STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 5 novembre 2001

• 1532

[Traduction]

Le président (David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.

Je tiens à remercier nos témoins de leur présence ici aujourd'hui. Permettez-moi de vous les présenter: le général Belzile, président de la Conférence des associations de la défense, le Colonel Alain Pellerin, directeur général, et le Colonel Sean Henry, analyste principal en matière de défense.

Avant que nous entendions nos témoins, M. O'Reilly aurait une très brève communication à vous faire en réponse à une demande qui a été soumise il y a quelque temps au comité.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma communication s'adresse peut-être plus particulièrement aux membres du comité de direction. Quand la CAD a comparu devant nous, nous avions demandé qu'on organise une séance d'information à notre intention—du haut de ses 35 ans, l'illustre M. Bachand avait manifesté le souhait d'avoir plus d'information. Pour donner suite à notre requête, on nous a suggéré de prendre à cette fin une journée normale de séance. Le tout se tiendra à Tunney's Pasture, et on viendra nous prendre ici en autobus. Bien entendu, la règle serait évidemment qu'on réserve cette activité aux seuls membres à part entière du comité; les substituts ne pourraient y participer, mais le greffier et l'attaché de recherche y seraient invités. On nous demande de proposer trois dates, et on nous dira laquelle convient le mieux. Je vous suggère donc de vous pencher sur la question, à la prochaine réunion du comité de direction ou plus tard, pour vérifier la disponibilité des représentants de l'opposition officielle et ce genre de choses. On se fera un plaisir de nous faire visiter les lieux et de nous organiser une séance d'information.

Le président: Merci, monsieur O'Reilly. Nous allons examiner la question à la première occasion au comité de direction, car je pense que tous les membres du comité sont impatients d'effectuer cette visite.

• 1535

Nous sommes limités dans le temps pour entendre nos témoins aujourd'hui, car la durée de la séance a été partagée entre ce premier groupe et les représentants de l'Association de l'industrie de la défense.

Général Belzile, la parole est à vous.

Lieutenant-général Charles H. Belzile (retraité) (président, Conférence des associations de la défense): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir pour nous de comparaître de nouveau devant votre comité.

[Français]

La Conférence des associations de la défense, la CAD, est la plus ancienne et la plus importante association de défense au Canada. La CAD demeure la principale voix nationale en matière de défense et de sécurité. Formée en 1932, elle comprend maintenant 31 associations et elle a au total 600 000 membres de partout au Canada. Nous sommes d'avis qu'une défense crédible et des forces armées efficaces contribuent au bien-être et à la prospérité de tous les Canadiens et Canadiennes.

[Traduction]

Monsieur le président, notre dernière comparution devant votre comité remonte au 26 avril. J'ai alors fait état des préoccupations de la CAD concernant la capacité opérationnelle des Forces armées canadiennes, et je me suis engagé à faire rapport des résultats d'une étude de la CAD sur ce sujet, étude qui était alors en cours. Mon témoignage d'aujourd'hui donnera donc suite à cet engagement.

Je tiens également à mentionner que moi-même et les membres de la CAD applaudissons aux recommandations que contient votre deuxième rapport sur les plans et priorités, que vous avez publié en juin. Nous vous sommes reconnaissants de votre appui en faveur d'un accroissement du budget du MDN, et j'espère que mon témoignage d'aujourd'hui vous incitera à faire encore davantage pression en ce sens dans votre rapport final.

De même, nous avons accueilli avec enthousiasme certaines déclarations publiques récentes, notamment celles de l'honorable John Manley, qui vont dans le sens de la position de la CAD. Pour sa part, M. Manley a affirmé que le Canada doit faire davantage pour être à la hauteur de ses engagements à l'égard de la sécurité internationale, à la mesure de son statut de membre du G-8. Assumer notre part du fardeau de la défense ne peut que contribuer à notre propre mieux-être, mais nombreux sont ceux qui, comme nous, estiment que nous n'agissons pas vraiment en conséquence depuis plusieurs décennies. À cet égard, il n'est pas facile d'effacer de notre esprit les récentes déclarations de Lord Robertson, le secrétaire général de l'OTAN—déclarations qui ont d'ailleurs été reprises par des parlementaires de pays membres de cette organisation—, concernant le niveau des dépenses du Canada en matière de défense. Selon les dernières statistiques publiées par l'OTAN, les dépenses annuelles canadiennes sur ce chapitre ne représentaient que 265 $US par habitant, contre 589 $US en moyenne pour l'ensemble des pays de l'Alliance.

Cela m'amène à vous rappeler la principale conclusion de notre étude de l'an dernier, laquelle, vous vous en souviendrez, était intitulée Stabilité et prospérité: Les avantages d'investir dans la défense. Nous y faisions la démonstration que, bien que les barbares ne soient pas aux portes de notre pays, la prospérité et le bien-être des Canadiens n'en sont pas moins menacés, puisque, pour le Canada, le succès en matière de commerce international est une question de vie ou de mort. Or, la stabilité à l'échelle nationale et internationale est essentielle pour réussir dans ce domaine. Les perturbations qu'a subies notre économie depuis le 11 septembre, malheureusement, nous ont donné raison. La nécessité d'une réaction militaire dans les circonstances s'est imposée crûment.

À l'heure actuelle, il manque un milliard de dollars par an au MDN pour couvrir ses dépenses de fonctionnement et d'entretien. C'est ce qui explique que les crédits supplémentaires que le gouvernement a alloués à la Défense ces deux dernières années, quoique bienvenus, n'ont que très peu contribué à résoudre l'ensemble du problème. Ils ne servent qu'à combler les déficits courants, ou à payer les factures de cartes de crédit, si vous préférez.

Notre étude de cette année, intitulée Coincé entre les deux: Une étude de la capacité opérationnelle des Forces armées canadiennes, a été rendue publique le 27 septembre. Jusqu'à maintenant, elle nous a valu les applaudissements de gens de toute une gamme de secteurs, y compris du gouvernement, des forces armées, des milieux universitaires, des médias et du public en général. On y examine en détails les effets du sous-financement du MDN sur nos forces armées. Depuis un certain temps, on s'interroge à savoir si ces dernières ont la capacité opérationnelle voulue pour remplir les missions que leur confie le gouvernement, telles que décrites dans le Livre blanc sur la Défense de 1994.

• 1540

Ces engagements, vous vous en souviendrez, s'inscrivent dans le cadre des rôles suivants: premièrement, protection du Canada; deuxièmement, coopération canado-américaine en matière de défense; et troisièmement, contribution à la sécurité internationale. Notez toutefois que, depuis le 11 septembre, les deux premiers rôles ont tendance à se confondre en raison de la mobilisation générale en vue d'assurer la sécurité nord-américaine.

On ne s'entend souvent pas à propos des éléments que comporte la définition de la capacité opérationnelle. Cependant les critères que nous avons retenus pour notre étude sont acceptés par la plupart des analystes, notamment la structure de force, la doctrine, la main-d'oeuvre, l'équipement, la formation et la logistique. Tous ces éléments doivent être à la hauteur, individuellement et collectivement, pour qu'on puisse obtenir une capacité de combat. On compare souvent les forces armées à un orchestre symphonique, dont les divers éléments sont rassemblés dans le but de produire des résultats harmonieux. Si l'un de ces éléments est absent ou faible, les résultats seront forcément loin d'être harmonieux. Cela vaut également pour les forces armées, sauf que, dans leur cas, l'absence ou la faiblesse d'un seul de ces éléments peut parfois être une question de vie ou de mort.

Pour solutionner rapidement et simplement son problème d'insuffisance de fonds, le MDN a fait passer l'effectif des Forces canadiennes de 85 000 à 57 000 personnes. La récente campagne de recrutement, me dit-on, a fait remonter l'effectif à 59 000, mais le nombre de militaires bien formés et aptes à participer à des opérations sur le terrain n'est encore que de 53 000. C'est là une des plus graves conséquences du sous-financement, car il impose un lourd fardeau au bassin déjà déclinant de militaires actifs. Les cas d'épuisement professionnel sont fréquents, et nombreux sont les militaires qui abandonnent le service. De plus, cette situation sape l'intégrité organisationnelle des Forces canadiennes.

Certains voient dans l'acquisition récente d'équipement doté de systèmes de haute technologie, comme le véhicule de reconnaissance Coyote et le véhicule blindé léger, une possibilité de compenser la diminution de l'effectif. Dans une certaine mesure, ces systèmes améliorent effectivement les capacités militaires, mais, si on ne veille pas à maintenir une masse critique de main-d'oeuvre, à remplacer l'équipement devenu inutilisable à force d'usure et à se doter d'un système de soutien logistique viable, la courbe de la capacité opérationnelle continuera de pointer vers le bas.

Ce que nous avons voulu faire ressortir en choisissant le titre de notre étude, c'est que les Forces canadiennes se retrouvent actuellement dans une situation où elles sont coincées entre, d'une part, le fait que leurs capacités continuent de décroître et, d'autre part, le fait qu'elles n'ont pas les moyens de se doter de nouvelles capacités.

Nous en concluons que, parce que le MDN ne dispose pas d'un budget suffisant, les Forces canadiennes ne peuvent remplir leurs engagements au-delà d'un certain niveau marginal au regard de ce que prévoyaient les plans actuellement en cours d'exécution en ce qui concerne les ressources qu'on entendait mobiliser et les échéanciers qu'on s'était fixés. Je vous renvoie au texte de notre étude pour ce qui est de la méthodologie que nous avons utilisée pour en arriver à ces conclusions. Je vous invite particulièrement à porter attention aux extraits des plans d'activités de niveau 1 qui ont été soumis par les états-majors de la Marine, de l'Armée de terre et de la Force aérienne, de même que par des organismes spécialisés en logistique. C'est là un élément important, car il fait voir à l'évidence que notre démonstration repose presque exclusivement sur des documents du MDN et n'est donc pas, comme certains l'ont prétendu, le fruit d'une vision périmée de généraux et de colonels retraités qui vivent dans un passé révolu et se préparent pour la dernière guerre.

Bien qu'il soit regrettable de devoir invoquer ici le malheur d'autrui, je vous rappelle que les attentats terroristes qui ont récemment été perpétrés aux États-Unis viennent illustrer un certain nombre des arguments que nous avons fait valoir dans notre étude. Premièrement, l'histoire ne s'est pas arrêtée, et certaines nations ou certains groupes continueront de promouvoir leur cause en recourant à la violence. Deuxièmement, des événements comme ceux survenus au Koweit et au Kosovo ainsi que les récents attentats terroristes aux États-Unis montrent clairement que les menaces peuvent se matérialiser à peu près sans avertissement. Troisièmement, il y a toute une gamme de menaces qui nous guettent depuis la fin de la guerre froide, et nous avons le sentiment que ce serait une erreur que de ne porter notre attention que sur l'une d'elles. Il nous faut maintenir en état de capacité opérationnelle des forces armées plurifonctionnelles et aptes au combat, c'est-à-dire être en mesure de réagir efficacement à la gamme complète des menaces qui pèsent sur notre sécurité. Enfin, au-delà de certaines limites bien définies, la technologie ne saurait remplacer les personnes.

Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais maintenant formuler quelques brèves observations sur la contribution militaire actuelle du Canada à la coalition dirigée par les États-Unis.

• 1545

Dans notre nouvelle étude de cette année, nous affirmons que notre sécurité nationale repose sur les deux piliers que sont la volonté nationale de recourir aux forces armées dans les opérations de combat et la capacité opérationnelle de ces forces armées de remplir leurs missions.

Dans le premier cas, nous sommes quelque peu troublés de constater une apparente réticence à reconnaître que le contingent canadien a été affecté à une mission de guerre. À cet égard, on parle généralement de la contribution canadienne comme ne poursuivant que des objectifs de soutien et humanitaires. De tels rôles, quoique nobles, ne sauraient donner au Canada le crédit que recherche le gouvernement, comme l'a exprimé le ministre Manley dans ses récentes déclarations.

Il ne fait aucun doute que l'engagement canadien est substantiel dans le secteur naval. Cependant, sa capacité opérationnelle est réduite du fait des lacunes qu'on y observe et dont nous faisons état dans notre étude. En raison de la taille réduite du groupe opérationnel naval et du fait que la Marine ne peut compter que sur environ 50 p. 100 des navires disponibles—compte tenu du nombre de ceux dont on est à refaire la coque et du manque d'effectif—, la Marine pourra très difficilement maintenir son niveau d'engagement après les six à neuf premiers mois. Le problème du vieillissement de notre matériel aérien, y compris celui de nos hélicoptères Sea King, de nos avions de surveillance Aurora et de nos appareils de transport Hercules, est bien connu. Compte tenu par ailleurs de nos lacunes sur le plan de la logistique et des ressources matérielles, un déploiement qui se prolongerait au-delà de six mois pourrait poser de graves problèmes.

En conclusion, je vous rappelle que l'objectif du gouvernement devrait être de protéger ses citoyens et de favoriser la stabilité et la prospérité de notre pays. La poursuite de cet objectif est au coeur même de notre mode de vie démocratique et de notre ordre social. Demandez-vous s'il vaut la peine que nous nous battions pour cela. Je suis sûr que vous allez répondre oui. Dans ce cas, la sécurité que peuvent nous procurer par définition les Forces canadiennes doit être assurée en plaçant le financement du MDN plus haut sur la liste des priorités nationales.

Ce que nous recommandons, c'est que le gouvernement s'engage dans la réalisation d'un plan quinquennal de revitalisation et de modernisation des Forces canadiennes, comme vos collègues du Comité des finances l'ont recommandé dans leur rapport de l'an 2000. Pour qu'un tel objectif se réalise, il faut augmenter le budget de la Défense d'au moins un milliard de dollars par an au cours des cinq prochaines années, et j'insiste pour vous dire que ces crédits devraient être alloués en sus du budget de base du MDN. On ne saurait s'en tenir à payer la facture de l'actuel déploiement de notre effectif à l'étranger au moyen de crédits courants, car, si on ne fait pas davantage, on ne parviendra pas à freiner le déclin de la capacité opérationnelle de l'ensemble des Forces canadiennes.

En terminant, je tiens à louer le dévouement et le professionnalisme des membres des Forces canadiennes, particulièrement de ceux qui viennent de partir en mission à l'étranger. Une fois de plus, ils nous rendront fiers devant l'adversité. Il est essentiel, toutefois, que nous ne les laissions pas tomber en lésinant sur les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail. C'est pourquoi je présente également mes hommages au ministre Art Eggleton et aux membres de votre comité pour les efforts que vous faites en vue de nous rendre aptes à relever ce défi.

Merci. Il me fera maintenant plaisir, avec mes collègues, de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, général Belzile.

Nous donnerons d'abord la parole à M. Benoit, pour sept minutes.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci à vous, messieurs.

