:
Monsieur le Président, je souhaite tout d'abord souligner que nous nous trouvons sur les terres ancestrales du peuple algonquin.
J'interviens pour parler du projet de loi , qui, s'il est adopté, représenterait une étape importante dans le processus de réconciliation et de renouvellement des liens entre le Canada et les peuples autochtones.
Le projet de loi établit le cadre législatif et les principes nécessaires pour orienter les travaux que doivent mener en collaboration les Premières Nations, les Inuits, les Métis, les partenaires provinciaux et territoriaux, ainsi que le gouvernement fédéral pour procéder à une réforme véritable des services à l'enfance et à la famille.
Le projet de loi à l'étude aujourd'hui est le fruit de consultations vastes et intensives menées auprès de partenaires autochtones, de représentants provinciaux et territoriaux, de jeunes — en particulier ceux qui ont été pris en charge par le système d'aide à l'enfance et à la famille —, ainsi que d'experts et de défenseurs d'intérêts particuliers.
[Français]
En janvier 2018, notre gouvernement a organisé une réunion nationale d'urgence sur les services à l'enfance et aux familles autochtones afin de chercher ensemble des solutions pour que les familles puissent rester ensemble. Le compte rendu de la réunion d'urgence donne un survol du grand thème qui est ressorti comme suit: « Il est clair que le moment est venu de faire le transfert de compétences du gouvernement fédéral aux Premières Nations, aux Inuit et à la Nation métisse par voie législative [...] »
Le compte rendu continue ainsi:
[Traduction]
Il est nécessaire d'apporter des réformes législatives qui auront pour effet de respecter et de promouvoir les droits des peuples autochtones de diriger les systèmes, et d'élaborer des normes et des pratiques tenant compte des lois et des pratiques culturelles autochtones, consacrant le droit des Premières Nations, des Inuits et de la Nation métisse de s'occuper de leurs enfants ainsi que le droit des enfants et des jeunes autochtones d'être élevés dans leur langue et leur culture.
[Français]
Il faut apporter des réformes législatives qui respecteront et appuieront le droit des peuples autochtones de diriger le système, d'élaborer des normes et des pratiques tenant compte des lois et des pratiques culturelles autochtones.
À la conclusion de la réunion d'urgence, le gouvernement du Canada s'est engagé à prendre six mesures pour s'attaquer au problème de surreprésentation des enfants et des jeunes autochtones qui sont pris en charge au Canada.
Premièrement, il s'est engagé à poursuivre le travail entamé pour mettre pleinement en œuvre les ordonnances du Tribunal canadien des droits de la personne, y compris le principe de Jordan, et réformer les services aux enfants des familles des Premières Nations, notamment en adoptant un modèle de financement souple.
Deuxièmement, il doit collaborer avec nos partenaires afin d'axer les programmes sur la prévention adaptée sur le plan culturel, sur l'intervention précoce et sur la réunification des familles.
Troisièmement, il doit aussi collaborer avec nos partenaires pour aider les communautés à réduire les attributions dans le domaine des services aux enfants et aux familles, et notamment examiner la possibilité d'élaborer conjointement une loi fédérale.
Quatrièmement, il s'est engagé à accélérer le travail des tables techniques et tripartites mises en place partout au pays afin d'appuyer la réforme et à participer aux travaux de ces tables.
Cinquièmement, il doit aider les dirigeants inuits et métis à promouvoir une importante réforme des services aux enfants et aux familles adaptée sur le plan culturel.
Sixièmement, il s'est engagé à élaborer, avec les provinces, les territoires et les partenaires autochtones, une stratégie relative aux données pour accroître la collecte, le partage et la communication des données intergouvernementales, de façon à mieux comprendre les taux et les motifs d'appréhension.
[Traduction]
D'autres demandes semblables de mesures législatives découlent de l'appel à l'action no 4 de la Commission de vérité et réconciliation ou émanent du Comité consultatif national sur les services à l'enfance et à la famille des Premières Nations et se reflètent dans les résolutions de l'Assemblée des Premières Nations de mai et de décembre 2018, pour ne parler que de quelques-unes.
Tout au long de l'été et de l'automne de cette année-là, le présent gouvernement a consulté activement des organismes communautaires, régionaux et nationaux et des particuliers — près de 2 000 dans le cadre de 65 rencontres — dans le but d'élaborer conjointement une approche législative, laquelle nous a menés là où nous en sommes aujourd'hui.
