Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la réunion no 104 du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes.
[Français]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et aux motions adoptées par le Comité le 9 mars 2023 et le 5 décembre 2023, le Comité reprend son étude sur la reconnaissance des anciens combattants du golfe Persique et du service en temps de guerre.
[Traduction]
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Jean Yip. Elle remplace M. Miao.
[Français]
Avant de commencer, je demanderais à toutes les personnes qui participent à la réunion, que ce soit en personne ou en vidéoconférence, d'éviter de rapprocher leurs écouteurs de leur microphone lorsqu'elles parlent, parce que cela crée des retours de son qui peuvent causer des blessures auditives, surtout aux interprètes. Je demande donc à tout le monde d'agir avec prudence.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement.
Je vous rappelle que toutes les observations des participants doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
Nous entendrons Mme Nina Charlene Usherwood, qui témoigne à titre personnel et se joint à nous par vidéoconférence.
Je dois d'abord donner la parole à M. Blake Richards, puis ce sera à votre tour. Vous aurez cinq minutes pour vos remarques liminaires.
Monsieur le président, j'aimerais simplement obtenir quelques précisions sur le déroulement de nos réunions.
Nous avons convenu de consacrer quatre réunions à la présente étude et nous planchons actuellement sur un rapport. Cependant, je note qu'à la réunion d'aujourd'hui et à celle qui précédait, nous avons consacré une heure à des témoignages et une heure aux travaux du Comité. Je me demandais si ces réunions seraient considérées comme des réunions complètes.
En fait, j'essaie de me faire une idée du temps qu'il nous reste pour compléter l'étude en cours. Est‑ce que la réunion d'aujourd'hui et la réunion antérieure seront comptabilisées comme des réunions complètes, ce qui ne nous laisserait que deux réunions? Quelle est la procédure?
J'ai consulté le Comité, et je confirme que nous avons le rapport. Nous avons prévu environ deux réunions à cette fin, et nous le terminerons peut‑être cet après‑midi. Nous avions prévu quatre réunions pour l'étude. Nous y avons consacré deux fois une heure, ce qui correspond à une réunion complète. Chaque réunion est d'une durée de deux heures.
Il nous reste donc encore six heures pour boucler la boucle.
Madame Nina Charlene Usherwood, la parole est à vous. Vous disposez de cinq minutes pour vos remarques liminaires. Nous vous demanderons ensuite des précisions et nous vous poserons des questions sur votre exposé.
J'aimerais remercier le Comité de m'avoir invitée et d'écouter mon témoignage concernant mon expérience à titre de vétérane de la guerre du Golfe. J'ai été déployée à Doha, au Qatar, avec les « Desert Cats », du 30 novembre 1990 au 3 mars 1991.
À l'époque où le gouvernement a décidé de rejoindre la coalition des pays volontaires du président Bush, les Forces armées canadiennes s'étaient jusqu'alors concentrées sur la Guerre froide et l'invasion anticipée des Soviétiques en Europe de l'Ouest. Notre formation, nos exercices, notre équipement et même nos uniformes avaient été conçus pour les opérations en sol allemand. Alors que les navires de la marine naviguaient de par le monde, les avions de combat n'étaient déployés qu'en Europe.
Dès que j'ai été avisée que je serais prochainement déployée au Moyen-Orient, il est apparu clairement que les Forces armées canadiennes improvisaient. Elles n'avaient jamais envisagé un déploiement aérien ailleurs qu'en Europe, et encore moins au Moyen-Orient. D'ailleurs, elles n'avaient pas d'uniformes adaptés au désert ni l'équipement ou les installations nécessaires.
Avant même le déploiement du premier militaire canadien au Moyen-Orient jusqu'à ce que le dernier rentre au pays, les Forces armées canadiennes n'ont aucunement préparé leur participation à l'opération Tempête du désert. Cette improvisation s'est répercutée sur le traitement des vétérans de la guerre du Golfe, et ce, avant, pendant et après la guerre. J'ai fait les frais de cette improvisation dès le moment où j'ai été sélectionnée jusqu'à mon retour en Allemagne après la guerre.
Voici quelques exemples de cette improvisation.
Les seules bottes adaptées au climat tropical auxquelles les Canadiens avaient accès étaient des bottes pour la jungle. Nous les avons donc portées dans le désert. Nous n'avions pas de chapeau à large bord, alors nous nous sommes procuré des chapeaux de marque Tilley pour nous protéger du soleil du désert.
En tant que technicienne expérimentée, j'ai été chargée d'élaborer des programmes d'entretien des CF‑18 pour un déploiement qui s'étalerait sur plusieurs mois sans avoir accès aux installations que nous aurions au Canada et en Europe. Les CF‑18, tout comme les navires et les hélicoptères de la marine, ont rapidement été modifiés pour être utilisés dans l'opération Tempête du désert. Pendant que je me trouvais à Doha, j'ai dû élaborer à l'improviste des solutions pour réparer les CF‑18 défectueux en raison du manque d'équipement et d'installations.
Je peux vous fournir d'autres exemples si vous le voulez.
Lorsque je suis rentrée du Moyen-Orient en mars 1991, un autobus est venu me chercher à l'aéroport pour me ramener au pays de Bade, en Allemagne. À mon arrivée, personne n'est venu m'accueillir, à l'exception d'un infirmier chargé de fixer mes trois injecteurs d'atropine. À deux heures du matin, je me suis retrouvée à l'extérieur d'un édifice sombre, avec pour seuls objets ma cantine et un sac polochon. J'ai insisté auprès de l'infirmier pour qu'il me donne à nouveau accès à l'édifice afin d'appeler un de mes rares amis qui avaient un téléphone. Peu de Canadiens à cette époque possédaient un téléphone, puisque les lignes terrestres en Allemagne étaient très coûteuses.
L'improvisation était à nouveau évidente lorsque d'autres vétérans de la guerre du Golfe et de celle au Koweït se sont vu remettre des médailles. Étant donné que les membres de mon unité savaient que j'avais servi pendant la guerre du Golfe et que j'avais droit à une médaille, on m'a dit à deux reprises de le signaler et d'aller chercher ma médaille auprès d'un officier. Chaque fois, on m'a annoncé que mon nom ne figurait pas sur la liste des récipiendaires. Lorsque j'ai contesté cette situation auprès de la salle des rapports et que j'ai demandé des explications, on m'a répondu que je n'étais pas admissible. J'ai finalement reçu ma médaille dans une sobre enveloppe brune.
