STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 5 mai 1999

• 1532

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je voudrais ouvrir la séance et souhaiter la bienvenue à tout le monde ici cet après-midi.

Comme tout le monde le sait, le Comité des finances étudie aujourd'hui la question de la productivité. Je dois dire qu'au cours des premières tables rondes que nous avons eues jusqu'à présent, il a été bien difficile de parvenir à un accord au sujet de ce qui a, en fait, un impact sur la productivité au Canada et même au niveau international. Mais je crois savoir que les participants à cette table ronde pourront nous donner toutes les réponses, et tous les membres du comité sont donc impatients d'entendre ce que vous avez à dire.

Nous commencerons par un représentant de la Banque de Montréal, M. Rick Egelton, qui en est le vice-président senior et l'économiste adjoint en chef. Vous disposerez d'environ cinq à dix minutes pour présenter votre déclaration liminaire. Ensuite, nous aurons une période de questions, mais j'aimerais également qu'il y ait une interaction entre les témoins chaque fois que cela leur paraîtra approprié.

Monsieur Egelton, bienvenue.

M. Rick Egelton (vice-président senior et économiste adjoint en chef, Banque de Montréal): Merci. C'est un plaisir de comparaître devant le comité.

Pour situer les choses dans leur contexte, j'ai été réellement stupéfait ces derniers mois de voir un vaste débat dans la presse populaire canadienne des deux langues officielles sur la notion de productivité multifactorielle, un concept dont peut-être 63 personnes dans le pays ont une idée et que quatre connaissent peut- être réellement. Espérons que certaines d'entre elles sont ici aujourd'hui.

Je vais vous dire ce que nous pensons de la productivité et du fait de savoir si le Canada obtient à cet égard de bons ou de mauvais résultats.

À notre avis, il me semble que la plupart des textes publiés à ce sujet donneraient l'impression qu'au cours des 20 dernières années, le Canada, comme la plupart des autres pays du monde, ne s'en est pas particulièrement bien tiré. Mais, au moins relativement à notre principal partenaire commercial, la croissance de la productivité a été légèrement meilleure au Canada qu'aux États-Unis. Le domaine dans lequel elle accuse un retard est surtout celui de l'industrie manufacturière; mais il ne s'agit même que de deux petits sous-secteurs de cette industrie.

Je dirai donc pour commencer que l'hystérie concernant l'écroulement de la croissance de la productivité au Canada constitue, à bien des égards, beaucoup de bruit pour rien. Ces 20 dernières années, la croissance de la productivité a, en fait, été meilleure au Canada qu'aux États-Unis. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas nous préoccuper de cette question, parce qu'à plus long terme, c'est le seul moyen pour notre pays d'améliorer notre niveau de vie. Mais je pense qu'il est important de replacer au moins les choses dans leur contexte en disant que nous ne sommes pas en proie à une crise de plus en plus grave de la productivité, qui correspondrait à une sorte de régression dans notre pays alors que les États-Unis progresseraient vigoureusement.

• 1535

Pour ce qui est du rôle que les pouvoirs publics peuvent jouer pour renforcer la croissance de la productivité, je pense qu'il concerne réellement deux domaines. D'abord, au plan macro- économique, leur rôle est important pour que l'inflation reste, de façon générale, faible et stable. À cet égard, le gouvernement actuel et le gouvernement précédent ont fait un travail remarquable. Notre taux d'inflation est parmi les plus faibles du monde. L'autre rôle important que les pouvoirs publics peuvent jouer consiste à assurer une stabilité budgétaire à notre pays en suscitant une attitude générale de confiance. Je pense que le gouvernement l'a fait. Nous avons maintenant des excédents. Le ratio de la dette au PIB a diminué.

Je pense toutefois que le gouvernement pourrait faire beaucoup plus dans les domaines micro-économiques, au plan fiscal et surtout pour ce qui est de la façon dont différentes industries sont traitées par le fisc.

Ces derniers temps, on parle beaucoup dans la presse d'un exode massif des cerveaux du Canada vers les États-Unis, où les gens pensent trouver des terres plus accueillantes, des revenus plus élevés et de meilleures possibilités d'emploi. En réalité, à la Banque de Montréal, nous avons examiné les données sur l'immigration entre le Canada et les États-Unis au cours des 100 dernières années. Nous avons constaté non seulement qu'il n'y a pas un énorme exode des cerveaux, mais qu'en fait, au cours des années 90, la migration nette du Canada vers les États-Unis s'est probablement située au niveau le plus faible qu'on a peut-être pu observer dans l'histoire de notre pays, à l'exception de l'époque de la guerre du Vietnam, où des Américains venaient au Canada. Nous pouvons invoquer de nombreuses raisons en faveur d'une réduction des impôts, mais faire cesser un exode des cerveaux qui n'existe probablement pas n'en est pas une. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas un petit nombre de gens qui quittent le Canada, mais c'est plutôt un mince filet d'eau qu'un vrai déversement.

Quelles sont les choses que nous faisons et que nous pourrions probablement faire un petit mieux? Au plan fiscal, je pense que nous nous trouvons maintenant dans une situation telle que nous avons des taux marginaux d'imposition extrêmement élevés pour les revenus très faibles, disons entre 15 000 et 40 000 $, surtout à cause des nombreuses modalités de récupération que nous avons instituées en cherchant à alléger le fardeau fiscal des Canadiens à faible revenu, ce qui a des répercussions négatives très importantes sur la capacité et la disposition des gens à entrer dans la main-d'oeuvre active. Je pense que c'est quelque chose qui a des répercussions particulièrement néfastes sur la capacité des gens à le faire.

Les taux d'imposition des revenus élevés sont extrêmement élevés, ce qui, à un moment donné, compromettra notre compétitivité au niveau international. Mais, comme je l'ai déjà dit, nous ne voyons jusqu'à présent rien qui prouve que cela se traduise par un exode massif des Canadiens à revenu élevé vers les États-Unis.

Ce que notre pays fait de plus néfaste pour notre productivité concerne probablement l'imposition des entreprises, et pas tant le niveau des impôts sur les sociétés, qui me paraissent un peu hauts par rapport aux États-Unis, ce qui est un facteur dissuasif, mais les différences de niveau d'imposition des sociétés entre les secteurs industriels. Jack Mintz, quand il travaillait pour le ministère des Finances, a présenté d'excellentes études des problèmes concernant l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pratiquement pas été prises en considération, ce que moi-même et beaucoup d'autres gens ont trouvé très décevant. Dans certaines industries, par exemple l'industrie minière, le taux effectif d'impôt sur les sociétés est de 6 p. 100; dans d'autres industries du secteur des services, 21 p. 100 et, au risque d'avoir l'air de plaider un peu ma propre cause, de 26 p. 100 pour les institutions de dépôts.

Nous avons constaté que nous imposons le plus lourdement les industries à propos desquelles nous nous faisons apparemment le plus de soucis dans la nouvelle économie, les industries axées sur les services, alors que nous imposons le moins les industries dont nous pourrions dire qu'elles appartiennent peut-être à l'économie plus ancienne, les industries axées sur les ressources. Quant aux autres formes d'imposition, pour ce qui est de l'assurance- emploi—et il en était aussi fait état dans le rapport Mintz—, vu que le régime ne tient pas compte des résultats, il y a des subventions énormes pour certaines industries et des coûts énormes pour d'autres. Quand on ajoute tout cela, il en résulte une mauvaise répartition très importante des ressources entre les industries qui composent notre économie et une croissance de la productivité beaucoup plus faible que ce ne serait le cas autrement.

Que devons donc nous faire à partir de là? Que pensons-nous que nous devrions faire pour relancer la croissance de la productivité et relever notre niveau de vie?

Dans un sens, bien entendu, je pense que nous conviendrions qu'il faudrait réduire les impôts, mais nous ne conviendrions certainement pas qu'il faudrait les réduire massivement sans tenir compte de l'impact d'une telle mesure sur la situation budgétaire de notre pays. Nous avons encore un endettement relativement élevé au Canada, et il est important de la ramener à un niveau proche de celui des autres pays qui ont la cote AAA. Cela limite donc l'ampleur des sortes de réduction d'impôt que nous pourrions mettre en oeuvre.

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Je pense que ce que nous devrions plutôt faire sur le plan fiscal est peut-être de commencer à nous pencher sur certaines des mauvaises répartitions que nous avons au plan de l'impôt sur les sociétés, certains taux d'imposition étant inhabituellement élevés, et utiliser notre marge de manoeuvre limitée pour réduire les taux d'imposition, tout au moins dans les industries les plus lourdement imposées, et rendre la situation plus équitable.

Je ne suis pas naïf au point de penser que nous pourrions mettre en oeuvre une réforme fiscale massive en augmentant le taux d'imposition de certaines des industries les moins imposées. Je pense qu'en fait, c'était un des défauts du rapport Mintz, tout au moins au plan politique. Mais je pense qu'il y a quelque chose que nous pouvons commencer à faire. Nous pouvons commencer à réfléchir aux répercussions qu'une réduction quelconque de l'impôt sur le revenu des particuliers aura sur les taux marginaux d'imposition des Canadiens à faible revenu.

Nous nous sommes réjouis de certaines des réductions d'impôt, mais un grand nombre de celles que nous avons eues ont, en pratique, contribué à augmenter les taux marginaux d'imposition, ce qui est très négatif. Je pense que vous devriez peut-être envisager d'examiner cette question dans le cadre du prochain budget.

Pour ce qui est de l'assurance-emploi, j'ai également mentionné les subventions massives accordées à certaines industries et le fardeau énorme qui pèse sur d'autres. Au moment où nous réduisons les taux de cotisation à l'assurance-emploi, nous pouvons peut-être commencer à envisager d'appliquer des taux différents à différentes industries en nous fondant sur les résultats de chacune d'elles.

Pour finir, nous pouvons probablement commencer à réfléchir à notre taux d'imposition des gains en capital. Je sais que nous avons un taux relativement élevé comparé aux États-Unis. En même temps, il semble y avoir beaucoup moins de capitaux à risque au Canada qu'aux États-Unis. Je n'ai pas fait beaucoup de recherches pour voir s'il y a un lien entre les deux, mais je pense que c'est certainement quelque chose à quoi les membres du comité devraient commencer à réfléchir dans le cadre de la préparation du prochain budget et des budgets ultérieurs.

Pour finir, je pense qu'il y a des choses auxquelles nous pouvons réfléchir, par exemple les barrières commerciales interprovinciales qui existent encore dans notre pays, comme le montre la crise qui oppose les gouvernements de l'Ontario et du Québec au sujet des travailleurs de la construction. Dans un même pays, ce sont manifestement des choses qui limitent notre capacité à être aussi productifs que possible.

En résumé, je pense qu'à notre avis, notre pays a obtenu des résultats légèrement meilleurs que ceux des États-Unis pour ce qui est de la productivité au cours des 10 dernières années. Notre gouvernement a fait beaucoup de bonnes choses au plan macro- économique: l'inflation a diminué, l'accord de libre-échange a été immensément positif, l'harmonisation de la taxe sur les ventes avec la TPS me paraît avoir été très positive pour la productivité. Notre pays a fait beaucoup de choses relativement bien, mais de nombreux problèmes se posent encore, et je pense qu'ils concernent principalement la réforme de la fiscalité et le rééquilibrage de certains changements que nous avons pratiqués au cours des 10 ou 15 dernières années et qui ont donné lieu à une mauvaise répartition des ressources entre diverses industries.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Egelton.

Nous allons maintenant entendre M. Douglas Porter, économiste senior et vice-président de Nesbitt Burns. Bienvenue.

M. Douglas Porter (économiste senior et vice-président, Nesbitt Burns): Merci, monsieur le président.

J'ai amené une série de tableaux que je vais essayer de commenter.

En guise d'introduction, j'aimerais dire qu'une forte croissance de la productivité est toujours essentielle pour la santé de n'importe quelle économie et, à cause de cela, nous ne devrions pas nous confiner dans un débat sans fin sur la validité des statistiques récentes sur la productivité. Nous devrions plutôt continuer à mettre l'accent sur la façon de renforcer la progression de notre productivité quoi qu'il advienne. Il est donc impératif que les décideurs et les entreprises cherchent constamment à renforcer la croissance de la productivité. Toutefois, à mon avis, nos résultats ont été, en fait, décevants dans ce domaine ces dernières années.

Les derniers chiffres de Statistique Canada donnent à penser que la productivité a une croissance comparable au niveau atteint aux États-Unis dans les années 90 et au Canada dans les années 80, mais ce n'est tout simplement pas suffisant. Vu la restructuration industrielle massive entreprise par le Canada à la suite de l'accord de libre-échange et le fait que le Canada, au début de la décennie, avait une productivité de 20 p. 100 inférieure à celle des États-Unis, progresser au même rythme qu'eux pendant les années 90 n'est rien d'autre qu'un terrible échec.

Si vous voulez me suivre, je passe au premier tableau.

Les chiffres concernant la productivité dissimulent, à tout le moins, la détérioration massive du niveau de vie général depuis le début de la décennie. Cette divergence caractérisée est révélée par le PIB nominal par personne, qu'on voit au tableau 1 et qui a peut- être bien été légèrement exacerbé par la chute extrêmement brutale du taux de change l'année dernière, et on la constate aussi dans le tableau 2, qui porte sur le revenu disponible par personne.

Le revenu disponible s'est même détérioré encore plus que le PIB, en grande partie à cause du fardeau fiscal. On peut constater qu'après s'être maintenu à environ 80 p. 100 du niveau américain tout au long des années 70 et 80, le revenu disponible canadien s'est écroulé et correspondait à peine à 50 p. 100 du niveau américain à la fin de 1998. On peut attribuer cette détérioration massive principalement à trois raisons. La première est que la grave chute du dollar canadien a quelque peu exacerbé ces chiffres. La deuxième est, de façon plus générale, que les résultats de l'économie canadienne ont été insuffisants au cours des années 90, et la troisième est que notre fardeau fiscal est plus élevé.

• 1545

Le tableau suivant montre sous une autre forme que le revenu disponible personnel des Canadiens est maintenant inférieur à celui des 50 États où il est le plus faible. Là encore, certains peuvent dire que les chiffres sont déformés par un taux de change inhabituellement faible, mais cette mesure porte sur le pouvoir d'achat international réel.

Vous pouvez bien demander pourquoi il y a tant de comparaisons avec les États-Unis. Tout simplement, nous sommes plus étroitement liés que jamais à l'économie des États-Unis, nous en dépendons davantage. Après l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange, nos liens commerciaux avec les États-Unis ont connu un grand essor. À elles seules, les exportations vers les États-Unis représentent maintenant près d'un tiers du total du PIB. Il est certain que l'économie des États-Unis a naturellement de nombreux avantages que nous ne pouvons pas espérer reproduire, y compris, par exemple, un énorme marché qui offre d'immenses économies d'échelle. Mais il est donc beaucoup plus important de prendre des décisions correctes dans les domaines sur lesquels nous pouvons exercer un contrôle, comme les impôts.

Il ne fait aucun doute que certains secteurs de l'économie sont prospères. En particulier ceux qui sont étroitement liés au commerce avec les États-Unis ou à l'industrie de pointe ont connu une croissance très forte l'année dernière. Mais, par contre, les industries basées sur les ressources ont des difficultés qui sont partiellement dues à la crise asiatique; toutefois, la faiblesse constatée au cours de l'année dernière montre tout simplement à quel point ces secteurs peuvent être influencés par les cycles économiques et subir des contre-temps périodiques. Il est certain que la croissance de la productivité et de la production est satisfaisante dans plusieurs industries particulières. Mais, comme Rick l'a indiqué, nous marquons le pas par rapport aux États-Unis dans quelques industries clés, tout particulièrement les produits électriques et électroniques. Ces industries représentent la part du lion de la croissance globale de l'économie, qui est donc insatisfaisante depuis une dizaine d'années.

À notre avis, nos résultats sont restés constamment insuffisants au cours des années 90 principalement à cause de notre écart fiscal croissant avec les États-Unis. On peut le mesurer de différentes façons. Le tableau que je vous ai présenté montre la différence quant à la part du revenu total que représentent les impôts sur le revenu des particuliers. Vous pouvez constater que l'écart entre le Canada et les États-Unis n'a pas cessé d'augmenter depuis les années 80. La part du revenu constituée par ces impôts s'est un peu accrue aux États-Unis ces deux dernières années, mais c'est dû en grande partie aux gains en capital démesurés réalisés sur les marchés boursiers. Nous constatons que cet écart fiscal est étroitement lié à l'écart croissant entre notre taux de chômage et celui des États-Unis. N'oubliez pas qu'encore au début des années 80, le taux de chômage du Canada n'était pas supérieur à celui des États-Unis, alors qu'il le dépasse maintenant de quatre points de pourcentage. Parallèlement, l'écart fiscal a connu une augmentation presque équivalente au cours de la même période.