Dans la foulée de cette consultation intensive, le 30 novembre 2018, l'ancienne ministre des Services aux Autochtones a annoncé, en présence des chefs autochtones nationaux, que le gouvernement du Canada allait présenter un projet de loi élaboré conjointement sur les services à l’enfance et à la famille.
Je vais citer des paroles encourageantes du sénateur Murray Sinclair, ancien président de la Commission de vérité et réconciliation, qui a qualifié ces consultations de modèle de mise en oeuvre véritable et directe des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation.
La consultation se poursuivra une fois la mesure législative en place et par la suite dans le cadre de l'étude d'une structure nationale de gouvernance pour la transition, qui tiendra compte des distinctions et dans laquelle seront représentés les partenaires autochtones, les provinces et les territoires.
Le groupe pourrait, par exemple, déterminer des outils et des processus pour améliorer la capacité des communautés à assumer la responsabilité des services à l'enfance et à la famille. Un tel comité pourrait aussi évaluer les manques et recommander, au besoin, des mécanismes pour la mise en oeuvre, dans un esprit de partenariat et de collaboration. De plus, le projet de loi prévoit la tenue d'un examen législatif tous les cinq ans en collaboration avec les partenaires métis, inuits et autochtones.
Le projet de loi cadre parfaitement avec la promesse du gouvernement de mettre en oeuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation et les engagements prévus par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
Le projet de loi a deux objectifs. Premièrement, il affirme le droit inhérent des peuples autochtones à l'autodétermination en ce qui concerne les services à l'enfance et à la famille. Le projet de loi s'appuie sur ce fondement et offre aux groupes autochtones du Canada la souplesse nécessaire pour déterminer la voie à suivre pour répondre le mieux possible aux besoins des enfants, des familles et de leurs communautés. Le deuxième objectif est d'établir les principes qui guideront la prestation des services aux enfants et aux familles autochtones dans presque toutes les régions et tous les provinces et territoires du pays.
Ces principes ont une portée nationale. Ils établissent une norme de base pour que la prestation de tous les services aux enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis tienne compte des besoins de chaque enfant, y compris celui de grandir en entretenant des liens solides avec sa famille, sa culture, sa langue et sa communauté.
Les principes sont les suivants: l'intérêt de l'enfant, la continuité culturelle et l'égalité réelle. Cette approche est conforme à l'appel à l'action no 4 de la Commission de vérité et réconciliation, qui demande l'établissement de normes nationales. Elle s'appuie aussi sur les témoignages que les partenaires et les membres des communautés ont livrés au cours du vaste processus de consultation qui a eu lieu partout au Canada. Je précise qu'il s'agit ici de normes minimales. Les communautés peuvent les enrichir et les adapter pour tenir compte de leur culture et de leurs traditions uniques.
Les participants s'entendaient aussi pour dire que le projet de loi devrait souligner l'importance de préserver l'unité des familles autochtones en mettant en place des services de prévention et d'intervention précoce, des mesures qui favorisent la préservation et la réunification des familles.
Le projet de loi proposerait un ordre de préférence pour le placement de l'enfant: premièrement, la famille; deuxièmement, la famille élargie, d'autres membres de la communauté ou d'autres familles autochtones; troisièmement, un adulte non autochtone. L'ordre de priorité vise à ce que les enfants gardent contact avec leur culture et leur communauté et qu'ils conservent un attachement et des liens affectifs envers leur famille.
Le projet de loi établirait l'importance pour le système d'être axé sur la prévention plutôt que sur la prise en charge. Il accorderait la priorité aux services à l'enfance et à la famille qui favorisent les soins préventifs, y compris les services prénataux, plutôt qu'à ceux qui favorisent la prise en charge de l'enfant à la naissance.
Cet accent mis sur les soins préventifs contribuerait à promouvoir les liens affectifs entre les mères et les nouveau-nés, l'unification des familles ainsi que l'attachement, réduisant la prise en charge de nouveau-nés. Ces principes, axés sur l'enfant et la famille, ont été mentionnés à répétition tout au long des consultations, tout comme l'importance cruciale des programmes de prévention.
