MÉMOIRE DE LA FÉDÉRATION CANADIENNE
DES FEMMES DIPLÔMÉES DES UNIVERSITÉS
RÉSUMÉ
La Fédération canadienne des femmes diplômées des
universités (FCFDU) recommande au gouvernement du Canada d’adopter des stratégies
financières qui égaliseront les chances pour les femmes et qui favoriseront une
économie équitable, inclusive et prospère. De plus, elle lui recommande de s’attaquer
aux causes premières de la pauvreté, de tenir compte de l’analyse du rôle des hommes
et des femmes lorsqu’il élabore ses politiques et son budget, et de prendre les
mesures budgétaires qui s’imposent pour aplanir les inégalités économiques
entre les deux sexes et améliorer la réalité économique des femmes.
Introduction
Fondée en 1919, la FCFDU est une organisation non partisane
et autofinancée visant à instaurer l’égalité entre les deux sexes. Elle compte près
de 10 000 diplômées et étudiantes et regroupe 112 clubs partout au Canada.
Elle est membre de la Commission sectorielle en éducation de la Commission
canadienne pour l’UNESCO. Elle est affiliée à la Fédération internationale des
femmes diplômées des universités, dont le siège social se trouve à Genève et
qui compte des membres dans plus de 60 pays. Ces deux organisations sont des
consultants spéciaux auprès du Conseil économique et social de l’ONU.
Contexte
La FCFDU exhorte le gouvernement du Canada à
éliminer les obstacles systémiques à une participation égale des femmes à
l’économie. Aperçu de la situation au Canada :
· Plus de 30 % des femmes autochtones en
dehors des réserves sont membres de ménages dont le revenu est inférieur au seuil
de faible revenu.
· Un grand nombre de femmes en milieu rural disposent
d’un accès limité aux programmes et aux services.
· Les mères célibataires touchent plus souvent un
faible revenu que les familles monoparentales dirigées par un homme. Le taux
d’incidence est de 21 % dans
le premier cas et de 7 % dans le deuxième.
· Les aînées courent deux fois plus de risques
d’être pauvres que les aînés. En 2003, plus de la moitié (55 %) du revenu des femmes âgées au
Canada provenait des programmes de transfert gouvernementaux.
· Par rapport au reste de la population, les immigrantes
risquent davantage d’être sans emploi, d’avoir un emploi à temps partiel ou de toucher
un revenu peu élevé. Un grand nombre d’immigrantes et de réfugiées éprouvent
plus de difficultés que leurs pairs à percer sur le marché du travail. En
effet, 20 % des jeunes filles et des femmes immigrantes vivent sous le seuil de
faible revenu établi par Statistique
Canada. Or, ces chiffres s’élèvent à 10 % pour leurs consœurs nées au
Canada.
· Étudiants : Les nouveaux diplômés, qui sont
souvent endettés après leurs études, n’ont pas droit à l’assurance‑emploi. Les étudiantes ayant des enfants sont particulièrement vulnérables.
· Près d’un enfant sur six continue de vivre dans
la pauvreté.
· Dans les pays en développement et les États
fragiles, ce sont les femmes qui subissent de plein fouet les difficultés économiques
de cet État. La FCFDU demande donc au gouvernement du Canada d’honorer son engagement
d’accorder une Aide publique au développement de 0,7 %.
Près de 4 millions de Canadiens vivent sous le
seuil de faible revenu (après impôts); 54 %
d’entre eux sont des femmes. Les
femmes sont souvent plus pauvres que les hommes pour les raisons
suivantes : écart de rémunération persistent entre les sexes, emplois à
temps partiel plus fréquents, emploi contractuel ou non rémunéré. À l’heure
actuelle, 22 % des femmes occupent des emplois mal
rémunérés alors que seulement 12 % des hommes se trouvent dans cette
situation. Près
de 40 % des travailleuses occupent un emploi à temps partiel; or, ce pourcentage
s’élève à 10 % chez les hommes. Ce
sont des femmes qui accomplissent les deux tiers du travail non payé, ce qui
représente de 30 % à 45 % du produit intérieur brut du Canada.
