Commentaires de la
Confédération des syndicats nationaux

Au Comité permanent des finances
sur les consultations prébudgétaires

Montréal, le 12 août 2011

Résumé

La Confédération des syndicats nationaux (CSN) est une organisation syndicale qui regroupe plus de 2100 syndicats représentant plus de 300 000 membres qui se répartissent principalement sur le territoire québécois. La CSN œuvre pour une société solidaire, démocratique, juste, équitable et c’est dans cet esprit que nous vous transmettons nos commentaires.. Année après année, nous nous sommes engagés dans ce débat. Pour nous, les finances publiques, par les politiques publiques qu’elles induisent, sont un moyen important de faire face aux problèmes économiques et sociaux actuels.

La CSN considère que :

  • Compte tenu de la situation financière moins difficile du Canada par rapport à certains grands pays du G7, l’équilibre budgétaire pourrait être retrouvé sur une plus longue période, ce qui minimiserait l’impact d’éventuelles compressions budgétaires dans le secteur public
  • La ronde de compressions budgétaires que le gouvernement canadien s’apprête à mettre en œuvre est inacceptable et qu’il est d’ores et déjà clair que de nombreuses missions stratégiques de l’État seront gravement affectées par ces compressions.
  • La réduction du fardeau fiscal qui semble encore être une avenue privilégiée par le gouvernement pour susciter la croissance économique et la création d’emplois est une stratégie très coûteuse et inefficace.
  • Il est impératif que le gouvernement fédéral poursuive une stratégie interventionniste et, en ce sens, nous formulons les trois propositions suivantes:
    • Que le gouvernement fédéral occupe efficacement les champs de compétence qui lui sont dévolus en matière de politique sociale et qu’à ce titre, il s’assure d’une augmentation adéquate des transferts en matière de santé, d’éducation postsecondaire, d’aide au logement social;
    • Que le gouvernement fédéral apporte des changements au régime d’assurance-emploi afin d’améliorer l’accessibilité, d’augmenter le taux des prestations et d’abolir le délai de carence. La situation économique actuelle milite à elle seule pour procéder urgemment à ces changements;
    • Que le gouvernement mette de l’avant des mesures sérieuses pour accélérer la transition vers une économie durable et une réduction des gaz à effet de serre.


Rôle de l’État et gestion des finances publiques

La crise financière de 2008 et la grande récession devraient avoir rendu claire l’importance de l’État dans une économie mixte, dans laquelle chacun a son rôle à jouer pour assurer le développement économique et social. Les preuves sont accablantes, le marché laissé à lui-même est générateur d’instabilité et seule la main très visible de l’État permet de le civiliser, de faire en sorte que l’économie soit au service des besoins des citoyens et non l’inverse. Les États et les citoyens du monde entier ont payé très cher les années de déréglementation du secteur financier qui ont conduit à sa quasi-faillite. Seule une intervention monétaire et fiscale sans précédent des États a permis de sauver le capitalisme occidental.

Compte tenu de ce fait d’armes, on aurait pu s’attendre à ce que les économistes, ministères des Finances et banques centrales des pays développés remettent en question la pertinence des politiques néolibérales. Malheureusement, au sortir de la récession, la plupart en sont rapidement revenus à leur vision orthodoxe de l’économie, une vision où l’intervention de l’État est souvent considérée comme une entrave pour le secteur privé et où le secteur public est par définition moins efficace que le secteur privé. La refondation du capitalisme annoncée par certains, suite à la crise financière n’a donc pas eu lieu ou si peu. Au lieu de cela, plusieurs pays, dont le Canada, mettent actuellement en œuvre des politiques d’austérité afin de retrouver l’équilibre budgétaire, suivant en cela les diktats des marchés financiers à qui ils viennent tout juste d’éviter la banqueroute.

