CHAPITRE 8 : LES CONSEILS SUBVENTIONNAIRES ET LA FONDATION CANADIENNE POUR L'INNOVATION

            Le soutien financier du gouvernement à l’égard de la recherche dans les universités et de la formation en recherche émane principalement des trois conseils subventionnaires : le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et l’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC). Ensemble, ces conseils offrent un financement assujetti à une évaluation par des pairs, à plus de 17 000 chercheurs d’un bout à l’autre du pays dans des disciplines allant de la biologie moléculaire à la recherche sur le cancer, à la recherche en neurotraumatologie, à la physique corpusculaire, à l’océanographie, à la psychologie du comportement, à l’économie et à l’alphabétisation. Ces investissements dans la recherche pure et appliquée visent d’abord et avant tout à repousser les frontières du savoir et, en deuxième lieu, à transformer les bonnes idées offrant des possibilités d’application commerciale en produits destinés au marché. En fait, les chercheurs sont de plus en plus nombreux à trouver de nouvelles applications aux résultats de leurs recherches et, dans certains cas, ils en font aussi la commercialisation et la diffusion en vue d’une éventuelle utilisation. Ces investissements permettent aussi d’appuyer la formation de nos jeunes chercheurs les plus prometteurs, qui ont ainsi l’occasion d’acquérir d’importantes compétences et de développer une expertise utile dans tous les secteurs de l’économie.

            Avec la création de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) en 1997, le gouvernement du Canada a élargi son éventail d’outils d’intervention pour appuyer la R. et D. au Canada au-delà des trois conseils subventionnaires. La FCI est une société indépendante dont le mandat consiste à renforcer l’infrastructure de recherche dans nos universités, collèges, hôpitaux de recherche et autres établissements sans but lucratif afin de les habiliter à mener des activités de recherche scientifique et de développement technologique de calibre mondial. Avec l’aide d’autres partenaires des secteurs public, privé et bénévole, la FCI contribue à faire en sorte que les chercheurs canadiens disposent de matériel et d’installations à la fine pointe. Les programmes de la FCI visent à : renforcer la capacité d’innovation du Canada; attirer et retenir au Canada des chercheurs hautement qualifiés; assurer la formation de jeunes chercheurs canadiens dans la perspective d’une économie du savoir; favoriser le réseautage, la collaboration entre les chercheurs, l’utilisation d’une approche pluridisciplinaire à la résolution des problèmes et assurer une utilisation optimale des infrastructures de recherche, institutionnelles et inter-institutionnelles6.

            Ensemble, ces énoncés de politique et ces mesures témoignent de l’engagement du Canada en matière d’innovation et de sa volonté d’appuyer et de faciliter les activités de R. et D. dans tout le milieu de la recherche. Les propos tenus par l’un des témoins, dont le travail est étroitement lié à la mise en œuvre du plan d’action en matière d’innovation, confirment ce point de vue :

En octobre, 500 millions de dollars ont été annoncés en vue de contribuer aux coûts de fonctionnement des installations financées par la FCI et d’augmenter la collaboration internationale. Prises ensemble, ces augmentations et l’élargissement de notre mandat, la création du Programme de chaires de recherche du Canada, la multiplication par deux du budget alloué à l’IRSC, la majoration des budgets des autres conseils subventionnaires et le financement accompagné de crédits supplémentaires de Génome Canada, représentent de la part du gouvernement du Canada un niveau de soutien sans précédent, qui transmet un vibrant message aux établissements de recherche du Canada quant à leur rôle essentiel dans le maintien de la capacité d’innovation du Canada sur la scène internationale. [David Strangway, Fondation canadienne pour l’innovation; 10, 9:10]

            Malheureusement, il a été impossible au Comité dans le temps qui lui était alloué, d’évaluer le rendement de ces organismes fédéraux ou leur efficacité à s’acquitter de leurs mandats. À la place, le Comité s’est concentré sur la portée des mandats actuels des conseils qui ont recours à l’évaluation par des pairs et de la FCI, de même que sur les ressources dont ceux-ci disposent pour atteindre leurs objectifs, afin de situer leur rôle dans le système national d’innovation et leur contribution possible à l’instauration d’une économie axée sur le savoir.