Il est évident que les services offerts aux enfants et aux familles autochtones doivent respecter leurs besoins et être adaptés à leurs expériences culturelles uniques. Les participants ont beaucoup insisté sur l'importance de la culture et du maintien de la santé et du bien-être des enfants et des familles, notamment grâce à des réseaux de soutien communautaire et à la mobilisation des aînés.
Il ressort également nettement du processus de consultation que les lois fédérales doivent respecter le droit inhérent des Premières Nations, des Métis et des Inuits à l'autodétermination.
Le projet de loi fait un premier pas en affirmant le droit inhérent des Autochtones de superviser les services à l'enfance et à la famille et il prévoit un mécanisme flexible pour que les groupes autochtones puissent créer leurs propres lois afin de mieux répondre aux besoins de leurs enfants et de leurs communautés. En effet, si un groupe autochtone choisit d'établir ses propres lois au moyen de ce mécanisme, le projet de loi indique clairement que, en cas de conflit entre la loi autochtone et une loi provinciale ou fédérale, la loi autochtone prévaudrait. Pour plus de clarté, le projet de loi n'aurait pas préséance sur les traités en vigueur, ni sur les accords d'autonomie gouvernementale, ni sur toute autre entente régissant déjà les services à l'enfance et à la famille pour les Autochtones, quoique les communautés pourraient choisir de l'adopter dans ces situations.
Les partenaires ont souligné que, dans ce cas-ci, l'approche universelle est tout à fait inappropriée. Toute mesure législative fédérale sur les services à l'enfance et à la famille doit reconnaître que les besoins, les souhaits et les priorités des communautés autochtones à cet égard varient d'une communauté à l'autre et d'une province à l'autre et qu'ils peuvent évoluer et changer au fil du temps. Par conséquent, la vaste majorité des intervenants a estimé que les mécanismes fédéraux, provinciaux et territoriaux d'appui aux services à l'enfance et à la famille destinés aux Autochtones devraient avoir la flexibilité nécessaire pour s'adapter à toutes sortes de circonstances et de variables.
En outre, le projet de loi indique surtout qu'un enfant autochtone ne serait pas pris en charge seulement en raison de sa condition socioéconomique. Il s'agit d'un point que les partenaires ont soulevé très clairement lors du processus de consultation. En effet, le principe de l'égalité réelle — le troisième principe directeur — est essentiel pour garantir que l'ensemble des fournisseurs de services demeurent concentrés sur l'obtention de résultats équitables et de chances égales pour les enfants autochtones et leur famille.
L'égalité réelle sous-tend d'autres initiatives importantes, comme le principe de Jordan, qui assure aux enfants des Premières Nations au Canada un accès aux services, aux produits et aux mesures de soutien dont ils ont besoin lorsqu'ils en ont besoin. Depuis 2016, le gouvernement s'est engagé à consacrer 680 millions de dollars pour donner suite aux demandes relatives au principe de Jordan, ce qui a permis de fournir aux jeunes des Premières Nations une vaste gamme de services pour répondre à leurs besoins sanitaires, sociaux et éducatifs.
Les effets positifs sont indéniables. Depuis le 31 janvier dernier, plus de 214 000 demandes de services et de soutien ont été approuvées pour les enfants des Premières Nations en vertu du principe de Jordan. Le gouvernement est déterminé à poursuivre ce travail important. La semaine dernière, de concert avec plusieurs autres députés, j'ai eu le plaisir d'accompagner le à Winnipeg, où il a annoncé un investissement de 1,2 milliard de dollars pour appuyer le principe de Jordan.
[Français]
Nous sommes tous conscients du traitement épouvantable des peuples autochtones, comme l'illustrent l'horreur des pensionnats et la rafle des années 1960.
Pourtant, le retrait des enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis, de leurs familles, de leurs communautés, de leur langue et de leur culture se poursuit à un rythme alarmant et injustifiable. Plus de la moitié des enfants en famille d'accueil au Canada sont des enfants autochtones. Certes, de nombreux facteurs entrent en jeu, mais il n'y a aucun doute que le système actuel laisse tomber les enfants autochtones, les familles autochtones et les communautés autochtones.