Les vétérans de la guerre du Golfe, y compris moi-même, avons reçu la médaille pour la libération du Koweït de la part de l'Arabie saoudite à l'occasion d'une cérémonie tenue devant nos pairs et d'autres spectateurs. J'ai reçu la médaille pour la libération du Koweït émise par le Koweït de la main de son ambassadeur devant mes pairs et d'autres observateurs.
Ni les Forces armées canadiennes ni le Canada ne m'ont remerciée pour mon service dans le cadre de l'opération Tempête du désert. L'entrée dans mon état de service indique tout simplement « 009803 MANNING LIST CATGME ». Il n'y a aucune mention du Moyen-Orient ni d'un conflit.
Je vous remercie d'avoir écouté mon témoignage sur mon expérience pendant la guerre du Golfe. Je serais ravie de répondre à vos questions.
J'aimerais d'abord vous remercier d'être ici aujourd'hui. Et j'aimerais surtout vous remercier d'avoir servi notre pays.
Vous avez eu cinq petites minutes pour vos remarques liminaires. Vous dites que vous avez dû composer avec des retards, notamment concernant la reconnaissance de votre service dans ce conflit au moyen d'une médaille. Je crois que c'est une remarque que nous entendons souvent de la part de vétérans dans divers contextes. Les vétérans de la guerre en Afghanistan, notamment, ont l'impression que la reconnaissance de leur service tarde, puisqu'ils attendent encore l'érection d'un monument commémoratif, et ce, depuis 10 ans.
Je voulais aborder ce sujet en premier. J'ai quelques questions à vous poser, mais j'aimerais commencer ici puisque je crois comprendre que vous vous impliquez auprès d'une organisation qui offre son appui à la construction d'un monument pour les vétérans faisant partie de la communauté LGBTQ+. Est‑ce exact?
J'en suis simplement membre. Je paie des cotisations et je suis le dossier. Une fois le monument terminé, j'espère pouvoir assister à son inauguration.
Si je vous pose la question, c'est que leur projet est bien plus avancé que celui du monument commémoratif de la guerre en Afghanistan. Je souhaitais vous demander des conseils sur ce que les vétérans de l'Afghanistan peuvent faire pour mettre de la pression, mais ce n'est peut-être pas une question opportune.
La seule chose que je pourrais souligner, c'est que le monument commémore tous les fonctionnaires fédéraux de la communauté LGBTQ, et pas seulement les militaires.
Je vais passer à ma prochaine question. J'en ai plusieurs, mais en voici une autre que je tenais vraiment à vous poser. Vous avez de toute évidence une vaste expérience militaire. Vous pourrez sûrement expliquer aux membres du Comité et aux observateurs la distinction entre la planification stratégique et tactique. Pourriez-vous s'il vous plaît expliquer brièvement la différence?
Étant donné que je suis technicienne, ce que je connais provient de mes lectures. Je n'ai pas reçu de formation militaire sur cette distinction. Le dernier rang que j'ai occupé était celui de sergente. Pendant la majeure partie de ma carrière, j'ai occupé celui de caporale. Les enjeux soi-disant « tactiques » ou « stratégiques » ne me concernaient pas vraiment. La majorité de mon travail relevait probablement davantage des tactiques que de la planification stratégique.
Pas de problème. Et je n'ai pas de formation militaire, mais je pourrais peut-être, du mieux que je le peux, tenter d'expliquer la distinction. Essentiellement, la planification tactique consiste à traiter les enjeux immédiats sur le terrain; par exemple, décider de neutraliser les nids de mitrailleuses. La planification stratégique consisterait plutôt à aborder les enjeux à long terme, élaborer un plan d'ensemble, un peu comme pour les débarquements lors du jour J de la Seconde Guerre mondiale.
J'aimerais savoir si vous pensez qu'une guerre peut être menée sans planification stratégique.
J'aimerais simplement apporter une précision puisqu'en fait, j'ai... j'étudie l'histoire dans mes temps libres. Les Forces armées canadiennes reconnaissent trois niveaux. Le niveau tactique, par exemple, consiste à neutraliser une mitrailleuse. Pour ce qui est du niveau opérationnel, l'invasion qui a eu lieu le jour J constituait une mission opérationnelle, par exemple. Il y a ensuite le niveau stratégique, où l'on planifie la guerre tout entière.
À propos de la coalition dirigée par les États-Unis, qui nous incluait en tant que Canadiens et qui a libéré le Koweït et détruit la capacité d'intervention de l'armée iraquienne de Saddam Hussein, je suppose que ce que j'essaie de comprendre, c'est si la portée de cette opération ne reflétait pas la mise en œuvre de la planification stratégique et, par conséquent, si elle peut être considérée — ou non — comme une guerre?
Absolument, c'était une guerre. Il y a eu beaucoup de planification stratégique. Comme pour l'opération canadienne dans l'exemple que vous avez donné, l'invasion du jour J, la majorité de la planification de haut niveau a été faite par les Américains et les Britanniques, pas par les Canadiens. Comme des Canadiens ont participé aux différents... mais nous étions, compte tenu de notre degré d'engagement et du nombre d'effectifs, d'équipement et de choses comme cela... En général, les gens qui participent vraiment à la stratégie sont ceux dont l'apport est le plus important.
J'ai l'impression que vous être d'accord avec moi lorsque je dis que tout le monde appelle la guerre du golfe Persique une « guerre », même si, pour une raison quelconque, cela ne semble pourtant pas être reconnu.
Êtes-vous d'accord pour dire que cela devrait être reconnu comme une guerre?
Bien franchement, je crois que le gouvernement du Canada n'aime pas nous percevoir comme des combattants. Il veut nous percevoir comme des gardiens de la paix. Il a minimisé notre participation dans différentes choses, comme l'opération de la poche de Medak en Yougoslavie. Le gouvernement n'en a même pas parlé lorsque des Canadiens ont été tués. Il a donné une fausse raison pour expliquer leur décès, malgré le fait qu'il connaissait la cause de leur décès dans les heures qui ont suivi — ce genre de chose.
