MÉMOIRE DE L’UNIVERSITÉ MCGILL

Aperçu

Depuis quelques années, notre pays s’en tire relativement bien malgré la conjoncture économique tumultueuse. Même si les prochaines années doivent être et seront sous le signe de la prudence budgétaire, nous devons néanmoins continuer à financer et appuyer les institutions et programmes qui contribuent à la prospérité, au bien-être et à la compétitivité du Canada. Les pays semblables et les économies émergentes investissent massivement dans l’éducation et la recherche et, afin de rester concurrentiel et pertinent, le Canada doit continuer d’appuyer ses « étoiles » et ceux qui obtiennent les meilleurs résultats.

Plaques tournantes de la recherche, du talent et des réseaux, les universités apportent une grande contribution à la vie économique, à la santé et au bien-être des Canadiens. Les universités forment les étudiants, fournissent des emplois de qualité et sont à l’avant-garde de la recherche et du développement. En collaboration avec des collègues de leurs établissements, d’autres universités et de l’industrie, au Canada et à l’étranger, les chercheurs et les étudiants font des découvertes fantastiques dans des domaines comme la santé, l’environnement, la gestion et le droit. Tous les jours, ces découvertes ont une incidence positive sur la vie des Canadiens.

L’économie du savoir est l’économie de l’avenir, et les universités emploient des travailleurs actuellement et forment les futurs travailleurs nécessaires pour notre économie. L’appui à la recherche et à la formation universitaire n’est pas une dépense, c’est un investissement dans l’avenir du Canada.

Recommandations 

Offrir des débouchés aux gens talentueux

·         Renforcer et élargir les programmes de stage fructueux et créer des programmes complémentaires pour que les gens talentueux aient accès à des emplois de qualité.

Investir dans l’économie du savoir

·          Continuer à investir de manière soutenue et prévisible dans les assises de la recherche-développement au Canada : les organismes subventionnaires fédéraux (CRSH, CRSNG, ICRS), Génome Canada, et dans le programme des coûts indirects.

Optimiser les investissements dans l’innovation

·         Continuer à appuyer des programmes comme la Fondation canadienne pour l’innovation, qui ont démontré leur valeur ajoutée et qui appuient l’écosystème de l’innovation du Canada.

Offrir des débouchés aux gens talentueux

Le Canada sera confronté à un défi démographique dans les prochaines années : le vieillissement de la population, conjugué à un faible taux de natalité, pourrait gravement compromettre la qualité de vie des Canadiens, si notre économie a du mal à payer pour les besoins accrus en soins de santé et en services sociaux avec une main-d’œuvre qui diminue par rapport à l’ensemble de la population.

Afin de maintenir et d’améliorer la qualité de vie des Canadiens, nous devons trouver des moyens d’accroître la prospérité du Canada. Une façon d’y parvenir consiste à renforcer l’économie du savoir et à accroître la qualité des emplois.

Les universités sont très bien placées pour contribuer à la création d’emplois de qualité, en tant qu’éducateurs et employeurs.

Une étude récente a évalué qu’en 2008, l’Université McGill a apporté une contribution annuelle de 924 millions de dollars à l’accroissement de la productivité du Québec en renforçant le capital humain[1]. Autrement dit, en éduquant et en formant des étudiants de tous les cycles McGill a accru le pouvoir d’achat de ces étudiants, ce qui a accru leur productivité globale. En tant qu’employeur, McGill a créé quelque 13 448 années-personnes d’emploi et 59 millions de dollars de revenus pour le gouvernement fédéral (par l’entremise de l’impôt sur le revenu, de la taxe de vente et d’autres taxes)[2].

Malgré ces contributions, nous pouvons encore faire mieux. Le Conseil des académies canadiennes fait remarquer que l’économie américaine emploie un pourcentage nettement plus élevé de travailleurs ayant fait des études supérieures, ce qui démontre la demande américaine pour les compétences techniquement les plus avancées et l’engagement des entreprises américaines envers l’innovation, fondée sur les sciences et la technologie[3]. En 2006, le Canada avait des taux de chômage plus élevés que les autres pays pour les titulaires d’un doctorat en sciences[4]. Une étude récente de Statistique Canada a conclu que, deux ans après l’obtention du diplôme, « les compétences des titulaires de doctorat sont sous-utilisées, près du tiers des diplômés n’ayant pas besoin d’un doctorat pour obtenir l’emploi qu’ils occupaient au moment de l’enquête »[5].

Le Canada sous-utilise ses atouts les plus précieux – ses talents. Une façon de pallier cette lacune consiste à renforcer et élargir des programmes fructueux – comme les bourses d’études à incidence industrielle du CRSNG – qui favorisent l’intégration des bacheliers, des diplômés des cycles supérieurs, des boursiers du cycle postdoctoral et même des professeurs dans l’entreprise et l’industrie. De plus en plus, les flux entre l’industrie et le milieu universitaire profitent aux deux secteurs – les étudiants et les chercheurs universitaires acquièrent une expérience précieuse et trouvent des débouchés de grande valeur et les entreprises obtiennent une capacité accrue de R-D, un meilleur accès aux réseaux de recherche internationaux et un meilleur accès à un bassin de main-d’œuvre talentueuse.