Je tiens à vous féliciter très sincèrement pour le travail que vous avez accompli. J'estime que vous méritez beaucoup de louanges. Je crois que vous rendez un grand service aux hommes et aux femmes qui servent dans nos forces militaires et qui se dévouent pour notre pays, puisqu'il est tellement important que nous ayons une force militaire solide capable d'assurer notre sécurité de tous côtés. Donc, un grand merci à vous tous pour ce que vous faites.

Je suis à la fois intrigué et agacé de constater l'écart qui existe, en ce qui concerne l'évaluation de notre capacité opérationnelle, entre les témoignages du ministre, du chef de l'état-major et d'autres hauts dirigeants de la Défense, d'une part, et ce que, d'autre part, vous en dites, vous et d'autres experts qui avez fait partie des forces armées, qui avez étudié le monde militaire et qui vous employez à améliorer les choses dans ce domaine. Ces dernières semaines, j'ai demandé au ministre de nous expliquer comment le Canada peut encore être en mesure de respecter ses engagements, notamment envers l'OTAN, dans les Balkans et ailleurs, tout en assumant ses obligations dans le contexte de cette guerre contre le terrorisme. En réponse à une des questions que j'ai posées la semaine dernière, le ministre a affirmé qu'il n'y avait pas de problème, que nous avions des milliers de militaires qui attendent de remplacer ceux qui sont actuellement au front.

• 1550

J'aimerais, si vous le voulez bien, général, que vous répondiez à cette question et que vous me disiez comment il se fait que nous ayons ainsi des milliers de militaires qui attendent et qu'il n'y ait aucun problème à cet égard. Nous aurions ces milliers de militaires prêts à prendre la relève, de sorte que nous serions en mesure d'assurer indéfiniment les rotations.

Lgén Charles Belzile: Monsieur le président, au premier coup d'oeil, nos divergences d'opinions ne sont pas à ce point étonnantes, puisque que certains soutiennent qu'avec les nouvelles technologies et nos nouvelles capacités, nous serions en quelque sorte, dans certains domaines précis, en meilleure position que des gens comme nous le disent. Je vous ferai remarquer que notre étude a été produite avant le 11 septembre. Elle met le doigt sur les lacunes fondamentales qui existent dans les Forces canadiennes, et ce, dans les trois armes. Je ne doute pas moi non plus que, sur le front, nous ayons une très bonne capacité de réaction, et je crois que nous l'avons justement démontré récemment. Notre crainte concerne toutefois la possibilité de maintenir cette capacité en puissance. D'ailleurs, il y a une dizaine d'autres scénarios qui pourraient nécessiter la présence de troupes prêtes à réagir. Par exemple, si, pendant que nos militaires sont déjà engagés ailleurs, il survenait une situation de crise dans l'Arctique, c'est alors que les problèmes commenceraient à se manifester.

M. Leon Benoit: Permettez-moi de vous interrompre. La question très précise que je posais au ministre à ce moment-là était à savoir comment, compte tenu de nos besoins en matière de défense sur notre propre territoire, de tous ces scénarios qui pourraient se présenter au Canada et de nos engagements à l'étranger, nous pourrions mener toutes ces opérations de front. Il m'a répondu qu'il n'y aurait pas de problème, que nous avions des tas de gens pour pouvoir faire face à toutes ces éventualités. Donc, ma question portait précisément sur le personnel militaire. Il ne s'agissait pas de nouvelles technologies, qui ne peuvent que nous être très utiles, j'en conviens. C'est ce que je trouve si agaçant, de constater une telle divergence d'opinions en réponse à des questions tout à fait identiques.

Lgén Charles Belzile: Notre principale inquiétude, c'est la profondeur de notre capacité opérationnelle, la possibilité de la maintenir en puissance et apte à répondre à toutes les éventualités sans savoir ce qui nous attend au bout du tunnel. Or, récemment, nous nous sommes engagés dans une mission qui sera très vraisemblablement de longue durée et qui, pour l'instant, semble d'ailleurs fort mal définie. Quant à savoir ce qui nous attendra au bout du tunnel une fois que nous y verrons un peu plus clair, c'est une chose que personne, à mon avis, n'est actuellement en mesure de prévoir—nous non plus, bien entendu.

Par conséquent, ce que nous voulons dire, c'est que la prudence exige que notre capacité opérationnelle repose sur des fondements plus solides et plus stables. En ce qui touche la mise en application de la première phase, si vous voulez, des mesures qui étaient énoncées ou réclamées dans le Livre blanc de 1994, je n'entretiens pas beaucoup de doute. Mais je pense que, parmi ceux qui ne cessent de parler des milliers de militaires qui seraient disponibles, il en a beaucoup qui oublient parfois que le nombre de militaires que compte notre effectif correspond en fait au ratio dents-queue, et que certains de ces militaires ne sont pas vraiment aptes à participer à certaines de nos missions, qu'il s'agisse ou non d'opérations de maintien de la paix, lesquelles requièrent généralement, comme le savons tous, la présence de fantassins, aidés par ces fantastiques technologies dont nous disposons aujourd'hui. Or, nous ne pourrions compter actuellement que sur environ 6 000 militaires d'infanterie, plus 6 000 réservistes, si jamais on parvenait à les mobiliser tous en même temps. Nous soutenons qu'un tel état de choses rend la rotation et l'entretien de ces effectifs extrêmement difficiles, ce qui me fait dire que nous avons un déficit sur le plan de notre capacité opérationnelle, de son maintien en puissance.

Je ne suis évidemment pas placé pour accuser—et je suis sûr que vous ne vous attendez pas à ce que je le fasse—les cadres supérieurs en uniforme d'utiliser les mêmes données que moi et d'en tirer des conclusions différentes. Je suis convaincu que la plupart des membres de votre comité, monsieur le président, pourraient arriver eux aussi à des conclusions qui différeraient de celles de leurs collègues. Il n'y a pas grand-chose à faire pour éviter cela.

L'incertitude qui caractérise ce genre d'éventualités et la prudence qui, selon nous, devrait s'imposer en ce qui touche les Forces canadiennes, exigent que nous disposions, comme nous le mentionnons dans cette étude, d'un effectif d'au moins 75 000 militaires pour nous permettre d'être en mesure de réagir efficacement et simultanément à la multitude de scénarios susceptibles de se présenter, comme il se pourrait que nous ayons à le faire. C'est dans ce genre de circonstances que la situation pourrait devenir critique.

• 1555

Si vous me le permettez, je vais demander à mon collègue de dire quelques mots à ce sujet.

Le président: Il ne nous reste toutefois que quelques secondes avant de devoir permettre à un autre membre du comité de poser des questions.

Colonel Sean Henry (retraité) (analyste principal en matière de défense, Conférence des associations de la défense): Au début de la partie cinq de cette étude, sous le titre de «Évaluation de la capacité opérationnelle», vous allez trouver des pages et des pages qui sont directement tirées des Plans d'activités de niveau 1 des chefs des trois services et des responsables de la logistique au quartier général de la Défense. C'est donc dire que ce n'est pas nous, qui sommes assis à cette table, ni d'autres membres de la CAD qui en arrivent à ces conclusions, mais ce sont bel et bien les hauts dirigeants du MDN eux-mêmes.

J'aimerais ajouter un mot à ce que notre président vient de dire concernant les divers scénarios possibles, que nous décrivons également dans notre étude et qui vont des opérations de recherche et sauvetage, ici même au pays, à la guerre totale à l'étranger. À cet égard, je suis sûr que la plupart d'entre vous en conviendront, la conjoncture actuelle est extrêmement instable. Nous pourrions nous retrouver très rapidement dans une situation de guerre totale, en Afghanistan ou au Moyen-Orient. Le Canada pourrait fort bien être appelé à déployer une brigade d'armée très spécialisée, ce qu'il prétend être en mesure de faire, dans un très court délai.

Enfin, concernant notre capacité de maintenir cette force en puissance, les membres du secteur naval au quartier général sont actuellement réquisitionnés en préparation de la première rotation de notre contingent à l'étranger. Nous sommes à ce point serrés en ce qui touche la disponibilité du personnel militaire.

Le président: Merci, colonel Henry.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Merci, monsieur le président.

Je veux un suivi à ce que vous venez de dire, lieutenant général Belzile et colonel Henry. Nous avons reçu ici les trois généraux responsables des trois principales armées et ils ont été unanimes à dire—et vous venez de dire, colonel Henry, que vous vous êtes basés sur les mêmes chiffres qu'eux—que l'état de préparation de l'armée canadienne est actuellement meilleur qu'il ne l'était il y a 10 ans. Je veux savoir si vous êtes d'accord là-dessus.

Lgén Charles Belzile: C'est une autre façon de poser la même question que tout à l'heure. Ma réponse, malheureusement, ne sera pas tellement différente de celle que je viens de vous donner. En nous servant des mêmes chiffres et de la même information, et en nous basant un peu sur notre propre expérience—après tout, on a vécu dans des positions semblables—, nous arrivons à des conclusions différentes. Nous en arrivons à des conclusions différentes avec notre analyse à nous, et je soutiens qu'elle est correcte, suffisante et adéquate. Je parle de l'analyse; je ne parle pas des Forces canadiennes. Malheureusement, je ne peux pas changer les mots ou les opinions des autres personnes.

Colonel Alain Pellerin (retraité) (directeur général, Conférence des associations de la défense): J'aimerais ajouter quelque chose à ce que le président a dit. Si vous regardez notre étude, vous verrez qu'on est très conscients de tous ces arguments et qu'on fait attention de ne pas aborder cette discussion qui, à notre avis, est un peu futile, à savoir si on est plus aptes au combat qu'on ne l'était il y a 10 ou 15 ans, ou qu'il y a 50 ans, si on veut retourner loin dans le temps.

Ce qui est important et ce qu'on a essayé de faire ressortir, c'est si on est aptes au combat pour les missions d'aujourd'hui et celles de demain. C'est ce qui est important. Essayer de tirer des conclusions de ce qu'on a fait il y a 10 ou 20 ans n'est pas très utile pour permettre à ce comité de tirer des conclusions.

M. Claude Bachand: Je pense que ce serait important de comprendre que c'est plus facile de parler lorsqu'on n'est pas en uniforme que lorsqu'on est en uniforme. Est-ce que je me trompe? Je ne me trompe pas. Très bien.

J'ai une autre question, monsieur le président. Je trouve que le budget de la Défense nationale a été un peu abandonné pendant longtemps. Quand je dis qu'il a été abandonné, c'est qu'on a longtemps eu l'impression qu'on était sous le parapluie américain et que personne ne pouvait envahir le Canada parce que, bien sûr, les Américains ne permettraient pas qu'une force étrangère vienne envahir un pays ami situé tout près du leur.

• 1600

On est l'avant-dernier de la classe actuellement. Vous avez parlé de chiffres tout à l'heure. J'en ai parlé à l'OTAN et j'ai vu que nous nous situions juste devant le Luxembourg, qui est le dernier de la classe. Je pense que nous consacrons seulement 1,2 p. 100 du produit national brut à la Défense nationale. Cependant, on a parfois des choix à faire. Or, je trouve que la marine et l'armée de l'air assurent une certaine protection de l'espace aérien et de l'espace maritime. C'est sûr qu'on est handicapés du côté de la marine parce qu'on a envoyé presque la moitié de notre flotte là-bas, mais quand on est à pleine capacité, on est capables d'assumer la défense des deux côtés, des trois océans, finalement.

Du côté de nos engagements auprès de NORAD, on est en mesure aussi d'assumer la défense de l'espace aérien canadien.

Je trouve que lorsqu'on a un choix à faire... Vous parlez d'augmenter le nombre à 60 000, puis à 75 000. N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'on aura un choix à faire? Peut-être s'agira-t-il de garder la marine et l'armée de l'air telles qu'elles sont et de mettre davantage l'accent du côté des fantassins, parce qu'on se spécialise de plus en plus dans le maintien de la paix et dans les missions d'observation.

Est-ce que vous verriez d'un bon oeil non seulement l'augmentation du budget, mais aussi, si on augmente le personnel militaire,...? En tant que société, ne croyez-vous pas que l'accent devrait être mis sur l'armée de terre pour faire face au terrorisme à l'intérieur de nos frontières et continuer à développer notre expertise dans les missions internationales de paix et d'observation?

Lgén Charles Belzile: Monsieur le président, au risque de sembler favoriser la couleur de l'uniforme que j'ai porté pendant 37 ans, je vais répondre de façon prudente à cette question.

Quand je dis que je répondrai de façon prudente, ce n'est pas nécessairement parce que j'ai peur de donner mon opinion, mais le fait demeure qu'une force équilibrée, une force ayant des spécialités assez larges pour pouvoir faire face à nos 11 scénarios est plus importante que la saveur du mois, si vous voulez. Je me sers du terme «saveur du mois», «the flavour of the month». Après tout, pendant des années, on a été complètement orientés sur les opérations de maintien de la paix, sur les opérations dites de paix ou de soutien de la paix, et il y a des choses qui ont souffert, même du côté de l'armée de terre et aussi dans les autres services.

Quand on se spécialise purement et simplement dans un domaine comme celui-là, c'est la capacité de répondre dans d'autres domaines qui diminue. Alors, en principe, je suis complètement d'accord qu'on devrait avoir une force équilibrée et qu'on a besoin des trois.

Cela dit, l'armée de terre, qui fournit la grande majorité des gens lors des missions de maintien de la paix, est l'organisation qui, si jamais des difficultés commençaient à se faire sentir au sol ou même au niveau national, aurait besoin de plus de ressources humaines. Ça, on l'a dit.

Qu'est-ce que le ministère de la Défense ferait des 15 000 personnes supplémentaires que l'on suggère? C'est à eux de décider. C'est eux, après tout, qui sont chargés de prendre ces décisions; ce n'est pas à nous de le faire. On peut faire une recommandation, mais nous disons que la grande majorité des 15 000 personnes additionnelles devraient probablement aller du côté de l'armée de terre.

Cela dit, on reconnaît aussi que le Canada utilise mal ses forces de réserve. Les forces de réserve, surtout celles de l'armée de terre, ne sont pas aussi bien utilisées qu'elles pourraient l'être, tandis que la marine et l'aviation utilisent les forces de réserve d'une façon beaucoup plus logique. Elles sont plus petites et plus faciles à intégrer que les forces de l'armée de terre.

Nous parlons donc d'une revitalisation de nos réserves, d'une capacité accrue du côté de l'armée de terre pour les missions qui, après tout, requièrent surtout de la main-d'oeuvre et un équilibre, et de l'importance ne pas perdre l'expertise dans les autres domaines, soit la capacité de déployer des avions ou des navires qui soutiennent la force quand celle-ci est déployée.