Si certains pays enregistrent des déficits budgétaires importants suite à la crise financière et à la récession, les déficits budgétaires du gouvernement canadien demeurent modestes (en 2011, le déficit budgétaire structurel par rapport au PIB potentiel devrait s’établir à 3,6 % au Canada, contre 8,1 % aux États-Unis, 8,3 % au Japon, 6,6 % au Royaume-Uni et 4,0 % en France). En ce qui concerne la dette publique nette, l’écart est encore plus favorable pour le Canada (toujours en 2011, le ratio dette nette/PIB était de 35,1 % au Canada contre 72,4 % aux États-Unis, 127,8 % au Japon, 75,1 % au Royaume-Uni et 77,9 % en France)[1]. Compte tenu de la situation financière moins difficile du Canada par rapport à certains grands pays du G7, rien ne justifie de tenter de retrouver l’équilibre budgétaire sur une courte période, ce qui permet de minimiser l’impact des mesures de compressions budgétaires dans le secteur public qui autrement devraient être prises. Compte tenu de la situation financière moins difficile du Canada par rapport à certains grands pays du G7, l’équilibre budgétaire aurait pu être retrouvé sur une plus longue période, ce qui aurait pu minimiser l’impact d’éventuelles compressions budgétaires dans le secteur public. Mais le gouvernement Harper semble être décidé à atteindre l’équilibre budgétaire dès 2014-2015. Pour atteindre cet objectif, le budget 2011 ajoute aux compressions déjà annoncées (gel des dépenses des ministères de 2010-2011 à 2012-2013 notamment) en exigeant de nouvelles compressions récurrentes de 4,0 milliards de dollars à compter de 2014-2015. Dès l’automne 2011, les ministères et organismes fédéraux devront proposer au Conseil du trésor des moyens qui permettront de réduire leurs dépenses de 5 à 10 %.

La CSN juge inacceptable la ronde de compressions budgétaires que le gouvernement canadien s’apprête à mettre en œuvre. Il est d’ores et déjà clair que de nombreuses missions stratégiques de l’État seront gravement affectées par ces compressions. Ainsi, nous apprenions récemment qu’un examen stratégique des dépenses antérieures avait amené l’abolition de plus de 700 postes au ministère de l’Environnement. Il s’agit d’une décision qui illustre parfaitement le déni dont fait preuve le gouvernement conservateur à l’égard de l’enjeu des changements climatiques. Alors que le gouvernement canadien a été condamné sur toutes les tribunes pour son laxisme dans ce dossier, le gouvernement choisit de se départir notamment d’une partie de son expertise scientifique

S’il n’en tient qu’au gouvernement, les annonces de ce type se multiplieront lors des prochaines années. Pour la CSN, il n’y a aucune nécessité à cela. Non seulement le gouvernement aurait-il pu tolérer une situation de déficit pendant quelques années de plus, le temps que la croissance redémarre sur des bases solides, mais il aurait aussi pu être beaucoup plus prudent au chapitre de la fiscalité. Depuis que le gouvernement Harper est arrivé au pouvoir, les baisses d’impôt et de taxes se sont succédé d’un budget à l’autre, tant pour les entreprises que pour les particuliers. Même lorsque la récession est devenue réalité, le gouvernement a choisi de maintenir les baisses d’impôt accordées aux entreprises lors des budgets antérieurs, ce qui contribue à creuser les déficits budgétaires. Il est symptomatique que, dans le cadre des consultations prébudgétaires, le comité nous demande de proposer des moyens pour « maintenir les taux d’imposition à des niveaux relativement faibles », alors qu’il est évident que le gouvernement devrait songer à relever ses revenus budgétaires, comme l’ont fait d’autres pays. Mais la réduction du fardeau fiscal semble être le moyen que le gouvernement privilégie encore et toujours pour susciter la croissance économique et la création d’emplois. Pour la CSN, il s’agit d’une stratégie très coûteuse et inefficace, puisqu’un nombre restreint de secteurs d’activité hautement rentables ont bénéficié d’une part importante des baisses d’impôts des dernières années. De plus, soulignons que ces réductions d’impôt ne se transforment pas nécessairement en création d’emplois, certaines entreprises profitant de la situation pour rationaliser leurs activités et augmenter leur profitabilité. Dans bien des cas, des interventions ciblées du gouvernement auprès des divers secteurs d’activité auraient été moins coûteuses et plus efficaces. Même si la fiscalité peut servir, et sert effectivement à favoriser certaines activités et à redistribuer les revenus, il faut toujours se souvenir que le niveau global de la fiscalité doit d’abord et avant tout permettre à l’État de financer les services publics et les programmes sociaux que les citoyens s’attendent à recevoir. Dans une économie mixte, l’État doit avoir les moyens d’agir. Sous cet angle, il était prévisible que la stratégie de baisse d’impôts et de taxes du gouvernement Harper finirait par mettre à mal les missions importantes de l’État.

La CSN demande au gouvernement fédéral d’occuper efficacement les champs de compétence qui lui sont dévolus en matière de politique sociale. En fait, les services publics et le système de protection sociale sont d’autant plus nécessaires que la croissance économique connait encore des ratés.