À mon avis, des deux côtés de la Chambre, le gouvernement du Canada n'aime pas dire que nous sommes des combattants.
Sergeante Usherwood, je vous souhaite de nouveau la bienvenue au Comité. Je sais que les membres de ce comité vous sont très reconnaissants de vos témoignages au fil des ans sur un large éventail de sujets. Il vaut notamment la peine de mentionner notre dernière étude, qui a permis de produire le rapport intitulé Plus jamais invisibles.
À propos du sujet de notre dernier rapport — avant de passer à mes questions —, j'aimerais demander si vous avez eu la chance d'examiner le rapport Plus jamais invisibles et si vous pouvez présenter vos observations initiales au Comité.
Que pensez-vous des recommandations, et qu'espérez-vous voir grâce à ce travail?
J'ai lu le résumé du rapport, mais je n'ai pas encore eu le temps de le lire au complet. C'est mon intention, mais j'ai été extrêmement occupée cet été depuis sa parution. Je n'ai pas d'observations à ce sujet.
Au cours de la réunion de la semaine dernière, nous avons entendu un puissant témoignage de Kevin « Sammy » Sampson, vice-président de la Rwanda Veterans Association of Canada, à propos de ce rapport. Il a parlé de la façon dont il y a toujours un degré d'imprévisibilité pendant le service et de la manière dont les circonstances peuvent changer l'objectif d'une mission du jour au lendemain à cause de la situation à laquelle on fait face en temps réel.
Êtes-vous d'accord, et seriez-vous à l'aise de faire part de votre propre point de vue à ce sujet?
Je suis d'accord pour dire que c'est une question d'improvisation. Bien franchement, c'est ce qui fait la réputation de l'armée canadienne depuis la Première Guerre mondiale. Nous sommes mieux en mesure d'improviser que, par exemple, les unités de l'armée britannique. Je pense que l'improvisation est importante, mais pour être prêt à improviser, il faut notamment anticiper le déploiement possible. J'ai l'impression que les Forces armées canadiennes, comme je l'ai dit, ne s'attendaient pas à ce que nous combattions uniquement les Soviétiques en Allemagne. Je pense que la politique en tient compte.
Je vais dire que, durant ma carrière, qui a pris fin en 2022, je pouvais voir plus clairement que l'armée a tiré des leçons de la guerre du Golfe pour ce qui est du manque de préparation. Certaines de ces leçons ont servi, par exemple, pendant l'opération Impact. J'ai oublié le nom de l'opération en Libye.
À propos du sujet de cette étude, je suis curieux d'entendre à quel point vous pensez que les membres des Forces armées canadiennes, les anciens combattants et la population générale sont au courant des différentes catégories que nous étudions aujourd'hui.
Est‑ce une mesure spéciale? Est‑ce une guerre? Selon vous, combien de personnes sont au courant de ces catégories, surtout parmi les membres des forces armées par rapport aux anciens combattants puis, enfin, dans la population générale?
Je dirais que tous les militaires, après quelques années, deviennent bien conscients de la différence entre les anciens combattants qui ont fait la guerre et ceux qui ont servi dans une zone de service spécial, et ils savent ce que cela implique.
Nous sommes tous dans l'armée. Je ne sais pas. Peut-être que si vous remontez assez loin parmi les anciens combattants... Tous les anciens combattants, à l'exception peut-être de ceux de la Deuxième Guerre mondiale ou de la guerre de Corée, seraient au courant, car ils ont tous participé à des opérations et parfois fait la guerre, ils ont vu des camarades mourir à leurs côtés et ils n'ont pas été traités comme des anciens combattants qui ont fait la guerre.
Par exemple, à Chypre en 1974, avec l'invasion de l'armée turque, le régiment aéroporté à l'époque s'est battu pour maintenir sa position sur les lignes des Nations unies. Certains sont morts. Je pense que tout le monde dans l'armée en est bien conscient.
Vous dites que les personnes dans l'armée, après quelques années de service, connaissent bien la différence. De toute évidence, en tant qu'anciens combattants, ils sont plus au courant. Qu'en est‑il de la population générale? Les gens sont-ils au courant de ces catégories?
Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé un peu de la façon dont vous avez pris connaissance des définitions, de leurs différences et de votre réaction. Pouvez-vous dire comment vous vous êtes sentie lorsque vous avez pris connaissance des différentes catégories, établies en fonction du théâtre de guerre, et de ce que cela signifie?
J'en ai pris connaissance au fil du temps dans l'armée. J'ai réfléchi à mon service et à ce que cela m'a coûté. Je n'ai pas apprécié le fait qu'il y avait des zones de service spécial. J'ai reçu un diagnostic de cancer de la peau, et Anciens Combattants Canada l'a accepté. Le ministère a fait droit à ma demande. Puisque je n'étais pas dans une zone de service spécial, il n'a pas accepté le reste, mais comme il a accepté ma demande initiale, je m'en sors. Je vais accepter.
Cependant, en ce qui me concerne, je suis très consciente de la différence, surtout depuis les 10 dernières années.
Madame Usherwood, je vous remercie d'être parmi nous. Je crois qu'il s'agit de votre troisième visite. Merci de vous être rendue disponible encore une fois. Je vous remercie également de votre service.
Ma première question peut sembler un peu simple: vous qui avez participé à la guerre du Golfe, vous sentez-vous lésée, comparativement à vos collègues qui ont pris part aux deux grandes guerres et à la guerre de Corée?
Je n'ai pas droit aux différents avantages qui sont offerts. Si je décède, les membres de ma famille ne deviendront pas le partenaire ou les personnes à charge d'une personne qui a fait la guerre. Non, c'est simple. La différence est très claire, et comme je l'ai dit, tout le monde dans l'armée est au courant.
Pourriez-vous nous expliquer un peu plus en détail la différence, sur le plan financier, entre le fait d'avoir participé à une guerre reconnue et le fait d'avoir participé à une guerre qui n'est pas reconnue ou, selon les termes employés, à un service spécial?
Puisque la Charte des anciens combattants est entrée en vigueur en 2006, je ne peux pas faire de comparaison directe. Il aurait fallu un changement à la limite mensuelle maximale prévue dans la Charte pour pouvoir nous approcher au même montant d'argent offert pour la même blessure subie par un ancien combattant de la guerre de Corée ou même, en fait, un ancien combattant blessé à Chypre, pour reprendre l'exemple que je vous ai donné.