Donc, on ne peut pas se permettre d'avoir une spécialité totale.

[Traduction]

Le président: Merci, général. Merci, monsieur Bachand.

Monsieur Wilfert, sept minutes.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, monsieur le président.

Par votre entremise, monsieur le président, je voudrais faire savoir à nos témoins que c'est toujours un plaisir pour nous de les accueillir ici.

• 1605

Général, après 1989, nous avons parlé de dividende de paix, et on a fait passer notre effectif militaire de 90 000 à environ 60 000 membres. Dans ce contexte, nous avons eu droit au Livre blanc de 1994. J'ai déjà eu l'occasion de vous demander si, dans sa facture actuelle, le Libre blanc était dépassé, compte tenu notamment de certains des changements auxquels nous avons assisté depuis la fin de la guerre froide, et vous avez affirmé récemment que notre effectif militaire devrait être ramené à 75 000 membres. À la lumière de ce dont vous avez été témoin depuis le 11 septembre, et compte tenu des propos que vous avez tenus devant notre comité dans le passé, votre position a-t-elle changé en ce qui touche la pertinence du Livre blanc à l'heure actuelle? Ce que j'aimerais tout particulièrement que vous nous disiez, c'est quels éléments précis du Livre blanc devraient être modifiés, ou si, à votre avis, il serait temps que nous produisions un nouveau livre blanc?

Lgén Charles Belzile: Oui, j'ai effectivement changé d'idée, mais j'aimerais apporter quelques nuances à cet égard et vous expliquer pourquoi, auparavant, nous n'étions pas trop impatients de voir paraître un nouveau livre blanc et préférions attendre que la situation se soit un peu clarifiée. C'est que, bien honnêtement, nous craignions qu'un nouveau livre blanc ne serve à justifier le statu quo. Pour être bien francs à ce sujet, nous nous disions qu'il valait peut-être mieux nous en tenir à celui que nous avions et dont nous connaissions la teneur plutôt que de nous retrouver avec un document qui ne ferait que légitimer une diminution de nos capacités.

Compte tenu des événements fort malheureux qui sont survenus le 11 septembre—on m'accusera peut-être de tabler sur le malheur des autres pour tenter d'obtenir ce que nous souhaitons, mais je puis vous assurer que ce n'est pas dans cet esprit que je fais référence à cette tragédie—, je ne crois pas que nous puissions repousser très longtemps encore le dépôt d'un autre livre blanc. Le bruit court que le gouvernement se proposerait d'en publier un l'an prochain, une initiative que nous appuierions avec beaucoup d'enthousiasme. Je crois que ce nouveau livre blanc devrait non seulement traiter de la façon de nous attaquer aux problèmes que nous connaissons aujourd'hui, mais également se fonder sur une nouvelle évaluation stratégique qui chercherait vraiment à établir le plus précisément possible le genre de problèmes auxquels nous pourrions être appelés à devoir éventuellement faire face.

De plus, on devra prendre soin—tout comme on l'a fait dans le modèle australien, dont je vous ai peut-être parlé la dernière fois que nous avons comparu devant vous—de faire porter ce livre blanc sur bien davantage que la défense nationale proprement dite. Il devrait couvrir l'ensemble des préoccupations relatives à notre sécurité nationale au sens large, englobant ainsi les forces de sécurité à l'intérieur du Canada, la police à tous les niveaux, les pompiers, les services de renseignement—toutes ces choses doivent être prises en considération. Il devra donc s'agir d'un Livre blanc d'intérêt multiministériel, à la préparation duquel devraient participer, je présume, le solliciteur général, le ministre de la Défense nationale, le ministre des Finances, et qui devrait recevoir l'aval, comme ça été le cas en Australie, du premier ministre et de son cabinet, de manière à ce qu'on ait l'assurance que les fonds requis pour y donner suite seront effectivement mobilisés.

On aurait tort de s'inspirer du Livre blanc de 1994. Je crois qu'il demeure un document valable, mais, à notre avis, il constitue un mauvais modèle à deux égards. D'abord, il y a le fait qu'il a été publié avant un Livre blanc équivalent des Affaires étrangères qui aurait dû le précéder ou être publié en même temps. Les deux ont été produits tout à fait séparément. L'autre problème, c'est que les fonds qui auraient dû être affectés pour qu'on puisse donner suite aux souhaits exprimés par le gouvernement dans le Livre blanc de 1994 ne l'ont jamais été. Bien au contraire, le dividende de paix dont vous venez de parler s'est traduit par toute une série de coupes dans les budgets, des coupes dont on n'a vu la fin il n'y a que deux ou trois ans—malheureusement, les injections des deux ou trois dernières années, toutes louables qu'elles aient été, ont surtout servi à acquitter les factures de cartes de crédit.

M. Bryon Wilfert: Monsieur le président, je souhaiterais que nous ayons l'occasion de prendre connaissance à un moment ou l'autre du modèle australien. Nous en avons déjà entendu parler superficiellement, mais je pense qu'il nous serait utile de l'examiner d'un peu plus près.

J'aurais une foule d'autres questions à poser, mais, comme le président nous limite toujours, je vais m'en tenir à la question que voici, général. J'aimerais voir comment vous y répondez, compte tenu du fait qu'elle a trait à l'industrie de la défense.

L'Association de l'industrie de la défense du Canada est membre de votre organisation, n'est-ce pas?

Lgén Charles Belzile: Membre associée.

M. Bryon Wilfert: Je vois. Dans ce cas, pourriez-vous d'abord nous expliquer ce que vous entendez par là?

Lgén Charles Belzile: Très brièvement, nos 14 associations principales, au nombre desquelles se trouve la Légion royale canadienne, constituent ce que nous considérons comme étant le coeur de notre groupe-cadre; il s'agit essentiellement de nos membres ayant droit de vote. Nos autres membres sont des organisations comme la Ligue des cadets de l'Air, la Ligue des cadets de l'Armée, l'Association de l'industrie de la défense du Canada, qui ont un certain rôle à jouer comme parties prenantes dans la planification de la défense et de la sécurité, notamment dans le cas de l'industrie, mais qui n'ont pas de droit de vote et à qui nous ne demandons d'ailleurs pas non plus de participer à l'élaboration de nos prises de position. Nous essayons de confier cette responsabilité à nos 14 associations principales, après quoi nous faisons circuler nos propositions à l'ensemble de nos membres. En fait, leurs observations nous sont très utiles, mais elles n'influent pas forcément sur le contenu de nos rapports, sauf qu'elles constituent une forme de coopération.

• 1610

M. Bryon Wilfert: Cela m'apparaît important, car j'ai lu des lettres, dont j'ai d'ailleurs copie, où l'on soutient qu'étant donné que l'AIDC représente les entrepreneurs du secteur de la défense, elle a directement intérêt à ce qu'on accroisse le budget de la défense. Par conséquent, n'y a-t-il pas là conflit d'intérêts apparent ou réel? Ce que vous nous dites maintenant, c'est que ces groupes n'influent pas nécessairement sur vos activités.

Lgén Charles Belzile: Je ne crois pas qu'il y ait là quelque possibilité de conflit d'intérêts. Quant à la question de savoir si ces gens souhaiteraient un accroissement des dépenses militaires, je crois que vous feriez mieux de leur poser la question à eux, non à moi.

M. Bryon Wilfert: Je suis sûr, général, que vous avez vu les lettres en question, et que, de ce fait, vous n'êtes pas sans savoir que d'aucuns mettent en doute l'intention de certaines des propositions que vous avancez. D'ailleurs, entre autres choses que vous proposez, il y a la question du renforcement de nos capacités industrielles en matière de défense.

Un mot que nous entendons fréquemment et que j'ai du mal à accepter, c'est le mot harmonisation à propos de l'harmonisation avec les États-Unis. Vous dites qu'il serait possible d'harmoniser nos principes et nos procédures sans qu'il soit nécessaire de faire des compromis sur le plan de notre souveraineté nationale. Pourriez-vous nous expliquer plus avant comment vous voyez la chose? Quand je vois le mot harmonisation, j'en ai des frissons dans le dos, car il y a de mes collègues ici qui voudraient qu'on harmonise tout ce qu'il est possible d'imaginer, ce qu'ils sont évidemment habilités à faire, mais j'ai beaucoup de mal à accepter cela. Il n'existe à ma connaissance aucun cas dans l'histoire connue où des pays ont procédé à leur intégration économique sans qu'il s'en soit suivi une intégration politique. Qu'il s'agisse d'immigration, d'environnement ou d'achat de matériel de défense, je serais curieux de savoir ce que vous en pensez. Je sais qu'à la suite de la Seconde Guerre mondiale, nous avons eu pendant un certain temps une relation particulière avec les Américains. Pourriez-vous nous préciser votre pensée là-dessus?

Le président: Je vous prierais de vous en tenir à une réponse très brève.

Lgén Charles Belzile: Je pense que le général O'Donnell, qui doit comparaître devant vous après moi, pourra probablement répondre d'une manière plus étoffée à cette question, mais, comme ancien président, en réalité, de l'AIDC, qu'on appelait à l'époque l'ACPD, l'Association canadienne de préparation à la défense, je ne vois pas quels problèmes pourrait entraîner l'harmonisation avec un autre pays. Nous avons déjà une foule d'accords actuellement en vigueur avec les États-Unis, des accords de partage de la production de défense, qui existent depuis la Seconde Guerre mondiale, des accords de recherche en matière de défense, et ce genre de choses. De tels accords facilitent toute la question de l'interopérabilité de nos forces de même que notre capacité à travailler en collaboration avec nos alliés, surtout à cause de la nature commune de certaines pièces d'équipement et de certains articles consomptibles, comme les munitions, par exemple. Je n'y vois donc pas de menace à notre souveraineté, mais il y a peut-être des gens qui pensent autrement.

Le président: Merci.

Monsieur Stoffer, sept minutes.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président, et merci beaucoup, messieurs, pour votre exposé. Je puis vous donner l'assurance, général Belzile, que je ne vais pas vous reprocher d'avoir changé d'idée à propos de la production d'un nouveau livre blanc. Il y a longtemps que je soutiens, et ce, même avant le 11 septembre, qu'il serait temps que le Canada produise un nouveau livre blanc pour être en mesure de répondre aux besoins du nouveau millénaire.

Vous avez dit, monsieur, que notre effectif militaire avait été réduit pour se situer maintenant aux alentours de 53 000 à 58 000. Dans le Hill Times d'aujourd'hui, le ministre Eggleton l'estime à environ 58 000. L'autre jour, un général a affirmé que nous en étions à 59 000. Pourquoi est-il si difficile de s'entendre sur le nombre exact de militaires qui font partie de la force régulière et qui sont prêts à servir à l'heure actuelle?

Lgén Charles Belzile: Je ne crois vraiment pas que ce devrait être si difficile, mais il vous faut garder à l'esprit que les 59 000 ou 58 000 dont vous parlez à l'instant comprennent tous les gens qui figurent sur la liste de paye. Il y en a qui ont reçu leur indemnité de départ et qui attendent leur premier chèque de prestation de retraite. Pour tout dire, ce chiffre comprend même des militaires qui sont en prison. Il inclut tout le monde, même ceux qui sont sur la liste du personnel en formation. Chaque jour, il y en a qui échouent et qui sont renvoyés. Chaque jour, on accepte de nouvelles recrues. Ce qui doit nous intéresser tout le temps, ce sont nos capacités à long terme. Si je perds un sergent qu'il m'a fallu de 12 à 15 ans pour former, je ne saurais le remplacer simplement par une recrue embauchée le vendredi précédent. J'ai obtenu du directeur des ressources humaines un chiffre qui, je crois, était de 59 384 ce jour-là, mais je suis certain que le lendemain, il aurait été différent.

• 1615

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur.

Dans le résumé de votre rapport, vous dites:

Dans le Hill Times d'aujourd'hui, le sénateur Colin Kenny affirme:

De toute évidence, si la responsabilité illimitée que doivent assumer les soldats en risquant de se trouver en situation périlleuse et de perdre la vie doit être contrebalancée par une responsabilité illimitée du gouvernement, je présume que vous devez être d'accord avec le sénateur Kenny lorsqu'il affirme essentiellement dans le Hill Times d'aujourd'hui qu'il est temps pour les cadres supérieurs militaires du MDN, non pas les autorités politiques, mais les généraux, de se remuer les fesses et de commencer à se montrer plus francs avec les autorités politiques, n'est-ce pas?

Lgén Charles Belzile: En effet.

M. Peter Stoffer: Je m'attendais à une réponse plus étoffée.

Le président: Colonel Henry, désirez-vous dire un mot vous aussi là-dessus?

Col Sean Henry: Oui. Il y a un aspect dont traite notre étude à propos de la puissance de nos forces armées et qui, je crois, devrait être rappelé à ce moment-ci en rapport avec la question qui vient d'être posée et celle qui l'a précédée immédiatement.

La décision de réduire de 75 000 à 60 000 le nombre d'effectifs des Forces armées canadiennes n'a pas été prise à la suite d'un examen rationnel de nos besoins en prenant en considération des facteurs qui auraient été mis en lumière au moyen d'une analyse stratégique préalable ou autrement. Elle ne tient qu'à un seul motif, et c'est celui d'économiser de l'argent. Le MDN a été tout simplement contraint de composer avec un budget que le gouvernement a décidé de plafonner au moment de la révision des programmes. À la faveur de cette révision, on a dit que le MDN se verrait allouer un budget d'un montant x, avec lequel il lui faudrait se débrouiller. Voilà ce qui a fait baisser le nombre des effectifs militaires, et c'est ce qu'on observe encore aujourd'hui. Le commandant de l'Armée est obligé de réduire son effectif encore davantage pour respecter le plafond budgétaire qui lui a été imposé. Il s'agit là d'un facteur extrêmement important à prendre en considération.

M. Peter Stoffer: J'aurais deux questions brèves, monsieur le président.

Monsieur, vous avez demandé que le budget de la Défense soit augmenté d'un milliard de dollars par an pendant un certain nombre d'années. Dans une économie en déclin, où croyez-vous qu'on va prendre cet argent? Devra-t-on pour cela renoncer à certaines des baisses d'impôt annoncées dans le budget fédéral de l'an dernier, ou devra-t-on amputer dans le budget d'autres programmes dont le gouvernement a la responsabilité?

Lgén Charles Belzile: Monsieur le président, je ne crois pas qu'il m'appartienne de répondre à cette question, sauf pour dire simplement que la sécurité nationale et la défense nationale sont si essentielles à la stabilité et à l'intégrité de notre pays qu'on ne saurait en traiter comme s'il s'agissait d'une situation gagnant-perdant. Je ne crois pas que nous soyons en concurrence avec les pompiers au Canada, pas plus d'ailleurs qu'avec le système de santé. Je soutiens, et je l'ai dit dans nombre d'occasions, que nous ne sommes pas un pays pauvre. Ce que nous dépensons au titre de notre participation à l'OTAN n'est rien comparé à ce que dépensent d'autres pays à cet égard. Personnellement, je crois que nous pouvons nous permettre ces dépenses.