Afin de multiplier les possibilités d’emplois de qualité, le gouvernement du Canada pourrait élaborer de nouveaux programmes qui apporteraient un complément aux programmes existants, par exemple :

·         Bourses de l’industrie (des chercheurs de l’industrie viennent travailler dans les laboratoires universitaires, ce qui donne aux étudiants de plus grandes possibilités de travailler en étroite collaboration avec des partenaires privés, favorise l’entrepreneuriat et les transferts de savoir sur les besoins de l’industrie et sur ce que peuvent offrir les universités)

·         Stages postdoctoraux de deux ans dans l’entreprise (d’après le nombre actuel de bourses postdoctorales)

·         Stages pour les bacheliers et les étudiants des cycles supérieurs (axés sur l’accroissement de la R-D dans les entreprises, en particulier les PME)

Recommandation : 

Renforcer et élargir les programmes de stage fructueux et créer des programmes complémentaires – comme des stages, des bourses et des échanges dans l’industrie, à l’intention des étudiants du baccalauréat et des cycles supérieurs, ainsi que des professeurs – pour que les gens talentueux aient accès à des emplois de qualité.

Investir dans l’économie du savoir

Même si le gouvernement du Canada doit être prudent financièrement, en particulier tant que le déficit national pose problème, nous devrions néanmoins nous assurer que notre pays est bien placé pour saisir les possibilités de promouvoir la compétitivité internationale du Canada. À cette fin, il est important de continuer à appuyer les nombreux aspects de l’économie du savoir – comme du financement concurrentiel de la recherche – qui sont les fondements de l’écosystème de l’innovation du Canada. Les trois organismes subventionnaires fédéraux du Canada – les Instituts canadiens de recherche en santé (ICRS), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences sociales (CRSH) – ainsi que des organismes de financement comme Génome Canada, fournissent le financement crucial pour appuyer la recherche canadienne. On ne saurait trop insister sur l’importance de la recherche fondamentale – c’est la pierre d’assise de la découverte et de l’innovation. Les pays semblables au Canada s’entendent généralement sur la nécessité de financer la recherche sur la base d’un ratio 70‐30; autrement dit, 70 % du financement va à la recherche fondamentale et 30 %, à la recherche appliquée (ou « ciblée »).

Les coûts de la recherche sont multiples. En plus des coûts directs de la recherche (p. ex. les salaires et dépenses des adjoints de recherche, le matériel, les fournitures, les déplacements, les publications), il y a aussi des coûts institutionnels de la recherche, souvent appelés les coûts indirects, qui comprennent les coûts du maintien de soutiens essentiels à la recherche (bibliothèques, réseaux informatiques, administration financière); de la gestion du processus de recherche (demandes de bourses, administration); de l’optimisation de l’incidence de la recherche (gestion de la propriété intellectuelle, transfert de technologie); et de la conformité en matière de réglementation et de sécurité (examen éthique, rapports).

Au Canada, le Programme des coûts indirects fournit du financement global pour les coûts indirects de la recherche. Les coûts indirects sont remboursés à un taux moyen de 22 %[6] des coûts directs du financement accordé par les organismes subventionnaires fédéraux. Des études internationales et nationales démontrent que les coûts indirects représentent en réalité de 45 % à 60 % des coûts directs. Le déficit du financement canadien des coûts indirects de la recherche se situe à quelque 375 millions de dollars par année. Les universités utilisent les fonds d’exploitation, qui devraient appuyer l’enseignement, pour combler cet écart. Il est peu probable que le problème puisse être résolu dans le prochain budget d’austérité, mais il faut néanmoins souligner l’importance de ce sous-financement pour les chercheurs et pour les étudiants.

Recommandation 

Continuer à investir de manière soutenue et dans les assises de la recherche-développement au Canada : les organismes subventionnaires fédéraux (CRSH, CRSNG, ICRS), Génome Canada, et dans le programme des coûts indirects.

Optimiser les investissements dans l’innovation

Depuis 15 ans, le gouvernement du Canada a investi dans de nombreux programmes novateurs et transformationnels, qui sont propres au Canada et qui, individuellement et collectivement, ont constitué un moyen novateur et efficace d’appuyer la recherche de pointe. Ces programmes extraordinaires comprennent :

·         la Fondation canadienne pour l’innovation

·         les Chaires de recherche du Canada

·         les bourses d’études supérieures Vanier

·         les Chaires d’excellence en recherche du Canada

·         les bourses postdoctorales Banting

La Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), créée en 1997, a joué un rôle crucial pour bâtir et appuyer l’infrastructure nécessaire à la recherche-développement novatrice et à la formation de la prochaine génération de scientifiques et de chercheurs. À cause de la structure du programme, qui exige qu’à chaque dollar de la FCI corresponde un financement équivalent d’autres institutions (p. ex. gouvernements provinciaux, universités, secteur privé), un dollar investi par le gouvernement du Canada par l’entremise de la FCI a créé un investissement net de 2,86 $ dans une infrastructure de recherche de premier ordre. Le modèle de la FCI est une réussite. Mais comme pour toutes les infrastructures et technologies, l’investissement doit être constant et soutenu.

