
Les réductions des taux de retenue d'impôt constituent une composante clé des projets de loi sur les conventions fiscales et le projet de loi S-16 ne fait pas exception à cette règle. J'aimerais donc parler brièvement des retenues d'impôt.
Le Canada et d'autres pays imposent habituellement des retenues d'impôt sur divers genres de revenus payés aux non-résidents. En l'absence d'une convention fiscale bilatérale ou d'une exemption unilatérale de retenue d'impôt, le taux obligatoire de retenue d'impôt appliqué au Canada pour les non-résidents est de 25 p. 100.
En vertu de notre réseau de conventions fiscales toutefois, plusieurs réductions du taux de retenue d'impôt sont en vigueur. Ces réductions s'appliquent de façon réciproque. Quand une convention fiscale de la sorte est en vigueur, le pays dans lequel réside le contribuable peut retenir l'impôt. Cependant, le taux est habituellement limité à 5,10 ou 15 p. 100 sur les dividendes et les bénéfices des succursales. Le taux sur les intérêts et les redevances est normalement fixé à 10 p. 100. Dans certains cas, les redevances sur les droits d'auteur, les logiciels, les brevets et les savoir-faire sont exemptés de retenue à la source.
Je voudrais donner au comité le détail, par pays, des taux de retenue d'impôt proposés aux termes du projet de loi S-16.
Pour le Vietnam, par exemple, le taux de retenue sur les dividendes versés à une société détenant au 70 p. 100 du total des voix de cette société passera à 5 p. 100; il sera de 10 p. 100 pour une société qui détient entre 25 et 70 p. 100 des voix; il sera de 15 p. 100 dans tous les autres cas. De plus, le taux de retenue sur les bénéfices des succursales passera à 5 p. 100; il sera de 10 p. 100 sur les intérêts et les redevances; et il sera de 7,5 p. 100 sur les droits de services techniques. Même s'il n'y a pas d'exemption immédiate pour les redevances sur les droits d'auteur, les logiciels, les brevets et le savoir-faire, si le Vietnam conclut des conventions d'exemption avec d'autres pays membres de l'OCDE, les Canadiens bénéficieront automatiquement de la même exemption.
Aux termes de la convention avec la Croatie, le taux de retenue sur les dividendes passera à 5 p. 100 pour une société qui contrôle au moins 10 p. 100 des voix ou qui détient au moins 25 p. 100 du capital. Le taux sera de 15 p. 100 dans tous les autres cas. De plus, les taux de retenue des impôts sur les bénéfices des succursales et sur les redevances et intérêts passeront respectivement à 5 p. 100 et à 10 p. 100. Encore là, il n'y a pas d'exemption pour les intérêts ou les redevances sur les droits d'auteur, les logiciels, les brevets et le savoir-faire.
Dans la convention avec le Chili, le taux de retenue sur les dividendes sera réduit à 10 p. 100 pour les sociétés détenant au moins 25 p. 100 des voix. Un taux de 10 p. 100 s'appliquera aux bénéfices des succursales. Toutefois, si le Chili s'entend sur un taux de 5 p. 100 avec un autre pays de l'OCDE, ce taux plus bas s'appliquera automatiquement au Canada. Dans tous les autres cas, le taux de retenue sur les dividendes sera de 15 p. 100. Un taux de 15 p. 100 s'appliquera aux intérêts et aux redevances, mais il n'y aura aucune exemption pour les intérêts ou les redevances sur les droits d'auteur, les logiciels, les brevets et le savoir-faire.
Le projet de loi S-16 porte aussi sur le droit du Canada d'imposer les pensions et les rentes versées à des non-résidents. Les conventions avec le Vietnam et la Croatie prévoient l'imposition des pensions par les deux pays, le pays d'origine percevant au maximum 50 p. 100 de la somme totale. Dans le cas du Vietnam et de la Croatie, les prestations de sécurité sociale sont imposables dans le pays d'origine, sans restriction. Aux termes de la convention fiscale entre le Canada et le Chili, les pensions et les prestations de sécurité sociale sont imposées par le pays payeur.