Quant à la question de savoir où M. Martin et son comité des finances trouveront l'argent voulu, je me sentirais malvenu d'aller leur dire que c'est leur problème et non le mien. Mais ce qui me préoccupe, c'est qu'en fait, chaque fois que nous parlons de cette question, il se trouve quelqu'un pour demander ce qui arrivera aux milliards supplémentaires qui sont actuellement affectés au secteur de la santé, et ce genre de choses. Vous comprendrez que, comme tous les autres Canadiens, je tiens à avoir accès à des soins de santé de qualité et je ne vois pas qu'on doive sacrifier un tel domaine au profit de l'autre. D'une manière ou d'une autre, il nous faut trouver une façon de financer les deux.

M. Peter Stoffer: Merci.

À la base aérienne de Shearwater, on projette de se départir de 1 100 acres de terres sur lesquelles est aménagée une très longue piste d'atterrissage—les copains savaient que j'allais poser cette question. Le ministre Eggleton et le chef d'état-major de la Défense ont dit que le programme serait mené à terme, que nous nous départirions de cette piste d'atterrissage et de ces terres. Ce qui m'inquiète, c'est l'éventualité que nous ayons besoin de cette infrastructure dans l'avenir, si jamais nous étions effectivement entraînés dans une guerre totale. Seriez-vous d'accord pour qu'on se départisse de telles terres après ce qui est arrivé le 11 septembre, de terres et surtout de cette longue piste d'atterrissage de Shearwater dont nous pourrions fort bien avoir besoin un jour?

• 1620

Lgén Charles Belzile: Si vous me le permettez, monsieur le président, je ne parlerai pas précisément de la longue piste d'atterrissage de Shearwater, mais je vais plutôt m'exprimer en termes généraux.

L'un des problèmes que j'ai aujourd'hui avec les Forces armées canadiennes—et vu que j'ai commencé à avoir ce problème quand j'étais encore en uniforme, je puis probablement prendre une partie du blâme sur mon dos—, c'est que nous commettons une grave erreur quand nous fermons trop de bases militaires. Nous mettons nos gens en uniforme loin du public, de sorte qu'on ne les voit jamais. Nous les cantonnons tout simplement à Cold Lake, Bagotville, Petawawa et Valcartier, et les Canadiens ne les voient que lorsqu'il y a une tempête de verglas ou une autre situation de crise quelconque. Il n'y a que les réservistes qui font exception, car ils continuent de laisser leur empreinte dans la société. Je crois que c'est une erreur que de fermer ces établissements.

Quand je suis revenu de la Corée, les effectifs de l'Armée augmentaient et nous avions besoin de locaux. Or, il nous a fallu complètement repeindre les quartiers d'un cantonnement qu'on avait fermé après la guerre avant de devoir le réouvrir. En nous départissant de nos aménagements, il est certain qu'on économise de l'argent, et je puis comprendre pourquoi les gens pensent de cette façon, mais, à mon avis, nous devrions faire en sorte que notre réseau de bases militaires soit suffisamment souple pour que nous n'ayons pas à tout fermer comme nous le faisons dans le moment. Nous devrions au contraire veiller à ce que nos militaires demeurent présents dans l'esprit des Canadiens.

Le président: Merci, général. Merci, monsieur Stoffer.

Madame Wayne.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Géneral Belzile et messieurs les colonels, le ministre des Finances déposera un nouveau budget en décembre. Selon vous, n'y a-t-il pas un danger qu'on perçoive ou qu'on essaie de faire en sorte qu'on perçoive les crédits additionnels qu'on allouera pour l'opération Apollo et le Centre de la sécurité des télécommunications comme s'inscrivant dans un accroissement général des dépenses militaires, alors qu'elles ne contribuent en rien à régler le problème des carences que vous dénoncez dans votre étude intitulée Coincé entre les deux? Voilà ce qui m'inquiète.

Permettez-moi de vous faire part de ma position à cet égard. Je suis de ceux qui croient très fermement que la politique doit demeurer à l'écart de la question militaire, qu'elle ne devrait pas entrer en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'hommes et de femmes en uniforme. Il s'agit d'un cas où on doit mettre de côté ses couleurs, peu importe qu'on soit rouge, bleu ou jaune, réfléchir et faire ce qu'il convient de faire.

Vous dites qu'il vous faudrait un milliard de dollars par an uniquement pour stabiliser la situation. Or, ce dont nous avons besoin et ce dont nos hommes et nos femmes ont besoin, ce n'est pas seulement de stabiliser la situation. Nous avons besoin de nouveaux Sea King, et il faudrait qu'on remette en état de servir ce qui nous reste de sous-marins. Il nous faut davantage d'hommes et de femmes dans nos forces armées. Ce milliard de dollars dont vous parlez ne va-t-il vraiment que stabiliser la situation ou va-t-il nous permettre de fournir à nos militaires les ressources dont ils ont besoin pour jouer convenablement leur rôle? Et avez-vous le sentiment que, lorsque le gouvernement déposera son budget, compte tenu de ce qui se produit dans le moment, nous allons simplement nous occuper de combler ces nouveaux besoins sans pouvoir nous attaquer aux carences qui étaient déjà là?

Lgén Charles Belzile: Monsieur le président, pour des raisons évidentes, je n'ai pas l'intention de porter de jugement politique à propos de cette question, car ce n'est pas à moi de le faire.

Mme Elsie Wayne: Non, en effet.

Lgén Charles Belzile: À propos de l'injection d'un milliard de dollars par an, nous avons dit à maintes reprises que, pour les deux ou trois prochaines années, ce montant nous permettrait de stabiliser la situation. Or, sauf erreur, on se propose d'ajouter ce supplément pendant plus ou moins cinq ans. Le budget de la Défense, après tout, a déjà été porté à 16 milliards de dollars, alors qu'il s'élevait auparavant à 11,2 milliards de dollars. Nous estimons que cette marge devrait permettre une certaine revitalisation de nos forces armées.

Quant à savoir si j'espère qu'on réservera, dans le prochain budget, des montants pour remédier à nos carences fondamentales sur le plan de la défense plutôt que de simplement chercher à combler les besoins immédiats pour assurer notre sécurité—ce qui est nécessaire, il n'y a pas lieu d'en douter—, tant que je n'aurai pas vu ce que prévoit le budget, il me sera un peu difficile de me prononcer là-dessus.

• 1625

Mme Elsie Wayne: Très bien.

Vous avez présenté votre rapport avant le 11 septembre et avant les événements de New York, ce qui montre que son contenu n'est pas lié à ce qui s'est alors produit. Vous aviez déjà ces préoccupations, vous qui êtes tous des officiers retraités, et vous êtes intervenus en faveur des militaires, comme nous avons pu le voir.

Le cas qu'on fait de nos réservistes me préoccupe vivement. Selon le rapport que nous venons tout juste de recevoir, ils sont au nombre de 14 700, sauf erreur, alors qu'il nous en faudrait 30 000. Là encore, étant donné ce qui vient de se produire, quelque 500 d'entre eux ont vu leur salaire réduit, alors que d'autres ont obtenu une augmentation de 15 p. 100. D'après ce que m'a répondu le ministre, quand je lui ai posé la question, il y a une foule d'entreprises qui verseront leur salaire aux réservistes quand ceux-ci seront appelés à servir. Mais un réserviste est censé recevoir 85 p. 100 du salaire que commande normalement le niveau de son affectation.

Je crains que nous n'ayons pas suffisamment forcé la note pour recruter des réservistes. Comment, selon vous, devrions-nous nous y prendre pour faire mieux sur ce plan, pour encourager les gens à faire partie de la Réserve? Si nous avons tant de mal à en recruter, je crois sincèrement, du fond de mon coeur, que c'est parce qu'ils ne sont peut-être pas reconnus comme ils le devraient et qu'ils ne touchent pas les indemnités qu'ils méritent. Je me suis laissé dire qu'avec le régime que nous avons actuellement, certains d'entre eux ne seront pas en mesure de payer leur hypothèque, que certains ne seront pas capables de subvenir aux besoins de leur famille ou de leurs enfants.

Lgén Charles Belzile: Une des recommandations de 1995 dont je puis en partie réclamer la paternité concernait la restructuration de la Réserve des forces canadiennes. Nous recommandions alors qu'on rende perméable la cloison entre les forces régulières ou le service à temps plein et la Réserve, de manière à ce qu'il soit facile de passer d'un camp à l'autre dans l'éventualité d'un changement de situation professionnelle ou familiale—l'âge des enfants, par exemple. Nous disions en outre qu'on devrait instaurer, à l'intention des réservistes, un régime de retraite dont les prestations seraient proportionnelles à la durée de service actif, au nombre de mois ou d'années, si vous voulez, qu'ils auraient consacrées au service régulier ou à temps plein. Vous vous souviendrez que j'étais, avec feu le Juge en chef Brian Dickson, un des commissaires chargés de l'étude sur cette question, et que les recommandations que nous avons alors formulées sont encore aujourd'hui quelque part sur les tablettes. Elles seraient pourtant, à mon avis, bien utiles pour revitaliser nos forces de réserve.

Je ne saurais dire pourquoi la plupart de ces recommandations n'ont pas connu de suite, mais, j'en conviens avec vous, alors que nos réserves représentent un formidable potentiel de ressources, nous en avons rendu l'accès très difficile. Je ne vois aucune raison qui puisse justifier qu'il nous soit si difficile de recruter des réservistes.

Le président: Merci, madame Wayne.

Mme Elsie Wayne: Merci.

Le président: Il est maintenant 16 h 30, messieurs, et nous avons un autre groupe de témoins à entendre aujourd'hui. Par conséquent, au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier d'avoir répondu à notre invitation et de nous avoir fourni une information qui, je crois, sera très utile à notre comité dans ses délibérations et dans la préparation de son rapport. Merci beaucoup.

Nous allons faire une pause de cinq minutes pour permettre à nos autres témoins de prendre place.

• 1630




• 1634

Le président: Je prierais les membres du comité de regagner leur siège pour que nous puissions amorcer l'autre volet de notre séance.

• 1635

Le président: Il me fait grand plaisir d'accueillir le lieutenant-général Paddy O'Donnell, retraité, de l'Association de l'industrie de la défense du Canada, ainsi que M. Dave Stapley de DRS Technologies. Bienvenue à vous deux. Nous sommes très impatients d'entendre vos témoignages.

Lieutenant-général O'Donnell, avez-vous une déclaration préliminaire à faire?

Lieutenant-général Patrick O'Donnell (retraité) (président, Association de l'industrie de la défense du Canada): Monsieur le président, si je ne m'abuse, les membres de votre comité n'ont eu notre document qu'aujourd'hui. Je me demande donc si je ne devrais pas prendre les cinq ou dix premières minutes qui suivent pour le passer en revue avec vous et vous en faire ressortir les points principaux. Je n'ai pas l'intention de lire notre mémoire en entier, mais il serait peut-être utile que nous nous en servions comme document de base et que je vous souligne au passage, si cela vous convient, certains des principaux thèmes qu'on y retrouve.

Le président: Ça va.

Lgén Patrick O'Donnell: Très bien.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de nous avoir invités à participer à la séance de cet après-midi pour vous entretenir de cette question d'intérêt national qui, à nos yeux, est extrêmement importante.

Vous avez précisé il y a un moment que M. Stapley était le président de DRS Technologies Canada. Pour ma part, en plus de présider l'Association de l'industrie de la défense du Canada, je suis associé principal chez CFN Consultants, ici même à Ottawa, et ex-vice-chef d'état-major de la Défense. Je suis à la retraite depuis 1995.

Comme votre comité a dû être inondé d'information au cours du mois qui vient de s'écouler et avoir abondamment entendu parler de la capacité opérationnelle de nos forces, j'ai l'intention de limiter le contenu de mon exposé aux points que les membres de notre industrie considèrent les plus importants. Notre association est une imposante organisation. Elle regroupe plusieurs milliers d'entreprises réparties dans les diverses régions du Canada, qui tirent l'entier ou une partie de leurs revenus de l'industrie de la défense. Ensemble, elles ont réalisé en 2000 un chiffre d'affaires de quelque 5,2 milliards de dollars. Nous comptons dans nos rangs des entreprises hautement spécialisées, dont un grand nombre sont de réputation internationale et ont démontré qu'elles pouvaient soutenir la concurrence des plus importantes entreprises au monde dans ce domaine.

Notre exposé d'aujourd'hui comporte deux grands thèmes. Le premier a trait directement à la question de la capacité opérationnelle des Forces canadiennes. Le second porte sur notre infrastructure industrielle de défense et notamment sur sa contribution à la capacité opérationnelle de nos forces ainsi que sur le rôle que joue notre industrie, selon nous, sur le plan de notre sécurité nationale prise dans son ensemble.

À propos de la capacité opérationnelle des Forces canadiennes, disons tout d'abord, comme premier principe, qu'une des responsabilités primordiales du gouvernement est évidemment d'assurer la sécurité des citoyens et que la capacité opérationnelle des forces armées constitue un élément crucial de cette sécurité. Votre comité a entendu de nombreuses opinons concernant la capacité opérationnelle des Forces canadiennes, dont certaines étaient contradictoires. S'il n'y a pas à s'en étonner, c'est probablement, comme nous l'indiquons dans notre mémoire, que la capacité opérationnelle des forces armées est extrêmement complexe à mesurer. Son évaluation doit en effet porter sur un ensemble d'éléments indépendants qui sont eux-mêmes complexes: la nature de la menace, les politiques, les normes en matière de personnel, l'équipement, la doctrine et la formation. En raison de la nature même de cette capacité opérationnelle et du fait que chacun de ces importants élément évolue constamment, une évaluation ponctuelle de cette capacité ne saurait valoir autrement que pour le moment précis où elle a été effectuée et ne peut refléter la réalité que très passagèrement.

Tout cela étant dit, nous sommes d'avis qu'il est assez juste d'affirmer que certains éléments des Forces canadiennes sont dans un état relativement positif, mais que, dans l'ensemble, nos forces donnent l'impression d'être soumises à de graves pressions. Il ne fait aucun doute que le plus gros problème pour les Forces canadiennes, notamment au regard de leur capacité opérationnelle, c'est leur niveau de financement. Nous croyons qu'en général, le ministère de la Défense nationale fait un travail admirable en maintenant une certaine capacité opérationnelle avec les ressources dont il dispose, mais, qu'il n'a tout simplement pas les fonds voulus pour accomplir la mission qu'on lui a confiée.