En dehors des taux d'imposition des particuliers relativement élevés, comme Rick Egelton l'a mentionné, on peut dire que nos taux d'imposition des sociétés sont même encore plus élevés par rapport au reste du monde et se distinguent encore davantage des autres. Suite aux récentes réductions proposées dans divers pays, nous allons nous retrouver presque tout en haut de l'échelle dans l'OCDE, et cela s'applique spécialement aux sociétés de service.

Passons maintenant à l'avant-dernier tableau. Il y a eu, au cours des années 90, une très forte corrélation entre de faibles taux d'imposition des sociétés et une forte croissance de la productivité de la main-d'oeuvre. Ce tableau nous paraît tout à fait convaincant. Comme Rick l'a aussi mentionné, notre dernière principale préoccupation est le niveau élevé d'imposition des gains en capital au Canada, qui est actuellement à peu près le double du niveau américain suite aux récentes réductions intervenues aux États-Unis. À notre avis, une importante réduction des taux d'imposition des gains en capital pour les rapprocher des niveaux américains entraînerait, au pire, des coûts budgétaires limités, mais rapporterait énormément en aidant à soutenir les entreprises et en encourageant l'investissement de capitaux à risque.

En fait, l'expérience récente des États-Unis a montré que des réductions des gains en capitaux n'ont pratiquement aucun impact sur les revenus. De telles réductions encouragent l'activité des marchés financiers, qu'elles contribuent à renforcer. Des réductions du taux d'imposition des gains en capital contribueraient à encourager l'utilisation d'options telles que la compensation, en particulier dans l'industrie de pointe, qui joue un rôle clé aux États-Unis.

Voilà tout ce que je voulais dire, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Porter.

Nous allons maintenant entendre une représentante de Loewen Ondataatje McCutcheon Ltée, Mme Maureen Farrow, économiste en chef. Bienvenue.

Mme Maureen Farrow (économiste en chef, Loewen Ondataatje McCutcheon Ltd.): Bonjour. Je suis contente d'être ici avec vous tous.

Je pense que nous avons entendu beaucoup de chiffres. Nous venons aussi d'en voir beaucoup, si bien que je ne vais pas du tout vous en présenter. Je vais principalement essayer de répondre à certaines de vos questions, qui m'ont paru très pertinentes.

Je pense qu'il est important de définir ce qu'est la productivité que nous mesurons; elle représente, en fait, le niveau de vie: le niveau de vie ne pourra augmenter que si la production par habitant s'accroît. Nous pouvons ici discuter de la façon de mesurer la productivité, mais, fondamentalement, la dernière décennie n'a pas été très bonne.

• 1550

Je pense qu'il est très important pour votre comité de faire une distinction entre le débat sur la productivité, le débat sur le chômage élevé et le débat sur les impôts. Ils sont liés, mais l'un d'entre eux est tout à fait à court terme, et la productivité est, en réalité, une préoccupation à long terme que notre pays devrait avoir. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut corriger rapidement. Une simple réduction des impôts ne se traduira pas demain par l'augmentation de la productivité qu'on peut désirer.

Nombre des problèmes que nous avons eus pour ce qui est de la chute de ce que les Canadiens appellent leur niveau de vie sont dus à la ponction fiscale, dont nous venons juste de parler, et au fait que nous n'avons pas créé aussi efficacement des emplois au cours de cette décennie et que nous n'avons pas réduit le taux de chômage pendant ce cycle économique autant que nous l'avions espéré. Il y a de nombreuses raisons à cela. Il y a beaucoup d'emplois que nous ne pouvons pas pourvoir, parce que nous n'avons pas les qualifications appropriées. Il faut donc veiller à établir une distinction entre le taux de chômage élevé à cette extrémité du cycle économique et ce que j'appellerais un problème à long terme pour la plupart des pays, la question de la productivité.

Pour ce qui est de la question de la productivité, je pense qu'il faut revenir à ce que sont les éléments moteurs de la productivité dans un pays. Je dirais que l'histoire nous a appris et nous a permis de vérifier qu'il y en a principalement trois. L'un d'entre eux est un peu dépassé, et c'est réellement l'utilisation efficace des ressources naturelles dans un pays. Bien entendu, comme nous sommes très forts en matière d'exploitation minière et forestière et de production agricole, nous avons toujours tendance à insister sur le fait que ce sont nos ressources naturelles. Mais je pense que nous devrions inclure d'autres choses sous cette désignation, tout comme Singapour le fait.

Singapour ne possède pas de ressources naturelles, mais a un bassin de capitaux. Ce pays a décidé d'utiliser ce bassin de capitaux comme sa ressource naturelle, en redéfinissant le sens de cette expression, et d'augmenter alors son niveau de vie en améliorant énormément la productivité de la main-d'oeuvre. Comme vous le verrez également, les taux d'imposition des sociétés y sont parmi les plus bas sur les tableaux de Doug. Singapour a donc adopté globalement cette nouvelle façon d'envisager ce que j'appellerais les ressources naturelles.

Je pense qu'une autre chose qu'on ne peut pas contester est la formation du capital et l'accumulation du capital. En ce qui concerne le capital par travailleur, il y a une corrélation très élevée entre le capital employé par travailleur et la productivité qu'on retire de la main-d'oeuvre. Et je vous inviterais à faire plus de recherches sur cette question, parce que je pense que nous ne nous sommes pas encore suffisamment concentrés sur elle. En période de changements technologiques, il faut avoir un niveau très élevé d'emploi du capital par travailleur pour tirer le meilleur parti possible de l'absorption et de la diffusion technologiques nécessaires. Ce sera, je pense, au coeur même des questions de productivité dans l'avenir.

Une autre chose, que je crois déjà avoir mentionnée, est la progression de la technologie. Jusqu'à la révolution industrielle du début du XIXe siècle, il n'y avait guère d'augmentation de la productivité dans l'économie mondiale. C'est seulement quand on a commencé à exploiter massivement les progrès de la technologie qu'on a réellement commencé à constater des changements massifs du niveau de vie de tous les membres de la société. Et c'est ce dont votre comité est réellement censé discuter—l'augmentation du niveau de vie de tous les Canadiens.

Je pense que nous devrions donc essayer de mieux comprendre comment exploiter les progrès de la technologie et son absorption dans la main-d'oeuvre de façon efficace afin de pouvoir augmenter la production par personne employée et le niveau de vie du pays.

• 1555

Je pense qu'il y a certaines choses que nous pouvons faire en liaison avec ces choses-là. Je pense que j'inviterais avant tout votre comité à... De même que vous avez repris le contrôle du déficit et travaillez maintenant sur la dette, la productivité à long terme pourrait être le problème que nous devrions chercher à régler en entrant dans le millénaire. Qu'est-ce que cela veut dire? Comment pouvons-nous l'améliorer au Canada? Et comment pouvons-nous réunir tous les paliers de gouvernement, même jusqu'aux administrations municipales, ainsi que le secteur privé et la population canadienne pour chercher à atteindre cet objectif?

Nous devons élaborer des politiques permettant d'utiliser et de mettre en valeur toutes nos ressources de façon plus efficace, y compris les ressources classiques que j'ai mentionnées au début, mais, ce qui est plus important, je pense, les terres, l'infrastructure—et l'infrastructure signifie aujourd'hui la technologie et la diffusion de la technologie—et le capital humain. Nous devons augmenter le capital employé par employé en encourageant les dépenses de M et E par les entreprises et aussi, je l'espère, en nous occupant des déductions fiscales et du traitement fiscal des activités de M et E.

Pour ce qui est du capital humain, comment se fait-il que nos qualifications sont si mal adaptées dans notre pays, comme dans beaucoup d'autres, mais en particulier, je pense, dans notre pays à l'heure actuelle? C'est dû à l'éducation et à la formation. C'est une question qui concerne l'attitude de tous les Canadiens envers les deux, et les travailleurs et les employés doivent examiner soigneusement quels ensembles de qualification sont nécessaires.

Nous avons fait certaines choses pour essayer d'améliorer ce que rapporte la technologie, et nous devons revenir sur cela et y consacrer davantage d'efforts. Nous avons fait des efforts en matière de R-D et d'innovation, et je pense que nous devons en faire plus. Certains des autres collègues ici présents vont en parler davantage. C'est toutefois un plan à long terme, et non pas à court terme. La priorité du comité devrait être de créer ce contexte commercial canadien global englobant ces choses-là.

Je ne dis pas que nous n'avons pas de problème en matière d'emploi. Nous en avons un. Nous devons réduire le taux de chômage. Nous avons également un problème fiscal et nous avons besoin d'une réforme fiscale en profondeur. J'ai insisté sur cette question à plusieurs reprises devant votre comité. Je ne pense pas que de petites modifications marginales nous suffiront pour les 25 prochaines années. Je pense que c'est ce que nous ferons encore dans 25 ans et que nous parlerons encore des répercussions fiscales de la question de la productivité.

Je pense que je devrais m'arrêter sur ces commentaires et nous inviter à une réflexion très générale sur cette question.

Le président: Merci beaucoup, madame Farrow.

Nous allons maintenant entendre le vice-président en chef et économiste principal de la Banque royale du Canada, John McCallum. Bienvenue.

M. John McCallum (vice-président en chef et économiste principal, Banque Royale du Canada): Merci, monsieur le président.

Je voudrais commencer par deux commentaires assez brefs en acceptant votre invitation à une interaction entre les intervenants ici présents, puis j'aborderai une question un peu plus vaste.

Ma position se situe en quelque sorte entre celles de Rick Egelton et de Doug Porter. La satisfaction de Rick au sujet des résultats que nous avons atteints me paraît un peu exagérée. Et, même si je ne dirai pas que Doug sème la panique, je pense que ses tableaux le font, parce que les trois premiers convertissent le niveau de vie en fonction du taux de change actuel, ce qui veut dire que, si notre monnaie baisse de 10 p. 100 par rapport au dollar américain, il dit que notre niveau de vie diminue de 10 p. 100, ce qui est absolument faux. Pratiquement tous les macro- économistes savent qu'on utilise la PPA. Il en arrive donc à la conclusion ridicule que le niveau de vie est plus faible au Canada qu'au Mississipi. Un membre quelconque du comité a-t-il jamais voyagé dans le Mississipi? C'est effrayant. Je pense qu'il faut interpréter les statistiques avec un peu de bon sens.

Ce qui est triste est que nous ne nous en tirons pas très bien. Si nous utilisons des mesures appropriées, on constate encore que le revenu disponible réel par personne a diminué au Canada au cours des années 90 et augmenté aux États-Unis, et ce n'est pas une situation satisfaisante. Nous avons donc un problème de productivité. Mais en exagérer l'ampleur au moyen de ces statistiques qui montrent que nous nous en tirons moins bien que le Mississipi ne me paraît pas beaucoup servir cette cause.

Pour sa part, Rick semble penser que tout va très bien. Je pense qu'au niveau global, nous avons, au mieux, maintenu l'écart de 20 p. 100 avec les États-Unis alors que le libre-échange était censé le combler. Et je pense que, dans le secteur manufacturier, cet écart s'est accru depuis l'Accord de libre-échange, alors qu'il était censé diminuer.

Nous avons donc un problème. Nous ne sommes pas en chute libre comme le Mississipi, mais tout ne va pas non plus très bien. Notre situation se situe entre ces deux extrêmes.

• 1600

Deuxièmement, il faut comprendre que c'est un sujet vaste, confus et complexe. Quand le problème était l'inflation, nous savions quelle manette tirer pour la réduire. Quand le problème était le déficit, nous savions ce qu'il fallait faire—il fallait réduire les dépenses et augmenter les impôts. C'était simple. C'était peut-être difficile à faire, mais on savait quelle manette utiliser.

Pour la productivité, il n'y a aucun consensus sur la manette que nous devrions tirer pour l'améliorer. Certains insisteront sur la réduction des impôts, d'autres sur la nécessité d'investir dans n'importe quoi depuis les garderies jusqu'à la R-D, la recherche universitaire, je ne sais quoi. Je ne crois pas que nous possédions les connaissances nécessaires pour quantifier l'impact de chacune de ces choses. Nous devrions faire plus de recherches à ce sujet, mais je pense que nous pouvons peut-être nous entendre sur une orientation générale en ce qui concerne les principales manettes que nous devrions tirer. Mais c'est un problème analytique beaucoup plus difficile à résoudre que l'inflation ou le déficit.

Ce que je dirai en troisième lieu et qui est le plus important est qu'au cours des années à venir, avec la disparition de la frontière entre le Canada et les États-Unis à de nombreux égards et une intégration progressive dans notre continent sinon dans le monde, nous allons être confrontés à une tension inconfortable entre deux forces concurrentes dans notre pays, dans la moitié septentrionale de notre continent. D'une part, nous voulons tous que le Canada reste, comme il est convenu de le dire, une société plus respectueuse, plus humaine que notre voisin du Sud. Nous accordons de l'importance à nos mesures de protection sociale, à notre système de soins de santé, à notre égalitarisme plus poussé. En fait, cela a marché tout à fait bien au cours des 10 ou 15 dernières années, parce que nous n'avons pas du tout subi la même augmentation des inégalités qu'aux États-Unis. La plupart d'entre nous en sommes donc satisfaits.

Par contre, avec l'élimination progressive de la frontière, si nous avons trop d'égalitarisme, nous allons risquer de perdre certains des membres les plus brillants de notre population et certaines de nos sociétés les plus productives. Donc, si nous penchons trop du côté de l'égalitarisme et si beaucoup de ces gens et entreprises qui sont les meilleurs s'en vont, nous serons peut- être très égaux, mais nous serons de plus en plus pauvres.

Il faut donc trouver une façon de concilier ces deux choses, et cela va devenir de plus en plus difficile au fur et à mesure que la frontière devient de plus en plus invisible. Je pense que toute personne qui est consciente de la nécessité de concilier ces deux facteurs adoptera une position située quelque part entre les deux extrêmes.

Personnellement, juste pour vous donner un exemple, je ne serais pas d'accord avec une union monétaire nord-américaine utilisant le dollar américain parce que je pense que cela nous entraînerait sur la pente dangereuse d'une intégration et d'une harmonisation sans cesse croissantes. À votre avis, qui s'harmoniserait avec qui? Nous nous harmoniserions avec eux. Certains sont donc en faveur de cela, mais je ne suis pas de ce bord-là.

D'autre part, je ne suis pas de ceux qui mènent l'attaque au sujet des réductions d'impôt. On pourrait peut-être même dire que je suis un peu un socialiste par rapport aux idées qui ont cours à Bay Street, ce qui ne veut peut-être pas dire grand-chose. Je suis d'avis qu'une bonne partie de tout dividende budgétaire futur devrait être utilisé pour réduire notamment l'impôt sur le revenu des particuliers, même si je conviens avec Rick que tout n'est pas rose du côté des entreprises.

Permettez-moi de vous citer quelques-unes de mes raisons. Premièrement, je pense que nous avons une occasion unique, dans le sens où, même en nous appuyant sur des hypothèses très mesurées, nous allons avoir des dividendes budgétaires atteignant des dizaines de milliards de dollars dans les cinq ou dix prochaines années. À moyen terme, il sera possible de réduire fortement les impôts et la dette sans réduire les dépenses gouvernementales, ou même en augmentant les investissements dans certains secteurs. C'est une occasion unique, si on envisage la situation à moyen terme, et il faut la saisir.

Deuxièmement, je conviens avec Rick Egelton, John Helliwell et Linda McQuaig que l'exode des cerveaux actuel n'est pas énorme. En fait, Linda a dit que c'était comme un mince filet d'eau. Mais je crois aussi que nous devrions tous être tournés vers l'avenir. Nous devrions tous anticiper les changements qui vont se produire dans notre continent. Pour diverses raisons, si on ne cherche pas à y remédier, cet exode des cerveaux, relativement limité aujourd'hui, pourrait rapidement prendre beaucoup d'ampleur.

• 1605

En premier lieu, avec l'ALENA, les Canadiens ont plus facilement accès aux États-Unis qu'auparavant. Deuxièmement, les entreprises des États-Unis passent le monde au crible pour trouver des gens qualifiés. Ce n'est pas à cause d'une attaque soudaine de bienveillance ou d'altruisme qu'une grande banque américaine de Chicago a mis sur pied un programme de formation dans le ghetto. C'était parce qu'elle ne pouvait trouver personne ailleurs. Si vous lisez le numéro de McLeans de cette semaine, vous verrez à quel point les campagnes de ces grandes entreprises américaines sont raffinées quand elles viennent dans nos universités pour essayer, souvent avec une énorme réussite, d'attirer les jeunes Canadiens les meilleurs et les plus brillants.