Dans ses derniers budgets, le gouvernement fédéral
a favorisé les réductions d’impôts sur le revenu pour les particuliers et les
sociétés. Cependant, ces réductions et les crédits d’impôts ne répondent pas
aux besoins de
38 % des femmes qui sont trop pauvres pour payer de l’impôt.
Recommandations
1. Garde d’enfants
La Prestation universelle pour la garde d'enfants ne
satisfait pas le besoin des femmes d’avoir accès à des services de garderie abordables
et de qualité ou d’avoir plus de places de garderie. Cette situation est particulièrement
difficile pour les femmes qui veulent travailler et les rend plus vulnérables à
la pauvreté.
L’accès à un programme de garderie national abordable,
de qualité et à but non lucratif est essentiel à la réduction des disparités économiques.
Tous les ordres de gouvernement doivent collaborer à la mise en œuvre d’un
réseau de garde d’enfants de qualité inclusif, subventionné et réglementé.
2. Logements abordables
La pénurie de logements convenables et le
sans-abrisme qui sévissent au Canada ont été qualifiés d’« urgence nationale ». Quelque 250 000 personnes sont sans abri. De plus, 1,5 million
de Canadiens ne peuvent pas trouver de logement convenable ou sont obligés de
tirer le diable par la queue pour garder leur logement.
La FCFDU exhorte les gouvernements fédéral,
provinciaux, territoriaux et autochtones à élaborer une stratégie nationale sur
l’habitation qui permettrait aux femmes à faible revenu de trouver un logement
sûr et abordable et qui répondrait à la crise du logement, réduirait les coûts
et aiderait les familles à faible revenu à sortir de la pauvreté.
Les programmes de logement social sont rentables.
· Un logement abordable coûte de 5 000 $ à 8 000 $
par an par personne.
· Les refuges d’urgence coûtent de 13 000 $ à 42 000 $.
· Les institutions comme les prisons, les centres de
détention ou les hôpitaux coûtent aux contribuables plus de 62 000 $
à 120 000 $ par an par personne.
3. Réforme des pensions
Il est essentiel de réformer les pensions dès
maintenant, car de nombreux Canadiens atteignent en ce moment l’âge de la retraite.
Il faut prendre des mesures proactives et réformer les pensions, afin qu’ils ne
souffrent pas d’indigence au cours de leurs dernières années. À cet âge, les
femmes sont plus souvent pauvres que les hommes. La FCFDU recommande au gouvernement
du Canada de prendre les mesures suivantes :
· Faire passer de 60 % à 70 % la prestation
de survivant du RPC (rapport de juin 2007 du Comité permanent de la
condition féminine), afin que les retraitées jouissent d’un revenu plus sûr
· Élargir les dispositions d'exclusion et couvrir
les personnes prenant soin d’aînés ou de personnes handicapées
· Afin d’éliminer la pauvreté chez les personnes âgées,
augmenter le Supplément de revenu garanti, de sorte que la somme des
prestations (de la Sécurité de la vieillesse et du RPC) soit égale au seuil de
faible revenu (après impôts)
4. Parité salariale
La FCFDU recommande au gouvernement du Canada de
mettre en œuvre les recommandations du Groupe de travail sur l’équité salariale
de 2004 et de s’attaquer à l’écart de 71 %
entre la rémunération des femmes et celle des hommes.
5. Femmes
autochtones
Le revenu annuel moyen des femmes autochtones s’élève
à 13 300 $, comparativement à 18 200 $ pour les hommes. Les taux
de chômage élevés, les inégalités sociales et la prévalence de la violence sont
autant d’indices qui prouvent que le gouvernement doit passer à l’action.