Le financement de la recherche en fonction de l’évaluation par des pairs

            Lorsqu’il est question de biens publics comme le travail de recherche, en particulier la recherche fondamentale, le marché privé a tendance à sous-évaluer ce type de recherche profitable à la société (dans un sens d’optimisation) et, par conséquent, à en faire moins. Cela va de soi lorsque le chercheur ne peut jouir de l’exclusivité des retombées de la recherche. Toutefois, l’envers de la médaille, c’est que si nous laissons au seul gouvernement le soin de soutenir financièrement ces projets de recherche, les subventions attireront tous les chercheurs, même ceux dont les projets ne profitent qu’à des intérêts privés et n’ont absolument pas besoin d’être financés par des fonds publics, sans parler des innombrables chercheurs dont les projets n’ont guère d’utilité. Si nous ne trouvons pas une façon de limiter l’engagement du gouvernement à l’égard du financement des projets de recherche, nous risquons de surévaluer le travail de recherche (encore une fois dans un sens d’optimisation) et, par conséquent, d’en faire trop. De toute évidence, il faut parvenir à un équilibre et adopter un mécanisme de rationnement de quelque sorte pour éviter que la demande ne dépasse l’offre et que les chercheurs n’en viennent qu’à faire de la recherche pour le simple plaisir de faire de la recherche.

            Le mécanisme de rationnement privilégié par les trois conseils subventionnaires et par la FCI est l’évaluation par des pairs. Cette formalité consiste en une évaluation par des spécialistes impartiaux des projets de recherche ou des contributions à la recherche dans un domaine précis. Les intéressés présentent habituellement une demande de subvention qui fait état des renseignements suivants : description du projet de recherche; réalisations passées de la personne ou de l’entreprise; contribution à la formation de personnel hautement qualifié; budget ventilé, etc. Les comités de sélection des subventions sont des comités d’évaluation par des pairs constitués de représentants hautement qualifiés d’universités canadiennes, de l’industrie, de laboratoires gouvernementaux et d’établissements étrangers. Chacun d’eux apporte un point de vue unique et contribue utilement au processus de décision. Ce sont eux, en fin de compte, qui décident des projets de recherche qui pourront bénéficier du financement offert par les conseils et, implicitement, de ceux qui n’y auront pas droit. Des mécanismes d’appel sont habituellement prévus pour éviter toute erreur ou injustice.

            En plus de faire appel à des gens qui ont une connaissance intime de la discipline et du secteur industriel pour lequel un financement est demandé, le mécanisme d’évaluation par des pairs a aussi l’avantage d’être souple, au sens où le jury de spécialistes a le choix entre différentes stratégies possibles. Il peut, par exemple, opter pour l’octroi de subventions relativement importantes à un groupe restreint et très sélectif de chercheurs ou choisir d’accorder des subventions relativement modestes en plus grand nombre ou à un plus vaste éventail de chercheurs. Seuls les spécialistes d’un domaine sont en mesure de savoir ce qui fonctionne le mieux dans leur discipline et ce qui est le plus susceptible de favoriser l’innovation et de faire progresser les connaissances. De plus, il y a parfois des compromis à faire entre l’« excellence » et l’« innovation » au moment de décider du financement des projets de recherche et seul un jury de spécialistes est en mesure de juger efficacement des compromis à faire. C’est ce genre de décision que le CRSNG a été appelé à prendre récemment. En effet, comme c’est le cas pour les trois conseils subventionnaires, la demande de fonds dépasse de beaucoup l’offre. Cette année, le CRSNG a réagi à cette situation de la façon suivante :

Lors du […] dernier concours tenu en février auprès de quelque 3 000 chercheurs, […] Or, […] nous ne disposions pas des majorations budgétaires nécessaires pour accueillir favorablement toutes ces demandes, [mais] nous avons décidé de financer 567 de ces projets en accordant à chacun 39 % des fonds demandés, de sorte que la proportion de demandeurs ayant eu droit à un financement a été plus grande et le pourcentage du financement accordé a été moindre. [Thomas Brzustowski; 23, 10:40]

Le CRSH et l’IRSC ont eux aussi fait des compromis semblables, bien que l’importance et le pourcentage des demandeurs diffèrent sensiblement.

