L’immobilier locatif dans le budget fédéral de 2012 Août 2011 John Dickie L’immobilier locatif – un secteur économique négligé au Canada Et les effets nocifs de cette négligence sur les Canadiens Mises en chantier selon le marché ciblé Ontario,
de 1970 à 2003 Immeubles locatifs privés Résidences privées Source :
Federation of Rental-Housing Providers of Ontario, à partir des statistiques sur
les mises en chantier produites par
La politique publique canadienne est discriminatoire à l’égard du secteur de l’immobilier locatif[1] . Cette discrimination a plusieurs conséquences néfastes pour les Canadiens, dont les suivantes :
Recommandations Le gouvernement du Canada doit mettre fin à la discrimination qu’il pratique à l’endroit du secteur du logement locatif, et lui permettre de construire de nouveaux immeubles locatifs et d’offrir davantage de choix aux Canadiens en matière de logement, en plus de générer de nouvelles recettes fiscales. Les changements suivants pourraient constituer un important point de départ à partir duquel on pourrait renverser la situation actuelle :
La Fédération canadienne des associations de propriétaires immobiliers (FCAPI) représente les propriétaires et gestionnaires de près de un million de logements locatifs au Canada, et regroupe 17 associations locales et provinciales de propriétaires d’immeubles locatifs. La FCAPI est le seul porte-parole national du secteur du logement locatif à but lucratif au Canada. Diminution des recettes de l’État La nécessité d’adopter les modifications que nous proposons découle en grande partie des divergences entre le traitement fiscal réservé aux propriétaires occupants et celui réservé aux locateurs.
Au Canada, le déclin du marché locatif fait perdre des recettes aux gouvernements car les impôts sur les revenus de location sont beaucoup plus élevés que ceux sur les gains en capital générés par la vente de résidences occupées par leur propriétaire. En comparaison, une inflation soutenue et le fait que les propriétaires de maisons unifamiliales ne paient pas d’impôt sur les gains en capital se sont traduits par des avantages fiscaux de plus en plus importants pour les propriétaires occupants. Coûts plus élevés pour le gouvernement Par suite des modifications apportées à
En raison de cette diminution du nombre d’immeubles locatifs, on a réclamé que le gouvernement investisse directement dans la construction de logements locatifs, et plus précisément de logements sociaux et de logements sans but lucratif. Les logements de ce genre sont encore plus susceptibles de lier les résidents à leur chez-soi que les habitations en propriété privée, et de les empêcher de se déplacer pour profiter des emplois disponibles. Cet état de fait a des conséquences négatives pour les ménages concernés, mais aussi sur la croissance économique globale. En outre, les gouvernements n’ont pas la capacité financière nécessaire pour fournir des logements en plus d’assumer leurs fonctions essentielles. Taux de chômage plus élevé et autres incidences sur le marché de l’emploi L’économiste Andrew J. Oswald a été le premier à affirmer que l’augmentation du nombre de propriétés privées entraînait une hausse du taux de chômage. Comme il l’écrivait en 1999 : La plupart des pays européens affichaient une faible proportion de propriétaires occupants et de faibles taux de chômage pendant la période allant de 1950 à 1960. À la même époque, aux États-Unis, la proportion de propriétaires occupants, qui était de 60 %, était relativement élevée. Et le taux de chômage était l’un des plus élevés parmi ceux des pays industrialisés. [Depuis.] les pays qui ont connu la croissance la plus rapide en matière d’accès à la propriété sont ceux où le taux de chômage a augmenté le plus rapidement. [O]n trouve moins de sans-emploi dans les pays qui comptent de nombreux locataires que dans ceux où la propriété privée est la norme. (…) Le lien entre le logement et l’emploi semble se manifester aussi bien dans les différentes régions d’un pays que dans différents pays[4] . Plusieurs économistes sont d’accord avec la théorie d’Oswald. La hausse du taux de chômage résulterait principalement du peu de mobilité des propriétaires de maison dans le marché de l’emploi. En termes simples, déménager coûte beaucoup plus cher lorsqu’on possède sa propre maison que lorsqu’on est locataire. Selon Oswarld, l’augmentation du taux de chômage n’est pas la seule conséquence négative observée là