CONCLUSION

            Le Canada et le monde industrialisé sont en voie de devenir une société axée sur le savoir. La soi-disant révolution de l’information qui dure depuis au moins 20 ans et qui continue, sera sans doute renforcée et dépassée par la nouvelle révolution biotechnologique maintenant en cours. Les Canadiens de la prochaine génération mèneront des vies bien différentes de la nôtre et ils subiront des pressions beaucoup plus fortes, notamment pour ce qui est d’acquérir des connaissances et de s’adapter.

            Pour ce qui est de l’acquisition de connaissances, le Canada a obtenu d’excellents résultats comparativement à d’autres pays de l’OCDE : notre rendement au chapitre de l’investissement dans l’éducation est extraordinaire; nos scientifiques sont parmi les plus productifs au monde et se distinguent dans de nombreux domaines, qui seront probablement les principaux catalyseurs de la révolution biotechnologique. À ces égards, par conséquent, le Canada est bien placé pour être un chef de file économique dans un monde axé sur le savoir. S’il y a une faiblesse cependant, c’est sur le plan de la R. et D. Le Canada traîne derrière pratiquement tous les pays du G-7 (ne dépassant que l’Italie) et la plupart des pays d’Europe occidentale pour ce qui est des dépenses en R. et D. par rapport au PIB. En fait, la force relative de sa productivité et son haut niveau de vie sont étonnants étant donné la mollesse de son rendement.

            Cette constatation quelque peu paradoxale fait entrevoir que le Canada, bien que doté de scientifiques très productifs et efficaces, n’en compte pas assez et en emploie trop peu. Cette situation témoigne peut-être surtout de deux faits, soit que le Canada dépend énormément de l’IED et que la R. et D. tend à être une activité centralisée dans les entreprises. Par conséquent, l’innovation n’est diffusée que très étroitement dans le pays, essentiellement des sociétés mères américaines à leurs filiales canadiennes, de sorte que les PME canadiennes, particulièrement celles qui n’ont pas le mandat stratégique de chercher des marchés étrangers, se laissent distancer par leurs concurrentes sur le plan technologique. Bien qu’elles aient élaboré leurs propres réseaux d’excellence afin de combler ce « déficit d’innovation », les PME canadiennes continuent d’afficher une trop faible productivité, et leur retard s’accentue.

            Au XXIe siècle, le Canada, malgré le succès qu’il connaît dans sa quête d’un avantage comparé, ne pourra plus compter autant sur l’exploitation des ressources naturelles ¾  hautement capitalistique ¾  et devra aussi remettre en question sa dépendance connexe sur les capitaux étrangers. Le Comité ne veut pas dire par là que le Canada doit renoncer aux activités qu’il mène depuis toujours. En fait, ses vastes étendues et sa topographie variée font que le Canada demeurera un pays relativement bien nanti en capital naturel et sera toujours un exportateur net de ressources naturelles. Quoi qu’il en soit, l’industrie canadienne continuera vraisemblablement d’évoluer vers des produits et des services beaucoup plus axés sur la R. et D. Mais pour orienter son économie vers le savoir, le Canada doit se défaire de son mode économique hautement spécialisé et délaisser cette stratégie simpliste.

            Or, la structure industrielle au Canada est justement en train de réagir à cette nouvelle réalité, probablement davantage que dans tout autre grand pays de l’OCDE, comme en témoigne le fait que le Canada est le seul pays de l’OCDE à afficher, au cours des dix dernières années, une augmentation des dépenses en R. et D. par rapport au PIB, largement attribuable à une intensification des industries de R. et D. Malgré l’absence de cadre d’orientation national, l’industrie fait preuve d’audace pour s’adapter aux nouvelles circonstances. Il reste donc au gouvernement du Canada à faire sa part de façon appréciable et concrète. En fait, le gouvernement doit réorienter sa stratégie industrielle afin de favoriser davantage les activités et industries à prédominance de R. et D.

            Le Comité recommande une démarche en deux volets : 1) le gouvernement fédéral doit faire en sorte d’accroître la R. et D.; en fait, le Comité fait sien l’objectif du gouvernement de classer le Canada parmi les cinq meilleurs pays au monde en R. et D. d’ici 2010; 2) le gouvernement fédéral doit élargir ses actuels objectifs en innovation afin d’inclure parmi les indicateurs la commercialisation et la diffusion de R. et D. canadienne et mondiale. Par ailleurs, le Comité a dressé une liste d’enquêtes qui lui permettront de faire un examen plus approfondi de certains points préoccupants.

            Dans le premier volet, le Comité recommande que le gouvernement fédéral : 1) recherche activement les IED de la part d’industries à prédominance de R. et D.; 2) augmente son financement de la R. et D. sans but lucratif et à but lucratif dans le secteur privé, notamment en remboursant aux universités les frais indirects de la recherche et en améliorant le régime du crédit d’impôt pour les activités de recherche scientifique et de développement expérimental mis sur pied à l’intention des PME tout en assouplissant les règles régissant le portefeuille de titres du Partenariat technologique Canada; 3) facilite les partenariats et la collaboration en R. et D. au moyen de la stratégie des grappes du Conseil national de recherches; 4) refaçonne l’actuelle structure de gouvernance fédérale en matière de sciences et de technologie en faisant du secrétaire d’État (Sciences, Recherche et Développement) un ministre des Sciences et de la Technologie, et 5) élabore un processus consultatif permanent à l’égard des grands projets de recherche scientifique en général et de ceux qui comportent une composante internationale en particulier.

            Dans le deuxième volet, le Comité recommande que le gouvernement fédéral : 1) élabore une politique exhaustive sur la commercialisation de la recherche universitaire et collégiale qui comprendrait des règles sur la divulgation, la propriété des résultats et les questions administratives; 2) double immédiatement le budget du Programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches destiné aux PME canadiennes, et 3) améliore le financement des jeunes entreprises d’innovation en instituant une stratégie mixte d’aide à l’incubation d’entreprises et au transfert de technologie qui relèverait du Conseil national de recherches et de la Banque de développement.

            L’enquête élargie menée par le Comité lui a permis de déceler un certain nombre de défectuosités dans les processus décisionnels de la Fondation canadienne pour l’innovation et des trois conseils subventionnaires et dans l’attribution des chaires de recherche du Canada. Le Comité veut aussi en savoir plus sur la façon dont le Conseil national de recherches applique sa stratégie des grappes et sur le mécanisme fédéral-provincial permettant le mieux de transférer des fonds pour l’enseignement postsecondaire. Ces problèmes et points d’interrogation méritent qu’on s’y attarde, ce que le Comité a précisément l’intention de faire dès l’automne. Le présent rapport est donc le premier d’une série portant sur le système d’innovation canadien.

            Le Comité est convaincu que les recommandations faites ici et celles qui découleront des constats qu’il ne manquera pas de faire à l’automne offriront un solide fondement au programme fédéral d’innovation et contribueront énormément à éliminer notre « déficit d’innovation » par rapport aux États-Unis. Elles prépareront mieux en outre la population et les entreprises canadiennes aux possibilités et aux défis qu’offre l’économie axée sur le savoir. Les objectifs du Comité sont réels et réalisables, car le Canada est déjà muni d’une main-d’œuvre bien instruite et d’une solide culture d’entreprise. Un Canada innovateur et productif sera un Canada concurrentiel et prospère.