            Dans les prochaines années, on s’attend à un important renouvellement du personnel enseignant dans les universités canadiennes. Bon nombre de professeurs prendront leur retraite et devront être remplacés. La perte d’expertise et d’expérience en recherche qui en résultera sera énorme, mais les jeunes chercheurs qui prendront la relève seront d’un genre différent et leur appétit pour la recherche sera beaucoup plus aiguisé. Les changements imminents dans la composition du corps professoral des universités canadiennes laissent présager une augmentation fulgurante de la demande de fonds de recherche auprès des trois conseils subventionnaires.

Les universités se trouvent dans une situation de relève des professeurs. Plusieurs prennent leur retraite et il y a beaucoup de nouveaux professeurs qui arrivent. Nous sommes confrontés à une croissance incroyable. Sept cent soixante-deux nouveaux professeurs ont présenté des demandes lors d’un concours touchant moins de 3 000 personnes. C’est 25 % de croissance. Notre principale priorité est de subventionner la recherche de ces nouveaux venus, qui oeuvrent dans de petites et de grandes universités. [Thomas Brzustowski; 4, 9:50]

            Si le Canada ne veut pas perdre les chercheurs les plus brillants et les plus prometteurs, il ne peut se permettre de restreindre le financement de la recherche puisque nous savons pertinemment que la demande augmentera à un rythme sans précédent. Si les possibilités d’obtenir du financement et de constituer de bonnes équipes de recherche diminuent et s’ils sont obligés de continuer à travailler avec du matériel vétuste, les chercheurs plieront bagages et s’en iront ailleurs.

            Il est clair que si le gouvernement veut donner suite à son engagement de doubler les activités de recherche au Canada, il devra de plus en plus faire appel aux chercheurs des universités et, implicitement, aux trois conseils subventionnaires, qui sont des moyens de financement de choix. Le Comité appuie aussi fermement la stratégie du gouvernement en ce qui a trait au financement direct des chercheurs du secteur privé et de leurs collaborateurs. Toutefois, la façon dont les conseils subventionnaires s’acquittent de leurs mandats et leurs critères de sélection des projets de financement l’inquiètent au plus au point.

            L’autre question pressante qui inquiète le Comité est la capacité relativement faible de recherche des petites universités, en particulier celles du Canada atlantique et de l’Ouest. Cette faiblesse, ou plutôt cette disparité dans la capacité de recherche d’une région à l’autre, est manifeste dans le taux de succès des chercheurs qui sollicitent du financement auprès des conseils subventionnaires. Le Comité croit savoir que la raison de cet écart ne réside pas dans le manque de potentiel du corps professoral de ces universités pour exceller en recherche, mais plutôt dans l’existence d’un certain nombre d’obstacles comme : la lourdeur de la charge d’enseignement; l’insuffisance d’espace en laboratoire, d’ateliers, de techniciens et de matériel de base et, plus important encore sans doute, le faible niveau d’activité industrielle à valeur ajoutée. Il est clair que ces différences structurelles dans les économies régionales et le financement des universités par les provinces ne peuvent être aplanies du jour au lendemain.

            Réunies, ces inquiétudes justifient un examen plus poussé de la question par le Comité. En effet, l’engagement pris par le gouvernement fédéral de doubler les dépenses de R. et D. d’ici 2010 arrive à point nommé du fait que le Comité se doit d’examiner les mandats, processus et critères de prise de décisions des conseils subventionnaires (prévu cet automne) avant que le gouvernement ne verse les fonds additionnels en vue d’assurer la saine gestion de ressources rares.

Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG)

            Le CRSNG appuie la recherche dans les universités et les collèges, la formation en recherche de scientifiques et d’ingénieurs ainsi que la recherche axée sur l’innovation. Il favorise l’excellence dans la créativité intellectuelle à la fois dans la production et l’utilisation de nouvelles connaissances et s’emploie à mettre à la disposition du plus grand nombre possible de Canadiens des connaissances et compétences de pointe. Le CRSNG accomplit cette mission en accordant des subventions et des bourses par voie de concours qui reposent sur une évaluation par les pairs et en établissant des partenariats avec les universités, les collèges, les gouvernements et le secteur privé. Voici comment procède le CRSNG à cet égard :

Nous appuyons les chercheurs ¾  étudiants de premier cycle et ceux des niveaux supérieur et postdoctoral ¾  de deux façons. […] La première consiste à leur accorder des bourses à titre personnel, et l’autre, à leur offrir des subventions de recherche à titre de chercheur principal. D’une façon ou de l’autre, ils reçoivent une rémunération et, en fait, le nombre de boursiers est à peu près équivalent au nombre de récipiendaires d’une subvention. Nous aidons aussi les techniciens et les assistants à la recherche dévoués. Puis [il y a] les frais de fonctionnement. Ce sont les coûts directs, c’est-à-dire les coûts engagés par le chercheur principal pour faire de la recherche. C’est ce qui justifie, dans bien des cas, l’octroi d’une subvention de recherche, en plus du soutien financier offert aux chercheurs.