où les propriétaires de maisons privées sont particulièrement nombreux. En effet, les propriétaires parcourent souvent des trajets beaucoup plus longs que les locataires pour se rendre au travail. La congestion routière augmente, de même que le coût de transport des personnes et des biens dans les villes et entre les villes. De plus, « dans une économie où les travailleurs sont immobiles, ces derniers occupent des emplois pour lesquels ils n’ont pas nécessairement toutes les qualités requises. D’où un manque d’efficacité qui est nocif pour tous puisqu’il augmente les coûts de production et réduit les revenus réels […] Des emplois sont abolis –- du fait de leur coût exorbitant –- par de telles inefficiences[5] . » Choix en matière de logement La situation fiscale actuelle se traduit par l’incapacité des marchés canadiens du logement à offrir aux ménages à revenu faible ou moyen et aux personnes qui se déplacent d’une ville à l’autre les logements dont ils ont besoin. La location d’un logement est la formule idéale pour une personne qui s’installe dans une ville qui ne lui est pas familière. Elle permet au nouveau résident d’emménager dans un logement situé à proximité de son travail puis, tout au long de la première année, de découvrir où se trouvent les écoles, les églises et les services municipaux dont il a besoin; de se familiariser avec la circulation dans la ville; et de décider où il souhaite vivre à long terme. À la fin de son bail d’un an, il peut déménager dans un autre quartier et voir si ce dernier lui plaît. Avant de s’engager à devenir propriétaire, ce qui comporte des coûts élevés tant à l’achat qu’à la vente, le nouveau résident peut décider s’il désire vraiment continuer à vivre dans cette ville et, si oui, dans quel quartier. La location offre une plus grande mobilité et plus de choix que l’achat d’une propriété.
Le logement locatif coûte moins cher que la maison occupée par son propriétaire pour les raisons suivantes :
Enfin, la propriété privée est souvent désavantageuse pour les Canadiens à faible revenu puisque son acquisition entraîne dès le départ des dépenses importantes qu’ils peuvent difficilement assumer. En outre, elle pénalise les personnes qui déménagent plus d’une fois aux cinq ans. Or les personnes à faible revenu doivent pouvoir aller là où des emplois sont offerts. Leur mobilité est réduite par les obligations et les risques associés à la possession d’une maison. RECOMMANDATIONS Il serait possible de résoudre ces divers problèmes en incitant le secteur privé à recommencer à construire et à exploiter des immeubles à vocation locative. Mais pour que le secteur privé réinvestisse dans ce domaine, il faut réduire les taux d’imposition effectifs sur les revenus de location. À moyen et à long termes, ces réductions ne devraient pas se traduire par une diminution des recettes gouvernementales puisque les propriétaires d’immeubles locatifs paient de l’impôt sur le revenu et sur les gains en capital, tandis que les propriétaires de maison privée n’en paient pas. De telles modifications éviteraient aussi au gouvernement de devoir faire les dépenses directes qu’il fait actuellement pour compenser les lacunes en matière de développement par le secteur privé.
1. Autoriser les roulements Les propriétaires de propriétés commerciales peuvent profiter de roulements. Cela signifie que si, par exemple, le propriétaire d’une imprimerie vend son immeuble et en achète un plus grand, le fisc reconnaît qu’il a réinvesti le produit de la vente dans un actif de remplacement, et qu’il n’a pas les moyens de payer de l’impôt sur le gain en capital résultant de la vente du premier immeuble. Il paiera bel et bien cet impôt, mais uniquement lorsque le produit de la vente ne sera pas réinvesti dans un actif similaire et que le gain sera réalisé (à ce moment-là, l’entrepreneur disposera des fonds nécessaires pour payer l’impôt qu’il doit). À l’heure actuelle, les dispositions relatives au roulement ne s’appliquent pas aux immeubles locatifs. Elles le devraient. Autoriser le roulement (c.-à-d. le report d’impôt) lors de la vente d’un immeuble locatif et du réinvestissement du produit de la vente aurait les avantages suivants :
