CHAPITRE 10 : LES RECHERCHES UNIVERSITAIRES, COÛTS ET COMMERCIALISATION DE LA R. ET D.

            Les collèges et les universités du Canada apportent une importante contribution au bien-être de la société et à la croissance de l’économie de trois façons. D’abord et avant tout, ils contribuent directement à la performance économique du pays en dispensant une formation et des diplômes à des effectifs hautement qualifiés qui répondent aux besoins croissants du marché du travail; en deuxième lieu, ils repoussent les limites du savoir dans toutes les disciplines, par la recherche fondamentale et appliquée, en apportant des réponses concrètes à certains défis de l’industrie et du gouvernement; enfin, ils participent au bien-être économique et social des collectivités qui les entourent.

            S’agissant du deuxième de ces rôles, la R. et D. fondamentale et appliquée, le Comité entend proposer des moyens d’améliorer la contribution des collèges et des universités sans compromettre leurs autres rôles. Bien entendu, puisque les fonctions de recherche et d’enseignement sont fortement complémentaires — les professeurs qui augmentent le stock des connaissances humaines sont mieux en mesure d’enseigner et les étudiants qui participent à des projets de recherche avec leurs professeurs acquièrent une expérience précieuse —, le Comité est convaincu que ses propositions en matière de commercialisation aideront financièrement les collèges et les universités à mieux remplir leurs trois fonctions.

La R. et D. universitaire comme activité

            Proportionnellement, par rapport à l’ensemble de la R. et D. effectuée au pays, les universités canadiennes affichent un pourcentage plus élevé que celles des autres pays du G-7, à l’exception de l’Italie. En 1998, elles ont réalisé 23,6 % des activités de R. et D. (figure 10.1). Qui plus est, tout en affermant 5 % de leurs travaux de R. et D. aux universités (voir la figure 10.2) et en finançant 12 % de la R. et D. universitaire (voir figure 10.3), les entreprises canadiennes comptent davantage sur l’université comme source d’innovation que celles de tout autre pays du G-7. Le secteur universitaire participe également à un nombre impressionnant de publications de recherche, en collaboration avec l’industrie8. La qualité de la recherche universitaire et le transfert efficace de ses résultats à l’industrie sont, par conséquent, particulièrement importants au Canada.

            À prime abord, le remarquable rendement des universités canadiennes en matière de R. et D. est d’autant plus impressionnant que le financement du gouvernement canadien ne vise pas les coûts indirects, contrairement à ce qui se passe chez presque tous ses principaux concurrents. En revanche, le ratio relativement bas de la DIRD au PIB, la taille plus petite du budget de défense et l’absence de financement gouvernemental des coûts indirects obligent les universités canadiennes à compter davantage sur le secteur privé. Paradoxalement donc, ce rendement particulièrement remarquable constitue en fait une raison de s’inquiéter.

Figure 10.1
ch10fig1-f.gif (21323 bytes)

Figure 10.2
ch10fig2-f.gif (27741 bytes)

Figure 10.3
ch10fig3-f.gif (23627 bytes)

            De fait, le Comité a découvert que la réticence du gouvernement fédéral à financer les coûts indirects de la R. et D. avait deux conséquences graves pour les universités. Premièrement, une portion des budgets de celles-ci qui aurait autrement pu être attribuée aux étudiants ou servir à des fins de capitalisation a sans doute dû être réorientée vers la R. et D. L’insuffisance du financement fédéral peut donc avoir des conséquences négatives pour les étudiants et pour la collectivité où est installée l’université.

La rémunération des chercheurs principaux, ces personnes sans lesquelles la recherche ne se ferait pas, est largement assurée par l’université. Le terme université est un raccourci que j’emploie pour désigner le financement de base de l’université provenant des transferts provinciaux et des droits de scolarité des étudiants. C’est ce que je veux dire par université. Ils sont payés par le Programme des chaires de recherche du Canada et, dans 170 cas sur environ 9 000, par le Programme des chaires du CRSNG. La rémunération des autres professeurs provient donc des budgets universitaires. [Thomas Brzustowski; 23, 10:36]

Deuxièmement, la capacité de recherche au Canada en souffre, surtout dans les universités de petite taille :