[Traduction]
Nous sommes tous au courant de la manière déplorable dont les peuples autochtones ont été traités, les pensionnats indiens et la rafle des années 1960 en étant deux exemples horribles. Depuis trois ans, des sommes importantes ont été mobilisées afin de remédier à la situation. Depuis qu'il a été porté au pouvoir, le gouvernement a quasiment doublé le financement destiné chaque année aux services d'aide à la famille et à l'enfance dans les Premières Nations, qui s'élève désormais à plus de 1,1 milliard de dollars par année.
Dans le budget de 2016, nous avons affecté 635 millions de dollars sur cinq ans aux efforts visant à éliminer les écarts touchant le financement des services d'aide à la famille et à l'enfance dans les Premières Nations. Ces fonds ont permis de soutenir les organismes qui fournissent ces services, y compris ceux de petite taille, qui ont reçu plus d'argent. Ils se sont aussi traduits par la mise en oeuvre de modèles de financement axés sur la prévention partout au pays et l'entrée en scène d'un nombre accru de fournisseurs de services de première ligne.
Ces fonds donnent déjà des résultats. Nous avons par exemple annoncé, en août dernier, que la nation Huu-ay-aht, en Colombie-Britannique, recevrait 4,2 millions de dollars — soit près de 850 000 $ par année pendant 5 ans — pour financer de nouvelles initiatives liées aux services d'aide à la famille et à l'enfance. Environ 20 % des enfants de la nation Huu-ay-aht étaient pris en charge par l'État d'une manière ou d'une autre, ce qui a poussé ses dirigeants à déclarer une urgence de santé publique et à entreprendre une vaste étude dans le but de trouver des solutions. Grâce au financement du gouvernement fédéral et de différents partenaires, la nation Huu-ay-aht peut aujourd'hui donner suite aux 30 recommandations faites par les auteurs de l'étude, intitulée « Safe, Healthy and Connected, Bringing Huu-ay-aht Children Home ».
On a pu élargir la portée des programmes existants d'aide aux femmes enceintes et d'éducation parentale, embaucher des travailleurs offrant des services de protection et de soutien familial et élaborer de nouvelles initiatives de sensibilisation culturelle et de mobilisation des jeunes. En février 2018, nous avons aussi modifié les politiques afin de couvrir complètement les coûts assumés par les organismes autochtones offrant des services d'aide à la famille et à l'enfance pour qu'ils puissent se concentrer davantage sur la prévention et le soutien aux familles et, ultimement, réduire le nombre d'enfants pris en charge par l'État.
Dans le budget de 2018, le gouvernement a prévu un financement supplémentaire de 1,4 milliard de dollars sur six ans afin de soulager le fardeau financier des organismes de services à l'enfance et à la famille des Premières Nations. Le financement servira notamment à accroître les ressources de prévention pour faire en sorte que les enfants soient en sûreté et que les familles restent ensemble. Dans le cadre des efforts permanents de refonte du programme, on a prévu pour cette année un financement total de 105 millions de dollars au titre de l'Initiative sur le bien-être et la compétence des collectivités. Ce nouveau volet de financement s'attache à encourager les collectivités des Premières Nations à mener des activités de prévention afin d'aider les familles à risque à rester ensemble dans la mesure du possible. Il vise également à permettre aux collectivités d'exercer les compétences qui sont les leurs en matière de services à l'enfance et à la famille.
Le financement et l'innovation ont des limites dès lors que l'on a affaire à un système défaillant qui a négligé des générations d'enfants autochtones. Il faut donc le réformer. Le réseau actuel des services à l'enfance et à la famille des Premières Nations a abouti à ce que l'on a qualifié à juste titre de crise humanitaire. Le projet de loi dont nous sommes saisis constitue une avancée cruciale dans le règlement de cette crise et j'exhorte tous les députés à se joindre à moi pour l'appuyer.
:
Monsieur le Président, je tiens à informer la Chambre que je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de , en Alberta. J'ai bien hâte d'entendre son propos. Il y a, dans sa circonscription, des représentants des Premières Nations, comme dans la mienne d'ailleurs. J'aurai l'occasion d'y revenir à la fin de mon discours.
Je suis bien heureux de prendre la parole à ce stade du projet de loi.