Le coût du roulement est raisonnable Si notre proposition concernant le roulement était adoptée, la valeur des recettes fiscales qui seraient différées au cours de l’année suivant l’adoption de cette proposition serait d’environ 450 millions de dollars. Au cours des années suivantes, le montant différé devrait diminuer puisque les impôts à payer (différés au cours de la première année et des années subséquentes) figureraient en tant qu’impôts supplémentaires. Par ailleurs, l’augmentation du nombre de transactions donnerait lieu à un accroissement de l’activité économique et donc à des impôts plus élevés sur cette activité. Avec le temps, le « coût » du report d’impôt diminuerait jusqu’à devenir presque nul, alors que ses avantages économiques auraient rapidement des conséquences globalement positives sur les recettes du gouvernement. 2. Augmenter le montant de la déduction pour amortissement (DPA) Comme chacun le sait, les immeubles subissent l’usure du temps. Il faut considérer cette usure comme une dépense qui s’ajoute aux coûts d’exploitation de l’immeuble. En comptabilité, cette dépense porte le nom de « dépréciation ». Sur le plan fiscal, elle donne lieu à une déduction pour amortissement (pour dépréciation), ou DPA, que les propriétaires sont autorisés à soustraire de leur revenu net. Lorsque le taux de la DPA est faible, le revenu net du locateur augmente, il paie davantage d’impôt et son entreprise devient moins intéressante. Par contre, lorsque le taux de la DPA est élevé, le revenu net du locateur diminue, de même que ses impôts, et son entreprise devient plus intéressante sur le plan financier. Jusqu’à la fin des années 1970, au Canada, le taux de la DPA sur les constructions à ossature de bois était de 10 %, comparativement à 5 % dans le cas des constructions en béton. Puis, le taux de la DPA sur les constructions à ossature de bois a été réduit à 5 %. En 1988, le taux de la DPA est passé de 5 à 4 % pour tous les immeubles achetés après 1988. À la suite de ces deux réductions, l’investissement dans le logement locatif est devenu moins attrayant. Le tableau ci-dessous présente une comparaison entre la DPA actuellement autorisée en vertu du système canadien et les taux appliqués en Allemagne au cours des années 1990, alors que le marché du logement locatif était en bonne santé et connaissait une certaine expansion.
La FCAPI recommande d’augmenter le taux général de la DPA sur les immeubles locatifs résidentiels à 6 % ou, à défaut, de hausser le taux de la DPA à 5 % dans le cas des constructions en béton et à 6 % dans celui des constructions à ossature de bois[7] . 3. Rétablir la déductibilité des coûts accessoires en guise d’incitatif direct à la construction d’immeubles locatifs À la fin des années 1970 et au début des années 1980, la déductibilité des coûts accessoires a été radicalement réduite au Canada, ce qui a eu un effet paralysant sur la construction d’immeubles à vocation locative. La déductibilité des coûts accessoires devrait être rétablie, tant pour les professionnels de l’immobilier locatif que pour les personnes qui n’en font pas leur activité commerciale principale (mais qui constituent une source de financement précieuse dans le milieu de l’immobilier locatif). [1] Frank A. Clayton, Government Subsidies to Homeowners versus Renters in Ontario and Canada, 30 aoùt 2010, http://cfaa-fcapi.org/pd2/CFAA_FRPO_Govt_Sub.pdf. [2] Les données qui figurent dans le graphique portent sur l’Ontario, mais les données canadiennes sont très semblables. [3] Le bénéfice d’exploitation sur les immeubles locatifs est l’équivalent du revenu imputé non imposé dont jouissent les propriétaires occupants. [4] Andrew J. Oswald, The Housing Market and Europe’s Unemployment: A Non-Technical Paper, 11 août 2011, p. 3, http://www2.warwick.ac.uk/fac/soc/economics/staff/academic/oswald/homesnt.pdf. [traduction] [5] Ibid., p. 4. [traduction] [6] Pour obtenir de plus amples renseignements, consulter le document intitulé Tax Deferral on reinvestment – Facts and Recommandations, FCAPI, septembre 2008, http://www.cfaa-fcapi.org/pdf/CFAA_Tax_deferral_facts_0809.pdf. [7] En 2005, Fisher, Smith, Stern et Webb ont conclu que, lorsque le taux d’inflation est de 2 %, le taux d’amortissement des immeubles locatifs résidentiels devait être égal au taux d’amortissement moyen réel de 5,25 %. « Analysis of Economic Depreciation for Multi-Family Property », Journal of Real Estate Research, vol. 27, no 4. Lorsqu’il est inférieur à 5,25 %, le taux de la DPA ne reflète pas les coûts assumés par les propriétaires d’immeubles locatifs. Pour stimuler efficacement la construction de logements locatifs, le taux de la DPA doit donc être plus élevé. |