Ces anciens combattants peuvent avoir une prestation viagère plus élevée. Je sais que d'autres anciens combattants reçoivent plus de 4 000 $ par mois, alors que j'en reçois 1 700 actuellement. On me dit que j'ai atteint le maximum, même s'il a été établi que je suis invalide à 100 % — eh bien, à 108 % maintenant.
Avez-vous l'impression que, dans le cadre de vos missions, et en particulier celle de la guerre du Golfe, vous avez dû affronter le même genre de dangers que les gens ayant participé aux grandes guerres reconnues?
J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je suis vraiment désolé de l'interruption.
Il y a une réaction acoustique en ligne, et j'ai remarqué que les interprètes l'entendent un peu plus fort que nous, et je me demande donc si vous pouvez faire une vérification.
Exactement, mais je ne sais pas si les techniciens peuvent faire quelque chose. Nous savions dès le début que cela ne fonctionnait pas très bien. Est‑ce que cela va? Oui, on se penche là‑dessus. Nous devrions peut-être continuer, mais je vais continuer de regarder dans la direction des interprètes pour voir si nous devons arrêter.
Je suis désolé, madame Usherwood. Je ne sais pas si vous aimeriez que M. Desilets répète la question, mais je vous en prie.
Je vous demandais simplement si vous aviez l'impression d'avoir fait face, lors de votre participation à la guerre du Golfe, aux mêmes risques, dangers et blessures potentiels que vos collègues ayant participé aux autres guerres qui, elles, sont reconnues.
Pendant la nuit du 25 février et le 26 février, Saddam a lancé tous les missiles Scud qu'il lui restait. L'alerte, que j'avais déjà entendue à maintes reprises, s'est alors déclenchée. Mes mains étaient recouvertes du carburant provenant du CF‑18 que je réparais, car nous n'avions pas d'équipement de protection adéquat à ce moment‑là. Pendant un moment, je me suis demandé si je devais réagir et me mettre à l'abri ou tout simplement poursuivre le travail, ce qui m'aurait permis de remettre le panneau en place et de colmater la fuite de carburant qui tombait sur le sol.
J'ai finalement décidé de me mettre à l'abri. Il y avait un abri pour aéronefs renforcé à proximité. Pendant ce temps, le carburant s'est vidé. Le missile Scud a toutefois raté l'endroit où je me trouvais. Certains d'entre nous — pas moi, mais certaines des autres personnes présentes — sont allés voir le cratère creusé par l'explosion. Si ma mémoire est bonne, il avait 20 pieds de large et 15 pieds de profondeur. Même dans l'abri, je ne serais plus là s'il avait été touché. La même nuit, un autre missile Scud a été lancé sur un entrepôt que les Américains utilisaient comme casernement. Vingt-huit personnes sont mortes et plus de 100 ont été blessées.
Oui, j'étais exposée au même danger que les autres.
Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais n'y a-t-il pas aussi une blessure à l'ego? Je comprends qu'il y a des différences en matière de salaire et de pension, entre autres, mais n'y a-t-il pas une blessure à l'ego liée au fait que l'important travail que vous avez accompli n'a pas été reconnu à sa juste valeur?
À mon avis, l'armée n'a pas reconnu une grande partie de mon service, d'entrée de jeu, tout au long de ma carrière. Je ne sais pas si cela a blessé mon... Je suppose que ce n'est pas tant une question d'ego, mais pour les nombreuses choses que j'ai accomplies dans l'armée, j'ai vécu un manque de reconnaissance et un manque de leadership fondé sur des principes éthiques. J'ai subi des blessures morales, ce qui, encore une fois, n'est pas accepté par Anciens Combattants Canada. Le ministère m'a donné un diagnostic de traumatisme.
Merci d'être ici, madame Usherwood. Je vous en suis très reconnaissante.
Je veux également saisir de nouveau l'occasion pour vous remercier de votre service et de votre générosité envers le Comité, car vous venez nous rencontrer et nous sensibiliser chaque fois. Je vous en remercie.
Ma première question pour vous. C'est un peu comme deux questions regroupées. J'aimerais vraiment que vous disiez au Comité quelles sont les répercussions de votre participation à la guerre du Golfe sur votre santé mentale et physique. La deuxième partie que je veux ajouter à cela... Vous avez dit dans votre introduction que le Canada ne vous a jamais remerciée pour votre service pendant cette période.
Pouvez-vous dire quelles ont été pour vous les répercussions mentales et physiques de cela ainsi que les conséquences dans un contexte où le Canada n'est pas reconnaissant pour les services rendus ou ne les reconnaît pas?
Lorsque la guerre a pris fin et que je suis retournée en Allemagne, je n'étais pas consciente de la moindre répercussion sur ma santé. À l'exception de la colère attribuable au traitement qu'Anciens Combattants Canada nous a réservé vers la fin des combats, je ne pensais pas que le temps que j'avais passé dans le Golfe avait la moindre conséquence pour moi. J'étais au courant du syndrome de la guerre du Golfe, et je ne pensais pas en souffrir. C'est ce que j'aurais dit pendant des années.
Cependant, j'ai récemment reçu un diagnostic de tachycardie sinusale inappropriée. Lorsque je suis détendue, que j'écoute la télé ou quelque chose du genre, que je regarde un film, mon rythme cardiaque augmente soudainement. Il augmente de 30 battements par minute et reste là. Il ne bouge plus. Il est déjà resté élevé de cette façon pendant toute une nuit de sommeil. Je ne sais pas à quoi c'est attribuable, et on n'a pas réussi à le déterminer jusqu'à maintenant. Je fais faire un autre examen demain. Il permettra peut-être de trouver la cause.
Je suis consciente que, pendant la guerre du Golfe, j'ai pris des comprimés de bromure de pyridostigmine toutes les huit heures chaque jour pendant presque un mois. On nous a demandé d'en prendre parce que, si nous étions exposés à du sarin, nous avions les injecteurs d'atropine, ce qui aiderait notre cœur à battre, mais si la quantité à laquelle nous étions exposés n'était pas suffisante, on nous a dit que l'atropine pouvait nous tuer et que nous avions besoin du bromure de pyridostigmine, des comprimés, pour nous aider à ne pas mourir à cause de l'exposition à l'atropine.