[Thomas Brzustowski; 23, 10:40]

            Comme c’est le cas pour les trois conseils subventionnaires, la demande de fonds dépasse de beaucoup l’offre. En fait, le CRSNG signale que pour la partie de son mandat qui concerne l’industrie, il a dû suspendre certains concours :

Sur le plan industriel […], une décision consciente [a été prise] par le CRSNG […], à savoir que parce que les subventions de recherche aux professeurs sont le fondement même de la pyramide sur laquelle repose toute la structure, leur octroi constitue une priorité. Par conséquent, nous n’allons pas supprimer de programmes, mais nous allons suspendre des concours afin de compenser pour cet excédent de dépenses dans l’un de nos programmes.

[Thomas Brzustowski; 23, 10:40]

            En jetant un coup d’œil à certaines des réalisations récentes du CRSNG, le Comité note qu’en 1999-2000, le Conseil a soutenu au-delà de 8 700 professeurs d’universités, 15 000 étudiants de niveau universitaire et boursiers postdoctoraux, de même que 3 100 techniciens universitaires. Cela est de bon augure pour ce qui est des découvertes scientifiques et de la création de ce qu’on appelle la « capacité réceptrice » de l’industrie. De plus, le nombre d’entreprises qui ont participé aux programmes du CRSNG est passé de 50, en 1983, à environ 500, en 1999. Aujourd’hui, pour chaque dollar que le CRSNG investit dans un projet, l’industrie et d’autres intervenants contribuent pour l’équivalent d’un dollar et soixante-dix cents. Le Comité est impressionné par ces résultats et croit que les programmes du CRSNG, qui ont coûté aux contribuables un peu moins de 600 millions de dollars en 2000-2001, sont de l’argent bien investi.

            Au cours des prochaines années, l’investissement fédéral de 1,9 milliard de dollars dans la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) se traduira par un investissement de plus de 5,5 milliards de dollars dans les infrastructures qui s’imposent. Toutefois, même si la FCI renforcera la capacité des universités canadiennes de mener des travaux de recherche, elle posera aussi de nouveaux défis dans tous les secteurs. Le CRSNG, qui finance les coûts directs de la recherche, s’attend à une importante augmentation de la demande de fonds pour financer le fonctionnement de nouvelles installations et de nouveaux laboratoires. Il estime que cette majoration sera d’au moins 135 millions de dollars par année. De plus, le coût de la recherche de pointe de calibre mondial est en hausse ¾  en raison de la faiblesse du dollar canadien par rapport au dollar américain, les États-Unis étant le principal fournisseur de matériel scientifique, et des nouvelles méthodes de recherche plus coûteuses ¾  d’où une plus grande dépendance à l’égard du financement offert par le CRSNG.

Le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)

 

            Le CRSH est l’organisme national responsable de soutenir la recherche universitaire en sciences sociales et humaines. Il finance des travaux de recherche fondamentale ¾  axés sur des sujets d’importance nationale ¾ , la formation de personnel hautement qualifié et la diffusion à grande échelle des connaissances au profit des Canadiens. Ses programmes et ses stratégies encouragent l’excellence en recherche, l’innovation, la productivité et les partenariats avec les utilisateurs de la recherche dans les secteurs public, privé et communautaire.

            La demande de fonds du CRSH dépasse de beaucoup ce qu’elle peut offrir, et l’écart est probablement plus prononcé que dans le cas des autres conseils subventionnaires. Le Conseil estime que ses programmes les plus innovateurs ne permettent de subventionner qu’entre 10 et 20 % des propositions méritoires. Par exemple, le programme des Alliances communautaires pour la recherche universitaire ¾  qui aide à créer des partenariats de recherche dynamiques entre des universités et des communautés locales ¾  a permis de soutenir seulement 37 projets sur 298 candidatures.