[Traduction]
Ce projet de loi est très important. Comme je l'ai dit il y a quelques minutes, l'esprit du projet de loi est louable. Tous les députés appuient l'idée d'offrir ce qu'il y a de mieux au Canada et aux Canadiens. Nous voulons offrir ce qu'il y a de mieux aux Premières Nations, en particulier aux jeunes des Premières Nations. Oui, il y a des problèmes; malheureusement, trop de jeunes des Premières Nations vivent des problèmes familiaux.
[Français]
Il est triste de constater que, malheureusement, près de 50 % des enfants des Premières Nations de plusieurs communautés ne sont pas avec leurs parents. Ils sont dans des familles d'accueil, et ce, pour les protéger, « pour leur bien », comme le disait ma maman quand j'avais des difficultés. Elle me disait qu'elle faisait cela pour mon bien; cela passait un peu difficilement, mais, au bout du compte, comme toujours, ma mère avait raison.
On comprend donc que cette réalité est troublante, et on doit s'assurer que les enfants des Premières Nations sont traités correctement et convenablement. Nous reconnaissons également le fait que, pour aider un enfant, quel qu'il soit, où qu'il soit et de quelque nation ou de quelque groupe qu'il soit, il aura beaucoup plus de facilité à revenir sur le chemin régulier et à s'épanouir pleinement si, par bonheur, il est au sein et au cœur d'un milieu qui lui ressemble et qui va faciliter son retour dans la bonne voie.
Le problème est que ces enfants sont dans des familles d'accueil qui ne sont pas toujours dans les communautés d'où ils viennent, et cela pose de sérieux problèmes de réhabilitation.
[Traduction]
L'objectif est important, mais nous sommes grandement préoccupés par le fait que cette question est très délicate. Tout le monde adhère à l'esprit du projet de loi, mais les problèmes techniques qui pourraient en découler risquent de nuire à cet esprit.
[Français]
C’est la raison pour laquelle nous sommes très préoccupés. Comme l’a dit tout à l’heure le secrétaire parlementaire, on sait que la question du traitement des enfants relève des pouvoirs provinciaux. On sait également que les Premières Nations relèvent du pouvoir fédéral. Il y a donc naturellement une conjonction qui risque d’être contradictoire. D’un côté, il y a les lois provinciales qui peuvent s’appliquer. De l’autre, il y a les lois fédérales des Premières Nations concernant les enfants.
Nous ne sommes pas ici pour créer des problèmes, nous sommes ici pour les régler. Le projet de loi est à l'étape de la deuxième lecture. Bien entendu, il y aura par la suite des travaux en comité parlementaire. De ce côté-ci de la Chambre et sûrement de tous les côtés de la Chambre, nous mettrons la main à la pâte pour nous assurer qu’il n’y a pas de problème technique qui vient en quelque sorte briser l’élan derrière ce projet de loi.
Puisqu’il est question d’enfants, de champ de compétence et du fait que, malheureusement, les juridictions s’entrechoquent parfois, je ne peux passer sous silence le fait que, depuis deux jours, le Québec tout entier est secoué par une tragédie sans nom. En effet, nous avons appris qu’une fillette de sept ans a subi toute sa vie des sévices innommables. Le Québec est aujourd’hui saisi par cette situation. Nous avons constaté, hier, avec grand bonheur, l’extraordinaire solidarité qui s’est manifestée à l’Assemblée nationale et dans tout le Québec, pour qu’on puisse éviter que de telles tragédies se produisent de nouveau. Mes pensées accompagnent les proches de cette pauvre victime.
Le projet de loi n’est pas sans nous rappeler que, si par malheur des enfants autochtones sont aux prises avec des problèmes sociaux sérieux, la racine porte malheureusement la signature du gouvernement canadien. C’est ce qu’on a appelé, pendant près de 100 ans, la tragédie des pensionnats autochtones. En effet, pendant près de 100 ans, quelque 150 enfants autochtones ont été extirpés de leurs familles et placés sans leur consentement dans des pensionnats où deux objectifs étaient poursuivis, c’est-à-dire éteindre en eux leurs connaissances et leurs traditions autochtones et les assimiler au monde nouveau, au monde dans lequel nous vivons actuellement.