De plus, nous avons pris des antibiotiques toutes les 12 heures pendant des semaines. Lorsqu'on fait le calcul, cela signifie que nous étions censés prendre une pilule toutes les quatre heures.
Une autre chose qui s'est produite, c'est qu'il y avait un vaccin contre la fièvre charbonneuse, et il existait depuis des années, pour lutter contre la bactérie. Les personnes responsables ont décidé que nous devions le recevoir. Pour déterminer qui allait le recevoir, elles ont consulté la date à laquelle nous devions rentrer en Allemagne ou au Canada. Comme le vaccin était donné en trois étapes, si le retour prévu en Allemagne ou au Canada devait avoir lieu avant que la troisième dose soit administrée, on ne le recevait pas. Par conséquent, les personnes comme moi, qui devaient le recevoir quatre jours après la date prévue de leur retour, commençaient à recevoir leurs doses. Les personnes qui devaient partir une semaine avant moi ne les recevaient pas.
De plus, nous étions exposés aux puits de pétrole en feu. À partir du moment où il a mis le feu aux puits, nous n'avons plus jamais revu toute la lumière du soleil dans le Golfe, rien de moins. La première fois que j'ai vraiment revu le soleil, c'est lorsque j'ai pris l'avion pour retourner en Allemage et que nous avons décollé. Nous avons soudainement vu la lumière du soleil briller. Ce n'était pas un jour ennuagé. Il n'y avait pas de nuages dans le ciel. J'ai regardé par le hublot de l'avion Hercules, et j'ai pu voir partout le cercle de fumée, d'un horizon à l'autre. C'était totalement noir. J'ai déjà vu de mauvaises conditions météorologiques avant, y compris même des conditions attribuables à la poussière dans le Sud, mais rien de comparable. C'était un noir pur, comme le noir de la monture de vos lunettes.
J'ai le cancer de la peau, et Anciens Combattants Canada a dit qu'il allait accepter ma demande parce que je me trouvais dans une zone de service spécial. Il a fallu au ministère un certain moment pour l'accepter.
J'ai dit ce que j'ai ressenti pendant l'attaque de missiles Scud que nous avons subie. La première nuit que la guerre a commencé était celle du 16 au 17 janvier. Nous nous étions entraînés pour la possibilité de ce genre de guerre nucléaire, biologique et chimique en Europe. Quand j'y repense maintenant, ce que nous avons fait était une blague, mais nous avons...
J'avais ma combinaison de guerre nucléaire, biologique et chimique. Nous savions que la guerre commençait. Même avant le début de la guerre, on nous a dit de l'apporter au centre-ville, lorsqu'on nous a permis d'y aller. Je ne sais pas ce que les gens de la place auraient pensé si nous avions entendu une alarme et soudainement mis cette combinaison que personne d'autre n'avait.
(1605)
Je pensais que c'était une perte de temps, mais nous l'avions, et le premier soir, l'alerte a été déclenchée cinq fois. Chaque fois, je mettais l'équipement complet, y compris mon masque à gaz. J'étais couchée sur le lit; je n'étais pas en service à ce moment‑là. J'ai regardé la mince toiture de l'ancien camp de travailleurs du CD1. Je me suis dit: « Eh bien, je suis certainement protégée des missiles Scud avec cette mince tôle au‑dessus de la tête. »
Finalement, aucun missile n'est venu dans notre direction. Ils étaient tous dirigés vers l'Arabie saoudite ou Israël, mais nous n'avions aucun moyen de le savoir. Ce fut une nuit très tendue.
Lorsque je suis allée au lit, le 23 février 2022, je savais que Poutine allait lancer ses missiles et son attaque contre l'Ukraine. C'était évident, d'après les nouvelles. Je suis les nouvelles, alors c'était très évident pour moi.
Je me suis réveillée au milieu de la nuit. Premièrement, je rêvais que j'étais de retour à Doha et que je regardais le toit. Je me suis réveillée au milieu de la nuit et j'étais convaincue d'être à Doha, car je savais ce que vivaient les Ukrainiens. Je sais ce que c'est que d'avoir peur. Je sais ce que c'est que d'être couchée là et de savoir qu'il n'y a rien qui peut nous protéger vraiment.
Si un missile Scud nous avait frappés directement, l'endroit où l'on était n'aurait même pas eu d'importance. Nous serions morts. Toutefois, le seul Scud qu'il a tiré dans notre direction... Ils ont tiré 88 missiles Scud, et celui qui a été tiré vers nous n'était pas...
Je crois que vous êtes la prochaine, madame Wagantall.
Madame Usherwood, je tiens d'abord à vous remercier de votre présence aujourd'hui et de votre service.
Il s'agit de notre deuxième heure, mais c'est aussi notre première journée consacrée à l'étude dans son ensemble. Il a été fort intéressant d'entendre, comme vous l'avez dit plus tôt, par rapport à... Notre étude porte sur une durée accrue, le service spécial, et la différence. La semaine dernière, nous avons accueilli un invité spécial, M. Kevin Sampson, qui était ici également, et j'ai trouvé son témoignage très intéressant. Je pense que vous avez parfaitement raison lorsque vous dites que seuls les membres des Forces armées canadiennes peuvent vraiment comprendre la situation. Le reste de la société ignore tout de ces questions.
Ce que je retiens vraiment des deux réunions jusqu'à maintenant, c'est que la principale raison pour laquelle ils ne sont pas reconnus — ou pour laquelle on estimait qu'ils ne le sont pas —, c'est que cela représenterait un enjeu financier important pour le gouvernement. C'est probablement la principale réponse au « pourquoi ». Maintenant, dans votre témoignage, vous avez dit que c'est lié à la façon dont le gouvernement perçoit la différence entre les soldats du maintien de la paix et les combattants de guerre. Pendant votre affectation, vous étiez une combattante.
Je me demande si vous pourriez en dire davantage sur cet aspect et sur l'aspect financier.
J'appelle cela le mythe du maintien de la paix. Au Canada, on dit que Lester Pearson a inventé le maintien de la paix. Eh bien, je ne sais pas ce qu'en aurait pensé le brigadier-général Angle, qui est décédé en 1948, ou 1949 ou 1950 — j'ai oublié. Il est mort cinq ou six ans avant la crise de Suez, dans le cadre d'une mission de maintien de la paix de l'ONU, une mission toujours en cours aujourd'hui.