            Le président du CRSH estime qu’il existe une iniquité entre son conseil subventionnaire et les deux autres. Il a mentionné que les étudiants et les professeurs en sciences sociales et humaines constituaient la majeure partie du soi-disant « capital humain » des universités canadiennes, mais qu’ils recevaient pourtant une part beaucoup moins importante des fonds fédéraux versés à la S. et T. Cette iniquité semble encore plus prononcée si l’on considère que le CRSH alloue en proportion plus de fonds aux petites et moyennes entreprises au Canada, là où l’on dit que se situe le « fossé de l’innovation ». Disposant de relativement moins de fonds, le Conseil est donc forcé d’accorder de très petites subventions.

Il est frappant de constater sur ce graphique qu’en sciences sociales et humaines, la proportion des fonds qui va aux étudiants est très faible parce que les subventions sont peu élevées. La moyenne des subventions est de 17 000 $ par année. [Marc Renaud, Conseil de recherches en sciences humaines du Canada; 23, 11:40]

            Le Comité est convaincu que l’engagement pris récemment par le gouvernement de doubler les crédits du CRSH et de les porter à 400 millions de dollars est un bon début pour corriger l’iniquité apparente entre les conseils subventionnaires.

L'Institut de recherche en santé du Canada (IRSC)

            L’IRSC est l’organisme fédéral dont la responsabilité première consiste à financer, à promouvoir et à soutenir la recherche fondamentale, appliquée et clinique dans le secteur de la santé. Son mandat est beaucoup plus vaste que celui de son prédécesseur, le Conseil de recherches médicales du Canada (CRM), puisqu’il s’étend maintenant de la recherche fondamentale en laboratoire jusqu’aux sciences sociales en ce qui concerne la santé, les services de santé et la recherche. Son objectif consiste plus précisément à « exceller selon les normes internationales reconnues d’excellence scientifique dans la création de nouvelles connaissances et leur application en vue d’améliorer la santé de la population canadienne, d’offrir de meilleurs produits et services de santé et de renforcer le système de santé au Canada ».

            Au cours des dernières années, l’ancien CRM et une multitude de partenaires et d’intervenants du secteur de la recherche en santé se sont réunis pour promouvoir ensemble une vision nouvelle de la recherche en santé au Canada. Cette vision repose sur les percées récentes et à venir ainsi que sur la croyance qu’un investissement accru dans la recherche extra-murale en santé constitue une étape indispensable pour améliorer la santé des Canadiens :

On dit que c’est le siècle de la recherche en santé, le biosiècle, le siècle de la génomique et ainsi de suite. Je pense que c’est le reflet de tout l’enthousiasme suscité par le séquençage du génome humain. Nous sommes maintenant en mesure de comprendre la base moléculaire de la biologie humaine, de la santé et des maladies. Les implications et les ramifications de cette nouvelle information se font sentir un peu partout. Elles se font sentir non seulement dans la recherche effectuée dans les universités et les hôpitaux, mais aussi dans le système de santé ainsi que dans l’industrie en raison de l’essor soudain du secteur de la biotechnologie au Canada et dans le monde. [Allan Bernstein, Institut de recherche en santé du Canada; 23, 10:55]

            Un nouveau cadre opérationnel a été adopté pour doter l’IRSC des instruments nécessaires pour atteindre son objectif et aller au-delà des limites organisationnelles d’un conseil subventionnaire traditionnel. Certains des éléments de ce cadre figurent dans la Loi sur les instituts de recherche en santé du Canada. Le président et le conseil d’administration assurent la gouvernance globale de l’IRSC, qui compte 13 instituts. Un directeur scientifique et un comité consultatif dirigent chaque institut. L’IRSC prévoit que chaque institut, une fois bien développé, subviendra à un programme de recherche de 20 à 80 millions de dollars par année et subventionnera entre 200 et 500 chercheurs. En formant ces instituts ou partenariats, l’IRSC vise à accroître stratégiquement la recherche dans le domaine de la santé. Ainsi, en ce qui concerne les partenaires tels que les sociétés pharmaceutiques :