La troisième raison pour laquelle je pense que l'exode des cerveaux pourrait devenir plus important est ce qu'on pourrait appeler l'attitude de la nouvelle génération. Je vous avouerai que je me comporte en sociologue amateur, mais quand j'avais 17 ans, si quelqu'un m'avait parlé des États-Unis, cela m'aurait fait penser au Vietnam et aux émeutes raciales. Si quelqu'un parle des États- Unis aujourd'hui à mon fils de 17 ans, et je ne lui ai pas posé la question pour protéger sa vie privée, mais je pense qu'il dirait des mots comme «chance à saisir» ou «cool».

Donc, au fil des ans, l'anti-américanisme a radicalement diminué. Je ne dirais pas que le procanadianisme a diminué, mais du point de vue pratique, pour ce qui est de l'endroit où quelqu'un choisira de vivre, les deux pourraient bien correspondre à peu près à la même chose.

Il est également vrai qu'il n'y a pas besoin que beaucoup de gens s'en aillent, s'ils sont parmi les meilleurs et les plus brillants, pour porter un grand préjudice à la santé et à la prospérité de notre pays. Le départ vers le sud d'une poignée de gens comme Bill Gates peut retirer à notre pays un vaste potentiel de santé, d'emplois et de revenu.

La dernière chose que je dirai à propos de l'exode des cerveaux est qu'il est vrai que les impôts ne sont pas la seule raison pour laquelle les gens s'en vont. Il est vrai que c'est en partie la monnaie—elle remonte ces jours-ci, ce qui est peut-être une bonne chose. C'est aussi parce que les salaires avant impôt sont plus élevés dans de nombreuses industries aux États-Unis qu'il y a plus de possibilités et que les perspectives sont plus attrayantes.

Mais les pouvoirs publics doivent mettre l'accent sur les choses qu'ils peuvent contrôler, et, au Canada, ils ne peuvent aucunement contrôler la nature des chances et des salaires avant impôt offerts aux États-Unis. Nous exerçons peut-être un contrôle très modeste sur notre taux de change. Nous pouvons, je l'espère, contrôler dans une large mesure le taux de croissance de notre économie et les possibilités d'emploi créées dans notre pays. Mais l'élément que nous pouvons le mieux contrôler est le niveau d'imposition dans notre pays. Donc, même si ce n'est pas la seule chose, il est évident que ce n'est pas la seule, c'est ce que le gouvernement contrôle le plus.

Enfin, il ne s'agit pas simplement d'attirer des investissements directs étrangers. Étant donné que la frontière disparaît et que les entreprises choisissent de plus en plus leur lieu d'implantation en fonction des coûts—non seulement les entreprises étrangères, mais également les entreprises canadiennes—et étant donné que, si ma théorie sociologique est juste, nos jeunes sont davantage prêts à choisir d'aller vivre ailleurs, en fonction des possibilités offertes, etc., dans cette position entre une société plus aimable, plus humaine et la nécessité de retenir les personnes et les entreprises les meilleures de notre pays, nous ne devrions pas favoriser exclusivement la nécessité de les retenir, mais il faut que nous fassions un peu pencher la balance dans ce sens.

Il est important, au fil du temps, de nous engager sur la voie d'une réduction de notre impôt sur le revenu des particuliers, sans compromettre de quelque façon que ce soit notre système de soins de santé ou nos programmes sociaux, etc.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McCallum. J'ai réellement apprécié votre analyse sociologique, et vos explications économiques n'étaient pas mauvaises non plus.

M. John McCallum: J'ai reconnu que j'étais un amateur.

Le président: Nous allons maintenant entendre M. Paul Kovacs, vice-président de la politique du développement et économiste en chef du Bureau d'assurance du Canada. Bienvenue.

M. Paul Kovacs (vice-président, politique du développement, économiste en chef, Bureau d'assurance du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis ravi d'être ici et je suis réellement content que le comité investisse du temps dans l'étude de la productivité. Comme l'a mentionné Maureen, c'est l'avenir du pays. Ce sont les questions importantes à long terme. C'est un sujet d'étude approprié pour le comité. Je suis ravi de participer à cela aujourd'hui.

Le principal conseil précis que je veux vous donner aujourd'hui concerne l'importance de l'infrastructure en tant que possibilité spécifique d'investissement qui entraîne une croissance plus forte de la productivité. Mais au lieu de commencer par cela, je veux examiner certaines des questions spécifiques que le président nous a fait parvenir à l'avance. J'ai trouvé que c'était des questions excellentes qui devraient donner lieu à une bonne discussion au fur et à mesure que nous avancerons dans notre réflexion.

• 1610

La première question spécifique sur ce que signifie la productivité a ouvert en partie le débat sur le sens exact de ce terme. J'ai regardé dans le dictionnaire et j'ai lu les publications correspondantes avant de venir, et le sens exact de ce terme est très ambigu. Dans son acception la plus simple, ce terme désigne la production par travailleur. Si elle augmente, notre niveau de vie augmente. À long terme, c'est un concept très important.

Les charmantes nuances sur lesquelles vont ergoter les économistes—ajustement en fonction du capital, des heures travaillées et toutes ces autres belles réflexions académiques—peuvent donc peut-être parfois être utiles, mais, dans son acception la plus simple, on devrait ramener la productivité simplement à la production par travailleur. C'est un concept très important à observer à long terme.

Pourquoi est-il important? Ces derniers temps, la croissance de la productivité dans notre pays a été en moyenne d'environ 1,5 p. 100 par an. Cela veut dire que le niveau de vie des Canadiens double toutes les deux générations. C'est ainsi que l'on progresse, que l'on avance, mais la croissance de la productivité était autrefois de 3 p. 100.

Bon, 3 p. 100 ne paraît guère différent de 1,5 p. 100, mais, avec une croissance soutenue de la productivité de 3 p. 100, notre niveau de vie double à chaque génération. C'est une énorme différence quand on ramène cela à une optique à long terme sur ce qui, en tant que question relevant de la politique gouvernementale, pourrait être tout aussi important qu'avoir une plus forte croissance soutenue de notre niveau de vie. Donc, à ce niveau-là, cela a une énorme importance. Il s'agit bien de la prospérité à long terme de notre pays.

Quelle répercussion cela a-t-il sur les Canadiens? C'est la troisième question qui a été diffusée à l'avance. Les données montrant la corrélation entre les salaires et les différentes mesures de la productivité sont très strictes. Si votre mesure de la productivité s'améliore, votre mesure des salaires s'améliore. Les Canadiens sont plus riches; ils sont plus prospères. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'en dire beaucoup plus.

Quels sont les avantages? Quand on cherche à comparer les pays comme le Canada, les États-Unis et les autres grands pays à la Chine, à l'Inde et à n'importe quel autre pays dont on pourrait dire qu'il tire de l'arrière, la plus grande différence est qu'un travailleur produit davantage en une journée ici que dans ces autres pays.

Je ne veux pas ainsi me vanter que les Canadiens sont nécessairement plus intelligents ou travaillent plus longtemps, plus durement ou je ne sais quoi, mais nous produisons plus en une journée. Il y a la question de toute la gamme de choses dont nous disposons pour nous prêter assistance—l'équipement, les outils, la stabilité politique—si on veut expliquer pourquoi nous pouvons produire plus en une journée. Mais c'est ce qui est au coeur de la discussion sur la productivité.

La productivité est une façon de décrire les différences entre notre société, en même temps que les autres qui fonctionnent bien, et celles qui sont loin derrière nous. À ce stade-ci du développement économique, la productivité est essentielle. C'est un des facteurs clés de la réussite du Canada, par rapport à certains de ces autres pays qui aspirent à ce que nous avons maintenant. Ils aimeraient nous rattraper.

Que nous en coûterait-il de ne pas améliorer la productivité? Là encore, comme les autres personnes présentes qui ont une formation économique, nous aimons jouer un peu avec les chiffres. Si vous prenez la famille canadienne moyenne d'il y a environ 40 ans, en utilisant les mesures d'aujourd'hui et même après des ajustements pour l'inflation et d'autres choses, ses membres seraient considérés aujourd'hui comme pauvres. Notre prospérité s'est accrue. Nous aimerions qu'elle croisse plus vite, mais les améliorations que nous avons connues veulent simplement dire que la famille moyenne est beaucoup plus aisée qu'autrefois. C'est sur cette croissance continue constante que tout le débat concernant la productivité devrait porter et qu'il porte.

La dernière question clé qui nous a été envoyée, si je peux consacrer plus de temps à l'examiner, porte sur ce que le gouvernement a fait de correct et sur les problèmes qui restent à surmonter. C'est principalement là-dessus que chacun essaie ici aujourd'hui de donner son avis.

Nombre des idées que j'entends tout au long de cette discussion qui continuera avec l'aide du comité me paraissent, dans une certaine mesure, progressives. Qu'est-ce que le gouvernement a fait correctement? Nous avons réglé certaines parties du problème de la productivité, et les gens donnent des conseils sur la façon de le faire même peut-être un peu mieux.

Les exemples de domaines où nous avons réglé ce problème—et nous pourrions peut-être faire un petit peu mieux, mais nous l'avons en partie réglé et nous avons fait un bon travail du point de vue de la politique gouvernementale—inclurait à coup sûr la libéralisation du commerce. Il est bon d'avoir le libre-échange avec les États-Unis et d'autres choses pour ouvrir le commerce, et cela a constitué un pas en avant dans la politique gouvernementale au cours des dernières décennies. Plusieurs initiatives ont été prises pour examiner la déréglementation ou améliorer le système de réglementation afin d'éliminer une partie de la pesanteur bureaucratique qui nous empêche d'avancer. C'est une bonne chose. Ce n'est pas terminé. Il reste des choses à faire, mais c'est bien, et des changements progressifs sont utiles.

• 1615

Je crois qu'un thème important aujourd'hui est celui de la simplification, de la réduction des impôts. C'est assurément utile. Cela rend le système plus efficace et plus efficient. Le commerce interprovincial, l'appui à la recherche, l'accent sur la formation et l'éducation et, à coup sûr, l'élimination du déficit—ce sont plusieurs domaines différents dans lesquels nous avons fait certaines choses correctement. Nous n'avons peut-être pas encore terminé, on peut peut-être faire plus, mais ce sont des éléments d'une bonne politique gouvernementale, et on peut espérer s'appuyer sur eux pour aller encore plus loin.

Toutefois, le domaine sur lequel je veux m'étendre un peu en est un sur lequel je pense encore que nous devons mettre l'accent, c'est un problème constant, il s'agit de tout le domaine de l'infrastructure.

Si vous examinez la part des dépenses consacrées au Canada à l'infrastructure publique pendant la période où notre croissance de la productivité était très forte—les années 50, 60 et diverses autres périodes de notre histoire—, à l'époque où on investissait beaucoup dans l'infrastructure, la croissance de la productivité était forte. Au cours des 40 ou 50 dernières années, nous avons eu une réduction régulière et constante des investissements dans l'infrastructure. Les efforts entrepris par divers partis pour expliquer pourquoi ne sont peut-être pas entièrement satisfaisants, mais l'infrastructure a été très vulnérable. Quand les gouvernements ont été mis à l'épreuve, nous avons dû faire quelque chose à propos des déficits. Il est plus difficile de trouver de l'argent pour réparer les nids de poule et les égouts quand on parle de ces investissements en les comparant à d'autres problèmes concernant des dépenses qu'il a fallu faire. Nous avons dû prendre des décisions difficiles pour reprendre le contrôle de nos finances, et, au fil des ans, cela s'est fait à de nombreuses reprises aux dépens de l'infrastructure. La part des dépenses consacrées à l'infrastructure a donc diminué de plus en plus et elle est beaucoup plus faible qu'elle ne l'était.

Sous l'impulsion du gouvernement actuel, un effort a été entrepris pour partager ce rôle avec les provinces et les autorités municipales en formant un partenariat pour relancer réellement l'infrastructure, et il a été extrêmement efficace. À mon avis, la reprise de ces quelques dernières années en matière de croissance de la productivité résulte du sérieux effort entrepris pour faire quelque chose pour l'infrastructure. Mais il faut faire beaucoup plus. Nous avons commencé, mais nous sommes encore bien en retard par rapport à ce que d'autres pays ont choisi de faire pour ce qui est de suivre leur rythme et d'atteindre leur niveau.

Si vous examinez certaines des données disponibles concernant l'âge moyen des routes et des égouts et des égouts pluviaux et de la plus grosse partie du reste de l'infrastructure publique, ce sont des systèmes qui ont été mis en place en moyenne il y a 20 ou 30 ans. Si on essaie de tenir compte de certains des nouveaux quartiers et qu'on examine certains des systèmes très, très anciens qui figurent parmi ces chiffres moyens, il y en a qui existent depuis 50 ou 60 ans et ont été conçus à une époque où la population canadienne et l'économie canadienne n'étaient que l'ombre de ce qu'elles sont aujourd'hui. Ces systèmes ne peuvent tout simplement pas tenir le coup face aux attentes de la population, à ce qu'elle devrait pouvoir obtenir et à ce que certains autres pays ont pu mettre en place.

Donc, à mon avis, c'est un des importants problèmes auxquels nous pouvons remédier et sur lesquels les pouvoirs publics peuvent assurément exercer une influence, et nous devons essayer de faire réellement quelque chose au sujet de l'infrastructure publique. Nous avons des modèles qui ont donné récemment de bons résultats et qui peuvent être très, très efficaces. Un élément limité de cela, qui figure dans le document que nous avons apporté aujourd'hui—c'est une proposition que nous diffusons pour que d'autres puissent la regarder à un moment donné—est qu'un aspect de l'infrastructure et des investissements publics qui, je pense, offre des possibilités considérables pour les investissements concerne la façon de mieux préparer les Canadiens à faire face aux événements extrêmes. Nous avons eu une tempête de verglas l'année dernière. Auparavant, nous avons connu les inondations de la vallées de la Rivière Rouge et du Saguenay. Il y a des preuves suffisantes que nous avons essayé de compiler dans le monde entier pour montrer que des investissements relativement faibles réalisés en temps utile peuvent permettre d'énormes économies ultérieures en matière de dépenses publiques si on cible les domaines appropriés afin d'être sûr qu'on est prêt à faire face aux événements extrêmes qui se produiront à l'avenir.

Pour illustrer cela, je citerai l'exemple du canal de dérivation qui a été mis en place à Winnipeg pour détourner l'eau autour de la ville quand le niveau de l'eau commence à monter. Pour 63 millions de dollars, nous avons économisé des centaines de millions de dollars de dépenses ultérieures, soit des économies facilement 20 fois supérieures au petit investissement réalisé à l'avance par des autorités provinciales et fédérales tournées vers l'avenir. D'importantes économies en ont résulté.

Nous avons l'impression que si nous pouvons constituer un fonds d'investissement avec la participation des autorités municipales, provinciales et fédérales, pour cibler les localités vulnérables et les aider à mettre en place l'infrastructure appropriée pour anticiper des événements graves, les gouvernements pourront réaliser des économies beaucoup plus grandes que le petit investissement requis.

Globalement, pour ce qui est de la discussion actuelle, je pense que l'accent mis par le comité sur la productivité est extrêmement justifié. C'est une question très, très importante pour la politique gouvernementale. Comme Maureen l'a mentionné, je pense que la bonne façon d'aborder cette question est dans une optique à long terme. Il s'agit de la façon d'aider les Canadiens à jouir d'un avenir beaucoup plus prospère.

• 1620

Je pense que les lacunes de ces derniers temps sont très graves. Nous aurions pu connaître une très forte croissance que nous n'avons pas su atteindre. Certaines initiatives positives ont été prises pour ce qui est de la libéralisation du commerce et de la tentative d'examiner des systèmes de réglementation et autres. Nous pouvons faire mieux dans ces domaines, et j'espère que nous le ferons.

Un des domaines clés sur lequel je ne pense pas qu'on se soit penché dans le cadre de certaines des discussions récentes est l'infrastructure. Je pense que si on prête davantage attention au rôle que des investissements accrus dans l'infrastructure peuvent jouer pour accélérer la croissance de la productivité, on pourra s'attendre à une nette augmentation de ce que nous les travailleurs peuvent produire chaque année, à un niveau de vie plus élevé pour les Canadiens et à un avenir bien meilleur.

Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de participer à ce débat.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kovacs.

Nous allons maintenant entendre le docteur Tsui, qui représente Génome Canada. Bienvenue.