Je vous rappelle que les capacités des Forces canadiennes sont censées nous permettre de répondre à un ensemble d'obligations nationales, continentales et internationales et de contribuer au maintien de la paix et à la stabilité dans le monde. La structure même de la contribution du Canada est fondée sur le principe d'une défense partagée avec des alliés continentaux et internationaux; en échange, la contribution de chacun des alliés sera fonction de sa capacité de payer. Or, même si le Canada est un pays relativement riche, il se trouve que, depuis nombre d'années, il ne paie pas sa juste part. Je reconnais que nous avons apporté une contribution substantielle aux efforts de maintien de la paix, mais ce que je considère ici, c'est le tableau d'ensemble de notre contribution à la paix et à la stabilité sur la scène internationale.

• 1640

Vous avez entendu une foule d'opinions à propos de ce qui constituerait un niveau suffisant de financement pour la défense. Nous estimons que, malgré les injections récentes de sommes considérables dans le financement des Forces canadiennes, pour lesquelles nous félicitons le ministre de la Défense nationale et le gouvernement, il faudrait augmenter annuellement d'au moins 10 à 12 p. 100 le financement de base du ministère seulement pour lui permettre d'assumer les modestes obligations énoncées dans le Livre blanc. Comme nous le soulignons dans notre mémoire, les primes de défense coûtent cher. Au Canada, en raison de notre géographie, de l'immensité de notre territoire et de notre espace aérien ainsi que de nos trois côtes océaniques, nous nous retrouvons dès le départ devant l'obligation d'effectuer des dépenses incontournables très considérables.

Nous sommes profondément d'avis que notre capacité financière en matière de défense est principalement fonction de l'échelle des priorités du gouvernement: nous avons le choix entre contribuer à la sécurité nationale et internationale ou dépenser notre argent autrement. Aussi difficiles que soient ces décisions relatives à l'affectation des ressources, au bout du compte, c'est une question de leadership politique. Notre situation actuelle est le fruit des décisions qu'on a prises au fil de nombreuses années concernant l'établissement des priorités. Notre actuel défi consiste à redresser la situation dans laquelle nous nous retrouvons maintenant. Il est également évident que nous, les politiciens, les gens d'affaires et les meneurs de l'opinion publique, avons l'obligation de faire davantage pour convaincre la population canadienne de l'importance de la défense ainsi que de la nécessité de payer ce qu'il faut pour financer ce qu'elle nous coûte annuellement.

Pour conclure cette partie de notre exposé sur la capacité opérationnelle des Forces canadiennes, nous vous soumettons quelques recommandations pour l'avenir. D'abord, le Canada doit se doter d'une superstructure de sécurité nationale englobant les activités relatives à la capacité militaire. En ce qui touche le volet militaire proprement dit, nous devons affirmer que la base de notre engagement futur en matière de défense sera une contribution à la stabilité internationale qui sera proportionnelle à notre richesse relative. Le niveau de cette contribution devra être nettement plus élevé que 1,2 p. 100 de notre PIB.

Nous avons également noté qu'au sein même du MDN, on est à effectuer un examen à la fois nécessaire et opportun de notre capacité militaire afin de voir dans quelle mesure il sera nécessaire de restructurer nos forces en fonction des éventuels scénarios opérationnels—j'ai d'ailleurs entendu certains des propos qu'a tenus tout à l'heure à ce sujet le général Belzile. Ce réalignement étant particulièrement crucial pour notre infanterie, nous proposons que le gros des fonds supplémentaires qui seront alloués aillent à nos forces terrestres.

Notre association propose également l'accélération de certains programmes d'achat d'équipement déjà en cours, notamment ceux qui sont liés à la collecte de renseignements de sécurité et à la surveillance. Je vous ferai part un peu plus loin de certaines recommandations précises que nous formulons à cet égard.

À la page 7 de notre mémoire, nous présentons une analyse de l'industrie de la défense. Je vais passer plutôt vite sur ce volet, étant donné qu'intuitivement, vous devez sûrement avoir déjà une bonne idée de ce à quoi nous nous employons. Quant à notre association, elle a pour mandat de promouvoir les intérêts de l'industrie de la défense, quoique nous ayons un certain degré d'altruisme—après tout, nous sommes tous des Canadiens, et bon nombre des dirigeants avec qui je travaille sont d'anciens militaires ou d'anciens hauts fonctionnaires. Nous croyons que la défense est un élément clé de la sécurité nationale, et, à vrai dire, l'industrie canadienne de la défense devient de plus en plus importante pour le ministère de la Défense, compte tenu du soutien direct croissant qu'elle apporte à nos forces armées au pays comme à l'étranger.

Je vous ai donné dans notre mémoire des exemples de certaines de nos réussites dans le cadre du programme de diversification des modes de prestation des services, des exemples qui illustrent que l'industrie de la défense est en voie de s'imposer comme quatrième élément de l'équipe de la défense, qui comprend les forces régulières, les réservistes, les civils travaillant au service de la défense, et l'industrie de la défense. Nous sommes convaincus qu'en intégrant davantage nos compétences militaires et commerciales, nous parviendrons à accroître notre ratio de capacité opérationnelle en regard des dollars investis.

À partir de cette vision globale de la contribution utile que peut apporter l'industrie de la défense, l'Association de l'industrie de la défense du Canada est à préparer un énoncé de position dans lequel elle exposera clairement la raison d'être d'une éventuelle infrastructure industrielle de défense, en quoi celle-ci pourrait consister et comment nous pourrons arriver à la créer. Ce document devrait être prêt d'ici la fin de l'année.

• 1645

Nous faisons également état dans notre mémoire d'une série d'enjeux directement liés à la promotion de la création d'une infrastructure industrielle de défense, notamment l'effet de levier qu'entraînent les achats de matériel de défense, la contribution de ce secteur à la vitalité de notre infrastructure industrielle nationale dans son ensemble, ainsi que l'exploitation de centres d'excellence. Nous entendons proposer des mécanismes propres à favoriser un meilleur parallélisme entre nos méthodes d'acquisition de matériel de défense et celles des États-Unis, et c'est là qu'entre en jeu l'harmonisation de nos procédures et de nos processus. Nous pourrons y revenir durant la période de questions, si vous le désirez.

En outre, nous préconisons activement un soutien gouvernemental très dynamique en vue de la réintégration de la capacité industrielle du Canada en matière de défense avec celle des États-Unis. Pendant une quarantaine d'années, à compter de vers la fin des années 50 jusque tout récemment, nous avons bénéficié d'une relation très privilégiée avec les États-Unis en ce qui touche l'industrie de la défense, de sorte qu'il y avait pratiquement intégration entre nos deux pays sur ce plan. Cette relation s'est détériorée depuis. Nous allons proposer des mécanismes pour rétablir l'ancien état de choses à cet égard. Nous croyons que tout cela pourrait s'accomplir sans compromettre la souveraineté de notre pays.

À la page 10, nous insistons sur l'importance que revêtent, selon nous, les liens entre le Canada et les États-Unis sur tous les grands domaines que sont le politique, l'économie et la défense. En réalité, nous sommes d'avis qu'aucun autre élément n'est aussi important dans les priorités gouvernementales que la promotion de cette relation, notamment en ce qui touche nos intérêts économiques et nationaux.

En ce qui a trait plus directement à la contribution que peut apporter l'industrie de la défense à la capacité opérationnelle des Forces canadiennes, nous réitérons dans notre mémoire un certain nombre de recommandations que nous avons déjà soumises à propos des réformes qui pourraient être opérées, notamment en ce qui concerne la procédure d'appels d'offres, la possibilité pour l'industrie de la défense d'intervenir plus tôt dans le processus d'acquisition du matériel et l'assouplissement du contrôle qu'exerce le MDN sur son propre financement. Ce sont toutes là des questions de procédure qui sont très importantes.

Nous avons aussi mis le doigt sur un aspect que nous jugeons encore plus prioritaire depuis les événements du 11 septembre, à savoir l'accélération et la compression de projets déjà prévus au programme de la défense, étant donné la nécessité d'améliorer plus rapidement encore notre capacité opérationnelle. À notre avis, l'accent devrait tout particulièrement être mis sur la collecte de renseignements et la surveillance. Dans notre mémoire, nous donnons à cet égard quelques exemples: surveillance spatiale, mise à niveau des systèmes de commandement et de contrôle, mise à niveau de nos systèmes de surveillance, avions de patrouille maritime Aurora, et surveillance côtière par radar. Il existe ainsi une foule d'initiatives dont on devrait accélérer la mise en oeuvre, y compris, il va sans dire, le projet d'hélicoptère maritime. On a dû vous parler abondamment de toutes ces choses, et nous pourrons répondre à des questions sur ce sujet dans le cours de notre discussion.

Si l'industrie tient à ce que tous ces projets soient accélérés, c'est à la fois parce que nous devons maintenir notre capacité opérationnelle et parce que, compte tenu des cycles et délais très longs qui caractérisent la procédure d'acquisition du matériel, il est extrêmement coûteux pour les entreprises du secteur de l'industrie de la défense, petites et grandes, de conserver le personnel qualifié et le savoir-faire voulus en attendant que ces projets se concrétisent. Cet état de choses compromet à la fois notre capacité industrielle nationale et notre capacité nationale de soutenir nos propres forces militaires.

Comme dernier sujet d'intérêt spécial, nous demandons instamment au gouvernement d'appuyer la participation continue du Canada au programme d'avion de combat interarmées. Pour ce que nous considérons comme un investissement annuel relativement modeste, les avantages que nous pourrions en retirer seraient multiples, à coup sûr pour les industries canadiennes, mais également pour le ministère de la Défense, notamment en ce qui touche son engagement avec les États-Unis en matière d'interopérabilité et de haute technologie, ainsi que pour l'ensemble de notre secteur des technologies de pointe. En fait, le processus de sélection des sous-traitants de Lockheed Martin Canada et de certains des autres principaux entrepreneurs est déjà en cours. Plus vite nous nous engagerons dans ce projet, mieux ce sera pour le Canada.

Bref, nous sollicitons votre appui—et il va sans dire que nous vous offrons très volontiers le nôtre—dans nos efforts pour obtenir qu'on accroisse le budget du ministère de la Défense nationale. Nous vous demandons de nous épauler dans notre projet d'établissement d'une infrastructure industrielle de défense de même que dans la campagne que nous menons en vue d'obtenir une accélération des programmes auxquels nous faisons référence dans notre document.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, général O'Donnell.

Monsieur Anders, cinq minutes.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à remercier nos témoins d'aujourd'hui, tout comme j'aimerais remercier ceux qui les ont précédés. Je suis plutôt mécontent de la manière dont ce comité est dirigé aujourd'hui. Par exemple, je n'ai même pas eu la chance de m'adresser aux derniers témoins qui ont comparu devant nous, et ce, à cause de la façon précipitée dont on procède en vue de produire un rapport.

• 1650

Je vais présenter une motion, ou du moins en parler, proposant que, par respect et par considération pour nos témoins d'aujourd'hui, l'examen du rapport du comité soit reporté de 24 heures afin de donner aux membres du comité le temps de vraiment en prendre connaissance avant de se prononcer sur son contenu. La question que je pose aux autres membres de notre comité aujourd'hui, c'est à savoir comment nous pouvons adopter un rapport provisoire sans même en avoir pris connaissance. Nous ne l'avons même pas vu. On nous l'avait promis pour le début...

Le président: Monsieur Anders, je me dois de vous interrompre ici, car la question que vous soulevez n'est pas à l'ordre du jour de cette séance du comité.

M. Rob Anders: Monsieur le président, nous n'avons pas encore obtenu copie de ce rapport.

Le président: Votre motion est proprement irrecevable.

M. Rob Anders: Monsieur le président, il s'agit là d'une tentative de votre part de faire avaler de force aux membres du comité ce rapport sans qu'ils aient eu la chance de l'examiner comme il se doit. Ces témoins sont désireux de nous exprimer leurs points de vue, et voilà que vous refusez même...

Le président: Si vous n'êtes pas prêt à poser des questions à nos témoins, monsieur Anders, je vais devoir céder la parole au prochain intervenant sur ma liste.

M. Rob Anders: Je vais leur poser une question, monsieur le président.

Le président: Très rapidement.

M. Rob Anders: Par conséquent, messieurs, je vous demande de nous dire quelle impression cela vous fait de venir ici donner un exposé devant notre comité alors que vous savez très bien qu'on ne tiendra nullement compte de vos propos dans le rapport qui sera présenté par le comité?

Le président: Monsieur Anders, votre affirmation est non seulement irrégulière, mais elle est erronée. Le comité est en train de préparer un rapport provisoire qui traite de mesures antiterrorisme. Ce rapport provisoire sera suivi d'un rapport définitif sur la question de la capacité opérationnelle...

M. Rob Anders: Ma question ne s'adresse pas à vous, monsieur le président...

Le président: J'aurais cru que vous saviez cela.

M. Rob Anders: C'est aux témoins que ma question s'adressait.

Le président: Monsieur Anders, j'ai bien peur de devoir passer au prochain intervenant.

Monsieur Bachand, la parole est à vous.

[Français]

M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.

Vous avez mentionné dans votre témoignage, que j'ai lu presque en même temps que vous en faisiez la présentation, que 1 500 entreprises avaient des contrats de plus de 100 000 $ avec la Défense nationale. Premièrement, est-ce qu'elles sont toutes membres de votre association? Je suppose que non. Non.

Est-ce que vos membres sont des entreprises canadiennes ou si ce sont plutôt des filiales d'entreprises américaines ou internationales?

Lgén Patrick O'Donnell: Les trois.

M. Claude Bachand: Vous avez beaucoup parlé d'«interopérabilité» et de complémentarité. Vous avez aussi parlé du projet américain de Lockheed Martin pour le JSF, et c'est le but de ma question. Quand le gouvernement canadien achète des produits étrangers... Je pense que les Américains, eux, ne se gênent pas, et j'en ai un exemple à quelques milles de mon comté. Bombardier a soumissionné pour le métro de New York et, naturellement, les Américains n'ont pas dit à Bombardier de faire les wagons chez nous, de les amener et qu'ils allaient les payer. Ils lui ont dit d'en faire une partie chez eux et ils ont créé une entreprise à Plattsburgh, à côté de Saint-Jean, où 700 emplois ont été créés pour préparer les wagons du métro de New York.

Je reviens au JSF. Je sais que vous n'en avez pas parlé, mais je sais aussi que le moteur est de Pratt & Whitney. Il y a un gros complexe de Pratt & Whitney à Longueuil. Si le gouvernement canadien appuie rapidement un tel projet, qui est un contrat majeur, parce que dans le cas de Lockheed Martin et de Pratt & Whitney, il s'agit du JSF qui sera construit pour les Américains et probablement pour les Britanniques, peut-il non seulement l'appuyer mais aussi demander qu'il y ait des retombées économiques directes au Québec? C'est la première chose.