En ce qui concerne le programme d’assurance-emploi, la CSN   réitère ses demandes. Plusieurs raisons rendent nécessaire une réforme du programme d’assurance-emploi. Des raisons d’équité d’abord, puisque la  majorité des travailleurs qui contribuent au régime  d’assurance-emploi s’attendent à pouvoir en bénéficier lorsqu’ils perdent leur emploi, ce qui n’est pas le cas actuellement et depuis plusieurs années. Des raisons d’ordre économique aussi, puisqu’en réduisant la générosité du programme d’assurance-emploi au fil des ans, le gouvernement fédéral a abdiqué une part importante de ses responsabilités en matière de stabilisation macroéconomique (le programme d’assurance-chômage est l’un des principaux stabilisateurs automatiques). Pour les raisons précédentes et d’autres encore, la CSN estime qu’il est urgent d’apporter des changements au régime d’assurance-emploi pour améliorer l’accessibilité, augmenter le taux des prestations et abolir le délai de carence. Voici des propositions spécifiques que la CSN partage avec la coalition des Sans Chemises :

  • Établir un seuil d’admissibilité de 360 heures pour toutes les régions, ce qui améliorerait l’accessibilité du programme. La banque Toronto-Dominion estime le coût de cette revendication à un milliard de dollars[2]
  • Éliminer le délai de carence de deux semaines, qui pénalise injustement les prestataires.
  • Augmenter le taux de remplacement du revenu de 55 % à 60 % du salaire gagné, en basant le calcul des prestations sur les 12 meilleures semaines de travail.
  • Mise sur pied d’un programme de soutien de revenu pour les travailleuses et les travailleurs âgés. Plusieurs personnes âgées qui auront perdu leur emploi au cours de l’actuelle récession ne pourront plus jamais accéder au marché du travail : il est urgent de leur offrir une passerelle pour qu’ils puissent se rendre è la retraite dans la dignité.

De la même façon, la CSN réaffirme ses demandes relativement aux transferts fédéraux pour les programmes sociaux. La renégociation des transferts fédéraux aux provinces au titre de la santé doit avoir lieu en 2014. La CSN salue le fait que le gouvernement ait respecté, jusqu’ici, son engagement à maintenir ces transferts. Toutefois, le ministre des Finances du Canada a déjà averti les provinces qu’elles ne pourraient pas nécessairement compter sur le même niveau de financement du fédéral dans l’avenir. Il importe de rappeler qu’à la différence du gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, comme le Québec, gèrent des services publics à la population, comme le système de santé et de service sociaux.

Dans la santé, même avec une croissance moyenne du financement de 6 % ces dernières années, le système peine à répondre à l’ensemble des besoins de la population, en raison des nombreux facteurs qui pèsent sur les coûts (médicaments, vieillissement de la population, etc.). Il est donc clair qu’en 2014, il faut s’assurer de la reconduction des transferts financiers selon la formule actuelle, où la contribution du gouvernement fédéral représente 25 % du total des dépenses de santé, comme le recommandait la commission Romanow.

Dans le domaine de l’enseignement postsecondaire, le gouvernement du Québec attend toujours les 800 millions de dollars additionnels qui permettraient de retrouver le niveau de financement fédéral de 1994-1995 en termes réels dans le domaine de l’éducation postsecondaire. La faible croissance de l’enveloppe globale dédiée à l’éducation post secondaire pose problème, notamment dans le contexte d’une économie reposant de plus en plus sur le savoir et de la l’importance de l’augmentation de la productivité au Canada pour pallier au vieillissement de la population et assurer une croissance du niveau de vie. Il est notoire que les dépenses du Canada en éducation ont diminué lors de la dernière décennie par rapport à celles des autres pays développés et que cette tendance a un impact sur la performance[3].

Toujours en rapport avec les transferts fédéraux, la CSN dénonce le fait que ceux-ci ne sont plus versés sur la base des besoins et du partage des coûts, mais plutôt en fonction du nombre d’habitants par province. Ce mode de répartition est inéquitable. .