Comme je l'ai dit, il existe au Canada un mythe quant à la nature des missions de maintien de la paix. C'est ce que j'ai vu. Lorsque des Canadiens meurent lors de missions de maintien de la paix, ils ne sont pas reconnus, en général, car cela montrerait que cela ne correspond pas à l'image qu'on s'en fait, « Oh, nous allons là avec nos Casques bleus et nos véhicules blancs et nous levons les mains en l'air. » Non: des Canadiens meurent.
Si je me souviens bien, 118 militaires sont morts dans le cadre de missions de maintien de la paix. Pour faire cela, pour se tenir debout devant quelqu'un... Il y a l'exemple de Gandhi, qui se tenait là et acceptait sans broncher les gestes d'un autre, mais ce n'est pas la même chose que ce qui se passe en Ukraine, par exemple, ou à Gaza ou au Liban, d'ailleurs... Ils ne s'arrêteront pas. En passant, il y a des Casques bleus actuellement dans la région entre Israël et le Liban, sur le plateau du Golan, etc. Ils sont toujours là. C'est une autre mission de maintien de la paix qui a commencé huit ans avant la crise de Suez — en 1948, je crois —, et c'est là qu'a été tué un premier soldat, un soldat de l'armée française.
Non, le gouvernement canadien se refuse à l'idée qu'il y a des militaires canadiens qui meurent. Je pense que les Canadiens font mieux. Ils ne nous blâment pas d'aller là où le gouvernement nous envoie. Ils comprennent. On peut leur faire porter le blâme pour les décisions stratégiques du gouvernement quant aux lieux où nous sommes déployés, mais pas pour le décès de militaires canadiens. Ceux d'entre nous qui sont morts s'étaient portés volontaires. Il n'y a pas un seul soldat canadien qui a combattu qui n'était pas volontaire, sauf lors de la Première Guerre mondiale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les conscrits ne sont jamais allés en Europe.
Une autre chose que j'ai entendue et qui m'a un peu fâché, je suppose, c'est lorsque vous avez raconté que vous n'aviez pas reçu votre médaille au début, que vous l'aviez ensuite reçue, puis qu'on vous a dit que vous n'y aviez pas droit. Je n'ai pas eu l'impression qu'on a été reconnaissant de votre service. À cette époque, est‑ce que beaucoup de gens avaient l'impression qu'ils étaient... ou qu'ils n'avaient pas eu droit aux remerciements qu'ils méritaient? C'est la première chose.
Deuxièmement, comme vous le savez, nous avons de la difficulté à recruter. Selon vous, nos façons de composer avec notre passé sont-elles en train de nous rattraper aujourd'hui?
Il y a assurément d'autres gens qui ont ressenti cela. Certaines médailles — la première — n'étaient pas de qualité. À vrai dire, certaines s'écaillaient. Comparativement à n'importe quelle autre médaille fabriquée depuis, ma médaille semble encore de mauvaise qualité.
Pour ce qui est du recrutement, je suppose que c'est possible, mais je ne pourrais pas dire pourquoi avec certitude. Évidemment, je ne veux pas aller en Russie ni aux États-Unis, d'ailleurs, où le patriotisme est omniprésent. Je ne veux pas me retrouver à côté d'une personne munie d'une carabine, mais qui ne veut pas vraiment être là et ne croit pas vraiment en ce que nous faisons. Je n'ai jamais voulu cela. Nous ne voulons pas cela. Je pense que le temps est presque écoulé.
Sergente Usherwood, je tiens également à vous remercier d'être des nôtres aujourd'hui pour nous parler de vos expériences. Je vous remercie également de votre service. Je suis navrée qu'on ne vous ait pas exprimé de la reconnaissance assez souvent.
Je pense que ma collègue, Mme Rachel Blaney, a pris les questions que j'avais préparées pour vous. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de tous les affronts que vous avez subis, je crois. Vous avez parlé de la médaille, et vous venez juste d'en parler de nouveau. Vous avez dit que lorsque vous étiez dans le désert, vous avez dû vous débrouiller pour trouver l'équipement approprié afin de modifier les CF‑18 rapidement à la volée.
Selon vous, quelle est l'incidence générale de ces affronts? À votre avis, est‑ce assez fréquent chez vos pairs, ou pensez-vous qu'on vous a prise à partie?
Je pense que c'est très courant chez mes pairs. Le ressentiment découle de... Nous considérons qu'il s'agit d'une guerre. C'était une guerre. Sur la base où je me trouvais, à Doha, il y avait aussi un escadron américain. Trois de leurs aéronefs ont été abattus et tous les pilotes ont été battus par les Irakiens. Dès le premier jour, nous étions conscients que nous étions en zone de guerre. Maintenant, cela fait environ 35 ans. La plupart des gens qui ont servi à l'époque sont partis. J'étais l'une des dernières personnes à être encore là, je suppose.
Oui, les gens étaient certainement conscients de cela à l'époque. De même, les gens que je connais qui ont servi en Afghanistan éprouvent du ressentiment par rapport au traitement qu'on leur a réservé.
J'ai été émue lorsque vous avez mentionné que le ressentiment est venu après coup, lorsque cela a commencé à vous peser.
Notre rôle, en tant que comité parlementaire, est de trouver des solutions. Qu'est‑ce que vous souhaiteriez le plus voir après la séance d'aujourd'hui? Selon vous, quels avantages devriez-vous recevoir, mais que vous ne recevez pas?
À votre avis, quels changements législatifs devrions-nous apporter?
Je pense que le gouvernement doit reconnaître que le recours aux « zones de service spécial » pénalise les anciens combattants qui servent dans ces régions parce que cela nous empêche littéralement d'obtenir certaines allocations.
Il y a une allocation vestimentaire, par exemple. Je ne sais pas vraiment ce que c'est, parce que je savais que je n'y avais pas droit. Donc, je ne me suis jamais renseignée.
Si j'étais morte en service... En fait, c'était avant la Charte des anciens combattants. Donc, cela a tout changé. Actuellement, si un militaire décède, sa conjointe reçoit la moitié de sa pension militaire, mais n'est pas considérée comme veuve de guerre ou conjointe de guerre si son conjoint décède. Dans les faits, cela a une incidence sur les montants que la personne reçoit.