De plus, le gouvernement canadien, dans le cas de son Airlift ou de son Sealift, par exemple, peut décider de donner des contrats aux États-Unis. Jusqu'à quel point peut-il, en achetant des Américains, dire qu'il veut qu'une partie de cette production soit faite au Canada? Est-ce qu'on est capable de faire ça?

[Traduction]

Lgén Patrick O'Donnell: Monsieur le président, comme nous l'avons fait remarquer dans notre document—et c'est un aspect que j'aurais dû mentionner à propos de notre demande d'accélérer les choses en ce qui concerne l'engagement du Canada à l'égard de l'avion de combat interarmées—, nous proposons que ce genre de décision soit fondée sur un plan stratégique industriel. À vrai dire, on entamerait des négociations en tenant compte de l'engagement du gouvernement concernant le travail qui pourrait être confié à des entreprises canadiennes.

• 1655

Vous avez raison, il y aura d'intéressantes possibilités pour nos entreprises, dépendant du nombre d'avions de combat qui seront effectivement construits—au minimum 3 000, peut-être jusqu'à 6 000, ce qui représente des centaines et des centaines de milliards de dollars. La capacité du Canada dans ce domaine est excellente. Nous sommes pratiquement assurés d'obtenir notre juste part, mais tout dépendra de la teneur de notre engagement à l'égard du programme des JSF. Alors, cette question fait partie des paramètres de la négociation concernant notre éventuel engagement concernant ce programme. Je suis donc très confiant que les retombées économiques pour le Canada seront largement supérieures à notre contribution au programme. L'expertise dont on aura besoin s'inscrit justement dans les créneaux que nous avons déjà développés dans nos centres d'excellence.

[Français]

M. Claude Bachand: Si je comprends bien, monsieur O'Donnell, vous estimez que si le gouvernement canadien disait à Lockheed Martin et au gouvernement américain qu'il veut acheter certains de ces avions, il y aurait certaines retombées économiques au Canada. Le JSF est un projet américain. Les Britanniques sont avec eux, mais le Canada n'a pas encore dit oui et il n'a pas encore dit non. D'ailleurs, il semble mettre davantage l'accent sur la mise à jour des F-18, mais ça, c'est autre chose.

Quand le Canada décide qu'il achète un bateau pour son Sealift ou des avions pour son Airlift, est-ce qu'il a les moyens, selon vous, de dire aux Américains qu'il achète cela d'eux, mais qu'il y aura une composante canadienne, qu'ils devront en fabriquer une partie au Canada? Est-ce que l'industrie se préoccupe de ça?

[Traduction]

Lgén Patrick O'Donnell: Je ne suis pas certain que nous soyons en position d'exiger des Américains qu'ils nous concèdent une activité de production qui ne concorde pas avec leurs intérêts économiques et leur propre législation à propos de produits et services qui ne peuvent être fournis que par des entreprises américaines. Je ne saurais vous dire si nous serions en mesure d'obtenir cela.

M. Claude Bachand: Ça va.

Lgén Patrick O'Donnell: Ce que je puis vous dire, toutefois, c'est que tout indique que le cadre des négociations est très ample et que les possibilités pour le Canada s'annoncent très bonnes.

Le président: Merci, monsieur Bachand. Merci, général.

Monsieur Price, cinq minutes.

M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de prendre connaissance de l'entier de votre mémoire, mais vous avez parlé du problème que pose pour votre industrie le fait de devoir retenir votre personnel et votre expertise, particulièrement dans des périodes creuses comme celle que nous traversons actuellement. Je me demande seulement dans quelle mesure notre industrie est suffisamment diversifiée, car, du moment que nos entreprises connaissent un certain ralentissement, les Américains, surtout, viennent s'en porter acquéreurs à prix de rabais. Je me demande ce que fait notre industrie pour essayer de résoudre ce problème, pour diversifier sa production. Le Canada n'est sans doute pas le seul pays à connaître ce genre de situation, car, si nous regardons du côté de nos partenaires de l'OTAN, nous constatons qu'ils sont tous aux prises avec ce même problème.

M. David Stapley (vice-président général, Association de l'industrie de la défense du Canada): D'abord, je pense que l'industrie canadienne de la défense est relativement bien diversifiée. Il y a quelques années, nous avions tous l'impression que nous pourrions cesser de fabriquer du matériel de défense le vendredi et nous mettre à produire des réfrigérateurs le lundi, mais nous nous sommes rendu compte que c'était le meilleur moyen de nous diriger vers un désastre. Mais depuis lors, je crois qu'on est parvenu à diversifier rationnellement la production. Il en est résulté que, malgré les flux et reflux et les hauts et les bas du budget de la défense, l'industrie canadienne de la défense est demeurée stable, et elle a même connu la croissance dans un certain nombre de domaines. On peut donc dire qu'on a très bien mené cette opération de diversification.

Le problème qui, selon moi, a amené l'industrie à se poser la question est celui des ressources humaines et de la façon dont il nous a fallu gérer notre bassin de talents au cours de cette période. Ce fut tout un défi à relever, notamment du fait que les sociétés de télécommunications, par exemple, étaient en plein essor. Jusque tout récemment, leurs besoins ont exercé une pression sur les éléments compétents dans l'industrie de la défense. Comme vous le savez, la situation s'est inversée depuis, mais, dans l'ensemble, cela fait un certain nombre d'années qu'on procède à une diversification plutôt bien ordonnée dans notre industrie, et je soutiens que nous nous sommes assez bien défendus à cet égard.

Lgén Patrick O'Donnell: J'aimerais seulement ajouter une observation sur ce point. Ces dernières années, l'accroissement des activités de notre industrie de la défense s'est produit dans une large mesure dans le secteur des services, des services que nous rendons directement aux forces armées. Nous songeons d'ailleurs à essayer d'exploiter ces créneaux à l'étranger. On a assisté à une croissance importante du marché dans ce domaine. Il en résulte deux choses. Évidemment, ces activités contribuent à bâtir notre infrastructure industrielle de défense. Deuxièmement, elles libèrent des gens en uniforme pour qu'ils puissent servir en première ligne. Ce n'est pas précisément du trois ou du deux pour un, mais nous croyons que ce que l'industrie peut faire pour assurer de tels services de soutien économise des sommes au ministère de la Défense, qu'il peut réaffecter pour des opérations de première ligne. Donc, cette évolution est mutuellement avantageuse.

• 1700

M. David Price: J'ai une autre question qui ne concerne peut-être pas directement l'industrie, mais qui la touche néanmoins. Le 11 septembre, je me trouvais à la base de Trenton. Le centre de commandement et de contrôle est entré immédiatement en action pour dire que la base pourrait être attaquée et que, par conséquent, tous les entrepreneurs devaient quitter les lieux sans tarder. Cela crée un problème. Certains de ces entrepreneurs s'y occupent en fait de faire sortir les avions des hangars. Comment, selon vous, devrions-nous résoudre ce problème, étant donné que cette situation vous touche indirectement?

Lgén Patrick O'Donnell: Je dois avouer que je suis quelque peu étonné de cette directive. À un moment donné, quand il y a alerte, devant un danger imminent, il est tout à fait concevable que les choses se corsent, mais, en raison de la nature même des obligations ou des engagements qui lient l'industrie de la défense, c'est exactement le contraire qu'il aurait fallu qu'on fasse, en ce sens que, dans un tel contexte de tension, l'industrie aurait dû être là pour fournir ses services.

M. David Price: Mais vous pourriez vous retrouver en pleine activité de combat, alors que vous n'êtes absolument pas équipés pour faire face à ce genre de situation.

Lgén Patrick O'Donnell: Vous avez raison, mais tout dépendrait évidemment de la nature des circonstances en question. Il reste qu'en nous occupant de l'établissement des conditions de ce type de partenariat avec le ministère de la Défense, nous proposons aux entreprises civiles des obligations qu'elles s'engagent à respecter, par exemple en ce qui concerne la prestation de leurs services dans de telles circonstances.

M. David Price: C'est précisément ce à quoi je voulais en venir. Il devient encore plus important que ce genre de chose soit prévue dans votre contrat.

Lgén Patrick O'Donnell: Tout à fait, mais il s'agit justement là d'un des principaux enjeux. Nous savons que le ministère de la Défense nationale ne peut se soustraire à son devoir de faire en sorte que les services soit rendus. Il doit donc avoir l'assurance que l'industrie sera sur place au moment voulu, qu'elle sera en mesure de faire son travail dans de telles circonstances et qu'elle respectera ses engagements concernant la prestation des services en question au prix prévu dans le contrat. Mon rôle, comme président de l'Association de l'industrie de la défense du Canada, consiste en partie à talonner l'industrie de la défense pour qu'elle comprenne bien l'importance capitale de ces conditions du contrat, sans quoi nous ne saurions continuer de conclure ce genre d'ententes de partenariat.

Le président: Nous devons maintenant céder la parole à M. Stoffer, pour cinq minutes.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président, et merci messieurs pour votre exposé.

D'abord, êtes-vous favorables au processus d'acquisition fractionnée pour le remplacement des Sea King? Vous avez fait mention du projet d'acquisition d'hélicoptères maritimes. Qu'on me corrige si j'ai tort, mais il me semble que ce soit la première fois qu'on expérimente ou qu'on envisage d'adopter ce processus d'acquisition fractionnée pour une importante commande de matériel militaire. D'après ce que nous entendons, cette procédure occasionne des délais, elle est compliquée et déroutante, et elle va finir par entraîner des coûts supplémentaires. C'est pourquoi je vous pose la question à vous qui, espérons-le, serez appelés à vous charger de ces remplacements. Êtes-vous favorables au processus d'acquisition fractionnée, ou devrait-on revenir à la procédure initiale d'achat unique afin d'accélérer le processus?

Lgén Patrick O'Donnell: Parmi nous membres, il y en a qui sont favorables au processus d'acquisition fractionnée, et il y en a qui tiennent mordicus aux bons de commande uniques de production. Personnellement, oui, je suis favorable à l'achat en deux temps. Il est vrai que cette procédure procurera davantage de possibilités à l'industrie canadienne aux stades de l'acquisition et de l'intégration du matériel.

• 1705

Je crois qu'il est inexact d'affirmer que c'est la première fois que nous procédons à ce type d'acquisition en deux temps. En réalité, si j'ai bonne mémoire, pour le programme du NAE qui a fini par être abandonné en cours de route, on avait d'abord opté pour le bon de commande unique et on avait décidé ensuite de procéder en deux temps. Je crois que cette décision avait été prise pour économiser de l'argent. Autrement dit, nous avons commencé avec un programme, et nous l'avons ensuite divisé en deux. Cette fois, nous optons dès le départ pour le fractionnement du processus d'acquisition.

M. Peter Stoffer: Est-ce à dire que vous ne trouvez pas préoccupant le délai qu'a entraîné ce processus d'acquisition fractionné?

Lgén Patrick O'Donnell: Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, nous aurions avantage à trouver une façon de faire en sorte que cette première tranche du projet, celle de la production du matériel, soit mise à exécution le plus rapidement possible, de manière à réduire au minimum les délais dans le calendrier d'acquisition du matériel. Le retard qu'on accuse nous inquiète, et nous souhaiterions vivement qu'on trouve le moyen d'entreprendre sans tarder le deuxième volet du processus, de manière à ce que nous puissions rapprocher les deux opérations.

M. Peter Stoffer: Très bien.

Il est réjouissant de voir que nous avons une industrie canadienne spécialisée dans ce domaine, car, nous aurons de moins en moins les moyens, compte tenu de la faiblesse record de notre dollar par rapport à la devise américaine, de nous procurer à l'étranger, et tout particulièrement aux États-Unis, du matériel militaire que nous aurions besoin de remplacer. Pourriez-vous nous donner des exemples d'équipements que nous pourrions fabriquer nous-mêmes dans le futur si nous avions à remplacer du matériel? Il y a eu, par exemple, les frégates, que nous avons construites ici, les véhicules blindés légers (VBL III), etc.

M. David Stapley: Peut-être puis-je répondre en premier. Si nous remontons 40 ou 50 ans en arrière, nos arrangements avec les États-Unis à l'époque dictaient la forme de l'industrie canadienne de la défense. Nous avions alors pour politique de fabriquer chez nous très peu d'importants systèmes d'armement. Il y a toutefois eu au fil des ans des exceptions à cette règle, par exemple dans le cas des navires, où nous avons fait un très bon travail dans les Maritimes, de même que dans celui des véhicules blindés légers, que construisait General Motors et qui ont connu beaucoup de succès sur le marché international. Il y a eu quelques autres cas d'exception, mais, à dessein ou en vertu d'une politique, nous avons été des fournisseurs de produits secondaires ou tertiaires plutôt que des fournisseurs de gros matériel, de chars d'assaut, d'avions de combat, etc.

Comme fournisseurs de produits secondaires et tertiaires, l'étendue des compétences canadienne est vraiment étonnante. Qu'il s'agisse de balles ou de systèmes de communications, d'appareils de surveillance, etc., nous avons une formidable capacité de production, ce qui ne veut pas dire que nous ne sommes pas dépendants de sources d'approvisionnement étrangères pour l'achat de certains composants, par exemple, mais c'est le cas de tous les pays. Tout dépend de l'application dont il s'agit. Par exemple, dans le cas des applications relatives à notre défense intérieure, je dirais que notre industrie est en mesure de combler la plupart des besoins de notre pays. À l'autre extrémité de la gamme des besoins possibles, s'il s'agissait de construire de notre propre cru l'équivalent d'un avion de combat interarmées, ce serait nettement au-delà de nos compétences. Autrement dit, bien que nous soyons relativement de petits fabricants à l'échelle internationale, nous sommes horizontalement très forts en ce qui touche la fourniture de matériel secondaire et tertiaire.

M. Peter Stoffer: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Stapley.

Madame Wayne, cinq minutes.

Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup.

Toujours à propos de construction navale, comme vous le savez, la ville de Saint John, qui se trouve dans ma circonscription, et celle de Québec se sont partagées la tâche de construire les frégates. L'été dernier, avant la rentrée parlementaire, nous avons déposé à la Chambre des communes un document—avec l'accord de tous les partis—, qui portait sur de nombreux aspects du secteur militaire, mais qui recommandait notamment l'adoption d'une politique nationale en matière de construction navale. On y proposait non pas que le gouvernement fédéral s'engage à construire huit ou neuf frégates d'un seul coup, mais une frégate à la fois, en rotation, de manière à garder nos chantiers navals actifs. Il fut un temps où nous avions près de 4 000 personnes qui travaillaient dans le secteur de la construction navale.