M. Lap-Chee Tsui (vice-président, conseil d'administration intérimaire, Génome Canada): Merci.

Je voudrais remercier le comité de me permettre de vous faire part de l'idée suivante ou, peut-être, d'une nouvelle façon d'envisager la productivité.

Je ne suis ni économiste ni sociologue. Je suis simplement un scientifique. En science, en particulier dans les universités, la productivité se mesure au nombre de publications, au nombre d'étudiants et, plus récemment, au nombre de brevets qu'on dépose.

Mais, sérieusement, au cours des cinq ou six prochaines minutes, j'aimerais convaincre le comité qu'investir dans Génome Canada—je vais vous expliquer de quoi il s'agit—est peut-être une solution pour améliorer la productivité grâce à la recherche et à l'innovation.

Nous savons tous que la biotechnologie est un des domaines qui montent dans l'industrie, et elle aura probablement des répercussions sur l'économie mondiale au cours des 10 ou 20 prochaines années. La génomique est la discipline fondamentale sur laquelle repose entièrement la biotechnologie. Investir dans les capacités fondamentales de la génomique mettrait le Canada en mesure de tirer profit de cette révolution.

Bien entendu, je sais que le comité ne s'occupe peut-être pas tous les jours de génomique, mais le génome concerne les gènes et les chromosomes. Les gènes sont des structures fondamentales qui régissent toutes nos activités et fonctions corporelles. Connaître la structure fondamentale d'un corps nous permettra donc à coup sûr de régler beaucoup mieux à l'avenir les questions de santé et les questions de protection.

Je commencerai par la santé, mais le génome dépasse largement ce domaine, et j'ajouterai ensuite d'autres éléments. La génomique, le terme que nous utilisons, est simplement l'étude des gènes et des chromosomes. J'espère qu'après cette discussion, les membres du comité conviendront qu'investir dans cette infrastructure fondamentale assurerait au Canada un avenir plus radieux.

Génome Canada est un groupe qui réunit de nombreuses parties concernées: des scientifiques, des universitaires, des gens de l'industrie, des laboratoires gouvernementaux, des conseils, etc. Depuis un an et demi ou deux ans, nous discutons ensemble pour voir comment le Canada peut faire preuve d'imagination en la matière. Bien entendu, nous avons fait des analyses et, comme on le voit dans le document, nous avons demandé à des investisseurs de déterminer quels seraient les avantages à court et à moyen terme d'un investissement dans Génome Canada ou dans la recherche génomique. Je ne suis pas économiste et je ne prétends pas comprendre ce tableau.

Nous sommes d'avis que le développement structuré des capacités de la science génomique au Canada appuiera des recherches clés dans divers domaines. Comme je l'ai dit précédemment, le projet du génome humain a attiré beaucoup d'attention et enflammé beaucoup les imaginations. C'est le domaine clé, tout au moins sur la scène mondiale actuelle, pour ouvrir la voie à cette forme particulière de la biotechnologie.

Étant donné que tout le monde convient que la santé est une question très importante, comprendre nos structures fondamentales et nos gènes nous aiderait à traiter une maladie donnée et à établir un diagnostic correct et contribuerait même à sa prévention.

Comme je l'ai dit, la génomique ne concerne pas seulement la santé. Il ne s'agit pas seulement du génome humain; le champ d'action de la technologie génomique est, en fait, très étendu. Il recouvre toutes les disciplines de la recherche, y compris l'agriculture et l'agro-alimentaire, l'aquaculture, l'industrie environnementale et la foresterie. Et, croyez-le ou non, elle peut aussi être appliquée à l'exploitation minière et à l'énergie. Elle touche donc toutes les disciplines dans le cadre de la recherche biotechnologique.

• 1625

Où se situe le Canada dans la recherche sur le génome? Il y a quelques années, le PCTAG, le programme canadien de technologie et d'analyse du génome, a fourni des fonds et organisé des activités, mais il a pris fin en 1997. Rien n'est donc organisé pour fournir cette infrastructure, qui est tellement importante pour toutes sortes de recherches en biotechnologie.

J'ai entendu dire tout à l'heure que le Canada n'est pas trop en retard par rapport à d'autres pays industrialisés, mais je suis désolé de dire que le Canada est en retard sur la Corée, l'Inde, le Pakistan et la Chine pour la recherche sur le génome. Ces pays ont une infrastructure pour soutenir la recherche génétique. Nous devons donc examiner réellement cette question et promouvoir l'idée que nous devons nous soucier de la prospérité et des perspectives à long terme au lieu de nous pencher sur certaines des questions dont nous avons parlé précédemment.

Nous mettons de l'avant la recherche génomique depuis quelque temps, et il y a, en fait, des fonds qui sont versés à la génomique par l'entremise du programme de biotechnologie. Certaines activités reçoivent des fonds, mais nous n'avons pas d'infrastructure pour l'ensemble du pays. Les laboratoires gouvernementaux en bénéficient, mais pas les instituts de recherche, les universités et les hôpitaux de notre pays. Nous proposons donc la création de centres du génome. Ce n'est pas une idée nouvelle. De nombreux autres pays ont déjà choisi cette méthode, parce que les centres du génome offrent une efficience d'échelle et l'accès à des plates- formes de recherche qui sont indispensables à toute la science du génome.

Il y a plusieurs plates-formes technologiques, comme nous l'indiquons dans nos documents, mais elles sont trop technologiques, je ne veux pas m'étendre là-dessus. Il y a toutefois une chose qui vous touchera peut-être droit au coeur. Nous nous rendons compte que, pour la science du génome, nous n'avons pas seulement besoin d'un développement technologique, mais également de certains contrôles et règlements. Ces questions éthiques, juridiques, sociales, culturelles et environnementales sont donc très importantes. C'est pourquoi nous utilisons le terme GEDS, qui est une sorte de technologie en biologie moléculaire.

Dans notre planification des centres du génome, je pense qu'il ne fait aucun doute que Génome Canada s'est fermement engagé à être un centre de convergence et à fournir un mécanisme pour l'étude des répercussions sociales, juridiques, éthiques et environnementales de la science génomique dans notre pays. En fait, le Canada est un chef de file mondial dans ces domaines. Nombre de chercheurs de ce secteur ont présidé des comités internationaux et animé d'importants débats dans le monde entier. Il nous faut développer et utiliser leurs connaissances et leur expertise en association étroite avec le développement de leurs capacités dans le domaine de la science génomique.

Les centres du génome offriront un lieu permettant de réaliser des applications croisées. Nous serons prêts à appliquer la même plate-forme technologique à d'autres domaines, comme je l'ai déjà mentionné. La productivité et l'innovation sont améliorées si les connaissances, les capacités et les technologies développées dans un domaine sont appliquées de façon efficace dans d'autres domaines appropriés. Vous avez tous entendu parler de la technologie des puces électroniques. On l'applique maintenant à la recherche génétique chez les êtres humains, mais la même technologie pourrait être appliquée pour l'agriculture, les pêches, la foresterie, etc.

Les centres du génome joueront le rôle d'incubateurs d'innovations pour les entreprises dérivées et les petites sociétés émergentes en assurant un accès à des technologies, du personnel, des connaissances et des capacités essentiels.

J'ai entendu dire tout à l'heure que l'exode des cerveaux ne constitue pas un grave problème au Canada, mais je pense que c'est simplement une question de sémantique. Que cet exode soit massif ou très limité, il fait perdre d'importantes ressources à notre pays. J'étais à Rochester pas plus tard qu'hier. J'étais invité à prononcer une conférence. On m'a fait une offre à laquelle je ne m'attendais pas. On m'a dit: «Nous vous offrons 15 millions de dollars pour lancer un nouveau programme de recherche dans notre université.» La question est alors de savoir pourquoi je suis encore ici. Quand on essaie de décider si on veut aller aux États- Unis ou ailleurs, la décision dépend probablement de deux facteurs: la répulsion et l'attraction. C'est un petit élément scientifique.

• 1630

Le président: Eh bien, il aurait fallu beaucoup plus que 15 millions de dollars.

M. Lap-Chee Tsui: Je ne veux pas m'étendre sur ce sujet, mais je suppose que vous comprenez tous ce qui est en jeu. Je pense qu'il y a encore beaucoup de choses attrayantes ici. Je pense que le Canada a de l'avenir et, en outre, une grande richesse scientifique. Je pense qu'aux États-Unis, on respecte les scientifiques. On pense que la recherche scientifique est la technologie, la force à l'origine de toutes les innovations et on respecte réellement la science. Les enfants parlent de la science au Canada. Les enfants parlent peut-être aussi d'autres choses que la science.

Si nous survivons ici—je survis ici parce que je reçois beaucoup d'argent des États-Unis pour mes recherches. Il n'y a pas d'argent canadien qui va aux États-Unis. C'est la principale différence, et c'est pourquoi je peux encore survivre ici au Canada. Nous devons empêcher cela de se produire. Par exemple, dans le projet de recherche sur le génome humain, on stipule expressément que l'argent consacré à la recherche sur le génome ne doit pas sortir du pays—c'est-à-dire les États-Unis. Nous ne recevons donc pas d'argent des États-Unis pour cela.

Je suis sûr que je prends beaucoup de temps pour expliquer certaines des questions délicates, mais je pense que le moment est opportun pour le Canada de saisir certains créneaux dans le domaine des sciences génomiques.

Les façons de séquencer le génome humain—vous avez probablement lu dans Time et dans différents journaux que c'est presque terminé. La séquence sera établie dans quelques années. Et que ferons-nous? Obtenir la séquence du génome humain n'est pas un aboutissement. C'est, en fait, le début du développement des innovations. Comprendre la fonction des gènes, leur association avec des maladies, la façon dont ils contrôlent la croissance et la résistance aux maladies chez les plantes, le bétail, etc.—ce sont les choses dont les gens parlent.

Les gens parlent de recherche génétique en agriculture, etc. Ce type de travail se fait depuis assez longtemps, mais avec des moyens très primitifs. Les chercheurs croisent deux plantes et voient s'ils peuvent en obtenir une meilleure. La recherche génomique permettra de réaliser ces études de façon plus contrôlée. Je pense que vous vous rendez compte que les Canadiens dépendent beaucoup des cultures et du bétail. Nous aurons un avenir bien meilleur.

J'ai également lu dans le journal ce matin que le diabète devient plus fréquent chez les indiens cris. Il y a une explosion de diabète. Nous savons tous que le gène associé au diabète existe depuis une éternité. C'est l'environnement qui a changé, et donc l'environnement et l'interaction entre les gènes ont entraîné cette augmentation du diabète. Mais nous n'avons pas encore tous les gènes du diabète. Il y en a certains que nous connaissons. Mais, bien entendu, la compréhension des principes fondamentaux qui expliquent le diabète permettra de soigner, de traiter cette maladie. Nous pouvons donc améliorer la qualité de vie et améliorer aussi la santé de l'économie.

Je pense que beaucoup de recherche sur le génome se fait dans notre pays, mais elle est toute fragmentée. Il y a des conseils subventionnaires qui soutiennent la recherche sur le génome. Mais nous avons maintenant besoin d'une approche coordonnée.

J'aimerais donc essayer de montrer à votre comité que nous avons besoin d'une vaste infrastructure technologique pour la recherche génomique, et, bien entendu, pour faire de la recherche, il faut de l'argent. Je ne suis évidemment pas ici pour demander de l'argent pour le moment, mais j'aimerais porter à l'attention du comité que le génome est un domaine dans lequel nous devrions investir.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, docteur Tsui.

Nous allons maintenant entendre M. Howard Alper et M. Denis St-Onge du Collectif en faveur des sciences et des technologies. Bienvenue.

M. Howard Alper (président et vice-recteur à la recherche, Collectif en faveur des sciences et des technologies): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné de Denis St-Onge, qui est professeur émérite à l'Université d'Ottawa et va assumer la présidence du Collectif. Nous sommes réellement heureux d'avoir l'occasion de présenter nos idées au sujet de la productivité.

Je mentionnerai simplement, pour situer les choses, que nous sommes une association coopérative de 22 sociétés et associations du monde de la science et du génie qui collaborent entre elles et avec le gouvernement pour faire en sorte que les capacités canadiennes de R-D et la production industrielle et intellectuelle qui en résulte soient exploitées à fond pour que notre pays en tire le meilleur profit possible en matière économique et sociale. Les membres du Collectif travaillent dans les universités, le secteur privé et les laboratoires gouvernementaux. Nous avons divers programmes, y compris les exposés Bacon and Eggheads qui sont présentés à l'édifice de l'Ouest environ une fois par mois quand le Parlement siège. Nous avons un programme de politique scientifique que nous organisons avec Industrie Canada. Nous avons reçu un membre du Congrès américain, Vernon Ehlers, la semaine dernière, ce qui a été fantastique, et nous avons eu l'année dernière des réunions au sujet de l'investissement dans l'avenir du Canada.

• 1635

Je présente mes observations sur la productivité dans le contexte de la recherche et de l'innovation au Canada, parce que ce sont des facteurs clés pour le développement d'une économie axée sur la connaissance. Comme vous le savez, la découverte et le développement de nouveaux procédés ainsi que l'amélioration des méthodes utilisées actuellement pour la fabrication et la production de biens en augmentant le rendement et en réduisant les coûts peuvent améliorer nettement notre niveau de productivité. Je ne tiens pas absolument à utiliser le mot «productivité». J'aimerais envisager d'utiliser à la place les expressions «renforcement des capacités» et «développement des capacités» pour notre pays.

Permettez-moi de signaler comment le gouvernement peut contribuer à améliorer la productivité dans l'industrie, dans le monde universitaire aussi bien que dans son propre secteur.

Premièrement, l'industrie. Au Canada, l'industrie n'investit pas suffisamment dans la recherche. L'OCDE, le ministre de l'Industrie et d'autres ont exprimé leurs préoccupations à ce sujet. La recherche et l'innovation émanant des entreprises permettent de créer de nouveaux produits, de nouvelles catégories de produits, et, comme je l'ai signalé, d'améliorer la productivité dans les secteurs existants. Il est absolument essentiel qu'une entreprise fasse elle-même de la recherche pour que ses dirigeants et ses chercheurs puissent savoir où se diriger et comment y arriver d'une façon novatrice et concurrentielle au niveau mondial. Sous-traiter les activités de recherche peut servir à soutenir le travail d'une entreprise, mais cela ne remplace pas la recherche interne. Les entreprises ont donc besoin de chercheurs créatifs et industrieux pour atteindre leurs objectifs.

Au Canada, recruter et garder des ingénieurs et des scientifiques industriels excellents pose un gros problème. Comme vous le savez, les médias font régulièrement état des préoccupations à ce sujet et signalent que différentes entreprises menacent parfois de déménager si le gouvernement ne prend pas des mesures décisives pour chercher à remédier à ces problèmes.

Nous recommanderions qu'on envisage, entre autres choses, de réduire les impôts personnels pour que le revenu disponible soit concurrentiel, de créer de nouveaux programmes d'incitation fiscale concurrentiels dans différents secteurs, que ce soit des régimes d'épargne-retraite et d'épargne-études, des options d'achat d'actions, etc.

Troisièmement, il faudrait que les contributions financières des entreprises étrangères puissent donner lieu au versement de fonds de contrepartie par les conseils subventionnaires dans les partenariats université-industrie. Ces contributions vont non seulement permettre de créer des emplois, mais elles vont également stimuler l'investissement étranger dans la recherche industrielle et le secteur manufacturier dans notre pays.

Enfin, il faudrait instituer ce qu'on appelle un nouveau programme créatif de projets de recherche sous la forme d'un triple conseil—regroupant le CRSNG, le CNRC et le CRSH—pour promouvoir la collaboration multidisciplinaire dans un centre. C'est différent du RCE, le Réseau de centres d'excellence, un excellent programme bien connu qui a bénéficié cette année d'une importante augmentation de son budget. C'est un programme merveilleux. Mais il s'agit de renforcer le développement dans un centre parce que, paradoxalement, les réseaux sont importants, mais les regroupements le sont aussi, que ce soit à Ottawa pour l'industrie de pointe, à Saskatoon pour la biotechnologie agricole, etc., et c'est, pensons- nous, très important pour renforcer la recherche et l'innovation industrielles.

Deuxièmement, il y a la recherche universitaire. Recruter et garder des gens est tout aussi important pour ce secteur que pour d'autres, parce que nos chefs de file de demain, les jeunes nommés à un poste ouvriront la voie à l'innovation, ce qui améliorera la productivité. Comme stratégie gagnante correspondante, nous recommanderions qu'on étende d'abord aux universitaires nouvellement nommés les subventions pour chercheurs du premier ministre, qui représenteraient un important apport de ressources et les aideraient à lancer rapidement leur carrière.