Le projet de loi S-16 traite aussi du traitement fiscal des gains en capital réalisés par les non-résidents. Dans ces cas, le pays d'origine conserve le droit d'imposer les gains en capital provenant de l'aliénation de biens immeubles, d'actifs commerciaux, d'actions de sociétés mobilières ou d'une participation dans une société de personnes ou une fiducie dont la valeur est principalement tirée de biens immobiliers.
• 1720
Les dispositions du projet de loi S-16 sont conformes à la
réalité du commerce international. La réduction des retenues
fiscales et les autres bénéfices qu'apporte ce projet de loi sont
réciproques. Cette convention fiscale n'entraîne aucune perte de
recettes, ni pour le Canada ni pour tout autre État contractant.
À l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes, le projet de loi a reçu l'appui de députés de tous les partis. Les députés comprennent parfaitement que ce projet de loi facilitera les échanges commerciaux. Le Canada tire près de 40 p. 100 de sa richesse des exportations, du commerce extérieur et des investissements étrangers directs.
Grâce à ces conventions fiscales, le Canada est mieux en mesure d'être compétitif et de saisir toutes les occasions qu'offre une économie dynamique et moderne. À mon avis, c'est pour nous une occasion à saisir. J'invite tous les députés à faciliter l'adoption rapide de ce projet de loi.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Valeri, de cet excellent exposé sur le projet de loi
Nous passons maintenant aux questions.
Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney: Merci, monsieur le président. J'aimerais poser quelques questions assez détaillées. Je ne veux pas retarder indûment l'adoption du projet de loi mais j'aimerais aborder quelques questions puisque je suis loin d'être expert en matière de convention fiscale.
Ma question concerne les revenus de pensions et les prestations de sécurité sociale. M. Valeri ou M. Ernewein peut-il m'expliquer en plus de détails en quoi ces traités modifieront le traitement fiscal des pensions et des prestations de sécurité sociale?
M. Brian Ernewein: Merci.
Toutes ces conventions fiscales sont nouvelles et nous partons donc du principe que dans ces deux pays, ce sont les règles nationales qui s'appliquent. Ainsi, c'est sans doute une bonne idée d'essayer de voir quelles seraient nos propres règles nationales sans ces conventions. Le Canada ferait une retenue d'impôt de 25 p. 100 maximum—c'est le taux normal de retenues fiscales prévues dans la loi—sur les pensions et les prestations de sécurité sociale.
Voici quel sera l'effet des conventions sur le régime d'imposition des pensions et des prestations de sécurité sociale. Dans le cas des pensions qui ne sont pas des prestations de sécurité sociale, aux termes des traités avec le Vietnam et la Croatie, nous limitons de part et d'autres notre droit respectif d'imposer un impôt maximal de 15 p. 100 sur les paiements effectués par chacun de ces pays.
M. Jason Kenney: En supposant un taux d'inclusion de 100 p. 100?
M. Brian Ernewein: Le taux d'inclusion dans l'autre État contractant n'aurait aucune importance. Il s'agit du taux effectif sur le montant brut versé.
M. Jason Kenney: Sur le montant brut, d'accord.
M. Brian Ernewein: Oui. Et ces paiements, c'est-à-dire les paiements de pensions, restent pleinement imposables dans le pays de résidence.
En ce qui concerne la convention fiscale avec le gouvernement du Chili, le taux maximum d'imposition de 25 p. 100 s'applique au Canada et le Chili conserve le droit d'imposer les revenus de pensions aux taux d'impôt nationaux.
En ce qui a trait aux prestations de sécurité sociale, dans les trois cas la même règle s'applique: imposition exclusive à la source, autrement dit le pays qui verse les prestations a le droit exclusif d'imposer les prestations. Ces prestations ne sont pas imposables dans le pays de résidence.
M. Jason Kenney: Ma question maintenant concerne l'impôt des sociétés. J'ai cru comprendre qu'à l'heure actuelle le Gouvernement du Chili impose un régime fiscal différent aux sociétés étrangères implantées au Chili. Le taux réel d'imposition des sociétés étrangères est grosso modo deux fois plus élevé que le taux des sociétés nationales du Chili. Cette convention permet-elle de garantir aux investisseurs étrangers, notamment aux sociétés canadiennes faisant des affaires au Chili, le même régime fiscal? Permet-elle de corriger les pratiques fiscales discriminatoires du Chili?