Un jour, j'ai posé une question à propos de construction navale, et on m'a répondu que c'était aujourd'hui un monde de haute technologie. J'en ai été absolument stupéfaite, étant donné que nos navires sont justement à la fine pointe de la technologie. Je n'arrivais pas à croire que tous ne comprenaient pas que c'était le cas de nos navires et que ceux qui participaient à leur construction se devaient d'être très compétents en matière de haute technologie. Il ne s'agit pas seulement de ceux qui travaillent dans les chantiers navals, mais également de tous les employés de ces sociétés qui fournissent les pièces, qui fournissent les systèmes de haute technologie nécessaires. Il est probablement question de 10 000 à 20 000 personnes pour l'ensemble de notre pays.

• 1710

Nous avons néanmoins réclamé, comme vous le savez, qu'on adopte une politique de construction navale pour répondre aux besoins de notre Marine. J'ai le vif sentiment, général, qu'une telle politique est nécessaire. Cela me désole vraiment de constater que nous achetons des sous-marins usagés de Londres, en Angleterre. Nous avons chez nous les compétences voulues pour construire de tels navires. Les Américains viennent recruter nos gens chez nous. Nos travailleurs s'en vont travailler aux États-Unis parce qu'il n'y a pas de travail ici dans nos chantiers navals. Et laissez-moi vous dire un chose. Quand un père doit laisser son épouse et ses enfants derrière pour aller travailler aux États-Unis, cela a de très graves conséquences pour la famille. C'est par centaines que des gens viennent me voir pour me supplier de réclamer qu'on adopte une politique en matière de construction navale. J'estime qu'il s'agit d'une industrie qui devrait être en pleine activité chez nous. Qu'en pensez-vous?

Lgén Patrick O'Donnell: Instinctivement, on a le sentiment qu'étant un pays maritime, nous devrions avoir cette capacité. En effet, vous avez tout à fait raison, ce que nous produisons est à la fine pointe de la technologie.

Mme Elsie Wayne: Oui, c'est le cas.

Lgén Patrick O'Donnell: J'ai analysé cette question quand je faisais partie des forces militaires, particulièrement vers la fin de ma carrière, alors que j'étais vice-chef—nous faisons de telles analyses presque continuellement. J'ai dû me rendre à l'évidence que le problème en était simplement un de demande. Nous avons consacré énormément de ressources pour acquérir la capacité de construire ces frégates.

Mme Elsie Wayne: Vous avez raison.

Lgén Patrick O'Donnell: Jusqu'à nouvel ordre, on estime qu'il s'agit là d'une capacité de classe mondiale...

Mme Elsie Wayne: C'est certes le cas.

Lgén Patrick O'Donnell: ...d'un excellent navire.

Notre problème, c'est que, si l'on considère la demande totale canadienne de tels navires, elle n'est tout simplement pas suffisante. Il serait impossible de faire vivre une industrie de construction navale pour répondre aux seuls besoins des Forces canadiennes, même si cette construction s'effectuait par rotation, au rythme d'un navire par an. C'est à cette dure réalité économique que nous nous sommes heurtés. Si on ajoutait à cela la satisfaction des autres besoins du Canada—un pays maritime, après tout—, des besoins, par exemple, de notre Garde côtière, on pourrait logiquement soutenir qu'il serait possible de maintenir à flot une industrie de construction navale, mais peut-être pas à l'échelle dont vous parlez.

Mme Elsie Wayne: J'ai rencontré le vice-président Cheney aux États-Unis durant la semaine précédant le 11 septembre, et je lui ai parlé de la loi Jones. Je lui ai signalé qu'alors qu'eux pouvaient soumissionner sur tous nos contrats militaires ou autres au Canada, nous ne pouvions pas faire de même dans leur pays. Je lui ai demandé ce qu'il pensait de cet état de choses, de cette protection que leur procure la loi Jones. Il m'a répondu qu'il tenait à ce que je sache que, oui, cette loi était dépassée, qu'elle devrait être abolie et qu'il leur faudrait faire quelque chose en ce sens. C'est donc dire que, si nous avions la possibilité de soumissionner sur leurs contrats et que nos gens pouvaient construire des navires pour les Américains, nos chantiers maritimes pourraient, je crois, connaître un formidable essor, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Wayne.

Le prochain intervenant sur notre liste est M. Dromisky, à qui je donne la parole pour cinq minutes.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Je vais être très bref.

Nos témoins sont tout à fait conscients du fait qu'on a beaucoup parlé de budget, qu'on envisage d'importants changements dans le budget qui sera présenté à la Chambre très bientôt. La question qui se pose, c'est celle de savoir si nous devrions aller en déficit ou non. J'aimerais que vous me disiez ce que l'industrie que vous représentez penserait de l'idée que notre pays se retrouve en situation déficitaire pour pouvoir donner suite à toutes les demandes qui figurent dans les mémoires et à toutes les recommandations qui sont soumises à notre comité et à la Chambre des communes concernant les besoins de nos forces armées.

Lgén Patrick O'Donnell: On note que l'hypothèse de nous diriger vers un déficit suscite une certaine nervosité. Bien qu'on reconnaisse qu'on se doit d'intervenir énergiquement en période difficile, psychologiquement, on semble craindre que, si on commence à descendre la pente, on ne sache peut-être plus comment faire pour s'arrêter. C'est pourquoi le sentiment général est plutôt favorable à ce qu'on cherche à éviter de s'engager dans cette voie.

• 1715

Quant à la question de savoir si nous devrions nous diriger vers un déficit parce qu'on jugerait nécessaire de dépenser davantage pour les Forces canadiennes, nous vous invitons à aborder la chose à l'inverse et à vous demander si nous ne devrions pas trouver prioritaire de payer nos primes de défense, compte tenu du fait que c'est la sécurité fondamentale de nos citoyens qui est ici en jeu. Un peu d'ailleurs comme dans le cas de nos primes d'assurance-vie que nous payons même s'il nous est pénible de le faire, car nous ne pouvons pas nous permettre de nous en passer. J'en conviens, ce sont là des décisions difficiles.

David?

M. David Stapley: Vous avez tout dit.

M. Stan Dromisky: Très bien répondu d'ailleurs. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Price, vous avez trois minutes.

M. David Price: Merci.

Avec les États-Unis, nous sommes dans une position de très grande interopérabilité, je dirais même d'interchangeabilité. Sur le chapitre de l'équipement, il y vraiment un mouvement de perpétuel va-et-vient entre nos deux pays. Vous avez mentionné que, pour donner suite aux recommandations du Livre blanc, il faudrait augmenter le budget de la Défense de 10 à 12 p. 100. Combien faudrait-il pour maintenir constamment en opération notre industrie, pour que les entreprises de ce secteur ne connaissent pas de ralentissement marqué, pour qu'elles puissent se garder à flot ou ne pas être victimes de l'insuffisance des budgets?

Lgén Patrick O'Donnell: Je vais d'abord répondre à votre première question. Évidemment, plus on place de commandes auprès de l'industrie, mieux c'est pour celle-ci. Mais, en toute sincérité, nous ne le raisonnons pas de cette façon. Ce qui nous inquiète davantage actuellement, c'est plutôt le problème que nous avons abordé tout à l'heure. Avec ces importants programmes dont la réalisation est retardée, mais qui seront peut-être débloqués éventuellement, il s'opère une énorme saignée de nos ressources qui peut même compromettre notre viabilité. Par conséquent, plutôt que de soutenir que l'industrie de la défense aurait besoin de 3 milliards de dollars de plus par an, nous n'abordons pas le problème de cette façon.

Quant à la question de la coordination de nos opérations de production à des fins militaires avec celles des États-Unis, je crois qu'il est juste d'affirmer que l'interopérabilité représente et doit représenter un enjeu important. Pratiquement toutes les forces militaires du monde réussissent à peine à atteindre le seuil de l'interopérabilité et de l'interchangeabilité avec les États-Unis. Les Américains sont tellement avancés en ce qui touche la diversité et l'ampleur de leur capacité technologique qu'aucun autre pays ne parvient à rivaliser avec eux sur ces plans. Mais les Forces canadiennes sont sages de fonder leur restructuration opérationnelle future sur une plus grande interopérabilité avec les États-Unis.

M. David Stapley: Peut-être pourrais-je ajouter ici deux ou trois brèves observations.

Comme le général O'Donnell l'a laissé entendre, je ne crois pas que nous demandons qu'on subventionne, pour ainsi dire, l'industrie de la défense—en réalité, je suis sûr que ce n'est pas le cas. Ce que nous proposons, c'est qu'on s'efforce de mieux répartir le flux des programmes. Ce qui se produit dans la plupart des sous-secteurs de l'industrie de la défense s'apparente à la situation dans laquelle se trouve l'industrie de la construction navale et à laquelle Mme Wayne a fait allusion. En période de ralentissement, le bassin de talents migre vers les marchés où il y a de l'action. Un des problèmes que nous observons constamment, que ce soit dans le secteur de la construction navale, dans celui de l'aérospatiale ou dans d'autres secteurs, c'est que, si nous perdons des talents au profit de la Californie, de l'Europe ou d'ailleurs, il est extrêmement difficile de les récupérer ensuite, surtout si toute la famille s'est déjà expatriée. C'est donc dire que, pour l'industrie de la défense, la gestion du flux des programmes est probablement plus importante que l'aspect budgétaire comme tel. Le principal élément de risque, c'est le temps, non les dollars pris absolument.

Le président: D'accord. Merci, monsieur Price.

Madame Gallant.

Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Merci. Je serai brève, et j'aimerais partager avec M. Benoit le temps dont je dispose.

J'aurais des questions à vous poser concernant votre participation au programme de diversification des modes de prestation des services. Vous avez mentionné qu'on ne fera appel à vos services à cet égard que dans les situations ne comportant absolument aucun risque, où l'on n'observe pas d'instabilité en ce qui concerne la situation intérieure, comme c'est le cas, par exemple, en Bosnie. Est-ce bien cela?

Lgén Patrick O'Donnell: C'est plutôt le contraire que j'ai voulu dire, à savoir que nous préconisons que l'industrie s'engage à dispenser ses services autant qu'il lui sera possible de le faire dans des scénarios se rapprochant de la situation de combat.

Mme Cheryl Gallant: Ce ne serait donc pas uniquement dans des missions de maintien de la paix comme telles?

Lgén Patrick O'Donnell: Il s'agit principalement de services de soutien, de soutien logistique, par exemple. Je ne parle pas de services de nature purement commerciale dans de véritables situations de combat.

Mme Cheryl Gallant: Je vois.

Lgén Patrick O'Donnell: Donc, vous avez raison en ce sens que ce dont nous parlons, c'est principalement de soutien de base, pour ainsi dire, aux activités militaires.

• 1720

Mme Cheryl Gallant: Croyez-vous que, compte tenu du fait que les civils ne participent pas vraiment au combat dans de telles situations, ils devraient quand même avoir droit, ou que vous, ou les membres de votre association, devriez, comme employeurs, leur permettre d'accepter des médailles de l'ONU au même titre que les membres de nos forces nationales ont droit d'en recevoir? Croyez-vous que ce serait équitable?

Lgén Patrick O'Donnell: Mes amis, vous me posez là toute une question! Tout dépendrait en réalité des actions pour lesquelles ces récompenses seraient accordées. S'il s'agissait simplement d'une participation sur le théâtre des hostilités, de la présence sur les lieux, et si l'on ne faisait aucune différence entre ceux qui se trouvent vraiment engagés dans une opération de première ligne, dans une opération de quasi-combat, je suppose qu'une telle récompense pourrait être acceptable pour des raisons de parallélisme. Ce pourrait être un peu plus délicat dans tout autre type de circonstances. Vous voyez bien d'ailleurs que je cherche à éluder la question.

Mme Cheryl Gallant: Merci.

Leon.

M. Leon Benoit: Messieurs, nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté de comparaître devant notre comité aujourd'hui. J'ai deux ou trois questions à vous poser.

Vous avez affirmé que le Canada ne pouvait tout simplement pas maintenir une industrie de la défense, ou quelque chose en ce sens. Pourtant, l'Australie le fait. L'Australie a à peu près les deux tiers de la population du Canada, à peu près les deux tiers de notre produit intérieur brut, et elle a construit ses propres frégates et sous-marins. Elle se lance maintenant dans la construction de patrouilleurs maritimes. Elle a réussi à échelonner ses commandes de production ayant pour objet de répondre aux besoins de ses forces militaires, et son industrie de la défense est en bonne santé. Pourquoi le Canada ne pourrait-il pas en faire autant?

Lgén Patrick O'Donnell: D'abord, nous avons effectivement des capacités viables dans une foule de secteurs, et, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, des capacités de classe mondiale. Tout cela se ramène à une question de rentabilité et, je crois, au type d'engagement que vous êtes prêt à prendre à l'égard de ce qui constitue votre infrastructure industrielle de défense. Si, par exemple, nous convenions que, pour assurer notre sécurité nationale, il nous faudrait absolument avoir des chantiers navals, automatiquement, nous construirions nos propres navires. Je crois donc que, sur ce chapitre, tout dépend des circonstances.

Dans le cas des Forces canadiennes, le problème, en réalité, c'est qu'une foule des décisions pertinentes doivent être prises en fonction de considérations purement économiques. À franchement parler, je ne crois pas qu'en tant que parties prenantes au sein de l'industrie de la défense, nous ayons été suffisamment exigeants en ce qui concerne notre infrastructure industrielle de défense, notre infrastructure nationale de sécurité. C'est ce à quoi nous nous employons maintenant. Je crois qu'il y aura toujours des compromis à faire entre payer ce qu'il en coûte pour construire nous-mêmes ou économiser en achetant à l'étranger.

En plus du facteur coût, il y a le fait qu'on doit avoir l'assurance de pouvoir se procurer des pièces de rechange. Certains pays sont beaucoup plus fiables que d'autres en ce qui concerne la garantie de pouvoir obtenir au besoin des pièces de rechange. Comme vous pouvez le voir, ce genre de décision est parfois fort complexe. Mais pour ce qui est de reconnaître que les Australiens produisent chez eux du matériel que nous nous procurons à l'étranger, c'est un fait, mais cela tient tout simplement à des considérations économiques.

M. David Stapley: Si vous me permettez d'ajouter une observation à ce sujet, je dirais que l'Australie est un modèle intéressant à examiner, pour les raisons que vous avez mentionnées, tout comme d'ailleurs les Pays-Bas qui ont des dépenses et des besoins comparables aux nôtres. Là où réside la différence—et M. O'Donnell y a déjà fait allusion en parlant d'infrastructure nationale—, c'est que ce genre de décision est affaire de volonté politique. À la différence du Canada, où parfois une part disproportionnée du budget des achats pour la défense est réaffectée à d'autres secteurs de l'économie ou, en réalité, est dépensée à l'extérieur du pays, des pays comme l'Australie et les Pays-Bas, en vertu de décisions politiques, s'efforcent d'agir de la sorte le moins possible. On constate qu'au départ, les objectifs stratégiques que poursuivent ces pays sont différents des nôtres. C'est pourquoi, pour leur taille, ils disposent effectivement d'une capacité industrielle de défense relativement solide.