La FCFDU recommande au gouvernement du Canada d’honorer
ses engagements, et de trouver et de financer – en collaboration avec les
organisations autochtones – des solutions équilibrées et holistiques aux écarts
de niveau de vie entre les Autochtones et les Allochtones. Voici les mesures
qu’elle propose :
· Négocier et résoudre les revendications
territoriales non réglées
· Dresser un plan à long terme permettant de remédier
à la grave pénurie de logements convenables et abordables, y compris l’infrastructure
des services destinés aux Autochtones, qu’ils vivent ou non dans une réserve
· Élaborer et mettre en œuvre un plan à long terme
faisant en sorte que le taux d'obtention par des Autochtones de diplômes d’études
secondaires ou postsecondaires ou dans les métiers se compare au taux des
Allochtones
· Augmenter le financement des réseaux de soins de
santé autochtones et se donner des objectifs précis afin de contribuer à la santé
mentale et physique des Autochtones : réduction de la mortalité infantile,
malnutrition, diabète, toxicomanie, suicide
En 2008, le Comité pour l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) de l’ONU a demandé au Canada de faire
état des progrès qu’il aurait accomplis en douze mois pour ce qui est de la
mise en œuvre de la recommandation du CEDAW, soit « d’examiner les raisons
pour lesquelles on n’a pas fait enquête sur les femmes autochtones disparues ou
assassinées et de prendre les mesures qui s’imposent pour réparer les failles
du système » (traduction).
La FCFDU exhorte le gouvernement du Canada à subventionner
l'Association des femmes autochtones du Canada, pour que celle‑ci
poursuive l’initiative Sœurs par l’esprit, et à proposer une réponse coordonnée
à la violence faite aux femmes autochtones, projet qui serait dirigé par les communautés
et organisations autochtones et qui disposerait d’un financement continu et
suffisant pendant plusieurs années.
6. Violence envers les femmes
Soixante-et-un pour cent des femmes et 32 %
des hommes[18] sont
victimes de violence conjugale[19]. Presque
quatre fois plus de femmes se font tuer par leur conjoint ou leur ex-conjoint
que l’inverse.[20] Les femmes
courent huit fois plus de risques que les hommes d’être victimes, de la part de
leur conjoint, d’actes violents divers : strangulation, menaces avec arme
au poing, agression sexuelle.
La FCFDU recommande au gouvernement du Canada d’augmenter
les subventions afin d’assurer un financement adéquat et continu sur plusieurs années
permettant de faciliter l’accès aux refuges et aux maisons de transition, aux refuges
d’urgence et aux maisons de seconde étape, aux centres familiaux de ressources et
aux réseaux de maisons d'hébergement en zones rurales. Les femmes pauvres étant plus vulnérables à la
violence conjugale (en raison de leur insécurité économique), la FCFDU demande
qu’on adopte une stratégie nationale pour l’élimination de la pauvreté.
7. Études postsecondaires
Depuis le milieu des années 1990, la fraction des produits
d'exploitation des universités provenant des subventions gouvernementales est
passée de 80 % à presque 50 %. Inversement, la proportion des frais
de scolarité dans les budgets de fonctionnement universitaires est passée de 14 %
à 34 % de 1986 à 2007. Les étudiants sont tellement endettés que le nombre de
diplômés et d’étudiants poursuivant leurs études après le collège ou le baccalauréat
a diminué. Ce désengagement de l’État expose les étudiants canadiens à
une certaine instabilité économique et décourage les mères célibataires et les
femmes à revenu peu élevé de poursuivre les études supérieures qui leur permettraient
de s’en sortir sur le plan économique.
La FCFDU recommande les mesures suivantes au
gouvernement du Canada :
i. Collaborer avec les provinces et les territoires
en vue de créer des programmes efficaces d’allégement de la dette des étudiants
collégiaux ou universitaires, et réformer les programmes de prêts d'études :
a) Offrir plus de bourses basées sur les besoins et plus de prêts à bas
taux d’intérêt
b) Adapter les limites de prêts aux coûts réels des études postsecondaires
c) Offrir des programmes d’étalement du remboursement et des intérêts
pendant une année après la remise du diplôme
d) Nommer un médiateur indépendant pour résoudre les litiges
ii. Rétablir le financement du secteur postsecondaire
à 0,5 % du produit intérieur brut et
a) Limiter les taux d’intérêt des prêts au taux préférentiel
b) Élargir les programmes d'exemption de paiement d'intérêts
8. Recherche et défense des intérêts des femmes
LA FCFDU exhorte le gouvernement du Canada à accroître
ses subventions à Condition féminine Canada et de les faire passer à 2,1 milliards
de dollars, ainsi qu’à financer les associations féminines pour qu’elles procèdent
à des études stratégiques indépendantes et qu’elles défendent les droits des
femmes. Ces études et la promotion des intérêts des femmes sont importantes
pour l’élaboration de saines politiques socio-économiques qui réduiront les
inégalités économiques.