Plusieurs autres problèmes sociaux requièrent une implication réelle du gouvernement fédéral. La situation des autochtones au Canada est un scandale national qui n’en finit plus de durer. Le taux de chômage y est deux fois plus élevé que celui de la population. De plus, alors que le Canada se retrouve au 8e rand selon l’indice de développement humain, les communautés des Premières Nations arrivent au 78e rang. Le gouvernement doit enfin poser des gestes à la hauteur de la problématique. Au chapitre du logement social, l’effort du gouvernement est insuffisant, alors que les besoins sont criants. La problématique de l’itinérance exige elle aussi un engagement beaucoup plus soutenu du gouvernement central. Finalement, tel qu’il est actuellement, le système de retraite canadien ne permet pas à la majorité des travailleuses et des travailleurs d’obtenir des revenus adéquats à la retraite et le vieillissement de la population ne fera que rendre cette situation plus manifeste. Il est nécessaire de réformer le système de retraite canadien en prenant en compte toutes ses composantes (PSV/SRG, RPC/RRQ, REER, régime de retraite d’entreprise). La population ne peut  se  contenter  des  régimes  de  pension  agréés  collectifs  annoncés  récemment  par  le gouvernement fédéral. Bien que les employeurs auront la responsabilité d’inscrire leurs employés à de tels régimes, ceux-ci n’impliquent aucune cotisation des employeurs. Une consultation publique permettrait d’évaluer les options qui s’offrent pour modifier le système de retraite canadien de façon à ce qu’il assure efficacement la sécurité du revenu des travailleuses et travailleurs à la retraite. . Parmi ces options, la bonification du régime public et la création de régimes complémentaires obligatoires couvrant tous les Canadiens doivent être discutées et évaluées sérieusement.

Chacun des éléments de politique sociale que nous avons mentionnés ici a un impact direct sur le niveau et la qualité de vie des citoyens canadiens et québécois. Compte tenu des lacunes observées à plusieurs égards, le gouvernement fédéral a le devoir d’améliorer la performance de sa politique sociale. Les recherches économiques contemporaines ont montré que le développement des services publics et des programmes sociaux sont des conditions nécessaires du progrès économique et social.

Croissance économique et emploi

Le gouvernement fédéral, en plus de ses responsabilités en matière de politique sociale, a évidemment un rôle important à jouer en ce qui concerne la politique économique sous toutes ses formes (politiques conjoncturelles et structurelles).

Après une forte croissance du PIB réel au premier trimestre de 2011 (3,9 % en rythme annualisé), les résultats du deuxième trimestre s’annonçaient moins intéressants. Selon les prévisionnistes, ce ralentissement devrait toutefois être temporaire, et la croissance économique devrait atteindre 2,9 % au Canada en 2011 selon le FMI, contre 2,5 % aux États-Unis et 2,0 % dans l’Union européenne. Le marché du travail a généré 163 400 emplois depuis le début de 2011. Le taux de chômage est descendu à 7,2 % en juillet, ce qui demeure plus élevé que le taux moyen de 6,1 % observé en 2008. De plus, le taux d’activité est proche de son niveau le plus faible en quatre ans, ce qui signifie que la bonne performance du taux de chômage est dopée par un nombre important de travailleurs découragés. Ceci dit, la performance du marché du travail canadien est passablement meilleure que celle des États-Unis : la confédération Desjardins prévoit d’ailleurs un taux de chômage moyen de 8,9 % aux États-Unis en 2011 contre 7,6 % au Canada.

En fait, certains économistes voient dans l’amélioration des conditions économiques au Canada une justification pour que la banque du Canada procède bientôt à un relèvement de son taux d’intérêt directeur. Parmi les facteurs qui justifieraient un resserrement de la politique monétaire, sont évoquées l’augmentation récente de l’inflation, la réduction de l’écart de production qui est prévue d’ici un an et la nécessité d’éliminer l’incitatif à l’endettement que représentent les faibles taux d’intérêt. Toutefois, si le Canada connaît une reprise économique meilleure que la plupart des pays du G7, cela ne signifie pas que tout aille pour le mieux. Ainsi, le secteur extérieur est handicapé par la faible reprise économique américaine. Le déficit commercial du Canada est passé de 4,6 milliards de dollars en 2009 à 9,0 milliards de dollars en 2010. C’est donc dire que les exportations nettes ne contribuent pas à la croissance économique actuellement. La tendance baissière observée depuis un moment dans la construction résidentielle devrait se poursuivre dans l’avenir prévisible. La croissance des dépenses de consommation des ménages n’a été que de 0,2 % au premier trimestre de 2011, ce qui a de quoi inquiéter. Finalement, les programmes d’austérité des administrations publiques freineront la croissance économique s’ils sont appliqués tel que prévu. À preuve, la faible croissance  de 7 000  emplois  nets  au  Canada  en  juillet  dernier  s’explique  notamment  par l’élimination de 71 000 emplois dans les administrations publiques. De plus, il existe toujours beaucoup d’incertitude au niveau international : crise de la dette en Grèce et possiblement dans d’autres pays européens dont l’Espagne et l’Italie, croissance économique lente aux États-Unis, impact sur les marchés financiers de la décote de la dette publique des États-Unis par Standard & Poor’s, correction boursière du 4 août 2011, etc.