Deuxièmement, il y a le programme d'amélioration des perspectives pour l'avenir destiné aux gens qui sont ici depuis entre trois et six ou sept ans, qui, bien que n'étant chercheurs que depuis peu, ont manifesté un certain leadership et qui présentent un potentiel remarquable pour l'avenir. Ce programme comporte deux éléments, un élément offensif visant à multiplier considérablement leurs capacités à se doter des moyens d'effectuer leurs recherches et un aspect défensif dont l'objectif est que moins de gens remarquables partent vers les États-Unis et ailleurs. Ce n'est pas le nombre de gens que nous gardons qui est important, mais l'ensemble des compétences qu'ils possèdent par rapport à l'ensemble des compétences des personnes qui arrivent dans notre pays.

• 1640

Troisièmement, il y a un programme, intitulé «Le Canada: un pays à redécouvrir», pour rapatrier les chercheurs canadiens qui sont en milieu de carrière, qui ont fait d'importantes contributions et qui travaillent actuellement dans d'autres pays. En ce qui concerne les laboratoires gouvernementaux, ils jouent un rôle clé en établissant des normes de qualité en coopération avec l'industrie pour appliquer des inventions qui ont des retombées économiques positives et collaborent avec des chercheurs dans d'autres pays—ils font des recherches scientifiques et technologiques internationales et, dans certains cas, de la recherche axée sur la découverte.

Les chercheurs devraient également fournir des données scientifiques objectives pour la formulation des politiques. La restructuration entreprise par le gouvernement au cours des quatre dernières années était nécessaire, mais, à cause d'elle, la recherche effectuée dans les laboratoires gouvernementaux est malencontreusement moins clairement ciblée et manque de leadership. Il est maintenant temps que le gouvernement investisse dans la recherche. Toutefois, avant d'effecteur de tels investissements, il faut veiller à identifier d'abord les priorités de tous les organismes et ministères gouvernementaux et élaborer ensuite un plan d'action pour la mise en oeuvre.

Enfin, il y a les questions internationales, parce qu'elles couvrent les trois aspects. La coopération internationale en matière de recherche est essentielle pour que les scientifiques et les ingénieurs canadiens puissent bénéficier d'alliances stratégiques avec des chercheurs d'autres pays. Une telle collaboration peut ajouter beaucoup aux découvertes et inventions nouvelles, ce qui enrichit la propriété intellectuelle et suscite la création de sociétés dérivées. Elle aura pour résultat la formation d'un plus grand nombre d'étudiants et de bénéficiaires de bourses de recherche poste-doctorales—des gens extrêmement qualifiés—en vue d'une carrière dans l'industrie et dans d'autres secteurs et, en fin de compte, améliorera l'indice de productivité.

La coopération internationale en matière de recherche est donc un élément important pour les investissements futurs en plus de ceux que j'ai décrits.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Alper.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Je suis désolé, nous n'allons pas passer aux questions, mais donner tout de suite la parole à M. Killeen.

M. Pierre Killeen (agent de relations gouvernementales principal, Association des collèges communautaires du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous représentons ici l'Association des collèges communautaires du Canada. Nous regroupons 175 collèges, instituts techniques et CEGEP financés par l'État. À de nombreux égards, nous représentons aujourd'hui à cette table les Canadiens moyens. Nous sommes présents dans 900 localités dans l'ensemble du pays—les 10 provinces et les trois territoires du Canada.

Pour nous, l'amélioration de la productivité de nos travailleurs et de nos industries du savoir représente le défi économique du XXIe siècle, et, pour le gouvernement, le défi consiste à essayer de trouver une façon d'amener les Canadiens à comprendre la productivité et à accepter le défi de la productivité. C'est ce dont nous avons l'intention de vous parler aujourd'hui.

À de nombreux égards, le débat sur la productivité a essentiellement porté jusqu'à présent sur un segment très petit de notre main-d'oeuvre et de l'économie du Canada: nos travailleurs du secteur de la haute technologie, nos ingénieurs, nos médecins—nos professionnels. Nous aimerions, dans un sens, comparer cela au canari qu'on place dans les mines de charbon. À de nombreux égards, il est temps de nous concentrer sur ce qui le fait chanter et sur la façon dont le gouvernement, la nation peuvent le mieux aider à créer des programmes et à trouver des solutions à ce problème très complexe.

Nous avons traditionnellement tendance à envisager les travailleurs du savoir seulement dans l'optique de l'économie industrielle. Nous pensons traditionnellement surtout aux ingénieurs, aux médecins, aux financiers et aux économistes. Nous sommes d'avis que toute personne qui a un emploi, et même toute personne qui n'en a pas, est un travailleur du savoir. Les électriciens doivent interpréter des règlements complexes et des codes de construction. Les mécaniciens automobiles doivent connaître les ordinateurs et comprendre comment fonctionnent les micro-puces. Les enseignants sont des travailleurs du savoir. Les parents sont des travailleurs du savoir. Si nous croyons que les trois premières années de la vie d'un enfant sont déterminantes pour son développement social et la santé à long terme de notre nation, il est clair que l'éducation des enfants est une activité dans laquelle le savoir tient une très grande place.

Si nous acceptons une définition plus générale de ce qu'est un travailleur du savoir, il en découle que le débat acquiert une dimension beaucoup plus nationale. Il s'agit de savoir comment, au niveau national, nous pouvons améliorer la productivité des Canadiens en général. À notre avis, à de nombreux égards, la façon dont notre nation envisage les programmes concernant la science, la technologie et l'innovation souffre d'être trop étroitement ciblée, comme c'est également le cas en ce qui concerne la productivité.

• 1645

Quelle que soit la mesure dans laquelle notre bien-être économique dépend du secteur de l'informatique et de la technologie de l'information, du secteur de la biotechnologie et du secteur des sciences, il dépend également de la productivité des petites et moyennes entreprises du Canada. Nous travaillons pour la plupart dans des PME, et elles génèrent la plus grande partie de la richesse du Canada.

Avec ces deux idées présentes dans notre esprit, demandons- nous alors ce qui fait défaut à une stratégie nationale de la productivité? Ou, mieux encore, comment notre société associe-t- elle les Canadiens à un effort national de productivité? Nous répondrions à cette question de deux façons. Premièrement, en faisant de l'apprentissage continu notre principale priorité en matière de productivité humaine. Deuxièmement, en améliorant les capacités d'innovation des PME du Canada.

Je vais d'abord parler de la question de l'apprentissage continu. Nous sommes convaincus que c'est grâce à l'apprentissage et à la formation qu'on peut améliorer la productivité humaine et que les efforts entrepris par les pouvoirs publics pour stimuler la productivité devraient être principalement axés sur ces activités. Dans cette optique, notre cri de ralliement devrait être «Mettons- nous à apprendre» et non pas «Soyons plus productifs», ce qui, pour la plupart des Canadiens, correspond à travailler plus pour moins d'argent, ou à être remplacés ou à être victimes de compressions de personnel.

Le Canada est un des pays les plus avancés du monde pour ce qui est de fournir un accès à des activités d'apprentissage et de formation. Nous sommes, à bien des égards, une société axée sur l'apprentissage. Toutefois, nous mettons principalement l'accent sur le système traditionnel d'éducation. Au Canada, nous considérons dans une large mesure l'apprentissage comme une activité limitée au 20 premières années de la vie de quelqu'un.

Nous devons comprendre que, dans une économie axée sur le savoir, plus on possède de connaissances, plus on doit en acquérir pour pouvoir faire son travail. Les médecins sont des professionnels du savoir. Ils sont toujours en train d'apprendre en même temps qu'ils travaillent. Ces deux aspects deviennent inséparables dans une économie axée sur le savoir, dans un paradigme basé sur le savoir.

Pour nous, l'intégration du travail dans l'apprentissage est un des principaux défis auxquels est confronté le Canada en ce qui concerne la productivité. Une étude récente sur l'apprentissage et la formation des adultes au Canada a examiné cette question. Je pense que le paradoxe de l'économie axée sur le savoir est que plus on possède de connaissances, plus on en acquiert; moins on en possède, moins on a de chances d'en acquérir.

Au Canada, 59 p. 100 des travailleurs qui gagnent 60 000 $ ou plus participent à une forme ou une autre d'activités d'éducation et de formation pour adultes, alors que 5 p. 100 seulement des adultes ayant effectué moins de huit ans de scolarité le font—cette étude est citée dans notre mémoire. Cela étant, comment le gouvernement fédéral peut-il faire de l'apprentissage continu la pièce maîtresse de son programme d'amélioration de la productivité? Nous avons quelques idées ou suggestions à propos de la façon d'amener la masse de la population à relever ce qui nous paraît être le défi économique et social du XXIe siècle.

L'éducation et la formation doivent être placées au centre du processus de prise de décision du gouvernement fédéral. Le savoir est notre ressource économique la plus précieuse, mais nous n'avons pas de ministre du savoir. Nous devons trouver une façon d'intégrer l'apprentissage et la formation au milieu de travail, plus particulièrement dans nos PME. Les professionnels qui ont reçu une formation poussée peuvent bénéficier de programmes de maîtrise en gestion des entreprises financés par l'industrie. Les gens qui travaillent dans une PME, par exemple dans un atelier de fabrication, n'ont aucun moyen d'avoir accès à une éducation et à une formation. C'est ce que nous considérons comme le principal défi auquel nous sommes confrontés.

Nous devons repenser notre approche de l'aide aux étudiants, du financement de l'éducation publique et du traitement fiscal des dépenses d'éducation et de formation, en particulier, là encore, pour les PME. Dans certaines universités de l'Ontario, les frais de scolarité ont augmenté de 70 p. 100 ces quatre dernières années. Comment les jeunes Canadiens peuvent-ils se préparer à financer leur éducation si le coût de ce produit ou service va augmenter de 70 p. 100 tous les quatre ans? Quelle sorte de message adresse-t-on aux jeunes gens?

Le gouvernement canadien doit continuer de jouer un rôle dans la promotion de la formation continue. Développement des ressources humaines Canada, Industrie Canada, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et l'Agence canadienne de développement international ont contribué de façon significative à la formation continue au Canada et collaborent étroitement avec les établissements d'éducation et les étudiants.

En outre, nous devons repenser notre approche du financement de l'éducation de base. À de nombreux égards, de la maternelle à la douzième année, l'éducation est gratuite au Canada. À notre avis, cela tient surtout à la valeur qu'une économie industrielle accorde à l'apprentissage et à la formation. Nous vivons maintenant dans un monde où l'éducation postsecondaire est considérée comme indispensable pour pouvoir exercer un emploi lucratif, valorisant et à long terme. Dans ces conditions, puisque l'éducation jusqu'à la douzième année n'est pas suffisante pour garantir un emploi, il est temps de nous mettre à repenser ce que nous considérons comme la durée minimale d'éducation qui prépare quelqu'un au marché du travail.

• 1650

Aux États-Unis, le président Clinton a récemment décidé que, par l'entremise du régime fiscal, les Américaines et les Américains à faible revenu auraient accès gratuitement aux deux premières années d'éducation postsecondaire. À l'aube du XXIe siècle, il est maintenant temps que le gouvernement repense la valeur de l'apprentissage, fasse preuve d'audace et assure la gratuité des deux premières années d'éducation postsecondaire.

Pour finir, nous devons élaborer une stratégie d'apprentissage qui nous permettra de tirer profit de la vague prochaine de nouveaux retraités. Pour nous, le savoir que possèdent les gens qui approchent de la retraite constitue une ressource nationale précieuse. Nous ne pouvons tout simplement pas laisser s'évaporer ce savoir et cette information et la richesse qui peut en résulter. Nous devons trouver une façon d'associer les couches supérieures de la pyramide de la population à nos activités d'apprentissage et de formation. Le tutorat est probablement une des expériences les plus positives que puisse avoir quelqu'un de jeune.

Je serai très bref à propos de ce que nous devons faire en matière de science et de technologie et de stratégie d'innovation, parce que nous avons un cénacle éminent autour de cette table et que l'avis des collèges communautaires au sujet de l'orientation que nous devrions adopter est probablement la dernière chose que vous voulez entendre.

À de nombreux égards, les efforts d'innovation canadiens financés par l'État ont principalement mis l'accent sur la stimulation de la recherche industrielle au moyen des réductions d'impôt pour la R-D et sur la découverte et l'exploitation commerciale du savoir produit dans nos laboratoires gouvernementaux et nos universités. Ces deux initiatives font partie d'une stratégie nationale d'innovation, mais elles ratent la cible pour ce qui est des besoins des PME canadiennes en matière d'innovation. À notre avis, il existe trois facettes de l'innovation, mais nous axons la majorité de nos efforts dans ce domaine sur une de ces facettes—la découverte et l'exploitation des nouvelles connaissances.

L'innovation concerne également l'amélioration continue des produits, des procédés et des services, ainsi que l'exploitation du savoir existant pour élaborer de nouveaux produits, de nouveaux procédés et de nouveaux services.

Dans notre mémoire, nous avons cité les remarques du Conference Board du Canada et de Franchir les obstacles, un rapport présenté aux ministres par le Comité de travail sur la petite entreprise, pour confirmer que, comme nous le disons, nos efforts en matière d'innovation ne répondent pas aux besoins d'un des plus importants secteurs du Canada. Toutefois, nous sommes d'avis que la recherche appliquée qui se fait dans les collèges et instituts du Canada pour le compte de nos partenaires et des entreprises et de l'industrie locale peut combler cette lacune et montre qu'une aide gouvernementale est nécessaire dans ce domaine.

Les collèges sont des institutions uniques. Ils ont, dans un sens, pour mandat de promouvoir le développement économique des localités où ils sont installés. Ils jouent principalement ce rôle en dispensant une formation pour le compte des PME locales, de l'industrie locale. Nous constatons apparemment maintenant que les partenariats entre les collèges et les entreprises locales mettent de plus en plus l'accent sur la recherche appliquée. Il y a des gens qui viennent nous demander s'ils peuvent emprunter nos laboratoires pour tester leurs produits ou s'ils pourraient exploiter la base de connaissances dont dispose notre institution, ou s'ils peuvent venir dans nos murs pour mettre au point des procédés ou réaliser des prototypes.

Ces activités se déroulent dans nos établissements contre rémunération. Elles ne sont pas financées par les pouvoirs publics et ne reçoivent aucun financement de la part de nos conseils subventionnaires. En ce sens, nous dirions que nous sommes uniques par la façon dont nous répondons aux demandes d'un secteur particulier de l'économie canadienne, les PME.

Nos activités de recherche ont pour objectif d'aider les entreprises locales à effectuer les recherches dont elles ont besoin. Il ne s'agit pas de publier dans les revues universitaires, ni de commercialiser la recherche qui se fait entre nos quatre murs. Nous existons fondamentalement pour venir en aide aux gens qui s'adressent à nous.

Donc, à la lumière du rôle que jouent nos établissements et du créneau que nous commençons apparemment à occuper, nous aimerions faire des recommandations concrètes au sujet de ce sur quoi la politique du Canada pour l'innovation en science et technologie devrait principalement mettre l'accent: premièrement, les programmes fédéraux de financement de la recherche devraient envisager l'innovation dans une optique globale et être élargis pour inclure les éléments techniques et non techniques du processus d'innovation—la mise au point de produits, l'élaboration de procédés, la réalisation de prototypes, le transfert technologique et la commercialisation; deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait instituer un programme de financement pour promouvoir et améliorer le développement des capacités dont disposent les collèges et instituts du Canada pour la recherche appliquée et la mise au point de produits.

Nous sommes très heureux de cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Killeen, et je voudrais également remercier l'Association des collèges communautaires du Canada.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Nous procéderons par tranches de 10 minutes. Monsieur Solberg.

• 1655

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci également à tous les intervenants. Je pense que les exposés étaient excellents.

Je veux commencer par la question de savoir si la productivité constitue ou non un problème en elle-même. Nous avons assisté à un bref débat à ce sujet, mais je pense que tout le monde serait probablement d'accord pour dire que, même si le problème n'est pas aussi grave que certains l'ont laissé entendre—même moi—, nous pouvons toujours faire plus pour améliorer notre productivité. Et si nous acceptons cette prémisse, je me demande si nous pouvons nous entendre sur une sorte de mesure brute de la productivité. Est-ce la production par habitant ou par travailleur? Existe-t-il quelque chose de ce genre? C'est ma première question. Et, bien entendu, si c'est le cas, il serait bon que nous puissions nous entendre sur cela, afin de pouvoir ensuite déterminer si nous faisons ce qu'il faut.