9. Programme d'assurance-emploi (AE)
En 1996, environ 70 % des chômeuses avaient
droit à l’assurance-emploi. À la suite des modifications apportées aux critères
d’admissibilité, seulement 23 % d’entre elles peuvent désormais y avoir
droit. Pis encore, le taux de prestations est passé de 72 % des gains
assurables dans les années 1980 à 55 % à compter de 1994. À eux deux, ces
facteurs ont permis au Canada d’accumuler un surplus de 54 milliards de
dollars.
Situation actuelle :
· Un grand nombre de femmes qui travaillent à temps
partiel ou occupent un emploi occasionnel n’accumulent pas assez d’heures de
travail pour être admissibles à l’AE et aux autres prestations (congé de maternité,
prestations de soignante, etc.)
· En vertu de la législation actuelle, les critères
d’admissibilité sont encore plus stricts pour les personnes faisant leur entrée
sur le marché du travail (comme les jeunes et les nouveaux arrivants) et pour
les personnes réintégrant le marché du travail après 2 ans d’absence.
·
· La période d’attente de deux semaines limite
encore plus l’accès aux prestations.
La FCFDU propose les mesures suivantes au
gouvernement du Canada :
· Éliminer la période d’attente de deux semaines
· Augmenter la rémunération annuelle assurable maximale
· Réduire le nombre minimal d’heures travaillées
pour être admissible à l’AE
· Augmenter le taux de prestation à 70 % des gains
habituels, afin d’empêcher les femmes occupant un poste mal rémunéré de sombrer
dans une pauvreté encore plus grande même si elles touchent des prestations
d’AE
· Former un groupe de travail multipartite ayant
pour buts de s’attaquer aux problèmes d’AE et d’en rendre l’accès plus équitable
10. Honorer
ses engagements envers l’aide à l’étranger et envers l’accès des femmes aux
soins de santé génésique dans les pays en développement
La FCFDU prie le gouvernement du Canada d’honorer
son engagement de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’Aide
publique au développement. Qui plus est, elle l’exhorte à réexaminer sa
décision de bloquer l’aide à l’étranger.
La FCFDU prie le gouvernement du Canada d’assurer
l’accès continu à tous les soins de santé génésique et d’accorder la priorité à
son engagement d’honorer le 5e objectif du Millénaire pour le
développement (soit d’améliorer la santé maternelle) et aux engagements qu’il a
pris à la Conférence internationale sur la population et le développement, qui
s’est tenue au Caire.
Les femmes doivent avoir accès à des méthodes de
contraception modernes ou à des conseils sur la conception. Plus de 53 millions
grossesses non désirées se produisent chaque année et 25 millions de
femmes subissent des avortements dangereux. Ces grossesses et ces avortements tuent
150 000 mères et 640 000 nouveau‑nés. Le fait de permettre aux
mères de subir un avortement sûr en toute légalité contribuerait à sauver la
vie de 68 000 femmes chaque année et à réduire les frais d’hospitalisation.
Conclusion
En conclusion, la FCFDU exhorte le gouvernement du
Canada à mettre sur pied un système fiscal plus équitable pour les femmes, à imposer
la parité salariale, à financer les garderies et à s’attaquer aux problèmes de l’assurance-emploi,
de la réforme des pensions et de l’endettement étudiant. Qui plus est, elle
recommande au gouvernement d’élaborer une stratégie nationale sur l’habitation,
de résoudre la crise affectant les femmes autochtones, de s’attaquer aux
facteurs systémiques causant la violence, à la pauvreté et à l’accès aux programmes,
et de subventionner la recherche et la défense des droits des femmes. Enfin, la
FCFDU encourage le gouvernement du Canada à honorer son engagement de consacrer
0,7 % du revenu national brut à l’Aide publique au développement et à
octroyer une proportion suffisante de cette somme aux soins de santé génésique.