M. Brian Ernewein: Il est possible que l'aspect que vous soulevez échappe à la convention fiscale même si les entreprises sont concernées. Je crois savoir que le Chili impose la constitution d'une réserve afin que les bénéfices des entreprises étrangères restent au Chili et sauf erreur de ma part, l'Accord de libre-échange signé l'an dernier avec le Chili allège cette obligation imposée par le Chili.
Quant à nos propres règles fiscales, nous nous sommes largement inspirés du modèle de l'OCDE pour la convention fiscale avec le Chili aussi bien qu'avec le Vietnam et la Croatie. Ainsi, le Chili peut très bien fixer des taux d'imposition pour les entreprises chiliennes qui diffèrent des taux d'imposition des entreprises étrangères, c'est possible mais je ne saurais affirmer qu'il existe des différences dans le régime fiscal imposé aux entreprises au Chili.
M. Jason Kenney: Si j'aborde cette question, c'est que des entreprises canadiennes m'ont fait part du problème. Elles sont nombreuses à s'être implantées au Chili, particulièrement dans le secteur minier, et elles disent craindre que ces taux d'imposition plus élevés pour les entreprises étrangères ne soient perçues comme un obstacle par les investisseurs canadiens. Ainsi, à votre connaissance, la convention ne corrige pas cette inégalité.
M. Brian Ernewein: Et bien, si des différences de taux tels que vous les décrivez existent, je ne suis pas au courant. Même si je n'ai pas participé directement à la négociation de cette convention fiscale, je peux vous dire qu'elle a le ferme appui des milieux d'affaires canadiens. Je sais que cela ne répond pas directement à votre question, à savoir si la convention corrige ou non le problème.
M. Jason Kenney: D'accord. J'ai une dernière question détaillée en ce qui a trait au Vietnam.
Quand j'ai relu le compte rendu de votre témoignage devant le Comité sénatorial des affaires étrangères en mai de cette année, j'ai constaté qu'il y avait eu une longue discussion sur la protection du caractère confidentiel des renseignements fiscaux. Étant donné la nature du régime au Vietnam, certains ont exprimé des craintes quant à la protection des renseignements confidentiels partagés entre Revenu Canada et l'Agence vietnamienne de perception des impôts. Je me demande ce que vous en pensez.
En fait, ce n'est pas vous qui avez comparu devant le Comité sénatorial, n'est-ce pas?
M. Brian Ernewein: Non.
M. Jason Kenney: Non, c'était M...
M. Brian Ernewein: C'était sans doute Jean-Marc Déry.
M. Jason Kenney: Oui.
M. Brian Ernewein: Comme je l'ai déjà dit, ces trois conventions sont modelées sur la convention fiscale type de l'OCDE, avec quelques modifications, dont aucune, à ma connaissance, ne concerne les dispositions relatives au partage de renseignements.
Les dispositions concernant le partage d'informations dans nos conventions fiscales, y compris celles-ci, permettent au Canada de fournir des renseignements au fisc d'un autre État, aux seules fins de l'administration du régime fiscale du gouvernement étranger. Bien sûr, c'est un droit réciproque: nous pouvons demander au gouvernement étranger—le Vietnam en l'occurrence—de nous fournir les renseignements dont nous avons besoin.
Je me permets d'ajouter qu'à notre connaissance, il n'y a pas eu de problème relatif à l'usage abusif de renseignements par les autorités vietnamiennes. Il y a eu quelques problèmes, dont j'ai eu connaissance, en ce qui a trait à l'application par le Vietnam des principes relatifs aux prix de transfert et autres règles qui sont sensées être respectées puisqu'elles correspondent aux normes de l'OCDE. Éventuellement, Revenu Canada pourrait refuser de communiquer l'information demandée s'il y avait des raisons de croire que cette information risque de ne pas être utilisée exclusivement aux fins de l'administration du régime fiscale vietnamien.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kenny.
Comme il n'y a plus personne qui veut poser des questions, je tiens à vous remercier beaucoup pour votre exposé. Nous allons maintenant passer à l'étude du projet de loi article par article et je vous saurais donc gré de bien vouloir rester encore un peu.
Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'étude de l'article 1 est reportée.