Deuxièmement, quel serait l'élément le plus important dans le contexte actuel, dans le Canada d'aujourd'hui, pour ce qui est de l'amélioration de notre productivité? Est-ce la production par travailleur ou quoi d'autre? Est-ce l'éducation, doit-on lui consacrer plus d'argent? Devons-nous dispenser l'éducation différemment? Est-ce que ce sont les impôts? Est-ce que ce sont les soins de santé, comme certains l'ont laissé entendre hier, ou l'infrastructure? Il y a probablement beaucoup d'autres choses, les règlements, toutes sortes de choses.

Je m'en tiendrai là pour le moment, monsieur le président, puis j'aimerais poser une question précise.

Le président: Qui voudra répondre à cette question? Allez-y, monsieur McCallum.

M. John McCallum: Il y a toutes sortes de façons différentes de mesurer la productivité, mais je pense que quelqu'un—je ne sais plus qui—a dit que la meilleure mesure était la production par personne employée, plutôt que ce qu'on appelle la «productivité totale des facteurs». C'est beaucoup plus simple. C'est aussi mon avis. C'est la production d'un seul employé—pas par personne, pas par habitant, mais par personne employée, ou par heure de travail, si vous voulez. On pourrait ensuite calculer cela pour l'industrie manufacturière ou pour l'ensemble de l'économie. Mais je pense que la plupart des gens seraient d'accord pour dire que la meilleure mesure est la production par personne employée ou la production par heure de travail.

Pour ce qui est de notre situation, je pense qu'il est bien difficile de la mesurer, et les statistiques sont constamment révisées, mais je pense que tout le monde conviendrait—on peut me corriger si je me trompe—que nous accusons certainement un fort retard par rapport aux États-Unis, peut-être de 20 p. 100 environ pour l'ensemble de l'économie. Le fait de savoir si cet écart a augmenté ou non fait moins l'unanimité. Je pense que la plupart des gens conviendraient qu'il est resté à peu près inchangé pour le PIB par personne employée, 20 p. 100, et qu'il a peut-être augmenté, empiré dans le secteur manufacturier. Donc, même si nous ne convenons pas qu'il a empiré—disons qu'il est resté inchangé, constant—, il existe encore un écart de 20 p. 100, et il reste très important d'essayer de le réduire. Le libre-échange était censé le faire, mais il ne l'a pas fait.

Finalement, je parlerai très rapidement de l'élément le plus important. Il n'y a pas de consensus à cet égard parce que tout le monde, comme cela s'est passé à cette table aujourd'hui, propose sa solution favorite pour régler le problème de la productivité. Cela s'applique également aux banques: Rick pense qu'il suffit de réduire les impôts sur les banques, et d'autres proposent leurs propres solutions.

Alors que, pour le déficit et l'inflation, nous savons sur quelles manettes tirer pour régler le problème, pour la productivité, nous ne le savons pas. Je pense que la plupart d'entre nous conviendraient que l'éducation, les impôts, la recherche, etc. sont tous des facteurs importants, mais, pour dire vrai, je ne pense pas qu'il existe un consensus ou une façon de déterminer le poids à donner à chacun d'eux d'une manière qui convaincrait une personne sceptique qui avait, au départ, des idées différentes.

M. Monte Solberg: Mais, dans le Canada d'aujourd'hui, sachant où nous en sommes, sachant quel est notre fardeau fiscal, combien nous dépensons pour les soins de santé et toutes les choses de ce genre... Dans votre exposé, vous avez principalement parlé des impôts, vous dites donc probablement aujourd'hui qu'il faudrait principalement mettre l'accent sur les impôts.

M. John McCallum: Personnellement, pour les raisons que j'ai indiquées, je crois que le fardeau de l'impôt sur le revenu est un élément clé, et je lui accorderais beaucoup d'importance. Mais si quelqu'un d'autre dit que c'est l'infrastructure, quelqu'un d'autre l'éducation, quelqu'un d'autre la santé, je ne pourrais pas convaincre cette personne qu'elle se trompe et que j'ai raison. Je ne pense pas qu'en tant qu'économistes, nous puissions le faire, ce qui est triste, parce que dans d'autres domaines, comme le déficit ou l'inflation, nous savons avec davantage de précision quoi faire.

• 1700

M. Rick Egelton: Je serais d'accord avec ce que John a dit, à une réserve près au sujet de la mesure: un économiste fera toujours des mesures, bien entendu. Je conviendrais que la production par heure travaillée est la mesure la plus facile et que nous pouvons nous entendre à ce sujet, mais, au plan théorique, je ne pense pas que ce soit la meilleure mesure, qui est, je pense, la productivité totale des facteurs, parce qu'on tient alors compte du capital et du type de chose qu'on utilise. Le problème que pose cette mesure, bien entendu, est qu'elle peut être révisée radicalement d'une année à l'autre et qu'il est difficile de faire des comparaisons internationales.

Quoi qu'il en soit, je pense que la plupart des économistes conviendraient qu'il existe ce vaste écart, comme John l'a dit, et qu'il est resté à peu près constant au cours des 10 dernières années, qu'il a un peu augmenté ou diminué, mais qu'il n'a pas beaucoup changé. Quant à ce que nous ferions pour améliorer la productivité dans le Canada d'aujourd'hui, il est difficile de faire des comparaisons internationales, mais quand on le fait pour l'éducation et la santé, nous dépensons apparemment beaucoup par rapport à d'autres pays. S'il y a des problèmes pour l'éducation et la santé vis-à-vis d'autres pays, il faudrait, d'après moi, envisager non pas d'y consacrer plus d'argent, puisque nous dépensons plus que la plupart des gens, mais peut-être de répartir différemment les ressources dans ces domaines. Et, comme je l'ai indiqué précédemment—et Maureen y a également fait allusion—, une réforme fiscale est nécessaire.

Nous faisons des choses incroyables en matière fiscale qui entraînent réellement une distorsion dans l'affectation des ressources. Selon moi, ce serait la chose la plus efficace que nous pourrions faire pour en avoir le plus pour notre argent.

M. Monte Solberg: Je suis désolé, les gains en capital en feraient-ils partie?

M. Rick Egelton: Il y aurait les gains en capital, peut-être une réforme de l'assurance-emploi, où il y a des subventions implicites massives d'une industrie à l'autre, les taux d'imposition des entreprises qui varient considérablement d'une industrie à l'autre—des choses de ce genre. Nous avons un taux de TPS dont l'assiette est trop limitée. Il n'est pas harmonisé. Ces choses-là ont des raisons politiques complexes, et ce sont les raisons actuelles, mais je pense que nous pourrions intervenir dans ces domaines si tout le monde était d'accord et améliorer notre croissance de la productivité à un coût très raisonnable.

Le président: Il y a encore trois personnes qui veulent prendre la parole. Il y a M. Kovacs, puis M. St-Onge; nous passerons ensuite à Mme Farrow.

M. Paul Kovacs: Si je peux le répéter, je suis tout à fait d'accord pour dire que la mesure appropriée est, théoriquement, la production par travailleur ou par personne employée. Je pense que, dans plusieurs domaines, tout le monde est d'accord, par exemple pour dire que la taille de l'écart est à peu près inchangée depuis un moment, que cet écart existe, que nous devrions faire mieux et que nous aurions dû pouvoir réduire cet écart avec les États-Unis, mais que nous ne l'avons pas fait.

Il y a un domaine clé à propos duquel je serais en désaccord avec certaines des choses que j'ai entendues aujourd'hui pour ce qui est des mesures spécifiques, et je vais essayer de préciser quelles nuances on pourrait, à mon avis, apporter pour parvenir à un accord. Je pense que, quand on envisage la productivité à très long terme en disant que ce qui compte est de savoir comment on va pouvoir progresser à long terme, ce qu'il faut faire pour la productivité est mettre l'accent sur l'infrastructure. Je pense que, dans un même ordre d'idées, il faudrait mettre l'accent sur la R-D, sur la formation et l'éducation. Ce serait le même type d'investissement approprié à long terme. Mais ce serait bien différent des questions à plus court terme. Nos impôts sont beaucoup trop élevés, et nous devrions faire quelque chose à cet égard, mais cela ne touche pas la productivité à long terme.

Je parle des impôts parce qu'ils ont représenté une partie clé de notre débat d'aujourd'hui; je pense qu'il y a une grande différence entre la réduction des impôts et l'ensemble des questions concernant l'équité fiscale ou l'interférence fiscale ou je ne sais quoi. Tout ce qui rend un régime fiscal plus équitable supprime des distorsions. Je pense que Rick a essayé très soigneusement de présenter un certain nombre d'éléments spécifiques. Quand on essaie de dire que les impôts sont trop élevés et qu'on se demande s'ils occasionnent un exode des cerveaux—et nous avons cherché laborieusement à déterminer si c'était le cas—, il est beaucoup plus difficile d'établir des liens entre des impôts plus bas et la productivité. Politiquement, il est très facile de parler des avantages d'une réduction des impôts, mais cela n'a aucun rapport avec la productivité; il s'agit de voir pourquoi il est bon d'avoir des impôts plus bas. Mais un régime fiscal plus équitable, plus simple, plus net est directement lié à la productivité, à coup sûr, et assure un niveau de vie plus élevé à plus long terme.

Je pense donc que les économistes s'entendent sur certaines choses, si je peux essayer de les indiquer. Les choses qui éliminent les distorsions, les choses qui permettent toujours d'avoir une meilleure production—à mon avis, l'éducation, l'apprentissage, l'infrastructure, toutes ces choses-là permettent aux Canadiens de faire plus, et ce sont les domaines dans lesquels il faut investir.

Je ferai une dernière réflexion au sujet des soins de santé. Je ne sais pas exactement comment établir un lien entre la productivité et les soins de santé. Je sais ce qu'il faut dire au sujet des soins de santé du point de vue politique, et je n'étais pas là quand on en a débattu, mais les soins de santé ne paraissent pas liés à la productivité; il me semble qu'il s'agit d'un débat politique différent.

M. Monte Solberg: La question a été soulevée par un député ministériel hier.

Le président: Monsieur St-Onge.

• 1705

M. Denis A. St-Onge (président, Société géographique royale du Canada): Oui, merci, monsieur le président.

Je pense que, dans ce débat, nous devons établir une distinction entre deux principes fondamentaux. Nous devons nous entendre sur un objectif et sur les moyens de l'atteindre. Nous pouvons certainement convenir que, globalement, l'objectif est d'améliorer la qualité de vie des Canadiens. C'est certainement l'objectif général, quelle que soit notre définition de la productivité. Nous devrions aussi, je l'espère, convenir—et il y en a de nombreux exemples dans le monde entier—que lorsque la population est mieux formée, la qualité de vie est également meilleure. Donc, l'objectif global dans ce contexte d'amélioration de la qualité de vie devrait être d'améliorer la qualité et l'éducation de la population canadienne.

Si nous sommes d'accord là-dessus, je laisserai à d'autres—je ne suis pas économiste—le soin de dire si les moyens à employer sont des réductions d'impôt, une restructuration des impôts, ou je ne sais quoi. Mais dans un débat comme celui-ci, il est important de faire la distinction entre l'objectif et la marche à suivre ou les moyens d'y parvenir.

Nous convenons sûrement tous que l'économie va être basée sur le savoir, que cela nous plaise ou non et quelle que soit la définition que nous en donnons... À Ottawa, le secteur de la haute technologie est sûrement un excellent exemple de cette économie basée sur le savoir, et c'est de là que viennent toutes les demandes. C'est là où nous devrions mettre l'accent. C'est ce que nous devons mettre de l'avant, parce que c'est avec cela que nous allons vivre au cours du prochain siècle et c'est cela qui va améliorer la qualité de vie des Canadiens.

Merci.

Le président: Merci.

Madame Farrow.

Mme Maureen Farrow: En réponse à cette question, je dirais que oui, comme je l'ai dit au début, je suis d'accord, c'est la production par travailleur, et je pense que, si on veut associer les Canadiens à cela, il faut s'en tenir à des choses très simples. La leçon que nous a enseignée le débat sur le déficit est qu'il faut que les choses soient simples et claires et que la clarté incitera finalement tous les Canadiens à se joindre au mouvement. Je vous prie donc instamment de le faire.

Si je devais choisir seulement une chose à faire, je reviendrais à la corrélation qui me paraît très convaincante quand on l'examine, et c'est le fait que les pays qui emploient plus de capital par travailleur ont tendance à être plus productifs. À long terme, cette forte corrélation entre cette productivité de la main- d'oeuvre, ce qu'on appelle la production par travailleur, et le capital employé par personne semble vouloir dire qu'on peut tirer profit des avantages du changement technologique parce qu'on utilise ce capital de toutes les façons possibles, que ce soit pour la formation des employés ou pour les machines et l'équipement qu'ils utilisent, et on peut donc l'absorber. Si on regarde les pays qui ont opté pour cela, on constatera qu'ils ont régulièrement des augmentations très fortes de la productivité.

C'est sur cela que je me concentrerais, et je m'attends à ce que vous ayez recours à des allégements et à des changements fiscaux pour faciliter partiellement cela.

M. Monte Solberg: D'accord. Donc, une réduction des impôts... par exemple, sur les gains en capital serait bonne pour votre...

Mme Maureen Farrow: Il pourrait s'agir des gains en capital, ou d'un amortissement plus rapide des immobilisations. Il y a beaucoup de choses qu'on pourrait envisager, et nous pouvons tirer beaucoup de leçons des endroits où cela s'est fait dans le monde.

Le président: Merci, madame Farrow, et merci, monsieur Solberg.

Il y a plusieurs députés qui voudraient poser des questions, veuillez donc être brefs, et tout le monde pourra intervenir. Nous allons donner la parole à M. Pillitteri, puis à Mme Leung, et ensuite à M. Szabo. Puis nous passerons à M. Brison et, peut-être, à M. Epp.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous prie de m'excuser de n'avoir pas suivi une bonne partie des éléments de base de ce cours... J'écoute les économistes depuis des années.

Je ne sais pas si j'entendais dire quelque chose de différent quand je suis arrivé ici, mais, monsieur Egelton, avez-vous dit que le taux d'assurance-chômage devait varier d'une industrie à l'autre? Pensez-vous que, dans notre société, nous devrions commencer à nous intéresser à différents secteurs de l'économie où les gens cotisent au fonds d'assurance-emploi sans jamais en bénéficier? Pensez-vous qu'ils vont subventionner ceux qui en bénéficient constamment, et cela vous paraît-il équitable au Canada?

• 1710

M. Rick Egelton: Le système fonctionne actuellement de telle façon qu'on pourrait être dans une industrie, par exemple, où les gens travaillent pendant de brèves périodes, puis sont mis à pied, et ils touchent alors l'assurance-emploi, alors que dans une autre industrie, il y a très peu de mises à pied. Donc, dans l'ensemble, on pourrait avoir une industrie avec un emploi très stable; les gens cotisent et touchent très rarement des prestations.

Dans un sens, le système—tel qu'il fonctionne maintenant, avec des cotisations identiques quelle que soit l'industrie—constitue une très forte subvention salariale à certaines industries, qui, d'après le rapport Mintz, atteint parfois jusqu'à 17 p. 100 des salaires. C'est une subvention, alors que, pour une autre industrie, c'est un coût net. Je dis simplement que c'est très inefficace. Pourquoi voudrait-on subventionner une industrie au détriment d'une autre? Pourquoi ne pas équilibrer la situation et mettre tout le monde sur un pied d'égalité?

Dans un contexte de ce type, on finit, sans le vouloir, par consacrer plus de ressources à un secteur qu'à un autre. Il est intéressant de noter que les industries à propos desquelles toutes les personnes présentes semblent être préoccupées, les industries de haute technologie et les industries du savoir, sont précisément celles qui cotisent le plus et subventionnent les autres industries.

M. Gary Pillitteri: Monsieur Egelton, si vous étiez assis pendant très longtemps de ce côté-ci de la table, je me demande comment, en tant qu'homme politique, vous pourriez convaincre les gens de cela dans d'autres parties du Canada.

M. Rick Egelton: Et c'est pourquoi je suis content d'être assis là où je suis.

M. Gary Pillitteri: Je me demandais comment vous aviez pu trouver cet argument.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Pillitteri.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai écouté avec plaisir tous vos exposés. Vous êtes des gens très intelligents.

Je m'intéresse à votre définition de la mesure de la productivité. C'est la production par personne employée. Bon, nous parlons de l'aspect quantitatif. Et l'aspect qualitatif? Nous parlons de la qualité de vie, nous disons que la R-D améliorera les vies ou permettront de guérir une maladie, etc., et vous avez aussi discuté de l'éducation. L'innovation basée sur le savoir—je pense que nous savons tous que le gouvernement actuel a fait beaucoup pour la partie du programme concernant l'innovation. L'année dernière, en 1998, nous avons créé la Fondation canadienne pour l'innovation avec 800 millions de dollars. Cette année, en 1999, son budget est de 200 millions de dollars.