Le montant maximal qu'on peut obtenir pour douleur et invalidité — ou peu importe comment vous voudrez l'appeler, puisque cela a changé de nom à maintes reprises — est littéralement moindre parce que ce n'est pas considéré comme une période de guerre.
La Charte des anciens combattants, qui a été adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes, n'a pas fait l'objet d'un examen. Mes collègues militaires et anciens combattants et moi sommes d'avis que c'était, pour le gouvernement, une façon d'économiser en imposant un plafond absolu sur le montant qu'une personne peut recevoir. À l'origine, c'était seulement un plafond absolu, mais maintenant, ils affirment que c'était loin d'être équitable, de sorte que nous pouvons obtenir une pension à vie. Cependant, nous ne pouvons pas obtenir le même montant de pension. Cela a commencé avec la Nouvelle Charte des anciens combattants, en 2006.
Pour mon cancer de la peau qui pourrait bien me tuer, j'ai une invalidité à 5 %. Pour mes problèmes de pieds attribuables au port des bottes, j'ai une invalidité à 5 %.
À l'époque où un montant m'a été accordé pour mon cancer de la peau, je recevais environ 80 $ par mois. Pour mes problèmes de pieds, c'était 360 $ par mois, parce que j'ai fait ma demande à cet égard avant l'entrée en vigueur de la Charte des anciens combattants, tandis que ma demande pour le cancer de la peau a été faite après. C'est aussi simple que cela.
Madame Usherwood, j'aimerais savoir ce que vous ressentez lorsque vous voyez des militaires des trois guerres être reconnus sans avoir été déployés, comparativement à vous et à ce que vous avez vécu pendant la guerre du Golfe.
Tous ceux qui servent dans les forces savent très bien que nous n'avons pas à aller dans un autre pays pour être en danger. En 1984, à Cold Lake, j'ai attaché un pilote de F‑18 dans son appareil. Il s'est envolé vers le champ de tir de Cold Lake — Cold Lake, en Alberta, se trouve à quelque 60 ou 70 milles —, et il n'est jamais revenu. Le même été, un pilote de T‑33 et un technicien qui prenait place à l'arrière ne sont jamais revenus.
Nous savons tous qu'on n'a pas à être déployés pour mourir. Il y a au moins 1 800 noms dans le septième Livre du Souvenir, et bon nombre de ces militaires ont été tués au Canada. Nous savons tous que, pendant notre service, nous pourrions... Je pense qu'il faut reconnaître les gens pour ce qu'ils font. Si je l'avais vraiment voulu, j'aurais probablement pu partir de la région du Golfe. Il suffit de passer un examen médical. Je ne pense pas qu'il est si difficile de l'éviter et de ne pas y aller.
Après l'adoption du projet de loi par le Parlement, la charte est entrée en vigueur en 2006. Or, ce que vous souhaitez, au fond, c'est que toutes les personnes ayant servi dans le cadre de missions, peu importe lesquelles ou peu importe le lieu où elles se sont déroulées, soient sur un pied d'égalité.
En fait, j'aimerais que la Charte soit abrogée parce qu'elle impose des plafonds. Aujourd'hui, si elle s'appliquait à tout le monde, les anciens combattants de la guerre de Corée perdraient une partie de leurs prestations actuelles.
Dans votre exposé, vous avez indiqué avoir finalement reçu la médaille de la guerre du Golfe dans une enveloppe brune. Vous avez également reçu la Médaille de la Libération du Koweït. Dans ces processus... Premièrement, concernant la médaille de la guerre du Golfe, avez-vous fini par découvrir ce qui avait entraîné cette confusion? Vous a‑t‑on donné des explications au sujet de cette valse-hésitation et indiqué pourquoi la médaille vous a été remise dans une enveloppe brune?
Deuxièmement, dans certains témoignages, on nous a dit que parfois, certaines médailles qu'on vous décerne ne peuvent pas être portées du côté du cœur. Il faut les placer de l'autre côté. Est‑ce le cas pour la Médaille de la Libération du Koweït?
Pour répondre d'abord à votre deuxième question, ces médailles ne peuvent pas être portées avec les autres médailles. C'est ce que prévoit la politique du département d'héraldique, ou peu importe le nom, qui relève de la gouverneure générale. Je n'ai pas ce problème. Cependant, pour parler franchement, la médaille de l'Arabie saoudite a bien meilleure apparence que la médaille canadienne qui, comme je l'ai dit, semble de mauvaise qualité. Lorsque j'ai vu que la médaille commençait à s'écailler, d'autres m'ont dit: « Wow, c'est toute qu'une médaille. » Les décorations des Forces canadiennes sont bien estampillées, mais pas dans ce cas‑là. J'ignore si on a fini par les remplacer. À l'époque, on fabriquait des médailles estampillées de piètre qualité.
La première partie de votre question portait sur la raison pour laquelle je l'ai reçue dans une enveloppe brune et tout le reste.
Une personne de la salle des rapports a décidé que rien n'indiquait que j'avais été déployée là‑bas, et donc que je ne devais pas la recevoir. Je ne pense pas que cette personne a consulté qui que ce soit. C'est une décision qu'elle a prise de son propre chef. Si j'ai fini par l'obtenir, c'est parce que j'ai insisté. Autrement, je ne l'aurais pas reçue.
Dans les forces, nous avons ce qu'on appelle des « thousand-milers », qui sont des enveloppes réutilisables que l'on referme avec une ficelle. Si je veux vous envoyer quelque chose, c'est à vous que je l'adresse. Lorsque vous la recevez, vous pouvez ensuite l'utiliser pour envoyer quelque chose à quelqu'un d'autre. Il vous suffit de barrer l'adresse précédente avec un stylo et d'écrire une nouvelle adresse. Nous les appelons des « thousand-milers » parce qu'elles peuvent voyager longtemps. Je ne sais pas si on les utilise encore, mais c'est ce que j'ai reçu.