Malheureusement, on porte encore aujourd'hui les stigmates de cette tragédie. C'est pourquoi, dans un élan extraordinaire, au nom de tous les Canadiens, le 11 juin 2008, ici, à la Chambre des communes, le très honorable Stephen Harper, alors premier ministre du Canada, a présenté des excuses formelles aux Premières Nations pour cette tragédie sans nom. C'était un moment magique, mais, malheureusement, c'était un moment que nous avons eu à faire parce que nous avons fait subir cette réalité à trop d'Autochtones.
Je vais me permettre de citer deux extraits des excuses du gouvernement canadien à l'endroit des Premières Nations. Le premier ministre Harper a dit:
L'héritage laissé par les pensionnats indiens a contribué à des problèmes sociaux qui persistent dans de nombreuses communautés aujourd'hui. Il a fallu un courage extraordinaire aux milliers de survivants qui ont parlé publiquement des mauvais traitements qu'ils ont subis. Ce courage témoigne de leur résilience personnelle et de la force de leur culture. Malheureusement, de nombreux anciens élèves ne sont plus des nôtres et sont décédés avant d'avoir reçu des excuses du gouvernement du Canada.
Si aujourd'hui, nous avons cette pièce législative à étudier, comme l'a si bien exprimé le premier ministre Harper à l'époque — cela a d'ailleurs été repris par tout le monde —, c'est que les gens qui élèvent leurs enfants aujourd'hui souffrent des horreurs qu'ils ont dû subir, eux et leurs ancêtres, au cours des 100 dernières années. Je cite à nouveau le premier ministre Harper:
Nous reconnaissons maintenant que nous avons eu tort de séparer les enfants de leur culture et de leurs traditions [...]. Nous reconnaissons maintenant qu'en séparant les enfants de leurs familles, nous avons réduit la capacité de nombreux anciens élèves à élever adéquatement leurs propres enfants et avons scellé le sort des générations futures, et nous nous excusons d'avoir agi ainsi.
C'est à cause de cela qu'on doit aujourd'hui étudier ce projet de loi visant à aider les gens qui ont été victimes de l'approche ministérielle que nous condamnons de façon très ferme aujourd'hui. Nous étudions ce projet de loi avec un bel esprit, et surtout avec un esprit sérieux, pour nous assurer qu'aucun problème de compétence ne vient entacher ou freiner l'élan de cette loi.
J'ai eu le plaisir de dire au départ que cela va faire bientôt quatre ans que j'ai l'honneur de siéger à la Chambre des communes, et cela va bientôt faire 11 ans que je suis élu au provincial ou au fédéral. Au cœur de mon action politique et de mes circonscriptions, tant provinciales que fédérales, se trouve la communauté autochtone de Wendake. Ce sont des gens que je suis très fier d'avoir représenté à l'Assemblée nationale et ici, à la Chambre des communes. Ces gens vivent dans le Nionwentsïo depuis des millénaires, mais ils se sont établis de façon permanente, depuis plus de 320 ans, pas tellement loin de l'endroit où je suis né et où j'ai grandi, c'est-à-dire Loretteville.
Cette communauté est modeste sur le plan du nombre, soit quelque 2 000 personnes, mais elle est extraordinairement positive et fructueuse, tant sur le plan économique, social et historique que sur le plan personnel. Voilà des gens qui vivent de façon très conciliante avec tout le monde. Ils sont un modèle et une inspiration pour toutes les Premières Nations quant à la façon dont les gens peuvent vivre ensemble. C'est avec grand honneur et fierté que je les représente à la Chambre et c'est à ces gens que je pense lorsqu'on débat de ce type de législation.
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Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat d'aujourd'hui sur le projet de loi, qui vise à promulguer la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.
Je profite de l'occasion pour parler d'un spectacle intéressant que j'ai pu voir il y a quelques semaines: le spectacle de danse New Blood. Ce spectacle exceptionnel, qui a remporté un grand succès, met en scène une histoire de réconciliation et allie la musique des Pieds-Noirs à la musique contemporaine de Peter Gabriel pour créer une oeuvre théâtrale extraordinaire qui célèbre l'histoire et les traditions des Pieds-Noirs.