La CSN croit qu’il est trop tôt pour que la banque du Canada augmente son taux d’intérêt directeur. Dans les conditions actuelles, cela ferait s’apprécier davantage le dollar canadien par rapport au dollar américain, ce qui affecterait négativement les exportations nettes canadiennes, qui sont déjà faibles. Cela aurait un impact dévastateur sur le secteur manufacturier, qui continue de faire face à une concurrence féroce des pays émergents tels que la Chine.

Maintenant que nous avons formulé notre avis sur la conduite de la politique économique conjoncturelle, quelques réflexions sur la politique économique structurelle. Depuis que les conservateurs sont au pouvoir, une idéologie de laisser-faire semble s’être installée en matière de développement économique. Le gouvernement a comme principal objectif de mettre au point un environnement fiscal parmi les plus compétitifs au niveau international et de négocier des accords de libre-échange, la suite des choses devant être déterminée par le libre jeu du marché, par la concurrence entre les entreprises d’ici et d’ailleurs. Le gouvernement n’en a pas fait suffisamment pour les secteurs en difficulté comme l’industrie forestière ou certaines industries manufacturières. Le gouvernement fait fausse route à ce chapitre. Dans le cadre de sa politique industrielle, l’État doit  intervenir  de  façon  à  lever  certaines  contraintes  qui  empêchent  la  restructuration,  la modernisation continue du tissu économique. Sans une intervention soutenue de l’État, il est fort possible que la modernisation de la structure industrielle marque le pas. Même si certains économistes orthodoxes affirment que la politique industrielle n’a plus de pertinence dans le contexte de la mondialisation et des accords de libre-échange, il n’en est rien.

En matière de politique industrielle, il est plus que temps que le gouvernement Harper mette de l’avant des mesures sérieuses pour accélérer la transition vers une économie durable, moins intensive en gaz à effet de serre (GES). Cela passe par une transformation du système productif où les énergies renouvelables se substitueront progressivement aux hydrocarbures. Cela doit aussi se traduire par l’émergence de nouvelles industries vertes. L’Institut Pembina et la Fondation David Suzuki ont fait paraître une étude qui montre qu’il est possible de réduire les GES de 25 % en 2020 par rapport au niveau de 1990 sans que la croissance économique soit réduite de façon importante et avec  un  effet  neutre  ou  légèrement  positif  sur  le  niveau  d’emploi  global[4].  L’inaction  du gouvernement fédéral doit cesser dans ce dossier, car le réchauffement climatique est sans doute l’enjeu le plus important du 21e siècle. Le Canada doit faire sa part dans la réduction des émissions de GES. L’inaction du gouvernement fédéral pénalise les provinces qui sont actives sur cette question.

Pour conclure, la CSN considère impératif que le gouvernement fédéral poursuive une stratégie interventionniste. La situation économique actuelle ne fait aucun doute sur le nécessaire soutien que doit apporter l’État. Celui-ci doit se manifester notamment pas une contribution plus importante du fédéral dans le financement de la santé, dans l’éducation et dans le rééquilibrage des transferts aux provinces. Poursuivre la lutte aux déficits budgétaires, au détriment de la relance économique et au maintien de nos services publics, serait une grave erreur.

[1]Perspectives de l’économie mondiale, Fonds monétaire international, avril 2011.

[2]Is Canada’s employment insurance program adequate ?, Grant Bishop et Derek Burleton, Banque Toronto-Dominion, 30 avril 2009

[3]How are we doing on social policy ? Is the recession paralyzing or transformative?, Don Drummond et Grant Bishop, Banque Toronto-Dominion, 24 août 2009

[4] Protection climatique, prospérité économique : Étude sur les conséquences économiques de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur les mesures à adopter par le Canada - Rapport final, Institut Pembina et Fondation David Suzuki, 2009. Les estimations économiques ont été réalisées par la firme M.K. Jaccard and Associates. La Banque TD a contribué à financer l’étude.