Merci, sergente Usherwood, de votre service, mais aussi de la façon dont vous nous avez expliqué la situation aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
J'ai seulement une question à poser, car mon temps est limité. L'association de la guerre du Golfe a présenté une pétition à la Chambre des communes en mars 2023 pour demander au gouvernement du Canada de reclasser la guerre du Golfe et la libération du Koweït de la catégorie « zone de service spécial » à la catégorie « service en temps de guerre » dans toutes les politiques canadiennes pertinentes. L'argument principal était que, bien sûr, si on désignait cette guerre comme un service en temps de guerre et étendait cette définition aux vétérans du golfe Persique, il faudrait l'élargir à tous les vétérans déployés après la guerre de Corée.
Les ministres sont toujours tenus de répondre aux pétitions. Voici la réponse déposée par le ministre de la Défense nationale. J'aimerais que vous prétendiez que je suis le ministre de la Défense nationale. Je vais lire la réponse, et j'aimerais obtenir votre réaction, comme si j'étais le ministre. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Cette catégorisation ne vise pas à accorder plus ou moins de respect au service accompli par les militaires et les anciens combattants. Aucune des deux catégories ne représente un risque moins élevé pour les personnes déployées.
C'est exactement mon interprétation. Je pense que c'est ainsi que les choses se font depuis le début. Cependant, cette catégorisation a des répercussions lorsqu'on s'adresse directement au ministère des Anciens Combattants.
Lorsqu'ils quittent les forces, la plupart des gens regardent en arrière et réfléchissent à cela. Ce fut particulièrement mon cas, car j'allais avoir 60 ans. J'ai regardé en arrière et j'ai réfléchi à diverses choses que j'avais faites au cours de ma carrière.
Les hauts gradés de l'armée sont conscients de ce que cette différence signifie et de son incidence sur les vétérans. Comme je l'ai dit, après quelques années, tous les militaires connaissent la différence. Tant pour l'armée que pour ACC, on n'est pas un vétéran.
Le degré de respect n'est pas le même, alors que vous avez certainement affronté les mêmes risques, d'après ce que nous avons entendu aujourd'hui au sujet de votre service. Merci.
Sergente, je vous remercie d'avoir servi votre pays, et tout particulièrement de témoigner de nouveau pour aider le Comité à s'y retrouver dans certaines de ces discussions difficiles.
J'aimerais revenir sur quelque chose dont vous venez de parler avec M. Desilets. Cela m'a fait penser à l'époque où j'étais secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale. J'ai vraiment aimé que vous ayez fait remarquer qu'on n'a pas besoin d'être déployé pour servir son pays et mourir pour lui. Assis ici, je réfléchissais aux deux soldats que nous avons perdus récemment à Petawawa, lors de l'écrasement qui s'y est produit. J'ai eu l'occasion de visiter le lieu de l'écrasement. Le commandant de la base m'a expliqué le déroulement des choses et raconté certaines histoires sur l'opération de sauvetage. C'était vraiment incroyable d'entendre certains récits précis sur ce terrible accident. Je pense que nous devons garder à l'esprit que nous parlons de service lorsque nous parlons de service volontaire et de l'importance de reconnaître le mérite de tous ceux qui servent le pays.
Dans nos circonscriptions, nous avons tous différentes organisations qui aident les vétérans et qui contribuent à maintenir le lien entre les communautés et le service militaire. Évidemment, j'ai les légions à l'esprit. Il y a une chose qui m'a vraiment dérangé. Il y a un certain nombre de légions dans ma circonscription. Chez l'une d'entre elles, j'ai vécu une expérience révélatrice dès le début, quand j'étais nouveau député. Lorsque j'ai demandé si des vétérans de l'Afghanistan ou de la guerre du golfe Persique étaient membres de notre légion locale, l'un des membres de la Légion a répondu que ce n'étaient pas des vétérans. Cela m'est resté en tête. Heureusement, cette personne ne fait plus partie de la Légion. Je suis très fier de mes légions et de nos dirigeants, mais j'ai trouvé que c'était un point de vue très intéressant de la part de quelqu'un qui était là pour défendre et remercier ceux qui ont servi le pays, tous ceux qui l'ont servi dans les Forces armées canadiennes.
Je me demande ce que vous pensez des différences de classification. En avez-vous fait les frais? Avez-vous entendu parler de gens qui ont reçu un niveau de service différent parce qu'ils ont servi dans un conflit plutôt que dans un autre?
Je ne peux pas dire que j'en ai fait personnellement l'expérience. Je ne m'identifie pas à la Légion. Je ne m'y intéressais pas avant parce que, à dire vrai, j'étais plus jeune quand je me suis enrôlée. Quand je suis revenue du golfe, il restait encore beaucoup de combattants de la guerre de Corée et même de la Seconde Guerre mondiale. Les légions ne m'auraient pas vue comme une vétérane parce que le gouvernement ne me considère pas comme telle.
Il y a peut-être 10 ans, j'ai écouté un représentant du ministère des Anciens Combattants, je crois, parler des nouveaux vétérans par opposition aux anciens vétérans. C'est le gouvernement, c'est certain. Je crois que c'était le ministère des Anciens Combattants. Ce représentant a parlé des nouveaux vétérans et du fait qu'ils différaient des anciens vétérans. L'une des personnes assises à côté de moi et qui écoutaient ces propos avait combattu dans l'ancienne Yougoslavie. Il était furieux d'entendre un représentant du gouvernement dire cela.
Nous ne sommes pas considérés comme des vétérans par le gouvernement parce que nous ne nous sommes pas battus en temps de guerre.
Nous vous avons entendus, vous et d'autres témoins, dire que c'est une question d'argent, mais je pense que vous avez laissé entendre que cela va plus loin. C'est un problème réel et potentiellement culturel. Nous avons brièvement parlé du maintien de la paix par opposition au service en temps de guerre. Croyez-vous que ce n'est pas seulement une question d'argent?
Je pense que c'est les deux, mais le gouvernement ne veut pas soutenir ses vétérans depuis la Première Guerre mondiale. Il a tenté d'éviter de les soutenir autant qu'il le devrait pour des questions d'argent.
C'est à mon tour de remercier Mme Nina Charlene Usherwood. Au nom du Comité et en mon nom personnel, je tiens vraiment à vous remercier de nous avoir fait part de votre opinion.
[Français]
Chers collègues, nous allons suspendre la séance un instant, avant de la poursuivre à huis clos pour faire le travail au sujet de notre étude sur la transition à la vie civile.