La FCI a aussi un effet de levier par rapport à d’autres programmes : c’est un élément clé pour attirer des talents. Elle joue elle-même un rôle crucial par des programmes de financement de la recherche comme le Fonds des leaders, qui permet aux universités de présenter une offre concurrentielle aux professeurs déjà sur place ou qu’elles tentent de recruter, et de concert avec les Chaires de recherche du Canada (CRC) et les Chaires d’excellence en recherche du Canada (CERC).

Les CRC, pour leur part, ont joué un rôle important pour attirer des professeurs étrangers et rapatrier des professeurs canadiens dans les universités du Canada. À McGill, depuis la création des CRC, l’Université a attiré 586 nouveaux professeurs de l’étranger, dont 175 Canadiens rapatriés. De même, les CERC ont permis aux universités de recruter 19 chercheurs de renommée internationale au Canada. Sans l’infrastructure concurrentielle et d’avant-garde fournie par l’entremise de la FCI, il ne serait pas possible d’attirer ces éminents chercheurs. La FCI fait donc partie intégrante des outils qui permettent de créer l’infrastructure d’avant-garde et de jouer un rôle précieux dans le recrutement et le maintien des talents au Canada.

Inversement, il est clair que le Canada peut difficilement se permettre d’appuyer des programmes peu performants et ne devrait pas continuer à le faire. Des examens comme l’Examen du soutien fédéral de la recherche-développement donnent la possibilité d’examiner le rendement des programmes, dans le contexte d’une comparaison internationale et des pratiques exemplaires. Le Rapport du groupe d’experts chargé de l’examen du soutien fédéral de la recherche-développement est attendu avec impatience et il donnera une orientation fondée sur la science aux politiques et programmes du Canada à l’avenir.

L’efficacité de certains programmes, comme le crédit d’impôt à la recherche scientifique et au développement expérimental (RS&DE), a été contestée ces dernières années. Le Canada accorde un soutien indirect disproportionné à la R-D, au moyen du crédit d’impôt pour la RS&DE, comparativement aux pays semblables, ce qui a incité le récent État des lieux à conclure que « les programmes canadiens de crédits d’impôt pour la R-D sont parmi les plus généreux du monde, mais le Canada est tout de même en dessous de la moyenne de l’OCDE pour ce qui est des dépenses en R-D par les entreprises »[7]. Un autre type de soutien à l’industrie, peut-être des coupons à l’intention des entreprises qui font de la R-D (comme le programme de coupons innovation de l’Alberta), pourrait résoudre les problèmes concernant la trésorerie, les encouragements à l’innovation et l’optimisation du financement, surtout pour les PME.

Recommandation 

Continuer à appuyer des programmes comme la Fondation canadienne pour l’innovation, qui ont démontré leur valeur ajoutée et qui appuient l’écosystème de l’innovation du Canada, de manière soutenue, prévisible et significative; et s’assurer que les programmes peu performants et les politiques inefficaces sont examinés et révisés au besoin.

En terminant

Nous pouvons être fiers des atouts uniques du Canada et les appuyer et nous devons nous assurer d’investir dans les avantages concurrentiels de notre pays. Notre économie ne peut pas se permettre d’appuyer des programmes inefficaces, mais nous ne pouvons pas permettre non plus que nos « gagnants » languissent, car nous risquons de nous faire devancer par d’autres pays – semblables et émergents – qui accroissent leur financement de l’éducation, des sciences, de la technologie et de l’innovation. Financer des programmes et modèles fructueux – même en période de difficultés économiques – n’est pas une dépense mais bien un investissement dans le présent et dans l’avenir.



[1]      McGill University: Driving Excellence and Prosperity in Quebec (SECOR, 2010), p. 36. http://www.mcgill.ca/community/impact.

[2]      Ibid., p. 35‐36.

[3]      Innovation et stratégies d’entreprise : pourquoi le Canada n’est pas à la hauteur (Conseil des académies canadiennes, 2009), p. 69, 71.

[4]      De l’imagination à l’innovation : L’état des lieux en 2010, (Conseil des sciences, de la technologie et de l’innovation, 2011), p. 63.

[5]      Desjardins, Louise et Darren King, « Espérances et résultats sur le marché du travail des titulaires de doctorat des universités canadiennes », (Statistique Canada, 2011), p. 34.

[6]      En 2010-2011.

[7]      De l’imagination à l’innovation : L’état des lieux en 2010, p. 17.