[U]n certain nombre d’entre nous, du CRSNG, de la haute direction, avons rendu visite à 11 universités dans la région atlantique et 5 autres dans les Prairies, pour mieux connaître leurs problèmes en matière d’édification des capacités et nous avons conclu que […] tout simplement, pour une raison quelconque, ils n’ont pas les installations et les capacités nécessaires pour assurer ces services. Nous pensons que le renforcement des capacités dans les universités plus petites doit être axé d’abord et avant tout sur ces services. Ainsi, les membres de ces corps enseignants pourront devenir plus productifs et mieux réussir dans les concours nationaux. [Thomas Brzustowski; 23, 10:40]

            Le Comité diffère d’opinion sur un point : celui des raisons pour lesquelles les petites universités ne possèdent pas « les installations et la capacité nécessaires pour assurer ces services ». À son avis, il existe un lien de cause à effet entre le non-financement par le gouvernement fédéral des coûts indirects de la R. et D. et la capacité d’entreprendre des travaux de R. et D., en particulier pour les petites universités du pays. Ce n’est pas la seule explication — par exemple, l’absence d’un programme d’études supérieures bien établi dans certaines petites universités pourrait en être une autre —, mais c’est sans doute un facteur important.

            Les experts entendus par le Comité sont unanimes à dire que, avant que les universités puissent contribuer davantage au plan d’action en matière d’innovation du gouvernement fédéral, selon lequel la recherche réalisée au Canada est appelée à doubler, il faut d’abord régler la question du non-financement des coûts indirects de la R. et D.

Au point où en sont les universités, elles seront bientôt incapables de maintenir les recherches commanditées par le gouvernement fédéral à moins que le problème des coûts indirects ne soit résolu en grande partie. [Robert Giroux; 23, 9:30]

            En fait, tous les intervenants du secteur de l’enseignement supérieur qui ont comparu devant le Comité ont déclaré qu’ils se réjouissaient des nouveaux programmes visant à appuyer la recherche, par exemple, la FCI, le Programme des chaires de recherche du Canada, Génome Canada et la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère, mais que ce financement leur apportait à la fois du travail supplémentaire et un nouveau fardeau administratif pour lequel ils doivent verser des fonds réels dont ils ne disposent pas toujours.

Les règles du jeu ne seront pas équitables pour nous, par rapport à notre principal concurrent et voisin, tant que la question des coûts indirects ne sera pas réglée. Nos universités et nos instituts de recherche, partout au pays, ont un important rôle à jouer dans le plan d’action en matière d’innovation. Nous devons être équipés pour faire le travail. Si les coûts indirects sont assurés, les universités pourront améliorer les services informatiques dont ils disposent pour transférer les données de recherche; profiter des communications à grande vitesse entre les établissements; améliorer leurs installations pour animaux; assurer des soins sûrs et de haute qualité aux animaux utilisés pour l’évaluation des nouveaux traitements; assurer un meilleur appui aux examens portant sur la déontologie des expériences sur des humains; et fournir le soutien administratif permettant une exécution plus rapide des projets vérifiés. De plus, il sera possible d’assurer des ressources bibliothéconomiques suffisantes aux chercheurs. Voilà le genre d’outils dont les universités et leurs instituts de recherche ont besoin pour soutenir la concurrence. [Bruce Hutchinson, Association canadienne d’administrateurs de recherche universitaire; 23, 9:25]

Ces dépenses sont elles aussi plus contraignantes pour les petites universités :

En plus du remboursement des frais indirects de recherche, les petites universités auront besoin d’aide pour développer leurs capacités de recherche de façon durable. Comme vous le savez, le potentiel d’innovation existe dans chacune des 92 universités que compte le pays. Nombreuses sont nos universités de petite taille qui prouvent régulièrement qu’elles peuvent exceller lorsqu’elles exploitent leurs points forts. Aucun établissement, aucune région, n’a le monopole des bonnes idées en matière de recherche. Tous peuvent et doivent être encouragés, partout au pays. Le moment est venu d’une initiative fédérale qui permettra le développement d’une capacité de recherche durable et l’amélioration des secteurs les moins développés au sein des établissements plus modestes. Cette initiative attribuerait des fonds aux petits établissements, sur une base concurrentielle, afin de les aider à se doter d’assises et à relever les défis auxquels ils font face lorsqu’il s’agit d’élaborer des programmes ou des initiatives régionaux qui tiennent compte des priorités de l’université et de la région. [Robert Giroux; 23, 9:35]