Quoi qu'il en soit, pour revenir à ma question, je m'intéresse aux programmes du génome. À Vancouver, il y a aussi un centre d'excellence. Bien entendu, tous font du lobbying auprès de nous. Nous le savons. Cela ne nous fait rien. Mais nous aimons voir du bon travail. Maintenant, j'aimerais que quelqu'un me dise comment—vous m'intriguez vraiment—on mesure l'aspect qualitatif. Nous parlons de derniers publics, etc. J'aimerais que vous me le disiez.

M. Lap-Chee Tsui: Puis-je essayer de répondre à cette question? La question d'un centre du génome a été mentionnée.

Bien entendu, une mesure quantitative refléterait directement des mesures qualitatives. Je peux vous donner un exemple qui date d'il y a quelques années. En 1996, le quart des gènes de maladie clonés dans le monde l'ont été au Canada. Je pense que c'est parce que nous avons une très bonne infrastructure pour la recherche, pour la prestation de services médicaux et que nous sommes donc très bien organisés. Mais le temps passe, les gènes de maladie facile sont en train d'être clonés, et nous n'avons pas l'infrastructure nécessaire pour concurrencer le reste du monde et surmonter les problèmes plus difficiles. De grandes sociétés pharmaceutiques déversent des centaines de millions de dollars pour la recherche aux États-Unis, et le gouvernement fédéral de ce pays dispose aussi d'un montant identique, alors quelle est notre situation par rapport à cela?

Je parle du soutien à la recherche, un terme quantitatif, et de sa traduction en termes qualitatifs. Je pense que nous parlons de la qualité de vie, de l'économie de la santé, etc. Je pense que l'ampleur de la recherche de qualité qu'on pourrait réaliser dans un pays serait une façon de mesurer la productivité.

Le président: Merci, madame Leung.

Madame Farrow, avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?

Mme Maureen Farrow: Je pense que c'est une question qu'il est légitime de poser parce qu'en tant qu'économistes, nous demandons quelle est la définition de la productivité et nous essayons d'en circonscrire les paramètres. Si nous le faisons, c'est parce que nous affirmons, en fait, que c'est la même chose que l'augmentation du niveau de vie.

• 1715

Maintenant, ce que nous tous, ici présents, voudrions définir comme une augmentation du niveau de vie au Canada engloberait non seulement le fait que nous avons le plein emploi—ce qui, je pense, serait une partie très importante de la définition du niveau de vie, que nous ayons le plein emploi et que nous ayons un budget stable et une certaine souplesse—mais aussi que nous ayons des systèmes de santé et d'éducation satisfaisants et la qualité de vie dont vous parlez. Ce que je pense que vous devez dire avec un certain recul est que si nous n'avons pas une stratégie pour la productivité permettant une augmentation du niveau de vie, nous constaterons une érosion de la qualité de vie dont vous parliez.

En fait, John, je pense que vous avez mentionné cela dans une certaine mesure dans votre déclaration liminaire.

Le président: Monsieur McCallum, puis nous passerons aux questions avec M. Szabo—puis également à M. Kovacs.

M. John McCallum: Je pense que je vais passer mon tour. Je pense que Maureen a couvert ce que j'avais à dire.

Le président: D'accord. Monsieur Kovacs.

M. Paul Kovacs: Les Nations Unies publient chaque année l'indice de développement humain, qui regroupe plusieurs mesures différentes—l'espérance de vie, diverses mesures de la qualité de vie ainsi que des mesures économiques—et le Canada obtient régulièrement une très bonne note, je pense qu'il est arrivé chaque fois en tête.

Si on analyse cet indice, en examinant les mesures qualitatives aussi bien qu'économiques du degré de satisfaction que procure le fait de vivre dans notre pays, on constate une corrélation élevée entre la productivité et cette mesure, mais ce n'est pas une corrélation parfaite. Nous avons discuté du fait que la productivité américaine est supérieure à celle du Canada, mais, en ce qui concerne plusieurs autres mesures, la plupart d'entre nous préfèrent de beaucoup vivre au Canada plutôt qu'aux États-Unis à cause des nombreuses choses qui font du Canada un pays si merveilleux.

Il y a une corrélation élevée entre la productivité et d'autres mesures qualitatives, que ce soit celle-ci ou d'autres, mais elle n'est pas parfaite, et il existe des mesures... Mais c'est un travail de mesure plus audacieux, et, quand on fait ce travail, on combine souvent de nombreuses choses. Si j'ai bien compris, on nous demandait aujourd'hui ce qui constitue une mesure spécifique de la productivité, ce que nous avons essayé d'expliquer, mais il y a certaines de ces mesures générales qui regroupe d'autres indices pour avoir une mesure statistique globale.

Le président: Merci.

Monsieur Alper.

M. Howard Alper: Pour répondre très brièvement à ce que vous avez dit, comme je l'ai signalé à propos du prétendu exode des cerveaux—et il ne faut pas examiner seulement les chiffres, mais l'ensemble des compétences des gens—, vos observations concernaient toutes la productivité. Cela me rappelle le changement survenu au Royaume-Uni du début des années 80 à l'année dernière: ce pays avait un des taux de productivité les plus faibles d'Europe, et maintenant il a un des plus élevés, sinon le plus élevé.

En même temps que cette augmentation de la productivité, du point de vue de la recherche et de l'innovation—parce que je ne pense pas qu'il existe une panacée ou une solution unique—, je dirais que les conséquences de ce changement ne se manifestent pas seulement par des chiffres, quantitativement. L'importance et les répercussions des recherches qui en ont résulté, les répercussions fondamentales, les répercussions sur l'économie, que les nouveaux produits, l'amélioration des procédés permettent de mesurer, ont été vraiment profondes au Royaume-Uni.

Je pense donc que des mesures existent, et je pense que, pour définir la productivité et les choses de ce genre, on devrait examiner les méthodologies utilisées au Royaume-Uni, au Japon et dans d'autres pays, qui sont, en fait, bien différentes de celles qu'on utilise aux États-Unis.

Le président: Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

En 1994, le ministre des Finances a pris la parole pour la première fois devant le Comité des finances, et il a dit qu'une bonne politique budgétaire permet d'avoir une bonne politique sociale, qu'une bonne politique sociale permet d'avoir une bonne politique budgétaire, et qu'il y a entre les deux des liens inextricables. D'après ce que j'entends dire par la plupart des députés, je sais qu'ils sont très déçus que les liens avec les questions touchant la qualité de vie et l'élément social des questions touchant la qualité de vie plutôt que simplement l'économie... nous aimerions probablement qu'on soit plus sensible à cela.

Cette idée de comparer principalement le Canada aux États-Unis sans préciser certaines des priorités en matière d'attitude, des priorités culturelles et sociales, les choses comme l'attitude envers l'éducation, la formation et le recyclage, les soins de santé, la retraite anticipée, la sécurité sociale, etc... Quand M. McCallum parlait de l'attitude des enfants envers les États-Unis et de la façon dont elle a changé du fait que c'est maintenant un pays très prometteur, il a omis de signaler une caractéristique des États-Unis qui saute aux yeux et qu'on ne peut pas nier, et c'est que ce pays est certainement, sur la terre, la société où les poursuites judiciaires sont les plus nombreuses et que l'industrie qui connaît la plus forte croissance est la construction de prisons. Ce sont aussi des questions qui touchent la qualité de vie. Nous ne pouvons donc pas choisir nos statistiques. J'aimerais qu'on fasse une étude plus exhaustive.

• 1720

Cela se ramène peut-être réellement à des questions comme l'écart entre les riches et les pauvres, et peut-être devrait-on soustraire de la mesure de la productivité le nombre de victimes humaines d'une forte productivité économique. Je vous demanderais donc si nos discussions sur la productivité et, peut-être, nos mesures devraient en fait être ou non tempérées par la mesure dans laquelle, parallèlement à cela, notre société est socialement prête à faire face aux changements qui nous attendent au XXIe siècle.

M. John McCallum: Je dirai simplement qu'on nous a demandé de parler de la productivité, ce qui constitue un sujet économique assez limité. Je ne dis pas que cela devrait être le seul objectif ou même l'objectif le plus important.

J'ai rencontré deux infirmières qui, indépendamment l'une de l'autre, ont quitté le Canada; elles travaillaient en chirurgie cardiaque et sont allées aux États-Unis, où elles gagnaient beaucoup plus, mais elles sont revenues, parce qu'aux États-Unis, seuls les gens qui avaient l'argent nécessaire pouvaient être opérés. On laissait mourir des gens qui étaient en parfaite santé s'ils n'avaient pas cet argent. Elles n'ont pas pu supporter cela, et elles sont revenues ici. J'ai pensé que c'était une merveilleuse façon d'illustrer l'importance de notre système de soins de santé.

Je ne recommande pas du tout que nous adoptions le mode de vie des États-Unis, et je ne voudrais pas aller m'installer aux États- Unis moi-même. Mais, cela dit, je dis qu'il y a un choix à faire. La frontière perd de l'importance, les attitudes changent, et si la balance penche trop du côté d'un énorme écart entre les taux d'imposition des Canadiens et des Américains—et l'écart entre les taux d'imposition est important; ce n'est pas absolument pas le seul facteur, mais il n'est pas non plus insignifiant—, si la balance penche vers une imposition massivement plus élevée des gens à revenu élevé au Canada par rapport aux États-Unis, nous en subirons progressivement les conséquences au fil du temps quand des entreprises et des gens quitteront notre pays, ce qui nuira à notre économie, à notre niveau de vie. Il faut donc concilier ces deux choses.

Vu les dividendes budgétaires qui s'annoncent, je crois que nous pouvons faire les deux. Nous pouvons préserver ce que nous aimons, comme notre système de protection sociale et notre société plus humaine, et nous pouvons avoir une réduction importante de l'impôt sur le revenu.

Je ne dis pas qu'il faut supprimer notre système de protection sociale et devenir comme les États-Unis. Je dis cela parce que, grâce à ces dividendes budgétaires, nous avons cette occasion unique de préserver ces choses auxquelles les Canadiens attachent de l'importance, tout en nous orientant vers un régime fiscal fortement allégé.

Le président: Madame Farrow.

Mme Maureen Farrow: Après avoir examiné la question, je serais d'accord avec ce qu'a dit John, mais pourquoi discutons-nous aujourd'hui de la productivité? Le cycle économique actuel est déjà très avancé, et nous en parlons parce que nous avons 7,8 p. 100 de chômage dans notre pays. C'est un gros problème pour nous, en particulier quand nous voyons les États-Unis et divers autres pays où la situation de l'emploi est meilleure.

Si nous avions le plein emploi, ou tout au moins un taux de chômage bien inférieur, nous serions tous plus heureux au Canada. Les flux de revenus seraient meilleurs, et nous pourrions parler davantage de réductions des impôts, d'augmentations des avantages sociaux, etc.

Je vais donc revenir sur cette question et dire que, si je pense que la production par employé est importante, c'est que le fait d'avoir atteint le plein emploi est une des mesures que nous avons de la mesure dans laquelle notre économie fonctionne bien, parce que si nous avons une main-d'oeuvre très productive, nous attirerons des emplois ici, leur création assurera le plein emploi. Les emplois n'iront plus au sud de la frontière; ils viendront ici, parce que nous avons aussi, en plus, cette meilleure qualité de vie.

Il est toujours très tentant de digresser, et je pense que, dans notre pays, la presse a une fixation sur la productivité et, réellement, le fait de parler du problème du chômage. Les deux phénomènes sont liés, mais la productivité à long terme nous aidera infiniment à préserver notre qualité de vie et à jouir du plein emploi et de tous les avantages qui en découlent.

Le président: Merci, madame Farrow.

Je veux accorder une question à M. Limoges.

• 1725

M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): Merci.

J'ai écouté très attentivement tout ce qui nous a été exposé aujourd'hui, et il me semble qu'on s'entend dans une certaine mesure pour dire que, pour ce qui est de la productivité, nous devrions examiner la production par personne employée ou par travailleur. La simplicité de cette déclaration est trompeuse.

Comme on l'a signalé plus tôt, la raison pour laquelle nous examinons la productivité est que le véritable objectif de notre gouvernement est d'améliorer le niveau de vie. Certains pourraient avancer, par exemple, qu'il est très difficile de mesurer la production. Avec les différentes mesures que nous examinons, nous avons ici un graphique qui néglige totalement les fluctuations à court terme du taux de change ou les différences entre les taux d'inflation du Canada et des États-Unis, et ce qu'il indique à propos de notre niveau de vie correspond à une conclusion hâtive inimaginable.

Quelqu'un a également parlé d'augmenter le capital pour améliorer la productivité; or, cela pourrait avoir une incidence négative sur notre taux d'emploi. Notre gouvernement doit pouvoir déterminer ce que nous pouvons faire et si nous devrions même parler de la productivité. J'ai entendu des gens dire que la productivité est un concept très important dont nous devrions discuter, mais devrions-nous réellement le faire si nous voulons chercher à améliorer le niveau de vie?

Certains pourraient dire que ma production doit diminuer si je veux améliorer mon niveau de vie, parce que je pourrai faire seulement des demi-journées de travail et jouer au golf le reste du temps. Que devrions-nous mesurer? Y a-t-il moyen de nous entendre tous sur le fait que ce que nous mesurons sera un facteur déterminant pour ce que nous essayons d'atteindre?

Le président: Monsieur Egelton.

M. Rick Egelton: Je pense que nous conviendrions tous que ce que nous mesurons est très difficile à mesurer, mais je n'en conclurais pas que cela veut dire que nous ne devrions pas nous en soucier. Je pense que nous conviendrons tous qu'à long terme, la seule façon de maintenir une augmentation importante quelconque du niveau de vie est d'accroître la productivité des travailleurs canadiens.

Je vous mettrais en garde contre le fait de dire que le niveau de productivité au Canada est inférieur de 16,34 p. 100 à celui des États-Unis, parce que nous ne savons pas de combien il est inférieur. Nous savons qu'il est inférieur, et que cet écart existe depuis longtemps. Il est utile de le mesurer et de parler des façons d'y remédier.

Notre pays et notre gouvernement savent également, même si nous ne pouvons pas mesurer cela avec précision, quelles sont les choses que nous faisons qui entravent la croissance de la productivité. Même si nous ne pouvons pas mesurer cela, nous savons que nous faisons un certain nombre de choses qui limitent notre capacité à améliorer notre niveau de vie. Voilà le genre de choses sur quoi nous devrions mettre l'accent et que nous devrions chercher à corriger.

Je me rappelle qu'il y a un certain nombre d'années, tous les programmes gouvernementaux étaient censés faire l'objet d'une évaluation environnementale: ce programme est-il respectueux ou non de l'environnement? Peut-être le moment est-il venu de nous demander si les mesures que nous proposons, par exemple un budget, sont respectueuses de la croissance de la productivité. Nous ne sommes peut-être pas capables de la mesurer, mais nous pouvons examiner la mesure en question et dire: «Ce changement fiscal va nuire à la croissance de la productivité. Est-ce vraiment ce que nous voulons?» C'est peut-être cet état d'esprit que nous devrions adopter à l'avenir.

Le président: Monsieur McCallum.

M. John McCallum: Je dirai deux choses. Le niveau de vie ne dépend pas toujours de la productivité. Prenons la productivité, pas la production par personne employée. Appelons-la production par heure de travail, ce qui inclurait le cas de quelqu'un qui veut jouer au golf l'après-midi.

D'autres choses ont un effet sur le niveau de vie, notamment la proportion de gens qui ont un emploi. Pendant les années 80, le niveau de vie des Canadiens a diminué en termes absolus pour la première fois depuis des décennies. Ce n'était pas parce que notre productivité s'était détériorée, mais principalement parce qu'il y avait moins de gens employés par rapport à l'ensemble de la population, parce que nous avions une récession si grave.

Cela tenait également au fait que nous avions subi un choc sur les termes de l'échange. Les prix des choses que nous produisions, comme les produits de base, augmentaient plus lentement que ceux des choses que nous consommions. Ainsi, on peut décomposer l'effet sur le niveau de vie en plusieurs éléments: ce qui est dû à la productivité, au pourcentage de personnes employées dans la population et aux termes de l'échange. Si on parle de la situation après impôt, il pourrait y avoir également un impact de l'impôt.

• 1730

La chute du niveau de vie au cours des années 90 n'avait rien à voir avec la productivité, mais principalement avec le taux d'emploi. Si on compare l'âge d'or des années 50 et 60 avec les années 80 et 90, le monde entier a subi une énorme chute de la croissance de la productivité.