J'aimerais obtenir le consentement unanime des membres du comité pour mettre aux voix les articles 2 à 19 en même temps. Êtes-vous d'accord?
Des voix: D'accord.
(Les articles à 2 à 19 sont adoptés)
(Les annexes 1 à 3 inclusivement sont adoptées)
(L'article 1 est adopté)
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant revenir au projet de loi C-43.
Mme Paddy Torsney: Pouvons-nous l'adopter aussi?
Le président: On ne peut pas faire cela. Nous devons suivre une certaine procédure.
J'invite monsieur Frank Balics, s'il est dans la salle, à bien vouloir s'approcher pour que nous entendions ses idées sur le projet de loi C-43.
Monsieur Balics, comme vous le savez, vous avez une dizaine de minutes pour présenter votre exposé, après quoi nous aurons une période questions et réponses.
Nous allons faire une brève pause.
Le président: La séance reprend maintenant et je profite de l'occasion pour souhaiter à nouveau la bienvenue à M. Frank Balics.
Nous avons hâte de vous entendre.
M. Frank Balics (Témoignage à titre personnel): Je suis heureux d'être ici. Je vous remercie beaucoup d'avoir attendu. Je suis désolé, mais j'ai été retenu. J'ai l'habitude d'arriver à l'heure, mais je crois que vous aviez fini vos travaux précédents et que vous auriez pu m'entendre plus tôt.
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des finances, je m'appelle Frank Balics, et bien que je sois vérificateur à Revenu Canada, je comparais devant vous à titre de particulier sur une question qui me préoccupe gravement, à savoir, le projet de loi C-43.
J'ai lu sur Internet les premiers et deuxièmes débats tenus à la Chambre sur cette question, les 1er et 27 octobre 1998. Je ne répéterai pas les arguments présentés lors de ces débats. J'encourage les députés à relire ces numéros du hansard.
Je ne compliquerai pas non plus les choses en utilisant des arguments trop techniques ou trop apaisants. S'il vous semble que mes arguments sont fondés sur des principes intéressés, vous avez raison. Je parle d'un point de vue intéressé. J'espère que toutes les lois sont dans l'intérêt de la population canadienne. Si je ne me sentais pas contrarié ou intimidé par les répercussions de cette mesure, je ne serais pas ici.
Ma préoccupation concerne l'article 57 du projet de loi C-43, qui stipule:
• 1735
Je crois que toute activité dans un parti politique
constituerait un motif de renvoi. Voyez à cet égard l'alinéa
51(1)g), qui stipule:
Combien de députés ont lu le jugement rendu dans l'affaire Osborne c. Canada (Conseil du Trésor), où en ont tout au moins entendu parler? D'une manière générale, la Cour suprême a conclu en l'occurrence qu'il était exagéré d'empêcher tous les fonctionnaires de participer à des activités politiques mais que les restrictions fondées sur la Loi sur l'emploi dans la fonction publique alors en vigueur et applicable au sous-ministre, était raisonnable. Cependant, le projet de loi C-43 élargit cette définition, à l'article 57 et au paragraphe 176(1), en redéfinissant le terme «fonctionnaire» de manière à l'exclure de l'application du jugement de la Cour suprême. Je cite le texte du jugement:
Je soutiens que cet article pourrait être utilisé pour essayer d'empêcher tous les employés de l'agence, y compris les préposés à l'entretien, d'exercer leur droit au terme de la Charte. C'est excessif. J'ai beaucoup d'amis qui sont membres de divers partis politiques et qui sont employés de Revenu Canada. Ils font profiter leur collectivité de leur expertise. Ils dialoguent avec d'autres Canadiens à des congrès, à des assemblés, etc.
Je vous demande d'envisager de modifier l'article 57 du projet de loi C-43 de manière à préciser clairement que rien dans cet article ne porte atteinte au droit d'un employé de participer à des activités politiques. Je vous laisse le soin de trouver le libellé exact.
• 1740
Je vous prie de vous assurer que les principes obtenus
difficilement et confirmés dans le jugement Osborne ne puissent pas
donner lieu à des contestations à cause d'un libellé législatif
trop vague.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous parler. Le Canada est vraiment un merveilleux pays, car même le fils d'un couvreur peut prendre la parole devant un groupe comme le vôtre.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Balics.
Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Kenney.
M. Jason Kenney: Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Balics, pour votre exposé si bien conçu.
C'est la première fois que je regarde l'article 57 en détail je ne comprends pas votre crainte que tous les employés de l'agence puissent être inclus dans cet article. Il me semble s'appliquer strictement aux commissaires et aux commissaires adjoints, qui seront réputés être des administrateurs généraux. On y dit que tous les employés de l'agence sont réputés être des fonctionnaires...
En quoi votre statut changerait-il? Vous passeriez du statut actuel de fonctionnaire à celui de fonctionnaire de l'agence. Qu'est ce que cela changerait?
M. Frank Balics: Je deviendrais probablement fonctionnaire de l'agence. Il y a un mécanisme en vertu duquel notre emploi cesse et nous sommes ensuite réembauchés par l'agence pour une période de deux ans.
Vous avez certainement trouvé le bon mot en parlant de «fonctionnaire». Étant donné qu'on redéfinit cet article pour dire que chacun à l'agence entre dans ces catégories, les administrateurs généraux, les employés, les personnalités juridiques, et ainsi de suite; tous seront touchés et seront inclus dans cette définition.
M. Jason Kenney: Vous aimeriez donc qu'on apporte un simple amendement pour clarifier cela?
M. Frank Balics: Oui, monsieur, c'est exact—pour réaffirmer la décision rendue dans l'affaire Osborne où les savants juges ont conclu qu'il était vraiment excessif d'empêcher tout le monde de participer à des activités politiques.
M. Jason Kenney: Très bien.
Je n'ai pas d'autres questions à poser.
Le président: Merci, monsieur Kenney.
[Français]
Monsieur Perron, avez-vous une autre question? Non?
[Traduction]
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Je tiens à vous remercier de votre exposé. Il est important qu'on puisse tenir un tel dialogue, car il peut arriver qu'en rédigeant des projets de loi, une question de cette nature nous échappe. Merci beaucoup de nous avoir fait part de votre préoccupation et d'avoir présenté cet exposé.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Je vous en prie, madame Torsney.
Mme Paddy Torsney: Je demanderai à M. Balics par votre entremise monsieur le président, si la mesure proposée est différente de la loi actuelle.
M. Frank Balics: Je suis désolé, mais je ne comprends votre question.
Mme Paddy Torsney: Vous craignez que dans la mesure proposée, nous allions faire quelque chose de nouveau, mais les règles ne sont-elles pas vraiment très semblables à celles qui existent actuellement? Les principales restrictions concernent les campagnes de financement, mais vous pouvez quand même participer à des activités politiques, n'est-ce pas?
M. Frank Balics: Non, c'est tout à fait le contraire. J'ai suivi de très près ces questions au fil des ans. À la section de première instance de la Cour fédérale, on a rendu des jugements contraires—je ne veux pas le mentionner—mais à la division d'appel de la Cour fédérale, les droits des... il s'agissait de Osborne et Murray, je crois, deux fonctionnaires de la région de Kingston, à l'époque où le litre a remplacé le gallon. Ils n'en ont pas tenu compte et se sont portés candidats pour une charge publique.
Je crois vraiment que s'il n'y avait pas eu cette affaire et si les juges n'avaient pas bien défini la question, l'activité politique serait gravement limitée. C'est mon humble opinion. Je suis une personne réaliste.
Mais vous avez absolument raison. Il ne conviendrait pas très bien que nous participions à une campagne de financement en disant aux gens qu'ils doivent contribuer, parce que nous occupons tel ou tel poste. Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est totalement répréhensible.
Mme Paddy Torsney: Je connais des employés de Revenu Canada qui aident actuellement une variété de partis politiques. Il me semble que c'est peut-être exagérer un peu que de prétendre que toute activité politique serait interdite. C'est là ma question.