            Comme ces intervenants de la communauté universitaire, le Comité estime que cette lacune de longue date dans le financement de la recherche universitaire doit être corrigée. L’Association des universités et collèges du Canada (AUCC) souhaite que le gouvernement fédéral rembourse aux universités, en plus de leurs coûts directs, leurs coûts indirects selon un taux nominal de 40 %, celui-ci devant être ajusté à la hausse pour les petites universités, compte tenu de leur structure de coûts plus élevée. Le Comité, pour sa part, ne souhaite toutefois pas avancer de chiffre précis pour une proposition de ce genre. Il préfère proposer une formule économique générale portant sur tous les coûts de la recherche universitaire. Le Comité recommande :

16. Que le gouvernement du Canada analyse les coûts directs et indirects de la recherche dans les universités et les collèges du Canada. À la lumière de cette information, qu’il négocie avec les provinces un nouvel accord de financement tenant compte des coûts directs et indirects de la recherche et de la différence constatée entre les dépenses de recherche des universités et collèges de grande et de petite taille.

            L’octroi de subventions de recherche établies selon ce principe devrait permettre aux chercheurs principaux de négocier une réduction de leur charge d’enseignement, afin de pouvoir réaliser leurs recherches sans imposer un fardeau injuste aux autres membres du corps enseignant.

            De façon générale, l’importance des crédits dont bénéficie actuellement l’enseignement postsecondaire préoccupe aussi le Comité. Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) ne se prête peut-être pas au type de transfert ciblé requis pour accroître la capacité et améliorer l’infrastructure des universités et collèges du pays. Le Comité examinera donc cet aspect de l’enseignement et de la recherche au niveau postsecondaire à l’automne.

Les chaires de recherche du Canada

            Dans son budget pour l’année 2000, le gouvernement du Canada a prévu 900 millions de dollars pour l’établissement et le maintien de 2 000 chaires de recherche, administrées par les trois conseils subventionnaires. En vertu du Programme des chaires de recherche du Canada, ces nouveaux postes de chercheurs ont été créés pour renforcer les établissements qui confèrent des grades, partout au Canada — qu’il s’agisse de grandes universités possédant des capacités de recherche dans une variété de disciplines, ou d’établissements plus petits dont les moyens sont plus concentrés. Environ la moitié de ces postes devrait attirer des chercheurs établis de réputation mondiale, tandis que l’autre moitié servirait aux établissements qui ont prouvé leur capacité d’atteindre un niveau international dans leur domaine.

            Le grand objectif de ce programme est de faciliter la mise en place d’une masse critique de chercheurs de classe mondiale et d’aider ainsi les universités canadiennes à atteindre l’excellence. Les universités devaient élaborer des plans complets, en faisant état de leurs priorités et de leurs stratégies en matière de recherche. Les demandes provenant des universités et portant sur des postes individuels devaient être évaluées au regard de ces plans stratégiques par des groupes d’examinateurs établis par les conseils subventionnaires.

            Les événements qui ont suivi l’annonce du Programme des chaires de recherche du Canada étonnent le Comité. La majeure partie des postes ont été attribués aux grandes universités, contre 6 % aux petits établissements. Le processus d’attribution exact ne nous a pas été expliqué en détail, mais nous avons appris qu’il était largement fondé sur le rendement antérieur ou sur les résultats de concours antérieurs visant l’obtention de subventions de recherche :

La répartition des chaires de recherche s’est faite en fonction de la mesure dans laquelle chaque université avait réussi à obtenir des fonds des conseils subventionnaires. […] L’AUCC a beaucoup plaidé, à l’époque, pour que la répartition se fasse autrement, afin que certaines des chaires destinées aux universités qui ont le plus de succès soient détournées vers les plus petits établissements. Nous avons réussi en partie, peut-être pas autant que nous aurions dû, mais il y a bien eu une nouvelle répartition des chaires en faveur des petites universités, sur cette base. [Robert Giroux; 23, 10:10]