Je signale à tous ceux qui aimeraient voir le spectacle que la troupe, qui a des liens étroits avec la nation des Siksika, comprend de nombreux élèves du secondaire. La première représentation a eu lieu en 2014, et de nouveaux élèves prennent la relève chaque année. Des représentations ont été données à bien des endroits dans le Sud de l'Alberta et sur quelques scènes en Colombie-Britannique. Ce spectacle, basé sur la vie d'un chef, raconte l'histoire d'un homme qui, sur le chemin de la réconciliation, finit par devenir chef de son peuple. L'enseignante qui a créé ce spectacle avait comme objectif d'amener sa troupe à Ottawa afin qu'un plus grand nombre de personnes puissent voir le spectacle.
Je crois que c'est une idée formidable, et j'ose espérer que le ministère du Patrimoine canadien comprend l'importance de ce genre de spectacle, puisque ce sont des jeunes autochtones canadiens qui y participent.
Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui s'inscrit dans la foulée du projet de loi , qui a été renvoyé à la Chambre par le comité du patrimoine.
J'adhère pleinement aux objectifs du projet de loi , qui sont importants pour les gens de ma circonscription.
La nation siksika, établie sur les berges de la rivière Bow, a déjà entrepris des démarches pour présenter en septembre un programme d'immersion dans la langue pied-noir. Ce sera une première. Ce programme sera d'abord offert aux élèves de la maternelle et de la première année. C'est un grand pas en avant pour que leur langue et leur culture prospèrent à travers les générations futures. Les élèves ont besoin de ce programme, qui connaîtra beaucoup de succès, je l'espère.
Néanmoins, bien que je sois tout à fait favorable au projet de loi , je déplore la manière dont le gouvernement l'a bâclé. Comme ce fut le cas pour le projet de loi , le gouvernement a présenté le projet de loi C-91 près de la fin de son mandat, ce qui l'a forcé à le faire adopter à toute vapeur. En fait, au comité, à peine 15 minutes avant l'heure prévue pour l'examen article par article du projet de loi C-91, les libéraux nous ont présenté plus de 20 nouveaux amendements.
Plus tôt, lors du débat sur le projet de loi et de la comparution de témoins, j'avais signalé les problèmes constitutionnels que soulèveraient, à mon avis, le projet de loi . Puis, des constitutionnalistes sont venus témoigner au comité, et ils ont signalé les mêmes problèmes. Ils estimaient que, sous sa forme actuelle, le projet de loi ne résisterait pas une contestation judiciaire.
Les amendements qui ont été apportés corrigeront peut-être les lacunes de la mesure législative. Cependant, cela ne change rien au fait que les projets de loi et ont tous les deux été rédigé trop hâtivement et tardivement. Les constitutionnalistes n'ont pas eu l'occasion de se pencher sur les amendements afin d'améliorer le projet de loi C-91 pour qu'il ne donne pas lieu à des litiges qui dureraient des années.
Le gouvernement ne devrait pas commettre les mêmes erreurs avec le projet de loi . Malheureusement, j'ai cru comprendre que le comité procède à une étude préalable et suit le même processus que pour le projet de loi C-91. Encore une fois, le gouvernement agit trop hâtivement.
Je comprends que le projet de loi cherche à affirmer le droit des gouvernements des Premières Nations, des Inuit et des Métis d'exercer leur compétence sur les services à l'enfance et à la famille en établissant des principes nationaux tels que l'intérêt supérieur de l'enfant, la continuité culturelle et l'égalité réelle pour guider l'interprétation et l'administration du projet de loi.
Ces principes visent à guider les communautés autochtones dans la prestation de services à l'enfance et à la famille. S'il atteint ses objectifs, le projet de loi permettrait aux familles élargies de rester ensemble, dans leur collectivité, ce qui est d'une importance cruciale. Je doute qu'on puisse s'opposer à cet objectif, mais j'ignore si la mesure législative permettra de l'atteindre.
Dans la foulée des excuses présentées en 2008 par le premier ministre Harper aux victimes des pensionnats autochtones, les conservateurs croient qu'il faut prendre des mesures pour réduire le nombre d'enfants autochtones pris en charge et qu'il faut faire amende honorable pour ce qui s'est passé dans ces pensionnats, de même que pour la rafle des années 1960.
Par exemple, ma mère a été l'une des premières enseignantes, après qu'on ait délaissé le système des pensionnats, à travailler dans le cadre d'un programme d'aide préscolaire de jour pour les enfants autochtones âgés de 4 et 5 ans de la réserve des Gens-du-Sang. C’était la première fois que des élèves de cet âge se retrouvaient chez eux, et non dans un pensionnat indien.