L'autre facteur qui explique leur réussite sur ce plan, c'est qu'ils vont sur le marché international et attirent des entreprises étrangères qui viennent s'installer ou investir chez eux, une condition pour faire affaire avec eux. Il est intéressant de noter qu'ils n'ont pas été soumis au même problème de compensations, par exemple, que nous avons connus avec nos collègues des États-Unis. Les Australiens semblent s'en tirer à bon compte sur ce plan, alors que, de notre côté, il nous arrive parfois de nous retrouver sur la défensive. Vraiment, ils sont passés maîtres à ce jeu, et ils ont vraiment l'air de savoir s'y prendre dans leurs relations avec leurs partenaires commerciaux.

• 1725

Le président: Merci, monsieur Stapley.

Monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly: Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre présence. Quiconque souhaite un accroissement du budget de la défense est certes dans le bon camp, selon moi, car je suis de ceux qui croient que ce budget devrait vraiment être accru. Mais j'ai une question à l'esprit, ayant eu l'occasion de me rendre au Kosovo, en Bosnie et même au Labrador et à d'autres endroits où on a mis en oeuvre des initiatives de diversification des modes de prestation des services.

En Bosnie, que certains d'entre nous ont visitée, il y a de telles initiatives notamment dans le domaine de la menuiserie, de l'électricité, de l'alimentation et de la lutte contre l'incendie. Il semble y avoir une foule de fonctions qui sont assumées dans le cadre de ce programme de diversification des modes de prestation des services. D'ailleurs, je me dis que ce qui inquiète probablement le plus les responsables de ces services, c'est qu'ils se demandent qui les troupes présentes sur les lieux protégeraient en premier si une base ou leur établissement, disons en Bosnie, était la cible d'une attaque. Protégeraient-ils d'abord ceux qui les nourrissent? Qu'est-ce qui nous attend en définitive si on compte sur des civils pour nourrir les troupes et s'occuper de lutter contre l'incendie?

Je suis conscient que, dans ces domaines, on a incroyablement de mal à retenir les effectifs, qu'on doit faire face à de fréquents renouvellements de personnel, et que, parfois, les règles qui s'appliquent à un militaire ne sont pas les mêmes que celles qui s'appliquent à un civil à l'emploi d'un sous-traitant. Par exemple, un employé qui commet une erreur alors qu'il travaille pour le compte d'une entreprise comme ATCO Frontec peut tout simplement quitter son emploi et retourner chez lui, alors que si la personne en question est militaire, elle doit payer pour son erreur et être jugée selon le régime militaire. Je me demande donc comment, à votre avis, la diversification des modes de prestation des services pourra remplacer de nombreuses fonctions que les militaires estiment devoir être de leur ressort. Je crois que, dans bien des cas, les militaires s'inquiètent fort à propos de la question de savoir jusqu'où exactement on va aller dans cette tendance à vouloir confier des travaux à des civils.

Lgén Patrick O'Donnell: J'étais en poste dans les forces armées au moment où le ministère de la Défense a entrepris de s'orienter vers la diversification des modes de prestation des services. Dès le tout début, nous avons d'emblée accepté que ce soit là un compromis, même s'il y avait un risque inhérent au fait de ne pas réserver à des gens en uniforme l'éventail complet des activités. La réalité, c'est que nous pouvions soit dépenser notre argent à faire accomplir toutes ces tâches par des militaires, soit accepter le genre de risque dont vous parlez et faire appel à des sous-traitants afin de libérer des fonds pour permettre à nos effectifs de se consacrer entièrement aux opérations purement militaires. J'étais présent quand on a effectué la plupart des coupes budgétaires du début jusqu'au milieu des années 90, et il était absolument évident à ce moment-là qu'il nous fallait faire un choix entre continuer de déployer au maximum notre capacité opérationnelle en prenant le risque inhérent au fait de s'en remettre à des civils pour la prestation des services de soutien, ou bien nous résigner à accepter de diminuer considérablement le déploiement de nos capacités opérationnelles. Nous avons décidé de prendre le risque dont nous venons de parler. Du même coup, nous avons travaillé en collaboration avec l'industrie pour tenter d'obtenir le plus de garanties possible que l'industrie serait vraiment en mesure de dispenser ce genre de services, même dans des scénarios de quasi-combat.

L'expérience d'ATCO Frontec est nouvelle; elle est unique. Nous apprenons au fur et à mesure de son déroulement. Je crois que, généralement parlant, les résultats sont excellents, si je me base sur les scores qu'ATCO Frontec obtient pour le genre de services qu'elle rend. Bien sûr, quand on essaie de travailler avec deux groupes aux mentalités différentes sur le plan disciplinaire, il peut se poser des problèmes. Ce qu'il nous faut faire, c'est veiller à nous attaquer à ces problèmes le plus efficacement possible. Ce n'est pas une solution parfaite, car l'idéal, ce serait que les militaires eux-mêmes continuent de s'occuper de tout. C'est cette dernière option qui offrirait les meilleures garanties. La réalité, toutefois, c'est que nous n'avons pas les moyens de cette option, et que le prix à payer si on y adhérait quand même serait une réduction de notre capacité opérationnelle.

• 1730

M. John O'Reilly: Mais comment peut-on économiser de l'argent si ces tâches sont confiées à des sous-traitants et que ceux-ci reçoivent davantage que ce qu'il en coûterait pour faire accomplir ces tâches à l'interne?

Lgén Patrick O'Donnell: Dans de telles circonstances, on ne ferait pas appel à des entreprises civiles pour les tâches concernées. Avant d'opter pour l'application du programme de diversification des modes de prestation des services, on évalue d'abord la situation en profondeur. En fait, d'après les lignes directrices que nous avions établies à cet égard, pour que nous procédions à une telle expérience, il nous fallait pouvoir raisonnablement prévoir, dès l'examen initial, des économies d'au moins 30 à 40 p. 100. La raison en est que, d'après notre expérience, les fois où nous avions escompté au départ des économies de 30 à 40 p. 100, les économies réelles avaient fini par se situer davantage aux alentours de 15 à 20 p. 100. C'est pourquoi, si les économies prévues ne sont pas dès le départ suffisamment substantielles, on décide de ne pas donner suite au projet. Avant de s'engager dans la mise en oeuvre d'un programme de diversification des modes de prestation des services, le ministère s'astreint à un processus disciplinaire très strict.

Le président: Général, merci beaucoup pour vos propos, et merci également à M. Stapley. Je crois pouvoir vous dire, au nom de tous les membres de notre comité, que nous vous sommes vraiment très reconnaissants d'avoir comparu devant nous.

Pour être bien clair à propos de certaines de choses qui ont été dites précédemment, je vous rappelle que nous procédons actuellement à l'examen de la capacité opérationnelle de nos forces armées. Nous nous sommes engagés dans ce processus beaucoup plus tôt cette année, au printemps, et nous allons poursuivre notre travail jusqu'à ce que nous soyons prêts à produire un rapport, quelque part en février 2002. Nous tiendrons donc compte de vos observations dans ce rapport final. Encore une fois, je tiens à vous exprimer notre reconnaissance pour votre mémoire ainsi que pour l'ensemble de votre contribution à nos travaux d'aujourd'hui. Merci beaucoup.

Lgén Patrick O'Donnell: Ce fut pour nous un plaisir, merci.

Le président: Pour le bénéfice des membres du comité, je vous signale que nous attendons encore les listes officielles—que vous pourriez nous transmettre par lettre—des personnes qui souhaitent faire partie du Sous-comité des affaires des anciens combattants. Nous avons absolument besoin d'une notification officielle, et peut-être que le greffier pourrait communiquer avec les représentants et les whips des divers partis pour leur demander de nous faire part des noms des personnes qui les représenteront au sein du sous-comité.

Mme Elsie Wayne: Je ne savais pas qu'il vous fallait une lettre—j'ai dû quitter la séance, comme vous le savez. Je vous la remettrai demain.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Tout à l'heure, mon collègue a signalé que nous étions censés nous réunir à 18 heures environ pour examiner le rapport provisoire du comité. Il y a deux ou trois choses qui m'inquiètent vraiment à ce sujet.

Les deux derniers groupes de témoins nous ont communiqué de l'information pertinente qui pourrait très bien aller dans un rapport provisoire sur le terrorisme, car ils ont abordé, par exemple, la question de la défense de notre territoire. Je crois qu'il est important que leurs témoignages de même que le reste de ce que nous avons entendu auparavant soient inclus dans le rapport provisoire.

Deuxièmement, je me demande quand et pourquoi on a décidé que seulement la moitié de la séance du comité serait consacrée à chacun de ces deux groupes, à savoir la Conférence des associations de la défense et l'Association de l'industrie de la défense du Canada, plutôt que de réserver une séance entière à chacun des deux groupes. Je crois que l'un et l'autre avaient beaucoup de matière à nous transmettre.

Troisièmement, en tant que membre du comité, je n'ai pas encore reçu copie de ce rapport provisoire, et pourtant, on va nous demander de l'examiner ligne par ligne un peu plus tard aujourd'hui. J'estime qu'il nous faudrait au moins 24 heures pour d'abord y jeter un coup d'oeil, car nous devons savoir ce qu'il contient avant d'en faire l'examen ligne par ligne. Cela n'a aucun sens. Je crois que le moins que nous puissions demander, c'est de disposer de 24 heures pour l'étudier d'abord. Peu m'importe qu'il s'agisse d'un rapport d'une seule page, nous devons avoir le temps d'en prendre connaissance, de l'étudier, de voir ce qu'il contient et ce qu'il ne contient pas, de manière à ce que chacun puisse établir si le contenu proposé lui semble convenir à un rapport provisoire. Par conséquent, je demande au président de reporter cette séance d'au moins 24 heures à compter de maintenant pour que nous puissions en traiter d'une manière responsable.

Le président: Je ne crois pas que nous allons accepter de prolonger ce délai, monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Ce sur quoi nous nous penchons ici, c'est sur des mesures de sécurité nationale.

Le président: J'en suis conscient. Monsieur Benoit, le comité a entendu vos points de vue, et je vais maintenant répondre à votre objection.

M. Leon Benoit: Je n'avais pas fini d'exposer mes points de vue, monsieur le président.

Le président: Eh bien, il me semble que vous étiez en train de vous répéter sur un certain nombre de choses.

• 1735

M. Leon Benoit: Non, je ne me répétais pas. Je n'avais pas déjà mentionné que c'est sur une question de sécurité nationale que nous nous penchons actuellement. C'est une question vitale pour la sécurité des Canadiens, monsieur président. Pourquoi devons-nous précipiter les choses, alors que nous n'avons même pas obtenu copie du rapport? Et nous allons devoir l'examiner dans trois quarts d'heure? Ça n'a aucun sens.

Le président: Monsieur Benoit, d'abord, notre comité doit composer avec un certain nombre de contraintes, dont le fait, et ce n'est pas peu dire, que nous nous efforçons d'entendre le plus grand nombre de témoins possible. On pourrait faire valoir que chaque témoin que nous entendrons à partir de maintenant jusqu'à janvier ou février aura quelque chose à dire qui sera pertinent à la question de la lutte contre le terrorisme. Si nous entendons produire un rapport provisoire, il nous faut à un certain moment nous arrêter quelque part. La production d'un rapport provisoire, monsieur Benoit, a essentiellement pour objet de nous permettre de contribuer à la préparation du cycle budgétaire et aux consultations prébudgétaires, ce que nous nous efforçons de faire. Nous voulons entendre le plus grand nombre de témoins possible, mais également prendre le temps nécessaire pour préparer, et permettre à nos attachés de recherche de préparer, à partir de l'information que nous auront transmise les témoins que nous aurons entendus, un rapport qui puisse avoir une certaine crédibilité.

Ce n'est pas moi qui ai inventé les contraintes que nous subissons. Je crois que nous devons tous nous efforcer de composer avec ces contraintes, et ce n'est pas facile, c'est le moins qu'on puisse dire, d'essayer de rédiger un rapport de cette envergure dans un délai aussi court. Par conséquent, tout ce que je puis faire en ce sens, c'est demander la collaboration des membres du comité. Ce rapport ne sera pas le dernier mot en ce qui touche la question de la capacité opérationnelle des Forces canadiennes. Nous essayons de contribuer au débat ainsi qu'au processus budgétaire, je vous le répète, de manière constructive. Nous avons des échéances très strictes à respecter, et c'est pourquoi je me dois d'inciter les membres du comité à participer à la séance que nous tiendrons ce soir, de prendre le temps de lire le rapport—il n'est pas long; il est très concis et il ne comporte qu'une vingtaine de pages—et de formuler toute recommandation qui leur semblerait appropriée. Vous aurez le temps d'y aller de vos recommandations une fois que vous aurez vu le rapport. Je vous demande de garder également à l'esprit que le rapport qui suivra sera le rapport final, qui, lui, sera beaucoup plus complet de par sa nature même et qui portera sur la question des mesures antiterrorisme, de même que sur de nombreuses autres questions dont nous ont entretenus les témoins.

M. Leon Benoit: Monsieur le président, j'aimerais présenter une motion. Je voudrais proposer que nous reportions de seulement 24 heures l'examen de ce rapport—je ne parle pas de le reporter d'une ou deux semaines—simplement pour que chacun des membres du comité puisse l'étudier avant que nous l'examinions ligne par ligne.

Le président: Monsieur Benoit, je me dois de vous interrompre ici, étant donné que cela fait déjà un certain temps que ces choses ont été décidées, à savoir qu'on a prévu à notre calendrier ce moment pour étudier le rapport provisoire, et cette décision a été prise en tenant compte des contraintes...

M. Leon Benoit: Nous n'avons pas de copie de ce rapport, monsieur le président.

Le président: Vous l'aurez dans une vingtaine de minutes, monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Ce n'est pas suffisant. Il nous faut un certain temps pour l'étudier, monsieur le président.

Le président: Eh bien, cela ne vous suffit peut-être pas, mais c'est le mieux que nous puissions faire.

M. Leon Benoit: Vous n'allez pas accueillir ma motion?

Le président: Elle est irrecevable. Pour présenter ce genre de motion, vous devez en donner préavis.

Donc, sur ce, nous allons lever la séance et nous réunir de nouveau plus tard pour nous pencher sur le rapport provisoire. Merci.

Haut de la page