            Apparemment, le gouvernement a jugé quelque peu déficientes les capacités de recherche des petites universités Lorsqu’on s’est rendu compte que cela était inacceptable, un quota a été établi :

Le gouvernement en ayant pris conscience, 6 % des chaires de recherche ont été attribuées aux petits établissements, c’est-à-dire 6 % de plus que cela n’aurait été le cas si nous nous en étions tenus à une attribution proportionnelle stricte dans l’ensemble. [Robert Giroux; 23, 10:15]

Cette décision a ensuite été qualifiée de grande réussite :

[L]e programme des chaires de recherche du Canada, il est assez exceptionnel justement à cause de cette préoccupation qui était là à l’origine, de dire on va mettre 6 % des chaires de recherche de côté pour les petites universités. C’était vraiment une excellente décision et, effectivement, quand vous pensez à une petite université de 4,000 ou 5,000 ou 3,000 étudiants, qui reçoit cinq ou six chaires de recherche de 200,000 dollars par année pendant sept ans ou de 100,000 dollars pendant cinq ans, ça prendrait un capital de 3 millions de dollars pour établir une chaire comme ça. Et, pour une petite université qui reçoit cinq ou six chaires, ça peut faire une énorme différence dans sa capacité de recherche, de leadership en recherche. [René Durocher, Conseil en sciences humaines du Canada; 23, 11:50]

            Le Comité est incapable pour l’instant de déterminer si la répartition des 2 000 chaires de recherche a été équitable, mais il croit néanmoins que la méthode choisie comporte apparemment des lacunes graves sur le plan de l’efficience — à savoir que l’on n’a peut-être pas pris le moyen le moins coûteux d’élargir les capacités de recherche. Puisque ces chaires devaient constituer l’une des composantes du plan d’action en matière d’innovation — un plan d’action axé sur l’avenir — il semble plutôt contradictoire d’avoir attribué les postes en fonction du rendement antérieur. Le recours au rendement antérieur comme critère signifie que l’avenir devra nécessairement refléter le passé, ce qui, nous le savons à l’avance, joue en faveur des grandes universités qui possèdent d’importantes capacités de recherche, et à l’encontre des petites, moins bien loties. Il n’est donc pas étonnant que les postes du Programme des chaires de recherche du Canada, dont on avait annoncé fièrement qu’ils constitueraient le moyen de bâtir de nouvelles capacités de recherche dans les universités canadiennes, se soient retrouvés pour la plupart entre les mains des grandes universités, confortant, voire aggravant, la disparité déjà présente dans l’ensemble du pays. Et cette disparité s’aggrave peut-être encore du fait que les grandes universités dépouillent les petites de leurs chercheurs les plus brillants et les plus prometteurs. On peut se demander quelle « échelle de valeurs » guide des décideurs qui faussent délibérément une règle du jeu déjà biaisée en faveur des grandes universités, au détriment des petits établissements.

            Le Comité préférerait que les postes aient été offerts dans le cadre d’un concours ouvert et attribués selon la qualité des candidatures, d’après des critères transparents et légitimes fondés sur les plans de recherche et la capacité. Si l’on avait alors constaté que la méthode était encore biaisée en faveur des grandes universités, à ce moment-là, le quota de 6 % pour les petites universités aurait compensé le facteur d’inégalité. De cette façon, les 94 % des chaires de recherche remportées dans le cadre du concours ouvert, que ce soit par des universités de grande ou de petite taille, ne pourraient être l’objet de critiques pour motif d’efficience sans remettre en question les critères eux-mêmes (ce qui aurait pu être réglé au moyen d’un appel de commentaires émanant des intéressés dès le départ). La grande différence entre ce que le Comité propose et ce qui semble s’être produit réside dans l’orientation de la décision : la proposition du Comité est axée sur l’avenir, et c’est dans cette direction que nos politiques doivent être tournées.