Deuxièmement, à propos de ce que le gouvernement devrait faire, si nous pouvions nous entendre sur les principaux facteurs qui influencent la productivité, il serait bon que les programmes soient tous évalués en fonction de leur incidence sur la productivité, comme cela avait été suggéré initialement au sein du gouvernement libéral.

Le consensus est si limité que le risque est que toutes les personnes ici présentes aient chacune leur propre projet favori et le présentent de telle façon qu'il semble être lié à la productivité. Nous allons vous dire 101 choses différentes que vous devriez faire pour augmenter la productivité en citant des arguments en faveur de tous nos différents projets. Nous aurons peut-être raison et nous aurons peut-être tort. C'est une chose tellement vaste et informe que vous ne saurez pas nécessairement si un projet donné favorise ou non la productivité. Vous devrez être un peu prudents, mais la meilleure solution serait que vous puissiez parvenir à un consensus général à propos de ce qui est bon pour la productivité et que vous essayiez de mettre cela en pratique.

Le président: La sonnerie retentit pour nous dire que nous devons aller voter. Nous avons 15 minutes pour le faire. Nous allons laisser M. Brison, M. Epp, Mme Redman et M. Discepola poser des questions. Nous avons donc 15 minutes pour ces quatre personnes. Allez-y. Soyons productifs.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

J'allais demander à M. Tsui comment cloner plus de Conservateurs pour la colline parlementaire. Cela pourrait essentiellement améliorer la productivité ici. Mais pourquoi toucher à ce qui est parfait?

Pour ce qui est de l'exode des cerveaux, je sais que M. McCallum disait que cela ne concerne pas réellement l'impôt personnel, mais, à mon avis, c'est peut-être quand même tout à fait le cas, et si cela ne concerne pas spécifiquement l'impôt sur le revenu des particuliers, alors c'est l'impôt sur les entreprises.

Pour ce qui est de l'impôt personnel, vous avez mentionné l'article de Macleans. Je crois qu'il disait que certains diplômés en gestion des entreprises commencent à 72 000 $ par an, au taux marginal d'imposition maximal. S'ils choisissent de rester au Canada, ils seront imposés à un taux marginal supérieur à quelqu'un qui gagne 400 000 $ aux États-Unis. Je pense donc que l'impôt personnel continue de poser un gros problème.

Vous avez dit que les salaires que versent les entreprises américaines sont en cause, de même que les revenus avant impôt et le fait que, en matière de rémunération, on s'oriente aux États- Unis non seulement vers les salaires, mais aussi les options d'achat d'actions et les choses de ce genre. Les structures de l'impôt sur les sociétés, et en particulier notre façon de traiter les gains en capital, peuvent contribuer fortement à l'exode des cerveaux, qu'il soit important ou minime. Mais pour ce qui est de ces jeunes Canadiens brillants, talentueux, les meilleurs de leur génération, qui choisissent d'aller aux États-Unis, notre tendance générale à imposer le capital et le revenu du capital au Canada peut jouer un rôle dont nous ne parlons réellement pas beaucoup pour ce qui est de l'exode des cerveaux. Je pense que nous devrions mettre un peu plus l'accent là-dessus.

J'aimerais connaître votre avis et celui de vous tous au sujet de la mesure dans laquelle nos structures d'imposition des sociétés et des gains en capital jouent peut-être un plus grand rôle que nous le pensons relativement à l'exode des cerveaux.

Le président: Allez-y, monsieur McCallum.

M. John McCallum: Je disais que le principal problème concernait l'impôt personnel, et Rick insistait davantage sur l'imposition des sociétés. Je ne suis pas en désaccord avec Rick au sujet des problèmes que pose l'impôt sur les sociétés—il y en a dans les deux cas—mais pour ce qui est de l'exode des cerveaux, j'insistais davantage sur l'impôt personnel.

Je reviens constamment à la nécessité de concilier l'égalitarisme et la productivité, l'exode des cerveaux ou des entreprises, appelez cela comme vous voulez. Cela pourrait certainement être un facteur pour certaines personnes de calibre supérieur qui reçoivent ces gros salaires aux États-Unis avec de grosses options d'achat d'actions. Mais, du point de vue politique, la décision éventuelle de réduire l'imposition des gains en capital, qui profite assurément davantage aux gens plus aisés, relève d'un choix politique qu'il faudrait peut-être faire entre l'efficacité économique et l'opposition politique.

Le président: Monsieur Alper.

• 1735

M. Howard Alper: Merci. Je voudrais simplement ajouter un commentaire personnel.

Hier, j'étais aux États-Unis, dans la troisième ou quatrième entreprise de ce pays. Ses actions ont augmenté de 45 p. 100 depuis le 1er janvier. Ce sont des valeurs sûres. Je discutais avec certains des jeunes chercheurs qui font une évaluation technologique de l'un de ces principaux programmes, y compris plusieurs Canadiens qui travaillaient là. C'était très révélateur. Ce qui compte pour eux, c'est le salaire initial, la structure de l'impôt personnel, les options d'achat d'actions—elles sont phénoménales—et les gratifications versées à la signature du contrat, comme pour les joueurs de basket ou de football. Donc, oui, il y a d'autres éléments en jeu en plus de ceux que vous avez signalés. Mais je pense que pour mettre au point une stratégie pour lutter contre ce problème, il faut envisager à la fois un mode offensif, comment changer réellement la situation en versant de l'argent en particulier pour la recherche et l'innovation ou tout autre secteur, et un mode défensif, c'est-à-dire les mesures à prendre, fiscales et autres, pour minimiser les pertes.

Je veux présenter l'expression «circulation des cerveaux». Nous parlons beaucoup de l'exode des cerveaux. Il est important qu'il y ait une circulation. Il est important qu'en même temps que des gens quittent notre pays, il y en ait qui viennent et qui nous apportent une valeur ajoutée. C'est ce qui s'est passé tout au long de notre histoire. Certains d'entre eux resteront comme immigrants et apporteront une grande contribution à notre pays, et d'autres partiront. Tous ces chiffres ont donc également un impact sur la question de l'exode des cerveaux, mais je pense qu'il y a ces deux composantes. Les impôts sont importants. J'en suis convaincu, non seulement à cause de mon expérience d'hier, mais après avoir parlé avec les chefs de compagnies pharmaceutiques, avec des PME, le secteur de la technologie de l'information, tout ce que vous voulez, ainsi que ces autres gens.

Mme Maureen Farrow: Je dirai simplement qu'il faudrait une réforme fiscale globale. Je pense qu'il faut envisager le régime fiscal dans son ensemble, et cela concerne aussi les provinces et les municipalités.

Le président: Monsieur Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Je voudrais qu'un ou deux d'entre vous me disent exactement quel est l'effet d'une réduction des impôts sur la productivité. Plusieurs d'entre vous ont mentionné cela, et nous en avons entendu parler par d'autres. De quelle façon précise une réduction des impôts améliore-t-elle la productivité si la mesure de celle-ci est la production par personne employée?

Le président: Allez-y, monsieur Porter.

M. Douglas Porter: Oui, je pense que cela se manifeste de différentes façons. Premièrement, et c'est l'élément le plus important, cela a un effet marginal en encourageant l'investissement de capitaux à risque dans les entreprises. C'est une façon de stimuler l'offre. Il y a aussi le fait que cela aide l'économie à fonctionner à un régime supérieur. Si les gens ont davantage d'argent à dépenser, cela contribue à générer une croissance. Et si une économie fonctionne à un niveau plus proche de son plein régime, sa productivité est plus élevée. Plusieurs études l'ont montré. Si une économie se trouve dans une phase inférieure du cycle ou est loin de son plein régime, la productivité ou la production par travailleur est beaucoup plus faible que quand elle fonctionne quasiment à plein régime, ce qui pourrait être le résultat d'une réduction des impôts. Cela a donc un double effet: stimuler l'offre et générer simplement une croissance de façon générale.

M. Ken Epp: D'accord.

Le président: Docteur Tsui.

M. Lap-Chee Tsui: Je pense que je vais peut-être également faire un commentaire à ce sujet. Je pense que certaines des mesures dont nous parlons sont quantitatives. On mesure bien entendu les tonnes de blé ou le nombre d'automobiles qu'on produit. Mais je veux ramener cela à la question de la qualité, c'est-à-dire au fait que la quantité de propriété intellectuelle produite est également une mesure de la productivité. Mais comment la mesurer? On trouvera peut-être plus tard une unité de mesure.

Ensuite du point de vue de l'impôt, je ne pense pas que, dans notre milieu des chercheurs, des scientifiques, beaucoup pensent aux impôts. Nous pensons aux possibilités de recherche. Je pensais que, peut-être, dans le milieu des entreprises, on pourrait comparer les impôts et les choses de ce genre, mais ensuite les cerveaux—les meilleurs chercheurs disent... Bien entendu, il y aussi de grands cerveaux en économie, mais je pense que dans certaines technologies... Je suis désolé d'avoir formulé cela ainsi; je me suis peut-être mal exprimé. Je vous présente mes excuses. Mais je pense que pour ce qui est de donner une impulsion à la technologie dans un pays, les cerveaux sont en fait les spécialistes de la recherche fondamentale.

Le président: Merci.

• 1740

M. Ken Epp: Je veux poser une question précise à M. Egelton. Il s'est plaint du fait que les banques sont imposées à 26 p. 100, ce que je pense que la population dans son ensemble ne croirait pas. Mais disons que c'est un fait. Comment une réduction des taux d'imposition des banques améliorerait-elle la productivité dans notre pays d'après les définitions que vous utilisez pour la productivité?

M. Rick Egelton: Je n'aurais probablement pas dû donner l'exemple des banques. Ce que j'essayais de dire est que les taux d'imposition varient beaucoup d'une industrie à l'autre. Certaines sont imposées à 20 p. 100, d'autres à 6 p. 100 et d'autres encore à 18 p. 100. Cela a pour effet de forcer les gens à investir dans notre pays leurs capitaux dans certains secteurs non pas en fonction des profits qu'ils peuvent réaliser mais, en partie, des différences de traitement fiscal. Et ce n'est pas ce qui est souhaitable si on veut répartir les ressources dans une économie de la façon la plus efficace possible.

Il faudrait plutôt que la structure fiscale soit uniforme dans toutes les industries. Les capitaux seraient alors placés en fonction des possibilités d'investissement et non pas des différences en matière de traitement fiscal.

Le président: Madame Farrow.

Mme Maureen Farrow: À mon avis—et je ne vais pas défendre les banques ici—, les taux d'imposition plus faibles pour les entreprises laissent plus de capital pouvant être utilisé par travailleur, ce qui est très fortement lié à des gains de productivité à long terme.

Le président: Merci, monsieur Epp. Il y en a d'autres ici qui veulent poser des questions.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci beaucoup. Je serai aussi brève que possible.

Il y a quelques mois, Newsweek a parlé de l'écart entre les riches et les pauvres aux États-Unis et, malgré toutes les choses merveilleuses qui se passent au Canada, une des choses dont nous entendons constamment parler est le fait que notre tranche la plus élevée d'imposition sur le revenu commence à un niveau relativement bas.

Je me demande s'il s'agit d'une opposition d'ordre politique entre la cupidité et l'envie. Hier, nous avons reçu un groupe de témoins qui ont suscité beaucoup de discussions très intéressantes, et une des choses qui est ressortie est que l'image qu'on se fait des Canadiens est qu'ils ne travaillent pas réellement très fort et sont plutôt nonchalants. Une des autres choses qu'ajoutait cet article de Newsweek était que les Américains récompensent réellement les riches. Je pense aux grands journaux qui publient la liste de tous les gens qui gagnent le plus, et les Canadiens ont presque implicitement l'impression—c'est certainement ce qu'on voit dans cet article—que ce n'est pas une bonne chose.

Je suppose que je reviens à la psychologie de salon de M. McCallum. Je me demande si quelqu'un voudrait faire des commentaires au sujet de cet aspect du régime fiscal canadien.

M. John McCallum: Eh bien, puisque vous avez mentionné mon nom, j'ai entendu dire que les Américains sont motivés par la cupidité et les Canadiens, par l'envie. Je ne suis pas sociologue, mais c'est peut-être bien vrai. Mais, à mon avis, notre système de protection sociale, qui nous a permis d'éviter la forte augmentation des inégalités que les États-Unis ont connue, joue un rôle extrêmement important, par l'entremise du système d'impôt et de transfert, pour aider les gens à faible revenu ou les gens qui perdent leur emploi.

Nous pourrions abaisser l'impôt sur le revenu en haut et en bas de l'échelle sans réduire un programme social quelconque grâce à ces dividendes budgétaires, mais on continuerait de voir les Canadiens du haut de l'échelle ramener plus d'argent à la maison et payer moins d'impôt. Bon, si cela rend les autres Canadiens tellement envieux que c'est difficile à faire du point de vue politique, ce serait peut-être une réalité politique, mais je pense que cela aurait de lourdes conséquences économiques sur l'avenir à long terme de notre pays.

Le président: Je vais accorder une dernière question à M. Discepola. Vous avez seulement deux minutes.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Très bien. Je serai très bref et je vais probablement passer directement à la question.

J'allais m'inspirer de M. Epp et de son cours de mathématiques. Si vous mesurez la productivité en fonction de la production par travailleur, de la production par employé ou des heures de travail des employés, je ne vois pas comment certaines des mesures que vous proposez seraient bonnes pour la productivité, parce que, de toute évidence, cela veut dire que vous allez soit devoir produire plus en moins d'heures ou avec moins d'employés, soit obtenir une production supérieure avec le même nombre d'employés. Et c'est le coeur du débat.

Je voudrais me concentrer sur la chose suivante: je vous prie de laisser tomber vos mantras, de ne pas faire passer les choses pour ce qu'elles ne sont pas, conformément à ce qu'a mentionné M. McCallum, et de me dire en deux mots ou moins, chacun d'entre vous, quelle serait votre priorité pour améliorer le niveau de vie de tous les Canadiens, et non pas seulement de ceux qui travaillent. Quelle est la priorité?

Je commencerai par M. Denis St-Onge.

[Français]

M. Denis St-Onge: J'investirais plus d'argent dans l'éducation en vue d'améliorer les connaissances des Canadiens.

M. Howard Alper: Je suis d'accord.

[Traduction]

M. Pierre Killeen: Je ferais de l'apprentissage un projet national.

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M. Paul Kovacs: Je m'intéresse principalement à l'infrastructure et aux investissements dans l'infrastructure. Je n'ai aucun problème à parler avec mes collègues et à dire que, si on peut produire davantage dans une journée, on peut avoir un revenu disponible plus important. Je pense que c'est une bonne façon de lier les différents éléments pour faire accepter la chose.

M. Rick Egelton: Je mettrais en place une importante réforme fiscale pour que les règles du jeu fiscales soient identiques pour tout le monde.

M. Lap-Chee Tsui: Que puis-je dire? Je pense que je serais évidemment en faveur de la science et de la recherche. Je pense qu'il s'agirait de baser la productivité sur l'innovation et la recherche.

Mme Maureen Farrow: J'augmenterais le capital utilisé par personne, parce que les gens auront alors les outils nécessaires pour faire leur travail.

M. Nick Discepola: [Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Maureen Farrow: Non, ce n'est pas vrai. Ce n'est absolument pas vrai.

M. Nick Discepola: Ils doivent faire plus pour produire plus, donc, si vous achetez un ordinateur...

Mme Maureen Farrow: Ils ont un ordinateur plus rapide, qui leur permet de faire plus.

M. Nick Discepola: C'est exact.

Mme Maureen Farrow: Et cela sera plus agréable pour eux, et notre société sera plus productive.

M. Nick Discepola: Vous produisez donc plus avec le même nombre d'employés, ou vous faites plus en moins de temps.

Mme Maureen Farrow: Non, nous allons aussi créer plus d'emplois. Il y a plus de gens qui auront un emploi.

M. John McCallum: Au cours des cinq à sept prochaines années, je réduirais les taux d'imposition sur le revenu des particuliers aussi bien pour les riches que pour les pauvres.

Le président: Monsieur Porter.

M. Douglas Porter: Je réduirais aussi les impôts personnels pour tout le monde. Il y a plus de gens très brillants qui resteraient, et l'économie pourrait fonctionner à un niveau plus proche de son plein potentiel, ce qui est absolument à l'avantage de tout le monde.

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.

Le président: Avant que vous ne partiez, je voudrais vous remercier beaucoup au nom du comité. Il faut que nous allions voter.

Mais je veux juste vous poser une question simple: combien d'entre vous sont d'avis qu'il faut générer la richesse avant de pouvoir la redistribuer?

M. Monte Solberg: Je suis de cet avis.

M. Douglas Porter: Je suis de cet avis.

Le président: Merci.

La séance est levée.