Ce partenariat est une tentative de catalyser… et d’axer plus sur la recherche l’industrie pharmaceutique internationale de prestige au Canada et de l’amener à investir dans la recherche effectuée dans les universités et les hôpitaux canadiens. Nous avons bâti différents partenariats. Il peut s’agir de financement conjoint d’essais cliniques, de travaux de recherche sur de nouveaux médicaments, de nouveaux traitements ¾ … vous verrez que nous versons généralement entre 50c à 1 $ pour chaque contribution d’environ 4 $ de la part des sociétés ¾  de chaires de recherche, tout depuis la santé des femmes jusqu’à la recherche clinique payée par l’industrie pharmaceutique du Canada. La part la plus importante va à la formation des jeunes chercheurs cliniques. [Allan Bernstein; 23, 11:40]

La Fondation canadienne pour l’innovation (FCI)

            Lorsqu’elle a été créée en 1997, la FCI a reçu la somme de 800 millions de dollars du gouvernement fédéral. D’autres sommes se sont rajoutées depuis pour porter l’ensemble des crédits gouvernementaux à 3,15 milliards de dollars. De plus, à compter de 2001, le financement de la FCI a été augmenté pour couvrir deux nouveaux secteurs d’activité. Le premier concerne des coentreprises d’infrastructure internationale qui donneraient aux chercheurs canadiens la possibilité de collaborer avec les meilleurs chercheurs étrangers en les aidant à construire des installations au Canada et à l’étranger et à avoir accès à celles qui existent. Le deuxième concerne les coûts d’exploitation subséquents des installations et du matériel de recherche financés par la FCI. Le président de la Fondation a expliqué comme suit les intentions d’investissement de la FCI :

La FCI investit des sommes d’argent considérables dans la recherche de pointe en instaurant les conditions de travail voulues pour retenir ou attirer au Canada les meilleurs chercheurs possible, en formant de jeunes Canadiens et Canadiennes pour l’économie du savoir, en finançant une expertise de calibre mondial qui rendra les établissements canadiens, et le Canada en général, plus compétitifs sur la scène internationale. Comme vous le savez, nous appuyons explicitement les institutions non gouvernementales et sans but non lucratif qui effectuent de la recherche ¾  sans oublier, naturellement, la contribution de toute cette activité de recherche à un développement soutenu, à la fois dans les domaines sociaux et économiques, de plusieurs communautés, grandes et petites, à travers le Canada. C’est le contexte dans lequel l’équipe de la FCI travaille. [David Strangway; 10, 9:10]

            En moyenne, la FCI paie 40 % de tous les coûts admissibles des projets avec les établissements, et les autres partenaires s’occupent du reste. Selon cette formule, l’investissement total de capitaux dépasserait 7 milliards de dollars d’ici 2010.

            Des analystes ont laissé entendre qu’il existait peut-être un certain chevauchement entre les mandats et les investissements de la FCI et des conseils subventionnaires, mais voici ce qui a été dit au Comité :

Ma vision du CRSNG n’est pas celle d’un empire. Je suis conscient que nous sommes des intermédiaires à condition que l’argent aille aux personnes qui en ont besoin pour faire ce qu’il y a à faire. Que l’argent passe par nous pour par la FCI n’a pas d’importance. Mais l’argent doit aller là où des pressions seront exercées. [Thomas Brzustowski; 23, 11:05]

Les établissements présentent des propositions. C'est un peu différent de la façon de procéder dans les autres conseils subventionnaires, où ce sont des chercheurs qui présentent les propositions. Dans ce cas-ci, les universités décident de leurs priorités et de l'orientation de leurs activités, puis elles nous présentent des propositions. Une fois que ces propositions sont reçues, elles passent par le processus d'examen par les pairs. Ils examinent la qualité des propositions et déterminent si celles-ci répondent aux critères que nous avons établis. [David Strangway; 10, 9:25]

            Étant donné que la demande de subventions à la FCI dépasse l’offre de beaucoup ¾  le Comité a entendu que le facteur était de trois pour un ¾  il faut rationner les subventions, et les décisions de financement revêtent une importance critique. Le Comité a appris que ce financement est et sera basé sur deux points :

Nos décisions de financement sont basées sur l'évaluation de centaines d'experts du Canada et du monde entier, à qui l'on demande d'examiner les projets au mérite… Nos critères de sélection portent sur les compétences de l'équipe de recherche et sa vision, la capacité d'innovation ainsi que la durabilité du projet et les retombées pour le Canada. Le processus de prise de décisions adopté par la FCI est largement considéré comme équitable, transparent et exempt de toute forme d'ingérence ou d'intervention. Cette autonomie est essentielle et le gouvernement doit être félicité pour avoir créé pareil modèle de gouvernance.