            Son échéancier a empêché le Comité d’examiner ces problèmes à fond. Le Comité entend revenir sur la répartition des chaires de recherche du Canada à l’automne prochain, lorsqu’il fera un examen plus poussé des conseils subventionnaires.

La commercialisation de la R. et D. universitaire

            Pour de nombreux intervenants du secteur de l’enseignement supérieur, la commercialisation de la recherche universitaire est un sujet préoccupant; elle l’est aussi pour le Comité. D’entrée de jeu, comme nous l’avons dit plus haut, le Comité croit que les universités et collèges ont trois rôles à jouer et qu’ils ne doivent pas en négliger un au profit des deux autres. En même temps, comme le Comité l’a recommandé dans son rapport intitulé Le financement de la recherche – Renforcer les sources d’innovation, les universités et collèges canadiens doivent établir un meilleur équilibre entre la somme de recherche fondamentale et de recherche appliquée qu’ils font.

            Les résultats enregistrés au Canada sont bons dans certains domaines, mais moins bons dans d’autres. Par exemple, d’après la dernière enquête de Statistique Canada9, 52 membres de l’AUCC travaillent activement à la gestion de leur propriété intellectuelle. Ensemble, ces établissements représentent 98 % de la recherche subventionnée au Canada10. La dernière étude entreprise par l’Association canadienne d’administrateurs de recherche universitaire confirme que les universités canadiennes fournissent une contribution importante à la commercialisation, notamment pour ce qui touche les divulgations d’inventions, les exécutions de licences et les formations d’entreprises dérivées11. Ces résultats sont considérés comme d’autant plus remarquables que le contexte est moins favorable aux activités de commercialisation au Canada qu’il ne l’est aux États-Unis. Les États-Unis apparaissent comme le leader mondial à cet égard, surtout grâce au Baye-Dole Act de 1980.

Figure 10.4
ch10fig4-f.gif (69545 bytes)

            Les données sur le rendement des investissements contenues dans la figure 10.4 montrent que la position des États-Unis est meilleure que celle du Canada. Les collèges et universités des États-Unis obtiennent un rendement de l’investissement environ trois fois meilleur que les universités canadiennes. Au sujet des États-Unis, un témoin a déclaré :

Le grand changement qui a eu lieu en 1980 a été l’adoption des dispositions législatives selon lesquelles, lorsque des chercheurs font une découverte, la propriété intellectuelle n’en revient pas au gouvernement, mais à l’université où la recherche a été faite, avec obligation pour cette université d’organiser un bureau de commercialisation et de commercialiser la découverte et, qui plus est, de favoriser ce faisant les entreprises américaines, les PME de préférence […] [Pierre Fortin, Groupe d’experts sur la commercialisation des résultats de la recherche universitaire; 23, 9:40]

À ce propos, un autre témoin a déclaré :

Au Canada, les grandes universités, celles qui réalisent beaucoup de recherches, possèdent déjà des politiques à l’appui de la commercialisation des inventions issues des recherches universitaires. Certaines ont obtenu de très grands succès. Je me contenterai de citer trois exemples. Je pense que nous connaissons tous l’université de Waterloo, où l’inventeur est propriétaire. Je citerais aussi l’Université de la Colombie-Britannique, où c’est l’université qui est propriétaire et qui a assez bien réussi. De même, ma propre université, l’Université Queen’s, a fort bien réussi la commercialisation de la recherche; ici encore c’est l’inventeur qui est propriétaire et il existe une entente sur la façon dont on peut commercialiser une recherche et en tirer des avantages. Je pense donc que nous pouvons citer ces trois exemples, où des politiques différentes sont appliquées, et où les retombées sont importantes pour les économies locales et pour la commercialisation de la recherche. [Bruce Hutchinson; 23, 9:50]

Certains pensent que quelque chose d’analogue devrait être adopté au Canada :

Je pense qu’il faut adopter une disposition pour que les retombées profitent au Canada. Il est nécessaire que les chercheurs divulguent les droits de PI qu’ils commercialisent à leurs universités, lesquelles à leur tour doivent les divulguer au gouvernement. Nous devons avoir une politique sur le droit de propriété intellectuelle. Les incitations sont nécessaires, et il faudrait que les universités soumettent à l’approbation du gouvernement fédéral des politiques conçues pour récompenser correctement les chercheurs novateurs. [Pierre Fortin; 23, 9:10]