M. Frank Balics: Je suis désolé, mais je ne comprends pas ce que vous entendez par exagérer.
Mme Paddy Torsney: Vous avez dit essentiellement dans votre exposé, je pense, que cela limiterait gravement la participation des fonctionnaires de l'agence. Corrigez-moi si je fais erreur, mais vous semblez avoir dit qu'ils ne pourraient pas participer du tout. Or, je crois savoir qu'à l'heure actuelle, les employés de Revenu Canada peuvent participer, mais en respectant certaines lignes directrices—et vous avez mentionné celle qui est évidente, soit les campagnes de financement, parce que cela pourrait causer beaucoup de problèmes.
M. Frank Balics: Je ne suis pas venu pour établir les lignes directrices ou les règlements, madame.
Je suis désolé; êtes-vous madame Pratt?
Mme Paddy Torsney: Ne vous inquiétez pas. Je suis madame Torsney.
M. Frank Balics: Je ne vous ai pas reconnue. Pardonnez-moi.
Mme Paddy Torsney: M. Brison va bientôt lancer une rumeur.
Des voix: Oh, oh!
M. Frank Balics: D'après le libellé de la mesure proposée, il semble que quelqu'un ait fait de son mieux pour placer tous les employés au même niveau que des sous-ministres. Je serais ravi qu'il en soit ainsi.
Mme Paddy Torsney: Seulement pour la rémunération.
Mme Frank Balics: Je pense que j'aimerais la rémunération et les responsabilités.
Mme Paddy Torsney: Bien.
M. Frank Balics: Il est certain qu'il y aurait alors des responsabilités. Mais ce n'est pas de cela que je parle.
Je veux dire que le projet de loi est peut-être libellé d'une manière vague afin que les employés soient inclus à cet égard avec les sous-ministres, afin de les empêcher de participer à des activités politiques. On parle d'activités «de caractère partisan». On ajoute ainsi une connotation négative, et c'est pourquoi je suis venu vous faire part de ma préoccupation.
Si vous le voulez, je peux vous écrire au sujet d'autres niveaux d'activités, des activités qui révèlent une indélicatesse et de mauvaises intentions, et qui devraient être bannies.
Mme Paddy Torsney: Merci.
Le président: Merci, madame Torsney.
M. Pillitteri voudrait poser une question.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.
En d'autres mots, monsieur Balics vous dites que vous voulez voir apporter une modification qui ne vous placerait pas sur le même pied que les sous-ministres. Voulez-vous des modifications complètes? Je voudrais que vous soyez plus précis. Voulez-vous qu'on change complètement la disposition en question pour qu'il soit possible de participer à des activités politiques tout en demeurant un fonctionnaire de l'agence?
M. Frank Balics: Je vous remercie de cette question.
Je vous demande humblement d'examiner ma demande. Vous êtes beaucoup plus nombreux; cependant, j'aimerais simplement voir figurer à l'article 57 de ce projet de loi, les principes de l'affaire Osborne, c'est-à-dire les principes précisés dans la décision de la Cour suprême du Canada.
Parfois les décisions de la Cour suprême peuvent avoir une certaine prépondérance par rapport au droit sans être incarnées dans une loi—ces décisions peuvent jouer un rôle dans les débats, les discussions et les arguments. Je ne suis pas avocat, mais c'est ce que j'ai tiré de mes lectures. Si les juges sont de votre côté dans une décision de la Cour suprême, votre argument aura plus de poids. Tout ce que je vous demande, c'est qu'on me réserve le même traitement que celui qui figure dans la décision de la Cour suprême dans l'affaire Osborne contre le Canada (Conseil du Trésor), 1991. Je crois que je vous ai déjà donné le numéro de référence.
M. Gary Pillitteri: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Kenney.
M. Jason Kenney: J'imagine qu'au moment où nous ferons l'étude article par article, avec l'aide des fonctionnaires ministériels, nous pourrons obtenir un avis quant à l'application de cet article par rapport à cette décision. Nous pourrions leur demander également si un amendement serait approprié.
Le président: Monsieur Kenney, vous allez soulever cette question? Merci.
Monsieur Balics, au nom du comité, je tiens à vous remercier de votre avis. Nous comptons vraiment sur le point de vue et sur les avis des Canadiens et des Canadiennes dans l'étude de ce projet de loi en particulier et tout autre projet de loi renvoyé au Comité des finances. Nous sommes heureux de recevoir votre point de vue. Merci.
La séance est levée. Nous nous retrouverons ici, au même endroit, à 15 h 30.