[David Strangway; 10, 9:15]

            Ce modèle spécial de gouvernance n’est toutefois pas exempt de critiques. Ainsi, le vérificateur général du Canada a signalé dans son rapport de 2001 que lorsque le gouvernement fédéral avait délégué la prise de décisions à un partenaire, comme la FCI, on avait rendu peu de comptes au Parlement sur le rendement et, dans d’autres cas, « il n’y avait pas de mesures adéquates pour protéger l’intérêt public, par exemple, des dispositions concernant les plaintes et les recours des citoyens et des règles en matière de conflits d’intérêt7 ». Le Comité a donné suite à cette critique et a obtenu les réactions suivantes :

Comme la FCI est assujettie à des modes de reddition de comptes publics quelque peu différents, nous envisageons cet aspect de notre mandat très sérieusement. De fait, nous recherchons même de nouvelles façons, des moyens innovateurs, pour rendre compte de la confiance que le gouvernement du Canada a placée en nous. Par exemple, nous exigeons de chaque établissement des rapports annuels sur l'avancement des travaux pour chaque projet que nous finançons. Ces rapports doivent documenter l'impact du financement et décrire explicitement les retombées pour le Canada. Les rapports sont publiés sur notre site Web et constituent la base de notre examen annuel concernant l'impact global du financement de la FCI sur le renforcement de l'excellence dans la recherche au Canada. Ils fournissent aussi un très bon aperçu sur les retombées de la recherche. [David Strangway; 10, 9:15]

De plus, nous faisons faire par des tierces parties l'examen des impacts sur les établissements et leurs chercheurs de l'investissement de la FCI en appui à leurs projets. Nous avons mis en place des mécanismes de contrôle rigoureux pour garantir que les crédits fournis par la FCI aux établissements de recherche sont utilisés en conformité avec nos lignes directrices. Les établissements sont aussi tenus de fournir des rapports financiers, et des procédures de vérification ont été établies pour assurer une utilisation pertinente et efficace des contributions de la FCI. [David Strangway; 10, 9:15]

            Le Comité n’est cependant pas satisfait de ces réponses. À son avis, le problème est beaucoup plus grave et est peut-être directement lié à la relation spéciale d’indépendance par rapport au gouvernement. Trois points particuliers méritent un examen approfondi : 1) l’évolution et l’expansion du mandat de la FCI; 2) la participation inadéquate de l’industrie dans les projets de recherche financés par le FCI jusqu’ici; et 3) la reddition de compte, la transparence et le contrôle parlementaire permis à ce mécanisme de financement de la R. et D.

            Le Comité croit énormément au processus d’examen par des pairs comme mécanisme permettant de garantir « l’excellence » dans la recherche, mais prévient également le milieu des sciences et de la technologie que les décisions issues de tels examens de la pertinence et de l’excellence de la recherche ne sont pas toujours strictement objectives; elles représentent les valeurs collectives des personnes qui prennent les décisions. Il est donc perturbant à son avis qu’une des plus importantes universités canadiennes ait bénéficié de plus de financement de la part de la FCI que les universités du Canada atlantique, de la Saskatchewan et du Manitoba réunies. Cette iniquité, d’après le Comité, est symptomatique de la structure d’indépendance de la FCI par rapport au gouvernement. C’est la raison pour laquelle il a l’intention d’examiner cet automne l’administration de la loi relative à la FCI, y compris l’indépendance de la Fondation par rapport au gouvernement ainsi que les processus et les critères à la base des décisions de financement de la FCI.

            Le Comité continue de déplorer qu’aucune suite n’ait été donnée à la seconde critique du vérificateur général ¾  à savoir l’absence de règles sur les conflits d’intérêt et de mécanismes concernant les plaintes et les recours alors qu’il y a autant d’argent des contribuables en jeu. Le Comité croit que l’intérêt public doit être mieux protégé lorsque le pouvoir de dépenser est délégué du gouvernement à des organisations privées indépendantes et il recommande par conséquent :

14. Que le gouvernement du Canada collabore avec la Fondation canadienne pour l’innovation afin de mettre au point et d’appliquer des règles sur les conflits d’intérêt et des mécanismes concernant les plaintes et les recours qui soient conformes à ceux des organismes fédéraux.