Toutefois, de nombreuses universités canadiennes ne sont pas prêtes à commercialiser les résultats de leurs recherches :

Étant donné que bon nombre des membres de notre organisation font de la commercialisation des résultats de recherche, je me dois de dire que nous sommes favorables à ce que les universités reçoivent une aide pour cette commercialisation. Rares sont les universités qui peuvent se targuer de soutenir la concurrence internationale, mais la majorité ne sont pas outillées à l’heure qu’il est pour exploiter leur potentiel de manière à contribuer aux économies régionale et nationale. [Bruce Hutchinson; 23, 9:25]

C’est pourquoi presque tous les témoins entendus par le Comité ont reconnu la nécessité de la commercialisation et se sont prononcés en faveur de l’élaboration d’une politique à cet égard :

Nous sommes favorables à la commercialisation […] en fait, nous citons les statistiques et nous affirmons que, si toutes les politiques nécessaires sont en place, si le bon type de soutien est assuré, et cela inclut très certainement les coûts indirects et la capacité des plus petits établissements, nous croyons que les universités pourraient améliorer du simple au triple la situation dans laquelle elles se trouvent en ce moment. Cela signifie, bien entendu, des brevets et des licences, des formations de sociétés dérivées et un certain nombre de ces activités, en particulier les revenus de la commercialisation. [Robert Giroux; 23, 9:45]

            Cependant, parmi les enseignants, les vues divergent. Il y a ceux qui estiment que les enseignants et les universités ne devraient pas du tout toucher à la question de la propriété intellectuelle et ceux qui sont déterminés à faire des pieds et des mains pour préserver leur droit de créer et de protéger leur propriété intellectuelle. Le premier camp exprime le point de vue suivant :

Ni les professeurs ni les universités ne devraient être propriétaires des connaissances qu’ils produisent. Ces connaissance sont payées par la population […] et devraient tomber directement dans le domaine public. D’abord, si l’on traite les résultats des travaux universitaires simplement comme un bien, les communications savantes vont grandement en pâtir. Il y a lieu de craindre que les professeurs vont se soucier davantage de protéger leurs découvertes dans l’espoir d’en tirer un profit que de partager les connaissances qu’ils auront créées. […] Ensuite, […] si les universités se mettent à se concentrer surtout sur la création de produits ou la création de propriété intellectuelle, on verra disparaître la tradition universitaire de recherche dans l’intérêt public. [Paul Jones, Association canadienne des professeures et professeurs d’université; 29, 11:20]

Le second camp prend la position suivante :

Ils veulent préserver leur propriété intellectuelle pour l’exploiter. Ils considèrent ces droits comme la reconnaissance légitime du travail qu’ils ont effectué, des travaux savants qu’ils ont réalisés […] Leur cri de ralliement c’est « des profs millionnaires ». [Paul Jones; 29,11:25]

            Le Comité constate l’absence d’unanimité au sujet de la question de savoir si l’on doit ou non commercialiser le produit de la recherche universitaire. En fait, la question est mal posée, car les universités et les professeurs peuvent commercialiser le produit de leurs recherches — et le font déjà — sans que le gouvernement fédéral ait quoi que ce soit à dire en la matière. Ce qu’il importe de se demander, c’est s’il faut laisser faire ou s’il faut instituer des règles à ce sujet. Les deux solutions présentent des avantages. Cependant, le Comité est d’avis qu’il faudrait élaborer une politique relative à la commercialisation des produits de la recherche universitaire dans l’espoir d’accélérer la transformation des bonnes idées en produits et services et de veiller à ce que les activités de commercialisation ne prennent pas le pas sur la formation des travailleurs du savoir de demain. Même si le Comité n’estime pas être en mesure pour l’instant de proposer une politique détaillée à cet égard, il recommande néanmoins :

17. Que, après consultation des provinces, le gouvernement du Canada élabore une politique complète sur la commercialisation des produits de la recherche universitaire et collégiale comportant notamment des règles sur la divulgation, la propriété des résultats et les problèmes d’administration.