En fin de compte, cette mesure législative peut contribuer à réduire le nombre d'enfants autochtones placés en famille d'accueil. Elle est bien conçue, mais on a vu ce qui s'est passé avec le projet de loi . De nombreux témoins ont affirmé qu'on ne les avait pas consultés ou que leurs conseils n'avaient pas été pris en considération. On nous a d'abord dit qu'il y avait eu des consultations exhaustives. Puis les témoins ont parlé de six mois de consultations. Après quoi, on s'est rendu compte qu'il n'y avait eu des tentatives de consultations que pendant trois mois, puis tout compte fait, pendant trois semaines seulement. Il s'avère donc difficile pour nous de savoir ce qui s'est réellement passé quand on nous parle de consultations exhaustives.
Étant donné que le projet de loi vise à donner aux communautés autochtones un plus grand contrôle de leur programme de placement en famille d'accueil, j'espère que le gouvernement écoutera les témoins qui comparaîtront devant le comité. Sinon, ce ne sera qu'un exemple de plus de colonialisme de la part du gouvernement, colonialisme que le gouvernement prétend essayer d'éviter.
Le projet de loi ne cadrait pas avec les opinions en tous genres de nombreux témoins à son sujet. Ils avaient besoin de plus amples consultations. De plus, lorsque j'étais au comité, une très grande variété de témoins ont exprimé de nombreuses opinions différentes au sujet de la Journée nationale des peuples autochtones. Encore une fois, le gouvernement prenait toutes les décisions dans ce dossier.
Je sais que les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis sont toujours surreprésentés dans le système de placement en foyer d'accueil du Canada. Selon les données du recensement de 2016 de Statistique Canada, il y a près de 15 000 enfants autochtones de moins de 15 ans dans des familles d'accueil, ce qui représente 52 % des enfants placés au Canada. Manifestement, le système actuel n'est pas au service des enfants autochtones.
Je trouve respectable que le gouvernement prenne des mesures qui, selon lui, régleront le problème, même s'il a attendu jusqu'à la dernière minute pour présenter le projet de loi. Le projet de loi souligne la nécessité de mettre l'accent sur la prévention plutôt que sur la prise en charge. Lorsque l'on juge que la prise en charge va de l'intérêt supérieur d'un enfant, le projet de loi établit un ordre de priorité qui privilégie le placement d'un enfant autochtone auprès d'un membre de sa famille ou de sa communauté. De plus, le projet de loi met l'accent sur l'importance de garder les frères et soeurs ensemble quand leur intérêt supérieur le justifie. Cette approche me semble être bonne, mais fonctionnera-t-elle?
Même si je n'ai étudié le projet de loi que tout récemment, je suis impatient d'en apprendre plus au sujet de ce que prévoit faire le gouvernement pour mettre ce plan à exécution. C'est ce qui nous permettra de savoir s'il fonctionnera. Comme dans le cas des lacunes du projet de loi , je suis convaincu que le comité entendra des témoignages utiles sur la façon de corriger les lacunes potentielles du projet de loi à l'étude et de l'améliorer.
Une de mes préoccupations concerne en particulier la coordination de cette mesure législative avec les provinces et les territoires. J'ai appris que, le jour où le projet de loi a été présenté, le ministre des Services sociaux de la Saskatchewan, Paul Merriman, a affirmé au Réseau de télévision des peuples autochtones que le gouvernement fédéral avait préféré ne pas collaborer avec les provinces et les territoires pour rédiger ce projet de loi. Au cours de l'élaboration du projet de loi , les gens qui travaillent sur le terrain en éducation dans les communautés autochtones nous disaient ne pas avoir été consultés et, encore une fois, les provinces ont affirmé qu'elles n'avaient pas été consultées. Il y a un problème.
Il pourrait y avoir de gros problèmes de compétence dans ce dossier. J'espère que le comité réglera la question. Si le comité parvient à régler certaines lacunes, comme il l'a fait dans le cas du projet de loi , le projet de loi deviendra une meilleure mesure législative. Le pire qui pourrait arriver, c'est que nous consacrions du temps à un projet de loi et que celui-ci finisse par être contesté devant les tribunaux.